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En effet, les plateformes de streaming, plus connues sous le nom de Netflix, Disney+ ou encore Amazon
Prime Vidéo font concurrence aux salles de cinéma traditionnelles. Les exploitants le redoutaient, voilà
le phénomène à présent confirmé par les résultats de l’étude commandée par une association
française spécialisée dans le cinéma d’art et d’essai.
Les personnes interrogées sont 29% à confier aller de moins en moins au cinéma depuis qu’elles sont
abonnées à une plateforme, et 12% d’entre elles disent même ne plus y aller du tout. La majorité des
personnes sondées dit toutefois s’y rendre autant qu’avant, et certains déclarent y aller plus souvent,
mais il s’agit d’une faible minorité. Cela confirme le sentiment de menace exercé par ces plateformes
pour le cinéma. Cette étude évalue, pour la première fois, l’usage des plateformes et permet de mettre
des chiffres sur une audience non publique.
La faute au Covid ?
Il semblerait qu’il y ait eu un tournant en France en termes de nombre d’abonnés sur les plateformes
de streaming au printemps 2020, lors du pic de l’épidémie de Covid 19. Nombreux (35%) sont ceux qui
ont souscrit pour la première fois à un abonnement de ce type pendant un confinement. Ce
changement dans les habitudes des Français aurait pu se limiter aux périodes de fermeture des salles,
en raison des restrictions sanitaires, mais il s’est installé dans la durée.
Il faut alors s’interroger plus précisément sur les usages des abonnés et sur leur profil pour comprendre
cette désertion des salles obscures.
Ce n’est donc pas la variable de l’offre de films dans les salles qui explique le succès des plateformes.
Il s’agit plutôt de la facilité d’accès aux contenus proposés : on peut en effet y visionner
instantanément, et sans publicité, les films et séries diffusés. Mais l’aspect « à la demande » n’est pas
le seul avantage cité, on retrouve aussi l’argument de l’étendue du catalogue et la possibilité de rester
chez soi, qui plaît beaucoup dans une société de plus en plus sédentaire.
L’autre explication de ce désamour des salles de cinéma au profit des plateformes, c’est la popularité
grandissante des séries auprès des spectateurs. Certes, seulement 4% des personnes interrogées sont
abonnées pour les séries exclusivement, mais 48% disent regarder essentiellement des séries, et ce
chiffre monte à 55% chez les jeunes. Pas étonnant, dans ce contexte, que les plateformes séduisent de
plus en plus les Français.
D’autres détails plus pragmatiques font pencher les Français vers les plateformes, comme la possibilité
de choisir la langue de visionnage, ainsi que les sous-titres (avec ou sans, langue) et le prix très attractif
des abonnements. Pour une dizaine d’euros par mois, il est possible de regarder des films et séries en
illimité dans un catalogue renouvelé régulièrement, alors qu’une place de cinéma coûte parfois plus
de 10 euros (notamment à Paris) pour une seule entrée…
Autre forme de résistance du milieu du cinéma, les films sélectionnés pour décrocher une palme (la
distinction suprême) au prestigieux Festival de Cannes, doivent sortir en salle pour entrer en
compétition. Cela trace en quelques sortes une ligne entre deux mondes, celui du cinéma « bas de
gamme » et le club fermé des films diffusés sur grand écran.
Au-delà des intérêts de l’industrie du cinéma, ce phénomène dit quelque chose de notre rapport à la
consommation et de l’évolution sociétale que nous connaissons : quel intérêt avons-nous à continuer
d’aller au cinéma dans un contexte d’individualisation de la consommation ? Peut-être car cela
représente une pause dans nos vies souvent très rythmées, et parce qu’une séance de cinéma,
contrairement à une série, a un début et une fin bien définis. Au cinéma, on accepte que le film soit
une parenthèse, au lieu de se laisser emporter dans une série interminable. Les plateformes
encouragent une forme de « boulimie » ou « binge-watching » en anglais, causée par une offre
vertigineuse nous embarquant parfois et surtout dans une série de nuits blanches… Pire, nous
regardons souvent les séries d’une manière distraite, en faisant autre chose, car nous savons
inconsciemment qu’il suffit de revenir en arrière ou d’appuyer sur « pause ».