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« Les difficultés scolaires sont – avant tout, et c’est là le problème – attribuées à des
pathologies et à des troubles »
Martine Caraglio
5 - 6 minutes

Société
Les débats sur l'éducation

Tribune

L’étiquette « handicap », qui occulte les contextes pédagogiques ou les aspects sociaux qui
peuvent entraver les apprentissages, est attribuée à des élèves qui ne justifient peut-être pas
l’entrée dans une catégorie qui naturalise leur différence, souligne Martine Caraglio, inspectrice
générale honoraire de l’éducation, du sport et de la recherche, dans une tribune au « Monde ».

Publié le 02 mai 2023 à 05h30, modifié le 02 mai 2023 à 16h51 Temps de Lecture 3 min.

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L’éducation inclusive incarne un nouveau paradigme où le handicap est envisagé non plus
comme une incapacité des personnes, mais comme une limitation d’activité ou une restriction
de participation. Le regard n’est plus focalisé sur la déficience de la personne, mais sur
l’accessibilité de l’environnement.

L’école « ordinaire » devient la référence pour les élèves reconnus en situation de handicap,
présentant des « besoins éducatifs particuliers ». Le principal effet de cette dynamique inclusive
réside dans la progression significative du nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés
dans les établissements relevant du ministère de l’éducation nationale, plus de 430 000 à la
dernière rentrée.

Toutefois, force est de constater que cette augmentation n’a été accompagnée que d’une faible
réduction de l’effectif des établissements médico-sociaux. Cette augmentation résulte en effet,
pour partie, de la définition extensive du handicap donnée par la loi de 2005 pour l’égalité des
droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui a élargi
son champ à des populations auparavant non identifiées comme telles.

Paradoxalement, alors qu’une conception plus sociale du handicap devrait conduire à une
véritable prise en compte de l’interaction entre la personne et son environnement, plus forte
devient l’importance des catégories diagnostiques à l’école.
Si l’objectivation de la catégorie des « troubles spécifiques des apprentissages » constitue un
réel progrès, de même que l’apport des neurosciences cognitives dans les connaissances
relatives aux troubles neurodéveloppementaux et à l’autisme, l’augmentation du nombre
d’élèves dont les difficultés sont interprétables en termes médico-psychologiques ne peut
s’expliquer par ces seules avancées scientifiques.
« Handicapisation » de l’échec scolaire

Occultant les contextes pédagogiques qui soutiennent plus ou moins favorablement les
apprentissages, occultant la variabilité interindividuelle des élèves qui peut nécessiter des
pratiques adaptées, occultant, voire invisibilisant, les aspects sociaux telle que la grande
pauvreté et ses conséquences dans les apprentissages fondamentaux, les « difficultés scolaires
» sont – avant tout, et c’est là le problème – attribuées à des pathologies et à des troubles. Ce
processus de « handicapisation » de l’échec scolaire confère l’étiquette « handicap » à des
élèves, certes en difficulté, mais qui, du point de vue de l’école, ne justifient peut-être pas une
mesure d’exception ni surtout l’entrée dans une catégorie qui souligne et naturalise leur
différence.

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