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Cours d’Elaboration et utilisation des alliages métalliques – Partie 2 : Production des métaux non-ferreux (META011)
Sur terre, le titane n’est pas une substance rare. Il est le dixième élément le plus abondant de
la croûte terrestre, sa teneur moyenne y est de 0,63 %. Seuls les éléments suivants le précèdent
par ordre décroissant : l’azote, l’oxygène, le silicium, l’aluminium, le fer, le magnésium, le
calcium, le sodium et le potassium. La plupart des minéraux, roches et sols contiennent de
petites quantités de titane. On dénombre 87 minéraux ou roches contenant au moins 1 % de
titane pur. Les minerais riches en titane sont par contre très peu nombreux, à savoir, l’anatase
(TiO2), la brookite (TiO2), l’ilménite (Fe(TiO3)2) et ses altérations par carence de fer : le
leucoxène, la perovskite (CaTiO3), le rutile (TiO2), la
sphène ou titanite (CaTiO(SiO4)) et la titanomagnétite
(Fe(Ti)Fe2O4).
La majorité du titane sur terre se trouve sous forme
d’anatase ou de titanomagnétite, mais ces derniers ne
peuvent être exploités avec les technologies actuelles de
manière rentable. Seuls l’ilménite, le leucoxène et le
rutile sont intéressants économiquement, étant donné la
facilité avec laquelle ils peuvent être traités.
On trouve des gisements de titane en Australie,
Scandinavie, Amérique du Nord, Malaisie, la Russie, Figure 84 : Principaux producteurs
Chine, Afrique du Sud et Inde. Les principaux d’oxyde de titane en 2003, Chiffres de
producteurs d’oxyde de titane en 2003 sont donnés à la 2003, en milliers de tonnes de dioxyde
figure 84. de titane
La réserve mondiale totale, à savoir celle qui n’est pas
encore technologiquement et économiquement exploitable, est estimée à 2 milliards de tonnes
(Figure 85). Les réserves prouvées de rutile
et d’ilménite, calculées en pourcentage de
TiO2 utilisable et technologiquement
extractible en 2005, sont estimées à
600 millions de tonnes.
Les deux principaux minerais de titane
sont donc :
En 2004, un concentré de rutile à 95 % de TiO2 minimum coûtait entre 470 et 620 dollars la
tonne et un concentré d’ilménite (min 55 % TiO2) coûtait entre 80 et 120 dollars la tonne, soit
cinq fois moins cher.
L’essentiel des minerais de titane sert à produire des pigments (4,4 millions de tonnes en 2000
dont 40 % aux Etats-Unis et 32 % dans l’Europe de l’Ouest).
Le nombre de producteurs de titane métal à haute pureté est très limité et est concentré dans
les régions à forte demande intérieure. En effet, le titane étant un matériau stratégique pour les
secteurs aéronautique, énergétique et militaire, les gouvernements des pays industrialisés ont
organisé leur propre industrie de production. L’émergence récente de production en Chine et en
Inde dans le cadre des plans pluriannuels de développement de l’industrie de défense, confirme
cette analyse. Le fait que cette industrie soit destinée en premier lieu à satisfaire des besoins
intérieurs stratégiques explique en partie le flou de l’information sur les capacités réelles de
production.
En ce qui concerne le métal, la production annuelle serait comprise entre 60000 et 100000
tonnes et elle est assurée par une vingtaine de producteurs (essentiellement aux USA, en Russie,
au Kazakhstan et au Japon). Le prix du métal dépend de nombreux facteurs et est compris entre
3000 et 3500 dollars la tonne. Il vaut, en février 2009, 3 $/kg, et l’éponge de titane 99,60 % vaut
9,5 $/kg.
L’élaboration du titane métal a lieu en quatre étapes : réduction du minerai sous la forme
d’une « éponge » càd sous forme poreuse ; fusion de l’éponge et coulée de l’alliage sous la
forme d’un lingot ; métallurgie primaire, lorsque un lingot est transformé en produits tels que
billettes, barres, plaques, tôle et tube ; et métallurgie secondaire lorsqu’on récupère les produits
issus des différentes étapes de la production.
1. Obtention de l’oxyde
− soit par un procédé de séparation par l’acide sulfurique concentré vers 60°C qui passe par
la formation de sulfate de fer trivalent Fe2(SO4)3 (ainsi que du Ti(SO4)2) et la réduction
ultérieure du fer en FeSO4.7 H2O qui précipite ;
− soit par réduction au four à arc avec récupération du fer sous forme de fonte et TiO2 sous
forme de laitier.
L’élaboration du titane présente une grande similitude avec celle du zirconium. Dans ce cas,
le minerai le plus courant utilisé est le zircon ZrSiO4 ou un silicate double de zirconium et de
hafnium (Zr, Hf)SiO4.
2. Elaboration du métal
Les affinités standards de formation des oxydes TiO2 et ZrO2 étant très grandes (cfr.
diagramme d’Ellingham), leur réduction directe par les réducteurs gazeux n’est pratiquement pas
possible, pas plus que la carbothermie qui contribue à la formation de carbures. Par ailleurs, en
supposant qu’on parvienne à réduire l’oxyde, la teneur du métal en oxygène du métal resterait
très élevée et affecterait ses propriétés et plus particulièrement sa ductilité.
Il en résulte une métallurgie très spécifique utilisant un produit intermédiaire : les chlorures,
permettant à la fois une séparation des constituants du minerai et une réduction ultérieure des
chlorures par métallothermie, ce qui évite ainsi la présence d’oxygène (procédé KROLL).
Comme la variation d’énergie libre des chlorures de Ti et Zr est plus faible que celle des
oxydes correspondants, la réaction suivante :
TiO2(s) + 2 Cl2 → TiCl4(g) + O2 (∆G°500°C = +97 kJ/mole) n’est pas possible.
La métallurgie extractive du titane (et du zirconium) comporte les mêmes étapes principales :
C’est une réaction endothermique avec augmentation du nombre de molécules gazeuses dont
l’affinité standard croît donc avec la température.
Dans tous les cas, la production de métal à partir de chlorures présente l’avantage par rapport
aux oxydes :
Cette voie de production est toutefois onéreuse car les gaz chlorurés sont chers, toxiques et
agressifs et le maintien en bon état du réfractaire en milieu chloruré pose de véritables
problèmes.
La figure 86 montre des différences importantes de pression d’équilibre entre TiCl4 et FeCl2
et entre ZrCl4 et SiCl4 qui permettent d’effectuer facilement la séparation des métaux
correspondants par distillation fractionnée.
Par contre, la séparation par distillation des chlorures de Zr et Hf nécessite un procédé de
séparation spécifique car les deux chlorures ont un comportement similaire. Cette séparation par
distillation est conduite en présence d’un mélange de sels fondus KCl-AlCl3.
une température de 800°C. TiCl4 gazeux réagit avec le Mg liquide selon un mécanisme qui n’est
pas encore complètement connu.
Selon certains, par suite de sa forte exothermicité, la réaction se passant à la surface du bain
liquide et le magnésium ayant une forte tension de vapeur, ce serait en fait une réaction entre gaz
qui se produirait. Selon d’autres auteurs, la croissance du métal est initiée à l’interface entre le
réacteur et la surface extérieure du Mg.
Au fur et à mesure que la réduction progresse, l’éponge de titane croît vers le centre du
réacteur (Figure 88). Quel que soit le mécanisme de cette réaction, il y a formation de particules
(d’environ 10 µm de diamètre) de titane qui subsistent sous cette forme car ce métal (comme le
zirconium) est non miscible avec le magnésium.
Les nodules de titane tombent par gravité au fond du réacteur en entraînant du magnésium
liquide et en fin de transformation quand tout le chlorure de titane a été converti en titane, on
obtient un pseudo-alliage Ti-Mg souillé de MgCl2 et une couche de chlorure de magnésium.
En fin de transformation, le réacteur est ouvert et les différentes phases sont séparées
mécaniquement.
Le procédé KROLL est de loin le plus utilisé pour produire le titane. Divers procédés
nouveaux ont été développés en restant le plus souvent à l’état pilote (réduction du fluorotitanate
de calcium, électrolyse en sels fondus, électroraffinage, ...)
Celle-ci a lieu dans un four à électrode consommable ou dans d’autres dispositifs décrits ci-
dessous. Elle permet d’obtenir le métal sous forme de lingots.
Divers procédés permettent d’élaborer le titane à partir de l’éponge obtenue par le procédé
KROLL.
La préparation des matières premières comprend, outre l’éponge de titane broyée, des
éléments éventuels d’alliage et des produits de recyclage. Parmi ceux-ci, figurent des copeaux
de faible taille résultant des opérations de parachèvement des produits dont l’objectif est
d’éliminer la couche superficielle oxydée. Ces copeaux sont triés avant introduction dans la
charge afin notamment d’en extraire les bris d’outils, principalement ceux de type carbure de
tungstène qui se retrouvent comme inclusions dans le métal.
1. Généralités
− densité 4,51 ;
− température de fusion 1660°C ;
− module d’élasticité E = 110 GPa ;
− excellente résistance à la corrosion aqueuse y compris celle de l’eau de mer ;
− résistivité électrique élevée 42 µOhm.cm (contre 2,7 pour Al et 1,72 pour Cu) ;
− conductivité thermique faible (22 W/m.K) (contre 238 pour Al et 80-85 pour Fe).
Sn Zr
Aléq = Al + + + 10 × O2
3 6
V Cr Fe
Mo éq = Mo + + +
1.5 0.6 0.35
Les alliages α résistent bien au fluage jusque 650°C. Ils présentent une bonne résistance à
l’oxydation jusque 1100°C ce qui permet de les mettre en forme par forgeage. Ils sont peu
déformables à froid.
Les alliages β se déforment bien même à température ambiante ; il est difficile de les utiliser à
chaud car la phase β est instable dès 350°C. Ils présentent par ailleurs une rupture fragile vers
-50-60°C.
Les alliages α-β, qui ont des propriétés intermédiaires entre les alliages α et β, sont les plus
utilisés. Ils acquièrent, après traitements thermiques, des propriétés mécaniques élevées. Leur
température limite d’emploi est de 450°C.
Les alliages α-β comme le TiA6V (Ti-6Al-4V) ou le Ti-6242 produits par le procédé VAR
sont obtenus sous la forme de lingots de diamètre compris entre 75 mm et 1500 mm. Ils
possèdent une macrostructure faite de larges grains colonnaires croissant de la zone de peau vers
l’intérieur du demi-produit.
Cette structure peut être
homogénéisée par un traitement
thermique à une température
supérieure de 100 à 150°C à
celle de transus β.
D’une manière générale, lors
du refroidissement des demi-
produits de titane, la structure
(a) (b)
obtenue est du type
Widmanstatten (Figure 97(a)).
Figure 98 : (a) Structure de Widmanstatten (b) Structure équiaxe
Lors du refroidissement, la
phase α apparaît aux joints de grains de la phase β tandis que l’intérieur des grains β se
transforment en différents plaquettes parallèles de phases α et β ; ces ensembles de plaquettes de
même orientation à l’intérieur d’un
grain β sont appelées colonies.
La structure de Widmanstatten ne
peut être rendue équiaxe que sous
l’action d’un traitement
thermomécanique. En laminant le
produit à chaud en dessous de la
température de transus, on porte le
pourcentage de phase β à environ 75 %.
Celle-ci se transforme alors au
refroidissement en plaquettes Figure 97 : Représentation schématique des étapes de la
constituant la matrice lamellaire, globularisation de la structure de Widmanstatten
laquelle contient de fins grains équiaxes [SEMIATIN].
de phase α primaire (Figure 97 (b)).
Les mécanismes de globularisation des
structures de Widmanstatten sont complexes et font
l’objet de nombreuses études. La figure 98
présente une représentation schématique du
phénomène de globularisation d’une structure de
Widmanstatten. Les figures 98a et 98b
correspondent respectivement à l’état non
recristallisé et au début du phénomène de
recristallisation. La phase α recristallisée αR se
développe (Figure 98c) alors au sein des plaquettes
de α à l’état non recristallisé αR et la consomme
(Figure 98d).
IV. Applications
1. Pigments et charges
Plus de 90 % de la consommation des minerais de titane est utilisée pour la fabrication TiO2,
utilisés principalement sous forme de pigments dans les industries de la peinture (57 %), de la
céramique (12 %), des matières plastiques (13 %), du papier (12 %).
• Le titane non allié possède une excellente tenue à la corrosion et une grande souplesse de
mise en forme ce qui explique des applications importantes dans le domaine de l’industrie
chimique, des usines de dessalement de l’eau de mer, des centrales nucléaires, exploitations
pétrolières off-shore et du génie civil.
La bonne résistance à la corrosion du titane est due à la formation d’un film protecteur de
TiO2 qui passive le métal. Le comportement à la corrosion du titane est meilleur que celui des
aciers inoxydables ; le titane est insensible aux chlorures et quasi insensible à la corrosion
caverneuse et par piqûres.
Toutefois, le titane résiste mal à certaines solutions chaudes ou concentrées (HCl, H2SO4,
acides organiques).
Dans le domaine du bâtiment, le titane qui est résistant, peu dense, inaltérable, et dont la teinte
peut être ajustée par anodisation, permet de réaliser les couvertures ou structures de bâtiments
de prestige.
Cette dernière application intéressante du titane résulte de ce que ce métal fait partie de la
catégorie des matériaux dits biocompatibles et est un des plus utilisés avec le chrome et le cobalt
pour la fabrication de prothèses.
Parmi les matériaux biocompatibles figurent en effet :
L’implantation des matériaux dans le corps humain induit une réaction tissulaire
d’encapsulation modérée ; elle doit éviter toute corrosion qui induirait une toxicité ainsi que
toute migration de microparticules, sources de réactions inflammatoires à corps étranger
particulièrement mal tolérées par l’organisme. Dans le domaine des prothèses, les matériaux
métalliques doivent toutefois cohabiter avec des matériaux céramiques, des polyéthylènes et les
tissus cellulaires.
Les matériaux biocompatibles doivent respecter des contraintes d’ordre :
- chirurgicales et médicales (la prothèse doit être facile à installer et permettre ultérieurement
le diagnostic médical en particulier, ne pas perturber l’imagerie par résonance magnétique).
Le titane est très bien toléré par l’organisme ; on n’observe pas ou peu de réaction avec les
tissus environnants. Par ailleurs, par son caractère amagnétique, il n’affecte pas la qualité des
images par résonance magnétique.
Pour des raisons de facilité d’usinage et de polissage, on préfère souvent utiliser, soit le titane
pur ou l’alliage Ti-6Al-4V, voire le TA15F (le fer étant moins toxique que le vanadium). Il
possède toutefois des caractéristiques de résistance à la fatigue limitées. Enfin, il a parfois
tendance après son implantation à développer dans les tissus une oxydation en surface. Cette
oxydation, lorsqu’elle se limite à une fine couche de passivation, est peut-être responsable de la
bonne biocompatibilité du titane par protection contre la corrosion.
4. Autres débouchés
Le titane est également introduit (sous forme de ferro-titane) dans les aciers au carbone (ULC)
et inox.
Dans les aciers inoxydables austénitiques (nuances 321, 316 Ti) pour piéger le carbone sous
forme TiC et éviter ainsi le phénomène de corrosion intergranulaire dû à la précipitation de
carbures de chrome de type M23C6.