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Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l'Ingénieur - JNGG' 2006 Lyon (France)

LES SYSTEMES DE DETECTION SUR LE RESEAU FERRE FRANCAIS

Philippe GRANDSERT
SNCF – Direction de l’Ingénierie – La Plaine St Denis – France

RESUME – Le réseau ferroviaire français comporte, hors ouvrages d’art, environ 30 000 km de
ligne constituant le patrimoine Ouvrages en Terre (OT). Dans certaines configurations (zone
montagneuse, fond de vallée,…), ces ouvrages sont exposés à des risques naturels pouvant
menacer la sécurité des circulations et l’intégrité de l’infrastructure. Une méthodologie de
surveillance, d’études et de traitement de ces risques naturels, notamment rocheux, a été mise
au point. Dans le cas où les parades classiques, actives ou passives, ne peuvent être réalisées
ou sont insuffisantes, des systèmes détecteurs spécifiques sont installés pour garantir la
sécurité de l’exploitation.

1. INTRODUCTION

RFF (Réseau Ferré de France) est depuis 1997 propriétaire du réseau (MOA) et la SNCF, en
tant que Gérant de l’Infrastructure Délégué (G.I.D) assure pour le compte de RFF la
surveillance, l’entretien et la régénération du patrimoine de l’infrastructure.
La gestion de ce patrimoine est schématiquement effectuée sur trois niveaux :
♦ DIRECTIONS CENTRALES (PARIS)
• Direction de l’Infrastructure : politique de maintenance, gestion des référentiels,
planification de la production, gestion technique et financière du patrimoine,
• Direction de l’Ingénierie : (avec les experts OT nationaux). Elle assiste la Direction de
l’Infrastructure et les Régions pour :
- expertises, études et conseils techniques,
- formations, animation métiers,
- gestion du patrimoine (classement des priorités techniques pour les opérations de
régénération),
- les interventions sur incidents,
- les retours d’expérience (REX).
♦ DIRECTIONS REGIONALES (23)
• Pôle Maintenance (avec responsable maintenance OT)
• Pôle Ingénierie (avec Chargé OT Régional)
♦ ETABLISSEMENTS (EVEN : env 80)
Avec correspondant OT dans le pôle technique de l’EVEN.

2. SURVEILLANCE DES OUVRAGES EN TERRE

Le patrimoine Ouvrages en Terre du réseau ferroviaire nécessite une surveillance spécifique et


des traitements particuliers liés :
- aux impératifs de sécurité propres à l’exploitation ferroviaire (contrat de transport)
- à la nécessité de garantir l’intégralité et la fiabilité des infrastructures (maintien du trafic).

Pour répondre à ces exigences, la SNCF a élaboré en interne ses propres référentiels de
surveillance et de gestion de ce patrimoine.

Les OT (en. 100 000 unités – estimation) sont classés :

9 En OT sensibles : (environ 8000)


o Ouvrages qui comportent des désordres ou des indices de désordres
o Ouvrages confortés qui nécessitent un entretien et/ou un suivi périodique

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o Ouvrages au droit desquels l’environnement a été / ou peut être à l’origine de


phénomènes présentant des risques pour les circulations (chutes de rochers,
glissements de versants, coulées de boue, laves torrentielles, crues, …).

9 En OT courant :
o Ouvrages sans indices de désordres
o Ouvrages traités et stabilisés (ex sensibles déclassés)

 Les OT sensibles font l’objet d’une surveillance particulière :


9 Fiche signalétique descriptive de l’ouvrage
9 Visites détaillées (au plus quinquennales)
9 Visites spécifiques intermédiaires (suivi d’évolution)
9 Visites spéciales intempéries
9 Visites d’expertises si évolution critique.

NOTA : Les OT courants sont repris dans les tournées périodiques voie, toutes les 2 à 10
semaines selon les lignes).

Pour ce qui concerne plus particulièrement le domaine rocheux, on notera les chiffres
suivants :

- linéaire de parois rocheuses bordant les voies : ~ 1.300 km


- linéaire de versants rocheux : ~180 km, ces derniers étant essentiellement situés sur les
Régions SNCF de Clermont-Ferrand, Chambéry, Montpellier, Lyon, Toulouse, Strasbourg,
Limoges et Marseille.

A partir du retour d’expérience réalisé, on dénombre en moyenne une centaine d’incidents par
an (toutes gravités confondues) liés à des chutes de blocs rocheux.

3. METHODOLOGIE DE RECENSEMENT ET D’ETUDES OT ROCHEUX

3.1 Cartographie des risques

Cette cartographie avait pour objectif de hiérarchiser les risques naturels au niveau national
pour planification des études et travaux.

Engagée dans les années 1970 sur les lignes les plus exposées, elle a permis de les
découper en secteurs avec classement en risque :

R0 : nul à très faible


R1 : moyen
R2 : important
R3 : très important.

Ces cartographies ont été réalisées par des organismes extérieurs (LRPC, BRGM, …) ou
par des géologues régionaux SNCF.

3.2 Visites diagnostics d’itinéraires

En complément des cartographies et pour les lignes moins exposées ou de moindre


importance, des visites d’itinéraires ont été réalisées en interne SNCF pour recenser les points
jugés les plus critiques. Environ 2800 km de ligne ont ainsi été parcourus.

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3.3 Etudes spécifiques (y compris études trajectographiques)

Sur les zones identifiées à risque majeur, et sur des secteurs de ligne à fort enjeu, des études
détaillées ont été lancées.

Réalisées par des bureaux spécialisés elles ont pour objectif, après étude géostructurale, de
définir les mécanismes de rupture, d’estimer le risque d’aléa et de proposer les parades
adaptées (dimensionnement, phasage travaux selon les priorités).

A l’issue de ces études tous les éléments techniques nécessaires à l’établissement du


dossier de consultation des entreprises doivent être fournis.

4. METHODOLOGIE DE TRAITEMENT

4.1 Ouvrages rocheux dans les emprises (parois)

La priorité est donnée aux parades actives (on empêche l’éboulement de se produire) ou
passives (on se prémunit des conséquences de l’éboulement) de manière à conforter
l’infrastructure.

4.2 Risques naturels rocheux hors emprises

La priorité est alors donnée à la sécurité des circulations.

C’est ainsi que les secteurs classés en risque R3, sur la base des cartographies et visites
d’itinéraires évoquées au paragraphe 3 précédent, ont été prioritairement équipées en filets
détecteurs de chutes de rochers (dans le cas où cette installation n’existait pas encore).

Dans les configurations délicates, des études trajectographiques préalables ont été menées
pour optimiser les implantations et les dimensionnements.

De plus, sur les itinéraires très chargés ou stratégiques où une coupure de longue durée de
la ligne ne peut être envisagée, des études spécifiques sont réalisées de manière à mettre en
œuvre, en plus de la détection, des parades actives ou passives.

Les quelques chiffres donnés ci-après permettent d’illustrer l’importance du patrimoine


d’ouvrages à gérer :

 Quelques chiffres :
9 Filets détecteurs :
Total réseau 112 km dont 7 km de filets horizontaux.

9 Dispositif de protection passive :


Tous types et tous niveaux : total de l’ordre de 70 km dont notamment :
- écran de filets protecteurs : 10 km
- merlons, fosses : 29 km
- écrans statiques rigides (rails-traverses, berlinoises, …) : 13 km
- murs barrages, murs de protection : 10 km.

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5. LES ECRANS DE FILETS DETECTEURS

5.1 Les différents types

 Filets détecteurs de chutes de rochers


9 Nappes verticales,
9 Nappes horizontales ou obliques.
Les poteaux (bois en général ou métalliques galvanisés) sont espacés de 5 m ; les fils
rigides sont isolés et fixés sur les poteaux au moyen de ligatures sur des poulies
isolantes distantes de 0,25 m en moyenne.

Photo 2 : Filets détecteurs verticaux et


horizontaux sur supports métalliques

Photo 1 : Filets détecteurs verticaux sur


poteaux bois

Photo 3 : Détection de chutes de blocs en cas


de dépassement de la capacité des écrans de
filets protecteurs

 Autres systèmes de détection


9 Ecran grillage détecteur (coulée de boue)
9 Palette de détection (laves torrentielles)
9 Détecteur de crue, détecteur de surverse.

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Photo 3 : Ecran grillagé détecteur


Photo 4 : Palettes de détection

5.2 Principe de fonctionnement

ƒ Lorsque la chute d’un bloc casse l’un des fils la continuité électrique est interrompue dans le
filet détecteur, les signaux encadrants sont mis au rouge et provoquent l’arrêt des
circulations ferroviaires.

Signal d’arrêt

Contrôle du filet
détecteur

Photo 5 : Signal d’arrêt des circulations

ƒ En même temps dans les gares encadrantes, des voyants lumineux signalent le
fonctionnement du fil détecteur aux responsables de l’exploitation de la ligne.

Photo 6 : Contrôle des filets détecteurs en gare

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ƒ Pour rendre le système plus efficace si un train a déjà franchi le dernier signal lorsque la
chute se produit, on peut interposer une torche à flamme rouge qui lui impose l’arrêt avant la
zone dangereuse.

Photo 7 : Torche

ƒ Lorsque le conducteur d’un train rencontre un signal mis au rouge ou une torche à flamme
rouge suite au déclenchement d’un filet détecteur, il contacte téléphoniquement le régulateur
qui lui indique la marche à suivre.

5.3 Avantages et inconvénients

 Dispositif très efficace pour garantir la sécurité des circulations :

- système tout ou rien,


- technologie relativement simple et éprouvée,
- efficacité renforcée par la pose de torches quand la distance filets/signal est trop
importante.

 Mais des contraintes assez fortes en termes :


- de coûts d’installation (notamment la partie signalisation),
- d’exploitation : environ 100 déclenchements par an (toutes causes confondues y.c.
déclenchements intempestifs, entraînant des perturbations du trafic (arrêts de trains,
retards, …) et la mobilisation de personnel pour assurer le gardiennage de la zone
critique pendant la durée de réparation.

Photo 8 : Eboulement avec déclenchement de la détection

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¾ De sujétions d’interventions pour la remise en état des filets (exemple : nappe horizontale
sur lignes électrifiées, filets verticaux installés en crête de paroi, difficultés d’accès et parfois
de localisation de la rupture (délai de dérangement)).

5.4 Actions complémentaires menées pour améliorer l’efficacité du système

Ces actions portent sur les principaux points suivants :

ƒ Accessibilité des filets :


Accès sécurisés (cheminements, lignes de vie, …)
Créations d’accès
Passerelles dans certains cas de filets détecteurs horizontaux, notamment sur lignes
électrifiées.

ƒ Fractionnement des filets :


Pou réduire le temps de localisation de la rupture et donc de gardiennage,
Pour augmenter l’efficacité du système avec l’installation de torches en parallèle
(possibilité d’arrêter un convoi ayant franchi le signal encadrant).

ƒ Protection amont (autres que parades passives lourdes) :


Exemple : la pose d’écrans grillagés légers pour intercepter les chutes de petites pierres
ou empêcher le passage d’animaux, phénomènes à l’origine de déclenchements
intempestifs.

5.5 Maintenance préventive

- Elagage, débroussaillage régulier des abords et des accès,


- Sondage et goudronnage des poteaux bois,
- Reprise de tension des fils, remplacement des ligatures d’arrêt,
- Visites périodiques :
. au titre des installations de sécurité (visites pluriannuelles selon planning établi
par le pôle maintenance)
. au titre des dispositifs associés aux ouvrages en terre (visite détaillée tous les 5
ans maximum).

CONCLUSIONS

Les systèmes détecteurs installés le long des voies ferrées permettent d’assurer la sécurité des
circulations quand des risques naturels menacent l’intégrité de l’infrastructure.

Ils peuvent être installés seuls ou en relais de parades passives quand les capacités
d’interception de ces ouvrages sont dépassées (exemple : rupture de filets protecteurs suite à
éboulements en masse).

Toutefois ces systèmes ne sont admis que sur les lignes classiques, les lignes à grande
vitesse étant tracées et conçues de manière à s’affranchir des risques naturels (tunnels,
galeries, calage du profil en long, merlons dissipateurs d’énergie type PNEUSOL ou
PNEUTEX, …).

Des actions de recherche sont actuellement menées pour la détection de chutes de


rochers par méthode acousto-sismique. Après un test de faisabilité concluant, un site va être

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prochainement équipé (en parallèle avec une détection classique et des parades passives
existantes).

Les avantages attendus de cette méthode sont les suivants :

- Enregistrement en continu des phénomènes (avec ou sans atteinte de


l’infrastructure) et constitution d’une base de données représentatives de
l’instabilité et de l’activité des lieux instrumentés.
- Localisation des éboulements (trajectoire, points d’arrêt) et déclenchement
d’alertes ou d’alarmes selon les cas.
- Aide à la surveillance avec déclenchement des tournées d’inspection et des
interventions préventives de maintenance sur les ouvrages protecteurs en fonction
des phénomènes recensés.
- Accroissement significatif de la sécurisation des lignes.

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