Vous êtes sur la page 1sur 264

Du bouddhisme / par M.

J. Barthélemy Saint-
Hilaire,...
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
Barthélemy-Saint-Hilaire, Jules (1805-1895). Du bouddhisme / par M. J. Barthélemy Saint-Hilaire,.... 1855.

1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la
BnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 :
*La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source.
*La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits
élaborés ou de fourniture de service.

Cliquer ici pour accéder aux tarifs et à la licence

2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit :

*des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sans
l'autorisation préalable du titulaire des droits.
*des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèque
municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation.

4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle.

5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateur
de vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays.

6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de non
respect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978.

7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter reutilisation@bnf.fr.


Mbut d'uno sério de docnnr<enh
encouteuf
Fin d'uno <dtte dw doCumenH
Meouteut
(Y~
DU BOUDDHISME.
Orties. !mp. Cohs-Gardin.
3.:

DU

B$!JMmSME

p.m

H. J. BARTHÉLÉMY SA!NT-HtLA!RE

~~T7~\
MEMnnE OEHNSTrru'r

dos Sotcncot ntoratoa et


iEAcp<Mmto poûttqHc~)

PARIS

BENJAMIN DUPRAT, LiBRAIRE DE L'INSTITUT,


Do la Bibliothèque tmptitMo, det aocMM. a~Mquo. do Paris 0
do tenthe*, de Madra< et do CatmiKa, etc.

Buo <tn n' W.


CtotttC-Satnt-Benott,

~8SS
AVANT-PROPOS.

Cet ouvrage sur le BoM<M/tMNM MK/MMest on quelque


sorte le pendant de celui que j'ai récemment
publié
sur les t~M. tt est egatemont extrait du ~OMf~ doe
jSaM!)~ où it a été inséré presque entier par articles

séparés, du mois de mai ~8!!4 au mois d'avril ~888.


Je n'ai guère fait que réunir ces articles,
qui avaient
été conçus d'ailleurs dans un ensemble
systématique;
et comme depuis lors il n'a rien paru sur
d'important
ce sujet, j'ai pu n'y apporter aucun changement. On
verra que cette étude est empruntée aux ouvrages,
célèbres à divers titres, de MM. Hodgson, Turnour,
Csoma de Kôrôs, Schmidt, E. Burnouf, Ph.-Ed.
Foucaux, Stanislas Julien, Chr. Lassen, etc. Je m'y
suis proposé surtout de les erreurs dont le
prévenir
Bouddhisme, quoiqu'il soitaujourd'hui mieux connu,
pourrait continuer ù être l'objet. Il ne faut ni t'cxat-
ter ni le rabaisser outre mesure. A tout prendre, c'est
Vt

une des pages les plus vastes, mais aussi tes


plus tris-
tes de l'histoire de l'esprit humain. N6 dans le centre
do t Inde et sur les bords du
Gange six siècles avant
l'èrechrétienne, il règne do nos jours,
après plus de
deux mille ans, sur la meilleure partie do l'Asie; il
y règnera sans doute bien encore. Mais la
longtemps
fortune qu'il a faite doit exciter notre curiosité bien
plutôt que notre estime. Ses dogmes, quoique suivis
par des peuples sans nombre, n'en sont pas moins
faux et repoussants et je n'ai point été injuste en les
réduisant a deux, l'athéisme et le néant. Mais, quel-
quo horreur que ces croyances nous inspirent, il est
bon de les connaître dans toute ieur abjection ne
serait-ce que pour mieux apprécier les nôtres. Si c'é-
tait !a religion chrétienne qui eût produit le Boud-
dhisme, comme l'a cru te zèto plus ardent qu cctah'é
de quelques missionnaires, c'est un monstre qu etto
aurait enfanté; et c'était lui faire bien pou d'honneur

que de lu. attribuer gratuitement cette postérité dé-


plorable.
J'ai pu rétablir, a l'aide des tégendes, l'histoire
réotto du Bouddha, né fils do roi et se faisant ascète et
mendiant à Fage de vingt-neuf ans, pour
prêcher jus-
qu'~t quatre-vingts sa doctrine du salut éternel et la
Loi qui devait Muver les créatures. Selon moi, cette
histoire doit prendre rang désormais dans les annales
do l'humanité, que le réformateur honore par son
caractère, si ce n'est par ses théories. Sans doute il
vu

serait hasardeux d'affirmer que toutes ces traditions


venues jusqu'à nous au travers des âges sont fidèles;
mais les faits essentiels qu'elles
rapportent, tout on los
transformant, sont vrais, si t'en s'en no au nombre
et à l'authenticité des monuments qui les attestent.
Le Bouddhisme a pour lui, dans t'tndo; dans le Tibet,
dans la Mongolie, Coytan et dans la Chine, plus do
témoignages irrécusabtos que n'en peut alléguer au-
cune autre religion aussi vioitto
que lui.
A la suite de t'histoiro do ÇtUtyamouni,
j'ai exposé
sa moratc, et ta métaphysique sur laquelle elle se
fonde; puis je les ai jugées l'une et l'autre, et c'est a
une condamnation que j'ai dû aboutir. Mais si te
Bouddhisme n'a rien à nous apprendre sur les gran-
des questions qui sollicitent et troublent la raison hu-
maine, il mérite toute notre attention par son origi-
nalité, par sa foi énergique et austère, par ses vertus
héroïques, que no compromet point son extravagante
superstition, et j'ajoute, par son désespoir inconso-
lable autant que sincère. Un tel
spectacle doit exciter
tout au moins, a défaut de un tres-dou-
sympathie,
toureux intérêt car c'est une des solutions les
plus
graves, et sans contredit la plus sombre,
qui aient
jamais été données au problème de la vie humaine.
DU

BOUDDHISME.

1.

CHRONOLOGIE DU BOMDHiSMB.

JLogeniû indien, dans son immense dovcioppomont, a


deux facos principales qu'il fautconnaitro t'uno et l'autre
pour apprécier tout co qu'it cst co sont le Brahmanisme
ot!o Bouddhisme. J'ai toachû, en traitant des Voaas, aux
origines religieuses et phiiosophiques du prenHor; je vou-
draisaussi consacrerquelques études au second. Les monu-
monts qu'il a produits nous sont désormais accossiNea dé-
couverts, ii y a moins do vingt-cinq ans, par d'heureuses
renhorches, i!s commencent Mtre publiés et traduits dans
tes principales langues do l'Europe. Plus nombreux enco-
re, s'H est possiMe, que tes monuments de la littérature
brahmaniquo, fis sont d'un tout autre genre; mais iis ne
méritent pas un moindre intérêt. Ils doivent môme on
avoir un tout particulier aux yeux do la phitofiophio.
Avec to récit plus ou moins authentique do la vie du
1 2
2 –

Bouddha, ils no traitont jamais quodo doux sujets la morale


ot!a métaphysique. Je no veux pas dire que dans ces ques-

tions, los plus grahdo" que puisse so proposer t'intelllgenco


ttumaino, les Bouddhistes aient accompli dos cheh-d'œu-

vro tant s'en faut; et tours erreurs on philosophie n'ont

guère d'égales que teur superstition. Mais c'est toujours


un noMo spoctacio quo celui do t'hommo aux prises avec
Ics probtomos d'où dépend sa destinée tout ontiôro. Lo
Bouddhisme nous donnera
exemple do plus do notre
un

grandeur et do notre fragilité. On ne peut pas so pro-

poser un but plus e)ev6 car c'est !e salut étornol qui seul
te préoccupe. On no pput pas faire do ehuto plus profon-
de car on voulant sauver t'hommo, <t en arrive a no lui
offrir pour refuge que te néant. Comment s'est formée
cotte deptoraMo croyance ? Quel on a été le fondateur?

Quel était son caractère personnot? Quollo fut sa vie?

Quots sont tes principes do son système? et & quollea con-

séquences viennent-its aboutir? Voiti) quo!quos.uncs dos

quo jo voudrais examiner ot qui me semblent


questions
dignes do Sxcf un Instant l'attention.
Le Bouddhisme, on lu sait, est né dans le sein do la

société et brahmanique,
Indienne danstovn' sioctotout
au moins avant notre ère, et peut htro plus anotonno-
mont encore. )) s'y est présonté comme uno réforme qui
devait changer les croyances généralement adoptées par
cotto société, et qu'cHo avait tirée! par uno tente c!abora-
tion, des Védas regardes commodes Mvres divins, ttf'estde-

vc!opp6 dans!e nord do t'tnde. sur tes doux rivcsdu Gango,


pendant do long" slèoles, a l'étot de système philosophique,
répandu par une prédication toute pacinquo, et acceptoble
comme tout autre o ta toicrance des Brahmanes. H a fait
des prosélytes sans nombre parmi les pe''p!es et parmi les
rois. H est descendu vers le sud s'est p< upnge a t'oucst et
-5–

dans to centro do t'tndo, et a pénétré de proche en proche


l'lie do Ceytan. Ses conquêtes no so sont pas bor-
jusqu'à
nées au vaste pays qui l'avait vunaitro;tt on a dépasse

!es limites, et il s'est étendu au nord et à l'est sur dos con-

trées bienptus vastes encore. Puis, après avoir duré dans


l'Indo plus de douze cents ans, il en a été tout & coup ex-
violente qui l'a exterminé. Mais
pulsé par une persécution
il s'est réfugié chez iM peuples voisins où son empire n'a
fait quo s'accroître et aujourd'hui il règne sans partage

au Nopal, au Kaohemiro. au Tibet, et dans la Mongolie, au

nord: dans t'tio do Coylan au sud; & t'est. chez tous les
Tchampa.au Birman. au
peuples transgangétiqucs.au
d'Ava, à Siam, dans ta CochincMno et a l'extré-
royaume
mité do l'Asio, la Chine presque entière et te Japon no con-

naissent guère que lui pour religion.


to Bouddhisme dans son histoire;
Je no veux pas suivre
car c'est là un sujet qui no pourra Ctro traité avec quelques
chances d'exactitude et do succès qu'après bien des tra-
vaux do détail; jo veux seulement montrer los origines de

co grand mouvement qui a dominé presque toute t'Asio.


Jetés trouve dans!es8oû:rasou livres canoniques qui
renfermer !a doctrine du réformateur to-
passent pour
cuoiitie dosa bouche. !)s ont été écrits primitivement on

sanscrit et en pAli et c'est do ces deux tangues qu'ils ont


été traduits à diverses époques en Chinois, en 'tibétain,
en Mongo!. en Birman, etc.
Notre langue possède déjà deux de ces livres, l'un le
J~Mtao~hM'a publié d'après la traduction tibétaine et

revu sur l'original sanscrit par M. Ph. Ed. Foucaux; t'au-

tre, !o to<M< la bonne loi, par M. Eug. Burnouf, onlov6


si prématurément à la science, pour laquelle i) a tant fait.

sa carrière ait été bien Incomplète. ti y a près do


quoique
dix ans que d~'JA je me suis occupé du Bouddhisme, li
1.
4

l'occasion d'un M. B. Burnouf, intitulé


promterouvragodu
7H<t'o(hfc<<on à t'M~otM du Bouddhisme tmMeH. Aujour-

d'hui, en étudiant son ouvrage posthume, je veux rendre


un nouvel hommage à ses travaux et à son génie. J'ai eu
l'occasion une première fois de dire toute l'estime que le
monde savant doit on faire (1) mais ses mérites sont d'un

tel ordre, et peuvent être d'un si utile exemple qu'on no


saurait on répéter trop souvent l'éloge. Ce n'est pas seule-
ment une Justice reconnaissante c'est do plus un moyen

do provoquer des imitations fécondes, et do continuer on

quoique sorte les leçons du mattre ravi trop tôt à son


Ce que j'ai loué dans los recherches do
enseignement.
M. E. Burnouf, c'est moins encore
l'importance et la certi-

tude des résultats obtenus que la méthode à la fois péné-

trante et circonspecte à l'aide do laquelle it les obtenait.

ti a toujours su demeurer dans son rôle do philologue et


les
malgré dos exhortations pressantes que lui adressaient
it n'a jamais
juges les plus éclairés et les plus bienveillants,
sur le terrain do
voulu en sortir, pour entrer périlleux
l'histoire. Il s'est borné dans toute sa laborieuse carrière à

traduire, à déchiffrer, à interpréter, à analyser des mo-

et it a su no pas aller au-delà, quoiqu'il ait dû


numents
bien souvent être tenté do franchir ces limites, ït n'a point

obéi à des impatiences que pout-otro ii ressentait lui-

mOmo quelquefois, mais que surtout on ressentait autour

do lui. 11 y a des esprits un pou trop prompts qui no se


contentent pas des magnifiques conquêtes qu'à déjà faites
la philologie sanscrite, et qui, pou soucieux d'avoir vu

s'ouvrir dans l'espace d'un demi-siècle la littérature brah-


de philosophie
manique depuis les Védos et les systèmes

~862, cahiers d'août et do septem-


(i) tournât des ~auanf),
bro, )'f)gc9/t73et60t.
s –

drames et aux
poésies légères, la littérature
jusqu'aux
bouddhique du nord et du sud, depuis les Soûtras dépo-
traités do
sitaires de la parole du réformateur jusqu'aux
voudraient encore qu'on leur apprit déjà
métaphysique,
do ces temps reculés, comme on peut leur
l'histoire
cotte d'Alexandre et d'Auguste.
apprendre
et cette
M. E. Burnoufn'a point cédé a ces entraînement));
prudente réserve fait te plus grand honneur à son carac-
tère sciontinquo. On no peut rien dire aujourd'hui que do
et do très-vogue sur des origines qui se per-
très-incomplet
dent dans ta nuit dos temps. A quelle date, dans quel

temps précis ont été


composés ces ouvrages que la phiio-

loglo explique? par quels autours? dans quels pays? sous


so sont succède
quels princes? ?Quo!to suite d'événements
dans ces époques tointainos et obscures? Ce sont là des

questions du plus haut intérêt sans doute, qu'on pourra


résoudre sont aujourd'hui prématu-
plus tard matftfqui
rées. A t'heuro qu'il est. ttostimpossibto d'y répondre:
une solution, c'est vouloir s'exposer il
et tenter mémo
d'inévitables mécomptes. Ce que doivent fatro a pr6sont

les Intolligences sérieuses et sages. c'est d'étudier les mo-


c'est do tes com-
numents, qui aux aussi sont des faits;
dans toutes leurs difficultés, et d'eotaircir tes té-
prendre
nèbres de langues encore pou connues. C'est tit un terrain
assurés otrecnoit-
solide, où l'on peut faire les pas les plus
tir dos fruits certains. Mais. hasarder dos considérations
dans un sujet qui ne comporte oncore que dos
générâtes
vues de détail, c'est risquer do no poursuivre que des
souvent à la
hypothèses et do mettre trop l'imagination
C'était lu conviction do
place do la science. profonde
M. E. Burnouf. qui t'a guidé,
et c'est elle comme elle l'a

soutenu, dans ses labeurs Incessants, qui devaient abrécor


pa vie. tt est d'autant plus louable d'y être demeuré <!de)o.
6-

qu'il était doué de toutes les qualités d'esprit nécessaires


pour jouer encore un autre rAie que celui qu'il a choisi et
si constamment gardé. Qui peut douter qu'avec la vivacité
et la justesse d'intelligence qu'il possédait, ii n'eût pu se
faire l'historien brillant du Brahmanisme et du Bouddhis-
me, au lieu d'être le patient interprète des monuments
qu'ils ont produits Mais qui peut douter aussi. quand on
connaît i'etat réel des choses, qu'il n'ait été mille fois
plus utile par ces travaux plus modestes en apparence.
qu'll no i'eût été par des travaux plus ambitieux, mais
moins sûrs? L'histoire e!io-memo doit s'applaudir que des
esprits do cette puissance se contentent de lui préparer
dos matériaux, et qu'ils no se hâtent pas d'élever un édi-
Hce dont les assises no sont encore ni assez nombreuses
ni assez fortes.
Le i!.o«M do la bonne loi, quo !a pieuse bienveiitanco
d'un ami et d'un disoipit M. Jutes MoM et M. Théodore
Pavie, a publié après la mort
do M. E. Burnouf, eonnrmo
los réiléxions que je viens do présenter et je no crois pas
que, dans aucun do ses ouvrages, mémo dans son Com-
MMttat'ra <Mf ~e y~na. ses éminentes facuitésde philolo-
gue et son admirabto méthode se déploient aveo plus d'o-
clat et do profit. Le livre, comme son titre seul i'indiquo, so

compose de trois parties distinctes d'abord ie Zo<<M do


t<t bonne tôt, traduit sur l'original sanscrit, un des Soufras
développés les plus vénérés au Népat, et qui fait partie des
neufDharmas. ou livres canoniques, que reconnaiti'ortho.
doxio Bouddhique (i) en second lieu dos notes plus ou
moins longues sur chacun des vingt-sept chapitres du
<.ot<M, no iaisaant aucun terme ni aucun fait un peu obs-

(i) M. H. Burnout, /nfrodMC«o)) d t'/(f«of''e fh) BoM~h~mc

<ndfett,png')H.
une etennn une suite do mémoires
cur sans explication;
de la langue spéciale du
sur les mots les plus importants
mémoires comme ceux
Bouddhisme. dont quelques-uns,
aux édits religieux du roi Bouddhiste Piya-
qui s'adressent
formeraient des volumes entiers. C'est donc,
dasi (Açoka)
toute philologique et
comme on peut le voir, une ouvre
il on sort des conséquences do la plus haute
cependant
ainsi que le prouvera la suite do cet
portée pour l'histoire,
examen. En élucidant des mots avec la sagacité infaiiiibto
M. E. Burnouf constate des faits histo-
qu'on lui connaît,
seule
riques do la dernière importance. que la philologie
et certifier. Son mémoire sur la langue
pouvait découvrir
te démontrer do
des édits retigieuxdePiyadasi pourrait
un pou plus
la manière la plus déoisive. J'y reviendrai
loin.
de t'Mno loi n'est pas précisément uno his.
Le fo«M
ou du Bouddha, comme le
toiro de la vie do Çakya-Mouni
a traduit du tibétain et
Laaltavlstara, que M. Ed. Foucaux
revu sur l'original sanscrit c'est le récit do quotquos.unos

do ses prédications, récit qui doit nous sembler trop sou-

vont extravagant et même absurde, mais qui, aux yeux

a l'autorité d'un livre saint, et mOne on


des Bouddhistes.
Je tirerai de ces deux monuments, dus a
peut dire révéié.
des savants français, et de quelques autres. qu'ont publiés
MM. Hodgson. Tumeur. Schmidt,
des savants étrangers.
de ia morale et
Csoma de Kôros, etc., une analyse ndëto
du Bouddhisme; et j'essaierai do faire
do la métaphysique

comprendre les dogmes qui régissent depuis plus do vingt


siècles la foi do trois cents millions do nos semblables.
m'arrêter
Mais auparavant je crois devoir quelques instants
et la valeur historique des ouvrages
sur l'authenticité
bouddhiques, et sur la date approximative qu'on peut dès
à présent sans erreur & ia grande réforme qui
assigne)'
8 –

après avoir échoue dans les contrées qui l'avaient produi-


te, et avoir été chassée de l'Inde, s'est répandue triom-

phante au nord, au sud et à l'est, sur des pays immenses


où elle règne encore.
Je ne hasarderai en ceci aucune conjecture, et je
loue trop hautement
l'exemple prudent do M. E. Bur-
nouf pour ne pas rester Sdète à ses conseils. C'est à ses

propres ouvrages ou à des ouvrages qu'il a lui-même

approuvés, que j'emprunterai tous les faits incontestables

que je citerai, et qui sont dès à présent beaucoup plus


nombreux qu'on ne serait peut-être porté à le croire, si
l'on s'en tenait aux reproches tant de fois et si justement
adressés à l'Indo, de n'avoir ni chronologie ni histoire. Le

Bouddhisme, né dans le sein du monde brahmanique, et


tentant de le changer a, si ce n'est du une date précise,
moins une date minimum qui le place sept siècles avant
t'èro chrétienne, et l'on verra que ce témoignage si essen-
tiel, emprunté à des auteurs indiens et aux annates sin-

ghatakM en pâli, au quatrième


rédigées siècle do notre ère,
est conHrmé dans les limites restreintes où nous le pre-
ndhs ici, par les témoignages unanimes des peuples boud-

dhiques, népalais, cachemiriens, tibétains, mongols


et, avant tous les autres, par ies Chinois, qui sont do si
minutieux annalistes. C'est là un point de fait qu'il ne faut

jamais perdre do vue dans tout ce qui concerne l'Inde; car


on sent que, si l'on pouvait étever sur l'époque du Boud-
dhisme les doutes qu'on a si longtemps, quoique si légè-
rement entretenus, tout intérêt serait à peu près enlevé a
cos laborieuses recherches dont l'Indo a été, et sera pour
bien des années encore, le légitime objet.
On peut se convaincre, si l'on veut, par un bien déci-
sif exemple de tousles progrès qu'ont faits depuis trente
ans seulement ces belles et diiucites études. Pour que cet
– 9 –

exemple ne puisse laisser prise à la moindre hésitation. je


l'applique à l'un des hommes les plus justement illustres
dans la philologie sanscrite, je veux dire Colebrooke. H
sumt de jeter les yeux sur les deux volumes do ses Mélan-
gea (1), sans parler de ses autres couvres, pour reconnal-
tre la variété, l'étendue, la solidité de ses travaux, en
même temps que ses rares qualités d'intelligence. Il n'est
pas d'homme qui ait rendu pins de services aux études
sanscrites, et qui fût mieux au courant de tout ce qui pou-
vait les servir et les développer. Dans ses Mémoires sur
la philosophie indienne, que le premier it a eu la gloire
de nous révéler, il en a consacré un, le cinquième (2),
aux Djinas et aux Bouddhistes et l'on y peut voir combien
peu de renseignements les gens les plus savants possé-
daient alors sur les croyances et l'histoire du Bouddhisme.
Cotebrooko, avec la réserve qui le distinguo, comme elle
distinguait et plus encore M. E. Burnouf croit ne pas
trop s'avancer en amrmant que le Bouddhisme est origi-
nairement indien et il semble que ce soit encore une sorte
d'audace à ses yeux que d'oser aller jusque-ta. ïi ne pos-
sède pas un seul des ouvrages originaux du Bouddhisme,
bien qu'il sache qu'ils ont ét<: composés en sanscrit et en

pâli (5) et it en est réduit, pour exposer les opinions dos


Bouddhistes, qu'il veut faire connattre, à les tirer des
réfutations deteurs adversaires brahmaniques. C'est sur la
foi dos deux Mîmânsas, première et dernière, sur la foi
du Sankhyo de Kapila qu'il analyse la philosophie du
Bouddha, Il fait de Çâhyamouni, qu'il nomme Bouddha-

(i) .MMceM<MtMtM JFMo~, by H. T. Colebrooko, in two volu-


mes, 8°, London, 1837.
(2) MtMeHattMMS Z~Maj/t, t. p. 378.
(3) Ibid. 1.1, p. 380.
-10-

mouni, l'auteur des Soutras, qui forment selon lui un


corps de doctrine appelé Agama ou Castra. ') connaît d'ail.
leurs assez précisément les quatre éco!es principales entre
se sont partagés les Bouddhistes
lesquelles qui ont fait
usage du sanscrit pour Bxer et propager leurs croyances.
Enfin, il connaît aussi la théorie du Nirvana.
qu'il signale
comme une des opinions spéciales de cette secte sans
(1),
d'ailleurs lui accorder l'importance capitale que la reiigion
bouddhique lui donne.
Ainsi, on voit le
Colebrooke lui-même, en 1827,
époque où il lisait ce mémoire à la Société royale asiati-
que de la Grande-Bretagne et de l'Irlande ne savait pres-
que rien du Bouddhisme. H n'avait aucune notion précise
sur la vie du Bouddha, sur la révolution qu'il avait accom-
plie dans le monde indien, sur les lieux où il avait d'a-
bord prêché sa doctrine, sur les ouvrages originaux qui la
renfermaient, sur i'époquo où i) avait paru et sur io rap-
port exact de
sa croyance à la croyance brahmanique.
Pour lui Çahyamouni est un philosophe comme un autre
!i cherche à reconstruire son système, bien qu'il n'en ait
que des fragments msuiïisants, comme it a reconstruit
ceux de Kapita ou de Djaïmini. En un mot. le réforma-
teur todt entier lui échappe, et la grandeur de sa tentative
si hardie et si profonde n'apparaît pas dans les détails,
assez exacts d'ailleurs, mais fort incomplets, que lui consa-
cre l'illustre indianiste. Si Colebrooke n'a pas fait
plus,
c'est qu'au moment où il écrivait, il était do
impossible
faire davantage.
Mais quelle prodigieuse distance entre ce qu'on savait
alors, et ce qu'on sait aujourd'hui 1 et que do faits nous
ont appris ces vingt-cinq années à peine, écoutées depuis

(i) ~MMHatMOtM JB'MHt~ t. i, r. ~tOi.


-11–

que Colebrooke composait ces mémoires fameux qui sont


et qui resteront pour lui un titre do gloire impérissable ) 1
Je ne voudrais pas répéter des choses qu'on a si bien
dites déjà (i), et que le monde savant adopte désormais
sans contestation mais ces faits sont si nouveaux et si
graves qu'on m'excusera d'y revenir encore une fois et de
les résumer, pour les rendre tout ensemble plus clairs et

plus frappants.
Ce fut en 1828, un an après le Mémoire de Colebrooko,
que M. Brian Haughton Hodgson, résidant anglais Kath-
mandou, capitale du Nepai, publio pour la première fois
les résultats de ses recherches dans les monastères boud-
dhiques do ce pays. Il y avait découvert, après de longues
et patientes investigations, une foule d'ouvrages sanscrits
qui passaient, au dire des moines qu'il consultait, pour
les ouvrages sacrés où les disciples du Bouddha, Inspirés
par lui, avaient déposé sa doctrine. M. Hodgson recueil-
lait un nombre considérable de ces livres; et
après les
avoir consultés tui-memo, it tes mettait avec la plus nobio
générosité a la disposition des Sociétés de Calcutta, de
Londres, do Paris. Il fut bientôt constaté que ces ouvrages
composés en sanscrit étaient les originaux sur lesquels
avaient été faites. dans les premiers siècles do notre ère,
les traductions chinoises, tibétaines, mongoles, qui avaient
transplanté le Bouddhisme au nord et à l'est do t'tndo,
chez les peuples innombrables qui l'avaient pieusement
recueilli et qui le gardent encore aujourd'hui.
Presque en mémo temps que M. Hodgson faisait sa

(1) Voir, dans le 7ottn«t! (!M ~«oanfe de i8M, cahiers d'a-


vril, mai et juin, les articles de M. Biot sur l'ouvrage do M. E.
Burnout iutituM /t)<)'o(!Mct<oH t'Mftoffc (ht Fot«MA<tme
indien.
-<2-

grande découverte, un jeune médecin hongrois, Csoma,


de Koros, on Transylvanie, enflammé du même héroïsme
quo naguère notre
Anquetil-Duperron, pénétrait seul et
sans aucun appui au Tibet il en apprenait la langue, et
il publiait quelques années plus tard. en 1834, dans )o
JoMHM! de la Socidtd asiatique du Bengale, et dans les Re-
cherche, de cette compagnie, des analyses détaittées do
deux grands recueils tibétains appelés le Kah-gyour et le
Stan-gyour. Ces deux recueils, dont le premier contient.
on 100 volumes, 1083 traités. et dont le second, en 22S
volumes, on contient près de 4,000, no sont. comme leur
nom l'indiqno en tibétain, que des traductions (1) faites.
au vite siècle de notre
ère, par les missionnaires bouddhi-
ques réfugiés au Tibet. La loi du Bouddha,
transportée
dans ce pays par des étrangers, y était devenue bientôt )n
religion dominante. et le Bouddhisme tenta de faire alors
pour ces contrées demi-barbares, ce que t'influence bien-
faisanto du christianisme faisait
pour tant d'autres durant
le moyen.age. Toutes ces traductions ont reproduit avec in
fidélité la plus scrupuleuse los originaux sanscrits, dont
la lettre était sacrée et presque divine. Or, ces originaux
étaient ceux-là mêmes quo M. Hodgson avait découverts
au Népai et la totalité des quatre-vingt-huit ouvrages
qu'il s'était procurés et qu'il avait communiqués si libéra-
lement & l'Europe savanto so retrouve dans te recueil du
Kah-gyour, que. par une autre libéralité non moins
admirable, la Société asiatique du Bengale a offert on
don a la Société asiatique do Paris, en 1835.

(t) M.Ph. Ed. Foucnux, tMdxcnoohancai-'odu Rgya «'&'?)-


t'ot pa, proface, pagavo, on note: M/ouf veut dire « (raduc
tion tat ou Mo/t vaut dire cotntoonftotocnts et <'f«H ou
6<h!M, )' instructions.
13--

Ainsi, les travaux de Csoma de Koros, complétaient de


la manière la plus heureuse et la plus inattendue
do ceux
M. Hodgson. La traduction tibétaine tout entière était un
gage irréfutable de l'authenticité du texte sanscrit. Pour
connattre désormais le Bouddhisme, on pouvait indiffé-
remment s'adresser, soit à la langue tibétaine, soit a la
langue sanscrite seulement, cette dernière l'emporte sur
l'autre de toute la supériorité do l'original a la copie. C'est
ainsi que le AottM (~ &OHM9 loi (Saddharma pounda-
r!ka), que M. E. Burnouf traduisait sur le sanscrit, est on
tibétain dans le septième volume du Kah-gyour, et que le

Rgya tcA'er ro! jM, que M. Ph. E. Foucaux. interprétant


le premier parmi nous un texte tibétain, a traduit du
second volume du Kah-gyour, a pu être revu par lui sur
le texte sanscrit du Z.aM<<)M«or«, dont il n'est que l'exacte
contre-épreuve.
it n'est que faire d'insister pour que l'on comprenne
combien est importante une telle concordance, qui s'est
établie entre les livres
religieux do ces deux peuples, com-
me Jadis se sont faits aussi des échanges analogues entre
les Grecs et los Arabes, qui traduisirent avec une égato
ardeur les livres scientifiques do lours mattres.
A ce premier témoignage du tibétain contrôlant le san-
scrit, vinrent bientôt s'en ajouter d'autres. Sur les traces
de Csoma, et avec le secours de ses ouvrages, M. Sohmldt,
de l'Académie de Saint-Pétersbourg, qui avait étendu la
démonstration en traduisant des version!; tibétaines de
livres sanscrits, ainsi que l'a fait-plus tard M. Ed. Foucaux,
constatait, en outre, que les traductions mongoles re-

produisaient, comme les traductions tibétaines tes


traités sanscrits du Népat et quelques-uns de ces ouvra-
ges, imprimés en Mongolie ou restés manuscrits se
retrouvent dans la belle collection dont M. Schilling do
14 –
Canstadt a fait présent à l'institut de France, en 1837.
Ainsi les Mongols comme les Tibétains se rattachaient
par l'intermédiaire des textes népalais à la religion du
Bouddha.
Mais il y a plus à côté do ces témoignages étrangers.
Hnde etto-méme en fournissait un plus direct encore, s'il
est possible. Tandis qu'au nord do la presqu'Ho et dans le
Népal, le dépôt do la loi était conservé dans les livres
qu'avait découverts,
après plus do deux mille ans, M.
Hodgson, d'autres
livres non moins authentiques le gar-
doient, au sud, dans l'lie do Coylon. Toute la prédication do

Çakyamouni avait été consignée dans des Soûtras écrits on


pAli, comme ceux du nord l'étalent en sanscrit et un
autre anglais, M. Turnour, avait le bonheur de retrouver
et do traduire ces Soûtras.
On sait que le pAIi est au san-
scrit ce quo l'italien est au latin, et que l'affinité des deux
langues du nord et du sud est profondément étroite. Mais
les Soûtras pAlis no sont pas une traduction dos Soûtras
sanscrits. C'est une rédaction différente de la vie et d0s
prédications du Bouddha cette rédaction a son originalité
propre, elle n'est point une copie. Mais si la forme est
dissemblable, le fonds, destiné a conserver le souvenir
des mêmes faits, est absolument
identique; et l'on peut
voir par les traductions qu'a données M. Burnoufde quel-
ques Soûtras singhalais (1), que t'en étudierait te Boud-
dhisme aussi bien dans tes uns que dans les autres. Les
travaux de M. E. Burnouf devaient s'étendre à la collec-
tion singhataise, après avoir épuisé celle du Népat, et ii
devait faire sortir de la comparaison do toutes deux les
conséquences les mieux établies et les plus décisives; mais

(!) M. E. Burnout, traduction du ~ohM do ta 6oHMto<,


p.<)M,MO,63<).
-t3-

quoique la mort l'ait arrêté dans ses desseins, il a cepen-


dant assez fait dans les deux volumes qu'il a consacrés au
Bouddhisme indien, pour qu'on vole très-nettement la
place essentielle que tes Soutras des Singhalais et tours
annales doivent occuper dans toutes ces questions.
Sans doute, cette seconde collection des Soutras boud-
dhiques est faite pour soulever les problèmes les ptus inté-
ressants et los plus nombreux. Est-ce dans le sanscrit
incorrect et ptat du Nôpât qu'a été recueillie primitive-
ment la paroto du réformateur? Est-ce on pâti, devenu
plus tard la langue sacrée do t'tto do Ceylan ? Est-ce plu-
tôt dans un idiome populaire do l'Indo coniralo (t)? C'est
ce que l'érudition aura plus tard à décider: mais ces ques-
tions, si importantes a d'autres égards, no sont rien pour
le point que nous voulons mettre ici on lumière. Pour
nous, la cottoction singhataisonofaitqueconttrmor plei-
nement tout ce quo nous ont appris tes livres du Népat.
Elle nous expose sous d'autres formes. mais avec une
entière Identité tes principaux faits do ta vie de
Çahya-
mouni et les points tes plus caractéristiques de sa doc-
trine (2).
Ajoutez que, par une autre analogie, qui peut être aussi
féconde. tes textes patts de Coyian ont été traduits en bir-
man, comme les Soutras du Népal ont été traduits au nord
en tibétain, et que selon toute apparence, ils l'ont mémo
été encore dans la langue do quelques autres peuples au-
delà du Gange, à t'est. Ainsi tes traductions birmanes, qu'a-
vait souvent consultées M. E. Burnouf pour ses travaux,

(i) M. E. Durnouf, Introduction d t'M<to(t'e<!M Bouddhisme


ùxMeH, p. i6 eti6.
(2) Ibid. p. 30, et aussi le Lotus <!o la tonne tôt, p. MO
et 8B9.
t6
être aussi utttes à étudier que celles du Bot et
pourront
do la Mongolie.
Voua déjà, so!on moi, un ensemble do faits phllologt-

ques de la plus grande importance, et qui tous établirent


do la manière la plus incontestable i'authenticit6 des livres

bouddhiques. Mais au milieu de tous ces faits, quelque


certains qu'ils soient, ii n'y a pas une seule date précise.
et avec nos habitudes européennes. cotte lacuno suffit

presque !) elle seuio pour innrmor et détruire tout le reste.

Quand a vécu le Bouddha? A quelle époque a-t-il apparu


dans la société indienne, et a-t-il tenté do la convertir &
la foi nouveiie? Voilà
ce quo nous voulons savoir, et tant

qu'il reste du douto ou une obscurité sur co point capital,


nous hésitons et nous refusons do croire à quoi que ce
soit.
A ne consulter que les monuments brahmaniques, on
n'aurait aucune
réponse a cette question, Si les Brahma-
nes ont gardé sur co fait te plus complot sttonco, eo n'est

pas dédain pour dos adversaires qu'ils ont vaincus et qu'ils


méprisent profondément; ce n'est pas pour ensevelir dans
l'oubli une croyance qu'ils détestent ils ont eu tout autant
de négligence pour eux-mêmes; et le Brahmanisme, qui
n'a pas fait sa propre histoire, c'est abstenu do faire cette
de ses ennemis. Heureusement que les Tibétains, au nord,
les Singhalois, au sud, et surtout les Chinois, à l'est,
ont ou plus de soiticitudo. peuples nous ont con-
Ces trois
servé chacun à lour manière le souvenir de cette grande
Mais iis no s'accordent pas entre eux et les dates
époque.
nombreuses qu'ils assignent à la mort du Bouddha diffé-

rent de plusieurs siècles. Dans l'incertitude qui plane


encore sur cette question et après bien
capitale, des recher-

ches, M. Eug. Burnouf s'était arrêté ta date des Singha-

lais, o'cst.a-diro à la plus récente, celle qui place la mort


17-

du Bouddha on l'an 343 avant t'èro chrétienne (1). Jo no


mo propose pas d'entrer dans une discussion aussi épineu-
se, où les juges compétents ont encore tant de peine à
se guider. Je préfère accepter la grave autorité de M. K.
Burnouf. que io monde savant respecte autant qu'aucune
autre, et la suivre sans ta soumettre à un trop difflcilo
examen. Tout co quo je veux faire ici. c'est do montrer
que co minimum est incontestable et quo l'existence du
Bouddhisme dès cette
époque est attestée do la manière ).
moins douteuse par trois ordres do témoignage à pou près
également respectables, tes historiens grecs Instruits par
l'expédition d'Alexandre, les inscriptions indiennes récem-
ment découvertes, et los annales chinoises
Je reprends une h une ces trois sources d'informations.
en commençant par la dernière.
On sait que tes Chinois, presque seuls parmi tes peuples
orientaux, ont ou do très-bonne heure l'idée fort loua-
bie do fixer dans des documents authentiques le souvenir
dos événements qui leur semblaient mériter le plus d'at-
tention et d'intérêt. A cet égard, la Chine forme le plus

frappant contraste avec tindo, qui, dans les ouvrages si


nombreux et si divers qui nous restent d'oiio, n'a jamais
songé à noter d'une manière un peu clalro et précise los

pas du temps. Elle a taixsé les siècles s'écouler, comme sa


propre vie, sa propre histoire, sans daigner on conserver
aucune autre trace positive quo les œuvres de sa pensée.
Loin do ta, la Chine a toujours été fort occupée do consa-
crer la mémoire do co qu'etic a fait ou do co qu'oiie a
observé. Le gouvernement impéria! s'est chargé do co
soin dès les temps les plus reçûtes. et ii n'a Jamais manqué

(t) M.E Burt)ouf,7<'frof!Mf!'t'))<if'~o)'~f<tt NoMfM/tf'tMto


)H<!)'e'), prt'facp, p. <)).
2
-t8-

& cette mission dont l'histoire doit lui savoir bon gré. Do
là vient que la Chine peut aujourd'hui nous en apprendre
sur tes peuples voisins avecqui elle a été en relation, beau-

coup plus que nous en apprennent ces peuples oux-mé-

mt's, trop désintéresses de leur propre destinée. L'tndo.


heureusement. s'est trouvée on coniact avec la Chine dès
les époques les plus anciennes; et les annales chinoises, à
défaut des annales indiennes. peuvent nous donner sur le
Bouddhisme des renseignements incontestables. Voici déj!)

quelques-uns des principaux. Je los emprunte a la science


bien connue do M. §tanisias Julien qui sur la demande
soit do M. Biot, soit de M. E. Durnouf, soit do M. Fou-

ct)ux. los a tirés dos sources ouicietics, et l'on pourrait


dire des archives
do l'empire chinois.
Dans les annales des Man l'historiographe Pan-Kou.

chargé de les rédiger sous l'empereur Ming-Tt, do t'an 58


a t'an 76 de notre ère, parle d'une expédition faite par
un général chinois, dans ta troisième année do ta période
Youan cheou, c'est-a-diro 120 ans avant l'ère chrétien-

ne, contre des barbares, au nord du grand désert de

Gobi, auxquels H prit une statue do couleur d'or qu'ils


adoraient. Cette statue. d'après tous tes commentateurs
de l'ouvrage de Pan-Kou, était cotte du Bouddha, dont
ces peuples avaient des cette
époque adopté la croyance
et elle fut rapportée on Chine comme un trophée de la
victoire (1). Ainsi, un siècle et demi tout au moins avant
Jésus-Christ, le Bouddhisme avait déjà pu se répandre
hors do t'tndo, et a plus do 500 lieues do son berceau,

(t) Voirie 7oH)'no< des ~oanft, Mhtor ')'avrt) <M6, i"ar)io!o


de M. Biotaur t'onwfegeda M. E. Bnrnout, /n<fodtte«o)t() <'A~-
tott'e <!« J?o)«<dtM)He <))f!~t). Ce fait était dfj'' connu par )o
~ooKouo Ki do Ai. A HOnum', p.~ti.
19 –

chez des peuples qu'il poliçait en tes convertissant. Dans


ces contrées désotéea et peu habitables, le prosélytisme
n'avait pasd& faire do bien rapides progrès et si les hor-
des du désert de Gobi étaient déjà bouddhistes, il fallait
évidemment que l'apparition du Bouddhisme dans t tndo
fat considérablement antérieure.
On sait que la foi nouvello fut reçue et fondée en Chine

publiquement. sou< l'empereur Ming-Ti, on l'an 61 de


notre ère. et que dès
commençalors la traduction des
livres bouddhiques en langue chinoise. Aussi M. Stanislas
Julien a-t-il pu constater que le Aa~ao~ora, rapporté
do l'Inde avec quelques antres ouvrages bouddhiques
avait été traduit jusqu'à quatre fois.
La première do ces
traductions est placée par tes ténoignages les plus authen-
tiques des historiens chinois entre les années 70 et 76 de
notre Ère, tandis que la dernière descend jusqu'aux vnt"
ou au !X~ siècle (i). ti y avait donc dès le commencement
do l'ère chrétienne des communications actives entre les
bouddhistes indiens et los néophytes chinois. Elles consis-
taient surtout en échange do livres; et la renommée de la

religion nouvelle était assez grande


pour être parvenue

jusqu'aux maXrcs du céleste empire Ils envoyaient des


missions dans l'Inde pour on rapporter les Soûtras boud-

dhiques et dans leur enthousiasme pour tant do sagesse


et do sainteté, Ils n'hésitaient point à embrasser la croyan-
ce du Bouddha, dès qu'ils l'avaient suffisamment connue.
!) parait que ces relations religieuses do la Chine et de
l'Inde avaient commenté en l'an 2)7 avant notre ère. par
le voyage d'un apôtre samanéon qui, à travers mille périts,
avait pénétré te premier dans l'empire du Milieu (Voir le

(1) Voirtf) note de hl. Stanfstf~Mc)) donsto /ft tc/f'o' rot


p<! d"M. M. t''n)x'fn)!f, tome n, préface, p. )n't)
n2.
20.-

Foe Noue Ki do M. A. Hémusat. p. H). Co fait est consi-


gna comme les précédents dans los annales chinoises, et a
été rappelé par M. Landresse, dans l'excellente
préface
qu'il a mise en tête du Foe Kouo Ki de M. Abel Rémusat

(page xxxvm).
Ce que M. Stanislas Julien a fait pour te ZaMMof~ot'a
de M. Ed. Foucaux, il t'a fait également pour le Lotus de
la bonne loi de M. E. Burnouf. It a constaté par ios ou-
vrages des historiographes chinois que )o Lotus avait été
traduit trois fois en ianguo chinoise, et que la première
traduction est do l'an 280 de notre ère. Mais a ce rensei-
gnement. qui ie donne on ajoute un autre plus
l'historien
curieux encore. H nous apprend que le Lotus <ie la bonne
loi avait été composé dans l'Indo mille ans a pou près
avant l'époque où ii écrit iui-mémo et comme cotte épo-

que qui correspond a celle do la dynastie des Thang peut


s'étendre do t'an (!<8 il t'an 00!. il s'ensuit quo le Zc/fM
do la 6onM loi a dû être composé un siècle au moins, et

quatre siècles peut-être, avant notre ère. M. Ë. Burnouf


se proposait do discuter ces faits tout au long dans la pré-
face qu'il devait mettre a ta traduction du J'.o<M. On ne
saurait trop regretter ce travait, dont la mort nous a pri-

vas comme de tant d'autres que méditait encore


M. E. Burnouf; mais ces faits réduits a eux seuls et sans
les explications fécondes qu'ils lui auraient fournies, en
disent assez. Les livres canoniques du Bouddhisme indien

passent en Chine dès les premiers temps do l'ère chré-

tienne, et ils y deviennent l'objet d'un cutte fervent et


d'une adoration qui ne s'est point démentie, quelque peu
justifiée qu'elle puisse nous paraître.
Je me borne a ces faits parmi ceux que pourraient nous
fournir les annales chinoises. Ils nous intéressent plus
particulièrement, puisqu'ils concernent les deux ouvrages

d'où je veux tirer une exposition do ta morale et do la me

taphysiquo du Bouddhisme. Mots je quitte cet ordre do


témoignages. et je passe a ceux que nous donne t'tndo
elle-méme; Ils sont a la fois plus directs et plus anciens
que ceux que je viens de rappeler.
It y a vingt ans a pou près quo t'on découvrit dans di-
verses parties de l'Inde centrale au nord, a t'est et au
sud-ouest des inscriptions gravées sur des rochers, sur
dos colonnes, sur des pierres. C'était presque la premicro
fois que t'tndo offrait a )a curiosité européenne des monu-
ments do ce genre, dont jusque')& on la croyait complè-
tement privée. Bientôt M. James Prinsep, secrétaire de la
Société asiatique du Bengale, déchiffra ces inscriptions
avec la sagacité et l'érudition qui lui ont fait un nom ee-
tebro, bienque lui aussi soit mort fort jouno avant d'avoir
rompt: sa carrière (1). Ces inscriptions étaient en dlalecto
magadtu. c'est a-diro dans le dialecte do la province du
Magadha, l'une dos contrées les plus fumeuses do t'tnde.
ot celle mémo où selon toutes les traditions, to Boud-
dhisme avait
paru et s'était le plus tôt développé. Elles
contenaient dos édits d'un roi nomme Piyadasi, donnant
à ses peuples des conseils de moralo, recommandant la
tolérance, et favorisant l'introduction des croyances nou-
velles. Peu de temps après les explications do M. James
Prinsep. M. Turnour, déjà versé dans l'étude des monu-
monts pâtis de Coylan démontra que le Piyadasi do ces
inscriptions magadhtes était le mémo qu'Acoha, roi du
Magadha, qui joue un très-grand rote dans les premiers
siècles do t'histoiro du Bouddhisme, et dont la conversion

(t) Voir )o Journal <!e la .Xoe<<fMa«a«}t<e du Fen~ato, J


tono V), p. 580 (!00, 79S, 965, p)f i. VU, p. 238, 2B6.
273, M9, etc.
-~–
dans la dixième annéerègne est racontée
de son dans le
Mahâvamsa. au chapitre V, et du chapitre XI au chapi-
tre XX (1). Un autre ouvrage singhalais, le Dipavamsa
que citait encore M. Turnour, place l'avénement d'Açoka
deux cent dix-huit ans après la mort de Çakyamouni,
c'est-à-dire vers l'an 52S avant notre ère, si l'on adopte
la date singhalaise de 543 avant J.-C. pour la mort du
Bouddha. Plus tard, d'autres découvertes du môme genre
vinrent confirmer ces premières données, et l'on a re-
trouvé déjà dans trois endroits au moins, à Guirnar, à
Dhauii, a Kapour di Guiri, sans parler de Dehti. d'Alla-
habad, etc., des reproductions à peu près identiques dos
édits religieux de Piyadasi. Les dialectes sont un peu dif-
férents selon les provinces; mais au fond les édits sont
les mêmes, et les expressions n'offrent que des variantM
presque insignifiantes. On sent tout ce que de tels rappro-
chements donnent d'authenticité à ces révélations tout à
fait inespérées.
On savait en outre que l'un des trois conciles qui avaient
constitué l'orthodoxie bouddhique et avaient arrêté te ca-
non des écritures, s'était tenu sous le règne d'Açoka et par
sa protection toute-puissante. En 1840, M. le capitaine
Burt a découvert, sur une montagne près do Bhabra,
entre Dehli et Djaypour, une inscription de ce même roi
Piyadasi qui lève tous les doutes que pourraient encore
laisser les autres (2). Celle-ci écrite dans la même langue,

(I) M.Turnuur, 7o«rttat de la ~ottef~<M!a«~t«)<ht/~M-


~<t.V!,p.IOS/),a))Mol837.
(2) Voir l'explication du cette inscription dans le 7oM)'Ma< de
la ~oo'cM Mtoft~Me du Bengale, t IX, p. 616 et suiv., an-
née 1840.
-25–

est, comme le dit M. E. Burnouf (1), une sorte de missive


adressée par le roi Piyadasi aux religieux bouddhistes
réunis en assemblée dans le Magadha. Le roi indique aux
membres du concile les points principaux sur lesquels
doivent leurs délibérations.
porter l'esprit qui doit les
inspirer, et les résultats qu'ils doivent poursuivre. Ce qui
donne à cette inscription de Bhabra une importance toute
spéciale, c'est que te nom même du bienheureux Boud-
dha, dont Açoka défend ta croyance, s'y trouve répété à
plusieurs reprises, tandis qu'il ne se rencontre pas dans
les autres monuments (2).
Les conséquences si graves qui en sortent pour l'his-
toire du Bouddhisme et celle do l'Inde, ont été acceptées
dans toute leur étendue par M. Prinsep, par M. Turnour,
par M. Lassen (3), par M. E. Burnouf et par Ai. Albrecht
Weber (4). et je crois qu'il serait bien ditnciie de contes-
ter l'autorité de pareils juges. Mais M. Wilson (5). dont
le sentiment est d'un si grand poids dans ces matières.
n'est pas du mémo avis; et après un examen approfondi
des inscriptions de Guirnar, de Dhauti et do Kapour di
guiri, il ne veut reconnaître ni le roi Açoka dans Piya-
dasi, ni un caractère bouddhique, ce qui est plus grave
dans les exhortations morales que le monarque adresse à

(i) Lotus de la bonne loi, p. 711.


(2) Ibid. p. 724 et 725.
(3) M. Ch. Lassen /o<K<c&e ~«e~&Mm~ttttxte, p. 228 et
suivantes.
?) M. Albrecht Weber, C<e ~Mxer~ /i'oMct«tt~M über <!<M
aile Indien, p. 30; discours tu à la Société scientifique de
Berlin.
(5) M. Wilson, 7ou)'~a< de la ~oe~M asiatique de la
Grande-Bretagne, t. XII, p. 163 et 240.
-~4–

ses sujets. !) est vrai que M. Wilson ainsi que le remar-


qua M. E. Burnouf (i), ne s'est pas occupé de t'inscrijt-
tion de Bhabra, la plus décisive de toutes, bien qu'elle
fût publiée depuis plus de dix ans. Ce n'est pas d'ail-
leurs que M. Wilson conteste l'antiquité de ces monu-
ments et comme dans le 13e édit
de Guirnar, il est ques-
tion de plusieurs rois grecs successeurs d'Alexandre, qui
y sont désignés par leur nom, M. Wilson admet sans
contestation que ces édits remontent au temps qu'on
leur assigne communément (2). Je ne sais ce que M. Wilson
pense des objections que lui a opposées M. E. Burnouf
dans son X" appendice au lo <M de la bonne loi mais on
face de ces arguments nouveaux, après ceux de MM. Prin-
sep, Turnour ot Lasson, il no para!t
pas qu'il puisse y
avoir encore de doute; et si Piyadasi n'est pas l'Açoka du
Magadha, it est très-certainement un roi bouddhiste im-
posant la doctrine de Çahyamouni à ses sujets, vers la On
du tV siècle avant t'ère chrétienne.
)i n'en
faut pas davantage pour l'objet qui nous occupe
en co moment et j'abandonnerais les sources indiennes
pour passer aux sources grecques, si je ne voulais prou-
ver par un dernier exemple combien les découvertes que
chaque jour amène dans l'Inde, conHrmcnt de tout point
les grands résultats que je viens d'indiquer sommaire-
ment. Sur les parois de belles grottes creusées dans une
montagne de granit, près de Bouddha-Gaya, dans le Ma-
gadha on a trouvé des inscriptions dans te même dialecte
que tes grandes inscriptions de Guirnar et do Dehti. et
qui nous apprennent que ces grottes ont été destinées à

(t) M. E. Burnouf, /,o<)Mde<a to'otc loi, p. 7U~ note 3.


(2) M. Wilson, Journal do la ~oc/e'~ royale asia(ique de la
Cr<ntf~-Z~<<~<)< t. XH, p. 235.
– 33 –

l'habitation et à la retraite de mendiants bouddhistes par


le roi Dacaratha, second successeur
d'Açoka, et par Piya-
dasi lui-même, qui est nommé dans trois de ces inscrip-
tions, dont chacune n'a que trois ou quatre lignes (1). Ces
inscriptions ne peuvent pas être très-postérieures à
l'on 226 avant notre ère (2) et bien qu'elles soient beau-
coup moins importantes que les grands édits dont je viens
de parler, on voit qu'elles s'y rapportent d'une manière
frappante, en les contrôlant par un détait
qui, tout mince
qu'il est, n'en est pas moins intéressant.
Je no doute pas

qu'avec le temps on ne découvre pou à peu dans t'tndo


une foule do détails aussi authentiques et aussi décisifs.
On voit que les inscriptions de Piyadas!. quel qu'en
soit l'objet, quel que soit le roi qui a fait publier ces
édits en les gravant sur la pierre, sont contemporaines à

peu près do l'expédition d'Alexandre. C'est une date dé-


sormais acquise à l'histoire de l'Inde et du Bouddhisme.
Des faits que nous ont attestés les compagnons du héros
macédonien ou leurs successeurs, jn n'en rappellerai
qu'un seul qui semble démontrer que les Grecs ont connu
les Bouddhistes, comme Ils ont connu les Brahmanes.

Néarque (3) et Aristobuto (4~, qui suivirent Alexandre


et lui survécurent, ne nomment que ces derniers, sans
que rien indique qu'ils aient connu les autres; mais Mé-
gasthène, qui, trente ans plus tard à peu près. pénétra
jusqu'à Patalipoutra à la cour du roi Tchandragoupta,

(i) M. It Burnouf, Lotus de la 6oHMe loi, p. 77<) et 778.


(2) /&<< p. 778.
(3) Néarquo, dans Strabon, xv, p. 716; fragments de Ncar-
'juo.p.CO.édtt.FirminDidot.
? AristoMo, dans Strabon, xv, p. 70) fragments d'Aris-
tnbuio, p. t06, édit. Firmin Uidot.
-86-

indique certainement les Bouddhistes dans les Sarmanai


ou Garmanai, dont il fait une secte do philosophes oppo-
sés aux Brahmanes (~). et qui s'abstiennent de vin et do
tous rapports sexuels. A ces traits, e~ à l'étymologie mémo
du mot, d'ailleurs très-pou effacée, on ne peut méconnattre
les Bouddhistes, qui se sont donné spécialement le nom
de Çramana, ou d'ascètes domptant leurs sens. On ne peut
les méconnaître non plus à cet autre trait que rappelle
aussi Mégasthène u Les Sarmanes, dit-il, ont avec eux des
femmes qui participent à leur philosophie, et qui, comme
les hommes, sont vouées à un chaste cétibat. Enfin Mé-
gasthène ajoute que ces philosophes, pleins do frugalité
vivent des aliments qu'on leur donne et que personne no
leur refuse. N'est-ce pas là, je le demande, une descrip-
tion ndèta des mœurs particulières aux Bouddhistes et
que les Brahmanes n'ont jamais partagées? No se rappelle-
t-on pas que le célibat et la mendicité sont deux condi-
tions imposées par le Bouddha à ses religieux? Si Mégas-
thène est le seul des historiens grecs do cette époque a
parler aussi distinctement des Bouddhistes, c'est que, se-
lon toute apparence, it est le seul qui en ait vu. Dans ta
partie du Penjab, où pénétra l'expédition macédonienne,
le Bouddhisme no s'était pas ptopagé, tandis qu'il Noris-
sait dans la contrée dont Patalipoutra était la capitale (2).
Onêsicrite, Néarque, Aristobule no rencontrèrent pas do
Bouddhistes sur les bords do l'Indus et do t'Hypasis; Mé-

«) Mégasthèna, dans Strabon, xv, p. 71f ~-a~menM des


M«oy<OM, t. Il, p. <t36, édit Firmin Didot.
(2) C'est h Patalipoutra, capitale duMagadha, quo fut convo-
qué le concito auquel s'adresse Piyadasi dans la missive dont il
a été question plus haut. Voir M. E. Burnouf, ZotMf (<e<o
bonne !o<, p. 727.
21

gasthèno dut on rencontrer beaucoup sur les bords du


Gango. Je ne doute pas non plus qu'il no faille reoonna!tro
encore des Bouddhistes dans tes Pramnes (altération du
mot Sarmanes), dont parle Strabon (1), adversaires des
Brahmanes, dont ils se moquent et qu'ils traitent do
charlatans.
A ces renseignements, qui nous ont été transmis par
les Grecs, j'en ajoute un dernier. Le nom do Bouddha est
cité pour la première fois par saint Clément d'Alexandrie
c'est-à-dire dans le m" siècle do notre ère (2) et comme
saint Clément tire de Megasthène tout ce qu'il dit des phi-
losophes indiens it ne serait pas impossible de supposer
qu'il lui emprunte aussi le nom du réformateur car l'am-
bassadeur de S6)eucus Nicator, l'aura sans doute entendu
prononcer plus d'une fois dans te cours de son voyago, et
dans une ville qui avait été d'assez bonne heure le centre
do la réforme.
Ainsi les documents les plus avérés, grues, indiens,
chinois (3) s'accordent et se soutiennent pour attester do
la manière la plus irrécusable que te Bouddhisme existait
dans l'Inde avant l'expédition d'Alexandre ainsi nous

pouvons admettre sans scrupule la date minimum do la


mort du Bouddha que nous empruntons dos Singhaiais

(i) Strabon, livre xv, p. M)&, édit. de Cosaubon.


(2) Saint Clément d'Alexandrie, Stromat. t. p. 306, éd. de
Syiburgo.
(3) Les documents arabes, fort curieux pour t'htatoiro moderuo a
do l'lnde, ne nous apprennent tien sur ces temps rocuiës: on
peut voir le savant mémoire do M. Meinaud sur i'~e an<c-
WOMfoxent au milieu d~MX)' siècle de !e oArdtte'me, ~f'-
moires de <c«(MH)<e des <t)ff)'~<fon~ e< tef!M hMrM t
tome XVIII.
.28--

et quand nous parierons de la morato bouddhique, nous


pourrons Ctro assurés que cette prédication s'est bien
réellement adressée aux populations indiennes six siècles
avant l'ère chrétienne, en essayant de les convertir a des
croyances moilleures, et de renverser la foi ant~uo df&
Védas jugée désormais insuinsanto pour conduire
t'hommo au bien et au salut.

H.

CARACTÈRE ET VIE DE <;AKYAMOt:Kt.

Pour bien comprendre la réforme morale que Çakya-


mouni est venu tenter dans Je monde indien, il faut a la
fois connaître le caractère du réformateur avec tes princi-
paux Incidents de sa vie, et la croyance qu'il a prétendu
remplacer par une croyance moiitoure. C'est fi ces deux
conditions seulement qu'on peut s'expliquer avec quelque
précision co que vaut le dogme nouveau qu'il a proposé
au genre humain, et les fortunes diverses qu'a subies
cette grande entreprise. Si le Bouddhisme, né dans l'Inde,
a échoué dans son propre pays, it s'est propagé parmi tes
peuples voisins, qui l'ont reoueitti avec un enthousiasme
que les siècles n'ont pas refroidi et it domine souveraine-
ment encore a l'heure qu'il est, avec tes formes variées
qu'il a revêtues, sur to quart tout au moins do l'huma-
nité.
Il nous est assez facile do connaître les doctrines roti-
giouses et morales de la société dans laquelle apparut te
Bouddha, et qu'il essaya d'éclairer d'una lumière
plus pure.
t~Les Védas d'une part, et de t'autro tes systèmes de phito-
sophio, avec les commentaires de tout ordre qui les dovo-
-2U–

loppent et les expliquent, nous sont désormais ouverts


et l'esprit brahmanique, bien qu'on soit très-loin d'avoir
étudie 'toutes ses ouvres, n'a plus guère de secrets

pour nous. On sait d'une manière certaine ce qu'il a pensé


sur les grands problèmes qui intéressent la raison hu-

maine, sur Dieu, sur le monde et sur l'homme. On pourra


bien approfondir davantage les solutions qu'il en a don-
nées, à mesure que l'on publiera les monuments où i! tes
a déposées mais on ne fera pas sur ces points essentiels
des découvertes imprévues, capables do renverser le ju-

gement généra! qu'on peut, dès à présent, porter sur la

religion brahmanique.
Ainsi, l'une des deux conditions qui semblent néces-
saires à l'intelligence de la ~forme bouddhique est assez
bion Quanta t'autro,
remplie. c'est-à-dire la connaissance
de la vie du Bouddha, si eiio n'est pas remplie aussi com-
pletoment, je no crois pas qu'eite soit cependant impos-
slblo, et il me sombto qu'on peut, a l'aide des nombreux

documents que nous possédons déjà, refaire d'une manière


assez plausible l'histoire du réformateur, au moins dans
ses circonstances principales. Je les emprunterai aux ou-

vrages de MM. Hodgson Csoma de Koros. Turnour,


Schmidt, E. Burnouf, Ed. Foucaux; et avec des guides
aussi savants et aussi exacts, on peut être sûr do ne point
s'égarer.
La source la plus abondante et la plus ancienne de

renseignements, c'est le ZaMtacMtara. Ce Soûtra contient,


sous des développements fabuleux un récit assez régu-
lier et trés-acoeptaNo des événements les plus importants
de la viodoÇuhyamouni, depuis sa naissance
jusqu'à sa

prédication a Bénarès et si on le complète par les détails


extraits de cotte partie du Kah gyour tibétain, appelé le
Dout-va, les recevant lui-même des autorités indiennes,
30 –

ce récit comprend une biographie tout entière (t). A côté


de ces deux sources, qui suffisent déj& par elles seules, on
doit puiser aussi dans les légendes presque innombrables

que renferment, soit la cottt~tion du Népai au nord.


soit la collection des Singhalais an sud, soit les immenses
recueils des Tibétains et des Mongols, soit enfin ies ou-

vrages chinois. Le seul soin qu'il faiite prendre et que jo

prendrai ici, c'est de laisser de côté tout ce que la tradi-


tion superstitieuse et même extravagante s'est permis
d'ajouter aux faits qui composent le fond mémo du récit.
Ces faits sont peu nombreux; Ils sont fort simples, et ta
raison la plus circonspecte peut les accepter sans io plus

tégor scrupule. J'avoue qu'il serait impossible d'affirmer


absolument qu'ils sont v.'ais mais comme ils sont parfai-
tement vraisemblables, et qu'ils so trouvent répétés, sans
d'ailleurs qu'on tes copie, chez des peuples divers et fort

éloignés les uns des autres, ce serait pousser le scepticisme


au-deta dos bornesque de ne pas y donner foi, parce qu'ils no
seraient pas présentés dans les formes auxquelles nous au-
tres européens et occidentaux nous sommes dès longtemps
habitués. Sous la légende. dont je montrerai d'ailleurs
tes défauts et les puérilités, on peut retrouver assez sûre-
ment t'histoire; et, pour ma part, je no fais pas diiucutté
da croire a la fidélité du tableau que je vais essayer do
tracer. Chacun des incidents, morne les plus minces, do
cette existence mémorable, ont été consacrés
par la piété
des fidèles, et it n'est pas un seul do ces incidents qui n'ait
laissé dos traces profondes, soit dans des monuments, soit
dans dos livres, dont le nombre est à peu près Incalculable.

(i) Voir dans l'analyse do Csoma do Koros, ~)a<«c NeMar-

ches, t. XX, p. 309 et suiv., et dons !e /~j/« tch'er fol p" de


lit. Ed. FouM))! t. ti, p. 417 ot suiv., )o récit dota mort de
çakyamouni.
-3.1–

Co fut vers la fin du vu" sièclo avant notre ùro que na- -i
quit le Bouddha dans
la villo do Kapitavastou, capitato
d'un royaume do ce nom dans t'Indo centrale (1). Son
père Çouddhodana, de la famillo des Çâkyas, et issu do la
grande race solairo dos Gôtamides, était roi do la contrée.
Sa mère Maya Dévî était dite du roi Souprabouddhn, et
sa beauté était tellement extraordinaire qu'on lui avait
donné le surnom de Maya ou l'illusion, parco que son
corps ainsi que to dit le JLaMtafMtaro ( chap. Ht ), sem-
blait être le produit d'une illusion ravissante. Los vertus
et les talents do Maya Dévi surpassaient encore sa beauté
et olle réunissait tes quotités tt's plus rares et tes plus
hautes do l'intelligence et de la piété. Çouddhodana était

()) Kapilavastou, tien do naissance du Bouddha, est par cola


scui la villo la plus cotebro dos légendes bouddhiques. M. Kla-
proth a établi par desreehctLites, buaquolles M. K. Buruouf
donne sou assentiment, qu'etto dovait être situOo sur tes bords
do la riwiëro Rohin), l'un des affluons do la Raplt, près des mon-
tfgxea qui séparent le NëpM du district do Gorakpuur. (Foc
A'OMeAt.p. i99; 7n<od«c«oo Il t'A~ofre du Bouddhismo
fHfKex, p. </)3, on note; /~j/« tcher fo< pa do M. Éd. Fou-
eaux, p. 3).) Dans la légonde do RoudrAyana du Pivyn avadana,
il est dit que a )o Bouddha est né sur to flanc de t'Himnvat, au
bord de la Bhagu!m)M. non loin do l'ermitage du Richi Ko-
t. piia. B (7n<f0f<. d <'?)<<. <<H~ottffdA. <t)< p. 343.) Au
temps
de Fa Mian, c'ost.a-diro à la On du tV siècle de notre ère, Kapi-
tavastou était déjà on ruines (Foe Jfoxe~, p. <98}. Hiouen
Thsang visita ces ruines vers i'an 632 de J.-C. tt donne au
royaume do Kapllovastou <)t)0 tieuesde tour. H nopautdëtern)inor
t'étonduo de la villo, mais elle devait être considérable, puisque
ies nturs souts do la résidence du roi avaient b pou près une
ticuo et demie do circouforeuco. (M. S)aais)NB Julien, ~«Mt't'e
de la vie de ~oMett y~aMj?, p. i26. )
.52
digne d'une telle compagne, a roi de la toi,
et, il com-
« mandait selon la loi. Dans le pays des Çâkyas,
pas un
a prince n'était honoré et respecté autant que lui de toutes
« les classes de ses sujets. depuis ses conseillers et les
« gens de sa cour jusqu'aux chefs de maisons et aux mar-
« chands (~). »
Telle était la noble fami))o dans laquelle devait naître le
libérateur; il appartenait donc à la caste des Kshattriyas
ou dos guerriers; et lorsque plus tard il embrassa la vie
religieuse, on le nomma, pour rappeler son Illustre ori-
gine. Çakya Mouni c'est-à-dire le solitaire (le moine,
fM'M:) des Çâkyas. ou bien encore Çramana Gaoutama,
t'ascoto dos Gotamides. Son nom personnel, choisi par
son père, était Siddhértha ou Sarvarthasiddha (2). et il
conserva ce nom tout le temps qu'il résida près do sa fa-
mille a Kapilavastou comme prince royal (KoumararMja).
Plus tard, il devait t'échanger pour de plus glorieux. La
reine sa mère, qui s'était retirée vers l'époque de l'accou-
chement dans un jardin de plaisance appelé le jardin de
Loumbint, du nom de sa grand'mère, fut surprise par tes
douleurs de l'enfantement sous un arbre et elle
(plaksha),
donna naissance à Siddhârtha, le 3 du mois outtaracadha.
Mais affaiblie sans doute par les austérités pieuses auxquelles
elle s'était livrée durant sa grossesse, inquiète aussi des pré-
dictions que les brahmanes avaient faites sur le fils qui de-
vait sortir d'elle (3), Maya Dév! mourut sept jours après.
ann qu'elle n'eût pas ensuite, dit la légende, le cœur brisé
de voir son fils la quitter, pour aihr errer en religieux et

<i) /~a fe~'ert-ot ;)< de M. Ëd. Foucautt, t. Il fh. )n,


p. 3t.
(2) Idem, ibid.. ch vt;,p. 97, et ch. sv, p. at6.
(3) Idem, ibid.. ch. v). p. 66 et 63.
-33-

on mendiant (i L'orphelin fut conBô aux soins de sa tante


maternelle Pradjdpatl Gaoutamt, qui était aussi une des
femmes de son père, et qui devait être plus tard, au temps
de la prédication, une de .es adhérentes les plus dé-
vouées.
L'enfant était aussi beau
que l'avait été sa mère, et le
brahmane Asita, charge do le présenter au temple des
dieux, suivant l'antique usage, prétendait reconnattre sur
lui les trente-deux signes principaux et les quatre-vingts
marques secondaires qui caractérisent le grand homme (2),
selon les croyances populaires do l'Inde. Quelle que fut la
véritô.do ces pronostics, Siddhârtha ne tarda pas ajustinor
la haute opinion qu'on s'était faite de lui. Conduit aux
écoles d'écriture (3). il s'y montrait plus habile que ses
maîtres; et l'un d'eux, Viçvamitra sous la dire )t!on do
qui il était plus spécialement placé, déclara bientôt qu'il
n'avait plus rien à lui apprendre. Au milieu des compa-
gnons de son âge, l'enfant no prenait point part à tours
jeux; il semblait dès lors nourrir les pensées les plus
hautes; souvent il se retirait méditer, il l'écart
et un pour
jour qu'il était atté visiter avec ses camarades « le village
de l'Agriculture (4). a il s'égara seul dans un vaste bois,
où il resta de longues heures sans qu'on sût ce qu'it était
devenu. L'inquiétude gagna jusqu'au roi son père, qui
alla de sa personne te chercher dans la forêt, et qui le
trouva sous l'ambre d un djambou, plongé depuis long-
temps dans une réHexion profonde.

Cependant t'age arrivait où le jeune prince devait être

(1) ~a <cA'M't'o!F<!(, do M. Ed. Foucaux, ch. vu, p. MO.


(2)/~m,<6M.,ch.vM,p.i08.
(3) Idem, ?<< eh. x, p. 120,
~)) Mem, ibid., ch. x), p. 136.
-54-

marié. Les principaux vieillards des Çâkyas se souvenaient


de la prédiction des brahmanes, qui avaient annoncé que
Siddhârtha pourrait bien renoncer à la couronne pour se
faire ascète. Ils allèrent donc prier te roi de marier son
n)s le plus tôt qu'il pourrait pour assurer l'avenir de sa
race. Ils espéraient enchaîner te jeune homme au trône
par une union précoce. Mais le roi, qui connaissait sans
douto tes intentions du prince, n'osa pas lui parler lui-
même il chargea les vieillards de s'entendre avec lui, et
do lui faire la proposition à laquelle ils attachaient tant
d'importance (1). Stddhârtha, qui craignait «tes maux du
désir, » plus redoutables encore que le poison, le feu ou
l'épée, demanda sept jours puis, sûr de lui-
pour reuéohir
même après s'être longtemps consulte, et certain que te
mariage, accopté par tant de sages avant lui ne lui ote-
rait ni le calme do sa réuexion, ni te loisir do ses médita-
tions, i) consentit à la prière qu'on lui adressait, no met-
tant à son union qu'une scuie condition ta femme qu'on
lui offrirait ne serait point une créature vulgaire et sans
retenue; lui importait
peu d'ailleurs quelle serait sa caste;
it la prendrait parmi les vaisyas et les coudras, aussi bien
quo parmi les Brahmanes et les Kshattriyas, pourvu qu'elle
fût douée des qualités qu'il désirait dans sa compagne il
remettait aux vieillards une liste complète do ces quali-
tés, destinée à les guider dans leurs recherches.
Le pourohita, ou
prêtre domestique du roi Çouddho-
nana, fut donc chargé de parcourir toutes tes maisons do
Kapilavastou, et d'y découvrir, en examinant les jeunes
filles, celle qui remplissait le mieux les vœux du prince.
a dont le cœur, sans se laisser éblouir ni par la famille ni
par la race, no se plaisait qu'aux qualités vraies et à la

(t) Rgya feh'tt- roi pa, do M. Ed. Fournux, eh. xn, p. 13!.
35–

moralité (1). » La liste des vertus exigées fu' successive-


ment présentée à une foule de jeunes filles de tout rang
de toute classe aucune ne parut y satisfaire. L'une d'elles
enfin répondit au pourohita qu'elle possédait toutes les

qualités que désirait le prince, et qu'elle serait sa com-

pagne, s'il désirait l'accepter. Mandée devant le jeune


homme avec une foule d'autres beautés de son âge, elle
fat distinguée par lui, et le roi donna son consentement à
ce mariage. Mais le père de la jeune Btte, Dandapâni,
de la famille des Çâkyas, se montra moins tacite et,
comme le jeune prince passait pour être complètement
abandonné à !a mollesse et à l'indolence it exigea, avant
de lui accorder sa fille, la bette Gopâ, qu'il f!t preuve des
talonts qu'il
possédait en tout genre. « Le noble jeun"
<( homme, disait le sévère Dandapuni, a vécu dans l'oisi-
« voté au milieu du palais; et c'est une loi de no donner
« nos filles qu'à des hommes habiles dans les arts jamais
c à ceux qui y sont étrangers. Ce jeune homme ne connatt
« ni l'escrime ni l'exercice de l'arc, ni le pugilat ni les
« règles de la lutte comment pourrais-je donner ma
a fille à celui qui n'est point habile dans les arts (2) ? »
Le jeune Siddhârtha fut donc obligé. tout prince qu'il
était, de montrer des talents que sa modestie avait cachés

jusque-là. On réunit cinq cents des plus distingués parmi


les jeunes Çakyas, et la bette Gopâ fut promise au vain-

queur. Le prince royal t'emporta aisément sur ses rivaux.


Mais la lutte porta d'abord sur des exercices plus relovés
que ceux auxquels le conviait Dandapâni. Siddhârtha se
montra plus habite, non-seulement que ses concurrents.
mais encore que les juges, dans l'art de l'écriture, dans

(t) Rgya (ct'er fotpa, de M. Ed. Foucaux, p. )33.


(2) Idem, ibid., fh. xn, p. 186.
3.
-36–
l'arithmétique, dans la grammaire, la
syllogistique, la
connaissance des Védas, des systèmes
philosophiques et
de la morale, etc. Puis, des exercices de l'esprit passant à
ceux du corps, il resta victorieux de tous ses compagnons,
au saut, à la natation, à la course, à l'arc, et à une foule
d'autres jeux où il déployait autant de force que d'a-
dresse (1). Parmi ses adversaires figuraient ses deux cou-
sins, Ananda, qui fut l'un de ses disciples les plus ndèies,
etDévadatta, qui, profondément irrité d'une défaite,
devint, à partir de ce jour, son ennemi. La
implacable
belle Gopâ fut le prix de son et la jeune
triomphe, fille,
qui s'était crue digne d'un roi, fut déclarée la première
de ses épouses. Dès ce moment, elle prit, malgré les con-
seils de ses parents, l'habitude de ne jamais se voiler le
visage, ni devant eux, ni devant les gens du palais
(2).
« Assis, debout ou marchant, les gens respec-
disait-elle,
« tables, quoique découverts, sont toujours beaux. Le dia-
« mant précieux et brillant brille encore au sommet
plus
"d'un étendard. Les femmes qui, mattrisant leurs pen-
« sées et domptant leurs sens, satisfaites do leur mari, ne
« pensent jamais à un autre, sans voile
peuvent
parattre
« comme le soleil et la lune. Le suprême et magnanime
« Rishi, ainsi que la foule des autres dieux, connaissent
« ma pensée, mes mœurs, mes ma retenue
qualités, et
« ma modestie. donc me voilerais-je
Pourquoi le vi-
« sage ? ? »
Toute heureuse qu'était cette union contractée sous de

(1) Hiouen Thsang vit le lieu de la lutte qu'on montrait en-


core au milieu des ruines de voir M. Stanislas
Kapiiavastou;
Julien, mxo~e de la vie de Hiouen y~<M~, p. 129.
(2) Rgya <eh'ef roi pa de M. Ed. Foucaux, t. Il eh. xn,
p. 162.
-57–

tels auspices, elle ne pouvait détourner Siddhârtha des


desseins qu'il avait,dès longtemps formés. Au milieu de
son splendide palais et du luxe qui l'entoure, au milieu
même des fêtes et des concerts qui se succèdent perpétuel-
lement, le jeune prince ne cesse de méditer courageuse-
ment sa sainte entreprise; et, dans l'amertume et l'hé-
roïsme de son coeur, il se disait souvent: « Les trois
« mondes, le monde des dieux, celui des asouras et celui
« des hommes, sont brutes par les douleurs de la vieillesse
« et de la maladie; ils sont dévorés par le feu de la mort
a et privés de guide. La vie d'une créature est pareille à
« l'éclair des cieux. Comme le torrent qui descend do la
« montagne, ette coule avec une irrésistible vitesse. Par le
« fait de l'existence, du désir et de l'ignorance, les créa-
N tures, dans le séjour des hommes et des dieux, sont
a dans la voie des trois maux
(1). Les ignorants roulent
« en ce monde, de même que tourne la roue du potier
(2).
a Les qualités du désir, toujours de crainte
accompagnées
M et de misère, sont les racines des douleurs; elles sont
« plus redoutables que le tranchant de l'épée ou la feuille
« de l'arbre vénéneux. Comme une image réfléchie, comme
« un écho, comme un ébtouissement ou le vertige de la
a danse, comme un songe,
comme un discours vain et futile,
« comme la magie etle
mirage, elles sont remplies de faus-
« seté.etvidescommerécumeou la butted'eau. La maladie
« ravit aux êtres leur lustre et fait
déctinerlossens.tecorps
<<et les forces; elle amène la fin des richesses et des biens
« elle amène le temps de la mort et de la transmigration

(1) Voir le premier Mémoire sur le Sankhya, p. 126, dans les


Mémoires de l'Académie des sciances morales ot politiques,
t. VIII.
(2) Idem, << p. 361.
38

« La créature la plus agréable et la plus aimée disparait


« pour toujours; elle ne revient plus à nos yeux, pareille
« à la feuille et au fruit tombé de l'arbre dans le courant
« du fleuve. L'homme sans compagnon,
alors, sans second,
« s'en va tout seul et impuissant avec la possession du fruit
« de ses œuvres (!).? »
Puis, à ces réSexions pleines de mélancolie et de misé-
ricorde, il ajoutait encore
« Tout composéest périssaMe ce qui est composé n'est
« jamais stable c'est le vase d'argile que brise le moindre
« choc; c'est la fortune empruntée à un autre c'est une
« ville de sable qui ne se soutient pas c'est le bord sablon-
« neux d'un fleuve (2). Tout composé est tour à tour effet
« et cause. L'un est dans l'autre, comme dans la semence
« est le germe, quoique le germe ne soit pas la semence.
«Mais la substance, sans être durable, n'a pas cepen-
a dant d'interruption nul être n'existe qui ne vienne d'un
« autre; et de là, la perpétuité apparente des substances.
a Mais le sage ne s'y laisse point tromper. Ainsi le bois qui
a est frotté, te bois avec lequel on frotte et l'effort des
« mains, voilà trois choses d'où na!t le feu; mais i) ne tarde
« pas à s'éteindre et le sage, le cherchant vainement dans
« l'espace, se demande tKoù est-il venu? Où est-i! alié 2?
a En s'appuyant sur les lèvres, sur le gosier et le palais,
a le son des lettres na!t par le mouvement de la langue, et
c la parole se forme par le jugement de l'esprit. Mais tout
a discours n'est qu'un écho, et le langage, à lui seul, est
« sans essence. C'est le son d'un luth, le son d'une nùte,
a dont le sage se demande encore D'où est-il venu ? Où

(1) ~)/a <c/t'er fotpM, do M. Ed. Foucaux, t H ch. xn),


p. 186 et suiv., p. 172.
(2) /<!eM), !M., p. 173 et suiv.
-3U–

ost-it atté? Ainsi de causes et d'effets naissent toutes les


« agrégations et le yogui, en y réttéehissant. s'aperçoit
« que les aggrégations ne sont que le vide, qui seul est
« immuable. Les êtres que nos sens nous révèlent sont
« vides au dedans ils sont vides au dehors. Aucun d'eux
M n'a la Cxité, qui est
la marque véritable de la loi (1).).
Mais cette loi qui doit sauver le monde, je l'ai comprise
a je dois la faire comprendre aux dieux et aux hommes
« réunis. Cent fois je me suis dit: Après avoir atteint t'in-
« telligence suprême ( Bodhi), je rassemblerai les êtres vi-
« vants je leur montrerai la porte de t'immortaiité. Les
« retirant de la création, je tes établirai dans le calmo. le
«bien-être et l'exemption des maladies; je les établirai
« dans la terre de la patience. Hors des pensées nées du
a trouble des sens, je lés établirai dans le repos. En fai-
« sant voir la clarté de la loi aux créatures
obscurcies par
« les ténèbres d'une
ignorance profonde, Je leur donnerai
« t'œit qui voit clairement tes choses; je leur donnerai le
« beau rayon de la pure sagesse, t'œi) de ta toi. sans tache
« et sans corruption (2). »
Ces pensées poursuivaient le jeune Siddhârtha jusque
dans ses songes: et une nuit, l'un des dieux du Touchita,
le séjour de la joie, Hridéva. dieu de la modestie, lui ap-

parut et l'encouragea par ces douces paroles a remplir en-


nn la mission à laquelle il se préparait depuis de si tongucs
années « Pour celui qui a la pensée d'apparaître dans le
monde. dit le dieu, c'est aujourd'hui le temps et l'heure.
a Celui qui n'est pas délivré ne peut délivrer; t'aveugle
« ne peut montrer la route. Mais celui qui est libre peut
« détivrer celui qui a ses yeux peut montrer la route.

(t) Rgya tcA'ft rat pa, ch. do )'Hxhortatint), p. 174 et <76


(2) Idem, ibill., p. )76 et )7(i
.40-
« Aux êtres, quels qu'ils soient, brutes par le désir. atta-
« chés à leurs maisons, à leurs richesses, à leurs fils, à
« leurs femmes, fais désirer, après les avoir instruits,
a d'aller dans te monde errer (i). »
en religieux

Cependant le roi Çouddhodana devinait les projets qui


agitaient son fils. Il redoubla de caresses et de soins pour
lui. H lui fit faire trois palais nouveaux, un pour le prin-
temps, un pour t'été et un autre pour l'hiver; et craignant
que le jeune prince ne profitât de ses excursions pour
échapper à sa famille il donna les ordres les plus sévères
et les plus secrets pour qu'on surveiUât toutes ses démar-
ches. Mais toutes ces précautions d'un père qui craignait
do perdre son Sis, étaient inutiles. Les circonstances les
plus imprévues et les plus ordinaires venaient donner aux
résolutions du prince une énergie toujours croissante (2).
Un jour qu'avec une suite nombreuse il sortait par la
porte orientale de ia ville pour se rendre au jardin de
Loumbini. auquel s'attachaient tous les souvenirs de son
enfance, il rencontra sur sa route un homme vieux, cassé.
décrépit ses veines et ses muscles étaient saillants sur
tout son corps; ses dents étaient branlantes; il était cou-
vert do rides, chauve, articulant à peine des sons rauques
et désagréables; il était tout incliné sur un bâton tous ses
membres, toutes ses jointures tremblaient. « Quel est
<' cet homme dit avec intention !o prince à son cocher?
« ïi est de petite taille et sans force; ses chairs et son sang
« sont desséchés; ses muscles sont coiiés à sa peau, sa
« tôte est blanchie, ses dents sont branlantes, son corps
a est amaigri; appuyé sur un bâton. il marche avec pei-

(<) Rgya tch'~r rot pa, de hi. Ed. Foucaux, t. It, ch. xu), do
l'Exhortation, p. 179.
(2) MfM),/6M.,ch.x)v,p.t80.
-41–

a ne, trébuchant à chaque pas. Est-ce la condition par-

t< ticutiére de sa famille? ou bien est-ce la toi de toutes

t< les créatures du monde? » – « Seigneur, répondit le

cet homme est accablé par la vieillesse; tous


« cocher,
la souffrance a détruit sa force;
a ses sens sont affaiblis
il est sans guide; inha-
« il est dédaigné par ses proches,
« bile aux affaires, on l'abandonne comme le bois mort

« dans la forêt. Mais ce n'est pas la condition particulière


En toute créature la jeunesse est vaincue
? do sa familla.
la foule do
« par la vieillesse; votre père, votre mère,
aus-
« vos parents et de vos alliés finiront par la vieillesse
« si il n'y a pas d'autre issue pour les créatures. »

le prince, la créature ignorante et


« Ainsi donc, reprit
« faible, au jugement mauvais, est itère de la jeunesse

« qui l'enivre, et elle ne voit pas la vieillesse qui l'attend.


détourne prompto-
« Pour moi, je m'en vais; cocher,
future
« ment mon char. Moi, qui suis aussi la demeure
à faire avec le plaisir et la
« de la vieillesse qu'ai-je
« joie? » Et le jeune prince détournant son char, rentra

dans la ville. sans aller à Loumbint (1).


Une autre fois, il se dirigeait, avec une suite nombreu-

se, par la porte du midi au jardin


de plaisance. quand il
sur le chemin un homme atteint de maladie,
aperçut
brute de la fièvre, le corps tout amaigri et tout souillé,
sans guide, sans asyle respirant avec une grande peine,

tout essouuté, et paraissant obsédé de la frayeur du mal et

des approches de la mort. Après s'être adressé à son cocher,


c La santé,
et en avoir reçu la réponse qu'il en attendait
« dit le jeune prince, est donc comme le jeu d'un rêve
1
« et la crainte du mal a donc cette forme insupportable!

(i) Rgya «h'ef rot pa, de M. Ed. Foucaux, H, ch. xtv,

p. t82.
42 –
« Quel est l'homme sage qui, après avoir vu co qu'elle
n est. pourra désormais avoir l'idée de la joie et du piai-
« sir? ? Le prince détourna son char et rentra dans )n
vttto, sans vouloir allerplus loin (1).
Une autre fois encore, il se rendait, par la porte de
l'ouest, au jardin de plaisance, quand sur la route il vit
un homme mort placé dans une bière et recouvert d'une
toile. La foule do ses parents tout on pleurs l'entouraient,
se lamentant avec do longs gémissements, s'arrachant los
cheveux. se couvrant la tête de poussière et se frappant
la poitrine en poussant de grands cris. Le prince, prenant
encore son cocher à témoin de ce douloureux
spectacle.
s'écria « Ah 1 malheur a la
jeunesse que la vieillesse doit
« détruire ah 1 malheur à ta santé que détruisent tant do
« maladies; ah 1 malheur a la vie où l'homme reste si peu
de temps. S'il n'y avait ni vieillesse, ni maladie, ni
a mort! si la vieillesse, la maladie, la mort étaient pour i-
« toujours enchaînées! » Puis, trahissant pour la première
foia sa pensée, te jeune prince ajouta « Retournons en
c arrière je songerai à accomplir la délivrance (2). »
Une dernière rencontre vint le décider et terminer tou-
tes ses hésitations (3) H sortait par la porto du nord pour
se rendre au jardin do plaisance, quand Il vit un bhikshou.

(i) Rgya <cA'er roi pa, de M. Ed. Foucaux, p. i83.


(2)M)m.76M.p.iM.
(8) Ces rencontres diverses sont hmeusas dans
les légendes
bouddhiques. Le roi Açoka avait faic élever dea
stoupas et des
viharas dans tous les lieux où le Bouddha les avait faites. Hiouon
Thsang. au vu" slèclo de notre ero, vit encore ces monuments.
Voir M. Stanislas Julien, lliatoire de la vic de~ouM ?7<Mt)9,
p. i28; voir aussi la légende d'Açoka, /<)<)'of<Mc<ton t'A~t. ff<t
~ot<dfMtome)H(!t'<-M ,do M E. do thunouf, p. 38S.
i5

dans tout son extérieur oat-


ou mendiant, qui paraissait
retenu, voué aux pratiques d'un hrahmat-
me, discipliné,
chari(i), tenant les yeux baissés. ne considérant que ta

joug qui te retient, ayant une tenue accomplie, portant


le vêtement du religieux et le vase aux au-
avec dignité
mônes « Quel est cet homme ? demanda le prince. Sei-

t< gneur, le cocher, cet homme est un de ceux


répondit
il a renoncé à toutes les joies
« qu'on nomme bhikshous;
n du désir et it mené une vie très-austère; il s'efforce do so

« dompter tui-meme et s'est fait religieux. Sans passion.

il s'en va cherchant des aumônes. Cela


a sans envie,
L'entrée on roll-
« est bon et bien dit, reprit Siddhartha.
« gion a toujours été louée par les sages; olle sora mon
« secours et le secours des autres créatures; elle devien-

« dra pour nous un fruit do vie, do bonheur et d'immor-

» Puis le jeune prince ayant détourné son char,


K tatité.
dans la ville sans voir Loumblnt. Sa résolution était
rentra

prise (3).
rester longtemps un secret. Le roi, qui
Elle ne pouvait
en fut bientôt instruit, devint plus vigilant que jamais (3).
et los
11 ai placer des gardes à toutes les issues du palais
serviteurs dévoués, dans leur inquiétude, veillaient jour
d'abord cher-
et nuit. Mais le jeune prince ne devait point
cher à s'échapper par ruse; et
ce moyen, qui lui répu-
ne devait être pour lui qu'une ressource extrême.
gnait,
ii s'ouvrit; et
Gopa, sa femme, fut la première à laquelle

(i) Brahmatchari, ou celui qui marche dans la voie des Brah-


manes, estte nom du jeune brahmane tout la temps qu'il étudio
los Védas, c'Mt-a-diro ans a pou prbs. La
jusque trente-cinq
absolue.
condition principale do son noviciat est uno chasteté
(2) 7~(t fc/t'et- rot pf, t. Il ch. x)v, p. iM
:3) /(fen),<M(!p.I8C..
-44–
dans une nuit où, tout d'un
effrayée r6ve, elle lui en
demandait l'explication, JI lui confia son projet et sut la
consoler, du moins pour ce moment, de la perte qu'olle
allait faire
(1). Puis, rempli de respect et de soumission
pour son pore, JI alla le trouver cette nuit même. et lui
dit a Seigneur, voici que le temps de mon
apparition dans
« !o monde est arrivé; n'y faites point obstacle et n'en
a soyez point chagrin. Souffrez, ô roi, ainsi que votre
« famille et votre peuple, souffrez que je m'éloigne. »
Le roi les yeux remplis do larmes lui repondit
« Que faut-il ô mon n)s, pour te faire changer de dos-
« sein ? Dis-moi le don que tu désires
je te le ferai; moi-
« même, ce palais ces serviteurs ce royaume; prends
« tout. »
« Seigneur, répondit Siddhârtha d'une voix
douco,
« je désire quatre choses accordez-les moi. Si vous pou-
:< vez me les donner, je resterai près do vous, et vous me
t< verrez toujours dans cette demeure, que je ne quitte-
« rai pas. Que la vieillesse, Seigneur, no s'empare jamais
« de moi; que je reste toujours on possession de la jeu-
«nosse aux belles couleurs que la maladie, sans aucun
« pouvoir sur moi. ne m'attaque
jamais que ma vie soit
« sans bornes et sans déclin. »
Le roi, en écoutant ces paroles, fut accablé de douleur.
K 0 mon enfant. s'éoria-t-i!, ce que tu demandes est im-
o possible, et je n'y puis rien. Les
Rishis, eux-mêmes,
« au milieu du Kalpa où ils ont vécu,
n'ont jamais échappé
« à la crainte de la vieillesse de la maladie et de la mort,
« ni au déctin. Si je ne puis éviter la crainte de la vieil-
'< tesse, de la maladie et de la mort, ni le déclin, reprit
« te jeune homme si vous no pouvez, Seigneur

(i) ~a te~t- tôt ps, do M. Ed. Foucaux, t. ti, p. )90.


-48–

«m'actorder ces quatre choses principales, veuillez du


« moins, ô roi, m'en accorder une autre
qui n'est pas
M moins importante faites qu'en disparaissant d'ici-bas je
« ne sois plus sujet aux vicissitudes de la transmigra-
« tion (1). »
Le roi comprit qu'il n'y avait point à combattre un
dessein qui semblait si bien arrêté, et dès que le jour

parut il convoqua les ÇAkyas pour leur apprendre cette


triste nouvelle. On résolut de s'opposer par la force à la
fuite du prince. On se distribua la garde des portes, et tandis
que les jeunes gens faisaient sentinello, los plus anciens
d'entre -les vieillards se répandaient en grand nombre dans
toutes les parties detaviUo pour y semer l'alarmo et aver-
tir los habitants. Le roi Çouddhodana lui-méme, entouré
do cinq cents jeunes Çakyas. veillait à la porte du palais

(2). tandis que ses trois frères, oncles du jeune prince,


étaient à chacune des portes do la ville, et que l'un dos

principaux Çakyas se tenait au centre pour faire exécuter


tous les ordres avec ponctualité. A l'intérieur du palais
la tante de Siddhartha, Maha Pradjapatt Gaoutama, diri-
geait la vigilance des femmes; et, pour les exciter, etto
tour disait: « Si après avoir quitté la royauté et ce pays,
« il allait loin d'ici errer en religieux, tout ce palais, dès
« qu'il serait parti, serait rempli de tristesse, et la race
« du roi, qui dure depuis si longtemps, serait tnterrom-
« pue. »
Tous ces efforts étaient vains; dans l'une des nuits sui-
vantes, quand tous tes gardes fatigués par do longues veit-

(i) Rgya tcA'ef fo!Ft!, de M. Ed. Foucaux, t. Il, ch. xv,


p.192.
(2) Idem, p. 193, et oussi dans
<6M, t'.<<fM<n<cMfamsna
~ott<f«, M M, cite par M. Ed. Foucaux.
M –
les étaient assoupis. te jeune prince donna l'ordre à son

cocher Tchhandaka de seller son cheval Kantaka, et it

put s'échapper de la ville sans que personne t'eût aperçu.


Avant de lui céder, le fidèle serviteur lui avait livré un
dernier assaut et le visage baigné de pleurs, il l'avait
ne point sacrifier ainsi sa belle jeunesse pour
supplié de
aller mener la vie misérable d'un mendiant, et de ne point
ce splendide palais, séjour de tous les plaisirs et de
quitter
toutes les joies. Mais le prince n'avait point faibli devant
ces prières d'un coeur dévoué, et il avait répondu « Évi-
H tés par les sages comme la tête d'un serpent, abandon-
« nés sans retour cnmmo un vase impur, o Tchhandaka,
« les désirs, je no le sais que trop, sont destructeurs de

« de toute vertu; j'ai connu les désirs. et je n'ai plus do


« joie (1). Une pluie de tonnerres, do haches, do piques,
« do flèchos, de fers enflammés. comme les éclairs étince-
<t lants ou le sommet embrasé d'une
montagne, tombe-

« rait sur ma tête, que Je no renaîtrais pas avec te déstr


M d'avoir une maison (3). H
Il était minuit quand le prince sortit de Kapitavastou,
et l'astre Pouohya qui avait présidé à sa naissance (3), so
lovait à ce moment au-dessus de l'horizon. Sur le point do

tout ce qu'il avait aimé jusque-là, le cœur du jeune


quitter
homme fut un instant attendri; et jetant un dernier regard
sur le palais et sur la vtite qu'il abandonnait n Avant d'a-
n voir obtenu la cessation de la naissance et do la mort

« dit-it d'une voix douce je ne rentrerai pas dans ta villo


pas avant d'avoir obtenu la
c de Kapiia je n'y rentrerai

(i) ~o tch'6)' roi pa, de M. Ed. Foucaux, t. H, ch. xv,

p.203.
(5) Mem, ibid., p. 207.
(3) jMen), ibid., p. i0').
– n
K loi suprême exempte de vieillesse et de mort, ainsi que
« l'intelligence pure. Quand j'y reviendrai, la ville de

a Kapita s~a debout, et non point appesantie par le som-


« meU (t). »
H ne devait, en effet, revoir son père et Kapilavastou

que douze ans plus tard, pour les convertir à la foi nou-
velle (2).
Cependant Siddhartha marcha toute la nuit; après avoir
quitté le pays des Çakyas et celui des Kaoudyas. il tra-
versa celui des Maitas (3) et la ville de Meneya. Quand le

jour parut, it était arrivé à la distance de six yodjanas (4)


alors il descendit de son cheval et le remit aux mains de

Tchhandaka puis il lui donna le bonnet dont sa tête était

couverte, et l'aigrette do perles qui t'ornait, parures dé-


sormais inutiles (S) et il le congédia.
Le tah't«t)M<ara, auquel sont puisés une partie de ces

détails, ajoute qu'a l'endroit de la terre où Tchhandaka


retourna sur ses pas un tchaitya fut bâti a et aujour-
a d'hui encore, dit l'autour, ce tchaitya est connu sous le
a nom de Tchhandaka nivartana, c'est-à-dire Retour do
'< Tchhandaka sur ses pas. » Hiouon Thsang vit encore ce

stoupa, qui avait été bâti. à ce qu'il rapporte, par le roi

(t) ~a <eA'<)-roi pa, Chapitre de l'Entrée dans )o monde,


t p. 2i3.
(2) Csoma de KorOs, vie de çakyamouni, extraite des auteurs
tibétains, ~<a«cMeMa<-c~ t. XX, 2° partie, p. 29&etsniv.

(3) Voir M. E. Burnouf, Jnffo~. f! t'h~<. du FaMd<t/(.


)nJ., p. 87.
(ù) Layodjana valant cinq milles, c'est dix lieues a peu près.
Hiouon Thsang semble compter une distance beaucoup plus
grande au moins soixante iiauos.
(6) M. Stanislas Mian,~<f<o<M de ta vie de ~oMeH Thsang,
p.129.
-48-

Açoka (i), et qui se trouvait sur la lisière d'une grande


forêt que Siddhârtha d&t traverser, et qui était la route de
Kouçinagara, où il devait mourir.
Resté seul, le prince voulut se dépouiller des derniers
insignes de sa caste et de son rang. D'abord i! se coupa les
cheveux avec son glaive, et les jeta au vent; un religieux
ne pouvait plus porter la chevelure d'un guerrier {2). Puis,
trouvant que des vêtements précieux lui convenaient
moins encore, ii échangea les siens, qui étaient en soie de
Bénarès (de Kaçi) avec un chasseur qui en avait de tout
usés de couleur jaune. Le chasseur accepta non sans quel-
que embarras (5); car il s'apercevait bien qu'il avait
affaireà un personnage de haute distinction.
A peine s'était-on aperçu dans le palais de l'évasion
de Siddhârtha, que le roi avait envoyé à sa poursuite des
courriers qui ne devaient pas revenir sans lui. Dans leur
course rapide, Us rencontrèrent bientôt le chasseur qui
était couvert des vêtements du prince et peut-être lui
eussent-ils fait un mauvais parti, quand la présence de
Tchhandako vint les calmer. Il leur raconta la fuite de
Siddhârtha; et comme les messagers, pour se montrer
obéissants aux ordres du roi, voulaient poursuivre leur
route jusqu'à ce qu'ils eussent atteint le prince, le cocher

(1) M. Stanislas Julien Histoire <ï< !« vie de JfM<MM


yAMH~,p.i30.
(2) 7~0 <ct'er roi pa, de M. Ed. Foucaux, t. H, ch. xv,
p.2i4; Hiouen Thsang dit que le Bouddha se fit couper les
cheveux et non qu'il les coupa toi-m8me, opération assez diM-
cile eneHetaveo un glaive. Voir M. Stanislas Julien, Histoire
<h ta vie de Niouen Thsang, p. i80.
(3) Rgya <ch'effotpa,de M. Ed. Foucaux, n, ch. xv,
p.2i6.
-49–

los en détourna « Vous ne pourrez pas le ramoner, leur


« dit-il; le jeune homme est forme dans son courage et
« dans ses promesses. H a dit Je ne retournerai pas dans
« la grande cité de Kapilavastou avant d'avoir atteint t'in-
1
« telligence suprême, parfaite et accomplie, avant d'être
« Bouddha. Il ne reviendra pas sur ses paroles; et comme
« il l'a dit, cela sera !o jeune homme ne variera pas (1). M
Tchhandaka ne put offrir d'autres consolations au roi ii
rendit à Mahâ PradjâpaM Gaoutama
les joyaux que Sid-
dhartha lui mais la reine ne pouvant
avait remis; regar-
der ces ornements qui lui rappelaient de trop tristes sou-
venirs, les jota dans un étang, appelé depuis lors l'Étang
des ornements (Abharanapoushkarl). Quant à Gopâ la

jeune épouse de Siddhârtha. elle connaissait trop sa fer-


meté inébrantabio pour se flatter qu'il reviendrait bientôt.
comme on voulait le lui faire espérer et toute préparée

qu'elle était à cette affreuse séparation, elle ne pouvait


s'en consoler, malgré le glorieux avenir de son mari, que
lui rappelait le fidèle Tchhandaka.

Après avoir séjourné chez plusieurs Brahmanes, qui lui


offriront successivement l'hospitalité, le jeune prince arriva
de proche en proche dans la grande ville do Vaicaii (2).
11 avait a se préparer encore à la grande lutte qu'il allait
engager avec la doctrine brahmanique; trop modeste pour

(1) Rgya <e&'e)- fo< pa ,< p. 217.


(2) Située dans l'Inde centrale, au nord de Patalipouttra, sur
ia rivière de Hiraoyavat!, ia Gandaki des modernes, presque en
face de Patna, et sur tes confins du Mithiia. M. E. Burnouf croit
que Csoma s'est trompé en identifiant VaieaM avec Allahabad,
l'ancienne Pray&ga, /n<fo< à t'&<<(. dya J?OH< ind., p. 86.
Voir aussi M. Stanislas Julien, Histoire de Iliouen Thsang,
p.i3S.
A
-50–
se croire déjà en état de la vaincre, il voulut se mettre
tui-meme à répreuve, et savoir en même temps ce que
valait précisément cette doctrime. H alla trouver le brah-
mane Arata -Kâtama, qui passait pour le plus savant des
maîtres, et qui n'avait pas moins de trois cents disciples,
sans compter une foule d'auditeurs. La beauté du jeune
homme. quand il parut pour la première fois dans cette
grande assemblée, frappa tous les assistants d'admiration,
à commencer par Kâiâma lui-même mais bientôt il
admira davantage encore la science de Siddhârtha, et il le
pria de partager avec lui le fardeau de l'enseignement.
Mais le jeune sage se disait déjà « Cette doctrine d'Arata
a n'est pas vraiment libératrice la pratiquer n'est pas une
c vraie libération, ni un épuisement de la misè-
complet
« re. » Puisil ajoutait dans son cœur: «En perfectionnant
a cette doctrine, qui consiste dans la pauvreté et la res-
a friction des sens, je parviendrai à la vraie délivrance
« mais il me faut encore de plus grandes recherches (1). a
!t resta donc quelque temps à Vaiçâll. En la quittant, il
s'avança dans le pays do Magadha (2) jusqu'à Radjagriha,
qui en était la capitale. La réputation de sa sagesse et de
se beauté l'y avait précédé; et le peuple, frappé d'éton-
nement de voir une telleabnégation dans un si beau jeune
homme, se porta en foule à sa rencontre; la multitude qui
ce jour-tà remplissait les rues de la ville, cessa, dit la
légende, ses acl ats et ses ventes, et s'abstint même do
boire des liqueurs et du vin, pour aller contempler le
noble mendiant qui venait quêter l'aumône. Le roi lui-

(1) ~~ateh'w )-o!po,deM. Ed.Foucaux.t.tI, ch. xvi,


p.228.
(2) Le Bihar moderne. Voir aussi M. Stanislas Julien, N«-
toire de ta vie <!<~<OMeMThsang p. 236 et suivantes.
–51-

même, Bimbisâra (1) l'apercevant des fenêtres de son


palais où l'avait amené cette émotion populaire le fit
observer jusqu'au lieu do sa retraite sur le penchant du
mont Pandava; et dès le lendemain matin, pour lui faire
honneur, il s'y rendit de sa personne, accompagné d'une
suite nombreuse. Bimbisâra était du même âge à peu près

que Siddhârtha et profondément ému de la condition

étrange où il voyait le jeune prince, charmé de ses dis-


cours à la fois si élevés
et si simples, touché de sa magna-
nimité et de sa vertu, il fut dès ce moment gagné à sa cau-
se et il ne cessa de le protéger durant tout son règne.
Mais ses offres les plus séduisantes ne purent ébranler le
jeune ascète et après avoir demeuré assez longtemps dans
la capitale, Siddârtha se retira loin du bruit et de la foule
sur les bords de la rivière Nairandjâna (2).
Si l'on en croit le Mahâvamsa, cette chronique singha-
taise rédigée en vers au v" siècle de notre ère, par Mahâ-
nama, qui la composa sur les plus anciens documents
bouddhiques. le roi Bimbisâra se convertit au Bouddhis-
me, ou,
pour prendre les expressions mêmes de l'auteur.
so réunit à la congrégation du Vainqueur, dans la seizième
année de son règne. Il était monté sur le trône à l'âge do
15 ans, ot il n'en régna pas moins de cinquante-deux. Son
père était lié d'une amitié étroite avec le père do Siddhâr-
tha et c'était là sans doute aussi l'un des motifs qui avaient

(1) M. E. Burnouf croit qu'il vaut mieux dire Bimbisâra que


Bimbasâraou Vimbasâra. (Voir l'Introd. 4 <M/. du Bouddh.
~d..t<. 1~6.) La transcription chinoise vient l'appui de l'opi-
nion de M. E. Burnouf. Voir iWMoM-e <!e la vie <~ ~M:M)t-
Thsang, par M. Siaulslas Julien, p. 137.
(2) Le Phatgou des modernes. Cette rivière se réunit au Gange
près du village de RouinaUân.
/t.
52 –

disposé Bimbisâra à tant de bienveillance Son flls


(1).
Adjatâçatrou, qui fut son assassin, ne partagea point d'a-
bord ses sentiments pour le Bouddha et il te persécuta
assez longtemps avant de recevoir sa doctrine, ainsi que
nous le verrons plus tard.
Cependant, le Çramana.Gaoutama,
malgré l'accueil en-
thousiaste qu'il recevait des peuples et des rois eux-mê-
mes, ne se croyait pas encore suiBsamment prêt à sa
grande mission. I) voulut faire une dernière et décisive
épreuve des forces qu'il apporterait dans le combat. Il y
avait à Râdjagriha un brahmane p)us célèbre encore que
celui de Vaiça)!. ït se nommait Roudraka, fils de Râma
et il jouissait d'une renommée sons égale dans le
vulgaire
et même parmi les savants (2). Siddhârtha se rendit mo-
destement auprès de lui, et lui demanda d'être son disci-
ple. Après quelques entretiens. Roudraka, aussi sincère
que t'avait été Arata-Katama, fit de son disciple un égai.
et rétablit dans une demeure en lui disant
d'instituteur,
« Toi et moi nous enseignerons notre doctrine à cette
Il multitude. )) Ses disciples étaient au nombre de sept
cents. Mais, comme à Vaicai!, la supériorité du jeune
ascète ne tarda point à éclater et bientôt il dut se séparer
de Roudraka « Ami, lui dit-il, cette voie ne conduit
pas à
FmdiHérenco pour les objets du monde, ne conduit pas
a a l'affranchissement de la passion, ne conduit pas à !'em-
<' pêchement des vicissitudes de l'être, ne conduit pas au
a calme, ne conduit pas à l'intelligence parfaite, ne con-
duit pas à l'état de çramana, ne conduit au Nir-
pas

(I) M. Georges Tumeur, traduction du A/aMo<MMo, p. 9


ot 10. Voir plus loin,
p. 73.
?) Rgya teh'fr ~of pa, do M. Ed. Foucaux, t. eh. xvn
I. 233.
?M

« vana. » Puis, on présence de tous les disciples do Mou-


draka il se sépara de lui.
Parmi eux. il s'en trouva cinq qui, séduits par l'ensei-
gnement de Siddhartha et la clarté de ses leçons,
quittè-
rent leur ancien maure suivre le réformateur.
pour Ce
furent ses premiers
disciples (1). Ils étaient tous les cinq
de bonne caste, comme le dit la légende. Siddhartha se
retira d'abord avec eux sur le mont Gaya; puis il revint
sur les bords de la dans un village nommé
Nairandjanâ
Ourouviiva, où il résolut de rester avec ses compagnons
avant d'aller instruire le monde. Désormais i) était fixé sur
la science des brahmanes ii en connaissait toute la portée
ou plutôt toute i'insuNisance. Il se sentait plus fort qu'eux.
Mais il lui restait à se fortifier contre et bien
lui-même;
qu'il désapprouvât les excès do t'ascétisme
brahmanique
i) résolut do so soumettre
pendant plusieurs années aux
austérités et aux mortifications. C'était peut-être un moyen
de gagner une considération
égale à ceiie des Brahmanes
auprès du vulgaire; mais c'était peut-être aussi un moyen
de se dompter iui-méme.
Siddhartha avait vingt-neuf ans quand il quitta le palais
de Kapilavastou
(2).
Ourouvilva est illustre dans les fastes du Bouddhisme
par cette longue retraite, qui ne dura moins de six
pas
ans, et pendant laquelle Siddhârtha se livra, sans que son
courage failltt un seul instant, aux austérités les plus

(I) La tradition a conservé leurs noms, bion qu'ils n'aient


joué aucun r0!e considérable c'était Adjnana-Kaoundinya.
Açvadjit, Vashpa, Mahanama, Bhadrika. Voir M. Ed. Fou.
eaux, Rgya «iA'ft- ro: pa t. !I, ch. t, p. 2, et eh. xvu,
page 285.
(2) M. Georges Turnour A~MpftmM, p. 9.
-34–

rudes, c dont les dieux eux-mêmes furent épouvantés, »


U y soutint contre ses propres passions les assauts les plus
formidables, et nous verrons plus tard comment la lé-
gende a transformé ces luttes tout intérieures, en combats
où le démon PapiyAn
(io très-méchant), avec toutes ses
ruses et ses violences, se trouve enBn terrassé et vaincu
malgré son armée innombrable, sans avoir pu séduire ou
enrayer le jeune ascète qui. par sa vertu, détruisait
l'empire de Mara, le pêcheur. Mais au bout de six ans de
privations et de souffrances inouïes, et de jeûnes acca-
blants, Siddhârtha, persuadé que l'ascétisme n'était point
la voie qui mène à l'intelligence accomplie, résolut de
cesser des pratiques aussi insensées et il reprit une
nourriture abondante, que lui apportait une jeune niiedu
village, nommée Soudjata. Il recouvra en peu de temps
ses forces et sa beauté détruites dans ces macérations af.
freuses. Mais ses cinq disciples qui lui étaient restés fidèles
et l'avaient imité
pendant ces six années, furent scandali-
sés do sa faiblesse; ils le prirent en dédain, et l'abandon-
nèrent pour s'en aller à Bénarcs, au lieu dit H~Atpa<ano,
où il devait iui-memo les rejoindre bientôt.
Resté seul dans son ermitage d'Ourouvilva, Siddhârtha
continua ses méditations, s'ii ralentit ses austérités. C'est
dans cotte solitude
qu'il acheva, selon toute apparence
d'arrêter pour jamais et les principes de son système, et les
règles de la discipline qu'il comptait proposer a ses adhé-
rents. H prit dès lors personneiiement la tenue et les habi-
tudes qu'il devait leur imposer plus tard; et, par son exem-
pie, ii crut devoir prévenir les résistances que ses préceptes
austères pourraient rencontrer parmi les sectateurs mémo
les plus enthousiastes. Depuis six ans qu'il errait do villes
en villes, de forêts en forêts, le plus souvent sans abri, et
ne reposant que sur le sol les vêtements que io chasseur
–HS–
lui avait jadis codés tombaient en lambeaux. Il fallait les
renouveler; voici comment il les remplaça. Une esclave
de SoHdjata. la fille du chef d'Ourouvilva, qui se montrait
si dévouée pour lui et qui continuait à le de
nourrir,
concert avec dix de ses compagnes, était morte. On avait
enterré cette femme dans le cimetière voisin. Son corps
avait été enveloppé d'une toile de çana. espèce do lin
assez grossier. SiddMrtha, quelques jours après, creusa
la terre et reprit le linceul. « voulant
Puis. montrer ce
que doit faire un religieux. o il lava ce linceul tout rem-
pli da terre dans un étang, et le façonna do ses propres
mains en le cousant. Le lieu où il s'assit en ce moment
reçut depuis lors le nom de Pançoukoutasivana. c'est-à-
dire, la couture du linceul ~). Uc là vient que dans ia
suite, il ordonna que ses reiigifjux ne se couvrissent que
do haillons rapiécés devaient
qu'ils recueillir dans tes
rues. sur les routes et mémo dans tes cimetières. Qui
d'entre eux aurait osé se plaindre ou résister, quand le
rejeton Illustre d'une grande famille roya)o. hé-
l'unique
ritier des Câkyas. abandonnant la puissance.et ta richesse,
avait imposé ces lugubres vêtements à sa jeunesse et à sa
beauté? 2

Cependant le terme
de ces longues et
pénibles épreuves
approchait. Stddhartha n'avait plus qu'un seul
pas à fran.
chir. tt connaissait ses futurs adversaires; ii se connaissait

(<) M. Ed. Foueaux, Rgya <cA'<:)'roi eh. xvm p. 256.


L'esclave de Soudja~, dont le Bouddha re~tit le funèbre v6te-
ment, s'appelait BMM. Pour les détails
qui précèdent et ceux
qui vont suivre, il faut toujours comparer )o Foe ~otM et
l'histoire de/Kot~ Thsang avec )o /.aK<ot-.tta<« et la légende
d'Açoka dans l'lntrod. (t rA.«. du BoH~
ind., do M. E Dur
neuf, p. 382 pt suit.
-56-

tui-meme il était sûr do leur faiblesse et de ses forces


mais sa modestie éprouvait quelques derniers scrupule*
Chargé du salut des créatures, il se demandait s'il avait
enfin obtenu cette vue déNnitive et immuable de la vérité
qu'il devait enseigner au monde a Par tout ce que j'ai
« fait et acquis, se disait-il quelquefois, j'ai do beaucoup
« dépassé la loi humaine; mais je no suis pas encore ar-
t< rivé à distinguer clairement la vénérable sagesse. Ce n'est
« pas là encore la voie de Cette voie ne peut
l'intelligence.
« mettre un terme irrévocable ni à la vieillesse. ni à la
« maladie, ni à la mort (1). » Puis il revenait aux médita-
tions de son enfance; i) se rappelait ces premières et
splendides visions qu'il avait eues jadis dans le jardin do
son père. à l'ombro d'un djambou; et il se demandait si
sa pensée, mûriepar l'âge et par la réflexion, tenait bien
toutes les merveilleuses promesses que s'était faites sa
jeune imagination (2). Pouvait-il bien être !o sauveur du
genre humain ?q
Dans une do ces fréquentes extases qu'avait to jeune
solitaire, après une méditation qui paraît avoir duré,
presque sans interruption, pendant une semaine, Sid-
dhArtha crut pouvoir, dans toute la sincérité do son cœur,
se répondra à tui-meme aairmativement « Oui. il avait
« enfin trouvé la voie forte du grand homme, la voie du
« sacrifice des sens, la vole Infaillible et sans abattement,
« la voie do la bénédiction et de la vertu, la voie sans
tache, sans sans et sans passion
envie, ignorance (3); la

(1) M. Ed. Foucauit, /f~a tcA'et- roi pa, 1. ti, ch. xvu),
p. 263.
(2) /f!em, <&<<<.
(3) /<<<-M,<tM,t.i!,ch.x)x,p.261.
-87-

« voie qui montre le chemin de la délivrance. et qui fait


a que la force du démon n'est pas une force; la voie qui
« fait que les régions de la transmigration ne sont pas des
« régions la voie qui surpasse Mahésvara
Çakra, Brahma,
a et les gardiens du monde; la voie qui mené à la posses-
« sion de la science universelle, la voie du souvenir et du
« jugement, la voie qui adoucit la vieillesse et la mort,
a la voie calme et sans trouble, des craintes du
exempte
« démon, qui conduit à la cité du Nirvana (1). a En un
mot Siddhârtha crut à ce moment suprême se
pouvoir
dire qu'il était enfin !e Bouddha parfaitement accompli
c'est-à-dire, le sage dans toutesa pureté, sa grandeur, et
dans sa puissance plus qu'humaine, plus que divine.
Le lieu où Siddhârtha devint enfin Bouddha est aussi
fameux dans la légende que Kapilavastou ie .eu do sa
naissance, Ourouvilva le lieu de sa retraite des six
années, et Kouçinagara, le lieu do sa mort. L'en-
droit précis où se révéla le Bouddha est appelé Bodhi-
manda, c'est-à-dire « le siége de l'intelligence (2); et la

(1) M. Ed. Foucaux, Rgya tcA'eft-o: pa, t. i!,ch. x)x, p. 262.


(2) Idem, <6M. Voir aussi M. E. Burnouf. /t)<)-o<<.d t'A~t.
du Bouddh. ~d., p. 386, et le Foe Aot<e Ni.
p. 281 et suiv. li
ne faut pas confondre Bodhi avec Bouddhi. Les deux mots ont
le mOrne sens en sanscrit, et 'eus deux signifient
rinteitigonce
seulement le premier s'applique plus particulièrement. cet état
d'intelligence qu'atteint le Bouddha quand il est parfaitement
accompli; l'autre n'exprime que l'intelligence en général. Voir.
pour la Bodhi, le Lotus de !a bonne loi do M. E. Burnouf,
p. 796, appendice n" xu. Tout ce récit se retrouve dans une lé-
gende chinoise traduite par M. Klaproth. Vo!r!o~oe~OMe~,
ch. xxx), p. 285 et suiv. D'après le /.o«M <<ela tonne il
toi,
semblerait que Bodhimanda 6taH situé dans l'intérieur d'une
–38–
tradition a conserve les moindres détails de cet acte so-
lennel. En se rendant des bords de la Nairandjana à Bo-
dhimanda, le Bodhisattva
(1) rencontra près de la route, a
sa droite, un marchand d'herbes « une herbe
qui coupait
« douce, flexible,
propre à faire des nattes et d'une odeur
« très-suave. )) Le Bodhisattva se détourna de son che-
min, et, allant à cet homme, nommé Svustika, il lui de-
manda de l'herbe qu'il fauchait;
puis, s'en faisant un tapis,
la pointe du gazon en dedans et la racine en
dehors. it
s'assit, les jambes croisées, ta corps droit, et tourné à
l'orient, au pied d'un arbre qui est appelé « t'arbro do
l'intelligence, » Bodhidrouma
(2). « Qu'ici, surco siège.
« dit-il en s'asseyant, mon se
corps dessèche que ma
« peau, ma chair et mes os se
dissolvent, si, avant d'avoir
a obtenu l'intelligence suprême, je soulève mon corps do
« ce gazon où je l'assieds
(3). » tt y resta tout un jour et

ville appelée Gaya voir la traduction do AI. E. Burnouf,


p. itj.
D'après le /~<t tcA'er roi pa, Bodhimanda serait près du nn.nt
Gaya voir la traduction do M. Ed. Foucaux,
p. 378. ~'OMM
Thsang ( voir l'histoire de sa vie, par M. Stanislas Jution,
pago
~0) parle d'une ceinture de montagnes près do Bodhimanda
(<) Le Bodhisattva est le futur Bouddha, e'est-a.dire l'êlro
qui a toutes les qualités requtsea pour dovfnir Bouddha, mais
qui
no l'est pas encore entièrement.
(2) M. Ed. Foucauit, Rgya <cA'er roi pf!, t. 11, eh. x))(,
p. 262,
273,277. On appelle aussi cet arbre Tarâyana, c'est-a dire,
qui
fait traverser t'ocëan de la vie.
/<iom, ~M., p. 366.
(3) La position que prit te Bodhisattva a Bodhimanda est
cellequelui donnent tous tes monuments Dgurés,
statues, bas-
reliefs, tableaux etc., qu'on a découverts ou observés dans
t'tndo. Voir, pour un récit un le ZotMs de
peu ninerpnt,
bonne loi, do M. E. Burnouf,
p./tta
S9

toute une nuit sans mouvement, et ce fat à la dernière


veille, au moment du lever de l'aurore, à l'instant où l'on
est !e plus endormi, ot comme te disent les Tibétains, à
l'instant où l'on bat le tambour (1), que s'étant revêtu do
la qualité de Bouddha parfaitement et do colle
accompli
de l'intelligence parfaite et accomplie, it atteignit la
triple science (Trividiyâ): a Oui, s'écria-t-il alors, oui,
a c'est ainsi que je mettrai fin à cette douleur du monde. »
Et frappant la terre avec sa main a Que cette terre
a ajouta-t-il soit mon témoin; eitc est la demeure do
a toutes les créatures; o)io renferme tout ce qui est mo-
abito ou immobile; elle est impartiate; elle témoignera
« quo jo no mens
pas (2). »
Silo genre humain n'était pas sauvé, comme put to
croire à ce moment Siddhartha, du moins, une religion
nouvotto était fondée. Le Bouddha avait alors trente-six
ans.
L'arbre sous lequel il s'assit & Bodhimanda était un fi-
guier de l'espèce appelée pt'ppft<a (3); et la vénération des
fidèles no tarda pas & l'entourer d'un culte fervent.
qui
dura do longs siècles (4). Dans l'année 632 do notre
èro,
c'ost-a-dtre onze cents ans tout au moins
après ta mort

(i) ~<t<eh'erfo< pa, M. Ed. Foucaux, t. tt, eh. M)),


p. 331 et 336.
(2) jMem, <6M., p. 336 et 30&.
(3) Voir Fa Hian dans le Foe Tïoxe ~< do M. AbotRamusat,
ch. xxxtv, p. 276, avec tes notes tros.instructives do M. Klap.
roth, et Mf~to~o de la vie de /Kot<en y~fan~ el de Ma voya-
~M, par M. Stanislas Julien, p. 1~ On dit aussi que cet arbre
était un s6!a ou un tata. Voir te foe AoMo A<,
p. 290, nota ex-
traite d'une légende chinoise
par M. Kiaproth.
?) D'après l'Açoka foja~ana ou ~e'xfe d'~ota, c'oat le roi
Açolla qui nt construire dos stoppas dans tous los iienx consa-
-60–
du Bouddha, Hiouen.'fhsang. le péterin chinois. vit en-
coro le Bodhidrouma. ou l'arbre qui passait pour t'être.
C'étaM à peu près à quinze lieues de
Radjagriha. la capi-
tale du Magadha
(1). et non loin de la Natrandjana.
comme l'indique le Lalitavistara (2). L'arbre était protège
par des murs en briques trés-étovés et fort solides qui
avaient une étendue considérable do l'est il l'ouest et se
rétrécissaient sensiblement du nord au sud. La
porte prin-
cipalo s'ouvrait & l'est, en face de la rivière
Nairandjana.
La porte du midi était voisine d'un grand étan~ sans
doute celui où Siddhârtha avait lavé !o linceul. A i'ouest
était une ceinture do montagnes
escarpées, et la partie
du nord communiquait avec un grand couvent. Le tronc
do t'arbro était d'un ses feuittcsétaicn'
blancjaune; vertes
et luisantes, et, d'après ce qu'on dit au voyageur, elles no
tombaient ni en automne, ni en hiver. Seulement, lui dit-
on aussi, io jour anniversaire du Nirvana du Bouddha.
elles so détachent tout d'un coup pour ronalire le lendo-
main plus bellos
qu'auparavant (5). Tous les ans, los rois.

cres. Voir M. E. Burnouf. Jnhod. <; t'f. dit Bouddh. <nd<M.


p. 380, 388. Un ramoau du Bodhidrouma fut miracuicusontent
transporte & Cey)an, /.beAo)<a~<, p. 343.
(1) ~o<Md'~OHfny/tMK~,p. <39.
(2) Compnrer entre elles les citations
qui viennent d'utro faites
un peu plus haut, d'après ta
Rgya fcA'er roi pa, do M. Ed. Fou-
calll. On peut volraussi
dansia M~)~ d'Açoka, Introd. <! <“<.
't<t ~OM~. indien, de M. E. Burnouf, p. 393. comment la femme
du roi Açoka, Tishya RatMita, essaya do faire périr t'arbro
Bodhi, pour lequel le roi faisait d'énormes
dépenses. Voir
aussi Fa Hian dans do M.
te~eAoxcAt, A. deBémusat
et). MXU.
(3) ~(.~ do la vie d'~OMM <-<(le sos coyaj/M
yAta~
par M. StauistMJu)ien,p. i39, i<)0, lOZ.
-61 –
les ministres et les magistrats se rassemblaient
encore à
pareil jour, au-dessous de cet arbre, l'arrosaient avec
du lait, allumaient destampes. des fleurs
répandaient et
se retiraient après avoir recueilli les feuittes qui en étaient
tombées.
Près de l' « arbre de l'Intelligence N. Hiouen Thsang
vit une statue du Bouddha devant laquelle il se prosterna
on en attribuait l'érection à Maitréya, l'un des disciples
les plus ronomtxés du maître. Tout à l'entour de l'arbre
et do la statue, et dans un espace
tres.resserré, on voyait
une foulo de monuments sacrés qui rappelaient chacun
quelque pieux souvenir. Il no fallut pas moins de huit a
neuf jours au dévot chinois les adorer
pour tous l'un
après l'autre (1). C'étaient des stoûpas et des viharas ou
monastères, do diverses grandeurs et de diverses formes.
On y montrait surtout à l'admiration des ndetes te
Vadjrâ-
sanam, c'est-à-dire le Trône de Diamant (2), l'un des
sièges sans doute dont quelque prince avait fait présent au
Bouddha, et qui devait disparaître un jour les
quand
hommes seraient moins vertueux, à ce que croyait la su-
perstition populaire.
Je n'hésite pas à penser qu'à l'aide des indications si
précises que nous donnent la J~Mtao'otara Fa Hian et
Hiouon Thsang, it no fut possible do retrouver Bodht-

«) /fMto<fe d'~MoMM 7'~any, p. IM.


(2) .M~ ~M, p. 240. LeVradjraaanan!. dans l'aveugle
crédulité des populations
bouddhiques, passait pour être cou-
tomporain de)u création, ou plutôt il s'était élevé eu même
temps que le ciel et la t9r[o.fout bodhisattva qui voulait deve-
nir Bouddha devait s'asseoir sur ce trône. S'il
s'assayaitaitieurs,
la terre perdrait son Id. ?..
equiiibro. p. 143; voir aussi
M. E. Burnouf, ~th-oft. <t <<. dit FoM~A. <t!(< p. 387.
-02–

manda et je ne serais pas étonné que quelque jour un


des officiers de l'armée anglaise, si intelligents et si cou-
rageux, ne nous apprit qu'il a fait cette elle
découverte;
vaudrait certainement toutes les peines qu'elle aurait ooû-
tées, et que probablement on ne se donnerait pas en vain.
La configuration des lieux n'a pas changé et si les arbres
ont péri, les ruines de tant de monuments doivent avoir
laissé sur le sol des traces reconnaissables.
Cependant la retraite du Bouddha sous le Bguier sacré
de Bodhimanda.sousieTarâyana, n'était si étroite
pas
qu'il n'y fut déjà visité. Sans compter Soudjata et ses
jeunes compagnes, qui nourrissaient le Bouddha dateurs
aumônes, il y vit au moins deux autres personnes, qu'il
convertit à la foi nouvelle. C'étaient deux frères, tous
deux marchands, et qui passaient près de Bodhimanda
revenant du sud, et remportant au nord d'où ils étaient
partis, des marchandises considérables. La caravane qui
les suivait était nombreuse, puisqu'elle conduisait plu-
sieurs centaines de chariots. Quelques attelages s'étant
embourbés, les deux frères, qui se nommaient Trapousha
et BhaHiiM s'adressèrent au saint ascète sortir
pour
d'embarras; et, tout en suivant ses avis, ils furent tou-
chés de sa vertu et de sa sagesse surhumaines. « Les deux
« frères, dit le t<)K<<!t)M(<~< ainsi que tous leurs compa-
gnons, allèrent on refuge dans la toi du Bouddha (1). »
Malgré ce premier succès de bon augure, le Bouddha
hésitait encore. Il était désormais certain d'avoir la pleine

(i) jR~a <e&'<a-fo< pa, de M. Ed. Foucaux, t. !t, ch. xxtv,


p. 357 et 363, et M. E. Bnrnouf, 7tt«-ot:. à <'M~. des ~OM<MA.
indien, p. 389. Le vase d'or dans lequel les deux frères avaient
ottert au Bouddha !e lait de leur vache, se nomma depuis
~f6o«<c~'an~r< c'est-e-diro, qui rassasie.
63

possession de la vérité. Mais comment serait-elle acoueittio

par les hommes? Il apportait aux créatures la lumière et


le salut; mais voudraient-elles ouvrir les yeux ? entre-
raient-ettes dans la voie où on les conviait a marcher! Le
Bouddha se retira donc de nouveau dans la solitude; et y
étant resté dans la contemplation, it méditait ainsi en son
cœur « La loi qui vient de moi est profonde, lumineuse,
« déliée, difficile à comprendre elle échappe à t'oxamen
« elle est hors de
la portée du raisonnement. accessible
u seulement aux savants et aux sages; elle est en opposi-
« tion avec tous les mondes. Ayant abandonné toute idée
d'individualité, éteint toute notion, interrompu toute
« existence par la voie du calme, elle est invisible
en son
a essence de vide; ayant épuisé le désir, exempte de
« passion, empêchant toute production des êtres, elles
M conduit au Nirvana. Mais si, devenu Bouddha vraiment
« accompli, j'enseigne cette loi les autres êtres no la
M comprendront pas et elle peut m'exposer à tours in-
n suites. Je ne me laisserai point aller à ma miséri-
« corde (1 ). Trois fois le Bouddha fut sur le point do suc-
comber à cette faiblesse (2); et peut-atro oût-it renoncé
pour jamais a sa grande entreprise, satisfait d'avoir trouvé
pour lui seul le secret de la délivrance éternetto mais
une suprême rénexion vint le décider et trancher sans re-
tour ses irrésolutions. « Tous les êtres, se dit-il, qu'ils
« soient infimes, médiocres ou élevés, qu'ils soient très-

(i) ~~<! teA'ef roi pa, de M. Ed. Foucaux, t. JI, ch. xxv,
p. 368.
(2) ldem, <6M. p. 370. On pourrait montre)' comment la
légende fait intervenir l'armée innombrable des dieux dans ces
délibérations du Bouddha. Ici je ne le considère qu'h un point
do vue tout individuel et tout humain.
-64–

a bons, moyens ou très-mauvais, peuvent être rangés en


a trois classes un t' ;rs est dans le faux et y restera un
« tiers est dans le vrai; un tiers est dans l'incertitude.
« Ainsi un homme au bord d'un
étang voit des lotus qui
a ne sont pas sortis de l'eau d'autres qui sont au niveau
« de l'eau, d'autres enfin qui sont élevés au-dessus de
a l'eau. Que j'enseigne ou
que je n'enseigne pas la loi
(c cette partie dos êtres,
qui est certainement dans le faux,
a ne la connaîtra pas; que j'enseigne ou que je n'enseigne
« pas la loi, cette partie des êtres. qui est certainement
« dans le vrai, la connaîtra mais cette partie des êtres
qui est dans l'incertitude, si j'enseigne la loi la con-
« naîtra si je n'enseigne pas la loi, elle ne la connaîtra
« pas (1). a
Le Bouddha se sentit alors « pris d'une grande pitié
« pour cet assemblage d'êtres plongés dans l'incertitude M
et ce fut une pensée de miséricorde qui le décida (2). Il
allait ouvrir aux êtres, depuis longtemps égarés dans
leurs pensées mauvaises, la porte de l'immortalité (3), en
leur révélant tes Quatre vérités sublimes qu'il venait en-
fin de comprendre, et l'Enchaînement mutuel des causes.
Une fois fixé sur les bases de sa doctrine, et résolu de
tout braver pour en propager les bienfaits, Siddhartha se

(t) Rgya "M' vo! po, p. 364, 368, 372.


(2) Idem, ibid. p. 373.
(3) Idem, <6M. p. 371. Voir aussi un passage très-curieux du
JP~tM atamMfo cinghalais ZottM de la bonne loi do
M. E. Burnouf, p. 376. Pour les Quatre vérités sublimes dont il
sera question plus bas dans l'examen de la métaphysique du
Bouddhisme, voir la mémoire spécial de M. E. Burnout, ~o<<M
de ta bonne loi, p. 6} 7, Appendice n" 6; pour l'Enchaînement
mutuel des causes, ibid. p. 630, Appendice n° 6.
65

demanda quels seraient teux à qui d'abord il la communi-

querait. Sa première pensée fut pour ses anciens maîtres


de Râdjagriha et de VaiçaM. Tous deux l'avaient naguère
accueilli; il les avait trouvés tous les deux purs, bons,
sans passion, sans envie, pleins de science et de sincérité.
Il leur devait de partager avec eux la lumière nouvelle

qui l'éclairait lui-même, et qu'ils avaient jadis vainement


cherchée ensemble. Avant d'aller
prêcher sa doctrine à

Varanac!, la ville sainte, il voulait instruire Roudraka


le fils de Râma, et Arâta Kâtâma dont il avait conservé un
souvenir reconnaissant; mais dans l'intervalle tous deux
étaient morts (i). En l'apprenant, le Bouddha fut saisi
d'un profond regret; it tes eût sauvés l'un et l'autre, et
ceux-là certainement point tourné
n'eussent en dérision

l'enseignement de la Loi. Sa pensée se reporta donc sur les

cinq disciples <. <. avaient longtemps partagé sa solitude


et qui l'avaient entouré de soinspendant qu'il pratiquait
ses austérités. Il est vrai qu'ils l'avaient quitté par un ex-
cès de zèle; mais « ces cinq personnages de bonne caste
n'en étaient pas moins très-bons, faciles à discipliner,
« à instruire, à purifier complètement; ils étaient faits
n aux pratiques austères évidemment ils étaient tournés
n vers la route de la délivrance, et déjà ils étaient aiîran-
M chis des obstacles qui la fermenta t~t d'autres (2). »
Eux non plus ne feraient point d'injure au Bouddha. Il
rt.. otut de les aller trouver.

(<) M. Ed. Foucaux, Rgya tcher roi pa, ch. xxvt, p. 376,
377. Compare!; aussi le ZotM de la bonne toi trad. de
M. E. Burnouf, p. 19, 25, 62 et 69. Le Bouddha entrevoit do

grandes difficultés à faire accepter la toi.


(2) Rgya <eh'er roi pa, de M. Ed. Foucaux, t. Il, ch. xxvt,
p.378.
6
.66–

Il quitta donc Bodhlmanda,en se dirigeant au nord


franchit le
mont Gaya qui en était peu éloigné (i), et où
il prit un repas (2), et s'arrêta successivement à Rohita-
vastou, Ourouvilvakalpa, Anâta et SâratM (3) où des
maîtres de maisons lui offrirent l'hospitalité. H parvint
ainsi à la grande rivière Gangâ, le Gange.
Elle coûtait à
pleins bords dans cette saison, et elle était extrêmement

rapide. Le Bouddha dut s'adresser à un batelier pour la


passer mais comme il n'avait pas de quoi acquitter le
péage, ce ne fut pas sans peine qu'il put traverser à l'au-
tre rive. Dès que le roi Blmblsàra apprit la diiïtcuité qui
l'avait arrêté quelques instants il abolit le péage pour
tous les religieux.
A peine arrivé dans la
grande villo de Bénarès, le
Bouddha se rendit auprès de ses cinq disciples qui se trou-
vaient alors dans un bois appelé le bois do l'Antilope

(mriga dava), lieu a~eié aussi Rishipatana (4). Ceux-ci


aperçurent de loin Siddhartha, et tous leurs griefs contre
lui se révoinèrent ils n'avaient
pas oublié ce qu'ils appe-
laient sa faiblesse, quand il avait cru devoir cesser d'inu-
tiles austérités et pendant qu'il s'approchait d'eux, Ils se
dirent « ït ne faut rien avoir de commun avec lui; il no

()) J~s teA'er n~ pa, de M. E. Foucaux, t.11, ch. xxvt, p. 378.


(2) Idem <&M. p. 380. Gaya est aussi le nom d'une ville qui
60 trouvait dans le voisinage, voir M. E. Burnouf,/M<rod.<t Il
<<M<of)'e dn Bouddh. ind., p. 387, en note.
(3) On no sait rien de plus sur ces différenies villes.
(4) ~t 'ey~f rot pa, de M. Ed. Foucaux, t. 11, ch. xxtv,
p. 38i, et M. Stanislas Julien, Histoire do la vie dWoMMt
MM~, p. 132. Le ~aM~acMftfa, ch. nt, p. 21, donne uno

nïpucanon do ces deux noms do Mrigadava et do RiahipfUana


mais pour io dernier l'explication est absutdomeot fabuleuso.
-M-
K faut ni aller au-devant de lui avec respect ni se lever
a il ne faut lui prendre ni son vêtement de religieux ni
a son vase aux aumônes il ne faut lui donner ni breu-
M vage préparé, ni tapis, ni place pour ses pieds; s'il
« nous demande à s'asseoir, nous lui offrirons ce qui dé-
n passe de ces tapis, ou nous garderons nos sièges (t). »
Mais cette froideur et cette malveillance ne purent pas
tenir longtemps. A mesure que le ma)tre s'approchait, ils
se sentaient mal à l'aise sur leurs sièges, et ils voulaient
se lever par un instinct secret qui les dominait maigre eux.
Bientôt, no pouvant plus supporter la majesté et la gloire
du Bouddha ils se levèrent spontanément sans tenir

compte de leurs conventions. Les uns lui témoignent


leur respect les autres vont au-devant de lui ils lui

prennent sa tunique, son vêtement de religieux, son


vase aux aumônes; ils étendent un tapis et lui préparent
de t'oau pour ses pieds, et lui disent
Ayoushmat (soi-
« gneur) Gaoutama (2) vous êtes le bienvenu, daignez
« vous asseoir sur ce tapis, Puis après l'avoir entretenu
de sujets propres à le réjouir, ils se placèrent tous d'un
seul côte auprès de lui, et Ils lui dirent Les sens
Il d'Ayoushmat Gaoutama sont parfaitement purinés sa
« peau est parfaitement pure le tour de son visage est
a parfaitement pur. Ayoushmat Gacutama, y a-t-il en
« vous, bien au-dessus de la loi humaine, le discerne-
« ment de la science vénérabtc ? »
Le Bouddha leur répondit Ne me donnez pas ta titre

(i) Rgya tcA'er t~ pa, de M. Ed. Foucaux, t. H, ch. xxv<,


p. 381. Fa Hian dans le foe /foMe ~f< de bl. Abel RemuMt,
eh. xxxtv, raconte les mêmes faits en tes abrégeant.
(2) Idem, ibid. p. 382. Gaoutama est le patronymique do
Gotanm, c'est a dire duscondant da Gotama Gotamido.
5.
-68–

« d'Ayoushmat. Longtemps Je vous suis resté inutile; je


a ne vous ai procuré ni secours ni bien-être. Oui, je suis
n arrivé à voir clairement t'immortaiité et la voie qui
« conduit à l'immortalité. Je suis Bouddha; je connais
« tout, je vois tout. j'ai effacé les fautes, je suis maitre
« en toutes lois; venez que je vous enseigne la Loi; écou-
« tez, prêtez attentivement l'oreille; je vous instruirai en
« vous consentant et votre esprit étant délivré par la
« destruction des fautes et par la connaissance manifeste
n de vous-mêmes, vous achèverez vos naissances, vous
« arriverez à être brahmatcharis, vous aurez fait ce qu'il
« faut faire, et vous ne connattrez plus d'autre existence
n après celle-ci; voilà ce que vous apprendrez. Puis il
leur rappela avec douceur le langage peu bienveillant que
quelques instants auparavant its tenaient sur lui (i).
Les cinq disciples, honteux de leur faute, la confessè-
rent en se jetant à ses pieds et reconnaissant dans le
Bouddha l'instituteur du monde, ils se donnèrent à lui
avec foi et respect. Durant ce premier entretien, et jus-

qu'à la dernière veille de la nuit, le Bouddha leur expli-

qua sa doctrine; ce furent les premières conversions un

peu importantes qu'il opéra.


VarAnaçi, que nous avons appelée Bénarès, est plus
sainte encore aux yeux des Bouddhistes que pour les Brah-
manes. C'est à Bénarès que le Bouddha prêcha pour la
première fois, ou comme s'exprime le mysticisme boud-

dhique, qu'il fit tourner pour la première fois la roue de


la Loi, langage symbolique et sacramentel qu'ont adopté
toutes les sectes du Bouddhisme. au Nord, au Sud, aà
t'Est, depuis le Tibet et le Népat jusqu'à Ceytan et à la

(!) Rgya fet'ef fot pa p. 383.


69

Chine (i). Bénarès, si l'on «nhif


en juge par la description qu'en
fait Hlouen Thsang au vu" siècle de notre ère (2). ne de-
vait point avoir, au temps du Bouddha, l'importance
qu'elle acquit plus tard. Ce devait être cependant dès
cette époque une ville assez considérable et l'un des prin-

cipaux foyers du Brahmanisme. C'était pour cela sans


doute que le Bouddha s'y était rendu. Si à Vaiçâli, à
Mdjagriha, les brahmanes avaient des écoles de trois
cents et de sept cents disciples, ii est probable qu'à Béna-
rès leurs auditeurs étaient encore plus nombreux. Le
Bouddha ne pouvait trouver un théâtre plus vaste ni plus
redoutable pour
produire sa doctrine.
Malheureusement, nous avons peu de détails sur son
séjour à Bénarès (3). Le ~«MaoM~t'a, qui nous a surtout
guidé jusqu'à présent, cesse précisément avec la prédica-
tion du Bouddha à ses cinq disciples et ne va point au-
delà. Les autres Soûtras, qui ne sont point, comme le
taMt~MtoM. une biographie régulière deÇukyamouni,

(i) C <o rappelle les curieux détails qu'a donnés M. Biot sur
les roues b prières des Tibétains, qui ont pris au propre cette
fit pression Bgurëo des premiers Soûtras, et qui, pour prier ta
Bouddha, font tourner par tours lamas de grandes roues sur les-
quelles sont inscrites des formules sacrées. Voir le Journal dos
.yau<M<<, cahier de juin iM6.
(2)Hiouen Thsang donne à Bénarès deux lieues de long sur
une de large; il y vit entre autres monuments un stoupa haut de
cent pieds, et une colonne de pierre haute de soiMnte.dix,
qu'avait etovës Açoka sur l'endroit même où le Bouddha avait
fait, pour la première fois, tourner la roue do la Loi. Voir
M. Stanislas Julien, Histoire de la vio d'JKotMt Thsang,
p. 132 et 133.
(3) Voir le .Foe ~o)M /ï< do M. A. Rémusat, note de M. Klap-
roth sur le ch. xxu, p. 826.
-70-
nous apprennent peu de choses sur los luttes qu'il eut
vraisemblablement à soutenir contre les Brahmanes de
Varanac!. Au point où nous en sommes arrivés de sa vie,
et après avoir assisté à la lente élaboration de ses idées, it
eût été curieux de savoir quels furent ses premiers succès
et ses premiers revers. Mais il faut nous passer de ces
renseignements, tout intéressants qu'ils seraient, en at-
tendant que, peut-être, la publication de quelques nou-
veaux Soûtras nous les procurent. Dans aucun de ceux qui
ont été traduits jusqu'à ce jour, nous ne trouvons, pour
la suite de la carrière du Bouddha, un récit aussi com-

plet que celui du t«KhM!«aMt. La plupart des Soufras ne

comprennent qu'un des actes de sa vie, une de ses prédi-


cations il n'en est pas un seul, si l'on en excepte celui-là,

qui se soit attaché à une exposition de son histoire. !)


nous est possible cependant, à l'aidedes matériaux divers
qu'ils nous offrent de reconstruire cette histoire et de
J'achever. La vraisemblance n'y fera pas défaut plus qu'au
reste seulement l'ordre des faits y sera moins certain.
Les événements principaux do l'existence du Bouddha y
seront racontés un pou confusément, et il nous sera diffi-
cile do dire, avec toute l'exactitude désirable, comment
ces événements se sont succédé.
Il pnrait probable que le séjour de Çakyamount à Vara-

naçl ne fut pas très-prolongé, bien qu'il y ait fait eu-


core quelques autres conversions. La plus grande partie
des Soûtfas connus jusqu'aujourd'hui nous le montrent
soit dans le Magadha à Radjagriha, soit dans le Kocota n

Çravastt. C'est dans ces deux royaumes qu'il passa presque


tout le reste de sa vie, qui devait durer encore environ

quarante ans. Les rois do ces deux contrées te protègent,


et Ils embrassent l'un et l'autre te Bouddhisme. Bimbtsara
est le roi du Magadha, et nous avons déjà vu quelle bien.
voillance il avait témoignée à Siddhârtha (1). quandio
jeune prince commençait à peine son apostolat religieux.
Cette bienveillance ne se démentit point pendant toute la
durée d'untrès-long règne. Aussi le Bouddha
se plaisait-
il beaucoup à séjourner à Râdjagriha, qui était à peu près
au centre du royaume
(2), et à visiter de là les contrées
voisines. Tous ces lieux devaient lui être chers comme ils
devinrent sacrés plus tard pour ses sectateurs. Bodhi-
manda, Ourouvilva, ainsi
que je l'ai dit. étaient à peu de
distance (3). A deux ou trois lieues de la ville, s'élevait la
montagne appelée le pie ou la tour du Vautour
(Gridhra-
koùta parvata), dont l'un des sommets, vu de loin rap-
pelle en effet la forme de cet oiseau, si l'on en croit le
témoignage d'Hiouon Thsang. Le Bouddha aimait à fré-
quenter cettemontagne où se trouvaient de magnifiques
ombrages, de fraîches fontaines et des aspects pittoresques
et grandioses. C'est là qu'entoure do ses religieux il prê-
cha le ZottMJe ta bonne M. ie Mahaprajnâ soû-
paramita
tra, sans compter un grand nombre d'autres So&tras (.1).

«) Voir plus haut, p. 62.


(2) W«o)'M (!e la vie d'~<ot<Mt Thsang, de M Stanislas Ju-
tion, p. 163.
(3) Voir plus haut, p. 6S et 57.
(<)) Histoire de la vie d'o)Mn
ï'&<an~ de M. StanMait
Ju))e)), p. i6<): Foe/foMe ?, p. 253, 269, 270 Zot~ de <«
bonne loi, de M. E. Burnouf p. 1 et 287, et aussi i'httfod. <t
<'A<«. du ~ouddA. <nd., p. i00 et 529. Le mot do Gridhra-
)<oûta s'est Bn partie conservô dans la dénomination actuelle do
Guiddhaur ou Guiddoro. Les Anglais ont ôievé une citadelle sur
le point culminant do cette
montagne. Il par~t d'ailleurs quo co
lieu, naturellement fort, avait, dès los plus anciens temps,
servi d'asyio a des proscrits.
D'après la citation do M. E. Burnouf,
)')~MtMfot«rp')n«p())Mn. ch. XLtx, et. 173G, t. !ii,
.72--

Aux portes mêmes do la ville, au nord, se trouvait un

superbe vihara. où le Bouddha résidait souvent. Ce Mou

s'appelait Kaluntaka ou Katanta vénouvana, c'est-à-dire


le Jardin des bambous do Kalanta. D'après Hiouen

Thsang (1), Katanta était un marchand fort riche qui


avait d'abord donné son jardin à des brahmanes quand il
eut entendu la Loi sublime, JI regretta de le leur avoir

donné, et il le leur retira. Yt y fit construi une superbe


maison qu'il offrit au Bouddha. C'est là que le Bouddha
convertit plusieurs de ses plus fameux disciples, Cûripout-
tra, Maoudgalyâyana et Katyâyana (2); c'est là aussi que
devait se réunir le premier concile do ses religieux après
sa mort. A une distance plus éloignée de Radjagriha, il y
avait aussi un lieu nommé Nsianda où le Bouddha parait
avoir fait d'assez longs et d'assez doux séjours, si l'on en

juge par la richesse et le nombre des monumentsqu'yy


éleva plus tard la piété des rois Bouddhistes. Dans l'ori-

gine, ce lieu était un jardin de manguiers (amras) appar-


tenant a un riche maître de maison et situé près d'un
étang. Cinq cents marchands t'avaient acheté pour en faire
don au Bouddha, qui, pendant trois mois, leur avait ex-

pliqué la Loi en cet endroit. Aussi les rois qui succéderont


à Bimbisara, s'étaient-its attachés à orner ce lieu des plus

splendides construotions c'étaient des cou vents appelés du

p. A28. éd. de Calcutta)parle do Kehattriyas vaincus qui ao sont


retirés & Gfidhfahoûta, pour fuir la vengeance d'un prince.
(1) ~MtOtM do la vie tt'J~OtMM yAsNH~ « de <!M MO~M
par AI. StanMas Julien, p. <65 ot 166; /%<! /fotM TH. de
M. A. Rën)usat, ch. xxx, p. 272.
(2) Csoma do KorOs ~fe de ~d&t;omo«n<, d'aprbs tes au-
tours tibéloins, ~f<f. ~MMfeA., t. XX, t!° partto, p. 2'M
foe ~oue /«. <to M. A. Kontusat, cil. itxx, p. 272, et la note

doM.KtopM'h.p. 27~).
nom particulier de Sangharamas ~tcux d'assemblée) ils
étaient au nombre do six, tous plus grands les uns que les
autres, et un roi tes avait fait entourer d'une nouvelle
muraille de briques pour les réunir en un seul. Quand
Hiouen Thsang tes vit, il les admira comme les plus vastes
et les plus beaux édifices do ce genre qu'il eût rencontrés
dans l'Inde entière. On y comptait encore, si on l'en croit.
dix mille religieux ou étudiants, qui étaient entretenus par
les libéralités du roi sur te revenu do plusieurs villes char-

gées tour à tour do tes nourrir. Chaque jour il y avait cent


chaires ouvertes dans l'intérieur do cet immense couvent,
où les étôvcs no montraient pas moins do zéto que les

maîtres (~. Par une tolérance non moins surprenante, tes

sectateurs des dix-huit écoles différentes du Grand Véhi-

cule s'y trouvaient réunis en bonne Intelligence; et l'on y

enseignait les Védas en mémo temps que les Soutras boud-

dhiques sans oublier la médecine et les sciences occultes.


chinois ait exagéré les cho-
Je veux bienque le voyageur
ses; mais it n'en demeure pas moins avéré que cot antique
était resté pendant de longs siècles
séjour du Bouddha
l'objet d'une vénération profonde. Cet établissement pieux
de date quand Mioucn
n'avait pas moins de sept cents ans
Thsang te visita, et y reçut plusieurs mois une hospitalité

généreuse et cordiale.
Bimbisara. était monté fort jeune sur le trono, no
qui
sa conversion
régna pas moins de trente ans encore après
au Bouddhisme (2) mais son Nts et son successeur Adjata.

(1) Histoire de ta~<o<i'Jf<o)<M y/tsanjy, par M. Stanislas


Junen.p.lM.iMetsuiv.
(3) AfaMoamM, do M. Georges Turnour, p. 10. On so Mp-
pelle que BitnMs~a avait oté mis par son pbro b la tOto du
myaumo, étant peino ng6 do quinze ans; ii on régna cinquanto-
doux, et n :o convertit dans la sotiitemo annéo do son rosno.
-71–

eatrou, qui avait romplacé son père on l'assassinant, no se


montra pas d'abord très-favorable il la nouvelle doctrine
il dressa plus d'un plége au Bouddha, d'accord avec Déva-

datta, le perfide cousin do SiddMrtha (1); mais U se laissa


toucher enfin aux vertus et aux conseils du Bouddha, et
se convertit en faisant l'aveu du crime qui lui avait acquis
le pouvoir suprême. Tout un soutta singhatais, le Samanna

phala soutta, est consacré au récit de cotte conversion qui


semble avoir et6 l'une des plus diinciies et dos plus im-

portantes du réformateur
(2). Adjataçatrou figure parmi
les huit personnages qui se partagèrent les reliques du
Bouddha et qui avaient droit a los réclamer, à ce que
raconte le Dout va tibétain (tome Xt. p. 65S).
Quelle que fût l'affection
que te Bouddha put avoir
pour te Magadha. pays témoin de son rude noviciat et de
ses éclatants triomphes. il parait qu'il y résida moins fré-

quemment encore que dans le Kooata. Cette dernière con-


trée, dont Bénarès fait partie. était un peu plus au nord
et à l'ouest que le Magadha elle avait pour capitale Çra-
vastl, où résidait le roi Prasenadjit.otdont l'omplacement
devait être assez près des tieu;< où est aujourd'hui Fiza-
bad, l'une des villes les plus riches du royaume d'Aoudh
(3). Le Bouddha n'était venu a Çravastt qu'avec t'assonti-

(i) foeAo)t<)/H(teM.AbeiRemasa).ch.M,p.i7Aeti86:
Ilistoiro do la oio d'~ouen M<an~ de M. Stanislas Julien, p.
i 68 pour DevattaHa at sa haine contre Siddhltrtha, voir on pox
plus haut, p. 36.
(2) On pem iiro le Stmanna phaia eoutta dans ta ~anM la
bonne loi de M. E. Burnouf, p. ~M9 !) ~88.
(3~ Fn<t'oft«c. <'A<«. du FotKMA. fnd. do M. E. Burnouf,
p. 22 et M. Wttson, 7oH)~)ft! o/'f/t~ ''«! a<<at. <ocff< 1. V,
p. ~3.
-7S-

mont du roi Bimbisara (1), et sur l'invitation formelle de

Prasénadjtt.
C'était tout près de ÇrâwasH qu'était situé Djétavana.
le fameux jardin d'Anâtha Pindika ou Andtha Pindada;
!e Bouddha y nt presque toutes tes prédications dont les
Soûtras ont consacré le souvenir ce que rap-
(2j. D'après
porte Hiouen Thsang Anatha Pindika, qui devait son
nom glorieux à M bienfaisance sans bornes pour les pau-
vres et les orphelins avait fait présent de ce magnifique

jardin au Bouddha. Ministre de Prasénadjit, ii l'avait


acheté tui-m~me, au poids de t'or, du fils a!né de ce roi,

appelé Djeta, d'où le nom Djétavana, le bois de DJeta (3).


Anatha Pindika avait fait construire au milieu et sous
les ombrages les plus frais, un vihara dont )o Bouddha fit

pendant vingt-trois ans sa principale résidence. Prasénadjlt


)ui-m6mo, quand it se fut converti. éleva pour lui une
saiio do conférences aituéo t'est de la ville, et dont Blouen

Thsang vit encore tes ruines surmontées par un stoûpa (4).

à t'A~t.
(1) Avadana Çataka, cité par M. E. Burnouf, ~n<fod.
dH Bot~ctit. ind., p. ail, et PfMMrye soû'ra, M., ibid., p.
M7.
(2) M. E. Burnoof a remarqué que huit sofUMs b pou près sur
dix commençant par la formule suivante < Voici ce qui a été
entendu par moi Un jour le bienheureux se trouvait h Çravaa'),
& Ojotavana, dans le jardtn d'Ana)ha Pindiha. H /H~o<<. d t'A~.
'<MBouddh. indien, p. 22.
Il nom qui convenait très-
(3) Djéta veut dire w le vainqueur,
bion h un prince royal db :a caste des KehaUriyas.
M Voir i'A<<to~e dota m'e~e Iliouen y~atty do M. Stanis-
tas Julien, p. i2&. Avant Htouon Theong, Fa M' avait aussi
visité ce monastère, Foe ~oua ~< de M. Abol R~musot, p. t79.
Voir aussi )o ~'<3t<M'« :o)!<a<<« N<M~a auafMna cité par M
K. Bur')ouf,/n()'od. t'Axf. <{f BMddn. indien., f. i76.
-76–

Non loin de là s'élevait une tour, restes de l'antique vihâra


de Pradjâpat!, la tante du Bouddha. Ce détail et quelques
autres donneraient à croire que la famille de Siddhârtha.
ou du moins une partie de sa famille était venue le
retrouver dans ces beaux lieux oùit était si bien accueil-
li, et où il se plaisait à rester. Mahâ Pradjapatt était la
première femme à laquelle il eût permis d'embrasser la vie
religieuse (1), sur les pressantes instances de son cousin
Ananda, converti avant elle. A six ou sept lieues de la ville
au sud, on montrait encore au temps d'Hiouen Thsang le
Heu où le Bouddha revit son père pourla première fois
après douze ans d'absence (2). Çouddhodana, désolé de
l'éloignement de son fils, avait fait de continuels efforts
pour le rapprocher de lui. Il lui avait envoyé successive-
ment Jusqu'à huit messagers; mais tous séduits par l'élo-
quence et l'ascendant du prince étaient restés avec lui et
s'étaient faits religieux. Enfin il lui avait adressé l'un do
ses ministres, nommé
Tcharka, qui s'était converti comme
les autres, mais qui était revenu vers le roi pour lui an-
noncer la visite que son fils comptait bientôt lui faire (3).
Il parait que le père avait prévenu ce voyage on allant
personnellement auprès du Bouddha. Bouddha Mais le
n'en rendit pas moins au roi de Kapitavastou la visite qu'it
en avait reçue. A en croire les auteurs tibétains!, les Ça-

j!) M. E. Surcoût, /n<M<<. d t'A~t. <ht J9o)<(M/t. <t)< p. 378;


M. Abel Rémueat, ~oe/fo«a Ki, p. 3; Csoma de KCr8s, ~<ot.
NeMafcAM.t.XX, p. 90.
(2) M. Stanislas Julien Ntst. do ta o~d'~tOM~ Th8ang, p.
i26. Fa Hian avait déjà vu 220 ans auparavant le Stoûpa éiavô
on ce lieu, yoe ~oxo /ift do M. A. Rémusat, ch. xt)t, p. 108.
(3; Csoma deKOrOs, Pie ~amoHKt, ~<<a<. ~MMt'.
ehM, t.XX,2'parUo,p. MB.
77

kyas adoptèrent le Bouddhisme à l'imitation de leur roi.


ce qui n'a rien d'improbable et i!s prirent pour la plu-
part le caractère religieux, que revêtirent aussi los trois
femmes du Bouddha,Gopa.YacodbaraetOutpatavarna (1),
suivies par bien d'autres.
Malgré la protection des rois et l'enthousiasme popu-
laire, il semble
que le Bouddha eut à soutenir les luttes les
plus vives et les plus persévérantes contre les Brahmanes.
Ces rivalités furent même parfois dangereuses. Il est vrai
que le Bouddha ne ménageait pas les critiques à ses ad-
versaires. Non content de les convaincre d'erreur ou
d'ignorance sur te fond même do leur système. il les trai-
tait d'hypocrites, de charlatans, de jongleurs, reproches
d'autant plus blessants qu'ils étaient mérités (2). Son in-
fluence ne s'étendait qu'aux dépens de la leur. et it n'est
pas de moyens qu'ils ne prissent pour arrêter des progrès
aussi menaçants; leur vanité n'y était pas moins intéressée

(1) Csoma deKoK's, Pie de C<i~amouH<)'a<. ~Meare..e<,


t. XX, 2' partie, p. 296. Dans los croyances Bouddhiques, to
plus grand service qu'un fils pouvait rendre !<ses parents, c'était
do les convertir; voir la légenda de Pourna, /n<)'o< <) )'M«. du
Bouddh. ind. de M. E. Burnouf, p. 270 et 278. Aussi la légende
Mconto.t.eile que )e Bouddha remonta dans le ciel des frayas.
tritncatspour enseigner la Loi a sa mère, qu'il n'avait pas
connue, mais pour qui il ne ressentait pas moins une affection
reconnaissante, Foe /fotte/KdoM. A. BemuMt.chap.xvu,
p. i2~, et chap. x~, p. t7i, et ia note de M. Klaproth. Un des
devoirs les plus étroits de tous los Bouddhas, c'est de convertir
leur mère.
(2) Rgya <eh'er fo! po, do M. Ed. Foucaux, cb. !VM, p. 236,
230etsuiv.; M. E. Burnouf, /H«-e< à t'/tM. ~H~o)«M~. M-,
p. M8 et suiv.; /.of<M <te la CoMtto loi, p. ~M, dans le Tôvidjdja
Soutta du Mgha Nihaya singhatais.
-T~

leur Une légende, intitulée te Pr~tM~a


que pouvoir.
.SMMfa, est consacrée presque entière au récit d'une grande
déMte que subirent tes Brahmanes vaincus par le Bouddha
dont
en présence de Prasénadjit (1 ) c'est comme un tournoi
le roi et le peuple sont les juges. Dane une autre tégende,
on voit les Brahmanes faire pro-
plus curieuse encore,
mettre au peuple de la petite ville de Bhadramkara (2).
à leur gré, de ne point recevoir le Boud-
qu'<!< dominent
On convient d'une amende contre
dha, qui s'approche.
oserait se rendre auprès de lui et le peuple
quiconque
consent à tout ce que veulent tes Brahmanes. Mais quand

est entré dans la ville, une Brahmine de Kapila-


Bhagavat
mariée dans le pays, enfreint la défense. Elle sort
vastou,
la nuit. escalade tes murs avec une échelle, et va
pendant
se jeter aux pieds du Bouddhf pour entendre la Loi. Elle

sait se faire suivre bientôt d'un des plus riches habitants


de la ville, appelé Mendhaka, qui harangue le peuple et

l'entraîne en un instant auprès du libérateur que les Brah-


manes voulaient humilier et proscrire (3). Les choses al-
laient encore
quelquefois plus loin, et autant qu'on peut
en juger par tes traditions qu'ont rapportées Fa Hian et
Hiouen Thsang (4). le Bouddha dut être assez souvent

menacé dans sa personne et jusque dans sa vie. H n'y a

/t)<M(!. !'M«. <!« Bot«M~. M)<t., p. 162


(i) M. E. Burnout,
et suiv.
(2; Bhadramkara était à 66 ycajanas ou 86 lieues au sud de

Badjagdha, Zo<MO de la bonne tôt de M. E. Burnout, p. 689.


dans le Divya avaddua, cité par
(3) Men~ato avaddna,
M. E. Burnouf, jhttrot:. d !'Mt<. <h< Bouddh. M~ p. 190 at
suivaNtes.
(ù)foe~oMeJ:tdoM.d6Remusat,ch.xx,p. 173,183 et267;
N<«o<re de la vie ~'Jif<o«ett y~o~, de M. Stanislas Julien,

p. 126,163,26& et 200.
79

rien en ceci ~ui puisse nous étonnf et s'il est quelque


chose qui doive nous surprendre, c'est que le Bouddha
n'aitpoint succombé aux embûches dont il fut certaine-
ment entouré.
S'ti reste des obscurités dans
quelques parties de son
existence, il n'y a pas le moindre doute sur le lieu de sa
mort. Toutes les légendes, Sdns exception, s'accordent à
le placer à Koucinagart ouTïoucinâra, en Pâ!i (i), dans !e

royaume de Koucinagara, qui faisait sans doute partie du

Koçala au temps de Prasénadjit. Le Bouddha, âgé de qua-


tre-vingts ans, revenait de Radjagriha dans le Magadha (2);
il était accompagné d'Ananda son cousin et d'une foule
innombrable de religieux et do disciples (3). Arrivé sur
io bord méridional du Gange et sur io point de io passer,
it se tint debout sur une grande pierre carrée, regarda son
compagnon avec émotion et lui dit C'est pour la der-
« nière fois que je contemple de loin la ville de Md)a-

(i) Voir la légende d'Acoka, dans i'/H~od. à fht<<. du


/?OM(!dh. dnd. de M. E. Bm'nou!, p. 389; voir aussi, dans !o
même ouvrage, la note de la page 86 et le AohM de la bonne
loi, p. <)M; Foe Kouo ~'< de M. A. Rémusat, ch. xx)v, p. 236 et
236; ~totfo de la vie dTKotMt yAtan~, par M. Stanislas
Julien,p. i30.
(2) Ceci est une induction que 1e tire de l'itinéraire d'Hiouen
Thsang. Autant qu'on peut le suivre au milieu de détails assez
confos, il semble que le Bouddha quitte le Magadha au sud du
Gange, qu'il passe le fleuve en se dirigeant au nord, et qu'il
atteint le royaume de Kouçinagara en allant versKapilavastou,
qu'il désirait peMt.Ore aussi revoir avant de mourir.
(3) Foe ~otM de M. A. Rémusat, ch. xxtv, p. 236, avec
la note de M. Klaproth, p. 337, et ch. xxvu), p. 336 et i'~<-
toire d'B'<oweM 77t<aM~, par M. Stanislas Julien, p. <3i
et 283.
-80–

« griha et le Trône de Diamant (Vadjrâsanam) (1).? » Après


le Gange, it visita la ville de VaioaU, à la-
avoir traversé
dans les mêmes termes à peu près, d'aussi
quelle il fit,
et il ordonna tui-meme plusieurs reli-
touchants adieux,
dont le dernier fut le mendiant Soubhadra 12). II
gieux,
tout au plus au nord-ouest de la ville
était à une demi-lieue
de Koucinagar!, dans le pays des Maiias et près de la ri-
sentit atteint de défail-
vière Atchiravati (3), quand il se
lance. Il s'arrêta dans une forêt de catas, sous un a '<re de
cette espèce et y mourut; ou bien
(shorearobusta),
il entra dans
comme le disent les légendes bouddhiques,
le Nirv&na. Hiouen Thsang vit encore quatre calas d'égale
sous lesquels, disait-on le Bouddha s'était assis
hauteur
mourut la
pour rendre le dernier soupir (4). Le Bouddha

(1) Histoire de la vie d'NtOMM Thsang, par M. Stanislas


JuUen, p. 139.
et M. E. Burnout, Jntrod. A M'"
(2) /detM, <Md., p. 136,
87, ~tra de J)f<!H~d«-f, dH Divya
du Bouddt. ind., p 78 et
«t'addna, et aussi p. 23&; Lotus do la Sonne loi, p. 336.
~o«M do la bonne
(3) D'après une note de M. E. Bornouf,
loi. p. Mi, i'~e~traoaH ou Nf''ao~ca« serait la Nap« des
dont te nom ne serait qu'une abréviation mutuéedn
modernes,
mot ancien. Voir aussi i'jrntfod. d rM«. <!« Bouddh. <n<

p. 86. Le major Canningham, qui est allé sur les lieux, plaçait
la forêt de ÇMas, dont parle Hiouen-Thsang, entre la Rapt! et

la petite GandaM; il croit aussi que les ruines de Koucinagad


actuellement dans le voisinage, au lieu appelé
se retrouvent
Koasta (7ot<ft. of <ht '-oy. a<<at. <'oc<e< tome XVU, 1" partie.
M. E. Burnouf se promettait de
p. 30). Dans uno de ses notes,
Kou-
revenir sur ce dernier voyage que fit Ç&kya de RMjagriha
cin&ra; la mort l'en a empaeM.
Ju-
(ù) ~<o<re de la vio d'N'ctteM Thsang do M. Stanislas
no parlent ordi-
lien, p. 130 et 36~. Les légendes bouddhiques
-8i-
huitième année du règne d'Adjataoatrou, si l'on s'en
rap-
porte à la chronologie singbalaise de M. Tur-
(NoM~tMa
nour, p. 10).
Le Dout va tibétain raconte
en grands détails les funé-
railles qui lui furent faites. Elles eurent toute la solennité
de celles qu'on réservait alors aux monarques souverains
appelés Tchakravartins (1). Le plus iiiustre de ses disci-
ples, Kacyapa, l'auteur de i'Abhidharma, qui était alors
à RMjagriha, et qui allait jouer un si grand rote dans le
premier concile
(2). se rendit en toute hâte & Koucinagart.
Le corps du Bouddha ne fut brute que le huitième jour.
Après des contestations qui faillirent devenir sanglantes
et qu'on ne put apaiser qu'au nom do la concorde et de
la douceur toujours prechées par le réformateur, ses ro-
liques furent divisées en huit parties, parmi lesquelles
on n'oublia pas cotte des Çahyas de Kapilavastou.

Tetie est, dans ses traits principaux, la vie de Çakya-


mouni (3). Tous les faits qu'ello renferme sont tellement
naturels, tout grands qu'ils sont, que je n'hésite pas & les

nairement que de deux calas au Heu de quatre. Voir te ~mttra


de .itMn<M<KW, /<tff0t! d t'AMf. du
FoM<MA.t'txT., p. 87, et le
yoc~MM ~t de M. A.Remueat, ch. <:[)v, p. 236, avec la note do
M. Ktaproth, p. 2!)7.
()) Csoma de KorOi', tmd. du Z~OM!va, t. XI,
p. 635, ~'af.
~eMar., tomo XX, 2° partie, p. 309 et suiv.
(2) Histoire (tWoMett y~MH~ de M. Stanislas Julien,
page
186, et 7tt(fo< d MM. <tM ~ot«!d~. <)td. de M. E. Burnouf,
p. ~6 et 446; Foe Roue ~< do M. A. Romusat, ch. M)t, p. 240.
(3) Htouen Thsang en donne un rpsumo succinct; voir t'/f<<-
foire de sa vie el de <M oo~M, par M. Stanislas Julien, pago
282; et aussi i'Acoha avadane, donsl'Introd. <t t'A~t. <<H~o)«!d/t.
ind., do M. E. Burnout, p. 382 et suiv.
c
-82-
croire vrais, tant de témoignages et conoordants
d'après
Je l'ai racontée telle qu'elle ressort
qui nous les attestent,
des documents de toute sorte qui sont déjà connus, et que
des documents nouveaux pourront seulement compléter.
sans devoir y rien changer d'essentiel. Lafigure du Bouddha
nous dans les conditions les plus simples et les
apparaît
Si elles nous révèlent la grandeur de son
plus croyables.
génie, elles nous expliquent non moins clairement l'im-

mense empire qu'il a exercé sur les esprits. Mais Je dois to


dire en historien sincère j'ai transformé les légendes

en leur empruntant le récit vraisemblable


bouddhiques
m'ont fourni. Je t'en ai extrait fidèlement et je n'y
qu'elles
ai rien changé. Mais ces faits sont trop simples pour avoir
suit! à l'imagination superstitieuse des peuples indiens.

les ont noyés dans une foule do détails extra-


Les légendes
du
vagants et fabuleux, que je dois faire connattre aussi,
ann qu'on sache avec
moins dans leur caractère général,
ce que valent les livres canoniques du Boud-
précision
avoir fait une si grande fortune dans le
dhisme, pour
Le lecteur sourira quelquefois en par-
monde asiatique.
courant ces légendes, qui, le plus souvent, courront grand

de lui causer un insupportable ennui. Mais ces fo-


risque
ties aussi font partie de l'histoire de l'esprit humain, qu'il
étudier sans dédain, marne alors qu'il s'é-
faut toujours
dans ces rêveries monstrueuses. Ceci d'ailleurs,
gare
contribuer à nous faire mieux connattre l'intelli-
pourra
s'adressait le Bouddha, et
gence des peuples auxquels
qu'il devait réformer.
-83–

Ili.

LÉGENDE DE ÇAKYAMOUNI.

Voici t'analyse exacte du AaK<ac<~ar<t, dans sa partit)


fabuleuse je donnerai ensuite colle du ~o«M de la bonne
loi.
C'est Ananda, cousin
du Bouddha, qui porte la parole
et qui est cens6 l'autour de ce Soûtr! classé parmi les
So&tras dévctoppos ou de Grand Véhicule. Ananda se
borne a rappeler ce qu'il a personnellement entendu,
comme l'indique oetto formule par laquolie débutent tous
les Soûtras et qui en fait des dépositions do témoins ir-
récusables aux yeux do l'orthodoxie « Ce discours a été
a un jour entendu par moi. Bhagavat, le Bouddha, est
à Çravast!. à Djotavana. dans le jardin d'AnAtha Pindika.
ït est entouré de douze mille bhihshous.
parmi lesquels
figurent au premier rang ses cinq disolples, et do trente
deux mille bodhisattvas « tous assujetia à une soule et
« dernière no~sanoe tous vraiment parvenus à l'état do
« hodhisattvas. tous arrivés à l'autre rive, eto., etc. » A
la première veille de la nuit, fut plongé dans la
Bhagavat
méditation calme, appelée Arrangement des ornements du
Bouddha. A peine y fut-il ptonge qu'une excroissanee
s'étant élevée au sommet de sa tête, elle le fit souvenir
exactement do tous les Bouddhas et la lumière
antëdours;
de la science sans passion s'étant produite, il éolalra aveo
elle les demeures des dieux et d'un nombre incalculable de
fils do dieux. Toutes c"s divinités.
appelées par des stances
d'exhortation, qui sortent des réseaux de lumière dont
est enveloppé te TatMgata. se rendent auprès de lui,
et le supplient do vouloir bien leur enseigner cette
partie de la Loi qu'on nomme io Zo!«a~a.
Bhagavat,
84-

touché de compassion pour ces bodhisattvas mahasattvas,


ces mahacravakas, pour los dieux, les hommes, tes Asou-
ras et le monde, consent par son silence à la prière qu'Os
lui adressent; et il prend la parole pour leur raconter lui-
même le Z.aHttK~htfa.
Tel est te premier chapitre, et nous voyons déjà. sans
qu'il soit besoin d'aller plus loin à quelle patience il faut
nous préparer pour ne pas repousser dès te début, tout
examen do telles extravagances mais it faut s'armer do
courage et continuer.
Adoré par ceux qu'on adore recevant les hommages
de Çakra de Brahma. de Mahésvara, des gardiens du
monde et do tous les dieux inférieurs, la Bodhisattva
quitte le Touchita te séjour do la joie et il se rond au
grand palais do Uharmotchaya (nœud do la toi). C'est ta
qu'it doit instruire l'immense assemblée qui l'écoute et
qui se monte à soixante-huit kotis de personnes, o'ost-à-
dire à six cent quatre-vingt millions d'ôtrcs, tous assis
sur des sièges splendides (1). Bhagavat annonce d'abord
quo ce n'est que dans douze ans que le Bouddha doit en-
trer dans le sein d'une mère et pour que cet événement
s'accomplisse avec toutes les conditions nécessaires, il so
livre aux quatre grands examens, ce sont l'examen du
temps, l'examen des continents, l'examen paya etdes
l'examen des familles (2). C'est que les Bodhisattvas, au
premier développement du monda, lors du rassemblement

(1) T~s ?&'<)<' roi pa de M. Ed. Foucaux, t. H, chap. li,


p. <0 et H, et chap. u), p. <8.
(2) .MM), <&M., p. iSetSi. Voir aussi une légende chinoise,
traduite par M. A. Rémusat, qui a reproduit tous ces dëtatia, en
tes puisant sans douta dans ta ZaMts~tora,
fooAot<e7ï<,
notes du chapitre x, p. 72.
-83–
dos êtres, n entrent pas dans le sein d'une mère. Mais
quand le monde s'est manifesté tout entier, et que sont
apparues la vieillesse, la maladie et (a mort, c'est alors
que tes Bodhisattvas entrent dans le sein d'une mère. Voita
pourquoi Bhagavat fait l'examen du temps. S tt examine
les continents, c'est qu'un Bodhisattva ne peut naitro
dans un continent de la frontière il ne peut naltre davan-
tage dans )o Vidëha do l'est, ni dans le Godani de l'ouest.
ni dans le Kourou du nord. tt no peut nattro
que dans ta
continent du sud. le tt ne saurait
Ujamboudvipa (t'tndo).
naître non plus dans
un pays do la fronttofo. « parmi des
hommes stupides, aux sens lourds. d'une nature muette
comme cotte des moutons, et incapables do distinguer te
bon enseignement du mauvais, o tt no natt que dans un
pays du milieu. Si onnn le Bodhisattva so livre a l'examen
dos familles. c'est quo les bodhisattvas no naissent point
dans une famille objecte, eotto d'un <ctMnda)a, d'un
joueur de Mto. d'un charron ou d'un Ils no
domestique.
naissent que dans doux castes, celles des brahmanes ou
dos hshattriyas. MÎon que t'une ou l'autre est la plus res-
pectée dos peuples à co moment.
Cependant la mute des dieux so demandent a voix basse
« dans do famille n nattra to Bodhisattva.
qaettopbrto On
propose d'abord la famiUe de Vatdeht. du pays do Maga-
dha. Mais cette famitte n'est trouvée
assez pure, ni pour
la descendance de la mère, ni pour la descendance du
t.ôro. Eito est d'ailleurs pou retigteuso, ello est sauvage
insconstante et mobile. Elle no peut donc convenir au
Bodhisattva. On propose ta famille do Kocato. Mats pa n-
liation n'est pas non
plus assez noblo; on remontant a son
origine, on y trouverait du sang do Matangas (paria):
d'ailleurs elle n'est pas assez riche. et sa considération
n'est point sumsanto. h'autros proposent la famillu du roi
86 –

Vadsa mais elle est issue d'hommes étrangers ctto n'est


assez
illustre; « et le roi y parle de destruction. »
pas
Après cos trois premières familles, cella de Vaiçai! est

égalemont renoussée. Cette ville sans doute est magni-

fique et trôs- upteo mais M on ne s'y accorde pas dans


los entretiens; on n'y observe pas la Loi. on n'y respecte

ni supérieur. ni homme mûr, ni vieillard ni chef. Chacun


se dit Je suis roi; et en pensant: Je suis roi, nut no vout se
soumettre à la discipline, ni à la toi (t ) La famille do Pra-

dyota, dans la oitod'Oudjayant. est puissante a ta guerre;


mais on y est emporté violent et cruol. La viHo do Ma-
thoura semblerait convonabto pour la naissance du Bo-
dhisattva mais le roi Soubahou, qui la commando, est
n6 dans une famille Mqui a toujours eu des vues fausses, »
et it règno sur des hommes pareils aux barbares (2). On
repousse encore ta famille d'Hastinapoura, bien qu'etto
descende dos Pandavas, parce que sa généalogie est trop
confuse et enfin cello do Mithita, parco que ta roi Sou-
mitra est trop vieux, et qu'il a déjà do nombreux en-
fants (3).
Les dieux, embarrasses et no sachant sur quelle famillo
arrêter leurs conjectures, s'adressent au Bodhisattva lui-
meme. Le Bodhisattva répond tour
en énumérant les
soixante-quatre signes dont est douée ta famille qu'il n
choisie Il les nomme un a un, et ce sont autant de vertus.
Cette famille est noble otto est d'une descendance acfom-
ptie elle n'est pas ambitieuse elle a dos mœurs pures,
elle est sago et elle fait de ses richesses le plus magni-
flquo emploi ctto est cnnatnnto dans son amitié elle con-

(<) ~f< fcA'e)- rot t'«, do M. Kd. t-'ouMux, t. tt, chaf. m,


p. 28.
<2) Mem, ibicl.
(3) Mcm, «ttff.
-M–

na!t ses devoirs elle pas par le désir. par


ne se conduit
la passion, par l'ignorance, par la crainte; elle est ferme

dans son héroïsme oMe honore tesrisMs elle honore les

dieux, les Tchaitvas, les mânes; elle ne conserve pas


d'inimitiés; en un mot, cette famille est parfaite on

tout (1). La femme dans le soin de laquelle entrera !o Bo-

dhisattva, n'est pas moins accomplie car elle possède les


elle est exempte do tous
trente-deux espèces do qualités
tes défauts des femmes. Les dieux dont la curiosité est

plutôt éveillée que satisfaite, cherchent quelle peut eue


cette heurt, aso famille, et cotte femme plus heureuse en-

coro et ils no voient dans le monde quo la race des Ça-

kyas, te roi Çouddhodana


et la reine Maya-Dov! qui réu-
nissent tant de vertus et de perfection. C'est aKapitavastou.

et do ces deux êtres accomplis que nattra le Bodhisattva


a car aucune autre femme n'est capable de porter ce pro-

M mior des hommes (2). »


Sur te point do quitter les dieux du Touchita pourdcfi.
cendre en ce monde. le Bndhisattva, du haut do son

trono. veut s'adresser une dernière fois à eux


pour tour
do la Loi. U leur en Indique d'abord
rappeler les préceptes
« tea portes évidentes, a qui sont au nombre de cent huit.
et dont los principales sont ta foi, la pureté. la retenue,
la Menveittanco. ta piti6, la modestie, !a connaissance do

soi-même (atmadjnata), le respect; mais où sa trouve


aussi l'acquisition des formutos magiques (3). Puis, après
cette longue ot complète unumeratton.it ajoute, en se

(f) /<!W <eh'<~ ~< ff, ~M. M. i-'uuca))!(, ii. chap. M,


p. 36.
(3) ~fem, ?<< ch. ))), p. 20.
(3) Aynn,~M.,c)) tv,}'. Mu'~t'
-88–
séparant des dieux, qui racontent dans le plus respec.
tuoux silence:
« Evitez bien toute immodestie. Tous les plaisirs divins
a et purs, nés de et du cceur,
l'esprit sont le fruit d'une
« ouvra vertueuse. Ainsi, souvenez-vous de vos actions.
<' Pour n'avoir
point amassé ces vertus antérieures, vous
« niiez aujourd'hui là où, loin du bien-être, on éprouve
la misère et l'on souffre tous les maux. Lo désir n'est
<' ni durable ni constant il est pareil a un songe, au
« mirage, a unoiiiusion. nt'cciair, a i'écumo. Observez
« tes pratiques de ta Loi; à
qui observe bien ces pratiques
« saintes..i n'arrive point do mal. Aimnntia tradition, la
morale et l'aumône, soyez d'une patience et d'une pu-
ret6 accomplies. Agissez dans un esprit do bionvoiitanco
réolproquo, dans un esprit do secours ()). Souvenez-
vous du Bouddha, do la Loi et de i'Assombtee. Souvo-
a noz-vous de la modestie. Tout co quo vous voyez en mot
de puissance surnaturelle, do science et do pouvoir,
« tout cola est
produit par t'muvre de la vertu. qui en
« est la cause tout cola vient de la tradition, do la mo-
raie et do la modestie. Vous aussi agissez avec cette
« retenue parfaite. Ce n'est ni par des sentences, ni par
H des paroles. ni par des eris qu'on peut atteindre la doc-
trine de ta vertu. Acquérez-la en agissant; comme vous
parlez. agissez; que des efforts continuels soient faits
par vous. tt n'y a pas de don pour tous ceux qui ont
H agi; mais qui n'agit pas n'obtient rien. Abandonnez
t'otguoi). la Morte ot t'arroganee doux et ne
toujours
« déviant jamais du droit chemin, faites diligence dans
la voie du Nirvana. Exorcrx-vous a t'cxamon do la route

(<) ~t M'f)' fott'tt, du M Ed t-'nuMux, 1. )t, chi))). tv,


j'. /)8.
-89–
« du salut, et dlssipea complètement te ténèbres de ngno-
e rance avec la lampe do la sagesse. Débarrassez-vous
n du Ntet dos fautes ~uo le ropontir accompagne. Mais
« qu'est-il besoin d'en dire davantage? La Loi est remplie
a de sens do pureté.
et Au temps où l'intelligence su-
a promo aura été obtenue par moi, au temps où tombera
a la pluie de la Loi qui mène à l'immortalité, en posses-
a ston d'esprits parfaitement purs, revenez pour entendre
<' do nouveau la Loi que je vous oxpHquorai (I).
Malgré cette exhortation solonnello, les dieux n'en sont

pas mains désolés du départ du Bodhisattva mais afin

d'apaiser leur douleur, it leur laisse le Bodhisattva Mai-

tréya, qu'il sacre en lui mettant do sa main sur la tête sa


tiare et son d)ad6me. C'est Maitréya qui doit lui succéder
en qualité do Bouddha, quand ie monde perverti aura
perdu tout souvenir do la prédication duÇaky&mouni (2).
Le Bodhisattva descend don" dans te sein do sa mère;
et n pour accomplir la prédiction contenue dans les Brah-
mAnas et tes Mantras du Rig.Vétta, a ii prendra la forme
d'un éléphant, armé do six défenses, couvert d'un réseau
d'or, à la tête rouge et superbe. à la mâchoire ouverte et
d'une formo majestueuse. Huit signes précurseurs an-
noncent sa venue dans la demeure de Çouddhodana. Le

palais se nettoie de tui-méme tous les oiseaux do l'Hi-


mavat y accourent, témoignant leur allégresse par tours
chanta los jardins se courent de fleurs; les étM)gs sa
remplissent do lotus hs n)o!s do toute espèce paraissent
toujours entiers quoiqu'on !cM emploie en abondance tes
instruments do musique rendent d'eux-mêmes. et sans

(t) ~a (cA'er roi pa, do M. Ed Foucaux, t. H, chap. IV,


p. M.
'2) /(f<'M). <&M.,t)t. Y, )). 6t.
.90--

qu'on tes touche, des sons mélodieux tes écrins do pierres

précieuses s'ouvrent
spontanément pour montrer leurs
trésors; enfin le palais est ittuminé d'une splendeur sur-
naturelle qui efface celle du soleil et de !a lune (i).
Tel est le prologue, en quelque sorte, du drame qui se
développa dans to i.aM<a))M<ara ta scène se passe dans te
ciel avant do s'ouvrir sur la terre. Cette exposition no

manquerait pas d'une certaine grandeur, si la forme et


le stylo répondaient & la majesté do t'ideo mais on sent

trop que c'est une puro fantaisie d'esprit, et que l'auteur


morne du récit se joue de ce qu'il raconte. Mo plus, tes
détails dans l'original sont tellement longs et si fastidieux.
que la conception première disparatt presque entière-
ment, pour faire ptaco a des répétitions sans fin, et aux
Invraisemblances les plus nauséabondes, quand elles no
sont pas les plus monstrueuses.
Lorsque le Bodhisattva, venant se poser sur le sein for-
tuné de sa m6re. descend du Touchita c'est a la vue de
tous les dieux it est entoure do Bodhisattvas et de cen-
taines de millions do divinités (2). Maya-Dôv!, sa mère
a fait cependant un songe otto a vu entrer dans son soin
un éléphant. Tout effrayée do ce présage, elle commu-
nique ses craintes au roi Çouddhodana on appotto,
comme nous l'avons vu. des Brahmanes très-habites
à expliquer la sens du Rig-Véda et des Castras et on
leur demando d'interpréter le songe. Los Brahmanes ras-
surent le roi et la reine, en leur laissant toutefois un doute
sur t'avenir de leur fils,qui pourra bien un Jour aban-
donner la couronne pour se faire religieux.

(1) ~t/« (eh'er roi pa, de M. M. Foueoux, ch. v, p. 53 et


6<< ZottH <fe <abonne toi, do M. Ë. Uurnouf, p. 302.
(2~ /fh-H), ibid., p. {'8
9)-
pondant tout le temps que le Bodhisattva demeura dans

le sein de Maya-Dév!, it y resta toujours du côté droit, et

~as jambes croisées. Voilà les étranges détails où


assis,
légende sacrée croit devoir entrer mais ceci n'est encore

rien, et ce qui suit est bien plus extraordinaire et bien


dos fils des dieux sont tout
plus insensé. Quelques-uns
étonnés que le Bodhisattva M pur et exempt do toutes

« taches, bien élevé au-dessus do tous les mondes, le plus

« précieux de tous les êtres, H demeure ainsi dans te sang

impur d'une mère, quand les simples rois des Gandhar-

vas. dosKoumbhandas. desNagas. et dos Yakshas, dieux

inférieurs évitent toujours la souilluro d'un corps hu-


!o
main. Alors, devinant cette pensée dos fils des dieux,
Bouddha se fait faire une question par Ananda; et,

pour y répondrn, it lui apprend quelle a été son occupa-


tion dans le soin do sa mère. ce qu'on appelle « te pré-

« ciaux exercice du Bodhisdttva. Lo Bouddha raconta

donc, avec les détails les ptus protides et tes plus confus.
la visite que Brahma, le mattre des créatures, est venu

lui rendre dans le sein do MAya.Dév! (1). Brahma, après


avoir salué avec la tête les pieds do Bhagavat, lui a offert

une goutte de rosée qui contient tout ce qu'il y a d'es-

sence, do vitalité et de tiqueur génératrice dans les trou

grands milliers de mondes. A la suite de Brahma, Çakra


to mettre des dieux tes quatre grands rois des dieux in-

férieurs, quatre déesses et une multitude do divinités

viennent adorer le Bodhisattva, le servir et recevoir do

lui l'enseignement de la Loi. c En ce moment, Bhagavat


n dit & Ayoushmat Ananda Ananda, vois-tu ta précieux

exercice do t'ouvre du Bodbisattva, qu'il fit Jadis quand

(t) /ft tc/t'f)' roi )'a do M. Ë!). t'oucaux t tt, ''h. Y),

)'. (M.
92
« il demeurait dans le sein de sa mère ?Ana.M reponn
« Bhagavat, je le vois Sougata le vois.
je Quand le
« Tathâgata l'eut fait voir à Ayoushmat à Çakra,
Ananda,
«temaitre des dieux, aux quatre gardiens du monde.
« aux autres dieux et aux hommes, tous alors furent rem-
« ptis do satisfaction, de joie et d'allégresse. Brahma, le
«maître des créatures, dans le monde de
l'emporta
« Brahma pour lui bâtir un tchaitya, et l'y déposa (1). »
Je ne citerais point ces folies, si elles ne servaient d'a-
bord à faire connaître la singulière tournure des
d'esprit
Bouddhistes. et ensuite à montrer à quelle distance ils
placent leur Bouddha au-dessus de tous les dieux du Pan-
théon brahmanique. Brahma, Indra et tout ce que ce Pan-
théon renferme de plus vénéré et de sont à
plus grand,
peine dignes de servir le Bodhisattva et avant même
qu'il ne soit né, les Bouddhistes devant lui les
prosternent
objets les plus respectés de la superstition populaire. Le
t.aH«tM«<M-<t, comme nous l'avons dit (2), n'est pas t'œu-
vre des disciples immédiats du Bouddha; et, selon toute
apparence. ils no tenaient pas, du temps du maître et
aussitôt après sa mort, ce langage en
arrogant. Mais,
trois ou quatre siècles au plus, la doctrine nouvelle avait
fait assez de progrès pour qu'on pût traiter avec ce mé-
pris insultant les adorations du vulgaire. Parfois cet excès
même d'outrage semble avoir scandalisé l'autour qui se
le permet; et le roi
Çouddhodana, qui assiste comme
spectateur à toutes ces évolutions des dieux devant son
n)s, qui n'est pas encore né, ne peut se défendre de quel-
que scrupule. Tout joyeux qu'il est d'être le père du futur
Bouddha, il s'étonne et se dit « Celui-ci est bien le dieu

(1) B~« <e&'er roi pa de M. Ed. Foucaux, eh. vt,


1.1!,
p. 79.
(2) Voir plus haut, page IU.
-93-

« des dieux que les quatre gardiens du monde, que


« Brahma, Indra et les dieux réunis entourent de si grands

« respects; celui-ci sera bien véntaMement Bouddha.


e Dans les trois mondes, un dieu, un Naga, Indra, Brah-
« ma, les gardiens du monde, pas un être enfin ne souf-
« frirait une pareils adoration, sansque les autres ne lui
« brisassent la tête et ne le privassent de la vie. Mais

« celui-ci parce qu'il est plus pur que les dieux souffre
« toutes ces adorations (1). »
Je ne raconte pas les signes précurseurs qui annoncent
la naissance du Bouddha, ni les soins dont sa mère Mâya-
Dévi est entourée par les Dieux dans le jardin de Loum-
bint o& elle accouche sous l'ombrage d'un plaksha de-

bout, et appuyée, pour se soutenir, sur une des branches


de l'arbre Indra, le roi des dieux, et Brahma, le maî-
tre des créatures. se tenaient devant elle et ce sont eux

qui reçoivent l'enfant(3). Ils le baignent et le lavent de


leurs mains, précaution assez inutile, puisqu'il n'avait été
souillé d'aucune tache dans le sein de sa mère, dit la lé-

gende, et que de plus il en était sorti toutenveloppé d'un

superbe vêtement de soie de Kaçi (Bénarès) (4). Aussitôt

(i) .?~0 tcA'ef roi pa, de M. E. Foucaux, t. tt, ch. M, p. 85.


(~ ~a <eA'ef)'o< pa, de M. Ed. Foucaux, t. il, ch. vo,

p. 87. Ce sont la tes détails qui sont reproduits dans tous tes
monuments bouddhiques où l'on a représente la naissance du
libérateur. Voir le bas reitet du musée de Calcutta qu'a donné
M. Ed. Foucaux à la suite du Rgya <c&'<r roi pa.
(3) Une autre légende, l'MHteMfamaHS, plus décente,
suppose qu'Indra, pour éviter a Mâya-Dëv! la honte d'accou-
cher devant lui, se change en vieille femme. Mais, sons cetto
forme, l'enfant ne veut pas de ses soina; et il le repousse, sans
se laisser toucher par lui, quoiqu'il le reconnaisse pour Indra.
(4) La superstition bouddhique atitibua plus tard ce singu-
94 –

né, il descend à terre et s'assied sur un grand lotus Manc,


qui venait de pousser spontanémbnt du sol à l'endroit
môme qu'avait touché son pied (~). Puis, sans être soutenu
par personne, il Bt sept pas du côté des régions orientales,
pt pas au midi, sept pas à l'ouest, sept pas au nord et
sept pas vers les régions inférieures, en annonçant de
chaque côté la mission qu'il venait accomplir sur la
terre « Je vaincrai !e démon et t'armée du démon en
« faveur des êtres plongés dans les enfers
par et dévorés
« !e feu de l'enfer, Ja
je verserai pluie du grand nuage de
« la Loi, etiis seront remplis de joie et de bien-être
(2). »
Mais !e Bouddha, qui est censé raconter toutes ces
choses à ses disciples dans Çravast!,
interrompt son récit,
et s'adressant à son cousin Ananda, ii lui prédit que bien
des esprits douteront de tous ces prodiges. a Dans un
« temps à venir, certains Bhikshous,
ignorants, inhabiles,
« ners, orgueilleux, sans frein, à mobile
l'esprit scep-
c tiques, sans foi, devenus la honte des Çramana. )) ne
voudront pas croire à la
puissance du Bouddha et Ils
s'étonneront qu'ils soit né dans le sein d'une femme. Ils
ne comprendront pas, les insensés. que s'it était venu
dans la condition d'un dieu. au lieu do venir dans le monde

lier privilége à bien d'autres saints. Voir t'~Xot'fe de la vie


d'~HofeM ?AMn~. de M. Stanislas Julien p. 70, à propos de
ÇanakavaM.
(!) Rgya (eA'sr roi pa, de M. Ed. Foucaux, t. IJ, ch. vu,
p. 88,
(2) j~(t h~'er roi pa, de M. Ed. Foucaux, t. IJ, ch.vn,
p. 89. Les sept pas du Bouddha au moment de sa naissance
sont une des circonstances qui paraissent avoir le plus
frappé
les imaginations. Ce détail se trouve reproduit dans toutes los
légendes voir le Foe Aoxe ~< de M. A. Rémusat, p. 199 et
p. 220, avec la note de M. Klaproth.
-93-

des hommes, il n'aurait pas pu faire tourner la roue de la

Loi, et les êtres seraient alors tombés dans le décourage-


ment. Mais ces créatures, qui ont ntéi'inteiiigencedu
Bouddha, seront, aussitôt après leur mort, précipitées dans

l'Avitchi, le grand enfer ~). tandis que ceux qui auront


eu foi au Bouddha, deviendront les fils du Tathagata ils

seront délivrés des trois maux; Ils se nourriront do la

nourriture du
royaume Ils briseront les chaînes du dé-

mon, et ils auront dépassé le désert de la vie émigrante ~2).


La légende raconte ensuite. avec d'assez longs détails
comment l'enfant fut apporté de Loumbini à Kapilavastou
de sa mère. et comment il fut confié, du
après la.mort
consentement des Çakyasetdo leurs femmes, qui se le dis-
à sa tante Mahapradjâpat!(3). La iégendo in-
putaient,
siste beaucoup sur la prédiction du brahmane Asita ( io
tout exprès de i'Himavat. où il habite,
noir), qui descend
venir reconnaître sur le corps du nouvoau-né les
pour
trente-doux signes du grand homme et les quatre-vingts
marques secondaires, qu'il a bien soin do citer une à une,
tout extraordinaires qu'elles sont parfois. Le grand Rishl,
en constatant que c'est bien le Bouddha, s'amlge d'être si

vieux, et de ne pouvoir entendre


un jour l'enseignement
de la Loi pure. Puis il se retire comblé des présents du roi,
a charmé, et il retourne à son ermitage
que sa prédiction
comme ii en est venu, par la voie de l'air, où ii s'est ma-

giquement élevé, en compagnie de son neveu N~radatta.

(i) R~a tch'er ro! pa de M. Ed. Foucaux, t. ch. vn

p.9<).
les incrédules et les im-
(2) Idem, ibid. Ces menaces contre
On le com-
pies sont traquantes dans les légendes bouddhiques.
prend sans peine.
(3) /<ten), <6M.. p. 102.
96
-t-~tt à
Mais it semble que la parole d'Asita, toute grave qu'eito
est, ne suint pas; et après lui un fils des dieux, suivi de
douze cent mille autres dieux, vient de nouveau vériner
tes signes et les marques, pour ainrmer encore une fois à

Çouddhodana que son nis est bien le Bouddha qui sau-


vera le monde (1).
On se rappelle que l'enfant fut présenté solennellement
par son père au temple des dieux; mais la légende ajoute
qu'à peine le Bodhisattva eût-it posé le pied dans le tempte.

que tout
ce qu'il y avait d'images inanimées des dieux, y
compris Indra et Brahma, se levèrent de iours places pour
aller saluer les pieds du Bodhisattva (2). Puis tous ces
dieux, montrant leurs propres images.
prononcèrent ces
stances, ou GAthas, que je cite, parce que j'y trouve une
inspiration poétique qui est en générât presque inconnue
du Bouddhisme, quoique la moitié au moins desSoûtras
développés soit remplie de vers « La plus grande des
« montagnes, le Mérou, roi des monts, ne s'incline jamais
a devant te sénevé. L'océan, demeure du roi des Nagas,
t< no s'incline
jamais devant t'eau contenue dans le pas
« d'une vache. Le soleil, la luno, qui donnent la lumière,
« ne s'inclinent pas devant le ver luisant. Celui qui sort
« d'une famille sage et vertueuse, et qui est rempli lui-
« même de vertu, ne s'incline pas devant tes dieux, quets
« qu'ils soient. Le dieu ou l'homme, quel qu'il soit, qui

(i) ~a teA'er roi pa, de M. Ed. Foucaux, t. Il, ch. vn,


p. 107 et 112.
(2) 7!~t<<t tch'er roi ~a, de M. Ed. Foucaux, 1.1!, ch. vm,
p. 116. 'voir ce que je viens de dire un pou plus haut sur )o
mépris des bouddhistes pour les dieux brahmaniques (p. 92-93
ci.dessus), et aussi i\rn<M(!.(H'M<<.<h<FoH(M~. M<deM. K.
Burnouf, p. 132.
M

« persiste dans l'orgueil, est pareil au sénevé, à l'eau con-


« tenue dans le pas d'une vache et au ver luisant. Mais,
a semblable au Mérou, à l'océan, au soleil et à la lune
a Svayambhou, l'êtro existant par tui-meme, est le pre-
t< mier du monde et le monde qui lui rend hommaga
« obtient le ciel et le Nirvana (1). a
On doit voir assez ctairoment par tout ce qui précède ce

qu'est la légende, et comment elle a taché de transformer


et d'embellir & son point de vue, les faits réels qui com-
posent la vie do Siddhartha. Pour achever de la faire con-
naltre, je ne m'arrêterai plus qu'à un épisode qui tient
non-seulement une très-grande place dans io AaMfftBxti!)!,
mais qui figure dans
presque tous les soûtras c'est la
lutte que Siddhartha, sur le point do devenir Bouddha,
soutient contre te démon appelé Mara le pécheur ou Pâ-

plyAn. le très-méchant (2) dieu de l'amour, du péché et


de la mort.
Siddhartha est & Ourouvilva dans la retraite
que nous
savons (5), livré depuis six ans aux austérités les plus
dures. Sa mère MâyA Dét!, effrayée des souffrances do son
nts, et craignant qu'il ne meure bientôt, est venue le sup-

ptier de mettre fin à ces excès de mortineation. ti a con-

(i) Rgya feA'ef roi pc. de M. Ed. Foucaux, t. H, ch. v))),

p. ne.
(2) M. E. Burnouf, /nt. t'M«. <iM ~OMddA. <nd.. p. 76,
et ~ohM de ta bonne loi, p. 388 fM /îoMe ~<, do M. A. Ré.
musat, ch. xxv, note de M. Ktaproth, p. 3~7. Dans la plupart
dessoûtras, le démon est nommé Mara, dana le sootrado
Mandha)ri, dans le Pratthafya soufra du Divya avadana,
dans le Lotus de la bonne !o<, etc. Mais, dans le /~a tc~'er
Pâpty~n, do son surnom.
~'o~pa~1~'p?Pa~ipe~é
63.
O~oir'.ptuâM~p.
7
-98-
soie sa more. mals il ne lui a pas cédé (i). Mara vient à
son tour essayer de !e vaincre, et d'une voix douée it lui
adresse ces paroles flatteuses « Chère créature. i) faut

« vivre, c'est on vivant que tu pratiqueras la Loi. Tout ce


« qu'on fait durant la vie doit être fait sans douleur. Tu
« es amaigri tes couleurs ont paii tu marches vers la
« mort. Quelque grands que soient de tels mérites, que
a resuitera-t-ii du renoncement? La voie durenonce-

« ment, c'est la souffrance la victoire sur l'esprit est dif-

« Hciie à obtenir. n Siddhartha lui répond « Pap!yan

« aitio de tout ce qui est dans le délire, tu es donc venu


« cause do moi Quoique mes mérites soient bien petits.
« te but n'en est pas moins connu. La tin inévitable de la
« vie étant la mort, Je no cherche point à éviter la mort.
« J'ai l'intention, le courage et la sngesse; et Je ne vois

a personne dans le monde qui puisse m'ebranier. Démon,


a bientôt jo triompherai do toi. Los désirs sont tes pre-

« miers soldats les ennuis sont tes seconds tes troMomes


« sont la faim et la soif; les passions sont tes quatrièmes
« l'indolence et le sommeil sont tes cinquièmes; tes ctain-

« tes sont les sixièmes; les doutes que tu inspires sont

« tes septièmes la colère et l'hypocrisie sont les hui.

« tièmes; l'ambition, les panégyriques, les respects, la

« fausse renommée, la louango do sol-même et te Marne


« des autres, voilà tes noirs alliés, les soldats du démon

a brûlant. Tes soldats subjuguent tes dieux ainsi que !o


a monde. Mais je les détruirai par la sagesse et ators,

« esprit malin, que foras.tu (2) ? a

(i) ~M" 'ch'M' roi pa. do M. Ed. Foucaux, t. it, ch. x~t),

page 246.
(!) ~a tcA'ef fotjpt, de M. Ed. Foucaux, t. H, ch. xt)n,

page 2b3.
-9U-T.

Mara humilié et confus disparaît pour revenir bientôt


mais tesOts des dieux viennent à leur tour livrer à t'ascëto
un combat peut-être
dangereuxplus encore. !ts lui pro-
posent de Mo pas prendre de nourriture; Ils tut feront pé-
nétrer par les pores la vigueur dont Haa besoin, et qu'it
a l'intention de réparer par tes aliments et tes moyens or-
dinaires. Mais le jeune Siddhartha tes refuse, et se dit:
« Certes, je pourrais jurer que je no mange pas; et les
« habitants qui demeurent dans la ville voisine de mon
a district. diraient
que le Çramana Gaoutama no mango
a point, tandis que les fils des dieux, respectueux pour
« un être affaibli. feraient pénétrer la vigueur par mes
« pores: mais ce serait de ma part un grand )i
mensonge.
Le Bodhisattva, pour éviter une faute aussi bMmabte
p
n écoute pas les paroles do ces fils dos dieux. et Il échappe
encore à ce plégo (1).

Cependant, avant d'atteindre à la Modhi, il doit valncro


te démon it to provoque donc, tandis qu'il est à Boahi-
manda, en faisant partir du milieu do ses sourcils, do la
touffe de poils appelée Ourna, qui est un des trente-deux
signes du grand homme. un rayon do lumière qui va illu-
miner et faire trembler toutes les demeures des dé-
mons (3). Paptyan. épouvante do cette splendeur subite
et de trente-deux rûvesaurouxqu'tt vient do faire, con-

(I) ~j/s tcA'ef fo<pa, de M. Ed. Foucaux, t. il, eh.


MV)u,
p. 26<). Tous ces détails eo retrouvent dans la légende chinoise
traduite par M Kiepro'h, .Foe/ih)Ha/H, p. 288. On peut voir
aussi la Pradjna paramUa, en huit millo articles, Ao«M de la
bonne toi, de M. E. Burnout, p. 386.
(2) Idem, <6M., p. 286. Ce rayon do lumière a un nom
spéolal, QtUB'appoiie Satvamaramondatavidhtansanaha~, « qui
opère la destruction de toutes les provinces do Mara n ou
du démon.
tOO-
voque aussitôt ses serviteurs et toutes ses années. Son

empire est menacé! il veut engager le combat. Mais d'a-


bord X prend les consens de ses n!s, dont les uns te pous-
sent & céder et à s'épargner une défaite certaine, et dont
tes autres le poussent a la lutte où la victoire leur parait
assurée. Los deux partis, t'un noir, l'autre blanc, parlent
tour à tour et les miiio fils du démon, ceux-ci à sa droite,
ceux-là à sa gaucho. opinent successivement et en sens
contraire (1). Quand est Uni, Paptyan
te conseil se décide
nu combat et son armée, composée de quatre corps de
troupes, s'avance contre le Bodhtsattva. Elle est forte et

courageuse mais elle est hideuse à Mre dresser les che-


veux. Los démons qui la forment ont la fnouMé do changer
do visage et do se transformer do cent miiiicns do maniè-
ros Ils ont les mains et tes pieds cnlacés do cent mi'te ser-

pents; ils portent dos épées, dos arcs, des flèches, dos

pique:), des javelots, dos haches, dos massues, des pilons,


des chaînes, des cailloux, des bâtons, dos disques, des
foudres teur tête, tours yeux, leur visage flamboient i
leur ventre, tours pieds, tours
mains, sont d'un aspect

repoussant; teur visage étincoUe d'une splendeur sinistre i


Ils ont des dents énormes, des défenses effroyables. la
langue épaisse, grosso ot pendante; tours yeux sont rouges
et ennammës comme ceux du serpent noir rempli do ve-
nin, etc.. etc.. etc. (2). J'abrège cette longue description,
qui tient plusieurs lepages dans toHtat~fafo, et oit
i'imaginatlon inNienna se donne carrtoro pour inventer tes

ligures les plus bigarres et les plus monstrueuses. On di-


rait un onfar de Cottot.

(t) ~a!/a «~'M* roi pf, do M. Ed. Foucaux, t. H, ch. Mvn),


P. 206.
(2) Mem, <6M., t. !t, ch. xo, p. 80t et :.)tv.
-i(H

Ii va de sot que toutes les attaques des démons sont

parfaitement impuissantes contre le Bodhisattva. Los lan-


ces, les piques, les javelots, les projectiles de toutes sur-
tes, les montagnes mémo qu'ils lui jettent, se changent
en ftours et restent on guirlandes au-dessus do sa tête.

Paptyan voyant que la violence est vaine, a recours a un


autre moyen it appelle ses filles, les belles Apsaras. et
it les envoie tenter le Bodhisattva en lui montrant les
trente-deux espèces do magies des femmes. Elles chantent
et dansent devant lui; elles déploient tous leurs charmes
et toutes tours séduction! cttes lui adressent les provoca-
tions les plus Insinuantes. Mata lours caressas sont inu-
tiles comme l'ont été les assauts de leurs frères et toutes
honteuses d'elles. mêmes elles on sont réduites atouer
dans leurs chants
qu'elles celui
n'ont pu vaincre ot faire
succomber. Elles retournent donc il leur père lui appren-
dro une seconde défaite plus triste encore que ta pro-
m)ëro (1). Pautyan est confus; mais tes fils des dieux

~ouddhavasahaytt<as viennent mettre le combte a son dé-


pit, on to bafouant par les Insultes les plus poignantes et
les sarcasmes les plus amers. Cependant )o démon ne se
rend pas « Jo suis le seigneur du désir, dit-il au Bodht"
« sattvo, Je suis le mattre du monde entier: les dieux la
« foute des (Mnavas, les hommes et les bûtes assujaiis
par moi sont tous tombés en mon pouvoir; comme
« eux. venu dans mon domaine, lève-toi et parle comme
« eux. )) Le Bodhisattva
lui répond « Si tu es le soigneur
'< du désir, tu no l'os pas de la lumière; regarde-moi
c'est moi qui suis te seigneur do la Loi impuissant que
« tu es, c'est & ta vue quo J'obtiendrai l'intelligence su-

()) ~<t teA'er roi t'a, do M. Ed. t-'o))ca)))t, t. tt, ch. M),
)'. 300,3<8 o) HtH.
102 –

« preme (1). M Papïyân essaie un dernier assaut, en


réunissant de nouveau toutes ses forces mais il succombe
encore une fois. Son armée en désjrdre se disperse de
toutes parts, et il a la douleur de voir ceux de ses n)s qui
dans le conseil avaient opiné contre la bataille aller se

prosterner aux pieds du Bodhisattva. et l'adorer avec res-

pect (2). Déchu de sa splendeur, pâte, décoloré, le dé-


mon so frappe la poitrine, pousse dos gémissements it so
retire à l'écart, la tête baissée, et traçant avec une nécho
des signes sur la terre, it se dit. dans son désespoir
« Mon empire est dépassé, »

Après ce triomphe décisif, le Bodhisattva arrive à fin"


telllgence suprême, à la Bodhi it devient Bouddha, d va
faire tourner la roue do la Loi & Bennes.
Tel est le Lalitavistara dans sa partie mythologique
indispensable peut-étro pour les peuples auxquels oiio
s'adressait, mais qui & nos ;oux n'est qu'une extravagance.
bonne seulement à faire douter des faits historiques et
vrais que ce Soufra renferme. Je passe au to<M< (!e la
bonne loi.
Le Lotus (te la bonne lui, qui sans aucune trace d'bis-
toire n'a que lu légende fabuhusa, comme la compren-
nent les Bouddhistes. est moins Intéressant que le ~«?0.
o~at'a et selon toute apparence, Ii lui est un peu posté-
rieur. Bbagavatse trouve à Kadjagriha (3) sur la montagne

(i) jR~a fcA'ef roi pa do M. Ed. Foucsn!t, t. tt, eh. xx),


p. 320.
(2) Idem, <M., ch. xxt)!, p. 3~i. Ces nta du démon sont
appelés « ceux du côté blanc. a
(3) /.o(tM t!e la bonne loi do M. E. Hurnouf, eh. ), p. ).
Voir plus haut, p. 71.
103 –

appelée to pio du Vautour (Gridhrahôuta) (i). tt est en-


tourede douze cents religieux. tous arhats ou vénéra-
Mes, et grands auditeurs d'Ananda son
(Mahâoravatas).
cousin, de doux autres milliers de religieux. do six mille

religieuses, ayant à leur tête Mahapradjapat!, la tante du


Bouddha, et Yacodhara, l'une de ses femmes, de quatre-

vingt mille Bodhisattvas de seize hommes vertueux do


avec vingt millo Htsdos dieux,
Çakra, l'Indra dos Devas.
de Brahma, avec douze mille nts des dieux, d'une foulo
d'autres divinités, et enfin d'Adjaootrou. )o roi du Mnga-

dha, nis de Vaidéni (2). Bhagavat. après avoir exposé le


Soûtra nomme la Grande Démonstration, gardait )o si-
lence plongé dans la méditation appelé )a Place do la Dé-
monstration. Une pluie do ttours divines tumbo sur lui et
sur l'assemblée qui le contemple, quand tout coup un

rayon s'etance d~. cercle de poii qui croissait dans t'inter-


vaito do ses sourcils, et va illuminer ics dix-huit mtito
terres do Bouddha situées & t'oriont, jusqu'au grand enfer
Avitcht. et jusqu'aux timites do l'existence (3). Tous tes
assistants sont frappés do ce prodige, et l'un d'eux le Bo-

dhisattva, Mahasattva Maitraya, s'adressa a Mandjoucr!,

qui est auprès do lui pour savoir ce que signifie cette


merveilleuse. Maitréya expose sa question en
apparition
cinquante-six stances de deux vers chacune (4). Mandjou-
çr! tui répond dans le même style, prose et vers, que ce
rayon de lumière présage que !o Bienheureux va expliquer
le Soûtra développé, appelé toJ!.ot<M de t« bonne toi (8).

(1) ZoHM (<e la bonne toi, de M. E. Burnout, ch. <, p. <-


Voir plus haut, p. 71.
(2) Idem, teM., p. 3.
(3)jf<fem,<oM.,p.<).
(~) /(f<M, <BM., p. 6 ut p. Mb, A('j)0))d)t:o ))' 3.
(6) /(toM, ?<<< p. iC.
iM–
C'est, comme on le voit, une introduction analogue à
celle du MtMMStaro, avec moins de grandeur, et s'il est

possible, avec encore moins de vraisemblance, puisque la


scène est placée sur la terre au lieu d'être supposée dans
le ciel.
Bhagavat sort de sa méditationet répondant a Çari-

pouttra (<). qui no l'avait point interrogé, it lui expose


d'abord en prose, et ensuite dans dos vers qui ne sont
guère qu'une répétition. les difficultés que présente l'on.
seignement de la Loi. A ce moment même. cinq mille re-
ligieux incapables do la bien
comprendre, viennent de

quitter l'auditoire, et le Tathagata s'en féticito (2) puis it

apprend à son disciple que pour enseigner la Loi, il use de


cent miito moyens variés, bien qu'au fond i) n'y ait qu'une
seuto route, un sout pour arriver
véhicule au salut. t) lui

répète en cent quarante-quatre stances ce qu'il vient do


lui dire en une prosn suit~ammont diffuse et pour lui
donner un exemple
dos moyens qu'il applique à t'instruc-
tion doa créatures. il lui propose une parabole (3). Un
vieux père de famille trouve en rentrant chez lui sa mai-
fon tout en feu.
Ses jeunes enfants y sont renfermés
insouciants do ce qui se passe et courant risque d'être
brutes. Le père les appelle en vain tes enfants, qui ne
voient pas l'incendie, ne veulent pas le croire et ils ré-
sistent à ses prières. Pour les séduire, it leur promet,
s'its sortent, dos jouets magninquos; et entr~ autres, il
leur donnera à ce qu'it leur assure trois espèces de chars

propres à les amuser et à les ravir. Les enfants une fois


sortis sains et saufs, le père. au lieu de leur donner des

(i) AofMt df<o &o"He loi, do M. E. Bumo'jf, ch. il, p. lu.

(a)/<tem,~M.,P.26.
(3)/(~m, t6<d.,ch. <)),)'. ~6.
i05 –

chars de trois
espèces, teor présente à tous une seule es-

pèce de chariots. Mais ces chariots sont superbes et très-


richement ornés. Ce père a-t-il donc commis un men-
songe (1) ? Non, sans doute. Eh bien do même le Tatha-
gala, prenant pitié de la légèreté puérile des hommes.

qui. au milieu des misères de lu vie, jouent, s'amusent et


se divertissent, s'aecommode a leur faiblesse. I) leur offre.
pour les faire sortir de l'esclavage des trois mondes, trois
véhicules divers. celui des Çravahas. celui des Pratyéka-
Bouddhas. et celui des Bodhisattvas. Les créatures, sé-
duites comme les enfants do la maison embrasée. sortent
de ta réunion des trois mondes et le Tethagata ne leur
donne alors qu'un seul véhicule. le grand véhicule du
Bouddha, qui mène au Nirvana complet (2).
A cette parabole. quatre des principaux disciples du
Bouddha Soubhout). Katyayona. Kacyapa et Maoudgat*

yayana répondent par une autre, nun d'excuser les incli-


nations misérables qui on<p6chont les hommes d'écouter
et do suivre la Loi (3). Ils sont comme le fils d'une riche
famille qui abandonnerait ses parents pour aller courir le
monde, que te hasard ramènerait, après bien des fautes
et des traverses, auprès de son père, qu'il no reconnal-
traitpas et qui soumis à de longues épreuves heureuse-
ment subies rentrerait enfin dans la bonne route, et dans
]a possession do son héritage compromis par son incon-
duite (4). Bhagavat leur propose encore plusieurs para-

()) ~o«« de la bonna loi do M. E. Buraout, ch. m,


P. M.
(2) <MeM, ibid., p. 63, et aussi eh. li, stenco 68, p. Si.
(3) /<fem, <6M.,ch. tv, p. 62.
(/)) Mem, ibid. p. 68.
106

Mes, dont l'une est très-remarquabte (i). Un aveugle


de naissance se disait « H n'y a ni couleurs, ni formes
« belles ou laides il n'y a pas de spectateurs pour les
a voir; il n'y a ni soleil ni lune ni étoi!es. ni constel-
« lations. » On veut dissuader cet aveugle de cette gros-
sière ignorance. !i résiste, et soutient ses assertions jus-
qu'à ce qu'un habile médecin lui rende la vue. L'aveugte
alors passe à un excès contraire, et se dit « Certes j'étais
« un insensé moi qui jadis ne croyais pas & ceux qui
« voyaient et ne m'en rapportais point eux. Maintenant
« je vois tout; je suis délivré do mon aveuglement, et il
« n'est personne en ce monde qui l'emporte en rien sur
« moi. » Mais de sages Rishis, témoins de cet aveugle-
ment plus redoutable encore que le premier, cherchent &
calmer cette vanité insensée « Tu n'as fait, ô homme
« lui d!sent-i!s, que recouvrer la vue; et tu ne connais
(1 encore rien. D'où te vient donc cet orgueil ? Tu n'as
« pas la sagesse et tu n'es pas instruit. Quand tu es assis
« dans ta maison, tu ne peux rien voir de ce qui est en
a dehors tu ne distingues pas les pensées de tes sembla-
« Nés tu ne perçois pas à la distance de cinq yodjanas
M !e bruit de la conque et du tambour tu ne peux te
« transporter même à la distance d'un kroça sans te servir
« de tes pieds. Tu as été engendré et tu t'es développé
« dans le ventre de ta mère, et tu ne te rappelles rien de
« tout cela. Comment donc es-tu savant? Comment donc
« peux-tu dire Je connais tout? Comment peux-tu dire
« Je vois tout? Reconnais, ô homme, que ce qui est la
a clarté est l'obscurité, que ce qui est l'obscurité est la
« clarté, a L'aveugle, honteux de sa présomption, se fait
instruire par les Rishis dans tes mystères de la Loi et
bientôt les yeux de l'esprit lui sont donnés, comme na-

(1) Z<o<<Mde la bonne loi, par M. E. Burnouf, ch. v, p. 89.


.10'

guère ceux du corps lui ont été rendus par l'habile mé-
decin, qui n'est autre
que le Tathagata (1).
Suivent ici, dans le ~o<Ms de la bonne loi, plusieurs
chapitres qui sont consacrés aux prédictions du Bouddha.
Ces prédictions ne sont pas compromettantes. Le Boud-
dha prédit à quatre de ses auditeurs, Kaçyapa et !eb trois
autres, qu'ils deviendront Bouddhas à leur tour (3). Il
leur désigne le nom sous lequel ils renattront dans l'uni-
vers dont il seront les sauveurs. I) prend même la peine
de décrire pour chacun d'eux, en prose et en vers, la
beauté du monde dont ils seront les chefs de fixer en

eninres précis, quoique fabuleusement énormes, la durée


de leur règne, etc. Il en fait autant pour l'un de ses au-
diteurs moins que les quatre
Illustre autres, Poûrna. qui
avait jadis abandonné une immense fortune pour suivre le
Bouddha (5). Ces prophéties splendides éveillent, comme
on peut le croire, les désirs, si ce n'est t'envie. de ceux

qui écoutent Bhagavat. Douze cents de ses auditeurs ont


tous en même temps cette pensée Si Bhagavat pouvait
aussi nous prédire à chacun séparément notre destinée fu-

ture, comme ii a fait pour


ces grands Çravakas (4)1 Bhaga-
vat devine la pensée qui s'élève en eu: mais ii se contente
de prédire que cinq cents religieux, tous arhats, devien-
dront Bouddhas sous ie nom de Samantaprabhasa, qui

(i) &o«M de la bonne loi, de bl. E. Burnouf, ch. v, p. M.


(2) /<!em, ibid., ch. vt, p. 89. Voir plus haut sur KAçyapa,
page 81.
(3) Idem, ibid., ch. vut, p. 121, at la légende do Poûrna,
dans r7tt<rod. du .BoMfHt. <M< p. 236 et suiv.
à t'Atft.
de pré-
(~~ Idem, <6M., p. 126. Hiouen Thsang parla aussi
dictions faites par io Bouddha a Kaçyapa ot !) Maitréya, pendant
qu'ils séjournaient a Bénarès, p. 133 do la traduction de M. Sta-
nislas Jutict).
M8

sera commun à tous (1). Cependant Ananda, cousin du

Tathagata, Rabouta son fils, avec deux mille autres reli-

gieux, conçoivent le même désir, et il faut que Bhag'<t


prédise à chacun d'eux la destinée qui l'attend; ils seront
tous aussi des Bouddhas sous des noms et dans des uni-
vers différents (2).
Voilà déjà bien des détails extravagants et tout à fait

inutiles, puisque l'exposition de la Loi, promise par le


Lotus, n'est pas donnée mais en voici de bien plus absur-
des encore.
Pendant que Bhagavat déroule ces prédictions qui pénè-
trent de joie, de contentement, de plaisir, de satisfac-

tion, d'atiégresse tous ceux qui en sont l'objet, ou mémo

qui les entendent sans en profiter. tout à coup apparaît


un stoûpa merveilleux, sortant du sol au milieu de l'as-

semblée, fait de sept substances précieuses, haut de cinq


cents yodjanas et d'une circonférence proportionnée (5).
H s'éteve en l'air et se tient suspendu dans le ciel, aux

regards de t'assemblée, qui a tout le loisir de to contem-

pler, et d'en admirer les milliers de balcons jonchés de


Meurs, les milliers
de portiques, d'étendards, de dra-

peaux, de guirlandes, de clochettes, sans parler do l'or


de l'argent, des perles, des diamants. des cristaux des
émeraudes. etc. Une voix sort de ce stoûpa pour louer
Bhagavat de l'exposition qu'il vient de faire de la Loi. ou
plutôt de promettre. C'est la voix d'un antique Tathagata
nommé Prabhoûtaratna (4), qui vient offrir ses hommages

(I) Lotus de la Bonne loi, de M. E. Burnout. ch. vnt, p. i26.


(2) Idem, <6M., ch. M, p. i30.
(3) Idem. ibid. ch. n, p. 1M.
(ù)/<tem, ibid., p, 147. Voir pour les stuupM, t'/tttfod. ~7
t'Mt. du Bouddh. <t~ de M. E. Burnouf, p. 3/)9.
t09
au Bouddha, sa part de l'enseignement.
et prendre Après
avoir réuni des centaines de mille de millions, de myria-
des de hotis de Bodhisattvas pour honorer cet Illustre
vIsiteur, le Bouddha avec l'index de sa main droite sépare
le stoupa par ie milieu et t'on y voit le TathAgata Prabh-

oûtaratna. assis sur son siége, les jambes croisées, ot

ayant les membres desséchés, sans que son corps eût dimi-
nué de volume, et comme plongé dans la méditation. li
sort cependant de son extase; et c'est pour inviter le

Bouddha, qu'il accable d'éloges, a venir s'asseoira coté


de lui dans !e stoupa. Le Bouddha se rend à cette
prière, i
et tous les deux se tiennent dans les airs, parlant à l'as-
semblée qui s'est élevée comme eux dans l'espace par la
puissance surnaturelle de Bhagavat (1).
Puis les prédictions recommencent, et cette fois c'est à
des femmes qu'elles s'adressent. La tante du Bouddha.

Mahapradjapat! la Gotamide deviendra elle aussi, un


Bouddha saton son désir. Yaeodhara, la mère de Rabouta.

jouira du mémo bonheur; et les milliers de religieuses qui


les suivent deviendront des interprètes de la Loi. Il est

probable que pour remplir cette mission surhumaine, les


femmes changeront de sexe et si la légende ne le dit pas

pour celles-ci elle l'annonce formellement pour la Site


de Sagara. roi dos Nagas. qui, pleine de sagesse dès l'Age
do huit ans, se transforme en homme pour devenir un
Bodhisattva en récompense de sa piété (2).
Je sens vraiment un grand embarras à exposer toutes

()) to<tM de la bonne loi, de M. E. Burnout, p. <61 et i62.


(3) Idem, ~M., ch. XM, p. t63, et ch. X), p. i)6J. Dans la
Lotus de la bonne loi, ch. vm, p. 128, il est dit formelle-
ment qu'il n'y aura plus de femmes dans les univers des Boud-
ohos.
tiO-

ces absurdités, peu de grâce que de raison,


qui ont aussi
dans le style des Bouddhistes; et je voudrais les épargner

au lecteur, si je ne tenais à lui donner une idée fidèle de


ces monuments vénérés par tant de peuples, tout étran-

ges et monstrueux qu'Hs sont. Mais pour en nnir, je dois


faire une dernière citation qui, Je crois, dépasse tout ce

qu'on peut trouver dans les Soûtras bouddhiques en niai-

serie et en grossière stupidité. C'est dans le chapitre xx

du to<M de la tonne loi, intitulé Effet de la ptMMOHce


<tM'<M<Mr<~a du JM~yato. Des centaines do mille de my-

riades de kotis de bodhisattvas, on nombre égal à celui

des atomes contenus dans mille univers. sont sortis des


fentes de la terre, après qu'un rayon de lumière est parti
du milieu des sourcils de Bhagavat (1). Ils adorent, les
mains jointes, le Bouddha qui vient de les réunir, et lui

promettent, quand il sera entré dans le Nlrvâna complet,


la Loi à sa place. Le maître les remercie. Puis le
d'exposer
bienheureux Çakyamouni et le bienheureux Prabhoùtora-

tna, qui sont toujours assis sur le trône de leur stoùpa,


se mirent à sourire ensemble. Leur langue sortit de leur

bouche, et atteignit jusqu'au monde de Brahma (2). Ils


s'en échappa en même temps plusieurs centaines de my-
riades de kotis de rayons, Les Tathagatas Innombrables

dont les deux personnages sont entourés les imitent; iis

tirent leur langue comme eux et its opèrent « cet enet de


leur surnaturelle a pendant cent mille années
puissance
A la fin de ces cent mille années. its ramènent
complètes.
à eux leur tangue et font entendre en mêmetemps le
bruit qu'on produit en chassant avec force la voix do la

gorge, et celui qui s'entend quand on fait craquer ses

doigts.

(1) Zo«M <<ela bonne loi, de M. E. Burno"t, ch. xo, p. 93&.


(2) ~em,<6M.,p.28<).
Jtt –
Vraiment la plume me tombe des mains et si je ne me
disais que ces niaiseries misérables sont dans un livre
canonique, je renoncerais à poursuivre. Mais heureuse-
ment la tâche, comme on a pu le voir, n'est
pas toujours
aussi ingrate, et nous trouverons plus tard dans l'exposi-
tion de la morale bouddhique des compensations à tant do
sottise et de dégoût.
Le reste du to<<M de la bonne loi ne mérite
pas une ana-
lyse particulière. Le chapitre xxt et les suivants sont con-
sacrés à peu près exclusivement à énumérer les avantages
que doit procurer aux fidèles la lecture deeosoûtra;et
on lour promet entre autres des formules magiques qui
les préserveront de tout danger (1). Enfin, au vingt-sep-
tième chapitre, Bha<!avat confie le dépôt de la Loi à t'As-
semblée qui vient d'en écouter l'explication, et congédie
ses auditeurs ravis de l'avoir entendu (2).
J'en ai fini avec l'analyse des deux so&tras que je vou-
Jais faire connaître Ce travail, tout fastidi' m'it a été
parfois, était nécessaire. En voyant les al i Ions des
livres qu'on répute pour inspirés, on comp~.tdra mieux
aussi les erreurs bien autrement graves qu'a commises le
Bouddhisme dans sa métaphysique, source de croyances
déplorables pour des peuples sans nombre. Le J!.o«M de ta
donne lui, ainsi qu'on a pu s'en convaincre, est fort infé-
rieur au ZoH~aoMMra.et tous deux assez
représentent
exactement, quoi qu'a des degrés
divers, la classe des
soûtras bouddhiques qu'on appelle de Grand
Dévf'oppe-
ment, et qui appartiennent plus particulièrement aK Népat

(i) tohMde la bonne loi, de M. E. Barnouf, ch. M), p.


&37 etù)8. M. E. Burnoufa a donné ces formules en eo
sanscrit;
sont pour la plupart, des mots sans suite et dcsa))ttëra))ons.
(2) /(!fm, <6M., ch. xxv)), p. 282.
m-
et au Nord. Los soùtras simples sont en généra! oxempts
et bien qu'on y puisse trouver une
de ces extravagances
et des rêveries fnrt ridioules, on n'y
diffusion insupportable
trouve point de ces monstruosités révoltantes (1). Ils sont
de la prédication même du Bouddha, et
plus rapproches
fis gardent la trace do la réalité, tout en la faussant. Au

M. E. Burnouf sur ce point spécial,


(I) Voir la dissertation de
J'MhfO<:<tet<o<t<t<'M<fo<)-e du Bouddhisme <t)f}t'en,!p. 70 et suiv.
La distinction entre les soûtras simples oties soufras dé'eioppës
est do la plus haute importance. Los premiers étant, MM aucun
c'est & eux qu'il faut demander la tradition
doute, antérieurs,
Les sou-
exacte de l'histoire et de la doctrine do Çf~yamouni.
tras d~te)oppës(mahaMipoutiya soufras. mahnyaua soufras)
des croyances pti.
sont venus plus lard, et lorsque déjà le sens
a s'otterer sous t'amas des superstitions et
mitiMS commençait
des commentaires dont elles étaient l'objet. Mais., si cette dis.
tinetionost très-importante, elle est en général aussi tros-difu-

ciie! et comme ces monuments, tout sacrés qu'ib peuvent être,


d'auteur et sans date prëeisf,
sont, pour la plupart, sans nom
il est extrêmement deticat de discerner des nuances que tes Boud-
fixer. Après una
dhistes eux momcs se sont hien gardé do
M.
étude attentive et sagace, voici tes différences principales que
E. Burnouf a reconnues enlro ces deux classes de soufras, qui
uns et tes autres, pour avoir été recueillis
passent d'ailleurs, tes
de la bouche mémo du Bouddha par des auditeurs dont le
témoignage est irrécusable i" ie soufra simple est en prose
vers ne faisant
le soufra développé est en prose et en vers, tes
que répéter, comme dans le ZohM de ta bonne loi, ce qui
dos vers dans
vient d'être dit en prose. Quand it y a par hasard
stances fort courtes,
les soufras simples, ce ne sont quo des
avaient pour objet de mieux graver dans la
qui. sans doute,
et qui remon.
mémoire des Cdetes certains préceptes importants,
font h Çahyamouni M.m8ma (ZotM de la :onn« toi, da M. B.
deux classes de soufras est
Burnout, p. 7i8); 2' ta langue des
sont en san.
différente. Las soufras simples, prose et stances,
~3–

contraire, la réatitoa disparu presque entièrement dans


les soûtras développés pour faire place aux inventions
d'une imagination déréglée qui touche à t'insanie.
It faut ajouter pour être
juste, que les soufras du
Sud, les soûtras singhalais, sont en général
beaucoup
moins déraisonnables que ceux du et c'est là une
Kepât
prouve certaine do leur antiquité (1).

scrit ordinaire, peu correct mais uniforme dans les soufras


développés, les vers sont on un sanscrit barbaro o!) so trouvant
confondues des formes sanscrites,
p&iies et pracrifes. Selon toute
apparence, cotte partie desiivros canoniques a été rédigée hors
do t'Indb en deçà do l'Indus ou au Kaehemiro) 3" tes soufras
simples sont beaucoup plus concis que tes soufras développés;
~jamais un bodhtsattva n'y parait cOté do Çakyamouni; il os:
toujours M)egu6 dans ioTouchita, en attendant qu'il descende
dans !o monda après quo !o Bouddha on sera
sorti: 6° it n'est
pas question dans les soufras simples do ces bodhisaftvas en nom-
bre innni, qui tiennent tant de place dans )o cadre des soufras
développés. L'invention de ces bodhisattvas dola contemplation,
comme tes appoitant les Bouddhistes eux mémos, n'appartient
pas aux premiers temps du Bouddhisme; 6' il n'y a pas dans los
sootras simples de formules magiques, tandis qu'il y on a sou.
vent dans les soufras développés (lotrod. <) t'AM. dtt Bouddh.
ind., do la page
99 e la page 126), M. E. Burnout attache to
plus d'importance & la cinquième do ces dMerences. C'est d'ail-
leurs dans les soûtras simples peu près exclusivement et dans
les légendes (ovadanas) qu'il faut chercher les défaits histori-
ques sur la société brahmanique, au mitteu de laquelle nah et
vit le réformateur. Les soûtras développés no donnent en gônô-
rat aucun renseignement dont i'histoiro puisse profiter. Ils no
sont que des oeuvres d'imagination où la réalité n'apparaît plus.
(<) On peut se convaincre do t'exactitude de cette assertion
on lisant tes soûtras singhatais qu'à donnés M. E. Burnouf dans
les appendices du ~o<M< do ta bonne loi, pages ~~9, ~90 et 63~.
8
U4-
Avant do quitter la légende do Çakyamouni.jo veux.
donner des principaux
pour la compléter, t'expUoaHon
noms par lesquels nous avons vu désigner la réformateur;

i)s sont très-nombreux et tous ont do l'importance au


do la doctrine Ils
point de vue du dogme et philosophique.
se diviser en deux classes, selon qu'ils sont tat-
peuvent
Les noms !aïquos nous sont connus i
qucs ou rellgloux.
celui que le jeune prince reçoit do son père au moment de

sa naissance est Siddhartha. comme nous le savons.

On se rappelle aussi ce
quo signifient les doux noms do

(1), et de Çramana Gaoutama.


Çâkyamouni
t,o nom de Bouddha, le plus cotebro do tous parce
no signino pas autre
qu'on en a tiré celui d'uno religion
ehosoquo le savant, t'ec)a<r6 (2). H vient do la racine
Boudh. connaitre. Ce titre est assez modeste, si on le

compare au ro!o Immense joué par celui qui t'a reçu ou


qui l'a pris; mais Il montre en mémo temps la haute idée

quo le génie tndion a'est faite do la science, qui selon lui


est seule capable de sauver l'homme et de lui assurer,
avec dcspouvolrs plus que divins, une immortalité que tes
dieux mêmes no peuvent atteindre. Comme Jo mot do
U no (autjamats l'om-
Bouddha n'est pas un nom propre,
sans
ptoyer pour désigner personnoUement Çahyamount,
l'article et sans dire le Bouddha. C'est une
y joindre
qualité ajoutée ou substituée au nom sous lequel
simp)o
!o prince de Kapiiavastou était connu dans le monde (3).

On rappe!)o a"ssi assez eou<ant ÇatyaBinha !o lion des


(t)
« !<t solitaire des ÇahyM '). Voir !o Zo<u<
Ç~yas n, au ttou de
<te<f<bonno loi, c)'. t, stances 93 et 08.
(2) 7nfro~. (t t'At~otre <~ J?OH~A. ~)J-, de M. E. Burnouf,

71, on note.
comme nom
(3) jf~m. Mhf. L'usage du mot Bouddha pris
est une faute qui est commise encore trea'souvcnt, et
propre
<1S

Tathogata, l'un des titres lesplus élevés qu'on donne


au Bouddha, et qu'il paraît s'être donné tui-mome, signi-
ne « Celui qui est allé comme ses prédécesseurs, celui
qui a parcouru sa carrière religieuse de la même manière

que les Bouddhas antérieurs. » Par ce titre, la mission de

Çakyamouni se rattache à celle


de tous les sages qui l'ont
devancé, et dont it ne fait qu'imiter les exemptes (1).
Sougata, ou te Bienvenu. est uno épithète semblable,
sous le rapport do l'étymologie, à colle do Tathugata i
mais on voit que )o sons historique et philosophique on
est moins profond. Rite atteste simplement que dans la
croyance bouddhique Çahyamouni est venu pour sauver to
monde et faire le bonheur des créatures (2).
Bhagavat, qu'on no peut guère rendre que par a to
bienheureux, ou le fortuné 0. est io nom le plus ordi-
naire du Bouddha dans les soûtras du Népal. C'était un
titre assez fréquemment appliqué aux grands personnages
dans la langue du Brahmanisme (3) mais dans cotte des
Bouddhistes, Il t'est à peu presexetusivemont au Boud-
dha, ou bien à t'être qui sans être encore Bouddha est sur
le point Il faut pour le mériter
de le devenir. dans toute sa
valeur, avoir accompli envers los créatures tous les actes
d'un dévouement sans bornes) et comme c'est précisément

qu'on fera bien de corriger aujourd'hui qu'on en peut sonur,


t'importanco.
(1) /t)tro(<. <) t'A~t. <!M FoM<Mt. ind.
de M. E. Burnouf,
p. 76 et 76, on note: Foe ~OHS ~f, p. <0t; CsonM do KOros,
~o(. ~tMareAt, t. XX, p. MA; M.Schmidt, ~m. do
t'~cad. <fMM<encM de ~afn(-jP~fM6oMf(/,t. I, p. i08, vf
série; M. Hodgson, 7oMn). of Iho Mfat. soc. of ~ensrat, p.
3M; M. Turnour, ~fa~<ScaMa, intfod-, p. M).
(2) E. Bornent, ~ntrod. d i'h~t. (t«J?ou~<!A. fn(! p. 77.
(3) yftem, ZottM (te ta tonHe to<, p. <t8~.
ne–
par une telle abnégation que le Bouddha devient ce qu'it
est, !e titre de Bhagavat ne convient réellement qu'a lui; i
aussi d'ordinaire, c'est pour lui qu'il est réservé (i).
Le non de Bodhisattva présente dos nuances un peu
plus compliquées. Grammaticalement, il signifie « celui
qui a l'essence de la Bodhi ou de l'intelligence
suprême,
d'un Bouddha (3). Or, pour acquérir etto intelligence
suprême, it faut avoir victorieusement subi tes plus rudes
et les plus longues épreuves, dans une multitude d'exi-
stences successives. On est mûr alors comme on dit en
stylo bouddhique, pour obtenir l'état de Bouddha parfai-
tomont accompli. Mais la volonté la plus énergique et la
plus constante no sufflt pas il elle seule la vertu elle-
mémo est impuissante pour que t'etre arrive à ce degré
supérieur do sainteté. Il faut. en outre, qu'il gagne la fa-
veur d'un ou do plusieurs des ancIens Bouddhas. Quand Il
a su la gagner, il va, dans l'un des cieux qui s'élèvent
au-dessus de ta terre, attendre l'instant do son apparition
dans le monde. Mais, même après qu'M y est descendu, it
reste toujours bodhisattva, et n'est pas encore Bouddha.
Il ne to devient enfin qu'après avoir ict-bas
montré, par
les austérités, par ta pratique do toutes tes vertus, par la
science et l'étude. qu'il est digne d'instruire les créatures

(t) 7nffa(f. A t'A<«. <rM Foxm. ~:d., de M E. Burnoul,


p. 7t, en note. t) parqua la mot de Bhagavat.
appliqué au
Bouddha, est fort ancien dans la langue des Bouddhistes du
nord; car on la trouvo d~!t dans rinseripUon de Bhabra, décou-
verto,cn<840. par M. le capitaine Burt.otquieBt un édit du
roi Piyadasi. Voir piushau), p. 22; 7om'noto/t~<t~a(. soc.
o/ ~en~at, t. tX, u'pnrtio, p. 616, et M. E. Burnouf, Zo~
<fa ta bonne loi, Appendice v x, p. 7<0.
(9) ~nffcd. (H'AM. (ht~ott~A. ~)< de M. F. Burnouf,
p. <00. Pour )aBodh),Yo)rp)M haut, p. 67.
m-
et de sauver l'univers dans C'est à ces
lequel il a paru.
conditions seulement que ie bodhisattva devient Bouddha.
On se rappelle que c'est
là justement toute la série dos
progrès successifs que nous avons trouvés dans le JM~a-
t~at'a. D'abord nous avons vu le Bodhisattva dans to
clol Touchita, séjour de la joie. La H s'entretient, avant
do s'incarner dans le sein d'une fomme, avec les dieux
qui le servent
et auxquels ii enseigne la toi. Puis nous
t'avons retrouvé à Bodhimanda se soumettant durant six
longues années aux mortifications les plus oiïrayantos.
C'est ainsi que. de degrés en degrés.
après avoir pénétré,
par la méditation ia plus profonde. la verUù et les iois des
choses. it devient Bouddha sous l'arbre appelé le Taraya-
na (1). Jusqu'à ce moment suprême. Siddhartha n'a été
que bodhisattva, o'cst-a-diro, en qusiquo sorte, aspirant
Bouddha. Si, durant le reste do son existence, et même
après qu'il est devenu Bouddha, on l'appelle encore bo-
dhisattva, c'est
par une espèce de Hconco orthodoxe. La
mission du Bouddha n'est vraiment
elle n'est
complète,
achevée que quand Il entre d6B))itivemont dans te Nirvana.
et l'on peut jusqu'à co moment lui conserver une dénomi-
nation qui ne lui convient plus parfaitement. Mais. une
fois que le Bouddha est entré dans le Nirvana, to titre do
bodhisattva no doit plus lui être applique car i) y a long-
temps qu'il l'a dépasse.
Souvent on joint au mot do bodhisattva celui do maha-
sattva, qui signifie a celui qui a la grande essence, a ou

(i) Voir phMhaut.p. 68; /t)«-o(!. <t ~of.<!)t FoM<HA. ~)(<.


do M. E. BunMuf, p. <40. La Bodhisattva doit encore fouruir
une existence, tandis que !o Bouddha est désormais soustfait h
ta toi do )a comme 10 Bodhisattva est
transmigration mats,
un futurBouddha, il no peut nxistor !o m0)))0 monde
dans
'n) Bodhisattvn ut un Bouddhe.
~8. ·
bien a grand être, grande créature (1). » Cette seconde
épithète affaiblirait plutôt le sens de la première,
quand
on songe à tout ce que renferme l'idée de la Bodhi pour
les croyants. On peut voir du reste dans !e Lotus de la
bonne loi, au chapitre Intitulé La Position commode, et
dans !e Pradjna pAramita, toutes tes conditions doit
que
remplir un bodhisattva mahasattvo (2).
Un dernier nomqu'on donne quelquefois au Bouddha,
et qui est moins éieve que tous ceux est
qui précèdent,
celui d'arhat ou de vénérable aussi les
que prennent
religieux du degré supérieur (3). Mais. quand il s'applique
au Bouddha, on le oompieteotonio relève en disant:
a Le vénérable du monde a ou « le véneraMo du siëoie M,
autant du moins qu'on en la traduction
peut juger d'après
chinoise (4).
Les Bouddhistes no se sont pas contentés de faire du
Bouddha un idéal de vertu, de science, de sainteté, do
pouvoirs surnaturets its en ont fait aussi un ideat do
beauté physique; et la m6me tournure d'imagination qui
a produit les développements des
extravagants grands
Soûtras, s'est exercée avec autant de diimsion et de pue.
rilité dans le portrait du Tathagata. Il est assez probable

tt) M. E. Burnouf, /n<)-o~. <) fhiat. du ~o)«fdA. ind., p. ù65,


en note.
(2) Z.o«M de la tonne <o<, da M. E. Bm-aouf, oh. xm,
p. <67
et suiv., et dans la PfadjnA paramtta, ch. t", /n<fo< d <*Af«.
du .Cot«MA. <n(! de M. E.Burnouf,
p. M6 et suit. Les détails
dans lesquels entrent ia Lotus et la
Pradjna sont des plus con.
fus et des plus obscurs.
(3) Introd. (; !'M)<. (fM FoofMt. ind., do M. E. Burnouf, p. 80
et 29&, et ZohM do la bonne tôt,
p. 287 et 292.
(4) ~bc ~otteAt, de M. A. Bomusat, p. 68,i0t et ti3.
N<<tof)'e(te<at)f<)<fWo))c)) rAMny, do M. Stanislas Jutien,
p. i2! i68 et passim.
nu–

que, de même que la légende renferme quelques faits


rée!s et historiques, de même le portrait doitdu Bouddha
avoir conservé quelques-unes des particularités de la phy-
sionomie personnelle de Siddhartha (i). Mais)! est bien
difficile encore ici de faire le discernement du vrai et du
faux. Dansles trente-deux signes caractéristiques du grand
homme et dans les quatre-vingts marques secondaires, ii
y a des impossibilités naturelles, ou plutôt des exagéra-
tions qui vont jusqu'à l'impossible. Toutefois, il ne faut
pas négliger ces défaits car i)s attestent quel était dans
ces temps reçûtes le goût de ces peuples. et Ils sont comme
une parUe do leur esthétique, sans parler des renseigne-
ments qu'ils peuvent fournir a
l'ethnographie. Cette
nomenclature exacte des trente-doux signes et dos quatre-
vingts marques secondaires remonte aux premiers siècles
du Bouddhisme, puisqu'elle se trouve déjà dans le Lali-
<(tUMtora (2) elle a do plus une valeur égaie chez les Boud.
dhistes du sud et chez les Bouddhistes du nord. C'est donc
une partie importante, quoique tout extérieure, des
croyances bouddhiques t'en a voulu en faire en quelque
sorte un signalement, que peuvent vériner les intelligences
les plus vulgaires avant de donner leur foi.
M. E. Burnouf a consacré & cette étude un dos appen-
dices les plus considérables du ~o<<M la bonno M. tt a
pris la peine d'étudier et de comparer sept listes différentes

(i) M. E. Burnouf a discuté ce point de vue, qui semble assex


probable, Lotus ~ata !~nKe to<, p. 619, Appendice n" vm.
(2) ~« <c~ fotpa, de M. Ed. Foucaux, t. H, p. i07 et
suiv. M. Abel Rémusat a renversé pour jamais l'hypothèse do
Williams Jones, qui avait voulu faire un nègre de StddMrtha,
parce que ses images io représentent avec dos cheveux frises.
Vnirto mémoire spécial surles signes d'un Boud-
caractéristiques
dha, ~Man~M asiatiqucs, 1.1, p. iOi e) i(!8.
MO-
données par des ouvrages Népalais et Singhalais d'abord
celle du faH«!CM<<n-a; puis cette du vocabulaire penta-
glotte de M. Abel Rémusat (1) une troisième, cette qu'a
empruntée M. Hodgson au Dharma sangraha, termino-
logie religieuse et philosophique des Bouddhistes du Né-
pai (2) une quatrième et une cinquième puisées à un
ouvrage spécial sur ce sujet, le Lakkhana soutta de Ceylan,
qui se trouve dans le recueil intitu!é Dfgha nikaya enfin,
une sixième et une septième, toutes deux singhalaises
aussi, tirées l'une du Mahâpradhâna soutta, qui fait partie
du même recueil, et l'autre du Dharma ou-
pradtpika,
vrage moitié singhalais moitié pâli (3).
Je ne veux pas énumérer un à un les trente-deux signes.
ni encore moins les quatre-vingts marques secondaires
je n'en citerai que les plus remarquables. Le premier signe
est une protubérance du crâne sur le sommet de la tête.
Rien n'empêche de croire que cette singularité de confor-
mation n'ait appartenu à Siddhartha. Le second signe
c'est d'avoir des cheveux bouclés tournant vers la droite
d'un noir foncé et à reuets changeants. La chevelure tour-
née vers la droite rappelle sans doute l'acte du jeune prince
coupant ses cheveux avec son glaive; et les boucles

(1) Abel Rémusat, ~<Mt~eo a~at~HM, t. p. 164.


(2) M. Hodgson, ./owM. of the roy. <Mtfj<. society of Great
Britain, t. p. 31/), et 7o«~. asiot. Me. of Bengal, t. V,
p.91.
(3) M. E. Burnouf, Lotus ~e <ft6o!tne:o<, p. 667, Appen-
dice n<' vnt. Ces sept listes ne diffèrent en général entre elles
que
par l'ordre d'énumération, et, selon toute apparence, elles dé-
rivent d'un seul et même original. Il y a
cependant quelques
caractères que ne contient pas IeZoM(<MM/<!Mt, et qu'ont les
autres listes. Voir !o tableau
comparatif do M. E. Burnouf, Lotus
de la bonne loi, p. b77 Mi.
12t-

écourtées, que l'on avait prises à tort pour celles d'un


nègre, confirment cette tradition, qui vivait encore chez
les Bouddhistes de Ceylan
quand le colonel Mackensie les
visitait en 1797 (1). Ce second signe est tout aussi vraisem-
blable que le premier. Le troisième, qui est un front large
et uni. ne l'est pas moins. Le quatrième. au contraire,
semble bien de pure invention c'est la fameuse touffe de
poils, oùrna, naissant entre les sourcils, et qui doit être
blanche comme de la neige ou de l'argent. Suivent deux
signes qui se rapportent aux yeux. Le Bouddha doit avoir
des cils comme ceux de la génisse, et i'œi! d'un noir foncé.
Les dents doivent être au nombre de quarante, égaies,
serrées et parfaitement blanches. La description passe
ensuite à la voix, qui doit être celle de Brahma à la lan-
gue, à la mâchoire, aux épaules, aux bras, qui doivent
descendre jusqu'aux genoux, beauté que nous compre-
nons peu, mais que les poèmes indiens ne manquent ja-
mais de donner à leurs héros (2) puis à la taiiio, aux
poils, qui doivent être tous séparés et tournés vers la
droite à leur extrémité supérieure puis aox parties les
plus secrètes du corps de là aux jambes, aux doigts, aux

(i) M. le colonel C. Mackensie, ~«a~c R6searchs, t. VI,


p. 453, éd. de Londres, in-4".
(2) Cette forme particulière des bras est célébrée comme uns
beauté des héros dans le Mahâbh&rata et dans le R&mayana
M. E. Burnouf, Lotus ~e ta bonne toi, p. 618. Aux citations que
fait M. E. Burnouf on peut joindre la Bhagavad gu!t&, lect. I,
sloka 18, qui donne de grands bras » à l'un des héros que
nomme Ardjouna. Dans !o 7!<Ma, 3' ashtaka, lecture 8,
hymne ù (p. 363 de l'édit. de M. Max. MuUer, et p. 2M, t. H,
do la traduction do M. Langtois), !c divin Savitri est appelé
Il dieu aux longs bras. »
-t22–
mains, et enBn aux pieds, qui, entre autres et
signes,
outre le coup de pied saillant, doivent être parfaitement
droits, et bien posés.
Les quatre-vingts marques secondaires ne font qu'ajouter
des caractères moins saillants aux trente-deux qui précè-
dent (1). tt
y en a trois pour les ongles, trois pour les
doigts. cinq ponr les lignes de la main dix pour tes
membres en général, cinq pour la démarche, trois pour
les dents canines, une pour le nez six pour les yeux
cinq pour les sourcils. trois pour tes joues, neuf pour les
cheveux, etc., etc.
ïi ne faut pas attacher à toutes ces minuties plus d'im-
portance qu'il ne convient; mais ii ne faudrait pas non
plus les négliger entièrement. ont donné
Quelques-unes
naissance des superstitions qui tiennent une grande place
dans te Bouddhisme. Ainsi. le trente et unième signe du
grand homme, c'est d'avoir sous la plante dos pieds une
figure de roue. De là les Bouddhistes du Népa).
deCeyian,
du Birman, de Siam,
du Laos, etc., ont cru retrouver en
divers lièux l'empreinte du pied du Bouddha
(2) c'est le
fameux Prabhât ou ÇrtpMa, le pied bienheureux dont
l'une des traces tes plus cetèbres se trouve sur le pic
d'Adam à Ceylan, et où la superstition singhataise croit
reconnaître Jusqu'à soixante-cinq figures do bon augure (5).

(t) Lotu8 de bonne loi, de M. E. Burnouf,


p. 683 et suiv.
Appendice n° vm.
(8) Zo<<M tteto toHnetot, de M. E. Burnoat, p. 646.
(3) M. E. Burcouf, Lotus de la bonne loi p. 623 et suiv.,
a énuméré et discuté ces
soixante-cinq ugures, d'après to Dhar-
ma pradtpika singhalois et les
descriptions de divers voyageurs.
Cette superstition du Çr!pada est assez ancienne dans le Boud-
dhismp. Le Mahavan~a, au tv< siecio de notre
ère, en pario dojh,
-12X

J'ai tenu à entrer dans


ces détails, tous
à la fois sur la
vie réelle de Çâkyamouni et sur sa tégendo pour qu'on
pût voir nettement les deux cû~és du génie bouddhique.
D'une part, une grandeur d'amo peu commune; une pu-
reté morale presque accomplie avec uno métaphysique
profondement incomplète et fausse; une charité sans
bornes; une vie héroïque qui ne se dément pas un seul
moment. De l'autre part, une superstition qui ne recule
devant aucune extravagance. et qui ne se rachète que par
une admiration enthousiaste pour la vertu et pour la
science; des deux côtés, de très-nobtes sentiments avec
des erreurs déplorables le salut du genre humain cherché
avec une égale ardeur et la plus louable sincérité des
chutes désastreuses, trop juste position d'un orgueil qui
ne s'est point connu et d'un aveuglement que rien ne
peut éclairer.
Tottos sont les deux faces les plus générâtes
du Bouddhisme. Nous allons les retrouver dans sa morale
et sa métaphysique.

ch. t, p. 7, trad. au v siècle, Fa hian vit uno


de M. Turnour
empreinte dans !o royaume d'0udy& et deux autres Ceytan,
Foe ~otM /H, de M. Abel Rémusat, ch. vm, p. ù5 et 63, et
ch. xxxvM, p. 832 et 3Mt. Au vue siècle, Hiouen Thsang vit un
très-grand nombre d'empreintes dans les royaumes du nord de
l'Inde, dans celui de Kapitha, dans celui du Magadha près de
Radjagriha, et dans divers royaumes de t'tndo occidentale,
Histoire de la vie dWotMK yAMn~, de M. Stanislas Julien
p. 1H, i38,207,210, etc. Le roi Açoka avait fait construire
des stoûpas dans tous tes lieux qui passaient pour avoir conservé
la trace des pas du Bouddha.
12i.

IV.

DE LA MORALE BOUDDHIQUE.

Bien que Çakyamouni soit un philosophe, et qu'it n'ait


jamais prétendu être autre chose, on aurait tort d'exiger
de lui un système méthodique et régulier. A vrai dire. il
n'a point enseigné, quoique les légendes nous le représen-
tent toujours entouré do ses disciples, et qu'il eût étudié
longtemps aux écoles des Brahmanes, Il a plutôt prêché
toute sa vie; et en s'adressant à la foule il n'a pas du
employer tes formes sévères que la science demande, mais
que n'auraient point comprises ses nombreux auditeurs, et
que le génie brahmanique tui.meme n'a que fort impar-
faitement appliquées. Chargé par la mission qu'il s'était
donnée, de sauver
le genre humain et les créatures. ou
mieux encore les êtres et t'unh qrs entier, l'ascète devait
prendre un langage acces~Mo à tous, c'cst-a-dire !e plus
simple possible et !e plus vu)gairo(l). Des procédés rigou-
reux et scientifiques auraient échoué auprès de ces esprits
peu cultivés, qui n'apportaient aux discours du réforma-
teur que leur enthousiasme de néophytes et la sincérité
d'une foi aveugle. Le Bouddha se vante, dans le Ao«« <~
la tonne loi, de t'habitaté des dont il use
moyens pour

(1) M. E Burnouf a remarqué avec sa sagacité ordinaire


que cette condition nécessaire du Bouddhisme expliquait son
infériorité littéraire b t'ëgard du Brahmanisme. L'art, sous
toutes sas formes, est resté a peu près inconnu du Boud.
dhisma; et l'ort du
9ty!e, en particulier, lui est complètement
étranger. La lecluro des soufras est presque insoutenable. Voir
i'7H(fo~<e</oM <! <o~ <ft<Fot«M/)~Mto indien, p. <M.
!ao –

convertir et toucher mais ces moyens,


les êtres
(i) au

fond, se réduisent à l'ardeur de la conviction personnelle


qui l'anime, et au besoin de croire non moins vifdont ceux
qui i'éooutent sont animés comme tut.
Ainsi les idées du Bouddha, quoique très-arretéosdans
son propre esprit, quoique toutes-puissantes sur l'esprit
de ses adeptes, ont été peu précises dans la forme. Le
Bouddha lui-même n'avait rien écrit, et ce furent ses

principaux adhérents qui, réunis en concile aussitôtaprès


sa mort, fixèrent dans tes soûtras les paroles du maitre et
la doctrine qui, tout à l'heure, allait devenir un dogme.
Deux autres conciles, après le premier, rédigèrent défini-
tivement les écritures canoniques telles que nous les avons,
et que les reçurent, en les traduisant, tous les peuples
soumis au Bouddhisme (2). Ce travail de rédaction suo-

(i) Tout un chapitre du AohM de la bonne loi, le second,


do la page i9 a la page 38, est consacré h exposer i'Habiioté
dans i'emploi des moyens.
encore in-
(2) Les deux sources principales pour l'histoire
va tibétain, dont Csoma
complète de ces conciles sont ie Doul
de KOros a donné l'analyse, ~<ot. ~MMfchM, t. XX, p. &i
9t et 297, et io AfoMcoxM singholais, qui a consacré trois
longs chopitres eux trois conciles qu'il appelle dharnmsag-
ga!t!s, Assemblées de la Loi (Mahavansa do M. G. Turnour, de
la page il h la page ù2). Les deux récits, d'accord sur les points
essentiels, dînèrent sur plusieurs faits très-importants. D'après
le Maha~ansa, les dates dos trois conciles seraient 6M, M3 et
309 avant i'ero chrétienne. D'après les Népalais et les Tibétains,
ce serait 643, M3 et IM. Voir aussi i'JM«. de la vie d'~eMen

y~M~, de M. Stanislas Julien p. 96 et 156, et le Foe Aowc


ICi de M. Abel Rémusat, ch, xxv, p. 2<)7, note de M. Kla-
de b1. Landresso. M. Tur.
proth, et ch. xxxvt, p. 3i9, note
nour a publio, d'après les Singhatais, !o récit officiel, et l'on
126
cessivo était fini deux siècles au moins avant nchc ère.
Par suite de ces circonstances diverses, tes théories do
Çakyamouni doivent être en morale et surtout en méta-
physique peu nombreuses et fort simples. Elles sont en
général très-claires et très-pratiques. ce qui n'exclut ni
la justesse ni mtme la profondeur. En un mot, c'est une
philosophie qui doit être bientôt une religion.
On sait d'ailleurs
que !e premier concile réuni à Radja-
griha, sous la protection les
d'Adjâtacattrou, partagea
écritures canoniques en trois grandes classes, que ne
changèrent point tes rédactions subséquentes les Sou-
tras ou discours du Bouddha, le Vinaya ou la discipline,
<- i'Abhidharma ou la métaphysique. Ananda fut chargé do
compiler les Soûtras Oupaii, le Vinaya; et Kaçyapa. qui
avait dirigé toutes les délibérations, se réserva la méta-
physique (1). Les Soûtras, qu'on nomme aussi Bouddha
vatchana. ou parole du Bouddha etMoûtagrantha.io
Livre du texte, sont considérés avec toute raison par les
Bouddhistes du nord comme les textes fondamentaux
(2).
C'est évidemment aux discours a fallu
qu'il puiser tout le
reste.

pourrait dire le proees.vorbat des


opérations du premier con-
cite, Journal do fa Me<<M oofaM~Me dM Fen~tc, t. Vt, p. 6t9
et suiv.
(I) Ces trois classes des écritures bouddhiques forment co
qu'on appelle ie <f<p«o!!a, 00 les Trois.Corbei))es. Voir la pré-
face du JMNMcanM de M. G. Turnour, p. 65, et i'/ofrod. <t
t'n~t. d«~OMMn. ind. do M. E. Burnout,
p. 36 et suiv.
(2) Idem, <&M., p. 86 et i(M. tt no faut pas confondre tes
soufras bouddhiques avec tes soufras des écoles
philosophiques
du Brahmanisme. ëtymotogiqoementt 10 mot de eoûtra no si.
gniBo que discours attachés ou cousus onsemNe; et par suite,
aphorismes, axiomes.
127 –

La première théorie qui se présente, et qui, au point


de vue de !a méthode. doit on effet précéder toutes les
autres, c'est celle des Quatre vérités sublimes (âryani
satyani). E)te est connue do tous les Bouddhistes sans
exception elle est adoptée au sud et & l'est aussi bien
qu'au nord; à Ceylan, au Birman, au PéGu, à Siam, à la
Chine, tout comme au Népat et au Tibet (1).
Ces quatre vérités, les voici
D'abord, c'est i'extst'jnco de la douleur, dont l'homme
est atteint sous une forme ou sous une autre, quelle que
soit la condition éclatante ou obscure dans laquelle il nalt
ici-bas. C'est là un fait malheureusement Incontestable,
bien qu'il no porto pas toutes les conséquences qu'y a vues
le Bouddhisme; et c'est comme une base inébrantabto
donnée à tout l'édifice du système.
En second lieu, c'est la cause do la douleur, que le
Bouddhisme n'attribue qu'aux passions, au désir, à la
faute.
La troisième vérité sublime, propre à consoler do la
triste réalité des deux autres, c'est que la douleur peut
cesser par le Nirvana, ce but suprême et cette récompense
de tous les efforts de l'homme.
Enfin. la quatrième et dernière vérité, qui tient encore
plus étroitement aux croyances particulières du Boud-

dhisme, c'est le moyen d'arriver à cette cessation de la

(<) Le soûtra le plus ancien o!) l'on trouve cette énuméra-


tion des Quatre vérités est io Mahavastou, antérieur a)) Lanta'
vistara, qui an répète t'énonce presque dans ids mêmes termes.
Voir l'lntrod. d t'Mot. du Bouddh. <n<< p. i86, 390, 517 et

629, de M. E. Burnouf, et l'Appendice spécial qu'ii a consacré


aux Quatre véritea sublimes. Voir aussi !o/~« fcft'cf t'ot p<t,
de M. Ed. Poucaux, p. tM et 892.
128- a

douleur, c'est ta voie qui conduit au Nirvana ( marga en


paii magga).
La voie ou la méthode du salut a huit parties, et ce
sont autant do conditions qt.a t'hommo doit
remplir pour
assurer sa délivrance éternelle. La première do ces condi-
tions, selon !o tangage bouddhique, est la vue droite,
c'est-à-dire la foi et l'orthodoxie; la seconde, c'est le ju-
gement droit, qui dissipe toutes les incertitudes et tous
les doutes la troisième, c'est )o langage droit, o'est-a-
dire la voracitéparfaite, qui a horreur du mensonge et
qui le fuit toujours, sous quelque forme qu'ii se pré-
sente !a quatrième condition du salut, c'est de se pro-
poser dans tout ce qu'on fait uno fin pure et droite, qui
règle la conduite et h ronde honnête la cinquième, c'est
de no demander sa subsistance qu'h une profession droite.
non entachéedo péché, en d'autres termes. a la profes-
sion religieuse la sixième, c'est J'application droite de
l'esprit à tous les préceptes do la Loi;
la septième est la
mémoire droite, qui garantit te souvenir des actions pas-
sées do toute obscurité et do toute erreur et la dernière
enfin, c'est la méditation droite, qui conduit dès ici-bas
l'intelligence aune quiétude.voisine du Nirvana (1).

(t) ~a M'ef rotpa, de M. Ed. FouMUt, t. Il, p. 392; i


Zo<<M de la bonne loi, de M. B. Burnouf, paga ii, ch. t, et
p. 332 et M9;~oea&M<s~pmM~o«e, section XXXI, dans ta
t. ï" des ~Man~M (Mto~jtMM de M. A. R~muaat. Les Boud-
dhistes de Ceylan appellent la voie h huit parties d'un sent mot,
atthagga magga (Mhthanga.morga). !) pMoitque les Bouddhistes
d'Ava entendent ces huit parties du Marga en un autre sens t
suivant eu*, ce sont tes quatre degrés ëtaMis dans la hiérarchie
bouddhique entre les reMgiau!t, d'après leur vertu et leur ma-
rite. Chacun de ces degrés est at)Miyit6 en deux autres, selon
i29-

Les Quatre vérités sublimes sont celles Siddhartha


que
comprit enfin à Bodhimanda, sous t'arbroBodhi, après
six ans do méditations et d'austérités; ce sont celles
qu'il enseigna tout d'abord à ses cinq disciples quand tt Ot
tourner pour la première fois la roue de la toi à Bénarès.
C'est parce qu'il les a comprises qu'it est devenu
Bouddha; et quand it prêche sa doctrine au monda. c'est
toujours aux Quatre mérites qu'il donne la préférence sur
les autres parties de son enseignement. Dans sa grande
tutto contre les Ttrthyas du Koçala, en présence do Pra-
sénadjit, lorsqu'il a défait ses adversaires, et que les
Brahmanes s'enfuient en criant « Nous nous réfugions
u dans la montagne nous cherchons un asile auprès des
« arbres. des murs et dos ermitages, o Bhagavat leur
adresse ces paroles do dédain et d'adieu: « Beaucoup
n d'hommes chassés
par la crainte cherchent un asllo dans
« tes montagnes et dans les bois, dans les et
ermitages
« auprès des arbres consacrés. Mais ce n'est pas le ptua
« sûr des asiles ce n'est
pas le plus sûr des refuges. Ce-
«lui au contraire, qui cherche un refuge auprès du
« Bouddha, de lu Loi et de l'Assemblée, quand it voit,
« avec l'aide do la sagesse, les Quatre vét'.téssubttmes,

que les personnages qui les formant sont encore dans la vota
particulière où its marchent, ou qu'ils ont atteint te but du
voyage entrepris par eux. Cette seconde mantefo d'entendre le
Marga me semble postérieure & l'autre, et elle est moins con-
forme a l'esprit générât du Bouddhisme. tt serait peut.6)ro
d'oilleurs assez facile de concilier ces doux intBrpratatioae.
Parmi les cent huit portes de la loi qu'énumero le ZaMtaoft-
tara, ch. tv, les huit parties du Marga tienHont leur
place, et
elles y sont expliquées assez longuement, /a <o&'ef roi pa,
deM.Ed.Foucau]t,t.n,p.M.
9
t30-
« qui sont: la douleur, la cause de la douleur, l'anéantis-
« sement de la douleur, et le chemin qui y conduit, la

« voie formée de huit parties. sublime, salutaire, qui


« mené au Nirvana celui-là connaît le plus certain dos

a asites, le plus assuré des refuges. Dès qu'il y est par-


« venu, i) est délivré de toutes les douleurs (1). »
Si l'on en croit !o tradition des Mongols et des Tibé-

tains, la théorie dos Quatre vérités occupa presque seule

io premier concile et ses travaux se bornèrent à rédiger

tes soûtras qui l'exposent (2). Eito est. en quoique sorte

ta source et fo résumé do toute ta doctrine bouddhique


on t'a réduite, pour l'usage des fidèles, enunostanco
do doux vers que tous les Bouddhistes savent
composée
acte de foi (3).
pur cceur, et qui est pour eux un véritable
Les religieux la répètent sans cesse.

(t) Prd«Mr;/o ~o<Mf<t, dans le Divya avadana. Voir /H<ro-


dMC. d t'A~t. dx J?oH<<dA. <n<f. de M. E. Burnouf, p. 166, et
Csoma do K0r09, ~<<<t< res., t. XX, p. 90.
(a).Mcm, <M(t.,p.683,etM.Sohn)idt, CMeMcA<a<feroft.

~/o~o~,p. i7e<3i6.
(9) Cette stance a été connue pour la premi~ro fois par la
dëcomerto qu'on titM.J.S'ephenson,dan9!o!t ruines d'une an-

cienne villa prts do Hakhra (JoMft). o/'(Ae a)<of. MO. o/'Ben~a<.


tV, p. <at et suiv.) Elle était insorito eur te piédestal d'une
statue mutilée du Bouddha. Quelquo temps après, ou la re.
trouta gravée sur une pierre enfouie dans ta topo de SarnM:. e
près Bonares et presque toutes tes statuettes du Bouddha qu'on
a découvertes, depuis vingt ans. dans les diverses parties de
t'tnde et dans les contrées voisines, la reproduisent. Ce fut Prin
sep qui, te premier rarvint b la dé'ihiffer et h l'expliquer

(7out'n. of tAa Of<at. <oc. of ~on~at, toc. toutt.) Après lui t


MM. Csoma do KorOs, Mi)), ttogdson, Burney, tLasson et Bur-
15i-

A la suite des Quatre vérités sublimes. et immédiate.


mont après ettes. il faut placer un certain nombre do

nouf en ont successivement compiétô l'interprétation. Voici la


traduction que j'en donne, en modifiant un peu à mon tour,
toutes colles dn mes prédécesseurs a De toutes les lois qui pro-
f cèdent d'une cause antérieure, c'est toTathagata qui en dit
« la cause; et quolle est la ccMation de ces lois, c'est ta grand
« Çrâmana qui l'a dit également." On reconnaît sans peine dans
ces deux vers les Quatre vérités sublimes los lois, ce sont la
douleur ot l'oxistonce actueno
qui ont pour cause des f. utes pas-
seos; la cause, c'est la production de la doutour; la cessation
do ces lois, c'est )o Nirvana; enfin, l'enseignement du 'fatha-
gata et du grand Çramana, c'est la voie ou marga qui mono au
Nirv&na. Des deux rédactions sanscrites ot paiies do eetto fo.
mule, M. E. Burnouf, s'appuyant sur des observations tres-
délicates de motriquo, a prouvé qun )a rédaction pâlio devait
Ctre la plus ansionno, Zo<M< da la bonne loi, p. 622 et suiv. A
cotte stance, qui est sacramenteHo, on on Joint souvent une
seconde, qui, a un autre point do vue résume aussi la doctrino
du Bouddha. Csoma doKorost'a trouvëo a la suite de la première
dans les ouvrages tibétains qu'il consuitait (Jour. o/ <Ae a<<at.
Mo. o/ ~m~at, t. !!t, p. 6i, et t. ÏV, p. ji36): elle est repro-
duite fréquemment dans les so&tras ainghaiais. La voici: Abs-
« tention de tout péché, pratique constante do toutes tes
vertus,
a domination absolue do son propre cceur, têt est l'enseigne.
<' ment du Bouddha. » Deux autres stances d'un caractère ana-

loguo se représentent plus souvent encore dans tes eeûtras


népalais; on les rapportait b Çahyamouni tui-memo i) les avait
fait mettre sous son portrait, que Bimbisara envoyait en présent
a Roudrayana, roi do Rorouha Commencez; sortez de la
« maison; appliquez-vous & la toi du Bouddha; renversez Par-
meo de la mort, comme un éléphant renvorso une hutte do
« roseaux. Celui qui marchera sans distraction dans celle
132

moraux qui sont fort simples sans doute, mais


préceptes
que le Bouddha ne devait point négliger, non plus que ne
t'a fait aucun réformateur. Les cinq
premiers decespré-

ceptes sont ne point tuer, ne point voter, ne point com-


mettre d'adultéré. ne point mentir, et ne point s'énivrer,

A ces prescriptions, on en ajoute cinq autres qui sont


d'avoir de
moins graves, mais qui no laissent pf-tnt que
l'importance s'abstenir de repas pris hors de saison; c'est
défendre la gourmandise; s'abstenir de la vue des danses

et des théâtrales. chants, instruments do


représentations
musique, etc.; s'abstenir de porter aucune parure et de se
s'abstenir d'avoir un grand )it; enfin s'abstenir
parfumer
de recevoir de t'or ou de l'argent (t). Ce sont là les dix

a discipline de ta loi, après avoir échappé à la révolution des


a naissances. met'ra un terme & ta douleur. 0 (Roudr&yana
ava(!ana,Btahn)ana Mriha,
D)yotish)<a..PratihâryaSoOtrae<
Avadena Çataita, M. E. Burnout, /nh-o<f. d fMot du BoMfMA.
ind., p. 342, tM et 203, et Zo<'M de la bonne <o<, p. 629 ¡
Csoma de Koros, analyse du Doul va tibétain, ~ot.NMMff~).
t. XX, p 79.)
de pèches varient beaucoup dans les différente
(t) Les listes
M&tfM. Voir M. E. Burnouf, Zo«M de la Canne loi, p. M&,
le vice ou le mal
Appeodtce. n° 2, sur la volour du mot ~pa,
moral; mois cette que j'ai donnée peut être regardée comme la
dans le F'<tt<nMAMa-~o«Mf'
ptne commune. On la retrouve
des Singhateis, qui n'est probablement qu'une autre rédaction
du ~<-<t<(mo~(!oM«'a des Népalais, et qui, comme lui. est
une espèce do traité de casuiatique. Le ~rotfmo~Aa.~etXfa
est cannu par t'anatyse qu'en a donnée M. Csoma de K<Ms,
d'après le Co!<ea. (~'at. Resear. t. XX, p. 59 et 80.) MM.
E. Durnouf et lassen ont donné la table des chapitres du Pdti-
tneft&Aa.~oMtM dans leur ~'Ma< aur <e pdM, p. 20i M. Spie.

ge) t'a également publiée dans son /fommaM~a. p. 36.


i3~ –

aversions ou
répugnances (véramants) que doivent ressen-
tir tous les novices, ou ptutOt tous les hommes qui ont
foi au Bouddha. Les cinq premières règles surtout sont
obligatoires pour tout le monde, sans aucune exception;
mais on peut croire que les autres regardent plus par-
ticulièrement les religieux, qui ont d'ailleurs un code spé-
cial dont je parlerai plus loin. On comprend que les règles
même les plus générales pour
prennent eux un caractère
de sévérité qu'elles ne peuvent pas avoir pour les simples
laïques; et c'est ainsi que les religieux ne doivent pas seu-
lement s'abstenir de l'adultère, it faut, en outre, qu'ils
gardent la plus Inllexible chasteté.
Des ouvrages entiers, au nord et au sud. ont été con-
sacrés à la classification méthodique des péchés et des
fautes 0);mais ces ouvrages, un peu postérieurs ait
temps du Bouddha sont moins
reproduction une
exacte
qu'un dévetoppoment de sa doctrine. et je ne crois pas
devoir m'y arrêter, tout curieux qu'ils sont, parce quejo
ne recherche ici que les pensées mêmes de A
Çakyamouni.
voir la direction toute pratique que le Jeune ascète do
Bndhimanda voulait donner à sa prédication, on peut
douter que ce soit lui qui ait divisé les règt"s morales
qu'il prescrivait en deux cent
cinquante-trois articles,
comme le veut le ~««mo~Aa-SoMM des Népalais (le
Soûtra de l'affranchissement); ou en deux cent vingt-sept,

(t) Outre le .Pfattmo~tt ~ottffa népalais et )o P<!«ma-


&Mo~oMf<<t de Ceylan, le recueil Bingbaiais oppelé Digha.
~VtM~a contient quatre 8outios au moins q<)i ne traitent guère
que de ce sujet capital le &hMM<Mof«..yo«Mo le ~oMMt.
~otttfa, répétition du précédent le Ft'cAMC-Z~o Soulla et ta
~'oMtopfMft-.yoMKa. M. E. Durnouf traduit te premier dqros
M)))ta! toftM de la bonne loi, p. M9 et auiv.
134.

comme le veut le MttttoAMa des Singhalais (1) ou en


deux cent
cinquante, comme le veut l'ouvrage chinois
dont M. Abel Rémusat a fait connaltre le curieux résumé.

(Foe ~OMO .Eï. p. 104 et suiv.) Des distinetions'si nom-


breuses, et parfois si peu tranchées, ne vont point à un
réformateur qui veut convertir la foule; il lui faut des
idées moins subtiles et plus frappantes. Ces analyses mi-
nutieuses conviennent peut-être à i'écote elles ne seraient

pas écoutées de la multitude. Il est bien diittcite aussi de


croire que ce soit !e Bouddha qui ait mis sur la même
ligne que les cinq premiers péchés les cinq suivants dire
du mal du Bouddha dire du mal de la Loi, dire du mal
de l'Assemblée des religieux. élever une hérésie, violer
une religieuse et qui ait fait de la réunion de ces fautes
très-diverses et très-inégales la liste des dix éléments de
destruction (en p&ii, ~OM-M~aMay~t) en d'autres ter-
mes, les dix péchés mortels (2).
Mais on doit penser que c'est bien le Bouddha lui-même

qui a prescrit à ses religieux et à ses religieuses les douze


observances suivantes, dont les ouvrages singhatais et chi-
nois nous ont conservé le souvenir (3) elles sont fort

(1) M. E. Burnouf, lntrod. A <'Mo<. du Bouddh. ind., p. 300


et 303.
(2) Id. ~o<tM<!e!<!6oMt)e!o<,p. M5, Appendice, n°H, sur
la valeur du mot &f:«.
(3) M. Abel Bémnsat, dans son Foe ~oMe ~t, p. 60 et suiv.,
a donné l'analyse du Livre sacré des douze observances (en chi-
nois, C/tt-E'M!-yAeou-?Tto-~H~), qui paratt avoir été traduit
sur )o sanscrit le pâli. On retrouve cette liste des obser-
ou sur
vances religieuses dans le vocabulaire pentag!otte, section Mv,
et dans le dictionnaire singhalais de M. Ctough, t. H, p. 242.
Il est fort probable qu'on découvfirapius tard, soit dans la col-
!3o

sévères, mais Sidduârtna les avait pratiquées lui-même


durant de longues années avant do les imposer aux au-

tres et quand un jeune prince avait donné 'cet héroïque

exemple, il n'était permis à personne parmi les croyants


d~hésiter à le suivre. H ne faut pas perdre de vue que ces

règles ne concernent que les religieux, c'est-à-dire les


hommes d'une piété supérieure, qui ont renoncé au mon-

de, et qui doivent désormais dédaigner tous ses intérêts


et toutes ses jouissances.
La première observance, c'est de ne se vêtir que de
haillons ramassas dans les cimetières, sur les tas d'or-
dures et sur tes routes.
La seconde, c'est de n'avoir tout au plus que trois do
ces misérables vêtements, qu'on a dû coudre de ses mains,
à l'imitation du maître (1).
Ces haiiions doivent être couverts d'un manteau do
laine jaune, qu'on se sera procuré par les mêmes moyens.
pour le vêtement.
Voilà
La nourriture sera plus simple encore. s'ii est possible.
La quatrième observance et l'une des p:us strictes c'est
de ne vivre que d'aumônes on ira les chercher de maison
en maison, dans le vase do bois qu'on pourra posséder à
cet effet.

lection du Népal, soit dans celle de Ceylan des traités spéciaux


sur ce sujet, qui intéresse si directement la discipline; ils fe-
raient partie du ~MM~a. Voir M. E. Burnouf, MMd. <'A!<f.
du FoMfHA. <<)< p. 305 et suiv.
(1) Hiouen Thsang nous apprend que, dans une nuit très-
froide, le Tathâgata dut se couvrir de trois vêtements. C'est

pour cela sans doute qu'il permit à ses religieux d'avoir jusqu'à
trois de ces vêtements faits de haittons. Voir bi. Stanislas Ju.
lien Pie d'Hiouen Thsang p. 209.
136 –

ta cinquième lieu, on no fera


qu'un sent repas par
Jour; et, parla sixième observance, on se gardera do

Jamais prendre des aliments après midi, mémo de simples


friandises. On peut voir dans une foule de So&tras que le
Bouddha iui-mome, aussitôt après son révëii, sort du
dont il doit vivre, et
vibâra pour aller quêter les aliments

que son unique repas est toujours fait avant midi. Le


reste du jour est donné à l'enseignement et à la médita-
tion.
Les règles relatives au logement ne sont pas moins
rudes. On vivra dans la forêt c'est la septième obser-
vance. Tous les Soûtras nous montrent le Bouddha, et
en général les religieux, quittant les bois où ils ont passé la
nuit. pour venir mendier dans la vile voisine. La hui-
tième observance que sous le feuillage
est de ne s'abriter
des arbres; la neuvième, de s'asseoir le dos appuyé sur le
tronc de l'arbre qu'on a choisi comme refuge. Pour dor-
mir, il faut rester assis, et non point se coucher; c'est la
dixième observance la onzième, c'est de laisser son ta-

pis, une fois qu'on i'a étendu, sans le changer deplace (i).
L'ascétisme bouddhique a, comme on le voit, presque
égalé l'ascétisme brahmanique, et sauf les jeûnes excessifs
dont le Bouddha sembte avoir condamné la pratique, le
Bouddhisme est à peu près aussi sévère que la religion
qu'il prétendait réformer. On doit mémo remarquer que

(i) Ces règles, qui prescrivent l'habitation en plein air, sem-


blent en contradiction avec l'institution des viharas,ou maisons
de refuge pour tes religieux, qui remontent cependant auxpre-
miers temps du Bouddhisme, tt est facile de concilier cette op-
position apparente, en supposant que les vMras ne devaient
servir que dans la saison des pluies, et que le reste du tamps,
l'ascèto devait vivre dans la forfit.
137

dans le Brahmanisme l'ascétisme recommandé par les

sages n'a rien d'obligatoire; la philosophie peut le con-

seiller mais l'orthodoxie védique no l'impose à personne.


Au contraire, le Bouddha, tout en voulant adoucir tes
habitudes brahmaniques qu'il condamne, prescrit à ses

religieux un régime austère dont ii leur est défendu de


s'écarter sous peine do dégradation.
A ces onze observances s'en ajoute une douzième d'un
tout autre genre. qui les complète et en fait très-nette-
ment comprendre le but commun. Los religieux se ren-
dront de temps à autre, la nuit, dans tes cimetières pour
y méditer sur t'instabiiité des choses humaines (1).
U me semble qu'après ces détails on doit mieux com-

la portée do ces noms par


lesquels les Boud-
prendre
dhistes se désignent eux-mêmes je veux dire ceux de

Bhikshou, mendiant qui ne vit que des aumônes qu'il re-


cueille, et de Çramana, ou ascète qui dompte ses sens. Le

Bouddha n'avait pas dédaigné de les prendre t'un et l'au-

tre. I! s'appelait tantôt n le grand mendiant a mah&



Bhikshou; et tantôt at'ascète desGotamides.wÇramana
Gaoutama. La mendicité attestait assez qu~ le Bouddhiste

avait renoncé à tout ce qui fait les convoitises et les atta-

chements du monde et son chaste célibat lui refusait

m~me les affections les plus permises de la famille, en lui

assurant. it est vrai, l'empire sur la plus redoutable des

passions humaines. Je ne dis pas que ce soit ainsi qu'on


à la société; mais certaine-
puisse faire des citoyens utiles
ment c'est ainsi qu'on peut faire des saints.

la dernière, bien qu'etto soit


(<) J'ai mis cette observance
vocabulaire pentaglotte: Mais
placée la dixième dans la liste du
en la laissant au dixième rang, elle interrompt la série des
voir
autres qui se rapportent toutes à l'habitation des religieux;
l'lntrod. <) t'A(o<. <<« Bouddh. ind., do M. E. Burnouf, p. 3U.
138

Les règles relatives au vêtement méritent une attention


particulière, et dans !e monde indien ce sont elles peut-
être qui formaient l'originalité la plus frappante des ascètes

bouddhiques. Les Brahmanes admettaient la complète nu-


dité de tours sages et ils se nommaient eux-mêmes par
une expression à la fois juste et spirituelle a tes gens
« vêtus de l'espace digambaras (i). Les Grecs, compa-
gnons d'Alexandre, qui les avaient vus sur les bords de
t'Indus, les avaient nommées par analogie des gymnoso-
pMstes; et c'était, à ce qu'il semble, une mode reçue
dans ta première caste de vivre, même au sein des villes,
dans un état de nudité que les sauvages ne supportent

qu'avec peine. Ce n'est pas à dire que la société indienne


se montrât indifférente à cette
impudeur, que les ascètes
brahmaniques prenaient sans doute pour do la piété; et ce
n'était pas seulement les femmes d'un rang étevé. comme
Soumagadha, la ntte d'Anatha-Pindika. qui étaient révol-
tées dece cynisme (2) c'étaient tes elles- courtisanes
mêmes, comme celle qui se moquait du mendiant Pourâna

Kaçyapa, quand, de dépit d'avoir été vaincu par Bhaga-


vat, it allait une pierre au cou ao noyer dans un

étang (3).

(<) Ils s'appelaient aussi Les gens vêtus de la ceinture do


la Loi. /t)t)'od. <t t'Mot. du Bouddh. M., de M. i!. Burnouf,
page 487.
(2) Soumagadh& disait tristement en voyant tous ces men-
diants nus qui venaient prendre leur repas dans la maison de
sa belle-mère Il Si les personnes respectables ont cette tenue, 1
« comment seront donc les pécheurs? (Soumagadha avadaoe,
VntfOttMC~oH A !'A&<o<re du Bouddhisme indion,'p. 3i2.)
(3) PrMh&rya-Soûtra dans le Divya avaddna, jfM<fOt<MC<<oM
<t <*AMo~ <<M Bouddhisme <M<Mea de M. B. Bumouf,
page i88.
139

La vie religieuse était un idéat que le Bouddha seul


avait rempli dans toute son étendue; mais si tous les
hommes ne pouvaient l'atteindre, tous du moins pou.
vaient, quelle que fût leur position dans la vie, pratiquer
certaines vertus que te réformateur regardait, après « les
« préceptes de l'enseignement comme les plus impor-
tantes. Elles sont au nombre de six l'aumône ou la cha-

rité, la vertu la patience, le courage, la contemplation


et la science. Ce sont là tes six vertus transcendantes

(paramitas) « qui font


passer l'homme à l'autre rive »

ainsi que l'indique t'étymotogie du mot par iequet on les

désigne (1). L'homme en les observant n'est pas encore


arrivé au Nirvana it n'est encore que sur le chemin qui

(t) Chacune de ces vertus sont exprimées respectivement par


les mots dana, cita, kchan'i, v!rya, dhyAna et pradjna, suivis
du mot paramita. Ainsi l'on dit la vertu transcendante de l'an*

mono, dana paramita, cita paramita, etc. Le mut paramita no

peut signiOerqnet'idea de passer l'autre rive, pârom et ita. Mais


on peut te prendra égatoment, soit pour un substantif, soit pour
un adjectif qui devient l'attribut du mot aveclequel il se compose.
bien
Par exemple, dana paramita peut vouloir dire tout aussi
la vertu transcendante de t'anmone, et la perfection de t'au-
m6t)e, que l'aumône passée t'autre rive, en d'autres termes
te Boud-
conçue et pratiquée comme la conçoit et la pratique
dhisme. Au point de vue de la grammaire cotte double nuance
peut présenter quelque embarras; et M. E. Burnouf n'avait

pas pu trancher cemptetemeHt cette dtMcuttô (/n<f0<<. à ~'A~-


toire du ~o<t<!d&. ind., p.M3, et~o<M«to <a6ont!e!o<, t
sur tes dix perfections)
pages B&&et suiv., Appendice n° vu
mais !o sens général ne peut être douteux; et ces six vertus
transcendantes sont évidemment celles que le Bouddha recom-
mande le plus expressément aux hommes. Voir aussi le ~c
fc~r roi pa, de M. Ed. Foucaux, 1.1!, ch. ù, p. 46.
140 –

y mène mais sur la route de la foi. il a quitté ces rivages


ténébreux de l'existence où l'on s'ignore; it sait désor-
mais où il doit tendre; et s'ii manque le but, ce n'est pas
du moins faute de le connaltre (1).
L'aumône. telle quela comprend te Bouddhisme, n'est
point la libéralité ordinaire qui donne à autrui une partie
des biens qu'on possède C'est une charité sans bornes,
qui s'adresse à toutes les créatures sans exception. et qui
impose tes sacrifices les plus douloureux et tes plus ex-
trêmes. Il y a telle légende, par exemple, où le Bouddha
donne son corps en pâture à une tigresse affamée qui n'a-
vait plus la force d'aitaiter ses petits (2). Dans une autre
c'est un néophyte se jetant dans la mer pour apaiser ta
tempête qui menace le vaisseau de ses compagnons, et
qu'a suscitée ta colère du roi des Nagas (5). Le Bouddha
n'est venu en ce monde
que pour sauver tes êtres; tous
ceux qui croient en lui doivent suivre son exemple et no
reculer devant aucune épreuve pour assurer le bonheur
des créatures. La charité doit éteindre dans le cour do

et) Ce n'est pas toujours ainsi que l'on comprend les six ver.
tus transcendantes; et il y des soutras qui semblent en faire
des attributs spéciaux du Bouddha ou des BoddMsattvas. Maia
au temps d'Hiouen Thsang, on comprenait les paramitaa
comme je le fais ici; ~«. de la vie d'Z~oHMt Thaang de
M. Stanislas Julien, p. 67.
(2) Koûpafati avadana, dans te /~otf<t avaddua, /o<rod. (t
t'Af«. dM Bouddh. <nd., p. )69. Voir la «M dW<o«Mt y~a~,
de M. StanistasJutien, p. 89. Plusieurs fois le Bouddha fit
l'aumône de son corps, Idem <M< p 87 et 89 et passim
Foe /rotta ~<, de AI. Abel Rémusat, p. 6&, 6C et 7~) et ~«
<f&'er fo! pa, do M. Ed. Foucaux, p. 167, ICO, 161.
(3) Légende de Samgha Rettehitha, dans le J9(o~ avaddiau,
~n<)'of!. d PM~t. du Bouddh. ind., de M. E. Burnouf, p. 317.
141-
l'homme tout égoïsme ou comme on dit en styte boud-

dhlque, « elle conduit à la maturité parfaite de l'être


« égoïste, n
La vertu « conduit à la maturité parfaite de l'être vi-
« cieux; M c'est-à-dire qu'elle détruit tous les vices dont
l'âme humaine peut-être Elle lui fait franchir
souillée. les

régions ténébreuses et tes quatre existences misérables,


cette de damné dans l'enfer, cette d'animal, cette de préta
et celle d'asoura.
La perfection de la patience « conduit à la maturité
« parfaite de t'être a l'esprit méchant. M et lui fait aban-

donner toute espèce de matice, de désir de nuire, d'or-

gueil. de fierté et d'arrogance (1).


La perfection du courage ou de t'énergie conduit & la
« maturité de l'être indolent, » ft ranime en lui
parfaite
toutes les semences languissantes de vertu. Elle lui fait
traverser « ces régions désertes et ces landes stériles vides

« do tous mérites elle tui fait cuttivertes germes féconds


« que la pratique du devoir dépose toujours dans le cœur
« d'un être doué do moralité. a

La cinquième perfection est une conséquence de la pré-

cédente c'est la perfection de la contemplation a qui con-


« duit à la maturité parfaite de l'être à l'esprit Inattentif,
« et qui lui fait produire en lui toutes tes sciences et les

la patience ne répond guère b t't.


(<) Cette déOniHon de
et qu'on s'en fait d'ordinaire. Au-
que le mot même exprime
tours le Bouddhisme comprend cette vertu comme nous ta com-
prenons noos-mOtnes; etto Mitavtstara loue le Bouddha « de
c s'être plu dans la patience, d'avoir supporté de la part des
« êtres, l'abandon, les persécutions, les injures, tes meurtres
« et les emprisonnements n /~a teA'er roi pa, de
multipliés,
M. Ed. Foucaux, t. JI, eh. xm, p. IM.
t4~-
« connaissances surnaturelles. a En d'autres termes. c'est
une puissance magique que le Bouddhisme promet à la
orëduitté de ses adeptes, en récompense de leur vertu. En
cela, le Bouddhisme n'est pas coupable d'innovation et le
Brahmanisme, longtemps avant lui avait fait ces trom-
peuses promesses, ou plutôt s'était Natté de cette illusion
déplorable (1).
La sixième et dernière perfection, c'est celle de la sa-
gesse « elle conduit à la maturité parfaite de t'être qui a
« une fausse science, et lui fait abandonner les doctrines
«hétérodoxes, les préjugés, les ténèbres, l'obscurité.
« l'erreur et l'ignorance (2). a
A côté do ces vertus, qui peuvent paraître essentielles,

(i) ti faut dire, pour être juste, que, bien souvent, dans les
soufras on trouve do virulentes critiques contra l'art de h divi-
nation et de la magie exerco par les Brahmanes. Le Bouddha
M&mo énergiqusment ces pratiques et les détend à ses religieux;
voir on particulier le Brahma Djata Souna, Zo~M fa bonne
loi, do M. E. Durnouf, p. MS, et la Samanna phala soutta,
/&M., p, M8 et suiv. Si le Bouddha fait des miracles tui.mamo
comme ses adversaires, ce n'est que pour abaisser et confondre
leur orgueit, dans Hntërat des créatures,
~'JMMf~a ~o<)(fa,
dans le Divya avedâna, /t«t'od'. (t <Wo<. du Bouddh. tnd~H,
page 17i.
(2) A ces six vertus ou perfections, on en ajouta plus tard
quatre autres, qui ne sont pas aussi essentielles, et qui d'aiiteurs
rentrent a pau près dans les précédentes. Je ne les cite pas, at-
tendu que culte addition, assez peu utile, est tres'posterienro
a la ptédieation du Bouddha. Voir le Zo<<M de fa bonne loi, do
M. E. Burnout, p. 649. Le Brahma D.jaia goutta, paii, divise
la morale en trois parties la morale fondamentale, la morale
moyenne etla grande morale, Ibid. p. 495. Cette classification
n'appartient pas non plus au Bouddha.
-145-

il en est d'autres qui, pour être do moindre importance,


ont ~ussi leur utilité, et dont le Bouddha recommande la
stricte observation. Ainsi, non-seulement il ne faut pas
mentir, de plus, il faut éviter avec un soin presque
mais,
égal la médisance, la grossièreté de langage, et même les
discours vains et frivoles (1). Ne pas commettre ces fau-
tes, c'est contracter des habitudes respectables ( arlya
voharâ); s'y laisser aller, c'est contracter des habitudes

dignes de mépris. Le religieux, pris en ceci comme le


modèlo des hommes, a de l'aversion pour ia médisance
il ne va pas répéter ce qu'il a entendu pour brouiller les

gens entre eux loin de là, it roconciite ceux qui sont di-
visés il ho sépare pas ceux qui sont unis; ii se p!a!t dans
la concorde; et comme il est passionné pour elle il
tient un langage propre à la produire. JI n'a pas moins
d'étoignoment pour toute parole grossière. Le langage

doux, agréable aux oreilles aftectuoux, allant au cœur.

poli, gracieux pour les autres, est coiuiqu'ii emploie.


Enfin comme ii a renoncé à tout discours frivole, Il ne

parle qu'à propos; il dit ce qui est, d'une manière sensée,


seion Ja Loi et la discipline son discours est toujours plein
do choses, comme il est aussi toujours convenable (3). Dans
une légende, ceiie
de Samgho Mahshita, on voit des reli-

gieux punis de peines fort graves en enfer pour avoir

proféré des paroles inconvenantes, et pour n'avoir point


gardé dans leur langage toute la mesure désirable (3). Si
l'on en croit les traditions roeueiiiies par Hiouen Thsang
à Gravas)!, un bhiksbou nommé Kouhaii, et uno Jeuno

(i) Aofoa <fe la bonne toi, de M. E. Burnouf, p. ù96 et A97.


(2) Samanna pha)a eoutto, id. <M(f., p. M&.
(3) Samgha Rahshita avadana, dans le Divya avadana,
7n<ro~. à i'~ft. ~t NoxftttA. <n(t, p. 329.
lt4.
brahmine, qui avaient ca!omni6 le Bouddha, furent en-
fouis tout vivants dans l'enfer (1). Au
temps du peierin
chinois. on montrait encore les fosses où i!s étaient dis-
parus, disait-on, en expiation de cotte fautp.
Une vertu d'un autre ordre le Bouddha avec
que prêche
une égaie insistance, et qu'it no cesse do pratiquer, c'est
l'humilité. Çakyamount n'a pas compris certainement tous
tes maux que l'orgueil entraîne et les fatales conséquences
qui le suivent d'ordinaire mais it sentait trop profondé-
ment la misère et la faiblesse radicales do l'hommo
pour
l'onivror folio ment des vertus qu'il peut avoir, et no pas
lui proscrire la simplicité du coaur et le renoncement à
toute vanité. Lorsque io roi Prasenadjit, provoqué par les
'itrihyas. engage io Bouddha, qu'ii protège à faire des
miracles qui doivent imposer silence il ses ennemis le
Bouddha, tout en consentant à ce que le roi exige, lui
« Grand
tepond roi. je n'enseigne pas la Loi a mes audi-
« tours en ieur disant Allez, 0 religieux, et devant les
« Brahmanes et les mattrosda, à l'aide
maison, opérez,
« d'une puissance dos miracles supérieurs
surnatureHo, à
M tout ce que l'homme mais
peut faire; je lour dis, on
« leur enseignant ia Loi Vivez. A religieux, en cachant
H vo8)boones(Buvros et on montrant vos péchés (8). H

(i) M. Stances Julien, Histoire <a rio d'j~otMH ~Mny,


p. <2. Ces traditions prouvent quo, dans ia doctrine du Boud-
dha, la médisance et la calomnie passaient pour des pécMs fort
graves, et qu'on les croyait punis par des châtiments tros-ru-
des; voir aussi ioJF~M ~OMe Ni, de hl. Abel Remusat, ch. tx,
p. 174.
(2) Pratiharya Soûtra, difya avadana, cite par M. E. Bur-
nouf, /t)fro<t. d ~t. ttu BoHffdA. ind., p. i70, ot légendedo
i'u0rno,~(f.,p.26<.
-tt~-
C'est on comptant
évidemment sur co sentiment d'hu-
milité, plus naturel d'ailleurs qu'on ne pense, que le
Bouddha put inf' tuer la confession parmi ses religieux.
et même parmi tous les ndètes. Deux fois par mois, à la
nouvelle et à la pleine lune, les religieux confessaient
tours fautes devant !o Bouddha et devant l'Assemblée, a
haute voix. Ce n'et'ut que par le repentir et par la honto
devant soi-même devant les autres qu'on pouvait se
racheter. Dos rois puissants confessèrent au Bouddha des
crimes qu'its avaient commis,quo nous le verrons
ainsi

plus tard pour Adjatacatrou et ce no fut qu'au prix do


ce pénible aveu que les coupables expieront les plus odieux
forfaits (1). Cette institution du Bouddha, quoique d'une

application bien diiuoiie, subsista longtemps après lui; et


dans les édits religieux do Piyadast, le pieux monarque
recommande à ses sujets la confession générale et publi-

quo de leurs fautes tous les cinq ans au moins (2). tt pa-
ratt qu'on rassemblait le peuple a ces époques pour lui

(t) Le Samaona phaia soutt~ tout entier est consacré b t'en-


tfOtien do Bhagavat'et d'Ad~atacatrou (Zotus de la &0t)))e loi,
do M. E. Burnouf, p. M9 et euiv.). La roi io termina en avouant
qu'il a tua son pbre, et on promettftnt do M MumaUfe désormais
H au frein do la régie. B (/6M., p. ~8t). Col aveu suMt pour
l'expiation et ii n'est suivi d'aucun acte do pëniteuco, quoique
ta roi sa soit converti. Voir aussi Csotna do KOros, Ana-

lyso du Bout va, ~of. ~<-Mon~M, t. XX, p. 68,78 et 79; at


M. E. Durnouf, ~XMtt. <t ~'A~f. dM J?oM<î<<A.<t)tt., p. 300.
(2) Voir le premier édit séparé de Dhauti et te troMemo édit
do Guirnor, qui se répète b Dhauiiot b Kapour'di-Guir). ~o«M
la 6o)me tôt, de M. E. Burnouf, p. C83 et 684; /n«-o<f. d
<'A<«. (fH~OH~A. M-, p. 3M; 2%oZro'M 7!f<. do M. Aboi
Itdmusat, p. 20, ot ~f~ot're <te ta vie JWouen Thsang, de
M.S)anMa9Ju)ien,p. t<3.
t"
<0
146

tesprineipea de la Loi et pour engager chacun à


rappeler
faire l'aveu de ses fautes. Cette cérémonie De devait durer

quetroisjours.
Une chose assez étonnante, c'est que le Bouddha, tout
en prêchant le renoncement absolu et Fascétisme au sein
du célibat, n'en a pas moins respecté tes devoirs de la fa-
mitto, qu'il a mis au premier rang. Personnellement, il
s'est toujours montré plein de respect et de tendresse

pour le souvenir de sa mère, bien qu'it ne t'eût pas con-


nue, puisqu'il l'avait sept jours
perdu après être né; mais
les Mgendes nous le représentent sans cesse
préoccupé de
la convertir, et il va plusieurs fois au ciel des Trâyastrim-

cats, où elle réside, pour lui enseigner ta Loi, qui doit la


sauver (1). Dans une des légendes tes plus simples et les

plus belles, Bhagavat s'adresse ainsi aux


religieux, qui
i'écoutent dans le jardin d'Anathapindika, à Djéta-

vana, prèsÇravasti « Brahma.ô religieux, est avec


« les familles dans lesquelles le père et la mère sont
a parfaitement honorés, parfaitementparfaite- vénérés,
« ment servis. Pourquoi cela ? C'est
que, d'après la Loi.
« un père et une mère sont, pour un Sis de famille, Brahma
a M-mamo. Le Précepteur, A religieux est avec tes ia-
« milles dans lesquelles le père et la mère sont parfaite-
« ment honorés, parfaitement vénérés, parfaitement ser-
« vis. Pourquoi cela? C'est que, d'après la Loi. un père
« et une mère sont, pour un fils de famille, le Précepteur
« tui-méme. Le feu du sacrifice, 0 religieux, est avec les

(i) !i parait, d'après le récit d'Hiouen Thsang, que le roi


Prasênadjit avait fait élever une statue au Bouddha, pour con-
server le souvenir de sa piété filiale; ZMff. de la vie <t'~ot«M
MMtt~ do M. Stanislas Julien, p. 125; voir aussi le Foe Xo<M
m, do M. Abel Rémusat, ch. xx, p. 17t.
147-

« familles dans lesquelles ie père et la mère sont parfaite-


« ment honorés, vénérés, parfaitement ser-
parfaitement
« vis. Pourquoi ceta?C'est que, d'après la Loi, un père et
M une mère sont, pour un fils de famille, le feu dusacrinoe
« lui-même. Le feu domestique, o religieux est avec les

a familles, etc. Le Déva (Indra, sans doute) est avec les

« familles etc.(1). Dans une autre légende, Bhagavat


les causes de la piété filiale: « lis font, & roit-
explique
« gieux, une chose bien difficile pour leur enfant, le père

« et la mère qui le nourrissent, qui t'été vent. qui le font


« grandir, qui lui donnent à boire leur lait et qui lui font
« voir les spectacles variés du Djamboudvipa. ? Le fils n'a

manière de reconnaître dignement les bienfaits de


qu'une
ce qu'il leur doit c'est de
ses parents et do leur rendre
les établir dans la perfection de la foi, s'ils ne t'ont pas;

c'est de leur donner la perfection de la morale, s'its ont

de mauvaises moeurs celle de ta libéralité. s'ils sont ava-

res celle de la science s'ils sont ignorants (2;. Voilà


comment un <iis, qui pratique la Loi, peut faire du bien à
il
son père et à sa mère, sans parler de tous les soins dont
les entoure; voilà comment il peut s'acquitter de sa dette

envers ceux dont il a reçu l'existence.


On peut trouver le Bouddhisme qui a une telle
que

par M. E. Bu[nout,/n<o< <tt'M«.


(i) Avadana'Çataka.cite
pas la citation; la suite
jM NOMMA. <nd.. p. i33. Je n'achevé
est évidente de soi. On peut trouver ici un exemple de ces répé-
titions si familières au styte bouddhique. Dans ce passage, du

moins, elles produisent un certain effet; mais elles sont le plus


rendent la lecture tout-a.fait
souvent poussées si loin, qu'elles
insupportable.
A t'A<«. du Bouddhisme ind.,
(2) M. E. Burnouf,Jn(fod.
p. 270, légende de Poûrna.
148

horreur de la vie, n'a guère le droit de prôner des devoirs


et des liens sans lesquels la vie ne serait pas mais c'est là
une contradiction qui l'honore et dont il est même pos-
sible de le disculper. Le Bouddha, pour atteindre à toute
sa perfection et parvenir au Nirvana, doit nécessairement

passer par la condition humaine; et, sous peine d'une in-

gratitude coupable, il ne peut que chérir et vénérer les


êtres sans lesquals la voie du Nirvâna ne lui serait point
ouverte (1).
Je me borne aux théories
qui précèdent en ce qui con-
cerne la morale bouddhique et Je crois que, toutes con-
cises qu'elles sont, elles en renferment la plus grave et la
meilleure partie. On peut les attribuer au Bouddha lui-
même, tandis que les autres, plus subtiles et moins pra-
tiques, n'appartiennent qu'à !'éco)e et à la casuistique

que l'école a fondée.


Je veux terminer ce que j'ai à dire ici par quelques
considérations sur le moyen qu'empioyait te Bouddha

pour propager sa doctrine. Ce moyen unique, qui a aussi


son côté moral, c'est la prédication. H ne parait pas que
le réformateur ait jamais pensé qu'il pût en employer
d'autre. Soutenu et protégé par les rois, 11aurait pu avoir
recours à la force et à la persécution, dont rarement le
prosélytisme se fait faute, pour peu qu'il ait d'ardeur.
Mais toutes les légendes, sans aucune exception, sont
unanimes sur ce point. Le Bouddha n'a choisi ses armes
toutes puissantes que dans la persuasion. I! appelle à lui
les hommes de toutes les castes et l'ensemble des créa-
tures, depuis les plus élevés des dieux jusqu'aux êtres tes
plus dégradés; il les exhorte à embrasser la Loi, qu'il leur

(1) M. t. J. Schmidt, ~em. <!e t'~M«!. ~~atM<<eM6ow~,


t. II, p. 36; et M. E. Burnouf, Lotus.de ht bonne !ot, p. 353.
149-

jxpose; il les charme


par ses discours; il les étonne quel-

quefois par sa puissance surnaturelle. Il ne songe jamais


à les contraindre. Souvent il vient au secours de leur fat-
blesse par des paraboles, dont quelques-unes sont fort in-

génieuses il leur cite des exemples pour les encourager à

l'imitation il puise dans l'histoire de ses existences pas.


sées le récit de ses propres fautes, pour instruire ses au-
diteurs en les effrayant des châtiments dont elles furent

suivies; il se ptait même à ces aveux, du moment qu'ils


sont utiles, et il raconte ses chutes pour les épargner à

ceux qui l'écoutent, et leur apprendre le moyen de les


éviter..
Ne se nor qu'au pouvoir de la vérité et de la raison
c'était se faire une noble et juste idée de la dignité hu-

maine, méconnue d'ailleurs à tant d'autres égards; et


nous allons voir que les individus comme les peuples ont

répondu à l'appel du Bouddha par des vertus délicates et

sincères, qu'on ne s'attendrait point à rencontrer dans ces

temps reculés.
180–

INFLUENCE DE LA MORALE DE ~RYAMOt)M.

bien juger de t'inOuence exercée par


H faudrait, pour
connattre en grands détails
la morale de
Çâkyamonni,
mœurs et particulières dans la so-
t'état des publiques
à laquelle il s'adressait, et l'histoire exacte des peu-
ciété
convertir en leur prêchant la foi
ples qu'il a tenté do
nouvelle. Les renseignements de ce genre, sans nous man-
sont encore trop peu nombreux pour
quer complètement,
des informations suffisantes. Mais, à
qu'on puisse en tirer
leur défaut, les Soûtras peuvent nous offrir une foule de
bien nettement l'action du réfor-
traits qui nous montrent
sur les âmes. Quelques-uns de ces traits sont vrai-
mateur
et il est juste de les rapporter au Boud-
ment admirables
c'est lui qui les a provoqués; car s'il est
dhisme, puisque
des légendes de tout ordre,
un fait général qui ressorte
est profondément corrompue
c'est que la société indienne
où le Bouddha y parait. Yi n'annonce pas di-
au moment
rectement le projet de la corriger en la critiquant; mais,
le seul moyen de salut éternel, il
en faisant do la vertu
l'idéal qui doit
lui apporte le remède dont elle a besoin, et
en l'améliorant. I) est vrai, comme le dit la
la conduire
par un homme ordinaire
légende (i). que at'etforttonté
du Bouddha ou
« pour louer les qualités personnelles
vain que la
« pour les embrasser par la pensée, est aussi

pMi, consacré, comme son


(i) ~<tta alamkara, ouvrage
h t'énumeration des perfections du Bouddha.
titre l'indique,
i!.
citant le Brahmadjàla soutta, Lotus de la 6onHetof,deM.
Burnouf, p.86t
– 151 –
a tentative de percer un diamant avec la trompe d'un pu-
« ceron. Mais quand on dit que la perfection d'un Boud-
« dha no peut être ni décrite ni imaginée par un homme
« ordinaire (en sanscrit pWtAa~ma, en pâti pouthoudj-
« <$<Mo), on ne prétend pas pour cela défendre à cet homme
a de J'essayer; on veut seulement dire que les qualités du
« Bouddha ne peuvent appartenir qu'à lui seul, on ce sens
« qu'elles sont inconcevables et sans égaies. Si, en effet,
« un homme ordinaire ne s'occupait pas sans cesse à célé-
« brer et à se rappeler la perfection du Bouddha, com-
« ment pourrait-il être affranchi de la douleur de la
« transmigration? Par quette voie atteindrait- à l'autre
« rive du Nibbâna ? Comment croitrait-it en foi. en mo-
« raiité. en savoir, on générosité, en sagesse? De même
« qu'une graine de moutarde ou de jujubier, jetée dans
« le grand Océan, n'y pompe l'eau que proportionnelle-
a ment à son propre volume, de même tes hommes or- ·
« dinaires saisissent chacun une qualité du Bouddha pro-
a porttonnetiement à leur propre science, si ce n'est
« proportionneUement à ces quatités mêmes car il est un
« texte qu dit: «Je déclare très-proNtaMeio simple acte
« de penser aux conditions de la vertu à bien plus forte
a raison, la stricte observation de ces conditions en ac-
« tion et en paroles. » Et de même qu'un homme qui n'a
a vu qu'une partie de l'Océan s'appelle un néanmoins
« homme qui a vu i'Ocëan, de même celui qui se rappelle
« sans interruption, ne fût-ce que la plus petite portion
« des quaHtés du Bouddha, qui est à sa portée, est un
« homme qui se rappelle le Bouddha; et il en retire un
a grand avantage, »
Le type de la perfection est donc posé dans le Bouddha;
chacun tâche de s'en rapprocher le plus qu'il peut, et non
-182–

sans espoir de l'atteindre, puisque après tout le Bouddha


n'est qu'un homme, malgré la supériorité incommensura.
ble de sa vertu. Je choisis quelques exemples dans tes lé-
gendes pour montrer ce que le Bouddha faisait des cœurs

qu'il avait éclairés. Je citerai de simples particuliers et des


rois.
Poûrna est le nts d'une esclave affranchie, que son mat-
tre, sur ses pressantes instances, a honorée de sa couche

pour la rendre libre. Elevé dans la maison paternelle avec


trois autres frères, ii se distingue de bonne heure par son
intelligence et son activité. Non-seulement it fait sa for-
tune dans le commerce lucratif
auquel il se livre, mais
aussi généreux qu'habile, il fait celle de sa famille, dont il
n'a pas d'ailleurs toujours à se louer. Il va souvent sur
mer pour son négoce, et d'heureuses spéculations l'ont
bientôt porté à la tête
de la corporation dos marchands,
dont it devient le chef. Dans un de ses voyages, il a pour

compagnons, sur le vaisseau qu'il commande, des mar-


chands do ÇrâvasH qui, la nuit et à l'aurore, lisent à
haute voix des hymnes saints, des a prières qui conduisent
à l'autre rive, des textes qui découvrent la vérité, les
stances des Sthaviras et des Solitaires. Ce sonttesSoûtras
et tes propres paroles du Bouddha. Poûrna. ravi de ces
accents si nouveaux pour lui, est & peine revenu qu'il se
rend à Çrâvast!, et que se faisant présenter à Bhagavat

par Anathapindika. il embrasse la foi dont son cour a été


touché, ïi entre dans la vie religieuse; et le Bouddha,
« à qui l'on ne peut faire un plus doux présent que de lui
amener un homme à convertir, a ne dédaigne pas d'or-
donner et d'instruire M-meme le néophyte. Il lui apprend
en quelques mots que la loi tout entière consiste dans le
renoncement; et Poûrna, mort désormais au monde, veut
183

aller vivre et se fixer chez une tribu voisine qu'il doit ga-
gner à la religion du Bouddha, mais dont les mœurs fa-
rouches pourraient enrayer un courage moins résolu.

Bhagavat cherche à le détourner de ce dessein péritteux


« Les hommes du Çronâpar&nta, où tu veux fixer ton sé-
« jour, lui dit-il, sont emportés, cruels, colères, furieux

« et insolents. Lorsque ces hommes, û Poûrna, t'adrosse-


« ront en face des paroles méchantes, grossières et inso-

« tentes quand ils se mettront en colère contre toi et t'in-


« jurieront, que penseras-tu?- Si les hommes du Çro-

répond Poûrna, m'adressent en face dos


« nAparanta,
méchantes, grossières et insolentes, s'ils se
« paroles
« mettent en colère contre moi et m'injurient, voici ce

« que je penserai Ce sont certainement des hommes


« bons que les Çronaparântakas. ce sont des hommes
<( doux, eux qui ne me frappent ni de la main, ni à coups
« de pierre. Mais si les hommes du Çronaparanta to
« frappent de la main et & coups
de pierre, qu'en pon-
« seras-tu2 Je penserai qu'Us sont bons et doux, puis-

« qu'ils ne me frappent ni du bâton ni de l'épée. – Mais


« s'ils te frappent du bâton et de l'épée, qu'en penseras-
« tu ? – Je penserai qu'Us sont bons et doux, puisqu'il
« ne me privent pas complètement de la vie. Mais s'ils
« te privent de la vie. qu'en penseras-tu? Je penserai

« que les hommes du Çronaparanta sont bons et doux de


« me délivrer avec si peu do douleur de ce corps rempli
« d'ordures. – C'est bien, Poûrna, lui dit te Bouddha tu

« peux, avec la perfection de patience dont tu es doué,


« nxer ton séjour dans le pays des Çronaparantahas. Va

« donc, û Poûrna; délivre, délivre; parvenu à l'autre

« rive, fais-y parvenir les autres; consolé, console; arrivé

au Nirvana complot, fais que les autres y arrivent


-JM-
a ainsi que toi. » Poûrna se rend en effet dans la redouta-
ble contrée; et
par sa résignation ii en
imperturbaNo,
adoucit tes féroces habitants, auxquels il enseigne les pré-
ceptes de la loi et les formules de refuge
(1).
Voilà pour la foi courageuse du missionnaire, bravant
la mort dans
un dangereux Voici maintenant
apostolat.
des héroïsmes d'un autre genre, mais aussi dimoites.
Le Bts du roi Açoka est à Takshaciià où son
(Taxile),
pèrai'a envoyé pour gouverner cette partie de ses Etats,
et où il s'est fait adorer de tous les sujets, quand un ordre
royal arrive qui prescrit d'arracher les deux yeux à Kou-
na!a; c'est le nom du jeune prince. Cet ordre cruel est
envoyé par la reine Rishya.Rakshita, l'une des femmes
d'Açoka, qui abuse du sceau de t'Ëtat et qui veut punir par
cette vengeance affreuse les dédains du jeune prince, qui
n'a point accueilli des avances criminelles. Les habitants
de Takshaçiiâ ne veulent pas accomplir eux-mêmes cet
ordre, qui leur semble inique. On s'adresse vainement ù
des Tcbandalas, qui répondent « Nous n'avons pas le
courage d'être ses bourreaux. » Le jeune prince, qui a re-
connu le cachet de son père, se soumet à son triste
sort;
et quand s'est présenté enfin un homme lépreux et dif-
forme qui se charge de l'exécution, Kounata. se rappelant
les leçons de ses maîtres les Sthaviras. se dit « C'est parce
« qu'ils prévoyaient ce malheur que les sages qui con-
« naissent la vérité me disaient
naguèros «Vois; ce monde

(1) Poiirna .~)o<Mna, ou ~ende de jPottnMt, dans l'Intro.


<h<e~o<t <! <'A~. du Bouddh. ind., de M. E. Burcouf,
p. 236 &
276.etBurtoutp.S63; voir aussi l'analyse du mat ggyour
et du ~Mo«<t)<! <t'M<a!'M, par Csoma de
KOrOs, ~<a<. ~tMar-
<AM,t.XX, p. 6i.
185-
« tout entier est périssable; personne n'y reste dans une
« situation permanente, a Oui, ce furent pour moi des amis
« vertueux recherchant mon avantage et voulant mon

« bonheur, que ces sages magnanimes, exempts de pas-

« sion, qui m'ont enseigné cette loi. Quand je considère

« la fragilité de toutes choses et que je roSechis aux con-


de ce
« seiis de mes maîtres, je ne tremble plus à t'idéo
sais que mes yeux sont quelque chose
« supplice; car je
« de périssable. Qu'on me les arrache donc ou qu'on me

selon ce que commande le roi. J'ai retiré


« les conserve,
« de mes yeux ce qu'ilspouvaient me donner de meilleur,
tous
« puisque j'ai vu, grâce
à eux. que les objets sont
« périssables ici-bas, » Puis, s'adressant à l'homme qui
«Allons, dit-il, arrache d'a-
s'était offert pour bourreau
« bord un œit, et mets-le moi dans la main. » L'homme
les
accomplit ce hideux ouice, malgré les lamentations
cris de la toute; et le prince prenant son œit qui est dans
dit-il,
sa main « Pourquoi ne vois-tu plus les formes,
« comme tu faisais tout à l'heure, vii globe de chair?
et qu'ils
ils s'abusent sont à plaindre les in-
« Combien
à toi en disant: C'est moi! La
« sensés qui s'attachent
second œii est arraché comme le premier. En ce moment
les yeux de la chair, mais
Konnaia. qui venait do perdre
eu qui ceux de la science s'étaient purinés. prononça cette
« L'œii de la chair vient de m'être enlevé, mais
stance:
et irréprochabios do la sa-
« j'ai acquis les yeux parfaits
le Nis du
« gesse. Si je suisdétaissé par le roi, je deviens
« roi magnanime de la Loi, dont je suis nommé l'enfant.
à
a Si je suis déchu de la grandeur suprême qui entraîne
de chagrins et de douleurs, j'ai acquis la
« sa suitetant
« souveraineté de la Loi qui détrait la douleur et te cha.

'< grin.H »
met le comble à tant de résignation et d énor-
Kounaia
i56-

gie par une égale et quand


magnanimité; bientôt après il
apprend qu'il est victime des intrigues de Rishya-Rakshita,
il s'écrie « Ah 1 puisse-t-elle conserver longtemps le
« bonheur. la vie et la puissance, la reine Rishya-Rah-
« shitâ, pour avoir employé ce moyen qui m'assure un si
« grand avantage » Le reste de la légende n'est
pas moins
touchant. Le prince aveugle erre de lieux en lieux avec sa
jeune femme qui guide ses pas en chantant ses mal-
heurs et ses consolations. H arrive ainsi jusqu'au palais de
son père qui, dans sa juste fureur, veut faire périr la
reine coupable de tant de maux. KounaM intercède pour
elle, et no que sur lui seul le malheur
rejette qui l'a
frappé, et qu'il avait mérite sans doute par quelque faute
commise dans une existence antérieure (1).
Vraie ou fausse, cette légende ne doit pas avoir moins
de prix pour nous. Que ce soit le récit d'une aventure
réeMe, ou la simple invention de l'auteur du SoutrA, peu
importe. C'est un conseil si l'on veut. au lieu d'une bis-
toire mais les sentiments n'en sont ni moins nobles ni
moins grands; et c'est toujours la doctrine du Bouddha qui
les inspire.
Dans une autre tégendo, je trouve un exemple délicat
et frappant de chaste tempérance et d'austère charité. Il
y avait à Mathcura (2) une courtisane célèbre par ses
charmes, nommée Vasavadatta. Un jour que sa servante

(i) Açoka avaddna, dans le Divya avaddna, /M<fod. d


<'At)t.<h< FoMtMA. ind., de M. E. Burnouf, p. 368 h 436 at sur.
tout p. M8.
(2) Ville située sur la rive droite de la Yamouna, visitée par
Fa Hian ot Hiouen Thsang, foe Aot«t ~< de M. A. Rémusat,
p. 99 et t')2, et /Ho<. do ta vie d'~<o«M Thsang, de M. St.-
Julien, p. 103.
187
revenait d'acheter dos parfums chez un jeune marchand
elle lui dit « Ma ohôre, it parait
appelé Oupagoupta,
tu achètes
que ce jeune homme te plalt beaucoup puisque
toujours chez lui. a « Fiito de mon maître, répondit la
« servante, Oupagoupta le Sts du marchand, qui est doué
« de beauté, de talent et de douceur, passe sa vie à obser-
« ver la Loi. w Ces paroles éveillèrent dans Vasavadatta
do la passion pour Oupagoupta et quelques jours après
elle lui envoya sa servante pour lui dire « Mon intention
« est d'aller te trouver veux me livrer & l'amour
je avec
toi. » La servante s'acquitta de la commission mais le
« Ma
jeune homme la chargea do répondre à sa maîtresse
« sœur, il n'est pas temps pour toi do me voir. » La cour-
tisane s'imaginaqu'Oupagoupta la refusait parce qu'il
no pouvait pas donner le prix qu'elle fixait d'ordinaire a
ses faveurs. Elle lui renvoya donc la servante pour lui
dire « Je ne demande pas au fils do mon mattre un seul
« karshapana je veux seulement me livrer a l'amour
« avec lui. » Mais Oupagoupta lui fit répondre encore
« Ma sœur, i! n'est pas temps pour toi de me voir. » A
se vendre a un
quelque temps do ta, Vasavadatta pour
riche marchand qui la convoitait, assassina l'un do ses
amants dont otio redoutait la jalousie. Le crime ayant été

découvert, le roi de Mathoura donna l'ordre qu'on coupât


les mains, les pieds, les oreilles et le nez à la courtisane,
et l'abandonnât ainsi mutitéo dans le cimetière.
qu'on
Au récit de ce supplice, Oupagoupta se dit « Quand son
c corps était couvert do bettes parures et de riches orne-
« ments, le mieux était de no pas la voir pour ceux qui
a aspirent à l'affranchissement et qui veulent échapper a
« la loi de la renaissance. Mais aujourd'hui que mutitéo
a par !o glaive, e)!o a perdu son orgueil, son amour et sa
158 –

« joie, do la voir. » Alors Oupagoupta, sa


il est temps
faisant accompagner d'un jeune serviteur pour porter !e
se rend au cimetière avec une démar-
parasol qui l'abrite,
che recueillie. La fidèle servante, qui n'a point quitté
vacavadatta !o voit elle en avertit sa mat-
s'approcher
au miUeu d'a-
tresse, qui. par un reste de coquetterie.
troces souffrances, lui recommando de ramasser les mem-
sous un morceau do toile. Puis
bres épars et do les cacher
debout devant elle. lui
Vasavadatta voyant Oupagoupta
dit « Fils do mon mettre quand mon corps était doux
de parures et
« comme la fleur du lotus, qu'il était orné
f do vêtements précieux, qu'il avait tout ce qui peut attirer
if les regards, j'ai été assez malheureuse pour ne point to
a voir. Aujourd'hui viens, tu contempler en co
pourquoi
« Hou un corps dont on ne peut supporter la vue. qu'ont

s abandonné les jeux io plaisir la joie et la beauté, qui


et qui est souillé de sang et
a n'inspire que t'Épouvante,
M do boue ? a – « Ma sœur. lui répond Oupagoupta, jo
a no suis point venu naguères auprès de toi attiré par
« l'amour du plaisir; mais je viens aujourd'hui pour con-
a nattre la véritable nature des misérables objets M?

a jouissances do l'homme. a Puis ii consulo Vasavadatta


do la Loi et sos discours portant le
par l'enseignement
calme dans i'Ame do t'infortunéo. ello meurt on faisant

un aoto de foi au Bouddha « pour ronattro bientôt parmi


« les dieux (<). n
Je passe maintenant à d'autres traits non moins remar.

la légende attt' me a dos rois. Je commence


quables que

dans io C<c~a avaddna, traduit par


(1) ~MmfOM avaddua,
M. E. Burnouf, M<-o<<. !) t'~M. '< J?o«<t<<. ind., p. i<t7.
i89-

par Bimbisara, le protecteur constant du Bouddha, et le

premier parmi les princes contemporains qui se soit con-


verti. Avant de transférer le siège du royaume à Radja-

griha, Bimbisâra résidait d'abord à Koucagara. La popu-


lation y était fort nombreuse les habitations, pressées
les unes contre les autres, et sans doute en bois. avaient
ou très-souvent à souffrir dos ravages du feu. Le roi, pour
prévenir ces désastres, rendit un décret qui menaçait
ceux qui, faute d'attention et de vigilance, laisseraient
prendre le fou & leur maison, d'être transfères dans la
Forêt froide. Dans ce pays, on appello do ce nom « un
« tiou abhorré où l'on jette tes cadavres, » un cimetière.
Mais pou do temps après le fou prit dans le palais. Le
roi dit alors « Je suis to maître des hommes; si je viole
moi-même mes propres décrets. je n'aurai plus io
« droit do réprimer les écarts do mes sujets, » Lo roi
ordonna donc au prince royal do gouverner il sa p)aoe,
et H alla "tomourer dans la Forêt froide, dans ta ci-
metière.
Totto est la tradition que rapporte Htouen Thsang, et
qu'il trouva vivante encore au vue slèolo do notre ère

quand it visitait lesdo Hadjagriha,


ruines où Bimbisara
avait construit des fortitloatlona, dont los restes jonchaient
te sol (1). tt serait dinictto d'ainrmor que la tradition soit
exacte; mais to caractère que toutes les légendes prêtent
à BimMsara n'y répugne point; et elle atteste tout au
moins que dans l'opinion des peuples bouddhistes, les

p. i69.P!ua
(i) Nttt. do
dotsla vte
vio transporta
dWoMu 7'AMH~,ta do &M. Stanislos Jnlian,
StantatasMien,
p. 169. Plus tard Açoka Iransporlo la capitale fi POll1l1potlUrl1,
BlmbisAea, ou eon
comme BfmMaara,
eommo son Als
nt9 Adjritaçatrou,
Adja<a;atreu, t'avait dbjb
l'nvait <rans-
d~ja teans-
portdo h Hadjagrtha.
160-

être les premiers à observer les Ma qu'ils


rois devaient
rendaient.
On se rappelle qu'un soutta singhalais, que j'ai déjà
tout entier au récit d'un
cité plus baut (1), est consacré
entre
le roi Adjatacatrou, fils de Bimbisara, et le
entretien
environ soixante-
Bouddha, qui doit avoir à cette époque
assassin de son père et persécu-
douze ans. Ce roi cruel,
n'est point encore converti. On
teur de la foi nouvelle,
de l'ouposatha c'est-à-dire de la confession
est au temps
toutes tes
générale, qui avait lieu parmi les bouddhistes,
à la nouvelle et à la pleine lune. La nuit est
quinzaines,
et le roi entouré de ses ministres sur sa ter-
splendide;
le frais, admire ce grand spectacle. H
rasse, où ii prend
sans doute le souvenir de
se sent ému et se rappelant
ii veut, à l'époque où tant de coupables font
son forfait,
l'aveu dateurs fautes, aller témoigner son respect a quelque
retour le saint homme rende un
Brahmane, pour qu'en
à son Ame déchirée par le remords. Ses mi-
peu do calme
nistres lui proposent divers Brahmanes; mais l'un d'eux

cite. Bhagavat et le roi se décide à se rendre sur le champ


des torches, ti va le trouver dans
auprès do lui à la lueur
où sont réunis autour de lui treize
un bois de manguiers,
et il lui demande un entretien,
cent cinquante religieux
lui accorde. Le roi ne lui découvre pas
que la Bouddha
d'abord le vrai motif qui l'amène et avant d'en venir a

l'aveu qu'il médite, ii lui pose une question qui s'y ratta-

che assez étroitement, quoique d'une manière indirecte,

et qu'll a vainement posée à tous les Brahmanes qu'il a


« Peut-on dès cette vie annon-
consultés jusqu'à ce jour

(<) Voir plus haut, p. 1M.


i6i

« cor d'une manière certaine aux hommes le résultat


« prévu et général de leur M Le roiexpose
conduite? tes
doutes que lui ont laissés les réponses des gens les plus
habiles et it veut avoir l'avis du Bouddha, qui par une
longue et savante démonstration, que termina l'exposition
des Quatre vérités sublimes, n'hésite pas à lui affirmer que
les actions humaines ont un prévu et inévitable.
résultat
Le roi, éclairé par cette lumière de la Loi, comprend
toute t'énormité de son crime; et, pénétré de repentir, il
dit au Bouddha « Je me réfugie auprès de Bhagavat,

« auprès de la Loi, auprès de Consens, ô


t'Assemblée.
« Bhagavat, à me recevoir comme Mè!o, aujourd'hui que
« je suis arrivé devant toi et que je suis venu chercher un
'< asile près de toi. Un crime m'a fait transgresser la loi.

« seigneur, comme à un ignorant, comme à un insensé,


« comme à un criminel.
pu, pour obtenir le pouvoir
J'ai
« suprême, priver de la vie mon père, cet homme juste.
« ce roi justel Que Bhagavat daigne recevoir de ma bou-
« che l'aveu que je fais de ce crime afin de m'imposer

« pour l'avenir le frein do la règle. » Bhogavat, con-


formément à ta Loi, lui remet sa faute, qu'ii vient
on t'avouant devant toute cette nombreuse as-
d'expier
semblée (t).
Un autre roi, bien plus puissant que ne l'avait été

Adj&tfcatrou, Açoka, si fameux d'abord par sa cruauté


et ensuite par sa piété fastueuse, donne dans une légende
un exemple d'humilité, moins pénible que celui-là sans

doute, mais dont peu de rois seraient certainement ca-

(I) .MMNMo phala soulta, du M~a M<Mya, voir la Zo<!M


de la bonne loi, de M. E. Burnouf, p. M9 & 482. Un outre
soutta singhatai! ta Sou6ha MMMs, rapporte t'entretien d'Adja.
termes.
tacatrou et de Bhagavat dans les mêmes
A1
n
-162–

H vient de se convertir, et H est dans toute la fer-


pables.
Ausi chaque fois qu'il rencontrait
veur d'un néophyte.
des ascètes bouddhistes, a des fils de Çâk~a. » soit dans

soit isolés, ii touchait leurs pieds de sa tête et


la. foule
L'un de ses ministres, Yaças, quoique con-
les adorait.
s'étonne de tant de condescendance; et
verti lui-même,
il a le courage de représenter à son mattro qu'il ne doit
ainsi devant des mendiants sortis de
pas se prosterner
les castes. Le roi accepte cette observation sans y
toutes
mais, jours après, il dit à ses con-
répondre; quelques
seiiiers qu'il désire connattre la valeur de la tête des di-
et leur enjoint de vendre chacun une tête
vers animaux,
Les
d'animal. C'est Yaças qui doit vendre la tête humaine.
têtes sont vendues à des prix différents mais celle-
autres
n'en veut; et le ministre est forcé d'avouer
'ia, personne
même gratuitement, il n'a point trouvé à la placer.
que,
donc, dit le roi, personne n'a-t-il voulu
« Pourquoi
« de cette tête humaine?– Parce qu'elle est un objet

et sans valeur, répond le ministre. Est-


« méprisable
n ce cette tête seule qui est méprisable, ou bien toutes

le sont-eiies? Toutes les têtes hu-


« les têtes humaines
–Eh quoi! dit Açoka est-ce que
« matnes, dit Yaças.
aussi serait méprisable? a – Le ministre
« la mienne
n'ose dire la vérité; mais le roi lui
retenu par la crainte,
de parler selon sa conscience et ayant obtenu
ordonne
la réponse qu'il en attendait: «Oui.
de sa franchise
« ejoute-t-it, c'est par un sentiment d'orgueil et d'enl-
de me prosterner
« vremeut que tu veux me détourner
les religieux. Et si ma tête, ce misérable objet
« devant
K dont personne ne voudrait pour rien, rencontre quel-
« que occasion de se purifier, et acquiert quelque mérite,
a-Ht là de contraire à l'ordre? Tu regardes la
« qu'y
caste dans les religieux deÇahya, et tu ne vois pas les
163

a vertus qui sont cachées en eux. On s'enquiert de la caste

« quand il s'agit d'une invitation ou d'un mariage, mais


« non quand il s'agit de la Loi; car les vertus ne s'in-
« quiètent pas de la caste. Si le vice atteint un homme
« d'une haute naissance, on dit « C'est un pécheur, a
« et on le méprise. Mais on ne fait pas de même pour un
« homme né d'une famille pauvre et s'il a des vertus
M on doit l'honoreren se prosternant devant lui. » Puis,

interpellant plus directement son ministre, le roi pour-


suit « Ne connais-tu pas cette parole du héros compa-
a tissantdes Çakyas Les sages savent trouver de la va-
« leur aux choses qui n'en ont pas? Lorsque je veux
« obéir a ses commandements, ce n'est pas une preuve
« d'amitié de ta part
que d'essayer de m'en détourner.
« Quand mon corps, abandonné comme les fragments de
« la canne à sucre, dormira sur la terre, il sera bien in-
« capable de saluer, de se lever et de réunir les mains en
« signe de respect. Quelle action vertueuse serai-je alors
« en étatd'accomplir? Souffre donc que maintenant je
M m'incline devant les religieux; car cetui qui sans exa-
« men se dit « Je suis le plus noble » est enveloppé
« des ténèbres de l'erreur. Mais celui qui examine le
« corps à la lumière des discours du sage aux dix for-
« ces (I), celui-là ne voit pas de diiférenco entre le corps
« d'un prince et celui d'un esclave. La peau la chair. les
« os la tête, sont les mêmes chez tous les hommes les
« ornements seuls et les parures font la supériorité d'un

(1) Dapabala, « celui qui a les dix forces, » est un des sur-
noms les plus fréquents et tes plus élevés du Bouddha voir le
Zot<M do la bonne loi, de M. E. Burnouf, Appendice n" H, oh
cette question est traitée spécialement.
<64-
« corps sur un autre. Mais ressentie! en ce monde, c'est

« ce qui peut se trouver dans uncorps vit et que les

« sages ont du mérite à saluer et à honorer (1). »


Je ne sais pas trop ce que nous pourrions ajouter au-
à ce noble et stoïque langage; mais que le roi
jourd'hui
Açoka l'ait tenu réellement ou qu'on le lui prête, il n'en

est dans des ouvrages qui sont


pas moins remarquable
antérieurs de deux ou trois siècles à notre ère.

Maintenant je quitte les légendes, dont l'autorité peut


être contestable, et j'aborde le terrain solide de
toujours
l'histoire. Ce même roiAçoka, dont nous venons d'en-

tendre les opinions si hautes et si sensées sur l'égalité des

hommes, est celui qui, sous le nom de Piyadasi. a pro-

mulgué ces édits gravés sur la pierre dont j'ai déjà fait
usage pour établir la date authentique du Bouddhisme (3).
Ces inscriptions, dont il n'a été question que sous le rap-

port de la chronologie, sont encore plus intéressantes par


leur contenu que par l'époque à laquelle elles se rappor-

tent et qu'clles constatent. On le croirait à peine, mais

ce sont des leçons omoieltos de morale que Plyadasi donne

à ses sujets dans les édits qu'il a fait graver on vingt en-

droits de l'Inde, à l'ouest, à l'est, au nord ce sont des

édits de tolérance qu'il a rendus, et l'on ne peut attribuer


des idées si généreuses et si avancées qu'à l'influence des

doctrines du Bouddha, dont Piyadasi s'était fait le tout-

puissant protecteur. Qu'on en juge.


Je commence par l'édit qui est placé à Guirnar le hui-

tième, et qui se trouve répété avec quelques variantes

dans le Divya ~foaddna, 7n<f0(!. à


(<) Açoka ~M<Mtt<t,
t'M«. <h<JSot«MA. ind., de M. E. Burnouf, p. 37<).
(2) Voir plus haut, page 21.
165-

à DhauM et à Kapour-di-Gulri. C'est celui


peu importantes
où le pieux monarque annonce à ses peuples sa conver-

sion à la foi du Bouddha « Dans le temps passé, dit

« Piyadasi, les rois ont connu


les promenades de plaisir
o c'était à la chasse et à d'autres divertissements de ce

« genre se livraient alors. MaisPiyadasi, le roi


qu'ils
« chéri des Dévas, parvenu a la dixième année depuis
« son sacre, a obtenu la science parfaite qu'enseigne le'

« Bouddha et la promenade de la Loi est désormais la

K seule lui convient de faire ce sont la visite et


qu'il
a l'aumône faites aux Brahmanes et aux Samanas, la vi-

« site aux théras, la distribution de l'or en leur faveur,

« l'inspection du peuple et du pays, l'injonction d'exécu-

« ter la Loi. tes interrogations sur la Loi; voilà les seuls


« plaisirs charment désormais Piyadasi, le roi chéri
qui
« des Dévas, dans cette période de temps différente de

« celle qui l'a précédée (1). »


A cette première déclaration, qui marque une ère toute

et comme nous dirions, un changement de


nouvelle
dans le gouvernement du roi Piyadasi, j'en
système
ajoute une autre qui la complète et qui révèle encore

mieux ses intentions magnanimes. Je ia trouve dans le

dixième de ses édits, répété comme le précédent a Guir-

à Dhauti e' à Kapour-di-Guiri, dans des endroits


nar.

de cet édit par Prinsep, Jour-


(1) On peut voir la traduction
tta< c~a~Mt. soc. o/~H~)<, t. VI et VI!; par M. Wilson,
7oM)'n. of the ro~. ~<ta<. Me. of Cn)a< Ff«oh), t. XII,

p. M9, et par M. Lassen, Jnd~che ~Mer~Mms&Mn~, t. Il,


de la tonne loi, p. 767.
p. 227, et par M. E. Burnouf, AohM
Il tant Hro d'aillours tout f'ntier !o savant travail do M. Ch.
Lassan.surto regno d'Aco!<a otsongouvorncmont./Htt. ~<fe<-<&.

t. tt, p. 216 a 27').


166

éloignés de plusieurs centaines de lieues les uns des


autres.
« Piyadasi, le roi chéri des Dévas, pense que ni la

« gloire ni lu renommée ne sont d'un grand prix. La


« seule gloire qu'il désire lui-même,
pour c'est de voir
t< ses peuples pratiquer longtemps l'obéissance à la Loi.
« et accomplir tous les devoirs que la Loi impose. Tetto
« est la seule gloire et la seule renommée que désire
« Piyadasi, le roi chéri des Dévas; car tout ce que Fiya-
n dasi, le roi chéri des Dévas, peut déployer d'héroïsme,
« c'est en vue de l'autre monde. Qui ne sait que toute
« gloire est peu profitable, et que souvent au contraire
« elle détruit la vertu? C'est une chose bien dimcite quo
« le salut pour un homme médiocre comme pour un
« homme de haut rang, à moins que par un mérite su-
« prémoii n'ait tout abandonné; mais le salut est plus
«difficile encore dans un rang élevé (1). »
Ces déclarations solennelles
ont précédé, comme ollos
ont suivi, la convocation du troisième concile qui se tint
à Patalipoutra sous la protection de ce même roi, dans
la 17" année do son règne. J'ai parlé plus haut de la mis-
sive qu'il avait adressée aux religieux réunis à cette

grande assemblée (2). La voici telle qu'ctte résuite do

(<)0a peut comparer pour cet éditcomma pour l'autre les


traductions diverses qu'en ont données Prinsep, M. Wilson pt
M.E. Burnouf, Journal of the <M(a<MC.of~e~s<,t.VH,
l'" partie, p. 240 et 268; Journal of the roy. aoiat. aoe. of
Gfea< JMfa<M, t. Xit, p. 209 et 212 et Zo<<M de la bonne loi,
p. 669, Appendice n" x, § <, sur le mot Anyatra. La traduction
de M. E. Bnraout, quo j'ai surtout suMo, ditlero dos deux
autres dans sa do'nieto partie.
(2) Voir plus haut, p. 23.
-~6~
M. le colo
l'inscription dite de Bhabra qu'a découverte
entière, la iln seule
ne! Bart. Je la donne toute quoique
étudions en
nous intéresse pour te point spécial que nous
ce moment
a Le roi Piyadasi à t'assemblée du Magadha, qu'il fait

« saluer, souhaite peu de peines et une existence agréaMe.

« ït est bien connu, seigneurs, jusqu'où vont et mon res-

a pect et ma foi pour le Bouddha pour la Loi, pour


bien-
« t'Assemblée. H n'y a que ce qui a été dit par te
Il faut donc mon-
a heureux Bouddha qui soit bien dit.
en sont les autorités; c'est
« trer, setgneurs, quelles
Loi sera de longue durée; etvoiia
« ainsi que !a bonne
ce que je crois nécessaire. Mais en attendant que vous

voici, seigneurs, les sujets qu'embrasse


« ayez prononcé,
la disci-
« la Loi tes règles marquées par le Vinaya (on
des Arlyas, les dangers
« piine), les facuités surnaturelles
et le soûtra du solitaire la doc-
« de l'avenir les stances
et l'instruction de Mhoula (La-
« trine d'Oupatissa
en rejetant les doctrines fausses. Voilà tout ce
a ghouia),
ie bienheureux Bouddha. Ces sujets
« qui été 'par
seigneurs, je désire, et c'est la
« que la Loi embrasse,
et
« gloire à laquelle je tiens ie plus, que les religieux
les écoutent et tes méditent constam-
«les religieuses
deux sexes. C'est
« ment. aussi bien que les fidèles des
écrire
a dans cotte vue, seigneurs, que je vous ai fait
et ma déclaration (1). a
« ceci; telle est ma volonté

S.Burt, Journal o~e<M<a<.Mc. of~at.IX,


(i)J.
Lotus de la bonno loi, p. ?26. la tra-
p. 6i6; M. E. Burnouf,
diftëre beaucoup
.iuction de M. E. Burnouf, que t'ai reproduitf,
de celle des Pandits do Calcutta mais Je crois pouvoir affirmer
indi.
a touto raison contre les docteurs
quo notre savant confrère
gènes.
iC8–

A partir de sa conversion jusqu'à la un do sa vie, Açoka


ne cessa point d'adresser à ses peuples des exhortations
aussi utiles, et il put s'applaudir bientôt du succès de ses
eiforts. Voici
quelques fragments d'un édit
qui est daté
de la douzième année de son règne. et qui atteste que ces

prédications royales, propagées par les seuls moyens dont


on pouvait disposer alors, n'étaient pas restées sans
effet
« Dans le temps passé, pendant de nombreux siècles.
a on vit pratiquer uniquement le meurtre des êtres vi-
« vants, la méchanceté envers les créatures le manque
« de respect pour les parents. et !o manque de respect
« pour les Brahmanes et les Çramanas. Aussi en ce jour.

« parce que Piyadasi, le roi chéri des Dévas. pratique la

« Loi, le tambour a retenti la voix de la Loi s'est fait


« entendre. Ce que
depuis bien des siècles auparavant on
a n'avait point vu, on l'a vu prospérer aujourd'hui par
« suite do l'ordre que donne Piyadasi le roi chéri des
a Dévas, de pratiquer la Loi. La cessation du meurtre
« des êtres vivants et des actes de méchanceté à l'égard dos
« créatures, le respect pour les parents, l'obéissance aux

a pères et mères, l'obéissance aux anciens, voiià les


« vertus, ainsi que d'autres pratiques recommandées par
« ia Loi. qui se sont accrues. Et Piyadasi, le roi chéri des
<t Dévas. fera croître encore cette observation de la Loi
« etiesiiis, et les petits-fils et les arrière-petits-Bis do

t< Ptyadasi, le roi chéri des Dévas. feront croKrecetto


« observation de la Loi jusqu'au Kaipa de ia destruc-
« tion (<). »

()) Voir !a trad'icuon de M. Wilson dans 7oHfH. o/ </<e ro~.


N<<at. soc. of Great jC)'«a<t!, t. XII, p. J77; )a traduction pa)-
tieiio do M. 0). Lasson, ~(t. Alterth., t. H, p. 226, et cc)to do
ttM–

édit est le quatrième de ceux qui sont inscrits sur


Cet
la colonne de Guirnar. Dans le onzième, qui !o reproduit
en partie, on trouve la confirmation et le développement

da ces préceptes moraux.


« Piyadasi, le roi chéri des Dévas a parlé ainsi It n'y

a a pas de don pareil au don do la Loi, ou à t'étoge de


« !a Loi. ou à la distribution de la Loi, ou à la concorde
la Loi s'accomplit La
« dans la Loi. Et voici comment
et pour les serviteurs a
« bienveillance pour les esclaves
« gages, et l'obéissance aux pères et mères sont bien; ta
« libéralité envers les amis, les compagnons et tes pa-

envers les Brahmanes et les Çramanas est bien


« rents.
« te respect de la vie des créatures est bien. Voilà ce qui

« doit être dit par un père. par un fils. par un frère, par
« un ami, par un compagnon, par un parent et même par
« de simples voisins. Tout cela est bien et tout cela est
a un devoir. Celui ainsi est honoré dans co
qui agit
l'autre, un mérite infini résulte do ce
« monde; et pour
« don do la Loi (1). »
ans
Dans un règne qui no dura pas moins de trente-sept
avant 3. -C.) Açoka poursuivit avec persévé
(263-226
et
rance les réformes morales qu'il avait entreprises
voici t'édit de la vingt-sixième année de son sacre, Il est

x.
M. E. Burnouf, Lotus (!e la bonne <o<, p. 731. Appendice n"
tes Brahmanes
On pont remarquer que Piyadasi met dans ses édits
avant les Çramanas; mais dans ceux qui ont 6t6 promulgués après
les Brahmanes.
!o concile, ii met toujours las Çramonos avant
de Prinaep, 7oM<-n. of ~e fo! ««<'<.
(i) Voir tes traductions
soc. o/e~o<, t. VII, p. 240 et 269; do M. Wilson, 7oMrn. of
2t3 de M. H.
thé ro~. a<(a<, Me. of Great jBW<a<n. '.Xtt, p.
h" x, ft couo
Hurnouf, Zo<tM <!e la bonne loi, p. 736. Appendice
do M. Lossoo, qui est paftiuiio, /n't. ~ff'rM., 11, p. 229.
no-
inscrit sur le pilier de DehU, à la face qui regarde le nord,
et sur les colonnes de MatMat), de RadMau et
répété
d'Allababad.
« Piyadasi, le roi chéri des Dévas, a parlé ainsi La

« vingt-sixième année depuis mon sacre, j'ai fait écrire


« cet édit de la Loi. Le bonheur dans ce monde et dans
«l'autre est dunette à obtenir sans un amour extrême do
« la Loi, sans une extrême attention, sans une ~rémo

a obéissance, sans une crainte extrême, sans une extrême

« persévérance. Aussi est-ce là mon commandement que


« la prattque de la Loi et l'amour do la Loi s'accroissent
« a t'avenir, comme itsse sont accrus, dans le cœur do
« chacun do mes sujets. Tous mes gens, tant les premiers
a que ceux des villages et ceux de rang moyen. doivent
« obéir à cet ordre et t'exécuter sans y mettre jamais de
« négligence. C'est également ainsi que doivent agir les
« grands ministres eux-mêmes car ceci est mon ordre
ait lieu par la Loi, le commande-
« que le gouvernement
« ment par la Loi, la prospérité publique par la Loi, la
« protection parla Loi (l).t t)
'Ces instructions morales ne pouvaient porter tous leurs
et dans
fruits que si elles étaient fréquemment répétées;
l'un de ses édita. le second des deux édits séparés de

DhauM, Pivadasi ordonne qu'elles seront lues au peuple


tous les quatre mois au moins par l'Assemblée des rett-

Bieux, et dans l'intervalle. mêmo par un seul religieux


isolément (2). C'était une sorte de prédication publique

(i) M. E. Burnouf, ZottM de la 6oH"e loi, p. 6B6; t. Prlnsep,


JoxM. of the fM<at. MO. o~Ben~at, t. VI, p. 677t Ch. Lassen,
/nit. ~tewt-, p. 368, note t.
J.
(2) M. E. Burnonf, AonM de ta tonne loi, p. 706 et 706
Prinsep, 7o)~M. of thé <M<«<- Me. of ~et~at, t. V!t, p. ~~7;
Il. Ch. Lasson, fn(!. ~«eftA., t. p. 268, note e.
.~1-

faite dans les termes mêmes qu'avait décrétés la pieuse

sollicitude du monarque; et it est facile de comprendre

qu'au bout d'assez peu de


temps, le sermon royai, si
souvent entendu, devait être su par coeur à pou près par
tous les sujets. Dans le premier des deux édits spéciaux
de Dhauii. le roi ordonne, en outre, que la confession
générale dos fautes aura lieu au moins tous les cinq ans;

et il enjoint au prince royal qui gouverne comme vice-roi

à Oudjdjayint (Oudgein), de faire procéder à cet acte im-

sans déranger les gens du peuple do leurs tra-


portant
vaux (1).
Dans i'~M aMM~a, la légende d'Açoka, dont j'ai

déjà cite plus haut quelques passages (2), on aiïirmo que to


roi Açoka, désolé qu'un de ses ordres, mai interprète
eût coûte t.: vie a son frèro, abolit la peine de mort dans
durant do longues an-
ses Ëtats, après l'avoir prodiguée
nées avec une cruauté vraiment effrayante (3). Je ne sais
recuaitiie dans!as soa-
jusqu'à quel point cette tradition.
tras népalais, répondre à un fait historique; mais
peut
sans aller aussi loin. se montre ce-
l'Açoka de nos édits.
pendant très-charitaMe envers tes criminels qui ont été
condamna à mort. JI veut quo, entre la sentence et

on teur Msse trois Jours de sursis, aSn qu'ils


l'exécution,

J. Prlnsop,
(<) M. t. Burnouf, Lotus (!e la 6o)MMtôt, p. 683;
Journ. o/~<~0 astal. MC. o/'FM~at, 1. VH, p. ~63; M. Ch.

Ltssan. 7nd. ~Mefth., t. Il, p. 228, note 2. voir aussi le foe-


Aoue-M da M. A. Rémusat, p. 26. et la légende d'Aco)t9, /ntro<t.
il <'<tM<. du Bouddh. ind. de M. E. Durnouf, t.t, p. 39~,
note 2.
(a)Voirp)usiMUt,p.M2.
<t t'~<«. ~ouftdh. <"d du M. K. Uurnout,
(3) Intrud.
p. /<2<<,Açoka aM<Mns.
i~–
aient te temps de se préparer Ils pourront,
à mourir. par
le repentir, par des aumônes ou par des jeûnes, racheter
leurs fautes et adoucir les châtiments qui les attendent
dans l'autre monde (1).
JI paraît que pour le strict accomplissement de toutes
ces mesures morales et religieuses, si neuves parmi les

populations Indiennes, Piyadasi avait créé un corps tout

spécial de fonctionnaires chargés d'en surveiller et d'en

diriger l'application. H est plusieurs fois question dans


les édits do ces oinciors royaux qui étaient, en quelque

sorte, les gardiens de la morale publique (3). Ils se nom-


maient les gens du roi (f~a&aa).
Voiia déj& bien des révélations étonnantes qui nous
montrent la réforme
bouddhique sous un jour nou- tout

veau, dans son action sur les gouvernements et les peu-

ples; mais voici quelque chose qui doit nous surprendre


encore Ce roi, l'ardent
bien davantage. promoteur do la
foi, précepteur religieux do ses sujets, si vigilant à for-
mer et à conserver ieura meurs. est en même temps
plein de tolérance, ti croit au Bouddha do toute la puis-
sance d'une conviction qui se traduit par les aotes les

plus décisifs et cependant, loin d'inquiéter les croyances


différentes do coiie.i!), Il les protège et les défend contre

(I) Voir io second édit de HeMi, côté répotô h


de l'ouest,
Aitahabad, & MattMoh et h Radhtah, ZohM de la bonne loi, do
M.E.Burnouf,p.7<)t.
~) M. Ch. LMMn, ~Mt!. ~«o~, t. tt, p. 260, et M.E. Bur-
neuf, <&M., p. 7&0 et sutv. 11 faut lire surtout dons M. Lasapo
iea recherches qu'ii a consacrées au regoo d'Acotta; elles eont
des plus curieuses, et i'on comprend encore mieux, oplès Ics
uvoir tues, i'hnpoftmca capitalo qu'à )o rbgno do ce grand roi
)'uuri'histo)ro du Bouddhisme, et pour co))o do t'indo, qu'il n
OtricMo des monumonts les ptusptccioM.
H3

toutes les attaques. Il ne se contente pas de les laisser lui


même on paix dans ses États it veut de plus que chacun
do ses sujets dns sa sphère étroite, imite ce grand

et respecte la conscience de ses voisins, tout


exemple
Dans te septième
opposée qu'ello peut être à la sienne.
édit de Guirnar, comme !a plupart des autres
reproduit
s'exprime ainsi
a Dhauii et à Kapour-di-Guiri, Piyadasi
« Piyadasi. !e roi chéri des Dévas, désire que les as-

« cètes de toutes les croyances puissent résider en tous

« lieux. Tous ces ascètesprofessent également, et l'empire


et la pureté de l'âme. Mais
« qu'on exerce sur soi-même,
« te peuple a des opinions diverses et des attachements

« divers les ascètes obtiennent donc tantôt tout ce qu'Us

n demandent, et tantôt lis n'en obtiennent qu'une partie

a seulement. Mais pour celui même qui no reçoit point


it est bien de conserver l'empire
« une large aumône,
ia pureté do t'amo, la reconnaissance ot
« sur soi-même,
« une dévotion solide qui dure toujours (1). »
La pensée, qui ne sa montre pas lettres-nettement.
éc!ate dans un autre édit, qui ne laisse plus subsister la

moindre obscurité sur les intentions du roi c'est te dou-

Kiérne des édits de Guirnar


le roi chéri des Dévas, honore toutes les
Piyadasi,
et les ma!tres de
« croyances, que les mendiants
ainsi
Il les honore par des aumônes et par diverses
maisons
d'honneur et de respect; mais le roi chéri
« marques
tas aumônes et les mar-
des Dévas n'estime pas autant
essontto)-
« ques de respect, que ce qui peut augmenter
« lement la considération de toutes ces croyances et leur

M. Prinsop, 7ot))rn. o/'<ho ostat.


(i) Voir los traductions do
t. Vll, p. 338 et 368; do M. Witson, 7ot)t-n.
soc. of~at,
asiat. soc. o~ Ct-eat ~W<.t.Xn,p. i98; et do
oftAet-ot;.
n''x.
M. E. Buroouf, AohM <<ela bonne tôt, p. 768, Appendice
H4 –

« bonne renommée. Or, l'augmentation de ce qui est es-


sentiel pour toutes les croyances est de plusieurs genres;
« mais pour chacune d'elles le point capital. c'est d'être
« iouée en paroles. On no doit honorer que sa propre
(1 croyance; mais il ne faut jamais blâmer celle des autres,
« et c'est ainsi qu'on ne fera de tort à personne. Il y a
t< même des circonstances où la croyance des autres doit
a être aussi honorée; et, en agissant ainsi selon les cas,
M on fortifie sa propre croyance et on sert celle des autres.
n Ceiui qui agit autrement diminue sa croyance person*
« ne)ie et nuit à celle d'autrui. L'homme, quel qu'il soit,
« qui, par dévotion à sa propre l'exalte et
croyance,
« biamo la croyance des autres, en se disant « Mettons
« n~tre foi en iumièro, » ne fait que nuire plus grave-
« ment à la croyance qu'il professe. Ainsi, ii n'yaquf
a ie bon accord qui soit bien. Bien plus que tous les
« hommes écoutent avec déférence et suivent !a!o! des
« uns et des autres; car tel est le désir du roi chéri des
Dévas. Puissent les hpmmps de toutes les croyances
« abonder on savoir et prospérer en vertu Et ceux
qui
Il ont foi à une religion doivent se répéter
particulière
ceci Le roi chéri des Dévas n'estime pas autant les
t< aumônes et les marques de respect que ce qui peut
a augmenter essentiellement la bonne renommée et le
« développement de toutes les croyances. » A cet euot,
« il a été établi des grands ministres de la Loi et de
« grands ministres surveillants
des femmes, ainsi que des
t( inspecteurs des choses secrètes et dos agents d'autre
« espèce. Et le fruit de cette institution, c'est que le dé-
« vetoppement des religions ait lieu promptement, ainsi
a que la diffusion do la Loi (1).? »

(i) Voir les traductions do M. Prinsop, ,/oMnt. o~ <~ <Mtat.


MC. o/BM~, t.Vi!, p. 369; celle do M. Witson,yoM~. o/'t/te
ns-

Je ne pousseraipas plus loin ces recherches et ces cita-

tions, parce que je crois que la démonstration doit être

complète, et que l'immense et très-heureuse inuuence de


la morale bouddhique sur les individus et sur les peuples
est maintenant hors de doute. C'est un très-grand résultat

que je tenais à constater, et qui doit occuper désormais


sa place dans l'histoire de l'humanité. Mais je ne veux

pas quitter cet ordre do considérations sans y ajouter un


fait plus irrécusable encore que tous ceux qui précèdent.
Je veux parler de cette ardeur de prosélytisme et de con-
viction que le Bouddhisme a su communiquer aux nations
les plus éloignées. Au v° et au vue siècle de notre ère,
des pétertns chinois ont traversé, au milieu des plus af-
freux dangers, les contrées qui séparent la Chine du nord
et de l'ouest de l'Inde, pour venir chercher au berceau
du Bouddhisme les livres saints, les pieuses traditions, et

y adorer les monuments de toutes sortes élevés en l'hon-


neur du Bouddha. Nous avons actuellement dans notre

langue deux de ces ouvrages traduits, sans parler do plu-


sieurs autres qui, sans doute, le seront bientôt; ce sont
ceux do Fa-Hian que nous devons à M. Abel Rému-
sat, at Mf«toM-e de la vie et des voyages <jy«KMH Th8ang
à ta science de M. Stanislas Julien.
que nous devons

roy. a8iat. MC. o/Cfeaf Fn<a<n, t. XM, p.2i6; celle de


M.LasMn,quie6tparHaUe,7H(!. ~f<Mr<A. t. U, p.26ù; et
ceMo de
celle do AI.
M. E.
qui Durnour.
Burnoaf, Logu8
Zotut de<!e lata bonne
6oHneloi,
h)<, p. 762, Appon.
p.762. Appen*
dicon"x. Toutes tes foscrtpuons de Piyadasi sont en un dta!ecte
encore pan connu et los interprétations qu'en ont données tous
ces savants indianistes sont parfois différentes! j'ai suivi plus
particulièrement celle de M. E. Burnouf, qui est la dernière;
mais j'ajoute qu'il no peut pas y avoir !o moindre doute sur lu
teneur générato do ces édits.Los divergences ne portent que sur
dos détails.
176
Fa-Hian partait de Tchhang'an. au nord de la Chine,

aujourd'hui Si-an-Fou, en 399 de l'ère chrétienne, tra-


versait toute la Tartarie. franchissait tes montagnes du

Tibet, les plus hautes du globe, passait plusieurs fois l'In-


dus, suivait les bords du Gange jusqu'à son embouchure,

s'embarquait pour Ceylan, qu'il visitait, relâchait àJava,


et revenait dans sa patrie après quinze ans d'absence,
ayant fait environ douze cents lieues par terre et deux
miite au moins par mer, uniquement dans l'intention de

rapporter des versions plus exactes des textes sacrés dont


le sens commençait à se perdre en Chine (1). Après tant

d'épreuves et de souffrances, rentré seul à son foyer, d'où


il était parti avec de nombreux compagnons, voici en

quels termes modestes et dignes, Fa-Hian appréciait son

héroïque dévouement « .~n récapitulant ce que j'ai


« éprouvé, mon cœur s'émeut involontairement. Les
« sueurs qui ont coulé dans mes périls ne sont pas !o su-

jet de cette émotion. Ce corps a été conservé par les


a sentiments qui m'animaient. C'est mon but qui m'a fait
« risquer ma vie dans des pays où l'on n'est pas sûr de sa
« conservation, pour obtenir a tout risque ce qui faisait
« l'objet de mon espoir (2). a
Hiouen Thsang, qui voyage deux cent vingt ans envi-
ron après Fa-Hian, est beaucoup plus instruit que !ui;
mais il n'est pas plus courageux. !i recueille beaucoup
plus de matériaux et son récit, que nous ne connaissons
encore que d'après l'analyse de deux de ses disciples, est
une mine inappr6ciab!e de renseignements de tout gen.'e
sur le Bouddhisme indien auvH" siècle, ainsi que j'aurai

(i) M. Landresse, préface au Foe ~fo<M Ki, de M. A. Re-


mamt, p. &0.
(2 Foe ~fo«e Ki dp M. A. Remasat, ch. xt., p. 363.
m

prochainement l'occasion de le fa' o voir; mais ii n'ap-


ni plus d'énergie ni plus de té-
porte pas à son entreprise
nacité. Il reste seize ans absent depuis son départ do

Liang-Tcheou, au nord-ouest de la Chine, en ?9, jus-


son retour à Si'-an-Fou, en 645. Arrivé dans t'tndo
qu'à
la Dzoungarie, taTransoxano. où
par le pays d'Oïgous,
dominait dès lors la nation turque, et par l'Hindou Kouch.

it commence dans le pays d'Attok et d'Oudyana, ses ex-

saintes. 11 visite les parties septentrionales du


plorations
le Kaehemire; et redescendant au sud-est, il
PenjAb,
à Mathoura il parcourt tous les royaumes com-
parvient
la Gandak et tes montagnes du JSs
pris entre le Gange,
Ayodhyâ, Prayâga, Kapilavastou, berceau de Çakya-
pal,
mouni, Kouçinagara, où i! mourut, Bénarès, où Il fit ses
le Magadha, où it a passé sa vie.
premières prédications.
et les royaumes situes au nord-est et à l'est du Gange. Do

là, ii revient au sud, parcourt une grande partie de la


méridionale, sans aller jusqu'à Ceylan et so
presqu'ile
à l'ouest, it parvient dans le Goudjarat, remonte
dirigeant
dans le Mouttan, revoit teMagadha, le Penjab, les mon-

tagnes de t'Hindou-Kouch, et rentre dans le nord-ouest


de la Chine par les royaumes de Kacngar, de Yarkand et

de Khotan, rapportant des reliques et des statues du

Bouddha, mais surtout des ouvrages sur toutes tes par-

ties de la doctrine bouddhique, au nombre de six cent

cinquante-sept ~). »
Les travaux de ces pélerlns n'étaient point finis avec

leurs voyages. Rentrés dans la patrie, deux soins


péNiMef
nouveaux tes occupaient écrire la relation de leur entre-

da ta vie et <!M eo~M <Mffo«eH 2'AMH~,


(i) Voir t'~Mfe
traduite par M. Stanislas Julien, préface, p. M a 67, et dans
t'ouvmgo, livre VI, p. 293 et suiv.
12
H8–

prise, et traduire les livres qu'Hs avaient conquis au prix

de tant de fatigues et de périls. Ainsi Hiouen 'fhsang con-

sacrait les vingt dernières années de sa vie à faire passer


dans la langue chinoise les principaux documents qu'il
avait recueillis, auprès des plus éminents docteurs du
Bouddhisme (i). Quelles nobles existences quels héroïs.
mes que de desintéressement et de foi Et, quand on pé-
nètre dans le détail des actions, queiio douceur 1 quelle
résignation 1 quelle simplicité! 1 quelle droitm-t Mats

aussiquel admirable témoignage pour une doctrine qui, à


douze cents ans de distance, peut encore inspirer à ces

âmes généreuses tant de eonaanco, de courage et d'abné-

gation Pourtant les principes sur lesquels cette morale

repose sont profondément faux et los erreurs qu'ils ren-


ferment sont au moins égaies aux vertus qu'ils propagent.

(t) Voir les quatre derniers livres do l'ouvrage précité.


HH–

VL

DE LA MÉTAPHYSIQUE DE ~KYAMOMi).

douter bien que son-


On no saurait que Ç&kyamouni.
tout à la pratique, ne se soit fait uno
géant par dessus
et la direction
théorie. It avait été l'élève dos Brahmanes.
à
toute méditative do son propre génie devait le conduire
essentielles do sa doctrine. Il n'a
rechercher les bases
formellement la métaphysique
point, it est vrai, sépare
nécessité
de la morale; mais de la morato il a dû. par la
même des choses, remonter à des principes plus hauts;
il )' joint aux préceptes qu'il
et, dans son enseignement.
donnait sur la discipline do la vie. les axiomes qui justi-

ces préceptes en les expliquant. De là vient que


fiaient
dès le premier concile, ses disciples Hrent do la métaphy-
d'Abhidharma t'un des recueils, l'une
sique sous !o nom
» (tripitaha) entre lesquels on parta-
des M trois corbeilles
l'ai
gea t'ensomNe des livres canoniques (t). Ainsi quojo
io plus ittustre des auditaurs du maitro
dit (2). KAçyapa
se chargea de la rédaction de l'Abhidharma,
et des arhats,
a qui n'avait point eto oxposé
directement par le Boud-

N dha, » comme !a remarque un commentateur (3), mais

~(fo<<. A t'M". <<" Fon~/t. <n< p. 35


(i) M. E. Burnout,
tous
et M. Cette division de la Triple cotboitto est acceptée par
tesBouddMateB; voir le foo~oMe~K do AI. A. Rëmoeat, p. <M
et l'Histoire d'JMo«en y~an~ da M. Stanislas Jutien,
et i08;
p. i67.
(2) Voir plus haut, p. 81.
autour d'nn commeutaifo fortimportanUntf-
(3)Y('comitro,
~f« c'~t.h dire ..(-o,mo..teitu
tuMJM«~«~ t'
i8U
qui ressortait, au même titre que le Vinaya,de tous tes
discours qu'il avait prononcés, et dont les Soûtras conser-
vaient le Mèie souvenir.
Abhidharma veut dire en sanscrit: « lois manifestées.
!a manifestation des lois ou do la loi; M et notre mot do

métaphysique y correspond assez exactement, si on le

renferme dans les limites do l'orthodoxie bouddhique.


L'Abhidharma comprend !a partie donc la plus etovép drs

croyances préchées par Çahyamouni; et la supériorité on a


été tellement sentie par les peuples bouddhistes, qu'ils
l'ont toujours considérée comme la source théorique do

tout le reste. Aussi ont-ils appelé i'Abhidharma d'un nom

qui marque à la fois leur respect. et l'on pourrait dire


leur an'ection pour lui. Ils l'appellent la Mère (Matrika;
en pâli, MatiM; Youm ou Ma-Mo. en Dbétain) (i). Los
Bouddhistes de Ceylan prétendent môme quo t'Abhidharma
s'adresse aux dieux et a été révélé en leur faveur, tandis

que les Soûtras ont été laissés aux hommes (2).

sur to trésor de la métaphysique. Il Le ff~of Je ht m~f!pAj/«-

que, ~6Af(!&f)t'm(t ~opa, est de Vasoubandhou qui vivait dans


les premiarsBiocias doi'ere chrétienne. M. E. Burnout, 7n<ft)<t.
d ('Met. < Bouddh. <ad., p. 41, 663 et suiv.
(i) introd. d t'A<<<. dit J?ot«<M. <«(< de M. E. Burnouf,

p. M et M.
(2) Idem, «'M-, p. 3i7, note 2. Une remarque importante
qu'it faut faire c'est que, des trois parties du Tripitaka, les
édite de Ptyadasi ne nomment que io V inaya et tex Soûtras; ils
no parlent pas de l'Abhidhaema, ou métaphysique, h moins
qu'on ne suppose qu'Us ne le désignent par les gAthas, ou
a stances du Solitaire. Les gau)us dea Suutras simples sont en
générât tes axiomes auxqueis lu Bouddha semble attacher le

plus do prix, ZottM <!o ta bonne toi, do M. E. Burnouf, p. 7~5


et ??.
18!-

L'ouvrage qui passe pour re :<mor plus parMcuttero-


ment la métaphysique bouddhique, so nomme la Pro<~H<<
c'est-à-dire « la Sagesse transcendante. a C'est
p~a<x)«!,
le premier des neuf dharmas, ou tivres canoniques des

NepaMs. Il y en a trois rédactions principales l'uno on


cent mille articles l'autre en vingt-cinq miiie, et Fautro

en huit miiie les


plus dévctoppees ne faisant guère

qu'ajouter des mots a l'exposition plus concise de l'au-


tro (1). 11 faut même dire pour toutes ces rédactions di-

verses, si ellos contiennent des conséquences nou-


que,
ve!)os, elles ne donnent point un seul principe nouveau, et

qu'en dÉtinitivc, pour connaître la véritable métaphysique


c'est encore aux Soûtras simples qu'il
doCakyamouni,
convient do puiser, en ce qu'ils sont beaucoup plus voi-
sins do la prédication (2).
On doit s'attendre a trouver dans
la métaphysique de

comme dans sa morale plus d'axiomos


ÇMtyamouni,
plus de croyances données
quo do démonstrations, pou

/t)<t'o< t'h~t. dit ~ottfMh. <n(!


(i) M. E. Burnouf,
p.~66.
(2) Satan loule apparence, !a ~)'«~n<!j)(h'am«f! oo fut com-
ans aptes )e Bouddha. Etia ser-
posée que trois ou quatre cents
vait de )exta eux doctrines do rceota des Madhyafnikaa, fondeo
cent cinquante ans environ avant
par le farnonx Nngardjouna
notre 6ro. M. E. Burnouf a donn6 un spécimen de la rédaction
en huit miDoaMieies, qu'il avait traduito presque ontiaro. et
initie articles,
qu'it avait comparéo avec ]a rédaction en cent
Colle comparaispn, exacte autant quo possible, nu lui avait offert
aucune diMronce do doctrine, yntrod. f; !'h~<- <<'< J?o«M/t.
<n(t., p. &68. Si ron en croit ia tradition ticetoine, ia ~ra~txt
lui m6m9, .'ioiïo
))<)MtmfM aurait 616 exposée par Ç&hyatnouni
ans après qu'il était devenu Bouddha, c'est-h-diro fi i'Ofto de

cinquante et un ans h pnu près.


~M-
d«s dogmes quo de développements systématiques et ré-
guliers. Mais il faut toujours so rappeler que nous avons à
faire à l'Inde, et que nous ne sommes ni dans la Grèce ni
dans l'Europe moderne, Les doctrines n'en sont pas moins
graves mais la forme sous laquelle elles s'expriment n'a
rien desctentinqao, même quand on essaie, ce qui est
Rssez rare. do lui donner quelquo rigueur.
La première et la plus inébrantaMe théorie de la me
taphysiquo du Bouddhtsmo, empruntée d'ailleurs au Brah-
manisme, c'est celle de la transmigration. L'homme a
fourni une multitude d'existences les plus diverses, avant
do vivre de la vie qu'il mène tci.bas. S'i! n'y applique
sf.s efforts les plus sérieux il court rlsquo d'on fournir une
multitude plus grande encore et son attention la plus
constante et la plus inquiète doit être do so soustraire a
!a loi fatale que la naissance lui impose. La vie n'est qu'un
tong tissu de douleurs et de misères le salut consiste &
n'y jamais rentrer. Telle est, dans !o monde indien tout
entier, dans quelque partie qu'on le considère, à quolquo
époque qu'on !e prenne, la croyance déplorable que
chacun partage, et que professent los Brahmanes et les
Bouddhistes de toutes tes écoles, do toutes tes sectes,
do toutes les nuances, de tous les temps. Le Bouddha
subit cette opinion communo, contre iaquoMo it no semble
a personne qu'M puisse s'élevor la moindre protestation
et sa seuio originalité sous oo rapport ne consiste que
danaie moyen nouveau do libération qu'it oifro à ses adop-
tes. Mais le principe tui-'mome, il t'accepte! ti ne le dis-
cate pas. Je jugerai plus tard ta valeur de ce principe, ou
plutôt tes eunsequences désastreuses qu'il a eues chez tous
tes peuples qui l'ont adopté. Pour le moment, je me
borne à signaler sa domination toute puia.ante etabsoitt-
ment incontestée. J'ai fait Vf.~ en traitant des Vêdns,
qu?
18~

cette doctrine monstruoaso ne s'y trouvait


pas (i). et J'ai
fait de co silence un éloge pour l'orthodoxlo védique.
Elle est do l'invention des Brahmanes, et elle doit remon-
ter jusqu'à lorigine do la société et de !a religion qu'ils
ont fondées, Çakyamouni no se distingue donc en rien

quand it l'adopte.
Mn!s jusqu'où s'étend cette idée de ta transmigration P

L'hommo. après avoir perdu la forme qu'il a dans cette


vie, reprend-il seulement une forme humatne?Peut-it
indfneromment reprondro une forme supérieure? ou re-

prendre, a un cchcton plus bas une forme un)mate q?


Peot-U mûmo descendre encore au-dessous do l'animal et
s'abatMor. selon ses actions en co monde, a ces formes où
toute vie disparait et où il no rcsto plus que l'exlstenco,
avec ses conditions les plus générales et los plus confuses?
Pour les Brahmanes orthodoxes, je serais assez embarrasse
do répondre a cette question et dans tout ce que je con-
nots do tour titteratare, Jo no vois rien qui détermine la
Mmito précise où s'arrêtait pour eux l'idée de la transmi-

grattnn (2). Quant aux Bouddhistes, la réponse peut êtro


décisive: oui, Hdeo do la transmigration s'étend pour !o
Bouddttismo aussi loin que possiMo o!to embrasse tout,
depuis le Bodhisattva, qui va devenir un Bouddha parfaite-
ment accompli, et depuis l'homme jusque la matière
tnerto et morto. L'ctro peut transmigrer sans aucune ex-

ception dans toutes tes formes queitesqu'eHes soient; et

(i) Vo)r!9yo«''nat(tM~acan~,6" artMo sur los Védas,


cahier do février i86&, p. ti8; et cohlor d'avril, p. 313.
J2) Poor
(3) Pour io
la tMnamfgfation
transmigralicii dons
dans !e ay6t6me de
le S)'81611\0de Kaptit), voir
Koplla voir
mon ffom~f m<'mo~o ~xr ~dHM!/o, memotrM de t'Aca.
d~mio dos sciences n)0)atM ci potXiqucs, t. Vit!, p. /)M ot
suiv.
-)8t-
suivant tes actes qu'H aura commis, bons ou mauvais, il
passera depuis tes plus hautes
jusqu'aux plus infimes (1).
Les textes sont si nombreux et si positifs,
qu'M n'y a pas
lieu au plus i~ar
doute, quelque extravagante que cette
Idée puisse n(~
paraître.
On se rappetie que, selon la
légonde du ~~M-~ra
le Bodhisattva entre dans le soin de sa mère sous
!a forme
d'un joune otophant blanc arm6 do six défenses
(2) et.
sur le point do devenir Bouddha parfaitement accompli
Il repasse dans sa mémoire tes naissances Incalculables,
les centaines do mille do kotis d'existences
qu'i) a déjà
parcourues. avant d'arriver il cette qui doit être la der-
nière (3). Dans d'autres
légendes. te Bouddha raconte tes
transformations qu'il a subies iui.momo. ou collcs qu'ont
subies les dont <t veut
personnages oxpllquer !a prospé-
rit6 ou les malheurs
(4). Hiouon Thsang vit & Bonarestes
nombreux et sptondMos élevés dans tes lieux
stoupas où

«} tt faut dono fa!ro une très-grando dfMKnco entre la


TanamtafaOon et la tnatompsychoeo
telle quo l'entendaient les
P~hf)f!0t)c)on!), et qu'ils bontatont. selon touto appatenco, & ta
eerio animale c'est du moins l'opinion du
plus récent historien
do la philosophie, M. HonrtMttter. Voir son Histoire de la
pA«MopM.aMfMM. 1.1", p. 360 do la traduction française
do M. J. -r)9so(. !t tout voir aussi ce
qu'en dit Ar)a)o)a, ï-~tM
t d. liv. ch. tu. § 23, p. i34 de ma
traduction.
(2) Voir plus haut, t. XXX, p. (eh.e, Mtpa,
i3~o do
M. Ed. Foucaux, t. !t, ch. v).
p. 6L
(3) F~a <eA'~ t-otpa, do M. Ed.
Foueaux, t. H, ch. M).
p 330
M Voir tes Légendes de
Samgha.Rahshita, d'Açoka, du
Concllo, “) pt~eura autres. /<ro<t. d t'Af~. (h, ~o.<(MA.
'to M. K. Murnouf, <n(<.
p. 83< ?6 et
)aK

!o Bouddha avait pris, pondant ses diverses existence*


la forme d'un éléphant, d'un oiseau. d'un cerf, etc. (1).
Les Z(~<At!A(M slngbalais, au nombre do cinq cent cin-

quante, contiennent le récit d'autant de naissances du


Bodhisattva et les Singhatais ont été mémo fort modères
en se bornant à co nombre; car c'est une croyance reçue
généralement que !a Bouddha a parcouru toutes tes exis-
tences de la terre, do la mer et de l'air, ainsi que toutes
)os conditions do la vie humaine Il a même 6te arbre et
plante (? si l'on en croit le Bouddhisme chinois.
Dans une tegondo fort intéressante par les détails
qu'oiio donne sur la vie intérieure des religieux dans tes
viharas, cotto do Samgha-Mahshita. la transmigration a
!ieu, dit-on, sous la forme d'un mur, d'une colonne,
d'un arbro, d'une nour, d'un fruit, d'une corde, d'un ba-
loi, d'un vase, d'un mortier, d'un chaudron, etc. n Quelle
« est faction dont ces métamorphoses sont la consé-
« quenco ? demande Samgha-Itakehlta a Bhagavat tui
r6pon<! « Los êtresque tu as vus sous In forme d'un mur
't ont été des auditeurs de Kapyapa (un ancien Bouddha);
H lis ont sali do leur morve et do leur salive )o mur de la
« satto do t'assemblée; te résultat de cette action est
c (lu'ils ont été changés en murs. Ceux quo tu as vus
« sous la forme de colonnes ont cte changes pour la

(t) Z~/o~'a <~ <a <~ ~M voyagea dWotMH yAMHj/, do


M.StaniatesJHiien, p. J30.
(2) Voir le Foe ~ooe do M. Abc) RemuMt, o) une noto
ms-cuttauso de M. Londresse sur les n~tf)t<as singbeiais.
Uphom on a donna la liste, ~ereft cfnft n~fo~M< Foo~ o~
C~OM, t. !)!, p. 209. bl. E. Burnoutovnit traduit quet'juest.unB
des plus Imporlnnls.
iM
a mêmeraison; ceux
quo tu as vus sous la forme d'arbres,
a do fouilles, de neurs et de fruits, ont revêtu cette forme
« parce qu'iie ont Jout Jadis. dans uu int6r6t tout person.
« ne!, des <!euM et des fruits rio l'assemblée. Un autre,
« qui s'est servi avec !o morne ogoïsmo do la corde do
« t'assemblée, a 6t6 change en corde un autre, pour
« n'avoir pas fait un meilleur usage du balni de l'assem-
« Moe, a été métamorphose on balai; un novtco, qui
« venait do nottoyor les coupes do l'assemblée, eut ta
« dureté de refuser à boire à dos rctfgioux étrangers fait-
a gués d'u..e !onguo il a été changé on coupe
route. ce-
alui que tu as vu sous la forme d'un mortier est un Stha-
« vira qui demanda jadis h un novtca, avec des paro-
les grossières, un insh'umfnt do cogenro, etc. (i). »
Ainsi, l'on n'en peut douter: le système do Ja transmt-
gration va pour tes Bouddhistes jusqu'à cette exagération
monstrueuse où la personnnittA humaine, méconnue et
détruite, se confond avec les choses les ptus vues de ce
mondo.
Mafa poursuivons.
Ln cause unique do ces transformations, c'est la con-
duite qu'on a tenue dans une existence antérieure on est
récompensé ou puni solon ses vertus et ses vices. Mais
do quelle manière a commença cette longue série d'6-
preuves ? Pourquoi t'hommo est-i) soumis? Quelle a été
l'origine de cotte sucoMsion sans Hn do causes et d'oifets ?
C'est là cosombto, uno question fondamentaio dans to

(i)Mgo))(!o do S"mgt)n HaMtUa, du ))!vyn ovodano, J'))<ro<y.


dFA~f. dM~oMfth. ~)(!do M. E. B.unouf p. 323, et dans
t'anatyso du ~oH<o(t tibétain, )!o Csoma de Kor09, ~<<f)<.
~Mear., t. XX, p. M.
M7 –
système bouddhique htt-momo mats, chose étrange.
Çahyamouni ne para!t )'as l'avoir jamais soulevéo, et !o
Bouddhisme tout entier après lui ne t'a pas tratteo davan-
tage. Est-ce oub!t ? c'est peu probable. Est-ce prudence? Y
Et, sur un problème si obscur, le Bouddha s'est-il dit
qu'il valait mieux garder !e sttenco? Ce qui est certain,
c'est quo nulle part, dans les Soûtras, on no trouve
mêmo un essai do solution, pas un mot, pas une théorie,
pas une discussion, Tout ce qu'on peut inforer do quel-

ques passages très-rares, c'est que to Bouddha, seton


toute apparence, a cru à t'oternité des otfes, je n'ose pas
dire des amos. et que, pour lui, tes maux qu'il venait
guérir, la naissance, la vlelllesso, ta maladie et la mort.
s'ilspouvaient cesser par le Ntrvana. étaient pourtant
sans commencement (i). L'univers est oréô par les œuvres
do ses habitants i) en est t'cMët et si par impo:.s)b!o,
comme le dit M. E. Burnour d'après los Soufras houddht-
ques, H n'y avait pas de coupables, Il n'y aurait pas den-
fors ni dottoux do ehathnont (2).
!.o Bouddha, malgré la science sans bornes qu'il possèdo,
no veut donc pasexpliquer les choses de cet univers on
remontant Jusqu'aux ténèbres do tour orlglno. !t los prend,
en quelque sorte, telles qu'it tes trouve, sans leur de-
mander d'où elles viennent; et comme la vie sous que!-

(i)
ï.eseeuhpMsagea un pou deetaifs que je puisse citer & co
point de yuasout celui du ZoMMo~tafa, ~ya fcA'ef M<pf<,
de M. Ed. Foucaux, t. Y), ch. xon, p. 337, et celui do t'~M<-
dAarma topa ~(!My< deYacomitm, commentatour du V)" on
va' eiacio do notre efe, /M<rod. ft fh~t. dit J9o<t(Mh. <nd., do
M. H. Bumouf, p. 678.
(2) /;ot(H de da &onHCto~, do ht. R. Bufnouf, p. N3B.
<? –

que aspect qu~it la regarde, no tut semble que « unf;


« grande masse de maux,M voici comment il la comprend
Douxe conditions, tour à tour effets et causes tes unes
des autres, s'enohatnent mutuellement pour produire la
vie. A commencer par la triste un qui la termine, la vlell-
tcsso avec ta mort (djaramarana) no serait pas sans ta
naissance; en d'autres termes, si t'homma no naissait pas,
it no pourrait ni vieittir ni mourir. La mort est donc un
effet dont la naissance est la cause. La naissance (djat)}
est etto-momc un effet, et etio no serait pas sans l'exis-
tonco. Cette idée, tout
étrange qu'elle paraî- peut nous
tre, est très-conséquente dans io système bouddhique qui
croit !) l'éternité dos êtres. On existe longtemps avant do
naître et la naissance. sous
quelque forme qu'elle se
présente (humidité, œuf, matrice ou métamorphose.
pour les Bouddhistes comme pour tas Brahmanes), n'est
qu'un effet do l'existence qui l'a précédée; car, sans t'exis-
tonco ~hawa), la naissance no serait Mais H
pas posslblu.
ne s'agit point loi do l'existence dans son acception gène-
rate et vague c'est l'existence avec toutes les modiHca-
ttons qu'y ont apportées les éprouves antérieures c'est
l'état moral do t'être, selon toutes tes actions qu'it a suc-
cessivement accumulées, vertueuses ot vicieuses, dans
la durée tnnnte des
âges. Ainsi, l'existence détermine ta
naissance; et, suivant ce qu'on a été précédemment, on
renalt dans une condittop diiïerente, ou plus haute, ou
plus basse.
L'existence a pour cause l'attachement (oupadana) (1).

(<) Co terme d'oupMana est fort difOctte. M. E. Burnout to


rond d'ordinairo, ainsi que M. Foucaux, pttr « concepuon. N Jo
n'ai pas cru devoir adopter cette traduction
qui mo semble lu.
m't –

sans l'attachement aux choses, t'ûtro ne revêtirait pas,


no prendrait pas un certain état moral qui le mène à re-
Daltre do nouveau. L'attacitomont est, en quelque so"'o,
une chute qui le fait retomber sous la toi fatale de la
transmigration. L'attachement, cause de l'existence, n'est
tui-memo qu'un effet; co qui io cause, c'est te désir
(trtohna, mot a mot tf soif). Le d~sir est cet Insatiable
besoin de rechercher ce qui nous p!a!t, et do fuir ce qui est
désagréable, tt a pour cause la sensation (védana), qui
no's fait percevoir et connaître tes choses, et qui nous
indique leurs quotités, dont nous sommes affectés au
physique et au moral. La sensation, cause du désir, a pour
cause te contact ;sparca). tt faut que tes choses nous tou-
chant, soit a l'extérieur, soit à t'interteur, pour que nous
tes sentions et c'est ainsi qu'on peut dire que les Boud-
dhistes font de la sensation la source unique do ta con-
naissance. Mais, comme p)'rmi tessons, lis comprennent
aussi le sons intime, ou manas, leur doctrine n'est pas
aussi matérialiste
qu'on pourrait d'abord le croire. Le
contact, cause do la sensation, est t*e<!0t, à son tour, des
six places ou six sièges dos quatités sensibles et dos sons.
Ces six sièges (shadâyatanos) sont la vue, t'ouKe, l'odorat,
le goût, le toucher, auxquels it faut joindre to manas uu
le cœur. qui comprend aussi ce que nous appellerions les
sentiments moraux.

terrompro la suite des Macs. Parfois aussi M. Burnouf le rend


par prise, capiton, adhérence, attachatncnt. <) J'ai prtiMre co
dernier mot comme beaucoup plus ctair; voir t'/offodMc~OM <)
t'/t<«. de CoMfHh. ~n(! p. <)?; XottM de la bonne loi, p. J09,
63i et suiv.tRyga fcA'ejf roi p'a, do Ed. FoucoHx, p. 33i
ct805;fof)~ouc/f<de M. A. Rommat, c)).)t:<t, p.~87,
ovoc tes notes do M. Ktoprom.
mo–
Voilà déjà huit des douze
conditioasquiproduisentia
vie. se liant entre elles par les rapports de causes à effets.
H en reste encore autres
quatre pour terminer cette évo-
lution complète qui, suivant !e Bouddha, embrasse et ex-
plique la destinée humaine tout entière.
Les six sièges des sens et des
objets sensibles ont pour
cause le nom et la forme
(namaroupa, en un seul mot.
comme plus haut djàramarana, la
vieiiiosseetlamort).
Sans le nom, sans la forme, ies objets seraient
indistincts;
ils seraient pour nos sens, tant ceux du dehors que ceux
du dedans, comme s'ils n'étaient
pas; ils entrent en con-
tact avec nous d'abord
par la forme matérieHe qu'ils re-
vêtent, et ensuite par le nom qui les désigne et les rap-
pelle au manas, à Le nom et la forme
l'esprit. que les
Bouddhistes confondent en une notion
unique, sont donc
ce qui rend les objets et c'est ainsi
perceptibles; qu'its
sont la cause des sens. Mais le nom et la
forme ne sont
eux non plus, des effets. Ils ont pour cause ia con-
que
naissance ou la conscience
(vidjnana). qui distingue les
objets les uns des autres et leur attribue à chacun, et le
nom qui les représente et les qualités
qui leur sont pro-
pres. La conscience est la dixième cause. Les concepts
(samskaras) sont la onzième; ils composent les idées qui
apparaissent à l'imagination; ce sont tes illusions
qu'elle
se forge et qui lui servent à constituer l'univers factice
qu'elle se crée. Enfin la douzième et dernière
cause
c'est l'ignorance (avidya) qui consiste tout entière à
regarder comme durable ce qui n'est
quo passager, à
croire permanent ce qui nous
échappe et s'écoule,
en un mot, à donner à ce monde une réalité qu'il n'a
pas.
Tel est l'Enchatnement mutuel des causes; et cette
théorie, jointe à celle des Quatre vérités
sublimes, forme
191

le fondle plus ancien et le plus authentique de la doc-


trine du Bouddha (1).
C'est dans le Lalieauistara qu'il faut voir toute l'im-
portance que Çâhyamoani lui donne. Quand il l'a décou-
verte à Bodhimanda, il croit avoir découvert enfin te
secret du mond(, It peut sauver les êtres en la leur en-
seignant c'est
parce qu'il l'a comprise, après les plus lon-
gues méditations soutenues des plus terribles austérités,
qu'it se croit et qu'il est devenu le Bouddha parfaitement
accompli. Tant qu'il n'a pas saisi le lien mystérieux qui
enchaîne ce tissu de causes et d'effets, il ignore ia Loi
et le chemin Une fois qu'il en a dem6ié la trame,
du salut.
il est en possession do la vérité qui eciaire et qui délivre
les créatures (2). 11 connaît la route du Nirvana, qu'il
peut désormais atteindre lui-même et faire atteindre aux
autres êtres.
Les Bouddhistes, en général, et surtout ceux du nord
et du sud ont cotte théorie dos causes et des effets on

grande vénération des Soutras entiers, sans parler de


leurs commentaires, sont consacrés à l'exposer dans tous
ses détails avec une prolixité que rien ne peut ni épuiser
ni fatiguer (3). Le Pratitya samoutpada, comme on l'ap-

pelle, est pour les disciples, comme pour le maître, la

(i) Cette théorie prend on sanscrit le nom très-célèbre do


Pratttya samou(pMa, c'est-à-dire « la production connexe des
causas réciproques. Voir le Zo!<M <!e da 600x9 loi, de M. E.
Burnouf, p. H, 109, 332 et 630.
(2) ~ya <eA'effo< pa, de M. Ed. Foucaux, 1.1!, ch. xxu,
p. 331 et auiv.; M. E. Burnouf a traduit aussi ce morceau capi-
tal du LaHtaviatara dans son jMfOt!. <t !'A<st. du .Co«<MA. <<td-,
p. 486 et suiv.
(3) C'est ainsi que !o Soutta paU, la MaMmd&na eo&tta, le
i~

o)ef de la destinée humaine; et tant qu'on ne la tient pas,


on ne sait rien de l'organisation et du jeu de l'univers
car il faut bien le remarquer, par la croyance de la trans-

migration, l'homme n'est plus un être à part; il est


.noté à tout; et ce qui explique sa nature, expliqué du

même coup la nature entière et l'ordre universel des

choses.
Nous venons de parcourir la série des effets et des

causes, en remontant de l'état actuel de l'être à son état


De la vieillesse et de ia mort nous sommes ar-
primitif.
rivés par douze degrés successifs jusqu'à l'ignorance,
qui, à un certain point do vue, peut se confondre avec le

non-être; car l'objet de l'erreur n'existe pas et s'ii était,


on ne se tromperait pas en croyant à son existence. Mais
au lieu do remonter la série, on peut la descendre, et

l'ignorance pour point do départ, au lieu de


prendre
la prendre pour terme et pour but. On renverse alors
l'enchaînement des causes et des effets, qui d'ailleurs
n'en restent pas moins unis; et l'on commence par où
l'on finissait d'abord. Ainsi, de l'ignorance ou du néant.
viennent les concepts qui en sont l'effet; dos concepts vient
la conscience; de la conscience, le nom et la forme; du
nom et de la forme, les six sièges des sens; des six sièges
des sens, io contact; du contact, la sensation; de la sen-

sation, le désir; du désir, l'attachement; de l'attache-


ment, l'existence; do l'existence, la naissance; de la
naissance enfin, la vieillesse et la mort. Cet ordre inverse
est celui qu'adopte la Pradjna paramita (1) et que suivent

SoOtra des grandes causes, n'a pas d'autre objet. M. E. Bur-


nouf i'a traduit tout entier, Lotus de la bonne loi, p. 63ù ot
suiv., Appendice n° vi.
(1) Ou peut voir Io morceau do la ~t'a~nt! pdramtM, qu'a
i95
aussi quelquefois lrs
Slnghalais (t). Ce n'est pas la mé-
thode, il est vrai, qu'a recommandée le Bouddha, par
son exemple, à Bodhimanda; mais elle est peut-être plus
conforme à l'esprit général du Bouddhisme primitif, qui,
sans nier précisément la réalité des choses, comme le fit
ne croit point cependant
plus tard taPradjnâp&ramita,
à la permanence d'aucun de leurs éléments, et qui ne

trouve d'immutabilité que dans le vide ou le néant.


Non je veuille accuser le Bouddha des excès
pas que
de scepticisme où la plupart de ses adhérents se sont laissé

mais
jusqu'à certain point ii en est respon-
emporter;
io germe dans
sable,.parce que c'est lui qui en a déposé
ses doctrines On ne peut douter qu'il n'ait
principales.
admis des axiomes analogues à ceux que lui prêtent quel-
et qu'il n'ait, par exemple, soutenu ceux-
ques Soûtras;
ci a Tout phénomène est vide; aucun phénomène n'a

traduit M. E. Burnout, dans son ~<)<ro< (t <7o'«. (<)' Bouddh.


<Hd., p. M5 et auiv.
t. 11, p. 435. Uans !o
(i) Clough .MMj~at. J~ct~tmat~,
MaAdfMdtts Mt<«a singha)ais,on donne, tour !) tour, les deux
énumérations dans l'ordro direct et dans l'ordre renversé. Dans
)9 ZoKM de la tonne toi, ch. vn, stance 7~, le Tathagata con.

menco sou enseignement par )'igno)-a))e8.!i faut ajouter qu'au


lieu d'énumérer les douze nidanas ou causes eoton l'idéo do lotir
on ios énumère aussi selon ridëodo lour destruc
production,
tion; ot l'on ee demande, par exemple Quelle est ta chose qui
et la mort n'existent
n'existant pao, fait que la vieillesse pas?
Cost la naissance. Quelle est ta chose qui n'existant pas, fait quo
la naissance n'existe pas? etc., etc. Puis l'on descend et l'on re.
monte a son gré la série de destruction, comme on a remonté ou

descendu celle de la production. Voir Io morceau du ZaM<oo~-

<(tr«, cite plus haut. f'2


i3
iM

« de substance propre (t). Toute substance est vide (3).


c Au dedans est te vide; au dehors est le vide (3). La
« personnalité eMe-mûmo est sans substance (4). Tout
« composé est périasabio: et comme l'éclair dans le ciel
« il ne dure pas longtemps (5), Mn est encore très-pro-
bable que voulant condenser tout son système en un seul
axiome qui le résumât, c'est lui qui a dit « Cela est pas-
« sager cela est misère cela est vide (6), M faisant de
cette connaissance de la mobiiité des choses, des maux
de la vie et du néant, la science
supérieure qui renfer-
mait et
remplaçait toutes les autres, la triple sci'*nco
(trividya) qui suint à éclairer et à sauver 'f'homme. Enfin
on peut mémo croira sans injustice que te Bouddha fit do
la sensibilité la source
unique et absolue do toute infor-
mation pour l'tntoiiigonoe; et que le grossier sensualisme
do ses disciples. avec les conséquences sceptiques qu'il

(i) Ce premier principe est dans )a ~-«f~nd pdfHmM;


maisle second qui est identique se trouve dans !o Z(t<«f<t:Mfo) o;
voir rVtKMf!. t't~<. <ht FoMftdA. tnd., do M. E. Burnnuf,
p. 462, et )o ~"teA'efrotpo, de M. E. Foucaux, t. !uh. xxt,
p.324.
,2) Idem, ibid.
(3) ~em,<&M.
(A) Idem, ibid., p. 296; et dans ta .Prs<~ F~amM.~tt-
trod. <t i'M<t. du Boudh., ind., do M. E. Bufnouf, p. <t77. La
.Pfa~ndp~amM va memepiustoin, et elle aMrma que le
nom même du Bouddha n'est qu'un mo), 7tM., p. ù6ï et ~t)8.
(6) ~o te~'er fotpa, de M. Ëd. Foucaux, t. it, p. 172;
~ot!ffa de ~MndAd~t, /t)H-od. d t'Aht. du FoMddA. M., de
M. E. Burnout, p. M et ~62.
(C) AohM do la &onHe tôt, de M. E. Burnouf, p 372, et
~nft'od. d t'nht. du ~ottddA. ind., p. 202 et 462.
i9S-

ontratne, lui est imputabio.sansqu'ii l'ait précisément


enseigné.
Nous arrivons maintenant à la dt'rniuro et il la ptus

importante des théories du Bouddhisme; je veux dire


celle du Nirvana. Le nirvana, est, on )e sait, le but su-

prême auquel tend le Bouddha; c'est la délivrance a !a-

quelle il convie toutes les créatures c'est !a récompense

qu'il promet a !a science et à la vertu; en un mot, c'est le


satutéternet. Qu'est-ce ou juste que le nirvana ?Mst.ce
une immortalité plus ou moins déguisée ? Est-ce le
néant? Est-ceun simple changement d'existence? Est-ce
une annihilation absolue ? Chose bien singulière et bien

remarquable) Çakyamounta laissé piano-sur t'idéodu


nirvana une obscurité presque complète i'oa no pourrait
citer un seul Soûtra où il se soit appliqué a la déttnir
comme tant d'autres idées
qui en valent
moins beaucoup
la peine. Tout au plus va-t-il jusqu'& réfuter les tansses
notions qu'on s'en faisait dans te monde des Brahma-
nes (1) ou TtrthahaMs maisces explications négatives, si
elles fontcomprendre dans une certaine mesure ce que
n'est pas le nirvana, no disent jamais ce qu'il est et c't'st
là cependant ce qu'it importo de savoir.
Si l'on s'adresso
a t'étymotogte du mot, olle apprend
assez peu de chose; il se compose do t))f qui exprime la

négation, et du radical <~ qui signifie souiner. Le nirvAna


est donc l'extinction, c'est-à-dire i'état d'une chose qu'on
ne peut plus soumer, qu'on ne peut plus éteindre en
Bouiuant dessus; et de là vient cette comparaison si fré-

queute dans les livres bouddhiques, d'une tampo qu! s'c-

(1) Voir le morceau fort obscur du ~«ddAat'ma AaM~MM-


<<!ro qu'a traduit M. E. Burnouf, /tXfo<<. A M~t. fftt FoMttfM.
nd p. 6t7 et suiv.
M6
teint et qui ne peut plus se raMumer (i). Mais cette ana-
i) so, tout exacte qu'elle est, reste à la surface des choses;
et cette expression du nirvana, ainsi entendue, si elle
suint à représenter une image de la mort, ne nous dit
rien dt i'etat qui la suit, selon te système de Çâkyamouni.

Quand te Bouddha meurt à Koucinagart. son cousin

Anourouddha, qui raccompagne ainsi qu'Ananda, pro-


nonce la stance suivante restée célèbre dans la tradition
t< Avec un esprit qui ne faiblissait pas, it a souffert l'ago-
M nie de la mort comme l'extinction d'une lampe, ainsi
ci a ou iiou l'affranchissement do son inteiiigenco (2). »
bi. Eugène Burnouf, dont l'autorité doit être si grande.
n'héslto pas. Selon lui, le nirvana est l'anéantissement

complet, non-soulement des éléments matériels de l'oxis-


tnnce. mais doplus et surtout du principe pensant. H a

vingt fois exprime cotte grave opinion, soit dans son pre-
mier ouvrage i'/oh'o~Mtt'OK <!)t'Antotre (ht BotxffMXme 'n-

<<)M, soit dans io Aotua de ta bonne loi publié à huit ans


de distance avec le secours dos documenta les plus nom-
breux et los piusdcoMfs (3). Ses premières études comme

(1) Colobrooke, Af<M~. A'Mat/o, t. ï, p. 401 et M2 E. Bur-


oout, Appendico aur le mot Nirvana, /nffod. d t'AM.dM
~o)t<î<<&.fn(! p. 589,
(2) AfaMparm<6Mn<t xoxMa, Jo Soutra du grand Nirvana
compta), en pa)i; citôpar Ai. G. Turnour, 7ourn«t o~t~e~«a<.
<oc. o/FM~at, t. VM,p. 1008, et par M. E. BMnouf, Zotos (te
ta bonne loi, p. 339.
(8) Jo citerai etiëctatemont, dans t'7t)tfo<t. d t'AM. ~M ~OM<M~.
t'nft., tas passages auivanta, p. 83, iM, 166 et surtout p. 62!.
Dans !o Lotus <? la 6onno loi, )oat indique que M. E. Bar'
tjout consorvnit coHa première opinion que rien na patatt avoir
cbM))icoen!ui;voirp. 388.
-M'! –
ses dernières lui ont jamais laissé d'incertitude
ne sur co
et l'on sait de reste avec quelle exactitude
point capital
il examinait toutes les questions, et avec quel
scrupuleuse
a peu près infaillible i) tes tranchait. A ce té-
jugement
moignage de M. Eugène Burnouf, on peut ajouter le té-

moignage de tous ceux qui se sont ocoupés des mêmes


matières. MM. Hodgson, Clough, Turnour, Schmidt,
Foucaux, sans avoir eu a se prononcer positivement. no

se sont Jamais fait, ce semble une autre idée du nirvana.


aussi
Coiebrooho, qui n'avait pus pu, it est vrai. pénétrer
profondément dans ces recherches alors trop nouvoites.
déclare cependant que le nirvana, tel que les Bouddhistes

t'entendent, se confond avec un sommeil éternel ~). Si

l'on intorroge tes rares et incomplètes dcunitions qu'on


dans les on arrive a la mémo con-
peut trouver Soufras,
clusion. toujours le nom du nirvana est suivi
Presque
d'une épithèto qui veut dire « Oit tt no reste plus rien dn
« l'aggrégation (2): oit il no reste plus rien do l'exis.
« tenco (3); oui) no reste plus rtcn absolument (4).)) U
faut ajouter quo les Brahmanes dans leurs accusations
contre les Bouddhistes, leur font surtout un grief « do

« croire il une destruction comptete a et it les netrissfnt

MocettaneoM Mtajy't p. 30t. 9M, ~'Ot


(!) Colobrooko,
ot402.
<o<, do M. K. Burnouf, ch, t. p. et
(2) Ao<tM de tonne
335,MaAdtMWM<66<!na<'oM«a<!o))st9~<tf«)~<<t,et!f'Ao)tp9-
uom~H, id., 'M~.
danstoMt'N" o~aMna, /oMff.
(3) ~o))<f«(fe~(!n<!M<W,
d t'A~f. <tHJ?OHf!f~. <"[! do M. E. Butnouf, p. 83.
cite par M. E.
(&) Tfeoadd~ft <on<ff<, dans )o Digha n~(~<
nornoHf, dans te Ao(M< de la 6on"e loi, p. fHf'.
iM-
des surnoms do Sarvavamaoihas et do NastiMs, qui no et.
«ninont pas autre ohoso (t), et que les Bouddhistes eux-

m6mcs adoplont )o)n do le repousser.


Ainsi l'étymologie, les phitotoguos contemporains les

plus cotatres, les textes eux-mêmes. et enfin les optiques


des adversaires du Bouddhisme. tout se réunit pour dé-
montrer que to nirvana n'est au fond quo t'anoantissemont
donn))if et absolu do tous tes éléments qui oomposont
t'nxtstonco. Pour ma part. io me range h cet avis et sons
des considération'' qui procédant, on volet une
pllrler
dont on n'a pout-otro pas tenu assez de compte et qui me

décide o'est ta théorie du dhyana on do la contempla-

ttnn, on quoique sorte la méthode et


qu'on peut appeler
In prottfjuo du ntrwnna (8).
Dans une foule do passages empruntes aux Soufras do

tout ordre on distingue ontro !o ntr~na complot te

erand ntr~Moa complot. et )o ntrwana simplement dit. Le

nirvana complot est celui qui suit la mort, quand on a su


d'ailleurs s'y préparer par ta foi. !a vertu et ta science,
tandis que le simple nirvana peut être acquis mémo du-
rant cette vin, en adoptant certains procèdes que te Boud-

(1) (Mabfooho, M~MM. MM~, p. S70, 391 ot 993. La


socondo brancha do l'écolo dea Svabh~iitns déclaro formeiicmont

qu'eito croit i'nnfanttssampn), tondis qno i'aun'o branche croit


b i.t poretstnnMdoif) p3f<ont)aUt6 offmnnhto; voir M. HodHSon,
~<fst. V~Mr.. t. XVI, p. M7, et M. E. Bmnouf, 7nff0f!. ft
t'M)t. du ~otfMA. ind., p. &~t.
(2) Vo)ri'Appond)''o n° xn), epfctatoudityana, ZoftM<teta
bonne tôt, do M. E. B!)rnouf, p. 800. PorMs le nirvana n'est
qno « l'extinction do t'inMndto du vice, comme dons le ~tna
atantAoro, )'<!H, ~oftM do la 6om'e loi, d" M. E. Buntouf,
p. 3S)'.
MM

dhlsme oMefane et dont te Mouddha tui'mama avait

donné Ainsi dans le tn<«< de bonne loi, des


l'exemple.
Sthaviras s'approchent de Bhagavnt pour lui soumettre
tours doutes; et «a lui avouent tour faiblesse etieur vanité

en ces termes « Épuisés par t'ago. nous nous disons


« Nous avons obtenu le nirvana nous nous imaginons
a être arrivés parce que nous sommes
au nirvana, acca-

« blés par t'age ot par tes maladies (1). Dans d'autres


est dit:
passages plus clairs encore. s'iiestpossiMo.i)
« Los hommes qui vivent avec fa connaissance do ta Loi

t< exfmpto d'imperft'otion, nnt atteint le nirvana (2). Ce-

« lui qui Pnit usage du véhicule des Çravakos a atteint to

« nirvana (3). Los Çravahas M Hgut'ent qu'ils ont atteint


M te Nirvana; mais io DJina iour dit Ce n'est )a qu'un

« lieu do repos oo n'est pas ta nirvana (4). M


t.o nirvana est donc jusqu'à un certain point compatlblo
avoo la vio. dans los croyances bouddhiques; et on peut tu
mémo avant d'être mort. bien que oo ne soit
conquérir
pas encore là <o nirvana
véritable. )Lo procède pour attein-
dre à co nirvana Incomplet, gago do celui qui io suit on
restant éternel, c'est le dhvona ou ia contemplation, et,
c'est t'extaM. Lo dhyonaa a
pour parler plus nettement,
so succèdent dons un ordre reguiter. Pt
quatro degrés qui
Il Jouo un grand rôle dans les circonstances les plus im-
du Bouddha. Dans le Villago do l'agri-
po) tnxtt's de la vie
culture, sous t'ombra du djambou, quand sa fam!t)o,

ciîrayed de son absence, le cherche en vain, )e jeune Sid-


dhartha est occupé à passer par los quatre méditations

(1) ZotM) de la tonne loi,


do M. E. BurnoMt, p. 68.

(2) /~m.<&M., p. 80, etanco 80.


(3) /(h)m, l6id., p. 06.
(/<) MMt,<M(t ,p. 88,stM))''o 7t, t
.300–

qu'il connaît déjà (t). A Bodhimanda quand Çakyamouni


a vaincu le démon, il se prépare à sauver le monde on
devenant Bouddha par les quatre méditations (2). A Kou-
cinagart. quand te Bouddha va mourir, il franchit une

première fois les quatre degrés du dhyana et il expire


dans un nouvel effort avant d'avoir atteint le qua.
Même (3).
Quels sont donc les quatre degrés du dhyAna ou de la

contemplation? Les voici. tels que les donnent les Sou-


tras de Nepât et ceux de Ceylan, pleinement d'accord sur
cette théorie fondamentale. !t est presque Inutile
d'ajou-
ter que io religieux qui se livre au dhyana est dans la soli.
tudo la plus complète, et que, délivré do tous tes soins
mondains et à l'abri do tous les troubles qu'ils entratnent,
i) no pense qu'au salut éternel, au nirvana, sur lequel
seul sa pensée est désormais nxeo.
Le premier degré du dhyana est le sentiment intime do
bonheur qui natt dans t'ame do t'asceto. quand il se dit
qu'il est onnn arrivé à distinguer profondément la nature
des choses. L'ascète alors est détache do tout autre désir

que eeiut du nirvana ) itjuge et ii raisonne encore mais il


est affranchi do toutes les conditions du péché et du vice; t
et la contemplation du nirvana, qu'il espère et dont it

s'approche, te jette dans une extaso qui lui permet do


franchir le second degré.

tt) Voir p!us haut, p. 33, ~t/« tcA'e~fo! pa, de M. Ed.


Foucaux,t.!t,p.)2B.
(2)Mcm,<6M.,et7oHft)ot<fM.?aoat)h, cahier do)ai))(< t
<86~p.AH.
(3) M. G. Tufnour, Jouroa! o~ Me a8iat. MO. o/' Bengal,
t. Vit, p. t008, et M. E. Butnouf, Zo<MS (!t la bonne loi, Ap.
pond)con°<8,p.80t.
aot
A ce second pas, la pureté de l'ascète reste la même le
vice et te péché no le souillent plus; mats, en outre, il a
mis de côté le jugement et le raisonnement; et son intel.

ligence, qui ne songe plus aux choses et ne se fixe que


sur le nirvana. ne ressent que te plaisir de la satisfaction
intérieure, sans te juger ni môme le comprendre.
AU troisième degré, le plaisir de la satisfaction a dis-

paru la sage est tombé dans l'indifférence à t'égnrd


même du bonheur qu'éprouvait tout à l'heure encore son

iutoiiigenoe. Tout le plaisir qui lui reste. c'est un vague


sentiment du bien-être physique dont tout son corps est

inondé. Il n'a point perdu cependant la mémoire des états

par lesquels it vient de passsor, et il a encore une


conscience confuse de tui-memo. malgré le détachement
à peu près absolu auquel tt est arrivé.

Enfin au quatrième degré, l'ascète ne possède plus ce


sentiment de bien-étro physique, tout obscur quit est
U a également perdu toute mémoire bien plus. il a
même perdu te sentiment de son (1); et dé-
indifférence
sormois, libre do tout plaisir et de toute douleur, quot
qu'on puisse être l'objet, soit au dehors, soit au dedans.

(i) Sur cette explication du quatrième degré du dbyllna, jo


suis en désaccord avec tes explications qu'en donne M. Eogano
Burnouf, Lotus de la bonne to<,p.806. Selon lut, la mé-
moire et t'indinerenco, au tiau d'otro dttruites & ce degré su-

prême, perfectionnées ) mois je ne puis cont-


sont au contraire
text'?
prendre en ce sens to mot do cffOHfMAaM, dont sa sert le
eanskrit. Ce mot eigniNe MpuriOé » plutôt que f perfectionne a
et je penso qu'on effet it faut qu'au quatrième degré i'asc&to
soit pur do toute mémoire et même da toato indtfMrence pour
quo ce degré se distinguo du troisième et qu'il eoit te plus 'Mo~<i
do tous.
202-

t! est & l'impassibilité, aussi voisine du nirvana


parvenu
qu'eue peut t'être durant cette vie (1). D'auteur cette im-
absolue n'empêche pas l'ascète d'acquérir en ce
passibilité
moment même Fomnisoienco et la puissance magique,
contradiction flagrante dont les Bouddhistes ne s'inquiè-
tent pas plus que de tant d'autres.
Tels sont les quatre degrés du dhyana, d'après toutes
les autorités bouddhiques. Ils M'ont rien qui puisse sur-

prendre ceux qui ont étudié le mysticisme, et qui savent


on réduit i'amo à ce
par quelles éliminations successives
néant qu'on appelle l'extase. Les mystiques
passager
d'Alexandrie, ceux du moyon-ngo et de la renaissance,
ont connu. comme les Bouddhistes et les Brahmanes, ces

élaborations intérieures do l'Anie luttant contre oiio-momo


arriver enfin à détruire momentanément toutes ses
pour
Plotin Gorson. sainte par là
ThereM croient
puissances.
s'unir a Dieu iui.môme se confondre avec iut (2). Les

Bouddhistes n'ont pas cette prétention. puisqu'ils ne con-

naissent point da Dieu, et que, dans tout le système de

Çakyamount, cette grande ideo de Fetro inuni n'apparatt

pas un seul instant.


On voit maintenant ce qu'est pour les Bouddhistes i<*

dhyAna, route et conquête préliminaire du nirvana. Mais,


comme si la pensée n'était pas assez claire, le Bouddhisme
degrés du dhyana, tei que nous venons
ajoute aux'quatre
de les énoncer, quatre autres degrés superio~fs, ou si l'on

(i) Pour cette théorie du dhyana, it faut consulter surtout la


J~aMMu~ofa, teMmaHna pAa/a <o«Ma, pa)i, et !a mémolro
spéolal qu'a cot)Mcr6 h cette queauon M. E. Burnontt~oKM de
la bonne W, Appendice n" xm, p. 800 et Buiv.

(2) Voir mon rapport sur i'J~eote d'~Mean~r~, préface, t


p. M et suiv.
205-
ce sont tes quatre rég!ons du
vent. correspondants
monde sans formes. L'ascète qui a franchi courageuse-
en en-
mont les quatre premiers pas en est récompense
dans tes régions de t inanité en espace de là il
trant
nouveau. dans ta région de t'innnité en
monte un degré
Parvenu à cette hauteur, il atteint une troi.
intelligence.
slème région, coite où il n'existe rien. Mais, comme dans

ce néant et ces ténèbres, on pourrait supposer qu'il reste


une idée qui représente & l'ascète le
du moins encore
néant même où il se plonge, il faut un dernier et suprême

effort, et l'on entre dans ta quatrième région du monde


idée
sans formes où it n'y a pius ni idées, ni morne une
de t'absecco d'idées
(1).
Je no sais ai je mo trompe; maisit me semble que la

doctrine du dhyanaestun commentaire décisif do celle du

et que si, par cet état transitoire do t'o~ase, c'est


nirvana
déjà un néant transitoire comme elle et anticipé que l'on
on ne peut chercher dans le nirvana iui-momo
poursuit,
néant éternoi et définitif. Si eo n'est pns ia to véri-
qu'un
table sons qu'il faut donner au nirvana des Bouddhistes,

!o
(i) Voir, pour lus quatre régions du monde sans formes,
a traduit ie passage
~Oj~Mttt MM«a, pa)i, dont M. E. Burnout
te plus imponant, ~otuft de ta bonne foi, p. 8t&. M. Aboi lié.
ces obscures
musnt a été le premier qui se soit occupé de
a comprendre au travara des
théories, bien plus difficiles enf-ora
chinoises. On peut remarquer on outre que, dans la
noductiona
théorie des sept places de t'inteUigenco, h dernière et la ph'a

haute est celle où tt n'ottsto absolument rien; (~«Mnt.


do M. E. Burnouf, 1
(!dn« ~OM"«, pa'i, 7.ot<M <~ ta bonne loi,
le parfait affranchissement des retigiem dans ta
p. 642), at quo
est t'anMOtisaemcnt dos
théorie dea Huit aifranchissements
idées et des sensations. » Mem, <6M., p. B~)3et 82f).
.204-
qu'on dise alors quel est positivement celui qu'il y faut at-
tacher. Le Bouddhisme n'a pas de Dieu; il n'a pas même la
notion confuse et vague de l'esprit universel, dans lequel
selon la doctrine orthodoxe du Brahmanisme et du Sankhya,
va se perdre t'âme humaine. I) n'admetpas non plus de
nature proprement dite et il ne fait point cette distinction

profonde do l'esprit et du monde matérie!. qui est le sys-


tème et la gloire de KapMa enfin il confond l'homme avec
tout ce qui l'entoure, tout en lui prêchant la vertu. ïi ne

peut donc réunir l'âme humaine, qu'il ne nomme même

pas, ni à Dieu qu'il ignore (1). ni à la nature qu'il ne con-


naît pas davantage. H ne lui reste qu'un parti à prendre,
c'est de l'anéantir; et pour être bien assuré qu'elle ne re-

parattra point sous une forme quelconque, dans ce monde

qu'il a maudit comme le séjour de l'illusion et de la dou-

leur, il en détruit tous les étéments. ainsi qu'il a bien


soin de le répéter mille fois lui-même. Que veut-on do

plus? Si ce n'est pas là le néant. qu'est-ce donc que le


nirv&na ?2
Je reconnais tout grave dans une telle
ce qu'il y a de
amrmation oui, je l'avoue quand on pense que le
Bouddhisme compte aujourdhui sur la surface du globe
tant de sectateurs, et qu'il est la croyance du tiers de
l'humanité, expliquer le nirvana comme je le fais, c'est
dire que le tiers à pou près de nos semblables adorent Je
néant et ne placent qu'en lui leur espoir contre les maux
de l'existence. C'est une foi hideuse, sans doute, mais ce
n'est pas calomnier le Bouddhisme que deiatui Imputer;
et l'histoire se manquerait à etie-momo en reculant do-

(1) Voir un passage décisif dans te Mettra M«««, du

Digha nikâya, J!.o~M do la bonne loi, da M. E. Burnouf,


p. 49<).
~)a

tant cette vérité qui jette d'ailleurs tant do


déptoraNe,
jour sur les destinées du monde asiatique.
On le voit donc la morale et la métaphysique do Ça-

se résument en quelques théories fort simples,


kyamouni
très-iausses les quatres vérités sublimes ia
quoique
transmigration, t'encha!nement mutuel des causes et to
!e Dhyâna, quiie prépare et le pré-
nirvana, qu'explique
théo-
cède. li ne me reste plus qu'a juger la valeur de ces
de vérité qu'elles
ries, en rendant justice aux parcelles
renferment, et en condamnant sans pitié tant d'erreurs
monstrueuses que couvre vainement une grandeur ap-

parente.
-206

vu.

CRITIQUE DC SYSTÈME DE ~M'AHOMfi.

Puisque j'ai à dire beaucoup de mai du Bouddhisme

je préfère commencer par le bieu qu'on lui peut justement


attnbuer et que J'en pense. Ces éiogos. tout limités qu'iis

devront être, auront du moins ce résultat de tempérer la

sévérité du jugement dont Ils seront suivis. La condam-

nation, précédée de cet adoucissement équitable, ne pa-


et après avoir
ra!tra point une injustice ni une cotére
loué les bons côtés de cette grande doctrine. il sera moins
d'en biamer les aberrations et d'en signaler les
pénibte
fatales conséquences.
Voici donc pour !a part du bien je ne veux pas l'exa-
gérer mais je ne voudrais pas non plus la réduire inique-
ment.
Ce qui me frappe d'abord dans le Bouddhisme, je ne

parle que do celui du fondateur, c'est sa direction toute

pratique. se propose un très-grand


Le Bouddha objet, qui
n'est pas moins que le salut du genre humain ou mémo
le salut de l'univers; et il marche a son but par les voles
les plus directes et ies plus faciles. Il est vrai que se don-
nant pour pbitoscphe, la spéculation, avec ses analyses et
ses profondeurs, ne lui serait point interdite mais les

Brahmanes en avaient fait un tel abus, que le réformateur


aura cru devoir s'en abstenir. En effet, il faut bien prendre
en voulant descendre jusqu'aux principes des cho-
garde,
ses, de s'enfoncer dans des ténèbres inutiles et de ne parler

qu'a une école au lieu de s'adresser à la foule. La phtto*


.207-
sophie, lors mémo qu'elle ne prétend point devenir une

religion ne doit jamais perdre do vue son devoir su-

qui est de servir et le philosophe


l'humanité est
prême,
assez pou digne de ce nom, qui est !e seul à se com-
et à se sauver par la vérité qu'il découvre. Si
prendre,
cette vérité devait rester un avantage individuel elle
et comme pour la masse des
n'aurait point tout son prix
hommes. la pratique de la morale importe bien plus que

les principes sur lesquels elle repose, i) faut savoir gré.


aux chefs des intelligences de tes pousser à bien vivre
La réforme, avant qu'oa
plutôt encore qu'à bien penser.
ne la tente. peut avoir été précédée et affermie par ces
longues études que la science exige; mais quand le réfor-
mateur ennn sur le théâtre du monde. son ensei-
paratt
doit
gnement, qui n'est désormais qu'une prédication,
être aussi oiair et aussi simple que possible, ïi parle au

vulgaire et non point aux savants. M doit conduire tes

que les ii promulgue des


esprits plus encore éclairer;

plus qu'il n'approfondit des théories.


préceptes
tout on voulant convertir et guider la mul-
Cependant,
titude, Çakyamouni
no cherche point à l'attirer par de
séductions, tt ne flatte point bassement ses
grossières
convoitises naturelles; et les récompenses qu'il lui promet
n'ont rien de terrestre ni de matériel. Loin d'imiter tant

de il n'annonce à ses adeptes ni


législateurs religieux,
ni pouvoir, ni richesse; Il les convie au salut
conquêtes,
éternel, ou plutôt au néant, qu'il prend pour to salut, 9
de la vertu, do la science et des austérités (1).
par la voie

et des facuMssurna-
(t) Je ne parte pas du pouvoir magique
)nrei)M que, dans les doctrines bouddhiques, la science et la
vertu contèrent 11ceux qui sont parvenus aux degrés supérieurs
de la sainteté. Les légendes sont pleines de ces superstitions et
.308–
C'est présumer sans doute beaucoup des hommes; mais
ce n'est pas présumer trop. C'est un bonheur d'entendre
ces nobles appels à la conscience humaine dans des temps
si reculés et dans des pays que notre civilisation un peu
hautaine s'est habituée à trop dédaigner. Nous croyons
que cesgrandes aspirations n'appartiennent qu'à nous
seuls, et nous sommes surpris autant que charmés d'en
découvrir ailleurs des traces et des reflets. Dans les Védas
et dans la religion qui en était immédiatement sortie, le
réformateur ne trouvait rien de pareil (1) et ce n'est
point là qu'il a puisé des leçons de renoncement et d'ab-
négation. blais la philosophie brahmanique s'était étevée
plus haut que ce culte égoïste où l'homme ne demande
aux dieux que de le faire vivre, en échange des hom-
mages ou plutôt des aliments qull leur offre elle avait
porté ses regards
dans les régions supérieures de l'esprit
et le système do Kapita sufflt pour attester qu'en prêchant
le salut éternel, Çâkyamouni no fait point une innova-
tion (2). Tout le monde, dans l'Inde brahmanique, a cette

do ces extravagances, qui sont à l'usage des Brahmanes long.


temps avant que le Bouddhisme no les adopte et tes sanctionna
b son tour. Voir mon Premier mémoire <Mf <e MnM~a, dans
les Mémoires de t'Académio des Sciences morales et polilfqnos,
t. VUI, p. <93 et 389. Maisje ne crois pas que le Bouddha )ni.
même ait jamais fait do ces promesses fallacieuses H laissait ce
charlatanisme et ces jongleries a des adversaires qu'il méprisai).
(t) J'ai essayé, dans mon travail sur les Yéaes, de faire voir
combien la religion qu'ils avaient fondée était étroite et iaté-
resséo voir le Vom'nat dM MoanM, cahier d'avril i86~),
p.209.
(2) Voir le Premier mffMOM'e aMr te S<btMj/a, Mémoires do
t'Académio dos Sciences morates ot politique~ tomo Yitï, p. 377)}
2'

préoccupation sotenneuo t'asceie des (~âkyas ta partage


mais ne la crée pas.
La gloire qui lui est propre. et que nu) no lui dispute,
c'est ce)to charité sans bornes dont son âme paraît embra- .J
sée. Le Bouddha ne songe point à s'assurer personnelle-
ment le salut et la libération it cherche par-dessus tout

à sauver les autres étres; et c'est pour tour montrer la

voie infaitttbio du qu'it a quitte


Nirvana le séjour de la

joie. le Touchita. et qu'il vient subir les hasards et les


d'une dernière existence. tt ne rachète pas les
épreuves
créatures en s'immolant pour elles dans un sacrifice su

b)ime;.it se propose seulement do Ics instruire par son


enseignement et par ses exemples. !t les conduit sur la
route ou l'on no peut plus errer. et it les guide au port
d'où t'en no revient plus. Sans doute l'esprit chrétien

connaît des doctrines plus belles et ptus hautes; mais six

ou sept siècles avant qu'il ne renouvelle le monde c'est


idoo quo celle d'associer tous les
déjà une bien grande
hommes tous tes êtres dans une foi commune, et do )o~

confondre dans un égale estimo et dans un égal amour.

Voilà comment le Bouddha a pu dire sans orguoil et

sans erreur que fi sa toi était une loi do grilce pour


tous a et comment, sans attaquer le régime odieux
(t)
et dégradant des castes, il a ruine cependant ce fonde-

ment de la société brahmanique. Il n'a pas vu, Jo t'avunc,

le vrai principe de l'égalité humaine, puisqu'il n'a jamais

en inondant aux
(i) Le Bouddha le dit en propres termes,
railleries des Brahmanes qui se maquent d'} h)i, fptand i) con-
vertit S'aga'a. tents d'un marchand tomuù dans la plus hideusu
misero. ~t-<a<« ~M<MM, dans )o Divya Atadana, cité par
M. E. Bumouf, Vtttroft. <) t'/f~t. ffM ~«ftd/t. <n(! p. t)Si
Sa'uauti'pra~'ukatn mu <;A?i't)a)u, dit ~kyan)uu))i. !).
~l
2i0-

compris l'égalité morale. Mais s'il n'a pas connu la véri-

table nature de i'homme. il a su du moins que tous les

hommes sont égaux devant la douleur. t't qu'ils doivent

l'être aussi devant la délivrance. 11 veut leur apprendre

a s'affranchir pour jamais de la maladie, de la vieillesse et

do la mort; et comme tous tes êtres sans aucune excop.


tion sont exposés à ces maux nécessaires, Os ont tous

droit à renseignement qui dnit les y soustraire en les

ectai'ant. Devant l'identité do la misère. il fait tomber les

distinctions ou ptutOt il no les aperçoit


sociales. pas; t'es*
Ce
c)ave est pour lui tout autant que les ttts de rots (1).
n'est pas il dire qu'il n'ait point déploré les nbus et les

maux do la société dans laquelle it vivait; mais il a été


do l'huma-
frappé bien plus encore dos maux inséparables
nité mémo, et c'est & ceux-là qu'il s'est dévoué, parce
doivent sombler bien peu
que les autres on comparaison
de chose. Le Bouddha no s'est point attaché à guérir la

société indienne; il a voulu guérir le genre humtin.

11 faut louer cette grandeur et cette géneratito do vue.

L'homme certainement n'est pas tout entier dans la dou-

leur: et en cela la théorie est fausse; mais ii est vrai que

los hommes ou moins soumis, et c'est


tous y sont plus
une généreuse que do vouloir les en délivrer.
entreprise
Les moyens le Bouddha pour convertir et
qu'emplolo
les cœurs ne sont pas moins conformes a la digni-
purifier
té humaine Ils sont pleins d'une douceur qui ne se dé-
un seul instant dans le ma)tro. et qui subsiste
ment point

aussi invincible dans sesdisciples les plus


aussi tendre,
a contraindre les hommes,
éloignes (2). it ne songe Jamais

«) Si. parmitospfiuoira"x(iiK)ptesdeÇahynmoHni,Kocyapa
..toi) nn Brohomne, Ouputi et Katyi)yf))[) étaient des Çoadra~.
ta biographto (i'Hfouen-tfMMg nnns
(2) On peut voir 'ou)o
in traducnon de M. Stanislas Julien.
-2H-

it se borne à tes persuader, ti s'accommode mOno a ieur

faiblesse; ii varie de mille manières les moyens do tes tuu-


chpf et quand MM langage trop direct <') trop austfro

pourrait les rebuter il a recours aux insinuations plus


douces de la parabole. H choisit les exemples les plus

vutRaircs, et il se met a ja portée de ceux qui J'écoutont

par la naKveté des formes dont ii revêt ses leçons. Il leur

apprend à soulager le poids do leurs fautes par la confes-


sien, et a les expier par la sincérité du repentir.

It va même plus loin. Comme c'est un grand mal déjà


serait do mon-
que d'avoir à réparer la faute. l'essentiel
trer aux hommes à no point la commettre. Puisque
c'est la vertu qui doit les racheter, ii faut faire on sorte
do les rendre impeccables s'ils no font pas do chute, ils
I)o )h. dans la doctrine de
n'auront point il se relever.
ces préceptes si sages et si positifs, ces dé-
Çakyamouni,
fonses toujours si justes et parfois si doiicates do certaines
actions. C'est une iutto incessante contre le corps et ses

passions qu'il entreprend et qu'il conseille )o corps est à


ses yeux te seul ennemi de l'homme et bien qu'il ne

donne pas tui-memo à sa pensée une expression aussi

formelle, son ascétisme n'a pas d'autre objet, JI faut que


l'homme dompte le corps; it faut qu'il éteigne les désirs
bruiants qui le consument. Si le Bouddha proscrit plus
particulièrement aux religieux engagés dans tes ordres un

cétibat absolu, it n'en recommande pas moins a tous les

iidetes la chasteté et la pudeur, que le Brahmanisme


offensait sans aucune retenue, et dont un instinct secret

révèle a tous les hommes l'obligation et le chnrmo.

A ces vertus déjà bien diittciies.


ajoute il en
d'autres
et non moins utiles
encore c'est ta patience,
plus difficiles
c'est la résignation. qui n'exclut point l'énergie a sonurtr
des maux inévitables c'est t'indinerence
courageusement
3t3

et t'hero<smo sons le coup do toutes tes infortunes et do

tontes les douleurs o'e& t t'humittté surtout, cet autre re-

noncomont aux biens et aux


splendeurs du monde, que
n'ont point pratique seulement les pauvr''s mendiants,
« fils do Çak)a, a mais les rois eux-mêmes au fa!to do la
au pardon des offensos,
Do t'humitito it
toute-puissance.
n'y a pas loin; et bien que le Bouddha n'en ait pas fait l'un
do ses préceptes étroits, sa doctrine tout entière mono il
cette to)eranco mutuelle dont tes hommes on société ont
tant besoin. Ln croyance mémo do la transmigraUon l'oi-

d.tit singutieromont. Devant une insutto,


un outrage, uno

violenco, io premier St'ntimont du Bouddhiste n'est pas

de s'emporter. 11 no s'indigne pas, attendu qu'il no croit


11 se dit que dans une existence anté-
pas a l'injustice.
rlouro Ii a commis te) pèche qui, dans cetto-ci, lui attire
et lui mérite to) châtiment, 11 no s'en prend qu'a lui seul
du maihour qui io frappe; e~ au lieu d'accuser son ennemi
ou son oppresseur, it n'accuse que lui-même. Loin do

penser a se venger, it no voit qu'une leçon dans les maux


qu'it enduro, et bon unique soin c'est d'éviter désormais
la faute qui I- a rendus nécessaires, et qui on se ronou-
volant ronouvetterait aussi )a punition qui a déjà dû la
suivre. Quand le jeune prince Kounata, dont les légendes
racontent ta touchante 0), est soumis a un sup-
histoire

plice aussi douloureux qu'inique, it pardonne a ta marâtre

qui te poursuit, il pardonne a un pèro abuse; et it ne pense

qu'aux fautes passées par tosquettea il a prov'jque contre


tui-momo tant do désastres.

(0) Voir plus ha')t. pnge ')6f), t'hlsloiro du prince Koux.~a,


nh tht fameux roi Acol<o, qui régnait sur ta plus g)f)))()o pattie
do la ptesqu'Ho inuienno. On se tappotte qua ce prixco a les
yeux arrachés.
-2<3-
si aisément
Cette résignation qui, dans les faibles, peut
tourner à la peur et à la iachote, rend sans doute trop fa-
cile aux forts et aux méchants la domination et le despo-

sans doute elle favorise la tyrannie dans ces ctimats


tisme
qui n'ont jamais connu qu'otto. Mais. entre dos mains in-

teiiisentos, quel élément d'ordre et de paix sociale quoi

apaisement fie toutes ces passions qui troublent trop sou-


vent la concorde et font na!tro dos guerres imptacobtes! 1
l'horreur du mensonge, ce rfspect de la pa-
Joignex-y
role humaine, cette sainteté du iton qui met tes intettigen-
ces en communication joignez-y cette réprobation de In

médisance et même des discours frivoles; Joigneï-y en-

coro le cotte la pieuse vénération


do la famttio. pour les
la considération et l'estime pour les femmes
patents.
dignes de tous les honneurs roiigteux il i'ega) des
jugées
hommes; et vous serez étonnes quo tn Bouddhisme, avec

tant do vertus sociales, n'ait pu parvenir à fonder, même

en Asie. une société ni des gouvernements tolérables.

D'abord it a échoue dans t'tndo etto-memo où il est ne; et

dans los pays où it s'est réfugié, son innuenco. toute hou-

rouse qu'olle a pu être a certains egnrds, n'a point prévalu


reformer los meaurs politiques de ces penntM. Ils
Jusqu'à
sont restés partout soumis au joug io plus avilissant et le

plus arbitratro. Los trop faibles germes déposes por !c


Bouddha dans sa doctrine, et que devetoppaient quelques
rois comme ne se sont point fécondes; et uujour-
Piyadasi.
d'hui notre civilisation mémo ne peut leur rendre in vie,

en pénétrant dans ces contrées où )o Bouddhisme nardo

encore toute sa
vigueur. t) est il croindro que tous nos

efforts bienveillants et libéraux ne soient vains contre ces

institutions déplorables, qui ont pour elles )n MncOon des

les habitudes invétérées des peuples, leur indiffe-


siootes,
t'enco et leurs superstitions incurables. Sans doute, je ne
ai4-

voudrais pas juger le Bouddhisme tout entier sur ce seul


signe et il ne faudrait pas le condamner sans autre exa-
men, par cela soul que les sociétés qui le pratiquent sont
mal organisées. Mais cependant on peut trouver une me-
suro des religions dans les institutions sociales qu'cttos
inspirent ou qu'cllos tolèrent et certainement l'une des
marques les plus ooiatnntes de ia graodour du christia-
nisme, c'est d'avoir produit ces sociétés et ces gouverne-
monts iibros qui marchent chaque jour, sous les yeux et
aux apptaudfssemonts de l'histoire, a do nouveaux pro-
gros, il une nouvelle perfection. On no découvre rien de
sombtabto duns les sociétés bouddhiques; et en fait do
politique et do législation, le dogme du Bouddha est reste
fort au-dessous du Brahmanisme tui-memo. H a bien pu
instruire et sanctifier quptquM Individus prenant pour
modèio et pour appui en noble Idéal do mats
Çahynmouni
pour les nations, il est resté impuissant plus encore quo
ses adversaires, et il n'a presque rien pu faire ni
pour les
constituer, ni pour tes régir équitablement.
Il est donc assez probablo, rienqu'à une première vue,
que le Bouddhisme, mntgr6 ses mérites apparents, ren-
fermo dos vices cachés qui font rendu sterito je vais
m'attacher a les découvrir et il les montrer. J'ai fait la part
du bien; ii faut en venir maintenant a eeite du mal, qui
sera beaucoup plus grande.
Toute cette morale a beau otHehor le renoncement el
l'abnégation: au fond elle est utroito et intéressée. Elle ne
repose que sur une soule idt'e, qui n'est ni la plus juste ni
ta plus haute, celle du salut éternel. entendu encore commo
les Bouddhistes t'entendent, dans te sons du néant ou Nir-
vana. C'est )n récompense offerte a tous les efforts de
rhnmnx' c'est le but suprême tic ia Loi c'est le prix
ineffnhh' promis a toutes ses vertus. Sa vie s'ord"nno sur
2<H
cette Hn d'apte tes enseignements et tes exemples du
)na«fe; mais il n'agit jamais qu'en vue du ta remnoeration

qu'il espère. U éteint toutes tes autres convoitises; mais H


garde ce!te-)a; il dompte tous les autres désirs; mais il
grandit ce désir insatiable de tous ceux qu'it lui sacrifie.
Je dis qu'il y a là do quoi fausser ta morale tont entière;
ot J'attribue sans hésitera cette préoccupation égoïste dn
la récompense et à l'idée du Nirvana presque toutes los
fautes du Bouddhisme.
L'homme fait bien sans doute de songer durant toute
cette vie que quoique chose doit ta suivre. U fait bien d'<
se régler sur cotte conséquence Inévitable, quelle qu'ciio
soit d'aittours scton tes croyances qu'il adopte il fnit bien
do penser a t'oternite. qui lui peut expliquer a ta fois et
d'où il vlont et où il retourne. En face do cotte Rrando
Idée, it peut sentir également et toute sa faiblesse et toute
sa valeur elle peut lui donner la clef do son destin, s'il
sait ('interroger avec discrétion et sagesse. Mais ii doit sa

gqrder do l'abaisser et de la détruire, en n'y voyant et on

M'y cherchant qu'une récompense, qui, tout élovée qu'f)to


peu), paraître, n'en devient pas moins un salaire. La pan-
sée du salut éternel n'est plus alors
uno vertu c'est un
calcul et comme rien n'est plus mobile et plus changeant

que le calcul et t'inté) 6t, t'hommo se trouve Jot6 sur une


vole où ne peut faire que des faux pas. Dans une reli-

gion plus vraie et plus sainte, it peut s'en remettre à ta


justice do Dieu du soin do récompenser ou de punir éter-
nellement; mais, dans une religion qui ne reconnaît point
de Dieu, malheur irréparable d« ta religion bouddhique,
l'homme demeura son propre Juge; c'est lui qui. do son
autorité privée, décide de ce qui mérite le salut ou de ce
qui s'on éteigne Il prononce dans sn propre causn et co
n'est guère le moyen do demeurer équitable et infaillible,
-2)6-

tt croit pratiquer la vertu, tandis qu'en réa!it6 H ne pra-


tique qu'un incessant égoïsmo, qui se cache et se fortino
jusque dans les austérités les plus rudes et dans les déta-
chements tes plus orgueilleux. On ne fait jamais que son
propre salut; on ne peut faire celui des autres; tout au
plus peut-on, comme le Bouddha, leur montrer la vote.
Mats i) faut qu'ils y marchent, et l'on ne saurait y marcher
pour eux. Le salut -est donc exclusivement individuel; it
mot t'hommo dans un Isolemont complet. Plus l'homme
s'en préoccupe, plus it s'éteigne de ses semblables, qu'it
négtigo tout au moins, quand ii no va pas Jusqu'à les mé-
priser et Il les fuir. Aussi les religieux, qui sont comme la
milice de la religion nouvelle et qui en représentent les
champions les plus fidèles et tes plus sont-ils a
accomplis,
peu près étrangers a la société, qui pourtant les nourrit.
Us y passent leur existence enacéo autant qu'Jnutite. en y
vivant des aumônes que leur prépare le travail d'autrui,
et en y portant des haillons que leur humilité no dédaigne
point, mais que leur main n'a point tissus. L'asoete est
ravi tout entier au monde dans lequel il vit,
par le monde
auquel il aspire; et en admettant qu'une paresse qui s'i-
gnore par fois cite-mémo ne trouve pas son compte secret
a cette prétendue sainteté, h qui cette sainteté peut-elle
servir, si ce n'est t'aseete tui-mOmo! Que deviendrait la
société, y compris les anachorètesqu'elle soutient par sa
facile tibéretité. si chacun voulait
imiter de si pieux exem-
ples ? Le renoncement est une belle chose sans
doute
mais quand on prétond, comme sauver
Çahyamouni, le
genre humain, il faut songer il tous les hommes sans ex-
ception il ne faut pas songer a quelques privitégiés. Vous
abolisse:! les castes que vous trouvez en ne vous
établies,
arrêtant point aux limites illégitimes qu'elles prescrivent;
c'est bien mais vous crée:! vous-même une autre caste,
-2n. ·

qui n'est ptus large qu'en apparence, et qui de fait teste


plus étroite encore que les autres. Par la nature mémo des
choses, la pensée du salut, à moins qu'on ne la restreigne
dans de justes bornes, devient dangereuse autant qu'eiie
est fausse si elle envahit toutes les actions de t'homme.
elle les gâte et, sans parier du mal qu'elle peut faire à la
société, elle corrompt t'âme de l'individu, qui ne songn
plus qu'à soi. et qui, matgré sa vanité d'initié et d'adepte,
ignore profondément ce que doit être le véritable et unique
mobile de toute sa conduite ici-bas.
C'est qu'en effet it n'y a point à présenter à la conscience
humaine, surtout quand on se croit philosophe. d'autre
mobile que l'idée du bien. Ce n'est pas simplement la plus
désintéressée et la plus noble dos idées c'est encore ia
plus vraie et la plus pratique. Pour peu que t'homme
veuille descendre en iui-mCme, il la trouve au fond de
son fOBur vivante et infaittibie te plus souvent, sans !o
savoir, c'est sur elle qu'il règle la plus grande partie do
son activité. Si l'on veut remonter jusqu'à son origine,
elle nous mène a Dieu, dont elle nous revoie la vraie na-
ture si on )a suit dans ses conséquences, elle nous expli-
que le monde, qu'elle seule peut faire comprendre. Placéo
au faite des idées les plus évidentes et les plus hautes, c'est
elle qui éclaira toutes les autres, comme c'est elle qui ies
engendre. Et) bien 1 cette idée. qui est te fond même de notre
Orne, de notre raison, de notre intelligence, comme oiio
est le fond do l'univers et de Dieu, n'apparait point dans
le Bouddhisme. Çahyamouni ne semble pas s'être douté
qu'elle existât. Dans la philosophie grecque, Sorrate et
Platon se sont fait la gloire impérissable d'avoir donné a
l'idée du bien sa véritabie place dans t'ame de l'humme,
dans le monde et en Dieu. Ce flambeau, une fois allumé
par leurs mains, n'a fait que jeter de jour en jour plus de
-ai8

lumière et d'éclat parmi nous. Dans le Bouddhisme, au


contraire, pas une lueur de cette flamme divine ne s'est
montrée pas une étincoiie durable n'en a jailli; et ce so-
leil des intelligences, comme Platon le nomme, ne les a
jamais éclairées dans le monde indien. Les cœurs, les
âmes, les esprits, y sont restés plongés dans les plus noi-
res ténèbres; et les siècles, loin de dissiper cette obscu-
rité, n'ont fait que i'épaissir. L'idée de la récompense,
substituée à celle du bien, a tout perverti. Un voile impé-
nétrable et sombre a été répandu sur toutes choses; et
l'homme n'a pu désormais rien comprendre ni à tui-meme,
ni à la nature dans laquelle il vit, ni à Dieu, qui les a
faits l'un et l'autre. C'est de cette première et capitale
erreur que toutes les autres sont découlées.
Une des conséquences les plus certaines et les plus fa-
ta!es, c'est d'abord que l'idée du bien, une fois méconnue,
le Bouddhisme a, du même coup, ignoré celle du devoir.
Chose étrange! dans un système où le mot de devoir

(dharma) apparaît à chaque ligne des ouvrages sans nom-


bre qu'il a produits, la notion mémo du devoir a complè-
tement échappé. On y voit bien l'obéissance à la loi du
Bouddha, une soumission aveugle à ses leçons, une véné-
ration sincère
pour ses vertus qu'on s'efforce d'imiter.
Mais un conseil, un ordre, n'oblige pas moralement tout
ce qu'il peut faire, c'est de contraindre extérieurement.
et tant que la conscience et la raison n'ont point parié, te
devoir n'apparaît point. On n'est
pas lié parce qu'on obéit;
on n'est point obligé parce qu'on se courbe sous un joug.
ce joug fût-il te plus raisonnable et le plus salutaire. C'est
donc au for intérieur, aux arrêts seuls de la conscience que
le législateur moral doit toujours s'adresser, et surtout
quand il se condamne, comme Çahyamouni, à se passer
de Dieu, source supretKt) de tout bien et de tout devoir.
940
aYW~–
Autrement il fait peut-être de fervents adeptes, et, au be-
soin, de très-Bdètes sujets mais il ne fait pas des hommes.
ï) n'enseigne ni n'inspire la vertu tout
au plus enseigne-
t-il la prudence. Quand le jeune Oupagoupta résiste au~
séductions d'une belle et riche courtisane (1), ce n'est pas
en se disant que la continence est un devoir et qu'il fait
bien de combattre de coupables désirs c'est en pensant
qu' « il est mieux pour ceux qui aspirent à l'affranchisse-
« ment et qui veulent à la loi de la renaissance,
échapper
'< de ne point aller voir cette femme. » Ainsi il calcule son

salut; et, comme il craint


de le risquer en succombant', il
s'abstient, non pas par vertu, mais par intérêt. Il c'a donc
point compris le devoir, tout en accomplissant une loua-
ble action; it n'est point moralement vertueux, tout en
restant vainqueur dans cette lutte délicate contre lui-
même. J'avoue que c'est déjà beaucoup que le bien se
fasse, quel que soit d'ailleurs le motif dont l'acte s'inspire.
Mais le mérite moral n'est réei et complet que si l'agent
se guide uniquement par la pensée du devoir, qui n'est au
fond que l'idée même du bien. L'une et l'autre manquent
absolument à la doctrine du Bouddha.
On peut signaler une seconde conséquence non moins
fâcheuse; c'est le scepticisme. Sans doute ii n'est pas
poussé aussi loin dans les Soûtras de la prédication qu'ii
le fut plus tard dans la Pradjna Paramita. qui en arrive
à nier tout à la fois et l'objet connu et le sujet connais-
sant, la réalité des choses et la réalité même de la con-
science. Mais, sans être tombé dans ces excès,
Çakyamouni
ne proclame pas moins résolument la vanité et le néant

(t) Voir ci-deM))9


p. i66. J'ai loué plus haut la chasteté
d'Oupagouptt) ici je tache de faire voir ce qu'il y a de morale-
ment incomplet dans le motif qui le décide.
.220-
de toutes choses, en face du Nirvana, qui seul à ses yeux
est immuable. « Tout est vide est un do ses axiomes fa-
voris, sur lequel il appuie avec
le plus de sécurité to re-
noncement qu'ii proche aux hommes. Certainement, parmi
les phénomènes au milieu desquels nous devons vivre,
il en est beaucoup qui sont transitoires et passagers. U en
est bien peu qui soient permanents et qui portent « le
« caractère de la nxité,
ce vrai signe de la Loi, comme
!e disait le jeune Sidcthartha dans ses premières médita-
tions (1). Mais tous les êtres ne sont pas « vides au dehors,
vides au dedans, » ainsi qu'il le pensait; et s'il avait su
s'interroger lui-même avec un peu plus d'attention et
d'exactitude, i) aurait trouvé le terrain solide et inébran.
lablo où l'homme peut poser d'infaillibles pas. L'hommo
peut nier tout ce qui l'entoure; ii peut douter de tous les
phénomènes qu'il porte en lui. Mais il a beau faire; il ne
peut douter de sa propre conscience quand elle lui re-
proche la faute qu'il a commise, ou qu'elle le loue du
bien qu'il a fait (2). ti ne se demande peut-être pas, comme
le prétend une doctrine plus subtilo encore qu'elle n'est
vraie, si le principe en vertuduquel it agit peut devenir
une loi universette mais il se dit assurément qu'il doit
lui-même toujours agir comme il le fait, et que tout être
raisonnable doit agir comme lui. Quand l'homme trouve
ainsi l'ordre au dedans de son propre coeur, il lui est assez
facile de
le transporter dans le monde du dehors; et le
bien qu'il a découvert dans sa conscience, il le reconnatt
aussi évident et plus immense dans l'univers, que le bien

(!) Voir plus bout, p. 38, et le Journal <!M ~aoaHtf, cahier


de juin 186&, p. 860.
(?) Je prends ici le mo,t de coMMt'MM daus le sens vulgaire:
it h'* serait pas juste de demander davantage au Bouddhisme.
~t
seul régit et anime. line croit plus dès lors au vide; ot
les êtres acquièrent pour lui autant de substance qu'ils
participent au bien. H ne doute de teur réalité que dans
la proportion même où ils s'en étoiRnent; et sur la ferme
base où il s'est tui.memo placé, toutes les notions do son
intelligence se raffermissent en même temps qu'elles s'or-
donnent. S'il en est quelques-unes qui chancellent encore,
c'est qu'elles ne valent pas la peine qu'on les observe ou
qu'on tes fixe.
L'idée du bien bannit donc de t'âme le scepticisme;
non-seulement ello éclaire l'homme; mais, de plus, ello
le fortifie. En face de sa conscience, (lui lui parle si haut,
même alors qu'elle dépose contre lui, il n'est plus tente
de croire avec Çâkyamouni au seui témoignage do ses
sons; et sans les récuser absolument, il sait désormais
quel est le juste degré de confiance qu'il leur doit. Quand
on ne regarde que le monde matériel. on peut à toute
force nier que le bien ou le mat s'y trouvent; mais quand
l'homme se regarde tui-mcmo, i) no peut repousser )u
distinction du bien et du mal moral, à moins que sa per-
versité no lui en fasse un criminel intérêt (1).
A mon sens, ceci explique très-bien le caractère )o
plus saillant du Bouddhisme, et le plus douloureux do
tous ceux
qu'it présente à notre observation, je veux dire
sa profonde et irrémédiable tristesse. Quand on ne croit

(i) Comme dans le système de Çitkyamouni, il y a tes meil-


leurs instincts, si ce n'est les théories les plus conséquentes, le
Bouddha, tout sceptique qu'il est, combat énargiquement to
scepticisme corrupteur des Brahmanes. tt faut tire parUeutiore-
ment, pour bien juger de cette contradiction, le Mmanna
phala M<!M< pMi, ZohM <~ la toMe loi, de M. E. Burnottf,
p. <)63 et suiv.
222-

au bien, ni dans l'homme, ni dans le monde, Il est tout


simple qu'on les prenne i'un et l'autre en aversion et
qu'on ne cherche de refuge que dans le néant. De là cet
aspect désespéré de la vie qui, sous toates ios formes, se
retrouve dans toutes les parties de cette doctrine, et qui
l'assombrit sans cesse. On se croirait dans un sépulcre; et
lorsque le Bouddhisme parle de la délivrance, ii dit tou-
jours du Nirvana, qu'il vient détruire dénnitivemcni pour
l'homme « ce qui n'est qu'une grande masse do maux. »
Dès qu'on se fait do la vie uno telle opinion, il semble
qu'il n'y ait plus qu'a se débarrasser odieux far- de cet
deau, et que le suicide soit le seul parti que l'homme ait
à prendre en cette affreuse extrémité. Plus d'une légende
nous prouverait qu'assez souvent les adeptes du Boud-
dhisme en ont tiré cette conséquence aussi logique qu'ab-
Furde. Mais Çak)amouni, par une contradiction qui l'ho-
nore, a voulu que l'homme employât sa vie à se racheter
de la vie môme par la vertu, i) a voulu que, pour cesser
de vivre
à jamais, on commençât par vivre selon toutes
les lois de la raison, telles du moins qu'il les comprenait,
et que l'on conqutt une mort éternelle par l'existence lit
plus puro et la plus sainte. Cette haute idée qu'il se fait
de la vertu, seul gage du salut éternet. aurait dû. ce sem-
ble, éclairer le philosophe. La vie n'est donc pas si peu de
chose qu'il le croit, puisque, après tout, elle permet à
l'homme cet admirable emploi de ses facultés. Mais les
ténèbres sont trop épaisses pour que cette tumière, toute
vive qu'elle est, les traverse et les dissipe. ne
Çahyamoum
voit dans l'existence que la douleur; et moitié par com-
passion pour ses semblables, moitié peut-~tre aussi par
faibiesso et par un assez iacho retour sur lui-même, it
consacre les efforts de son génie a soustraire i'homme a
la loi fatale de ia renaissance.
223-

Mats ae dirait-onpas vraiment que la vie n'est qu'un


et de souffrances? Sans doute, ii
long tissu de douleurs
tes maux nombreux qu'elle renferme et
faut reconnattre
qui la déparent ce serait folie que de tes nier. Mais sans

parler dos enseignements salutaires que l'homme peut


tirer des maux mêmes qu'il endure, et dont trop souvent

sa volonté est la seule cause, est-il donc vrai


deprnveo
dans la vie? Et les joies de toute
qu'il n'y ait que des maux
sorte qu'elle nous prodigue, depuis les joies naKvea de

l'enfance joies austères de la ré-


qui s'ignore jusqu'aux
flexion mûrie et de la conscience fortifiée
par l'expérience
les plaisirs des sens jusqu'à ceux
par la sagesse depuis
do l'entendement le spectacle incessant et splen-
depuis
dide de la nature jusqu'à cetui de t'ame qui s'immole au

devoir; depuis tes affections de la famille jusqu'aux pas-


sions héroïques du patriotisme, que l'Inde elle-même

n'a point ignorées, fait-on? Prétend-on aussi les


qu'en
nier? Mais si l'on tient tant de compte des maux, croit-on

est bien justo do dédaigner tant de biens incontes-


qu'il
Mtties? Est-ce apprécier équitablement les choses que de
con-
ne tes considérer que sous une seule des deux faces
traires qu'elles présentent? tt ne serait peut-être pas
de la vie aussi éner-
beaucoup plus saga de nier tes maux
tes aCtrmo. Mais l'opti-
giquement que le Bouddhisme
misme, s'il n'est pas parfaitement vrai, l'est sans compa-
il soutient du
raison beaucoup plus que te désespoir.
moins tes courages en tos rassurant: s'it fausse un peu
Une l'abat point; il l'élève au lieu de te dégrader;
t'esprit.
it lui donne certainement plus de lumières quo la thèse
dans la vie humaine et dans le monde,
opposée, puisque
la somme des biens l'emporte sur la somme du mai aux

des juges Impartiaux et pour des cœurs un peu


yeux
virils.
-2~4-
tt y a, en outre, je no sais quello pusillanimité à
ne songer qu'aux maux tout extérieurs, la vieillesse, la
maladie et la mort, et à oublier les autres maux bien
autrement graves et redoutables, en soi et par leurs con-

séquences, qui attaquent i'ame et qu'on appelle des vices.


~o Bouddhisme s'est donné h peine, dans une casuistique
rauinée et savante, do classer avec le soin le plus minu-
tieux toutes les nuances du Zf~fa; o'e;t par centaines qu'ii il
les a distinguées. Et pourquoi, je le demande, tout ce
labeur? Au fond ce n'est pas le vico que le Bouddhisme
vent éviter, et qu'il déteste c'est le Nirvana qu'il reoherche
ot qu'il veut conquérir et comme le vice peut empêcher
le salut et la délivrance. on craint le vice et on ne le re-
poussa qu'indirectement. Ce qu'on redoute uniquement
et par-dessus tout, c'est la douleur qui fait frémir d'effroi
une sensibiifté trop peu courageuse, c'est te déclin de
t'age qui fane les belles couleurs do la jeunesse, c'est la

vieillesse qui détruit les forces, c'est la mort, enfin, qui


n'est qu'un passage de cette existence do douleurs n une
autre existence plus douloureuse encore. Co qu'il faut
éviter à tout prix, et même au prix do la vertu, ce n'est
pas la dégradation morale, suito du vice; c'est cette dé-
gradation corporelle qui, loin de désoter te sage, doit, au
contraire, le fottiiier en l'instruisant. !i serait injuste
d'aiier jusqu'à prétendre que Çakyamouni nes'inqutoto en
rien du moi moral et qu'il n'en fait aucun état. Mais co
qui est vrai, c'est qu'il le subordonne, et que le mal phy-
sique est le principal objet de ses craintes et de ses
préoccupations.
Et ici, admirez la contradiction. Tout en redoutant
outre mesure les maux de la vie, et en cherchant à s'en
délivrer éterneitemont par le néant, le seul moyen, ou du
moins te plus eiïicacc quu t'en trouve do se guérir do
228–

l'existence, c'est d'en faire une torture et un supplice


les cours instants qu'on la possède en l'exécrant,
pendant
a ses adhé-
Quel code que celui que Çâkyamouni impose
rents les plus aimés et les plus Hdètes! quelles observances
à ses religieux et
que celles qu'il prescrit qu'il pratique
lui-même 1 Des haiitons et des linceuls pour vêtements,
des forêts pour abris, des aumûnas pour nourriture, des

cimetières pour lieux de méditation, la plus rigide absti-

nence, la proscription do tous les plaisirs, même les plus

innocents, le silence habituel


qui éloigne les plus chers

entretiens t c'est presque déjà la tombe. Sans doute t'aus-

térttémémodo cette doctrine, qu'on no tmntopasoun

clottro, mais qu'on prêche au monde, prouve l'ardeur


sincère foi qui )a recommande.
de la !) fout une bien

pour so prescrire de si douloureux


énergique conviction
et do si longs sacrifices. Mais si la vie est déjà un aussi

grand mal, pourquoi aggraver encore co mal nécessaire 5?!

Pourquoi à ces misères inévitables ajouter volontairement

ces mortifications sous lesquelles io corps succombe? No

serait-it pas plus conséquent a ia doctrine qu'on enseigne


de faire do la vie une continuelle jouissance, et du plaisir

la seule occupation do l'homme? No faut-il pas tâcher


d'atténuer la douleur loin de l'irriter encore? tt est vrai

ne touchepas les hommes en leur prêchant !o plai-


qu'on
sir, et quo cette tache doctrine, qui peut séduire quelques
n'est pas faite pour entraîner les foules
esprits corrompus,
tout ignorantes et sensuelles qu'elles sont. Çakyamouni n

ou raisonde ne pas descendre à cette bassesse que sa


mais l'ascétisme n'était
grande âme eût repoussée; pas
qu'il devait logiquement tirer de ses prin-
l'application
cipes.
Ainsi, ignorance de la notion du bien; égotsmo aveugle;
absolue sur le devoir; scepticisme a puu
pou ptci)
près uni~
méprise
i6
-226-

versel aversion fanatique de la vie qu'on meoonnatt; pu-


sittanimite devant ses douleurs; tristesse inconsolable dans
un monde que l'on comprend mal, voilà déjà bien des er-
reurs; mais le Bouddhisme en commet de bien plus fortes
encore. Il est assez prouvé que la nature véritable de
homme lui complètement échappé, et que, tout on ins-
tituant contre la corps une lutte incessante et implacable,
ce n'est pas au profit de i'amo qu'it a travaillé. 11 ne dis-

tingue pas t'ame du corps, ni l'esprit do la matière. Rédui-


sant l'intelligence tout entière à la sensibilité extérieure,
il no paratt pas avoir soupçonnû dans l'homme les deux

principes qui le compo 'nt et qui expliquent toute sa des-


tinée. Le Sânkhya du moins avait tracé profondément
cette démarcation essentielle; et tout en se trompant sur
les conséquences qui la suivent, ii avait fait à l'esprit une
largo part, sans lui faire d'ailleurs sa part véritable.

Çâkyamouni est sous ce rapport bien au-dessous do

Kapita. tt reste atheo comme lui; mais à un spiritualisme


tres-decidô quoique bâtard, il substitue, on s'adressant à
la multitude, un matoriaUsmo grossier qu'it acooupto aux

ptus mystiques austérités.


Non-seutement it confond dans l'homme les doux prin-
cipes si opposes qui to forment; it confond de plus l'homme
fui'mémo avec tout ce qui l'entoure. itto confond d'abord
avec les animaux, qui le servent, et qui parfois le decht-
rout quand its ne le fuient pas; avec les plantes, qui to
nourrissent et parfois t'empoisonnent; enfin, chose pres..

que incroyable avec la matière brute, où tt n'y a plus


trace d'organisation ni do vie, et que l'homme façonne à
son gré, quand il veut y appliquer ses mains indus-
trieuses. Oui, l'idée de la transmigration porte jusquo-ta
pour Çakyamouni, o'ost-a-diro jusqu'à ta monstruosité la

plus itagrante. 1) y a parmi nous des doctrines qui ravalent


327
l'homme au niveau do la b6to, et qui ne veulent recon-
nattre en lui qu'un animal un
pou plus parfait que les
autres. C'est déjà pousser assez loin la méprise c'est déjà
observer bien mal et bien peu. Mais qu'est-co quo cette
erreur, toute grave qu'olle est, auprès de cotte où s'abimo
le Bouddhisme? L'homme selon lui, n'est en rien dis-
tinct do la plus vile matière. Dans les existences succes-
sives et infinies qu'il il peut être toutes
peut fournir
choses sans exception, depuis te plus relevé des êtres jus-

qu'au plus informe; depuis l'organisation )a piusmorveit-


teuso et la plus compliquée jusqu'à l'absence mémo do
toute organisation. Si les textes n'étaient aussi formots et
aussi nombreux si cette croyance n'était en parfait ac-
cord avec tout le reste du système, qui la suppose ot no

peut se passer d'eito, on douterait vraiment qu'un para.


doxo do cet ordre ait jamais pu séduire des intelligences
humaines. Mais malheureusement to doute n'est pas per-
mis, ainsi
que jo l'ai fait voir (1). C'est l'idée de l'unité
do substance poussée aussi loin qu'elle peut t'être. dans
toute son étendue et dans toute son absurdité. Spinosa
et nos panthéistes modernes, qui se croient sans doute
fort audacieux et fort conséquents. le sont bien moins

quo Çahyamouni. tt va jusqu'au bout do ses idées, tondis

qu'eux ils ne voient qu'une partie des tours et s'arrêtent


à mi-chemin. Par une sorte d'instinct qui tcur fait sentir
te gouffro ouvert devant eux, ils rfoutont sans le savoir
et bien qu'ils ne fassent point à t'hommo sa juste part
dans tours systèmes, où tous les êtres s'effacent et se con-
fondant sous une obscure Identité, ils n'osent
point avouer
ces blasphèmes dégradants où le Bouddhisme s'est com-

plu. It est vrai que, sous un autre rapport, ils ont fait à

(t) Voir plus haut, pag. i83 et auiv.


– aas –

pou près comme lui en ne voulant reconnattre d'autre


Dieu que l'homme tui-memo. Mais de nos Jours, ces ex-
travagances impies sont moins faciles; on en sait long sur
!'amo do l'homme quand on a derrière soi la philosophie

platonicienne et la méthode do Descartes, et


qu'on vit
dans le sein de la civilisation chrétienne. On peut encore
m6oonna!tfe tout ce qu'apprend la psychologie, et tacher,
sinon de la réfuter, au moins de t'éluder on semblant
t'ignorer mais on a beau faire dans cette voie déplorable,
le sens commun résiste; le philosophe qui s'égare sont
confusément l'erreur où iise perd sa propre conscience.
en protestant contre lui ôto a son système une partie do
sa force et sa conviction ébranléo suffit à peine à le do-
minor tui-meme, loin do pouvoir entratnor les autres.
Mais dans ta monde indien où ta véritable science n'a Ja-
mais été connuo, où la psychologie est restée ignorée pro-
fondement. mémo dos Brahmanes, quoique spéculatif
qu'ils soient, toutes tes aberrations, toutes les folles sont

possibles et il n'a fallu qu'un esprit énergique et résolu

pour les pousser à bout. tt est allé, sans que rien pût
l'arrêter, aussi avant que la logique le menait et comme
l'observation psychologique lui restait fermée plus encore
qu'a ses adversaires, il n'a senti aucune des fautes, ou plutôt
des inepties dans lesquelles Il tombait. Rien n'a surpassé
la grandeur do sa conviction que la grandeur do son
aveuglement.
Je crois qu'il est assez facile maintenant de comprendre
comment le Bouddhisme est nécessairement athée. Quand
on méconnalt à ce point la personnalité de l'homme, il est
absolument impossible de se faire la moindre fdëo de
Dieu. Cette dernière face do la doctrine de Çakyamouni
mérite do nous arrêter encore
quelques instants elle est
sans comparaison la plus fâcheuse de toutes. Mais notre
-220–

examen doit aller jusqu'à sonder ces


plaies hideuses de
l'esprit humain en détourner les yeux, ce ne serait pas
faire assez pour essayer de les guérir.
C'est une chose bien singulière à dire, mais dé-
plus
plorable encore: dans tout le Bouddhisme, it n'y a pas
trace d'une idée do Dieu. Cette grande notion, de quelque
côté qu'on !a prenne. lui a complètement Il ne
échappé,
l'a pas niée précisément, et ii no t'a pas combattue; mais
it n'a pus semblé se douter qu'ello existât dans t'amo hu-
maine et qu'elle lui fut indispensable, t) l'a ignorée do la
manière la plus absoiuo. Le Brahmanisme. & ce point do
vue du moins, est bien ptus élevé et bien
plus savant. S'il
n'a point compris l'unité do Dieu, it i'a cherc))éo sans
cesse sous l'esprit universel du monde; et cotte préoccu-
pation, qui no io quitte point un seul instant, lui fait
parfois entrevoir la véritable tumiero. Dans quelques
hymnes des Védas, dans quelques-unes des Oupanishads
surtout, on voit !e génb brahmanique tout près de faire
cette grande découverte do la raison. Il la pressent, ii !a
touche; et si l'on s'en tenait & son langage, on pourrait
croire quelquefois qu'il possède toute la vérité. S'i) no l'a
point encore, il est cependant sur la route où on la trouve
et l'on peut espérer, grâce a des lueurs éclatantes, bien
que fugitives, qu'elle ne lui échappera pas longtemps. Dans
le Bouddhisme, au
contraire, ces lueurs se sont éteintes
entièrement, et pas une étincetto n'indique qu'elles puis-
sent se ranimer et revivre. Tout est ténèbres; et l'homme,
réduit à fui août, se trouve si faible et si dé!oiss6 qu'il se
jette avec une sorte de frénésie dans la mort et dans le
néant, d'où il est sorti et où i! a hâte do retourner. Spec-
tacle navrant et bien propre a susciter tes réflexions Ics
plus douloureuses! Nous nous étions habitués a supposer
quota notion de Dieu ne manque Jamais, & un degré ou à
230-

un autre. & l'intelligence humaine. Cette notion peut être


confuse et obscure, disions-nous; mais elle n'est point ab.
sente; et nous nous imaginions la retrouver jusque dans
la grossièreté brutale des peuplades les plus sauvages.
Eh bien 1 voilà une grande doct< ino, résultat des plus
longues et des plus sincères méditations; voilà un système
de philosophie, si ce n'est très-profond, au moins très-

conséquent et très-étendu; voilà une religion acceptée et


pratiquée par des nations innombrables, où cotte notion
essentielle qui nous semblait indéfectible, n'apparait pas,
môme dans sa nuance la plus effacée, et où l'homme se
perd si absolument dans son égoïsme et ses terreurs pué.
riles, qu'il ne voit absolument rifn en dehors do lui-même.
11 croit à son malheur de toutes les forces de sa iacheté,
et pour se délivrer, il n'en appelle qu'a lui seul, tout mi-
sérabto qu'il est. Ce serait merveille si te Bouddhisme, sur
un toi chemin, parvenait au port; et quand on se rappoito
d'où ii part, it n'y a pas lieu de s'étonner qu'il soit arrivé
au naufrage.
La personne humaine a été méconnue par lui dans ses
signes les plus extérieurs et les plus manifestes. Mais elle
l'a été bien plus outrageusement encore dans sa nature
intime et dans son essence (1). La liberté, qui en est le ca-
ractère éminent, avec tout le cortège de facultés et de
conséquences qui raccompagnent, est oubliée, suppri-
mée. détruite. L'homme agit durant toute cette vie sous
te poids, non pas précisément de la fatalité, mais des exis'
tences antérieures dont il a fourni l'incalculable série. !i

(1) Dans un soutra pAli consacré spécialement à l'exposition


de la théorie dos causes, msMn<<M)«! MM«a, il est dit en pro-
pros termes c C'est io nom qui fait que l'individu se connaît
tui-mOme. Zot<« de la 6ofme loi de M. E. Burnouf, p. 369.
25!
du bien actuol qu'it
n'est pas puni du mat ni récompensé
fait 0 paie ici-bas !a dette d'une vie passée qu'il ne peut

réformer, dont il subit les résultats nécessaires, et dont il


ne se souvient puisse en reconnattre tes
pas, quoiqu'il
suites fatales. La transmigration le poursuit dans la vie

présente; et, s'il n'y prend garde, elle va la ressaisir pour


le rejeter encore dans le corote qu'il a déjà parcouru, et

d'où il ne pourra sortir. It est vrai qu'il semble dépendre


do lui d'écouter le Bouddha et de se sauver à sa voix, ou
de fermer l'oreille et de se perdre. Mais cette option
libre encore, lui
même, le seul point où l'homme paraisse
est a peine accordée; sa liberté n'est pas entière dans ce
choix décisif; elle est entravée par un passé dont it ne

dispose pius. et l'endurolssement à la ici libératrice qu'on


lui prêche, le châtiment de fautes jadis com-
peut-être
mises, et que suit une faute nouvelle. L'homme n'est

donc pas libre en cette vie. L'a-t-il jamais été ? A-t-it dé-
ou de ne
pondu de lui au début des choses de commencer
cet enchaînement d'existences succes-
pas commencer
sives ? Qui l'a fait tomber pour la première fois sous te

coup de cette redoutable loi? '1


A toutes ces questions le Bouddhisme croit répondre
con-
par la fameuse et puérile théorie de l'Enchaînement
nexe des causes réciproques. Do degrés en degrés, il re-

monte de la mort a 1aquello nous sommes soumis ici-bas,

jusqu'au néant d'où ii fait sortir les êtres, ou


plutôt les
ombres qu'il reconnatt en ce monde. Sans doute, c'est la
naissance qui engendre la vieillesse et la mort; et tout naïf

que cet axiome puisse paraître, ii faut bien accorder que


si l'on n'était point né on no serait point exposé à mourir.
Mais c'est jouer sur les mots que do dire que la vie est
cause de la mort; elle n'en est que l'occasion. Sans douto
encore une fois, si l'on ne naissait point, on ne mourrait
232

point mais la vie est si peu cause do la mort que vous re-
connaissez la mort à son tour pour cause de la vie. La
cause devient effet; et cet effet devient sa propre cause;
c'est-à-dire qu'au fond vous vous contredites vous-mê-
mes, et que la véritable notion de cause vous échappe
comme vous a échappé celle de la liberté. Le Bouddhisme
lui-même semble faire aveu d'impuissance; et dans cette
échelle qu'il parcourt, en la remontant ou en la descen-
dant à son gré, c'est par le néant ou l'ignorance qu'il dé-
bute c'est par l'ignorance ou le néant qu'il termine.
Mais si l'ignorance est le point de départ de vos recher-
ches, et si elle en est le terme, il est bien permis de
douter de votre prétendue science si vous partez du
néant pour aboutir encore au néant, it vaudrait mieux
avouer que vous ne connaissez rien, et que vous ne croyez
à rien. C'est ce qu'a fait plus tard l'école de la Pradjnâ

pâramitâ, plus audacieuse dans son nihilisme et plus con-

séquente que le fondateur même du Bouddhisme. Mais

Çakyamouni n'a point osé le dire, ou plutôt il s'est abusé


lui-même en abusant les autres.
Ainsi, aucune idée de la personnalité humaine, aucune
idée de la liberté, aucune idée de cause, voilà les élé-
ments que le Bouddhisme emploie et qu'il croit avoir tirés
de l'observation exacte et attentive de la réalité. Qu'avec
de tels matériaux, il n'ait
pas mémo tenté de construire
l'édifice de la théodicée. il n'y a rien là qui. doive nous
étonner. Quand on comprend l'homme si imparfaitement,

quoiqu'il pose sans cesse devant nos yeux et qu'on le

porte en soi-même, ii est tout simple que l'on comprenne


aussi mal le monde, qu'on étudie encore moins, et que
l'on ignore Dieu, que l'homme en effet ne peut comprendre
qu'a l'aide de lui-même et du monde.
Mais ce qui doit surprendre à bon droit, et ce qui n'est
233

pas moins étrange que tout le reste, c'est que le Boud-


dhisme n'ait pas divinisé le Bouddha. Destitué de l'idée
vraie de Dieu. il pouvait essayer de se. donner le change,

et, guidé par l'instinct secret dont la raison humaine ne

peut s'affranchir absolument, il pouvait, à la place de

Dieu, substituer une idole. Loin de là, le Bouddha reste

homme, et ne cherche jamais à dépasser les limites de


l'humanité, au-delà de laquelle il ne conçoit rien. L'en-
thousiasme de ses disciples a été aussi réservé que lui-

même et, dans le culte innocent qu'ils lui rendaient, leur


ferveur s'adressait à un souvenir consolateur et fortifiant,

jamais leur superstition intéressée ne s'adressait à sa puis-


sance. Le Bouddha s'est mis personnellement, ou plutôt a
mis l'homme, fort au-dessus de tous les dieux, absurdes
et cruels du panthéon brahmanique; ses sectateurs lui ont
conservé cette place éminente et suprême mais ils ne
sont pas aiiés plus loin. Ni l'orgueil de Çàkyamouni, ni ie
fanatisme des croyants n'a conçu un sacritége. Le Boud-

dha, tout grand qu'il se croit, n'a point risqué l'apothéose;


et la tradition même, toute pieuse qu'elle a pu être, toute
ardente qu'elle a été dans ses adorations, ne l'a point ris-

quée non plus pour lui. Les temples et les statues lui ont
été prodigués. Des milliers d'ouvrages ont été consacrés à
raconter sa vie et même à célébrer sa puissance surnatu-

relle, mais jamais personne n'a songé à en faire un dieu.


Il ne faudrait pourtant pas faire honneur de cette rete-
nue au bon sens
peuples des
bouddhistes. S'ils ont été
aussi sages sur ce point délicat, c'est par des motifs assez

simples que la raison ne dictait point, et qui, d'ailleurs,


s'accordent trop bien avec l'aveuglement dont ces peuples
ont donné le triste
spectacle. Dans leur croyance, le Boud-
dha est si loin d'être un Dieu qu'il a été précédé de plu-
sieurs autres Bouddhas, aussi saints que lui, et qu'il aura
-234.

pour successeurs d'autres Bouddhas non moins accomplis


et non moins vénérables. ïi a sauvé l'univers par sa doc-
trine mais c'est l'univers où il a paru, comme les autres
ont sauvé ou sauveront l'univers dont ils seront ou dont
ils ont été les guides. Le Tathagata lui-méme n'a-t-il pas
prédit à une foude de ses auditeurs des destinées non
moins brillantes que les siennes? Ne leur a-t-it pas appris

qu'ils seraient des Bouddhas aussi bien que lui ? Ne leur


a-t-il pas décrit
point par point les mondes splendides
où ils régneront? N'a-t-il point nxé la durée de leur

règne ? Tout homme peut donc, comme le Bouddha lui-


meme, atteindre, par la vertu et par la sainteté, à cette
haute dignité et tout adorable qu'est le Bouddha, tout
Ineffables que sont ses qualités, il n'est pas de discipie,
quelque qu'il soit, qui ne puisse
obscur les atteindre et les

égaler. Si le Bouddha était un Dieu, par hasard, il y au-


rait autant de dieux possibles qu'ii y a d'hommes capa-
bles de comprendre « les Quatres vérités sublimes, ou i'En.
« chainement connexe des causes
réciproques, et de
« suivre la Voie aux huit parties, qui mène au nirvana, »
Voilà un premier motif qui a empêché les Bouddhistes,
malgré la plus ardente et la plus sincère dévotion, de faire
un dieu du Bouddha. En voici un second qui, pour être
tout aussi puissant, n'est guère plus honorable pour leur
raison.
ti est vrai que le Bouddha, dans tout le cours de sa vie.
après le grand triomphe de Bodhimanda, n'a pas cessé do
faire des miracles, et que les puissances les plus extraor-
dinaires et les plus surnaturelles ont été son partage. Mais
d'abord les Brahmanes, ses adversaires, inttaicnt avec lui.
et faisaient assaut de prodiges. Ce n'était donc pas un pri-

vilége exclusif de Çâkyamouni. H était plus fort que ceux


qu'il combattait parce que sa science était plus grande que
233-

la teur. t! les surpassait en puissance, parce qu'il les sur-

passait en vertu. Et puis, ne sait-on pas que la science


confère à l'homme des pouvoirs surhumains? Ne sait-on

pas que le yogui, quand il a passé


par tous les degrés de
l'initiation, parvient infaitiibtement à la puissance magi-
que, et qu'il est désormais au-dessus de toutes les condi-
tions de la nature? Le Brahmanisme le plus éclairé a tou-

jours eu cette ferme croyance; les systèmosde philosophie


les plus sages l'ont propagée tout le monde dans l'Inde
y a foi; et le Bouddhisme, s'il l'avait répudiée, se serait
mis, par cela seul, fort au-dessous de ses antagonistes.
Les miracles du Bouddha n'ont donc rien qui le distin-
guent. tt est donné à tous les hommes de parvenir à en
faire de non moins étonnants. A ce titre il n'est pas plus
Dieu qu'il ne l'est à tout autre.
C'est, on le voit, par un sentiment d'orgueil tout en-
semble et par une superstition insensée que le Bouddhisme
a été conduit à ne pas diviniser le Bouddha, sans parler
de son incapacité insurmontable à concevoir en rien l'être
infini.
On doit pouvoir maintenant se rendre compte assez
bien de
l'entreprise générate du Bouddhisme. Par une

impuissance radicale de remonter plus haut, ou par une

perversité de raison, il n'a demandé, pour comprendre et


sauver l'homme, que l'homme lui-même. Il en a fait le

plus grand des êtres, en quoi il ne s'est pas trompé s'il a


voulu s'en tenir à ce monde; mais il on a fait un être sub-
sistant par tui-meme. n'ayant de supérieur ni pour son

origine, ni pour sa fin, ptaoé seul dans cet univers qu'il


remplit de sa personnalité vague et partout répandue, sous
les formes les pius contraires, ne s'occupant que de lui
exclusivement, et ne songeant ni à la nature avec laquelle
il se confond dans ses métamorphoses infinics, ni à Dieu
236

qu'il no conna~ pas. Je ne dis point


que l'idée manque
d'une certaine grandeur mais je dis qu'elle
apparente;
manque de vérité, et que l'homme ainsi conçu n'est qu'un
monstre qui, malgré ses prétentions, se prendra bientôt
en horreur parce qu'il ne pourra à se compren-
parvenir
dre. Mais ii ne serait de combattre
point équitable !e
Boudhisme avec la théodicée de Platon ou de Descartes,
c'est-à-dire avec les lumières de peuples et de temps plus
favorisés. Il faut n'employer contre lui que ses propres ar-
mes et puisqu'il a fait de la douleur l'homme tout entier,
ii faut voir ce
que la douleur est dans l'homme et ce
qu'elle y suppose. Par cette voie comme par toute autre,
ii est possible à l'homme d'arriver à Dieu. Le chemin est
plus pénible pour notre faiblesse, mais il n'est pas moins
sûr: et Dieu n'éclate pas moins dans les maux que dans
les biens de l'humanité.
J'ai reproché plus haut à Çâkyamouni d'avoir donné
trop d'attention à la douleur physique (1); mais j'ai dit
aussi qu'il avait fait une certaine
part à la douleur mo-
raie. ïi veut délivrer l'homme à jamais do la maladie, de
la vieillesse et de la mort, en le délivrant de la loi de la
renaissance; mais ii veut aussi le soustraire au vice. Il ne
nie donc pas que si l'homme souffre dans son corps, ii ne
puisse soutfrir aussi, et plus vivement encore dans une
autre partie de son être. Le ~Mfa dans sa vaste
comprend,
extension, le mal corporel et le mai moral; et quand
Adjatacatrou vient faire au Bouddha
iui-meme l'aveu de
son forfait parricide, c'est qu'il est déchiré par le remords.
Il confie le secret de ses tortures au sage qui doit le sou-
lager et le guérir. Ainsi le Bouddhisme reconnatt la dou-
leur sous sa terme la plus poignante et la plus vraie,

(t) Voir plus haut, pag. 223 ot 224.


237

quoique la moins apparente et la plus cachée. Seulement


it insiste trop peu sur cette grande observation qui pou-
vait lui révéler toute la nature de l'homme, et le faire
monter en mematemps plus haut que l'homme lui-même.
On doit le demander au Bouddhisme Y a-t-il au monde
un autre être
que l'homme qui puisse éprouver ces dou-
leurs que la conscience lui impose dans certains cas, et
que vous connaissez bien, puisque vous vous chargez de
las apaiser par vos conseils et par les expiations solennel-
les que vous recommandez? Croyez-vous que les êtres
dont l'homme est entouré éprouvent comme lui ces sup-
plices intérieurs auxquels les plus puissants des rois, tout
assurés qu'ils sont de l'impunité, ne savent point se sou-
straire ? On vous concède, si vous l'exigez,
que l'homme,
avant de revêtir sa forme actuelle, a passé par tous les
états de la matière, depuis ta plus inerte jusqu'à la mieux
organisée; mais dans la disposition présente des choses.
niez-vous que l'homme soit seul à subir ces tourments,
suite de ses fautes et parfois de ses crimes? Croyez-vous
que les animaux les sentent comme lui? Croyez-vous que
la matière brute, que vous placez vous-même au-dessous
des animaux, puisse également les sentir? Non sans doute;
et malgré tous vos aveuglements, vous n'êtes point des-
cendus jusqu'à celui-là. L'homme a donc le prlvilége de
cette douleur qui n'est qu'à lui. C'est un fait qu'on ne
saurait contester; on peut le déplorer, comme on déplore
la vieillesse et la mort; mais on ne peut pas dire qu'il
n'existe point.
D'où vient cette douleur à l'homme?
Et qui la cause en
lui, quand elle arriva bouleverser tout son être. empoi-
sonner toutes ses joies, et le mettre à l'agonie, au milieu
de tous les enivrements du pouvoir? Vous même vous
répondez à cette question l'homme n'éprouve ces affreu-
-238

ses douleurs que parce qu'il se sent d'avoir


coupable
transgressé la tôt. S'H ne se disait point qu'il devait et
pouvait agir autrement qu'il n'a fait, il n'aurait point le
remords qui l'amène à vos pieds humble et soumis, maigre
son orgueil et toute sa puissance. Mais cette loi
qu'il a
violée et qui le punit, ce n'est pas vous qui l'avez faite
pour lui car ce grand coupable, quand il a commencé à
se repentir, ne vous connaissait pas, et il ignorait que vous
eussiez défendu io meurtre. C'est Mon moins encore ce
coupable tui-mome qui a fait une loi dont le juste chati.
ment l'accable. Loin de la promulguer contre lui, il la
détruirait, si l'abolir était en son pouvoir. Il effacerait,
s'il ne dépendait que de lui, jusqu'au souvenir de sa
faute, pour guérir en mémo temps les blessures que ce
souvenir lui cause et rouvre sans cesse. Mais cette loi est
supérieure l'homme, elle no relève pas de lui; et en
dépit de toute sa perversité, qui parfois la brave, il ne
peut faire taire dans son propre cœur cette voix implaca-
ble, qui va peut-être trouver tout ù l'heure des échos non
moins terribles dans le cœur de ses semblables.
Je sais bien que le Bouddhisme si ce
peut répondre,
n'est par Çakyamouni, du moinspar Nagàrdjouna, autour
de la Pradjna paramita, que si l'homme des dou-
éprouve
leurs morales de cet ordre, c'est par cet unique motif qu'il
est ainsi fait; que c'est sa nature n'est
(svabhava) qu'il
pas besoin de chercher une autre e~ptication que les
êtres sont ce qu'ils sont par leur nature propre; que
l'homme a la sienne, comme les animaux, comme les
plantes, comme les minéraux ont la leur; et enfin que
vouloir aller au-delà est inutile. Cette réponse
n'explique
rien au fond, précisément parce qu'ollo refuse
d'expliquer
quoi que ce soit c'est une fin do non-recevoir universelle.
M faut se borner à observer des faits sans jamais prétendre
-239-

remonter jusque !cur cause la douleur morale qui suit


!e crime est un fait, le Bouddhisme t'avoue et par l'or-

gane de sa plus grande école de métaphysique, il déclare

qu'il s'en tient là, et qu'il n'a point à s'enquérir d'où


vient ce fait et quelle est son origine. Mais le Bouddhisme
a beau se couvrir de cet argument facile, il s'est interdit
à tui.meme cette défaite trop commode.
La réponse peut
être à l'usage du scepticisme de disciples qui n'ont pria
dans les leçons du maître que la moins bonne partie, et

qui s'en tiennent à la plus sèche logique mais to maître


ce peut l'admettre il n'a point passé avec cette hautaine
indifférence devant la douleur morale, et loin d'y voir un
effet de la nature propre de l'homme, o'est-a-dire un effet

immuable, ii a misses soins les plus attentifs et son espoir


le plus noble à guérir ces maux qu'il no croyait point in-
curables. Il a donc reconnu, non pas seulement que
l'homme viole une toi supérieure
à lui quand il commet la

faute, mais de plus qu'il peut, d'une certaine manière,


réparer le mal commis et rétablir entre lui et cette loi
violée le rapport qu'a brisé son crime. Le Bouddha n'avait

plus qu'un pas à faire c'était d'attribuer cette loi, que sa


vertu trouvait juste apparemment, à un être plus puissant
que l'homme, et ami de l'ordre et du bien, qu'il sait ré-
véler et maintenir par ces moyens énergiques et secrets.
!t semble même que le Bouddha pouvait encore aller un

peu plus loin dans cette voie. tt n'avait


qu'a interroger
son âme héroïque et vertueuse et à comparer la paix

profonde et inaltérable dont il jouissait en sa conscience,


avec les tempêtes dont it voyait l'Ame des coupables agi-
tée. Cette quiétude des bons, devant la toi qu'ils accom-

plissent, était un fait non moins certain que le trouble


des méchants. Le Bouddha personnellement en était un
admirable exemple. Il pouvait donc se dire que si l'auteur
240-
-k
de la loi morale punit !e mal, M récompense aussi le bien,
et que sa mansuétude égale au moins sa rigueur.
Ces simples réitexions sur la douleur morale no dépas-
saient point certainement le génie de Çakyamouni et s'll
les avait faites, elles étaient de nature à modifier le cours
entier de ses pensées et à changer tout son système. Par
cette voie sans parler do tant d'autres que le spectacle
do la nature extérieure lui pouvait ouvrir, it serait arrivé

à mieux t'hommo i 11serait arrivé surtout à


comprendre
calmer cette épouvante et le précipite
qui l'aveugle dans le

désespoir. En face de t'etre tout-puissant qui est juste et


et sévère. son âme
qui sait être tout à la fois bienveillant
se serait rassurée. Loin do voir dans ia vie un supplice, it
aurait reconnu une épreuve qu'il dépend de nous de ren-
dre moins pénible. L'homme n'a point à déplorer sa con-
dition ici-bas. puisqu'il peut l'améliorer et l'embellir. II
n'est pas perdu dans cet univers, puisqu'il se sent sous le

joug de lois raisonnables et bienfaisantes. ït lui a été


donné de s'y et de les comprendre.
soumettre S'U peut
les renverser, it peut aussi s'associer à elles en y obéis-
sant. Bien plus, i) peut, dans une certaine mesure s'as-
socier à ceiui qui les a faites et qui les lui révèle également
à un domi-
par la vertu et par le crime. Ce n'est donc pas
nateur ou à un tyran que le c<Bur de l'homme s'adressc,
c'est plutôt à un père et il doit se dire que loin d'être

égaré ou orphelin en ce monde. it peut y vivre comme

dons une vaste famille, où il occupe un bien beau rang,

puisque ce rang est le second.


Mais ce coté des choses, qui n'est pas seulement le

plus et qui est aussi


grand. le plus vrai, n'a pas touché
ït n'a regardé que le côté misérable de
Çakyamouni.
l'hommo et il s'est abandonné sans mesure à la doulou-
reuse sympathie que lui causait ce spectacle lamentable.
24t

Parce que l'homme meurt ioi-bas après y avoir plus ou


moins bien vécu, it l'a condamné a mourir étornettemont.

L'espérance du néant lui a paru devoir suture a cet être

uniquement préoccupe du souci d'échapper a~la douleur.


On souffre dès qu'on existe et le seul moyen de no pas
souffrir, c'est de ne pas être. Le nirvana est le seul refuge

assuré; on est bien certain de ne plus revenir, du moment

qu'on ne sera plus.


Mats it est temps de clore ces considérations déjà bien
longues sur le Bouddhisme, et que je pourrais étendre en-
core on traitant ces grands sujets. Je résume mes criti-
ques en les appliquant à quelques théories fondamentales
La transmigration. qui est le point de départ de toute
cette doctrine, n'est qu'une hypothèse insoutenable, que
le Bouddha n'apoint inventée sans doute; mais qu'il a
et dont it a tiré les ptus déplorables consé-
acceptée
quences
Sa morate est incomplèto et vaine en ce qu'clle s'ap-
vue très-fausse do la nature de l'homme et
puie sur une
de la vie;
Le nirvana, ou le néant. est une conception mons-
trueuse qui répugne à tous les instincts de la nature hu-

maine, et à la raison et qui implique l'athéisme.


Réduit à ces termes, le Bouddhisme devrait inspirer en-
core plusdo pitié que de mépris; et c'est à peine s'it se-
rait digne dos regards de l'histoire mais it a dominé

pondant des siéoies, comme il domine encore sur des


et i! offre a leur crédulité les tristes
peuples sans nombre;
doctrines que je viens de passer en revue comme seul

aliment do leur foi, qui est d'autant plus ardente qu'elle


est plus absurde. tt les plonge, par l'idée de la transmi-

gration, dans un monde fantastique qui ne leur permet


de rien comprendre aux vraies conditions do celui dans

M
-242 –

lequel ils vivent. Sa morale, qui n'a pu sauver les peuples,


o'a pu surtout les organiser en sociétés équitables et intel-

ligentes. Sa doctrine du nirvana les a ravalés même au-


dessous des brutes, qui ont au moins sur l'homme cet
avantage do ne point déïHer !o néant, auquel elles no
songent point. En un mot. it a méconnu, de quelque

point do vue qu'on l'envisage la nature, les devoirs la


dignité do la personne humaine. H prétendait la délivrer,
it n'a fait que la détruire it voulait t'éciairer, it t'a jetée
dans les plus profondes ténèbres. Ses intentions ont pu
être généreuses: mais son action générato sauf quelques
rares exceptions, a été fatalo et l'on peut M demander
avec une trop juste anxiété, si les nations qu'il a perdues

pourront jamais trouver, ni mémo accepter, un remède


J aux maux qu'il leur a faits et qu'il leur fera longtemps
encore.
Sans doute le Brahmanisme. quand ii expulsa do son
soin la réforme bouddhique, par une persécution impia-
cabto. ne se dit
point contre elle tout ce que nous pou-
vons lui reprocher au nom do la religion, de la philoso-

phio et do la raison. Pendant près de mille ans, la société

brahmanique out pour les Bouddhistes une tolérance qui


l'honore; etto les laissa répandre en paix leurs théories,
comme elle laissait à d'autres prétendus sages une égale
liberté. Solon toute apparence quand la persécution com-

mença pour ne s'arrêter qu'après l'extermination, ce fu'


rent dos motifs assez
pou relevés qui la décidèrent et la
rendirent si terrible. Des rivalités d'influence et d'intérêts,
des luttes de domination et d'orgueil, poussèrent los
Brahmanes à tant de rigueur après tant do longanimité
et le Bouddhisme serait demeuré dans l'Inde qui l'avait vu
naitro. si par d'incessants progrès, it n'eût menacé l'or-

ganisation des castes et les privilèges do la plus puissante.


843 –

il est do croire aussi que le


Mats, cependant. permis
sans bien comprendre tout ce qu'avaient
Brahmanisme,
es doctrines bouddhiques. ressentit contre
do hideux
chose de l'aversion
qu'elles nous donnent.
eues quelque
le droit si l'on veut, de les répudier, car
Il n'avait pas
et il les partageait à
c'était lui qui les avait provoquées
it croyait a la transmigration et s'il
plus d'un ég"rd;
n'admettait p~ le nirvana. il laissait planer sur les des-
humaine une incertitude péritieuse ou
tinées de l'âme
dans la nature et l'esprit universel du
bien il l'absorbait
monde. Mais le Brahmanisme ne voulut pas se reconnaître
tirées de ses principes, ït
dans les affreuses conséquences
est possible que to Bouddhisme
n'eût que le tort d'être
et qu'on de certaines données ad-
trop logique partant
indienne. il ne
mises par tout le monde dans la société
dans ses déductious aussi rigoureuses
se fût pas trompé
do lui on redouta son
Mais on eut horreur
qu'absurdes.
t'eût préparé et l'on renvoya
mortel poison quoiqu'on
vivre do ces
ses ravages chez des peuples qui pouvaient
déiéteres sans y succomber. C'était déjà trop
doctrines
eût été la berceau du Bouddhisme on ne
que l'Inde
en devînt le séjour et le foyer
voulut pas souffrir qu'oite
durables.
ne possède rien do précis ni do complot sur
L'histoire
on ignore a peu près en-
les phases do cette persécution
los causes particulières et les
tièrement quottes en furent
On sait beaucoup mieux comment le
diverses péripéties.
Bouddhisme naquit et se développa dans l'Inde, qu'on no
comment il y mourut, que ces derniers
bien événe-
sait
ments soient plus rapprochés de nous de onze ou douze

cents ans tout au moins. Mais en attendant que des dé-


nouve)!os nous dévoilent l'histoire de ces temps
couvertes
et nous expliquent les déiaifs de ce fait im-
malheuroux
-244

mense, les causesgénérâtes n'en peuvent être douteuses


c'est l'intérêt matériel des Brahmanes, ce sont les intérêts
moraux de la société indienne qui ont exigé cette expul-
sion violente. La prétendue réforme qu'apportait le Boud-
dhisme n'était qu'un mal plus grand. Le Brahmanisme,
tout défectueux qu'il est, valait encore mieux que lui; et

par une de que ne comprennent


ces réactions jamais les
qui les font et qui en profitent, on détruisit, à
peuples
l'avantage d'erreurs anciennes et respectées, des erreurs
nouvelles encore plus fâcheuses. La réforme disparut pour
laisser une place méritée à la vieille croyance, et elle fut
réduite à n'infecter que les nations voisines, si dégradées

qu'elles purent encore y trouver un progrès. L'Inde n'y


pouvait trouver qu'une chute dont elle se préserva peut-
être avec plus do sagesse que de clémence. C'était un pré-
sent bien étrange que d'apporter aux hommes l'athéisme
avec l'espoir du néant mais it y avait des hommes et des

populations immenses pour qui c'était t& une lumière, et

que le Bouddhisme, tout monstrueux qu'il était, appelait


du moins à une vie moralequ'elles n'avaient jamais con-
nue. C'était beaucoup que de leur offrir t'idéai du Boud-

dha, même déparé par ces extravagantes ou abominables


doctrines.
A la fin du xvn" siècle et dans le aiéoto suivant. une

question s'était élevée entre quelques esprits éminents, à


l'occasion de la Chine, que l'on commençait alors à mieux
connaître on 6'était demandé s'it était possible qu'une
société d'athées existât, et si l'accusation d'athéisme portée
contre ce vaste empire avait quelque apparence de raison
et de probabilité. Bayle rendit en
!a discussion fameuse
se prononçant pour l'anirmative, que Voltaire devait con-
tredire après lui. Les opinions furent trés-partagées, ot
la question sembla demeurer indécise, on l'absence do
24S–

faits suNtsamment connus pour la trancher. Aujourd'hui


si complètes et si évidentes que
et en face des révélations
Bouddhisme découverts et expli-
nous font les livres du
Les peuples bouddhiques
qués, le doute n'est plus permis.
regardés comme des
peuvent être sans aucune injustice
athées. Ceci ne veut pas dire qu'ils professent
peuples
et qu'ils se font gloire de leur incrédulité.
l'athéisme.
dont on pourrait citer plus d'un
avec cette jactance
nous; ceci veut dire seulement que ces
exemple parmi
dans leurs méditations les
peuples n'ont pas pu s'élever,
les sociétés
la notion de Dieu. et que
plus hautes, jusqu'à de
au grand détriment
formées par eux s'en sont passées,
et de leur bonheur. Mais. en fait, ces
lour organisation
existent, très-nombreuses quoique impuissantes,
sociétés
très anciennes, corrompues et raf-
fort arriérées quoique
et profondément malheureuses par une ignorance
nnéos.
ne font qu'accroître. loin
et par des vices que les siècles
raison do soutenir que
do les corriger. Bayle avait donc
étaient nous savons aujour-
de telles sociétés possibles;
Mais. aussi, faut-il
d'hui qu'eues sont réettes. peut-être

dire avec Voltaire « Ces peuples ne nient ni n aNtrment


entendu parler. Prétendre
« Dieu; lis n'en ont jamais
« qu'ils sont athées, est la même imputation que si l'on
ils ne sont ni pour ni
« disait qu'ils sont anti-Cartésiens
Ce sont de vrais enfants; un enfant
« contre Descartes.
« n'est ni athée, ni déiste il n'est rien (1). » Ce jugement

de Voltaire est encore ie plus vrai et le plus consolant.


seule-
n'est pas plus un athée que Kapila
Cakyamouni
et le malheur d'ignorer Dieu; il
ment it a eu la faiblesse
fallu qu'il l'eût combattu pour qu'on pût avec
aurait
lui reprocher son athéisme. Les peuples auxquels
équité

article ~<A<'«mo.
(1) Voltaire, ~Mc«oMta<~ eH~cto~~e,
246

sa doctrine devait convenir étaient


lui, aussi aveugles que
et H a été prouvé par !a science de nos jours qu'ils ne
connaissent pas Dieu, mémo de nom. M. Abel Rémusat a
constaté que les Chinois, les Tartares et les Mongols, aux-

quels on pourrait, je crois, ajouter les Tibétains. n'ont

pas de mot dans leur langue pour exprimer l'idée de


Dieu (1). En présence d'un phénomène aussi curieux et
aussi déplorable, que confirme d'ailleurs toute une reli-

gion, on pourrait se demander si l'intelligence de ces

peuples est faite comme la notre, et si, dans ces climats


où la vie est en horreur et où l'on adore le néant à la

place de Dieu, la nature humaine est bien encore celle

que nous sentons en nous. D'ailleurs, la foi de ces peu-

ples, tout insensée qu'eUe peut nous parattre a été si


exclusive qu'ils lui ont consacré leur pensée tout entière i
ils n'ont de livres que leurs livres sacrés; ils n'ont pas
permis à leur imagination, toute déréglée qu'elle était,
de se distraire ou de s'égarer sur d'autres; et la plupart
des nations bouddhiques n'ont de littérature que celle des
Soûtras (2).
Si j'ai tant insisté sur le Bouddhisme, c'est d'abord à
cause de son importance historique dans le passé et mémo
dans le présent de l'humanité; mais c'est aussi pour pré-
venir, autant qu'il dépendra de moi, l'illusion qu'il peut
faire à quelques esprits. Sans doute, il n'est pas à craindre
que son enrayant as'étisme fasse des prosélytes parmi
nous; la transmigration et le néant avec l'athéisme ne

comptent pas je crois, beaucoup de fidèles dans nos

(1) M. Abel Rémusat, Foe Kouo ~<, page i38.


(2) C'est là sans doute, ce qui fait que les Soûtras sont à la
fois si nombreux et si extravagants; ils doivent tenir lieu de
tout aux peuples qui croient au Bouddha.
247 –

Mais le'Bouddhisme a certains eûtes par lesquels il


rangs.
séduire. Le personnage du réformateur lui-même
peut
est fort grand; et l'on peut dire qu'il est accompli. Dans

sa vie, telle nous la connaissons, il n'y a pas une


que
une tache. Les vertusqu'il a inspirées ont été
faute, pas
très-sincères et parfois éclatantes, si d'ailleurs ses prin-

étaient faux. Héros lui-même, i! a produit d'hé-


cipes
imitateurs. Cette morale tout erronée qu'elle
roïques
est, rachète du moins ses erreurs par une austérité que
ses vices n'ont rien de vulgaire ni
rien ne peut désarmer;
de bas le renoncement poussé à ce point, même quand il

est encore de quelque estime; on peut


s'égare, digne
la folie de l'ascète, mais on ne la méprise point.
plaindre
Je ne m'étonne donc pas que le Bouddhisme, surtout
ait provoqué admi-
quand il était moins connu, quelque
ration. Les ressemblances même qu'il pouvait offrir avec
non-
le christianisme n'ont pas laissé que de tromper,
seulement des hostiles à la foi chrétienne, mais
esprits
aussi des croyants. Les uns ont voulu y trouver un rival

de la religion qu'ils combattaient les autres y voyaient

un reflet des doctrines, objet de leur culte. Je crois qu'au-


ces méprises,
toutes également insoutenables,
jourd'hui
doivent se dissiper. Le Bouddhisme est parfaitement ori-
à des peuples
ginal en ce sens qu'il n'a point emprunté
ou à des civilisations meilleures des principes
étrangers
il est exclusivement
et des théories qu'il a corrompus
indien, et 11 est sorti tout entier du passé de l'Inde elle-
même sans le Brahmanisme qu'il a prétendu réformer,

sans les systèmes philosophiques qu'il a propagés, peut-


être à son insu, il n'eut pas été possible, et il ne se com-
n'a pas pris de le-
prendrait pas. Mais si le Bouddhisme
ce serait une erreur bien plus
çons du christianisme,
grande encore de supposer qu'il puisse lui en donner. Le
-248-
Bouddhisme est fort intéressant à connattre, je t'avoue,
et des travaux comme ceux de MM. Burnouf, Hodgson
Schmidt, Csoma Turnour, Stanislas Julien, Ch. Lassen,

Fouoaux, etc., méritent toute notre gratitude. Ils nous

révèlent une page jusqu'à présent inconnue ou mal com-

prise des annales humaines; ils nous font pénétrer dans


la vie morale et intellectuelle de ces peuples qui. après
tout, sont nos frères, si ce n'est tout à fait nos semblables.
Mais hors de là le Bouddhisme n'a rien à nous apprendre,
et son école serait désastreuse pour nous. Malgré des ap-
parences parfois spécieuses, il n'est qu'un long tissu de

contradictions et ce n'est pas le calomnier que de dire,


qu'à le bien regarder c'est un spiritualisme sans âme,
une vertu sans devoir, une morale sans liberté, une cha-
rité sans amour, un monde sans nature et sans Dieu. Que
pourrions-nous tirer de pareils enseignements Et que de
choses il nous faudrait oublier pour en devenir les aveugles

disciplesl Que de degrés il nous faudrait descendre dans


t'écheite des peuples et de la civilisation 1
Le seul, mais immense service que le Bouddhisme

puisse nous rendre, c'est, par son triste contraste, de nous


faire apprécier mieux encore la valeur inaalimable de nos

croyances, en nous montrant à


tou~(~;qu'Jt'o&te
t'humanite qui ne les partage poit~~

FIN.
ERHATA

t'nges.
1~. tigne 25. ait i'e" de mois, <«M années.
H9. note 2, «Mlieu d6 Williams, ~oe. WiHiam.
i2!. note2. e~'ace~ pag. 363 de )'éd. deM. Max.Mû)ter et.
1~3, tigno 14. OM~M de position. «'M punition.
t66. ligne i9. «ttheM ~e troisième. ~'M: second.
tH4. tome xxx. p. 13. ~M p. 90.
))QK~«~

17
TABLE ))HS MATH~HS

Pagas.

AvAttr-PnoPos. vavu

1. du Bouddhisme. 1
Chronologie

H. Caractère et vie de 28
ÇAkyamouni.

111. de 83
Légende Çàkyamouni.

IV. De la Morale '24


bouddhique.

V. t50
–ïnauencedetaMoratedeÇakyamouui.

De la de 179
Vt. Métaphysique Çakyamouni..

de Çnkyamouut.. 206
VU. – Cnttque~ht~ystème

~T< 249

OtteaM.–Imp.deCotM-GatJi)).
Ot!<t!na) en courut

MFX~-lïO-e

Vous aimerez peut-être aussi