Vous êtes sur la page 1sur 13

Faculté Polytechnique de Mons – Service de Métallurgie

Cours d’Elaboration et utilisation des alliages métalliques – Partie 2 : Production des métaux non-ferreux (META011)

Chapitre 6 : Métallurgie du titane

I. Matières premières et données de production

Sur terre, le titane n’est pas une substance rare. Il est le dixième élément le plus abondant de
la croûte terrestre, sa teneur moyenne y est de 0,63 %. Seuls les éléments suivants le précèdent
par ordre décroissant : l’azote, l’oxygène, le silicium, l’aluminium, le fer, le magnésium, le
calcium, le sodium et le potassium. La plupart des minéraux, roches et sols contiennent de
petites quantités de titane. On dénombre 87 minéraux ou roches contenant au moins 1 % de
titane pur. Les minerais riches en titane sont par contre très peu nombreux, à savoir, l’anatase
(TiO2), la brookite (TiO2), l’ilménite (Fe(TiO3)2) et ses altérations par carence de fer : le
leucoxène, la perovskite (CaTiO3), le rutile (TiO2), la
sphène ou titanite (CaTiO(SiO4)) et la titanomagnétite
(Fe(Ti)Fe2O4).
La majorité du titane sur terre se trouve sous forme
d’anatase ou de titanomagnétite, mais ces derniers ne
peuvent être exploités avec les technologies actuelles de
manière rentable. Seuls l’ilménite, le leucoxène et le
rutile sont intéressants économiquement, étant donné la
facilité avec laquelle ils peuvent être traités.
On trouve des gisements de titane en Australie,
Scandinavie, Amérique du Nord, Malaisie, la Russie, Figure 84 : Principaux producteurs
Chine, Afrique du Sud et Inde. Les principaux d’oxyde de titane en 2003, Chiffres de
producteurs d’oxyde de titane en 2003 sont donnés à la 2003, en milliers de tonnes de dioxyde
figure 84. de titane
La réserve mondiale totale, à savoir celle qui n’est pas
encore technologiquement et économiquement exploitable, est estimée à 2 milliards de tonnes
(Figure 85). Les réserves prouvées de rutile
et d’ilménite, calculées en pourcentage de
TiO2 utilisable et technologiquement
extractible en 2005, sont estimées à
600 millions de tonnes.
Les deux principaux minerais de titane
sont donc :

• le rutile, forme naturelle du bioxyde de


titane TiO2 auquel s’ajoutent quelques
impuretés dont le Fe et le Mn [-
production ~400 kt en 2003 Figure 85 : Réserve de Titane dans le monde
principalement par l’Australie, exploitable technologiquement en 2005
l’Afrique du Sud et les Etats-Unis -
réserves mondiales 140 millions de tonnes]
• l’ilménite, titanate de fer impur FeTiO3 [% de Ti max 30 - production 5,9 millions de
tonnes en 2003 principalement par l’Australie, la chine, l’Inde, les Etats-Unis, la Norvège -
réserves mondiales : 420 millions de tonnes].

En 2004, un concentré de rutile à 95 % de TiO2 minimum coûtait entre 470 et 620 dollars la
tonne et un concentré d’ilménite (min 55 % TiO2) coûtait entre 80 et 120 dollars la tonne, soit
cinq fois moins cher.
L’essentiel des minerais de titane sert à produire des pigments (4,4 millions de tonnes en 2000
dont 40 % aux Etats-Unis et 32 % dans l’Europe de l’Ouest).

Année académique 2009-2010


95
Faculté Polytechnique de Mons – Service de Métallurgie
Cours d’Elaboration et utilisation des alliages métalliques – Partie 2 : Production des métaux non-ferreux (META011)

Le nombre de producteurs de titane métal à haute pureté est très limité et est concentré dans
les régions à forte demande intérieure. En effet, le titane étant un matériau stratégique pour les
secteurs aéronautique, énergétique et militaire, les gouvernements des pays industrialisés ont
organisé leur propre industrie de production. L’émergence récente de production en Chine et en
Inde dans le cadre des plans pluriannuels de développement de l’industrie de défense, confirme
cette analyse. Le fait que cette industrie soit destinée en premier lieu à satisfaire des besoins
intérieurs stratégiques explique en partie le flou de l’information sur les capacités réelles de
production.
En ce qui concerne le métal, la production annuelle serait comprise entre 60000 et 100000
tonnes et elle est assurée par une vingtaine de producteurs (essentiellement aux USA, en Russie,
au Kazakhstan et au Japon). Le prix du métal dépend de nombreux facteurs et est compris entre
3000 et 3500 dollars la tonne. Il vaut, en février 2009, 3 $/kg, et l’éponge de titane 99,60 % vaut
9,5 $/kg.

II. Elaboration du titane

L’élaboration du titane métal a lieu en quatre étapes : réduction du minerai sous la forme
d’une « éponge » càd sous forme poreuse ; fusion de l’éponge et coulée de l’alliage sous la
forme d’un lingot ; métallurgie primaire, lorsque un lingot est transformé en produits tels que
billettes, barres, plaques, tôle et tube ; et métallurgie secondaire lorsqu’on récupère les produits
issus des différentes étapes de la production.

1. Obtention de l’oxyde

La métallurgie du titane commence par l’obtention de TiO2.


Par séparation, concentration par flottation puis triage mécanique, du rutile à 90-99 % en
masse de TiO et de l’ilménite FeO.TiO2 à 40-60 % de TiO sont obtenus.
Dans ce dernier cas, l’oxyde de fer contenu dans l’ilménite est partiellement éliminé :

− soit par un procédé de séparation par l’acide sulfurique concentré vers 60°C qui passe par
la formation de sulfate de fer trivalent Fe2(SO4)3 (ainsi que du Ti(SO4)2) et la réduction
ultérieure du fer en FeSO4.7 H2O qui précipite ;
− soit par réduction au four à arc avec récupération du fer sous forme de fonte et TiO2 sous
forme de laitier.

L’élaboration du titane présente une grande similitude avec celle du zirconium. Dans ce cas,
le minerai le plus courant utilisé est le zircon ZrSiO4 ou un silicate double de zirconium et de
hafnium (Zr, Hf)SiO4.

2. Elaboration du métal

L’élaboration du métal comprend deux grandes étapes :

- une première de métallurgie extractive avec obtention de l’éponge de titane (ou de


zirconium) (sponge production) ;
- une seconde de métallurgie secondaire de raffinage et d’élaboration d’alliages par
métallurgie sous vide (melting) permettant l’obtention de lingots aptes à subir les opérations
ultérieures de mise en forme : forgeage ou laminage.

Année académique 2009-2010


96
Faculté Polytechnique de Mons – Service de Métallurgie
Cours d’Elaboration et utilisation des alliages métalliques – Partie 2 : Production des métaux non-ferreux (META011)

a) Production d’éponges métalliques (Sponge production)

Les affinités standards de formation des oxydes TiO2 et ZrO2 étant très grandes (cfr.
diagramme d’Ellingham), leur réduction directe par les réducteurs gazeux n’est pratiquement pas
possible, pas plus que la carbothermie qui contribue à la formation de carbures. Par ailleurs, en
supposant qu’on parvienne à réduire l’oxyde, la teneur du métal en oxygène du métal resterait
très élevée et affecterait ses propriétés et plus particulièrement sa ductilité.
Il en résulte une métallurgie très spécifique utilisant un produit intermédiaire : les chlorures,
permettant à la fois une séparation des constituants du minerai et une réduction ultérieure des
chlorures par métallothermie, ce qui évite ainsi la présence d’oxygène (procédé KROLL).
Comme la variation d’énergie libre des chlorures de Ti et Zr est plus faible que celle des
oxydes correspondants, la réaction suivante :
TiO2(s) + 2 Cl2 → TiCl4(g) + O2 (∆G°500°C = +97 kJ/mole) n’est pas possible.

La métallurgie extractive du titane (et du zirconium) comporte les mêmes étapes principales :

1) la transformation par carbochloration du minerai en chlorures gazeux à bas point


d’ébullition

La transformation du rutile en chlorure de titane s’effectue en lit fluidisé à 800°C en présence


de carbone selon la réaction : TiO2(s) + 2 C(s) + 2 Cl2 → TiCl4(g) + 2 CO avec production de TiCl4
gazeux (T°ébullition = 136°C) qui est condensé, décanté, filtré et purifié par distillation fractionnée
(cfr. étape 2).
De la même manière, la transformation chimique de l’ilménite en chlorure peut être réalisée
en présence de carbone vers 800°C, sous vide ou sous gaz inerte (toujours pour éviter la présence
de traces d’oxygène) selon la réaction : FeTiO3 + 3 Cl2 + 3/2 C → FeCl2 + TiCl4(g) + 3/2 CO2.
La carbochloration du zircon ZrSiO4 est réalisée à 1200°C et la réaction de Boudouard étant
rapide à cette température, il se forme du CO suivant la réaction :
ZrSiO4 + 4 Cl2(g) + 4 C → ZrCl4 + SiCl4(g) + 4 CO

C’est une réaction endothermique avec augmentation du nombre de molécules gazeuses dont
l’affinité standard croît donc avec la température.

Dans tous les cas, la production de métal à partir de chlorures présente l’avantage par rapport
aux oxydes :

− de produire des métaux purs (les chlorures y sont peu solubles) ;


− les fortes pressions de vapeur rendent possible une purification par traitement physique ;
− les faibles points de fusion, les fortes conductivités et les solubilités élevées en phase
aqueuse autorisent des étapes de purification ultérieures par électrolyse.

Cette voie de production est toutefois onéreuse car les gaz chlorurés sont chers, toxiques et
agressifs et le maintien en bon état du réfractaire en milieu chloruré pose de véritables
problèmes.

Année académique 2009-2010


97
Faculté Polytechnique de Mons – Service de Métallurgie
Cours d’Elaboration et utilisation des alliages métalliques – Partie 2 : Production des métaux non-ferreux (META011)

2) la séparation ou purification poussée des chlorures par des procédés physiques de


condensation et de distillation fractionnée

Figure 86 : Pression d’équilibre des chlorures en fonction de la température [HAYNES]

La figure 86 montre des différences importantes de pression d’équilibre entre TiCl4 et FeCl2
et entre ZrCl4 et SiCl4 qui permettent d’effectuer facilement la séparation des métaux
correspondants par distillation fractionnée.
Par contre, la séparation par distillation des chlorures de Zr et Hf nécessite un procédé de
séparation spécifique car les deux chlorures ont un comportement similaire. Cette séparation par
distillation est conduite en présence d’un mélange de sels fondus KCl-AlCl3.

3) la réduction par le magnésium du chlorure de Ti (ou de Zr)

Elle s’effectue par le procédé de précipitation hétérogène de métallothermie de KROLL


(1930) : Ti(Zr)Cl4(gaz) + 2 Mg(l)  2 MgCl2 + Ti(Zr)(s) (∆G°900°C= -306.5 kJ/mole).

En réalité, cela se passe en deux étapes :


TiCl4 + Mg  MgCl2 + TiCl2 et TiCl2 + Mg  MgCl2 + Ti

La réduction des chlorures de titane et de zirconium par métallothermie est possible


thermodynamiquement car l’affinité standard de formation du chlorure de magnésium est plus
grande que celle des chlorures de titane et de zirconium.
Dans le cas du titane, cette réaction fortement exothermique (∆H°900°C= -420,4 kJ/mole) est
suffisante pour maintenir la température entre 800 et 1000°C.
La figure 87 donne le schéma de principe du procédé KROLL. Le réacteur est constitué d’un
récipient clos en acier réfractaire dans lequel les réactifs à l’état solide sont placés comme
indiqué. Le chlorure de titane est introduit liquide dans le réacteur placé sous vide (ou sous
argon) et chauffé à 800°C tandis que le magnésium au fond du réacteur est initialement maintenu
en légère surpression d’argon. Les vapeurs de chlorure de titane, plus lourdes que l’atmosphère
d’argon, descendent et viennent au contact de la surface libre du magnésium liquide, maintenue à

Année académique 2009-2010


98
Faculté Polytechnique de Mons – Service de Métallurgie
Cours d’Elaboration et utilisation des alliages métalliques – Partie 2 : Production des métaux non-ferreux (META011)

une température de 800°C. TiCl4 gazeux réagit avec le Mg liquide selon un mécanisme qui n’est
pas encore complètement connu.

Figure 88 : Mécanisme de formation du Ti [TETSUSHI N


DEURA]
Figure 87 : Procédé KROLL. [COMBRES]

Selon certains, par suite de sa forte exothermicité, la réaction se passant à la surface du bain
liquide et le magnésium ayant une forte tension de vapeur, ce serait en fait une réaction entre gaz
qui se produirait. Selon d’autres auteurs, la croissance du métal est initiée à l’interface entre le
réacteur et la surface extérieure du Mg.
Au fur et à mesure que la réduction progresse, l’éponge de titane croît vers le centre du
réacteur (Figure 88). Quel que soit le mécanisme de cette réaction, il y a formation de particules
(d’environ 10 µm de diamètre) de titane qui subsistent sous cette forme car ce métal (comme le
zirconium) est non miscible avec le magnésium.
Les nodules de titane tombent par gravité au fond du réacteur en entraînant du magnésium
liquide et en fin de transformation quand tout le chlorure de titane a été converti en titane, on
obtient un pseudo-alliage Ti-Mg souillé de MgCl2 et une couche de chlorure de magnésium.
En fin de transformation, le réacteur est ouvert et les différentes phases sont séparées
mécaniquement.
Le procédé KROLL est de loin le plus utilisé pour produire le titane. Divers procédés
nouveaux ont été développés en restant le plus souvent à l’état pilote (réduction du fluorotitanate
de calcium, électrolyse en sels fondus, électroraffinage, ...)

4) la distillation sous vide de l’éponge

Elle a lieu à plus ou moins 1000°C pour


séparer le titane (zirconium) du magnésium en
excès.
Le magnésium est vaporisé dans un four à
cloche travaillant sous vide et est récupéré dans
un condenseur. Son départ crée dans le bloc de
titane une porosité qui lui donne l’aspect d’une
éponge (Figure 89).

5) l’électrolyse du chlorure de magnésium


Figure 89 : Low magnification photo showing
pour récupérer le magnésium (cf chapitre
individual sponge particles (courtesy J. A. Hall)
sur ce métal).

Année académique 2009-2010


99
Faculté Polytechnique de Mons – Service de Métallurgie
Cours d’Elaboration et utilisation des alliages métalliques – Partie 2 : Production des métaux non-ferreux (META011)

6) la fusion sous vide de l’éponge

Celle-ci a lieu dans un four à électrode consommable ou dans d’autres dispositifs décrits ci-
dessous. Elle permet d’obtenir le métal sous forme de lingots.

b) Raffinage et production du métal (Melting)

Par rapport à l’acier, la fusion du titane est plus difficile en raison :

• du point de fusion plus élevé du Ti et de ses alliages (généralement au-dessus de


1700°C) ;
• de la viscosité du métal fondu ;
• de la forte réactivité avec la plupart des matériaux et des gaz à température supérieure à
500°C.

Divers procédés permettent d’élaborer le titane à partir de l’éponge obtenue par le procédé
KROLL.
La préparation des matières premières comprend, outre l’éponge de titane broyée, des
éléments éventuels d’alliage et des produits de recyclage. Parmi ceux-ci, figurent des copeaux
de faible taille résultant des opérations de parachèvement des produits dont l’objectif est
d’éliminer la couche superficielle oxydée. Ces copeaux sont triés avant introduction dans la
charge afin notamment d’en extraire les bris d’outils, principalement ceux de type carbure de
tungstène qui se retrouvent comme inclusions dans le métal.

• Pour les procédés dits à électrode


consommable, on réalise ensuite un
compactage du mélange en vue de
réaliser des blocs qui sont empilés pour
constituer une électrode.
Ces blocs sont solidarisés par soudage
plasma ou par faisceau d’électrons.
La figure 90 illustre les 3 principaux
procédés de fusion permettent
d’obtenir le métal à partir des
électrodes ainsi fabriquées.

o Le procédé VAR (Vacuum Arc


Remelting) réalise la refusion à
l’arc sous vide (vide primaire de Figure 90 : Comparaison des procédés VAR, ESR et
l’ordre de 1 Pa). C’est le procédé ASR [COMBRES]
le plus utilisé pour produire du
titane.
En pratique, on crée un arc électrique de faible voltage et haute intensité (30 à 40 V ;
20000 à 40000 A) entre le bas de l’électrode et le fond du creuset en cuivre (refroidi à
l’eau) recouvert de copeaux ou le sommet du puits liquide (Figure 91). On refond ainsi le
lingot plusieurs fois selon la pureté désirée. A chaque refusion, on augmente le diamètre
des lingots ; ces derniers pèsent couramment entre 1 et 10 tonnes et ont un diamètre de
0,5 à 1 mètre.
o Le procédé ESR (Electro Slag Remelting) permet d’effectuer la fusion de l’électrode sous
laitier. Cette opération, qui est effectuée sous argon, pose le problème des risques
d’absorption d’oxygène et d’azote provenant de l’atmosphère inerte et de la
contamination du métal par les oxydes du laitier.

Année académique 2009-2010


100
Faculté Polytechnique de Mons – Service de Métallurgie
Cours d’Elaboration et utilisation des alliages métalliques – Partie 2 : Production des métaux non-ferreux (META011)

o Le procédé ASR (Arc Slag


Remelting) constitue une
troisième variante de procédé à
électrode consommable
exigeant moins de laitier et
moins d’énergie.

• En parallèle avec la technique


VAR, s’est développé le procédé
de refusion à électrode non
consommable ENC (refusion sur
sole froide).
Cette technique évite les étapes de
préparation de l’électrode de
première fusion et autorise
l’utilisation de chutes massives de
titane.
On utilise, dans ce cas, une
électrode de cuivre refroidie à
l’eau et on crée un arc électrique
entre cette électrode et les chutes
placées sur un fond également
réalisé en cuivre refroidi à l’eau. Figure 91 : Fusion par arc à électrode consommable (VAR)
Enfin, vers la fin des années 80,
on a développé des procédés de
refusion en sole froide (CHR Cold
Hearth Remelting ou CHM Cold
Hearth Melting).
A nouveau, cette technique permet
d’éviter la préparation de la charge.
La différence avec le procédé ENC
réside dans le fait que la source
d’énergie thermique est amenée par :
Figure 92 : Fusion par bombardement d’électrons
− un faisceau d’électrons (EBM
(EBM)
Electron Beam Melting)
(Figures 92 et 93) ;
− un arc plasma (PAM Plasma Arc Melting).

Les lingots obtenus par ces différents procédés sont


forgés à chaud pour donner des billettes et des brames
destinés à la production de fils ou de tôles par filage ou
laminage.

Figure 93 : Procédé EBCHR

Année académique 2009-2010


101
Faculté Polytechnique de Mons – Service de Métallurgie
Cours d’Elaboration et utilisation des alliages métalliques – Partie 2 : Production des métaux non-ferreux (META011)

III. Eléments de métallurgie physique du Ti et de ses alliages

1. Généralités

Les principales caractéristiques du titane sont les suivantes :

− densité 4,51 ;
− température de fusion 1660°C ;
− module d’élasticité E = 110 GPa ;
− excellente résistance à la corrosion aqueuse y compris celle de l’eau de mer ;
− résistivité électrique élevée 42 µOhm.cm (contre 2,7 pour Al et 1,72 pour Cu) ;
− conductivité thermique faible (22 W/m.K) (contre 238 pour Al et 80-85 pour Fe).

Le titane ultra pur possède une structure hexagonale


pseudo-compacte dite phase α jusqu’à 882°C (a=2,95 Å,
c=4,68 Å). Au-delà de cette température (appelée transus
β) la structure cristallographique devient cubique centrée et
appelée phase ß (a=3,30 Å) (Figure 94). La température de
transus β est fonction de l’alliage et est généralement
comprise entre 950°C et 1050°C.
A partir de 1660°C, la phase ß se transforme en phase
liquide.
La figure 95 présente l’effet des éléments d’addition :

− certains dits alpha-gènes augmentent le domaine de


stabilité de la phase α ;
− d’autres (les béta-gènes) accroissent le domaine de
stabilité de la phase ß (à la limite jusque la
température ambiante) ;
Figure 94 : Structures
− des éléments neutres sont sans effet sur la cristallographiques du titane
stabilisation des phases α et ß. [SERAPHIN]

Cette figure fait apparaître


également la distinction entre
les éléments de faible rayon
atomique qui se retrouvent en
solution d’insertion, des ceux
qui se substituent au titane.
On peut admettre en
première approximation que les
effets des éléments d’alliages
sur les proportions de phases α
et ß sont additifs. On classe les
alliages industriels à base de
titane selon leur structure à
température ambiante : alliages
α, α+β et β. Figure 95 : Classification des éléments d’alliage du titane.
[SERAPHIN]

Année académique 2009-2010


102
Faculté Polytechnique de Mons – Service de Métallurgie
Cours d’Elaboration et utilisation des alliages métalliques – Partie 2 : Production des métaux non-ferreux (META011)

A l’image de ce qui est fait pour les


inox, on peut classer les alliages de
titane en les représentant dans un
diagramme Aléq-Moéq (Figure 96) dans
lequel :

Sn Zr
Aléq = Al + + + 10 × O2
3 6
V Cr Fe
Mo éq = Mo + + +
1.5 0.6 0.35

Le tableau 26 donne les compositions


massiques de quelques alliages de Ti (le Figure 96 : Classement des alliages dans le diagramme
TiA6V, Ti-6Al-4V étant le plus utilisé) et Aléq-Moéq (%masse) [COMBRES]
la figure 96 les positionne dans un
diagramme Aléq-Moéq.

Tableau 26 : Compositions massiques d’alliages de titane [COMBRES]

Les alliages α résistent bien au fluage jusque 650°C. Ils présentent une bonne résistance à
l’oxydation jusque 1100°C ce qui permet de les mettre en forme par forgeage. Ils sont peu
déformables à froid.
Les alliages β se déforment bien même à température ambiante ; il est difficile de les utiliser à
chaud car la phase β est instable dès 350°C. Ils présentent par ailleurs une rupture fragile vers
-50-60°C.
Les alliages α-β, qui ont des propriétés intermédiaires entre les alliages α et β, sont les plus
utilisés. Ils acquièrent, après traitements thermiques, des propriétés mécaniques élevées. Leur
température limite d’emploi est de 450°C.

2. Structure métallographique et traitements thermiques.

Les alliages α-β comme le TiA6V (Ti-6Al-4V) ou le Ti-6242 produits par le procédé VAR
sont obtenus sous la forme de lingots de diamètre compris entre 75 mm et 1500 mm. Ils
possèdent une macrostructure faite de larges grains colonnaires croissant de la zone de peau vers

Année académique 2009-2010


103
Faculté Polytechnique de Mons – Service de Métallurgie
Cours d’Elaboration et utilisation des alliages métalliques – Partie 2 : Production des métaux non-ferreux (META011)

l’intérieur du demi-produit.
Cette structure peut être
homogénéisée par un traitement
thermique à une température
supérieure de 100 à 150°C à
celle de transus β.
D’une manière générale, lors
du refroidissement des demi-
produits de titane, la structure
(a) (b)
obtenue est du type
Widmanstatten (Figure 97(a)).
Figure 98 : (a) Structure de Widmanstatten (b) Structure équiaxe
Lors du refroidissement, la
phase α apparaît aux joints de grains de la phase β tandis que l’intérieur des grains β se
transforment en différents plaquettes parallèles de phases α et β ; ces ensembles de plaquettes de
même orientation à l’intérieur d’un
grain β sont appelées colonies.
La structure de Widmanstatten ne
peut être rendue équiaxe que sous
l’action d’un traitement
thermomécanique. En laminant le
produit à chaud en dessous de la
température de transus, on porte le
pourcentage de phase β à environ 75 %.
Celle-ci se transforme alors au
refroidissement en plaquettes Figure 97 : Représentation schématique des étapes de la
constituant la matrice lamellaire, globularisation de la structure de Widmanstatten
laquelle contient de fins grains équiaxes [SEMIATIN].
de phase α primaire (Figure 97 (b)).
Les mécanismes de globularisation des
structures de Widmanstatten sont complexes et font
l’objet de nombreuses études. La figure 98
présente une représentation schématique du
phénomène de globularisation d’une structure de
Widmanstatten. Les figures 98a et 98b
correspondent respectivement à l’état non
recristallisé et au début du phénomène de
recristallisation. La phase α recristallisée αR se
développe (Figure 98c) alors au sein des plaquettes
de α à l’état non recristallisé αR et la consomme
(Figure 98d).

Les alliages de titane peuvent subir divers


traitements thermiques finaux qui leur confèrent
leurs propriétés mécaniques.
Le mode de durcissement le plus utilisé est le
traitement de trempe et de vieillissement. Il repose
sur le fait qu’on peut conserver par trempe la phase
β en tout ou en partie sous la forme de martensite
de structure hexagonale compacte dite α’ ou sous
la forme β métastable. Le retour progressif vers Figure 99 : Effet de l’insertion d’hydrogène
l’équilibre de la phase β au cours d’un traitement sur les paramètres cristallins [GU]
thermique à température moyennement élevée
Année académique 2009-2010
104
Faculté Polytechnique de Mons – Service de Métallurgie
Cours d’Elaboration et utilisation des alliages métalliques – Partie 2 : Production des métaux non-ferreux (META011)

(vieillissement) conduit au durcissement.


Lorsque les alliages de titane sont utilisés à température élevée, ils risquent de se charger en
impuretés (oxygène, hydrogène), ce qui altère leurs propriétés mécaniques. Lors des traitements
thermiques, il y a lieu d’éviter à tout prix l’hydrogénation du titane, qui dans les produits finis,
doit avoir une teneur inférieure à 0,015 %.
L’hydrogène diffuse en effet excessivement vite dans le titane et ses alliages de sorte qu’il
contamine toute la masse de la pièce. Tant que la teneur en hydrogène est inférieure à 150 ppm,
celui-ci se trouve quasi essentiellement dans la phase α ; par contre au-delà de cette teneur,
l’hydrogène se concentre dans la phase ß et en déforme fortement le réseau. On observe une
élévation sensible du paramètre a (Figure 99). Quand la teneur en hydrogène atteint la limite de
solubilité dans la phase ß, il y a formation et précipitation d’hydrures à l’interface entre les deux
phases α et ß. Il en résulte une fragilisation du métal se manifestant notamment par des
résiliences faibles. Il faut donc éviter les traitements thermiques en atmosphère réductrice en
travaillant soit en atmosphère oxydante (formation d’un film d’oxyde qui réduit l’hydrogénation)
ou sous vide poussé ou sous gaz inerte (Ar ou He).
L’azote est relativement peu soluble dans le titane et donne une couche superficielle de
nitrures durs et fragiles qui réduisent la ductilité du métal. Toutefois, dans certains cas, cette
contamination superficielle du métal est recherchée pour améliorer la résistance à l’usure.

IV. Applications

1. Pigments et charges

Plus de 90 % de la consommation des minerais de titane est utilisée pour la fabrication TiO2,
utilisés principalement sous forme de pigments dans les industries de la peinture (57 %), de la
céramique (12 %), des matières plastiques (13 %), du papier (12 %).

2. Le métal et ses alliages

• Les applications majeures concernent les domaines aéronautique et de l’armement.


Le titane et ses alliages sont
fortement utilisés dans le domaine
de l’aéronautique pour leur
résistance élevée à la fatigue et
leur résistance mécanique
spécifique élevée (Re/ρ ou Rm/ρ).
Bien que le titane soit plus dense
que l’aluminium (d=2,7) et le
magnésium (d=1,74), son rapport
résistance mécanique sur masse
volumique est plus élevé que pour
ces métaux et l’acier. Cette
supériorité se maintient lors de
l’utilisation à moyenne
température de ces alliages
(Figure 100). Les turboréacteurs et
les turbines à gaz constituent des
applications types où l’on Figure 100 : Comparaison entre les rapports limites
recherche une bonne tenue d’élasticité / masse volumique de divers alliages.
mécanique jusque pratiquement [DORLOT]
600°C.

Année académique 2009-2010


105
Faculté Polytechnique de Mons – Service de Métallurgie
Cours d’Elaboration et utilisation des alliages métalliques – Partie 2 : Production des métaux non-ferreux (META011)

Dans le domaine du blindage, l’utilisation de nuances « low cost » à hautes propriétés


mécaniques permet au titane de se substituer avantageusement à l’acier dans des applications
militaires ou civiles.

• Le titane non allié possède une excellente tenue à la corrosion et une grande souplesse de
mise en forme ce qui explique des applications importantes dans le domaine de l’industrie
chimique, des usines de dessalement de l’eau de mer, des centrales nucléaires, exploitations
pétrolières off-shore et du génie civil.
La bonne résistance à la corrosion du titane est due à la formation d’un film protecteur de
TiO2 qui passive le métal. Le comportement à la corrosion du titane est meilleur que celui des
aciers inoxydables ; le titane est insensible aux chlorures et quasi insensible à la corrosion
caverneuse et par piqûres.
Toutefois, le titane résiste mal à certaines solutions chaudes ou concentrées (HCl, H2SO4,
acides organiques).
Dans le domaine du bâtiment, le titane qui est résistant, peu dense, inaltérable, et dont la teinte
peut être ajustée par anodisation, permet de réaliser les couvertures ou structures de bâtiments
de prestige.

3. Le titane : matériau biocompatible

Cette dernière application intéressante du titane résulte de ce que ce métal fait partie de la
catégorie des matériaux dits biocompatibles et est un des plus utilisés avec le chrome et le cobalt
pour la fabrication de prothèses.
Parmi les matériaux biocompatibles figurent en effet :

− les aciers inoxydables ;


− le titane et ses alliages ;
− les alliages cobalt-chrome ;
− les alliages à effet mémoire titane-nickel ;
− certaines céramiques ;
− certaines formes de carbone pyrolytique.

L’implantation des matériaux dans le corps humain induit une réaction tissulaire
d’encapsulation modérée ; elle doit éviter toute corrosion qui induirait une toxicité ainsi que
toute migration de microparticules, sources de réactions inflammatoires à corps étranger
particulièrement mal tolérées par l’organisme. Dans le domaine des prothèses, les matériaux
métalliques doivent toutefois cohabiter avec des matériaux céramiques, des polyéthylènes et les
tissus cellulaires.
Les matériaux biocompatibles doivent respecter des contraintes d’ordre :

- mécaniques : en pratique on recherche des matériaux dont les caractéristiques mécaniques


(limite élastique, résistance, ductilité, résistance à la fatigue) et les propriétés de surface
(faible coefficient de frottement, résistance à des pressions de contacts importantes) sont
élevées. Le module d’élasticité est un paramètre important. S’il est trop élevé, la prothèse
tend à reprendre seule les efforts et les os ne travaillent plus (phénomène de stress
shielding). Il en résulte une usure de l’os et un manque de soutien de la prothèse. Sous cet
aspect, les alliages de titane conviennent mieux (E compris entre 110 et 124 GPa) que les
inox (210 GPa) en ce sens que leur module s’approche plus de celui de l’os (17 Gpa) ;
- biologiques (éviter l’émission dans l’organisme de constituants résultant de la corrosion de
contact avec les matériaux implantés, émission des particules d’usure qui en se rassemblant,
provoquent une réaction de l’organisme vivant appelée métallose) ;

Année académique 2009-2010


106
Faculté Polytechnique de Mons – Service de Métallurgie
Cours d’Elaboration et utilisation des alliages métalliques – Partie 2 : Production des métaux non-ferreux (META011)

- chirurgicales et médicales (la prothèse doit être facile à installer et permettre ultérieurement
le diagnostic médical en particulier, ne pas perturber l’imagerie par résonance magnétique).

Le titane est très bien toléré par l’organisme ; on n’observe pas ou peu de réaction avec les
tissus environnants. Par ailleurs, par son caractère amagnétique, il n’affecte pas la qualité des
images par résonance magnétique.
Pour des raisons de facilité d’usinage et de polissage, on préfère souvent utiliser, soit le titane
pur ou l’alliage Ti-6Al-4V, voire le TA15F (le fer étant moins toxique que le vanadium). Il
possède toutefois des caractéristiques de résistance à la fatigue limitées. Enfin, il a parfois
tendance après son implantation à développer dans les tissus une oxydation en surface. Cette
oxydation, lorsqu’elle se limite à une fine couche de passivation, est peut-être responsable de la
bonne biocompatibilité du titane par protection contre la corrosion.

4. Autres débouchés

• A cause de ces bonnes caractéristiques (haute résistance, faible densité et excellente


résistance à la corrosion), le titane (alliages Ti-6Al-4V, Ti-47Al-2Nb-1.75Cr, Ti-6Al-2Sn-
4Zr-2Mo-0.1Si) peut également trouver des débouchés dans l’industrie automobile :
fabrication de bielles ,soupapes pour véhicules de sport ou de course (la faible densité du Ti
permet de limiter l’inertie des pièces en mouvement et le poids du moteur/véhicule), pots
d’échappement, ressorts de suspension (mise à profit du module d’élasticité deux fois plus
faible que l’acier).
• Des utilisations à forte valeur ajoutée concernent encore les marchés suivants : articles de
sport (clubs de golf, cadres de vélos), montures déformables pour lunettes, boîtiers de
montre.

5. Le titane comme élément d’alliage des aciers

Le titane est également introduit (sous forme de ferro-titane) dans les aciers au carbone (ULC)
et inox.
Dans les aciers inoxydables austénitiques (nuances 321, 316 Ti) pour piéger le carbone sous
forme TiC et éviter ainsi le phénomène de corrosion intergranulaire dû à la précipitation de
carbures de chrome de type M23C6.

Année académique 2009-2010


107

Vous aimerez peut-être aussi