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Spectrométrie de fluorescence X

Valérie V. Thirion-Merle

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Valérie V. Thirion-Merle. Spectrométrie de fluorescence X. Circulation et provenance des matéri-
aux dans les sociétés anciennes, Editions des archives contemporaines, 2014, Collection Sciences
Archéologiques, 9782813001634. �hal-01393984�

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Spectrométrie de fluorescence X
Valérie Thirion-Merle

Archéométrie et archéologie, UMR5138, Maison de l’Orient et de la Méditerranée


CNRS, Université de Lyon, 7, rue Raulin
Lyon, France

1. Introduction
La spectrométrie de fluorescence X est une technique d’analyse élémentaire globale
permettant d’identifier et de déterminer la plupart des éléments chimiques qui composent un
échantillon. Cette technique peut être utilisée pour des matériaux très variés : minéraux,
céramiques, ciments, métaux, huiles, eau, verres... sous forme solide ou liquide.
Elle permet l’analyse de tous les éléments chimiques du Béryllium (Be) à l’Uranium (U)
dans des gammes de concentration allant de quelques ppm à 100%, avec des résultats
précis et surtout reproductibles.

2. Principe
L'échantillon à analyser est placé sous un faisceau de rayons X. Sous l’effet de ces
rayons X, les atomes constituant l’échantillon passent de leur état fondamental à un état
excité. L’état excité est instable, les atomes tendent alors à revenir à l’état fondamental en
libérant de l’énergie, sous forme de photons X notamment. Chaque atome, ayant une
configuration électronique propre, va émettre des photons d’énergie et de longueur d’onde
propres. C’est le phénomène de fluorescence X qui est une émission secondaire de rayons
X, caractéristiques des atomes qui constituent l’échantillon. L’analyse de ce rayonnement X
secondaire permet à la fois de connaitre la nature des éléments chimiques présents dans un
échantillon ainsi que leur concentration massique.

2.1 Rayons X et fluorescence


Les rayons X sont des ondes électromagnétiques. On distingue, des plus énergétiques
aux moins énergétiques, les rayons gamma, les rayons X, les Ultra Violet, la bande du
visible, l'Infra Rouge. Les rayons X représentent la partie du spectre électromagnétique
comprise entre 100eV et 1 Mev. L’énergie contenue dans les photons X est donc bien plus
grande que celle des photons lumineux et est suffisamment grande pour pouvoir arracher des
électrons situés au cœur des atomes. L’énergie E et la longueur d’onde d'un photon sont
liées par la relation E = h.c/ où h est la constante de Planck (6,6.10-34 J.s) et c la vitesse de
la lumière (3.108 m/s).
2 V. Thirion-Merle

En spectrométrie de fluorescence X, les sources de rayonnements X habituellement


utilisées sont les tubes à rayons X ou les sources radioactives (surtout pour les appareils
portables mais qui tendent à disparaitre avec le développement des mini-tubes). Du fait de
leur énergie importante, les photons X émis par un tube ont la capacité d’arracher des
électrons situés sur les couches proches du noyau des atomes. L’atome alors ionisé va
tendre à revenir à l’état d’équilibre : un électron d’une couche plus externe va venir combler la
lacune laissée par l’électron qui a été éjecté. Cette transition électronique s’accompagne
d’une libération d’énergie sous forme d’un photon X d’énergie caractéristique de l’atome.
C’est le phénomène de fluorescence X. Plusieurs transitions électroniques sont possibles, un
atome pouvant émettre plusieurs types de photons X. Pour les nommer on utilise la notation
de Siegbahn, on parle de raies K, K, L, L,…

Pour l’analyse du rayonnement de fluorescence X émis par l’échantillon, il existe deux


grands types d’appareillage : les spectromètres à dispersion en longueur d’onde (WD-XRF,
Wavelength Dispersive X-ray Fluorescence Spectrometry) et les spectromètres à dispersion
en énergie (ED-XRF, Energy Dispersive X-ray Fluorescence Spectrometry).

2.2 Les spectromètres à dispersion en énergie (EDS)


Ces spectromètres utilisent la sensibilité de détecteurs à l’énergie des photons X émis
par les atomes qui constituent l’échantillon à analyser.
Il s’agit de détecteurs de type semiconducteur (classiquement des détecteurs Si(Li)
silicium dopé au lithium) ou de détecteurs au silicium à diffusion (Silicon Drift Detector, SDD)
connectés à un amplificateur. Les photons X qui pénètrent dans le détecteur vont provoquer
des ionisations dans le semi-conducteur, les paires électrons/trous vont migrer sous l’effet du
champ électrique de polarisation et provoquer des impulsions de courant dont la hauteur est
proportionnelle à l’énergie du photon. Le détecteur convertit les photons X en charge
électrique et l’amplificateur transforme le signal en impulsion électrique.
Plus le photon X incident aura une énergie élevée, plus il créera de défauts dans le semi-
conducteur et plus l’amplitude de l’impulsion électrique sera grande. Ainsi l’amplitude des
impulsions est directement proportionnelle à l’énergie du photon X pénétrant dans le
détecteur. L’énergie des photons X incidents étant caractéristique des atomes constitutifs de
l’échantillon, on pourra utiliser la hauteur des impulsions pour connaître la nature de ces
atomes. Plus la concentration d’un élément est élevée, plus l’appareil captera de photons X
ayant la même énergie ou la même hauteur d’impulsion. Pour établir la concentration des
éléments présents dans un échantillon, il faut compter le nombre d’impulsions de même
hauteur.

Figure 1 : Schéma de principe d’un spectromètre à dispersion en énergie


Modèle d’article 3

2.3 Les spectromètres à dispersion en longueur d’onde (WDS)


Dans ce type d’appareillage, pour identifier les différents rayons X émis par l’échantillon
est intercalé sur leur trajet un cristal analyseur. Le dispositif utilise la propriété des solides
cristallins de pouvoir diffracter des rayons X dans certaines conditions. Un solide cristallin
peut être vu comme la répétition périodique tridimensionnelle d'éléments (atomes ou
molécules) et être caractérisé par des plans réticulaires espacés d'une distance d passant
par les centres de ces éléments. Ces plans ont la propriété de diffracter un rayonnement X de
longueur d’onde  lorsque l’angle incident  entre ce rayonnement X et les plans du solide
cristallin est tel que l’équation dite de Bragg (1) est satisfaite.
Equation de Bragg : n = 2dsin (1)

avec  = longueur d'onde du rayonnement X incident,


n = ordre de la réflexion (entier positif),
d = distance interréticulaire du cristal analyseur,
θ = angle d’incidence du rayonnement X

Dans un WDS, le rayonnement de fluorescence X émis par les atomes constituant


l’échantillon est d’abord collimaté par un système de fentes appelées fentes de Soller ou
collimateur en un faisceau de rayons parallèles (pour concentrer le rayonnement) vers un
cristal analyseur (figure 2).
Le cristal analyseur est placé sur un goniomètre, ainsi l’angle qu’il présente aux
rayonnements de fluorescence X peut varier. Un rayonnement caractéristique d’un atome ne
sera détecté pour une position donnée du cristal que si sa longueur d’onde répond au critère
de Bragg. Ainsi pour une position donnée du cristal, une seule raie caractéristique de
longueur d’onde  sera diffractée. L’analyse se fait donc de façon séquentielle.

Figure 2 : Schéma de principe d’un spectromètre à dispersion en longueur d’onde

Le faisceau diffracté est alors dirigé vers un système de détection placé tel que lorsque le
cristal varie d’un angle θ, le système de détection varie d’un angle 2θ. Il est toujours bien
placé pour recevoir les rayons diffractés par le cristal. Le système de détection, constitué d’un
4 V. Thirion-Merle

détecteur à flux gazeux et d’un compteur à scintillation montés souvent l’un derrière l’autre et
utilisables en tandem1, convertit le signal reçu en une impulsion électrique de magnitude
proportionnelle à l’énergie du photon.
Ainsi, en faisant varier l’angle θ, et en utilisant successivement plusieurs cristaux 2 (donc
avec des valeurs de d différentes), il est possible d’identifier tous les atomes constituants
l’échantillon (analyse qualitative) et la mesure de l’intensité des raies diffractées permettra de
déterminer la concentration massique de chaque élément chimique contenu dans
l'échantillon (analyse quantitative).

2.4 Analyse quantitative - Les effets de matrice


Pour pouvoir déterminer la concentration massique de chaque élément chimique contenu
dans un échantillon à partir de la mesure de l’intensité des raies diffractées il est nécessaire
d’avoir préalablement réalisé une calibration du spectromètre. Il s’agit d’établir à partir de la
mesure d’étalons des droites de calibration pour chaque élément chimique à déterminer qui
relient les intensités mesurées en fonction de la concentration.
Mais la relation "Intensité mesurée" sur une raie spectrale d'un élément et sa
"concentration" n'est pas directement proportionnelle. En effet, les autres atomes constituant
l’échantillon (la matrice) peuvent modifier le signal : pour une même quantité d’un élément,
plusieurs échantillons ne donneront pas la même réponse, car l’environnement de cet
élément ne sera pas le même.
Ces effets de matrice comprennent deux phénomènes : des effets d'absorption [les
rayons X émis par le tube sont absorbés par l'échantillon avant d'atteindre l'atome cible, c'est
l'absorption primaire ; les rayons X fluorescents sont absorbés par l'échantillon en ressortant,
c'est l'absorption secondaire] ou des effets d'exaltation ou fluorescence secondaire [les
rayons X fluorescents émis par un atome peuvent exciter un atome voisin ; les atomes
reçoivent donc des rayons X venant du tube et des rayons X venant d'autres atomes].
Pour les prendre en compte, des algorithmes de correction ont été développés et
permettent de rendre exploitable quantitativement le traitement du signal. Mais il est impératif
d’utiliser des étalons qui aient une matrice la plus proche possible de celle des échantillons à
analyser. C’est une des difficultés rencontrées avec cette technique que de pouvoir disposer
d’étalons ‘ressemblant’ aux échantillons à analyser.

2.5 Comparaison des spectromètres EDS et WDS


Les spectromètres à dispersion en énergie (EDS) sont en général d’un montage compact
et simplifié par rapport aux spectromètres à dispersion en longueur d’onde (WDS) dans la
mesure où ils n’ont pas de pièces en mouvement et où le détecteur est placé plus près de
l’échantillon à analyser. Ils sont par conséquent bien moins encombrants et en général
meilleur marché. Le système EDS est très utile pour une analyse rapide, tous les éléments

1 Le compteur à flux gazeux est plus spécialement adapté aux rayons X de faible énergie et le compteur à
scintillation aux rayons X de forte énergie.
2 Les cristaux analyseurs les plus courants sont les fluorures de lithium (LiF) plus spécialement dédiés aux
éléments semi-lourds et lourds, les PET (pentaerithritol) et les multicouches aux éléments légers.
Modèle d’article 5

étant détectés en même temps. Pour un spectromètre WDS, l’acquisition est plus lente car
elle se fait élément par élément. On parle d’analyse séquentielle.
Le système WDS est lui bien plus adapté aux applications où une analyse quantitative
précise est nécessaire. Les spectromètres WDS sont plus performants pour les éléments
légers ; leur pouvoir de résolution ou résolution spectrale, c’est-à-dire leur capacité à séparer
des raies, est nettement supérieur – surtout pour des éléments dont les raies ont des
énergies caractéristiques très proches3 et enfin les limites de détection sont en général plus
faibles.

3. Préparation des échantillons


La fluorescence X appliquée aux céramiques archéologique
Il existe de nombreuses méthodes de préparations des échantillons qui sont fonction du
domaine d’application dans lequel on se trouve. La spectrométrie de fluorescence X étant
très souvent utilisée pour l’analyse des céramiques archéologiques, nous décrirons deux
procédures généralement utilisées dans ce cas, procédures toutefois transposables à
d’autres matériaux.
Ces deux techniques se font à partir d’un échantillon sous forme de poudre. Il faut donc
commencer par prélever un échantillon du tesson de céramique, décaper toutes les surfaces
du prélèvement de toutes traces de revêtement (pour être sûr de n’analyser que la pâte
céramique) mais aussi les surfaces externes en contact avec le milieu d’enfouissement ; ces
opérations se faisant à l’aide d’une scie à lame diamantée pour éviter toute contamination. Le
prélèvement est ensuite grillé à 950°C et, enfin, réduit en poudre à l’aide d’un broyeur en
agate ou en carbure de tungstène, là aussi pour éviter toute contamination.
On peut alors soit préparer une pastille soit préparer une ‘perle de verre’. La pastille est
obtenue par compression de la poudre céramique à l’aide d’une presse. Un liant peut être
ajouté pour conférer une bonne solidité mécanique à la pastille. L’échantillon est alors prêt
pour analyse. Néanmoins l’épaisseur des grains influence fortement l’intensité de
fluorescence X en l’augmentant ou la diminuant suivant l’élément et la matrice, tout comme la
pression et le temps de pastillage.
Ces inconvénients sont supprimés par la méthode de fusion où l’échantillon est
transformé en une ‘perle’ de verre homogène et de surface parfaitement lisse. Pour ce faire,
la poudre céramique mélangée à un fondant (mélange tétraborate et métaborate de lithium)
est portée à une température élevée sous agitation constante pour assurer la fusion complète
et une excellente homogénéité au verre formé qui est ensuite coulé dans une coupelle puis
refroidi.

3 On en trouvera un exemple sur la page :


http://www.x-raymicroanalysis.com/x-ray-microanalysis-explained/pages/tutorial2/comparisonedswds.htm
6 V. Thirion-Merle

‘Perles de verre’ obtenues à partir d’une machine de fusion

Il est assez difficile de donner un poids moyen de céramique nécessaire. Plusieurs


paramètres doivent être pris en compte : la nature de la pâte céramique – la quantité
nécessaire pourra être moindre pour un échantillon de pâte fine par rapport à un échantillon
de pâte grossière contenant de nombreuses inclusions avec une répartition irrégulière – mais
aussi la présence ou non de revêtement puisque celui-ci est systématiquement supprimé. Au
laboratoire de céramologie de Lyon, on réalise une ‘perle’ à partir de 0,8g de poudre
céramique et de 3,2g de fondant. Mais compte tenu des différents traitements préalables
nécessaires, il faut un tesson pesant au moins 2g pour des échantillons ayant une pâte
relativement fine.

4. Conclusion

La spectrométrie de fluorescence X permet l’analyse de nombreux type de matériaux.


Néanmoins, chaque laboratoire équipé de ce type d’appareillage est plus ou moins dédié à
l’étude d’un matériau en particulier et aura développé ses propres méthodes de préparation
en fonction des caractéristiques des échantillons à analyser. Mais surtout il aura mis au point
une calibration adaptée à la matrice des échantillons, avec un lot de standards appropriés. Le
choix de ces standards et la mise au point de la calibration d’un spectromètre de
fluorescence X sont des étapes, qui peuvent paraître longues et fastidieuses, mais dont la
qualité sera le garant de résultats fiables et reproductibles.

Bibliographie
Pour en savoir plus sur cette technique, on pourra consulter les ouvrages de référence
suivants :

J.-P. Eberhart, Méthodes physiques d'étude des minéraux et des matériaux solides, Paris, Doin, (1976).
J.-P. Eberhart, Analyse structurale et chimique des matériaux 2e éd., Dunod, (1997).
R. Jenkins, Fluorescence spectrometry 2nd ed., New York, Wiley-Interscience, (1999).
B. Beckhoff, B. Kanngießer, N. Langhoff, R. Wedell, H. Wolff, Handbook of Practical X-Ray
Fluorescence Analysis, Springer, (2006) (ISBN 3-540-28603-9, partiellement en ligne).
Modèle d’article 7

J.-L. Martin, A. George, Caractérisation expérimentale des matériaux II, Analyse par rayons X, électrons
et neutrons, Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, collection Traité des
matériaux, 367 p., (1998).
C. Whiston, X-Ray Methods, Analytical Chemistry by Open Learning, Ed. F Elisabeth Prichard,
Publisher: John Wiley & Sons, 426 p., (1987).

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