Vous êtes sur la page 1sur 25

Université Hassan II de Casablanca

Faculté des Sciences Ben M’sik

Master M2
Géologie Appliquée à la Prospection des Ressources Naturelles

LES EVENEMENTS
OCEANIQUES ANOXIQUE
MAROC-NIGERIA

Encadré par :Pr.AADJOUR MALIKA

Réaliser par :

BOUALAOUI ASMAA et EL AMMARY AYA


Table des matières
Définition................................................................................................................................................3
Définition des OAEs................................................................................................................................4
Excursions Isotopiques - Isotopes stables du Carbone.......................................................................4
Déclenchement des OAEs...................................................................................................................6
Les Provinces Basaltiques ou LIPs...................................................................................................7
L’altération continentale................................................................................................................7
Étude des sites.......................................................................................................................................8
Introduction.......................................................................................................................................8
OAE 2 ET CRITERES DE RECONNAISSANCE..........................................................................................9
Caractérisation biostratigraphique...............................................................................................10
Caractérisation chimiostratigraphique.........................................................................................11
IMPACT DE L'OAE 2..........................................................................................................................13
Évènement Anoxique Océanique II (EAO II) à l'échelle globale et dans le bassin du Tinrhert......19
Figure 1: Livello Bonarelli Furlo Italie les lignes pointillé indiquent le dépôt de black associé à
l'évènement Océanique Anoxique 2......................................................................................................4
Figure 2: Reconstruction paléogéographique du crétacé moyen affichant les sections sédimentaires
où sont enregistrés des OAEs tirée deTrabucho Alexandre et al 2010...................................................5
Figure 3: Chronologie des évènements océanique anoxique à travers le Mésozoïque décrits par
Jenkyns 2010..........................................................................................................................................7
Figure 4 : Les principaux événements anoxique océaniques du Mésozoïque et courbes eustatique
(Jenkyns.1980)......................................................................................................................................10
Figure 5 : Zonation intégrée par ammonite, incérâmes, foraminifères planctoniques et nannofossiles
du membre, Bridge Creek de la coupe de Rock Canyon Anticline, puebla, proposée comme
stéréotype de la limite Cénomanien/Turonien........................................................................................
Figure 6: Biostratigraphie autour de la limite Cénomanien Turonien dans la coupe d’Ouaouizaght
(Haut atlas central, Maroc)...................................................................................................................15
Figure 7 : Biostratigraphie autour de la limite Cénomanien-Turonien dans la coupe de Boulmane
(Moyen Atlas Maroc)............................................................................................................................18
Résumé :

Les Evénements Océaniques Anoxiques (OAE) sont des événements extrêmes qui se sont
produits majoritairement durant le Crétacé et qui sont caractérisés par un enfouissement
massif et brutal de carbone organique. Ces événements ont été très étudiés durant ces 40
dernières années mais aucun consensus n’a été atteint quand aux processus à l’origine de
leur déclenchement. Pour tenter de répondre aux questions encore en suspens, nous avons
réalisé une étude géochimique approfondie (éléments majeurs et traces, compositions
isotopiques en Nd et Hf) des différentes fractions (détritiques et authigènes) de sédiments
marins déposés lors de l’événement océanique anoxique associé à la limite Cénomanien-
Turonien (OAE2, 93.5Ma). Les deux sections étudiées représentent différents
environnements de dépôt : un environnement peu profond et proche des sources
continentales (Taghazoute, Maroc) et un environnement marin profond, loin des côtes
(DSDP Site 367, Cap-Vert). A l’approche de l’OAE2, les compositions isotopiques du Nd et de
l’Hf ne présentent que peu de variations. Ces observations reflètent une absence de
changement dans le régime d’érosion continentale en amont des deux sections étudiées.
Notre étude diverge du scenario proposant qu’un fort apport de nutriments résultant d’une
altération continentale accrue soit à l’origine des OAEs. En revanche, les variations
isotopiques (Nd) mesurées dans les fractions authigènes du Site 367, interprétées comme
reflétant la composition océanique passée, supportent l’idée d’une contribution
magmatique dans l’Océan Atlantique durant l’OAE2. Ces nouveaux résultats sont cohérents
avec de précédentes études et confortent le rôle des grandes provinces magmatiques
(plateau des Caraïbes) dans l’eutrophisation des océans qui précède les événements
anoxiques
Définition
Comme leur nom l'indique, les événements océaniques anaérobies correspondent à des
périodes d'appauvrissement en oxygène dans un océan ou une région océanique
particulière. Cette anoxie conduit à la préservation typique des OAE des particules
organiques dans les sédiments ardoise noire. Le géologue italien Guido Bonarelli l'a décrit
pour la première fois en 1891.
Transformez ces ardoises bitumineuses du Crétacé supérieur de cette région en :
Instructions en italien :

Figure 1: Livello Bonarelli Furlo Italie les lignes pointillé indiquent le dépôt de black associé à l'évènement Océanique
Anoxique 2

Une définition plus précise fut donnée par Arthur & Sageman (1994) définissant les black
shales comme des pélites marines et laminées contenant un Carbone Organique Total
(COT)>1%Si aujourd’hui de nombreux affleurements de black shales synchrones confirment
le caractère global des événements anoxiques, ce ne fut que près de 100 ans après la
description de l’affleurement de Furlo (Fig. I.1) par Bonarelli (1891), lors des campagnes en
mer DSDP Leg 32 et Leg 33, que Schlanger & Jenkyns (1976) notent la présence de black
shales aux limites AptienAlbien (∼112 Ma) et Cenomanien-Turonien (∼93.5 Ma) au sein de
divers domaines océaniques(des mers intercontinentales aux bassins océaniques profonds)
et déduisent le caractère global de certains de ces événements.
Définition des OAEs
Afin d’expliquer la présence de dépôts de black shales de même âge retrouvés non
seulement dans l’océan Atlantique profond et peu profond mais aussi dans les dépôts de la
Téthys et du Pacifique, Schlager & Jenkyns (1976) proposent un modèle d’expansion des
zones minimum d’oxygénation océanique à travers le globe entraînant un dépôt brutal de
sédiments riches en matière organique (black shales) sur les marges exposées à cette zone
dépourvue d’oxygène. Ils proposent alors de nommer ces changements d’oxygénation de
l’océan global "Evénements Océaniques Anoxiques" ou OAE.
Les OAE sont causées par plusieurs facteurs, notamment des températures mondiales
élevées, des concentrations élevées de CO2 dans l'atmosphère et une productivité
océanique accrue. Pendant les périodes de forte chaleur mondiale, les schémas de
circulation océanique peuvent être perturbés, entraînant des conditions stagnantes et
pauvres en oxygène dans les couches profondes de l'océan. Ceci, à son tour, peut entraîner
la prolifération de micro-organismes anaérobies et la formation de sédiments riches en
méthane

Excursions Isotopiques - Isotopes stables du Carbone


Puisqu’ils sont caractérisés par un enfouissement brutal et massif de carbone organique
(12C), un bouleversement du cycle isotopique du carbone est très vite observé dans les
sédiments associés aux OAEs. En effet, Scholle & Arthur (1980) rapportent pour la première
fois une excursion positive du δ 13C 1 à la limite Cenomanien-Turonien

Figure 2: Reconstruction paléogéographique du crétacé moyen affichant les sections sédimentaires où sont enregistrés des
OAEs tirée deTrabucho Alexandre et al 2010
Cette excursion positive, mesurée dans les carbonates ou dans la matière carbonée marine
reflète donc l’enfouissement de quantités massives de matière organique (12C) et son retrait
des océans. Mais si dans la majorité des OAEs le signal isotopique mesuré présente une
excursion positive, pour les événements OAE1b (∼112 Ma), OAE1a (∼120 Ma) et T-OAE
(∼183 Ma) les valeurs isotopiques mesurées dans les carbonates et la matière organique
décrivent des excursions en δ 13C positives puis négatives (Jenkyns & Clayton, 1986, 1997;
Menegatti et al., 1998; Schouten et al., 2000; Jenkyns, 2003; Herrle et al., 2004). Ces
variations isotopiques indiquent que dans certains cas, un apport de carbone organique
précède ou accompagne l’enfouissement brutal de carbone organique dans les black shales
(Jenkyns, 2010).
Le caractère global des OAEs entraine un enregistrement des excursions isotopiques
associées dans l’intégralité des bassins océaniques et font du δ 13C un puissant outil de
corrélation temporelle des différentes sections (Scholle & Arthur, 1980). Les anomalies
isotopiques du carbone définissent temporellement les événements anoxiques et non les
black shales dont le dépôt est contrôlé localement. Les sections sédimentaires sont corrélées
temporellement par la comparaison des variations en δ 13C avec une coupe de référence
dont les âges sont connus. Par exemple, les sections Cenomano-Turoniennes (OAE2, 93.5
Ma) sont datées par comparaison avec les variations isotopiques de la coupe de Pueblo,
Colorado (Keller et al., 2004). Cette section est datée précisément par biostratigraphie et par
datation 40Ar/39Ar de couches de bentonites magmatiques intercalées durant l’excursion
positive en δ 13C. Cette méthode a permis de mettre en évidence une multitude de sections
sédimentaires où est exprimée l’excursion isotopique de l’OAE2 (Scholle & Arthur , 1980;
Pomerol, 1983; Kuypers et al., 2002; Keller et al., 2004; Kuhnt et al., 2004; Bowman &
Bralower , 2005; Kolonic et al., 2005; Jarvis et al., 2006; Damsté et al., 2008; El-Sabbagh et
al., 2011; Bomou et al., 2013; Bąk et al., 2016) et qui font de l’OAE2 l’événement anoxique et
climatique le plus important du mésozoïque. En raison de sa vaste extension géographique,
l’événement associé à la limite Cenomanien-Turonien (OAE2) est ainsi le plus étudié et la
majorité des interprétations qui suivront ainsi que cette étude concerneront la limite C-T et
plus précisément l’excursion positive du δ 13C associé à cet événement.
Figure – Chronologie des Evénements Océaniques Anoxiques à travers le Mésozoïque
décrits par Jenkyns (2010)

Figure 3: Chronologie des évènements océanique anoxique à travers le Mésozoïque décrits par Jenkyns 2010

Déclenchement des OAEs


Bien que les événements anoxiques aient été décrits il y a près de quarante ans, il
apparait que les mécanismes à l’origine de ces événements restent encore débattus. Les
premiers grands débats qui animèrent la communauté scientifique concernent les modèles
d’enfouissement de matière organique durant les OAEs et très vite, deux modèles
s’opposent : conservation vs production. Le premier considère que l’enfouissement de
matière organique est le seul résultat d’une expansion des zones d’oxygénation minimum
résultant d’une stratification des eaux océaniques (Schlager & Jenkyns, 1976; Demaison &
Moore, 1980; Pedersen & Calvert, 1991). Le second modèle, aujourd’hui communément
admis, propose que le facteur majeur derrière le dépôt de black shales est un fort apport de
nutriments entrainant une production primaire océanique accrue suivie par une anoxie
globale des eaux (Erbacher et al., 1996; Kuypers et al., 2002; Jenkyns, 2010). De ce fait, le
débat actuel est focalisé sur cette source de nutriments et deux théories dominantes
émergent : un apport de nutriments massif aux océans par une source hydrothermale 30
Chapitre I. Les Evènements Océaniques Anoxiques (Large Igneous Provinces, Sinton &
Duncan 1997) ou résultat d’une altération continentale intense (Erbacher et al., 1996)
Les Provinces Basaltiques ou LIPs
La simultanéité de plusieurs OAEs et de la mise en place de grandes provinces
basaltiques (LIP) entraînent Sinton & Duncan (1997) à proposer les provinces magmatiques
comme source de nutriments hydrothermaux tels que le Fer, fertilisant les eaux de surfaces
et stimulant la productivité primaire durant les OAEs. S’appuyant sur les observations d’Orth
et al. (1993) relevant de fortes anomalies positives en métaux traces dans plus de 10
sections C-T, l’idée d’une contribution magmatique massive précédant certains OAEs est très
vite reprise (Sinton & Duncan, 1997; Kerr, 1998; Leckie et al., 2002; Courtillot & Renne, 2003;
Snow et al., 2005). Plusieurs outils géochimiques ont été proposés pour tracer l’apport de
matériel magmatique lors du développement des OAEs. Si les premières études concernent
les abondances élémentaires mesurées dans les dépôts associés aux OAEs (Orth et al., 1993;
Snow et al., 2005), la majorité des études actuelles focalisent leur attention sur l’étude de
systèmes isotopiques stables ou radiogéniques. Les résultats obtenus sur les isotopes du Fe
(Holmden et al., 2016), du Cr (Owens et al., 2012), du Sr (Jones & Jenkyns, 2001), du Pb
(Kuroda et al., 2007), de l’Os (Turgeon & Creaser , 2008; Du Vivier et al., 2014) ou encore du
Nd (MacLeod et al., 2008; Martin et al., 2012; Zheng et al., 2013) semblent indiquer la
contribution des LIPs dans le déclenchement des OAEs
L’altération continentale
L’importante productivité primaire requise pour le développement des OAEs peut
également être expliquée par un fort apport de nutriments en provenance du continent
(Erbacher et al., 1996) durant ces périodes chaudes (Jenkyns, 2010). Ces nutriments sont
majoritairement le fer, les nitrates et le phosphore (Monteiro et al., 2012) et les hautes
teneurs en phosphore observées par Mort et al. (2007, 2008) avant l’OAE2 confortent ce
scenario. De la même façon que pour les LIPs, de nombreuses études ont tenté de relever
une intensifi-cation de l’altération continentale avant et pendant les OAEs par des mesures
isotopiques de leurs dépôts. Les variations isotopiques observées du Sr (Jones & Jenkyns,
2001; Frijia & Parente, 2008) ou du Ca (Blättler et al. 2011) ont également indiqué une
intensification de l’altération continentale avant ou pendant le déclenchement des OAEs. De
plus, par l’étude des isotopes du Li durant l’OAE2, Pogge von Strandmann et al. (2013) ont
proposé un modèle hybride utilisant une éruption volcanique massive suivie d’une intense
érosion du plateau volcanique. Le chapitre III est donc consacré à la première étude du
système isotopique Nd-Hf (sensible aux processus d’érosion continentale) à travers l’OAE2
dans les deux sites atlantiques étudiés.
Étude des sites
Introduction
Le passage Cénomanien-Turonien, autour d'une limite datée à 93.5 ± 0.2 Ma
(Hardenbol et al. 1998; International Stratigraphic Chart, 2004), a fait l'objet de nombreuses
études car il est associé à un événement anoxique enregistré en de nombreux points du
globe. Les recherches d'ordre lithologique, biostratigraphique et géochimique, montrent la
complexité des interprétations proposées, liées encore à une grande marge d'incertitude. S'il
est impossible d'évoquer l'ensemble des articles de synthèse qui traitent de la limite
Cénomanien-Turonien, nous nous fonderons dans notre travail essentiellement sur les
travaux publiés depuis le 2nd symposium international sur les limites du Crétacé qui s'est
tenu à Bruxelles (1995).
L'événement océanique global à la limite Cénomanien-Turonien est connu sous différentes
appellations: OAE2 = Oceanic Anoxic Event 2, par opposition à OAE1 du Barrémien
sommitalAlbien et à OAE3 du Coniacien-Santonien (Schlanger & Jenkyns 1976; Jenkyns 1980;
Schlanger et al. 1987) (fig. 78); CTBE = Cenomanian Turonian Boundary Event (Herbin et al.
1985); événement E2 en Atlantique (de Granciansky et al. 1982); ou encore événement à
matière organique ou plutôt à "couches sombres et ± finement laminées" (Busson & Cornée
1996). Cet événement, globalement daté du Cénomanien supérieur-Turonien inférieur
(Schlanger & Jenkyns 1976), est souvent lié à une période d’appauvrissement des eaux
océaniques en oxygène dissous qui se traduit généralement par des faciès de black-shales,
riches en matière organique. La plupart des auteurs relient cet événement à la plus grande
transgression marine du Crétacé:UZA 2.5 (Hancock 1975; Vail et al. 1987; Haq et al. 1987).
Figure 4 : Les principaux événements anoxique océaniques du Mésozoïque et courbes eustatique (Jenkyns.1980)

OAE 2 ET CRITERES DE RECONNAISSANCE


2.1. Caractérisation lithostratigraphique
Schématiquement, la grande diversité des couches plus ou moins riches en matière organique dans
lesquelles s'expriment l'événement OAE2 se traduit par:

* des cycles calcaires/marnes ou black-shales/silice;

* des sédiments généralement sombres, laminés ou non, avec présence ou abondance de


matière organique marine planctonique enfouie;

* une absence ou au moins une rareté de la bioturbation;

* une richesse en pyrite et en phosphate;

* des restes de radiolaires souvent abondants;

* des foraminifères planctoniques relativement abondants et peu diversifiés;


* une anoxie régnant dans les eaux océaniques de bordure de plate-forme et parfois jusque sur
le fond et se marquant par la présence de foraminifères benthiques rares ou oligospécifiques.

Ces faciès communément appelé "black-shales" prennent différentes dénominations et présentent


des variations de faciès et d'épaisseur notables en fonction des régions. Nous citons à titre
d'exemples: le membre Bridge Creek de la Formation Greenhorn, dans la coupe de Pueblo (Western
Interior, Colorado, USA) proposée comme référence pour cette période (Bengtson 1996), qui se
présente, sur une dizaine de mètres, sous la forme d’une alternance calcaires/marnes intercalée d’un
niveau de black-shales épais de 5 cm (Cobban 1985); le niveau Thomel, dans les Alpes provençales
(France), de couleur noire, épais d'une dizaine de mètres, et composé de séquences lithologiques
répétitives calcaires/marnes (Crumière 1989); le niveau Bonarelli, en Italie centrale, épais d'un mètre
et constitué d'une alternance black-shales/silice (Wonders 1980; Arthur & Premoli-silva 1982); le
black band s.l., en Angleterre, qui montre des marnes noires, laminées, intercalées dans les craies
blanches très bioturbées des formations encadrantes (Hart & Bigg 1981); enfin l'horizon ou la
Formation Bahloul en Tunisie centrale, qui se développe sur une trentaine de mètres avec des
calcaires feuilletés intercalés de passées plus argileuses et riches en organismes planctoniques
(Burollet et al. 1954; Burollet 1956; Robaszynski et al. 1990; Abdallah et al. 1995; Caron et al. 1999,
2006; Abdallah 2000).

D'après ces données bibliographiques, on peut conclure que cet événement s'exprime dans des
lithologies variées d’environnements marins très différents. En effet, pendant cet épisode, des eaux
pauvres en oxygène (hypoxiques) ont recouvert des domaines sédimentaires différents, présentant
des paléobathymétries et des dynamiques océaniques variées (Busson & Cornée 1996).

Au Maroc, ce type de faciès, riche en matière organique autour de la limite Ce/Tu, appelé par
certains auteurs black-shales, est connu depuis longtemps et affleure largement sur la façade
atlantique dans les bassins de Tarfaya (Choubert et al. 1966; El Albani 1995; Wiedmann et al. 1978,
1982; Kuhnt et al. 1990; Lüning et al. 2004), d'Agadir (Wiedmann et al. 1978, 1982; Einsele &
Wiedmann,1982; El kamali 1990; Andreu 1991; Terrab 1996; Lüning et al. 2004), et dans le Haut Atlas
(Choubert & Faure-Muret 1962; Thein 1988). Dans les Rides Rifaines, ces faciès sont appelés
phtanites par les anciens géologues marocains (Choubert & Faure-Muret 1962); ils sont reconnus
également par Wiedmann et al. 1978; Thurow & Kuhnt 1986; Kuhnt et al. 1990; Andreu 1991;
Bachaoui et al. 1992; Lüning et al. 2004.

L'événement de la limite Ce/Tu est bref, plus ou moins synchrone dans les limites de la précision
biostratigraphique, tout en étant extrêmement étendu à l'échelle globale (de Graciansky et al. 1984;
Herbin et al. 1986). Dans le détail cependant, des travaux plus récents (Terrab 1996; Caron et al.
2006) ont montré qu'il y avait un décalage dans le temps et dans l'espace de cet événement, suivant
la localisation des aires sédimentaires sur le globe .

Caractérisation biostratigraphique
Suite aux discussions qui se sont déroulées lors du "Second International Symposium on Cretaceous
Stage Boundaries" (Bruxelles 1995), le Global boundary Stratotype Section and Point (GSSP "Golden
Spike", International Stratigraphic Chart 2006) pour la limite Ce/Tu a été placé dans la section de
Pueblo, Colorado, dans le bassin du Western Interior, USA, à la base d'un banc (banc 86) qui coïncide
avec la première apparition (FO = First Occurrence) de l'ammonite Watinoceras devonense (fig. 79).

D’un point de vue biostratigraphique et paléontologique, l'événement Ce/Tu se caractérise par:


* l'extinction des foraminifères planctoniques du groupe des Rotalipores (Robaszynski & Caron
1979), liée vraisemblablement à l’importante transgression marine fini-cénomanienne (Bréhéret
1995);

* le remplacement des formes carénées (Rotalipores) du Cénomanien par des formes


globuleuses (Whiteinelles) moins sensibles à la perturbation du paléoenvironnement (Hart 1980;
Caron & Homewood 1982, 1983; Hart 1990; Grosheny & Malartre 1997a; Desmares et al. 2003;
Caron et al. 2006);

* l'abondance des radiolaires et/ou calcisphères (Abdallah & Meister 1997);

* une crise majeure de l'écosystème benthique qui serait la conséquence d'une diminution
voire de l'extinction de la majeure partie des foraminifères benthiques (Bilotte 1989; Philip 1991).

Ce bio-événement correspond à la zone à "grosses Globigérines" de Sigal (1977), définie comme la


zone à Archaeocretacea par Robaszynski & Caron 1995. La base de cette zone (PRZ = Partial Range
Zone) est définie par la L.O. (Last Occurrence) de Rotalipora cushmani et son sommet, par la

F.O. (First Occurrence) de Helvetoglobotruncana helvetica.

Dans une compilation récente, Caron et al. (2006) retiennent une série d’événements qui jalonnent
le passage du Cénomanien au Turonien; la limite Ce/Tu se situerais chronologiquement entre 1/ la

L.O. de Pseudaspidoceras pseudonodosoides et Neocardiceras juddii (L.O. des ammonites


cénomaniennes), 2/ la L.O. de Anaticinella sp. (Foraminifère planctonique), 3/ la F.O. de Watinoceras
devonense (ammonite turonienne).

Caractérisation chimiostratigraphique
L'événement océanique global (OAE2) est la conséquence directe de la production et de la
préservation de la matière organique dans les sédiments marins (Schlanger & Jenkyns 1976).

D’un point de vue géochimique, une importante anomalie positive du rapport isotopique du carbone
(13C) coïncide avec cet événement, c'est le pic III des auteurs (Dall’Agnolo et al. 2002; Caron et al.
2006). Les résultats du 13C sont exprimés en partie pour mille (‰) en référence à un standard. A
l’origine, le standard international utilisé pour les carbonates était le PDB provenant d’un rostre de
Belemnitella americana de la Pee Dee Formation du Crétacé de Caroline du Sud, U.S.A. L’épuisement
de ce standard a nécessité l’utilisation de nouveaux étalons locaux dont le rapport par rapport au
PDB est connu. Les rapports entre le 13C et le 12C mesurés dans les eaux océaniques sont exprimés
par rapport au SMOW (Standard Mean Oceanic Water) qui est une eau de mer théorique proche de
la moyenne des eaux océaniques actuelles. Des recommandations ont été réalisées à la suite du
Meeting de Vienne, 1995, et publiées par Coplen 1996; on utilise depuis le VSMOW (V = Vienna) qui
est disponible sous la forme d’échantillons pour comparaisons.

Au niveau de la limite Ce/Tu, le pic III du 13C indique une excursion positive, ce qui veut dire que le
rapport 13C/12C est élevé. Ceci traduit qu'il y a moins de 12C libre dans l'eau de mer, dû au fait que
la photosynthèse l'utilise préférentiellement. Il est donc piégé ou fixé par la matière organique qui va
s’accumuler sous le faciès black-shales (Jenkyns 1980; de Graciansky et al. 1986; Arthur et al. 1987;
Schlanger et al. 1987, etc).
Figure 5 : Zonation intégrée par ammonite, incérâmes, foraminifères planctoniques et
nannofossiles du membre, Bridge Creek de la coupe de Rock Canyon Anticline, puebla,
proposée comme stéréotype de la limite Cénomanien/Turonien

Isotopes stables du carbone

Les fluctuations du 13C ont été utilisées depuis longtemps comme un instrument de
datation favorisant le calage chronologique local de l'événement riche en matière organique
(OAE2). Des études récentes dans le Crétacé (Gale et al. 1993; Jenkyns et al. 1994; Paul et al.
1994; Accarie et al. 1996, 2000; Renard et al. 1997; Caron et al. 1999, 2006) ont montré,
qu'au passage Ce/Tu, les courbes du 13C peuvent être mises en corrélation entre plusieurs
bassins et qu'elles présentent toutes une excursion positive. Le pic III, en particulier, apparaît
synchrone dans les limites des contraintes biostratigraphiques.
Ces corrélations, fondées sur le 13C, ont été étendues à des régions riches en matière
organique et à des régions qui en sont dépourvus sur l’ensemble du domaine océanique
depuis le littoral jusqu’au bassin. Ces variations positives des isotopes du carbone
correspondent à des périodes de transgression (Renard 1987 et Rey [Coord.] 1997).
2.3.2. Isotopes stables de l'oxygène

Sans valeur stratigraphique, les variations des isotopes de l'oxygène 18O des carbonates sont
généralement interprétées comme un indicateur de fluctuations de salinité (par modification du
bilan évaporation / précipitation et mélange eau de mer - eau météorique) ou de paléotempératures
(Savin 1977; Anderson & Arthur 1983), ces variations sont influencées par la diagenèse et de ce fait,
l'utilisation du rapport isotopique de l'oxygène 18O comme outil de corrélation reste délicate.

IMPACT DE L'OAE 2
Stratigraphie et paléoenvironnement
Nous avons choisi 5 coupes représentatives du passage Cénomanien-Turonien (Ce/Tu), pour la
qualité de la préservation des affleurements et la richesse en résultats stratigraphiques. Il s'agit des
coupes de Ouaouizaght et Ben Cherrou, dans le Haut Atlas central, de Boulmane et Timahdit, dans le
Moyen Atlas, et de Mibladen, dans la Haute Moulouya.

Coupe de Ouaouizagth
Le passage Ce/Tu a été analysé sur une vingtaine de mètres; il montre la succession suivante (fig. ).

1 - Calcaires massifs bioclastiques, parfois marneux (15 m). Dans le tiers inférieur, dominent les
calcaires bioclastiques, organisés en bancs métriques à plurimétriques. Le microfaciès est celui d'une
boue pelloïdale où les calcisphères et les stomiosphères dominent (″couscous à calcisphères″) et sont
associées à des microfilaments. Les foraminifères planctoniques sont représentés par Guembelitria
s.l., hétérohélicidés, quelques hedbergelles, Rotalipora aff. cushmani et Anaticinella sp. Dans le tiers
supérieur, la série montre des calcaires biomicritiques de texture wackestone. Les bancs sont plus
marneux et moins épais, décimétriques. La biophase est abondante, composée de Inoceramus
labiatoidiformis, Guembelitria cenomana, Heterohelix s.l., Hedbergella spp., Whiteinella aprica, W.
archaeocretacea et calcisphères. Ponctuellement, apparaîssent des microfilaments à la base de la
série, Rotalipora aff. cushmani en milieu de série, et Asterohedbergella asterospinosa au niveau du
dernier banc. L'ensemble de la faune traduit un environnement infralittoral ouvert.

2 - Au-dessus des calcaires massifs bioclastiques, et sur 3 m, se développent des calcaires plus
fins, en petits bancs pluridécimétriques (5 à 20 cm), de texture mudstone, entrecoupés de deux
bancs lumachelliques à petits lamellibranches. Dans les faciès, les hedbergelles, les hétérohélicidés et
les microfilaments dominent dans les niveaux de base. Mytiloides kossmati, M. mytiloides, M. sp. aff.
modeliaensis, des calcisphères, et Guembelitria s.l. sont aussi présents.

Le microfaciès général reflète des conditions de plate-forme ouverte de l'étage infralittoral.

3 - La succession précédente est surmontée par des bancs plurimétriques massifs de calcaires
bioclastiques de milieu de plate-forme interne.

La limite Ce/Tu se localise dans les calcaires plus fins en petits bancs (2), dans un intervalle
d'imprécision, épais d'un peu moins de 2 m, défini à la base par la L.O. de Asterohedbergella
asterospinosa, du Cénomanien supérieur, et au sommet par la F.O. de Mytiloides mytiloides associée
à Mytiloides kossmati, du Turonien inférieur.
Figure 6: Biostratigraphie autour de la limite Cénomanien Turonien dans la coupe d’Ouaouizaght (Haut atlas central, Maroc)

Coupe de Ben Cherrou


Sur les 20 m de part et d'autre de la limite Cénomanien-Turonien, la Formation Ben Cherrou montre
plusieurs ensembles lithologiques (fig. 81; les numéros d’échantillons ne suivent pas un ordre
croissant).

1 - Bancs pluridécimétriques de calcaires massifs bioclastiques à lamellibranches (B17 à B23)


riches en pellets à la base et plutôt massifs et bioturbés au sommet. L'environnement est celui d'une
plate-forme infralittorale. La faune, rare dans son ensemble, montre des méloïdés, discordés et
valves d'ostracodes.

2 - Alternance de dépôts pluri centimétriques de boue fine (Bc1 à Bc5) parfois déshydratée
Entraînant des figures de "circum granular cracking" [Strasser, com. perso. 2002] avec des dépôts
d'ostracodes en amas apportés par des courants de marée; l'ensemble de ces faciès se sont déposés
dans un milieu intertidal.

3 - Boue carbonatée (4 m, Bc5 à Bc9) sous forme de bancs de calcaires massifs bioclastiques à
lumachelliques à gros lamellibranches. Les faciès correspondent à un environnement subtidal,
homogénéisé par la bioturbation. Un banc lumachellique (0,3 m) surmonte la série. De Bc6 à B26, la
faune benthique est très diversifiée et constituée d'une association caractéristique du Cénomanien
supérieur téthysien: Pseudorhapidionina laurinensis, Pseudorhapidionina dubia, Pseudorhipidionina
casertana, Spirocyclina atlasica, Pseudolituonella reicheli, Cuneolina gr. pavonia et cf. Charentia
cuvillieri. De B26 à Bc9, quelques représentants d'Heterohelix moremani et d'Asterohedbergella
asterospinosa sont présents; l'ensemble de la microfaune est dépourvue de représentants du genre
Rotalipora connus jusqu'alors dans la seule localité de Ouaouizagth.

4 - Calcaires marneux et crayeux, fins, en petits bancs (à partir de Bc9) s’épaississant


progressivement vers le haut, de texture mudstone à wackestone, dont la faune est constituée
d'ammonites: Watinoceras sp., Vascoceras proprium, Fagesia catinus, d'inocérames: Mytiloides
kossmati, et de foraminifères planctoniques: Whiteinella spp., Praeglobotruncana stephani,
Praeglobotruncana gibba et Helvetoglobotruncana helvetica (ce dernier apparaît dans l’échantillon
B30, juste au-dessus des premiers niveaux de calcaires blanchâtres en petits bancs associée à
Watinoceras sp.). Ces faciès, de nature crayeuse, traduisent la phase d'inondation maximale de la
plate-forme en relation avec une montée relative du niveau marin.
La limite Cénomanien-Turonien a été précisément étudiée sur 25 m d'épaisseur (fig. 82).

1 - Marnes dolomitiques jaunâtres, d'épaisseur métrique à plurimétrique, à rares dents de


poissons et bryozoaires, souvent riches en prismes d'inocérames.

2 - Calcaires jaunâtres, en bancs pluridécimétriques à métriques, de texture biomicritique,


wackstone à packstone, à quelques lamellibranches et échinodermes. Un banc métrique de calcaire
lumachellique (Bo67), ferruginisé, marque la fin de cet ensemble.

3 - Marnes grises (3 m), riches en pyrite, dans lesquelles s’intercale un niveau métrique de
marnes sombres, noirâtres, riches en matière organique et en glauconie rappelant le faciès "black
shales". C'est la première fois qu’un tel faciès est observé. Ces faciès marneux sont les prémisses de
la transgression cénomano-turonienne sur le domaine atlasique marocain. Ils montrent une biophase
riche en prismes d'inocérames, bryozoaires, calcisphères, foraminifères planctoniques globuleux:
Guembelitria, Whiteinella, Heterohelix, Hedbergella associés à quelques formes carénées dont
Dicarinella hagni.

Ces trois ensembles atteignent 12 mètres d'épaisseur.

4 - Succession de marno-calcaires, en bancs d'épaisseur décimétrique à pluricentimétrique,


caractéristiques des faciès du Turonien. La microfaune est très diversifiée et constituée de
Hedbergella, Heterohelix, Whiteinella, Guembelitria et Dicarinella. Ce n'est que dans l’échantillon
Bo74, 3 m au-dessus des marnes noirâtres, qu'apparaît pour la première fois Helvetoglobotruncana
helvetica.

L'intervalle d'imprécision, dans lequel se localise la limite Ce/Tu et qui ne dépasse pas 5 m
d'épaisseur, a pour limite supérieure la F.O. d’Helvetoglobotruncana helvetica du Turonien inférieur.
La limite inférieure de cet intervalle reste non définie.

Charrière (1990) cite au sommet du banc lumachellique Bo67, une association d'ammonites:
Mammites nodosoides, Hoplitoides ingens, Vascoceras sp. , Euomphaloceras africanum,
Pseudoaspidoceras paganum, caractéristiques du Turonien inférieur. Ce banc ne nous a cependant
pas livré d’ammonites. De ce fait et par corrélation avec les autres coupes, il sera rapporté, au moins
pour sa partie inférieure, au Cénomanien supérieur.

3.1.4. Coupe de Timahdit

La coupe de Timahdit est analysée sur 23 mètres d’épaisseur (fig. 83). Trois ensembles lithologiques
apparaissent.

1 - Succession pluridécimétrique (8 m) de bancs calcaires massifs bioclastiques, de texture


wackestone à packstone, à bioclastes, lamellibranches, échinodermes et gastéropodes. La
microfaune, rare, est composée essentiellement d’ostracodes, de quelques Hedbergella /
Whiteinella. Dans le 1/3 inférieur apparaissent des discorbidés, dans le 1/3 supérieur plutôt des
Guembelitria s.l. et Asterohedbergella asterospinosa.
2 - Succession (8 m) de petits bancs pluricentimétriques (5 à 10 cm) homogènes, de calcaires
marneux à quelques lamellibranches, serpules, échinodermes et gastéropodes. Le microfaciès est
une biomicrite, calcaire wackestone, à spicules de spongiaires, ossicules d'ophiures,
calcisphères/pithonelles, microfilaments, rares hétérohélicidés et Guembelitria s.l. Ce n'est qu'au 1/4
supérieur de ces bancs qu'apparaissent les premières ammonites Pseudaspidoceras sp. dont la
morphologie rappelle des formes de la zone à Mammites nodosoides du Turonien inférieur [com.
perso., F. Amédro 2003].

Figure 7 : Biostratigraphie autour de la limite Cénomanien-Turonien dans la coupe de Boulmane (Moyen Atlas Maroc)

3 - Bancs de calcaires bioclastiques plus massifs, pluridécimétriques à métriques, riches en


pellets et en Pseudaspidoceras. Le microfaciès est celui d'une pelbiomicrite à bioclastes variés,
calcaire wackestone évoluant vers un calcaire packstone.

La limite Ce/Tu se localise à la base des petits bancs pluricentimétriques homogènes (2). L'intervalle
d'imprécision est plus large que sur les autres coupes et avoisine 6 m d’épaisseur. Sa limite inférieure
est matérialisée par la L.O. de A. asterospinosa. Sa limite supérieure est définie par les
premiers Pseudaspidoceras sp. (éch. Ti105) rattachés à la zone à Mammites nodosoides, qui datent le
Turonien inférieur non basal.

Coupe de Mibladen

Dans la coupe de Mibladen (fig. 84), les sédiments déposés au passage Ce/Tu ont été étudiés sur 13
m d’épaisseur.

1 - Sur les 4 premiers mètres, les faciès s'organisent selon un motif lithologique type dans
lequel se succèdent du bas vers le haut les termes suivants: 1/ marno-calcaires en fines plaquettes,
laminés, à rares bivalves; les hétérohélicidés, les hedbergelles et quelques discorbidés composent la
biophase; 2/ bancs de calcaires massifs laminés, de texture microsparitique, à macrorestes de
lamellibranches; 3/ bancs de calcaires massifs micritiques, laminés, à plaquettes centimétriques, à
ostracodes lisses, A. asterospinosa et nombreux discorbidés.

Une organisation similaire a été récemment décrite dans la localité type de la Formation Bahloul en
Tunisie (Caron et al. 1999).

L'empilement de ces motifs s'organise en 5 séquences lithologiques, souvent complètes à 3 termes


mais parfois à 2 seulement. La dernière séquence est bioturbée par des Thalassinoides. Le dernier
terme de cette séquence est bien développé (80 cm d'épaisseur) et constitue un banc repère; la
texture se compose d'une micrite à tests fins d'échinodermes et discorbidés, et contenant A.
asterospinosa. Ce banc est couronné par une surface durcie tapissée de Thalassinoides silicifiés et de
petits lamellibranches.

L'environnement général fluctue entre les domaines médiolittoral et infralittoral restreint comme en
témoignent les premiers faciès à bivalves, la faible diversité spécifique et la microfaune dominée par
les discorbidés et les ostracodes lisses.

2 - Au-dessus de ce hard-ground, le faciès typique est celui de calcaires marneux ou marno-


calcaires micritiques et crayeux en petits bancs. Les premiers mètres ont livré une faune assez
abondante de foraminifères planctoniques: Heterohelix moremani, Heterohelix globulosa,
Hedbergella simplex, Hedbergella delrioensis, Whiteinella baltica, W. aprica, W.
archaeocretacea, Praeglobotruncana stephani, Dicarinella hagni, associées à l'ostracode
Reticulocosta gr. tarfayaensis. 3 - Se développe ensuite une alternance de calcaires marneux en
petits bancs pluricentimétriques

et de calcaires plus massifs noduleux. Ces derniers ont livré les Inocérames Mytiloides gr. labiatus,
Mytiloides sp. aff. Colombianus, puis les ammonites Mammites cf. nodosoides, Thomasites rollandi,
des calcisphères, spicules d'éponges, diatomés, buliminidés et quelques hétérohélicidés et
hedbergelles.

Par l’abondance des organismes planctoniques, les faciès 2 et 3 traduisent un environnement plus
ouvert, de plate-forme externe.

La limite Ce/Tu se localise au-dessus du fond durci, dans les calcaires marneux ou marno- calcaires
micritiques et crayeux en petits bancs (2). Elle montre un intervalle d'imprécision de 3 m d’épaisseur
environ défini, à sa limite inférieure, par la L.O. de Asterohedbergella asterospinosa, du Cénomanien
supérieur, et, à sa limite supérieure, par les premiers Mytiloides gr. labiatus du Turonien inférieur,
puis par l’arrivée des Mammites cf. nodosoides et Thomasites rollandi, de la zone à Mammites
nodosoides, du Turonien inférieur non basal

Évènement Anoxique Océanique II (EAO II) à l'échelle globale et dans le bassin du Tinrhert
Schlanger et Jenkyns (1976) introduisent le terme EAO pour désigner les épisodes de distribution
globale de dépôts riches en matière organique, enregistrés dans des séquences pélagiques du
Crétacé, en particulier celui du passage Cénomanien/Turonien. Ce dernier (EAO-2) est également
appelé "Bonarelli event" (Schlanger et al., 1987 ; Kuhnt et al., 1990). Il est caractérisé par :

l'installation des 'black shales', laminés et riches en matière organique, représentant des périodes de
stockage du carbone organique à l'échelle globale ;

l'installation d'une zone à oxygène minimum dans des océans relativement chauds, provoquant une
crise anoxique (Forster et al., 2007) ;

un réchauffement climatique important (Schlanger et Jenkyns, 1976) ;

une anomalie positive du δC13 (Kuypers et al., 2002) ;

une anomalie géochimique en manganèse (Kuypers et al., 2002) ;

des niveaux riches en pyrite et en phosphate (Kuypers et al., 2002) ;

une faune benthique réduite, voire absente (Kuypers et al., 2002) ;

une faune planctonique abondante, mais peu diversifiée et peu spécialisée (Kuypers et al., 2002) ;

une importante extinction, touchant simultanément la macro- et la microfaune au Cénomanien


terminal, elle-même suivie par de nouvelles apparitions dès la base du Turonien inférieur (Kuypers et
al., 2002) ;

une extension globale (Europe, Afrique, Amérique, Australie et Asie) sur une période allant de -93,5 à
-93 Ma (Kuypers et al., 2002) ;
une transgression, rapide et généralisée, qui semble induire à son apogée une limitation du taux
sédimentaire (Nzoussi-Mbassani, 2003) et

une expansion du domaine océanique qui aurait entrainé un blocage des apports terrigènes loin des
bassins sédimentaires océaniques, expliquant ainsi la 'non-dilution' de la matière organique par les
apports considérables de constituants minéraux (Nzoussi-Mbassani, 2003).

Chez les foraminifères et les ostracodes, les études établies dans les bassins téthysiens et atlantiques
ont mis en évidence, pour le passage Cénomanien supérieur/Turonien inférieur, les faits suivants :

l'extinction des foraminifères planctoniques du groupe des Rotalipores (EWGPF, 1979),

la quasi-absence des foraminifères benthiques et des ostracodes (Tronchetti et Grosheny, 1991 ;


Soua, 2005) et

un renouvellement microfaunique chez les foraminifères et les ostracodes (Sepkoski, 1986).

Dans le bassin du Tinrhert, le Cénomanien supérieur et le Turonien montrent les bio-évènements


suivants (Tchenar et al., 2015 ; Tchenar, 2016) :

une absence totale, ou presque, de microfaune à la base du Cénomanien supérieur (argiles à gypse)
et dans la partie sommitale du Turonien inférieur ;

une forte dominance des foraminifères planctoniques (entre 87% et 95% de la microfaune) ;

une abondance des foraminifères planctoniques globuleux, notamment les Hétérohélicididés


('Heterohelix event' ; entre 30% et 100% de la population de foraminifères et entre 25% et 78% de
toute la microfaune) ;

une rareté de la microfaune benthique (foraminifères et ostracodes, ne dépassant pas 4% de toute la


microfaune).

une diversité spécifique très faible, tant chez les foraminifères que chez les ostracodes ;
l'absence de foraminifères dotés de carène au Cénomanien supérieur. Ils réapparaissent au Turonien
inférieur à moyen, avec les espèces du genre Marginotruncana ;

l'absence totale de foraminifères agglutinés au Cénomanien supérieur et au Turonien ;

un renouvellement de la microfaune dès la base du Turonien, souligné par l'apparition de nouvelles


espèces et

une abondance de 'filaments' dans certains niveaux calcaires du Turonien inférieur à moyen.

Toutefois, dans le bassin du Tinrhert, l'évènement anoxique océanique montre une hétérochronie de
son extinction. Ce décalage serait probablement lié à la paléo-topographie différentielle du bassin.
Certains auteurs (Layeb, 1990 ; Layeb et Belayouni, 1999) ont déjà invoqué cette hypothèse pour
expliquer le dépôt différentiel des faciès riches en matière organique du passage
Cénomanien/Turonien, appelés "black shales".
Références

1. (en) Seymour O. Schlanger et Hugh C. Jenkyns, « Cretaceous anoxic events : Causes and


consequences », Geologie en Mijnbouw, vol. 55, no 3, 1976, p. 179-184 (lire en
ligne [archive]).

2. ↑ (en) Seymour O. Schlanger, Everett D. Jackson, Robert E. Boyce, Hugh C. Jenkins, David


A. Johnson, Ansis G. Kaneps, Kerry R. Kelts, Erlend Martini, Charles L. McNulty et Edward
L. Winterer, Initial Reports of the Deep Sea Drilling Project, vol. 33, Washington, U.S.
Government Printing Office, 1976, 973 p. (DOI 10.2973/dsdp.proc.33.1976).

3. ↑ Revenir plus haut en :a b et c (en) M.A. Arthur et Seymour O. Schlanger, « Cretaceous oceanic anoxic


events as causal factors in development of reef-reservoired giant oil fields », AAPG
Bulletin, vol. 63, no 6, 1979, p. 3870-885 (lire en ligne [archive]).

4. ↑ Revenir plus haut en :a et b (en) Oliver Friedrich, Jochen Erbacher, Moriya Kazuyoshi, Paul


A. Wilson et Henning Kuhnert, « Warm saline intermediate waters in the Cretaceous tropical
Atlantic », Nature Geoscience, vol. 1, no 7, 2008, p. 453-457 (DOI 10.1038/ngeo217).

5. ↑ Revenir plus haut en :a b et c (en) Katja M. Meyer et Lee R. Kump, « Oceanic euxinia in Earth history :
Causes and consequences », Annual Review of Earth and Planetary
Sciences, vol. 36, 2008, p. 251-288 (DOI 10.1146/annurev.earth.36.031207.124256).

6. ↑ (en) A. Page, J. Zalasiewicz et M. Williams, « Deglacial anoxia in a long-lived Early


Palaeozoic Icehouse », Palaeontological Association Annual Meeting, Uppsala
(Sweden), vol. 51, 2007, p. 85.

7. ↑ http://www.cnrtl.fr/definition/schiste-carton [archive]

8. ↑ (en) Wolfgang Ruebsam, Petra Münzberger et Lorenz Schwark, « Chronology of the Early


Toarcian environmental crisis in the Lorraine Sub-Basin (NE Paris Basin) », Earth and
Planetary Science Letters, vol. 404, 2014, p. 273-282 (DOI 10.1016/j.epsl.2014.08.005).

9. ↑ (en) Michael Walgreich, « "OAE 3" – regional Atlantic organic carbon burial during the


Coniacian–Santonian », Climate of the Past, vol. 8, 2012, p. 1447-1455 (DOI 10.5194/cp-8-
1447-2012).

10. ↑ (en) J.P. Kennett et L.D. Stott, « Abrupt deep-sea warming, palaeoceanographic changes


and benthic extinctions at the end of the Palaeocene », Nature, vol. 353, 1991, p. 225-
229 (DOI 10.1038/353225a0).

11. ↑ Revenir plus haut en :a et b (en) « Aquatic Dead Zones » [archive], sur NASA Earth Observatory, 17
juillet 2010.

12. ↑ (en) Robert J. Diaz et Rutger Rosenberg, « Spreading Dead Zones and Consequences for


Marine Ecosystems », Science, vol. 321, no 5891, 2008, p. 926-929 (DOI 10.1126/
science.1156401).

13. ↑ (en) Andrew J. Watson, « Oceans on the edge of


anoxia », Science, vol. 354, no 6319, 2016, p. 1529-1530 (DOI 10.1126/science.aaj2321).
14. Thése El Mostafa ETTACHFINI

Vous aimerez peut-être aussi