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La méthode statistique

Spécificité des statistiques


D’après vous, quelle peut être la spécificité des statistiques ? Quels sont ses intérêts mais
aussi ses limites ?
• Instrument d’objectivation : il permet de se défaire de ses préjugés, d’opinions
subjectives véhiculés par un discours commun. Par exemple : « Les parents des familles
populaires ont démissionné, elles ne s’occupent pas de la scolarité de leurs enfants … »
Opinion très répandue chez les enseignants du secondaire ! Mais le calcul du temps
consacré par les parents à l’aide au travail scolaire selon les milieux sociaux vient
démentir ce mythe.
• Méthode quasi-expérimentale selon Durkheim dans la mesure où elle permet de faire
émerger les « variations concomitantes » régulières. Cela signifie que si l’on prend un fait
social, une caractéristique comme par exemple le suicide chez Durkheim, les résultats
statistiques révèlent des variations selon certaines caractéristiques individuelles. Ainsi, de
façon régulière dans le temps, les taux de suicide sont plus fort chez les hommes que chez
les femmes ; de même, les taux de suicide croissent avec l’âge. Donc, il y a une incidence
du sexe et de l’âge sur le fait de se suicider. Mais ce constat n’est pas suffisant, il importe
ensuite que le sociologue propose une interprétation, analyse ces données.
• La méthode statistique est particulièrement adaptée aux phénomènes de masse qui
regroupent une large partie de la population comme par exemple la scolarité, les choix
électoraux…
• Pouvoir de généralisation. Avec les statistiques, on peut établir des régularités, qui ne se
réfutent pas facilement avec un contre exemple. On peut essayer d’extrapoler, de
généraliser ce qu’on observe sur un échantillon à la population d’ensemble. C’est
l’avantage du nombre, il s’élève au-delà des situations particulières. Ex : les enfants dont
les parents sont cadres réussissent en moyenne mieux à l’école, même si on en trouve
aussi qui échouent ! L’inconvénient, c’est qu’on reste à un niveau superficiel, celui
justement où la comparaison à l’échelle de masse est possible. Dans le détail, les
statistiques ont souvent du mal à cerner l’effet des contextes, de l’histoire d’une situation,
les particularités qui concernent peu de monde (mais sont quand même des faits sociaux à
étudier !). On peut comparer la différence entre l’enquête statistique et l’enquête
ethnographique avec la différence entre une photo satellite d’un pays et un voyage dans ce
pays : les statistiques permettent de mieux dégager les grandes masses, les reliefs et les
cours d’eau, etc. tandis que le voyage, plus long, est plus riche en rencontres, en
interactions, qui permettent de saisir l’esprit, les coutumes.

Comment procéder avec la méthode quanti ?

Cf. texte de Desrosières « La portée sociologique des diverses phases du travail statistique »
1ère étape : Conception de l’enquête et choix de la population enquêtée
Dans la première étape, il s’agit de définir les objectifs définis dans cette enquête : quelle est
la problématique ? et en quoi est-ce pertinent ? Ensuite, il faut choisir sa population d’enquête
C’est-à-dire savoir auprès de qui le questionnaire sera passé, à qui est destinée cette enquête.
Par exemple s’il s’agit d’une enquête cherchant à étudier le rapport à l’emploi des femmes.
Plusieurs axes peuvent être développés qui impliqueront des populations différentes.

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- rapport à l’emploi des femmes selon les générations et dans ce cas il faut choisir
plusieurs groupes d’âges de femmes avec des situations professionnelles diverses…
- ou encore rapport à l’emploi des femmes comparé aux hommes et dans ce cas il
faudra aussi interroger des hommes
2ème étape : La construction du questionnaire
La troisième étape consiste à élaborer le questionnaire c’est-à-dire choisir les bonnes
questions avec les bons mots mettre ces questions dans un ordre logique, donner une
cohérence à l’ensemble du questionnaire…
• Organisation, architecture du questionnaire : soigner la mise en forme, adopter un
ordre des questions cohérent. Questions de type administratif plutôt à la fin.
• Formulation des questions : termes simples compréhensibles par tous, une seule
question à la fois (exemple dans le texte de Gaxie, les enquêtés comprennent le
mot « libéralisme » au sens de liberté). Il faut faire en sorte que la question ait le
même sens pour tout le monde.
Pour dénombrer il faut définir. Lorsque les pratiques sociales ne sont pas normalisées ou
normées, il peut s’avérer difficile voire impossible de les compter. Par exemple, les chiffres
sur les Interruptions Volontaires de Grossesse n’existent que depuis la légalisation de
l’avortement en 1975. Bien sûr, les avortements existaient avant cette date mais il était
impossible de les comptabiliser. En cela, les catégories statistiques reflètent en quelque sorte
l’état d’une société. Le statisticien compte ce qui est défini socialement et administrativement.
C’est pourquoi aussi, les catégories statistiques apparaissent souvent comme « naturelles »
parce qu’elles sont connues de tous. Mais les normes sociales changent, les comportements
évoluent et les catégories sont aussi amenées à se transformer. En témoigne la mesure de
l’état matrimonial des individus et plus précisément le passage progressif ces dernières
décennies de couples mariés à des unions consensuelles qui ne figurent donc pas sur l’Etat
Civil et qu’il est plus difficile de quantifier (Héran, XX). Les enquêtes récentes prennent en
considération ces mutations mais le passage d’une situation légale à une situation de fait ne
facilite pas le comptage. Autant, il est aisé de recenser les couples mariés autant il devient
complexe de construire une catégorie « union » « couple ». Il faut définir ce que l’on entend
par concubinage et contrairement au couple marié pour lequel on a une date de mariage, une
définition juridique de l’acte ; pour les couples en union libre, la définition est nettement plus
floue. Le début de l’union peut être choisi à partir de différents critères : premier rendez-vous,
premier baiser, première relation sexuelle, première cohabitation.
Gaxie montre : sous estimation des sans réponses ;
Certaines personnes ne souhaitent pas s’impliquer dans questions politiques par exemple ne se
sentent pas légitimes… ce que l’on constate à partir d’entretiens mais dans questionnaires du
fait des items de réponse certains vont tenter de répondre quand même… Il y a donc une
minoration des sans réponses. On considère que chacun doit avoir un avis sur la question ce
qui est loin d’être le cas… L’auteur nous dit que toutes les réponses ne sont pas des opinions.

• Si l’on veut éviter les non-réponses, il faut des questions proches des
préoccupations des individus interrogés ce qui suppose à la fois de bien réfléchir à
la question mais aussi à la population enquêtée.
• Les questions posées ne doivent pas être normatives. Cela signifie qu’elles ne
doivent pas inciter certaines réponses plutôt que d’autres.
Imposition d’une problématique : Définition par Bourdieu en 1972 dans « L’opinion
publique n’existe pas » (repris dans Questions de sociologie, 1980)

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Effet exercé par toute enquête d’opinion qui résulte du fait que les questions posées ne
sont pas des questions qui se posent réellement à toutes les personnes interrogées et que les
réponses ne sont pas interprétées en fonction de le problématique par rapport à laquelle les
différentes catégories de répondants ont effectivement répondu.

Ex de questions formulées de façon trop normative, et poussant trop les personnes à


préférer l’une des modalités de réponse proposées, in Christian Baudelot, Michel Gollac, avec
Céline Bessière, Isabelle Coutant, Olivier Godechot, Delphine Serre, Frédéric Viguier,
Travailler pour être heureux ? Le bonheur et le travail en France, Paris, Fayard, 2003 ->A
certaines questions, pour certaines modalités, ont obtenu des taux de réponse que les auteurs
eux-mêmes qualifient de « soviétiques ».
« Vous arrive-t-il d’éprouver dans votre travail la fierté du travail bien fait ? oui/non » -
> 84 % répondent oui
« Vous arrive-t-il d’éprouver dans votre travail l’impression de faire qqch d’utile aux
autres ? oui/non » -> 92 % répondent oui
->les réponses étaient presque déjà dans les questions… Comme qd on demande
« comment allez vous » et qu’en général la seule réponse qu’on attend est une réponse de
politesse « TB merci » (ex donné par les auteurs de cet ouvrage). Bref, la formulation de ces
questions était trop « normative », et les réponses reflètent donc moins le degré « réel » de
satisfaction au travail (serait une erreur d’interprétation) que l’influence normative du
questionnement (a priori pas forcément bien vu de se plaindre de son travail,dans une
discussion générale avec un inconnu, quand on en a un)

Comment lutter contre l’imposition d’une problématique ?


1. Inclure une possibilité de « sans opinion » pour respecter le principe d’une question
qui a du sens pour les individus. Poser un filtre : avez-vous une opinion à ce sujet ? si oui,
laquelle ?
2. Équilibrer les possibilités de réponses positives et négatives.
Pensez-vous qu’aujourd’hui l’État s’oriente réellement vers un changement de politique
concernant les économies d’énergie ?
23 % d’opinions positives dans le cas d’une question ouverte.
66 % d’opinions positives dans le cas d’une question fermée déséquilibrée pour le oui
(Oui, très sérieusement ; Oui, mais prudemment ; Oui, mais de façon ponctuelle ; Oui, mais
de façon incohérente ; non).
1. Autoriser les réponses multiples

Poser des questions précises.

Quels sont les types de questions possibles ?

-les « questions de fait » portent sur des pratiques, les personnes interrogées sont
invitées à indiquer ce qu’elles font réellement, si oui ou non elles exercent telle ou telle
activité, ou à quelle fréquence elles l’exercent.
Exemple : regardez-vous régulièrement la télévision? Ou : avez-vous regardé la
télévision hier soir ? Ou : qu’avez-vous regardé à la télévision hier soir ?

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-les secondes portent sur des opinions. Attention “ opinion ” au sens large : une
opinion sur un problème, mais aussi goûts, valeurs, croyances, représentations.
Exemple -> “ opinion ” : pensez-vous qu’il soit bon pour des jeunes enfants de
regarder la télévision le week-end ?
Exemple -> “ goût ” : “ aimez-vous regarder la télévision ? ” ou “ qu’aimez-vous
regarder à la télévision ? ”
Exemple -> “ croyance ” : “ croyez-vous en l’efficacité de l’homéopathie ? »
Exemple -> “ valeur ” : “ On classe habituellement les français sur une échelle qui va
de la gauche à la droite. Vous, personnellement, où vous classeriez-vous sur cette échelle ?
[Entourez un chiffre]
Gauche 1/ 2/ 3/ 4/ 5/ 6/ 7/ Droite ”
Exemple -> “ représentation ” : “ pour vous, que veut dire être en bonne santé ? ”, ou
“ pour vous, qu’est-ce que le mot lecture évoque ? ”

Questions ouvertes / questions fermées


-Une question fermée est une question pour laquelle les personnes doivent choisir entre des
modalités de réponses formulées à l’avance.
-Une question ouverte est une question pour laquelle les modalités de réponse ne sont pas
fixées à l’avance. La personne interrogée a une plus grande marge de manoeuvre pour
répondre. Exemple enquête FDS sur la lecture : « quel est le dernier livre que vous avez-lu
(ou que vous êtes en train de lire) ? »
La réponse sollicitée peut être assez courte, quand on laisse par exemple un espace seulement
d’une ligne ou deux à l’enquêté pour répondre. Mais elle peut aussi être plus longue. Exemple
si on demande “ qu’avez-vous fait dimanche dernier ? ” et qu’on laisse une demi-page (et du
temps) pour répondre.

Attention ! La distinction question fermée/ question ouverte ne recoupe pas la distinction


question de fait/question d’opinion
Certaines questions d’opinion peuvent être posées de façon fermée, d’autres de façon
ouverte. Certaines questions de fait peuvent être posées de façon fermée, d’autres de façon
ouverte. Ce n’est pas la même distinction qui est en cause.

Avantages et inconvénients : saisie, codage ; homogénéiser réalité sociale ; rend compte des
représentations de l’enquêteur… questions ouvertes peuvent donner lieu à différentes formes
de codage donc + riche.

Attention : ne pas oublier d’introduire à la fin des questions sur les déterminants sociaux.
3ème étape : Élaboration du plan de collecte des données

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La deuxième étape consiste à élaborer un plan de collecte des données. Très rares sont les
enquêtes qui se font auprès de l’ensemble de la population. Jusqu’en 1999 seule l’enquête
Famille avait lieu en même temps que le recensement mais auprès seulement d’un ménage sur
50 (à vérifier) soit plus de 360 000 individus. Mais maintenant avec le recensement rénové ça
ne sera plus possible. Donc comme on ne peut interroger le plus souvent l’ensemble de la
population qui nous intéresse, il faut en sélectionner une partie, que l’on appelle échantillon
qui doit être représentatif de l’ensemble. Reste ensuite à choisir la méthode d’échantillonnage
c'est-à-dire la façon de sélectionner les unités faisant partie de l’échantillon et la taille de cet
échantillon
Lorsqu’on mène une enquête par questionnaire sur la base d’un échantillon, la première
préoccupation consiste à ce que cet échantillon soit représentatif de l’ensemble de la
population concernée que l’on cherche à étudier. Comment s’y prendre pour obtenir cet
échantillon ? La façon de choisir les unités de l’échantillon est déterminante, plus importante
parfois que la taille de l’échantillon car si peu importe le nombre d’unités choisis s’il le sont
mal, les résultats seront biaisés, faussés.
Toutefois la taille de l’échantillon a quand même une certaine importance. En effet, grâce à
certaines lois de probabilités, on peut calculer l’intervalle de confiance dans lequel le
pourcentage réel qu’on cherche à estimer se trouve. La mesure qu’on obtient par l’enquête est
assez proche de la réalité. Il y a un risque d’erreur, mais on peut encadrer le pourcentage réel
en connaissant la taille de l’échantillon et en se fixant un seuil d’erreur acceptable. Par
exemple, on fait un sondage pour savoir qui va voter pour Chirac aux prochaines élections.
On interroge 100 personnes. 49 d’entre elles nous disent qu’elles vont voter Chirac. Donc a
priori Chirac aurait 49% des voix pour lui. Mais qu’elle est la fiabilité de ce résultat ? Quelle
est la marge d’erreur ? Si l’on prend un intervalle de confiance élevé c’est-à-dire un indice de
fiabilité de 95% (soit un risque de se tromper de 5%) pour 100 personnes interrogées le
résultat se situe en fait entre 39% et 59% soit un intervalle très large. Si l’on passe à un
échantillon de 1 000 personne, toujours avec une marge d’erreur de 5%, l’intervalle se réduit
et se situe entre 46% et 52%. Ca laisse bien sceptique face aux longs discours médiatique
lorsque untel ou untel a perdu ou gagné un ou deux points dans un sondage.

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