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ENCYCLOPEDIE
DU
DIX-NEUVIÈME SIÈCLE.
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IMPRIMERIE DE BOURGOGNE ET MARTINET,
RIE JACOB, X° 3o, A PARIS.
ENCYCLOPÉDIE
DU
RÉPERTOIRE UNIVERSEL
TOME IV.
PARIS.
U BUREAU DE L'ENCYCLOPÉDIE DU XIX« SIÈCI
RUE DE SEINE SAINT-GERMAIN, 16.
1838.
K
ENCYCLOPÉDIE
DU XIX" SIÈCLE,
RÉPERTOIRE UNIVERSEL
ASIE , la plus vaste et la plus peuplée des sur leurs langues, leurs religions, leurs mœurs
cinq parties du monde, en est aussi la plus et leurs institutions! que de particularités
variée, la plus riche et la plus poétique. nous ignorons sur ses montagnes , les plus
L'Asie est le berceau des peuples; là sont les hautes du globe, sur ses immenses plateaux,
divers foyers de la civilisation humaine. Les ses grands fleuves et ses lacs immenses comme
végétaux et les animaux en sont presque tous des mers ! Son nom même , son nom est une
originaires. Les cinq principales religions du énigme. Cependant, grâce aux travaux des
globe y ont pris naissance. Les sciences , les anciens et aux recherches des voyageurs les
lettres, les arts , les langues y trouvent leurs plus récents et les plus instruits, nous n'osons
sources. Cette grande terre, féconde en grands dire les nôtres , nous entreprendrons de dé
souvenirs , malgré l'obscurité qui enveloppo crire cette partie du monde d'une manière as
les annales d'une partie des peuples qu'elle a sez claire et assez compIète,quoiquesuccincle,
portés , est encore celle dont les fastes re pour que nos lecteurs puissent la connaître
montent d'une manière certaine à l'époque aussi bien que l'état de la science le permet.
la plus reculée. Son sol , qui a vu naître les Nous comprendrons sous le npm d'Asie
plus illustres législateurs , a été ravagé par toutes les contrées à l'orient de l'Europe, au
les plus célèbres conquérants du monde. Là , nord-est de l'Afrique et à l'occident de l'Amé
nous contemplons encore les ruines des plus rique septentrionale. Les limites de l'Asie sont
nobles Etats , les débris de Babylone et de en partie naturelles et en partie contestées.
Ninive, de Palmyre et d'Ilion, d'Eebatane Elle est bornée au N. par l'océan Glacial an
et de Persépolis, de Bactres et de Palibotlira ; tarctique et par le détroit de Behring qui la
là subsistent encore l'Inde et la Chine, debout sépare de l'Amérique septentrionale ; àl'E. par
sur les ruines des plus grands empires; là vi la mer de Behring, sans y comprendre les îk'S
vent à la fois l'Arabe vagabond et l'Arménien aléoutiennes et celles qui en sont voisines ,
industrieux, le Druse simple et frugal, et le et qui doivent appartenir à l'Amérique , puis
Chinois voluptueux et rusé, le Tâtar belli qu'elles ne sont qu'un prolongement de la
queux et l'Hindou pacifique. presqu'île d'Alaska; au S.-E. parle Grand-
Soit que nous considérions l'Asie sous le Océan qui sépare l'Asie de la Micronésie , de
gions
rapportsousphysique,
celui de soit
l'histoire
que nous
de l'homme
lenvisa-, la Polynésie et de la Malaisie; par le passage
entre Formose et les Philippines, la mer de
elle se présente toujours à nous avec un ca la Chine, et les détroils de Singhapora et de
ractère d'imposante grandeur et d'inépuisa Malakka, qui la séparent de la Malaisie ; au S.
ble richesse. Toutdans ses origines , dans son par l'océan Indien qui la sépare de l'Afrique,
existence même , est mystérieux. Que. de de manière que les îles Maldives appartien
choses il nous reste à savoir sur ses peuples, nent à l'Asie, et les îles de Sechelles, de
Enegcl. du XIX* siècle, t. IV. t
A SI ( 2 ) ASI
France et do Bourbon à l'Afrique. En remon d'Asie à une partie de la Lydie , où il exis
tant la mer des Indes, on doit laisser l'île de tait une tribu appelée Asiones , et une ville
Socolora à l'Afrique , en dépit de quelques du nom d'Asia. Par la suite , les Grecs ap
géographes et cartographes , et atteindre le pliquèrent cette dénomination à toute l'Asie-
détroit de Bab-cl-Mandeb et la mer Rouge Mineure, et successivement à toutes les con
qui servent de limites entre l'Asie et l'Afri trées de l'Orient, au fur et à mesure de leurs
que que l'isthme de Soueys rattache sur un découvertes.
seul point. Vers l'occident, les confins entre L'Asie est la plus grande des cinq parties
l'Europe et l'Asie seront la mer Méditerra du monde. Elle est cinq fois plus étendue que
née, l'Archipel, les détroits des Dardanelles l'Europe, dont elle diffère complètement,
et de Constantiuople , et la mer Noire. Là, aussi bien que de l'Afrique, par sa configura
prenant la limite rationnelle , celle du par tion , car l'Afrique est un énorme corps sans
tage des eaux, nous aurons pour ligne la membres, et l'Europe, un petiteorpsavec des
chaîne principale du mont Caucase, dont la membres immenses. L'Asie offrant à elle seule
crête forme la séparation entre l'Europe et ces deux caractères, est un énorme qua
l'Asie, depuis la mer Noire à la mer Cas drilatère , d'où s'élancent de tous côtés des
pienne, du N.-O. au S.-E., des environs du membres longs et puissants qui se dessinent
port fortifié d Anapa jusqu'aux environs de en caps et en péninsules. Viennent ensuito
Bakou dans la péninsule d'Abcheron, de sorte quelques membres isolés qui se rattachent à
que la Tcherkessie, la Kabardie, la petite ce grand corps; ce sont des îles plus ou moins
Abasie, le Daghestan, le Lesghistan, au N. du considérables, telles que les Kouriles, Sakha-
Caucase, appartiendraient à l'Europe ; et la lian , Yesso, Niphon , Sikokf, Kiou-Siou ,
Grande Abasie, la Mingrélie, l'Imiréthi, la Lieou-Kieou , Thaï-Ouan ou Formose, Haï-
Grusie,la Géorgie et le Chirvan resteraient nan, Ceylan , les Lakdives et les Maldives ,
à l'Asie. A partir de celte chaîne, les côtes oc Chypre, Rhodes, Chio, Samos, Lesbos, Ko-
cidentales de la mer Caspienne marqueraient telnoï, Fadevskoï , la Nouvelle-Sibérie et
la frontière de l'Europe jusqu'aux bouches de quelques autres. On voit que nous n'avons
la grande rivière Oural ( Jaïk). Ce fleuve nous pas compris dans les îles asiatiques , ni la
guide jusqu'aux montagnes de ce nom, si ri Malaisic que les Anglais appellent impropre
ches sous le rappport minéralogique, et les ment Archipel des Indes-Orientales, ni même
monts Oural nous conduisent jusqu'au détroit les îles Andaman etNikobar, que nous avons
de Vaïgatch , en laissant Novaïa-Zemlia à prouvé, dans l'ouvrage précité , devoir faire
l'Europe, ce qui avec la mer Glaciale arcti partie de la Malaisic, la plus importante
que comploterait ce système de limites natu de nos quatre divisions de l'Océanie. L'Asie,
relles. Un coup d'oeil jeté sur une grande avec ses îles , et dans les bornes que nous
carte de l'Asie, et quelques réflexions sur les venons d'indiquer, offre une surface en géné
considérations des limites et des classifica ral montagneuse, excepté au nord.
tions que nous avons le premier données à la L'Asie est située entre le 1° 17' et le 76° de
cinquième partie du monde dans l'ouvrage lat. N., et entre les 23° 33' ( extrémité de
que nous avons publié sous le nom d'Océanie l'Asie-Mineure),et 187» 40' de long. E. Elle
convaincront lout homme éclairé des avan a ainsi, dans sa plus grande largeur, environ
tages qui résulteraient de son adoption pour 1 ,870 lieues ordinaires du N. au S., ou depuis le
la distribution méthodique des descriptions cap Severo-Vostotchenoïjusqu'au cap Roma-
géographiques. nia, à l'extrémité méridionale de la presqu'île
On a fait de nombreuses conjectures sur de Malakka; elle a dans sa plus grande longueur
l'origine du nom donné à ce vaste continent. prise obliquement , 3,230 lieues du N.-O. au
LesGrecs l'ont fait dériver <l'A»ia, fille de deux S.-E. , c'est-à-dire , depuis le cap Oriental
divinités fabuleuses, l'Océan et ïhétis ; d'au (extrémité du Kamtschalka) jusqu'à l'isthme
tres l'ont attribué à Asia , fils d'Alys, roi de de Soueys , qui forme la limite de lArabie et
Lydie. Le savant Bochart croit qu'il vient du de l'Egypte.
mot hébreu ou phénicien asi , qui veut dire La superficie de l'Asie comprend 2,100,000
milieu; mais cette opinion n'esl appuyée sur lieues géographiques carrées; nous n'estimons
aucune preuve historique. Quoi qu'il en soit, sa population qu'à environ 450,000,000 d'ha
il parait, d'après Homère, Hérodote et Eu bitants , parce que nous n'admettons pas lo
ripide, qu'on donna de bonne heure le nom chiffre exagéré que les Anglais ont donné à
A SI (3 ) AST
l'empire chinois. Sa constitution physique et celles de l'Asie moyenne ou du milieu. L'Asie
ses divisions sont réglées sur le cours de ses méridionale renfermait les pays connus sous
grandes chaînes de montagnes et de ses grands le nom d'Asie-Mineure, c'est-à-dire la My-
fleuves : et d'abord voyons quelle était l'Asie sie, la Lydie, la Carie avec plusieurs villes
dans les temps anciens. grecques le long de la côte, telles que Phocée,
Nous y trouvons deux principales chaînes Ephèse, Milet, Smyrne, Halicarnasse, etc.,
de montagnes de l'ouest à l'est. L'Altaï et dans l'intérieur, les villes de Sardes en
(sans nom dans l'antiquité ) au nord et le Lydie, et de Pergame en Mysie, la Lycio,
Taurus au sud ; le Caucase , rameau de ces la Pamphilie et la Cilicie, dontTharse était
deux chaînes entre la mer Noire et la mer la capitale , la Rithynie , la Paphlagonie , le
Caspienne; l'Imaus, le long du désert de Pont, avec les villes grecques maritimes d'Hé-
sable riche en or ( le désert de Cobi ) , le raclée, d'Amisus et de Sinope, la Phrygie et
Paropamisus au nordde l'Inde et l'Oural (sans laGalatie, avec les vi Iles capi talcs de Gordiuni
nom propre dans l'antiquité). — Quatre des et Celènes, la Cappadocc et la ville de Mazaca ;
principaux fleuves du l'Asie , qui coulent du les îles situées le long des côtes de l'Asie-Mi-
nord au sud , sont dignes de remarque pour neure, telles que Lesbos et la ville de Mi ty-
l'histoire ancienne : l'Euphralc et lo Tigre , lène, Chios, Samos, Cos, Rhodes, avec les
qui se jettent dans le golfe Persique ; l'Indus villes de même nom ; sur les côles orientales
et le Gatige , qui se jettent dans la mer des de la Méditerranée la Phénicie avec les vil
Indes; deux autres, l'Oxus (loGihon) et les de Tyr elde Sidon, ellaPalestine,qui avait
l'Iaxarte (le Sirr), coulent de l'est à l'ouest; pour capitale Jérusalem; la Syrie proprement
ils se jetaient jadis dans la mer Caspienne, et dite ayant pour villes principales Damas ,
maintenant dans le lac Aral. Emèse,Heliopolis(Raalbeck), Palmyredansle
Les anciens fondèrent sur celle base la di désert. De là, dit Heren, on touchait à l'Ara
vision de l'Asie en Asie septentrionale , qui bie, qui renfermait d'immenses déserts desablo
renfermait le pays au nord de l'Altaï; en et était presque entièrement habitée par des
Asie du milieu , ou le pays enlre l'Altaï et le peuples nomades; mais ses côles occidentales
Taurus; en Asie méridionale, c'est-à-dire le et orientales lui donnaient comme de nos jours
pavs au sud du Taurus. Voici les principales une grande importance pour le commerce.
divisions de celte partie du monde chez les Au nord, l'Arabie Pétrée, ainsi appelée
anciens. d'une ville nommée Pétra dont on a décou
L'Asie septentrionale, selon les Grecs, èlait vert naguère de nobles ruines ; dans le mi
située entre le 70" et le 50" de lat. N. ( la Rus lieu, le désert d'Arabie; au midi, l'Arabie
sie asiatique ou Sibérie d'aujourd'hui ; celte Heureuse , riche de ses propres productions,
partie de l'Asie èlait, il est vrai , peu con puisqu'elle est le pays natal de toutes les es
nue dans l'antiquité , mais non pas entière pèces de parfums, et en outre le plus ancien
ment inconnue. — Les renseignements qu'on entrepôt des marchandises de l'Inde; nous
trouve à cet égard dans Hérodote sont obs croyons y avoir trouvé les sites de Saba et
curs, mais vrais dans quelques parties. dOphir, sur la côte occidentale; à l'est
L'Asie centrale était le pays situé entre était la ville de Géra , et en face les îles de
les 50» et 40" de lat. N., Scytliia sarmalka et Tylus et d'Aradus ( les îles Raharciu ), entre
atiatica , c'est-à-dire le Tourkestàn et la Mon pôts des marchandises de l'Arabie, aussi bien
golie, ce qu'on appelait naguère la Grande- que de l'Inde, et particulièrement de la fine
Tartarie. C'est en grande partie un immense cannelle de Trapobane ( Ceylan). Venait en
désert sans culture et sans bois, propre seule suite le pays entre 1 Euphrale et le Tigre qui
ment aux pâturages. —Ses habitants, peuples comprenait : 1» la Mésopotamie , pays de pâ
pasteurs ou nomades , sans ville et presque turages, sec et aride, habité seulement par
sans habitations fixes, ne connaissaient point des hordes nomades. Villes de l'Euphrate :
d'autres liens politiques que le simple gou Tapsaque, Circesium, Conaxa; au N., Zoba
vernement des tribus. ou Nisibis. 2» L'Arménie , au N. de la Mé
L'Asie méridionale comprenait les payssi- sopotamie, pays de Montagnes. 3° La Ra-
tuésdepuis le 40°de lat.N.jusque prèsde l'équa- bylonie ou partie méridionale de la Méso
teur et ceux entre la Méditerranée et l'Indus et potamie, dont elle était séparée par la
entre l'Indus et l'Océan septentrional. — Ces muraillemédique. Cette plaine fertile dut au
contrées offraient un contraste frappant avec trefois à une culture très perfectionnée , à
A SI { 4 ï A SI
ses canaux, à ses digues, à ses lacs, à sa si foncements des mers de l'Asie , nous allons
tuation, d'être le pays le plus commerçant et énumérerlesmerset les enfoncements princi
le plus liche de l'intérieur de l'Asie. Ses villes paux de ce continent.
furent la célèbre Babylonc sur l'Euphrate, et L'océan Glacial arctique baigne toute la
Borsippe. Enfin le pays entre le Tigre et l 'Indus côte boréale de l'Asie; il forme plusieurs en
comprenant : 1° L'Assyrie ou la région Adia- foncements. Le Klialanga, le Lena, le Yana,
bène, pays de pâturages, dont les villes prin l'indigirka et lo Kovyma, ont tous à leur
cipales étaient Ninive et Arbéle. Ce nom d'As- embouchure un golfe plus ou moins remar
s\ rie est souvent pris dans un sens plus ètondu quable.
par les Grecs, qui y comprennent la Mésopo Le Grand Océan baigne la côte orientale
tamie et la Babylonie, et quelquefois même la de l'Asie, et forme un certain nombre de mc-
Syrie. 2" LaSusiane, pays fertile, avec la ville diterranées à plusieurs issues , telles que la
do Suzo sur le fleuve Choaspe ou Ouléus (Ou- mer de Behring, la mer d'Okotsk ou de Tar-
lai), l'une des résidences desrois de Perse. 3°La rakai , la nier du Japon, la mer Orientale ou
Perse, au nord , pays sauvage et plein de mon Toung-Ilaï , dont une partie porte le nom do
tagnes, caractérisé par une plaine fertile dans Hoang-Haï ou nier Jaune; la mer de la
le milieu et un pays sablonneux au midi. Sos Chine. L'océan Indien, placé entre l'Océa-
fleuves sont le Cyrus et l'Araxe. Elle avait nie, l'Asie et l'Afrique ; le golfe Persique , qui
pour villes principales EcbataneetPersépolis est une véritable médilerranèe ; la mer Bouge
ou Pasagarde, qui renfermait le palais et la ou golfe Arabique; et le golfe de Skaude-
sépulture des rois do Perse. Sous le nom de roun ( Alexandrelte ) , que la Méditerra
Perse étaient compris, sauf l'Assyrie , tous née forme eut. e la Syrie el l'Asie-Mineure.
les pays situés entre le Tygre et l'Indus , Toutes ces mers forment plus de 12 golfes.
c'est-à-dire la Caramanie, la Gédrosie, la L'Asie compte sept grandes presqu'îles : l'A
Médie, la Parthie, l'Uircanie, la Bactriane, rabie , le Dekkan, le Kamlschatka; l'an
la Sogdiane, etc. On ne connaissait guère de cienne Asie-Mineure ou Anadoli d'aujour
l'Inde que quelques points entre l'Indus et le d'hui, IaKorée, Malakka et le Goudjerat;
Gange. plus trois presqu'îles formées par la Sibérie ,
Passons aux divisions naturelles de l'Asie et qui n'ont pas encore reçu un nom consa
avec ses subdivisions telles qu'elles existent cré. Plusieurs détroits : tels sont ceux de Beh
de nos jours. ring, de Nadoeheda, de la Boussole, de Vries,
I. Région C.uca„iem>e. ! «»'e:'«Orande.Ab«.ie,Iroir*lbi.H,i.,reli.,
du Pic, de Sakhaliau, de la Pérouse, de Tsou-
I (Lblrvall. gar, de Kiou-Siou, de Fouuaï, de Korée, de
'X llé^ion de l'Aaie-ali 4 Anadoli, Cararuanie, Sivar, Tre b;toude; île*
llelin». ( de Chypre, de Rlindea. Diémen, de Formose, d'Haïnau, de Malakka,
3. llé^ion de r,'.ii|rbralr J
• l du ï pre. f
Arménie, Koiiirii.lau, Uéaopolainir ou Al
lljcsirali, Bahvlonie ou Irak-Arabi.
de Palk, de Hormouz et de Bab-el-Man-
A. liêgiou du riiniil Li- \
| I
c' . . „ . .
Syrie el Palealme.
ileb. Un grand nombre de promontoires, en
5. Réfiun d'Arabie. | Arelie. tre autres le cap Severo-Vostoknoï, le plus
b. H.-giuu IV,.., ,,,ie.
„. . , ,..,
| I'. ï,- .
. i| Grande -Boukbarie
Bimkbarie . Turki
Turkeatan oeeidelilal .
septentrional du continent ; le cap oriental
nVpiou dr I Olu» et) K . * ... . _.
du lae Aral. )
[
i"'r,,l": ™* e-irgnu. Tu
de» 1 ruuclnuènre.
f illtOIllilliii ,41 pu}. qui en forme l'extrémité N.-E. , et ceux de
S. Rêeîoii
,.r, ,,,,,,■ du ii'jit.iu
r i „ , ....
l Kalmoukie, Mongolie, Peine „ . BouUiane. Bopalka , Bomania , Komorin , Bas-el-Had ,
9. Région de l'Obi M ,le I u
Moussendom , Baba, le plus occidental de
rinni-.rl j Pllierer. orcidenlale.
l'Asie, etc.
I» Kégion ,lu Nord-Eil. ! L* *''•"'' orientale . aerc le Kaoaiicbaïka
I comme apprmlii e. Cette vaste région renferme un grand
II. It.-einu du Heine I Tailarte dite cliinoiae, atee la Corée comme
Sukbaliêu. } appendice,
nombre de lacs , qui se distinguent générale
li Hogi.m in-ulaire de j lira kourlle». Tcboka ri Ye,..; ilea du Japon, ment par leurs eaux salées , saumâtres ou
rA.ieuriem.ile. j l.ieou Kieuu, Tuai oj.b.
1.V Regi.Midu l]„uve Bleu ( ,., . sulfureuses, et par un manque d'écoulement.
el du lle.„e J«„„r. J L1,,1,« P'oprérMIll dlle.
1A. l'.i^iunile.xiurrei.du I i-.
Nommons d'abord le plus grand et le plus im
Gange, j T'1"1 portant de l'Asie et du globe , et la partie de
1i lïépi-iii du C.mgc. , Iliiuloualun O'ienlal.
11». Uet.rii du Siiul. | Itindoli.tati oceideiilal. sa surface la phjs basse connue, c'est-à-dire
iPêiiiuaule <ir l'Inde en deçà du Gange, arec
lileOjlan, le. ll.ildi.e. el lea Lakdnr»
la mer Caspienne ( voy. ce mot ). Ce lac sale
comme appendice. et sans écoulement occupe une étendue de
18. lfgii.ii
Région île
de la p„.»
pu- ,j l'ému. ule de riude
PAiiîneuJo l'Inde un delà du Gange, eui-
qu'il* Traurarangè- J pire Bliman, ruya
royaume de Siaui, Aiinom 16,850 lieues carrées ou 3,139 myriamètres.
'■que. ( ri Malakka.
que les anciens nommaient mare Ilyrcanum;
Ne pouvant indiquer dans le cadre étroit il nourrit une grande quantité de phoques ,
de cet article les subdivisions el tous les en dont les peaux forment un article considè
ASI (5 ) ASI
rable de commerce en Russie. D'après un Au nombre des lacs qui, ainsi que les qua
grand nivellement trigonomélrique opéré tre que nous venons de citer, sont traversés
en 1837 par les Russes , la mer Caspienne est par des fleuves, il faut nommer le lac Baïkal,
plus basse que la mer Noire de 94 pieds 9 le plus grand de l'Asie après la mer Cas
pouces de Paris. pienne et le lac Aral. Selon M. Klaproth, lo
Le lac d'Aral, faussement appelé mer Baïkal nourrit une grande quantité de pho
d'Aral , situé dans la moitié occidentale du ques. Il reçoit la rivière Selenga, et est la
Tourkeslan indépendant, dont il reçoit les source de l'Angara, qu'on doit regarder avec le
plus grands fleuves , est le plus remarquable Selenga comme la branche principale du Je-
de l'Asie après la mer Caspienne : il a une nissei , le plus grand fleuve de l'ancien conti
étendue de 1,200 lieues carrées. Le niveau de nent. On trouve encore le Taïmour dans la
ses eaux est à 186 pieds au-dessus du niveau de presqu'île des Samoïèdes, et ailleurs un nom
l'Océan. bre prodigieux d'autres lacs.
Le lac Amer ( Kouli-Deria ou Hadji Kou- Nous ne comprenons point, parmi les lacs,
•jousn ) communique à la mer Caspienne , et le Tchani , situé sur les limites des gouverne
il est très probable qu'il était une antique ments de Tobolsk et de Tomsk , ni le Rm uu
dépendance de celte mer. Le témoignage des nord du Keutch dans l'Inde, parce que ce
anciens qui y placent l'emboucbure de l'Oxus sont deux vastes marais. On recueille dans le
et de l'iaxartes, l'ancien Ht de la mer dont dernier une grande quantité de sel , et on y
M. Mouravieff a reconnu les traces entre le observe le curieux phénomène du mirage.
lac Aral et la mer Caspienne ; les traditions des On ne compte en Asie qu'un petit nom
Chinois et le fait attesté par les Kirghis au bre de canaux. Les seuls qui soient navigables
colonel Meyendorff que le lac continue à se trouvent en Chine et dans l'empire d'Au-
diminuer d'étendue , confirment cette opi nam. Le Yu-ho , ou canal impérial de Chine,
nion. a plus de 600 milles de longueur , et permot
Les autres lacs les plus remarquables sont : d'aller par eau de Canton à Péking. L'An-nani
IcTele-Koul, situé presque au centre du Tour- en a deux considérables : celui d'Hué et ce
kuslan indépendant ; le Karan-Koulok, dans lui de Saigon ; mais les canaux d'irrigation
lo pays des Kirghis ; le Lop et le Borteng, dans sont plus nombreux, surtout en Chine, au
le Thian-Chan-nan-Lou; le Balkacli-Noor , Japon , dans l'Inde, et dans les Khanals de
l'.'Kouklian-Noor, en chinois Tsing-Haï (mer Boukhara et de Clierisebz.
Bleue ) ; le Namtso , en mongol Tengri-Noor L'Asie est le pays du monde dont la sur
tlac Céleste), le plus grand lac du Tibet; le face présente la dépression la plus considé
Baldlii , aussi dans le Tibet ; le Zerrah , qui rable que l'on connaisse ; mais elle partage
reçoit le Lermend dans l'Etat de Kaboul ; cet affaissement avec l'Europe orientale.
VOurmiali ou Maraglia, et le Bakliteghian, Elle offre aussi les montagnes les plus hautes
qui reçoit le Bendemir ou Koura, en Perse; le et les plateaux les plus élevés du globe ,
lac d'Eriv m ou Goktcha , et le lac de Van ou mais on possède encore Irop peu d'observa
de Vachpouragan , dont le plus grand af tions barométriques pour pouvoir déterminer
fluent est le Kochab, en Arménie ; une foule l'élévation exacte de la plupart de ses pla
de lacs salés et sans écoulement dans l'inté teaux au-dessus du niveau de la mer. Nous
rieur d'Anadoli ; celui venant de Touzla ou citerons cependant les deux plateaux du Ti
Salate, qui a 14 lieues de longueur sur 2 de bet, qui atteignent jusqu'à 2,200 toises d'élé
largeur; le Bahr-el-Louth ou mer Morte, vation; celui de la Mongolie, qui atteint 1,880
lequel reçoit les eaux du Jourdain , et dont toises ; le plateau de la petite Boukharie, dont
les eaux bitumineuses recouvrent une éten les sommités sont à 1,400 toises; celui de
due de 60 à 70 lieues carrées. Les lacs sui l'Asie occidentale, composé du Caucase et du
vants sont traversés par des fleuves dans le Jaunis , qui est de 500 jusqu'à 1,320 toises
Thian-Chan-Pelou : le Dzaïssang, traversé par au-dessus du niveau de la mer.
l'Irtyche, affluent de 10b ; le Thoung-Thing, La géologie de l'Asie est encore peu con
le plus grand lac de la Chine ; le Phan-Yang, nue. Le groupe de l'Altaï, que les Chinois ap
aussi en Chine ; le Manassarovar, dont le ni pellent Kin-Chan ou Monl-d'Or, est en effet
veau paraît être au-dessus du plus haut som riche eu or, et l'était bien plus autrefois. On
met des Alpes : c'est un des principaux pè y trouve le granit répandu sur des schistes ar
lerinages des Hindous. gileux renfermant des pyroxèues, des cou
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clies de jaspe , des roches calcaires compactes monts Nilgherry, des Ghâtes occidentales et
de transition et devenues grenues, la mala orientales, et des monts Vindhia. Les monta
chite, le cuivre natif, etc. gnes de l'île de Ceylan peuvent être regardées
Le rameau de l'Altaï, que les Russes nom comme appartenant h ce système, qui est sé
ment Kolyvan, est composé de sléaschistes , paré de l'Himâlayen par le cours du Gange.
de schistes, de calcaire, de quartz et de dio- L'Asie est la partie du globe qui offre,
rites, riches en filons d'argent et de plomb. après l'Europe et l'Afrique, le moindre nom
Ces roches forment des montagnes d'environ bre de volcans ; elle ne peut être comparée
3,000 pieds de hauteur, dont les flancs sont sous ce rapport avec l'Amérique, et bien
couverts de dépôts diluviens aurifères. Deux moins encore avec l'Océanie. Les principaux
autres rameaux de l'Altaï, les monts Sulaïr et se trou vent dans la presqu'île du Kamtschatka,
les monts Khoksoun, élant composés de ro où l'on eu compte cinq : dans l'empire chi
ches à peu près semblables à celles des monts nois nous nommerons le Pé-chan ou Kchik-
Kolyvan, renferment également des richesses Raeh , sur la pente septentrionale du Thian-
métalliques : les premiers des sables aurifères, chan, dans le Thian-chan-pe- lou, et à quel
et les seconds des mines d'argent. L'illustre ques milles de Koulché ; et celui de Ho-tcheou,
M. de Humboldt porte à 70,000 marcs la sur la pente méridionale dans le Thian-chan-
quantité d'argent exploité de l'Altaï, et à nan-lou et peu éloigné de Tourfan : ils sont
1,900 marcs la quantité d'or obtenu seule d'autant plus remarquables que ce sont les
ment par le lavage , et on vient d'y décou volcans en activité les plus éloignés de la mer
vrir de nouveaux gisements ; l'Altaï se ter que l'on connaisse. Les Anglais prétendent
mine par de larges plaleaux granitiques. Ses avoir observé en 1825 des volcans dans la par-
terrasses inférieures sont riehes en agates , lie orientale de l'Himalaya, ce qui est encore
en cornalines et en calcédoines. On trouve douteux. On peut nommer avec certitude
des bois siliciés dans les dépôts d'alluvion si- celui de Damavend , v'sible au loin, entre
tuésdans les plaines. Le Ïhsoung-Ling estrichc Melazkird et Bayazid , en Arménie; mais
en rubis , en lapis-lazuli et en turquoises. La c'est dans les îles asiatiques que les monts
chaîne de l'Himalaya est composée de granit, ignivomes font éclater leurs fureurs, et prin
de micaschiste aveedisthène, d'amphibolites cipalement dans l'archipel du J;i| ou. Nous
nommées aussi diorites, et de grunstein pri nommerons le Fousino-yama , dans l'île Ni-
mitif. Dans la chaîne orientale des monts Ou- phon , comme le plus formidable de tous ,
rals dominent des granits , riches en beaux le Sera-yama et l'Asama-yama ou Asama-
minéraux de fer et de cuivre. Les monts Ilmen no-Dake, dans la même île; l'Ounzen-ga-
sont riches en gros zirconset corindons, dont dake, le Miyi-yama et l'Aso-no-yama, dans
quelques uns en prismes hexaèdres ont jus l'île Kiousiou; les trois volcans sur la baie
qu'à 3 pouces de diamètre. Sur le côté orien des Volcans, dans l'île de Yiso; l'Ourbitch,
tal des monts lrendik, on trouve des roches dans l'île Jtouroup, une des Kouriles; et le
de talc, schistes, diorites et serpentines : ces très petit volcan de l'îlot Kou-Sinia, à l'ouest
dernières renferment des dépôts de cuivre et du détroit de Sangar, et dont le cône n'a que
d'or dans plusieurs localités. C'est à leur dé 150 pieds d'élévation. Il en existe encore plu
composition et à celle du schiste siliceux que sieurs dans quelques îles de la partie de l'ar
sont dues les alluvions qui fournissent par le chipel des Kouriles qui appartient à la Russie.
lavage lu plus grande quantité d'or qu'on re Pour donner plus de précision aux générali
cueille dans cette région. Le massif du Cau tés des régions physiques, et aux divisions na
case se compose de dilférentes bandes, dont turelles de l'Asie pour lesquelles on ne peut
la plus haute est granitique et les autres de viser entièrement à une rigueur scientifique,
schiste argileux , auquel sont subordonnées mais à une méthode plus commode pour l'étude
des masses de porphyre, dont la structure de l'Asie, nous allons tracer l'ensemble de son
est basaltique. A ces bandes schisteuses succè orographie. Les monts Oural s'élèvent au N.
dent des bandes calcaires où l'on trouve des O.; à l'ouest le mont Taurus, le Liban et les
filons métalliques. Le système arabique com hautes cimes de l'Arménie, le Caucase, les
prend trois groupes : celui du mont Sinaï, ce monts Elbours et Kazbcck, les montagnes du
lui do ïehama et celui d'Oman ; le premier Khorassan , l'Hindou-Koh , les monts Bra-
et le second groupe sont généralement grani houïks , Soliman et Ouachély , ceux du pays
tiques. Le système indien se compose des des Kazaks et des Troukmans ; au centre , la
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vaste chaîne qui sépare la Sibérie de l'empire SYSTÈME INDU».
lie de ses peuples, beaucoup cependant sont savoir : t° l'Asie ottomane partagée entre les
ou musulmans ou idolâtres. sultans Mahmoud et Mehemed-Ali ; l'Arabie,
35. Nous partagerons les grandes divisions subdivisée en plusieurs Etats, dont l'imànat
polili'i'ies de l'Asie en dix grandes régions d'Yémen et celui de Mâskat sont les princi
paux, et dont une partie de la côte occi dont les principaux Ktats sont les empires
dentale appartient au vice-roi d'Egypte; 2" la birman et d'An-nam, l'Assam et l'Arrakan , et
P«'rse, subdivisée en royaumes de Perse ou le royaume de Siam (les Anglais ont con
Iran proprement dit, et en Afghanistan ou quis naguère une partie de la côte des Bir
Etats de Kaboul et de Hérat, aujourd'hui sou mans); 7° la presqu'île de Malakka ; 8° l'empire
mis en partie à Bcndjit-Sing h; 3° "l'Etat chinois qui comprend la Chine , le Tibet,
du Beloutchistân ; 4° le Tourkestân indépen le Bouttân , la Koréc, la Mongolie, la
dant , dans lequel nous comprenons les khâ- Dzoungarie , le pays de Khoukhou-noor ou
nats de Boukhara , de Balkh , de Khokand , des Mongols, le Tourkestân oriental ou Po-
de Khiva , de Badakchan , une partie du pays tite-Boukharie et le pays des Mandchous ;
des Kirguis ou Kazaks , le pays des Tourk- ( les Portugais y possèdent la ville de Macao
mans , etc. ; 5« l'Inde, subdivisée en plusieurs dans la province de Kouang-toung, dont
Etats, dont l'empire indo-britannique, les Kouang-tcheou est le chef-lion ) ; 9" l'empire du
rovaumes de Sindia et du Népal , le pays des Japon; et 10° l'Asie russe, qui comprend la
Seikhs ou l'état de Rendjit-Sing'h , et ce Sibérie et le Kamlschatka, la région cauca
lui de Sindhi sont les plus importants. La sienne et une portion de l'Arménie.
France , le Portugal et le Danemarck ont Les villes principales de l'Asie sont : dans
quelques possessions de peu d'importance l'Asie ottomane, Damas, Smyrne. Haleb.Erzc-
dans l'Inde. 6° La région transgangétique, rounij Bagdad, Broussa , Diarbékir, Bassra,
A SI ( M ) A SI
Moussoul, Ourfa ; Jérusalem (ïïl-Kods, la Dans la région transgangétique, on doit
sainte), Angorah , Tripoli ( Tarablos) du Li distinguer Batnapoura ( la ville des joyaux);
ban , Akka ( le Saiiil-Jean-d Acre des Euro Ava , grande ville située sur la rive gauche
péens ), et Trôbizonde. En Arabie la Mekke, de ITrraouadi , et qui est redevenue, depuis
capitale; Medinet-el-Nebi ( Médirie ), Moka, 182i, la capitale de l'empire ; Amara-Poura,
Fouf et Derrièlï; dans l'Iran ou la Perse, Té siluée sur la rive gauche de l'Irraouadi et sur
héran , capitale, Ispahan , Tébriz et non Tau- les bords romantiques d un lac, et qui fut
ris , Hamadau , Chiraz, Kerman , Kazbin, la capitale des deux derniers monarques ;
Yezd , Bender-Aboucliir, Cliouster et Ker- en Cochinchine, Doué, capitale; Tourau
manehàh ; dans le Kaboul, Kaboul (capitale); (Hansan), rade superbe sur laquelle les Fran
dans 1 Hérat, Herat (capitale), Kandaliar, çais ont acquis de véritables droits par ces
Pécliouer, Moullan, Djelat-Abad, Ghizni, sion obtenue pour cause de services rendus ;
Balk; dans le Beloutchistàn, Kalaat-Nassir- dans le Tongking, Ketcho ou Dong-King ou
Klian ou Kelat (capitale), Gondava, Kadje- Bak-King; dans le Kambodje, Saigon, Kam-
Mokran, Zabri , Kbozdar et Bêla; dans le bodje ou Louek, l'ancienne capitale ; Panom-
Tourkestân ou Tatarie indépendante, Bou- ping, la nouvelle ; dans le Siam , Bangkok ,
khara, ville célèbre, résidence du kban , et capitale ; Siam ou Julhia, ancienne capitale,
Samarkand, autrefois capitale florissante du et Cltanlibon ; dans la péninsule de Malakka,
vaste empire de Timour-Lcng, et célèbre en Malakka, capitale; Kedah, Patani, Pahang
core de nos jours par ses écoles, ses fabri ou Packanga, et Ligor.
ques , et le tombeau du grand conquérant Dans l'empire chinois, nous citerons, dans
dont nous venons de parler. Dans l'Inde, et la Chine propre, Chun-Thian ou Péking, ca
d'abord dans l'Inde britannique, il faut nom pitale de l'un et de l'autre , avec 1,700,000
mer Calcutta, capitale des possessions an habitants, Kouang - tcheou ( Canton ), avec
glaises en Asie , et résidence du gouverneur 8i6,000 âmes, Fou-lcheou,Thai-ouan, dans
général ; Bénarès, ville célèbre, située sur la l'île de Formose ; au pays des Mandchous ,
rive gauche du Gange , et qui est en grande Ching-yangouMoukden; en Mongolie, 1° dans
vénération chez les Hindous ; on y compte en le pays des Mongols, subdivisé en kortsin , on
viron 600,000 babilans; à 190 lieues N.-O. de trouve les ruines des villes d'Almalou et de
Calcutta, Madras, chef-lieu de l'une des trois Sibé ; dans la subdivision de Djalaït on trouve
résidences anglaises ; Patna ( Behar) , sur la Tchol - kholô ; dans celle de Gorlos les ruines
rivedroile du Gange, avec 312,000 habitants; des villes Loung-ngau, Ao-khotô et Bar-
Dhakka, Bombay, situé dans la partie S. -E. kltolo ; dans celle de Toumet la ville ruinée do
de l'île du mémo nom, dans la mer des Indes , Khara-kholô ; dans la subdivision de Kara-
et l'entrepôt de tout le commerce de la côte tsin les ruines de plusieurs villes anciennes,
N.-O. de 1 Ilindoustau, 162,000 habitants ; à et le temple bouddhique de Kou-yuan-ming-
SiO lieues E.-S.-E. de Calcutta, Delhi, szeu, avec des inscriptions du temps de la dy
ancienne capitale de l'Hindoustan , sur la nastie mongole de Yuan, etc. 2° Dans le pays
Djemna; Surate, sur le Tapti ; Mourched- des Khalkha, composé de l'ancien pays de
Abâd; Pounah , ville importante , ancienne Khalkha, d'une partie du désert de Gobi ou
résidence des chefs maltraites ; Lahore, capi Cbamo, et d'une partie du pays des Eleulhsou
tale des Seïks; Laknau, capitale du royaume Oulets , on trouve Ourga , Maï-tma-chin et
d'Oudc; Sâlâra , noyau de la monarchie Oulia-Soutaï , et dans le pays des Ourang-
maltraite, fondée parle célèbre Sevadji ; Hai- khaï vivent quelques Soyales anthropo
der-Abâd, capitale et résidence du Nizam ; phages. C'est dans cette partie de l'empire et
Katmandou , capitale du Népal ; Cltanderna- proprement sur la rive gauche de l'Orkhon,
gor, qui appartient à la France ; Pondichéri, peu loin des sources de ce fleuve, qu'on doit
chef-lieu des établissements français dans placer Karakhorin ou Karakoroum. D'après
l'Hindoustan; Goa, capitale des possessions les recherches de M. Klaproth, cette ville qui,
portugaises en Asie , siluée à l'embouchure suivant Bubruquis, témoin oculaire, n'était,
de la Mandova , à 3 lieues de l'ancienne ville, au temps même de sa gloire, pas plus grande
qui est aujourd'hui presque abandonnée, tandis que Saint-Denis, servait de point de ralliement
quelanouvclle compte 20,000 habitants ;Oud- aux innombrables hordes de la Tatarie. « Ce
jeïn, l'Athènes de l'Inde ; Coloumbo, chef-lieu, pendant, dit M. Balbi, elle était la résidence
et Trinkomalijbeau port fortifié de l'ilcCeylan. ordinaire des premiers successeurs de Tchin-
A SI ( 15) A SI
guiz-khan, et par conséquent la capitale du Indiens , à cause de ses nombreuses sources
plus vaste empire qui ait jamais existé. C'est de naphle qui s'enflamment d'elles-mêmes.
dans son enceinte que Koublaï et Argoun re Quelques cellules adossées aux murs de l'a-
çurent les ambassadeurs de toutes les puissan tech-gâh ( endroit du feu ) sont habitées par
ces de l'Asie, et ceux d'une grande partie de des parsis, et d'autres par des Indiens; dans
l'Europe
terons dans
et même
le Thian-chan-pe-lou
de l'Amérique. «Nouscomp-
ou Dzoun- l'Arménie (naguère persane), Erivan , ville
forte avec; le célèbre couvent d Eelhmiadzin
garic, Ili ouGouldja ; dans le Thian-chan-nan- (les trois églises) dans ses environs ; dans l'I-
lou (Petite-Boukharie) , Khamil ou Hami, merothi, K'houlaïssi (Cotatis), sur le Ilion
Rachghhar ou Kachkar, Yarkand et KIio- (Phasis, , autrefois capitale du royaume, et à
tân; dans le Tibet ou Si-zzang on trouve présent de la province de ce nom ; en Min-
Hlassa, capitale, Jikadze , Djachi-loumbo grélie Zoubdédé, résidence d'un dadian ou
(Tissou-loumbou), Balhang , Ladak ou Leï, prince qui est singulièrement pauvre; Sou-
ville principale du Ladak ou Petit-Tibet; au khoum-Kalé,Anapa , Redoutkalé dépendant
pays du Deb-Radja ou Bouttân, Tassissoudon , du gouvernement de K'houtaissi; Kouba et
capitale; dans la Korée, Han-yang-lchhing, Derbent dans le Daghestan ; Stavropol ,
capitale de ce royaume , ainsi que de l'ar Georgiesk,Mozdock et Kizlia dans le gouver
chipel de Korée, formé d'un grand nombre nement du Caucase.
d îlots. Dans le royaume de Lieou-kieou, C'est surtout dans le midi de l'Asie et de
King-tching , où réside le roi de la grande la Chine qu'est concentrée l'industrie ma
Lieou-kieou, l'île la plus grande de cet ar nufacturière de l'Orient. Ces contrées se dis
chipel. tinguent par leurs étoffes de coton et de soie,
Dans l'empire japonais on doit remarquer les beaux tapis de Perse , les châles de l'Inde
Jédo, sur la côte est de l'île Niphon. Cette recherchés dans le monde entier , les peaux
immense ville , qui compte 1,200,000 habi de cordouan et de chagrin , les travaux en
tants, est la capitale de l'empire et la rési ivoire , en nacre, en écaille et en laques, les
dence du koubo , empereur temporel , et camelots de poils de chameau , les porce
Miako, dans la même île, celle du daïri, em laines, les bijoux, l'acier de l'Inde, nommé
pereur spirituel. On voit à Miako la plus voutz , d'une trempe tellement dure qu'il
grande cloche du monde, pesant 1,700,000 coupe l'acier d'Europe , les armes damas
livres japonaises. Viennent ensuite Nara et sées, etc.
Osaka , Nangasaki dans l'île Kiousiou , seul Ce sont les Européens qui font le com
port où les Hollandais, les Chinois et les Ko- merce extérieur par la voie maritime , et le
réens soient admis pour leur commerce , commerce intérieur se fait ordinairement par
Ualsmaî , bâtie sur une vaste baie de l'île caravanes; et depuis la plus haute antiquité,
Yeso,et Fakhodoude , dans la même ; ce sont ce commerce présente une uniformité sem
deux places de commerce. blable à celle qu offrent les constitutions des
Dans la Russie asiatique, on compte To- grands empires asiatiques. Les principaux
bolsk, capitale, Irkoutsk, ville forte, Tomsk, articles d'exportation consistent en coton ,
Yakoutsk, Jénisseisk, Krasnoïarsk, Kiakla sucre, thé, riz, indigo, opium, café, chevaux,
sur la frontière de la Chine, divisée en deux ivoire, pierres précieuses, cuivre, poils de
villes, la première, Kiakta, aux Russes, la chèvre, soie, étoffes de soie et de coton ,
deuxième, Maï-ma-tcliin, aux Chinois : elles châles de première qualité, crêpes, porce
servent d'entrepôt au commerce de ces deux laines et laques de Chine, etc. Les principaux
grands empires. Il faut ajouter Okhotsk , et articles d importation sont la quincaillerie ,
Avatcha ou le port Saint-Pierre et Saint- les armes, la poudre, les étoffes, les draps,
Paul, chef-lieu du Kamtschatka. les mousselines et autres marchandises de fa
Dans la partie méridionale do la Russie brique européenne.
asiatique on doit mentionner Tiflis, en Géor Les mœurs et la manière de vivre des
gie, ville d'un grand commerce, la prin Asiatiques sont aussi variées que leur climat.
cipale de tout le pays , avec environ 25,000 La vje patriarchale et nomade est prescrite
âmes ; dans le Chirvan^ieux Chamakhi, chef- par la nature à plusieurs de ces peuples ;
lieu de la province , et Bakou sur le bord de mais la plus grande partie de ces contrées
la mer Caspienne, lieu reconnu pour sacré par sont soumises à des monarchies régulières,
les parais ou adorateurs du feu , et quelques régies despotiquement. On trouve en Asie
AS1 ( 16) ASI
toutes les formes de gouvernement , et on y nomme maure : le nom de mongol-hindous'
professe toutes les religions depuis l'idolâtrie tdni nous paraît plus convenable.
la plus grossière jusqu'au christianisme. La M. Colebrooke comprend, sous la dénomi
plus répandue est le bouddhisme ; viennent nation de pràkrit, tous les dialectes vulgai
cn«uite lu mohaminedisme , le brahma res de l'Inde , dont il détermine les dix sou
nisme, le lamisme, le christianisme. ches principales , savoir : le Saraswata, parlé
Les langues se tiennent les unes les au anciennement dans le Pendjab ; le canya-
tres par des nuances infinies. Il est inutile cabja ou le dialecte de Kanoudje, souche de
de chercher une langue primitive , des lan l' hindi moderne , d'où, par son mélange avec
gues-mères et des langues-filles : il n'existe l'arabe et le persan, est venu l'hindoustàni ;
que des langues-sœurs. Nous diviserons les le goura ou le dialecte de Bengale ( Bengali),
langues asiatiques en sept familles et quatre dont Gour était la capitale ; le marthila, parlé
groupes pour la facilité de la science. Notre vers le Népal , et différant peu du précédent ;
classification différera souvent de celle de l'oulkala, dans la province d'Orissa ; le lamla
M. Klaproth. 1° Famille des langues indo- ou tamoul, langue du pays de Dravira ou de la
slavo-germaniques ; 2° famille des langues presqu'île au sud de Krichna ; le mahratla
caucasiennes; 3" famille des langues ara- qui, outre d'autres mélanges , contient des
méennes ; 4-° famille des langues tâlares ; mots d'une langue inconnue; le karnalaka,
S" famille des langues de la région sibérienne; parlé dans l'ancien Karnat; le telinga, an
6° famille des langues monosyllabiques; 7° fa ciennement nommé kalinga, usité dans le
mille des langues malayous. Nous ajouterons Telingana, et le gourjara ou dialecte du
à ces sept familles quatre groupes : 1° groupe Goudjerat.
koréen; 2° groupe japonais ; 3° groupe kou- Ces langues doivent avoir appartenu à au
rilien; ï« groupe tchouktchi. tant de nations distinguées par leur civilisa-
La famille des langues auxquelles nous tion ; mais cette énumération nous paraît
avons imposé le nom de langues Hind-irdn- incomplète; nous nous permettons d'y ajou
slavo-germaniques , comprend celles qui ré ter le pendjâbi parlé actuellement dans le
gnent depuis les bords du Gange jusqu'aux Pendjab et dans une partie des Etats de Rend-
rivages de l'Islande : nous classerons les princi jit-Sing'h; lemadoura, le magadha•, une des
paux genres de celte famille dans Tordre géo anciennes langues de l'Hindoustan ; le kerala
graphique et quelquefois chronologique qui ou malabare , le telourou , qui en est un dia
va suivre. Le paissachi, langue primitive de lecte ; le kanara , le toi/lourd , etc. ; enfin, le
l'Inde, languerude, a donné naissance au pro- tzengari, dialecte mahratla. La plupart des
kriton langue adoucie, qui a engendré le sans- langues de l'Inde ont emprunté au sanskrit un
kril, selon noire opinion, différente en ce point plus ou moins grand nombre de mots qui s'y
de celle de l'illustre Colebrooko. Le sanskrit, sont
gieusesglissés
des , Hindous.
surtout à cause
Le sanskrit
des doctrines
est aujour
rel i-
langue parfaite , écrite, savante et sacrée, est
la souche et l'origine , 1" dupahli, langue sa d'hui une langue morte dans laquellesont écri t s
crée des Bouddhistes, à Ce vlan, dans la pres les livres sacrés et les grands ouvrages de la
qu'île transgangétique , excepté l'An-nam, et belle et immense littérature des Hindous, c'est-
dans la presqu'île de Malakku; quoique le palili à-dire des hommes professantle brahmanisme,
dérive eu partie du magadha, langue ancienne taudis qu'on doit appeler Indiens les hommes
du Bchar , où , dit-on , naquit Bouddha ; 2° du de toutes sectes nés de père en fils dans l'Hiu-
kaehmirien, qui semble se rapprocher le plus doustân. Celte langue admirable se rapproche,
du sanskrit, et qui en a conservé les carac tant par ses mots que par ses formes , du zend ,
tères ; et 3° peut-être de l'hindoustàni. La langue sacrée de l'ancienne Perse, du péri ,
langue hindoustdni est divisée en plusieurs du pelhvi, langue de l'ancienne Médie ; du
dialectes, dont celui qu'on nomme wradcha , parsi el du persan actuel , du slave , du grec ,
et qu'on parle aux environs d'Agra et de Ma- du latin, du teutonique ou ancien allemand,
doura, est le plus pur et le plus analogue au du gothique et même de l'islandais, dont lu
sanskrit. Ce dialecte de l'Ilindoustan central, pays est séparé de l'Inde par un quart de la cir-
mêlé avec la langue des Afghans et avec celles conférencedu globe.On trouve aussi des traces
des armées moiigolo-tâtares, a engendré l'i hind-irân-slavo-germaniques dans le copte,
diome parlé à la cour du grand-mogol , et que l'albanais, et les idiomes gaelic et kimri (cel
les Indiens musulmans parlent sncore ; on le tiques) , et môme dans lo basque, la seule lan
ASf «7grammaticales,
) est Aassez
SI harmonieux. Le
eue de l'Europe occidentale qui n'ait pas été
modifiée par les idiomes hind-irân-slavo- kalmouk appartient au genre mongol ; le
geniianiques , quoiqu'elle soit mêlée de beau toungouse est un dialecte mandchou.
coup de mots qui leur appartiennent. La famille des langues sibériennes peut
Le persan actuel peut être regardé comme être divisée en cinq branches principales,
le centre de toutes les langues qui compo la samoiède, la jenissei , la koriaike , la y ou-
sent le genre persan; il dérive du zend, et khagire, et la kamtchadale.
plus immédiatement du parsi , deux langues La famille des langues monosyllabiques dif
mortes; le kourd et le pouchto ou afghdni fère singulièrement de toutes les autres ; elle
offrent beaucoup de rapports avec le persan. comprend le chinois, divisé enkou-wcn (lan
Dans toutes ces langues on retrouve beaucoup gue ancienne écrite), et en kouan-hoa (langue
de mots des langues hind-irdn-slavo-ger- parlée et écrite de nos jours) ; le tibétain, lo
mauiquet , et l'arménien et la langue des birman dans les dialectes du Pegou , d'Ava
Ossètes du Caucase peuvent être rangés et autres, Vannamique dans les dialectes du
aussi dans cette famille. Tongking et de la Cochinchine, le siamois ou
Nous comprendrons dans la famille des t'haï dans ceux qu'on parle dans le Kam-
langues eaucaiiennes le géorgien , le teher- bodje, et le laos, qui semble être avec le
kesse, Tabasse, et les dialectes des Lesghis siamois, suivant M. Klaproth, des dialectes
et des Kistis. . du» même idiome. Le koréen et le mand
La famille des langues araméennes se dis chou renferment un grand nombre de mots
tingue par la richesse des mots , la simplicité monosyllabiques et d'autres polysyllabiques.
et la pauvreté grammaticales et l'abondance La famille des langues mala ou prend son
des sons gutturaux. Elle comprend l'a origine dans la Malaisie , ainsi que nous l'a
rabe littéral et Yarabe vulgaire, le mau vons prouvé dans YOcéanie (3 vol. in-8°, chez
resque ( Afrique septentrionale ), le ghiz et Firmin Didot); mais comme elle est parlée
Vamharique de l'Abyssinie , etc. , Vhébreu dans la presqu'île de Malakka avec une assez
dans ses diverses modifications, et les dia grande pureté, nous comprendrons cette lan
lectes chaldaïque , samaritain et autres au gue harmonieuse au rang des langues usitées
jourd'hui éteints, à l'exeeptiou du dialecte en Asie. Elle possède beaucoup de mots sans
rabbinique ou hébreu moderne ; le phéni krits, ainsi que la plupart des langues do
cien dont le punique ou carthaginois est la l'Inde, et plusieurs mots arabes empruntés à
branche la plus célèbre , et dont le patois l'islamisme. Le lhaï-ouan, ou sidéïan de l'île
arabe-maltais conserve quelques traces; le Formose, est un dialecte malayou mêlé de
thaldéen, différent do l'hébreu chaldaïque, polynésien.
tl\e syriaque , ou araméen«proprement dit. Le groupe koréen renferme des mots mon
La plupart des nations qui parlent ces lan gols et chinois , mais il forme un genre de
gues descendant de Sem, selon Moïse, on a langue particulier.
désigné cette famille sous le nom de sémiti Le groupe japonais est dans le même cas,
que, de même qu'onanommé indienne, indo- mais il ne ressemble à aucune langue voisine.
germanique et japhélique , notre famille Un dialecte japonais est en usage dans la plu
hind-irân-slavo-germanique. part des îles Lieou-Kieou.
La famille des langues tàtares les plus ré Le groupe kourilien s'étend en différents
pandues dans les immenses plaines du centre dialectes depuis la pente méridionale du
de l'Asie sont les genres de langues tourkis, Kamtschatka aux îles Kouriles et Yeso, dans
mongole, yakoute et mantehou. Le mantehou l'île Sakhalian ou Tarakai , et même par les
a pénétré en Chine avec les conquérants de Galiaks et autres tribus de la Tatarie , près
ce grand empire. Un le parle même à la cour de l'embouchure de l'Amour.
de Pé-king , autant que le chinois ;'il s'écrit Enfin le groupe tchoukchi .■ on parle cette
perpendiculairement do haut en bas. langue à l'extrémité de l'Asie orientale , et
On trouve des peuples ou peuplades par nous ignorons si elle dérive du langage des
lant le tourki depuis Constantinople jus Américains polaires, c'est-à-dire des Groën-
qu'en Sibérie et dans l'Asie centrale; 1 ouï- landais, des Eskimaux et des habitants de
gour, l'osmanli, le tchagatéen, le boukhare, Kadiak , auquel elle ressemble d'une manière
le tourkman , en sont les principaux idio frappante, ou si ces Américains l'ont emprun
mes . Le mongol, pauvre en combinaisons tée à l'Asie orientale.
Bncycl. du XIX' siècle, t. IV.
AS1 ( «8 ) AS!
L'arabe et le persan sont les langues les viclorieusi'S jusqu'aux bords du Gange ; Mo-
filus répandues de l'Asie. On parle l'arabe gasthènes et Daimachus recueillirent à Pali-
vulgaire dans l'Arabie , la Syrie, le Diarbô- bolhra, siluée sur ce fleuve et capitale d'un
kir, l'Irak-Arabi , sous le nom d'arabe litté grand royaume , les notions les plus impor
ral ; c'est la langue sacrée et savante de tantes sur l'Inde. Les flottes de Plolémée arri
l'Arabie, de la Turkie et de l'empire otto vèrent de l'Abyssinie aux bouches de l'Indus
man, du Kachmir, d'une partie de l'Hindous- en longeant les côtes ; les rois grecs d'Egypte
lan, de la Boukharie, d'une grande partie des firent ensuite un commerce direct avec Ta-
EtaU de la Tatarie indépendante, tels que le probane (l'île de Ceylan ). Les Grecs établirent
Tourkestàn et le Kharisme. On parle le per plusieurs Etals en Asie , entre autres celui de
san dans les vastes contrées comprises entre Baclres; peut-être même régnèrent-ils quel
le Tigre et le Sindb ; il est très répandu dans que temps sur la Sérique, qui , selon mon
les cours et dans les tribunaux de l'Inde, opinion , se composait du Tibet, d'une partie
principalement dans la partie indépendante de la Pelite-Boukharie, du Kachmir, et peut-
de l'Angleterre. Voilà, en attendant mieux, les être des vallées où le Gange et 1 Indus pren
résultats les moins douteux des observations nent leurs sources. Nous voyons en effet dans
des plus célèbres orientalistes et de celles que Bayer, Ilisl. regn. Iiactriani, qu'un des rois
nous avons recueillies pendant douze ans de grecs de la Baelriane, nommé Ménander, ré
voyages et d'études en Orient et en Océanie, gna sur la Sérique.
La littérature , les sciences et les arts sont Les Bomains détruisirent la plupart des
médiocrement cultivés en Turkie et en Ara empires fondés par les Grecs en Asie , mais ils
bie ; ils le sont davantage en Perse, dans n'étendirent pas comme eux leur domination
l'Inde , en Chine et au Japon. J'ai rarement sur toute l'étendue de l'empire persan. Leurs
vu en Chine un homme qui ne sût pas lire. Les expéditions ajoutèrent peu de chose à ce que
principales villes des pays où l'on professe les Grecs savaient de l'Asie, si on en excepte
l'islamisme possèdent un grand nombre d'é leurs explorations dans la région caucasienne,
tablissements d'instruction publique , mais presque inconnue avant eux , pendant la
Us sont presque entièrement consacrés à lire, guerre contre Mithridate. lis firent encore
écrire et expliquer le Kouràn. Cependant quelques découvertes sur les côtes de la mer
la poésie et l'histoire sont encouragées en Caspienne, et remontèrent à l'est de cette
Perse, et aujourd'hui des instructeurs eu Méditerranée qu'ils avaient explorée.
ropéens, aidés déjeunes Turks et Arabes Les anciens ignoraient la dénomination
tlevés en France et en Angleterre , ont or d'Asie-Mineure donnée à une grande partie de
ganisé l'instruction do plusieurs branches des l'Asie occidentale. Lcnomd'Analolie lui vient
connaissances humaines en Egypte, en Syrie du mot grec Anatole, qui veut dire YEst. Cette
et dans l'empire otloman. J'ai vu dans l'Inde belle péninsule , qui est encore imparfaite
plusieurs collèges établis par les Anglais -, j'ai ment connue, parait avoir joui d une assez
visité à Malakka un collège anglo-chinois, et grande prospérité sous la domination ro
à Macao (Chine) un autre lusilano-chinois, maine. La chute de celte puissance et la fai
sous l'invocation de saint Joseph. blesse du Bas-Empire la laissèrent envahir
Moïse, Homère, Hérodote et les auteurs par les barbares de l'Orient.
grecs sont les premiers qui nous ont fait Quand les premiers croisés eurent débar
connaître l'Asie. Les Grecs établirent des qué sous la conduite de Pierre l'Ermite, près
colonies sur la côte de l'Asie-Miueure ; leurs de Nicée, en 1096, ils trouvèrent les Turks
guerres avec les rois de Perse augmentèrent eu possession de la partie orientale de la pé
leurs connaissances géographiques. Les con ninsule, et séparés de Coustunlinople seule
quêtes d'Alexandre leur firent connaître la ment par la Propoutide et le Bosphore. Ti-
Perse et une partie de l'Inde ; car par les or inour avec ses Tàtars vainquit Bayazid , et
dres de ce grand homme , Néarque et Onési- la population de l'Asie-Mineure n'en fut pas
crite explorèrent le delta de ITndus et une plus modifiée que par les différentes inva
partie de l'océan Indien , visitèrent le golfe sions des croisés. La conquête passagère de
Persique jusqu'à l'embouchure de l'Euphrale, la Syrie par les Français que commandait
et en rapportèrent le périple. Napoléon, n'a pas exercé une plus grande
Parmi les généraux d'Alexand c, rois après influence. Naguère le vice-roi d'Egypte acon-
sa mort Séleucus Nicanor porta ses armes quis et gardé la Syrie , et envahi une partie
A SI ( 19) AST
te l'Asie-Mineure, et la Porte a perdu Je pa- et les Osliaks, les Bouriates , les Toungouses
ehalick d'Adana, pays riche et fertile en bois et les Jakoutcs. Les Russes suivent la religion
de construction. grecque ; les indigènes sont en partie atta
Lorsque l'empire grec succéda à l'empire chés au bouddhisme, et en plus grande par-
romain, on acquit quelques informations sur lie païens. La Sibérie attira enfin l'attention
les contrées situées au nord de l'Iaxarle et de l'Europe civilisée vers le milieu du xvr
sur quelques parties de l'Inde, par l'ambas siècle. 11 est important de remarquer que l'A
sade que l'empereur Justinicn envoya en 569 mérique a été pour ainsi dire découverte avant
à des chefs de tribus turkes, habitant les la plus grande partie de l'Asie, d'autant plus
steppes voisines de l'Altaï et les environs du que les fréquentes invasions que firent en
lac Dzaïssang. Europe les hordes sorties du fond de l'Asie
Les conquêtes de l'islamisme interrompi auraient dû exciter la curiosité. Sous le
rent bientôt les relations; mais la science règne d'Ivan Vasilovvilch , regardé commo
géographique fit quelques progrès chez les le fondateur de la puissance russe, à cause de
Arabes. Ils tirent et écrivirent plusieurs ses conquêtes sur les Tàlars, dit M. Dubo-
voyages. Deux Arabes visitèrent la Chine au cagc,il se fit quelques excursions jusqu'au
a* siècle. La Géographie orientale fut écrite fleuve
niers furent
Obi , amenés
et des chefs
à Moscou
mongols
; mais
fails
plus
prison*
d'un
dans le commencement du Xe siècle ; la Géo-
grafkU d'Edrisi, en 1 153 ; la Géographie d'A- demi-siècle s écoula avant que l'on songeât
Louljtda, en 1345. Ebn-Batouta parcourut les à conquérir la Sibérie. En effet l'exécution de
pays intermédiaires entre Tanger et la côte ce grand dessein ne commença que sous Ivan
orientale de la Chine, entre lOural et le pic Vasilovvilch II , qui monta sur le trône de
Adam, et visita Tembouklou : il peut être Russie en 153V. Un marchand russe d'Ar-
considéré comme le plus grand voyageur qui changel ayant introduit dans sa patrie le com
ait existé , sans en excepter Marco-Polo. merce des fourrures, le tzar conçut le projet
Après les croisades, les relations de l'Eu de faire la conquête du pays qui les produi
rope avec l'Asie furent reprises, dans le sait. Ce ne fut néanmoins qu'au commence
xui« siècle, par les Génois, qui s'emparèrent ment du xvir siècle que les Russes en devin
du commerce de la mer Noire, et visitèrent rent les maîtres paisibles. Le Ivamtschatka ne
dans leurs courses commerciales la Krimée , fut complètement soumis qu'en 1711. Dans la
Kaffa, Azof, Astrakhan, Khi va et ïachkend, suite Behring, navigateur danois, entreprit
où ils avaient vraisemblablement tracé leurs la découverte de l'autre extrémité de l'Asie,
étapes pour la route de l'Inde. et prouva que le continent américain en était
Dans ce même siècle, Marco-Polo parcou séparé. Cook reconnut en 1778 le détroit qui
rut l'Asie en tous sens, en qualité d'ambassa porte le nom de Behring.
deur de la république de Venise. Il publia sa Les postes militaires et les stations civiles
relation intitulée : Il miglione di messer qui dessinent les frontières et fraient les rou
Mareo-Polo , ouvrage qui doit encore exci tes sont, dit encore M. Dubocage , les moyens
ter l'admiration par l'étendue et l'exactitude de communication de cette grande région pour
des recherches qu'il contient. 11 y décrit prin les produitsdu sol ou de l'industrie. C'est ainsi
cipalement l'empire mongol , qui s'étendait que les pelleteries obtenues sous le pôle, celles
alors à plus de la moitié de l'Asie. Sa mé des* îles Aléoutiennes , celles du continent
moire n'en a pas moins été calomniée par même de l'Amérique, du Kamtschalka ou do
ses contemporains , et peut-être sa relation l'intérieur de la Sibérie, traversent cet im
n 'est-elle pas encore entièrement comprise. mense pays à l'aide de fleuves , pendant l'été,
Vasco de Gama arriva à Kalikat (Calicut) ou sur des traîneaux pendant l'hiver, et vien
dans l'Inde en 1498, et les Portugais explo nent obtenir en Chine des échanges avanta
rèrent l'Asie depuis la côte du Malabar jus geux en thé, rhubarbe, soie et coton. Les
qu'au Japon. Depuis, les conquêtes des Por traîneaux sont le moyen le plus rapide de
tugais , des Hollandais , des Français et des communication. Us unissent Pélersbourg et
Anglais ont fait connaître l'Hindouslàn. le Kamtschalka à la Chine. Ils se rendent ,
La Sibérie ne commença à être connue par exemple, l'hiver à Kiakhta, le marché
des Européens qu'à la fin du xve siècle. Les de la Chine, distant de plus de 1500 lieues
principaux peuples qui l'habitent, outre les de la capitale de la Russie , et les échanges
Russes qui y sont établis, sont les Samoyèdcs reviennent par eau, en descendant la Selenga,
ASI (20) ASI
traversant le lac Baïkal, suivant les rivières ASILE (hist. etjurisp.), en grec âmfot;, de
Angara et Tangouska jusqu'à Jénisseisk, ou se a privatif et de ovXau , je prends. Dès l'origine
trouve un portage de près de 20 lieues. On des sociétés humaines, les idées religieuses se
descend alors le Kel et l'Obi jusqu'à l'Irtich, formulèrent en culte public et on éleva des
qu'on remonte jusqu'à Tobolsk. La commu temples à la divinité. Los lieux où elle était
nication du Kamtschatka au même endroit, censée habiter furent sacrés et réputés invio
formant une distance de plus de 1200 lieues, lables. Il était donc naturel que tout individu
n'est pas moins curieuse. Jusqu'en 1716, épo poursuivi par la réprobation ou la haine pu
que où l'on découvrit le passage de Bolcho- blique y cherchât un refuge. De là les asiles
retsk àOkotsk, on était obligé d'aller cher Dans l'origine, cet usage n'avait rien que de
cher la rivière Anadir, ce qui doublait la louable , puisqu'il n'était toléré qu'en faveur
distance; aujourd'hui , l'onserendd'Okotskà de gens plus malheureux que coupables, tels
.Iakoutsk, et l'on remonte le fleuve Lena jus que les meurtriers involontaires; mais il dé
qu'auprès de sa source, où un portage peu généra en abus lorsque des assassins, des
considérablo conduit dans une petite rivière traîtres ou autres criminels vinrent aussi em
qui tombe dans le lac Baïkal. brasser les autels. « Contradiction grossière,
Dans le xvw siècle, l'Europe dut aux jé dit Montesquieu ; car s'ils avaient offensé les
suites une connaissance assez exacte de la hommes, ils avaient, à plus forte raison, of
Chine et du Japon. fensé \eè dieux. » Le législateur des Hébreux
La région transgangélique était à peu près sut éviter cette incohérence. Moïse, en or
inconnue, sauf quelques points du royaume donnant que, sur les quarante-huit villesha-
de Siam et de l'empire d'An-nam. Les guer bitées par les Lévites, six seraient des lieux
res des Anglais et des Birmans et leurs am d'asile, restreignit le droit de s'y réfugier eu
bassades nous ont fourni la plupart des rela faveur de ceux-là seulement qui auraient
tions que nous possédons aujourd'hui sur cette répandu contre leur volonté le sang de leurs
vaste contrée. semblables; encore devaient-ils y rester jus
Les conquêtes des Russes nous ont mieux qu'à la mort du grand-prêtre, comme s'ils
fait connaître la région caucasienne, et les pays eussent dû fuir ses regards , qu'aurait blessés
situés entre la mer Caspienne et le lac Aral. leur importunité. On ne retrouve pas cette
Plusieurs sociétés ont été fondées dans sage restriction chez les peuples païens. Loin
le but d'étudier la géographie, l'histoire , les de là, les fondateurs d'Etats ne craignirent
langues et les antiquités de l'Asie. La pre pas d'étendre quelquefois sans mesure le droit
mière Société asiatique fut fondée en 1784 à d'asile dans des vues purement politiques.
Calcutta, par lecélèbresir William Jones, qui C'est ainsi que Bomulus, lorsqu'il voulut
en fut le président. Cinq autres sociétés exis construire la ville qui retint son nom, appela
tent dans l'Inde anglaise , à savoir , une à à lui tous les bannis, tous les gens sans aveu,
Bombay, une à Madras, une à Bénarès, la qua et fit de son camp- un lieu d'asile. Cadmus à
trième à Colombo (île de Ccylan ), et la cin Thèbes, Thésée à Athènes , avaient fait la
quième (danoise) à Tranqucbar. Une autre a môme chose. Ces fâcheux exemples devaient
été fondée en 1789 à Batavia, par les Hol autoriser la multiplicité des asiles. Aussi n'y
landais ; et enfin il existe une société asiatique avait-il, dans la Grèce, presque pas de con
à Paris et une à Londres. trée ou de ville qui n'eût ou son autel, ou sou
Les voyageurs récents qui ont plus ou temple, ou son bois sacré, servant aux mal
moins ajouté à la source de nos connaissances faiteurs d'abri assuré. Il est vrai que l'indi
sur l'Asie sont MM. de Humboldt, Burns, gnation publique, excitée par un grand
ïimkoffski , Jacquemont, Siebold , ïexier, crime , était quelquefois plus forte que le res
Gutzlaf* et quelques autres savants. pect pour les lieux saints, témoin la fin misé
Nous n'avons pas dû nous occuper ici de rable de Pausanias, général lacédémonien.
l'histoire, des mœurs et des religions des dif La haine d'un ennemi puissant pouvait pro
férents peuples qui habitent l'Asie ; ce travail duire le même effet. Démosthènes, poursuivi
appartient à la description spéciale de chacun par les satellites d'Antipater jusque dans le
de ces Etats. Voy. Anatolie, Arabie, Bir temple de Neptune et menacé d'en être ar
mans, Bouddhisme, Brahmanisme , Cuine, raché, fut réduit à s'empoisonner. Toutefois,
Himalaya, Hindoustan, Japon, Lama, Na- ces violations réputées sacrilèges étaient ra
nek, Perse , etc. G. L. D" de RIENZI. res , parce que la superstition populaire y
A SI ( 21 ASI
voyait la cause de grandes calamités. Sous la immunité ecclésiastique, fut assez forte pour
domination romaine , la plupart des asiles fu qu'en 1365 le parlement de Paris la fit res
rent supprimés dans la Grèce. pecter à l'égard d'un assassin. Malgré cette
Après l'établissement du christianisme, les haute protection donnée au droit d'asile, des
églises jouirent du même privilège, unique papes, frappés de ses inconvénients , prirent
ment sans doute parce que c'étaient les nou des mesures pour y remédier. C est ainsi que
veaux lieux sacrés. Il y en eut bientôt un si Urbain V, et après lui Benoît XIV, promul
grand nombre que les successeurs de Constan guèrent des constitutions sur ce sujet. Celles
tin voulurent, mais vainement, les dimi du second de ces souverains pontifes se rap
nuer. Charlemagne échoua dans la même prochent beaucoup des lois de Moïse. Sons la
tentative (1). Au moyen âge, ce n'étaient plus domination française, l'Italie vit disparaître oe
seulement les églises, mais les cimetières, les qui restait encore du droit d'asile dans plu
maisons des évêques , les couvents, et même sieurs de ses Etats successivement réunis à
l'enceinte, souvent très vaste, du domaine de l'empire. Mais, après le rétablissement de la
ces communautés, qui présentaient aux cri papauté, ce privilège reparut d'abord pour
minels des lieux d'asile. La. crainte de l'ex les églises, puis, par un édit do 1827, il fut
communication fulminée par quelques con spécialement étendu à deux villages des Etats
ciles contre quiconque attenterait à cette romains qui en jouissaient autrefois. Les mal
1 Le respect pour les lieux d'asile tenait chez les faiteurs y trouvent un séjour indéfini pendant
paitasi cette opinion vulgaire que les dieux se char lequel ils peuvent subsister de leur revenu ou
geaient eux-mêmes de punir le criminel qui , se ré du travail auquel il leur est permis de se li
fugiant dans leurs temples, venait se mettre ainsi vrer.
5oui leur dépendance immédiate , de sorte qu'on de En Angleterre, on connaissait aussi autre
vait regarder comme une impiété de vouloir leur
ùier ce soin en paraissant douter de leur justice. fois le droit d'asile sous le nom de privilège
Chex le» chrétiens le droit d'asile eut une autre ori du sanctuaire. Un homme accusé de crime,
gine. Fondé sur cet esprit de charité et de douceur pourvu que ce ne fût ni de trahison , ni de
que recommande l'Evangile, il ne fut établi que sacrilège, pouvait se réfugier dans une église
comme un moyen d'adoucir, à l'égard des criminels, ou dans un cimetière. Là, après s'être re
les rigueurs atroces d'une pénalité souvent barbare,
et de fournir un refuge aux accusés innocents que ne
connu coupable devant le coroner, il prêtait
protégeaient pas toujours les formes arbitraires de la serment de sortir du royaume dans les qua
justice. Il n'eut donc pas pour but d'offrir l'impunité rante jours, et obtenait la permission de ga
aux coupables , mais de les protéger contre la ven gner, une croix à la main, le port le plus
geance et le» voies de lait qui précédaient souvent prochain. Nul n'avait le droit de l'arrêter
les informations ; de laisser aux passions le temps de tant qu'il se trouvait dans le délai de sauve
se calmer, aux juges le moyen de s'éclairer, et aux
é'éqnes celui d'invoquer la clémence des empereurs garde ; mais il encourait toujours la confisca
oa de» magistrats quand la faute pouvait être excu tion de tous ses biens et perdait sa nationalité.
sable oa que la peine excédait le crime ; de concilier La réforme religieuse détruisit cette coutume.
enfin les droits de la justice et de l'humanité. Ce D'autres privilèges du même genre, mais qui
droit, comme tant d'autres, a pu donner lieu à quel ne pouvaient avouer la même origine , étaient
ques abus, mais si plusieurs coupables lui ont dû attribués
tels que White-friars
à certains quartiers
, le palais de
de Savoie
Londres,
et •
peut-être d'échapper à des châtiments mérités , il a
sauvé la vie à un bien plus grand nombre d'innocents
poursuivis par des ennemis contre lesquels leur uni le Mini , dans Southwark, sous prétexte que
que ressource était dans l'inviolabilité des lieux d'a c'étaient d'anciens palais de la couronne. Les
siles. Pendant les siècles d'anarchie féodale , où l'on débiteurs insolvables, et même les criminels,
ne connaissait que la loi du plus fort ; quand les sei s'y rassemblaient pour échapper à leurs
gneurs . toujours armés, étaient sans cesse en guerre
les uns contre les autres, que les vengeances particu créanciers ou à la vengeance des lois. Ces
lières semblaient un mal incurable, et que les vas retraites d'iniquité dont on retrouve dans l'un
saux opprimés n'avaient d'autre défense que la pro des romans de Walter Scott une description
tection du clergé, l'utilité des lieux d'asile se fit si pittoresque, furent abolis sous les règnes de
sentir plus que jamais, et c'est alors aussi qu'ils se Guillaume III et de Georges Ier.
multiplièrent prodigieusement. Cette triste ressource Chez nous, ce fut Louis XII qui porta le
n'a cessé d'élre nécessaire que quand les lob ont
repris leur vigueur, que la police des villes, l'autorité premier une grave atteinte aux asiles reli
royale et l'établissement des tribunaux réguliers ont gieux par ses ordonnances de suppression de
"lier i à la société comme aux particuliers des garan ceux qui existaient en beaucoup de lieux, et
ties d'ordre, de protection et de justice, il. notamment dans plusieurs églises de Paris.
A SI ( 22) A SI
François l", en 1539, compléta cette mesure d'un Etat b l'autre pour toute espèce de crime ?
en ordonnant qu'il n'y aurait plus d'asile Les questions ainsi que les théories fort di
nulle part pour les individus décrétés de prise verses des publicistes sur celte matière trou
de corps. Cependant les maisons royales , les veront leur place au mot Extradition.
hôtels des ambassadeurs et le palais du Tem Une dernière espèce de droit d'asile est ce
ple, à Paris, ap; artenant à l'ordre de Malte , lui dont jouissent les ambassadeurs ou .en
continuèrent d'être considérés comme lieux voyés de puissances étrangères, et qu'ils peu
do refuge. Il faut remarquer seulement , vent exercer dans les hôtels qu'ils occupent.
quant aux palais du roi et à celui du Temple, Cette prérogative , généralement reconnue,
que les prévenus qui s'y retiraient n'y trou est fondée d'abord sur ce qu'un ambassadeur
vaient pas une impunité absolue , mais qu'on dans son hôtel est dans son pays ; ensuite ce
devait recourir à certaines formalités pour domicile ne saurait être soumisaux visites des
les y arrêter. Aujourd'hui la justice crimi ministres de la justice ou agents de la force
nelle en France a le droit de saisir ceux qu'elle publique, sans que, comme l'observe Vatel,
poursuit partout où ils se trouvent ; les ex l'ambassadeur ne pût être Iroublé sous mille
ceptions que fait la justice civile, lors de l'ar prétextes, son secret découvert et sa personne
restation pour dettes en faveur de certaines exposée à des avanies. Cependant une telle
localités, ne sont que de simple* ménage immunité suppose nécessairement de sa part
ments commandés par la crainte de troubler qu'il n'en abusera pas, mais qu'il respectera, au
l'ordre public ou des solennités, telles que contraire , les lois de la nation près du gou
l'exercice du culte et les séances des auto vernement de laquelle il est accrédité. Ainsi,
rités. le privilège de l'ambassadeur n'ira jamais
On ne saurait non plus retrouver les traces jusqu'à l'auloriser à ouvrir chez lui un asile
de l'ancien droit d'asile ni dans la célèbre à des scélérats. Aucun souverain ne voudrait,
maxime du droit public anglais, qui veut que sans doute, avouer une telle conduite dansson
la maison de tout citoyen soit sa forteresse, envoyé si elle était préméditée. Quant aux
ni dans l'art. 76 de la constitution de l'an vm, actes d'asile purement accidentels , la pru
portant : « que la maison de toute personne dence suggérera presque toujours a l'ambas
habitant le territoire français est un asile in sadeur les moyens de concilier le droit des
violable. » Ces déclarations , plus pompeuses gens avec les lois de police et de sûreté du
que sincères, n'empêchent pas, dans les deux lieu où il réside. B. Des Portes.
pays , que tout domicile ne puisse s'ouvrir à ASILE (salles d'). Les salles d'asile sont
la voix des agents de la justice ; seulement ils destinées à recevoir et à mettre à l'abri du
doivent observer certaines précautions pour froid , de l'abandon , de l'oubli, les enfants
y pénétrer.En France particulièrement, il leur en bas âge dont les mères, travaillant en
est défendu de s'y introduire pendant la nuit, journée, ne sauraient leur donner les soins
excepté dans les cas d'incendie, d'inondation qui leur sont nécessaires. Celte pieuse et
ou de réclamation venant de l'intérieur de la belle institution, que l'Angleterre et les
maison. Etats-Unis se sont appropriée, est toute
Il est toutefois un aspect sous lequel le droit française d'origine. Une femme, madame
d'asile doit être envisagé comme toujours de Pastoret, fonda la première au commen
subsistant chez toutes les nations policées ; cement de ce siècle, et l'entretint pendant
c'est celui du droit des gens international. beaucoup d'années sans qu'on essayât d'imi
Des sujets disgraciés par leur prince , des ci ter son charitable exemple. Plus tard , d au
toyens fuyant une patrie où ilsne trouveraient tres personnes reproduisirent cette idée : on
plus ni sûreté ni protection , cherchent une s'en occupa ; les établissements se multipliè
retraite dans un pays étranger. Les gouver rent. Ils ont aujourd'hui des inspecteurs , un
nements de ces pays ont toujours été consi régime , des lois. Sur ces lois, l'avenir fera
dérés comme libres de les y recevoir ; autre oonnaitre ce qui est bon ou ce qui est susc p-
ment , il n'y aurait plus d'indépendance d'une tible d'être corrigé. Sur l'origine et le régime,
souveraineté à une autre. Si des traités ont nous ne pouvons rien donner qui fasse mieux
apporté des modifications à ce principe , ces connaître l'institution qu'une lettre de la fon
traités mêmes, presque toujours basés sur la datrice même, lettre dans laquelle madame
réciprocité, sont un hommage rendu au droit. de Pastoret raconte l'établissement de la pre
Mais doit-il être restreint aux délits politi mière
«Vous
salle,m'avez
et donnedemandé,
l'idée de leurs
écrivait-
résultats.
elle.
ques? Protége-t-il , au contraire, les fugitifs
ASI ( 23 ) ASI
vous m'avez demandé quelles étaient les cir portant leurs petits enfants dans une grande
constances qui m'avaient donné la pensée salle au rez-de-chaussée, rue de Miromes-
d'établir une salle d'asile pour les petits en nil, n° 3. Une bonne et charitable reli
fants pauvres. Je m'en souviens encore et je gieuse de l'ordre de Saint-Augustin , assistée
puis vous le dire, quoique trente-six ans se d'une jeune mère de famille dont les deux
soient écoulés depuis ce moment. petits enfants furent les premiers habitants
• J'avais passé l'été à Paris, et j'avais vu de l'asile , recevait les enfants, les plaçait
tous les jours une petite fille de six ans por pour dormir dans des berceaux d'osier, pour
tant sur son dos un enfant de douze à quinze s'ébattre sur un grand tapis étendu à terre.
mois. Comme la petite fille était trop faible; Il y avait dix berceaux tout garnis , du lait
pour le soutenir dans ses bras pendant plu chaud , de l'eau sucrée , beaucoup de linge
sieurs heures, sa mère avait imaginé d'atta pour approprier les enfants. La chambre était
cher l'enfant aux épaules de sa sœur avec des bien chauffée. Quand le6 mères revenaient
bandes de toile entre lesquelles il cherchait à déjeuner , elles accouraient donner le sein à
se tourner de manière à n'en pas être trop leur nourrisson, et, le soir, l'enfant leur
blessé. Les deux enfants venaient tous les était remis après avoir passé une journée sans
jours s'asseoir sous ma fenêtre; la petite fille souffrance et sans danger.
s'endormait de fatigue, et, s'appuyant en » Mais je n'étais pas riche, et je me vis
arrière, plaçait inévitablement le pauvre pe bientôt hors d'état de réaliser mes projets.
tit entre elle et la muraille. J'avais souvent Pour douze berceaux, c'est-à-dire pour douze
réveillé la petite fille et tâché de mieux pla nourrissons, il fallait au moins quatre fem
cer l'enfant , lorsqu'enfin , un jour , j'exigeai mes occupées à les changer, les faire boire ,
qu'elle dénouât les attaches et ouvrit les les endormir , laver le linge dont une grande
langes. La pauvre petite créature avait l'é quantité devenait indispensable. La bonne
pine du dos courbée et les jambes torses par sœur Françoise me rappelait souvent tous ses
l'effet des ligatures. La mère, obligée de quit embarras. Cependant, je l'encourageais à
ter son ménage pour gagner sa vie et celle de continuer. Ce fut dans un de ces moments
ses enfants, n'avait point, me disait-elle, que M. Pictet, professeur de Genève, et miss
d'autre moyen de les faire garder l'un par Edgeworth vinrent à Paris. Ils avaient en
l'autre. La petite fille était épuisée ; l'enfant tendu parler chez madame G. , née de L... ,
était perdu. de la salle des enfahts : ils la virent, et ce fu
» Peu de temps après, allant visiter l'une rent eux qui en portèrent l'idée à Genève et
des familles admises aux secours de la Société à Londres. Là, des ressources abondantes as
maternelle , je trouvai la porte fermée : la surèrent le succès de ces établissements , qui
famille était au travail et dehors. Je revenais se sont formés en grand nombre ; tandis que
lorsque je rencontrai la mère portant une moi , trop peu confiante pour oser demander,
hotte de linge qu'elle venait de laver à la ri- et trop peu riche pour continuer à recevoir
Tière. « Remontez avec moi, me dit-elle, je de nouveaux nourrissons, je me bornai à éle
> vous montrerai mon enfant; je l'ai quitté ver ceux que j'avais reçus d'abord. Les gar
» ce matin, je pense qu'il doit avoir besoin.» çons ne revinrent plus passé six ans ; les filles
Nous entrons : l'enfant avait été posé sur un formèrent une école qui existait encore en
lit assez élevé; il s'était remué, avait roulé 1837, époque de la mort de l'excellente sœur
jusqu'à terre où nous le trouvâmes baigné Françoise. Quelques unes des jeunes élèves,
dans son sang. La pauvre mère, désespérée, admises dans les dernières années , étaient
cherchait à le ranimer, et répétait : Pourquoi les enfants de nos premiers nourrissons. L'é
l'ai-je laissé? pourquoi quitter mon pauvre cole a subsisté trente-sept ans , mais l'asile
enfant? Puis, avec un regard plein de dou était oublié, lorsqu'on 1828, quelques per
ceur, elle me dit : « Que pouvais-je faire? Je sonnes , revenant de Londres , parlèrent des
» n'avais pas de pain pour la journée : j'ai été salles d'asile qu'elles y avaient vues, et pro
» laver pour gagner 15 sous ; si je l'avais posèrent d'en établir de semblables en France.
» donné en garde à une autre femme , elle Je me réunis à elles avec joie; nous allâmes
» m'aurait demandé 7 ou 8 sous : que pou- même à Londres pour étudier ce que l'expé
» vais-je faire ? » Vous voyez , de là , la salle rience y avait dû enseigner, et nous avions
<! asile projetée établie ; les mères , dont le déjà, entre dix ou douze dames, et sans autre
travail les forçait à sortir de chez elles , ap appui que celui de nos souscripteurs, établi
A SI (24) A SI
en différents quartiers des salles d'asile pou- exclusive. Los salles d'asiles sont régies
rant contenir chacune cent cinquante en comme établissements universitaires, au grand
fants , surveillés par deux personnes, mari étonnement, sans doute, de ces petits enfants,
et femme. Il ne manquait à ces établisse s'ils pouvaient se douter de l'honneur qu'on
ments, suivant moi, que de pouvoir admet leur a fait.
tre les tout petits enfants comme je l'avais ASIXELLI, architectes célèbres. On
essayé d'abord; mais les mêmes considéra- ignore la patrie de ces deux frères , les dates
lions qui m'avaient arrêtée nous forcèrent à de leur naissance et de leur mort. On sait
n'admettre que des enfants de deux ans à six seulement que vers l'an 1100 ils élevèrent, à
ans. Là, du moins, ils sont en toute sécurité, Bologne, une tour qui porte leur nom ( torre
doucement traités, heureux , amusés , et fa Asinella ou degli Atinelli). Cette tour , la plus
cilement formés à la discipline. L'aspect de élevée des autres tours isolées de toute l'I
ces enfants réunis est aussi doux que satis talie, a cent et quelques mètres de hauteur
faisant, et j'y ai passé bien des heures heu (107 mètres suivant VAnnuaire de 1801, 300
reuses. 11 est facile, en effet, de concevoir pieds suivant Audot ), et elle est hors d'a
que le jeu, les rires, les ébats de plusieurs plomb de plus d'un mètre. Cette circonstance
enfants réunis offrent un spectacle aimable à peut s'expliquer et par l'extrême élévation
contempler ; mais ce qui surtout est remar de cet édifice, et par le peu de largeur de sa
quable, c'est l'attention, je dirais presque le base; mais il n'en est pas de même à l'égard
plaisir, avec lequel les enfants se prêtent aux d'une autre tour située tout auprès ( torre
petits exercices qu'on leur propose, et qu'on Gariunda ) , et qui, plus large et à peu près
a soin de varier et de rendre aussi courts que de moitié moins haute, a éprouvé une dévia-
faciles. Ils auront à répéter ensemble des lion beaucoup plus considérable , telle que la
chants enfantins et pieux qu'une dame a propension verticale de son sommet s'éloigne
composés pour eux ; beaucoup apprennent à beaucoup de sa base. Si, d'un côté, l'on doit
lire dans le cours de trois ans , mais toujours blâmer les constructeurs de ces tours de n'a
sans contrainte et sans punition , et par l'ef voir su ni les établir sur un terrain solide, ni
fet irrésistible de l'imitation. Les religieuses obvier à la compressibilité du sol, d'un autre
de la classe mettent les enfants en mouve côté , on doit les louer d'avoir su relier assez
ment à presque toutes les heures , et, vérita bien les matériaux dont elles sont formées
blement, on ne voit aucun d'eux donner un pour que la déviation qu'elles ont éprouvée
signe d'ennui. Les plus grands suivent des n'eût pas opéré leur désunion, et par suite la
yeux l'exercice que fait faire le maître ; chute et la ruine de ces édifices.
beaucoup des petits dorment ou jouent à bas ASIXIUS ( Caïus-Pollio ) est un des plus
bruit sur leur banc. Les détails nécessaires célèbres orateurs de l'ancienne Rome. Sa
pour donner ici une idée complète des salles jeunesse fut brillanle, passionnée, nourrie
d'asile deviendraient fastidieux et resteraient des principes, des souvenirs et des vertus des
encore insuffisants. 11 faut visiter les lieux grands hommes de la république; aussi, dans
et lire les petites brochures composées à ce la lutte sanglante entre César et Pompée, prit-
6ujet. Elles renferment les règlenienls , les il d'abord le parti de ce dernier. Mais soit in
prix, les conditions prescrites, les devoirs constance , soit par quelque autre cause
imposés aux maîtres, toutes choses impor qui est demeurée inconnue , il ne tarda
tantes à connaître dans le cas où l'on vou pas à devenir l'ami de César. Il s'attacha à
drait établir une salle d'asile. Je dirai seule sa fortune, il passa avec lui le Hubicou , et
ment ici que, pour garder cent cinquante aux champs de Pharsale il contribua par sa
enfants pendant la durée de la journée ou bravoure et ses conseils à la ruine de la li
vrière, il en coûte à Paris 1,800 fr. à 2,000 fr. berté romaine, ce qui lui valut peu de temps
par an, sans compter le logement dont le après la place de proconsul de l'Espagne
prix varie suivant les différents quartiers. » Cependant son amitié pour César, son admi
En 1829, l'institution plus développée re ration pour les vertus et les talents du vain
çut les secours du gouvernement, et s'accrut queur de Pompée, n'avaient pas entièrement
en conséquence. Pour amuser les enfants, on effacé ses principes républicains; car après
avait commencé quelques leçons de lecture la mort de César, il écrivait à Cicéron :
sur la planche noire. En 1836, le ministre de « S'il s'agit de retomber sous l'autorité d'un
l'instruction publique en a pris la direction » maître quel qu'il soit, je suis son ennemi ;
AS! (25) ASM
t mais il n'est aucun danger que je ne sois prêt gratuitement , et conlribua concurremment
■ à courir pour la liberté.» — Les événements avec son ami Varrou à faire fleurir dans
politiques qui signalèrent le triumvirat, plu Rome ce goût pour le beau dans les arts et
tôt que sa volonté, l'obligèrent à se rangersous dans la littérature, qui fait la gloire du siècle
les drapeaux d'Antoine , qui le nomma com d'Auguste; car Pollion était à la fois général
mandant des légions stationnées dans les en fort habile et administrateur éclairé , poète
virons de Mantoue. Ce fut là qu'il fit la con plein de verve et d'imagination , philologue
naissance de Virgile ; il le sauva de la fureur érudit, critique dé'.icat et sévère, et excel
des soldats , et le recommanda à Mécènes lent juge , bien qu'on l'accuse d'un peu de
comme son ami. Ce fut à cette recommanda négligence dans sa diction. Il ne fut pas
tion de Pollion que ce grand poêle dut de ren étranger par ses conseils judicieux et pleins
trer dans les biens dont il s'était vu injuste d'aménité à la gloire de Virgile et d'Horace.
ment dépouillé. Pollion fui désigné consul l'an Ces deux grands poètes se plaisaient à le con
de Rome 714 (40 ans avant J.-C.) ; mais il fut sulter, et se trouvaient fort bien de ses avis.
obligé d abdiquer avant l'expiration de l'an Pollion mourut dans sa maison de campagne
née. Cependant le peu de temps qu'il demeura de Tusculum vers l'an 756 (l'an 3 de J.-C.),
consul est remarquable par la réconciliation à l'âge de 8o ans. Ses œuvres se composaient
d'Octave etd'Anloine, cimentée par le ma de Y Histoire des guerres civiles de Rome, en
riage d'Antoine et d'Octavie, une des clauses 27 livres, des harangues, des tragédies, et
principales du traité de Brindes. Son amitié un livre contre l'historien Salluste. De tous
poor Antoine, son caractère grave, ses ces ouvrages, il ne reste que trois lettres
mœurs austères, lui attirèrent de la part de celles écrites à Cicéron. J.-A. Diiéolle.
d'Octave des épigrammes auxquelles il se ASKEW ( A\toi\e ), médecin, littérateur
garda bien de répondre , disant avec raison anglais, mort à Hampsleadle27 février 1773.
« qu'il était dangereux d'écrire contre un Plutôt littérateur que médecin, ou plutôt
» homme qui peut proscrire. » Après avoir encore bibliomane que littérateur, il passa
quitté le consulat, il fut envoyé en Illyriect sa vie à rassembler des manuscrits grecs et
contre les Dalmales révoltés qu il contraignit latins, et parvint à réunir toutes les éditions
à faire la paix , après leur avoir pris la ville des divers écrivains grecs. Du reste, il n'a
de Salone. A son retour il fut honoré du publié aucun ouvrage. Le catalogue de sa
triomphe. Après cette expédition , dégoûté magnifique bibliothèque fut imprimé sous le
des affaire* publiques, aspirant au repos, il titre de : Bibliotheca askewiana , seu catalo-
allait se retirer dans la solitude , lorsqu'il en gus librorum rarissimorum , Ant. Askeio ,
fat empêché par ses amis. Cependant il ne Londres, 1775, in-8°.
prit aucune part a la rupture d'Antoine et ASLANI, nom que les Turcs donnent aux
d Octave. Sollicité par ce dernier de raccom thalers ou écus frappés en Holland;; et en
pagner contre son compétiteur, il répondit voyés dans le Levant. Il est usité à Smyrne,
ces paroles dignes d'une belle âme : « J'ai à Constantinoplo et dans les autres villes eu
• plus fait pour Antoine qu'il n'a fait pour ropéennes soumises à la Turquie, tandis qu'au
> moi ; mais ses bienfaits sont plus connus, et Caire et dans le reste de l'Egypte on appelle
» je ne veux pas paraître ingrat : je 6erai la celte même monnaie abouktsb.
» proie du vainqueur. » Ne pouvant se ployer Ces différents noms viennent de la figure
au rôle de courtisan , Pollion n'eut aucune d'un lion que portent ces pièces, et qui se dit
part aux bienfaits d'Auguste. Vivant éloigné en turc as ta ni. Les Arabes et les Turcs d'E
de la cour, il écrivit l'histoire des guerres gypte, voyant un chien dans cette empreinte,
civiles auxquelles il avait assisté. Cet ou ont donné à la monnaie le nom à'aboukesb,
vrage , recommandable par la véracité des qui signifie chien. L'aslani vaut en Turquie
faits rapportés, pouvait blesser des suscepti cent quatorze aspres {voy. ce mot), et en
bilités vivantes ; aussi ne fut -il connu que de Egypte trente-huit medins , environ deux
quelques amis intimes. Horace (Ode 1, liv. 2) francs quatre-vingt-cinq centimes de France.
lui conseille de quitter un sujet aussi sérieux ASMODEE. Nom par lequel on désigne or
et plein de dangers , pour se livrer à la poésie. dinairement le démon qui, d'après l'Ecriture,
Passionné pour les lettres et les arts, il établit fit mourir lessept premiers maris de Sara, fille
dans Rome une bibliothèque ouverte à tous de Raguel, et qui fut chassé par les prières du
les hommes studieux; il enseigna l'éloquence jeune Tobic. On croit que c'est le démon do
ASP (26) ASP
l'impureté. L'origine de ce nom est incertaine. ( asparagus officinalis, Lin. ), tige herbacée,
Les uns le font dériver de l'hébreu Eschme- dressée, feuilles sétacées, fleurs dioïques. —
dai, feu de la Médie , pays qu'habitait Sara ; On multiplie les asperges par semis et par
selon d'autres, ce mot signifierait extermina griffes. — Le semis peut avoir lieu de deux ma
teur, et ne serait autre chose que celui d'A- nières : en pépinière ou en place. Dans le se
•itoXXoûv, dont il est parlé dans l'Apocalypse, et mis en pépinière , on défonce la terre , et on
qui a la même signification. applique une bonne fumure ; on sème à la volée,
Il n'est sorte de contes que les rabbins et l'on recouvre les graines d'un demi-pouce
n'aient faits sur Asmodée; à les entendre , ce de terrain. Lorsque le plan est levé, on sar
démon aurait détrôné Salomon, par lequel il cle, l'on arrose et l'on détruit tous les pieds
aurait été enchaîné à son tour et forcé de superflus. Vers la fin de l'été, on coupe les
servir ce monarque dans la construction du liges , et l'on recouvre le semis de plusieurs
temple de Jérusalem , et grâce a la pierre de pouces de fumier bien décomposé.
Scharair dont il lui révéla l'usage et qui Pour le semis en place, ou dispose le sol
coupe la pierre comme le diamant coupe le en planches, et l'on place quatre ou cinq
verre, le temple fut élevé sans bruit et sans graines dans chaque trou que l'on pratique à
que le fer fût employé, comme l'avait dit cet effet, et qui doit être rempli de terreau.
cette parole de l'Ecriture : « Maliens et se- Les sarclages , les binages et les arrosements
euris et omne fermentarum non sunt cundita in sont les mêmes que pour le semis en pépi
domo, cum œdificarelur. » nière ; à l'automne, on coupe les tiges, et
Tout ceci n'est peut-être qu'une allégorie l'on recouvre le semis de deux ou trois pou
pour peindre les combats que Salomon eut à ces de terreau.
soutenir contre les passions qui menaçaient La multiplication par griffes a lieu de la
de s'emparer de son cœur. A. Mauky. manière suivante : au commencement du
ASMOXEE ou Assamonée, de la tribu printemps, on dispose le terrain en planches
de Lévi , donna son nom à l'illustre famille que l'on a préparées dès l'automne précédent.
des Asmonéens ou Machabées ; il était l'aïeul Parmi les griffes, on choisit celles qui ont deux
de Matalhias. Voy. Machabées. ans, dont les racines sont bien garnies de
ASPARAGINÉES, famille de plantes mo- chevelu et de couleur blanche; autant que
nocotylédones faisant partie de la troisième possible, on donne la préférence à celles qui
classe de la méthode naturelle de L. de Jus- sont arrachées depuis peu; on les visite, et
sieu. Si's caractères sont : feuilles alternes, on eu retranche tout ce qui est altéré.
opposées ou verticillées, rarement engai Les planches doivent avoir quatre pieds
nantes, souvent placées à l'aisselle d'une environ de largeur sur deux de profondeur.
petite stipule ; fleurs hermaphrodites, quel Au fond de la fosse, on met un lit de fu
quefois unisexuées; calice à six divisions mier d un pied d'épaisseur, et on le tasse
(quelquefois quatre ou huit), tantôt colorées, fortement alin qu'il ne s'affaisse pas , on re
tantôt herbacées; le nombre des étamines couvre le tout de terre passée à la claie.
égale toujours celui des divisions du péri- Lorsque les planches sont ainsi préparées,
gone ; elles sont attachées à la base ou vers on y place les griffes à quinze ou dix-huit
le milieu de ces divisions. L'ovaire porte un pouces de distance , et l'on recouvre la plan
style, tantôt simple et surmonté d'un stig che de trois ou quatre pouces de terre prise
mate trilobé , tantôt triparti, et terminé par sur les ados. On bine et l'on sare'.e dès que les
trois stigmates. Le fruit est une baie sphéri- mauvaises herbes se montrent, et 1 on ar
que à trois loges ; chaque loge renferme une rose chaque fois que la température devient
ou plusieurs graines. sèche. A la fin de l'automne, on coupe les
Les asparaginées ont été divisées en deux tiges près de terre, et on ajoute une nouvelle
tribus : les asparaginées vraies , à stigmate couche de terre de quatre pouces d'épaisseur.
simple ou trilobé, et les paridées ayant trois L'année suivante , on répète les binages ,
ou quatre stigmates distincts. A la première les sarclages et les arrosements ; seulement,
tribu appartient le genre Asperge {aspara à l'égard des premiers , on a soin de ne point
gus ) , caractérisé par son calice connivent à endommager les racines en enfonçant l'instru
la base, par un style unique, un stigmate ment trop profondément. Vers l'automne, on
trigone et une baie à trois loges polyspermes. ajoute une couche de fumier de trois pouces
Principale espèce : L'asperge commune d'épaisseur, et on la recouvre de terre : celle
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opération est indispensable lorsque l'on veut débauche et de désordres, un espril élevé et
faire durer les asperges pendant un grand des pensées saines et morales, démenties par
nombre d'années, c'est-à-dire pendant quinze sa conduite. Il n'était pas rare de voir, vers le
ou vingt ans. déclin du jour, le philosophe et la courtisane
Dès la troisième année, une planche d'as se promenant le long des galeries de l'Athénée
perges commence à donner quelques produits; ou du Xyste, discutant sérieusement une ques
mais de peur de l'épuiser, on se borne à cou tion profonde de morale publique, et souvent
per les plus grosses, en ayant soin de ne point les raisonnements d'Aspasie eurent l'honneur
blesser lesjeunes pousses qui ne sont pas en d'influencer et de changer l'opinion de So-
core hors de terre. Aussitôt que les asperges crate. Pèriclès conçut pour elle une violente
commencent à paraître , ou les coupe , et passion. 11 la suivait partout. Il finit enfin par
l'on continue ainsi jusqu'à la fin de juin : on répudier sa propre femme pour l'épouser.
réserve les plus belles tiges que l'on destine à Aspasie, toute-puissante sur Périelès, se vit
porter graines. On reconnaît que l'asperge alors pendant quelque lemps maîtresse des
est mûre à sa couleur rouge de brique ; on destinées d'Athènes. Elle se servit de son
coupe alors les liges ; on les suspend dans un pouvoir pour inspirer aux Athéniens l'amour
endroit sec; quinze jours après, on les écrase des arts et do la philosophie, et elle parvint
avec les mains; on les lave ensuite dans un à développer ce goût chez eux. Elle s'occupa
vase plein d'eau , et on les fait sécher à aussi quelquefois des affaires d'Etat, et ce fut,
l'ombre. croit-on, à son instigation et par ses conseils
Les variétés d'asperges connues sous le que furent entreprises les guerres de Samos,
nom d'asperges de Hollande, de grosse et de de Mégare et du Péloponèse. Son nom était
moyenne asperge, ne s'obtiennent point par si puissant, qu'après la mort de Pèriclès, elle
semis; elles sont dues uniquement à une cul conserva dans I Elat la plus grande part de
ture plus ou moins soignée. V. Rendu. son influence, et que s étant attachée à un
ASPASIE. L'histoire a consacré la célé nommé Lysiclès, elle parvint à le faire sortir
brité de cette femme; comme droits à cetle de l'obscurité cl à l'élever aux premières di
célébrité , Aspasie présente deux titres bien gnités de la république. Ses intrigues, jointes
différents : le premier, celui d'avoir été la à la corruption de ses mœurs , lui firent ce
plus belle des courtisanes dont la Grèce an pendant des ennemis ; elle fut accusée d'irré
tique ait chanté les louanges ; le second , ce ligion devant l'aréopage, et il fallut tout le
lui d'avoir été un des philosophes sophistes crédit et les larmes de Pèriclès pour la faire
dont les leçons avaient le pouvoir d'attirer le absoudre. Le Clerc.
plus grand nombre d'auditeurs. Le premier ASPECT. Ce mot est un reste de l'astrolo
titre d'Aspasie à une célébrité déplorable ne gie judiciaire qui régnait autrefois. On appe
peut nous arrêter ici , aussi ne faisons-nous lait ainsi les situations respectives des planè
<jue le constaler. tes entre elles ou leurs distances angulaires,
Aspasie naquit à Milet, où, dès sa plus ten et pendant long-temps on les a calculées dans
dre jeunesse, elle assistait aux leçons des so les éphémérides astronomiques. 11 y avait
phistes , et où elle se montrait un de leurs plus cinq espèces d'aspects , savoir : la conjonc
brillants élèves. Elle y fit de grands progrès, tion, l'opposition, le sextil, le trine et le
et bientôt, parlant elle-même pour Athènes , quadrat. Le sextil élait désigné par une étoile
qui était alors le centre et pour ainsi dire le à six rayons, lelrine par un triangle et le qua
siège de loule philosophie, elle se sentit assez drat par un carré. Si la distance angulaire
forte pour ouvrir une école et y enseigner de deux planètes était 0°, elles élaient en
réloquence. Sa jeunesse, sa beauté, sa voix conjonction, ce que l'on indiquait par ce si
douce et harmonieuse et aussi la subtilité de gne cf. L'aspect devenait un trine, lorsque
ses arguments, son talent oratoire, lui firent l'angle était de 120°; un quadrat ou £3, lors
une grande renommée , et l'on venait de loin qu'il était de 90°; un sextil , lorsqu'il était de
pour l'écouter et assister à son cours. Au 60°. Enfin les planètes étaient en opposition,
premier rang de ses auditeurs on voyait So- lorsque leurs longitudes différaient de 180°,
crale et Pèriclès. Le premier aimait à s'en ce que l'on marquait par ce signe abrégé 8.
tretenir avec elle; il trouvait un grand Aujourd'hui on se sert encore des mois con
charme dans la conversation savante de celle jonction, opposition et quadrat ou plutôt
lemme qui conservait, au milieu d'une vie de quadrature, et on leur donne la mémesignifi
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cation et les mêmes signes qu'anciennement; mie ; on le fait entrer aussi dans la composi
ce qui nous amène à remarquer que presque tion des vernis noirs, et même de la cire
tous les termes employés en astronomie ont noire à cacheter.
pris naissance dans l'astrologie judicaire. 15. Ne confondons pas avec l'asphalte de Judée
ASPERGE. Voy. Asparaginées. une autre espèce de bitume beaucoup plus
ASPERSION, terme employé dans le connue par son emploi dans les arts , et qui
langage de l'Eglise pour désigner une céré porte dans le commerce le nom d'asphalte.
monie par laquelle le prêlre répand de l'eau Cette espèce est le bitume glutineux auquel
bénite sur les fidèles , sur les sépultures et les minéralogistes donnent les noms de malthe
sur certaines choses qu'il veut bénir. Les et de pissasphalle. Il se ramollit à la moindre
païens avaient les aspersions d'eau lustrale chaleur
lide et même
quanddifficilement
il est pur,mais
inflammable
il devient trèsso-
quand
pour se préparer aux sacrifices en l'honneur
des dieux infernaux. il est mêlé avec une forte dos • de sable. Il est
ASPHALTE {min.). Sorte de bitume so toujours fusible à la température de l'eau
lide, noir, à cassure résineuse et conchoïdalc ; bouillante. On le trouve abondamment en
dur et cassant à froid, plus pesant que l'eau, France, en Auvergne, dans les Landes et dans
insoluble dans l'alcool et fusible à une tem les déparlements de l'Ain et du Bas-Rhin.
pérature plus élevée que celle de l'eau bouil Celui de Seissel , près la perte du Khône, est
lante. On lui a donné les surnoms de bitume employé aujourd'hui à Paris pour le dallage
de Judée et de baume des momies, parce qu'il des ponts et des trottoirs ; on s'en sert aussi
abonde particulièrement sur les bords du lac pour la couverture des édifices et des terras
Asphaltide ou de la mer Morte, et que les an ses, et l'on essaie en ce moment de l'appli
ciens Egyptiens en ont fait usage dans la pré quer à la confection d'une' nouvelle espèce
paration de leurs momies. L'asphalte de Ju de chaussée pour les voitures : en le mêlant
dée est connu de temps immémorial ; il à des fragments de pierre meulière, on en
s'élève continuellement du fond du lac à la fait des pavés très solides, auxquels on donne
surface des eaux, où il arrive dans un certain une forme parfaitement rectangulaire; on
état de mollesse ; les vents le poussent ensuite les pose ensuite les uns à côté des autres et
dans les anses et les golfes où on le recueille. sur une couche de sable et de ciment bien
Par l'exposition à l'air il prend plus de con dressée, et on les réunit en un tout imper
sistance. On voit, par un passage de Strabon, méable en coulant entre leurs joints du bi
que les anciens le regardaient comme un vé tume fondu. {Voy. Bitumes.) G. D.
ritable produit volcanique, et cette opinion ASPHODELE, Asphodelus, genre de plan
est tout-à-fait d'accord avec celle de la plu tes monocotylédones, qui a servi de type à la
part des géologues modernes. Nous nous ré famille des asphodelées. Un calice à six di
servons de discuter cette origine au mot Bi visions profondes, étalées, alternant avec
tume, où nous traiterons comparativement dix étamincs à filet dilaté à la base; un
des diverses espèces de matières bitumineu ovaire libre , uni-stylé , uni-stigmaté et Iri-
ses , tant sous le rapport minéralogique que loculaire ; une racine fibreuse, des fleurs
sous le point de vue géologique. •lisposées en épi : tels sont à peu près les ca
Ce n'est pas seulement en Judée que se ractères dont on a tenu compte pour placer
trouve le véritable asphalte ; on connaît plu ce genre à la tête de la famille qui lui em
sieurs autres lieux où il se produit également prunte son nom ; caractères qui pourraient
à la surface des eaux. Tel est entre autres tout aussi bien le faire rentrer, et à sa suite,
un lac de trois milles de tour, qui existe dans toute la division des asphodelées, dans la
l'île de la Trinité. On rencontre aussi dans grande famille des Limacées, à laquelle nous
quelques localités des matières solides en pe renvoyons. Les deux espèces de ce genre qui
tite globules, accompagnant diverses sub peuvent nous intéresser à quelque égard sont
stances cristallisées, et qui présentent quel Yasphodelus ramosus { il croît dans le midi de
que analogie avec les asphaltes; mais il n'est l'Europe), et {'asphodelus luleus, ou verge de
pas certain qu'elles soient exactement do Jacob. La beauté de leurs épis, tout garnis de
même nature que l'asphalte de Judée. Nous fleurs jaunes, leur a mérité une place dans nos
avons dit l'usage que les anciens faisaient de parterres. I. J.
cet asphalte; on s'en sert aujourd'hui pour la ASPHYXIE. Cet état consiste dans les
confection de la couleur qu'on nomme mo effets sur l'économie animale de la privation
ASP ( 29 ) ASP
plus long-lemps que dans de l'eau non aérée. Quoique les poissons aient des branchies, il
Il élait donc évident que l'eau aérée était fa est évident que leur respiration est bornée
vorable à leur existence et qu'il ne s'agissait lorsqu'on limite les proportions d'eau aérée.
seulement que de leur en fournir assez. Les mêmes rapports de température avec des
2° De l'eau stagnante renouvelée par inter quantités limitées d'eau leur sontapplicables :
valles. — Il était probable qu'en en mettant ils peuvent vivre presque indéfiniment en
une dans un vase de dix litres d'eau aérée, hiver dans très peu d'eau , tandis qu'en été ils
renouvelée une fois par jour, et en empê périraient dans des proportions beaucoup plus
chant la grenouille de monter ù la surface en considérables de ce liquide.
plaçant un diaphragme un peu au-dessus, Mais on peut toujours borner la respiration
elle pourrait y vivre plus long-temps. Elle y de tous les reptiles à peau encroûtée en con
vécut en effet un temps considérable, puis servant des rapporls avec l'air de l'atmo
qu'elle y prolongea son existence depuis le 4 sphère. Elle se borne même naturellement
décembre jusqu'au 25 février, ce qui fait un par rabaissement de la température ; alors
espace de plus de deux mois et demi. La tem ils vivent très bien en consommant beaucoup
pérature avait varié pendant cet intervalle moins d'air, et d'autant moins que la tempé
entre 0 et 11°, l'eau élait à celte dernière tem rature est plus basse. Ils se trouvent alors
pérature lorsque l'animal péril. dans le cas des batraciens et des poissons dont
Je variai ces expériences sur des sala on a limité la respiration en plongeant les
mandres et même des crapauds terrestres uns sous l'eau et en limitant la proportion du
avec le même succès. liquide où se trouvent les autres.
Influence de l'eau aérée et de la température. DES MAMMIFÈRES NOUVEAU-NÉS.
— Il étail intéressant de savoir si ces animaux L'espoir de modifier les animaux de ma
pourraient vivre sous l'eau sans respira nière à leur faire supporter beaucoup plus
tion pulmonaire un temps illimité , mais dans long- temps la privation d'air conduisit
toutes les expériencesje trouvaisqu'elles mou Buflbn à faire une découverte très importante
raient toujours lorsque la température était relativement aux jeunes animaux. Il plaça
arrivée à 10" ; que si on les submergeait dans une chienne de manière à ce qu'elle mît bas
de l'eau au-dessus de cetle température , les dans de l'eau chaude. Il transporta ensuite les
batraciens y périssaient promplcment et petits dans du lait convenablement chauffé;
d'autant plus vite que la chaleur élait plus il les relira après une demi-heure, et renou
élevée. vela cette expérience une ou deux fois. Il crut
Ces animaux submergés ne respirent que donc être sur la voie de la réussite ; il no
par l'action sur la peau de l'air contenu poussa pas plus loin ces expériences -, mais il
dans l'eau; c'est donc une respiration bor se trompait.
née. Or nous avons vu quo dans les cas d'as Le Gallois entreprit des recherches à cet
phyxie la température basse était favorable égard sans paraître avoir présent à l'esprit ce
à la vie. Il en est de même de la respiration fait important observé par Buffon. Il les fit
bornée ; la température , lorsqu'elle s'élève, principalement sur des lapins, et reconnut
estdèlélère, et il n'y a que l'extension des rap que lorsqu'à leur naissance on les privait d'air
ports avec l'air qui puisse contrebalancer ses en les plongeant sous l'eau, la durée moyenne
effets
tion ).(voy.
Les batraciens
Chaleur sont animale
les seuls
et Uespiiia-
vertébrés de leur vie était de près d'une demi-heure ,
plus exactement de 28 minutes. Cependant il
à sang froid qui, dépourvus de branchies, remarqua que celte faculté diminuait rapi
puissent ainsi vivre dans l'eau aérée sous une dement avec les progrès de 1 âge, et lorsqu'ils
température qui varie de zéro à 10° ; c'est sont âgés de dix-huit jours, ils ont alors at
quo ce sont aussi les seuls dont la peau est as teint la limite que les animaux à sang chaud
sez fine et assez pourvue de vaisseaux sans adultes ne peuvent guère dépasser lorsqu'ils
encroûtement pour que l'air puisse agir favo sont soustraits à l'action de l'air. Mais on se
rablement sur cet organe. Ainsi les lézards tromperait beaucoup si l'on croyait que tous
et les serpents oui des écailles ; les tortues ont les jeunes mammifères peuvent vivre aussi
une peau cornée, ce qui rend très faible l'ac long-temps.
tion vivifiante de l'air sur la peau; mais les J'avais découvert que les nouveaux -nés
poissons ont des branchies qui sont les orga parmi les mammifères différaient beaucoup
nes propres à respirer l'air dissous dans l'eau. dans la production de la chaleur. Ils se divisent
ASP ( 35) ASP
à cet égard en deux groupes : ceux qui nais dans l'asphyxie, nous n'en jugeons que par
sent les yeux fermés, ceux qui naissent les les signes extérieurs qui se manifestent du
yeux ouverts -, les derniers produisent bien rant l'expérience. Ils consistent en des mou
moins de chaleur que les premiers. J'ai donc vements volontaires et involontaires. C'est
conclu que cette différence dans la produc une chose singulière que le rapport de ces
tion de la chaleur pouvait agir sur la du deux ordres de mouvements chez les verté
rée de la vie dans l'asphyxie. C'est ce que brés à sang froid et les animaux à sang chaud.
l'expérience a justifie ; car les chats, les Chez ces premiers en général, les mouve
ments volontaires ont une longue durée, tan
chiens, les lapins, etc., qui naissent aveugles
et produisent peu de chaleur, vivent sous dis que les involontaires sont très courts.
l'eau à peu près une demi-heure , tandis que L'inverse a lieu chez les animaux à sang
déjeunes cochons d'Inde, des chevreaux, etc.,chaud. Lorsque l'animal ne donne plus de
qui naissent les yeux ouverts, ne vivent ainsi
mouvements spontanés, on cherche à en exci
que huit à dix minutes. ter en le pinçant; dès que ce moyen est sans
En examinant la différence de leur struc effet , on cesse l'expérience. Il existe encore
ture, nous trouvons que les jeunes animaux des mouvements intérieurs , le cœur conti
qui naissent les yeux fermés ont la commu nue à battre; mais, comme il n'y a pas de
nication entre les deux parties du cœur li mouvements extérieurs, l'animal esta l'état
bre, le canal artériel large et ouvert, et de mort apparente. Que l'eau soit aérée ou
tju il se ferme à l'époque où leur tempéra non, les résultats sont absolument les mêmes
ture devient stalionnaire , tandis que ceux sur les mammifères. Les phénomènes qu'ils
qui naissent les yeux ouverts ont la facullé présentent sont bien différents, suivant l'é
de soutenir leur température à une chaleur poque de l'expérience : il importe de les dis
douce de l'air, et naissent avec le canal artétinguer. Dans les premiers moments, ces
riel fermé. mouvements sont variés, multipliés, conti
11 y a également, parmi les oiseaux nou nus et évidemment volontaires; les animaux
veau-nés, deux groupes qui présentent les cherchent à se soustraire à la situation péni
mêmes différences dans la production de la ble où ils sont ; mais bientôt les mouvements
chaleur ; les uns naissent la peau nue , les au
volontaires cessent. Il est évident qu'il y a
tres couverts d'un épais duvet. Les premiers alors perte de connaissance. Jusqu'à cette
produisent beaucoup moins de chaleur, aussi époque, la bouche reste fermée, ou ne s'ou
vivent-ils beaucoup plus long-temps dans des vre qu'accidentellement. Ensuite, un autre
quantités limitées d'air. ordre de phénomènes a lieu : l'animal ayant
Le refroidissement de l'eau dans laquelle on
perdu connaissance, les mouvements devien
a asphyxié les mammifères jeunes et adultes nent involontaires; d'abord suspendus pen
mt aussi pour prolonger la durée de leur vie,
dant un court intervalle, ils s'exécutent en
ma» pas à une limite aussi basse que chez les
suite d'une manière automatique, avec une
animaux a sai ig froid. Au lieu de zéro c'est 20°
certaine régularité dans leur nature et leur
qui est le plus grand abaissement en rapport retour. Toutes les parties du corps y parti
avec la plus grande durée de la vie dans 1 ascipent; la bouche s'ouvre largement, la poi
phyxie des mammifères et des oiseaux. trine se dilate , le tronc se fléchit en avant ,
Des animaux hibehnamts. — 11 est pro lus membres se rapprochent, les muscles se
bable que si parmi les mammifères il y avait relâchent aussitôt, et le corps devient immo
des espèces susceptibles d'un refroidissement bile. Ces mouvements se reproduisent à peu
long-temps prolongé, l'abaissement durable près de la même manière jusque vers la fin
de la température aurait sur eux les mêmes de l'expérience ; alors le tronc cesse peu à
eflels que sur les animaux à sang froid. Il est
peu de se fléchir , les membres de se rappro
des animaux de celte espèce que l'on nomme cher, la poitrine de se dilater, au moins d'une
hibernants ; eh bien , la même loi de l'abais manière bien sensible ; mais la bouche con
sement de la température et de la diminution tinue de s'entr'ouvrir par intervalle, moins
de l'étendue de la respiration a également largement à la vérité. Ce genre de mouve
lieu chez eux. ( Voy. Hibernation et Cha ment est celui qui subsiste le plus long-temps.
leur ANIMALE. ; Il y en a quelquefois d'irréguliers qui consis
DES rilÉXOMÈ.NES PENDANT I.ASPHYXIE. tent en une torsion du tronc; mais ils sont
Lorsque nous parlons de la durée de la vie rares, et ne se présentent pas dans tous les
ASP (36 ) ASP
cas. J*af dit que le» mouvements réguliers beauooup plus long-temps qu'après la sub
dont je viens de parler tendaient à se repro mersion. Edwards.
duire à des intervalles égaux. Ils se renou ASPHYXIE (médec). L'asphyxie, dont
vellent ordinairement dans l'espace d'une ou les phénomènes physiologiques ont fait le
de deux minutes dans presque toute la durée sujet de l'article précédent , peut avoir lieu,
de l'expérience. Vers la fin, l'intervalle est comme on l'a vu , sous deux conditions :
plus grand ; il est de trois ou quatre minutes. 1» l'air ne pénètre pas dans les poumons, ou
Le genre de mouvements est le même , qu'ils celui qui y pénètre est simplement impropro
soient spontanés ou .excités en pinçant l'a à la respiration; 2° lo milieu dans lequel
nimal. l'homme ou les animaux sont plongés est dé
DU HETOl R A LA VIE APRÈS I.'ASI'Il YXIE. létère. Dans lo premier cas il y a seulement
Ces phénomènes sont très différents, suivant asphyxie; la vie cesse par la privation d'un
que l'animal est à sang froid ou à sang chaud. élément indispensable à son entrelien ; dans
Dans presque tous les cas d'asphyxie chez des le second, au contraire, il y a non seulement
batraciens, après la mort apparente, lorsqu'ils asphyxie, mais introduction dans l'économie
étaient exposés à l'air, je les ai vus revenir d'un agent toxique , d'un poison. Par consé
spontanément à la vie. L'on observait ordi quent, rendre de l'air, et les moyens propres
nairement comme signe précurseur un petit à rétablir les phénomènes respiratoires ne
battement dans la région du cœur ; quelque sont donc pas toujours suffisants pour neutra
temps après il s'exécutait quelque mouve liser ce dernier effet, qui complique gravement
ment involontaire , et l'animal ne tardait pas l'asphyxie en altérant la composition de l'or
à revenir à la vie. Il est évident qu'il jouis ganisme.
sait sur tous les animaux d'un avantage pour A. Une foule de circonstances peuvent s'op
revenir à la vie après l'asphyxie , qui n'est poser à l'introduction de l'air dans les pou
partugé que par l'homme. C'est dans leur mons : le gonflement des amygdales , de la
peau nue, fine et parsemée de vaisseaux sur langue, des membranes muqueuses du larynx,
lesquels le contact de l'air agit avec énergie. la formation de fausses membranes dans cet
Quant aux animaux à sang chaud, je n'en ai organe ou dans les bronches (croup), l'épan-
jamais vu revenir spontanément par l'expo chement subit d'une quantité considérable do
sition à l'air, après avoir cessé de donner sang ou de tout autre liquide dans ces ca
toute espèce de mouvement dans l'eau. naux , la compression exercéo sur les con
L'homme a sur eux un avantage dans les duits aériens par une tumeur anévrismale,
qualités de sa peau. Il se pourrait que sans des affections de la moelle épinière, etc., sont
secours il revînt quelquefois à la vie par autant de causes pathologiques qui peu vent dé
l'exposition à l'air; mais on lui prodigue or terminer plus ou moins promptement la mort
dinairement des secours qui, certes, seraient par asphyxie; mais celle-ci n'est alors qu'un
plus efficaces sur lui que sur les autres mam symptôme qu'il faut se hâter de prévenir, soit
mifères ou sur les oiseaux. Si le cœur avait par la guérison même de la maladie , si elle
cesse de battre en ne donnant pas même lo est possible, soit par l'opération de la tra
mouvement le plus faible , je doute qu'il soit chéotomie, qui, en permettant à l'air do
dans le pouvoir de l'art de le faire revenir; s'introduire dans les bronches, au-dessous do
mais comme c'est une chose qu'on ignore, l'obstacle, éloigne le danger immédiat, et
on doit agir comme si le cœur continuait à peut donner lo temps de remédier aux cir
battre. Le point le plus capital dans le traite constances morbides qui le provoquent. Ici
ment des noyés est de persister long-temps l'asphyxie, disons-nous, est consécutive! elle
dans l'usage des moyens employés. On les a doit être prévue. Mais le plus souvent elle
vus réussir après plusieurs heures d'applica est primitive , accidentelle : c'est un corps
tion. Il y a surtout dans le succès une grande étranger qui est introduit dans le larynx ouïes
différence, suivant que l'asphyxie a eu lieu bronches, ou qui s'est arrêté dans l'œsopha
sous l'eau ou dans l'air. La première est bien ge; un lien qui comprime fortement le cou;
plus dangereuse. Lo cœur, par l'action de l'homme tombe ou se précipite sous l'eau ;
l'air sur la peau, soit dans le cas de strangu dans tous ces cas l'air ne s'introduit plus dans
lation qui n'a pas lésé le système nerveux , les poumons. Quelquefois un gaz non délétère,
ou dans l'air avec une certaine portion d'a mais impropre à la respiration , pénètre seul
cide carbonique, etc., doit continuer à battre dans les poumons ; ici l'asphyxie a lieu a peu
ASP .( 37 ) ASP
près comme dans l'asphyxie par privation grotte du Chien a Naples), qui se môle si sou
d'air; mais elle est assez rare. Les gaz azote, vent à l'air dans les celliers, au-dessus des cu
hydrogène, le gaz oxidule d'azote, s'il est vrai ves en fermentation , dans les fours à chaux,
qu'il ne produise pas sur l'organisme des ver dans les appartements où l'on brûle du charbon
tiges suivis de ce sentiment agréable de vi (vapeurs du charbon) ; par les gaz qui, comme
gueur et d'alacrité qui lui avait fait donner par l'hydrogène sulfuré combiné à l'ammoniaque
J'avy le nom de gaz hilariant, sont les seuls ( hydro-sulfure d'ammoniaque ';, se -dégagent
qui , introduits dans la poitrine , n'auraient dans les fosses d'aisances, les égouts, détermi
par eux-mêmes aucune action nuisible, du nent ces accidents funestes connus vulgaire
moins apparente, sur l'organisme, la mort ment sous le nom de plomb , et qui sont si
n'ayant lieu que par défaut d'air respirable. redoutés des vidangeurs et des égouliers. Cha
L'asphyxie dans l'air non renouvelé, et dont que année de malheureux ouvriers sont vic
les résultats funestes n'ont été malheureuse times de cette espèce d'asphyxie.
ment que trop souvent observés, réunit en Quelle que soit la cause de l'asphyxie, le
quelque sorte les asphyxies par privation premier soin est de lever l'obstacle qui s'op
d'air et introduction de gaz impropres à la pose à la respiration : extraire les corps étran
respiration, aux asphyxies par l'influence des gers qui obstruent les voies respiratoires, ou
gaz délétères. Un animal, placé dans un ré les repousser jusque dans l'estomac, enfin, si
cipient qui ne communique pas avec l'air ex l'on ne peut y parvenir, 1 opération de la
térieur, finit par périr; il absorbe l'oxigène, trachéotomie; eulever le lien qui comprime
dégage de l'acide carbonique, et l'air du ré le cou; exposer la personne asphyxiée à un
cipient, bientôt composé de gaz azote et d'a air pur, sont les plus pressantes indications.
cide carbonique en quantités proportionnelles Quant aux moyens à employer pour remettre
plus considérables par rapport à l'oxigène, enjeu les fonctions suspendues chez un indi
devient non seulement impropre à la respi vidu asphyxié, les uns sont applicables à tou
ration, mais encore dététère en raison du plus tes les asphyxies, quelles que soient leurs
ou moins de gaz acide carbonique qu'il con causes, je vais les exposer; les autres, au
tient. Renfermé dans un appartement hermé contraire, appartiennent à chaque circon
tiquement clos, un homme ne tarderait donc stance en particulier quia déterminé et com
pas à succomber, y fùt-il seul ; mais la mort pliqué l'asphyxie, tel gaz délétère, par exem
serait bien plus prompte encore si plusieurs ple, pourra être neutralisé par tel agent, etc.
personnes y étaient contenues; elle au Ils seront exposés à l'histoire do ces gaz et à
rait encore lieu malgré les communications l'article Mépuitisme. Aux mots Submersion,
avec l'air extérieur, si ces communications S m annulation , Fosses d'aisances, Knouts,
étaient insuffisantes. Cent quarante-six pri seront aussi décrites les particularités de trai
sonniers , renfermés dans une chambre de tement, do médecine légale et d'hygiène pu
20 pieds carrés, n'ayant que deux petites fe blique que présentent les asphyxies qui s'y
nêtres qui donnaient sur une galerie, éprou rapportent.
vèrent de la dyspnée, des douleurs de poitrine Chez une personne complètement as
et un mouvement fébrile croissant. Après phyxiée, la respiration et la circulation sont
quatre heures de réclusion, les plus faibles suspendues, et comme elles tiennent sous
avaient déjà succombé; deux heures plus lard leur dépendance les autres fonctions, c'est à
il n'en restait plus que cinquante; quand la les rétablir qu'il faut procéder. On cherchera
prison fut ouverte le malin il n'en restait d'abord à faire pénétrer l'air dans les pou
que vingt-trois. mons, soit en excitant les contractions des
B. L'asphyxie par inspiration de gaz nuisi muscles inspirateurs par des frictions sur le
bles ou délétère* , soit purs, soit mêlés à l'air, rachis, la poitrine, la région du cœur, et
est quelquefois due, mais rarement, à des gaz mémo par l'action de l'électricité ; soit en
accidentellement dégagés dans les laboratoi soufflant de l'air dans la poitrine. L'insuffla
res ou les manufactures, l'ammoniaque, le tion pulmonaire peut se faire de bouche à
chlore, l'hydrogène arsénié, l'hydrogène car bouche; mais comme une très petite quantité
boné, les gaz acide nitreux, acide sulfureux ; d'air seulement peut ainsi être injectée;
le plus fréquemment elle est occasionnée qu'une partie encore peut se perdre en se ré
par l'acide carbonique qui existe naturelle pandant, soit dans l'œsophage, soit dans les
ment dans certaines grottes volcaniques ( la fosses nasales, malgré la précaution de serre*
ASP ( 38 ) ASP
les narines de l'asphyxié ; qu'en outre l'air allumettes soufrées brûlées sous le nez ; avoir
ainsi insuffle n'est pas pur; que c'est de l'air recours à des lavements excitants, faits avec
expiré, on a depuis long-temps proposé et de l'eau salée (quatre onces de sel pour un la
exécuté l'insurflation avec un soufflet. Un vement ), de l'eau vinaigrée ( une partie de
tube conique de 7 à 8 pouces de long, ayant vinaigre pour trois d'eau). On ne saurait
une de ses extrémités évasée et l'autre plus trop recommander aux personnes appelées à
petite, un peu aplatie de champ pour s'adap donner des secours aux asphyxiés, l'impor
ter à la forme du larynx, est introduit par la tance de persister une, deux, trois heures, et
bouche et glissé sur les côtés de l'épiglotte. même davantage , dans l'emploi des moyens
Si les dénis étaient serrées on ferait pénétrer propres à rappeler la vie. On cite des histoi
par les narines une sonde de gomme élasti res de noyés qui n'ont dû le retour à l'exis
que; à l'extrémité du tube on adapte un souf tence qu'à des soins prolongés pendant un
flet; on peut même encore porter simple espace de temps encore plus long.
ment le tuyau du soufflet dans l'une des na 11 n'a point été question ici de l'asphyxie
rines et fermer l'autre. si commune chez les enfants nouveau-nés ;
Des expériences de M. Leroy d'Etiolés, qui comme elle lient à des circonstances com
constatent que l'insufflation faite avec trop plexes, les moyens d'y remédier seront mieux
de force peut occasionner la rupture des cel placés à ce mot avec les autres soins que ré
lules pulmonaires, doivent rendre prudent clame alors l'état de l'enfant. Arciiamballt.
dans l'emploi de ce procédé ; il faut pousser ASPIC (zool.), ou mieux Asi'is. Les an
l'air avec modération, et d'une manière in ciens désignaient sous ce nom plusieurs es
termittente, l'élasticité des poumons suffit pèces de serpents venimeux d'Egypte, dont
seule pour l'expulsion de l'air insufflé. Divers l'une est devenue célèbre, parce que les zoo
instruments ont même été inventés pour faire logistes lui ont rattaché le souvenir de la
pénétrer l'air dans les poumons; il en sera mort de Cléopâtre.
question à l'article Submersion. On peut , à L'histoire rapporte en effet que cette reine
défaut de soufflet, employer avec le tube la d'Egypte, dont le pouvoir séducteur avait
bouche simplement. En même temps qu'on subjugué J. César et M. Antoine , désespé
fuit pénétrer ainsi de l'air dans les poumons ; rant de soumettre à ses charmes Octave, qui
le malade, exposé à un air pur, d'une tem devait la traîner comme vaincue à la suite
pérature modérée , sera dépouillé de ses vê de son char de triomphe, préféra la mort à
mosphère,
tements, et sasera
peau,
traveisée
mise encontactavecl'at-
par une certaine cette ignominie. Elle se fit apporter en secret,
caché sous des fleurs ou sous des figues et
quantité de ce fluide, ainsi qu'il résulte des des raisins, un aspic très venimeux, et après
belles expériences de M. Edwards , ce qui fa s'être assurée de la violence du venin sur
vorise d'autant l'oxigénation du sang. Des deux femmes de sa suite, qui périrent à l'in
frictions à la main ou avec une brosse , pro stant, elle agaça le serpent avec un fuseau
pres à exciter cl à rétablir la circulation dans d'or, se fit mordre au-dessus du sein, et mou
les petits vaisseaux superficiels , à augmenter rut comme frappée de la foudre. »
la chaleur et à solliciter l'action nerveuse, Le mot grec aspii, dérivé de c-mCu, disten
seront continuées avec soin. On stimulera en dre, serait applicable , en zoologie, à toutes
core la peau avec des sinapismes, des lini- les ViPÈnES ( Voy. ce mol), dont les côtes an
menls excitants , du vinaigre. Enfin, comme térieures peuvent se redresser et se tirer en
le sang abonde dans le système capillaire , avant de manière à dilater cette parlie du
surtout aux parties supérieures , à la face et tronc en un disque plus ou moins large. L'u
au cerveau , une petite Saignée ou des ven sage en a limité l'application à la vipère Hajo
touses scariGées au cou, derrière les oreilles, {coluber Baje, Lin.). Voici les caractères que
seront très propres à favoriser le jeu des mou G.Cuvier lui assigne :
vements circulatoires. Certains tissus con « Cou verdâtre, bordé de brunâtre, moins
servant plus long-temps que d'autres leurs » large que celui de la vipère Haje. Lesjon-
propriétés d'irritabilité, il faut, quand diffé » gleurs du pays savent, en lui pressant la
rents moyensstimulants ont été vainement es » nuque avec le doigt, moitié le serpent dans
sayés, employer le chatouillement delaluctle » une espèce de catalepsie qui le rend roido
avec une plume, l'action des sternutatoircs,des » et immobile (le change en verge ou bdton).
ASP ( 39) ASP
» L'liabiUid« qu'a l'Hajc de se redresser quand n'obéit pas aux maîtres (les premiers sous-
* un en approche avait fait croire aux anciens officiers des équipages), et ne leur commande
* Egyptiens qu'il gardait les champs qu'il ha- pas non plus. Les aspirants étaient la pépi
' bitait; ils en Taisaient l'emblème de la divi- nière de l'élat-major de la flotte, et cette pé
» nité protectrice du monde, et c'est lui qu'ils pinière se recruta long-temps d'une foule de
• sculptaient sur le portail de tous leurs tem- très jeunes gens destinés à la marine, et por
» pies, des deux côtés d'un globe. C'est in- tés abusivement sur les contrôles des navires
» contestablement le serpent que les anciens gardes-côtes , stalionnaires , gardes-pêches,
» ont décrit sous le nom d'aspic d'Egypte, de où ils étaient censés faire leur apprentissage,
• Cliopdtre, etc. mais où ils n'étaient point embarqués en effet.
G. Cuvier fait aussi remarquer qu'on Des ordonnances réformèrent celte institu
nomme quelquefois dans les environs de Paris tion défectueuse, et créèrent, en 1811, deux
aspie le eoluber aspis de Linné, qui est une écoles de marine d'où devaient sortir les as
variété de la vipère commune, dont les taches pirants, après avoir sali fait à des examens
du dos forment une bande longitudinale sur la théorie de la navigation, la pratique
ployee en zigzag. L'aspic de Lacépède {tip. du matelotage et les manœuvres à l'ancre et
oectllata, Latr.) est une grande espèce étran sous voiles. Pendant la révolution il y avait
gère voi>ine de l'alropos de Linné. trois classes d'aspirants. La troisième classe
" ASPIDGPIIORESi, fc/it/i.l.Groupede pois- d'aspirants fut supprimée au commencement
sonsqui ont le corps cuirassé par des plaques de l'empire, et l'on conserva des aspirants de
anguleuses, et dont la bouche n'a point de deuxième classe, portant sur les épaules des
dt-nls au vomer. Ils forment, dans la classifi tresses de soio bleue et d'or, et des aspirants
cation de Cuvier, une subdivision du genre de première classe, dont le signe distinclif du
Chabot, de la famille des joues cuirassées, or grade était le trèfle d'or. A ce dernier trèfle
dre des ACAÎN'TIIOPTÉRYGIENS. succéda l'èpaulette d'or ayant une raie de-
ASPIRANT (hydraul.). On nomme aspi soie bleue sur le corps et de la frange bleue
rant, et quelquelquefois aspirai, le tuyau qui sous la frange supérieure, qui élait en filet
;e trouve entre le corps de pompe et le li d'or. L'élève ne porte plus l'èpaulette aujour
quide que l'on veut élever. Pour les pompes d'hui, mais l'aiguillette d'or s'il est de pre
ordinaires, il est en fonte ou en cuivre ; ceux mière classe, or et bleue s'il est de deuxième
que l'on fait en plomb doivent être bien classe. Les aspirants avaient remplacé dans
écrouis afin d'éviter les soufflures qui donne la flotte les gardes de la marine, que la lé
raient accès à l'air, empêcheraient le vide gislation de larévolutionsupprima pourcrôer
de se former, et par conséquent l'aspiration une institution plus vicieuse encore. Les
voy. ce mot). Pour les pompes à incendies gardes do la marine s'étaient fait redouter
"» se sert d'un boyau en cuir entouré d'une dans les ports par leur indiscipline ella pertur
liélieeen fil de laiton, que l'on recouvre d'un bation qu'ils jetaient dans les villes où étaient
second boyau , également en cuir, en ayant leurs brigades; les aspirants continuèrent la
soin de bien goudronner entre les deux. Le fil tradition de leurs devanciers; les élèves sont
de laiton en hélice a pour but d'empêcher les beaucoup plus réservés, parce qu'ils oui reçu
bovaux de cuir de s'aplatir sous l'effort de la en général une meilleure éducation. A. Jal.
prt-ssion atmosphérique , lorsque par l'action ASPIRATION. Dans le langage ordinaire
de la pompe le vide se fait, ce qui empêche cette expression indique l'action par laquelle
rait l'aspiration. l'homme et les animaux forcent l'air à s'in
ASPIRANT DE MARINE. Il n'y a plus troduire dans leurs poumons pour l'en chas
d'aspirants, il y a des élèves : une même chose ser ensuite , ce qui constitue la respiration.
sous deux noms différents. L'aspirant, créé En hydraulique, il exprime la force qui
au commencement de la révolution, n'était sollicite les fluides à se jeter dans les capaci
pas officier; sous l'empire seulement, et à la tés où le vide est formé par un moyen quel
création des équipages de haut bord, l'aspi conque. Ainsi l'on voit l'eau s'élever dans les
rant devint sous-lieutenant de haut bord. Ce corps de pompes à plus de dix mètres au-dessus
sous-lieutenant devait être aspirant de pre de son niveau ,cl la vapeur dans les machi
mière classe. L'aspirant de deuxième classe nes se précipiter vers le jet d'eau du conden
n'avait point de rang proprement dit, comme seur aussitôt que la communication entre ce
aujourd'hui l'élève de deuxième classe, qui lui ci et le cylindre esl établie. Dans le premier
ASS (40) A-SS
oas, l'eau s élève, non pas en vertu do l'hor Dioscoridcs a parlé le premier , mais d'une
reur du vide , comme on le croyait autrefois, manière confuse . et qu'il indique comme ap
mail pour obéir à la pression de l'air extérieur, partenant à la Perse , ce que Kaempfer a vé
qui n'est plus conine-balancé dans l'intérieur rifié. Cette plante croit naturellement aussi
du corps de pompe dés que le vide est fait par dans la Médie, la Syrie, la Lybie, et même
le piston ; aussi s'y élève-t-elle jusqu'à ce que dans l'Inde. Elle appartient au genre ferula
sa hauteur soi t suffisante pour faire équilibre à de la famille des Ombellii ères. Sa racine est
la pression atmosphérique. L'eau s'arrête à très forte , et ce n'est qu'au bout de quelques
dix mètres un tiers environ , tandis que le années qu'elle est assez succulente pour four
mercure, treize fois plus pesant, nes'élève qu'à nir à l'exploitation. Voici comment on re
soixante centimètres. Dans le second cas, la tire le {suc gommeux qu'elle contient. A la
vapeur se répand dans le condenseur en vertu fin do la belle saison , on ôte d'abord tou
de sa force expansive, les molécules qui entou tes les feuilles de la tige ; puis, quarante jours
rent le jet d'eau étant condensées il se forme après, on coupe la racine,; on couvre le suc
un vide dans lequel d'autres molécules se laiteux qui s'en écoule d'un fagot d'her
précipitent pour s'y condenser à leur tour, bes. Au bout de deux jours , les habitants
ce qui ne cesse que lorsque la tension de la recueillent ce suc dans des vases attachés à
vapeur est devenue tout-à-fait nulle. Quelle leur ceinture en coupant de nouveau la ra
que soit la perfection apportée dans la con cine pour en extraire le reste du suc , ce qu'ils
struction d'une pompe , il est impossible que répètent jusqu'à ce qu'ils aient retiré l'assa-
le vide soit complet ; aussi n'aspire-t-elle que fœtida , qu'ils exposent enfin au soleil pour
difficilement si sa soupape est à plus de neuf lui faire prendre de la solidité. Nous la rece
mètres au-dessus du niveau de l'eau. vons en pains. On trouve dans le commerce
ASPLE. Nom donne dans les manufac l'assa-fœiida sous la forme de masses assez
tures de soieries aux dévidoirs sur lesquels on considérables , d'un brun rougeâtre , parse
forme les écheveaux de soie tierce. mées de larmes blanches. La surface nou
ASPRE. Petite monnaie de Turquie, qui vellement cassée est d'une couleur plus
valait autrefois huit deniers de France, mais claire; mais au contact de l'air elle ne larde
qui a été depuis altérée et ne vaut plus que pas à prendre une teinte rouge. On connaît
de ux centimes et demi. l'odeur en quelque sorte spécifique de l'assa-
ASPREDE (Atprtdo, Linn. ; PIacutacu$, fœtida, odeur alliacée tellement forte et dés
Pol. ). Genre établi par Linné dans son ordre agréable , qu'elle lui a valu en Allemagne le
des abdominaux , et adopté par G. Cuvier, nom de itèrent diaboli. Et cependant, chose
qui l'a rattaché a la famille des Silures, de bizarre, les Orientaux, et surtout les Perses,
l'ordre des malacoptérygiens abdominaux. en font un usage domestique habituel; ils
Indépendamment des caractères généraux l'emploient surtout comme condiment; ils
des silures, les asprèdes se distinguent parti frottent même les bords de leurs coupes avec
culièrement par l'aplatissement de leur této cette gomme-résine pour donner à leurs bois
et l'élargissement de la partie antérieure du sons plus de goût et de parfum. Tournefort ,
tronc qui résulte surtout de l'os de l'épaule , du reste, a vu un médecin, à Paris, qui
par leurs petils yeux placés à la partie supé prenait un gros par jour d'assa-fœlida, et
rieure de la tête; enGn parée qae ce sont les qui ne lui trouvait pas d'odeur désagréable.
seuls poissons connus qui n'ont rien de mo Sa saveur est an i ère et aromatique. H parait
bile à l'opercule, dont toutes les pièces sont que nous ne possédons ici qu'une qualité in
soudées au tympanis et au préopercule. Le férieure de l'assa-fœtida; la plus estimée, et
premier rayon pectoral est armé de dents aussi la plus pure, est conservée par les
plus grosses que dans aucun silure. La prin Perses, qui sans doute la destinent à l'emploi
cipale espèce est l'asprède proprement dit culinaire. Son odeur est même tellement
(lilurtuA.), poisson des fleuves de l'Inde, dont forte et pénétrante , surtout à l'époque de la
la tête est énorme en proportion du corps. récolte , qu'au rapport de Chardin ( Voyage,
ASSA-FOETIDA ( bot. ) , ou mieux asa- t. III), une fois répandue dans un apparte
fœtida , puisque l'étymologie de ce mot vient ment , elle y existe des années.
de asa, guérir. C'est une gomme fétide, pro L'analyse chimique de ce produit curieux
duite par une plante herbacée, vivace, le a été faite par Brandes , qui a trouvé : ré
ferula ptrsiea , très célèbre en Orient , dont sine, 472 ; gomme, t9i ; huile volatile , 46* ;
ASS (41 ) ASS
substance retinoïde, IG -, adraganlliine , 04; des marais, l'abattage d'une forêt, comme
exlractif et malate de potasse, 10; sels di des ouvertures mieux disposées et des rues
vers, 65 ; eau. 60 ; impuretés, 46. L'huile vo plus convenablement dirigées. Dans tous les
latile est incolore , d'abord fade , et devient cas, le renouvellement de l'air et l'action delà
ensuite acre et amère : elle contient du sou lumière solaire seront les bases de l'opération.
fre. La résine est d'un brun vcrdâlre , d'une Les anciens , entièrement ignorants des
odeur aromatique; elle est fusible, soluble conditions physiques et chimiques qui si sou
dans l'alcool , dans les èthers et dans l'huile. vent altèrent et modifient le milieu dans le
En thérapeutique on con idére l'assa-fœ- quel nous vivons, n'apportèrent, en général,
tida comme un des antispasmodiques les plus qu'une attention peu suivie à l'assainisse
[puissants. On l'emploie surtout dans l'hysté ment. L'exposition des villes, l'accumulation
rie; on la donne aussi dans l'hypochondrie , dans leur intérieur des industries les plus in
dans l'asthme, la coqueluche (millar) ; on salubres, la disposition des maisons et la di
l'administre aussi contre l'épilepsie, la danse rection des rues , attestent également l'incu
de saint Guy, les vers, etc. ; mais il faut con rie de nos pères à cet égard. Néanmoins les
venir que, comme tous les médicaments an Romains avaient laissé déjà plusieurs monu
tispasmodiques , l'assa-fœlida s'est souvent ments remarquables de leurs efforts pour
montrée infidèle; Alibert avoue même en l'assainissement. Les rois, les consuls et les
avoir retiré bien peu d avantages (Matière empereurs avaient successivement fait con
oudieait). L'assa-fœlida entre dans une foule struire des égouts pour dessécher les marais
de préparations pharmaceutiques : les pilules formés par les inondations du Tibre et enle
dt FulUr, la potion antihyttérique du Codex. ver les immondices que fournissaient cent
Les vétérinaires ont également employé quarante-quatre latrines publiques, dans les
lassa-fœtida contre la dyspepsie des che quelles les esclaves allaient porter les ordures
vaux. En médecine, on donne ce médica des maisons particulières. Ces égouts reçu
ment eu pilules; c'est le meilleur moyeu de rent , à partir d'Agrippa, le superflu des eaux
masquer son odeur, à la dose de dix à douze qu'amenaient dans la ville les magnifiques
grains ; on l'administre plus rarement en po aqueducs qu'on admire encore; elles prévin
tion; mais, suspendu dans un liquide aqueux rent par leur courant les engorgements qui
à l'aide d'un jaune d œuf, il est souvent or avaient souvent lieu auparavant dans ces
donné en lavement à la dose d'un demi-gros cloaques , et qui déterminaient des maladies
à un gros. A. épidèmiques, contre lesquelles on avait in
ASSAINISSEMENT (hygiène publique). voqué en vain jusque là la déesse Cloacine.
Des influences multipliées, naturelles ou ac Déjà auparavant, dans les maladies pestilen
cidentelles , nuisent à la santé de l'homme. tielles, Hippocratc avait proposé, pour purifier
Qianger ces influences , les modifier, neutra l'air, auquel il rattachait leur propagation ,
liser leurs effets, en un mot, d'insalubres les d'allumer de grands feux sur les places pu
rendre sa! libres, constituent Vassainissement. bliques. Eu 1521 , Agricola avait imaginé ,
Bien qu'au premier abord l'assainissement pour prévenir les effets délétères des gaz qui
paraisse s'appliquer a trop de circonstances se dégagent dans les mines, d'établir des
opposées , et nécessiter par conséquent trop courants d'air à l'aide du feu ; ce fut le pre
de moyens divers pour qu'on puisse lui assi mier essai de ventilation. Le cardinal de Po-
gner des règles fixes et invariables , il n'est lignac, sous le nom d'Auge, Gt paraître , en
pas cependant entièrement impossible de 1715, sa Mécanique du feu, ouvrage qui ren
présenter quelques principes généraux pro ferme des principes propres à établir la con
pres à lui servir de bases. Ainsi que la na struction des calorifères et des ventilateurs -T
ture et l'exposition du sol que nous occupons, on s'en servit dès 1723 pour assainir la Cham
la disposition de nos habitations et leur agglo bre des Communes d'Angleterre. La venti
mération sur un seul point, quelques uns de lation (voy. ce mot) une fois connue, fut ap
nos procédés, mis en jeu dans les arts, néces pliquée à l'assainissement des navires (1741),
sitent des travaux d'assainissement ; ces tra surtout pour le renouvellement, dans les cales
vaux, sans doute différents, pourront encore et les entre-ponts, de l'air dont la stagnation
n'avoir qu'un but , l'assainissement de l'air, et l'humidité sont la principale cause du
par exemple , la diminution de son humi scorbut. Cependant, malgré quelques applica
dité. A celte fin concourront le dessèchement tions heureuses , on peut dire qu'aucun sys
ASS (42) ASS
lème général d'assainissement n'avait encore certaines circonstances, analysés par les chi
été essayé avant la révolution. L'ancien gou mistes, ont mis sur la voie des précautions à
vernement en avait bien senti la nécessité ; prendre dans le curage des égouts, fosses
mais les attributions diverses des personnages d'aisances, etc.
à qui en avait été confié le soin paralysèrent On sait les mesures prises pour l'assainis
les efforts qui furent tentés. Néanmoins, sous sement des abattoirs, des voiries ; et depuis
l'administration du lieutenant de police Le- quelques années , la possibilité de faire dis
noir, et par les soins de deux pharmaciens paraître ces derniers cloaques, contre les
distingués, Pia et Cadet de Gassicourt, des quels se sont élevées tant de réclamations,
améliorations remarquables furent obtenues n'est plus un problème : l'industrie l'a résolu.
dans la capitale : assainissement de plusieurs Chargée d'examiner un établissement de ce
prisons , prohibition de substances dangereu genre, voici comment une commission prise
ses dans les arts, de métaux altérables dans dans le sein du conseil de salubrité s'expri
la distribution du vin, suppression des sépul mait dans son rapport : « Le sang des animaux
tures dans les églises. Alors aussi on s'occupa est recueilli avec soin , et lorsque la peau
des réformes à apporter dans le régime phy et tous les produits utiles aux arts ont été en
sique suivi dans les hôpitaux, etc.; mais ce fut levés, le cadavre, coupé en morceaux, est
seulement à partir de l'administration du porté dans une caisse assez grande pour con
préfet de police Dubois, en 1802, par la créa tenir quatre chevaux. Cette caisse est mise
tion d'un conseil de salubrité, que Paris vit en communication avec une chaudière à va
enfin un ensemble de mesures prises dans le peur, dont la tension est portée à un degré
but de procéder à Yassainissement général. Ce convenable. Alors la vapeur, élevée à une
conseil fut chargé de surveiller les marchés , haute température, agit sur les chairs, les
rivières, tueries, voiries, cimetières, équarris- détache des os et blanchit ceux-ci en leur
suge, bains, amphithéâtres, fosses d'aisances, enlevant une partie de la graisse qu'ils con
vidanges, le curage des égouls et des puits, tiennent ; dans l'espace d'une heure et demie
les dépôts d'eaux minérales, etc. 11 eut à à deux heures l'opération est terminée, et
s'occuper des épidémies et des épizoolies , de l'on a pour résidu d'un côté des os parfaite
statistique médicale, de la mortalité; à faire ment décharnés , et de l'autre des chairs qui
des recherches pour assainir les ateliers et les n'ont plus de consistance ; elles sont réduites
fabriques , perfectionner les procédés des en hachis. Ces chairs , soumises comme le
professions qui compromettent la salubrité, sont les graines oléagineuses à l'action de la
déterminer les meilleurs modes de nettoie presse hydraulique, sont entièrement privées
ment, d'évacuation des boues; à faire l'ana des parties liquides qu'elles contiennent,
lyse des substances alimentaires, des vases et l'on obtient par ce moyen des tourteaux
suspects, etc. Depuis lors, des règles fixes fu semblables à ceux de noix, et un liquide au-
ient imposées et suivies : la quantité d'air dessus duquel nage toute l'huile que renfer
indispensable à la respiration déterminée par maient les chairs. La rapidité avec laquelle
la science, et les lois et conditions physiques se pratique cette opération n'est pas ce qui
du renouvellement de l'air ( voy. venti la fait le plus remarquer, elle se recommande
lation ) connues, servirent de bases aux surtout par l'état dans lequel elle laisse ies
constructions nouvelles, hôpitaux, salles de chairs qui ne répandent plus d'odeur, et qui,
spectacle, bazars, fabriques, etc. Les mêmes mises de cette manière à l'abri de la putréfac
principes de ventilation ont également servi tion, peuvent élre conservées pendant un
pour le renouvellement de l'air, chargé de va temps illimité et transportées facilement à des
peurs acides ou minérales qui abrégeaient, en distances immenses. » Ce miracle de l'indus
les empoisonnant, la vie des malheureux ou trie, qui d jà avait élé réalisé pour les vi
vriers dans les hôtels des monnaies , les ate danges, assure la destruction, pour l'avenir,
liers où l'on travaille les métaux, etc., et si de ces sentines dégoûtantes connues autour
on réfléchit que plus de douze cents ateliers des villes sous le nom de voiries.
de doreurs seulement existent rien qu'à Pa Mais , indépendamment de l'air, les eaux
ris, quel service la science n'a-t-ellc pas rendu sont également 1res souvent altérées; les eaux
à l'humanité dans celte seule application ! de puils, celles des rivières, peuvent cire im
Les gaz méphitiques qui se développent et pures; l'eau de nier n'est pas potable; diffé
occasionnent de si terribles accidents dans rents procédés, ayant pour but lo filtrace ,
ASS (43) ASS
la distillation, ont paré à ces inconvénients, a pour résultat d'abord de produire un appé
et rendu morne, en les assainissant, les eaux tit artificiel, de solliciter l'ingestion d'uno
de mer bonnes à boire. ( Voy. Eau). plus grande quantité d'aliments que ne peut
L'assainissement , on le voit, se rattache en digérer l'estomac, de déterminer par cet
presque à toute l'hygiène publique; c'est l'un exercice outré du viscère son irritation ai
des sujets les plus importants de l'administra guë ou chronique, lorsqu'ils ne la causent
tion municipale d'une grande cité; il en sera pas eux-mêmes par l'action directement sti
question à une foule de mots différents qui mulante qu'ils exercent sur lui; ensuite d'a
ont été indiqués , mais on devra surtout con mener à la longue l'inactivité, la langueur
sulter l'article Egouts, dont 1 entretien et la de toutes les fonctions, l'usure prématurée
bonne direction intéressent à un si haut point de tous les organes. D'un autre côté, la pri
la salubrité des villes. Akciiambailt. vation des assaisonnements a pour résultat
ASSAISONNEMENTS (%.). Ce mot d'affaiblir les forces digestives, d'engendrer
comprend les diverses substances que l'on fait le dégoût et la satiété trop prompte des sub
entrer dans la préparation des aliments pour stances dépourvues par elles-mêmes d'action
en relever le goût nu faciliter la digestion. stimulante sur les organes du goût et de la
La plupart renferment à peine des éléments digestion, et par suite de produire tous les
nutritifs, et n'agissent guère qu'en vertu de effets d'une alimentation insuffisante. Il y a
leurs qualités stimulantes. Leur usage est donc une certaine mesure à garder dans l'u
commun à tous les peuples civilisés. Les Hé sage des assaisonnements. Ils conviennent,
breux les nommaient malhamium, les Grecs dans les pays chauds , aux tempéraments
airvtuxTa r.ô-J zn<xra , les La t i us condimtnta. L'art lymphatiques, aux vieillards et aux hommes
du cuisinier n'est, pour ainsi dire, que celui adonnés aux professions qui exigent l'em
de les employer à propos. Pendant longtemps ploi de beaucoup de forces. Ils sont contraires
le sel, le miel et la crème furent les seuls en aux habitants du Nord, aux tempéraments
usage. Les Asiatiques employèrent, les pre sanguins, aux bilieux, au jeune âge, à l'âge
miers, à la préparation des aliments les pro adulte, mais surtout aux femmes qui nour
ductions de leur climat, si fertile en ce genre. rissent, et qui pourraient transmettre leurs
La Grèce dut à la sagesse de ses législateurs effets excitants aux organes trop délicats
d'être préservée long-temps de cette branche d'un nouveau-né. Lepecq de la Ciotijre.
de la luxure. .Mais les Komaius, devenus ri ASSAS (Nicolas, chevalier d), est né
ches et puissants, dédaignèrent bientôt la au Vigan. Il était capitaine au régiment d'Au
frugalité de leurs pères, et je doute que nos vergne lorsqu'il s'immortalisa par un dévoue
modernes épicuriens atteignent jamais la re ment à sa patrie, qui dans la Grèce et à Rome
cherche de leurs tables. Pour nous, ce ne fut lui eût valu les honneurs les plus grands. En
que sous Henri II que l'art d'Apicius se fit France, son souvenir est gravé dans tous les
connaître, et l'on peut certainement dire que cœurs bien nés. En 1760, le régiment d'Au
c'est nne des obligations que nous avons à la vergne était campé à Claster-Camp, près do
foule des jeunes Italiens qui suivirent la cour Ciucldre, en Allemagne. Dans la nuit du 15
de Catherine de Médicis. Les assaisonnements au 16 octobre, le chevalier d'Assas étant de
les plus communs de nos jours sont, outre le grand 'garde, fut chargé d'une reconnaissance
sel, les acides, le sucre, l'huile, le piment, dans un bois voisin. Il y pénétra, suivi de
les divers-oignons, les champignons et les quelques uns de ses soldats. A peine a-t-il
truffes, les substances aromatiques appelées fait quelques pas qu'il rencontre une colonne
communément épices, parmi lesquelles nous ennemie qui s'avançait pour surprendre les
citerons le poivre, le girofle, le gingembre, Français. Il est aussitôt enveloppé et menacé
les muscades, la cannelle et la vanille. de mort s'il dit un mot. D'Assas, sachant que
En assaisonnant certains aliments, lhomme le salut de l'armée dépend du cri d'alarme
ne fait qu'imiter la nature, qui nous offre des qu'il peut jeter, n'hésite pas à s'écrier coura
mets rendus plus salubres et plus agréables geusement et d'une voix forte : A moi, Au
par la réunion de principes divers. L'effet vergne, ce sont les ennemis .' Et il tombe frappé
<lts assaisonnements sur l'économie est un d'un coup mortel. Ce beau trait d'héroïsme fut
Mircroitde l'activité des fonctions digestives. récompensé par de brillantes funérailles, et
Ce but est atteint par la stimulation de la Louis XVI créa une pension de 1,000 fr.,
muqueuse de l'estomac. Leur usage immodéré eversiblc à perpétuité sur l'aîné de la famille
ASS ( 44 ) ASS
des d'Atsas. Supprimée pendant la révolu rait être au moins employé contre un ennemi
tion, cette pension fut rétablie par Louis XV11I public. La mise à prix de la tête d'un rebelle,
et continuée depuis. J.-A. D. d'un chef de brigands ou de corsaires, est, par
ASSASSINAT. Attentat résolu ou com cela seul quelle pourrait porter à l'assassinat,
biné d'avance à la vie d'une ou de plusieurs une de ces mesures qu'il faut se garder d'em
personnes. C'est la plus grave des voies de prunter aux polices imparfaites des temps
fait auxquelles l'homme puisse se porter anciens, et qui ne sont pas moins incompa
contre l'homme. C'est aussi une des plus tibles avec les voies légales de salut que la
lâches et des plus odieuses, car elle suppose société possède aujourd'hui, qu'avec les pro
trahison de la part de l'agresseur, surprise et hibitions do la morale et de la religion.
impossibilité de se défendre de la part de la Depuis l'abolition ou la désuétude des
victime. Le mot tout moderne d'assassinat vieilles coutumes rapportées par les Francs
pour exprimer un crime malheureusement de la Germanie , et des lois salique et ri-
aussi ancien que l'humanité, a évidemment puairesur les compositions pour meurtres, les
son étymologie dans le nom d'Assassins donné édils de nos rois punissaient constamment
par nos anciens historiens à une peuplade de l'assassinat des châtiments les plus rigoureux.
la Syrie, dans le moyen âge, qui , fanatisée C'étaient la roue pour les hommes, la corde
par les enseignements de son chef, le Vieux ou la décapitation pour les femmes selon
de la Montagne , produisait une foule de qu'elles étaient roturières ou nobles. Une or
meurtriers à l'aide desquels il se défaisait de donnance de François I,r, en 1534, prescrivait
ses ennemis et principalemeut des princes qu'aussitôt qu un assassinat aurait été com
chrétiens. Que ce récit soit plus ou moins mis dans une ville, on en fermerait les portes
exact, il est certain que l'homicide accompli et l'on sonnerait le tocsin pour empêcher
par embûches ou avec perfidie a depuis lors l'évasion du coupable et avertir qu'on en fit
reçu dans notre langue la dénomination d'as la recherche. Par l'ordonnance de Blois et
sassinat , et qu'uni i le crime a emprunté la celle de 1670 les rois s'étaient interdit à eux-
sienne à ceux de ses agents dont la terrible mêmes d'accorder jamais aux coupables d'as
mission avait dû , en effet, frapper si forte sassinat des lettres de grâce ou d'abolition. Il
ment l'imagination des peuples. y a eu en effet peu d'assassins dont la peine
Presque toutes les sociétés anciennes et ait été remise ou commuée. Un mémorable
modernes ont puni de mort l'assassinat. C'est exemple de la juste sévérité des princes à
la peine du talion la plus naturelle, sinon la l'égard de ces criminels est celui du comte
plus rationnelle de toutes. Si quelques législa de Horn, exécuté sous la régence pouravoir,
tions se sont montrées moins sévères et ont de concert avec un autre individu, assassiné
substitué au dernier supplice l'exil, la con- dans la rue Quincampoix un Juif auquel ils
Gscation des biens ou la perte de la liberté, ce volèrent son portefeuille. Le comte, quoique
sont de rares exceptions qui ne témoignent allié du régent lui-même, ne put être sauvé.
pas pour cela moins d'horreur contre celui qui Notre code pénal actuel définit judicieuse
verse , de propos libéré, le sang de son sem ment l'assassinat : tout meurtre commis avec
blable. Elles attestent seulement ou, dans des préméditation ou de guet-apens (art. 296).
siècles reculés, la barba ie des mœurs, ou, à Les articles 297 et 298 expliquent ainsi ces
des époques plus récentes, l'aversion des lé deux circonstances essentielles de l'assassi
gislateurs pour la peine de mort. Il est pour nat : » La préméditation consiste dans le
tant certaines circonstances dans lesquelles dessein formé avant l'action d'attenter à la
l'histoire nous montre l'assassinat érigé en personne d'un individu déterminé, ou même
maxime et presque en vertu au milieu de de celui qui sera trouvé ou rencontré, quand
nations déjà avancées dans la civilisation. même ce dessein serait dépendant de quelque
Mais ces aberrations de l'esprit humain, tris circonstance ou do quelque condition. Lo
tes fruits de l'exaltation religieuse ou poli guet-apens consiste à attendre plus ou moins
tique, ne tirent pas non plus à conséquence. de temps, dans un ou divers lieux, un indi
L'assassinat, loin d'être autorisé , ne peut vidu, soit pour lui donner la mort, soit pour
jamais même être excusé. Nous ne saurions exercer sur lui des actes de violence. » Cette
donc approuver la doctrine de ceux qui, dernière alternative dans le texte se rapporte
admettant les subtiles distinctions dedrolius, h des agressions d'une nature moins grave
pensent que ce moyen de destruction pour que l'assassinat. L'art. 302 prononce la
ASS (45) ASS
peine do mort contre tout coupable d'asias- ASSASSINS. Les sectes si nombreuses do
*inat. Enfin l'art. 303 assimile aux assassins l'islamisme, quelle que soit la diversité de
tous malfaiteurs, quelle que soit leur déno leurs noms et de leurs dogmes, eurent toutes
mination , qui pour l'exécution de leurs cri une même origine , ou du moinî un même
mes emploient des tortures ou commettent prétexte, le nom d'Ali et les droits de sa pos
des actes de barbarie. Telles sont les dispo térité. Ali, gendre de Mahomet, et longtemps
sitions courtes mais complètes du code sur exclu de son héritage, élevé avec peine au
ce genre de crime. La jurisprudence y aajouté khalifat après trois étrangers, et presque
quelques commentaires et éclaircissements aussitôt assassiné au profit d'un usurpateur,
dont nous analyserons les plus remarquables. avait laissé un souvenir que les malheurs de
Il n'y a pas d'assassinat dans un fait de ses fils rendirent encore plus cher aux Mu
meurtre s'il n'y a pas préméditation. Ce mot sulmans. Se révolter au nom d'Ali et de Fa-
et l'idée qu'il exprime sont tellement néces time sa femme, c'était venger le sang le plus
saires en pareille matière- que l'un et l'autre pur de l'Asie, et venger le prophète lui-même
doivent se trouver dans les questions adres dans ses enfants; cette croyance perdit la fa
sées au jury. La préméditation est en effet mille des Ommiadet. Cependant les Alides eux-
la circonstance caractéristique du fait et qui mêmes semblaient dédaigner leurs droits et
en détermine la moralité. C'est donc ici sur les efforts de leurs partisans; surtout après
tout que l'accessoire doit être distingué du l'élévation des Abassides , ils s'enfoncèrent
principal , que les circonstances doivent être dans l'obscurité , et se multiplièrent si prodi
appréciées séparément de l'événement et tra gieusement qu'ils ne pouvaient plus se recon
duites en questions spéciales. Ainsi, demander naître entre eux. Il devint donc facile d'u
au jury si l'accusé est coupable d'une attaque surper le nom d'Alides, et, en «'attribuant le
à dessein de tuer ou d'assassiner, ou d'un as sang de Mahomet , de réclamer l'héritage de
sassinat sans aulrecxplicalion, c'est poser des sa puissance.
questions nulles. Quoique la préméditation et Les Chiitei, ou divisés ( c'était le nom des
le guet-apens qui la comprend nécessaire partisans d'Ali ), s'étaient d'abord contentés
ment soient , comme nous venons de le dire, de croire et de dire que si Mahomet est l'a
des circonstances tellement caractéristiques pôtre de Dieu, Ali est son vicaire , et en con
de l'assassinat qu'elles en forment , pour ainsi séquence ils chargeaient d'imprécations la
dire, aux yeux de la loi , l'élément constitu mémoire des trois premiers khalifes. Ils allè
tif, elles rentrent néanmoins dans la caté rent plus loin, après que le second fils d'Ali
gorie générale des circonstances aggravantes, eut été mis à mort ; ils proclamèrent les des
et c'est pourquoi la Cour de cassation jugeait cendants d'Ali les seuls Imam légitimes de la
sous l'empire du code pénal de 1810, que la religion musulmane, et ils maudirent comme
déclaration affirmative du jury sur la pré usurpateurs tous les khalifes d'une autre fa
méditation, rendue à la simple majorité, n'en mille. Plus tard encore s'éleva la secte des
entraînait pas moins contre l'accusé la peine Ismaélites; celle-ci prétendait que la qualité
de mort, sans que la Cour d'assises eût be d'iman légitime s'était transmise de père en
soin de délibération sur cette déclaration. A fils, par ordre de primogéniture, dans la raee
plus forte raison en serait-il de même au des Alides ; que leseptième, Ismaël, fils de Dja-
jourd'hui que, d'une part les magistrats ne fer, avait été le dernier visible ; qu'après lui ses
prononcent plus dans aucun cas sur les faits héritiers directs , investis de tous ses droits,
soumis au jury, et que de l'autre, d'après les étaient restés inconnus, mais qu'ils exis
lois de septembre 1835 , la simple majorité taient, qu'il fallait les rechercher et procla
dans lejury, même sur le fait principal, suffit mer khalife celui que sa naissance avait fait
pour la condamnation. iman. Cette doctrine ébranla fortement lu
Les complices du crime d'assassinat sont khalifat de Bagdad par les ravages des Kar-
punis de la même manière que ses auteurs. mathes , et par la fondation du khalifat des
L'assimilation rigoureuse était ici de toute Fatimites en Afrique. Les Ismaélites, tout en
justice. Souvent, en effet, l'assassinat est un se rattachant au souvenir de Mahomet, in
'-rime commandé, et la peine comme la qua terprétaient l'islamisme à leur gré , et le dé
lification est aussi bien due à celui qui sou naturaient entièrement. Ils défendaient de
doie le meurtre qu'à celui qui l'exécute. prendre au sérieux les pratiques du Koran ,
11. des Poutes. telles que la prière, le jeune et l'aumône . et
ASS ( 46 ) ASS
le khalife falimite Hakcm fonda an Kairc une san , à titre de pension , une partie de ses
6ociélé dite de sujette, qui condamnait tout revenus.
ensemble le khalife de Bagdad , comme usur On rapporte que Hassan habita Alamut
pateur, la foi et la morale comme des préju pendant 35 années, et que dans cet intervalle
gés et des folies. La secte des Assassins est sor il ne se montra que deux fois sur la terrasse
tie de celte école. de son palais. C'est alors sans doute qu'il or
Hassan , fils de Sabbah , était né dans le ganisa la société créée par lui , et qu'il la di
Khorazan ; son père, partisan d'Ali , l'a visa en trois classes, les doit, les repek*, et
vait confié, pour éviter les soupçons, à les fèdavié*. Les daït étaient les docteurs, les
un Sunnile renommé par sa vertu entre les prédicants, chargés de convertir les infidè
partisans du khalife de Bagdad ; mais de fré les. Hassan dressa pour eux une instruction
quentes conversations avec les Ismaélites l'en en sept parties; la première est composée d'a-
traîneront dans leur doctrine, et il passa en pophthegmes ou de symboles par lesquels
Egypte pour recevoir de la bouche du khalife on devait se faire reconnaître aux initiés; la
falimite lui-même l'enseignement de la vérité. seconde enseigne l'art de gagner la confiance
Accueilli avec empressement, admis à la plus de ceux qui veulent être initiés; la troisième
intime faveur , et bientôt disgracié par l'ha l'art d'embarrasser l'esprit du candidat en
bileté des courtisans , il revint en Asie, à lui soufflant le doute sur les dogmes; la qua
travers mille dangers , rapportant un grand trième contient le serment par lequel le can
désir de puissance , et tous les moyens néces didat s'engage au secret et à l'obéissance pas
saires pour y parvenir ( vers l'an 1073 ). sive envers ses chefs; la cinquième expose
Quelle n'est pas en effet la force attractive de l'histoire de l'ordre et l'antiquité de sa doc
toute doctrine qui détruit la foi et la morale , trine; la sixième récapitule les cinq premiè
en conservant une apparence de religion? La res; la septième, avouant enfin le but réel de
nature humaine croit malgré elle, mais elle l'association , enseigne que les articles de foi
ne veut pa combattre ses penchants, et si du Koran et les principes de morale ne sont
elle rencontre un prédicant qui concilie ce que des allégories, et que nul n'est tenu d'y
sentiment religieux dont elle ne peut se dis croire ou de les observer. Il était encore en
traire, et cette licence qu'elle aime , elle l'a tendu que tous les membres proclameraient
dorera, et lui obéira dans ses plus stupides pour chef le khalife fatimile du Kaire, mais
volontés. L'affranchissement de l'orgueil et qu'en réalité ils s'efforceraient de soutenir la
des sens , déjà introduit par l'islamisme pur, puissance du chef de l'association. Les reficks
était poussé , selon la loi inévitable de l'er étaient les compagnons, les initiés de la doc
reur, jusqu'à ses conséquences extrêmes dans trine; le peuple, soumis à l'autorité tout à la
l'enseignement des Ismaélites. Hassan fit ra fois religieuse et temporelle du chef suprême.
pidement des disciples nombreux, et avec Les fédaviét ou dévoués, étaient las instru
leur dévouement il s'empara de la forteresse ments des volontés et des vengeances de leur
d'Alamut dans le voisinage du sultan Malek- maître. Enfermés dès leur enfance dans les
Schah; d'autres châteaux s'élevèrent dans palais sans autre société que leurs dais, ils
les environs: en vain Malek-Schah voulut les apprenaient que leur salut éternel dépendait
détruire ; son grand visir fut mis à mort par de leur dévouement, et qu'une seule déso
un des disciples d'Hassan, et lui-même mou béissance les damnait pour toujours. A celte
rut sans avoir le temps d'assurer sa ven crainte du châtiment se joignait avec la mê
geance. D'autres meurtres, d'autres mena me efficacité l'espoir des récompenses; ou
ces, agrandirent cette puissance naissante. leur promettait le paradis, on leur en don
Le sultan Sindjar, qui régnait dans la partie nait quelquefois une jouissance anticipée.
nord-ouest de la Perse , s'était déclaré l'en Pendant leur sommeil provoqué par une
nemi des nouveaux sectaires : un malin à boisson enivrante, ils étaient transportés dans
son réveil , il trouve un stylet aiguisé près de magniGques jardins où ils trouvaient à
de sa tête , et au bout de quelques jours il re leur réveil tous les enchantements de la vo
çoit une lettre ainsi conçue : a Si nous n'a- lupté ; après quelques jours de félicité ex
» vions pas de bonnes in tentions pour le sultan, trême , le même breuvage les endormait de
» nous aurions enfoncé dans son cœur le poi- nouveau, et ils retournaient sans le savoir au
» gnard qui a été placé près de sa tête. » Sind lieu d'où on les avait emportés. A leur réveil
jar fit la paix par crainte, et accorda à Has ils racontaient , comme un songe ou comme
ASS (47 ) ASS
une réalité, celle sorte de ravissement dont mécontent de leurs menaces , il demanda et
ils avaient joui , et ils s'animaient encore ]>ar il obtint réparation. Les Assassins ne succom
ce souvenir d'un bonheur passager à mériter bèrent que sous les coups des Mongols en
celui qui n'aura pas de fin. Introduits quel 1258; le septième successeur d'Hassan, Rok-
quefois devant leur seigneur, celui-ci leur neddin Kharchah , régnait alors ; les Mon
demandait s'ils voulaient qu'il leur donnât le gols , sous la conduite d'Houlagou , le vain
paradis, et sur leur réponse qu'ils étaient quirent et le mirent à mort. Les Assassins ,
prêts à exécuter ses ordres , il leur remettait recherchés dans toute l'Asie, furent impi
un poignard et leur désignait une victime. toyablement massacrés, partout où il fut pos
Quelque chose de plus atroce que de pareils sible d'en trouver. Cependant ils ne purent
ordres , c'était la froide constance de l'exécu tous être atteints , et il en existe encore au
tion. Ils vinrent cent-vingt successivement jourd'hui dans la Perse, sur les bords do l'In-
pour tuer un sultan; tous les autres y péri dus et du Gange, et dans les montagnes du
rent, le dernier seul réussit. Les uns, chargés Liban ; ils ont perdu leur puissance et leur
de tuer le prince de Damas , se présentent à fureur de meurtre ; mais ils conservent en
lui comme palefreniers et le poignardent en partie la doctrine ismaélite. C. Gaillamh\.
le servant ; d'autres, pour assassiner le mar ASSAUT. Soit qu'il s'agisse d'un jeu d'es
quis de Montferrat, se font chrétiens , pren crime, le fleuret à la main, ou d'une insulte
nent des liabils de religieux, et, par une qui emporte une brèche, le mot vient éga
pieté affectée, gagnent la confiance du clergé lement de l'italien assalto j aussi d'abord
et du prince, et, quand ils Tout poignardé, s'est-il écrit assault. Celle des expressions qui
souffrent en riant les tortures au milieu des a enfanté l'autre est l'assaut sérieux , ter
quelles ils périssent. Plusieurs s'étant réunis rible. Les Français, car les étymologies doi
pour tuer le prince de Mosoul, un seul échappa vent s'expliquer par l'histoire , ont appris et
à la mort; sa mère pleura sa honte, comme emprunté ces mots dans leurs excursions en
cette mère lacédémonienne dont le fils revint Italie au xve siècle , parce que Milan et Na-
des Tliermopyles. ples étaient les pays où florissait l'escrime ,
(Jette société portait différents noms ; on tandis que Venise mettait au jour les pre
les appelait Ismaélites orientaux pour les dis mières notions qui aient été publiées sur
tinguer do ceux d'Egypte ; Batlténiens ou l'art des fortifications et la marche des sièges.
partisans du culte intérieur ; Molahed ou Nous ne prétendons pas que , plus ancienne
impies , enfin Assassins. Ce nom n'est qu'une ment , la langue française ne connût les as
corruption de hachichin, qui lui-même vient sauts et n'eût des termes pour exprimer ce
de liachich ; le hachich était un breuvage genre d'action ; mais le vocabulaire ne s'était
enivrant qui servait à endormir les fédaviés. pas fixé sur l'emploi d'une appellation tech
Le chef suprême s'appelait le Seigneur des nique , et employait à peu près dans le même
couteaux , et plus souvent le seigneur de la sens : assal , assalie , envaye, ren verdie. Bor
Montagne , Scheick al Djébal. Le sens pri nons-nous à dire ici quelques mots des assauts
mitif de seigneur, dérivé de senior, nous a de place.
fait traduire ce mot par Vieux de la Mon Les assauts sont de diverses espèces : ils
tagne. sont subits ou méthodiques -, il n'y a presque
La puissance des Assassins s'étendit par rien à dire des premiers ; c'est au coup d'oeil
des acquisitions successives depuis la Médi du général , c'est à 1 a-propos de sa détermi
terranée jusqu'au fond du Turquçstan ; tous nation , c'est à la vigueur des troupes à
leurs châteaux étaient divisés en trois pro triompher, soit par escalade, soit par la
vinces : celles de Djébal, de Kuhistan et de rupture des défenses ou renfoncement des
Syrie ; chaque province avait à sa tète un portes, de la résistance des postes fermés.
tiailbekir , immédiatement soumis au vieux Les assauts à la suite d'un siège métktbdi<|uc
de la montagne. Pendant les 150 années que sont une opération des plus graves , parce
remplissent les règnes A' Hassan et de ses suc que leur succès même est une occasion de
cesseurs , ils entretinrent une continuello pertes énormes, et que trop souvent leur
terreur dans l'âme de tous les souverains de réussite préparc le sac de la place et tous les
l'Asie. Le seul prince qui ne fléchit pas de désordres , toutes les horreurs d'une troupe
vant eux , et dont ils révérèrent la fermeté , qui a brisé le frein de la discipline, et qui
ce fut saint Louis : il leur signifia qu'il était échappe à la main de ses officiers. Aussi
ASS (48 ) ASS
Femjulères ot Vauban qui regardaient la bro cle de fureur ot non plus de science où le
che rendue praticable commo une assez puis combat sans merci se compose d'une multi
sante leçon donnée aux assiégés, conseil- tude de duels à outrance. Si l'opiniâtreté de
laient-ilsdenedonnerqu'àladernière nécessité la défense ne se dénient pas , mais que pour
un assaut qui, sous peu d'heures , peut-être, tant l'énergie de l'assaillant gagne la crête
deviendrait une boucherie injustifiable Mais de ce champ de bataille si ingrat, et qu'une
la guerre a des nécessités devant lesquelles fois arrivé à ce point il ait lieu d'appréhen
tout doit plier; ainsi il fallait emporter d'as der l'explosion d'un volcan artificiel , il s'ar
saut Constantine , sous peine d'y creuser le rête et s'abrite contre les feux du réduit ;
tombeau de l'armée française. On connaît ainsi le faisaient les troupes de Gustave-
trois genres d'assauts : l'assaut des dehors ou Adolphe, quand un son de trompette, quand
d'un dehors ; l'assaut au corps de place, et les une voix d'officier leur intimaient ce neeplut
assauts généraux. Ces derniers sont un cas ultra qui n'était jamais désobéi. Aussitôt
fort rare , parce qu'ils supposent un concert cette halte , les mineurs , les sapeurs , les
d'attaques simultanées de la part d'une ar ouvriers s'empressent de construire un loge
mée considérable. Tel fut pourtant l'assaut ment à feu; l'artillerie y porte à bras ses
de Berg-op-Zoom par Lowendal. Les assauts pièces. C'est sur ce point culminant, sur ce
des dehors se donnent plus ordinairement de fort improvisé que doit être apportée la
nuit , afin de rendre sans effet le feu des dé plume de la capitulation. Heureux les vain
fenses de l'enceinte. L'assaut au corps de la queurs , heureux les vaincus qui, prenant le
place est l'assaut type , l'assaut monstre ; temps de relever leurs mutilés et de compter
c'est pour son succès que se déploient toute leurs morts , s'épargnent ainsi les atrocités
la science, tous les efforts du siège offensif, d'un sac et les infamies d'un pillage! Depuis
toutes les finesses du cheminement, toutes les derniers siècles, les assauts les plus meur
les ruses de la sape volante , toutes les pré triers , les plus mémorables, se sont exercés
cautions du passage du fossé. Sitôt que le eu Espagne -, leurs fureurs, leur obstination,
mineur, arrivé au pied de l'escarpe, c'était leurs imprudences fanfaronnes, ont noyé do
du moins l'ancienne manière , s'était enterré sang des villes qui ne s'en relèveront jamais ;
dans son trou , la brèche devenait inévita mais c'est surtout dans l'Inde qu'ils ont été
blement prochaine, mais ne se travaillait, conduits d'une manière terrible, gigantes
pour ainsi dire, que mystérieusement. Main que ; l'assaut de Seringaptnam a détruit un
tenant , c'est plutôt par des salves , par de empire puissant, et de nos jours, en 1825 ,
gros projectiles creux , tirés presque à bout douze mille Anglais gravissaient en colonne
porlaut, qu'on ébauche, qu'on talute la brèche. compacte la brèche de Khartpoor. Baudin.
Cependant l'assiégé fait les amas d'artifices ASSELINE (Jean-René), évêque de Bou
et de tous les matériaux de défense ; il se logne, né à Paris, en 1742, dans un; con
hâte de construire un réduit, espèce d'ar dition humble, ne dut son élévation qu'à son
rière-bastion , dans un bastion. Suivant les mérite. Entré au séminaire des Trente-Trois,
temps, suivant les usages, il préparait des après s'être fait honorablement distinguerai!
bûchers, des fougasses, mettait en état les collège de Navarre, et avoir obtenu le prix
fourneaux de mines, rassemblait des ser- d'honneur au concours de l'Université , il
pentaux , des chausse-trapes , des chemises suivit le cours des études théologiques , fut
à feu , des brandons , des sacs à poudre , des admis en Sorbonne , devint le premier de sa
barils fulminants, des bouteilles fulminantes, licence, et, jeune encore, obtint, par ses bril
des cruches à feu , des armes de longueur et lants succès, la chaire d'hébreu fondée par
de rempart, et disposait le réduit de manière le duc d'Orléans. Un peu plus tard, M. de
à avoir des vues, c'est-à-dire de telle sorte Beaumont , archevêque de Taris , se l'atta
que ses feux pussent nettoyer lu brèche ; en cha en le nommant son grand-vicaire , et la
même temps de l'infanterie d'élite , et autre même marque d'intérêt et de confiance lui
fois la gendarmerie elle-même, la maison fut continuée par M. de Juigné, jusqu'en 1789.
du roi , comme elle fit à Valeucieiincs, se A cette époque , M. de Pompignan , arche
disposaient à gravir , par petites colonnes vêque de Vienne , étant devenu ministre de
successivement lancées , le glacis de la brè la Feuille, proposa Asseline pour l'évéclié
che reconnu praticable. Alors so renouvelle de Boulogne qui se trouvait vacant. Sacré le
ce spectacle de la guerre antique , ce specta 2 janvier 1790 , le nour lu prélat se rendit
ASS ( *9) ASS
immédiatement dans son diocèse , où bientôt i celles au comte de Stolberg , on a de lui uito
les violences de la révolution lui firent dé Exposition du Symbole , des Réflexions sur
ployer dans toute son énergie chrétienne , les vertus théologales , dus Considérations sur
en faveur de l'Eglise de France , le zèle dont l'Eucharistie, des Méditations, des Pratiques
il avait été heureusement animé d'abord pour de Pieté, etc. Ses OEuvres choisies ont été
le bien de son troupeau. Un des premiers , il publiées en 1823, en G vol. in 12 , par son
combattit les innovations de l'Assemblée con ami, M. l'abbe Préinord. E. R.
stituante. L'instruction pastorale qu'il donna ASSEMAAl. Plusieurs orientalistes ont
le 24 octobre 1790 fut adoptée par un grand renduce nom célèbre. Le premier est Joseph-
nombre d'évêques. Forcé de passer en Flan Simon , maronite , archevêque de Tyr, cha
dre, l'année suivante, il abandonna cette noine du Vatican. Il a laissé d'excellents ou
résidence lorsque les Pays-Bas furent en vrages sur la littérature et les langues de l'O
vahis par les troupes françaises. Retiré en rient, entre autres une Ribliotheca orientalis
Allemagne , il ne cessa , pendant le long Clemenlino-Vaticana , recensens manuscriptos
exil qu'il y subit, d'entretenir des relations codices , syriacos , arabicos , persicos, turcicos,
avec son diocèse , et d'y envoyer des instruc hsbraicos , samarilanos , armenicos, œthiopi-
tions relatives aux circonstances où se trou cos, etc. , Rome, 1719-1728; Sancli Ephrem
vait la religion. Parmi les personnages mar Syri opéra omnia quœ extunt grœce , sy rince
quants avec lesquels son savoir et ses vertus et latine, etc. , édition publiée par son neveu,
le mirent alors en rapport, nous devons ci Rome, 1732-1754. Joseph Simon Assemani
ter le comte de Stolberg , connu par ses était né en 1687; il mourut octogénaire, le
écrits et par l'éclat de sa conversion. Ayant 14 janvier 1768. On doit à Etienne-Evode
reçu d'Assclino de nombreuses instructions Assemaki, qui succéda à son oncle dans la
sur les dogmes et les pratiques du culte apo charge de préfet de la biblothèqiie du Vati
stolique et romain, M. de Stolberg abandonna can, outre la publication des Œuvres de
le lulhérianisme , en 1800, et se fit catho saint Ephrem dont nous venons de parler, les
lique avec presque toute sa famille. L'instruc Acta marlyrum orientalium et occidentalium ,
tion donnée le 15 août 1798, sur les atteintes in duas parles dislributa, etc... Rome, 1748,
portées à la religion, et signée de quarante- 2 vol. in- loi.
huit évoques, fut rédigée par Asseline, dont Joseph -Louis Assemam, professeur de
la grande influence amena , lors du concor syriaque à la sapience et au collège do la
dat de 1801 , la détermination des évéques propagande , mort en 1782 , est auteur d'un
français retirés dans le pays de Munster ou Codex liiurgicus ecclesiœ , 1749-1763, 12 vol.
dans les environs. Ils firent tous des réponses in-4°; d'une Dissertalio de sacris relibus,
dilatoires au bref du 15 août 1801. Asseline 1757, in-4" ; il a fait aussi des Commenlana
est l'auteur de la lettre du 26 mars 1802; il de ecclesiis , earum revereniia et asilo , 1766 ,
a fait également les Réclamations canoniques in-fol.; Commentaria de calholicis seu pu-
du 4 avril 1803 , et enfin la Suite des Récla triarchis C/taldœorum et Neslorianorum ,
mations , datée du 8 avril 1804. 1775, in-4».
Après lamort de l'abbé Edgeworth, en 1807, Simon Assemam, professeur de langues
Louis XVIII, qui se trouvait alors à Mit- orientales au séminaire de Padoue , de la fa
tau , fit appeler Asseline auprès de lui ; mille des précédents, se livra pendant douze
mais le roi exilé fut obligé de partir subite ans aux fatigues de la mission en Orient.
ment et passa en Angleterre, où le prélat ne Rappelé à Rome par ses oncles il fut depuis
put arriver que l'année suivante. Il y mou attiré à Vienne , et employé pendant quel
rut dans sa résidence d'Ailesbury , près Hart- que temps à la bibliothèque impériale. Il
wel , le 10 avril 1813 , après avoir été pen mourut le 7 avril 1821 à Padoue, où il occu
dant cinq ans le confesseur de Louis XVIII, pait au séminaire une chaire pour les langues
de monseigneur le duc et de madame la du orientales. 11 a écrit en italien ou en latin
chesse d'Angoulême, et avoir vécu tout ce 1° une Description d'un globe céleste arabe ,
temps dans l'intimité de la famille royale. chargé d'inscriptions eufiques , provenant du,
— Il a laissé des ouvrages assez nombreux. musée Borgia , Padoue, 1790 , in-fol. ; 2° Des
Outre ses Instructions pastorales, ses Ser cription du musée eufique de Nani à Venise;
mons , ses Lettres à une dame protestante 3° une Dissertation sur les monuments arabesvn
qui se convertit depuis au catholicisme , et Sicile et à Vienne. Ou lui doit aussi un Cata-
Encycl. du XIX* tiède, t. IV. 4
ASS ( a" ) ASS
ligue raisonné des monuments orientaux de la c'est-à-dire dont le tenon et la mortaise pren
Bibliothèque de Nani. Assemani était né à nent toute l'épaisseur du bois ; et à mi-bois,
Tripoli de Syrie le 15 mars 1749. avec embrèvement ou renfort, etc.
ASSEMBLAGE. On appelle assemblage Assemblage bout à bout. Il se fait en sifflet,
la réunion de deux pièces de bois, de fer, etc., & mi-bois, ele. Lorsqu'il s'agit de réunir bout
au moyen d'unjoint tellement disposé, qu'elles à bout des pièces de bois qui doivent ètro
puissent s'adapter l'une à l'autre de manière placées verticalement, on emploie avec succès
à former un tout aussi solide que possible. des tenons à mortaises simples, doubles, angu
On emploie à cet effet des coupes plus ou laires, en croix, etc.
moins variées et qui su modifient selon la Des traits de Jupiter. Cet assemblage, quo
forme et la position des matériaux que I on l'on emploie habituellement pour composer
veut assembler. un tirant ou un entrait de plusieurs pièces de
En général , ces assemblages sont faits à bois, à défaut de morceaux assez longs, a ,
tenons et mortaises ; il y en a cependant qui lorsqu'il est bien exécuté, une très grande
se pratiquenlau moyen d'encastrements plus solidité. Il se compose d'entailles diverse
ou moins compliqués; tels sont, par exemple, ment inclinées et formant différents angles
ceux que l'on désigne sous lu nom de traits aigus. Les pièces emboîtées les unes dans les
de Jupiter. autres sont serrées avec un coin ou une clef ,
Assemblage à moitié bois. C'est un des plus cl boulonnées fortement.
simples : on l'emploie ordinairement pour Lorsque la pièce assemblée à trait de Ju
réunir deux pièces de bois qui se croisent piter doit porter une charge sans avoir de sou-
carrément ou obliquement. Après les avoir lien, il vaut mieux la placer de manière que
placées l'une sur l'autre dans la position où la clef soit verticale cl les boulons sur le côté,
elles doivent se trouver, on trace avec une en faisant faire un quart de tour à la poutre.
pointe , sur les faces en contact , deux lignes De cette manière, les deux parties s'.irc-bou-
qui indiquent l'épaisseur de la pièce opposée ; tent l'une sur l'autre et résistent davantage à
puis on passe un trait de scie jusqu'à moitié la flexion. Pour plus de solidité, on les serre
et on enlève la moitié du bois , de telle sorte fortement
On modifieavecdedeux
plusieurs
colliers
manières
de fer. la coupe
que les deux pièccsencastréesl'uned.ms l'au
tre n'aient quel'épaisseur d'une seule. On fixe des traits de ,'upiler, soit qu'on incline diver
avec une chevi.le ou un boulon. sement les différents plans qui la composent,
Assemblage à tenon et mortaise. On divise soit qu'on y pratique des tenons et des mor
en trois l'épaisseur de la pièce de bois, par taises. Quel que soit le tracé que l'on adopte,
deux lignes tracées dans le sens de sa lon cet assemblage résiste toujours mieux dans
gueur ; on trace une ligne d equerre, à la le sens de la longueur pour s'opposer à 1 érar-
longueur que l'on veut donner au tenon. On lemenl des fermes , par exemple , que pour
enlève à la scie, en suivant les traits, les deux supporter une charge. Dans ce dernier cas, il
portions extérieures du bois, de manière à ne est bon de le soutenir par une bride de fer qui
laisser que le tenon au milieu. Puis avec re le joigne au poinçon de la charpente.
querra et le compas on trace sur l'autre pièce ASSEMBLÉE DE FAMILLE (j»rùp. ).
un carré long qui ait la même dimension que On désigne en droit, sous le titre d'assemblée
le tenon, et on le creuse avec le bee-d'dne. de famille, une réunion de parents ou d'alliés
On peut encore pratiquer sur un des côtés qui est chargée, sous la présidence du juge
du tenon ou même sur les deux , un épaulc- de paix, de veiller aux intérêts de certaines
ment double, en disposant la mortaise de ma personnes, telles que les interdits et les mi
nière à ce que le premier épaulements'y loge neurs, et qui est appelée quelquefois à don
exactement. On appelle ce procédé assem ner son avis sur l'existence de certains faits,
blage en embrètement. On fait aussi quelque sur la convenance ou l'opportunité de cer
fois des tenons doubles et triples, ele taines mesures. Ces sortes d'assemblées sont
Assemblage à queue d'aronde. On nomme appelées ordinairement par le législateur
ainsi un assemblage qui se pratique par en conseils de famille.
taille plus large nu fond que sur le bord, et Les attributions des assemblées de famille
qui doit recevoir un tenon en forme de sont extrêmement nombreuses. Nous ne pour
queue d'hirondelle, d'où lui vient son nom. rions en faire ici réntimération sans entrer
On le fuit à queue perdue, à queue percée, dans des détails fort arides, qui ne présente
ASS ( ai ) ASS
raient, en dernière analyse, qu'une assez comme subsistant toujours après la mort de
mince ulililé. Nous nous contenterons à cet l'époux qui la produisait lorsqu'il a laissé des
égard de quelques notions générales. enfants is^us de son union avec 1 autre époux.
Le conseil de famille joue surtout un rôle .Mais lorsque le mariage n'a donné le jour à
important en matière de tutelle et de cura aucun enfant , ou lorsque les enfants sont dé
telle. Il nomme aux mineurs non émanci cèdes , l'affinité est éteinte. Les frères ger
pés des tuteurs et des subrogés-tuteurs à dé mains elles maris des sœurs germaines sont
faut de tuteurs légitimes ou testamentaires. 11 seuls exceptés de la limitation du nombre de
confirme, dans certains cas, les tuteurs tes six parents ou alliés désignés par la loi pour
tamentaires; et quelquefois il décide de la composer le conseil. S ils sont six ou au-delà,
préférence entre plusieurs ascendants appelés ils sont tous membres du conseil de famille ,
concurremment!! la lu telle légale. 11 peut, en qu'ils composent seuls , avec les veuves d'as
cas de convoi de mère devenue veuve, lui con cendants et les ascendants valablement excu
server ou lui retirer la tutelle. Il délibère sur sés de la tutelle, s'il y en a. S'ils ront en
les excuses proposées par les tuleurs et su nombre inférieur, les autres parents ne sont
brogés-tuteurs, et sur leur exclusion ou des appelés que pour comploter le conseil.
titution. Il accorde et retire, dans certains En appelant les veuves d'ascendant à faire
cas, aux mineurs le bénéfice de 1 émancipa partie du coftseil de famille, le législateur
tion. Il nomme un curateur au mineur éman s'est servi dune expression qui rend impar
cipé. Il assiste et surveille les tuleurs et cu faitement sa pensée, et qui pourrait donner
rateurs dans leur administration. Il intervient lieu à des méprises, si le véritable sens de
dans tous les actes qui ont une certaine im ses dispositions n'était pas suffisamment indi
portance pour les mineurs. qué par l'art. 4i2. Par ces mots, veuve d'as
En matière d'interdiction, ses fonctions cendant* , il faut entendre, non les ascendantes
ne sont pas moins importantes. Ainsi, il donne par alliance, c'est-à-dire les secondes femmes
son avis sur l'état mental de la personne que des ascendants du mineur, qui, d après l'ar
Ion veut faire interdire ou placer sous les ticle 4i2, seraient exclues du conseil de fa
liens d'un conseil judiciaire. 11 est consulté mille, mais bien les maris ascendants ou les
\ir le même objet lorsqu'il s'agit de révoquer ascendantes devenues veuves. Le projet pri
le jugement qui a prononcé l'interdiction ou mitif portait seulement ces mots : les ascen
qui a nommé un conseil. Il remplit, à l'égard dantes. Le changement opéré a eu pour but
de l'interdit, d'autres attributions, d'autant unique d'empêcher que les ascendantes ne
plus nombreuses que l'interdit est en général fussent considérées comme pouvant faire
assimilé au mineur non émancipé pour l'admi partie du conseil de famille du vivant de leurs
nistration de sa personne et de ses biens, et maris. Du reste , les ascendantes veuves et
'{n'en outre sa position particulière donne lieu les ascendants valablement excusés de la tu
a certaines mesures qui ne peuvent être néces telle ne sont pas membres nécessaires du con
saires dans le cas de minorité. seil de famille. Ils sont libres d'y assister ou
Nous retrouvons l'intervention du conseil de n'y pas assister. Ils ne sont pas compris
de famille dans une foule d'autres circon dans le nombre de six parents nécessaire à
stances de la vie civile. Ainsi , en matière de sa composition. Lorsque les frères germains
désaveu , de tutelle officieuse , de donations et
brelesinférieur
maris des
à sœurs
six , ilgermaines
faut , outre
sont
lesenascen
nom-,
faites à des sourds-muets, de substitutions, de
réduction d'hypothèques, et dans 'plusieurs dantes et les ascendants valablement excusés,
autres matières , nous voyons le législateur appeler d'autres parents pour compléter le
recourir à la sage vigilance des conseils de conseil. 11 en est autrement à l'égard des as
famille, et leur confier les plus graves intérêts. cendants qui nu sont pas valablement excusés
Le conseil de famille est composé, non com de la tutelle, ou qui n'y étaient pas appelés
pris le juge de paix, de six parents ou alliés, parla loi. Ceux-là font nécessairement par
moitié du côté paternel , moitié du côté ma tie du conseil de famille , et ils doivent être
ternel, en suivant l'ordre de proximité dans comptés dans le nombre do six parents in
chaque ligne. Le parent est préféré à l'allié dispensable pour sa composition. Si les frères
du même degré, et parmi les parents ou les germains et les maris des sœurs germaines
alliés du même degré, le plus âgé à celui qui sont en nombre pair, on doit appeler un
lest le moins. L'alliance doit être considérée nombre égal de parents dans chaque ligne.
ASS ( 52 ) ASS
S'ils sont en nombre impair, on peut pren mentionnés au numéro 5 de l'art. 42 du Code
dre indifféremment le nombre supérieur dans pénal ; 3" ceux qui ont été condamnés pour
une ligne ou dans l'autre , suivant que les attentat aux mœurs, en excitant, favorisant
circonstances le font juger convenable aux ou facilitant la débauche ou la corruption de
intérêts du mineur. Quant aux sœurs ger la jeunesse de l'un ou de l'autre sexe au-des
maines, elles ne peuvent jamais faire partie sous de l'âge de vingt et un ans pendant la
du conseil de famille, même après le décès durée de l'interdiction temporaire prononcée,
de leurs maris. en pareille circonstance, par les art. 334 et
Les parents ou alliés pour composer le con 335 du Code pénal; 4» les individus en état
seil de famille doivent être pris en général de contumace; 5» enfin, les condamnés aux
tant dans la commune nù s'ouvre la tutelle travaux forcés à temps , à la détention ou à
que dans la distance de deux myriamètres. la réclusion pendant la durée de leur peine.
Lorsque les parents ou alliés de l'une o i l'au Ces individus, en effet, sonl places, pendant un
tre ligne se trouvent en nombre insuffisant espacede temps, en état d'interdiction légale.
sur les lieux , ou dans le rayon de deux my Après l'expiration de leur peine, ils pourraient
riamètres , le juge de paix appelle , soit des être membres d'un conseil de famille, à moins
parents ou alliés domiciliés à de plus grandes qu'ils n'eussent été exclus ou destitués d'une
distances, soit dans la commune même, des tutelle à raison de leur condamnation. Les
citoyens connus pour avoir eu des relations condamnations au bannissement et à la dé
habituelles d'amitié avec le père ou la mère gradation civique n'emportent pas la prohi
du mineur. Le juge de paix peut, lors même bition d'assister aux assemblées de famille;
qu'il y aurait sur les lieux un nombre suffi mais on sent que la peine du bannissement
sant de parents ou alliés , permettre de citer, met celui qui la subit dans l'impossibilité
à quelque distance qu'ils soient domiciliés , d'être convoqué utilement pour prendre part
des parents ou alliés plus proches en degré , aux délibérations du conseil. Le tuteur ne
ou de même degré que les parents ou alliés peut voter dans les conseils de famille qui sont
présents , do manière toutefois que cela convoqués pour prononcer la destitution
s'opère en retranchant quelques uns de ces du subrogé-tuteur. Il ne peut également
derniers , et sans excéder le nombre réglé voter lors de la nomination du subrogé tu
par la loi. Les enfants naturels, même léga teur. Mais les incapacités étant de droit
lement reconnus, n'ayant point d'autres pa étroit, et ne pouvant être suppléées, le su
rents que leurs père et mère, le conseil de brogé-tuteur peut faire partie du conseil de
famille appelé à s'occuper de leurs intérêts famille lorsque les intérêts du mineur ne
ne peut évidemment être composé que d'amis. sont pas en opposition avec ceux du tuteur.
Il est certaines personnes que la loi déclare Dans le cas prévu par l'art. 2144 du Codo
incapables de faire partie d'un conseil de fa civil, l'assemblée de famille appelée à donner
mille, et qui en conséquence n'y doivent son avis sur la réduction de l'hypothèque
point être appelées. Tels sont, d'après l'article légale de la femme, doit être composée seu
442 du Code civil, 1° les mineurs, excepté lement
D'après
des larticle
quatre plus
406 du
proches
Code parents.
civil, le con
le père ou la mère ; 2° les interdits; 3° lus
femmes autres que la mère ou les ascendan seil de lamille appelé à nommer un tuteur
tes: 4" tous ceux qui ont, ou dont les pères datif au mineur, doit se réunir devant le juge
ou mères ont avec les mineurs un procès dans de paix du domicile de ce dernier. Cette dis
lequel l'état de ce mineur, sa fortune, ou position doit être restreinte au cas où la
une partie notable de ses biens sont compro tutelle dative s'ouvre pour la première fois.
mis- Tels sont aussi , d'après l'art. 445 du Quant aux convocations postérieures, elles
même Code, ceux qui ont été exclus ou des doivent avoir lieu devant le juge de paix du
titués d'une tutelle. On doit ajouter à la no canton où la tutelle s'est ouverte, sans aucun
menclature des personnes indiquées p;ir les égard au domicile actuel du mineur. S'il en
art. 442 et 445 , comme incapables d'être était autrement , le mineur n'ayant d'autre
membres d'un conseil de famille: 1° les indi domicile légal que celui de son tuteur, il dé
vidus frappés de mort civile; 2° ceux qui ont pendrait de ce dernier de modifier à chaque
subi une condamnation correctionnelle, dont instant la composition du conseil de famille
l'effet est de priver, pendant un temps dé en transportant successivement son domicile
terminé, de l'exercice des droits de famille dans plusieurs localités différentes. Ce prin
ASS (53) ASS
cipe paraît cependant devoir cesser d'être ap senter plus d'une personne. La loi n'exige
plicable, lorsque c'est le père, la mère ou tout pas que la procuration soit donnée par acte
autre ascendant qui vient à changer de rési authentique ; elle peut dès lors être sous si
dence pendant la durée de la tutelle qui lui gnature privée. Du reste, la procuration ne
est confiée par la loi; on doit dans ce cas doit pas indiquer le parti qui devra être pris
convoquer le conseil de famille devant lejuge par le mandataire dans la délibération à la
de paix du domicile actuel de l'ascendant, quelle il est appelé à concourir. Une telle
qui est aussi celui du mineur. On sent que indication contrarierait le vœu du législateur,
l'affection présumée des pères et mères ou des puisque le fondé de pouvoir se trouvant lié
autres ascendants présente des garanties qui d'avance par un mandat impératif, ne pour
n'existent pas dans les cas ordinaires. Eu rait être éclairé par la discussion. Tout pa
matière d'interdiction ou de nomination de rent, allié ou ami , convoqué , et qui , sans
conseil judiciaire , le conseil de famille doit excuse légitime, ne comparait point, encourt
être convoqué devant lejuge de paix du do une amende qui ne peut excéder 50 francs,
micile de l'individu auquel s'applique la me et qui est prononcée sans appel par le juge de
sure qui est propo-ee. Après que l'interdiction paix. S'il y a excuse suffisante et qu'il con
aète prononcée, on doit suivre les règles que vienne, soit d'attendre le membre absent,
nous venons d'exposer pour le cas de mino soit de le remplacer, en ce cas, comme en
rité. Dans le cas prévu par 1 art. 2 1 V V du tout autre où l'intérêt du mineur semble
Code civil, l'assemblée de famille doit se réu l'exiger, le juge de paix peut ajourner l'as
nir au lieu du domicile du mari. semblée ou la proroger. Nous avons déjà dit
Le conseil de famille est convoqué sur la que les ascendantes veuves et les ascendants
réquisition et à la diligence des parents du valablement excusés de la tutelle ne font
mineur, de ses créanciers, ou de toute autre point partie nécessaire du conseil de famille,
partie intéressée , telle, par exemple, qu'un et qu'ils sont libres d'y assister ou de n'y pas
débiteur du mineur qui veut se libérer, un assister. Leur défaut de comparution ne peut
propriétaire qui veut faire liciter l'immeuble en conséquence donner lieu contre eux à au
commun, etc. Il peut aussi être convoqué d'of cune peine.
fice par lejuge de paix. Toute personne peut L'assemblée se tient, de plein droit, chez
dénoncer à ce magistrat le fait qui donne lieu le juge de paix, à moins qu'il ne désigne lui-
à la convocation. Le délai pour comparaître même un autre local. La séance doit avoir
est réglé par le juge de paix à jour fixe. Les lieu à huis clos. La loi n'exige pas, comme
membres du conseil peuvent comparaître vo lorsqu'il s'agit des actes de juridiction con-
lontairement ; mais , s'ils ne sont pas sur les tentieuse du juge de^paix , que ce magistrat
lieux , ou s'ils ne veulent pas comparaître laisse les portes ouvertes. On sent que les
sans citation, ils doivent être assignés, de motifs qui ont fait établir la publicité des
manière qu'il y ait toujours entre la citation auditoires ne reçoivent point ici leur appli
notifiée et le jour indiqué pour la réunion du cation, et qu'il pourrait y avoir de graves
conseil un intervalle de trois jours au moins, inconvénients à discuter des secrets de fa
quand toutes les personnes citées résident mille devant des étrangers qui n'ont aucun
dans la commune ou dans la distance de deux intérêt à les connaître. Le conseil de famille
myriamètres. Lorsque parmi les personnes ne peut délibérer valablement qu'autant que
citées il s'en trouve de domiciliées au-delà de les trois quarts au moins de ses membres
cette distance, le délai est augmenté d'un jour convoqués sont présents. Il est évident, d'a
par trois myriamètres. Le délai fixé de trois près l'ensemble des dispositions de la loi sur
jours, et le délai supplémentaire accordé à la matière, que lejuge de paix ne doit pasêtro
raison de la distance doivent être francs, con compris dans le nombre des membres du con
formément à la règle générale posée dans l'ar seil, dont les trois quarts sont nécessaires pour
ticle 1033 du Code de procédure civile, c'est- la validité des délibérations.
à-dire que le jour de la citation et celui de l'é Le conseil de famille est présidé par le juge
chéance du délai ne doivent pas être comptés. de paix ; il y a voix délibérative et prépon
Les parents, alliés ou amis , ainsi convo dérante en cas de partage. Suivant M. Toul-
qués, sont tenus de se rendre en personne ou lier, la majorité absolue des suffrages n'est
de se faire représenter par un mandataire pas nécessaire pour former la délibération.
spécial. Le fondé de pouvoir ne peut repré La majorité relative suffit, dit-il; car ce
ASS ( 54 ) ASS
n'est qu'à cette majorité que peut se rappor l'arrondissement duquel le consoil de famille
ter la prépondérance du juge de paix. Si s'est assemblé. Le président , par ordonnance
donc, ajoute M. Toullier, trois des six mem sur requête, mise au bas de la délibération,
bres convoqués donnaient leurs voix à un ordonne la communication au ministère pu
candidat, deux autres à uu second candidat, blic , et commet un juge pour faire le rap
et le sixième à un troisième, le second can port de l'affaire à jour indiqué. Le procureur
didat serait nommé si le juge de paix lui du roi donne ses conclusions au bas de l'or
donnait son suffrage. M. Dalloz et M. Locré donnance. La minute du jugement d'homo
sont du même avis. L'opinion de M. Toul logation est mise à la suite de ces conclusions
lier a été réfutée par MM. Duranton et Del- sur le même cahier. Si le tuteur ou autre-,
vincourt. Suivant ces deux auteurs , les dé chargé de poursuivre l'homologation , ne le
libérations du conseil de famille doivent êtrefait pas dans le délai fixé , ou , à défaut de
fixai ion, dans le délai de quinzaine, un des
prises à la pluralité absolue des suffrages, et
non pas simplement à la pluralité relative. membres de l'assemblée peut poursuivre l'ho
Dans l'hypothèse indiquée par M. Toullier, mologation contre le tuteur, et aux frais de
le candidat qii aurait obtenu deux voix et celui-i'i, sans répétition. Ceux des membres
celle du juge de paix ne serait pas légalementde rassemblée qui croient devoir s'opposer à
nommé, puisqu'il n'aurait pour lui que qua l'homologation, sont tenus de le déclarer par
tre voix , en accordant au juge de paix un acte exlrajudiciaire à celui qui est chargé de
double suffrage, et qu'il aurait quatre voix la poursuivre ; et s'ils n'ont pas été appelés ,
contre lui. Mais alors comment devra se iis peuvent former tierce- opposition au ju
former la délibération ? Suivant M. Delvin- gement.
court, la voix isolée devra se ranger du côté Lorsque les délibérations du conseil de fa
de l'une des deux autres opinions, ainsi que mille n'ont pas été unanimes, le luleur, su
cela se pratique dans les tribunaux. M. Duran brogé-tuteur ou curateur, même les membres
ton propose de faire nommer , dans ce de l'assemblée , peuvent se pourvoir contre la
ras, un départageant par le conseil de fa délibération. Us forment leur demande con
mille ou par le juge de paix. tre ceux qui ont été d'avis de la délibération,
Toutes les fois que la délibération n'est sans qu'il soit nécessaire d'appeler en conci
pas unanime, l'avis de chacun des membres liation. La cause est jugée sommairement sur
qui composent le conseil de famille doit être les conclusions du ministère public. Les ju
exprimé au procès-verbal. Toute délibéra gements rendus dans ce eus, ainsi que ceux
tion du conseil de famille qui prononce l'ex relatifs à l'homologation des délibérations ,
clusion ou la destitution ,du tuteur doit êtresont toujours sujets à l'appel. Les frais faits
motivée, et ne peut être prise qu'après avoir par les membres du conseil de familie pour
entendu ou appelé le tuteur. soutenir une délibération à laquelle iis ont
Les délibérations qui ne contiennent pris part, peuvent, suivant les circonstan
qu'une simple nomination de tuteur ou de ces, être mis à la charge personnelle, ou être
subrogé -tu leur, n'ont pas besoin d'être ho alloués comme frais d'administration de la
mologuées pour recevoir toute l'exécution tutelle ou de la curatelle. Celte règle , qui
dont elles sont susceptibles. Il en est autre n'est pas écrite textuellement dans la loi, peut
ment à l'égard des délibérations qui excluent s'induire de l'art. 441 du Code civil. Lorsque
ou destituent des tuteurs ou subrogés-tuteurs.la délibération du conseil de famille a pour
Lorsqu'il y a réclamation de leur part, ces objet l'exclusion ou la destitution du tuteur ,
sortes de délibérations doivent être soumises le tuteur exclu ou destitué peut assigner le
à l'homologation des tribunaux. L'homolo subrogé-tuteur pour se faire déclarer main
gation des délibérations du conseil de famille
tenu dans la tutelle. La cause s'engage alors
est
bre également
de circonstances
nécessaire
énumérées
dans un par
grand
le légis
nom'
entre le tuteur et le subrogé-tuteur seuls. Les
parents ou alliés qui ont requis la convoca
lateur, telles que celles qui sont prévues tion peuvent intervenir dans l'instance ; mais
par les art. 458, 467 et 511 du Code civil le tuteur ne pourrait les appeler sans faire
Dans tous les cas où il s'agit d'une délibéra des frais frustratoires, qui devraient être re
tion sujette à homologation .une expédition jetés de la taxe.
de la délibération doit être présentée au pré La loi n'a point prononcé la nullité des dé
sident du tribunal de première instance dans libérations prises par le conseil de famille
ASS (55) ASS
dans le cas où les règles qu'elle a Irapées au lieu de vous, donnez-moi le droit de sépul
raient élé violées. 11 faut conclure de ce si ture, afin que j'ensevelisse mon mort.» Les fils
lence que les tribunaux sont investis en celle de Heth lui répondirent:» Ecoulez-nous, sei
matière d'un pouvoir très étendu. Il leur ap gneur, vous ëles un prince de Dieu au milieu
partient d'apprécier, comme le dit M. Toui de nous ; ensevelissez votre mort dans les sé
ller, si les circonstances impriment aux con pulcres que nous nous sommes choisis. » Abra
traventions un caractère assez grave pour ham se lève , il salue le peuple de cette terre,
qu'elles doivent entraîner la nullité des actes c'est-à-dire les filsdeZfefA, et leur dit- « S il
où elles ont élé commises. On peut voir, dans vous plaît que j'ensevelisse mon mort, inter
M. Dalloz, comment la jurisprudence a fait cédez pour moi auprès d'Ephron, fils de Séor,
l'application de cette doctrine. Dans tous les afin qu'il ine donne la double caverne qu'il
cas, la nullité de la délibération contenant possède à l'extrémité de son champ. » Or
nomination d'un tuteur ne peutdonner lieu à Ephrou habitait au milieu des fils de Heth ,
l'annulation des actes faits par les tiers qui et il répondit à Abraham en présence de tous
ont traité de bonne foi avec le tuteur irrégu ceux qui cuiraient dans la ville : « Je te donne
lièrement nommé. le champ et la caverne qui s'y trouve, en
Lorsqu'une délibération du conseil de fa présence des fils de mon peuple; ensevelis
mille est annulée ou réformée, si celte réfor ton mort... La terre que lu me demandes
mation ou cette annulation nécessite une vaut quatre cents sicles d'argent... » Abra
délibération ultérieure, l'assemblée de fa ham donna en présence des fils de Heth la
mille doit se réunir sous la présidence du somme demandée... Et il fut confirmé dans
même juge de paix qui a présidé la première la possession du champ et de la caverne qui
réunion. Les parents ou alliés qui ont pris s'y trouvait, par les fils de Heth. (Ge
part à la délibération primitive ne sont pas nèse, 23. ) Lorsque les fils de Jacob promet
non plus exclus de la nouvelle assemblée de tent au roi de Sichem leur alliance, à la con
famille. Les membres des conseils de famille dition qu'il se fera circoncire avec les siens,
ne sont pas responsables de l'annulation ou de le roi Hémorel son fils viennent à la porto
la réformation des délibérations auxquelles ils de la ville , et disent au peuple: « Voilà des
ont pris part, sauf les condamnations aux hommes pacifiques; ils veulent habiter avec
frais auxquelles ils peuvent être soumis dans nous, qu'ils fassent le commerce dans nolro
certains cas. lis no répondent pas davantage terre, et qu'ils la cultivent; nous prendrons
de l'insolvabilité ou de la mauvaise admi leurs filles pour femmes, et nous leur donne
nistration du tuteur qu'ils ont nommé, à rons nos filles. 11 n'y a qu'une chose qui peut
moins qu'ils n'aient agi frauduleusement, ou empêcher un si grand bien, il faudrait nous
avec une indifférence telle que leur faule faire circoncire, à leur imitation. « Tout le
doive être assimilée au dol ; par exemple , peuple approuva et tout les mâles furent
s'ils avaient nommé pour tuteur un individu circoncis.» (Genèse, 34.)
eu état de faillite ou notoirement insolvable. Telles sont les plus anciennes assemblées
ASSEMBLÉES. Dieu a créé la société, dont l'histoire ait conservé le souvenir. On
comme la lumière, par une parole: il n'est y trouve une nation toute formée, distincte
pas bon que l'homme soit seul; et chaque des autres, qui a son territoire, qui s'assem
liomme a éprouvé, par sa propre faiblesse, ble pour défendre ses droits, ou pour les
la vérité de cet enseignement. L'usage des communiquer à l'étranger, ou pour confir
assemblées est aussi ancien que les sociétés; mer une transaction entre un de ses conci
il procède du même principe, du même be toyens et un étranger. Toutefois il serait fort
soin d'union, de la même impossibilité de difficile de constater dans l'Orient l'usage
faire fructifier l'isolement. On le retrouve constamment suivi des assemblées politiques.
doue partout, au commencement des na L'Orient est la terre par excellence du pou
tions comme au milieu ou à la fin de leur voir absolu. Les Nemrod, les forts chasseurs,
histoire, chez les barbares ou les sauvages eurent bien vite assujetti à leurs volontés
comme chez les peuples civilisés. Lorsque leurs compagnons , et l'exemple du roi de Si
Abraham veut acheter dans une terre étran chem consultant son peuple n'a pas eu beau
gère un tombeau pour Sara , il s'adresse à coup d'imitateurs. Les Egyptiens, dit Héro
la société , au peuple des fils de Heth , et dote ( Euterpe ), sont les premiers qui aient
leurdit:o Je suis étranger et voyageur au mi inventé les assemblées générales ; les Grecs
ASS (56) ASS
en ont reçu l'usage de l'Egypte. Les Egyp dédire à Moïse : « Tout ce que le Seigneur a
tiens ne se rassemblent pas seulement une ordonné, nousle ferons. » Long-temps après,
fois dans l'année, mais fort souvent: à Bu lorsque les Israélites veulent un roi, et qu'ils
baste pour honorer Diane, à Busiris pour rejettent non pas Samuel, mais Dieu, parce
honorer Isis, à Sais pour honorer Minerve, qu'ils ne veulent plus que Dieu règne sur
à Héliopolis pour honorer le soleil; k Buto eux, Samuel fonde la royauté absolue, en leur
pour honorer Diane, à Paprèmis pour hono annonçant quel s.-ra le pouvoir du roi : a II
rer Mars. Et voici ce qu'ils font en se ren prendra vos fils et les mettra sur ses. chars,
dant à Bubaste. Les hommes et les femmes il en fera des cavaliers et des piqueurs; il pren
naviguent ensemble; il y a sur chaque bateau dra vos filles pour en faire des parfumeuses ,
un grand nombre de passagers. Pendant tout des chambrières , des panetières; il prendra
le trajet , une partie des femmes jouent de voschamps, vos vignes, vos meilleurs plants
l'atabale, une partie des hommes jouent d'olivier, et les donnera k ses serviteurs; il
de la flûte; les autres hommes et femmes prendra la dîme de vos moissons et du produit
chantent en battant des mains. Quand ils ar de vos vignes... Et en ce jour-là vous pousse
rivent près de quelque ville , ils approchent rez des cris contre le roi que vous aurez choisi,
les bateaux de la terre. Alors les joueuses mais leSeigneur ne vous écoutera pas, parce
d'atabale continuent , d'autres femmes cher que vous avez demandé un roi. » Ainsi point
chent à insulter par leurs cris et leurs plai d'assemblées politiques, point de délibéra
santeries les femmes de la ville ; d'autres tions en Israël: seulement le peuple se ras
dansent, d'autres restant debout s'efforcent semblera pour entendre lire la loi, ou prier
d'attirer les regards par leurs indécences. Dieu dans chaque ville, et dans les grandes
Quand ils sont arrivés à Bubaste, ils célè solennités il viendra de tous les points au
brent la fête par de grands sacrifices, et con temple unique pour honorer par un même
somment plus de vin dans celle seule fôle que sacrifice le Dieu unique devant lequel il n'y a
pendant tout le reste de l'année. On y voit point d'autre Dieu. Moïse avait encore prescrit
réunis, au r.ipport des indigènes, soixante- les assemblées judiciaires. Il avait lui-même
dix myriades d'hommes et de femmes, sans transmis aux soixante-douze son droit déju
compter les enfants. ge; il ordonna au peuple de constituer dans
LesEgyptiens, au temps d'Hérodote, n'a chaque ville, après la conquête de la terre de
vaient donc plus que des assemblées religieu Chanaan, des juges et des mailres qui siége
ses , et peut-être n'en ont-ils jamais eu d'au raient aux portes. Mais lorsqu'il rendait lui-
tres, k moins qu'au temps de leurs rois même la justice, il était entouré de tout le
indigènes ce ne fût en présence du peuple peuple; il ordonna donc que les juges rem
rassemblé qu'on jugeât les rois morts. Nous plissent leurs fondions devant le peuple, que
ne voyons pas non plus chez les Babyloniens, les questions de droit et de fait fussent débat
les Assyriens , les Perses, d'assemblées poli tues devant le peuple, et c'est au peuple'qu'il
tiques. Chez les Juifs, les assemblées sont re remit l'exécution des sentences de mort. « Si
ligieuses ou judiciaires. C'est la vocation de quelqu'un , dit le Lévitique , immole un
Moïse qui crée lanationalité Juive, qui sépare de ses enfants à l'idole de Moloch , qu'il
les fils d'Israël des Gentils, qui les réunit meure; le peuple du pays le lapidera. »( Voy .
sous un nom , sous une loi qui leur soit pro Exode, ch. 19; Levit.cn. 20, 23; Nombres, ch.
pre, qui leur prépare la possession d'un ter 15. 35;Deuter., ch.16; et le livre de Buth. )
ritoire indépendant. Or Moïse est l'envoyé En Grèce, les assemblées ont un autre ca
de Dieu , l'organe humain qui communi ractère. Il n'y a pas ici , comme chez les Juifs,
que de Dieu à l'homme la loi complète et une religion qui soit la loi publique, ni,
immuable, la loi qui a tout prévu, et que comme chez toutes les nations orientales,
nul ne peut changer sans prévarication. une royauté dont le caprice soit la loi uni
Toute la synagogue des fils d'Israël rassem que de tous. La Grèce est le pays de la li
blés dans le désert voit de ses yeux la mon berté, telle que les païens la comprenaient ,
tagne où Dieu tonne , d'où brillent les éclairs, alliée à l'esclavage : ce sera donc le peuple
où sonne la trompette; elleentendde ses oreil qui se gouvernera , ou croira se gouverner
les : « Je suis le Seigneur ton Dieu , » et tous lui-même par ses délibérations et par ses dé-
les commandements qui dérivent de cette pa I cisions; c'est aux assemblées que seront sou
role, et elle n'a plus aulre chose k faire que mis, non plus seulement la justice, mais eu
ASS ( 57 ) ASS
core les grands intérêts de l'État. A juger do renverser les villes amphictyoniques, de no
tous les autres peuples par Athènes et Sparte, jamais détourner, soit pendant la paix, soit
il ya partout des places publiques qui se rem pendant la guerre, les forces nécessaires à
plissent , des orateurs qui parlent , et un peu leurs besoins: si quelque puissance ose l'en
ple qui vote. Le sénat de Sparte, présidé par treprendre, nous marcherons contre elle, et
lesrois, exa:niue et décide le premier; le nous détruirons ses villes. Si des impies enlè
peuple approuve. A Athènes, par les lois de vent les offrandes du temple d'Apollon , nous
Solon, tous les citoyens ont le droit d'assister jurons d'employer nos pieds, nos bras , notre
aux assemblées , de faire des lois, de voter la voix , toutes nos forces contre eux et leurs
guerre, les alliances, les impôts, et de révi complices. » On portait donc à cette assem
ser les jugements des divers tribunaux. Nous blée les causes des confédérés, civiles ou cri
avons du reste constaté ce genre d'assem minelles , et l'assemblée jugeait a la pluralité
blées dans l'histoire des premières sociétés des voix, condamnait le coupable à une
humaines: ce qui est particulier à la Grèce, amende, et pouvait au besoin le retrancher
ce sont les confédérations et les assemblées de la confédération. L'utilité d'une pareille
fédérales. Le même besoin d'union qui rap association se voit d'elle-même; les peuples
proché les individus pour en faire un peu grecs pouvaient ainsi demeurer en bonne
ple, a rapproché les différents peuples pour intelligence par leur propre jugement. Ce
tn faire une confédération. Depuis les am- pendant d'iniques sentences ont été pronon
pliictyonies d'Acrisius ou de Deucalion, jus cées par les amphictyons, et la guerre est
qu'à la ligue achéenne d'Aratus et de Philo- sortie, quelquefois atroce, de leur justice.
pémen, toutes les peuplades de la Grèce se Tel peuple a inspiré sa haine aux autres con
sont proposé la communauté des forces fédérés , et a demandé aux efforts communs
comme le seul moyen de salut contre les in sa vengeance personnelle. La cause en est
vasions des ennemis extérieurs , ou les mau bien connue, f Iliaque peuple avait deux voix
vais desseins des ennemis intérieurs. Il y eut au conseil, et s'y faisait représenter par deux
dans les premiers temps six amphictyonics: ou trois pylagores. Celte assemblée de repré
aux Therrnopyles, à Delphes, en Béolie, à sentants, délibérant loin de leurs mandatai
Calaurie, à l'isthme de Corinlhe, à Eivlri.! res, sans surveillance et sans compte à ren
cnEubée,sans compter les jeux publics d'O- dre, n'était pas bien difficile à corrompre,
lympie.de Némée, de Delphes, de l'Isthme, surtout depuis que l'or des rois de l'erse eut
où sans doute on ne délibérait pas, mais où tenté de vénalité tant d'âmes grecques; on
les différents peuples étaient invités à se voir, sait l'épouvantable guerre sacrée da Phoci-
à se connaître, h entretenir entre eux de bons dieus et la désolation de la Phocide, et com
rapports, à faire acte d'union par leur seule ment l'assemblée des répré. entants a deux
présence. Ces usages pa gèrent en Asie-Mi fois vendu le pays à Philippe, roi de Macé
neure avec les colonies grecques. Les douze doine. La ligue achéenne reproduisit, dans
villes ioniennes de la côte de Lydie avaient les derniers temps de l'histoire grecque, la
leur panionium , et les Doriens de la côte de tentative d'union qui avait donné naissance
Carie leur hexapole , qui devint plus tard aux amphictyonics: elle eut ses assemblées
ptntapole. Quoique chacune de ces réunions générales , composées dis députés des diffé
commençât par un sacrifice , et que la com rents confédérés. Mais elle venait trop tard,
munauté de sacrifices fût le signe de l'al le dédain de l'intérêt général , les jalousies
liance entre deux villes; quoique les jeux pu individuelles , l'ambition des rois de Macé
blics eux-mêmes eussent été institués pour doine , la vénalité des orateurs, et surtout
honorer un Dieu, Jupiter, N ptune ou Apol l'inextricable fourbe des Romains, empochè
lon, ce ne sont pourtant pas des assemblées rent l'œuvie d'Aratus de se communiquer à
religieuses , mais des assemblées politiques toute la Grèce, et en détruisirent successive
placées par un acte religieux sous la protec ment tous les effets.
tion d'une divinité. Peu à peu l'esprit d'asso On trouvera à l'article comices les détails
ciation s'étendit , et des six amphictyonics, il des assemblées chez les Romains : ici nous
«en resta qu'une seule commune presque à nous contenterons d'exposer quelques idées
tous les peuples : elle se tenait aux Thermo- générales. Les assemblées romaines commen
Pylesdeux fois par an ; les confédérés pronon cent avec Rome, et finissent à rétablisse
çaient ce serment: « Nous jurons de ne jamais ment de l'empire. Sous les rois , ce sont les
ASS (58) ASS
comices curiates , d'après la division de la stance et la confusion apparente des deux
population romaine en trente curies. L'auto- ordres patricien et plébéien dans l'admission
rite royale, qui domine tout, ne laisse en égale à touteslcs charges, il resta toujours les
core paraître l'aristocratie que dans l'institu deux ordres que les institutions de Servius
tion du sénat, et le peuple assemblé ne porte Tullius avaient constitués légalement, et que
qu'un seul nom, n'exerce qu'une même au rien ne peut détruire : je veux dire les riches
torite, sans distinction de patriciens et de et les pauvres, la seule noblesse et la seule
plébéiens. A mesure que l'aristocratie prend plèbe qui soient réellement. Les plébéiens
delà consistance , surtout par l'introduction parvenus depuis Licinus Stolo jusqu'à Cicé-
des mœurs étrusques, les assemblées devien ron firent cause commune avec l'aristocra
nent plus aristocratiques. Servius Tullius, tie; et admis par leurs richesses à la première
conquérant étrusque selon la tradition la plus classe, comme aux charges, ils conservèrent
vraisemblable, inventa les comices centuria- les comices ceuturiales ; les comices par tri
tes. La fortune est l'origine la plus fëcondede bus restèrent à la multitude et aux ambitieux
l'aristocratie, et si lanoblessepeut s'acquérir qui voudraient s'en servir pour parvenir à
encore par la naissance , par la gloire mili leur tour. Les comices cessent au commen
taire , par l'illustration personnelle, il n'est cement de l'empire : la démocratie qui triom
que trop vrai que la fortune en est le seul phe dans cette révolution, et qui se confie
soutien , et que la pauvreté désanoblit. Ser à un seul homme, ne songe pas plus à s'occu
vius Tullius, en divisant le peuple en six clas per des affaires qu'elle ne permet aux grands
ses d'après la richesse , en admettant dans la de s'en occuper. En même temps l'empire est
premier» le plus petit nombre qui possédait l'époque où la cité romaine, si long-temps ja
beaucoup, en reléguant dans la dernière le louse de son étroite enceinte et fermée aux
plus grand nombre qui ne possédait rien , en vaincus, se dilate et s'ouvre à tous les peu
fin en donnant à la première classe plus de ples ; le tilre de citoyen romain , si rare dans
voix qu'aux cinq autres réunies , consacra celle vasle domination et si oppresseur, se
dans les assemblées lasupériorilé de l'aristo communique successivement à toutes les
cratie , et la preuve la plus concluante de ce provinces, confond les vainqueurs et les
résultat, c'est que le* patriciens, après avoir vaincus, et fait une seule nation de toutes
chassé les rois, gardé: eut rigoureusement les nations, et une ville de l'univers entier.
l'usage des comices ceuturiales, parce que Or, si ce tilre de citoyen romain cûl emporté
dans ces comices rien ne se décidait que par le droit de prendre part aux assemblées,
eux et pour eux. Cependant les plébéiens de d'examiner les affaires de l'Etat, de choisir
venaient nombreux, et s'enhardissaient par les magistrats, eût-il été possible au monde
l'oppression même à la repousser de leurs tê romain
La chute
de s'entendre
de l'empire
ou nous
mêmerévèle
de se les
réunir?
Bar
tes. Ils donnèrent enfin le premier exemple
de ce que peut la force d'inertie; et par le bares en les mêlant aux Romains. Les Bar
refus d'agir, ils obtinrent le droit d'avoir des bares ont aussi leurs assemblées : l'usage des
tribuns, d'abord magistrats d'inertie eux- cours-attaï est manifesté chez les Scythes de
mêmes, qui n'avaient que le droit d'empê puis Attila jusqu'à Gcngiskhan. Quant aux
cher. Ce fut un tribun qui, sur la parole im Germains, on sait leurs réunions mensuelles,
prudente d'un consul , acquit le droit de leursdélibérationssurleurs affaires politiques,
convoquer le peuple, et qui , faute de pouvoir la justice rendue par ces assemblées. Cet
augurai pour former une assemblée centu- usage va donc entrer avec eux dans les pro
riale, rangea son monde par tribus; comices vinces romaines. Le christianisme avait aussi
nouveaux où la multitude réunie sans distinc introduit un nouveau genre d'assemblées:
tion de fortune ou de noblesse, emporta les depuis que la vraie religion avait été révélée
décisions par son poids irrésistible. Ainsi, la à l'homme, il y avait dans le monde deux
république romaine eut deux sortes d'assem puissances, la spirituelle et la temporelle,
blées, l'aristocratique et la populaire. Celle l'Église et l'État. Quoique l'Église ait un chef
dualité dura jusqu'à la lin de la république, unique , centre de toute unité , seul investi du
parce qu'elle trouva dans le sort de la popu droit de confirmer set frère) , ce chef unique
lation les mômes conditions d'existence. convoque ces frères à défendre avec lui la
Quelqu'aitétéle progrès croissantdes tribuns, pureté de la foi, à maintenir l intégrité de la
l'égalité politique emportée par leur con discipline, à faire éclater l'accord de tous les
ASS 59 ASS
pasteurs dans un^ mémo décision, l'unité im plaids majeurs, appelés encore Champs-de-
muable de renseignement catholique. Ces as Mars ou parlements chez les Francs, Champ-
semblées sont les conciles. de-Murs chez les Lombards, wHtenagemot
Nous renvoyons au mol Concile pour tout chez les Anglo-Saxons; et les plaids mineurs,
w qui concerne les conciles œcuméniques ou ou assemblées du comté , de la vicomte, de la
çcnéraïuc, les conciles nationaux , les conciles centaine, chez tous les peuples. Cependant
provinciaux. Il suffit de faire remarquer ici la dispersion des hommes libres sur un ter
nue dans l'église le gouvernement vient de ritoire bien autrement large que les ancien
lautorilé et non des administrés; que les nes limites de chaque tribu germaine, appor
conciles sont les assemblées de l'église et non tait de grandes difficultés à la conservation
des enfants de l'église; que ce sont les pas des assemblées. 11 n'était pas facile à tout
teurs qui commandent, et que les ouailles ne homme librede faire chaque année un voyage
sont appelées qu'à connaître la décision pour long, coûteux, dangereux, dans une contrée
la mettre en pratique; dillérenee essentielle mal connue, mal préservée des violences ;
qui sépare profondément lus conciles de toutes d'abandonner ses propres affaires, le soin do
les autres assemblées. Nous n'entrerons pas son domaine, la garde de sa famille, pour
davantage dans les détails des assemblées po venir exercer un droit dont on comprenait
litiques au moyen âge et dans les temps mo- moins de jour en jour l'importance. Peu à
d>mes; on trouvera toutes ces choses aux peu les assemblées générales furent rempla
mois Parlement , Chahp-de-Mars , Diète , cées par les réunions des évêques et des no
Etats généraux, Cortès, et dans l'histoire bles, et il n'y eut en cela aucune prédomi
de certaines assemblées qui ont laissé des nance de parti, aucun privilège de caste,
souvenirs particuliers, telles que la Consti- mais simplement abandon de la part des hom
tiaxte ou la Convention. Les idées géné mes libres d'un droit onéreux à ceux qui
rales qui expliquent l'origine ou la nature des avaient le temps ou la volonté de l'exercer.
différentes assemblées sont seules l'objet de Charlomagne ne put lui-même rétablir I an
cet article. cien usage, et il n'appela véritablement à ses
Tacite nous apprend que chez les Germains assemblées que des représentants de chaque
il y avait deux genres d'assemblées: les gé province, pour apprendre par eux ce qu'il
nérales tout à la fois politiques et judiciaires, fallait faire, et le décider avec eux. Les ca
les particulières qui n'étaient que judiciaires. pitulâmes du même prince constatent encore
Toute la tribu se rendait à rassemblée géné que les assemblées particulières elles-mêmes
rale, écoulait, approuvait ou improuvait les étaient également tombées en désuétude,
différents avis , décidait de la paix ou de la puisqu'il créa des scabins ou assesseurs ré
guerre , et jugeait les procès. Les assemblées guliers des magistrats publics, afin que le
particulières étaient pour ainsi dire une dé magistrat ne fût pas exposé à prononcer seul
légation de l'autre; des juges choisis dans dans les affaires judiciaires.
l'assemblée générale se présentaient danscha- C'est encore l'isolement qui nous explique
que bourg pour y rendre la justice , et se fai pourquoi nous ne voyons pas d'assemblées
saient assister par cent hommes choisis dans générales pendant l'époque féodale. La féo
le bourg, qui étaient tout à la fois leur con dalité avait fait de chaque terre un petit
seil et leur autorité. Les choses ne se modi royaume , de chaque possesseur un petit roi ,
fièrent que lentement sur la (erre romaine. investi de tous les droits de la souveraineté ;
Les Barbares y conservèrent des assemblées chacun régnait chez soi , sans soucis des inté
générales, où tous les hommes libres du pays rêts d autrui , se défendant seul, ne sortant
étaient convoqués, où se décidaient l'élection de cette solitude égoïste que lorsqu'il était
des rois, la paix et la guerre; où la justice mandé par son suzerain , ou qu'il convoquait
était rendue. Chaque localité eut aussi son lui-même ses vassaux. Les cours des pairs,
assemblée particulière; là, tout magistrat ces réunions judiciaires où le suzerain juge
public, investi du droit do représenter le son vassal par le suffrage de ses autres vas
souverain, rendait la justice assisté du peu saux, voilà les seules assemblées qui puissent
ple que les divisions gouvernementales résulter du système féodal. L' Allemagne, il
avaient circonscrit sous son autorité; celait est vrai, fait exception. Pendant long-temps
le devoir aussi bien que le droitde tout homme toute la nation, c'est-à-dire l'armée, se ras
libre d'assister à ces réunions. Tels furent les semble pour élire le souverain , ou discuter
ASS ( GO) ASS
les grands intérêts publics; mais peu à peu opération s'appelle faire lepar corps. Chaque
cette diète politique ne réunit plus que les cahier ne doit pas contenir plus de dix à
nobles, les princes, ou du moins des repré douze feuilles. Les feuilles étant assemblées,
sentants. il faut les collationner, c'est-à-dire vérifier,
A mesure que la féodalité s'affaiblit, et en lisant les signatures , si les exemplaires
que le pouvoir royal s'accroît, les assemblées sont complets ou s'il n'y a pas de feuille
reparaissent en France. D'abord les assem double. L'assemblage ne se fait ainsi que lors
blées communales {voy. le mot Commune ), que l'on veut conserver les exemplaires en
puis l'assemblée du parlement ou la cour fouilles; lorsqu'on veut les brocher de suile
de justice du roi , puis les réunions des pré on n'assemble qu'après la pliure. On emploie
lats et des nobles; enfin les états généraux depuis quelque temps une machine à assem
où le roi appelle les représentants des com bler qui permet à l'ouvrier de rester assis au
munes à côté des nobles et des prélats. En lieu de se promener continuellement le longde
Angleterre, la tyrannie des Guillaume, la table sur laquelle sont déposées les feuilles.
continuée parles Planlagenets , soulève les Qu'on se figure un pilastre reposant sur un pied
nobles ; la grande charte, ar: achée à Jean- à quatre branches consolidé par des arcs-bou-
sans-Terre, anime les vainqueurs à fonder, tants qui se termine par un pivot. Sur ce
sous Henri III , la chambre des lords; et le pivot est placé un disque épais au centre du
succès des lords anime les habitants libres des quel est creusée une espèce de crapaudine; ce
comtés à réclamer leur part dans le gouver disque reçoit des barres horizontales dispo
nement; sous le môme prince , l'admission sées comme les raies d'une roue, au bout de
des chevaliers des comtés aux assemblées des chaque raie est une palette. Sur chacune de
nobles fonde la chambre des communes. Le ces palettes on place le tirage d'une feuille;
parlementanglais, devenu toujours plus puis la palelte est en outre supportée par une
sant parla résistance même des rois, apparaît tringle en fer qui vient s'appuyer sur un col
définitivement constitué sous Edouard III. lier tournant embrassant le pied immobile.
En Espagne , la guerre des Maures ayant Il résulte de celte disposition qu'en faisant un
donné aux habitants des villes, avec la même second rang de raies inférieur au premier,
gloire, la même importance qu'aux nobles, mais situé dans les intervalles; on place sur
les représentants des villes entrent dans les la même circonférence un nombre de tas dou
corlès de l'Aragon et de la Caslille. Eu Al ble. La légère impulsion que l'assembleur
lemagne, à la fin du xiir siècle, les villes donne en levant la feuille suffit pour entrete
impériales prennent rang dans la diète avec nir le mouvement de rotation de toute la
les princes ecclésiastiques et séculiers. En machine.
un mot, à mesure qu'une partie de la popu ASSEK , célèbre rabbin , naquit, l'an 353,
lation arrive à la vie politique, elle entre en à Sora, sur l'Euphrate ; il s'acquit une grande
droit de participer aux droits politiques qui réputation par sa méthode d'enseignement
s'exercent surtout dans les assemblées. C. G. et par le nombre de ses élèves, qui s'éleva
ASSEMBLEUR. C'est celui qui est chargé jusqu'à 2,400. A quatorze ans il était déjà
de réunir les feuilles qui doivent composer président de l'académie de Sora. 11 était dans
un livre. Ces feuilles arrivent de l'imprime l'usage de dicter à ses disciples des traités que
rie par tas qui eu contiennent 500, 1,000 ceux-ci allaient étudier chez eux, et dont ils
ou 2,000, selon le nombre des exemplaires devaient rendre compte à leur retour, six
qu'on veut avoir. Après avoir été séchées elles mois après. Il faisait ensuite disputer en sa
sont rangées en las sur une table, d'après présence ses écoliers, levait leurs doutes,
l'ordre de leurs numéros. L'assembleur en aplanissait leurs difficutés, et chargeait en
lève ensuite sur chaque tas une feuille, ce outre les plus avancés de chaque classe, d'ex
qui lui fournit un exemplaire complet de pliquer aux autres les points les plus épineux,
l'ouvrage, et recommence ensuite la même et de développer cequ il n'avait dit que d'une
opération jusqu'à ce que les tas soient épui manière sommaire. Asser rédigea ses ensei
sés. Lorsque le nombre des feuilles d'un vo gnements en un ouvrage nommé Talmud;
lume est trop considérable pour les assem mais la mort le surprit avant qu'il eût pu y
bler toutes en une seule fois, on divise l'as donner la dernière main. Ce Talmud est ap
semblage du volume en trois ou quatre ca pelé Talmud de Babylone , parce qu'il M
hiers qu'il faut réunir ensuite. Cette seconde composé dans celte ville et pour le distinguer
ASS (61 ) ASS
de celui de Judas-le-Saint , le favori d'Auto- Ceux-ci ont été supprimés depuis , mais
nin-le-Pieux , nommé Talmud de Jérusalem, non remplacés par des suppléants ; car leurs
et auquel il est généralement préféré. Les fonctions ne sont pas les mêmes. Un décret
disciples d'Asscr achevèrent et publièrent du 18 octobre 1810 donnait le nom d'asses
celle vasle compilation des traditions orales seurs aux juges des cours prévôtales des doua
et des coutumes juives, qu'ont commenté de nes autres que les présidents. Ces juridictions
puis, en 5V7, le rabbin Maïr et un autre As- n'existent plus aujourd'hui. Il n'y a donc plus
xt, mort en 1328. Ce Talmud a été imprimé dans l'organisation judiciaire actuelle de vé
par EIzevir à Leyde en 1G30 ; il a élé ensuite ritables assesseurs que les conseillers ou ju
imprimé à Amsterdam avec tous ses commen ges qui assistent les présidents des cours
taires, en 12 vol. in-fol., en 1744. d'assises ( voy. ce mot ), et que des fonction
ASSERMENTÉ (jurisp.) veut dire qui naires d'un genre tout particulier créés pour
a prêté serment; il ne s'emploie guère que l'administration de la justice criminelle dans
conjointement avec le mol expert, huissier. les colonies françaises des Antilles par les
On dit en effet un expert assermenté, un huis ordonnances des 2b septembre et 12 octobre
sier assermenté près le tribunal de , pour 1828. Voici en quoi consistent leur caractère
signifier un expert, un huissier qui a prêté ser et leurs attributions. Les cours d'assises insti
ment. Il est bon de faire remarquer que dans tuées à la Martinique et à la Cuadeloupo
\ usage on donne à ces mots une signification sont au nombre de deux, et comprennent
erronée; on appelle vulgairement experts, chacune deux arrondissements dans l'une el
ecritains, interprètes assermentés, les person l'aulre de ces iles. Elles siègent au moins
nes qui sont communément employées par les une fois par trimestre, ou plus souvent silo
tribunaux dans les opérations re'.ativesà leur service le commande. Elles se composent
art: c'est cependant là une qualification qui de trois conseillers de la cour royale, dont l'un
ne leur convient pas; ils ne sont pas asser est le président, désignés lous parle président
mentés d'une manière générale, ils ne le sont de celte cour, s'il ne jugo pas à propos du
que lorsqu'ils procèdent dans une affaire par présider lui-même, et en outre de qualro
ticulière, après avoir prêté un serment qu'ils membres du collège des assesseurs. Ceux-ci
doivent renouveler chaque fois qu'on a besoin sont de véritables jurés, si l'on ne considère
de leur ministère. que le mode de leur tirage au sort, l'obliga
ASSESSEUR (jurispr. ). Ce mot, qui dé tion où ils sont de remplir leurs fonctions
signe proprement un individu assis près d'un sanctionnée par des amendes, la faculté de
autre , indique aussi dan- le langage législa les récuser donnée à l'accusé et au ministère
tif un officier de justice adjoint à un magis public, la manière de procéder à leur rem
trat principal pour juger conjointement avec placement. Mais sous beaucoup d'autres rap
lui. Sous noire ancien régime judiciaire, la dé ports ils diffèrent essentiellement du jury tel
nomination d'assesseur s'appliquait tantôt à que nous le connaissons en France. Eu ef
tous les membres des juridictions inférieures fet, le nombre des assesseurs est limité à
autres que celui qui y tenait le premier rang, soixante pour chaque colonie, et leur collégo
tels que les assesseurs de maréchaussée as y est divisé en deux sections égales qui font le
sistant le pré vol ou son lieutenant dans service des assises dans chaque arrondisse
l'instruction des procès prèvôtaux , et les ment. Le gouverneur arrête en conseil, tous
magistrats des tribunaux de première in les trois ans, la liste générale de tous les
stance dans les colonies. Tantôt le titre d'as individus domiciliés dans la colonie et pré
sesseur, et c'était là sa plus commune accep sentant l'une des conditions suivantes : éli
tion, était donné au juge qui suppléait le gibilité au conseil général, décoralion des
chef de la juridiction ou venait immédiate ordres royaux, exercices de fondions publi
ment après lui dans l'ordre des préséances. ques ou d'emploi du gouvernement rétribué
C'est ainsi que l'éditde 1586 avait créé des de 4000 liv. au moins, ou admission à la re
lieutenants particuliers, sous le nom d'asses traite après avoir joui d'un semblable traite
seurs criminels ou de premiers conseillers, ment ; juges de paix en retraite, licenciés en
jouissant des droits et prérogatives du lieu droil, professeurs de sciences et belles-let
tenant criminel. La législation intermédiaire, tres, médecins, notaires et avoués retirés.
en instituant, en 1790, les juges de paix, leur Ils doivent être âgés de trente ans révolus.
avait adjoint des prud'hommes assesseurs. Celte liste générale est mise sous les yeux du
ASS (02) ASS
roi qui nomme les soixante assesseurs sur la réduire la Judée ; celles-ci firent Manassès
présentation du ministre de la marine et des prisonnier et l'emmenèrent àBabylone, niais
colonies. Leurs fonctions sont gratuites; il obtint peu de temps après sa liberté.
mais il est remis a chacun d'eux par chaque Les Samaritains étant tourmentés par des
session où il siège une médaille d'argent à lions, et le roi de Ninive ayant appris que la
l'effigie du roi avec cette légende : Colonies raison en était qu'ils n'adoraient pas le vrai
française», Cour d'assises. Ils doivent être Dieu, il leur envoya un prêtre Israélite pour
vêtus de noir quand ils siègent. Enfin, et les convertir à la véritable religion; mais
c'est là sans contredit le Irait de dissemblance ceux-ci confondirent bientôt les nouvelles
le plus fort qui distingue de nos jurés les as idées religieuses qui leur étaient inculquées
sesseurs des colonies, c. s derniers pronon avec leurs anciennes superstitions, et telle
cent en commun avec les antres membres de fut l'origine du culte des Samaritains.
la cour d'assises , sur la position des ques Assharradon, profilant des troubles qui
tions, sur toutes les questions posées et sur étaient survenus dans Babylone, s'empara
l'application de la peine. Celte insliluli n est de cette grande cité et y transporta le siège
d'une application trop récente encore pour de son empire ; il y régna treize ans, et mou
qu'on puisse la juger complètement. Te'.le rut après avoir gouverne Ninive et l'Assyrie
qu'elle est néanmoins, elle offre , ainsi que durant trente-neuf ans. Son fils Saosduchin,
le système d'administration de la justice au appelé dans l'Ecriture Nabucliodonosor , lui
quel elle se rattache, et qui date de la même succéda l'an du monde 33i7. A. Mai n y.
époque, une modification large et conçue ASSIGNATION, ASSIGNER (jurisp.).
dans des vues vraiment libérales, à l'an On emploie communément ces mots , même
cienne législation qui régissait auparavant nos au Palais, pour désigner l'acte par lequel une
possessions dans l'autre hémisphère. B.D. P. personne est appelée à comparaître devant
ASSHARRADON, empereur d'Assyrie. un tribunal, soit comme témoin, soit pour
Sennacherib venait de tomber sous le fer par être l'objet d'une condamnation quelconque ;
ricide de ses deux fils aines, qui, redoutant lu mais, dans le langage précis de la loi , le mut
ressentiment des amis de ce monarque , s'é assignation ne signifie que la partie de l'ex
taient réfugiés dans l'Arménie; le dernier de ploit d'ajournement par laquelle l'huissier
ses enfant-, Asshairadon, appelé dans li livre fait sommation à la personne qu'il appelle eu
de Tobie Achirdoii,Sargon dans Isaïe, et As;;- justice de se présenter tel jour, à telle heure,
raddin dans Floléniee, profila de leur ab devant tel tribunal siégeant en tel lieu. C'est
sence pour s'emparer de la couronne d'Assy ainsi que l'on dit que l'ajournement doit con
rie. Un de ses premiers actes fut la restitu tenir, à peine de nullité , assignation: c'est
tion des biens de Tobie, qui n'avait échappé la partie prise pour le tout. ( Voy. Ajouhkl-
que di! licitement au courroux que Sennache mi:\ i , Citation et Exploit.)
rib avait conçu contre lui. Il s'occupa ensuite ASSIGNAT (jurispr.). C'est une clause
à venger l'affront que son père avait reçu par laquelle on affecte certains biens, meu
dans la Judée et les contrées circoiivoisiues ; bles ou immeubles, au paiement d'un legs ou
il envoya une armée commandée par Tar- à l'exécution d'une donation ou d'une obli
llian , l'intendant de ses tributs, contre la gation quelconque. Les jurisconsultes, tant
ville d'Azot qui reconnaissait alors l'autorité anciens que modernes, ont admis deux sortes
dEzéchias; après que ce général l'eut sou d'assignats : le démonstratif et le limitatif- Il y
mise, il tourna ses armes contre l'Egypte et a assignat démonstratif toutes les fois que la
les Philistins et revint victorieux en Assyrie. clause est conçue de telle façon qu'il eu ré
Après celte première ex pédition.Assharradon sulte que le paiement du legs ou de la dona
entra dans le pays d'Israël et fit captifs tous tion ou l'exécution de l'obligation peuvent
ceux qui y étaient restés, à l'exception d'un être poursuivis sur les autres biens de 1 assi
petit nombre qui échappa à ses recherches ; gnant , lorsque le bien assigné se trouve in
puis, pour empêcher que la contrée ne de suffisant. Mais il faut que cette insuffisance
meurât déserte, il lit venir des colons des soit bien démontrée par la discussion de la
pays idolâtres au-delà de l'Euphrate pour chose spécialement affectée.
habiter dans Samaric. L'assignat est limitatif lorsqu'il est conçu
Après s'être ainsi emparé de la Palestine, de telle façon que celui en faveur duquel il
l'empereur d Assyrie envoya des troupes pour est constitué ne profite du legs de la donation
ASS (63) ASS
ou Je l'obligation que jusqu'à concurrence de I une décision. Dans la séance du 1G avril de
la valeur de la chose assignée , qu'elle suf l'année suivante, l'Assemblée décréta que les
fise ou non pour le remplir. Cotte distinction assignats créés par le décret du 19 décembre
est, dans bien des cas , difficile à saisir ; mais auraient cours de monnaie entre toutes per
elle se résout presque toujours en une ques sonnes, dans loute l'étendue du royaume, et
tion d'interprétation d'acte. La clause d'assi seraient reçus comme espèces sonnantes dans
gnat figurait autrefois dans presque tous les les différentes caisses publiques et particu
contrats de rentes constituées. Dans ce cas, lières.
l'immeuble affecté doit être considéré comme Cène fut que le 2 mai que la forme et la cou
véritablement hypothéqué au paiement de la leur qui devaient êlre données aux assignats
renie, alors même que l'hypothèque ne se furent arrêtées. Il futdécidé en même temps
rait pas littéralement prévue. P. F. qu'il y aurait 150,000 assignais de 1,000 liv.,
ASSIGNATS. On sait que le déficit qui 400,000 de 300 liv., et 650,000 de 200 liv.;
existait dans les finances de l'Etat, après la et dans la séance du 25 juillet l'Assemblée na
conclusion de la paix d'Amérique , fut une tionale décréta que l'émission des assignats
d -s causes, ou pour parler plusexa lement, commencerait le 1" août suivant, et que l'on
un des prétextes de la première révolution n'en èmeltrait que pour 10,000 liv. par jour
française ; car il est bien reconnu aujourd'hui afin de les laisser entrer et se distribuer plus
que ce déficit n'avait rien qui dût effrayer un régulièrement dans la circulation. On put dès
habile ministre, et qu'il eût été facile de le le commencement prévoir le sort inévitable
combler avec les ressources ordinaires du qui attendait la création d'un papier-monnaie
royaume. 11 ne montait, en effet, qu'à 115mil- ayant cours forcé, dans l'état de crise où se
lions, en y comprenant 58 millions de rem trouvait alors la nation française. Un mois
boursement dont 53 élaient à ternies fixes. s'était à peine écoulé depuis le décret du
La délie totale se montait, avant la convo 25 juillet, que M. de Montesquieu, faisant un
cation des états-généraux , à 3 milliards non rapport sur la liquidation de la dette publi
exigibles. Mais un parti qui rêvait déjà le que, n'hésita pas à proposer une nouvelle
renversement des institutions nationales émission d'assignats qui devaient servir à
trouvait dans le discrédit dont le trésor était son remboursement; et cette fois ce n'était
frappé une arme trop puissante pour la lais plus 4-00 millions qu'il s'agissait de créer,
ser échapper. Ce Tut en entretenant astucieu mais bien la somme énorme de 1,100 mil
sement les inquiétudes de la nation que l'on lions. Necker fit un mémoire contre cette
parvint à faire convoquer d'abord les nota mesure, ce qui n'empêcha pas que, dans la
bles, puis les étals-généraux, qui devaient séance du 29 septembre, la somme totale des
proposer les moyens de faire face aux be assignats à émettre ne fût porté à 1,200 mil
soins toujours croissants du trésor. En con lions. C'est ainsi que celte assemblée, qui
séquence , au mois de décembre 1789, le réunissait dans son sein ce que la France
comité des Dix présenta à l'Assemblée un possédait de plus remarquables en hommes
projet de décret pour la formation d'une caisse d'esprit et de talent, était entraînée en quel
de l'extraordinaire où devaient être versés que sorte malgré elle aux mesures les plus
les fonds provenant de la contribution patrio funestes et les plus contraires à toute admi
tique ainsi que de la vente des forêts et mai nistration sage et raisonnable. C'était une
sons royales et du domaine ecclésiastique, suite de la position contre nature dans la
jusqu'à concurrence de 400 millions. Le \' ar quelle elle s'était placée, et qui explique les
ticle de ce décret stipulait la création d'assi fautes énormes que le commencement de la
gnats de 1,000 livres , portant intérêt à révolution vit commettre. Quant au danger
ô p. 0/0 jusqu'à concurrence des biens à ven que la création excessive des assignats fai
dre, et qui seraient admis de préférence dans sait courir à l'Etat, la moindre réflexion eût
l'achat de ces biens. C'est là la première fois pu suffire pour la faire comprendre ; le jour
qu'il est qucslion d'assignats; l'idée primi même du nouveau décret, le cours du change
tive en appartient à Regnault deSaint-Jean- sur Amsterdam , qui au commencement do
d'Angcly. Après une discu-sion très orageuse, juillet était à 52 1/2 et en août 51 1/8, lomba
le décret fut adopté dans la séance du 19 dé ;i 50 1/8 ; les autres cours fléchirent dans la
cembre, l'Assemblée ayant déclaré le malin même proportion.
qu'elle ne se séparerait pas sans avoir [iris Dans l'origine, il avait été dit que les as
ASS ( 64 ) ASS
signats porteraient intérêt. Cet arli le fut de trois ans , la révolution , faite sous le pré
abrogé le 8 octobre. Le lendemain, Lablache texte d'un déficit dans les finances, avait
présenta à l'Assemblée le tableau de la dé dévoré une somme immense, supérieure à ce
pense occasionnée par la fabrication des pre déficit. Le 24 octobre, on émit encore 400
miers 400 millions; elle se montait pour pa millions. Le 13 novembre, la convention dé
pier, impression et gravure à 238,000 livres. crète le versement de 116 millions d'assignats
Une lettre de Mirabeau, insérée dans le Mo pour remplacer le déficit des contributions.
niteur, démontrait que de crandes malversa Le 14 décembre, 300 millions de plus furent
tions avaient dès lors eu lieu dans cette affaire, créés. La guerre une fois déclarée, les émis
et laissait prévoir ce qui pourrait arriver par sions ne connurent plus de bornes; 800 mil
la suite. Le 4 novembre, l'Assemblée arrêta lions furent créés le 1" février 1793,
que les falsificaleurs d'assignats et leurs com 1,200 millions le 7 mai, et 500 millions lo
plices seraient punis de mort. En janvier 9 décembre.
1791 , on ordonna la fabrication de 40 mil Avant d'aller plus loin, nous remarque
lions d'assignats de 50 livres. rons que si les énormes créations d'assignats
Les ebanges continuant à baisser, on com décrétées par l'Assemblée nationale et l'As
mença à s'en inquiéter; mais ce fut en vain semblée législative étaient des mesures émi
que de bons esprits s'efforcèrent de faire voir nemment funestes, et auxquelles on doit en
l'abîme vers lequel on marebait, l'impulsion grande partie attribuer les malheurs du la
était donnée, et il n'était plus possible de révolution; il n'en est pas de même^es émis
s'arrêter. Le 7 mai, on décréta l'émission sions faites par la Convention. Dansle premier
d'assignats de 5 livres, et le même jour le cas c'était la France qui déchirait ses propres
cours du change sur Amsterdam fut à 47. Le entrailles , dans le second il s'agissait de tenir
20 juin, nouvelle émission de 600 millions; le tête à lEurope coalisée, et il fallait à tout prix
28 septembre, de 100 millions; le 1" novem se ciéer des ressources, fussent-elles mémo
bre, de 300 millions ( le cours sur Amsterdam factices. L'Assemblée nationale avait la pré
à 44 1/8). Le 8 décembre, on déclara qu'il tention de fonder un état de chose stable et
avait été brûlé depuis l'origine pour 348 mil prospère ; la Convention ne songeait qu'à
lions; et le 17 du même mois, un nouveau vivre au jour le jour, et attendait son salut
décret en créa pour 200 millions. En même du hasard des événements, qu'elle ne pou
temps l'Assemblée décrétait l'émission d'assi vait espérer maîtriser qu'en imprimant un
gnats de 50 sous et au-dessous; le 31, le cours vaste élan à la population.
sur Amsterdam était à 37 1/2, et les assignats Malgré la dépréciation que les assignats
perdaient en France 24 pour 0/0. Le 4 jan éprouvaient déjà partout , la Convention
vier 1792, l'Assemblée législative décréta l'é rendit un décret défendant sous les peines
mission du 300 millions d'assignats de 10, 15, les plus sévères de les décréditer ou de les
25 et 50 sous; le même jour, le cours sur Am refuser en paiement; et, un mois après, elle
sterdam tomba à 35. Le 25 février, le cours en créa encore pour 1,105 millions. Le 4 no
étant à 30 1/2, on lut à l'Assemblée une lettre vembre 1794, on commença enfin à discuter
du maréchal Luckner qui annonçait que les moyens de retirer de la circulation une
dans la 5" et 6« division , la dépréciai ion des partie des assignats qui s'y trouvaient, etdont
assignats était telle qu'il devenait indispen la totalité se montait à la somme énorme de
sable de prendre un parti pour indemniser 6 milliards; mais ce fut pour le moment sans
les militaires ; les assignats de 5 livres y per résultat. Le 15 avril 1795, Johannot fit à la
daient 40 à 45 pour 0/0; ceux au-dessus Convention un rapport sur 1 état du crédit
étaient refusés à moitié perte, et de pareils public et les moyens de restaurer les finances ;
faits n'ouvraient pas encore les yeux de l'As il proposa une dernière fabrication de 3 mil
semblée. Loin de là, dès le 27 avril, elle dé liards 200 millions d'assignats ; la question
créta une nouvelle émission de 300 millions fut ajournée. Dans la séance du 7 mai, Bour
pour les frais de la guerre. Le 31 juillet, nou don évalua à 8 milliards la quantité d'assi
velle création de 300 millions; le rapporteur gnats en circulation. Le lendemain, Ricord
déclare en même temps que la somme totale proposa de créer 3 milliards d'assignats nou
émise jusqu'alors était de 2,400,000,000, veaux qui seuls auraient cours forcé avec
montant de la valeur totale présumée du gage ceux de 5 livres et au-dessous; les autres
qu'on leur avait affecté; de sorte qu'en moins seraient réduits au quart de leur valeur no
ASS ( 65 ASS
minale. Dans lu séance du 17 mai, Bourdon taux pour un. Nous touchons cependant au
(de l'Oise) proposa de retirer les assignats de moment où une apparence d'ordre allait re
la circulation, en soumissionnant les biens naître. Le 16 juillet, les conseils fixèrent une
nationaux au triple de leur valeur. Cette échelle de proportion pour la valeur à la
proposition n'eut pas de suite pour le mo quelle les sommes stipulées dans les transac
ment, mais dix jours plus tard la Convention tions depuis le 1" janvier 1791 jusqu'en ven
décréta qu'il serait présenté des moyens pour tôse an iv devaient être estimées. Les deux
les retirer de la circulation. Cependant le mal termes extrêmes de cette échelle étaient de
était arrivé au point que le 16 juin, Kewbell, 91 liv. p. 00 et de 7 sous 2 deniers pour cent.
au nom des quatre comités de salut public, A compter de ce moment, l'histoire du papier-
de sûreté générale, de législation et de finan monnaie en France devient celle des man
çai, soumit à l'assemblée un projet en 23 ar dait. Voy. Papier-Monnaie. J. Cohen.
ticles, établissant une échelle de proportion ASSIMILATION. Voy. Nutrition.
pour les paiements et les recettes. Il évalua ASSISES ( ancien droit ). C'étaient des as
la somme des assignats en circulation à 12 mil semblées qui se réunissaient à certaines épo
liards, c'est-à-dire à six fois la quantité de ques de l'année, pour rendre extraordina re
numéraire nécessaire aux transactions com ment la justice. Elles étaient principalement
merciales. Cependant la Convention ne vou chargées déjuger les appels formés contre la
lut point encore ouvrir les yeux. Le 22 juin juridiction ordinaire, et de surveiller l'ad
elle publia une déclaration contre tout projet ministration de la justice inférieure. C'était
de démonétisation. Mais le 13 juillet, Savary aussi dans leur sein qu'avait lieu, en pré
ayant fait un rapport sur le discrédit toujours sence de tous les officiers de leur ressort, la
croissant des assignats, qui étaient tombés au lecture solennelle des lois , des ordonnances
vingtième de leur valeur nominale, et la Con et des règlements publics.
vention ne voulant pas encore prendre le parti Il y avait les petite* assises, ou plaids ordi
qui devait , tôt ou lard , devenir indispen naires, où étaient jugées , à de fréquents in
sable, se contenta d'un remède palliatif pis tervalles, toutes sortes d'affaires, et les plaids
peut-être que le mal, puisqu'il mettait la extraordinaires ou grandes assises , qui ne
plaie à nu ; elle suspendit par un décret tout siégaient que dans dès cas spéciaux , détermi
remboursement de capitaux dus avant 179'». nés parla nature de la cause ou la qualité des
Le 24 août 1795 , le Moniteur cota pour la personnes. Ces assises solennelles se tenaient
première fois la valeur du louis eu assignats; anciennement sous la présidence des sei
elle était de 910 livres , c'est-à-dire que les gneurs. Lors de la formation des parlements,
assignats perdaient 97 p. 0/0 sur leur valeur leurs attributions ont passé dans ces grands
nominale. Au mois de novembre, le prix du corps judiciaires, et les assises ordinaires su
louis étant de 3,390 liv. en assignats , on pro sont
Cesseules
assisesmaintenues.
variaient selon les coutumes des
posa d'en créer encore, et d'en porter la
somme totale à 30 milliards. Malgré cela, le diverses provinces, et leur juridiction était
lendemain le conseil des cinq-cents prit une exercée par des officiers d'espèce différente
résolution pour fixer leur rentrée et en régler d'une localité à une autre. Ici elles apparte
le cours. Le 22 décembre, le même conseil naient aux présidiaux , là aux officiers de
fixa définitivement l'émission des assignats à bailliage ou de sénéchaussée, ailleurs aux
40 milliards. Pendant long-temps encore les lieutenants généraux du roi, à certains sei
nouveaux conseils de la république luttèrent gneurs, ou à d'autres personnes. A Paris ,
contre la mesure indispensable de la démoné par exemple, le prévôt avait le droit d'assi
tisation; les projets, les propositions, les dé ses , et à Provins des assises de huit jours
crets mêmes se succédaient et se contredi étaient, chaque année, tenues par les bénédic
saient souvent les uns les autres ; la confusion tins. Ces assises ne se bornaient pas toujours
des finances était à son comble. A la fin de exclusivement à l'administration de la jus
mai 1796, on se décida enfin à remplacer, à tice ; il entrait aussi dans leurs attributions de
raison de trente capitaux pour un, les assi contrôler la conduite des officiers inférieurs;
gnats par un autre papier-monnaie, qui de elles pouvaient les faire comparaître et même
vait être appelé mandat» ; mais cette mesure prononcer leur interdiction dans certains cas.
dait évidemment illusoire puisque le louis Quelquefois encore elles recevaient la presta
valait alors 8,000 liv., c'est-à-dire 330 capi- tion de serment des avocat» et des procureurs.
Eneyel. du XIX' ti'eclc, t. IV.
ASS f 66) ASS
Enfin il y avait les assises des maîtrises des pitre 82 à 112 traitant des appeaux, gages de
eaux et forêts. Ces assises, qui duraient deux bataille et duels ; chapitre 113 à 137, des as
jours seulement, étaient tenues par les maî sises de différentes matières; chapitre 138 à
tres, particuliers ou leurs lieutenants, deux 175,dela matière des fiefs; chapitre 176 à 181,
fois chaque année. Elles avaient pour but des baux et gardes ; chapitre 182 à 274-, re
d'assurer l'exécution des règlements en ma prenant les matières féodales, et spéciale
tière d'eaux et forêts, tant de la part des of ment les services dus par les vassaux en
ficiers et agents administratifs , que de la guerre, en justice et en mariage; chapitre 276
part des usagers, adjudicataires des bois à 281, contenant les assises de différente na
royaux, charbonniers, pêcheurs, meuniers, ture; chapitre 282 à 292, parlant des droits du
et tous autres particuliers qui se trouvaient roi et des grands-officiers de la couronne; cha
en rapport par leur profession ou autrement pitre 293 à 308, Imitant, des différends pour
avec la régie des eaux et forêts. Par une excep le bailliage et succession du royaume entre
tion au droit commun de toutes les juridic Hugues de Lusignan, le comte de Braine et
tions de France, l'ordonnance do 1669 vou Marie de Beaumont; chapitre 309 à 313, con
lait que les jugements de condamnation ren tenant les ordonnances et assises nouvelles;
dus par les assises des maîtrises, soit contre enfin les chapitres 314 jusqu'à la fin, parlant
des officiers, soit contre des particuliers, des services dus au roi par les évêques, les
exprimassent leurs motifs. P. F. grands du royaume, les nobles et les commu
ASSISES DE JERUSALEM. Ce sont nautés.
les lois, statuts, usages et coutumes accor Le recueil des assises de Jérusalem se trouve
dés au royaume de Jérusalem par Godefroy en manuscrit dans la bibliothèque du Vati
de Bouillon, en 1099, par l'avis du patriar can. C'est sur ce Codex que la plupart des
che et de ses barons, après qu'il eut été élu copies qui existent dans les bibliothèques de
roi. On leur donna le nom d'assises parce Paris ont été tirées. 11 a été imprimé pour la
qu'elles furent faites en l'assise ou assemblée première fois en français en 1690 par La
des grands du royaume. Cette dénomination Thaumassière. Il avait été précédemment tra
se retrouve dans beaucoup d'anciennes cou duit en italien par deux Vénitiens, Bustron
tumes de France , notamment en Bretagne. et Nodaro, et publié à Venise en 1535. J.C.
Ces assises furent mises par écrit par l'ordre ASSISES ( Cours d' ) ( jnrispr. ). Les ori
de Godefroy et scellées de sonsceau et de celles gines du droit public moderne, obscures sur
du patriarche et du vicomte de Jérusalem. plusieurs points, présentent néanmoins assez
Elle furent appelées les Lettres du Sépulcre, de clarté sur l'histoire de cette ancienne insti
parce qu'elles étaient gardées dans un coffre tution qui, après avoir presque tout-à-fait dis
dans l'Eglise du Sépulcre, d'où elles étaient paru de notre régime judiciaire , y a de nos
tirées, en présence du roi ou de celui qui jours repris une place importante. Le nom
était par lui commis , du patriarche ou en d'assises, assisia, dans le latin barbare du
son absence du prieur du Sépulcre, de deux moyen âge, s'appliquait d'une manière géné
chanoines et du vicomte, lorsqu'il y avait rique à toutes les assemblées publiques, niais
débat sur quelque article de ces coutumes. plus particulièrement à celles qui étaient te
Ayant été ensuite corrigées et augmentées à nues pour rendre la justice. Qu'elles fussent
diverses reprises tant par Godefroy que par présidées par les comtes, par les missi domi-
ses successeurs, elles furent écrites une se nici, ou enfin par des officiers inférieurs à
conde fois et mises en ordre par Jean d'Ibelin, ces hauts magistrats, on les appelait indiffé
comte de Jaffa et d'Ascalon, seigneur de Ba- remment plaids, placitcs ou assises. Celle
ruth et de Rames, vers l'an 1250. Après la dernière dénomination était d'autant plus
mort de Pierre de Lusignan, roi de Chypre, juste que, dans toutes ces juridictions, le juge
elles furent de nouveau revues, en 1369, par en titre ne prononçait jamais seul, mais avec
seize hommes nommés et choisis en l'assem le concours d'assesseurs dont le nom variait.
blée des états du royaume , après quoi elles A la même époque, de solennelles réunions,
furent déposées au trésor de l'Eglise de Ni composées des grands vassaux et des princi
cosie , dans un coffre scellé de quatre sceaux. paux dignitaires ecclésiastiques, avaient lieu
Les assises de Jérusalem se composent de sous la présidence du roi. Là, non seulement
33Qj3nàpitres disposés de la manière suivante: se rendait la justice dans certaines occasions,
chapitre 1 à 81 regardant la procédure; cha mais encore se délibéraient souvent les lois
ASS ( 67 ) ASS
du royaume. Cette double attribution de la tions, et nous devons nous borner à un aperçu
cour suprême lui fit décerner aussi le nom de l'organisation des cours d'assises en An
d'assises, et par extension il fut donné éga gleterre.
lement aux règlements et statuts qui en éma Six circonscriptions judiciaires appelées
naient. Outre plusieurs exemples de lois par circuits comprennent tous les comtés dont
ticulières intitulées Assises, nous en avons se compose l'Angleterre, ainsi que le pays de
encore aujourd'hui un célèbre dans le recueil Galles. Celte division est opérée de manière
des usages et coutumes , connu sous le nom que les assises se tiennent dans chaque comté
à'assises de Jérusalem. Lorsque les parle deux fois par an, excepté à Londres et en
ments, devenus sédentaires et permanents, Middlesex, où elles ont lieu huit fois dans le
eurent absorbé peu à peu toutes les autres même espace de temps. Ce sont les douze
juridictions supérieures , le nom d'assises juges composant à eux seuls toute la haute
qu'elles portaient disparut avec la chose magistrature anglaise proprement dite , qui
elle-même. On continua cependant d'appeler parcourent à tour de rôle les six circuits, et
ainsi les sièges que quelques magistrats, tels président les assises au chef-lieu du comté.
que les baillis, sénéchaux, et même des lieu Munis de commissions spéciales du roi pour
tenants-généraux , allaient tenir, à l'imita cette éminenle fonction, environnés de la
tion des anciens grands jours, dans certaines plus grande considération, à raison de leur
localités de leur ressort, à des époques éloi caractère et des attributions dont ils sont in
gnées et rarement plus d'une fois par an. vestis , ils déterminent l'époque de l'ouver
L'ordonnance de 1G69 avait aussi conservé ture des assises, et. assistés du jury, font
les assises dans les eaux et forêts; mais on ne porter devant eux toutes les affaires en état.
l'y occupait guère, comme dans les autres, que La compétence des cours d'assises en Angle
d'objets de police et de discipline relatifs à la terre s'étend à tous les crimes qualifiés , tels
conduite des officiers de justice subalternes , que l'assassinat , le meurtre , le viol , lo
tels que les huissiers, sergents, etc. , et pres faux, etc., et à plusieurs espèces de vol.
que jamais de matières contentieuses. On Rien de moins dramatique, d'ailleurs, ht
voit donc qu'il y avait aussi loin de ces as plupart du temps, que les débats des procès
sises à celles des premiers temps de la mo qui y sont jugés. Comme il n'y a presque
narchie, qu'à l'institution judiciaire qui porte jamais de partie publique, c'est l'avocat
aujourd'hui le même nom. du plaignant qui fait l'office d'accusateur.
C'est à l'Angleterre, qui a,retenu avec tant Après un court exposé de l'affaire, il pro
de soin la plupart de ses vieux établissements, duit ses témoins. Ceux-ci prêtent serment
à l'Angleterre , si avare pour elle-même des entre les mains dç l'huissier de la cour, font
innovations dont elle pousse si loin le prosé leur déposition , répondent aux questions de
lytisme chez les autres , qu'est due la conser la partie qui les a appelés , et subissent en
vation des cours d'assises dans leur état an suite le conlre-exanien ou cross-examinalion
cien, se rapprochant d'ailleurs, à beaucoup du défenseur de l'accusé, de l'accusé lui-
d'égards, de ce qu'elles étaient à la même même ou du juge. On procède de la mémo
époque en France. Il y a en effet de frap manière à l'audition des témoins à décharge.
pantes et irrécusables similitudes entre les Les médecins, chirurgiens, les olficiers de
mitti dominici , missi régales, qui, sous les police déposent en personne sur les faits qu'ils
deux premières races de nos rois , allaient sont autorisés en France à établir par des
présider les cours de justice, et ces justiliarii procès -verbaux. Les pièces de conviction
établis par Henri II , roi d'Angleterre , en sont mises sous les yeux des jurés. Les avo
1176 , juges ambulants , mais considérés cats prennent la parole tant pour l'accusa
comme membres du la grande cour du roi, tion que pour la défense ; puis le juge résume
aida regia , et tenant les assises pendant les débats et reçoit le verdict du jury, qui le
leurs tournées dans le royaume. La coopéra rend ordinairement sans quitter la salie d'au
tion d'individus appelés jurés dans les deux dience, et après une courle délibération. Les
pays, est un autre trait de ressemblance qui condamnations contre les individus déclarés
accuse dans les deux législations une com coupables ne sont prononcées qu'à la fin de
mune origine , ou des emprunts par l'une à la session. Tous ceux qui doivent subir In
1 autre. Co n'est pas ici, du reste, le lieu même peine sont compris dans une sentence
d'approfondir ces graves et curieuses ques collective rendue par le juge. L'extrême sim
ASS (68) ASS
plicitè de ces formes d'instruction explique mieux aussi la sagesse de ses décisions ; tels
la rapidité presque incroyable avec laquelle sont les principaux avantages par lesquels
s'expédient en Angleterre les procès crimi nous croyons que nos cours d'assises se dis
nels. Le grand jury remplace les chambres tinguent. Ils ressorliront de l'exposé que nous
d'accusation de nos cours royales, et il sta allons faire de l'organisation de ces tribu
tue sur «toutes les affaires à l'ouverture de la naux , de leur compétence , de l'instruction
session, de manière qu'on peut y porter im et du jugement des affaires, et enGn des fonc
médiatement celles dans lesquelles il émet un tions du président.
vole favorable au plaignant. Telle est l'acti Organisation. De même qu'en Angleterre
vité de ses opérations, qu'après avoir entendu les cours d'assises sont une émanation des
dans chaque poursuite l'exposé de la plainte grands établissements judiciaires , de même
et les témoins qui l'appuient, les trois ou en France elles émanent des cours souve
quatre premiers jours de la session lui suffi raines ou royales. La création des unes et
sent ordinairement pour terminer sa tâche. des autres y fut en effet presque contempo
Le petit jury ou jury de jugement ne procède raine. Le Code d'instruction criminelle pro
pas avec moins de promptitude. Souvent dix mulgué à la fin do 1808, en décidant que les
ou douze affaires différentes sont jugées par cours d'assises seraient formées des membres
lui dans une même audience , et, pour aller des cours impériales, prépara la suppression
encore plus vite, c'est le même jury qui con des cours criminelles. C'est dans les disposi
naît de toutes. Son verdict, dans tous les cas, tions de ce Code, titre 11, combinées avec la
n'est pas irrévocable en ce sens que le juge loi du 20 avril 1810 sur l'organisation judi
a le di'oit de ne pas l'accueillir, même quand ciaire , que se trouve celle des cours d'as
il serait favorable à l'accusé, et peut ren sises. Voici l'économie de la législation sur
voyer les jurés à délibérer de nouveau. On ce sujet. Dans le lieu où siège la cour royale,
se rend difficilement compte, en présence de les assises sont tenues par un président et des
ces usages dont nous n'avons pas besoin sans assesseurs , tous pris parmi les conseillers de
doute de faire ressortir les nombreux incon la cour. Ils étaient cinq au total avant la loi
vénients, de l'enlhousiasme avec lequel cer du 2i décembre 1830; aujourd'hui le nombre
tains écrivains ont parlé, parmi nous, des des juges est réduit à trois, y compris le pré
cours d assises de l Angleterre , en même sident. Dans les départements du ressort de
temps qu'ils jetaient sur les nôtres tant de la cour royale, la cour d'assises est formée de
défaveur. Certes , nous applaudissons avec deux juges du tribunal du chef-lieu où elle
eux à la louable importance que savent met siège le plus ordinairement , présidés par un
tre les Anglais à l'exercice des fonctions de conseiller délégué à cet effet, soit par le mi
juré , celle intervention si essentielle et si nistre de la justice, soit par le premier prési
salutaire du pays dans 1 administration de la dent de la cour royale. 11 faut remarquer, du
justice. Les justes éloges décernés par les reste, qu'aucun des membres de la cour d'as
mêmes écrivains aux magistrats de l'Angle sises ne peut être pris parmi les conseillers
terre, pour la douceur, l'humanité constante qui, ayant fait partie de la chambre des
avec lesquelles ils traitent les accusés , trou mises en accusalion, auraient déjà connu à
vent de l'écho dans notre âme ; mais que ces ce titre des affaires renvoyées devant le jury.
panégyristes exagérés reconnaissent aussi La même exclusion a lieu à l'égard du juge
avec nous que si nous avons emprunté à nos d'instruction, et l'on en conçoit le motif plein
voisins le modèle de nounouvelles cours d'as de sagesse. Cependant les juges ayant com
sises, cette belle institution a reçu en passant posé la chambre du conseil du tribunal de
dans notre code d'évidentes améliorations. première instance , peuvent siéger aux as
Des sessions plus fréquentes chez nous n'y sises. La jurisprudence du moins l'a constam
laissent pas s'accumuler un nombre trop con ment décidé ainsi , et elle était fondée sur
sidérable
titude pourd'affaires.
la satisfaction
Dès lor?,
de plus
la vindicte
de promp-
pu une saine application de la loi ; mais la loi
elle-même n'aurait-elle pas dû étendre aussi
blique ou pour la libération de l'accusé. Un aux juges de première instance l'incapacité
appareil plus imposant, des formes plus so des membres de la chambre d'accusation ? H
lennelles, cette lenteur d'examen et cette y avait parité de raisons ; car les premiers
maturité de délibération qui sied aussi bien comme les seconds ont apprécié également
à la dignilé de la justice, qu'elle garantit les résultais de l'instruction sous le rapport
ASS (69 ) ASS
des faits, et ont pu se former ainsi une opi tiplicité des affaires peut exiger des assises
nion sur le procès. Les sessions des cours extraordinaires. C'est ce qui arrive, par
d'assises doivent se tenir tous les trois mois exemple, à Paris où non seulement il y a, en
dans chaque département. Leur composition général, une session tous les mois, mais où la
se complète, quant au personnel des magis cour d'assises est encore obligée de se diviser
trats, par l'adjonction du ministère public en deux et quelquefois eu trois sections qui
dont les fonctions sont remplies, au chef-lieu jugent simultanément. Dans le cas d'assises
de la cour, par le procureur général, les avo extraordinaires, c'est le président de la session
cats généraux ou les substituts du parquet, précédente qui les préside encore. Lorsque ce
cl ailleurs par les officiers du parquet delà magistrat est empêché momentanément de
localité. Le greffier de la cour royale ou ses remplir ses fonctions, il est remplacé par le
commis, celui du tribunal d'arrondissement, plus ancien des assesseurs , et la cour doit
font, chacun dans leur siège, l'office de gref alors se compléter par l'adjonction d'un nou
fiers des cours d'assises. C'est le premier pré veau membre. Les premiers présidents des
sident qui fixe le jour de l'ouverture de la cours royales jouissent de la prérogative de
session. Les présidents dont la nominal ion a présider les assises dans tout le ressort quand
lieu ordinairement dans les premiers jours ils le jugent convenable, mais il est bien rare
du trimestre qui la précède, ont ainsi tout le qu'ils usent de cette faculté. Toutes ces dis
temps d'étudier les procédures , et de se con positions organiques sur les cours d'assises
certer avec le ministère public pour détermi ne s'appliquaient, d'après les lois sur l'ordre
ner l'ordre dans lequel les affaires doivent judiciaire, qu'au territoire français propre
être jugées. Tous les actes relatifs à la tenue ment dit, c'est-à-dire à la France conti
des assises , tels que la nomination des prési nentale. Depuis elles ont été étendues , soit
dents et assesseurs, l'indication du jour de à l'île de Corse lorsque le jury y a été établi,
leur ouverture, sont publiés et affichés long soit aux principales de nos colonies , avec
temps à l'avance dans tous les lieux publics certaines modifications que nous avons rap
du département. Les époques des sessions portées au mot Assesseuu.
sont combinées de manière à n'avoir lieu , Compétence. Connaître de tous les faits qua
dans le ressort de la même cour royale , que lifiés crimes par la loi , juger tous les indivi
successivement, de mois en mois , mais tou dus qui en sont accusés , telles sont les attri
jours au moins quatre fois par an dans le butions des cours d'assises. Saisies par les
même département. Ces règles générales sur renvois que leur font les chambres d'accu
la composition et les lieux de séances des sation, elles se trouvent liées irrévocablement
cours d'assises reçoivent accidentellement des par ce renvoi sans pouvoir se déclarer incom
exceptions que nous devons faire connaître. pétentes. Mais c'est plutôt là une preuve
Ainsi, la cour royale a le droit de déléguer qu'une restriction de leur souveraineté. En
deux de ses membres pour tenir les assises elfet , comme elles ont plénitude de juridic
avec le président ailleurs qu'au chef-lieu de tion , elles ont le droit , si le fait qui leur est
la cour. Elle peut aussi, dans les cas graves , soumis ne présente que les caractères d'un dé
ordonner, toutes les chambres assemblées, et lit ou même d'une simple contravention, de
tur la réquisition du procureur général, que le juger et d'y appliquer la peine. Cette dé
la chambre civile s'adjoindra aux trois mem gradation de l'accusation résulte d'ailleurs
bres de la cour d'assises du chef-lieu de la de la déclaration du jury qui est devenue ir
cour. Cette augmentation extraordinaire du révocable une fois qu'il l'a rendue , et qu'il
nombre des juges pouvait avoir un but à l'é serait peu convenable de laisser de côté pour
poque où ils étaient éventuellement appelés renvoyer l'accusé devant un tribunal correc
à délibérer sur le fait; aujourd'hui que le tionnel ou de police. Eu disant que les cours
jury seul en est l'arbitre, on ne concevrait d'assises jugent tous les faits qualifiés crimes,
guère l'adjonction de la chambre civile per nous ne devons pas omettre d'ajouter que
mise par le décret du 6 juillet 1810. 11 appar certaines juridictions particulières, telles que
tient encore aux cours royales de désigner la cour des Pairs , les conseils de guerre ,
pour la tenue des assises un lieu autre que les tribunaux maritimes forment exception à
«lui où elles sont convoquées habituelle cette connaissance générale. Mais ce mot
ment; mais cette désignation n'est valable même d'exception indique que c'est là une
que pour la session indiquée. Enfin , la mul dérogation au droit commun, rare, moti
ASS ( 70 ) ÀSS
vée par des circonstances spéciales et qui doit Instruction et jugement. Deux grandes et
être renfermée dans les bornes les plus précises. salutaires innovations , indépendamment de
Le bénéfice du. jugement par jurés , voilà l'établissement du jury , résultèrent de la
le droit commun pour tout Français. Nul ne réforme de nos lois pénales à la fin du siècle
saurait donc en être privé que lorsque la loi dernier : c'étaient la publicité des débals cri
en a expressément disposé autrement. Si, minels et la liberté de la défense pour les
dans les temps de crises politiques, ce principe accusés. Elles se retrouvent l'une et l'autre
tutélaire a quelquefois souffert violence, on dans les formes judiciaires de nos cours d'as
s'est empressé d'y revenir quand les passions sises. Devant ces cours , et pourvu d'avance
se sont calmées. C'est ainsi que naguère fut d'un conseil que le président a dû lui dési
écartée une proposition de loi ayant pour ob gnera peine de nullité de tout ce qui suivrait,
jet de disjoindre la cause des individus mili l'accusé comparait libre. Ainsi, plus de sel
taires de celle de leurs coaccusés ou complices lette, plus de fers. Immédiatement après le
appartenant à l'ordre civil ; proposition en serment prêté par les Jurés (voy. ce mot),
contradiction complète avec la charte d'a et lorsque, en répondant aux premières ques
bord , puis avec une loi du 22 messidor an iv, tions qui lui ont été faites sur son nom , son
qui veut que dans ce cas le procès soit porté âgo, sa profession, sa demeure et le lieu de
devant les juges ordinaires , parce qu'ils doi sa naissance , l'accusé a mis ses juges à
vent, s'il y aconcurrence, l'emporter toujours même de constater son identité, commence
sur les juges d'exception.—Quoique les cours ce compte grave et solennel que la société
d'assises soient instituées pour la répression va lui demander de sa conduite.
des crimes , elles connaissent néanmoins di L'acte d'accusation est lu par le greffier, et
rectement de certains délits , parce qu'ils l'accusé, qui d'ailleurs on a déjà reçu une
doivent être soumis au jury. Tels sont les dé copie, est invité à écouter attentivement
lits de la presse. En leur déférant cette at cette lecture. Le ministère public a le droit
tribution nouvelle, les lois du 17 mai 1819 d'exposer de nouveau le sujet de l'accusation ;
n'avaient point d'ailleurs privé les prévenus mais ordinairement il s'en réfère à l'acte qui
des deux examens préliminaires de la cham lo contient, et requiert l'audition des témoin*
bre du conseil et de la chambre d'accusation. assignés à sa requête. Un appel général du
Cette législation se conformait ainsi aux dis ces témoins qui doivent se trouver tous dans
positions du Code d'instruction criminelle la salle daudience, est fait à haute voix.
qui défend expressément aux procureurs gé Prévenu de leurs noms et qualités par la liste
néraux de traduire aucune personne aux as qui lui en a élé signifiée vingt-quatre heures
sises sans qu'elle ait été mise eh accusation à l'avance, informé par l'instruction écrite,
selon les formes usitées. Mais une loi du 8 dont une copie lui a été également remise et
avril 1831 permit au ministère public de sai sans frais, laccusé a pu préparer ses motifs
sir les cours d'assises , en matière de délit de de récusation contre eux et ses réponses à
la presse , par une citation directe donnée leurs déclarations. La loi veut même que si
au prévenu. Depuis, les lois du 9 septembre le premier de ces renseignements lui a man
1835 ont été plus loin encore en étendant qué ou ne lui a été donné que d'une manière
cette faculté aux cas de poursuites crimi incomplète , il puisse s'opposer à leur dépo
nelles pour crimes de rébellion, de sédi sition orale. Remarquons, au surplus, que
tion , et pour tous les faits se rattachant à d'autres individus que ceux qui en ont déjà
des mouvements insurrectionnels. — La plé fait une dans la procédure écrite , peuvent
nitude de juridiction que nous avons déjà être cités comme témoins pour la première
signalée dans les cours d'assises, devait leur fois devant la cour d'assises; mais ce droit
donner le droit de prononcer non seulement est réciproque pour l'accusé connue pour la
sur l'action publique , mais encore sur l'ac partie publique. Les témoins sont ensuite en
tion civile qui peut quelquefois se rattacher tendus successivement et séparément. Toutes
à la première : c'est ce qui a lieu, en effet. les précautions possibles ont été mises en usage
Ces cours statuent donc tant sur les demandes pour que, privés de toute communication, soit
en dommages-intérêts de la partie civile con avec des tiers, soit même entre eux, et pla
tre l'accusé , que sur ceux qu'il peut récla cés à l'abri de toute influence, ils ne vien
mer à son tour contre elle ou contre son d'é- nent offrir à la justice que des déclarations
nonciateur. sincères et indépendantes. Le serment qu'ils
ASS (71 ; ASS
doivent prêter entre les mains du président marquer aux juré? les principales preuves
avant de déposer , leur rappelle d'ailleurs pour ou contre l'accusé, et leur pose les ques
cette sainte obligation. Après chaque témoi tions sur lesquelles ils vont être appelés à
gnage , celui qui l'a rendu et l'accusé sont en répondre. Ce sont ou les questions du conclu-
quelque sorte confrontés, et mis à même de sumde l'acte d'accusation, ou celles qui pour
s'expliquer et de se contredire, s'il y a lieu. raient être nées des débats. Mais ces dernières
Alors s'élèvent ces débats auxquels , sous la ne peuvent guère consister qu'en circonstan
direction du président, peuvent prendre part ces aggravantes ou atténuantes se rattachant
tous les intéressés, jurés, juges, procureur au fait principal, objet du procès ; car ce fait
général, défenseurs et partie civile. Là sur ne peut être dénaturé devant le jury. Ainsi ,
tout, celui qui y joue le premier rôle révèle, un individu mis en jugement pour meurtre ne
comme malgré lui, à tous les regards ses. plus saurait être condamné pourvoi, quand même
secrètes pensées, et prépare bien souvent, par ce dernier crime aurait été constaté et prouvé
son attitude et son langage, dans ces instants devant la cour d'assises. Elle n'était saisie
critiques, son salutou sa condamnation. Aux que d'une accusation de meurtre, et le jury
témoins à charge succèdent les témoins à dé n'adû être interrogé que sur ce point. C'est au
charge produits par l'accusé, soit pour dé ministère public à faire ses réserves pour
truire ou atténuer les dispositions des pre poursuivre, s'il y a lieu, l'accusé, à raison
miers, soit pour attester qu'il est homme du fait inconnu jusque là, et qui vient d être
d'honneur , do probité et d'une conduite ir révélé à sa charge. Indépendamment des
réprochable. Les uns , comme les autres, questions qui lui sont adressées sur la culpa
peuvent être exclus du débat pour cause de bilité de l'accusé , le jury, et c'est une mo
parenté, d'alliance avec l'accusé, ou de dification très heureuse apportée depuis peu
suspicion légitime, tels que les dénonciateurs au Code d'instruction criminelle, est invité
récompeusés pécuniairement par la loi. Au officiellement par le président à rechercher
cours de l'examen dont il est l'objet, l'ac s'il existe, en faveur de l'accusé, des cir
cusé est mis en présence d'une autre espèce constances atténuantes, sur la nature des
de témoins muets, mais souvent éloquents quelles il n'est pas d'ailleurs obligé de s'ex
et toujours incorruptibles : les pièces de con pliquer. Sa déclaration affirmative à cet
viction , o'est-à-dire les instruments du crime, égard assure au condamné des adoucissements
et tous les éléments matériels qui peuvent s'y sagement gradués par la loi selon la peine
rattacher et en procurer la preuve. Acteur qu'il a méritée. La délibération des jurés
principal dans tout ce drame, éminemment commence après le résumé du présidentdo la
intéressé à ne rien perdre de ce qui se dit ou cour. Retirés dans leur chambre, isolés de
se fait pour ou contre lui, l'accusé, s il était toute communication au dehors , munis des
étranger ou affecté d'une inliriiiile , telle pièces du procès autres que les déclarations
que le mutisme ou la surdité, serait privé èqrites des témoins ( car c'est principalement
des premières garanties dues à sa position. sur l'instruction orale opérée devant eux que
Un interprèle assermenté dans le premier leur conviction a dû se former), ils votent
cas; au second , la personne qui a le plus sur toutes les questions qui leur ont été sou
d habitude de converser avec lui, sont les mises. Pendant qu'ils préparent leur verdict,
auxiliaires que lui donne la loi. Aux inci le président a fait retirer l'accusé de l'audi
dents du débat , aux explications vives et ra toire où l'anxiété à laquelle il doit être eu
pides qu'il a souvent occasionnées de la part proie serait pour le public un pénible specta
de l'accusé, de son conseil et du ministère cle. Après le retour du jury dans la salle
public, succèdent les plaidoiries dans les d'audience, son chef, la main sur le cœur ,
quelles l'attaque et la défense sont plus mé prenant à témoin de ce qu'il va dire Dieu et
thodiquement et plus longuement dévelop les hommes ( comment a-t-on osé dire que la
pées. Les répliques sont admises, mais de loi était athée!), prononce la déclaration
manière que l'accusé ou celui qui parle eu de culpabilité ou de non-culpabilité de l'ac
sa faveur ait toujours le dernier la parole. cusé. Une nouvelle lecture de celle déclara
Quand les discussions contradictoires ont ainsi tion est donnée en présence de ce dernier ,
atteint leurs limites extrêmes, tout débat qu'on a fait revenir. Reconnu innocent, il
nouveau est interdit. Le président en prononce est immédiatement mis en liberté sur la sim
la clôture. Il résume l'affaire en faisant re ple ordonnance du président. Proclamé cou
ASS (72 ) Ass
pable , il lui reste encore, en ce moment où fond. Au jour indiqué pour la comparution à
la cour va délibérer sur la peino, la ressource, l'audience, si les prévenus ou quelques uns
«oit d'en détourner l'application en démon d'entre eux refusent de comparaître, somma
trant que le fait déclaré vrai contre lui n'est tion d'obéir à la justice leur est faite par un
pas défendu ou puni par la loi, soit d'atté huissier. S'ils persistent dans leur refus , Je-
nuer la rigueur du châtiment en sollicitant président peut ordonner qu'ils soient amenés
l'indulgence des magistrats. L'arrêt de la par la force devant la cour. 11 peut égale
cour est enfin prononcé par le président , et ment ordonner que, nonobstant leur absence,
lorsqu'il a averti le condamné de la faculté il soit passé outre aux débats. Après chaque
qu'il a de se pourvoir en cassation dans le audience, on donne lecture aux prévenus qui
délai de trois jours , tout est consommé. n'ont point comparu du procès-verbal des dé
Tel est l'ensemble des dispositions du Code bats, et il leur est signifié copie des réquisi
d'instruction criminelle sur le jugement des tions du ministère public ainsi que des arrêts
accusés traduits aux cours d'assises. Le légis rendus par la cour, qui sont tous réputés
lateur de 1808 semblait y avoir concilié dans contradictoires. La cour peut faire retirer de
une mesure suffisante les garanties qu'exige l'audience et reconduire en prison tout pré
la sécurité de la société et les droits de l'hu venu qui, par des clameurs ou par tout autre
manité. 11 faut dire aussi que nulle lacune moyen propre à causer du trouble , mettrait
préjudiciable aux intérêts de l'une ou de l'au obstacle au libre cours de la justice , et il est
tre ne s'était révélée dans ces mêmes dispo procédé, dans ce cas, aux débats ut au juge
sitions , tant que les accusés avaient joui en ment , comme il est dit dans les dispositions
France du double bénéfice du jugement par précédentes. Les lois sur le vote des jurés ont
jurés et d'une libre défense. Mais, à la suite subi également, en septembre 1835, des alté
d'un procès politique porté en 1835 devant rations aussi graves, aussi essentielles que
la cour des Pairs, furent faites les Jois de sep celles que nous venons d'exposer relative
tembre de celte même année, lois dont nous ment au jugement des accusés. Nous les fe
avons déjà parlé, et qui renferment plusieurs rons connaître à l'article Jury.
dérogations très importantes au Code d'in Fonctions du président. Le magistrat placé
struction criminelle eu égard à la procédure à la tête de la cour d'assises déploie dans co
devant les cours d'assises.Ces dérogations son t, poste un caractère si éminent , il est appelé
il est vrai , d'une application rare et le plus à exercer sur tout ce qui l'entoure tant d'in
souvent accidentelle. Les réclamations qu'el fluence , que ses attributions et ses devoirs
les ont soulevées de toutes parts paraissent en méritent d'être l'objet d'une attention spé
présager l'abrogation dans un avenir plus ou ciale de notre part, comme elles ont été ce
moins rapproché. Tant qu'elles existent néan lui des recommandations particulières du lé
moins, elles forment le dernier état de la lé gislateur. Le président interroge l'accusé
gislation sur la matière ; nous devons donc vingt-quatre heures au plus tard après son
les analyser ici. arrivée dans la maison de justice. 11 lui dési
Nous avons vu au paragraphe Compétence gne en même temps un défenseur, et l'avertit
que les cours d'assises pouvaient être saisies qu'il peut, dans les cinq jours suivants , de
directement par le ministère public, en ma mander la nullité de l'arrêt de mise en accu
tière de crimes de rébellion et de sédition , sation. Convoquer les jurés, les tirer au sort,
sans appréciation préalable par les chambres les diriger personnellement dans l'exercice
du conseil et d'accusation des charges pesant de leurs fonctions, gouverner les débats, y
sur les inculpés. C'est donc la partie adverse appeler, même par mandat d'amener, toute
de ceux-ci qui estime dans ce cas la préven personne dont il juge la déclaration utile,
tion suffisamment établie contre eux. Vaine ordonner l'apport de toutes pièces qui lui
ment ils essaieraient d'attaquer les arrêts de paraîtraient de nature à répandre du jour sur
la cour d'assises qui auraient statué soit sur des faits contestés, maintenir constamment
la compétence , soit sur les incidents, toute l'ordre , le calme, la dignité do l'audience :
espèce de pourvoi ne pouvant être utilement visiter les prisons au moins une fois dans le
formée par les accusés qu'après l'arrêt défi cours de la session : voilà les principaux pou
nitif et en même temps que le pourvoi dirigé voirs dont la loi investit le président. Quant
contre cet arrêt. Aucun recours ne peut tlis- aux obligations que lui impose le soin de les
ptMiscr la cour elle-même de statuer sur le remplir, elles semblent toutes comprises dans
ASS I 73 ) ASS
le texte aussi énergique que précis de l'ar tout entier dans la cause d'un de ses mem
ticle 266 du Code d'instruction criminelle. bres. Le président traitera également avec
« Le président est investi d'un pouvoir dis tous les égards dus à leur mission les défen
crétionnaire en vertu duquel il pourra pren seurs des accusés. Choisis par celui qu'ils
dre sur lui tout ce qu'il croira utile pour la viennent aider de leur assistance dans le plus
découverte de la vérité , et la loi charge son grand des périls , puisque son honneur y est
honneur et sa conscience d'employer tous ses toujours engagé, le fardeau confié à leur res
efforts pour en favoriser la manifestation. » ponsabilité deviendrait encore plus pesant si
Sa haute mission est là tout entière. Voyons la défense était entravée de gênes et d'inter
comment une pratique de plus de vingt-cinq ruptions réitérées. Nommés d'office, ils font
années , depuis la mise à exécution du Code preuve d'un zèle, d'un dévouement qui com
d'instruction criminelle , puisée dans les tra mandent l'estime et des encouragements.
ditions des meilleurs présidents de cours Mais c'est surtout dans ses rapports avec
d'assises, a enseigné l'application de cette l'accusé que le chef d'un tribunal criminel
théorie. Le président n'oubliera pas que cette est appelé à se montrer un digne ministre de
sorte d'omnipotence dont il est investi par la la justice. Cet accusé, dont les plus chers in
loi , il ne l'a reçue que dans l'intérêt de la térêts sont mis en question devant le prési
justice , et que plus son pouvoir est étendu , dent, il en est le protecteur né , le premier
moins il doit en abuser. Son premier soin défenseur. C'est donc au magistrat de le ras
consistera à étudier à fond les procédures, surer tout d'abord par des paroles pleines
écrites, afin de pouvoir diriger l'attention des d'humanité et de douceur. Que loin de lui être
jurés sur les véritables difficultés du procès et hostile, loin de chercher à le troubler dans
y appeler toutes les lumières du débat. Mais ses réponses, à le faire tomber dans les pièges
en s' acquittant de ce travail indispensable de d'une interrogation captieuse , il l'engage ou
I examen des pièces, le président ne se lais vertement à réunir toutes les forces de son
sera pas préoccuper des impressions défavo âme , toutes les ressources de son esprit dans
rables à l'accusé qu'il suggère presque tou l'épreuve redoutable à laquelle il est soumis.
jours ; car son expérience lui aura appris que La société aux prises avec un seul homme, la
souvent des charges très graves en apparence, société, trop forte pour ne pas se montrer
d'après les investigations d'une procédure généreuse, veut le convaincre et non pas l'é
secrète, disparaissent ou s'atténuent au grand craser. Mais ces ménagements qu'exige sa
jour de la publicité. Qu'il sache se défendre position, cette mansuétude constante qui lui
de l'horreur qu'excitent dans son âme des est due ne dégénérera chez le président ni en
crimes odieux ; qu'il s'interdise surtout la faiblesse ni en partialité. La découverte de la
manifestation de ce sentiment. S'il ne restait vérité, tel est le but invariable de ses efforts.
impassible , quel droit aurait-il d'inviter les Il tiendra donc la balance égale entre l'accu
jurés à l'être, eux qui doivent cependant sation et la défense, attentif à provoquer la
conserver tout leur calme, tout leur sang- lumière, do quelque côté qu'elle apparaisse.
froid pour peser le nombre et la gravité des C'est du débat seul qu'elle doit jaillir. C'est
preuve»? Dans l'interrogatoire des témoins, donc aussi dans l'habile direction qu'il doit
il montrera autant de patience que d'indul leur imprimer que se rencontre la partie la
gence pour ces hommes, souvent dépourvus plus difficile et la plus importante de la tâche
d'éducation, qu'intimide l'appareil imposant du président. Loin de lui l'erreur de croire que
d'une cour de justice , et mal servis par leur celte tâche se concentre dans son résumé ! Plus
mémoire troublée. Avare de soupçons contre loin encore l'ambition d'y briller par les mou
leur véracité, il ne cherchera pas à leur ar vements de l'éloquence! Méthode, netteté,
racher des déclarations conformes à ses pro simplicité, surtout fidélité scrupuleuse dans le
pres conjectures par d'indiscrètes menaces de récit des divers incidents du procès; voilà
poursuite en faux témoignage. Les jurés re tout ce que la loi lui demande. S'il lui est per
cevront de lui , dans ses fréquentes relations mis de suppléer les moyens omis par l'accusa
avec eux, toutes les marques de la considéra tion ou la défense, c'est seulement quand ces
tion que réclame leur caractère. Elevés mo moyens résultent du débat. Est- il besoin
mentanément au rang de magistrats, ils sont d'ajouter qu'un président pénétré de ses
pour ceux de la cour des collègues d'autant devoirs s'interdira toute manifestation d'o
plus respectables qu'ils représentent le pays pinion personnelle sur les faits soumis au
ASS ( 74 ) ASS
jury. Contraire à l'accusé, cette opinion serait tre sous les yeux du lecteur le document sui
pour lui un coup d'autant plus funeste qu'il vant, parce qu'il nous a paru se rattacher
ne pourrait plus le parer; ce serait frapper essentiellement à ce sujet.
un malheureux complètement désarmé. Si , Tableau de la répression des crimet et délits par Ict
d'un autre côté, le magistrat se montrait ou cours d'assises en France, depuis 1H2'6 jusque et y
vertement favorable à sa cause , il commet compris 1834.
trait d'abord un excès de pouvoir, car il n'est ( Elirait dr» coiuplea officiels de !'.i(lniirmrr.ilio!i de I- ju'tic»
eriwiitelle. )
point juge; mais ensuite son indiscrétion,
très dangereuse dans ce cas, pourrait contri ^s e e .
buer à urracher un coupable à la juste ven i î 1 ± .1 : 1
geance des lois. Qu'il ne se départe donc ja
Anntu.
£— S S— c
s !é4
< ■*£.i-
mais d'une rigoureuse réserve sur l'opinion ù 85 ! « s <
qu'il a pu se former en suivant attentivement 1828 7,234 1,417
2,069 5,163 4,549 176 3,001
les débats dont ses paroles retracent la physio 1826* 6,088 1,907 3,081 4,348 130 2 635 1,343
nomie. L'honneur etla conscience 1 ni font une 1827 6,929 1,911 5,018 4,236 109 2,613 1,314
loi de rester encore impénétrable sur ce 1848 7,396 1.844 5,332 4,531 114 2,643 1,7921
1829 7,373 1,791 5,382 4,473 89 2,561 1,823
point lors des explications officieuses que les 1830 6,962 1,166 5,296 4,130 92 2,233 1 ,783
jurés réunis dans leur chambre et embarras 1831 7,606 2,046 5,360 4,098 108 2,03:2 1,!»3H
sés pour la solution des questions, lui font 1832 7,565 1,331 3,963 4,448 74 1,963 2,309
1833 6.964 2,136 4,828 4,103 42 1,637 2,401
quelquefois demander. Son langage, dans ces 1834 6,932 | 2,216 4,736 4,164 23 1,674 2,437
conférences intimes , ne sera pas autre que A pirlir de rrtle amufc. le nombre de» iiccustéi' ne roniptrnd q»< ir *
celui qu'il leur tiendrait à l'audience et à la indn idu» jugea contradictoire nn-ui.
face du public , toujours loyal, toujours neu BOSCHERON DES l'oit IIS,
tre à l'égard des faits qui sont de la compé ASSISES (archit.). Rangée horizontale de
tence exclusive du jury. L'arrêt prononcé, la pierres de tailles qui forme le mur d un édi
mission du président n'est pas toujours com fice. Lorsque la construction est parfaite et
plètement terminée. Danslecompte qu'il rend régulière , chaque assise doit offrir un arra-
au ministre de la justice de la session d'assises, sement général dans toute l'étendue du bâ
d'après un usage généralement pratiqué , il timent , et toutes les assises doivent être
peut appeler encore, par ce puissant inter d'une égale hauteur..
médiaire , les bienfaits de la clémence royale En Italie, plusieurs édifices du moyen âge,,
sur ceux des condamnés dont le châtiment tels que le baptistère de Pisloja , les cathé
lui aurait paru injuste ou trop rigoureux. Ce drales de Gênes et de Sienne sont revêtus ,
témoignage d'intérêt lui est-il interdit par soit à l'intérieur soit à l'extérieur, d'assises
la nature ou par les circonstances du crime , alternativement blanches et noires. Ce genre*
le président doit remplir envers le con de décoration est moins heureux que bizarre.
damné un dernier devoir auquel le convie On appelle assises de parpain , celles dont
la loi elle-même : c'est celui d'exhorter ce les pierres traversent toute l'épaisseur du
malheureux à la fermeté, à la résignation, à mur, telles que celles que l'on met sur les
la réforme de sa conduite. Qu'à sa voix le re murs d'ÉcniFFRE {voy. ce mol), sous les cloi
pentir pénètre dans l'âme du coupable, et lui sons ou pans de bois au rez de chaussée
montre , à côté des inexorables exigences de ASSOCIATIONS. — Associations illi
la société humaine , la miséricorde inépuisa cites.—Associations de malfaiteurs. L'as
ble du Dieu qui pardonne. Quand la religion sociation est la réunion de plusieurs per
s'asseoit sur le tribunal à côté de la justice, sonnes dans un but commun : c'est leur
lorsque In magistrat rend hautement hom agrégation dans une même pensée , dans une
mage à la morale divine, l'enceinte des dé même intention Le droit d'association est un
bats criminels devient de plus en plus féconde droit naturel : c est le plus ancien. Il t eut
en enseignements salutaires, et leur publi à l'homme comme son moyen d'atteindre au
cité n'a plus alors que des avantages. but même de sa destination. C'est l'associa
Nous renvoyons, pour plusieurs détails qui tion qui arracha l'homme à l'état sauvage ,
se rattachent aux cours d'assises, et qui n'ont et le fit passer de la peuplade à la cité ; c'est
pu trouver place ici , aux mots JunY, Minis l'association qui lui donna une patrie. Les.
tère public, Avocat, Cassation, Frais, besoins et les infirmités de l'homme lui ap
Exécution ; mais nous avons cru devoir met prennent qu'il ne saurait se passer de ses seni
ASS (75) ASS
blables : il a été créé faible , et il ne devient L'Allemagne a sa bvrschensrhaft toute dé
fort« Hors
que par
de l'association.
l'homme , dit Domat , les cieux , mocratique , et à coté de cette société s'en
est élevée une autre pour la combattre, com
» les astres , la lumière , l'air, sont des ob posée de la jeune noblesse, la landsmantehaft.
jets qui s'étalent aux hommes comme un L'Allemagne a eu encore sa réunion Louise ,
> bien commun à tous, et dont chacun a tout sa réunion Saint-Joachim , ses commodistes ,
i son usage ; et toutes ces choses que la terre ses chevaliers noirs, ses frères initiés de l'Asie,
>et les eaux portent ou produisent, sont dont le principal comité est connu sous la
> d'un usage commun aussi , mais de telle nom dé Petit et .Constant Synedrion de l'Eu
> sorte qu'aucune ne passe à notre usage rope. A la tête de toutes ces sociétés se place
» que par le travail de plusieurs autres per- la tugend-btind, d'où sont sorties toutes las
» sonnes, ce qui rend les hommes nécessaires autres associations. La tugend-bund est la
> les uns aux autres, et forme entre eux les plus violente et la plus puissante des sociétés
• différentes liaisons pour les usages de l'agri- qui remuent les peuples du Nord. La tugend-
» culture, du commerce,des arls, des sciences, bund jette autour d'elle de profondes racines.
> et pour toutes les autres communications Elle ressemble beaucoup aux francs-juges nés
> que les divers besoins de la vie peuvent aussi en Allemagne, aux francs-juges qui
: demander. * osèrent ajourner un roi, et lui ordonner de
La nécessité de l'association est la première comparaître devant leur tribunal. L'Angle
et la plus vive qui se fasse sentir à l'homme. terre , où règne maintenant plus qu'en aucun
Elle est dans sa nature et dans les desseins pays la liberté des associations, compte la
de la Providence sur lui. Le droit d'associa société des Ecossais-unis , des Irlandais-unis,
tion, ce droit sacré et imprescriptible, ne des Bretons-unis , la société correspondante de
saurait donc être aliéné, restreint ou détruit, Londres, et plusieurs sociétés sous diverses
que dans le cas seulement où l'association dénominations. La France a eu ses chevaliers
particulière menace l'association générale, de la liberté, sesphiladelphes, d'oùsortirentles
la grande association, c'est-à-dire la société conspirations de Mallel et de Babœuf. Le car
tout entière. En effet , l'abus des meilleures bonarisme a, dit-on, effacé toutes ces socié
choses est facile à l'homme. Les gouverne tés, qu'il aurait remplacées par une seule et
ments se sont justement effrayés de ces asso vaste organisation. On l'accuse de menacer
ciations mystérieuses dont les réunions, les l'Europe entière avec ses bons cousins, ses
membres, l'objet, restent inconnus ; de ces censeurs, ses députes et ses ventes.
sociétés dont l'action est partout et qu'on ne Nous avons parlé du droit général d'asso
trouve nulle part. Dans tous les temps, l'Al ciation. L'association est une réunion qui ne
lemagne a été le foyer des sociétés seerèies. traite pas seulement une affaire commune à
C'est là qu'elles se sont formées , agrandies; ceux qui se réunissent, mais un objet en de
c est de là qu'elles se sont répandues dans hors des intérêts privés de chaque membre.
toute l'Europe, établissant ainsi une seule Les lois anciennes comme les lois nouvelles
famille d'hommes pris dans tontes les na ont réprimé les associations lorsqu'elles ont
tions. Le caractère à la fois froid , contem pris un caractère alarmant pour la sûreté
platif et exalté des Allemands les a jetés dans publique. Toutefois, elles ont joui jusqu'ici do
ces abstractions, dans cet idéalisme et dans la plus grande liberté. De la part de l'auto
tous ces rêves qui agitent des enthousiaste;. rité, elles ont été l'objet d'une surveillance
Le besoin d'existence virile, d'intervention invisible et silencieuse j mais leur liberté dif
prématurée dans les affaires qui tourmente ficile à restreindre sans tomber dans l'arbi
la jeunesse dont la légèreté aime à. porter traire a été complète , et, loin de l'entraver,
des secrets mortel?, une pensée fixe qui brûle le Code pénal de 1810 ne s'est occupé que des
intérieurement, une soif de succès, le mépris réunions de plus de vingt personnes. 11 y a
do la vie, rendent formidables ces affiliations des choses que Dieu et le for intérieur con
où n'entrent que des hommes a fortes convic damnent, mais qui ne sauraient tomber dans
tions, pleins d'énergie. Les rois du Nord eux- le domaine des hommes qui ne peuvent lire
mêmes fortifièrent les sociétés secrètes , lors- au fond des consciences. Le Code pénal vou
qu'épouvantés des invasions de Bonaparte , lait que l'autorité fût informée des motifs qui
ils se virent contraints de les appeler comme réunissaient vingt personnes dans le même
auxi|;aires contre leur redoutable ennemi. lieu ; mais il se contestait d'ordonner la dis
ASS (76) ASS
solution des réunions non autoriséesetde sou pelée à juger leurs actes. Sous la vieille mo
mettre à une amende les chefs, directeurs ou narchie les. assemblées illicites , les assem
administrateurs de l'association, etles proprié blées en contravention aux ordonnances du
taires des maisons où se tenait la réunion. Ce roi, attentatoires à son autorité, consti
n'était, pour ainsi dire, qu'une intervention de tuaient un crime réputé cas royal , et 1 art. 1 1
police pour arrêter le désordre. Les sociétés de l'ordonnance du mois d'août 1070 lui don
secrètes , que le gouvernement le plus om nait des juges royaux. Un édit de juin 1559
brageux ne saurait anéantir, car leur action punissait de mort les assemblées sous pré
échappe à toutes les investigations , n'étaient texte de religion. Le parlement les prohi
donc troublées et poursuivies que lorsqu'elles bait, et elles lui étaient dénoncées par ses
se révélaient par des réunions de vingt per procureurs généraux. La plus ancienne do
sonnes, par des complots et des attentats. La ces ordonnances est de François Ier contre les
police administrative surveillait , intervenait hérésies de Luther et de Calvin. Des lettres
peut-être, et la police judiciaire restait de Philippe de Valois pour le bailliage d'Au
muette. Cet état de notre législation a été vergne, en 1343, défendent à toute personne
changé par la loi du 10 avril 1834. Nous en de faire assemblées sur couleur de confrairie
trons dans une ère nouvelle. Le Code pénal ou autrement , et un édit de 1561 défend éga
ne songeait qu'au nombre d'individus com lement les conventicules et assemblées pu
posant la réunion. La loi d'avril songe moins bliques avec armes et sans armes, sous peine
au chiffre d'une réunion qu'au nombre des de confiscation de corps et de biens. Le
réunions partielles liées entre elles , formant 14 septembre 1737 une sentence de police
un tout inquiétant pour l'autorité. L'art. 1" défendit toute association, et notamment
de cette loi porte que les dispositions de l'ar celle des francs-maçons.
ticle 29 1 du Code pénal sont applicables axix Le Code pénal de 1791 abrégea toutes ces
associations de plus de vingt personnes , alors peines. Il définit les crimes qu'il avait pré
même que ces associations seraient partagées vus, et ils furent déférés au jury par la loi
en sections d'un nombre moindre , et qu'elles du 16 septembre de la même année.
ne se réuniraient pas tous les jours ou à des Nous avons dit que la loi d'avril 1834 frap
jours marqués. pait indistinctement toutes les associations
A quel chiffre une réunion devient-elle du moment où elles ne se plaçaient pas sous
coupable? Il n'est pas indiqué par la loi. l'autorisation et la surveillance de l'autorité.
Trois personnes et même deux se réunissant Si le Code pénal s'est, pour ainsi dire, mis en
pourraient donc être inculpées ; mais il fau dehors des associations, il a toutefois atteint
drait prouver que cette réunion se rattache tout ce qu'il pouvait atteindre, et dans ses
rait à d'autres réunions , et qu'elle ne serait pénalités il n'a point oublié ces hommes qui
que l'anneau d'une chaîne que la société au s'assemblent dans les ténèbres , qui ont des
rait intérêt à briser. Le Code pénal, avec son chefs et jusqu'à une langue à part, ces hommes
amende de seize francs à deux cents francs , qui s'organisent pour le crime, les associa
ne présumait pas le crime, et ne punissait tions de malfaiteurs. Ainsi l'art. 265 du Code
qu'une infraction de police. La loi d'avril pénal pose en principe que toute association
frappe plutôt l'objet de la réunion que la réu de malfaiteurs envers les personnes ou les
nion elle-même. Elle suppose une pensée propriétés , est un crime contre la paix pu
coupable, un délit grave, secret, prêt à blique. Le législateur indique lui-même à
éclater, impossible à qualifier, et à ce délit quels signes on reconnaîtra les associations
elle inflige un emprisonnement de deux mois de malfaiteurs. « Ce crime, d'après l'art. 266
a deux ans, une amende de cinquante francs » du même Code, existe par le seul fait d'or-
à mille francs : la récidive élève la peine jus » ganisation de bandes ou de correspondance
qu'au double. La loi d'avril rend applicable » entre elles et leurs chefs ou commandants,
aux attentats commis par les associations » ou de conventions tendant à rendre compte,
l'art. 28 de la Charte, qui permet de déférer » ou à faire distribution ou partage du pro-
certains crimes à la Chambre des Pairs. Le » duit des méfaits. » 11 ne s'agit point ici de
seul fait de l'association, à l'abri jusqu'à pré deux ou trois personnes; il faut des bandes,
sent de toute pénalité, est donc désormais un des chefs, des conventions. II y a résolution
délit. Toutes les associations se trouvent pro d'agir concertée et arrêtée ; il y a complot
scrites , et la haute cour du royaume est ap contre l'ordre public, contre les personnes et
ASS ( 77) ASS
les propriétés. Le crime existe envers la so Les prescriptions fixes et communes à tout
ciété entière ; le crime est donc grave , et la assolement sont celles-ci : 1° alterner les cul
peine l'est également. Les travaux forcés à tures épuisantes et celles qui améliorent le
temps sont infligés aux auteurs , directeurs , sol ; 2» placer une plante nettoyante après
commandants en chef ou en sous-ordre de ces celle qui salit la terre et la couvre de mau
associations. La peine de la réclusion attend vaises herbes ; 3° ne pas cultiver deux ans
tous autres individus chargés d'un service de suite dans le même terrain des plantes de
quelconque dans les bandes, et ceux qui au la même famille.
raient sciemment et volontairement fourni Nous ne pouvons ici énumérer toutes les
aux bandes ou à leurs divisions des armes, plantes épuisantes et celles qui ne le sont
munitions, instruments de crime, logement, pas, non plus que celles qui aident à la pro
retraite, ou lieu de réunion. pagation des herbes nuisibles , et celles qui
Il résulle ainsi de l'état de notre législation les étouffent. Nous renverrons pour cela à
qu'autrefois les réunions de vingt personnes l'article consacré à chacun des végétaux em
avaient seules besoin d'autorisation , et que ployés dans la grande culture, et nous nous
le Code pénal n'avait prévu et réprimé que contenterons d'ajouter que parmi les plan
les associations de malfaiteurs, et qu'aujour tes il en est qui sont épuisantes , non seule
d'hui toute association, toute fraction d'as ment d'une façon -différente, mais encore
sociation est défendue, quels qu'en soient les dans des proportions diverses : ainsi les vé
motifs et le but. Le crime ne se suppose pas, gétaux qui nourrissent leurs graines enlè
et la loi nouvelle le suppose. Le vice de celte vent au sol une bien plus grande quantité de
loi c'est d attaquer non la criminalité d'une parties nutritives que ceux qui sont récoltés
association , mais la faculté même d'associa avant cette époque : on peut donc regarder
tion , qui est un droit que l'homme tient de comme épuisantes les céréales, les graines
Dieu et de sa nature. Nibelle. oléagineuses, les haricots , etc. ; les racines
ASSOLEMENT ( agric. ). Tracer un as fourragères ou industrielles, les prairies ar
solement, c'est diviser le sol d'une exploita tificielles, etc., n'effritent guère, et laissent
tion en portions diverses, dans lesquelles des au sol presque toute sa puissance nutritive.
cultures semblables doivent revenir dans des Notre seconde prescription s'explique par
temps égaux. faitement par ceci, qu'il est deux distinctions
L'assolement est considéré par sir John à faire entre les divers végétaux qui font
Sinclair, dans son Code of agriculture, l'objet de la culture française : les uns ne re
comme le trait le plus éminent d'une bonne çoivent d'autre culture que celle qui précède
exploitation rurale ; comme le point le plus les semailles ou la plantation ; les autres, au
important qui ait été traité par les écrivains contraire, sont cultivés pendant tout le cours
modernes sur l'agriculture et celui sur lequel de leur végétation. La seconde distinction
ils ont répandu le plus de lumières; comme consiste en ceci, que certaines plantes, par
pouvant procurer un accroissement considé leur feuillage épais et serré, étouffent les
rable des produits du sol; comme consti mauvaises herbes, tandis que les autres aux
tuant ce que l'on peut appeler l'essence ou feuilles rares et étroites les laissent croître et
l'âme de l'agriculture; en un mot comme se ressemer.
formant la base de tout perfectionnement dans Enfin, la troisième règle , indiquée plus
cet art. Il est question de rechercher par quel haut, établit que des plantes de même fa
cours de récolte on peut, dans une série mille ne peuvent se succéder qu'après un in
d'années, tirer d'une étendue do terre donnée tervalle plus ou moins long; les céréales,
la plus grande quantité possible de produits par exemple , demandent au moins un an, et
utiles, avec le moins de risques et de dépenses. le trèfle quatre années.
On doit établir la division de ses terres et Les prescriptions variables dépendent du
la rotation des cultures à y pratiquer, en climat ou de la situation, de la nature du sol,
suivant quelques règles qui sont de deux des débouchés probables, du capital. Le cli
sortes : les premières sont les mêmes pour mat et la nature du sol ont une telle valeur
toute espèce de terrain et pour quelque pays en agriculture, que nous croyons devoir ren
que ce soit; les autres, au contraire, sont va voyer aux deux articles qui leur seront con
riables et dépendent du climat, du sol, des sacrés ; leur examen est de la plus grande
débouchés probables cl du capital. importance, et réclame une sévère attention.
ASS (78 ) ASS
Les débouchés sont une des nécessités do la tes industrielles d'un débit facile et assuré.
production, et l'on s'exposerait à de pénibles Les fumiers seront , autant qu'on le pourra ,
et coûteux désappointements si l'on créait des appliqués k la culture sarclée, parce que les
produits sans être parfaitement assuré de les mauvaises graines que l'engrais renferme tou
vendre. Il faut donc, avant de tracer un as jours seront détruites par le sarclage et le
solement, examiner ce qui nous entoure, les binage. Il est aussi fort utile de placer les
voies par lesquelles nous devrons exporter, et plantes fourragères sur la céréale qui se sème
les besoins que nous pourrons satisfaire avec ordinairement après la récolte sarclée et
le plus de bénéfice. Nous ne citerons ici que fumée.
deux exemples : le voisinage d'une grande Nous devons faire encore une autre obser
ville, ou celui de fabriques consommant les vation de grande importance: c'est de régler
produits agricoles. La proximité des grands tellement les diverses cultures que les travaux
centres de la population permet de tirer un qu'elles nécessitent n'arrivent pas tous en
profil notable des produits de la basse-cour, semble ; car alors il faudrait ou recourir à
du laitage, des légumes, et même de la paille des ouvriers du dehors et à des attelages étran
ou des fourrages : elle a encore cet autre gers, ou bien en avoir un plus grand nombre
avantage, que l'on peut se procurer du fu qu'il est nécessaire, qui souvent resteraitexcè-
mier à bon marché , ainsi que des boues et dant sans emploi. Cette considération ne peut
autres engrais. Les fabriques employant, soit trop fixer l'attention du cultivateur; il doit
des betteraves, soit des pommes de terre ou donc faire en sorte que tous les travaux de
des graines oléagineuses, etc., doivent en labour, de semaille , de nettoyage, de ré
gager le cultivateur à faire porter au sol leurs colte, etc. , se succèdent sans jamais s'en
matières premières. On conçoit bien qu'un traver.
grand nombre d'autres causes peuvent encore Dans toutes les conditions que nous venons
influer sur le système d'assolement; c'est au d'établir nous avons omis la jachère, parce
cultivateur à les chercher, à bien les exa que nous la regardons plutôt comme un re
miner avant de rien arrêter. Si les chemins mède énergique que comme un moyen nor
sont impraticables, et si les lieux de consom mal et régulier; elle est seulement d'une né
mation sont fort éloignés , ou devra donner cessité habituelle dans certaines terres de
une grande extension à l'éducation du bétail, nature particulière , telles que les argiles
et par suite à la culture des prairies artifi presque pures. On peut cependant lui substi
cielles et des racines fourragères. tuer presque toujours dans ces terrains une
Le capital doit être calculé non seulement demi -jachère; mais il faut alors que tout
d'après les frais de culture plus grands du 1 assolement concoure à un parfait entre
système perfectionné , mais encore en obser tien ou division du sol. Les labours qui se
vant que toute l'amélioration de l'assolement donnent immédiatement avant 1 hiver, et qui
rationnel étant basée sur l'augmentation du laissent la terre en grosses molles, sont ici
fumier, et par conséquent du bétail, il faut lout-à-fait nécessaires. (Voy. Jachère.)
pouvoir accroitre celui-ci. On doit aussi con Deux obstacles presque invincibles s'op
sidérer si les bâtiments d'exploitation n'ont posent, dans un trop grand nombre de con
pas besoin d'être agrandis, et si la maiu trées , à l'adoption d'un bon assolement :
d'oeuvre n'est pas d'un prix trop élevé dans nous voulons parler de la vaine pâture ou
la localité. parcours, et du morcellement des propriélés,
Lorsque le cultivateur tracera son assole ou division excessive du sol. Nous ne dirons
ment , il devra s'attacher à éloigner les con rien ici du premier, que nous traiterons dans
génères, à placer les fumages dans les cir un article spécial. Le second rend imprati
constances les plus favorables, et de manière cable tout autre assolement que celui suivi
à en obtenir tout l'avantage possible ; à inter généralemen t dans les communes où l'exploi
caler les plantes sarclées ou étouffantes à des tation est siluée, et presque toujours celle
distances assez rapprochées pour que le sol rotation est une des plus mauvaises : nous
ne soit jamais infesté de mauvaises herbes; voulons parier de l'assolement triennal. Celte
a produire une masse assez grande de pailles, division excessive du sol est un immense
de fourrages et de racines fourragères pour malheur pour l'agriculture. Nous en parle
que la production du fumier soit au moins rons à l'article Morcellement.
suffisante ; enfin , à ne cultiver que les plan Nous terminons ici ce que nous avions à
ASS (79) ASS
énoncer des prescriptions générales de l'as Midi. — Terres légères.
solement, disant avec M. de Dombasle « que i" année : maïs fumé et sarclé. — 2« an
le meilleur est celui qui donne le produit, née : récolte enfouie en vert ou pâturée. —■
net de frais, lu plus considérable ■ car en dé 3e année : froment.
finitive le profit doit toujours être le but de 1" année
Terres
: betteraves
franchesou
et fortes.
fèves fumées et
l'agriculture; mais il faut qu'un bon assole
ment donne ce profit sans épuiser le sol, sarclées. — 2e année : froment. — 3* année :
mais au contraire en le maintenant dans un maïs pour fourrages.
état constant d'amélioration. » Nonn. — Terres légères.
Nous allons placer ici quelques modèles I. — 1™ année : pommes de terre ou navels
d'assolement, que nous accompagnerons des fumés. —2« année : sarrasin ou spergule pour
réflexions nécessaires pour établir leurs dé fourrage. — 3e année : seigle. ■
fauts ou leurs avantages. II. — 1" année : pommes do terre ou na
Assolement de deux ans. Cet assolement ne vets fumés. — 2* année ; orge. — 3e année :
peut présenter du résultat satisfaisant que lupuline ou minette.
dans des terres d'excellente qualité, pies des Terres fortes.
lieux où les engrais sont à vil prix, ut encore i" année ; récoltes sarclées et fumées. —
dans ce cas nous conseillerons de placer 2« année : froment ou avoine. — 3' année:
dans une des deux soles une culture sarclée vesces d'hiver ou de printemps.
oh étouffante. Assolement de quatre ans. Cet assolement
Il nous parait utile de diviser la France est un des meilleurs, et présente deux avan
en deux zones , l'une du midi , l'autre du tages remarquables : celui de la transition
nord, et d'indiquer la classe de terres à la facile de la rotation de trois ans avec jachère
quelle s'applique l'assolement. à une méthode dont la jachère est bannie, ut
Midi. — Terres forles. aussi celui d'utiliser parfaitement tout l'en
I. — 1™ année : réédites sarclées et fu grais en n'en dépensant que très peu.
mées ; 2* année : froment. Midi. — Terres franches et légères.
II. — 1" année : froment et lupins enfouis; lre année : betteraves fumées et semées en
2* année i maïs et haricots fumés. place, puis binées. — 2e année : froment ou
1" année: maïs Terres
quaranlain,
légères. fumé et sar seigle. — 3* année : trèfle. — 4* année : fro
ment.
clé} 2e année : seigle. Nonn. — Terres franches et fortes.
Nord. — Terres franches. I. — lreannée : récoltes sarclées et fumées.
I. — ir« année : fèves ou autres récoltes —2' année : orge ou avoine avec semis do
fumées et sarclées ; 2* année : froment. trèfle. — 3« année : trèfle. — 4* année : fro
II. — 1" année : froment fu:ué. ment ou colza d'hiver.
2* année : lin ou chanvre. II. — tre année: récoltes sarclées et fu
Assolement de trois ans. Ce cours de rota mées. —2" année : colza d'hiver repiqué avec
tion est un des plus mauvais, et pourtant un trèfle. — 3e année : trèfle. — 4« année : fro
des plus généralement suivis. Voici ce qu'il ment.
est ordinairement : 1" année : céréales d'hi- III. — lre année : turneps pâturés. —2* an
Ter ; 2* année : céréales de printemps ; 3« an née': céréales de printemps. —3« année : tr<'-
née: jachère ou' légumes, ou trèfle. Celui qui fle. — 4e année : céréales d'hiver.
aura lu avec soin lès règles que nous avons IV. — 1" année: racines sarclées et fu
tracées verra facilement tout ce que cet as mées. — 2« année : avoine ou graines oléa
solement a de désavantageux. Les céréales gineuses de printemps. — 3e année : fèves en
se suivent; peu de cultures nettoyantes, et ligne. —4-' année : froment.
par conséquent la jachère nécessaire tous les i Terres légères.
six ans; un fumage souvent répété, mais i" année : pommes de terre, navets fumés
mal placé, puisqu'il l'est sur la céréale d'hi et sarclés, ou sarrasin. — 2e année : orge ou
ver, qui ne doit jamais recevoir d'engrais avoine de mars. — 3« année : vesces d'hiver,
dans une rotation régulière. Nous allons ce jarosses d'hiver fauchées en vert.—4« année :
pendant donner quelques modèles d'assole seigle.
ment triennal choisis parmi les moins dé Assolement de cinq ans. Cet assolement est
fectueux. d'un usage moins fréquent que ceux dont
ASS ( 80 ) . ASS
nous venons do parler; il ne peut être em sait qu'une récolte d'avoine après le trèfle
ployé que là où les fumiers sont très com donne plus de paille et de grain que deux ré
muns et les produits industriels du sol d'une coltes après le blé, faites suivant l'ancien
vente facile. On doit aussi le mettre en usage assolement Supposons seulement qu'il y ait
dans les terrains très sales, qui demandent égalité, il restera en bénéfice, dans l'assole
au moins deux récoltes sarclées pour se dé ment sexennal, deux coupes de trèfle qui
barrasser de leurs mauvaises herbes et se re n'auront coûté que la valeur de la semence
poser de l'épuisement que plusieurs cultures et des cendres minérales (ou du plâtre) qu'il
successives de céréales ont pu causer. Les faut répandre sur le trèfle au mois de mars;
sols riches conviennent seuls à cet assole et cet avantage est d'autant plus grand qu'il
ment, qui nécessite la culture des plantes fournit aux cultivateurs les moyens de nour
industrielles, réclamant presque toutes un rir un plus grand nombre de bestiaux , par
terrain très fertile. conséquent d'augmenter la masse de leurs
I. — 1™ année : récoltes sarclées et fu engrais et de parvenir graduellement à di
mées, mais ne produisant pas de semences. — minuer la quantité de terres laissées en ja
2e année : récolte de céréales, la plus conve chères, en les couvrant successivement de
nable au sol. — 3e année : trèfle fauché et nouveaux fourrages. »
pâturé. — 4« année : fèves en lignes, binées et Arrivé à ce point, voici l'assolement indi
pâturées par les moutons après la récolte.— qué par M. d Hérouel : i™ année : froment ou
5e année : céréales selon la nature du sol. seigle ; 2* année : récolte fumée et sarclée ;
II. — lre année : récoltes fumées et sar 3« année : avoine ou orge ; 4e année : trèfle
clées. — 2e année : orge, avoine ou colza de ou lupuline ; 5e année : froment ; 6* année :
printemps avec semis de trèfle. — 3e aimée : colza, pavot, lin fumés. Cet assolement, qui
trèfle. — 4« année : froment. — 5e année : permet progressivement d'anéantir la ja
vesces pour fourrages. chère, même pour le plus pauvre cultivateur,
III. — 1" année: récoltes fumées et sar est un immense biehlait rendu à la science
clées. — 2* année : orge, avoine ou blé de agricole.
mars. —3e année : trèfle. — 4e année : colza Midi. — Terres franches.
repiqué avec demi-fumure. — 5e année : fro 1" année : betteraves fumées et binées. —
ment. 2e année : céréale sans engrais. — 3e année :
IV. — lre année : pommes de terre fumées maïs pour fourrage, puis lupin enfoui. —
et binées. — 2* année : pavots ou chanvre 4* année : céréale sans engrais. — 5* année :
sans engrais. — 3e année : lin fumé avec des récolte sarclée et fumée. — G« année : céréale
engrais liquides.—4e année : céréale d'hiver. sans engrais.
— 5* année : prairie artificielle. Nord. — Terres légères.
Assolement de six ans. Ce système est celui I. — 1" année : récolte fumée et sarclée.—
qui présente le plus d'avantages pour passer 2e année : orge ou avoine avec semis de pâ
de l'assolement de trois ans avec jachère, si turage.—3e, 4% 5' années : pâturage.— 6e an
malheureusement suivi dans une grande par née : avoine.
tie de la France, à l'assolement sans ja II. — lrc année : pommes de terre fumées
chère. M. F. d'Hérouel a présenté à la so et binées. — 2e année : avoine avec semis de
ciété de Saint-Quentin un mémoire sur cette trèfle.— 3e année : trèfle.— 4e année : seigle,
question, mémoire très remarquable, cou puis spergule. — 5* année : navets pâturés
ronné par cette société. ou sarrasin enfoui. — 6e année : seigle.
Au début do son assolement sexennal il Terres fortes et franches.
conserve deux récoltes de froment, deux ja I. — lre année : orge ou avoine fumés. —
chères, une récolte de céréales de printemps 2* année : trèfle. — 3e année : froment. —
et une de trèfle. Voici sa rotation ; i™ an 4* année : fèves fumées.—5« année : froment.
née : froment; 2e année: jachère; 3* an —6« année : racines fourragères.
née: froment; 4e année : trèfle; 5« année : II. — 1" année : tabac fumé. — 2' année;
avoine; 6* année: jachère. «Dans l'ancien trèfle. — 3e année : orge ou avoine d'hiver ou
système, dit M. d Hérouel , on a deux ré de mars. — 4e année : colza ou fèves avec
coltes d avoine après le blé; dans le nouveau, fumier.— 5« année : froment.— 6e année : lin
une seule récolte après du trèfle; mais pour ou tabac fumé.
peu qu'on se soit occupé d'agriculture, on Assolement de sept ans. Dans cette méthode
ASS ( 81 ) ASS
on peut avoir quatre soles de céréales , et Assolement de huit ans et au-dessus. Les as
trois seulement de cultures sarclées ou fourra solements de cette espèce ne se composent
gères j cependant, à moins d'un terrain très généralement qu'en réunissant deux ou plu
riche, il vaut mieux faire le contraire et sieurs combinaisons de rotations de culture ;
avoir trois soles de céréales, deux de prai par exemple, un assolement de huit ans n'est
ries artificielles , et deux de racines fourra ordinairement que la réunion de deux rota
gères et de cultures industrielles. On se sert tions de quatre ans dans lesquelles on remplace
aussi de ce cours de rotation pour établir des assez habituellement une des soles de trèfle.
prairies artificielles durant plusieurs années, On établit quelquefois de ces rotations à lon
comme le sainfoin , la luzerne, etc. , ou bien gues années pour y placer des prairies artifi
encore des plantes destinées à l'industrie, cielles vivaces, telles que les luzerne et sain
telles que la garance. foin, plantes qui ne veulent revenir sur le
Midi. — Terres légères. terrain qu'après une absence double du temps
1™ année : pommes de terre fumées. — qu'elles y ont passé. 11 faut remarquer ici que
2« année : céréale d'hiver.— 3e année : maïs les céréales d'hiver ne doivent jamais être
pour fourrage, seul ou mélangé. — 4« année : cultivées immédiatement après une luzerne,
céréale d'hiver avec semis 'de sainfoin. — non plus qu'après un défrichement : on doit
5e, 6*, 7« années : sainfoin. commencer le nouveau cours de culture par
Terre* fortes et franches. des plantes sarclées, en particulier par la
L — 1™ année : froment. —2« année : maïs pomme de terre, puis lui faire succéder les
pour fourrage. — 3e année : fèves fumées et céréales, et de préférence aux autres l'a
sarclées. — 4° année : froment. — 5e année : voine.
fèves et maïs semés ensemble et coupés pour Nous allons donner trois exemples d'asso
fourrage. — 6« année : froment. — 7e année : lements de huit et de neuf ans; l'un d'eux,
fèves fumées et sarclées. destiné à des terres très argileuses, renferme
II. — 1" année : céréale.— 2° année : prai une jachère.
rie artificielle. — 3e année : céréale. — 4e an Ouest. — Argilo-schisteuses.
née : culture sarclée. — 5«, 6e, 7e années : l'e année : choux fumés avec du fumier
garance. d élable. — 2e année : froment avec semis de
Nord. — Terres légères. trèfle. — 3e année : trèfle.— 4e année : orge.
I- — 1" année: pommes de terre fumées.— —5' année : Betteraves, carottes et pommes
2« année : orge. — 3« année : betteraves fu de terre, avec demi-fumure de noir animal.
mées. —4e année : seigle ou blé avec semis de — 6e année : avoine d'hiver. — 7« année :
sainfoin. — 5e, 6«, 7e années : sainfoin. colza fumé avec demi-fumure de noir animal.
II. — 1™ année : sarrasin et genêts qui lè — 8* année : froment.
vent spontanément. — 2« année : genêts. ■— Est. — Terres argileuses.
3*, 4* années : genêts pacagés. — 5« année : in année : jachère avec chaulage. —2* an
avoine de mars. — 6e année : lupuline fumée née : colza d'hiver fumé et sarclé. — 3« an
à la surface avec du fumier de moulons et la née : froment avec semis de trèfle. — 4« an
bourée de bonne heure. — 7' année : seigle. née : trèfle. — 5e année : fèves en ligne, sar
Terres fortes. clées et fumées ( on enterrera les tiges après
I. — 1" année : vesces fauchées pour four larécolte). —6« année : froment.—7" année :
rage vert. — 2e année : choux fumés.—3e an betteraves de disette et carottes à collet vert.
née •- céréale de printemps avec semis de trè- —8* année : avoine.
Qe. — 4e année : trèfle. — 5e année : froment Est. — Terres argilo-calcaires, très maigres
d'hiver. — 6e année : fèves fumées. — 7« an et peu profondes.
née : froment d'hiver. 1" année : pommes de terre fumées avec
II. — 1™ année : pavot, colza de prin du fumier long del étable des vaches. —2« an
temps, chanvre fumés, sarclés et binés avec née : orge avec semis de prairie artificielle.
soin ; le chanvre, plante étouffante, ne reçoit — 3* année : trèfle et lupuline. — 4" année :
point de culture d'entretien.—2e année : fro seigle ou froment avec semis de sainfoin. —
ment.— 3e année : trèfle. — 4e année : avoine. 6e, 7e, 8e, 9e années : sainfoin à deux coupes j
■— 5* année : colza en ligne avec fumure. — la première sera fauchée , et la seconde pâ
6' année : froment. — 7* année : betteraves turée.
tu carottes binées et fumées. ' • 11 est un autre genre d'assolement dont
Enrjcl. du XIX' siècle- t> IV. 6
ASS ( 82 ) ASS
nous n'avons pas encore parlé; il consiste à que la cour et le clergé de celle ville faisaient
tirer du même champ deux et même trois ré à la grande fêle du repos , ou de l'assomption
coltes successives dans la même année, soit de la bienheureuse Vierge Marie. On la
en répandant les semences de deux ou trois trouve marquée sous le nom d'assomption
espèces à la fois , soit en les semant à des épo dans un ancien martyrologe attribué à saint
ques différentes. Nous avons vu , dans les Jérôme et dans le sacramentaire des papes
environs de Luxeuil ( Haute-Saône ) , sur un Gèlase et saint Grégoire.
terrain sablonneux, presque entièrement Ce n'est pas un article de foi que la Sainte
formé de silice en particules très tenues, Vierge ait été enlevée au ciel eu corps et en
nous avons vu de très belles récoltes de ca âme. Usuard , qui vivait au rxe siècle , dit
rottes , semées au printemps sur un blé d'hi dans son martyrologe que le corps de la Sainte
ver. Le premier binage se donne, à ces ca Vierge ne se trouvant pas sur la terre , l'E
rottes, par l'arrachage du chaume, et le glise, sage en ses jugements, a mieux aimé
second au moyen d'une petite serfouette. Les ignorer avec piété ce que la Providence di
cultures multiples sont aussi fort en usage en vine a fait que d'avancer rien d'apocryphe ou
Flandre, en Piémont, et dans beaucoup de mal fondé sur ce sujet, paroles qui se
d'autres pays. On peut ainsi semer non seu trouvent encore dans le martyrologe d'Adon.
lement des carottes , des raves ou turneps , La'croyance commune de l'Eglise cependant
de la navette pour fourrage, mais encore est qu'elle est ressuscilée et qu'elle est dans le
de la spergule sur du blé , ou de la lupuline ciel en corps et en âme. C'est le sentiment
avec l'avoine. La seule précaution à prendre des pères grecs et latins qui ont écrit dans le
dans ce genre de culture , est de faire atten iv siècle , et le cardinal Baronius dit qu'on
tion que le développement de la seconde ré ne pourrait sans témérité assurer le contraire.
colte puisse être retardé sans inconvénient, En 1696 la Sorbonne , dans la condamnation
comme il faut observer aussi que la plante de Marie d'Aguéda, protesta entre autres
qui doit être récoltée la première ne soit pas choses qu'elle croyait l'assomption de la Sainte
d'un feuillage trop serré , car elle empêche Vierge en corps et en âme. Dans les édifices
rait complètement le levé de la seconde. qu'orna et répara le pape Paschal , mort en
Il ne nous reste plus, pour terminer ce 82V , il est fait mention de deux églises où
chapitre, qu'à répéter au cultivateur que était représentée l'assomption de la Sainte
l'assolement est la base d'une exploitation , Vierge en son corps, ce qui démontre qu'à
et que, sans une bonne base, aucune entre Rome, à cette époque, cette croyance était
prise ne saurait réussir -, il doit donc, en se reçue et adoptée. Pour ce qui regarde cette
reportant aux considérations que nous venons résurrection ou assomption en corps et en
de présenter, discuter son projet, en compa âme de la Sainte Vierge dans le ciel , il faut
rer le bon et le mauvais côté , et ne se déci voir les dissertations qui ont été faites par
der qu'après l'examen le plus approfondi. Claude Joly, chantre de l'église de Paris,
ASSOMPTION. J. MTerme aujourd'hui
\r.\Y DE MORNAY. con avec une lettre à deux cardinaux ; plus les
dissertations de Delaunoy, de Ladvocat-Bil-
sacré dans le langage de l'Eglise et qui désigne liard, docteur de Sorbonne , mort évéque do
la fêté que l'on célèbre pour honorer la mé Boulogne , de Gaudin , aussi docteur de Sor
moire de la mort, de la résurrection et de l'en bonne. On peut encore consulter avec avan
trée triomphante de la Sainte Vierge dans le tage Tillemant et Baillet , Vie des saints , au
ciel. Autrefois ce mot, en général, signifiait 15 août.
lejourde la mort d'un saint, pareequeson âme La fête de l'Assomption se célébrait avec
est enlevée au ciel. Assomption vient du la une grande solennité avant le VF siècle dans
tin assumptio , dérivé d'assumere , prendre, l'Église latine et dans l'Église grecque, ce qui
enlever. Dès le commencement du v" siècle, se prouve par les anciens sacramentaires qui
l'Eglise honora la mort de la Sainte Vierge existent avec des calendriers complets avant
sous le nom de déposition , de sommeil , de le temps du pape Serge, comme le pontifical
repos, de passage, et Benoit XIV dit que ces en fait foi, et avant le temps de l'empereur
mots reviennent à celui d'assomption. L'em Maurice, comme on le montre par l'autorité
pereur Constantin Porphyrogenète, dans son de Nicéphore. Il est parlé de cette fête dans
second livre des Cérémonies de la cour de Con- les Capitulaires de Charlemagne et dans les
stantinople , décrit la procession solennelle décrets du concile de Mayence, tenu en 813
ASS (83 ) ASS
et c'est le pape Léon IV, qui mourut en 855, que tous les ans on fît une procession solen
qui institua à Rome une octave à cette fêle, nelle à Notre-Dame de Paris, pour renouve
d'où l'usage se communiqua à toutes les au ler la mémoire de cette consécration. Depuis
tres églises. André de Crète, sur la fin du cet édit a été appliqué à tout le royaume.
vu« siècle, témoigne cependant qu'elle était Louis XV renouvela ce. vœu l'année sécu
établie dans quelques églises; mais, au laire 1738. L'abbé M. Weber.
in* siècle , elle le fut dans tout l'empire d'O ASSOMPTION (giog.). Ile de l'archi
rient par une loi de l'empereur Manuel Com- pel des Mariannes dans la Polynésie, qui n'est
nène. Alors l'Assomption étaitégalement fêtée remarquable que par son volcan que Lapé-
dans l'Occident, comme il paraît par la lettre rouse avait trouvé encore fumant, et que le
174 de saint Bernard, adressée aux chanoines capitaine Beechey vient tout récemment de
de Lyon, et par la croyance commune des trouver éteint et envahi jusque près de son
églises qui tenaient l'assomption corporelle sommet par une abondante végétation.
de Marie comme un sentiment pieux , quoi ASSOUCY ou d'ASSOUCV ( Charles
que non décidée par l'Eglise universelle. Dans Coypeau d' ), fils d'un avocat au parlement,
un ancien calendrier syriaque, conservé chez naquit à Paris en 1605. Poêle misérable dans
les maronites à Rome, il est parlé du repot un genre que le goût réprouve, le burlesque,
onde la mort de la Sainte Vierge sous le 21 son nom ne serait pas arrivé jusqu'à nous si
du mois lybi, c'est-à-dire sous le 16 janvier. celui qui l'a porté n'était convaincu de mau
Cette fête est marquée au même jour dans un vais vers et soupçonné de mauvaises mœurs.
calendrier cophte. Elle était placée après Il préluda à cette étrange célébrité par les
l'Epiphanie dans l'ancien Lectionnaire de Pa désordres de son enfance. A neuf ans il s'é
ris , qui était écrit en lettres mérovingiennes , chappa de la maison de son père, se rendit à
et dans le sacramentaire de Languedoc , écrit Calais où il se donna pour un descendant de
après 678. Ce fut l'empereur Maurice qui Nostradamus. Prétendu fils d'un faux pro
ordonna de la célébrer le 15 août. En France, phète , il prit les allures d'un thaumaturge et
sous la première race des rois , on la fêtait le peuple qui le crut sorcier voulut le jeter à
le 18 janvier. On la mit au 15 août sous la mer. Au lieu de se laisser noyer, d'Assoucv
Charlemagno, et, depuis ce temps, elle s'embarqua pour l'Angleterre. On ne sait pas
s'est établie et célébrée partout au même ce qu'il y fit. A son retour en France, il s'at
jour. Outre la grande fête de l'Assomption du tacha à la duchesse de Savoie , fille de Hen
15 août, on en trouve une autre marquée ri IV, qu'il encensa par des couplets qu'il
au 23 de septembre dans quelques martyro chantait en s'accornpagnant du luth ; il rem
loges, et qualifiée du nom de seconde As plit les mêmes fonctions auprès de Louis XIII,
somption. Cette fête a été instituée, d'après et de Louis XIV enfant. C'est àcetteépoque
1 opinion de ceux qui écrivent que la Sainte quels
qu'il composa
ondislingue
ses Ovide
vers burlesques
en belle humeur
parmiqu'il
les-
Vierge n'est ressuscitée que le quarantième
jour après sa mort, et se sont persuadés quo travestit par émulation de la gloire de Searron,
ce n'était que la mort de celte bienheureuse et le ravissement de Proserpineen vers burles
mère de Dieu que l'on avait voulu célébrer ques. Il retourna à la cour de Turin dont il se
le 15 août, et qu'ainsi il était à propos d'en fit chasser. Depuis il mena une vie errante à
instituer une autre pour solenniser sa résur travers la France et l'Italie, faisant métier de
rection et son couronnement dans le ciel. troubadour el toujours escorté de deux jeunes
L'Assomption de la Sainte Vierge est la pages qui firent naître contre ses mœurs do
plus considérable de toutes les fêtes que l'E honteux soupçons. Chapelle et Bachaumont
glise célèbre en son honneur, parce qu'elle ont illustré l'un des épisodes de sa vie va
est la consommation de tous les admirables gabonde. Les femmes de Montpellier ne par
mystères de sa vie, que c'est là où commence laient do rien moins que de le brûler en plaee
sa vraie gloire, et que c'est dans ce jour où publique après l'avoir écorché. Les petits pa
sont couronnées toutes ses vertus. ges étaient la cause de cette émeute fémi
Cette fête prit en France un grand accroisse nine à laquelle le pauvre poète échappa par
ment de célébrité par 1 edit du roi Louis XIII, la fuite. En Italie son humeur satirique le
en date du 10 février 1638, par lequel ce fit jeter dans les prisons du saint office. Pen
prince mit sa personne et son royaume sous dant ce loisir forcé il écrivit un livre de pen
la protection de la Sainte Vierge, et ordonna sées sur la divinité. Sa résipiscence provoqua
ASS (84) ASS
l 'indulgence du pape qui lui donna la liberté. lence , état fort commun dans la plupart des
D'Assoucy, revenu en France, fut bientôt en affections.
fermé à la Bastille et au Châtelet où il demeura Dans le second , il y a penchant continuel
six mois. Quatorze ans environ après sa déli et irrésistible au sommeil , mais ce sommeil
vrance , il mourut à l'âge de soixante-qua est extrêmement léger. Le malade répond
torze ans vers 1679. Nous savons par Bros- aux questions qu'on lui fait, mais bientôt ses
sette qu'il fut très sensible aux critiques de yeux se ferment de nouveau.
Boileau, qui trouve ses vers à peine dignes Le sommeil devient-il plus profond et sans
d'occuper les loisirs des laquais et des pages, fièvre, c'est le cai-us; s'il y a fièvre , c'est le
et qui s'écrie dédaigneusement dans son Art coma. Enfin dans la Léthargie [voy. ce mol),
poétique : tous les stimulants sont sans action.
Et jusqu'à d'Assoucy tout trouva des lecteurs. La définition de ces différents états emporte
Cyrano do Bergerac l'a traité avec sa bru avec elle le degré de gravité qu'on doit leur
talité accoutumée, et du ton qu'il a pris contre supposer.
Montfleury, Scarron elles Frondeurs. Dans La cause de l'assoupissement , en général,
une lettre qu'il adresse à notre pauvre poète est complexe. Celui qui précède ou remplace
il le représente, sifflé, râpé, crotté, endetté, le sommeil tient a la même cause que celui-
infect, et il promet, ce sont ses propres expres ci , le besoin de réparer les forces. Celui qui
sions, de renverser.sur lui un si long anéan résulte d'un repas copieux peut être regardé
tissement, qu'il ne sera pas vrai dédire qu'il comme un effet sympathique de la distension
ait jamais vécu. Que Cyrano n'a-l-il prédit de l'estomac, sans qu'il soit nécessaire d'ad
juste! nous aurions été dispensé d'écrire celle mettre
triques la
ou compression
l'afflux d'unedes
plusnerfs
grande
pneumo-gas-
quantité
notice. G.
ASSOUPISSEMENT, en latin sopor. de sang dans le cerveau. Cette dernière cause
Etat voisin du sommeil et dans lequel les ne peut être révoquée en doute dans certai
fonctions de relation sont complètement sus nes apoplexies. Aussi chez les sujets disposés
pendues , ou ne s'exercent qu'imparfaite 'à cette redoutable maladie doil-on combattre
ment. L'assoupissementcst-il compalibleavec l'assoupissement qui parfois la précède. Une
l'exercice parfaitement régulier de toutes saignée générale ou des sangsues à l'anus di
nos fonctions? Je ne le crois pas. A la vérité minuent la masse du sang et dégagent le cer
on ne regarde pas tout assoupissement comme veau. La congestion qu'on suppose exister
maladif, mais le plus simple est toujours l'ef dans ce cas n'est point une vaine théorie ;
fet d'un dérangement quelconque. C'est ainsi c'est une compression capillaire exercée sur
qu'une personne qui, sans y être accoutumée, la pulpe cérébrale. T. DupnÉ la Tour.
veut veiller la nuit, éprouve bientôt un en ASSUÉRUS, roi -des Perses. L'Écrilure-
gourdissement général. Ses yeux se ferment Sainte parle du mariage de ce prince avec
malgré elle; ses idées deviennent confuses; Esther, et du supplice d'Aman, son favori.
ses membres et tout son corps sont abandon Les recherches des savants dans le but de
nés à leur propre poids ; et si elle trouve une connaître quel fut Te roi des Perses à qui ce
situation commode , elle ne tarde pas à dor nom appartient , sans avoir fixé de certitude
mir d'un véritable sommeil. Il n'en est pas h cet égard , font présumer qu'Artaxercès
de même de celui qui, bien porlant , se cou Longue-Main est le même que l'Assuérus des
che à son heure accoutumée. Le sommeil livres sacrés. La version des Scplante du
s'empare bientôt de sa paupière, et cet état livre d'Esther , l'histoire de Josèphe , les cir-
n'est pas précédé de l'assoupissement. Cepen constancesde la vie d'Assuérus semblent con
dant il faut convenir que certains sujets déli firmer celte opinion. Fr. G.
cats et nerveux ne s'endorment pas aussi ASSURANCES. Avant l'invention de la
promptement. 11 est même des vieillards dont boussole , les voyages des hommes sur la mer,
lassoupissement remplace constamment un dirigés seulement par les étoiles, se bornaient
profond sommeil. à de courtes excursions, jamais bien loin des
Dans l'assoupissement regardé comme ma côtes, jamais pour aborder autre part que
ladif, on doit distinguer plusieurs degrés. sur un rivage connu et prochain; jamais dès
Dans le premier les mouvements sont seule lors avec d'assez grands risques pour effrayer
ment ralentis, les sensations moins vives, les le négociant, et exiger pour lui des secours
facultés morales affaiblies; c'est la somno au-delà de sa fortune et de son crédit indi-
ASS ( 85 paration de ses pertesASS
dans le succès et les
viduel; pour lui la mer était alors étroite, et
le commerce auquel il se livrait sur elle cir bénéfices de ses confrères.
conscrit. Voilà quel est dans son but et dans ses ré
La boussole a élargi la mer, a révélé des sultats le contrat d'assurance que les hom
mondes entiers au commerce ; mais en même mes ont ensuite emprunté de la mer au profil
temps elle en a agrandi les périls. A mesure de la terre pour l'appliquer comme un pré
que l'espace s'est étendu, que de nouvelles servatif à toutes les chances de malheur pos
chances de fortune se sont ouvertes, les chan sibles. On peut donc le définir en lui-même
ces de ruine se sont multipliées. Le voyage et dans son acception la plus générale, un
sur les mers lointaines avec un bâtiment contrat parlequel une ou plusieurs personnes
chargé d'emporter des richesses pour en rap se déchargent complètement des risques
porter d'autres en échange, devenait une auxquels une chose qui leur appartient peut
gigantesque entreprise, aux immenses dan être exposée, sur une ou plusieurs autres per
gers de laquelle un négociant, malgré l'im sonnes qui s'engagent moyennant une somme
mense attrait de la fortune en cas de succès, convenue à la garantie de ses risques.
n'osait livrer son présent et tout son avenir. Vainement a-t-on cherché à rallier le con
Mais quelles richesses à conquérir à travers trat d'assurance au droit romain. S'il est vrai
de tels obstacles ! Le génie du commerce a dû qu'il repose sur les principes du pacte aléa
vaincre ceux-ci pour atteindre celles-là. La toire, il en est un développement si spécial et
chance qu'un seul n'osait courir, plusieurs en si singulier que tous les efforts tenlés pour
se réunissant l'acceptèrent : elle devenait mi l'assimiler à quelques uns des contrais con
nime pour chacun d'eux ; ils s'engagèrent à nus et indiqués dans l'immense corps des lois
supporter les pertes du naufrage ou de tout romaines n'ont servi qu'à mettre plus en sail
autre malheur, s'il arrivait naufrage ou mal lie la nouveauté de son caractère et de sa
heur, au prix d'une légère somme payée par forme, qui ne datent réellement que du moyen
le négociant dont le vaisseau partait. Alors Age. Il semble être sorti de la mer comme
pour celui-ci la chance de ruine disparut ; il pour dompter ses colères , après la boussole
Veut plus à courir que la chance de gain. La qui était venue élargir ses horizons aux yeux
perte de l'expédition se réduisait pour lui à humains. Plus tard son secours s'est offert en
la minime perte de sa prime, sacrifice bien core contre les désastres de la terre, contre
plus minime encore quand elle était à préle lincendie, contre la grêle, contre toutes les
ver sur les bénéfices du succès chances possibles, même celles de la mort, au
D'un autre côté , les chances de risques , moins à l'égard des fortunes. Nous ne di
annihilées déjà pour le garanti, devenaient rons qu'un mot sur ces assurances terrestres
légères, divisées qu'elles étaient entre chacun après avoir examiné le grand contrat d'assu
des garants , toujours nombreux en cas d'ex rance maritime, source de tous les principes
péditions importantes , soit qu'ils agissent sur cette matière vraiment originale.
isolément, soit qu'ils formassent des com Les première s lois sur l'assurance maritime
furent les coutumes suivies dans les ports et
pagnies. le3 places de commerce. Les premières traces
Mais ces chances devinrent pour eux une
nouvelle source de fortune ; en garantissant n'existent pour nous que dans les règlements
les risques d'un grand nombre d'expéditions, ou usages nautiques recueillis à Oleron, a
il compensèrent les chances les unes par les Rouen, à Barcelone, à Anvers, à Amster
autres, et des primes nombreuses acquises dam, à Lubeck, elc. C'est dans ces règlements
sur des navires heureux les mirent en posi que fut puisé le beau système de l'ordonnance
tion de supporter sans perte les malheurs de de 1681, qui a passé à peu près intact dans
quelques autres navires. le Code de commerce.
Ainsi, l'assurance fut trouvée pour établir Nous aurons à apprécier l'assurance dans
par un centre commun de garanties une ses principes constitutifs et essentiels, dans ses
magnifique solidarité entre toutes les expé formes, dans ses divers cas d'exécution.
ditions du commerce, une merveilleuse com I. Principes. — Le caractère essentiel du
pensation entre tous les succès et tous les re contrat d'assurance est d'être à la fois condi
vers , si bien que le négociant malheureux tionnel et aléatoire.
dans'son entreprise pût trouver non pas le Il est conditionnel dans son existence et
bénéfice qu'il espérait, mais au moins la ré- dans son exécution. Son existence dépend
ASS ( 86") ASS
du Toyage qui doit faire commencer le risque nouveau contrat qui, sans le dégager du pre
à courir ; si donc le voyage est rompu , le mier, lui en garantit ainsi l'exécution.
contrat d'assurance s'évanouit. Son exécu Pour l'assureur de son, côté, plus moyen de
tion dépend des événements incertains du se décharger de la chance qu'il a consenti à
voyage : l'obligation des assureurs est subor courir. Le seul moyen pour lui de se la ren
donnée au résultat des risques courus ; elle dre plus légère, si elle l'effraie après coup ,
est déliée par une route heureuse. Elle les c'est de la faire assurer à son tour : nouveau
soumet au contraire, en cas de malheur, à la contrat qui lui rend le premier plus léger ,
réparation des dommages soufferts. sans pourtant le délier personnellement à
L'assurance est donc aussi un contrat aléa l'égard de son assuré. Un autre principe du
toire, dans l'essence duquel le risque doit en contrat d'assurance, c'est qu'il ne peut être
trer. Aussi le spéculateur ne doit-il s'y en pour l'assuré un moyen d'acquérir. Les as
gager qu'après avoir prudemment combiné sureurs , en prenant sur eux le péril dea
toutes les chances possibles, apprécié par événements . ne se chargent que d'indemni
un sage calcul de .probabilités les écueils de ser l'assuré des pertes ou des dommages
la mer et ceux de la mauvaise foi , les cir qu'il est exposé à souffrir. En cas de pertes,
constances qui peuvent entrer dans les prévi ils doivent le soulager; ils ne peuvent l'en
sions humaines, et celles qui leur échappent; richir.
après avuir enfin, comme dit Emérigon, fait L'assurance est un contrat de droit étroit,
l'analyse des hasards pour combiner d'après s'il est fixé par des stipulations claires et pré
elle le taux raisonnable des primes, et espé cises ; un contrat d'équité qui doit s'interpré
rer de l'ensemble des chances courues un ré ter par la bonne foi , dans le cas de conven
sultat heureux et profitable. tions obscures et ambiguës. Le dol et la fraude
Outre le risque, nous trouvons encore deux vicient l'assurance : elle est nulle à l'égard
choses dans l'essence de ce contrat. La chose de celui qui s'en est rendu coupable. Il est
assurée dont la valeur doit être fixée par la difficile aux assureurs de commettre une
convention, et la somme désignée sous le nom fraude ; mais ils doivent prouver celle des
de prime, promise aux assureurs. assurés quand ils l'allèguent. La fraude là plus
Sans ki prime, impossible d'obtenir une ga ordinaire de ceux-ci consiste à diminuer par
rantie; sans la chose assurée, point de risque; des réticences et de fausses déclarations les
sans le risque, point d'assurance. apparences du risque auquel doit être exposé
Avec ces trois choses, le contrat est légi le navire assuré, et cela dans le but d'être
time. Otez-en une seule, il se trouve être un soumis à une moindre prime. L'assurance est
engagement sans cause ou sans objet, ou bien nulle dans ce cas, même lorsque le dommage
une simple gageure, prohibée d'abord par ou la perte du navire auraient eu lieu par
l'ordonnance de 1681, aujourd'hui par le Code des causes étrangères aux circonstances que
«lu commerce. l'assuré avait dissimulées.
L'assurance présente encore le caractère L'assurance est d'origine un contrat du
d'un contrat synallagmatique. Il produit des droit des gens. Elle tient à la navigation, ce
obligations réciproques. L'assureur s'engage lien de la société des peuples que le droit des
ù garantir l'assuré des fortunes de mer; et gens a toujours régi. Cependant l'ordonnance,
l'assuré s'engagea payer à l'assureur la prime et ensuite le Code de commerce, l'ont alliée au
convenue. Une fois le contrat signé, les deux droit civil par des dispositions arbitraires qui
parties sont liées. Pour l'assuré, plus moyen constituent, soit des exceptions aux coutumes
de se soustraire au contrat en faisant, par générales, soit des règles particulières spé
exemple, assurer son vaisseau par d'autres ciales pour la France.
personnes. Cette seconde assurance , super II. Formes. — On distingue pour le contrat
posée ainsi à la première, n'aurait d'effet d'assurance deux sortes de formes. La forme
qu'autant que celle-ci n'aurait pas compris externe ou accidentelle consiste dans la police
l'entière valeur des objets, et jusqu'à con qui est dressée , et donne l' existence au con
currence seulement de ce qu'elle aurait laissé trat. La forme interne ou essentielle est la
à découvert de cette valeur. Ainsi, l'assuré soumission aux risques maritimes et la sti
est lié avant tout au premier de ses assureurs; pulation de la prime qui défèrent au contrat
mais s'il a des craintes sur sa solvabilité, il l'essence et la légitimité. Quelques détails
peut faire assurer cette solvabilité par un sont nécessaires pour expliquer l'un et l'au
ASS ( 87 ) ASS
tre de ces deux éléments distincts dont la prunte date de la signature suivante, ou , à
réunion constitue le contrat d'assurance. défaut, de la clôture de la police.
Formes externes.—L'ordonnance et le Code Signer la police, c'est accepter toutes les
de commerce déclarent que ce contrat doit conditions qu'elle contient. Si l'on veut s'en
être rédigé par écrit. Autrefois ce n'était pas créer de particulières, il faut les exprimer.
une condition nécessaire, et dans plusieurs Si l'on a regret d'avoir donné sa signature ,
lieux l'usage était qu'il se consommât verba on peut, avec le concours de l'assuré, modi
lement ; mais cet usage entraînait des abus fier le contrat par une convention particu
auxquels la loi a coupé court en imposant la lière, nommée avenant; et l'assurance est
condition d'écrire le pacte pour le rendre exécutée d'après les conditions de l'avenant
valable. L'écriture, qui n'est en règle géné par ceux-là seuls qui l'ont signé, sans que les
rale exigée en elle-même que comme preuve autres signataires de la police soient liés par
des contrats, est devenue pour celui-ci essen cet acte particulier auquel ils n'ont point pris
tielle et constitutive de son existence. Ainsi, part. La police ne doit contenir aucun blanc.
point de serment décisoire possible, point de La raison en est simple : un blanc laissé dans
preuve par témoins, même lorsqu'il ne s'a un acte peut recevoir une fraude j c'est ce que
girait que de la plus faible somme, même la loi a voulu éviter.
pour compléter seulement un commence Formes internes. — Voici l'exposé rapide
ment de preuve par écrit. Une assurance non des diverses (inondations que doit contenir le
écrite ne peut se prouver, car elle ne peut contrat d'assurance ( art. 332, C. comm. ).
exister. 1° Il doit exprimer le nom et le domicile de
On nomme police l'acte constitutif de ce celui qui se fait assurer, sa qualité de pro
contrat . Elle peut être rédigée par des cour priétaire ou de commissionnaire. Le nom de
tiers d'assurance, concurremment avec des l'assureur est connu par sa signature. Le nom
notaires. Elle peut être faite aussi sous seing- de l'assuré est également nécessaire pour que
privé ; et la loi commerciale n'a pas exigé l'assureur connaisse avec qui il contracte. La
qu'on en dressât plus d'un original. Dans L'u désignation du domicile n'est pas indispensa
sage, on se sert de polices imprimées conte ble , à moins que les circonstances ne la ren
nant toutes les dispositions générales du con dent telle. L'assuré, disons-nous, doit dire s'il
trat d'assurance ; dans le blanc de ces polices est commissionnaire ou propriétaire, sans être
on inscrit les conditions spécialement conve- obligé toutefois, dans le premier cas, de nom
uuespour chaque contrat particulier. mer le propriétaire pour le compte duquel il
Le contrat d'assurance, dit le Code do com assure ; non pas que les assureurs puissent
merce (art. 332), est daté du jour auquel il exciper jamais contre l'assuré pour compte
est souscrit. Il y est énoncé si c'est avant ou d'autrui , de ce qu'il n'a pas lui-même la qua
après midi. La date est donc une condition de lité de propriétaire. Il existe toujours entre
toute rigueur, imposée par la loi qui a réparé eux et lui un contrat personnel qui lui donne
ainsi un abus existant même sous l'ordon le droit de réclamer le montant de la perte si
nance de 1681. Cet abus consistait en ce que elle se réalise. Mais l'assuré, en se déclarant
la date apposée sur la police avec la première commissionnaire , réserve au propriétaire le
signature d'assureur était censée d'ordinaire droit de réclamer lui-même l'effet de l'assu
la date de toutes les obligations souscrites sur rance contre les assureurs. Et si le proprié
la même police par de nouveaux assureurs taire n'a pas été désigné dans la police, ce
qui pourtant ne s'étaient engagés que plus droit appartient au légitime porteur du con
tard, et pouvaient avoir à invoquer le béné naissement des marchandises assurées, dont
fice d'un engagement plus récent qued'autres, les désignations parfaitement conformes à
au cas, par exemple, où plusieurs assurances celles de la police ne peuvent permettre de
successives couvrant au-delà de la valeur de douter que le porteur ne soit réellement pro
l'objet assuré , les plus anciens signataires de priétaire.
la police devaient se trouver seuls engagés. 2° La police doit contenir le nom et la dé
Aujourd'hui chaque signature sur une signation du navire. On sent toute l'impor
même police établit un contrat nouveau qui tance de cette énonciation. Si le navire est
doit être accompagné de sa date ; et si l'assu lui même l'objet du risque, elle est essentielle
reur oublie de dater sa signature, son enga au contrat; s'il n'est que le lieu du risque ,
gement, par une présomption de la loi, em l'omission do son nom et de sa désignation .
ASS ( 88) ASS
sans entraîner par elle-même la nullité du Assurer sur facultés, ou bien sur le charge
contrat, peut en résultat y conduire. En ment, ou encore sur la cargaison, c'est com
effet, l'omission ou l'erreur dans la désigna prendre dans l'assurance tout ce qui a été
tion du navire peuvent influer sur les appa chargé dans le navire, sans que le détail en
rences du risque et l'opinion à s'en former ; soit nécessaire.
et tout au moins, si pareille omission a pu en Mais indépendamment de ces expressions
diminuer l'étendue aux yeux des assureurs, générales, on peut assurer séparément cha
cela suffit pour l'annulation du contrat. (1 ne cune des choses dépendantes, soit du corps,
suffit pas de dire le nom du bâtiment, il faut soit du chargement du navire. On peut assu
indiquer aussi sa qualité. Est-ce une barque ? rer les sommes prêtées à la grosse, et géné
une tartane? un trois-mdts ? Le pavillon du ralement toutes les valeurs estimables à prix
navire doit être également désigné. On con d'argent.
çoit que dans l'esprit des assureurs tel ou tel La prime payée par l'assuré peut être elle-
pavillon peut présenter contre le risque une même assurée ; aussi la prime de cette prime,
garantie qu'ils ne croiraient pas trouver dans et enfin la prime des primes à l'infini. Le taux
tel ou tel autre pavillon. élevé des prîmes en temps de guerre, par
3° La police doit nommer le capitaine du exemple, a rendu nécessaire celte seconde
navire. Son nom , sa réputation peuvent in assurance pour aider à soutenir la première.
fluer sur l'idée du risque. Le changement du L'assurance de la prime des primes à l'infini
capitaine désigné par la police ne saurait être et jusqu'à l'extinction du risque, n'a rien que
justifié que dans le cas assez ordinaire d'ail de très licite; elle se fait d'ordinaire avec
leurs où l'assuré trouve la faculté de le chan l'assureur du capital, et par elle l'assuré,
ger dans ces expressions mises à la suite de obligé de payer d'abord une forte prime, et
son nom : ou autre pour lui ; ou bien encore puis des primes graduellement moins fortes,
dans une nécessité bien constatée qui aurait mais dont l'ensemble produit une somme
commandé ce changement. quelquefois plus considérable que le capital
4° La police doit déterminer le lieu où les lui-même, se trouve garanti de la grosse perte,
marchandises ont été ou doivent être char non seulement du capital assuré, mais de ces
gées; le port d'où le navire a dû ou doit par primes de primes qu'il a déboursées. En cas
tir ; les ports ou rades dans lesquels il doit de perte, on lui rend et le capital et toutes
entrer : toutes énonciations essentielles com les primes payées par lui. En cas d'heureux
me influant sur l'idée du risque. C'est en voyage, il trouve dans le profit de la mar
effet sur les détails de voyage, sur l'ensemble chandise de quoi se récupérer du paiement
de son projet que doit être calculé par les de ces primes considérables. Cette opération
assureurs l'ensemble des chances auxquelles ne doit pas être confondue avec le contrat
ils s'exposent. Quant à la désignation des illicite par lequel on aurait assuré non pas
ports dans lesquels entrera le navire , elle est seulement une chose , mais le profit espéré
rigoureusement exigée,* à moins que la police de celle chose. En effet , assurer le profit
n'ait stipulé la clause générale de faire échelle, que l'on espère d'une chose, ce serait se rendre
c'est-à-dire la faculté de relâcher dans tous ce profit certain, quelles que soient les chan
les ports qui seront rencontrés sur la route. ces courues. Or, l'assurance de la prime des
5° La police doit désigner la nature et la primes ne va pas jusque là ; elle ne donne pas
valeur ou l'estimation des choses que l'on fait la certitude d'un profit sur le capital ; mais
assurer. C'est l'objet du contrat sur lequel il elle s'appuie sur l'espérance de ce profit pour
ne doit donc exister aucun doulc. Mais quelles annuler par elle le paiement de primes trop
choses peuvent faire l'objet de l'assurance ? fortes, lorsqu'il y a de grands risques à courir,
Toutes choses, à deux conditions : 1° qu'on pour n'être pas à charge à l'assuré. Il engage
les possède actuellement; 2° qu'elles aient à alors une partie considérable du bénéfice qu'il
courir un risque maritime. espère pour se garantir non seulement de la
Les objets ordinaires de l'assurance mari perte de son navire, mais encore de la perte
time sont le corps du navire et les faculté». des sommes considérables au prix desquelles
Assurer les corps de navire, c'est compren il trouve seulement à l'assurer. Un exemple
dre, à moins de réserves exprimées, le bâti fera mieux comprendre cette opération. Un
ment avec ses agrès, ses apparaux, son ar négociant a chargé, en temps de guerre, cent
mement, ses victuailles. barriques de vin qui lui coûtent 3,000 fr. 11
ASS (89) ASS
les fait assurer pour 75 pour 0/0 de prime, et des assurances illicites par leur objet; elles se
déclare faire assurer aussi cette prime et les nomment assurances d'honneur; l'action lé
primes des primes jusqu'à extinction du ris gale ne les sanctionne pas; mais la confiance
que. La prime et les primes des primes for commerciale les garantit et elles sont d'ordi
ment un total de 9,000 fr., qu'il paie aux naire loyalement exécutées.
assureurs. Or, ces 9,000 fr., il les débourse La police d'assurance doit déterminer le
avec l'espérance do s'en récupérer sur le bé- temps du risque. La W le fixe à défaut des
nèGce qu'il retirera de son vin si le navire contractants, pour le corps du navire, du
n'est pas perdu. Mais si le navire se perd, les jour où il fait voile au jour où l'ancre est je
assureurs doivent à l'assuré le remboursement tée au lieu de sa destination ; et pour la car
de la valeur du vin et encore des primes as gaison, du jour où elle est chargée, au jour
surés ; ils lui paieront les 12,000 fr. quclui où elle est délivrée à terre, au terme du
avaient coûté et le vin et l'assurance. Ainsi, voyage. Mais les parties peuvent fixer autre
dans cette application singulière du contrai, ment et comme elles l'entendent la durée du
les assureurs acceptent pour prix d'un 1res ris pie; elles peuvent la déterminer pour l'aller
grand risque à courir la chance seulement de et le retour, ou pour un seul des deux. Elles
gagner une forte somme si la perle n'a pas peuvent convenir d'un temps limité ou bien
lieu, tandis que l'assuré engage ses espéran désigner un voyage, sans limite de temps.
ces de profit sur la chose assurée pour se dé La police doit contenir encore la somme
charger des chances fâcheuses qu'elle doit assurée.. Il est bon de déterminer la valeur
courir. ( Emerigon, t. I, p. 245. ) pour laquelle on assure. II arrive cependant
L'ordonnance de 1081 défendait d'assurer que la police s'en réfère pour l'appréciation
sur la vie des personnes, parce que la vie de cette valeur à l'estimation qui sera faite
n'est pas appréciable commercialement. Par des choses assurées.
application de ce principe, depuis que la traite La police fixe la prime. Cette fixation est
des noirs est abolie, leur vie ne peut plus êlre de l'essence du contrat. Le montant de la
assurée ; un pareil contrat serait illicite. Le prime dépend absolument de la volonté des
Code de commerce n'a pourtant pas répété parties, et les tribunaux n'ont aucun pouvoir
celte prohibition de l'ordonnance, et il existe delà modifier, s'il n'y a d'ailleurs ni dol
aujourd'hui, avec l'autorisation du gouver ni surprise dans le contrat. La prime doit
nement, des compagnies d'assurance sur la être payée aux assureurs au moment même
vie des hommes dont nous indiquerons à la de lasignature de la police, à moins que la
fin de cet article les caractères parfaitement police elle-même ou les usages locaux ne
licites. fixent une époque plus éloignée. L'usage de
L'ordonnance permettait l'assurance sur la diverses places est que les assurés paient les
ii'6er«édes personnes; rien n'empêche qu'elle assureurs en billetsde prime. L'assureur, pour
ne puisse être encore assurée. Un homme qui le paiement de la prime ou de ces billets a pri
va s'exposer au danger d'être fait prisonnier vilège sur la chose assurée.
peut très légitimement stipuler avec des as Mais le risque prévu lors de la signature
sureurs que, moyennant une prime reçue, ils du contrat peutchanger et devenir ou moindre
se chargeront de payer sa rançon, s'il est pris. ou plus fort. Si la police a prévu ces pos
Le Code a défendu l'assurance du profit sibilités, on doit l'exécuter lorsqu'elles se réa
espéré, et il considère comme tel le fret des lisent; mais quand elle est muette, les tribu
marchandises existant à bord du navire , les naux sont chargés en pareil cas de diminuer
loyers des gens de mer, et les profits mariti ou d'augmenter la prime au taux convenable.
mes des sommes prêtées à la grosse : le capi Les poliees imprimées contiennent ordinai
tal prêté à la grosse peut seul faire l'objet de rement la clause d'augmentation de prime en
l'assurance-, mais l'emprunteur à la grosse ne cas de guerre. D'immenses questions naissent
peut faire assurer ni les sommes empruntées, au sujet des risques nouveaux delà guerre et
ni les objets affectés à ces sommes. En effet, des appréciations souvent bien délicates à
argent et objets ne sont plus à ses risques, faire sur la véritable époque à laquelle doit
mais aux risques du prêteur. être rapporté le commencement de ces ris
L'assurance sur les marchandises de con ques. A cet égard le contrat d'assurance em
trebande
En fait,estil nulle.
se pratique dans le commerce prunte aux principes du droit des gens de fé
condes ressourcesqui facilitent son exécution.
ASS (.90) ASS
En matière d assurance, l'arbitrage n'est sur la chose assurée , soit qu'elle ait péri en
point forcé ; mais il est d'usage de le stipuler, totalité, soit qu'il en reste encore quelque
et la police doit le dire alors, en énonçant chose , à la charge par celui-ci de payer la
toutes les conditions spéciales dont on peut totalité de la somme assurée.
convenir tout en ayant soin d'éviter celles qui L'assureur ne peut refuser le délaissement
seraient contraires aux principes essentiels dans les cas où il est prévu par la loi. Le cer
de l'assurance, ou aux dispositions prohibiti cle , il est vrai , ne peut en être étendu.
ves de la loi. Le délaissement est une des plus singuliè
Le contrat d'assurance est annulé par la res applications de ce principe de l'assu
rupture du voyage avant le départ du vais rance que l'assureur se subroge aux lieu et
seau. La loi accorde alors à l'assureur à litre place de l'assuré, comme si assuré ne fût.
d'indemnité un demi pour cent de la somme Quand la chose a péri , l'assureur en est mal
assurée. 11 peut être encore annulé par le gré lui censé propriétaire, non seulement au
fait des rélicences ou des fausses déclarations moment où le délaissement s opère, mais par
de l'assuré sur la naturedu risque. La police une fiction de rétroactivité, à partir de l'é
est alors dissoute, et celte dissolution s'appelle poque même du contrat d'assurance; et cela
ristourne. Quand la police n'est point ristour afin qu'on puisse lui appliquer la maxime
née, son exécution dépend des événements. que la chose périt pour le maître: res périt
III. — Exécution. D'abord, dans l'intérêt domino.
de l'assureur, elle est exécutée par le paie Mais il faut ajouter que le délaissement ne
ment de la prime ou des billets de prime dont peut être ni partiel, ni conditionnel. 11 est en
nous avons parlé. Puis, dans l'intérêt de l'as lier, absolu. L'assureur devient propriétaire
suré, elle s'exécute selon les résultais du irrévocable, la chose est pour lui perdue,
voyage. L'assureur répond de toutes les pertes, ou bien pour son compte seront les chan
de tous les dommages résultant des fortunes ces de recouvrement ou de sauvetage. Mais
de mer. Il n'est point tenu des fautes des capi que la chose perdue vienne à revivre,
taines nommées baraterie de patron , à moins que le vaisseau pris soit restitué, que le
d'une convention contraire assez en usage vaisseau naufragé soit relevé, réparé, il ne
d'ailleurs, et sauf en ce cas son recours con peut plus l'offrir à l'assuré pour se dispenser
tre le capitaine. d'en payer le prix. L'assurance a pour but
Mais les fortunes de mer sont innombra l'indemnisation entière et immédiate de l'as
bles ; et leur variété infinie ouvre au droit suré; ce but est rempli, lorsqu'il délaisso
maritime un champ immense dans lequel le pour recevoir la somme assurée ; et, de son
contrat d'assurance reçoit tous les jours les côté, satisfait de ce remboursement, il ne
développements les plus beaux , les applica peut pas revenir sur l'abandon qu'il a fait.
tions les plus inattendues. Notre cadre, bien La loi, en même temps qu'elle détermine
étroit pour un si vaste sujet , nous condamne les cas de délaissement, fixe les formes elles
à ne pas nous écarler de l'indication pure et délais de cette action importante; elle se
simple des principes généraux. prescrit au bout de six mois, d'un an ou de
L'objetassurépeutsubirdesdommagesqui, deux ans, selon la distance des lieux où la
sans l'anéantir, diminuent sa valeur. Il peut perte a eu lieu et d'où la nouvelle en est ar
encore être détruit totalement ou presque en rivée (art. 373 du Code de commerce). Les
entier : sinistre mineur dans le premier cas ; autres actions dérivant du contrat d'assurance
dans le second, sinistre majeur. se prescrivent par cinq ans (art. 432 du Code
Lesdommages causés par la mer se nomment de commerce).
avaries. Les assureurs en doivent la répara Tel est dans son ensemble le contrat d'as
tion. Et l'indemnité par eux payable aux surance, que l'on peut, avec les auteurs qui
assurés s'évalue et se régie selon les conven s'en sont occupés, appeler le plus neuf, le
tions de la police. plus beau, le plus utile des contrais qu'ait
Mais la loi, pour le cas de sinistre majeur, inventés le génie du commerce.
crée en faveur de l'assuré une action spé On a appliqué l'assurance aux risques de
ciale contre les assureurs, l'action en délaisse terre, c'est-à-dire à toutes les chances de perte
ment des objets assurés. ou de détérioration des propriétés mobilières
Le délaissement est l'abandon fait par l'as et immobilières. Aucune loi n'a déterminé
suré au profit de l'assureur de tous ses droits les règles de ces sortes d'assurances ; mais leur
ASS (91 J ASS
base se trouve dans les principes Je l'assu A défaut de loi générale pour les assurances
rance maritime, auxquels il n'a été fait d'au terrestres, les statuts des compagnies et les
tres modifications que celles nécessaires pour conditions de leurs polices sont les règles à
l'appliquer convenablement à des risques suivre dans l'appréciation des obligations ré
d'une autre nature. ciproques et de la nature du risque à garan
Tous les dangers possibles peuvent être tir, sauf à faire concorder toujours ces règles
l'occasion d'assurances spéciales. Les plus avec les principes essentiels du contrat d'as
communes sont celles contre l'incendie; mais surance.
on peut assurer, on assure aussi contre la Ou a aussi étendu l'assurance aux pertes
grêle, contre la mortalité des animaux, contre pécuniaires qui peuvent résulter du décès des
les chances de recrutement, contre la perte individus. C'est alors un contrat par lequel
des procès, etc. Pourvu qu'il y ait un risque, on les assureurs reçoivent une somme fixe ou une
peut s'en décharger au moyen de l'assurance. prime annuelle pour garantir à celui avec
Le calcul des risques de terre ne présente lequel ils contractent un capital ou une rente
pas aux assureurs des espérances de bénéfices payable soit à lui lors du décès d'un tiers, soit
assez sûres, assez raisonnables pour leur per à ses héritiers lors de son décès.
mettre de spéculer individuellement sur ces Ce contrat, susceptible d'une multitude de
risques. Ils ne promettent des résultats avan combinaisons, peut s'appliquer à un grand
tageux qu'à la condition d'opérer sur une nombre de besoins et d'intérêts de la vie ci
grande échelle, avec d'immenses capitaux et vile. Il fournit les moyens d'assurer à soi-
des assurances multipliées. Celte nécessité a même ou aux siens des ressources dans un
lait naître les compagnies d'assurances. En avenir douteux, au prix d'une légère somme
France il en existe de deux espèces différen prélevée sans effort sur les ressources du pré
tes : compagnies à primes, compagnies d'as- sent. Il peut aussi produire aux assureurs des
nrances mutuelles. résultats avantageux s'ils règlent leurs pri
1* Les compagnies à primes reçoivent une mes d'après des calculs sagement appuyés sur
somme à titre de prime moyennant laquelle la durée moyenne de la vie humaine. Chaque
elles garantissent de tel risque prévu. Dans les compagnie d'assurance de celte nature peut
assurances contre l'incendie la prime est or combiner des conditions d'utilité et d'avan
dinairement annuelle. Ces compagnies peu tages de diverses natures. Mais au fond la
vent être des sociétés en nom collectif, des légalité civile de ces assurances n'est pas
sociétés en commandite, des sociétés anony plus contestable que leurs avantages moraux.
mes. Leur constitution étant commerciale et Ce sont des œuvres de prévoyance et de sage
leurs opérations considérées comme actes de économie, dont le but est de conjurer les
commerce, elles en subissent toutes les consé tristes effets de la mort sur la fortune des in
quences légales. dividus ou des familles. Fél. Guillibert.
2" Les compagnies d'assurances mutuelles ASSURANCES TERRESTRES. On ap
sont formées par une réunion de propriétaires pelle ainsi toutes les assurances qui n'ont
qui mettent leurs risques en commun et s'o pas pour objet les risques de la navigation.
bligent à supporter , proportionnellement à C'est 1 Angleterre qui la première a fait à la
leur intérêt respectif dans l'association, le propriété immobilière ou mobilière l'appli
préjudice qu'éprouvera chaque associé. Ce cation du contrat d'assurance, qui était in
fontdes sociétés anonymes, en ce sens qu'elles connu aux anciens, et dont la féodalité, avec
ne peuvent exister sans autorisation royale. ses guerres perpétuelles, avait empêché l'é
Hais on ne doit pourtant pas les considérer tablissement. La première société d'assurance
comme des sociétés de commerce. Elles n'o des maisons fut créée à Londres en 1684;
pèrent pas, comme les compagnies à primes, depuis ce temps les compagnies d assurance
dans l'espoir du gain. Leurs membres n'ont contre l'incendie se sont multipliées, et il en
d autre but que d'alléger entre eux les chances existe un grand nombre dans toute la Grande-
de pertes en se les faisant communes. Elles Bretagne. L'exemple a été suivi successive
offrent ce caractère spécial que tout assuré ment par les différents pays du continent.
est en même temps assureur, et que, par En France, la première idée des assurances
conséquent, on ne peut se faire assurer par terrestres ne s'introduisit qu'au milieu du
elle* qu'en devenant soi-même membre de xvm< siècle ; en 1754, une compagnie fondée
la société. pour les assurances maritimes fut autorisée
ASS (92) ASS
aussi à assurer les immeubles. Deux autres qu'ils apportent dans la société, a la répara
compagnies reçurent la même autorisation tion des dommages survenus sur les proprié
par arrêts du conseil des 20 août et 6 novem tés des associés ; dans ce contrat, le prix d'as
bre 1786. La révolution arrêta ces premiers surance consiste dans l'engagement que cha
essais d'une institution éminemment utile, cun prend de participer à l'indemnité de la
qui donne à la propriété une grande sécurité perte de tous. Un tel engagement n'est point
sans lui imposer d'onéreux sacrifices. onéreux dans les villes où les assurés sont
C'est de 1816 seulement qu'on peut dater nombreux et les secours assez prompts pour
l'établissement chez nous du système des as empêcher de grands désastres. Jusqu'à présent
surances terrestres. A cette époque fut auto on n'avait pratiqué en France les assurances
risée pour Paris la compagnie mutuelle d'as mutuelles que pour les immeubles; une so
surance contre l'incendie des immeubles ; plus ciété récemment formée a tenté de les appli
tard ont été fondées les Compagnies d'assu quer aux meubles.
rances générales, du Phénix, la Compagnie Dans l'assurance à prime, une compagnie
royale, celles de l'Union, du Soleil, de la Sa s'engage envers l'assuré à le garantir du ris
lamandre, de l'Alliance, la France, et plu que convenu, moyennant une somme fixe,
sieurs autres plus ou moins importantes. ouprime, payée soit immédiatement, soit par
Tandis que la quantité de valeurs assurées année. Quand la compagnie offre, par ses
augmente incessamment, que le contrat d'as capitaux et sa bonne administration, des ga
surances terrestres passe dans les habitudes ranties du paiement des indemnités, ce mode
de la vie civile, que son application fait d'assurance est préférable en ce qu'il a l'a
naître des difficul tés judiciaires fort graves, vantage de limiter l'obligation de l'assuré,
le législateur garde le silence. Un contrat tandis que, dans l'assurance mutuelle, la ré
d'un usage aussi journalier n'a pas encore sa partition des dommages causés laisse peser
législation; les procès auxquels il donne lieu sur lui une responsibalité indéfinie, dont l'effet
ne sont décidés que par des analogies; la ju dépend du nombre et de l'intensité des si
risprudence n'a point de règles fixes, et des nistres.
intérêts considérables sont compromis. A plu Deux principes généraux dominent les
sieurs reprises les compagnies ont demandé assurances terrestres comme toutes les au
au gouvernement de combler celte fâcheuse tres. D'abord l'assurance ne doit jamais être
lacune; des travaux préparatoires ont été un jeu ou pari ; en conséquence, il faut que
successivement commencés et abandonnés. l'assuré ait un intérêt réel à la propriété et à
Tout récemment le ministre des travaux la conservation de l'objet exposé aux risques.
publics a communiqué au conseil supérieur En second lieu, l'assurance ne peut être une
du commerce un projet de loi qui n'a point source de bénéfice pour l'assuré; iln'adroit
encore été soumis aux chambres. qu'au dédommagement de la perte qu'il a
Les assurances terrestres se font par des réellement éprouvée.
compagnies. La plupart sont des compagnies Toutes personnes capables légalement
anonymes, autorisées par le gouvernement. d'administrer leurs biens et de s'engager peu
Celles dont les opérations embrassent plu vent contracter une assurance, si d'ailleurs
sieurs espèces d'assurances sont obligées d'a elles ont au contrat un intérêt légal. Ceux
voir un capital particulier pour chaque nature qui, sans être propriétaires, ont des droits sur
de risques qu'elles garantissent; c'est ainsi une chose, par exemple, l'usufruitier, lu
que la Compagnie d'assurances générales fait créancier hypothécaire , ont un intérêt de
à la fois des assurances contre les risques de conservation suffisant pour les autoriser à
mer, contre l'incendie et sur la vie des faire assurer le droit qu'ils ont dans la chose.
hommes. On a demandé s'ils pouvaient contracter l'as
Les assurances faites par les compagnies surance en leur propre nom, et toucher l'in
se contractent sous deux modes distincts : demnité en cas de sinistre qui délruirait la
les unes sont mutuelles, les autres à prime; propriété, ou s'ils n'assuraient leurs droits que
elles se font par des compagnies différentes. comme représentants du propriétaire. La
L'assurance mutuelle a lieu par la réunion question est controversée, et ne recevra do
de propriétaires qui mettent en commun les solution bien certaine que de la loi. L'opinion
risques de leurs propriétés, et s'engagent à qui paraît prédominer, c est que, comme on
contribuer , proportionnellement aux valeurs ne peut assurer que ce qu'on a, que l'usufrui
ASS ( î>3 ) ASS
(1er et les créanciers hypothécaires ne pos- , le franc au paiement de l'indemnité, quelle
sèdeut aucun droit de propriété sur la chose que soit la date des divers contrats ; celte com
soumise à leur usufruit ou affectée à leur munauté d'obligation ne saurait être imposée
créance, et que l'on ne stipule pas, en général, aux assureurs malgré eux ; aussi exigent-ils,
pour la personne ou sur les biens d'autrui, à peine de nullité, que l'assuré fasse la dé
sans le consentement formel du propriétaire, claration de chaque nouvelle assurance , et
1 assurance est censée faite au nom de ce ils se réservent de maintenir ou résilier lo
dernier. Si donc un créancier a fait assurer contrat. Un assureur qui craint d'avoir ga
pour toute sa valeur un fonds hypothéqué à sa ranti des risques trop considérables peut les
créance sans convenir que c'est la valeur faire réassurer par un autre assureur; eu
seule de sa créance qu'il entend assurer, il contrat, appelé réassurance, demeure com
peut être considéré comme gérant les affaires plètement étranger à l'assuré primitif, mais
de ce propriétaire, et en conséquence celui-ci produit entre l'assureur et son réassureur les
peut exiger des assureurs, en cas de sinistre, mêmes effets que l'assurance.
l'entière exécution à son profit des obligations Les compagnies d'assurances ne répondent
contenues dans l'assurance. (Arrêt de la cour des risques, soit de la grêle, soit de l'incendie
de cassation du 29 décembre 1824.) ou autres, que lorsqu'ils ont été purement
L'indemnité due par les assureurs étant fortuits, et n'ont pas été le résultat de la faute
une somme d'argent, est mobilière de sa na ou de la fraude de l'assuré. Une clause qui
ture j il s'ensuit qu'elle se répartit au marc mettrait la faute de l'assuré à la charge de
le franc entre les créanciers de l'assuré, et l'assureur serait nulle, comme établissant une
n'est point affectée par préférence au paie impunité contraire aux lois et aux mœurs.
ment des créanciers hypothécaires. Pour qu'il Les tribunaux apprécient le degré de faute
en fut autrement il faudrait qu'une loi ex qui rend l'assuré non recevable à réclamer
presse immobilisât l'indemnité d'assurance, l'exécution de l'assurance. 11 y a un cas où
comme le Code de procédure immobilise le la loi suppose la faute sans qu'il soit néces
prix de l'immeuble vendu sur expropriation saire de la prouver : c'est celui que prévoient
forcée. les art. 1733, 1734 du Code civil; ils rendent
Parmi les personnes qui peuvent faire as les locataires responsables de plein droit de
surer ou recueillir le bénéfice d'une assurance l'incendie. Cette présomption légale de faute
le trouvent les locataires ; mais ils n'ont pas a fait penser à quelques personnes que l'as
le droit de faire assurer la maison qu'ils occu surance du risque locatif n'était pas légale ;
pent; les chances de perte ne sont pas pour nous ne partageons pas ce scrupule : la loi ,
eux , ils sont donc sans intérêt. Us courent dans les dispositions qui viennent d'être ci
deux espèces de risques: l'un de perdre les tées, a moins en vue de punir le locataire que
meubles à eux appartenant, l'autre de ré de protéger le propriétaire ; elle veut préve
pondre vis-à-vis le propriétaire des suites de nir, par une sorte de menace sévère, les con
l'incendie de leur appartement; ils sont donc séquences non seulement d'un fait positif,
intéressés, et par là autorisés à faire assurer mais jusqu'à celles de la négligence, du dé
leurs meubles et la chance de leur responsabi faut de surveillance suffisante. Pourvu que le
lité; celte dernière assurance s'appelle assu propriétaire soit garanti contre les dangers
rance du risque locatif. que la loi a voulu conjurer, l'intention du
En général, toutes les choses susceptibles Code est remplie. Le locataire, par l'assu
d'être détruites ou endommagées par l'in rance du risque locatif, n'est dégagé d'au
cendie ou un autre accident fortuit peu cune do ses obligations à l'égard de son pro
vent devenir la matière d'une assurance; priétaire, ni dispensé d'aucune responsabilité
ainsi les maisons, les récoltes, les étoffes, les de sa faute à l'égard de l'assureur; s'il est
meubles de toute espèce, les marchandises prouvé qu'il a été réellement en faute quant
d'un commerce, les livres, etc. L'assurance à l'incendie, la compagnie d'assurance ne lui
ne devant jamais produire de bénéfice , un devra rien ; il n'y a donc ni péril ni inconvé
objet déjà assuré pour toute sa valeur ne peut nient dans cette espèce d'assurance.
plus l'être de nouveau dans la vue de faire Les assureurs restreignent leurs risques
toucher à l'assuré plusieurs indemnités. Si non seulement en exceptant certaines causas
■iiio même chose a été assurée par plusieurs d'accidents, comme les émeutes populaires,
compagnies, celles-ci contribuent au marc les explosions de poudre, mais encore en li
ASS (94) ASS
mitant leur garantie aune certaine somme; l'assurance. L'assuré doit acquitter exacte
ils ont soin aussi de classer les propriétés sui ment le prix de l'assurance; s'il ne paie pas,
vant le plus ou moins de risques qu'elles pré 1 assureur peut le poursuivre devant les tri
sentent, et ils varient, d'après celte classifi bunaux. La prime étant la représentation
cation, le prix de l'assurance. Ils ne répondent des risques courus, elle demeure acquise aux
point des risques provenant du vice propre assureurs, et n'est point sujette à la restitu
de la chose; dans les assurances contre l'in tion quand le contrat est résilié ; mais il y a
cendie, on ne considère pas comme produite restitution si le contrat est annulé comme
par le vice de la chose l'inflammation spon ayant manqué d'une des conditions essen
tanée de certaines matières sujettes à cet ac tielles à sa validité; dans ce cas, à vrai dire,
cident, non plus que l'incendie provenant du l'assurance n'a jamais existé; ainsi l'assu
défaut d'entretien : celui-ci est le résultat reur n'a réellement couru aucun risque.
d'une faute de l'assuré. Les assureurs ne ré L'assuré est tenu de déclarer à l'assureur
pondent qu'autant qu'ils s'y sont soumis ex tous les changements qui peuvent modifier
pressément , à indemniser l'assuré de la dé les risques. Si un sinistre éclate, il doit le
molition ordonnée par l'autorité pour arrêter faire connaître aux assureurs; ordinairement
le feu communiqué par une maison voisine. les polices d'assurance contre l'incendie l'o
Le contrat d'assurance se constate au bligent à faire une déclaration devant lu
moyen d'un acte qui porte le nom de police, juge de paix. Il doit ensuite justifier de son
et mentionne les objets assurés , les person droit à toucher le montant de l'indemnité,
nes qui font assurer , la nature du risque , prouver l'existence des objets au moment oui
la somme à concurrence de laquelle l'assuré le sinistre a éclaté, enfin établir la valeur dut
demande à être garanti, le montant de la dommage. La dernière obligation de l'assuré
prime et la durée des conventions. La police est de travailler au sauvetage des choses as
est du reste soumise aux règles ordinaires des surées.
actes sous seing privé renfermant des con Quant à l'assureur, il est tenu d'indem
trats synallagmatiques. L'engagement est niser l'assuré de la perte qu'il a éprouvée.
formé par la signature des deux parties. L'é Son obligation ne concerne que la perte ou
criture n'est pas absolument nécessaire à sa le dommage des objets matériels; elle ne s'é
validité ; la preuve de son existence peut se tend pas aux suites plus ou moins éloignées
tirer des présomptions d'après les principes du sinistre prévu par le contrat. Ainsi les
ordinaires du droit commun. (Arrêt de la compagnies d'assurance contre l'incendie ré
cour de cassation du 13 février 1826.) Les po pondent des dégâts causés par la fumée d'un
lices d'assurances sont habituellement divisées feu voisin ou par l'eau projetée pour étein
en deux parties: la première, imprimée, dre un incendie; mais elles ne répondent
contient les conditions générales communes pas de la perte résultant de la privation mo
à toutes les assurances de la même nature; mentanée d'un local brûlé, de la suspension
la seconde, manuscrite , renferme les ënon- du commerce d'un marchand dont le maga
ciations et conditions particulières de chaque sin a été consumé par les flammes.
contrat spécial. Les changements survenus La valeur que les assureurs doivent payer,
dans la police se font par un acte qui porte jusqu'à concurrence de la somme fixée dans
le nom d'avenant. la police, c'est la valeur vénale que la chose
L'assurance, valablement contractée, im avaitau moment de l'incendie; c'est effecti
pose des obligations à l'assuré et à l'assu vement là ce que l'assuré a perdu; l'augmen
reur. L'assuré doit, au moment où il stipule, tation ou la diminution survenue depuis la
faire à l'assureur des déclarations exactes et police est une chance courue par l'assureur.
complètes sur les objets assurés, sur les risques, Dans les compagnies mutuelles la valeur des
sur toutes les circonstances; l'assureur, en immeubles qui entrent dans l'assurance est
effet, a besoin de connaître l'étendue de la fixée par une estimation au moment de l'en
responsabilité qu'iNa prendre; s'il est trompé, gagement. Les compagnies à prime reçoivent
il a le droit de faire annuler le contrat ; s'il la déclaration de l'assuré sur la valeur, cl
n'y a de la part de l'assuré qu'une exagéra c'est d'après cette déclaration qu'ils règlent
tion involontaire de la valeur de l'objet as le montant de la prime. L'estimation ainsi
suré, cette mesure ne donne pas lieu à l'an- acceptée n'empêche pas les compagnies de
nulalion , mais seulement à la réduction de faire réduire l'assurance s'il y a eu exagéra
ASS ( 95 ) ASS
lion, et même de la faire annuler s'il y a eu vant le jugo do paix ou le tribunal d'arron
fraude dans la surévaluation; elle n'empêche dissement, suivant l'importance delà somme
pas non plus une nouvelle estimation après réclamée.
le sinistre, en vertu du principe que l'assuré Assurances sur la vie des hommes.
ne doit jamais bénéficier, mais seulement Elles forment une des applications les plus
cire indemnisé de sa perte constatée. importantes et les plus utiles du système des
Lorsque l'assureur et l'assuré ne sont pas assurances terrestres. Elles ont pour objet de
d'accord sur la valeur de l'objet assuré et sur garantir du préjudice que le décès des in
l'étendue du dommage, il doit être procédé à dividus peut occasionner à leurs familles ou
une expertise : elle se fait à frais communs, à leurs créanciers. Par cette espèce de con
si le contraire n'a pas été convenu. Les ob vention , l'assureur s'engage à payer un ca
jets sauvés sont déduits de la valeur que l'as pital ou des annuités équivalentes, moyen
sureur doit payer.. Celui-ci peut reprendre à nant un capital moindre ou une prime paya
son compte les matériaux sauvés : mais l'as ble à époques fixées.
suré ne peut l'y forcer; le délaissement, pra C'est en Angleterre que ces assurances ont
tiqué dans les assurances maritimes , n'est été d'abprd mises en usage. Thomas Allen ,
pas reçu dans les assurances terrestres ; il évêque d'Oxford , et d'autres personnes , de
forme, en effet, une exception aux règles de mandèrent à la reine Anne l'autorisation de
lassurance , suivant lesquelles l'assureur est s'associer et de s'obliger pour une partie de
tenu seulement d'indemniser l'assuré du dom leurs revenus, afin que l'héritier de chaque
mage qu'il a souffert ; le contraindre à re souscripteur pût, à sa mort, recevoir une
prendre les objets encore existants, c'est somme fixée d'après le nombre des décès ar
ajouter à son obligation. Ordinairement les rivés dans l'année; cette société, nommée
compagnies d'assurance stipulent la faculté amiable tociety, existe encore -. sa charte est
de rétablir en nature les objets détruits ou de 1706. Depuis lors , les compagnies d'assu
endommagés ; si le contrat ne s'en explique rances sur la vie se sont multipliées en An
pas, elles ne peuvent y être obligées. gleterre; il s'en est établi en Danemarck, en
L'assureur qui a payé l'indemnité à une Belgique , en Allemagne , aux Etats-Unis.
personne ayant droit et qualité pour la rece Leur introduction en France a été retardée
voir est libéré. Il peut , en payant , se faire par la fausse interprétation d'une loi , et par
subroger aux droits de l'assuré contre l'au le plus étrange abus d'un principe vrai.
teur ou la personne responsable de l'incendie; La vie des hommes libres, disait-on, est
mais celle subrogation n'a pas lieu de plein hors de toute évaluation à prix d'argent: li-
droit, il faut qu'elle ait été convenue lors du berum corpus œstimationem non recipit ; aussi
paiement. (Arrêt de la Cour de cassation, l'ordonnance de la marine, de 1681, inter
du 2 mars 1829.) disait d'assurer la vie des hommes. De là on
n l'un des contractants manque à ses déduisait la complète illégalité de l'assurance
obligations, l'autre peut faire résilier l'assu- sur la vie. C'était une erreur difficile à con
rance.La faillite de l'assureur fait aussi tomber cevoir dans un pays qui a fourni tant de ju
le contrat , si , toutefois , l'assuré ne consent risconsultes si profonds et d'une si étonnante
» le laisser subsister, en exigeant une cau sagacité. La vie des hommes est hors do
tion. De même, en cas de faillite de l'assuré, prix: personne ne le nie; mais est-ce bien la
(assureur peut demander la résolution, à vie humaine qui est l'objet de l'assurance?
moins que l'assuré ne lui offre une caution nullement; il s'agit d'assurer les intérêts par
suffisante. L'assurance finit par l'expiration ticuliers contre les chances de mortalité d'une
île la durée pour laquelle elle a été contractée. personne : or, le droit est plein d'actes per
U y a des compagnies qui considèrent comme mis qui ont la mort pour terme ou pour con
étant encore assurées pour une période de dition de leurs dispositions. L'ordonnance du
temps égale à celle du premier contrat les la marine ne proscrit point les contrats d'as
personnes qui , dans un certain délai , ne surance sur la vie : elle ne les avait point eu
'•nt pas connaître l'intention de cesser leur vue ; elle défend seulement de confondre dans
assurance. La plupart des polices d'assurances les risques maritimes les individus avec les
terrestres renvoient devant arbitres les con marchandises. L'assurance sur la vie est cer
testations entre l'assureur et l'assuré : les de tainement plus morale que lé contrat de rente
mandes en paiement de primes se portent de viagère , acte inspiré souvent par l'égoïsme,
ASS (96) ASS
et qui offre le danger d'intéresser le débiteur qu'un pari; il faut, déplus, que le tiers dont
à la mort du créancier. L'erreur qui avait il s'agit donne son consentement. L in
repoussé les assurances sur la vie avait cessé térêt qui doit être prouvé est un intérêt ap
avant la fin du xvm* siècle ; un arrêt du con préciable à prix d'argent; tel serait celui
seil du 3 novembre 1787 accorda à l'une des d'un créancier qui a intérêt à faire une
compagnies d'assurance établies à Paris le assurance sur la vie de son débiteur, si celui-
privilège de faire des assurances sur la vie; ci ne lui offre que des sûretés attachées à sa
ce privilège périt, pendant la tourmente ré personne , comme des appointements , un
volutionnaire , dans le commun naufrage de travail personnel. L'intérêt qu'on veut ga
toutes les compagnies financières. En 1818, rantir doit être légitime : ainsi on ne pour
on discuta au conseil d'Etat la question de sa rait faire un contrat d'assurance sur la vie
voir s'il y avait lieu d'autoriser des sociétés pour paiement d'une dette de jeu.
anonymes à faire des assurances sur la vie ; Nous avons dit que celui qui assure, à son
la réponse fut affirmative, a Ce genre de profit, sur la tête d'un tiers, doit justifier d'un
contrat, dit une instruction du 1 1 juillet 1818, intérêt pécuniaire; il en est autrement de
peut être assimilé aux contrats aléatoires que l'assurance faite sur la tête d un tiers pour un
permet le Code civil. Il est même plus digne tiers; par exemple, celle que ferait un ami
de protection que le contrai de rente viagère; ou un parent au profit des enfants ou de la
c'est un sentiment bienveillant et généreux veuve de son ami ou de son parent : dans ce
qui porte le souscripteur à s'imposer des sa cas, l'intérêt d'affection suffit pour légitimer
crifices pour assurer aux objets de son affec l'assurance.
tion une aisance dont la mort pourrait les Comme toute espèce d'assurances, celle
priver. » En conséquence de la décision du qui se fait sur la vie n'est valable qu'au
conseil d'Etat, les assurances sur la vie ont tant qu'il y a un risque. Ainsi serait nulle
été permises à plusieurs compagnies anony l'assurance sur la vie d'une personne qui
mes ; leur légalité ne peut plus être sérieuse n'existerait plus : on a étendu cette solution
ment contestée. au cas de la mort civile. Le risque delà faute
L'assurance sur la vie, complément pré personnelle de l'assuré n'est pas à la charge
cieux des caisses d'épargnes, est susceptible des assureurs, en ce sens que lorsqu'un indi
de combinaisons variées , et d'applications vidu a fait assurer sur sa propre vie, les as
nombreuses aux différentes situations des sureurs ne sont pas tenus de payer si la mort
personnes. Elle peut embrasser la vie en a eu lieu par suite d'exécution judiciaire, duel
tière : alors elle n'est aléatoire que par l'in ou suicide. Les risques, tels qu'ils ont été
certitude de l'époque où la mort aura lieu, fixés par la police, ne peuvent être ultérieu
car il n'y a pas de doute sur l'événement lui- rement augmentés, par exemple, en cas de
même, plus ou moins rapproché; elle peut guerre ou de voyage maritime, sans le con
être limitée à un certain temps; elle prend sentement de l'assureur, qui peut alors exiger
alors le nom d'assurance temporaire; enfin une augmentation de prime ou la résiliation ;
un individu peut stipuler que si lui ou une les maladies survenues depuis le contrat ne
personne désignée vit encore à une époque sont pas considérées comme augmentation do
indiquée, on paiera un capital ou une rente; risques : elles ont du entrer dans les prévi
on appelle ce contrat assurance différée. Cette sions des contractants. La durée des risques
dernière espèce de convention n'est pas à est limitée par la police d'assurance ; si, après
proprement parler une assurance; car elle l'expiration du terme, l'assuré meurt par
tend à garantir un bénéfice plutôt qu'à in suite d'une blessure ou d'une maladie anté
demniser d'une perte; il en est de même de la rieure, on décide généralement, en Angle
convention par laquelle un individu fait assu terre, que les assureurs ne sont pas tenus.
rer sur sa propre vie une somme fixe ou une L'assuré doit faire une déclaration com
rente au profit d'un tiers auquel il ne doit plète et exacte de toutes les circonstances
rien; ces différentes stipulations sont toutes qui peuvent influer sur les risques; les faus
licites et utiles. setés, omissions, réticences, notamment sur
Celui qui assure sur la vie d'un tiers, dont les maladies de la personne sur la tête de
il n'est pas représentant , doit justifier de qui repose l'assurance, annuleraient l'enga
son intérêt à la conservation de l'existence gement. Toutefois, pour que les assureurs
de ce tiers, autrement l'assurance ne serait puissent, en cas de mort, refuser le paiement,
ASS (97 ) ASS
il faut qu'ils prouvent que c'est la maladie dictions de toute nature que la plus patiente
non déclarée qui a causé le décès. L'assureur érudition n'a pu encore expliquer d'une ma
doit payer la somme promise, comme il a été nière satisfaisante. Les saintes Écritures four
convenu dans la police. Si c'est la mort qui niraient , il est vrai , des notions vraiment
donne ouverture au droit contre l'assureur , utiles à cette étude si elles étaient complètes ;
le décès doit être notifié et prouvé dans les mais elles se bornent malheureusement à la
formes que le droit commun prescrit ou au seule partie qui se rattache à l'histoire du
torise; il ne suffirait pas de justifier d'une peuple de Dieu. C'est donc dans Hérodote,
absence , quelque longue qu'elle fût. Ctésias, Diodore de Sicile, Justin, Bérose,
Les autres principes des assurances terres Le Syncelle, Eusèbe, Jules l'Africain et quel
tres s'appliquent aux assurances sur la vie. ques fragments d'auteurs anciens échappes
ASSYRIE, l'une des quatre grandes mo aux flammes et aux vers, qu'il faut aller
narchies de l'antiquité classique. chercher les lambeaux épars de ces pages
Géographie. — L'Assyrie proprement dite déchirées où fourmillent les anachronismes,
était bornée à l'occident par la Mésopotamie, les exagérations, les erreurs monstrueuses.
à l'orient par la Médie, au nord par l'Armé Le mot Assyrie dérive à'Assur, fils de Sem,
nie, au sud par la Susiane et la Babylonie. Ses premier souverain de cette contrée. Les his
principales villes étaient : Ninive, sa capitale ; toriens profanes attribuent la fondation de Ni
Arbiles, célèbre par la mémorable victoire nive à Nemrod. Cette ville, assise sur les bords
d Alexandre; Opiset Ctésiphon. Deux grandes du Tigre, était réservée à de hautes desti
rivières l'arrosaient : le Tigre et le Lycus des nées (coy. Ninive). Bélus, que plusieurs his
Grecs {Zabatos de Xénophon). Ses provinces toriens confondent avec Nemrod , entreprit
étaient VAdiabène, qui dans les siècles posté de chasser quelques peuplades arabes qui
rieurs donna son nom à toute l'Assyrie ; la s'élaient établies sur les terres de Babylone;
Carduène, la Kalakiène, VArrapachide, YA- il les vainquit et réunit à l'empire de Ninivo
polloniatide et la Sittakène : c'est la région la contrée qu'il venait de délivrer. Cet événe
qui correspond à peu près aujourd'hui au Kur ment eut lieu vers l'année 1993 avant J.-C.
distan. Son climat était le plus doux et le plus C'est aussi l'époque la plus probable de la
sain de toute cette partie de l'Asie ; le ciel fondation des dynasties assyriennes. Nous de
y était toujours pur, et les chaleurs tempé vons faire observer d'ailleurs que Bélus pa
rées par des brises rafraîchissantes. La ferti raît être un titre plutôt qu'un nom propre;
lité de la terre y était si prodigieuse que les c'est le Baal, Bel ou Bélial des saintes Écri
récoltes, s'il faut en croire Hérodote, don tures, dont l'antiquité a fait une divinité sous
naient deux cents grains pour un qu'on avait le nom de Bel-Phégor (dieu nu).
ensemencé. Celte admirable fécondité, cette Bélus engendra Nin- Vah, que nous appe
splendeur de végétation n'existent plus au lons Ninus, prince belliqueux et cruel, à qui
jourd'hui dans les mêmes localités, circon les traditions accordent le déplorable hon
stance qu'il faut attribuer sans doute aux neur d'avoir été le premier qui attentât par
tristes conséquences des révolutions : le dé la force des armes à l'indépendance des na
faut de culture et l'anéantissement d'une po tions étrangères. Son plus beau titre de gloire
pulation active et industrieuse. Le climat lui- est d'avoir agrandi et embelli la capitale do
même a changé ; il n'a plus celte douceur l'empire, qui, depuis lors seulement, fut ap
que nous vantait le père de l'histoire. pelée Ninive.
Quanta l'empire d'Assyrie, il comprenait, Le premier exploitde ce monarque fut d'at
indépendamment de la contrée que nous taquer un prince chaldéen qui ne l'avait ja
venons de décrire, la Babylonie, la Chal- mais offensé, et qu'il fit mettre à mort après
dée et la Mésopotamie jusqu'à l'Euphrate, la victoire. Pharnace, roi des Mèdes, fut la
neure.
qui le séparait
Nous verrons
de la Syrie
bientôt
et de
quel'Asie-Mi-
la con seconde victime de cet ambitieux conqué
rant. Ninus l'ayant vaincu, le fit crucifier
quête y joignit une immense étendue de avec sa femme et ses sept enfants. Pendant
pays depuis le Caucase jusqu'au golfe Persi- dix-sept années consécutives il ravagea l'Asie
que, depuis la Méditerranée jusqu'à la pres occidentale et la soumit jusqu'aux frontières
qu'île de l'Inde. de l'Inde et de la Bactriane; puis il marcha
Histoire. — L'histoire de l'Assyrie est en sur cette dernière province à la tête d'une
veloppée de ténèbres; elle abonde encontra- armée dont la force a été évaluée si haut par
Encycl. du XIX* siècle, t. IV. 7
ASS ( 98 ASS
les historiens grecs qu'il est impossible d'a Il est vrai de dire , pour ce qui concerne
jouter foi à leurs récits : quelle que fût la po les noms propres , qu'ils ont été , pour la plu
pulation de cette partie de l'Asie, elle ne pou part, traduits en grec, circonstance qui a
vait certainement pas mettre sur pied une dû contribuer singulièrement à la divergence
armée qui, au dire de Clésias et d Hérodote, qu'on remarque à cet égard entre les histo
se composait de 1,700,000 fantassins, 200,000 riens. Quelques uns de ces noms ne sont
cavaliers et 10,000 chariots armés de faux. même que des titres religieux, où l'on re
Ce fut au siège de Bac très que Minus vit pour trouve Milhra, Bélial et Baal.
la première fois la fameuse Sémiramis, dont Le premier successeur de Ninias est un
il devint épris, et qu'il éleva jusqu'à lui. prince nommé Arioc , ou Arios selon Eusèbe
Sémiramis, devenue reine par la mort de et Le Syncelle; il régna, dit-on, trente an
Ninus , étendit encore les frontières de l'em nées , c'est tout ce que nous savons de lui.
pire d'Assyrie. Les expéditions militaires de Après ce monarque nous voyons sortir de
cette femme célèbre, les travaux qu'elle fit l'urne ténébreuse les noms d'Aral, de Xerxès,
exécuter, sa gloire et ses revers, doivent Mamilhros, Btl-och, Balac et Sélhoê , qu'on
former l'objet d'un article spécial ( voy. Sé a quelquefois confondu mal à propos avec
miramis ; voy. aussi Iï un uni: ). Nous nous Sésoslris. Sept monarques, dont les noms pa
bornerons à faire connaître ici l'étendue de raissent entièrement grecs, complètent cette
l'empire d'Assyrie sous ce règne mémorable, première liste :
(1916-1874). Ses limites étaient, au nord : la Selon Jules l'Air. Selon Eusèbe, Selon Le Syncelle.
mer Caspienne , les steppes qui bordent la
chaîne du Caucase et le Pont-Euxin; au Mamilhos I" Mamylhos. Mamythos.
Manchalaios. Aschalaios.
sud : la Palestine , l'Arabie déserte, le golfe Ilaspheros. Sphacros. Sphacros.
Persique et la mer Erythrée; à l'ouest: la Mamilhos 1K Mamilos. Mamilos.
mer Egée et la mer Méditerranée -, à l'est : les Ascalagos.
Sparaios Sparelos.
Aslicades. Sparlhaios.
Aslicades.
monts Paropamises. La Lybie, l'Ethiopie et
l'Egypte étaient tributaires de l'empire d'As Amyntes. Amyntes. Amyntes.
syrie. A cette vaste étendue de territoire Sé Les quinze monarques que nous venons de
miramis aurait ajoulé de nouvelles provinces mentionner depuis Ninias ont occupé le trône
si la mort n'eût arrêté le cours des ses con d'Assyrie, s'il faut en croire les autorités que
quêtes. Ninias , son fils et peut-être son as nous avons déjà invoquées, pendant une pé
sassin, à peine parvenu au suprême pouvoir, riode de 500 ans.
s'ensevelit au fond de son sérail , où, plongé Bel-och , deuxième du nom , paraît à son
dans de houleuses débauches , il ne révélait tour sur la scène. Ce prince n'est connu dans
son existence à ses peuples que par l'inter l'histoire que pour avoir eu la faiblesse, nous
médiaire de ses eunuques et de ses concubi devrions dire l'infamie, d'associer à sa cou
nes. Ce prince n'eut pas même l'honneur ronne sa fille Atossa, cette Messaline de l'As
d'avoir à lutter contre la révolte; il mourut syrie, qui se prostituait dans les jardins de
paisible, mais couvert du mépris de sessu- Chaone aux soldats qui avaient eu le malheur
jels. de lui plaire, et qu'elle faisait ensuite préci
Ici s'ouvre un abîme où le pâle flambeau piter dans le Tigre pour cacher ses déporle-
de quelques écrivains mal informés nous menls. Atossa régna douze ans; elle épousa
montre trente générations de rois fainéants son propre fils, qui, à ce que l'on croit, la lit
et débauchés qui naissent obscurément, vi mourir par le poignard. Cette aventure a
vent sans honneur, et meurent sans gloire. donné lieu à la fable de Sémiramis tuée par
Toutefois , hâtons-nous de faire observer qu'il son fils Ninias qu'elle aurait épousé. Quel
faut ajouter peu de foi aux récits incomplets ques historiens , à la vérité , font survivre
des anciens historiens sur cette grande pé Atossa à son inceste ; mais tous s'accordent
riode. Il est peu probable, en effet, que l'em à dire que Bel-och et sa fille furent chasses
pire d'Assyrie se soit maintenu intact et puis du trône d'Assyrie par un officier du palais
sant sous le long règne de tant de rois sans nommé Balétorès ou Belelaras.
vertu. Hérodote , Ctésias , Eusèbe , Jules- Cet usurpateur régna paisiblement pendant
l'Africain et Le Syncelle ne s'accordent ni sur trente années , et fut le chef d'une nouvelle
le nombre , ni sur les noms , ni sur la durée dynastie qui donna vingt souverains à 1 As
de l'existence de ces royautés douteuses. syrie.
ASS ( 99 ) ASS
Selon Jules l'Air. Selon Eusèbe. Selon Le Syncelle. Les mœurs , les sciences , les arts et les
pratiques religieuses des Assyriens ne diffè
Lampides. Lampides. Lamprides. rent pas de ceux des Babyloniens et des Chal-
Posaros. Sosares. Sosares. deens. C. Famin.
Lamparas. Lamparas. Lamparas.
Panyas. ASTAROTH ou Acharth, répond au la
PanniaselZeos. Panyas.
Sosarmos. tin Aslarté, divinité qui jouait dans la mytho
Sosarmos. |So*armos.
Milhraios. Mitliraios. Mitliraios. logie des peuples de race sémitique le même
Tautelos. iTautanes. Taulanes. rôle qu'Isis représentait dans la mythologie
Eulaios. Teutaios Teutaios. égyptienne. D'après Sanchoniathon, Astarlé
Arabelos. mit sur sa tête pour marque de la royauté
Chalaos. une tête de taureau. Parcourant l'univers,
Anebos. elle trouva un astre tombé du ciel, elle le prit
Babios. et le consacra dans la sainte île de Tyr, Les
Thinaios. Tliinaios. Phéniciens, ajoute-t-il, disent qu'Aslarté est
Cercyllos. Dercylos. Dercylos.
Eupalas. la même qu'Aphrodite ( 9 ). Le même ajoute
Lausthènes. Laoslhènes. Laostliènes. un peu plus bas : « Cronis eut d'Astarté les
Peritiados. Peritiados. Peritiados. » sept étoiles. » Hérodote la désigna par le
Ophrataios. Ophrataios. Epliéclières. nom de Milidtha ( Genitrix ). ( Hérodote, 1,
Acrazapes. ,Ocrazapes. Acragaves. 199; Strabon, 10, 1.) Cet usage s'était con
Tout ce que nous avons apprissur lecompte servé jusqu'au temps de saint Ephrem. Il
de ces obscurs despotes, qui embrassent en décrit ensuite son temple , où les femmes se
semble un espace de 000 ans environ, nous prostituaient et lui consacraient le fruit de
porte à les considérer, ainsi que les précé cet abominable commerce , qui est appelé,
dents, comme de viles créatures plongées dans dans la Bible, Sucot-banot ( 2 Bois, 17, 30).
les débauches du sérail, et laissant gouver Le Tàlmud et les rabbins ajoutent : Sucot-
ner à leur place, tantôt un eunuque intrigant, banot est l'image d'une poule et ses pous
tantôt leur concubine favorite, tantôt enfin, sins, c'est-à-dire la lune qui est placée au
•■t le plus souvent-, un satrape ambitieux. milieu des étoiles. D'après Diodore (2,9),
Mais nous ne saurions trop répéter que les sa statue était placée à côté de celle de Bel à
renseignements qui nous ont été transmis à Babylone: elle était représentée debout et
cet égard par les historiens profanes sont \a- avait dans la main droite un serpent qu'elle
gues , incomplets, contradictoires, et doivent tenait par la tête, dans la gauche un scep
par conséquent nous inspirer peu de con tre enrichi de pierres précieuses; devant
fiance. elle était placée une table d'or de 40 pieds de
Le dernier nom de cette nomenclature longueur sur 16 de largeur, sur laquelle se
stérile a acquis plus de célébrité par ses vi trouvaient placées deux cassolettes et une
ces, ses mœurs, dont la dissolution fut pous coupe qui pesait 600 talents. Un écrivain
sée à la dernière limite , et surtout par l'éclat qui a puisé à d'autres sources que les Grecs,
de sa mort ■• c'est celui de Sardan-I'ul, que Maimonide, dit , d'après les livres sabéens,
nous nommerons Sardaivapale ( Voy. ce que ces peuples érigèrent à la lune une sta
mot}. Ce monarque s'endormit sur le trône tue d'argent. Astarolh paraît avoir été,
d'Assyrie,
res. L'empire
laissant
tomba
le sceptre
avec ceà prince
des mainsimpu-
l'an 888, d'une part, un symbole de la lune et de l'é
toile de Vénus. Dans le 65e chapitre d'haïe,
ou, selon d'autres calculs, 759 avant l'ère chré verset 11e, ce prophète nous représente les
tienne. Les chronologistes ne s'accordent pas Israélites faisant des libations à Gad ( l'é
non plus sur la durée de l'empire assyrien. toile de Jupiter) et à Méni, qui est vraisem
Hérodote ne lui accorde en tout, depuis Ni- blablement Vénus ou Astarolh. D'après le
nus jusqu'à la chute de Sardan-Pul, que 520 système astrologique des Chaldéens , l'hom
ans; Ctésias porte cette duréejusqu'à 1300 ans. me qui naissait sous l'influence de la planète
Des débris de la monarchie assyrienne il se de Vénus devenait riche ( Talmud de Baby
forma trois empires nouveaux : celui de Ba- lone , sabat, chap. 24). G. Pries fils.
bylone qui échut en partage à Bélésis, celui ASTÈRE {bot.). Genre établi par Linnée;
de Médie qui fut dévolu à Arbake, et celui de il fait partie de la famille des Composées, et
Ninive , aussi appelé quelquefois second em renferme un grand nombre d'espèces , dont
pire d'Assyrie. les unes sont nerbacées, les autres ligneuses,
AST ( 100 ) AST
et forment des sous-arbrisseaux. Dans les quement dans l'orientation du cercle mobile
astères herbacées , dont quelques unes sont par rapport à l'ascension droite et dans l'o
originaires d'Europe ( aster atpinus, ast. py- rientation de la coulisse , eu égard à la dé
rwneus), l'ast., acris se trouve la plus célèbre clinaison. Cet instrument, comme on voit,
de toutes ; elle nous vient de la Chine , et est ne servait qu'à déterminer approximative
cultivée depuis 1772 dans nos jardins, où ment l'heure du lever et du coucher des
elle connue de tout le monde sous le nom de astres , sans faire de calculs. On ne s'en sert
reine'maryuerite. Celte plante était d'abord plus aujourd'hui ; son emploi n'a même ja
blanche et simple , mais par la culture elle mais été bien fréquent. E. B.
produisit des graines dont on obtint des va ASTÉRIE ou étoile de mer (asterias) ,
riétés des couleurs les plus belles; la variété (zool-zoophytes) , genre ou plutôt famille de
rouge surtout fixa l'attention des amateurs, zoophytes marins, faisant partie du premier
et lui valut le nom de reine-marguerite. On ordre de la première classe ou des èchino-
obtint ensuite la variété violette et une foule dermes pédicules. Le caractère commun des
d'autres ensuite. La reine-marguerite, dite échinodermesest d'avoir une enveloppe gar
à tuyaux , dont les fleurs paraissent hémi nie d'épines mobiles , et un intestin libre ,
sphériques, n'a été obtenue que depuis peu flottant dans l'intérieur du corps. Ceux du
d'années. Quant à YasUr d'Afrique des jardi premier ordre ont été nommés pédicellés ,
niers, c'est une plante appartenant à un autre parce que leur enveloppe , outre les épines
genre , le cineraria amelloïde. L. articulées dont nous avons parlé, laisse sortir,
ASTÉRÉOMETRE.—L'astéréomèlreest par autant de petites ouvertures, un grand
un instrument composé de trois pièces faites nombre de petits pieds charnus , transpa
de bois , de carton ou de cuivre , suivant le rents, en forme de tubes , terminés par une
degré de solidité et d'exactitude que l'on petite ventouse et susceptibles de se gonfler
veut obtenir. La première pièce est un pa et de s'allonger au gré de l'animal qui s'en
rallélogramme rectangulaire contenant deux
rainures parallèles. La seconde pièce est une
coulisse qui se place dans les rainures. La
première partie contient de plus un enfonce
ment circulaire destiné à recevoir la troi
sième pièce qui est un plateau circulaire et
mobile sur son centre. La circonférence de
ce cercle a sa partie supérieure divisée en
21 parties , représentant les 24 heures de
la journée. Il y a en outre des subdivisions
qui sont des minutes. Ces divisions repré
sentent naturellement les arc semi-diurnes
des astres.
Au milieu de la première pièce est un in
dex fixe qui sert à orienter convenablement
le cercle mobile. Sur les plates-bandes de
cette même pièce se trouvent aussi les gra
duations des déclinaisons qui servent à pla
cer la coulisse relativement à la déclinaison sert pour marcher et pour grimper le long
donnée de l'astre que 1 on observe. des pierres au fond de la mer. Telles sont les
On oriente donc le cercle mobile de ma astéries ou étoiles de mer que leur nom seul
nière à ce que l'heure du passage de l'astre ferait reconnaître quand on les trouve je
réponde à l'index fixe, et l'on fait glisser la tées par les vagues sur le rivage, ou quand
coulisse de telle sorte que les extrémités du on les voit desséchées et conservées dans les
biseau correspondent aux divisions de la dé collections. Les plus communes , comme
clinaison donnée. Le biseau traverse alors les celles que nous avons figurées (asterias ru-
divisions des heures marquées sur la troi bens) , ont exactement la forme d'une étoile
sième pièce, précisément à l'heure du lever à cinq branches ; mais il y en a dont les bran
et du coucher demandé. La difficulté de se ches sont tellement réunies , qu'il en résulte
servir de cet instrument consiste donc uni un pentagone à côtés légèrement échancrés
AST ( H)i ) AST
ou même droits; d'autres ont six, huit, trants de l'étoile , on remarque une petite
douze ou un plus grand nombre de rayons. pièce calcaire , ciselée avec une extrême
On voit souvent aussi des astéries qui , mu délicatesse ; cette pièce on l'a nommée le tu-
tilées par quelque accident, et privées par bercule madréporique à cause de son analogie
exemple de deux ou trois de leurs branches, avec la surface des polypiers du genre ma
n'en continuent pas moins à vivre , et ont drépore , mais on ignore entièrement à quoi
même commencé à reproduire les parties qui elle peut servir dans l'organisation de 1 as
leur manquent, d'où résultent des variétés térie. Les branches sont remplies à l'inté
de forme plus ou moins irrégulières. On ob rieur par des corps élégamment ramifiés,
serve d ailleurs des différences non moins paraissant remplir les fonctions de foie ou de
grandes dans la forme plus épaisse ou plus cœcum, et par des ovaires également rami
mince, et dans la nature et la disposition de fiés, dont les œufs naturellement féconds pro
Fenveloppe extérieure dans quelques unes. duisent des jeunes astéries tout-à-fait diffé
Cette enveloppe est simplement coriace et rentes de leur mère pendant le premier âge.
très peu épineuse ; chez d'autres , les épines A l'intérieur se trouvent encore quelques au
îont longues et nombreuses ; chez d'autres tres organes dont les fonctions sont inexpli
enfin, l'enveloppe est toute garnie de pièces quées ; mais c'est à tort qu'on a cru y voir
calcaires dureset épaisses,rapprochées comme des nerfs : ce qu'on a pris pour cela n'est autre
des petits pavés. chose que la fibre blanche et argentée de ces
D'après ces différences, on peut établir animaux. Les astéries sont très abondantes
parmi les astéries des divisions importantes : dans toutes les mers ; mais sur nos côtes on
c'est ainsi qu'on a nommé oreillers celles n'en observe que six ou huit espèces : l'une
qui sont épaisses et pentagonales ; palmaslé- d elles, nommée, à cause de sa couleur rou-
n'« , celles qui , encore pentagonales , sont geâtre, asterias rubens, est quelquefois, après
minces et membraneuses comme l'astérie les tempêtes, jetée sur le rivage en si grande
patle d'oie ; icutasléries celles qui ont cinq quantité , qu'on la ramasse par tombereaux
angles plus saillants , et qui présentent une pour fumer les terres. C'est le seul usage
série de pièces articulées sur leur contour, pour lequel on puisse employer les astéries,
comme l'astérie parquetée;pen/as/e'n'es, celles car leur peau coriace et toute parsemée de
qui, comme noire astérie commune, sont pièces calcaires, empêche qu'on n'en puisse
profondément divisées en cinq rayons, et *<W- faire un aliment. F. Dujardin.
attéries, celles qui, comme l'astérie héliante, ASTÉIUUS, évêque d'Amasée dans le
ont un grand nombre de rayons. iv* siècle, a mérité le titre de Père de l'E
La bouche des astéries occupe le centre glise par ses homélies, qui dénotent une ima
de la face inférieure : c'est une large ouver gination féconde et un génie profond ; son
ture susceptible de se dilater assez pour en style est Henri, harmonieux :son homélie sur
gloutir les coquilles dont l'animal fait sa Daniel et Suzanne est même regardée comme
un chef d'œuvru. Le P. Combefis a publié
nourriture. Lorsque pourtant la coquille est dans son Auditorium quatorze sermons qui
trop grosse , l'astérie fait sortir en la retour sont incontestablement de ce prélat; les au
nant le sac interne qui lui sert d'estomac, et tres, donnés comme de lui, sont très proba
l'appuyant sur sa proie , elle parvient à ab blement apocryphes. On ignore l'époque de
sorber toute la substance nutritive sans qu'on sa mort. Tout ce qu'on sait, c'est qu'il vécut
puisse s'expliquer comment s'exerce sa force fort âgé, et qu'il exisîait encore lors de la
digeslive. De la bouche partent en dehors persécu lion de l'empereur J ulien, dont il parle
des sillons larges occupant le milieu de cha comme témoin oculaire.
que branche de l'étoile , et le long desquels ASTERILS est dans l'histoire grecquo
sortent en grand nombre les petits pieds à le nom d'un roi de Crète surnommé Jupiter,
ventouse. Le reste de la surface est occupé comme presque tous les rois de cette île , et
par les épines et leurs diverses modifications qui , monté sur un vaisseau dont la poupe
qui servent aussi à 1 animal à se fixer aux avait la forme d'une tête de taureau , enleva
herbes marines. On observe toutefois que Europe, fille d'Agénor, fait qui, dit-on, donna
chez certaines espèces, les épines sont plus lieu à la fable de l'enlèvement d'Europe par
nombreuses et forment une frange ou un Jupiter. Nous renverrons pour plus de détails
peigne le long du bord extérieur. Sur la face aux mots Europe et Jupiter. A. Maurt.
dorsale , entre le centre et un des angles ren ASTHÉNIE (médec). Ce mot est iropor
AST ( «02) AST
tant dans 1 histoire des systèmes de médecine. comme celle qui accompagne , par exemple , '
Formé de a privatif, et çOcvoç, force , il fut leshémorrhagies, les fièvres, le scorbut, l'apo
d'abord employé par Hippocrate pour dési plexie, etc. L'asthénie, au contraire, est une
gner cet étal qui n'est pas la maladie, mais diminution primilivedes actes organiques, de
qui n'est plus la santé , et dans lequel l'indi leurs fonctions; cette diminution est toute la
vidu ne peut plus résister aux causes morbi maladie. Un muscle forcé par un long exer
des. Ce n'est pas précisément de la faiblesse, cice perd la faculté de se contracter ; le cer
mais un défaut de résistance que présente I e- veau, épuisé par de longs travaux intellec
conomie ; des organisations, même des plus tuels, devient rebelle à la pensée, l'instrument
vigoureuses, succombent en effet dans certai n'agit plus qu'avec difficulté; dans un cas,
nes circonstances aux influences morbides. c'est une asthénie musculaire , dans l'autre,
L'asthénie, pour Hippocrate, répondait donc à une asthénie cérébrale. 11 ne manque rien
ce queBrown et les médecins italiensont appelé d'appréciable aux organes , ils ont perdu la
opportunité et dialhise. Dansla science, lemot faculté d'agir, voilà tout ; le repos le leur
asthénie perdit bientôt le premier sens de l'é rendra. On comprend que l'ensemble des fonc
cole hippocratique ; il servità classer, en noso tions puisse se trouver dans le même cas.
logie , les maladies accompagnées de faiblesse C'est ce qu'on observe à la suite d'une crois
et de langueur des fonctions ; et cela sans sance exagérée chez des jeunes gens, à la
tenir compte des causes productrices de la suite de longues convalescences, sans cepen
maladie elle-même , mais bien de l'expres dant qu'aucuno modification organique appa
sion seule de ses symptômes (voy. Adyna- rente entrave le jeu des appareils; ceux-ci
nie). C'est à peu près le sens que lui a donné ont seulement perdu leur énergie. Ce sont là
naguère encore l'école de M. Broussais, qui des exemples d'asthénie générale. La faiblesse
piace dans la classe des asthénies, ou de Yab- sénile, résultat des progrès de l'âge , ne sau
irritation, les maladies, quelles qu'elles soient, rait être rattachée à l'asthénie générale , car
qui ne sont point accompagnées d'Un abord elle s'accompagne de modifications dans les
I lus considérable de fluides dans les parties , tissus que le scalpel de l'anatomiste démontre
ou d'irritation. Seulement, dans cette théo aux yeux les moins clairvoyants. Le traite
rie, l'asthénie n'est pas un état nécessaire ment de l'asthénie , telle qu'elle est circon
ment général et commun à toute l'économie ; scrite actuellement , repose sur la considéra
elle peut être locale , et coïncider avec un tion des causes qui la développent , et un
état dynamique du reste du corps. Brown, au emploi sagement interprété des toniques et
contraire, qui avait supposé une force unique des stimulants. Ahchahku i.t.
dans l'organisme, ïincitabilité , dont un de ASTHME (pathologie), du grec »&>. a-JJfinu-
gré déterminé répondait à la santé, ne voyait vtiv, souffler, haleter, est une maladie carac
exclusivement que force ou faiblesse, l'une térisée par une respiration difficile, fréquente,
excluant nécessairement l'autre. Au-dessus revenant périodiquement sous forme d'accès,
du degré d'incilabilité propre à l'état sain, et n'étant point accompagnée de fièvre. Dans
c'était l'hypersthènie ; au-dessous, l'asthénie. les accès d'asthme qui surviennent ordinai
Do là deux classes pour les maladies et une rement la nuit , le malade se réveille avec
formule fort simple de traitement ; ôter des une sensation de resserrement , de compres
orces dans un cas, en donner dans l'autre : sion de la poitrine ; s'il est couché, il est sur-
medicina tst additio et tubstraelio. Réduite le-champ force de prendre une position ver
ainsi à une addition et à une soustraction, la ticale ; les bras sont portés en arrière, les
médecine brownienne ne put tenir devant épaules en haut par leurs muscles qui fournis
le raisonnement et surtout l'expérience. Au sent ainsi un point d'appui à la contraction
jourd'hui , sans discuter sur les forces radi i des muscles pectoraux, tout entiers employés
cales, si elles sont en plus ou en moins, et du au besoin de faire pénétrer l'air dans les pou
point de vue pratique, on entend par asthénie mons. L'action du diaphragme est comme
la diminution des actions organiques, la len suspendue
coupée ; la , face
la respiration
tantôt gonflée
est sifflante,
et livideentre-
; les .
teur et l'inertie des fonctions ; mais sans au
cune lésion matérielle appréciable dans les yeux sont saillants et larmoyants ; les lèvres
solides ou les fluides. Autrement ce n'est plus gorgées et bleuâtres ( leurs veines restent
une asthénie directe, mais une faiblesse secon même variqueuses lorsque les accès d'asthme
daire, symptomatique d'une autre maladie, se sont déjà fréquemment répétés); les ex-
AST ( 103 ) AST
t rémités se refroidissent , ainsi que le nez et d'une lésion organique. Les travaux des ana-
les oreilles ; une sueur froide recouvre la face tomo-pathologistes modernes , Morgagny,
et la poitrine. Le malade éprouve de plus en Corvisart , Laënnec, MM. Bouillaud, An-
plus le besoin de respirer un air frais et libre; dral , etc., ont en effet prouvé que souvent
dans ce but il se précipite instinctivement de l'asthme coïncidait avec des altérations di
son lit à la fenêtre ; il semble qu'il veuille verses du cœur, des gros vaisseaux et des
échapper à l'asphyxie qui le menace. La pa poumons; c'est particulièrement dans ces
role est embarrassée, brève; des mouve circonstances que les attaques ne sont pas
ments couvulsifs agitent parfois les muscles séparées par des intervalles marqués d'une
des membres ; la désharmonisation des mou santé parfaite. Le malade conserve alors en
vements mécaniques de la respiration est tre chaque attaque la respiration plus ou
quelquefois portée au point que tantôt les moins gênée, et d'autres accidents, qui évi
muscles pectoraux restent contractés , d'au demment se rattachent par leur persistance
tres fois relâchés, et que dans celte immobi à une autre cause qu'à une cause passagère;
lité des parois du thorax , l'air n'y pénètre mais l'exacerbation que les malades éprou
plus que par l'action du diaphragme, qui seul vent, l'attaque d'aslhmeenfin qui survient par
alors ne reste point entièrement engourdi. intervalle , qui est en quelque sorte acciden
L'inspiration semble plus pénible que l'expi telle, appartient aune toute autre cause. Sa
ration,
flante. Dès
qui est
le commencement
lente, tardive et de
comme
l'accèssouf-
, le périodicité, le calme relatif et plus ou moins
parfait qui suit toujours l'accès ont fait avec
malade est tourmenté d'une toux sèche et raison rapporter l'asthme à une modiGcation
fréquente; en quelques instants les symptô indéterminée du système nerveux. Que le
mes ont pris une intensité effrayante, l'anxiété bouleversement de la respiration , passager à
est devenue extrême, la suffocation immi la vérité, mais successif que nous avons dé
nente, et l'on ne comprend pas comment une crit, détermine à la longue, dans les organes
perturbation aussi grave des fonctions vilales qui se lient à cette fonction, des désordres et
peut cesser en quelques heures sans laisser des altérations, cela se conçoit; qu'à leur
de traces après elle. Au bout de deux , trois tour les modifications organiques de ces mô
ou quatre heures en effet , la toux devient mes organes favorisent les retours de cet état
moins sèche, et avec une expectoration mu particulier du système nerveux des fonctions
queuse et abondante commence la rémission respiratoires auquel se rattache l'asthme, on
des symptômes; la parole est plus naturelle, le comprend également, et on doit même
la dyspnée diminue, le calme semble renaî l'admettre d'après les faits, puisque la plu-
tre, le malade peut se coucher et s'endormir. ]>art des asthmatiques sont porteurs de lé
A son réveil toutes les fonctions sont rentrées sions organiques du cœur et des gros vais
dans l'ordre, et c'est à peine si un peu de seaux, de catarrhes chroniques, etc.; mais
gêne dans la respiration lui rappelle le matin vouloir leur ramener tous les accès d'asthme
le trouble de la nuit. Une attaque d'asthme comme un effet à leur cause, ce serait vou
se borne quelquefois à ce seul accès , mais le loir, par exemple , considérer les fièvres in
plus souvent les symptômes reviennent une termittentes comme occasionnées par les ma
ou plusieurs nuits de suite , à la même heure, ladies organiques qui peuvent souvent les
pour disparaître de même. Du reste , un in compliquer. L'asthme nerveux des anciens
tervalle de quelques mois, plus rarement médecins doit donc être conservé ; il est ca
d'une ou plusieurs années, séparent les atta ractérisé par l'absence de toute lésion orga
ques. Celles-ci cependant finissent le plus nique et par des intervalles complets , dans
souvent par se rapprocher, et les intermis lesquels le malade semble jouir de la plus par
sions, loin d'être complètes, restent remplies faite santé. Chaque fois que les intervalles se
par une gêne de la respiration , une dyspnée ront caractérisés par la persistance de la gêne
habituelle, qui se lie alors avec une affection de la respiration , on devra accuser une com
organique. plication organique, c'est Vasthme symptoma-
Maintenant, quelle est la nature de celle tique des médecins modernes. L'asthme humide
affection? D'accord sur la description de la est une variété de l'asthme symptomatique;
maladie, les médecins ne le sont plus sur ses il tient à la complication d'un catarrhe chro
causes et son siège. Les uns en ont fait une nique. L'angine oe poitrine est aussi une
maladie essentielle, d'autres le symptôme variété de l'asthme, mais avec douleurs de la
AST ( 104 ) AST
poitrine. Il serait impossible d'énoncer ici pismes sur les extrémités, et à tous les
toutes les variétés d'asthmes indiquées parles moyens dits révulsifs et antispasmodiques en
auteurs; Sauvage seul en avait admis jusqu'à général. Archambault.
trente. ASTICOTS, nom vulgaire des vers quise
Les causes qui semblent déterminer le plus développent dans la viande : ce sont les lar
souvent les attaques d'asthme sont des chan ves de trois espèces de mouches connues
gements dans le poids de l'air, les variations des naturalistes sous le nom de muica Cœtar,
électriques de l'atmosphère , l'inspiration de musca carniaria, mutca vivipara. Ces larves,
vapeurs stimulantes, l'impression des odeurs, recherchées par les pêcheurs, ont été de tout
le séjour dans un appartement étroit , les pas- temps l'objet d'un petit commerce qui pro
lions vives ; les attaques sont aussi plus fré curait quelques ressources à la classe la plus
quentes l'hiver et l'été que dans les saisons pauvre de la population parisienne; mais de
tempérées. Quant à la gravité de la maladie , puis quelques années il s'en fait une consom
elle est subordonnée aux lésions organiques mation assez considérable pour la nourriture
qui la compliquent si souvent, et qui sont, des jeunes faisans et de la volaille qui en est
pour la plupart , au-dessus des ressources de extrêmement avide. Voici comment s'y pren
l'art. Mais si l'asthme est purement nerveux, nent les ouvriers de Montfaucon pour en fa
le pronostic est bien moins fâcheux. Pour le voriser la production, et en rendre la récolte
traitement , il varie comme dans toutes les facile. Ils étalent par terre les débris de l'é-
névroses, d'après les indications. Ainsi, après quarrissage des animaux, particulièrement
une hémorrhagie habituelle supprimée , une les intestins , et en forment une couche d'en
éruption de la peau disparue, la saignée, un viron un pied d'épaisseur qu'ils couvrent de
vésicatoire, sont des moyens propres à préve paille pour la défendre de l'ardeur du soleil.
nir le retour des accès. On a aussi conseillé le Bientôt les mouches attirées par l'odeur s'y
quinquina, le fer, la valériane , la belladone, précipitent, et y déposent leurs œufs ou leurs
l'opium, et tous les antispasmodiques, qui mal larves. Après quelques jours, on ne trouve
heureusement, le plus souvent, ont échoué, plus qu'une masse mouvante, composée de
comme ils échouent du reste presque tou myriades de larves, et de quelques détritus
jours quand on les emploie pour prévenir les qui ressemblent à du terreau. La rapidité
affections nerveuses, qui, comme on le sait , avec laquelle les volailles nourries d'asti
se jouent de toutes nos préparations pharma cots parviennent à un développement ex
ceutiques. Le meilleur moyen de guérir, ou cessif, est vraiment incroyable; quinze jours
du moins de soulager les asthmatiques , c'est suffisent pour doubler et tripler leur poids.
de chercher les circonstances sous l'influence Parent Duchâtelet, à qui nous empruntons
desquelles les attaques se reproduisent ou ces détails, assure que la chair des volailles
sont plus violentes chez chaque individu; tel ainsi nourries n'a aucune mauvrise influence;
malade respire mieux à la ville , tel autre à il ajoute que si l'on craignait qu'elle ne con
la campagne; celui-ci sur un lieu élevé, tractât une odeur désagréable, il suffirait pour
celui-là dans un lieu humide, etc. : de là au faire disparaître cet inconvénient de leur
tant d'indications diverses pour le médecin et donner du grain pendant trois ou quatre jours
pour le malade. Il faut également tenir comple avant leur mort. A Paris les asticots se ven
dans le traitement des indications que pré dent environ 12 fr. l'hectolitre.
sentent les lésions organiques qui compli ASTRAGALE (arch.), mot dérivé du
quent la maladie. Du reste , dans l'accès , le grec a7TpayaXoç, qui désigne en anatomie l'un
malade doit être exposé à l'air frais et libre , des os du tarse, le plus gros après le ealcaneum
placé dans une position assise , dégagé de ou os du talon ; par analogie avec sa forme
tous les vêtements qui peuvent gêner la res convexe on a donné le nom d'astragale à un
piration et la circulation ; si le malade est petit membre d'architecture , une moulure
fort, que la circulation paraisse excessive ronde qui embrasse l'extrémité supérieure
ment gênée, une saignée modérée dans le d'une colonne , et la joint au chapiteau. Lors
but de dégager les organes respiratoires et qu'elle est employée ailleurs, comme dans la
les parties supérieures du tronc sera avanta corniche, elle prend le nom de baguette. Au
geuse. Si le malade, au contraire, est pâle et tour de la colonne , l'astragale se découpe
affaibli, on a recours aux éthers, au musc à quelquefois en grains ronds ou ovales , ap
1 intérieur; aux frictions sèches, aux sina- pelés perles ou olives , et paraissant enfilés;
AST ( 103 ) AST
dans ce cas, on iui donne la dénomination Yastragalus exscapus , L., ou A., sans tige,
de chapelet. On a remarqué que dans les édi petite plante qui croit dans les Alpes : ses
fices anciens très rarement les astragales de fleurs sont jaunes et sortent immédiatement
grande dimension sont ainsi taillés en chape de la racine. Celte espèce est recommandée
lets. Dans le dorique grec primitif, comme au en médecine, surtout pour combattre les
grand temple de Pestum , dans l'ancien ordre douleurs nocturnes de nature goutteuse ou
corinthien, tel que celui de la lanterne de rhumatismale. On fait bouillir une demi-once
Démosthènes à Athènes, l'astragale n'existe de la racine dans une livre d'eau jusqu'à ré
point ; il est remplacé par des cavet», de pe duction d'un tiers. On prend celte boisson par
tits filets carrés , ou par un petit renfonce verres dans la journée.
ment creux , comme dans le dernier des mo ASTRAKHAN, gouvernement de l'em
numents que je viens de citer. pire russe qui autrefois formait l'ancien
La vérité de cette observation paraît tel royaume de ce nom, ou Khanat d'Astra
lement établie que la présence d'astragales khan. Sa superficie totale est de 10,883 lieues
suffit à Winckelmann pour attribuer au siè carrées. Il est borné au N. par le gouverne
cle des empereurs des colonnes découvertes ment d'Orenbourg, à l'E. par le fleuve Ou
de son temps dans les environs de Rome. ral, qui le sépare de l'Asie , au S.-E. par la
Depuis long-temps l'usage de l'astragale mer Caspienne, au S. par le gouvernement
et généralement adopté ; mais dans les or de Caucase ; à 10. par celui des Cosaques du
dres dorique et toscan, il appartient au cha Don, et au N.-O. par celui de Saratov. Le
piteau. Contrairement à l'opinion expresse sol du gouvernement d'Astrakhan ne pré
deVitruve, quelques architectes prétendent sente à l'œil que des steppes immenses,
que, dans l'ionique, l'astragale étant souvent plaines nues et désolées que n'accidentent ni
taillé en chapelet, doit à raison de ces sculp la verdure des forêts ni l'élévation des mon
tures faire partie du chapiteau. Mais on a tagnes. Il est traversé de l'O. à l'E. par le
maint exemple dans l'antiquité d'astragale Volga, qui , à son embouchure dans la mer
ionique tout uni, et plusieurs grands archi Caspienne , se subdivise en un grand nom
tectes modernes, tels que Vignole, Sea- bre de bras formant plusieurs îles. Les ri
mozzi, Delorme, etc. , ne l'ont jamais taillé. vières qui arrosent ce gouvernement , indé
Au reste, cette distinction est de peu d'im pendamment du Volga, sont : l'Oural , la
portance lorsque la colonne et le chapiteau Sarpe, la Kourna et les deux Ouzen. Ses lacs
tout de même matière; mais cependant, principaux sont ceux de Kameih, de Bogdo,
comme il est d'usage d'unir l'astragale à la de Tragaunor, de Kakhi : ce sont tous des
colonne par un congé, quart do cercle con lacs salants. Le ciel y est en général pur et
cave , ce congé seul ne pourrait terminer serein, le printemps précoce, l'été brûlant,
la colonne et manquerait de solidité; on est l'automne de courte durée , car l'hiver com
obligé de l'accompagner d'un membre carré, mence au mois de septembre ; il y est très ri
qui alors supporte l'astragale appartenant au goureux et remarquable par l'abondance des
chapiteau. neiges qui, pendant celte saison, couvrent le
Vitruve parle souvent de Yastragale les- sol. Les trombes sont fréquentes et exercent
bitn , mais les commentateurs ne sont de grands ravages. Quoiqu'en somme le sol do
point d'accord sur le profil de cette moulure ; ce gouvernement soit aride , les îles formées
félon Baldus, co serait un ove ; selon Bar- à l'embouchure du Volga présentent à l'ob
baro , un cave; mais l'opinion la plus probable servation une grande variété de productions
parait être celle de Perrault, qui veut y voir végétales; les pâturages sont principalement
do petit talon. £. B— N. excellents sur les rives des fleuves. On ré
ASTRAGALE {bot. ) , genre de la famille colte dans ces îles des fruits exquis , du rai
des légumineuses qui comprend un grand sin , du réglisse ; les mûriers y viennent assez
nombre d'espèces , dont quelques unes sont bien. Les chameaux , les antilopes et le gi
importantes: Yastragalus adraganlœa , qui bier y abondent. Ce gouvernement produit
fournit la gomme adragante; Yastragalus du sel , du salpêtre , et renferme des sources
bttlicus , L., qui se trouve en Portugal, et thermales assez estimées. La population, qui
dont les graines torréfiées sont peut-être le s'élève à 200,000 habitants, est un mélange
meilleur succédané du café : elles étaient très de Russes, de Tartares, de Cosaques, do Kal-
employées à l'époque du blocus continental ; et moucks, d'Arméniens et d'Indous. LesCosa
AST ( 106 ) AST
ques y sont divisés en deux tribus, ceux d'As célestes; ainsi les étoiles, les nébuleuses, les
trakhan et ceux d Oural ; on en compte dix comètes et les planètes sont appelées astres
régiments. Ils sont placés dans les forteresses, indistinctement.
pendant que les Kalmoucks vivent en no ASTRÉE, déesse de la Justice, était fille
mades et les Kirghis dans les steppes. On d'Astraeus et de Thémis. On n'est cependant
Irouve dans ce gouvernement des manufac pas d'accord sur son origine, car Hésiode lui
tures de soieries , des tanneries , et des ate donne Jupiter pour père. Celte déesse descen
liers où l'on prépare ce délicieux entremets dit sur la terre au temps heureux de l'âge
connu de tous les gourmets sous le nom de d'or; mais la perversité des hommes la força
caviar. bientôt de remonter au ciel , où elle occupe
ASTRAKHAN , ville chef-lieu du gou sous le nom de Vierge une des douze places
vernement du même nom , est bâtie sur une du zodiaque. On peint généralement Astrèe
île formée par deux bras du Volga. Son as sous la forme d'une vierge qui a le regard vif
pect au-dehors, avec ses églises nombreuses, et pénétrant, d'un air triste et noble, d'une
ses
longs
vergers
faubourgs,
bien cultivés
sa citadelle
, sesenvignobles
ruines, bâtie
, ses ■ main tenant une balance et de l'autre une
épée nue. A. G.
en briques et nommée Kreml , est assez im ASTRINGENTS. Les médicaments as
posant. On y trouve vingt-cinq églises russes, tringents (attringere, resserrer) sont ceux
deux arméniennes, une luthérienne, une ca qui, mis en contact avec des tissus vivants, y
tholique, et plusieurs mosquées. Le palais ar déterminent une sorte de resserrement fibril-
chiépiscopal est un beau monument. Astra- laire, en même temps qu'ils exercent une
khiin renferme aussi un séminaire et un action tonique momentanée. Ils sont fournis
gymnase , un grand nombre de manufactures par les règnes minéral et végétal.
de soieries et de cotonnades , de tanneries et Les astringents minéraux sont acides ou
de fonderies de suif. La ville est intérieure salins ; tels sont les acides acétique , hydro-
ment d'un triste aspect ; les maisons de bois y chlorique, sulfurique, nitrique, étendus d'eau
sont en majorité , les rues sont étroites , tor de manière à réduire leur propriété caustique
tueuses, toujours pleines de boue, et ne sont à une simple astringence. Parmi les sels on
pas pavées. Par sa position topographique remarque les sulfates acides de potasse et d'a
Astrakhan est une des villes les plus com lumine, de zinc, de cuivre, de fer, le tartrale
merçantes de l'empire russe; le Volga , na acidulé de potasse, le tarlrate de potasse et
vigable dans tout son cours, la met en com de fer, l'acétate de plomb. Toutes ces sub
munication avec Saint-Pétersbourg , et la stances , pulvérisées et appliquées immédia
mer Caspienne lui facilite d'abondants dé tement sur nos organes, ou dissoutes dans
bouchés pour ses marchandises en Perse , en une petite quantité de liquide, agissent à peu
lîukharie et jusque dans les Indes , où vont près de la même manière que les acides qui
ses caravanes annuelles. Aussi Astrakhan est ont perdu leur causticité. Tous causent d'a
une ville riche ; sa population est de 50,000 bord une impression plus ou moins vive sur
habitants, et s'élève jusqu'à 70,000 lors de la les membranes muqueuses , et cette première
saison de la pêche. Ses principaux articles impression est suivie d'une sorte d'engour
d'exportation sont le poisson sec et salé de la dissement analogue à celui que produit le
mer Caspienne et du Volga, le caviar, le fer, contact de la glace ou de la neige. Pendant
la cochenille , l'indigo , les draps , les étoffes que cet effet a lieu, les vaisseaux capillaires
de soie et de laine, le cuir de Russie,,et le se contractent , leur réseau est plus resserré,
genre de fourrure connu sous la dénomina le sang y afflue en moins grande quantité.
tion d'Astrakhan. Chaque année ses mar Les substances astringentes tirées du règne
chands se rendent à 1 1 grande foire de Nijnei- végétal doivent leurs propriétés à l'acide
Novogorod , une des plus importantes de galliquc et au tannin. Dans cette classe nous
l'empire russe. Le Volga est le seul cours rangerons la noix de galle, le cachou, les dif
d'eau qui lui fournisse de l'eau douce. La férentes espèces de sucs végétaux nommé9
terre est imprégnée de substances salines, et gomme kino , sang de dragon, les racines de
les végétaux qui y croissent spontanément ont tormcntille , de fraisier, les feuilles de ronces,
tous une saveur salée. J.-F. de Lundblad. les écorces de chêne, de marronnier d'Inde ,
ASTRL. Co terme est employé en astro de cerisier, le brou de noix , les pétales et le»
nomie pour désigner en général tous les corps fruits de rose , les sucs acerbes de la plupart
AST ( >07) AST
des fruits verts , l'extrait do ratanliia. Les as petites doses dans des solutions gommées ou
tringents tannants, soit en nature, eu poudre trique
mucilagineuses
alcoolisé occupent
; l'eau de le
Kabel
premier
ou l'acide
rang. On
ni*
ou en décoction, déterminent un degré d'ir
ritation moins vifet moins douloureux , mais pourra ensuite essayer les infusions et les
plus durable que celui que présentent les conserves de roses , avant d'en venir a l'alun
acides. Ces solutions , surtout celles où les et à l'extrait de ratanliia. Ces derniers ont
proportions de tannin se rencontrent plus toujours été beaucoup plus utiles dans les
nombreuses, se combinent avec les sucs gé ménorrhagies et les hématuries passives que
latineux des tissus, et leur communiquent une dans toutes les autres hémorrhagies. D. L.
sorte de densité qui est surtout appréciable ASTROLABE. Le mot astrolabe vient
lorsque le contact a été prolongé. Dans le du grec ô^rpov , astre , et XaÇrj , apprehensio ,
prolapsus du rectum, cette densité du tissu saisissement. Il y a eu plusieurs espèces d'as
muqueux ou dcrmoïque ainsi déterminée trolabes: l'astrolabe armiMai/t, dontPlolémée
amène la guérison de la maladie. faisait un fréquent usage pour observer les
Quelle que soit la nature des astringents, distances de la lune au soleil , et l'astrolabe
ils exercent tous une influence semblable sur planisphère.
l'économie animale. A l'intérieur et à une L'astrolabe armillaire était composé de
forte dose , ils impriment un resserrement deux cercles placés l'un dans l'autre à angles
dans tout le trajet du canal intestinal, et di droits , l'un destiné à représenter 1 eeliptique,
minuent sensiblement la sécrétion muqueuse et l'autre le colure des solstices sur lequel on
qui le lubrifie. L'effet tonique qui les accom marquait les pôles de l'èqualeur. Un troisième
pagne est toujours plus ou moins borné et cercle tournait autour des pôles de l'éclip-
circonscrit aux organes sur lesquels on les tique et indiquait les longitudes ; enfin un
applique. Ils ne provoquent pas de réaction quatrième cercle , placé au-dedans des trois
générale comme on le voit pour les vrais to premiers , portait deux pinnules ou trous qui
niques. C'est plutôt une simple astriction de servaient à regarder la lune ou un autre as
tissu qu'une augmentation réolle des proprié tre que l'on voulait observer, et à en mesurer
tés de la vie ; aussi la médication astringente la longitude et la latitude. Cet instrument
doit-elle être nécessairement de courte durée. ne donnait pas une bien grande précision , car
D'après ce que nous venons de dire , on l'erreur commisesur la mesure des angles était
voit que cette médication doit être nuisible généralement dei', et du double sur l'appré
toutes les fois qu'il existe une inflammation ciation du temps d'une éclipse, d'après ce que
assez intense d'un organe important. Cepen Ptolémée dit lui-même dans l'Almageste.
dant on en retire de grands avantages dans le Copernic employa aussi cet instrument
début d'une inflammation externe, telle que avec quelques légères modifications qu'il y
le panaris, la brûlure, l'érysipèle produit fit ; mais il avoue que les erreurs do ses me
par l'insolution. Mais c'est surtout lorsque sures allaient souvent à 10'.
la plilegmasie est devenue chronique , qu'il Tycho-Brahé fit de cet instrument un
n'existe plus de douleur, et que les sécrétions usage très fréquent ; mais il le perfectionna
ne sont point revenues à leur état normal , beaucoup et y fit des changements considé
comme dans la dernière période des catarrhes rables. C'est ce qu'il appela ensuite armilles
de l'urètre , que les astringents convenable ëquatoriennes. ( Voir le mot Armille. )
ment administrés sont du plus grand secours. Ptolémée avait un autre instrument qu'il
C'est principalement dans les hémorrhagies appelait astrolabe planisphère ou polaire;
passives qu'on a vanté ces médicaments; c'était un globe terrestre ou mappemonde
néanmoins beaucoup d'hémorrhagies passives sur lequel il avait tracé des divisions en em
en apparence sont souvent le seul symptôme ployant la projection stéréographique qui dé
ostensible de quelques irritations cachées, de figure le moins la forme naturelle des conti
dégénérescences organiques. Dans -ces cas nents. L'astrolabe polaire était donc une
les astringents seraient contraires, et déter projection du globe faite sur un plan paral
mineraient un mouvement fébrile plus ou lèle à l'équateur par des lignes tracées de
moins intense. Cependant, si les circonstances l'un des pôles, et où les méridiens sont des li
paraissent favorables à leur emploi,pn de\ra gnes droites. Ces instruments portent, comme
commencer toujours par les moins! énergi on voit , le même nom , et n'ont cependant
ques, comme les acide» simples ou éthérés à aucune ressemblance. E. B.
AST ( 108) AST
ASTROLOGIE. Art de prédire les évé maintenant rejetée par la portion intelli
nements futurs par l'aspect , les positions et gente du genre humain comme absurde,
l'influence des astres. Ce mot est dérivé du mais il y eut un temps où cette folle science .
grec ôwrpov, astre, et Xôyoç, discours. Dans l'o que l'on peut appeler à juste titre friole et
rigine l'astrologie n'était autre chose qu'une ridicule , rendit de très grands services à l'é
suite de remarques sur les mouvements du tude de l'astronomie; car sans la connais
soleil , de la lune et des autres corps célestes ; sance des mouvements et des aspects des
sur les changements des saisons, le retour pé étoiles, les astrologues eussent été incapables
riodique de certains phénomènes , tels que de tracer des horoscopes et de lire les desti
les éclipses, le flux et reflux de la mer. Dans nées de l'homme dans les apparences du ciel.
ce sens on lui donnait le nom ^'astrologie na Ils travaillèrent donc avec application à pré
turelle. Platon disait que le souverain ouvrier ciser les phénomènes célestes. « L'astrologie,
de la nature n'avait donné les yeux à l'homme dit Kepler, est la folle fille d'une mère sage.
que pour admirer les ouvrages du Créateur. Je me repens d'avoir décrié l'astrologie, et
Quel est celui d'entre tous les hommes qui, je conçois comment l'astronomie a été si fort
en contemplant cette voûte céleste , ces astres négligée depuis que les hommes ont cessé de
brillants comme des flambeaux, ne sente son s'adonner à l'astrologie. » (Kepler, Préface
unie ravie et son esprit transporté dans ces des Tables rudolphines.)
régions supérieures ? L'œil sans cesse attaché au firmament dut,
C'est par la science de l'astrologie que les en Orient, chez les peuples pasteurs, leur
savants prédisaient les éclipses plusieurs cen faire aisément trouver un rapport plus ou
taines d'années avant qu'elles arrivassent; moins mal fondé entre l'aspect des astres et
qu'ils fixaient les époques, les jours, les mois, les événements terrestres. On annota le re
les ans; qu'ils annonçaient les changements tour périodique de certains accidents dans le
et les révolutions des choses , comme les monde avec l'apparition d'une même planète.
brouillards , les pluies , les débordements des De là il ne fallut qu'un pas pour établir le lien
rivières, les vents, la sécheresse, etc. Ainsi, par secret qui existait , prétendait-on , entre
le lever de la canicule, nommée par Hippo- l'homme et les constellations; on étudia la
craie xûuv, ce philosophe annonçait si l'année position des diverses étoiles à la naissance d'un
serait sujette aux maladies et si la peste vien homme, et parsuite de la concordance fortuite
drait ou non visiter la terre. 11 y aura en au avec quelques événements vulgaires, on cru-
tomne force maladies, disait-il, mais ajoutant véritable l'influence des corps célestes sur la vit
que si au lever de cette étoile il pleut et que les humaine. Alors les professeurs dans la science
vents étésiens soufflent, c'est un signe que les astrologique soutinrent que le firmament
maladies qui régnent alors cesseront et que était un grand livre sur lequel le Créateur
l'automme sera salubre (Hipp., Lib. de aère, avait écrit l'histoire du monde entier, et que
aquit et lue, c. 6 ). L'astrologie naturelle était chaque individu pouvait y lire sa bonne ou
fondée sur les solides observations des plus mauvaise fortune. Cet art, disaient-ils, pro-
grands philosophes, sur des expériences an vientde la même source que l'astronomie elle-
nuellement renouvelées. La connaissance du même , parce que les anciens Assyriens, dont
mouvement périodique des astres mit un l'atmosphère toujours pure était favorable aux
terme à la terreur que quelques phénomènes observations célestes, furent obligés, en tra
célestes, tels que ceux des éclipses, répan çant le cours des astres , de reconnaître une
daient chez les nations illettrées. constante analogie entra eux et les choses
Mais, dans la suite des temps, on cor d'ici-bas. Les loi de cette relation étant Gxées
rompit la simplicité de cette science, et par une série d'observations , les astrologues
on prétendit trouver un lien secret entre prétendaient être capables, en connaissant le
l'homme et les constellations, ce qui donna temps précis de la naissance d'une personno,
naissance à l'astrologie judiciaire. Aujour de tracer un horoscope de la situation des
d'hui ce que nous appelons vulgairement planètes au même instant ; ensuite , en con
astrologie est la science qui prétend prédire sidérant le degré de pouvoir et d'influence ,
les événements moraux et politiques par l'as de force ou de faiblesse de chacun des astres,
pect, la position des astres : comme si le libre d'en déduire sa destinée.
arbitre et le moral de l'homme pouvaient Il y avait cinq manières de dresser le thème
être dirigés par les étoiles. Cette science est céleste. La première , d'Abraham-Aben
AST ( 109) AST
Hezra, divisait le cercle équinoxlal en douze très éloignée du prototype : c'était une for
parties égales, qui sont appeléesmaisons ; cette mation de douze triangles entre deux carrés
manière est dite rationnelle. La seconde ma
nière est celle adoptée par Ptolémée , Firma-
eus, Cardan, Sellasses, qui divisent le zodia
que en douze parties égales, qui est dite
tutnière égale. La troisième manière est celle
décrite par Gazulus et Mont-Royal ; on né
glige l'équateur et le zodiaque, mais on par
tage un autre grand cercle par les intersec
tions mutuelles de l'horizon et du méridien du
lieu proposé. La quatrième manière est celle
adoptée par Alcabitiuset par Jean-le-Saxon,
qui divise le zodiaque en six parties égales
par le moyen de six grands cercles venant
des pôles du monde. La cinquième manière (fig. 2); les triangles qui ont pour face un côté
est celle de Porphyro et de Bucas Gauricus , du petit carré étaient dits maisons angulai
et de Pau tan i us.
Pour les constructions des maisons , toute
la disposition du ciel qu'on y marque vient,
comme on le voit , de l'astronomie, qui, dans
ses éphèmèrides, établit le lieu et la situation
des astres. Pour marquer ces diverses situa
tions on employait différentes méthodes. Il y
a trois manières de construire la représen
tation de ces maisons, lesquelles sont d'au
tant plus parfaites que la copie se rapproche
davantage de l'original. La première peut
se faire dans une chambre représentant l'uni
vers, au milieu de laquelle on placera un globe
qui sera la figure de la terre. Si nous concevons
deux surfaces droites passant l'une horizontale
ment par le centre du globe terrestre (fig. 1"), res ; les douze lignes tracées étaient celles qui
et l'autre perpendiculairement , on aura les commençaient ces maisons et sur lesquelles on
quatre cartes, et si l'on conçoit entre elles ».5. ^
deux autres surfaces , on aura chaque carte
divisée en trois parties, et en tout douze mai
sons. Si maintenant nous prenons un autre
H
globe , et que nous le fassions tourner àl'en- ri
tour de la terre pour représenter le mouve __[s
*
ment d'une planète, nous verrons alors le
changement des maisons que fera ce globe ; kacH'ujmx
/
HOUJuV uaJŒaiT/1
et si, selon Copernic, on fait mouvoir la
terre avec les surfaces des maisons , le chan
gement des maisons se fera dans les planètes
sans qu'elles changent de lieu. La seconde 1s
/ *
manière est de tracer ce cercle sur un globe
artificiel ; la troisième, c'est tracer ces cercles
sur du papier, ce qui se fait de deux maniè
res : l'une en ne traçant que la moitié des cer S
cles, comme dans la figure 3 mise ci-après, où m arquait les degrés des signes; sur les deux
la moitié orientale montre les trois premiè autres côtés on écrivait le lieu des planè
res et les trois dernières maisons, et la par tes, etc.
tie occidentale les six autres. Mais les astro L'astrologie, pour juger la figure offerte de
logues ne l'employaient pas; ils en avaient une la nativité d'un individu , devait employer
AST ( 110 ) AST
cinq choses principales : 1° la maison du ciel, l'angle occidental, autrement maison de Dieu.
2° les signes du zodiaque» 3° les planètes, La dixième, honneurs, dignités, offices, ad
4° les aspects et les configurations ; 5' les étoi ministrations , gouvernements , bonne re
les fixes, principalement celles de première nommée; elle s'appelait milieu du ciel , cœur
grandeur. du ciel, point méridional, angle méridional, et
La première maison était appelée horo regardait les genoux. La onzième, amis, es
scope ou angle oriental, ou bien encore le poir, confiance, faveur, aide, louange, re
domicile ascendant de l'orient ; de celte mai nommée; elle se nommait maison succédant
son on tirait un pronostic général de la vie à l'angle méridional, autrement louange, et
des membres de l'individu, de leur nourri regardait les jambes. La douzième, haine ca
ture, de sa santé, de sa débilité, de l'habi chée, prison, servitude, tristesse, tourments,
tude, des mœurs, etc. La seconde maison plaintes, regrets, trahisons, chevaux et au
signifiait biens, richesses, compagnie, par tres grands animaux servant principalement
fait profit; elle signifiait aussi or et argent , à 1 équi ta lion ; elle s'appelait maison venant
et s'appelait maison succédant à l'ascendant de l'angle méridional, autrement malin es
basse-entrée. La troisième dénotait frères, prit, et regardait les pieds.
sœurs, parents, etc., pelils voyages, la foi, les Lesdouze signes du zodiaque gouvernèrent
songes, les dérivations, et s'appelait maison aussi, selon Manilius , le corps de l'homme:
venant de l'ascendante, autrement déesse, et le bélier gouvernait latéte; le taureau, le col;
avait regard sur les épaules, jambes et bras. les bras étaient attribués aux gémeaux, la poi
On entendait par la quatrième les pères, les trine au cancer, les épaules au lion , le ventre
parrains, les héritages en général, biens des à la vierge, l'aine au scorpion ; le sagittaire do-
champs, trésors , enfants, métaux, prisons, minaitsur le foie ; le capricorne gouvernait les
biens obscurs, la fin de toutes choses , et ce genoux, le verseau les jambes et les poissons
qui nous vient après la mort, comme sépul les pieds. Les planètes avaient aussi chacune
ture, baume, renommée, etc.; elle portait le "leur influence diverse : on attribuait à Sa
nom d'angle de terre et dominait sur la poi turne les maladies , les peines , le travail à
trine et le poumon. La cinquième signifiait l'excès, ainsi que les malheurs de la vie et les
enfants, filles, neveux, étrennes, dona tempêtes sur mer; à Jupiter on donnait les
tions, plaisirs, ornements, bravoure, danses, choses saintes et pieuses; Mars présidait à la
banquets, ambassades, l'or çt l'argent, ri guerre ; on donnait au Soleil le commande
chesse paternelle, héritages, possessions; ment; Mercure gouvernait les arts et l'es
elle s'appelait maison succédant à la qua prit, etc. Chaque planète avaitencore beau
trième , et autrement bonne fortune, et re coup d'autres attributs, comme on peut le lin-
gardait le cœur et l'estomac. La sixième dé dans le Traité d'astrologie de Henri Rant-
notait les serviteurs, les maladies, et les bêles zau. On y lit que « Saturne est offusque et de
inhabiles à transporter l'homme; elle se » couleur de plomb , de lumière plus obtuse
nommait maison venant de la quatrième, » qu'aucune autre planète. On lui attribue la
autrement mauvaise fortune, et regardait le » couleur noire cendrée et brune. Il a la na-
ventre et les boyaux. La septième, noces, « ture froide à cause de sa grande distance
mariages, femmes, procès, querelles, ar » du soleil, et un peu affecté de sécheresse.
dentes inimitiés, gens qui participent à des » Il est masculin, mélancolique, terrien,
gains, et signifiait aussi vieillesse et lieux » diurne , mauvais , nuisible et ennemi de
étranges ; elle se nommait angle d'occident » nature humaine ; est dit infortune majeure.
et dominait sur les reins. Huitième, ennuis , » Il est aussi tardif en ses effets, lourd , pe-
songes, tourments, genre de mort, douaires » saut, et susceptible de beaucoup de pesan-
des femmes, héritages provenant d'étran » leur, très dangereux par ses aspects et par
gers, biens qui ont fait long-temps l'objet de » ses regards. Il préside aux vieillards, aux
vos rêves. Celte maison s'appelait succédant » pères, aux aïeuls et bisaïeuls, aux labou-
à l'angle occidental, autrement entrée d'en » reurs et mendiants , aux mineurs, auxcor-
haut. Neuvième, songes, voyages sur terre et » royeurs, aux potiers et à ceux qui ont de
sur mer, foi, religion, science, sagesse, divi » profondes pensées.
nations, songes, prodiges, nouveaux intellects, alla une haute mémoire et l'expérience
vertu, paradoxes, signes du ciel, punitions » en science de beaucoup de choses, des cou-
divines ; elle se nommait maison venant de » lûmes et utilités, des édifications de
AST ( m ) AST
> royaumes, des héritages, do l'agriculture et lème dos influences ; il fut rejeté par les
• plusieurs arts et métiers sordides. — Il ap- Egyptiens, qui n'envisageaient que les aspects
» porte les prisons, les longues maladies et les et les positions des corps célestes. Les Chal
■ ennemis cachés. — 11 fait les hommes de déens ne s'étaient occupes d'abord que du
• couleur noire, safranée , ayant les yeux Q- cours et du mouvement des astres, c'est-à-
» eues en terre ; maigres, peu de barbe; timi- dire de l'astrologie naturelle. Les Egyptiens
>des, taciturnes, superstitieux, frauduleux, aussi suivirent la même marche; mais bien
• avares, tristes, laborieux, pauvres, mépri tôt ils cherchèrent une cause aux phénomè
sses, mélancoliques, solitaires, thésauri- nes qui chaque jour se renouvelaient de
• scurs. Entrepris entre les membres , on lui vant eux : le changement périodique des
• attribue l'oreille droite , la rate, la vessie , saisonsdut les porter à en chercher la cause,
» lesosetles dents ; — et les infirmités de ces et remarquantqu'il était produit parl'éloigne-
» membres , comme la podagre , la lèpre , la ment ou la proximité du soleil vers la terre,
■ rogne, la paralysie, l'étisie, la jaunisse, ils supposèrent aux astres le même pouvoir,
» la fièvre quarte , la colique passion , l'hy- et ils leur accordèrent des influences plus ou
• maladies
dropisie, les
semblables
catarrhes qui
pituiteux,
proviennent
la touxdes
et moins puissantes. En Egypte cette science as
trologique prit un accroissement rapide; elle
• froides humeurs. — Entre les arbres il a le indiqua avec une certaine certitude le débor
• sureau, le chêne, le frêne et tous les arbres dement du Nil et sa retraite, le retour des
■ qui ont l'écorce rugueuse ; des herbes et ra- saisons, l'arrivée et le développement des ma
• fines, il a la rue, l'oignon, la coloquinte, et ladies contagieuses. De là vient qu'on y étu
• toutes celles qui ont une racine volumi diait
pelaitavec
bienfaisants,
soin le retour
el l'art
des de
astres
prédire
qu'onl'ap
ap- '
neuse; la myrrhe, la casse, l'aloès, la palme
• elle mispil. Des animaux, il a les chameaux, proche de ceux qu'on regardait comme fu
• les porcs , les ours , les chats et tous ceux nestes. « Si l'on observe , écrit Ilippocrate ,
» qui vont de nuit ; les grues , les autruches les révolutions des saisons et ce qui arrive
«et ceux dont le marcher est lent; les sou- au lever et au coucher des astres, on se met
• ri», les taupes , les scorpions et les scara- tra en état de prévoir quelle sera la consti
> bées. Il domine sur les pluies. Climat droit tution de l'année ( De air., aq. et loc. ). L'as
» d'Orient ; il a la Bavière, la Saxe, la Slyrie, trologie bientôt obtint un immense succès en
•les Etats Romains, Ravenne, Constance et raison des éminents services qu'elle rendit
• Iugolstadt. On lui attribue de chaque se- aux rois et aux princes. On doit à M. Cliain-
» maine la dernière fêle , laquelle est appelée pollion jeune la découverte dans le tom
•jour de Saturne ou samedi ; et 1 heure pre- beau de Ramsès V des monuments représen
• tnière et huitième, en nombrant du soleil tant le lever des constellations pour toutes les
• levant ; et de la nuit suivante il a la troi- heures de chaque mois de l'aimée, où l'on
■ sième et dixième heure, comptant du com- peut voir l'influence exercée par chaque
• mencement de la nuit. » constellation sur les diverses parties des corps.
Nous ne pousserons pas plus loin la repro On peut encore se rappeler que le fameux
duction de tous les travaux nécessaires à la cercle d'or du tombeau d Ozimandias portait
construction d'un thème natal; nous ferons également le lever et le coucher des constella
remarquer cependant que plus l'astrologie tions, leur caractère et leur influence diverse.
vieillit et plus cet art devient hérissé de dif Les Grecs bientôt , par leurs communica
ficultés. Ceux qui voudront prendre connais- tions continuelles avec les peuples d'Orient,
«nce des travaux de certains astrologues s'instruisirent dans la science astrologique.
n'ont qu'à lire les différents ouvrages de Les mages, les prêtres , les philosophes , les
J-C. Morin, docteur en médecine, professeur astronomes répandirent les idées des influen
du roi aux mathématiques, à Paris, qui vi— ces astrales dans l'Europe et dans l'Asie. Les
^it dans le xvii« siècle. brahmes, qui introduisirent cet art parmi
On a attribué l'invention de l'astrologie les Indiens, se rendirent par là les dispensa
"ix Chaldéens, qui l'auraient enseignée teurs du bien et du mal , ce qui leur donna
aux Egyptiens ; mais une grande différence une si grande puissance. Us étaient consultés
'établit bientôt dans la manière d'envisager comme des oracles, et ils avaient soin de ven
I* puissance des astres sur les choses terres- dre chèrement leur réponse. Les Grecs don
Ires. Les Chaldéens avaient adopté le sys- ' nent Atlas pour inventeur à l'astrologie , et
AST ( M2) AST
Je là ils l'ont représenté soutenant le ciel sur de 1127 à la conjonction de Saturne et de
ses épaules. D'autres en ont attribué la dé Jupiter, et celle de 13V8 fut attribuée par
couverte à Mercure Trismégiste ; mais nous Gui de Chauliac et Boccaceaux coïncidences
devons croire que cette science n'a pas eu un de Jupiter, de Saturne et de Mars. Tout le
pays seul pour berceau, qu'elle n'a pas pris monde attribuait les affections du cerveau,
d'accroissement dans un seul et unique esprit. les attaques de l'épilepsie aux influences de
L'astrologie exerça une grande influence la lune ; on nommait alors lunatiques ceux
surlamédecine; Hippocratene veut pas qu'un qui étaient atteints de ces diverses maladies.
malade se commette entre les mains d'un mé Selon Arélée on croyait que la lune envoyait
decin s'il ne connaît l'astrologie , parce qu'il ce châtiment aux hommes en punition de
n'est point un véritable médecin ( Lib. de si leurs crimes. Macrobe recommande d'éviter
gnifie, vitee et mortis , prœf.). L'accomplisse avec soin les rayons de la lune sur la tête.
ment des actions mêmes les plus simples de la Aujourd hui toutes ces hypothèses sont tom
vie était soumis au joug de l'astrologie. Ti bées devant le raisonnement, et personne n'y
bère , dit Pline ( lib. xvi, ch. 39 ) , avait soin ajoute plus foi. Quelques médecins cependant
de ne faire couper ses cheveux qu'au mo admettent encore que les influences lunaires
ment des nouvelles lunes , et le docte Varron peuvent accélérer ou retarder les travaux de
( De re rustied , lib. 1 ) défendait qu'on tondit l'enfantement.
ses moutons ou que l'on coupât sa chevelure Telle est l'origine et le progrès de cette
sinon dans la croissance de la lune, de peur, science superstitieuse dont on s'est servi si
ajoutait-il, que je devienne chauve en me long-temps pour abuser les hommes. Cepen
tondant lorsque la lune décroit. Aristote avait dant ne doit-on pas s'étonner que cette science
déjà prouvé à l'aide de raisonnements philo ait eu pendant si long-temps un immense cré
sophiques l'influence de la lune et du soleil dit? car le simple raisonnement ne devait-il
sur les créatures animées (lib. iv, De générât, pas prouver que les astres n'ont aucune in
anim., ch. 10). Les périodes de grossesse et la fluence particulière qui puisse raisonnable
durée de la vie s'accomplissent par des ci- ment passer pour la cause de nos bonnes ou
cles et des révolutions de diverse étendue , mauvaises inclinations , et encore moins des
soit de jours, soit de mois et d'années , et ces diverses actions que nous faisons pendant le
temps sont mesurés par la lune ; considé cours de notre vie ? Car si nous examinons
rée, dit ce philosophe, comme un diminutif bien la nature de notre volonté , nous trou
du soleil, s'associantà ses effets, elle concourt verons qu'il n'y a point de cause extérieure
à toutes les générations et aux nativités, qui puisse agir sur elle , si ce n'est celle qui
o Comme nous voyons, ajoute-t-il, la mer et lui a donné l'être et les diverses inclinations
toutes espèces d'humeurs persévérer ou chan qui s'y rencontrent. La volonté est une puis
ger suivant le mouvement ou le repos de sance libre qui se détermine elle seule à agir,
l'air, et comme ces états atmosphériques ré et qui ne se porte vers un objet que parce
sultent du cours du soleil et de la lune , donc qu'elle le veut, le désire.
tout ce qui naît de ces révolutions se ratta Si les astres pouvaient répandre quelque
che aux influences sidérales. Ainsi , toutes influence sur la volonté des hommes, il n'y
les petites révolutions dépendent de ces mou a aucune raison qui pût faire que l'un fût plus
vements généraux ; d'où l'on peut établir maltraité que l'autre, puisque, étant des cau
que les naissances , les mortalités correspon ses naturelles et générales, elles agiraient
dent à ces périodes que la masse de l'air indifféremment sur tous les endroits où le ha
éprouve de la part des astres. Il arrive de cela sard les porterait. L'expérience n'est pas
que les mêmes nombres et puissances qui font avantageuse pour les astrologues ; si on veut
développer les créatures les font périr natu consulter l'histoire , on verra combien sont
rellement, sauf des anomalies résultant des fausses toutes leurs prédictions.
motifs non appréciés dans cet assemblage En recherchant la cause de la mort de
de rouages qui constituent la machine du Henri II, ils trouvèrent dans son thème natal
monde. •> la rencontre de Mars avec Saturne, et ils
Plus tard on vit Gallien rattacher un grand déclarèrent que ceux en la nativité desquels
nombre de maladies aux révolutions lunaires ; se trouvait la constellation mouraient in
ce système fut aussi suivi par Jérôme Car failliblement à l'âge de quarante ans et quel
dan et Marsille Ficin. On attribua la peste ques mois. Pourquoi alors plusieurs princes
AST ( H3) AST
qui ont eu cette rencontre dans leur nativité une même constellation seront sujets aux
ont-ils vécu longuement , tels que l'empe mêmes accidents et à la même fortune . quand
reur Maximilien II, François I", Henri VIII, nous voyons une quantité d'hommes nés
Sigismond de Pologne , Christian de Dane- sous un même signe éprouver des événe
marck et le pape Paul III , dont les nativités ments tout-à-fait opposés, et lorsque nous
furent dressées par les astrologues les plus voyons des personnes nées sous des signescon-
savants de leur siècle? Ils menacèrent de mort traires être enveloppées dans une même dis
\iolente Charles-Quint, l'empereur Ferdi grâce ou éprouver la même bonne fortune ?
nand, Jean, roi de Pologne, Henri VIII, roi L'Ecriture nous en a rapporté un exemple
d'Angleterre , Jean-Frédéric , duc de Saxe , fort remarquable dans les deux jumeaux Ja
Joaeliim II , marquis de Brandebourg , Phi cob et Esaù, qui naquirent au même instant ,
lippe, landgrave de Hesse,le cardinal Bembo , l'un tenant le pied à l'autre , et dont la vie
et une infini lé de personnes d'autres conditions fut si dissemblable, l'humeur si opposée et 1rs
qui ont terminé leur existence d'une façon actions si différentes. Si nous remarquons
naturelle. Au contraire, plusieurs autres ont par expérience, dit Cicéron ( De divinatione,
eu des morts violentes quoique les astres lib. 11), que ceux qui sont nés dans un même
leur en promissent de naturelles, comme instant vivent diversement, ont des inclina
François de Gonzague, qui fut noyé ; le car tions fort différentes et périssent par des ac
dinal Duchastel, qui fut tué par un duc d'Ur- cidents bien contraires , n'est-ce pas un ar
iiin; le comte de Roberti , qui mourut par gument assez fort pour convaincre que
la main du bourreau ; le comte deMausaule, l'instant de la naissance n'a aucun rapport
qui fut tué d'un coup de canon ; Maurice , avec le reste de la vie?
duc de Saxe , qui mourut de la même mort ; Concluons que l'astrologie judiciaire n'est
Léonard Kiguados, qui eut la tête tranchée ; appuyée sur aucun fondement solide, qu'elle
Jean- Baptiste Cardan , qui fut décapité ; est contraire à la raison, à l'expérience-, et
Laurent de Louvain, qui fut brûlé pour hé pour détourner entièrement les esprits faibles
résie, et Branchin de Mantoue, qui fut tiré à qui auraient confiance aux astrologues, nous
quatre chevaux. rapporterons ici ce que disait Aulu- Celle
Les astres n'étaient pas plus heureux a pour dissuader les curieux de son temps : « Si
prédire les autres accidents qui arrivent aux vous les consultez, ils prédiront des bonheurs
hommes: Cardan ayant fait l'horoscope de ou des malheurs : s'ils vous prédisent des bon
Henri II, qui épousa plus tard Catherine de heurs et qu'ils vous trompent, vous serez tou
Medicis, il trouva queceroi neserait jamais jours misérables par suite d'une vaine attente
marié. Un autre astrologue du même temps qui ne viendra jamais ; s'ils vous prédisent
promit à ce même prince trois grandes cho des malheurs et qu'ils mentent, vous ne cesse
ses : l'une qu'il serait empereur ; l'autre qu'il rez pas encore d'être misérables par la crainte
serait heureux en toutes ses entreprises, la toujours que leurs prédictions ne s'accomplis
troisième enfin qu'il vivrait soixante-neuf sent. Mais s'ils disent par hasard la vérité
ans dix mois douze jours. Cependant il vé et qu'ils vous menacent de quelque infor
cut environ quarante ans, fut excessive tune, vous serez malheureux au moral avant
ment malheureux dans tout ce qu'il entreprit de l'être au physique ; ainsi vous le serez
cl ne fut jamais empereur. Les astres mena doublement. Enfin s'ils vous promettent quel
çaient Charles-Quint de toutes sortes de mal que bonne fortune , celte prédiction vous
heurs, et cependant la bonne fortune l'a tel sera encore désavantageuse parce qu'elle
lement accompagné que nul prince de son vous tiendra l'esprit en suspens par une im
siècle ne fut plus heureux. L'aspect desétoi patiente espérance d'en jouir au plus tôt, et
les devait faire , selon eux , espérer des fa que cette espérance vous privera de ce qu'il
veurs à la reine Marie d'Angleterre , et elle y a de plus doux et de plus agréable dans la
fut si malheureuse qu'il semble que sa vie joie que l'on reçoit lorsqu'on arrive à la
ait servi de jouet à la fortune. jouissance d'un bonheur qu'on n'avait pas at
Devons-nous ajouter foi aux horoscopes tendu. Par conséquent quelque chose qui ar
1«i se prennent de l'heure de la naissance? rive, il est toujours peu sûr et peu avanta
car, comme dit admirablement 6aint Augus geux de consulter les astrologues. »
tin, comment les astrologues peuvent-i!s Nous avons montré que l'astrologie judi
soutenir que ceux qui sont nés et conçus sous ciaire est contraire à la raison et à l'expé-
Encycl. du XIX' tiède, t. IV. 8
AST ( 114 ) AST
rience ; elle ne l'est pas moins à la reli au hasard la cause de toute chose divine. >
gion. L'astrologie nie le libre arbitre, sans La doctrine de l'astrologie fut toujours re
lequel nous serions incapables d'accomplir poussée par les prophètes et les Pères de l'É
la loi divineet humaine ; par là on accuserait glise. Ne prenez pas le train des nations, dit
Dieu, ou d'ignorance en ce qu'il n'aurait pas Jèrèmie (cap. 10), et ne vous effrayez nullement
prévu que nous ne pourrions accomplir ses des astres, dont les peuples sont épouvantés. —
commandements sans le libre arbitre; ou d'im Annoncez les choses futures , s'écrie Isaïe
puissance, en ce qu'il n'aurait pas pu nous (chap. 41), et nous connaîtrons que vous êtes
tirer de la tyrannie des astres ; ou enfin d'in dieux. Dieu, parlant par la bouche du même
justice, en ce qu il punit des crimes aux prophète, dit (chap. 44) : Je suis l'Eternel qui
quels les constellations nous obligent. Car dissipe les signes menteurs, qui rends les devins
s'il était vrai , comme on le soutenait, que ce furieux, qui tourne les sages à rebours, et qui
n'est point noire volonté qui nous fait homi fais que leur science se convertit en folie. Dieu,
cides et adultères, que c'est l'influence de se moquant des Babyloniens et des Chaldéens
Mars et de Vénus, quelle apparence y a-t-il adonnés à l'astrologie judiciaire, et prédisant
que nous portions la peine d'un mal que nous la destruction de Babylone par la bouche du
ne commettons point de notre gré, mais pa.r même prophète, lui fait dire (Isaïe, chap. 47):
la violence des planètes qui nous y 'contrai Que les augures qui prenaient garde au ciel,
gnent et qui dominent au-dessus de nous ? qui contemplaient les astres et supputaient les
Si l'on pouvait prédire nos volontés par l'as mois pour t'annoncer l'avenir, te délivrent
pect des astres, dit Origène ( in Gènes. ), et y maintenant.
lire les événements futurs, il faudrait alors L'Eglise, la mère commune de tous les fi
admettre que nos actions dépendissent des dèles , qui veille incessamment sur ses en
cieux ; si nos actions dépendaient des cieux, fants, leur a défendu l'astrologie judiciaire
nous serions privés du libre arbitre; si nous sous peine de châtiment. Saint Epiphane rap
n'avons pas de libre arbitre, nous ne méritons porte ( de Mens, et Prud. ) : « Qu Aquila fut
ni récompense ni châtiment. Cette créance , retranché de l'Eglise par les Pères, parce qu'il
ajoute Origène dans un autre de ses ouvrages, s'adonnait à 1 étude des nativités. » Le pape
trouble plusieurs fidèles qui croient que rien ne Alexandre III suspendit un ministre des au
peut arriver que comme les astres Vont ordonné, tels parce qu'il avait essayé avec l'astrolabe
d'où il s'ensuit que nulle de nos actions ne peut de découvrir un vol fait à une église. Saint Au
être justement louée ni blâmée. Celle doctrine gustin, que nous avons cité souvent, dit, dans
astrologique était toute pernicieuse, car si la son traité sur saint Jean (104) : « Qu'il déteste
puissance des astres eût été aussi absolue et l'impiété de ceux qui ont voulu assujettir la
aussi générale que le prétendaient les astrolo mort du Sauveur à l'influence des astres. »
gues, les commandements de Dieu eussent été Nonergô credatur, dit-il, hœc hora fato ur
injustes et ridicules , la religion devenait inu gente venisse , sed Deo potivs ordinante : née
tile, la morale superflue, le travail sans but, siderea nécessitas Christi contexuit passionem.
et, comme dit Tibère en plein sénat à un jeune Absit enimut sidéra mori cogèrent, siderum
débauché (Taeit., Annal., lib. 3) : « On ne conditorem. Dieu défend expressément en
voudrait plus prendre la peine de s'aider de plusieurs endroits les pronostics, les divina
son industrie, nul ne se soucierait de travailler tions, soit générales, soit particulières, par
si chacun n'y était poussé par la crainte que l'entremise des astres. Au Lévitique ( chap.
la paresse ne le reiulit misérable et par l'es 20, v. 27 ) : L'homme et la femme qui seront
poir d'être heureux par le travail. » sorciers ou devins mourront et seront lapidés.
Les astrologues regardaient le ciel comme Au même livre ( chap. 20, v. 26 ), il est dit :
étant le sénat où se délibéraient toutes les Vous n'observerez point les songes. Dans Jé-
actions humaines, ce qui fait dire à saint Au rémie (chap. 10, v. 2) : A signis cœli nolile
gustin (Civit. Dei , lib. 5, cap. 1 ) « qu'une tneluere quœ liment gentes, quia leges populo-
ville où l'on aurait délibéré de pareilles atro rum vanœ sunt. Terlullien , au livre de l'Ido
cités mériterait d'être ruinée de fond en lâtrie ( chap. 9 ), prononce contre l'astrologie
comble par ordonnance du genre humain. » cet arrêt : Non polest régna cœlorum sperare
a II n'appartient, dit le philosophe Platon cujus digitus aut radius abutitur cœlo. Les
( de Provid. ), qu'à ceux qui n'ont ni sens, ni sentiments des docteurs célèbres et des Pères
yeux, ni jugement, d attribuer à la fortune et de 1 Eglise sont unanimes pour condamner
AST ( H5 ) AST
l'astrologie judicaire. Origène dit ( Hom. 3 los astrologues, comme l'explique nettement
inJtrtm. ) : Si quis vestrûm mathematicorum le décret en les bannissant du christianisme
deliramenta sectalur, •'» terrâChaldœorum est. ( Caus. 20, q. 2, can. 8) : Planelarios, quos
Clément le Romain (liv. 9, partie k) regarde mathematicos vocant, christiana et verapietat
les astrologues comme des séducteurs séduits expellit et damnât. Plus loin il en décrit l'of
par le démon ; saint Mélliodins (liv. de Caslil. fice; il dit : Requirere stellarum cursus , et
ajiud Photium in Bibli. cod., 237) les déclare ecentus ex his futurorum rimari.
destructeurs des lois-, Eusèbe ( Préparation A Rome, le peuple était si adonné à cette
ttang., liv. 6, cliap. 6) les accuse d'at croyance que les astrologues maintinrent leur
tenter à la Providence, ce qui est prouvé par empire en dépit des lois et des décrets. Auguste
saint Clirysostôme ( Homélies, liv. 6) dans ses fi t revivre les anciennes lois qui ex istaient con
écrits
vins ducontre
paradis.
le destin,
Saint où
Jérôme
il exclut
les les
accable
de- tre eux; ce prinoo, voulant montrer son mépris
pour ces imposteurs , et combien il faisait peu
d'invectives (chap. 1, de Sophon.) : Et qui de cas de leurs prédictions , fit afficher dans
talutem aliis promittebant sua ignorabant tous les carrefoursde Romele thème de sa nati
npplicia. Saint Ambroise ( Hexam., liv. 4, vité ou la position des étoiles au moment do
chap. k ) définit cet art en ce peu de mots: sa naissance. Dans l'année 10, les vieilles
Tolum negotium plénum esl vanitatis. Saint ordonnances contre les astrologues furent
Chrvsologue ( Sermon 157 ) traite cet art renouvelées, et deux furent mis à mort. Ti
d'erreur, saint ("yrilled'Alexandrie (cont.Ju- bère , qui avait fondé ses espérances à l'em
/(<in.,cap. 10,1e ditun jeu d'enfant, une folie pire sur les prédictions de Trasyllus qui
accompagnée de vanité. Saint Grégoire, pape l'avait accompagné dans son voyage de Rho
Hom. 20,sainlJeanI)amascène(liv.2, ch.7), des, et qui s'était lui-même adonné à la cul
saint Cyprien ( De singul. clericorum ), saint ture de cette science, voyant ses espérances
Epiphane ( Hérésies, 10 ), saint Justin ( ad couronnées , protégea les astrologues et abolit
ttnalum Rom. ), Theodoret {Genèse, quesl. toutes les lois qui leur étaient contraires. Mais,
16;, saint Grégoire de Nice( Philos., liv. G, en l'an 52, le sénat rendit un décret sévère
cliap. 1 }, Lactance ( Jnst., liv. 2 ), saint Ba contre eux ; en 69, Vitellius, quoique enclin à
sile ( Hexam., liv. 6 ) parlent tous contre cet art, leur ordonna cependant de quitter à
l'astrologie judiciaire, comme folie et impiété. jour marqué l'Italie , mais leur autorité était
Les papes aussi lancèrent l'anallième contre alors si fortement établie qu'ils n'obéirent
l'astrologie. Sixte V, en 1580, la condamna point : ils firentau contraire placarder par tou
par une bulle dans laquelle, après avoir ful tes les rues un ordre à l'empereur de quitter le
miné contre l'insolence des hommes qui pré monde avant le jour indiqué pour leur ban
tendent pouvoir deviner les choses futures , nissement. L'empereur Donatien, qui croyait
et les ayant traités d'idolâtres, d'abominables, h cette science trompeuse, les bannit égale
d'exécrables, il ajoute : Taies in primis sunl ment par un décret. L'empereur Adrien ,
0'lrologi olim malhematici genesihliathenles , adonné à l'astrologie et à toute espèce de di
dkinœque dispositions ordinalionemsno tem- vination, les protégea et les expulsa tour à
pore revelandam prœvenire audacistimè sata- tour; cependant les astrologues maintinrent
gientes , etc. Une bulle du pape Urbain VIII, leur influence h Romejusqu'au temps de saint
en l'aimée 163i, enchérit encore sur la bulle Augustin ; car le sujet d'une de ses homélies
de Sixte V par la sévérité de ses dispositions; ( in Ps. lxi ) est la réconciliation avec l'Eglise
il ordonnait de condamner au dernier supplice d'un de ces astrologues.
tous ces imposteurs astrologues qui prétendent La foi chrétienne s'affermissant de plus en
faire des pronostics sur les nativités. plus, les lois favorables à la religion et aux
Les lois ecclésiastiques ne furent pas les mœurs firent les mêmes progrès. Constance
seules qui frappèrent l'astrologie ; leCodecivil fit publier, en l'an 357, un édit fort célèbre,
condamnait au gibet toutes les sorlesd impos défendant à chacun de consulter les augures
teurs et de devins { Loi Nemouruspircm, etc.). ou le» mathématiciens (astrologues) , à chacun
Sileat omnibus, dit-il, perpétua divinandi cu- d'eux d'exercer ces arts pernicieux. H ordonne
rwsitas ; etenim suppticio capitis, clc. Ayant aux devins de se taire, le tout sous peine de la
dit auparavant ( C. de malehciis et mathema- vie (L. 4 Nemo, 0 elh. et 5 C).
tins) : Ars mathematica est damnalnlisetin- Les sévérités de l'empereur n'empêchèrent
terdicla. Par mathematicis on entend toujours pas que la cour ne fût remplie d'aruspices et
AST ( M») AST
d*astroIogiies. Julien, son parent, qui avait mède plus puissant que les exhortations, il fil
été déclaré César, était un dos plus fervents publier un édit {Car. Magn., an. 743, 769,
disciples de ces superstitions, et les protégeait 789 et 814.— Cap. Reg. Fr., liv. 1 ; id., lib.6;
ouvertement. Constance rendit alors une au id., lib. 7; id., addit. 2, cap. 21) défendant
tre loi en 358, qui porte que s'il se trouve à toute magie, divination, etc., etc.
sa cour ou en celle de Julien César aucun Des gens crédules introduisirent à la cour
amspice ou astrologue , etc. , il soit ar de Charles VIII l'attrait de la curiosité et la
rêté; que s'il est convaincu et qu'il dénie son passion violente de pénétrer dans l'avenir;
crime, il soit exposé à la question, que ses elles y trouvèrent accès chez les grands et
flancs soient déchirés avec des ongles de fer, protection. Le roi en fut informé, sa religion
sans que sa naissance ou son rang l'en puisse en fut alarmée, et il y pourvut par une or
exempter, nonobstant tous privilèges de char donnance de l'an 1490 {Fontan, t. 4, lit. 6,
ges ou dignités, [/empereur Constance étant art. 3), portant ordre d'arrêter sur-le-
mort, Julien l'Apostat remit en crédit les champ les devins, nécromanciens, astrolo
aruspices et les astrologues; il abolit toutes gues, etc., etc., et de livrer à la justice
les lois qui leur étaient contraires; mais son ecclésiastique et aux juges civils tous les cou
règne ne fut que de courte durée. Jovien,qui pables, au nombre desquels sont compris tous
lui succéda, remit en vigueur les lois de ceux qui, sans exception, se seront adressés
Constance. Sous Valenlinien et Valens il fut aux devins pour comiailre l'avenir. Le prévôt
rendu une loi contre les mathématiciens de Paris rendit contre eux, en 1493, une or
(Liv. 8, Cesset malhem., C. Th.) en l'an 370, donnance qui fut criée dans tous les carre
qui leur défend d'exercer leur art et de l'en fours par le juré crieur, en présence du lieu
seigner, condamnant les disciples a la même tenant criminel, du procureur du roi et des
peine que le maître. juges instructeurs.
Alaric, roi des Goths, ayant assiégé la ville Si les magiciens, sorciers et enchanteurs
de Home sur la fin de l'an 408, pendant le diminuaient de jour en jour, les astrologues,
sicge des astrologues toscans s'étaient van connus sous le nom de mathématiciens, aug
tes de pouvoir par leur art exciter le ton mentaient, car ils prétendaient n'être pas
nerre et les tempêtes , qui devaient forcer compris dans une foule d'ordonnances contre
ce prince à se retirer; mais il n'en fut rien, les sorciers et les devins. Cependant les princes
car il enleva la ville au commencement de reconnurent combien la science de l'astrolo
1 année 409. Le peuple indigné d'être trompé gie était contraire à la religion, à 1 Etat et au
s ad ressaau pape Innocent, qui en écrivit, ainsi repos du peuple; aussi ils rendirent divers
que les magistrats, aux empereurs Honorius et arrêtés dont voici les plus remarquables.
Théodose, alors à Ravenne.Ce fut à cette oc Charles IX défend (1560), dans une ordon
casion qu'ils publièrent un édit (liv. 12, Ma- nance aux états d'Orléans, à tout imprimeur
ihem. C. Th. ) par lequel ils ordonnent de et vendeur de livres d'imprimer ni vendre au
chasser de la ville de Uome et du territoire cun almanach ni pronoslication avant qu'ils
de l'empire tous les mathématiciens. n'aient été préalablement vus par l'arche
Les rois de France prirent toujours les plus vêque, parce que, y est-il dit, ou se sert de
grandes précautions pour arrêter et même l'astrologie, contraire à l'exprès commande
prévenir les impostures des devins et des as ment de Dieu, ce qui ne peut être toléré par
trologues. un prince chrétien.
Le christianisme, que les Français embras Henri III, en 1579, rendit une ordonnance
sèrent à l'imitation de leur roi Clovis, par où il est dit, art. 36, que tout devin, faiseur
les soins et les instructions des prêtres chré de pronoslications et almanachs , qui sortira
tiens qui étaient alors répandus dans les des bornes de l'astrologie licite et naturelle,
Gaules, porta les princes à s'opposer à toutes sera puni extraordinairement et corporelle-
ces superstitions. Childéric III, dans un édit ment. Cette ordonnance fut renouvelée et les
de l'an 742 (Capit. Reg. Fr., t. 1, col. 147), peines rendues plus vigoureuses par LouisXIII
ordonna que l'on prît bien soin d'abolir les dans des lettres-patentes du 20 janvier 1628,
divinafions et les enchantements. Charlemagnc portant règlement pour la composition et
réitéra plusieurs fois ces mêmes ordres de l'impression des almanachs.
chasser de ses États les astrologues et les au Louis XIV, dans un édit du mois de juillet
gures; mais comme ce mal demandait un re 1G82, ordonne, par l'article 1", que toutes
AST ( H7 ) AST
personnes se mêlant de deviner et se disant dû fixer l'attention des hommes, et plus par
devins ou devineresses aient à vider incessam ticulièrement dans ces pays heureux où ta
ment le royaume, à peine de punition corpo sérénité de l'air invile à observer les étoiles
relle. Ces dispositions de ledit de Louis XIV parsemées dans la voûte azurée. L'astrono
restèrent en vigueur jusqu'en 1791, où elles mie est en quelque sorte la cause de l'univer
furent abolies par le dernier article du Code salité des connaissances; on peut la considérer
du 5 septembre. comme la plus sublime de toutes les sciences,
L'art 479, n» 7, du Code pénal de 1810, comme la plus intéressante et la plus utile par
punit d'une amende de 11 à 15 fr. les gens ses résultats. Quoi de plus capable en effet de
qui font métier de deviner. captiver nos yeux et nos esprits , quoi do
Les lois civiles ne firent pas plus que les plus propre à élever les âmes vers le Créateur,
lois ecclésiastiques; elles mirent un frein, il que les merveilles du firmament
est vrai, à la science des astrologues , mais les Les hommes ne tardèrent pas à s'aper
grands, qui savaient toujours échapper aux cevoir que les levers et les couchers des
exigences de la loi , les protégeaient et les principales étoiles pouvaient servir à faire
consultaient sans cesse. distinguer les saisons, à en prédire le retour;
Charles-Quint, MathiasCorvin, roi de Hon aussi nous voyons ces observations remonter
grie; Louis Sforce, duc de Milan; Louis XI à l'origine des temps. La découverte de l'as
et cent autres courbèrent la tête sous leurs tronomie a été attribuée à plusieurs person
oracles. Catherine de Médicis amena d'Italie nes , à plusieurs nattons , à plusieurs âges ;
avec elle un grand nombre d'astrologues. Elle mais il parait d'après les anciens historiens
fit bâtir l'iiôtel de Soissons, y érigea cet obser que ce furent les rois qui s'y adonnèrent les
vatoire que l'on voit encore a la halle au blé, et premiers. Ainsi Bélus , roi d'Assyrie , Atlas ,
quand elle vint habiter cet hôtel, de cette tour roi de Mauritanie, et Uranus, roi de cette
elle observait, dit-on, la marche des astres et contrée située sur les bords de l'océan Atlan
les interrogeait incessamment sur ses desti- tique, sont regardés comme les créateurs de
nèes.Sous le règne de Louis XIII, dont le thème cette noble science. A ces noms de princes
natal avait été dressé par Lavivone par ordre nous ajouterons ceux deFo-hi, de 'faut et de
Je Henri IV, l'astrologie était de mode à la '/oroastre , comme ceux des plus anciens as
cour; toute famille un peu fortunée avait un tronomes dont les noms nous soient parvenus.
astrologue et un fou. A la naissance de L'histoire véritable de cette science, comme
Louis XIV un astrologue se trouvait dans celle de beaucoup d'anciennes découvertes ,
une pièce voisine de celle occupée par la est trop souvent défigurée par la fable et
reine ; Louis XIII fit dresser le thème natal du l'allégorie. On trouve plusieurs traces d'as
jeune prince, et ce thème , frappé sur des mé tronomie chez les différentes nations, qui
dailles en or et en argent du plus grand mo montrent que plusieurs des principaux phé
dèle, fut répandu dans toute la France ; les nomènes célestes ont dû être observés dès
unes portent le buste de Louis XIV adoles les temps les plus reculés. Mais dans quel pays
cent, d'autres le buste de son père. cette science a-t-elle pris son origine? Rien ne
Mais ce que ne purent faire ni les lois re peut éclairer ce sujet, car les récits des anciens
ligieuses ni les lois civiles , l'instruction l'o écrivains sont souvent trop dénués de vrai
péra; le progrès de la science astronomique semblance pour pouvoir fixer notre atten
détruisit les croyances astrologiques; la con tion. Parmi les écrits de ce genre nous devons
naissance des mouvements et de la position citer ceux de Josèphe, qui dans les Antiqui
des astres a mis un terme aux croyances tés juives, en parlant des progrès que Seth
grossières, et a fait abandonner la vaine doc et sa postérité avaient fait faire à l'astrono
trine des influences des astres sur les pen mie avant le déluge, assure qu'il avait fait
chants des hommes , sur leurs entreprises, graver les principes de cette science sur deux
ainsi que sur toute leur existence. obélisques , l'un en pierre et l'autre en bri
Vicomte Ad. de Pontécoulant. ques, et que le premier existait encore de son
ASTRONOMIE. Ce mot est composé de temps. 11 accorde aussi au peuple antédilu
«îTj»Y,étoile,etdevofKi;, loi; c'est la sciencedes vien la connaissance du cycle astronomique
astres, embrassant tout ce qui a rapport à l'é de six cents ans. Cette période, ajoute-t-il,
tude des mouvements , à la forme , à la con- était la grande année; expression remar
ftitution des corps célestes. La vue du ciel a quable, et par laquelle on peut croire qu'il
AST ( H8) AST
entendait la période à la fin de laquelle 11 est évident donc, en n'attachant pas plus
la lune et le soleil revenaient à la même de mérite qu'il ne faut à ces traditions, que
position qu'ils avaient occupée au commen ces deux pays étaient excessivement propres
cement, eu égard aux nœuds, à l'apogée de aux observations astronomiques, étant favo
la lune. Cette période, dit Cassini, dont nous risés par une atmosphère pure et un ciel tou
ne trouvons l'indice sur aucun monument jours serein ; et quoi que l'on puisse penser
d'aucune autre nation , est la plus juste de la tour de Bélus et du cercle d'Ozymandias,
période que l'on ait jamais conçue, car elle nous devons reconnaître aux Egyptiens des
se rapporte à l'année solaire bien plus exac connaissances astronomiques par la manière
tement que la période d'Hipparque et de dont ils avaient orienté leurs pyramides, dont
Ploléinée. Si le peuple antédiluvien a connu toutes les faces étaient dirigées avec préci
une pareille période, il a dû connaître égale sion vers un des quatre points cardinaux ; et ,
ment les mouvements de la lune et du soleil comme il est presque impossible que cette
par une méthode plus exacte que celle de ses position exacte soit l'effet du hasard, nous
descendants. Berosusdit aussi qu' Abraham fut devons en conclure qu'ils possédaient une
un grand homme fort juste et renommé par ses méthode juste pour tracer une ligne méri
observations célestes. Mais nous n'insisterons dienne, ce qui est plus difficile souvent qu'on
pas davantage sur le témoignage incertain des ne pense, puisque Tycho-Brahé, le plus grand
anciens; nous ferons observer seulement que, astronome de son temps, commit une erreur
malgré la divergence de leurs opinions, la de quelques minutes en traçant celle de son
majeure partie des auteurs ont été unanimes observatoire d'Uranibourg. Les Egyptiens
pour fixer l'origine de l'astronomie en Chaldée découvrirent de bonne heure, selon les re
et en Egypte. Nous trouvons très fréquemment cherches d E. Bernard (Phil. Trans., n° 158),
dans les anciens auteurs le nom deChaldéens que les étoiles avaient un mouvement an
employé comme synonyme d'astronomes. Les nuel de 50" 9'" ko"" dms l'année.
Chaldéens et les Egyptiens prétendaient à Les Chaldéens ont dû aussi avoir une con
une haute antiquité, et réclamaient égale naissance assez étendue de cette science , si
ment l'honneur d'avoir produit les premiers nous ajoutons foi au dire de Simplicius, qui
astronomes. Les Chaldéens mettent en avant nous raconte qu'à la prise de Babylone par
lu construction de leur temple et la hauteur Alexandre-le-Grand les Chaldéens comp
de la tour dite de Bélus, qui , selon quelques taient une série d'observations astronomiques
uns , était un observatoire astronomique , faites depuis l'an 1903, et qu'elles furent en
ainsi que l'existence de leur célèbre philo suite communiquées aux Grecs par Aristote.
sophe et astronome Zoroastre, dont ils assi Cependant leur historien Berosus, qui paraît
gnent l'existence à cinq mille ans avant la avoir vécu quelques années avant le temps
destruction de Troie. Selon Diodore de Si d'Alexandre, ne fait mention d aucun mo
cile, il paraîtrait que les habitants de la Chal nument astronomique de ce peuple ; les
dée connaissaient les constellations; ils en seules observations chaldéennes rapportées
avaient créé trente-six, douze dans le zo par les écrivains sont celles de trois éclipses
diaque et vingt -quatre exlrazodiacales. de lune, qui eurent lieu dans les années 27,
{Voy. Constellations.) Us avaient égale 28 de 1ère de Nabonassar, ou 720 721 avant
ment fait une observation de Saturne dans J.-C, lesquelles ont servi à Ptolémée dans
l'an 228 avant J.-C; elle se trouve rapportée son ouvrage de l'Almageste. Mais parce
dans les ouvrages de Ptolémée; il parait ce que Ptolémée ou même Hippprque.no firent
pendant que c'est la seule que nous soit par aucun usage d'observations plus anciennes,
venue. Les Egyptiens, de leur côté, vantent nous ne devons pas en conclure cependant
le collège de leurs prêtres, qui étaient les que les Chaldéens n'en avaient pas d'an
dépositaires de toutes les branches des con térieures; nous devons supposer seulement
naissances humaines; ils citent également que celles qui précédaient celles de Nabo
leur monument d'O/.ymandias, sur les murs nassar n'avaient pas de dates assez certaines
duquel existait un cercle d'or de 36o coudées pour être employées par les astronomes. Le
de circonférence, divisé en 365 parties d'une calendrier babylonien, avant cette ère, était
coudée chacune, et contenant le lever et le dans une grande confusion, n'ayant jamais
coucher héliaque des étoiles pour chaque été parfaitement régularisé; et nous devons
jour de l'année. faire remarquer qu'aucune observation de ce
AST ( H9) AST
genre ne peut être que d'une très faible uti l'année 2130, et qui fut, dit-on, fatale à deux
lité si l'on ne peut pas préciser le temps cer astronomes chinois nommés Ho et Hi,qui
tain où elle a été faite. Excepté ces éclipses, furent condamnés à mort par l'empereur
mentionnées par Ptolémée, il ne reste rien Tchong-Kaangpour avoir négligé d'annoncer
de l'astronomie chaldéenue que certaines pé le temps précis où cette éclipse devait arri
riodes d'années, qui , selon plusieurs anciens ver. Plusieurs astronomes, en prenant cette
auteurs , avaient été formées pour calculer année pour date certaine , ont recherché si
la position des corps cèle^es , et d'après le cette éclipse avait réellement eu lieu; mais
rapport qui nous a été fait par Pline, le plus ils n'arrivèrent jamais à un résultat satis
remarquable de ces cycles n'était pas en faisant. Tout ce que nous connaissons de l'as
tièrement exempt de défectuosités : c'est la tronomie chinoise nous vient par les rap
fameuse période appelée le Saros chaldéen, ports des missionnaires jésuites , qui ne sont
qui consistait en deux cent vingt-trois mois pas d'accord entre eux sur l'antiquité de cette
lunaires, ou un peu plus que dix-huit ans et science. F. du Hald prétend que l'astronomio
demi, et qui se combinait si bien avec les fut cultivée par Confucius , et que Tcheou-
mouvements de la lune et du soleil qu'ils se cong, l'astronome le plus savant que la Chine
trouvaient presque dans la même position à la ait produit, vivait deux mille ans avant J.-C,
iin de chaque cycle. et qu'il passait toutes les nuits à observer les
Les Chaldéens et les Egyptiens sont géné astres et à ranger les étoiles en constellations.
ralement supposés avoir été forts savant dans Les habitants du Japon, de Siam et du Mo-
plusieurs autres branches des connaissances gol semblent aussi avoir connu l'astronomie
humaines; mais par le manque d'autorités on de temps immémorial , et le fameux ob
ne peut le juger que par analogie des connais servatoire de Bénarès est un monument du
sances qu'ils ont eues du système du monde. génie des Indiens et de leur aptitude pour
Il parait que les Egyptiens ont connu bien cette science. Les Américains aussi doivent
avant l'ère chrétienne que l'année consis avoir connu l'astronomie; car la division de
tait en trois cent soixante -cinq jours et un leur temps est calculée sur les mouvements
quart, et que les planètes de Mercure et de solaires. On dit que les Mexicains entre au
Vénus tournaient à l'cntour du soleil. On tres avaient découvert une propriété remar
avait voulu prouver aussi la grande antiquité quable au nombre treize, dont ils se servaient
de l'astronomie chez les Egyptiens par la dé comme d'une espèce de cycle. L'abbé Cla-
couverte de différents zodiaques sculptés sur vigero assure que ces peuples ayant découvert
leurs monumriits, et que Lalande considé l'excès de quelques heures de l'année solaire
rait comme excessivement anciens; mais sur l'année commune, ils firent usage de jours
il est prouvé que c'était une erreur, et que intercalaires pour les rendre égales, comme
la plupart de ces bas-reliefs ne remontaient avait fait César pour le calendrier romain,
pas à un temps bien éloigné de l'ère chré avec cette seule différence qu'au lieu d'in
tienne. ( Foy. Rëprésextationszodiacai.es.) tercaler un jour tous les quatre ans, ils en
D Egypte et de Ghaldée la connaissance de introduisaient treize toutes les cinquante-
l'astronomie passa en Phènicie , et le peuple deuxièmes années, ce qui produisait le même
'appliqua à la navigation , guidant ses cour résultat. Parmi les recherches faites par liailly
ts en mer par la direction de l'étoile polaire; sur l'antiquité, les progrès de l'astronomie
par là les Phéniciens devinrent seigneurs de la chez les Indiens, il examina et compara qua
mcretmaîlresde tout le commerce du monde. tre tables astronomiques dressées par des phi
Parmi les diverses nations qui réclament losophes indiens : celle de Siam, expliquée par
I honneur d'avoir les premières cultivé la Cassini en 1689; une autre apportée par Le
srienee de l'astronomie, lesChinoisprétendent Gentil, membre de l'Académie des Sciences,
posséder les observations de la plus haute an et deux autres tables manuscrites trouvées
tiquité. La plus remarquable d'entre elles est parmi les papiers de M. de Lisle. 11 les trouva
"ne conjonction de cinq planètes qui , selon s'accordant parfaitement et référant tout au
leurs fabuleuses annales , serait arrivée pen méridien de Bénarès. Il paraît, d'après ces)
dant le règne de leur empereur lchvcn-hico, tables, que l'astronomie indienne avait une
environ deux mille cinq cents ans avant J.-C. époque fondamentale, basée sur une conjono-
Us font mention aussi d'une éclipse de soleil qui tiondu soleil, delà lune et des planètes, qui au
arriva dans la constellation du scorpion, dans rait eu lieu, dit-on, trois mille cent deux ans
AST ( '20 ) AS!
avant J.-C. j et Bailly assure , d'après ses aucune observation à noter que dans des temps
calculs , qu'une semblable conjonction a dû très rapprochés; la plus gratide partie des
réellement avoir lieu dans ce temps-là. Il y anciennes sectes regardaient l'astronomie
avait aussi une seconde époque basée sur comme une science spéculative, et ne faisaient
une conjonction qui serait arrivée en 1491 aucune attention à ses effets et à ses causes.
avant J.-C. On croit généralement que l'astronomie
Ces époques sont si remarquables par les fut apportée d'Egypte en Grèce, etLaërce nous
mouvements apparents dusoleil, de la lune et dit que ce fut par Thaïes, dans la neuvième
des planètes, que l'une d'elles doit être né olympiade. Eudoxe, Pythagore voyagèrent
cessairement fausse. Bailly a prouvé que la après lui pour s'instruire dans cette science ;
première période était juste. En effet, si nous ce dernier philosophe vécut enfermé avec
partons de l'époque de 14-91' et que nous re des prêtres égyptiens pendant sept années,
montions par le moyen des tables indiennes et, après s'être fait initier aux mystères
à l'année 3102 avant l'ère chrétienne, nous de leur religion, il y prit connaissance du
trouverons une conjonction générale du soleil, véritable système de l'univers, qu'il rap
de la lune et des planètes, comme l'indiquent porta en Grèce et en Italie. Pythagore est le
ces tables; mais la seconde conjonction est premier parmi les Européens qui ait pensé
trop différente du résultat donné par les meil que la terre et les planètes tournaient autour
leures tables modernes pour avoir jamais du soleil, lequel restait immobile au centre;
existé. On doit donc reconnaître que ces que le mouvement diurne du soleil et des
époques ne sont pas fondées sur l'observa étoiles fixes n'était pas réel, mai» seulement
tion, et qu'elles ont été imaginées dans des apparent , et causé par le mouvement de la
temps postérieurs ; l'équation du soleil en par terre à l'entour deson axe. Diogène Laéree
ticulier, que ces tables fixaient à 10° 10' 32'', enseignait que le soleil était placé au cen
ne peut, selon les calculs de M. de Laplace , tre de l'univers, que la terre était ronde,
avoir cette grandeur que vers l'an 4300 avant que la lune réfléchissait les rayons du soleil
J.-C. Outre cela, lesèqualions du centre deJu- et étail habitée de même que la terre ; que les
pileretdeMarssontsi différentes de ce qu'elles comètes étaient une sorte d'étoiles errantes,
auraient dû être à cette époque qu'on n'en disparaissant dans plusieurs parties deleuror-
peut rien conclure pour la haute antiquité de bite ; que la blancheur de la voie lactée était
celle science; car au contraire la construc due a la lueur répandue par une infinité depeti-
tion de ces tables, et par-dessus tout les con tes étoiles, el enfin il supposait que les distan
jonctions qu'elles supposent à la même épo ces Je la lune et des planètes de la lerre étaient
que, prouvent au contraire qu'elles ont été entre elles dans une certaine proportion. Philo-
construites dans un temps très moderne. Ce laùs fut le premier qui, en 450, reconnut que
pendant nous devons avouer que l'astrono la terre se mouvait dans un cercle, et pres
mie a dû être cultivée anciennement chez les que aussitôt le mouvement diurne delaterro
Indiens, car l'exact mouvement donné par eux sur son axe fut découvert par H y celas de Sy
à la marche du soleil et de la lune prouve racuse. Vitruve nous donne une autre ver
suffisamment qu'ils se sont livrés à une lon sion sur l'introduction de l'astronomie en
gue série d'observations. Cette opinion a été Grèce; il assure que Berose, habitant de Ba-
soutenue par Playsais dans une dissertation bylone, vint dans Pile de Cos ouvrir une école
sur l'astronomie des Brah mines. Les Grecs astronomique, et Pline (liv. vm, cliap. 37)
ne commencèrent à cultiver l'astronomie que ajoute qu'en commémoration de l'exactitude
bien après les Egyptiens , dont ils furent les de ses prédictions les Athéniens lui avaient
disciple?; niais il est excessivement difficile, érigé une slalue dans le gymnase. Si ce Be
parmi les fables qui entourent les premières rose est le même que l'historien de la Clial-
périodes de leur histoire, de se faire une idée dée, il doit avoir vécu avant Alexandre.
exacte de leurs connaissances dans cette Après Pythagore l'astronomie fut singuliè
science. Tout ce quenous pouvons apprendre, rement négligée; la plupart des observations
c'est qu'ils avaient observé les corps célestes rapportées de Babylone furent perdues, et ce
et distribué les étoiles en constellations treize fut avec grande peine que Ptolémée put cp
à quatorze cents ans avant J.-C. ; c'est à cette rassembler un petit nombre. Le plus grand
époque que les clironologisles reportent la astronome qui vint après Pythagore lut
sphère d Eudoxe. Cependant nous ne trouvons Aristarqiic de Samos; il soumit à ses observa
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tions judicieuses les éléments les plus délicats précier la valeur de cette mesure. Le célèbre
de 1 astronomie ; il donna une méthode fort Archimède s'adonna aussi à l'astronomie ; il
remarquable pour déterminer la distance du détermina la distance qui séparait les planè
soleil à la terre, il observa l'angle compris en tes les unes des autres et construisit une es
tre le soleil et la lune, et l'ayant trouvé de pèce de planisphère représentant les révolu
96» et 7", il en conclut que le soleil était de tions et les phénomènes célestes. Méthon
treize à vingt fois plus loin de nous que la et Euctimon observaient le solstice d'été de
lune. Quoique ce résultat soit fort inexact, il l'an 432; le premier s'est rendu célèbre par
étendit les bornes de l'univers beaucoup plus le cycle de 19 ans qu'il introduisit dans le ca
loin qu'on ne l'avait fait jusqu'alors. A la lendrier. Aristote aida à l'astronomie par l'u
même époque nous voyons paraître sur l'ho niversalité de ses connaissances, et la vaste
rizon Philolaùs , le savant disciple de Pytha- sphère qu'elles embrassaient. Le divin Pla
gore, qui mit au jour les vérités que son ton fit prendre un nouvel essor à cette science;
maître avait cachées si soigneusement; il il pensa d'abord que la terre occupait le
enseigna donc les deux mouvements de la milieu de l'assemblage du monde qui l'en
terre, l'un sur son axe et l'autre autour du tourait, mais ses réflexions sur le mal et l'in
soleil. Suivant les principes de cette école , gratitude des hommes le conduisirent à mé
les planètes ne se mouvaient pas seules au priser notre planète et à croire qu'il devait se
tour du soleil, mais les comètes suivaient trouver au centre de l'univers un astre plus
aussi le même mouvement, et ces dernières digne de cette place. Vers le temps d'Alexan
n'étaient pas des météores passagers , mais dre , Pytheas de Marseille illustra sa patrie
bien des ouvrages durables de la nature ; ce parune observation de la longueur méridienne-
qui faisait dire à Sénèque : « Que l'on ne du gnomon au solstice d'été de cette ville;
• s'étonne pas que nous ignorions encore la c'est la plus ancienne observation de ce genre »
» loi du mouvement des comètes, dont l'appa- elle est précieuse en ce qu'elle confirme la
• rence est si rare que l'on ne peut prédire diminution successive de l'obliquité de l'éclip-
» ni le commencement ni la fin des révolu tique. De tous les astronomes de l'antiquité ,
tions de ces corps, qui descendent vers Hipparque est celui auquel la science est le
» nous d'une distance immense. 11 n'y a pas plus redevable pour le grand nombre de ses
i encore 1500 ans que les planètes ont été observations et les résultats importants qu'il
» comptées en Grèce , et qu'on a donné des obtint. Use trouvait si peu satisfait des obser
» noms aux constellations. Un jour viendra vations faites jusqu'alors qu'il se détermina
» peut-être où, par l'étude continuelle des à recommencer et à n'admettre de résultats
» âges futurs, les choses qui nous restent que ceux qui seraient fondés sur un nouvel
» cachées paraîtront avec certitude, et l'on s'é- examen des observations antérieures ou sur
» tonnera qu'elles aient échappé à notre ob- des observations entièrement nouvelles. Il
> servation. » Eratoslhône, disciple d'Aristar- détermina la longueur de l'année en compa
que, mesura la terre et fil des observations sur rant une de ses observations du solstice d'été
l'obliquité de l'ècliptique; il détermina la dis avec une autre faite par Aristarque de Sanios
tance entre les tropiques, qu'il dit être de 1/8 45 ans avant : il la trouva de 365jours 0, 24 669;
un tiers de tout le méridien, ce qui rendait mais il existe un excès de quatre minutes et
l'obliquité de l'ècliptique de 23° 51 '20". Ayant demie. Hipparque lui-même fait remarquer le
remarqué dans la Haute -Egypte, au mo peu de confiance qu'on doit avoir à une dé
ment du solstice d'été, un puits dont toute termination d'observations solsticiales, et l'a
la profondeur était éclairée par le soleil , il vantage qu'il y a à se servir d'observations
fit la même comparaison avec la latitude du équinoxiales. Hipparque fit beaucoup d'ob
soleil observée au même solstice à Alexan servations de planètes, mais il ne chercha
drie- il trouva que l'arc céleste compris en point à en expliquer les mouvements par des
tre les deux zéniths de ces deux endroits était théories incertaines. L'apparition d'une étoile
de la cinquième partie de la circonférence ; nouvelle qui eut lieu de son temps le déter
et comme leur distance était de cinq cents sta mina à entreprendre un catalogue des étoiles
des, il fixa la longueur totale de toute la cir fixes, afin que la postérité reconnût les chan
conférence terrestre à deux cent cinquante gements qui pourraient s'opérer dans les ap
mille stades; mais 1 incertitude qui existe sur parences du ciel ; il employa pour parvenir à
la valeur de ces stades ne permet pas d'ap son but la méthode d'Aristide et de Timocha
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rès. La découverte importante de la proces lémée donna son nom à ce système planétaire
sion des équinoxcs fut la récompense d'un qui place la terre au centre ifig.i), et qui lasup-
travail si pénible et si long. La géographie pose entourée de onze cercles, dont sept sont
doit aussi à cet astronome la méthode de dé nommés cieux des planètes, deux cristallins,
terminer les lieux de la terre par leur longi un premier mobile, et le dernier l'empiréo.
tude et leur latitude, pour la détermination
desquelles il employa les éclipses de lune. Les
principaux ouvrages d'Hipparque ne nous sont
point parvenus-, ils périrent dans l'incendie de
la bibliothèque d'Alexandrie; nous ne les con
naissons que par l'Almageste de Ptolémée.
Durant linlervalle de trois cents ans qu'il
y eut entre le temps d'Hipparque et celui de
Ptolémée, les principales observations furent
faites par Agrippa, Ménèlatis et TJiéon ; les
deux derniers furent plus mathématiciens
qu astronomes. Ce fut pendant cet intervalle
qu'eut lieu la réforme du calendrier de Julos
César, par l'astronome Sosigène (voy. An-
r>'ÉE), et que l'on acquit une connaissance
plus exacte du flux et reflux de l'Océan. Les
relations de ce phénomène avec les phases
de la lune semblent avoir été observées pour la La plupart des observations de Ptolémée
première fois par Posidonius, quatre-vingts eurent lieu à Alexandrie. Il rendit un grand
uns environ avant J.-C. Marin de Tyr, qui vi service à la géographie en déterminant la
vait vers la fin du premier siècle de notre ère, longitude et la lalitudedeslieux alors connus,
6'occupa de la géographie astronomique. Ses et en laissant une bonne méthode de projec
ouvrages n'existent plus; ils ne sont connus tion pour la construction des cartes, méthode
que par l'aperçu qu'en a donné Ptolémée. 11 peu connue avant lui. Les nombreux ouvrages
est. probable que ce géographe ignorait la qu'il a écrits sur une foule de sujets divers
théorie des projections inventée par Hip- prouvent un esprit vaste, instruit , et ils lui
parque pour représenter sur une surface plane donneront toujours un rang distingué à oc-
la sphéricité du globe, puisqu'il trace ses mé cuperdans l'histoire de la science. Les succes
ridiens et ses parallèles en lignes droites; il seurs d'Hipparque et de Ptolémée se conten
avait établi les bases de la graduation sur le tèrent de commenter leurs ouvrages sans rien
parallèle de Rhodes en réduis. tut le degré ajouter de remarquable h leurs découvertes.
comparé à celui du grand cercle de la terre Mais la connaissance de la nature, qui avait
:: 96 : lia. Sa méthode était si défectueuse jusqu'alors été cultivée avec tant de succès,
qu'il se trompait de plus de 410 lieues sur fut anéantie par l'irruption des Sarrasins, qui
la longueur de la Méditerranée, et de plus de brillèrent la fameuse bibliothèque d'Alexan
800 en ligne droite sur la distance des côtes drie, qui renfermait tant de trésors scientifi
d'Espagne au Gange. ques. Si ces livres sont conformes au Coran ,
Ptolémée, ce brillant successeur d'Hippar disait Omar à Piiiloponus qui tâchait de les
que, naquit à Ptolémaïde en Egypte, au com sauver, tb sont inutiles; s'ils y sont contraires,
mencement du second siècle du christianisme ; ils sont détestal>les.
il fut le premier qui conçut le projet de ré Pendant le long espace de l'année 800 jus
former l'astronomie tout entière en l'établis qu'au commencement du XIV siècle , le nord
sant sur de nouvelles bases, et le système de l'Europe fut livré à l'ignorance et à la bar
qu'il conçut est bien connu par ses erreurs. barie. Pendant ce temps-là les Arabes, profi
Cependant il exerça son empire durant près mes
lant ded'Alexandrie,
quelques ouvrages
cultivèrent
préservés
les des
sciences
Uam-
de quatorze cents ans , et quoiqu'il soit tout-
à-fait tombé et ruiné, son Almageste (voy. avec ardeur, et particulièrement celle de l'as-
ce mot) , considéré comme le répertoire des Ironomie, dans laquelle se distinguèrent
observations anciennes, est un des monu divers auteurs ou professeurs. Le calife .41
ments les plus précieux de l'antiquité. Pto Mansur fut le premier qui encouragea dans
AST ( 123 ) AST
ton empire lo goût des sciences. Son petit- par la construction de tables de sinus , au lieu
flls Al Mamoun, de la famille des Abassides , de cordes d'ans; il divisait le diamètre en
qui régna en 814 , contemporain de Char- 300 parties égales. Al-azen, son contempo
lemagne, vainqueur de l'empereur grec Mi rain, écrivit sur le crépuscule et la hau
chel 111, imposa pour condition de paix teur des nuages , sur les phénomènes de la
que les meilleurs livres de la Grèce lui fussent lune horizontale, et fit sentir l'importance en
livrés. Dans ce nombre se trouva l'Almagesle astronomie de la théorie des réfractions. On
de Plolémée qu'il fit traduire ; il fit plus en cite aussi avec distinction Omar-Cheyan et
core, il rassembla plusieurs astronomes, fit Nassar-Eddin parmi les astronomes persans.
avec eux beaucoup d'observalions, mesura EnTartarie même cette science eut des disci
le degré terrestre dans la plaine de Singar, ples; un petit-fils de Tamcrlan , le fameux
sur les bords de la mer Rouge ; il détermina Ulugh-Begh, était astronome habile; il fit
l'obliquité de l'écliptique de 23* 35', fit con un catalogue d'étoiles, et dressa des tables
struire des tables du soleil et de la lune qui furent réputées les meilleures jusqu'à
plus exactes que celles de Ptoléiiiée, et qui celle dressée plus tard par Tyeho-Brahé.
furent long- temps célèbres en Orient sous le La domination des Maures en Espagne y in
Dom de Tables vérifiées. Dans ces tables , le troduisit cette science, et depuis ce temps
périgée du soleil est dans sa véritable posi elle continua à y fleurir; en se communiquant
tion ; l'équation du centre du soleil, qui était de peuple en peuple , elle se répandit peu à
beaucoup trop grande dans Hipparque, est peu dans toute l'Europe. L'empereur Frédé
réduite à sa valeur réelle. A la même époque ric II. en 1230environ, encouragea les sciences
environ parut un traité d'astronomie écrit en relevant plusieurs universités déchues et
par Alfruganus; vint bientôt après Albalegnus, en en fondant une nouvelle à Vienne; il fil tra
qui dans la science astronomique occupe une duire en latin les ouvrages d'Aristole et de
belle place. Son traité de la science des étoi Plolémée, et c'est de la traduction de ce der
les est rempli d'observations intéressantes. 11 nier ouvrage que l'on peut dater la renais
calcula le mouvement de 1 apogée solaire du sance de l'astronomie en Europe. Deux an
temps de Plolémée au sien, trouva que la nées plus tard, un nommé Jean de Sacro- Bosco,
précession d< s équinoxes était de 1* en 70 né à Halifax, écrivit un ouvrage intitulé De
années, et fixa l'obliquité de l'écliptique éga Sphœra. C'est une compilation adroite des
lement à 23* 35' ; il composa aussi des ta travaux de Plolémée, d'Albategnus, d'Alfor-
bles astronomiques, ou méridien d'Aracta; ganus et autres astronomes arabes. Celle
ellesont joui pendant long-temps d'une grande production fut bientôt honorée des commen
faveur. Après sa mort, quoique les Sarrasins taires de Clavius.
eussent un grand nombre d'astronomes dis En têle des princes qui encouragèrent les
tingués, il se passa plusieurs siècles avant que sciences, on doit mettre Alphonse X, roi de
quelques observations remarquables se soient Castille. L'astronomie eut peu de prolecteurs
présentées, excepté cependant celles de quel aussi zélés et aussi magnifiques; mais les as
ques éclipses observées par Ebn-Younis, as tronomes réunis par ses soins ne répondirent
tronome attaché à la cour du calife d'Egypte; pas aux dépenses qu'ils occasionnèrent ; ils
depuis au moyen de ces observations on dé publièrent en 1253 des tables qui fourmillent
termina l'accélération du mouvement de la d'erreurs. C'est ce prince qui, examinant une
lune. Ebn-Younis rédigea un volumineux traité sphère , choqué de lous les cercles et epicy-
d'astronomie, et il construisit également des cles dans lesquels les astronomes faisaient
tables des mouvements célestes qui ont servi mouvoir les planètes, et jugeant que les
de bases à celles dressées postérieurement par planètes devaient agir par un moyen plus
les Arabes et les Persans. En comparant les simple, dit alors une plaisanterie qui fut trai
observations arabes avec celles d'Hipparque, tée d'impièlé,niaisqui montrait peut-être seu
on trouve qu'ils avaient fixé avec une grande lement qu'il pressentait un véritable système
précision la longueur de l'année. Celle de du monde et condamnait le système d'alors.
Ebn-Younis n'excède pas la nôtre de 13", Si Dieu m'avait appelé à Sun conseil lorsqu'il
qu'elle ne devait surpasser que de cinq. Parmi créa l'univers, les choses auraient été dans un
les astronomes remarquables existait Arza- ordre meilleur et surtout plus simple.
rliel, Maure d'Espagne, qui observa l'obli Vers ce temps Roger Bacon, moine anglais,
quité de l'écliptique ; il aida la trigonométrie écrivit plusieurs ouvrages d'astronomie, Irai
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tant particulièrement des aspects lunaires, lement par ses observations et ses écrits, mais
du rayonnement du soleil et de la position des plus encore par ses tables trigonométriques
étoiles fixes. Vers l'an 1270, un Polonais, Vi- des sinus et tangentes, qu'il calcula à un
tello, composa un traité d'optique dans le rayon de 1,000,000 pour chaque minute du
quel il montra l'utilité des réfractions en as cadran, et par le moyen d'un calcul astrono
tronomie. Un siècle plus tard, Charles V mique très simplifié. A ces travaux succé
fonda un collège d'astronomes à Paris, auquel dèrent ceux de Bernard Walther, et après
on affecta la dîme de congié, et celle fonda celui-ci Jean Werner, prêtre de Nuremberg,
tion fut confirmée par Urbain V. Ce collège montra que le mouvement des étoiles
fut pourvu d'astrolabes , de sphères et des au fixes, appelé précession des équinoxes, était
tres instruments nécessaires. Ce prince avait d'environ 1° 10' en 100 ans. Enfin Copernic
fait traduire tous les livres qu'il avait pu parut; avec lui nous verrons éclore la grande
trouver de la science du ciel. Il obtint d'Ur et heureuse idée d'expliquer les phénomènes
bain une censure contre quiconque oserait célestes par le moyen des mouvements de la
ôter de ce collège ces livres ou ces instru terre sur elle-même et autour du soleil. La
ments. Thomas Pisan était en même temps complication du système de Ptolemée em
son médecin et son astronome, et son maî barrassait depuis long-temps les astronomes,
tre dans cette science fut Chrétien Gervuis. mais il se maintenait toujours, soit à cause
Dans les écoles ou donnait des leçons sur la de son ancienneté et de sa conformité avec les
science du ciel. Adam d'Orléans nous a laissé préjugés , soit surtout par la difficulté de le
un trailè de Cœloet mundo. Gilles d'Orléans, remplacer par un autre. Copernic osa en 1507
jacobin, a écrit sur les éclipses de soleil et de franchir tous les obstacles, et en plaçant le
lune. Vers le même temps parut le Discours soleil au centre de l'univers, il fit voir que les
astronomique de la figure et de l'image du mouvements extrêmement compliqués des
monde, auquel était jointe la compilation de planètes devenaient très simples en les rap
la science des étoiles par Léopold, fils du portant au soleil. Tous les phénomènes alors
duc d'Autriche. Mais il y eut peu de progrès connus se plièrent sans effort à cette théorie;
dans la science jusqu'au moment où Purbach, la terre devint une planète qui circulait
Ilegiomontanus et Walther , qui vivaient comme les autres autour du soleil; en lui
vers le milieu du xv« siècle, préparèrent, par donnant un mouvement de rotation sur elle-
leurs travaux assidus, une nouvelle rouleaux même, on n'avait plus besoin des mouvements
grandes découvertes. Purbach composa de inconcevables qu'il fallait auparavant suppo
nouvelles labiés de sinus pour toutes les 10 mi ser aux étoiles; enfin dans ce système (fig. 2)
nutes, faisant le rayon = 60 avec quatre tout était simple et beau. L'auteur cependant
chiffres annexés; il construisit des sphères et ne produisit pas son œuvre sur-le-champ; il
des globes, et écrivit divers traités astrono le médita trente-six ans, et mourut le jour
miques, tels qu'un commentaire sur l'Alma- même que parut son ouvrage, intitulé Vere-
geste de Ptolemée, quelques essais d'arithmé volutionibus cœlestibus. 11 semble, dit Fonte-
tique, des tables de différents climats-, il nelle, que Copernic voulut ainsi éviter les
dressa des labiés nouvelles des étoiles fixes contradictions qu'allait subir son ouvrage. Co
pour le milieu du xv siècle; il corrigea aussi pernic proposa son système avant l'invention
les tables des planètes , faisant de nouvelles des télescopes ; comme il y admet et explique
équations pour les endroits où les tables Al- les phases planétaires, on lui objecta la non-
phonsines étaient erronées; dans les tables existence de ces phases; il prédit qu'on les
solaires il plaça l'apogée du soleil au com découvrirait un jour. Après la mort de Co
mencement du Cancer, mais il réduisit l'obli pernic la science de l'astronomie s'accrut par
quité de l'écliptique à 23° 33' 1/2. 11 observa les travaux de Shoner, de Nonius, d'Appian,
aussi plusieurs éclipses, forma de nouvelles de GemmaFrisius, deByrgius, etc., etc. Vers
tables pour les calculer, et il mettait la der l'année 1561, Guillaume IV, landgrave de
nière main à une théorie des planètes quand Hesse-Cassel, se livra à l'étude de l'astrono
il mourut, à l'âge de 39 ans, en 1461. Après mie , et, muni des meilleurs instruments
Purbach l'astronomie dut son lustre à Jean qu'il put se procurer, assisté des astronomes
Millier, appelé communérrent Kegiomon- Holhman et Justus Burgius , il fit un grand
lunus, né en 1436 à Kœnigsberg; il rendit nombre d'observations publiées par Snelius
un service éminent a l'astronomie, non seu en 1618, et auxquelles Hévélius accorda la
AST ( 125 ) AST
préférence sur celles do Tyclio-Bralié. De leurs latitudes appliquées au commencement
ces observations il forma un catalogue de
de 1 année 1593.
quatre cents étoiles, avec leurs longitudes et
Tycho-Brahé commença ses observations
en Danemarck , vers le môme temps que le variation; il découvrit également les inégali
landgrave de Hesse-Cassel, par la grande tés du mouvement des nœuds et l'inclinaison
conjonction de Jupiter et de Saturne; mais de l'orbe lunaire; il observa que les comètes
trouvant les instruments dont on se servait se mouvaient bien au-delà de cet orbe. Il re
d'habitude très médiocres, il en construisit connut que l'équation du temps relative au
plusieurs autres plus grands, et surtout plus soleil et aux planètes n'était point applicable
exacts. En 1571 il découvrit une nouvelle à la lune, et qu'il fallait en retrancher la par-
étoile dans Cassiopée, ce qui le conduisit, tic dépendante de l'anomalie du soleil, et
comme Hipparque en pareille occasion , à même une plus grande quantité. Tyclio-
former un nouveau catalogue d'étoiles; i! y Jiralie imagina un nouveau système pour
comprit sept cent soixante-dix-sept étoiles, expliquer le mouvement planétaire ; il adopta
et indiqua leur position pour l'année 1600. l'idée de Ptolemèe de placer la terre au cen
En 1576, le roi de Danemarck lui ayant donné tre, mais il fit tourner la lune et le soleil à
une petite île appelée Huenna, située en face lenteur de noire planète; le soleil devint
de Copenhague, il y bâtit un observatoire pour lui l'axe à l'entour duquel les autres
qu'il nomma Uranibourg, et il le garnit, grâce planètes faisaient leurs révolutions; le tout
aux largesses du même prince, de beaucoup étant ceint par un cercle qui, nommé fir
d'instruments dont la plupart étaient si sen mament, complétait le système {fig. 3.).
sibles qu'ils marquaient une simple minute; il Pendant que Tj clio-Brahè résidait à Prague
remarqua l'inégalité du lu lune, qu'il nomma avec l'empereur, il détermina Kepler à quitter
AST ( «26 ) AST
l'universitédeGlatzetàlesuivrcTychoBrahé Europe , avec l'emplacement des étoiles, et
mourut en 1601 ( voy. Brahé). Kepler jouit accompagné de leur nom» ou de la lettre de
l'alphabet grec qui les distingue. A la même
époque l'astronomie était encore cultivée par
Mercalor, Maurolycus, Maginus, Homélius,
Sehutter, Slevin, Léonard Digges, John Dee,
Robert Flood.
La découverte du télescope , instrument
merveilleux, imprima aux découvertes astro
nomiques une précision et une étendue jus
qu'alors inespérées. Galilée connut à peine les
premiers essais du télescope qu'il essava de le
perfectionner, et, avec son aide, il découvrit
les quatre satellites de Jupiter; il observa les
phases de la lune ; il observa également les
apparences occasionnées par l'anneau de Sa
turne, les taches et la rotation du soleil. En
publiant ces découvertes , il montra qu'elles
prouvaient incontestablement le mouvement
de la terre ; mais , cité au tribunal de l'in
toute sa vie du titre de mathématicien de quisition , il fut contraint de se rétracter.
l'empereur, qui lui ordonna de terminer les Les travaux d'IIuygens suivirent de très
tables de Tvcho-Brahé , qui furent publiées près Galilée. Il enrichit l'astronomie par
en 1627 sous le titre de Tables litidolp/iines. l'application du pendule aux horloges; il
De ses propres observations et de celles de perfectionna le télescope et en construisit un
Tycho-Brahé, Kepler découvrit plusieurs lois de cent vingt-trois pieds; il reconnut que les
de la nature, par lesquelles les mouvements apparences singulières de Saturne sont pro
des corps célestes se trouvent être réglés; il duites par un anneau qui entoure celte pla
observa que les planètes tournaient à l'en- nète ; il découvrit un satellite à Saturne.
tour du soleil dans des temps égaux et tou Dans le même temps Hévélius dressa un ca
jours proportionnés au temps employé à faire talogue des étoiles fixes bien plus considéra
leur révolution-, il découvrit également que ble que celui de Tycho-Brahé; Cassini, avec
les cubes des grands axes des orbites des pla des télescopes de deux à trois cents pieds, dé
nètes étaient dans la même proporlion que couvrit quatre satellites à Saturne. L'astro
les carrés du temps des révolutions plané nomie fut , à celte époque , enrichie des tra
taires. Une opposition de Mars détermina vaux d'Ami. Gassendus. Horrox, Ilullialdus,
Kepler à préférer les mouvements de celte Wand, Bunolus, Gascomny.
planète pour ses premières observations; sou L'immortel Newton démontra le premier,
choix fut heureux, en ce que l'orbite de Mars par des données physiques , la grande loi qui
étant une des plus excentriques du système règle les mouvements des corps célestes, qui
planétaire, les inégalités de son mouvement détermine leur éloignement du soleil et leur
étaient plus perceptibles, et par là le condui rapprochement; il arriva à la loi de la dimi
sirent à la découverte de leurs lois; il s'aper nution de la gravité par l'analogie de la lu
çut que l'orbite de Mars est une ellipse dont mière et de la chaleur; il la prouva par le
le soleil occupe un des foyers. Malgré ses rapport qui existe entre les carrés des temps
droits à l'admiration publique, Kepler vécut périodiques et les cubes des grands axes de
dans la misère, parce que l'astrologie , cette leurs orbites , en les supposant circulaires; il
folle fille d'une mère sage, était alors la seule démontra que ce rapport existe généralement
science que l'on honorât etque l'on récompen dans les orbites elliptiques , et qu'il indique
sât. Dans ce moment parurent les travaux de une gravité égale des planètes vers le soleil ,
Wright, de Napier, de Bayer. On doit à Napier en les supposant à une distance égale de son
quelques bons théorèmes sur la sphère, et centre. La même égalité de gravité vers la
surtout la magnifique invention des loga planète principale existe aussi dans tous les
rithmes. Bayer publia V Uranometria, ou la systèmes des satellites. En comparant la dis
figuré de toutes les constellations visibles en t tance et la durée des révolulions des satellite»
AST ( 127 ) AST
avec celle des planètes , il connut les densitésVénus en 1671 pour déterminer la distance
respectives , les masses du soleil et des pla du soleil à la terre. Il construisit également
nètes accompagnées de leurs satellites , ainsi des tables lunaires et solaires-
que l'intensité de leur force de gravité à leur Vers cette époque il s'éleva une dispute
surface. En considérant que les satellites se scientifique concernant la figure de la terre.
meuvent autour de leurs planètes à peu près Newton avait déterminé, par les lois de la
comme si ces planètes étaient immobiles, il gravité et le mouvement diurne de la terre ,
découvrit que tous ces corps obéissent à la que sa figure était celle d'un sphéroïde ellip
même force de gravitation vers le soleil. Mais tique aplati vers les pôles; mais Cassini, fils
presque toutes ses découvertes ne furent de Dominique Cassini, aidé des résultats des
qu'indiquées, à l'exception cependant de ce opérations faites par son père pour déterminer
qui concerne le mouvement elliptique des pla la longueur des degrés, soutint que la terre
nètes et des comètes , les découvertes de l'at était un sphéroïde oblong. Pour mettre fin à
traction des corps spliériques , de l'intensité cette discussion, il fut résolu, sous le règne
de gravité à la surface du soleil, et de l'attracde Louis XV, de mesurer deux degrés du
tion des planètes qui sont accompagnées de méridien, un près de l'équateur et l'autre
satellites. aussi près que possible du pôle. A cet effet
La découverte du télescope , le perfection l'Académie des Sciences de Paris envoya en
nement des instruments et l'établissement Laponie Maupertuis, Clairaut, Camus et Le-
d'un grand nombre d'observatoires fit faire de monnier; ils furent accompagnés par Onthier
grands progrès à la science ltomer, astro etCelsus, professeurs à Upsal; pour l'expé
nome danois , fut le premier qui employa un dition vers le Sud on désigna (îodin, La Con-
télescope méridien, et, en observant les damine et Bouguer, auxquels le roi d Espa
éclipses des satellites de Jupiter, il découvrit gne adjoignit Georges Juan et Antonio de
le mouvement de la lumière. llloa. Celte division partit ensemble en 1735
Flamsleed , astronome à l'observatoire de et revint individuellement en 174-4, 1745 et
Greenwich, donna un catalogue de trois mille i746.Mais la première expédition, parlie seu
étoilesavec leurs positions indiquées pour l'an lement en 1736, rentra l'année suivante, ayant
née li*89 j il construisit aussi de nouvelles ta achevé sa mission. Cassini et La Caille révi
bles solaires : ce fut sur ces tables que furent sèrent le travail de Picard sur la mesure des
basées celles de Halley, ainsi que la théorie degrés, et ils trouvèrent que, les erreurs cor
delà lune de Newton. Cassini se fit remar rigées, ses données coïncidaient avec les
quer à celte époque par ses nombreuses ob leurs, et le résultat définitif confirma la figure
servations du soleil, de la lune, des planètes, de la terre telle que l'avait pressentie Newton.
des comètes, et augmenta beaucoup les élé Dans l'expédition du Sud, on remarqua que
ments de leurs mouvements; il éleva un l'attraction des grandes montagnes du Pérou
gnomon et traça la fameuse méridienne dans avait un effet très sensible sur le fil à plomb,
ley
l'église
fut envoyé,
de Saiute-Pétronille,
à l'âge de vingt
à Boulogne.
et un ans,
Hal-à
en le faisant dévier de sept à huit secondes de
la vraie perpendiculaire.
l'ile Sainte- Hélène pour y observer les étoiles Bradley, par l'exactitude de ses observa
de l'hémisphère du Sud ; il en publia un cata tions minutieuses et réitérées , parvint à dé
logue en 1679, et quelques années plus tard, couvrir 1 aberration de la lumière et la mu
en 1090, il livra aux savants un ouvrage, tation de l'axe de la terre. Nevil Maskelyne
Synopsis astronomiœ comelicœ , dans lequel fut envoyé en 1765, par la Société royale de
il annonça le retour périodique d'une comète Londres, à Sainte-Hélène, pour y observer le
dans l'an 1757; mais, en 1758, Clairaut mon- passage de Vénus sur le soleil et le parallaxe
Ira qu'elle avait dû être retardée de six cent de l'étoile Sirius. Le premier objet de sa mis
dix-huit jours, à cause de l'action de Jupiter sion fut manqué par les nuages qui l'empê
et de Saturne. En effet elle ne passa au péri chèrent n'observer le point du second contact
hélie que vers le 12 mars 1759. Il découvrit interne; cependant son voyage ne fut pas
l'accélération du mouvement moyen de la inutile à la science par beaucoup d'autres ob
lune; il est auleur d'une méthode ingénieuse servations majeures dont il s'occupa. La So
pour trouver son parallaxe en observant trois ciété royale de Londres, à son retour, conçut
places d'une éclipse de soleil. Il montra l'u le projet de mesurer exactement l'effet de
sage que l'on pouvait faire du passage de quelques montagnes sur le fil à plomb, en le
AST ( 128 ) AST
faisant dévier plus ou moins de la perpendi delà de l'orbite d'Uranus, et quelques unes
culaire. L'Ecosse fut choisie pour le lieu des aussi au dedans de celui de Mercure ; car si
expériences, et on constata que la somme nous examinons la grandeur comparative
des déviations sur les deux côtés opposés était des orbites , il est probable que l'observa
environ de 11 secondes 3/5 d'un degré, ce qui teur placé dans Saturne ne verra aucune
prouva l'attraction générale de la matière. des planètes inférieures, excepté celle de Ju
Partant de cette base , Hulton calcula la den piter, dont la plus longue élongatiou est en
silé moyenne de toute la matière terrestre; viron de 37°. Mars ne serait aperçu quelque
il la trouva quatre fois et demie celle de l'eau fois qu'au moment où il traverse le disque du
commune. soleil. De même un observateur placé da.is
Les découvertes de Herschell, de Piazzi, de Jupiter verra Vénus ; placé sur Mars, il ne
Ilarding, d Olbers , formèrent une nouvelle verrait probablement jamais Mercure que
ère à 1 astronomie. Herschell, ayant construit lors de son passage sur le disque solaire. De
des télescopes d'une très grande puissance, même les planètes en dedans de Mercure ont
aperçut dans les cieux un monde nouveau. jusqu'à présent échappé à nos observations;
Le 13 mars 1781, il aperçut une nouvelle mais on marche avec confiance à de nouvelles
planète, qu'il nomma Georgeus Sidus; mais découvertes, et le zèle, l'activité, le génie
les autres astronomes la nommèrent Hers mis en usage par les astronomes de tous les
chell ou Urantts. On peut supposer que celte pays seront sans doute couronnés de succès.
planète est celle qui futaperçue par Flamsteed Parmi les astronomes dont les travaux ont
en 1690 , par Ma ver en 1750 , et par Monier fait faire dans le dernier siècle tant de progrès
en 1709 ; mais c'était à Herschell qu'était ré à l'astronomie , nous devons citer particuliè
servé l'honneur de reconnaître le premier que rement Maclaurin, Clairaut, Simpson, Wal-
ce corps lumineux était une planète primaire mesley, Euler, d'Alembert, Frizi, Lagrange,
appartenant au système solaire. Il découvrit Landen et Laplace. Simpson s'attacha, dans
également six satellites se mouvant à 1 entour ses travaux , à la théorie de la lune ; il dé
de celte planète, et il aperçut aussi deux sa montra que les effets de forces données étaient
tellites de plus à l'entour de Saturne ; ainsi en proportion avec le cosinus d'un arc z, et
Herschell découvrit neuf nouveaux corps de pouvaient s'expliquer par le moyen du cosinus
notre système planétaire. de cet arc et de ses multiples; il détermina
M. Piazzi découvrit à Palerme, le 1er jan ainsi un point très important, car depuis ce
vier 1801, le premier jour du xix* siècle, une moment on a reconnu qu'il n'entre dans l'é
autre planète dont l'orbite élail intermédiaire quation de l'orbite de la lune aucun terme qui,
entre ceux de Mars et de Jupiter. Celle pla augmentant ou diminuant, ne revienne après
nète avait été pressentie dès long-temps par un certain temps à sa valeur première. Il est
Maclaurin, Baxter, Lambert Hods, Zack et donc évident que le mouvement moyen et les
autres; celte découverte vint confirmer leurs quantités les plus grandes de plusieurs équa
calculs. Celte planète est appelée Ceres Fer- tions ne changent point par la pesanteur. Frizi
dinandia. Une autre petite planète fut décou appliqua également un pareil raisonnement
verte à Bremen le 28 mars 1802 par Olbers ; à l'obliquité de l'écliptique, qu'il nous dé
elle est nommée Paltas, et se trouve éloignée montra renfermée dans certaines limites. La
dusoleilit peu près autantqueCérès; leurs or place alla plus loin. Dans la marche générale
bites se coupent entre eux.Junon, autre très du système céleste, tout est en mouvement,
petite planète, fut aperçue le 1er septembre non seulement chaque corps, mais aussi le
180'* à Lehenthal par M. Harding; elle est plan de leurs orbites. L'action matérielle des
éloignée du soleil un peu plus que Cérès et Pal- planètes change la position des plans dans
las. Enfin ('esta, la quatrième de ces petites lesquels elles se meuvent, et elles sont sans
planètes, fut découverte par Olbers au com cesse entraînées d'une petite quantité sur un
mencement de l'année 1807. côté ou sur un autre du plan dans lequel elles
Il est probable qu'avec le perfectionnement resteraient continuellement si leur action
qui chaque jour est introduit dans la confec mutuelle venait à cesser. Les calculs de La
tion des instruments astronomiques on fera place, dans le premier livre de la Mécanique
de nouvelles découvertes, et que notre sys céleste, démontrent que l'inclinaison des or
tème s'agrandira par la découverte de nou bites dans le système planétaire est immuable,
velles planètes faisant leurs mouvements au- ou que les plans des orbites oscillent un peu
AST ( 129 AST
ôp l'un ou l'autre côte d'un plan fixe Si, sur attribuée à l'action des planètes sur la terre.
ce plan, tous les corps du système étaient Lagrange, profitant de celte remarque que
projetés par des perpendiculaires , et si la le calcul n'a jamais donné aucune inégalité
masse de chaque corps était multipliée par les que celles qui étaient périodiques, s'attacha
arcs directs dans un temps donné par les pro à la recherche du problème général, et il
jections tirées sur le, plan , la somme de tous trouva, par une méthode qui lui était per
ces produits serait un maximum. sonnelle, que les inégalités produites par l ac
L'attention des savants à cette époque était tion mutuelle des planètes doivent toutes être
captivée dans la recherche de la solution du périodiques, et que les changements pério
problème des trois corps entraînés dans l'es diques sont renfermés dans des bprnes étroites;
pace. Ce problème était ainsi conçu: Etant que jamais une planète n'a été et ne sera ja
données les masses, de trois eprps lancés de trois mais uue comète courant dans un orbite très
points connus, avec une lorce dont la quan excentrique; mais que le système planétaire
tité et la direction sont également connues, oscille comme s'il était entraîné à l'enlour
et supposant lus, corps tombant l'un après d'un centre dont il ne dévie jamais; que
l'autre avec des, forces qui sont en raison di- parmi tous les changements qui sont .causés
recle de leurs niasses et en raison inverse des par l'action mutuelle des-planète-, deux choses
carrés de ladistance, trouver les lignes décrites restent constamment les mêmes : .la longueur
par ces corps et marquer leur position à un du plus grand axe de l'ellipse décrite par la
mitant donné. Ce problème était rendu plus planète, et le temps périodique de la révolu
sênéral eu supposant le nombre des corps sur tion à lenteur du soleil,- ou, ce qui est la
passant trois. Les plus forts analystes n'ont même chose, la moyenne distance de chaque
pu résoudre le problème général ; mais Clai- planète au soleil et son mouvement moyen
raut, d'Alembert, Euler et autres résolurent ne changent point. Les plans des orbites va
le premier problème. Clairaut, sur la solution rient, les figures des ellipses et les excentri
de ce problème, basa une table complète de cités changent, mais jamais le grand axe ce
la lune, qui était beaucoup plus exacte que l'ellipse ni le temps employé par la planète a
tout ce qui avait paru jusqu'alors. Cependant faire sa révolution. La découverte de ce grand
cette exactitude fut encore dépassée parcelle principe , que nous envisageons comme lé
de Tobias Mayer, de Gottingue. Les tables boulevard qui assure de la stabilité à noln.
deMayer furent adoptées par le Bureau des système, en le défendant de tout accès du
longitudes . d'Angleterre, et, sur la. demande confusion et de désordre, rendra à jamais le
deTurgot, le Bureau des longitudes de France nom de Lagrange mémorable parmi les as
adopta celles d'Euler, qui étaient peut-être tronomes. Après la découverte de l'orbite
encore plus correctes. elliptique des planètes dû à la pesanteur, la
La théorie de la lune atteint un très haut découverte faite par Lagrange de leurs iné
degré de perfection, .et les tables construites galités périodiques est sans contredit une
par son moyen se trouvèrent donner la véri des plus belles de l'époque présente. A cette
table place de la lune à 3.0" près. Cependant découverte se trouve lie étroitement le théo
jusqu'à ce moment il existait une inégalité rème suivant, dû .aux recherches de La
dans le mouvement lunaire qui ne semblait place :. Si la masse de chaque planète est
pas dépendre de la pesanteur : c'était ce que .multipliée par le quart de l'excentricité de
l'on nomme l'accélération de la lune. Halley l'orbite, et le produit multiplié également par
et plusieurs autres firent plusieurs essais pour la racine carrée de l'axe du même orbite , la
expliquer ce phénomène. Il fut enfin résolu somme de toutes ces quantités ajoutées toutes
par Laplace d'une manière, satisfaisante, qui ensemble restera toujours, la même; celte
acheva par là la. théorie de la lune cent ans somme a une valeur .constante que l'action
après qu'elle avait été), proposée par Newton des planètes ne peut pas changer. De là au
dans la première édition des, Principia. cune excentricité ne peut s'augmenter d'une
La théorie des forces divergentes qui se que grande
planète
valeur,
estcar
donnée
comme aussi
la masse
bien de
quecha
ses-
rapportent à l'attraction des planètes pri
maires fut le sujet des recherches dçs savants axes, le carré de l'excentricité de chacune est
■II- 17i0 à 1780. Dans le cours de ces recher | multiplié par un coefficient connu, et la
ches la variation dans l'obliquité de l'écl in somme de tous les produits ainsi formée ne
titule pressentie fut parfaitement reconnue, et peut pas changer.
Enr-irl. i'.h XIX' siècle, t. IV. y
AST ( «30 ) AST
Une autre théorie, celle des marées, re dos observations dont ces théories se compo
cherchée par Newton, n'était pas depuis lors sent. Donner plus d'étendue à ce résumé de
expliquée clairement. L'état des sciences l'histoirede cette science serait superflu, puis
mécaniques et mathématiques n'avait pas que notre but n'a élé dans cet article que do
permis de déterminer d'une manière satisfai montrer parquelles voies lentes et multipliées
sante le mouvement d'un fluide soumis à l'in l'esprit humain a pu arriver à la connais
fluence de trois pesanteurs ayant de plus un sance des lois qui régissent les corps célestes.
mouvement de rotation. Les dissertations de L'explication du système planétaire est au
Bernoulli, Euler et Maclaurin, qui dispu jourd'hui une vérité mathématiquement dé
tèrent le prix à celle de Cavallerie sur les montrée, car, d'après les lois et faits recon
principes des tourbillons, furent admirables ; nus et incontestables , il serait physiquement
mais ce fut Laplace qui le premier rendit impossible qu'il fût autre dans son ensemble
compte de tous les principes de celte question général et particulier. Bien des découvertes
ardue dans une série de mémoires commu se présenteront encore à l'attention des ob
niqués à l'Académie des Sciences en 1775 et servateurs; elles augmenteront sans doute les
1779; ces mémoires, réunis et augmentés, rouages de notre système, mais ne pourront
forment
leste. Frizi,Walmsley,
le quatrième livre
d'Alembert,
de la Mécanique
Young ob
cé- jamais rien changer à ses principes, aujour
d'hui immuables.
servèrent avec attention le phénomène de la L'astronomie se divise en trois branches :
procession des équinoxes; l'espace nous man Yastronomie sphérique ou expérimentale , qui
que pour rendre compte de leurs immenses traite des observations sensibles du ciel, de
travaux. la position des astres sur la sphère céleste ap
La mesure de la terre occupa long-temps parente ; l'astronomie théorique ou scientifique,
les astronomes français. Fernel mesura un qui examine toutes les questions de l'astro
degré entre Paris et Amiens ; l'astronome nomie en général et les résout par le secours
Picard mesura le degré également de Paris à des mathématiques; et enfin l'astronomie
Amiens. Lahire continua la mesure de Picard physique, qui traite des lois suprêmes des
jusqu à Dunkerque, et Cassini jusqu'à Per mouvements combinés des astres, et analyse,
pignan. Méchain et Delambre continuèrent d'après les lois de la mécanique, les phénomè
l'opération de leurs devanciers, et ils me nes de l'attraction réciproquedes corps céles
surèrent la distance entre Dunkerque et tes, ainsi que les règles qui lui sont applicables.
Montjouy, près de Barcelone. Après la mort Telle est l'histoire abrégée de la science
de Méchain, due en partie aux fatigues d'un de l'astronomie, dont l'étude fournit un spec
aussi grand travail, MM. Biot et Arago con tacle admirable, qui, en ouvrant une vaste
tinuèrent la méridienne depuis Montjouy carrière à l'imagination, repose aussi le cœur
jusqu'à la côte de Valence, el de là jusqu'à si souvent froissé des désordres qui troublent
la petite île de Formentera , dans la Médi le bonheur de l'homme. Comme Socrate ,
terranée. Le dernier triangle est immense : l'astronome se reconnaît citoyen de l'univers,
il avait son sommet à Formentera et sa base car rien n'est plus beau, plus imposant que
à la côte d'Espagne; un de ses côtés avait le spectacle de ces corps lumineux qui rou
kl lieues de long. 11 fallait employer les si lent sans cesse sur nos têtes. « La main de
gnaux déjà mis en usage par Delambre et se » l'Éternel les y a établis comme des hérauts
servir de lampes à réflecteur parabolique, » célestes, dit Massillon, qui ne cessent d'an-
qui, renvoyant les rayons parallèlement, bril » noncer à tout l'univers sa grandeur; leur
lent de l'éclat le plus vif dans la direction de » silence auguste parle la langue de tous les
l'axe du miroir. Ces deux savants, et surtout » hommes et de toutes les nations; c'est une
M. Arago, furent exposés dans le cours de » voix entendue partout où la terre nourrit
cette opération laborieuse, à des dangers de » des habitants. Qu'on parcoure les exlré-
toute nature. » mités les plus reculées de la terre et les
Dans ces derniers temps plusieurs savants » plus désertes; nul lieu dans l'univers, quel-
ont dignement concouru à illustrer l'astrono » que caché qu'il soit au reste des hommes,
mie par des travaux éminents. Mais nous som » ne peut se dérober à l'éclat de celle puis-
mes arrivés à une époque où l'astronomie n'a » sance qui brille au-dessus de nous dans les
plus d'histoire ; ce n'est plusque le développe » globes lumineux qui décorent le firma-
ment des théories et l'exposilion scientifique » nient. Voilà le premier livre que Dieu a
AST ( 131 ) AST
•v ce
montré
qu'il était
aux ;hommes
c'est là qu'ils
pour leur
étudièrent
apprendre
d'a- bibliographique de tous les auteurs qui en ont
parlé depuis 1494. Cet ouvrage remarquable
■ bord ce qu'il voulait leur manifester de ses se compose de 9 livres; le premier et les cinq
■ perfections infinies ; c'est à la vue de ces derniers sont entièrement consacrés à des re
> grands objets que, frappés d'admiration et cherches historiques, critiques, philosophiques
> d'une crainte respectueuse, ils se proster- et bibliographiques. L'auteur est pour l'ori
■ liaient pour adorer l'Auteur tout-puissant. gine américaine de la syphilis. Astruc a pris
•■• suprême
et
instruire
11 de
ne l'univers
leur
Vicomte
: de
lafallait
ce
structure
lequ'ils
Ad.
leur
pasde
devaient
apprenait
de
admirable
Poivtécoulaivt.
prophète
à assez.
lades
pour
majesté
cieux
» les part aux débals de la Faculté de Paris avec
la corporation des chirurgiens, et publié
Cinq lettres dans le procès des médecins et de»
chirurgiens , Paris, 1737-1738, in-4° , et au
tres écrits polémiques qui n'ont plus d'intérêt
ASTKl C (Jean), l'un des médecins les aujourd'hui ; mais ses Mémoires pour servir
pluséruditsdu siècle dernier, naquit à Sauve, à l'histoire de la Faculté de médecine de Mont
dans le Bas- Languedoc , le 19 mars 1084. pellier, revus et publiés par Lorry , Paris ,
Après avoir fait ses humanités sous la direc 1767, iii-4°, en conserveront toujours. Il a
tion de son père, ministre protestant, qui encore publié : Conjectures sur les mémoires
avait abjuré avant la révocation de 1 édit de originaux dont il parait que Mo'ise s'est servi
Nantes, le jeune Astruc se rendit à Montpel pour composer la Genèse, avec des remar
lier pour étudier la philosophie , et fut reçu ques, etc., Paris, 1753, in-12; Diss. sur l'im
maître ès-arts en 1700. Son goût l'entraîna à mortalité et l'immatérialité de l'dme, Paris,
suivre la médecine; il obtint en 1703 le grade 1755. Parmi le grand nombre des publi
dedocleur. Proposé pour suppléer Chirac, en cations médicales d'Astruc, son Traité des
1706, à la Faculté de Montpellier, il s'acquitta maladies des femmes, Paris, 1761, 6 vol., mé
de ces fonctions jusqu'en 1710, qu'il obtint, rite encore d'être consulté, surtout pour l'é
au concours , la chaire d'anatomie de Tou rudition qui l'enrichit. Abchahbatjlt.
louse. 11 revint ensuite à Montpellier prendre ASTURIES. Le nom qui a été donné à
une place de professeur, devenue vacante eu cette contrée remonte à une date fort éloi
1716. La réputation d'Astruc s'étendit de gnée. Les Romains nous ont transmis le nom
plus en plus, les grâces vinrent le trouver; d'Astures qu'ils avaient donné aux peuples
une pension et le titre de médecin inspecteur indigènes de celte partie de la Cantabrie, et
des eaux minérales du Languedoc lui furent Silius Italiens prétend que le nom d'Astures
accordés. Mais il s'aperçut que ses recher venait d'Astur ou Aslyr, cocher de Memnon.
ches littéraires se ressentaient des ressources Celte prétention est sans doute peu fondée ,
peu étendues que lui offrait la province ; il et il n'est pas nécessaire, pour regarder les
se décida à venir mettre à profit les riches peuples d'Asturie comme d'anciens peuples,
bibliothèques de la capitale. A peine arrivé à de leur fabriquer une généalogie aussi anti
Paris, les honneurs et la fortune comblèrent que. Les Astures occupaient non seulement
ses espérances. Les titres de médecin du roi les pays désignés actuellement sous le nom
de Pologne, de capitoul de la ville de Tou d'Asturies, mais encore une grande partie
louse, de médecin consultant du roi, de pro des provincesqui se trouvent au midi de celle
fesseur au Collège de France, de docteur contrée, et principalement le royaume de
régent de la Faculté de Paris, lui furentsueces- Léon. C'est dans ce dernier royaume que l'on
sivement accordés. L'ardeur du travail pour retrouve presque toutes les villes indiquées
suivit Astruc jusqu'à sa mort, qui arriva à un comme faisant partie des Astures Auguslani;
âge avancé (quatre-vingt-deux ans), le 5 les Asturies en-deçà des montagnes ( Astures
mai 1766. Le mérite d'Astruc comme mé transmontani ) occupent le lieu qui s'appelle
decin n'inspire plus aujourd'hui le même encore aujourd hui du même nom, et dont
enthousiasme : le temps a fait justice de 1 exa nous nous occupons plus spécialement. La
gération des contemporains; mais ce que la nomenclature latine fournit les noms de plu
postérité ne saurait lui refuser, c'est une vaste sieurs de leurs villes, telles que- 1° Lucus
érudition, fruit de consciencieuses lectures , Asturum, Ovicdo ;2° Flavionavia Pœsicorum,
et dont il adonné des preuves dans son traité Aviles; 3° Pelontium Lingonum, Ablans , etc.
Dtmorbis venereis, dans lequel ou trouve On y trouve aussi le nom de la rivière Astura,
1 historique de celle maladie, et l'indication aujourd hui Asturio.
AST ( 132 ) AST
Pour les Astures Augustani, citons à l'ap toires, et se répandaient dans les campagne;
pui de ce que nous disions sur leur position ennemies qu ilsravageaient ; s'ils parvenaient
géographique Atlurica Augvsta<■, Astorga , à battre les forces qu'on envoyait contre eux,
dans le royaume de Léon, et Interamnium ils les poursuivaient sans relâche tant qu'un
Flavium, Ponferrada, dans le même pays. échec ne venait pas les arrêter ; poursuivis à
L'Aslurie moderne, moins étendue que leur tour, ils échappaient facilement à leurs
l'ancienne, se trouve enclavée entre l'Océan adversaires avec celte agilité et cette rapi
qui la borne au N. , la Vieille-Caslilic et le dité que donne l'habitude de parcourir sans
royaume de Léon au S. ; la Galice à l'O. , cesse les montagnes. Jamais on ne pouvait
et les provinces basques à !'E. : les rôles of les saisir, et si l'on avait l'imprudence de
frent 45 lieues d'étendue. Ce pays, tel qu'il s'engager dans les défilés, on se trouvait sur
existe actuellement, se divise encore en deux pris à l'improviste et poursuivi de nouveau
parties inégales, mais qui diffèrent essentiel par d'autres bandes; c'était une guerre de
lement de sa division sous les Romains. Une marches continuelles et d'escarmouches sans
de ses parties occupe la contrée de l'ouest, la résultat. Flocii.
plus rapprochée de la Galice, et s'appelle ASTYAGE. Selon Hérodote, ceprincefut
ï'Asturie d Oviédo , du nom de son chef-lieu, vaincu et détrôné par Cyrus, et avec lui finit
qui est la capitale de toute la principauté; l'empire
traire, il des
était
Mèdes.
le père
Selon
de Maudane,
Xénophon,qui,
aucon-
par
l'autre est la province de Santillane, dont la
capitale porte le même nom ; ce pays est à son mariage avec Cambyse, roi de Perse,
l'est du premier, et limitrophe des provinces donna le jour à Cyrus, et de Cyaxare , qui
basques. De nombreuses ramificalions des lui succéda au trône de Médie. Ni l'un ni
Pyrénées sillonnent la contrée dans tous les l'autre des deux auteurs ne donnent beau
sens; aussi l'air y est souvent froid, cl comme coup de détails sur Astyage , dont le nom ne
l'atmosphère de l'Océan se mêle à la tempé se rencontre qu'à l'occasion de celui deCyrns.
rature des montagnes, il en résulte une hu On pourra voir dans la biographie de ce der
midité presque perpétuelle qui heureusement nier prince ce que rapporte Xénophon des
n'a pas pour la culture les mêmes désavan prodiges qui précédèrent sa naissance et de
tages que dans les régions plus élevées vers son séjour chez Aslyage.
le pôle. Les pâturages y sont très beaux et A STYAXAX, fils unique d'Hector et d'A>
d'une qualité excellent .■ ; on y élève de nom dromaque. Après la prise et le saccagemeut
breux bestiaux qui par leur beauté et leur de Troie, ce jeune prince donna de vives in
vigueur constatent la supériorité du pays quiétudes aux Grecs, parce que Calchas avait
pour cette branche d'industrie ; les chevaux prédit que, s'il vivait, il effacerait son pèro
surtout y sont remarquables. en bravoure , serait le vengeur de sa mort,
Le chanvre et le lin fournissent d'abondantes relèverait les murailles d'Ilion et rendrait
récoltes; les fruits du reste de l'Espagne n'y son ancien éclat à cette ville malheureuse.
viennent qu'avec peine et en petite [uantilè. . Andromaque, pour soustraire son fils aux
Les montagnes, couvertes de hêtres, d'érables, regards des Grecs , le cacha dans le tombeau
de châtaigniers, fournissent en outre les es d'Hector ; mais le vigilant Ulysse, l'y décou
sences les plus propres aux constructions ma vrit, et eut la cruauté de le précipiter du
ritimes. haut des murs de Troie. Ce fut , selon Ser-
Les Asluriens, au nombre de 364 à 365,000 vius , Ménélas qui commit ce crime; ce fut
se regardent comme les véritables descen Pyrrhus, selon Pausauias.
dants des Goths, sans mélange de Juifs ou D'après quelques auteurs , un autre enfant
d'Arabes; car on sait qu'après la conquêtede fut mis à la place d'Astyanax, qui suivit sa
l'Espagne pur ces derniers, les Goths, qui te mère en Epire. Cette dernière tradition a été
naient encore à leur nationalité, se réfugiè adoptée par Racine, dans son admirable tra
rent de toutes les parties de l'Espagne dans gédie
ASYMPTOTE.
d' Andromaque. On appelle asymptote
Fr. G.
les Asturies, où les montagnes leur permet
taient de vivre indépendants. Ils mirent à d'une courbe une droite d>: laquelle cette
leur tête Pelage, cousin du dernier roi, et ne courbe s'approche de plus en plus, et peut ap
cessèrent sous sa conduite de harceler les procher au-delà de toute quantité donnée
Arabes des frontières. Ils se formaient en pe sans
M.jamais
Cauchyl'atteindre.
a donné la méthode suivante
tits corps de troupes, disent les anciennes his
ASY ( 133 ) ASY
pour trouver les asymptotes d'une courbe ou bien
plane rapportée à des coordonnées reclili- y = C x -f D.
gnes. Considérons d'abord les asymptotes non En posant D = y' — Cx, C se déterminera
parallèles à l'axe des y, et soit d'après les méthodes connues pour mener
y = cx-f- d des tangentes. Il s'agit de savoir ce que de
l'équation de l'une d'elles. En désignant par X viennent G et D lorsque x1 — ± oc.
la fonction de x qu'il faut ajouter, pour une En prenant la valeur de C ou a
même abscisse, à l'ordonnée de la droite, afin
?/ IL
qu'elle devienne l'ordonnée de la courbe x' ' x'
celle-ci sera : C=
y = cx-f-d+X,
et l'on devra avoir X = o lorsque x = zt ce. x.
5-t
\te l'équation on tire : Si l'on désigne par c ce que devient C lors-
rf-f-X que xf = dboo , on aura c = —,y' en obser-
, d = y — ex — X.
d-|-X vant que -, = 0 ; —> = 0, puisque x et y no
A mesure que se augmente, X et ——— con- SC Ou
3C
UTgent vers zéro. On aura donc pour valeurs sont pas infinies.
On trouvera, comme plus haut, la valeur
lie c et de d ce que deviennent - et y — ex de D, qui répond à x1 — ± co.
lorsque x = ±. ao , x et y étant prises dans En changeant, dans ce qui vient d'être dit,
'équation de la courbe. x en y et y en x, on aura les asymptotes non
Après avoir déterminé c, on mettra sa va parallèles à l'axe des x.
leur, si elle est réelle, dans d = y — ex; on Soit, par exemple, la courbe dont l'équa
prendra la valeur de y. qui est c x-\- d, on tion est
la portera dans l'équation delà courbe, et l'on
verra ce que devient d lorsque x = dz ce. y = l/V + jr sin y-^pf,
On peut considérer les asymptotes comme
en divisant par x on a
des tangentes dont le point de contact s'éloi
gne à une distance infinie de l'origine. des -f- 2- sin , .. .
coordonnées, et pour les trouver d'après celte 1 x> \/x* + y
considération on est conduit aux mêmes règles et lorsque x = so , - = 0, d'où e = 0 Alors
que ci-dessus. En effet, l'équation d'une tan
gente en un point x1, y', est y = c x -\- d devient y = d. Portant cette
y — y' = C (x — x'), valeur de y dans l'équation de la courbe, on a
a a1 |
d = 1/ x> 4- d' sin . 7=7=7 ~ "a 2-3 (x' -H')"1"""
d'Egypte, assemblés à Alexandrie, l'élurent des faits avérés, dans les actes do leur con
du
iiii.mi
peuple.
nienElevé
t , auxsur
acclamations
le siège patriarcal,
du clergé un
et cile. Appelés par l'empereur à Jérusalem
pour la dédicace de l'église qu'il y avait fa.t
des premiers soins de saint Athauase fut de bâtir, ils y tiennent un autre concile, et, en
visiter avec quelques membres de son clergé couragés par leur premier succès, ils procla
les Eglises de la Thébaïde pour y ruffermir la ment Ai'ius orthodoxe et le reçoivent à la
foi et y rétablir la discipline ; et c'est le pre communion ecclésiastique.
mier exemple connu des visites patriarcales Pendant ce temps, saint Athanase, qui s'é
plus tard si recommandées par les saints ca tait enfui de Tyr, se rend à Constanlinople ,
nons. et se présente à Constantin pour lui demande;'
Cependant les ariens, forcés par l'autorité justice. L'empereur appelle à Constanlino
de Constantin de dissimuler leurs vrais sen ple les évéques qui ont condamné saint Atha
timents, mais toujours ennemis de la doctrine nase. Ceux-ci, trop artificieux pour revenir
catholique sur la divinité de Jésus-Christ, sur des accusations si manifestement fausses,
cherchèrent à se venger de leur condamna inventent de nouvelles calomnies, et accusent
tion sur saint Allianase. Constantin les secon le patriarche d'avoir menacé d'empêcher que
dait >ans le savoir. Trompé par des promes le blé fût transporté d Alexandrie à Constan
ses artificieuses et séduit par des désirs linople. C'était frapper au cœur Constantin .
malentendus de paix, il rappelle A ri us de son si jaloux de son autorité et de la gloire de la
exil (327j, rétablit sur leurs sièges Eusèbe et nouvelle Home qu'il avait bâtie. Sans exami
Thèognis, deux des principaux chefs du parti ner les fondements d'une accusation si in
arien, et presse saint Allianase de recevoir vraisemblable et malgré les protestations de
l'hérésiarque à la communion ecclésiastique. saint Athanase, il le relègue à Trêves (336).
Mais le courageux patriarche refuse, et tel Le patriarche y fut reçu avec toute sorte
fut le prétexte de la persécution dirigée con d'honneur et de respect. Pendant son absence,
tre lui. Eusèbe de Nicomédie, le plus artifi le peuple d'Alexandrie demeure fidèle à son
cieux des hommes, n'ayant pu le séduire, le évêque, malgré la persécution que lui attire
fait accuser devant l'empereur. Cilé à Nico- sa fidélité ; il écrit à l'empereur pour sollici
roèdie, le patriarche comparait, et confond ter le rappel de saint Athanase; saint An
ses ennemis avec tant de force que son in toine joint ses instances à celles des Gdèles
nocence est solennellement proclamée, et pour l'obtenir. Constantin le refuse d'abord ;
qu'il est renvoyé en Egypte avec une lettre mais bientôt, près de mourir, il signe l'ordre
flatteuse, où il est appelé l'homme de Dieu. de rappel malgré l'opposition d Eusèbe de Ni-
Maigre le mauvais succès de cette intrigue , comèdie ; mais cet ordre ne put être exécute
Eusèbe ne se rebute pas. Saint Athanase, ac avantsamort,quiarrivalo22mai de l'an 337.
cusé de nouveau, reçoit l'ordre d'aller se Les ariens, irrités du rétablissement de
justiGer devant un concile qui se tenait à Cé- saint Athanase, firent jouer de nouveaux res
saree. Athanase ne s'y rend pas, dans la con sorts pour le perdre. Ils mirent facilement dans
viction que, cité devant des ennemis, il n'au leurs intérêts Constance, prince cruel et lé
rait pas la liberté de se défendre. Constantin ger, dominé par sa femme, qui l'était elle-
s en irrite, convoque lui-même un concile à même par des eunuques. Ils renouvelèrent
Tyr (33o), et ordonne au patriarche d'y aller, leurs accusations auprès des trois empereurs
sous peine d'encourir son indignation. De fils de Constantin. Constantin -le -Jeune et
vant ce concile, presque tout composé d'a Constant les méprisent; mais Constance y
riens, saint Athanase est traité comme cou prêta l'oreille, et permit d'élire un prêtre
pable avant d'avoir été entendu, et récuse en nommé Pistus à la place du saint archevê
vain pour juges ses ennemis déclarés. Cepen que. Mais saint Athanase réunit à Alexandrie
dant il démontre pur des témoignages et des un concile de cent évéques, où la foi de Nicéo
faits irrécusables l'absurdité des calomnies fut proclamée et son innocence reconnue
inventées contre lui, puisqu'il fait comparaî (339). Le concile adressa à tous les évéques
tre devant ses juges un évèque qu'on l'accu du monde des lettres où les calomnies des
sait d'avoir assassiné. Mais les ariens devenus ariens étaient dévoilées, et les envoya à Home
plus furieux se jettent sur lui, le condamnent, par des prêtres d'Alexandrie. Les ariens, qui
le déposent, et poussent l'audace ou la dè- s'étaient aussi rendus dans la capitale du
mencejusqu'à insérer leurs calomnies, comme monde chrétien, confondus sur tous les point.-.
ATFI ( 142 ) ATH
demandèrent un concile au pape et puis re Alexandrie, il en assemble lui-même un aulre
fusèrent d'y venir. Jules, qui occupait alors (3V9), où sont reçus et confirmés encore les
le Saint-Siège, le convoque à Komc; saint mêmes décrets , et s'emploie »out entier à
Allianase y amène avec lui des solitaires- réparer les ravages de l'hérésie arienne.
d'Egypte qui firent connaître la vie monas On a fait à saint Atlianase un reproche de
tique en Occident, où elle était encore incon l'ardeur infatigable avec laquelle il poursui
nue et où elle jeta depuis un si grand éclat. vit l'arianisme; mais si l'on considère que
La cause de saint Alhanase est mûrement celte hérésie si astucieuse et si puissante, en
examinée dans le concile de Home; il y est niant la divinité de Jésus-Christ, anéantis
pleinement justifié, et confirmé dans la com sait la Rédemption, détruisait le caractère
muniou de l'Eglise. Mais pendant sa trop longue distinclif de la religion chrétienne et la ré
absence d'Alexandrie, les ariens brouillaient duisait à une espèce de déisme, cette ardeur
tout en Orient. Dans un concile assemblé à devient un des plus beaux titres de sa gloire.
Anlioche, ils déposèrent le saint patriarche, Du reste, inflexible contre l'erreur, mais tou
élurent à sa place un Grégoire de Cappadoce, jours modéré envers les personnes, s'il dé
qu'ils placèrent sur le siège patriarcal par la voila les ruses et les calomnies des ariens, il
force des armes et qui ne s'y soutint que par s arrêta toujours à ce que réclamaient im
la violence. Saint Atlianase, encore une fois périeusement les besoins de la défense et les
chassé de son Eglise, revient à Rome, et puis intérêts de la foi; il raconta avec répugnance
va à Milan, de là en France, euDn à Aquilée, et avec une extrême réserve la mort honteuse
pour y attendre des temps meilleurs. Il de d'Arius pour ne pas paraître insulter au
meura environ trois ans hors d'Alexandrie. malheur, et, dans son apologie à Constance,
Cependant l'empereur Constant, vraiment écrite quelque temps après, il put se rendre
zélé pour la foi et outré de tant d'injustice, le témoignage, qui est la plus belle preuve de
prend en main la cause du grand patriarche, son innocence et de la grandeur de son âme,
et presse son frère Constance de le seconder de n'avoir jamais révélé à l'empereur les
dans la convocation d'un concile général. crimes de ses ennemis, ni jamais cherché à
Tous les évéques du monde y furent appelés, leur nuire.
et le concile se tint à Sardique l'an 347. Les La conduite des ariens était bien diffé
ariens, qui s'aperçurent bientôt qu'ils n'y rente. Ursaceet Valens, deux des principaux
seraient pas les maîtres, refusèrent de se fauteurs de l'hérésie, se rétraclent (3V9), re
réunir aux autres évoques et s'enfuirent pen connaissent leurs calomnies, écrivent des
dant la nuit pour aller tenir un conciliabule lettres de communion à saint Atlianase; mais
à Philippopolis. Malgré leur absence , on ils se démentirent bientôt. Constance, de
instruisit à Sardique l'affaire de saint Atlia venu, par la mort de Constant, maître de
nase; son innocence est reconnue, et sa foi tout l'empire , dissimula pendant quelque
proclamée la foi de l'Eglise. L'empereur temps sa haine contre le patriarche d'Alexan
Constant appuie les décrets du concile auprès drie, et puis la poussa jusqu'à se déclarer sou
de Constance, et le menace de lui déclarer la ennemi personnel et se faire son accusateur.
guerre s'il ne rétablit saint Atlianase sur son Il le fit condamner dans les synodes d'Arles
siège. Grégoire , qui en était l'usurpateur, (33J) et de Milan (355), bannit plusieurs
étant mort, Constance, qui n'a aucun pré évéques d'Italie qui ne voulurent pas sou
texte à opposer au rappel du saint patriar scrire à ces condamnations , chercha à sé
che, entre dans les vues de son frère. Il écrit duire par des caresses et par des présents le
trois fois à saint Atlianase pour se réconcilier pape Libère, et puis l'envoya en exil. C'est
avec lui et le presse de retourner à Alexan l'époque de la plus grande tentation de l'E
drie. Le patriarche, qui voulait mettre lin glise. Soit faiblesse et ennui de l'exil, soit
aux intrigues des ariens, va trouver à Home qu'il fût trompé sur les véritables dispositions
le pape Jules, qui lui remet des lettres de des ariens, le pape Libère communique avec
félicilation pour son Eglise. Comblé d'hon eux et se sépare de la communion d'Allia-
neurs par Constance lui-même, il en reçoit le nase. La longue vertu du vieillard Osiuscède
serment de ne plus écouler les accusations de à la rigueur des tourments (337:. Le concile
ses ennemis. Il passe en Palestine, fait tenir de Rimini, d'abord si ferme, affaibli par la
un concile à Jérusalem , où sont confirmés violence, souscrit à des formules captieuses ;
les décrets de Sardique. A peine arrivé à et les ariens semblent ne plus douter de leur
ATII ( 143) ath
triomplic. Mais bienlût le pape et les évéques donner une exposition de la vraie foi et do
qui ont assisté à ce concile, indignement lui tracer la conduite qu'il doit suivre dans
trompés, prolestent contre l'erreur dont on la direction des affaires de l'Eglise. Saint
veut les rendre complices, et donnent partout Athanase, pour donner plus d'autorité à sa
des témoignages éclatants de la pureté de réponse, la voulut faire dans un concile. C'é
leur foi. tait un temps de repos pour l'Eglise; mais ce
Constance, qui remplissait l'Église de trou 'temps, comme celui du règne de Jovien, fut
bles, la poursuivait avec plus de fureur que 1res court. Valens, à qui Valentinien avait
jamais dans saint Athanase, qu'il voulut Faire cédé l'Orient, renouvela bientôt la persécu
encore une fois chasser d'Alexandrie. Saint tion contre l'Eglise, et voulut encore proscrire
Antoine sort en vain de son désert pour pren Athanase, qui sort en secret d'Alexandrie et
dre la défense du saint patriarche. Menacé demeure quatre mois enfermé dans le tom
par le préfet d'Egypte et assiégé pendant la beau de son-père. Ce fut la dernière épreuve
nuit dans une église, où les soldats se livrent de sa vie. Le peuple demande à grands cris son
à d'horribles excès, saint Athanase parvient patriarche. Valens, par la crainte d'une sé
à se sauver, se retire dans les déserts d'E dition, cède malgré lui aux désirs des fidèles
gypte, et, poursuivi là encore, s'enfonce dans et permet à saint Athanase de demeurer en
une solitude plus profonde, où il ne voyait paix à Alexandrie. Le saint patriarche y vécut
que le fidèle qui se chargeait de ses lettres et encore plusieurs années, tenant des conciles,
lui portait les choses nécessaires à la vie. II y écrivant des livres, réfutant les hérétiques,
demeura environ six ans. Pendant ce temps visitant les Eglises, édifiant son peuple par
les ariens choisirent pour lui succéder un ses discours et par une vie admirable. Sa mort
certain Georges, aussi cruel que Grégoire, (373) fut aussi calme que sa vie avait été agitée,
et qui fut massacré par les païens. et ses funérailles célébrées avec une pompe
La mort de Constance (361) et la permis extraordinaire par le peuple d'Alexandrie.
sion que Julien donna aux évéques de retour C'est ce qui résume son éloge et y met le
ner dansleursEglisessuspendirent un moment comble. Le plus grand prodige de sa vertu
la proscription du saint patriarche-, il accou est en effet d'avoir su fixer l'inconstance de
rut à Alexandrie, où son entrée fut un véri ce peuple léger, qui cependant lui demeura
table triomphe. Il profita des premiers mo toujours fidèle et porla le dévouement jus
ments pour y célébrer un concile où les qu'à s'estimer heureux de s'exposer à tout et
ariens furent encore condamnés, et avec de tout souffrir pour rendre témoignage à la
eux ceux qui niaient la divinité du Saint-Es vertu de son évoque et à la pureté de sa foi.
prit, et où furent établies des règles de disci Saint Athanase avait occupé plus de quarante-
pline sages et modérées qui furent depuis ap six ans le siège d'Alexandrie.
prouvées par l'Eglise entière. Les écrits de saint Athanase se distinguent
Sous Julien l'arianisme est confondu, mais par une dialectique puissante et une connais
les païens se soulèvent. Ils dénoncent saint sance profonde des mystères de la religion.
Athanase à l'empereur, ajoutant (pic, s'il S'il prouve contre les ariens la divinité do
reste quelque temps encore dans Alexandrie, Jésus-Christ par l'Ecriture, il n'en allègue
c'en est fait du culte des dieux. Julien, qui pas des passages isolés et sans suite ; il les
avait levé le masque, ordonne au patriarche présente dans leur ensemble, les soutient et
de quitter celte ville sous peine de perdre la les explique les uns par les autres, justifie
vie. Saint Athanase sort d'Alexandrie en as l'interprétation catholique par l'économie
surant aux fidèles que la persécution passe entière du christianisme , et montre que la
rait vite. Il rentre, se cache dans l'intérieur consubstantialité du Verbe est en mémo
de la ville, et puis s'enfonce encore dans le temps le fond de la religion et l'âme de ces
désert. A la première nouvelle de la mort de divins livres. S'il appuie la doctrine de Nicée
Julien (363), il revient à Alexandrie, où son sur la tradition constante des Pères, sur la foi
retour cause autant de joie que de surprise. publique de l'Eglise de son temps, il ne s'ar
Jovien, qui, dès les premiers jours de son rête pas là et fait un livre entier pour justi
règne, avait révoqué la sentence de bannis fier Denis d'Alexandrie que les ariens avaient
sement du saint patriarche, lui écrit les lettres voulu tirer de leur côté. Comme le terme do
le» plus flatteuses, et ensuite le prie de lui consubstantiel, consacré par le concile, seni
ATII ( 144 ) ATM
Liait fournir le prétexte d'accuser 1 Eglise S'il est la sagesse, la vertu , la raison du
d'innovation , il répond à ce reproche dans père et sa parole intérieure, il est donc une
des traités exprès : il observe que ce terme même nature avec lui et éternel comme lui ,
n'a été adopté que pour exprimer d'une à moins qu'on no dise que Dieu a été quelque
manière plus précise la doctrine catholique temps sans sagesse ou que sa sagesse lui est
contre une hérésie nouvelle, et couper par là étrangère. Vainement, pour s'échapper, les
tout faux-fuyant à l'erreur; que si ce terme ariens distinguent-ils deux Verbes et deux
n'est pas dans l'Ecriture, ce n'est pas aux sagesses; l'Ecriture ne connaît pas celte dis
ariens un motif de le rejeter, puisqu'ils se tinction, et le même Verbe qui est dit être
servent eux-mêmes d'expressions qui ne sont au commencement dans le sein de Dieu est
pas dans l'Ecriture; il prouve que, du reste, celui qui est dit avoir été fait chair et avoir
si le mot ne se lit pas dans les livres saints , habité parmi nous.
la chose y est enseignée en termes équiva Enfin, si Jésus-Christ est Dieu et doit être
lents; qu'enfin le concile de Nicèe n'est pas ainsi appelé, il l'est donc véritablement , et
l'auteur de cette expression , que les ariens Dieu unique avec son père , puisque le chris
les
crite
plus
eux-mêmes
éclairés l'avouent
, et qu'elle
, qu'ils
a été l'ont
employée
sous tianisme ne reconnaît qu'un seul Dieu. S'il
doit être adoré et si la Trinité entière est l'ob
par les Pères les plus anciens et les plus au jet de l'adoration commune du chrétien .
torisés. Ainsi il ne laisse aucune ressource à comme elle l'est de la consécration dans le
l'arianismc contre la foi catholique ; il fait saint baptême , elle est donc le Dieu unique
plus : les ariens , comme tous les hérétiques et véritable, puisque les chrétiens ont tou
que la Providence empêche d'aller aussi loin jours fait profession de n'adorer qu'un seul
qu'ils le voudraient, tout en niant la vérité Dieu et de n'être consacrés qu'à lui. Autre
et l'éternité de la nature divine en Jésus- ment, si le Fils et le Saint-Esprit ne sont pas
Christ, le reconnaissaient pour le fils de Dieu, un Dieu unique avec le Père, c est distinguer
le créateur du monde , la vertu, la sagesse et dans la divinité de grands et de petits dieux,
le Verbe du Père, Dieu même, et comme tel comme faisaient les païens; c'est confondre
adorable. Saint Athanase, pour écraser l'er la créature avec le Créateur dans nos adora-
reur, part des principes qu'elle professe , et lions ; c'est, dans le sein même du christia
établit contre eux la vérité catholique de la nisme, renouveler le polythéisme et consa
manière suivante : Si Jésus-Christ est fils de crer l'idolâtrie. ■ ■ . ■
Dieu , fils unique, propre et vrai fils comme Les raisonnements de saint Athanase sont
portent les Ecritures, il n'est donc pas fils de sans réplique, et nous les avons rapportes
la manière dont le sont les intelligences créées avec quelque détail pour faire sentir la vi
ou les âmes justes, mais fils naturel , et par gueur do sa logique et observer que l;i
là engendré de la substance même de son doctrine de l'Eglise sur la divinité de Jé
père. La nature divine étant indivisible et la sus-Christ est si constante qu'il suffit pour
génération en Dieu ne pouvant être qu'une l'établir invinciblement de l'aveu forcé d<?
communication simple de la substance, le fils ses plus dangereux ennemis. Pour achever
ne doit former avec son père qu'une seule et quer
de les les
confondre,
caractères
saint
extérieurs
Athanasedefait
la remar
faction-
même nature; et parce que le père est éternel
et immuable, la génération en lui ne pouvant arienne, qui forment tout autant do pré
avoir ni commencement ni imperfection , le jugés légitimes contre elle : le nom d'Arius ,
fils de Dieu est donc éternel et éternellement qu'elle port?, et qui témoigne de son origine
parfait comme le père. S'il est vrai que le fils toute nouvelle et toute humaine; la multi
de Dieu soit le créateur du monde, il est donc tude, les différences, les contradictions de ses
le Dieu souverain qui n'a pas de titre plus in professions de foi opposées à l'unité invaria
communicable que celui de Créateur, et qui ble de l'enseignement catholique; le carac
témoigne mieux de sa puissance infinie. Si tère de ses chefs, flatteur, bas , hypocrite ,
c'est du fils qu'il est écrit que toutes choses turbulent, cruel ; leur mépris pour les règles
ont été faites et subsistent par lui, il n'est les plus saintes de la discipline dans la célé
donc pas du nombre des choses faites , et s'il bration des conciles et dans l'ordination des
a créé les siècles, comme parle saint Paul, il évêques ; le peu de confiance qu'ils ont en
est donc avant tous les temps, et encore une leur doctrine , qui la leur fait répandre sour
fois éternel comme le père. dement , dissimuler à propos, soutenir par
ATH ( 145 ) ATH
l'influence des femmes et des eunuques, éta l'arianisme , de rétablir les faits altérés par
blir par l'autorité du prince qu'ils proclament les ariens, de dévoiler leurs mauvais desseins
juge souverain de la foi et maître de l'Eglise et de réfuter leurs calomnies ; 4* l'Apologie à
comme de l'empire; enfin, leurs violences, qui Constance, modèle de dignité, d'éloquence et
sont leur unique moyen de conviction et qui de goût ; YApologie pour sa fuite , où il mon
les condamnent eux-mêmes. tre tant de finesse et tant de solidité d'esprit;
Voilà une faible idée de la polémique do la Lettre louchant la mort d'Arius , qui nous
saint Atlianase contre les ariens. 11 écrivit en donne une idée si haute de sa modération et
core plusieurs ouvrages pour établir directe de sa vertu ; la Lettre aux solitaires, où il
ment la divinité du Saint-Esprit , la perfec dépeint avec des couleurs si vives les excès
tion do l'humanité et l'intégrité parfaite des des ariens, et où il ne craint pas d'accuser et
deux natures en Jésus-Christ , malgré l'uni le de flétrir l'empereur Constance; une autre
de sa personne. Ainsi il lui fut donné de Lettre àSérapion, où il prouve la divinité du
prouver les mystères de la Trinité, de l'Incar Saint-Esprit; le Traité des synodes, qui con
nation et de la Rédemption, qui sont la base tient l'histoire des conciles de Rimini et do
du christianisme, et de réfuter avant leur Séleucie ; enfin les Quatre discours contre les
naissance les hérésies d'Eunomius, de Nes- ariens, dans lesquels Bossuet admirait tant la
lorius, d'Eutychès et des monothélites, qui di sublimité des pensées, la force du raisonne
visèrent plus tard l'Eglise et lui causèrent ment avec la clarté et l'élévation du style , et
tant de maux. dont Pholius a écrit qu'ils suffisaient seuls à
Outre ses ouvrages polémiques, saint Atlia réfuter l'arianisme et à ruiner toutes ses dé
nase en composa un grand nombre d'autres. fenses. Ces divers ouvrages ont été composés
Ils ont été souvent imprimés ; la première par le saint docteur vers le même temps (356
édition est de Vienne, en 1482; la meilleure à 361}, et dans le désert où la persécution du
est celle du célèbre doni Bernard de Montfau- Constance l'avait forcé de se retirer. 5° Le
con, qui parut eu 10118. Elle est imprimée en Tome à l'Eglise d'Antioche (362), où il exhorte
3 vol. in-folio, qui ne font néanmoins que les catholiques à la paix et à la modération à
deux tomes. Le deuxième volume de la col l'égard des ariens convertis; la Lettre à Jo-
lection des Pères grecs , que le même dom t»'en(363) ; le Livre de l'incarnation du Verbe,
Monlfaiicon publia eu 1706, et qui est pres où sont prouvées encore la divinité du Verbe
que entièrement composé d'ouvrages appar et celle du Saint-Esprit, et la Vie de saint A nlo-
tenant ou attribués à saint Alhanase, doit i«m, que le pèreMontfaucon prouvesibieiiélro
être regardé comme le complément de son de saint Atlianase, contre les préventions de
édition des œuvres de ce Père. Les principaux quelques critiques (365). 6° Les Veux livres
ouvrages de saint Atlianase , en suivant l'or contre Apollinaire ne furent écrits qu'en 372.
dre des temps, sont : 1° Deux discours , l'un 7° On a encore de saint Atlianase un grand
contre les païens, l'autre sur l'incarnation , nombre de lettres sur divers sujets de dogme,
écrits à l'âge de vingt-trois ans, qui supposent de morale ou de piété (car, quoi qu'en ait
une grande connaissance de la littérature prétendu M. Ville ma in , l'instruction morale
profane et nous paraissent un résumé aussi occupe beaucoup de place dans les idées du
complet qu'éloquent de la controverse chré saint docteur), et un commentaire imparfait
tienne contre les païens et contre les Juifs; sur les Psaumes, qui lait vivement regretter
2" \' Exposition de la foi; les traités sur ces la perte des auties ouvrages de ce genre qu'il
paroles : « Toute* choses m'ont été données avait composés. Plusieurs des ouvrages do
par mon Père, » et sur les décrets de Nicée ; saint Atlianase ont été en effet perdus; on lui
l'Apologie de la doctrine de saint Denis , qui en a suppose beaucoup qui ne sont pas de lui.
sont dirigés contre les erreurs des ariens et Le Symbole qui porte son nom paraît ne lui
écrits pour réfuter leurs assertions; 3° la avoir été attribué que parce qu'il exprime
Lettre aux éviqves orthodoxes, contre l'in avec exactitude sa doctrine sur la Trinité et
trusion de Grégoire (341); {'Apologie contre sur l'incarnation.
les ariens (351), qui n'est qu'un recueil de Le style de saint Atlianase se ressent quel
pièces authentiques , et la Lettre circulaire quefois de sou peu de loisir et de l'agitation
aux ëvéques d'Egypte et de Libye , écrite de sa vie , mais il n'en est pas moins plein de
quelque temps avant l'intrusion de Georges beautés. Toujours simple, noble, fort de cho
(356), ont pour objet de raconter l'histoire de ies, clair dans les sujets les plus difficiles, il
F.ncyel. du XIX- siècle, t. IV. 1U
ATH ( H6 ) ATH
est, quoi qu'en dise M. Villcmain, vif, oruù, dans l'orgie doute de Dieu, n'est point cet
varie autant quo le comportent les matières athéisme positif dont le matérialisme mo
qu'il traite, quelquefois véhément et même derne avait fait comme une partie de la phi
sublime. Erasme le préférait U celui de tous losophie même. Epicuru et Lucrèce croyaient
les autres Pères. liossuet a écrit ( Déf. de la à une divinité quelconque, et s'ils furent as
trad., I. XV, e. xii} : « Le caractère de saint sez hardis pour attaquer les dieux populaires,
« Allianase, c'est d'être grand partout, mais ils ne furent point assez insensés pour jeter
» avec la proportion que demande son sujet. sur la nature qu'ils étudiaient celle parole
» Un des plus grands critiques qui fut jamais, furieuse: Iln'y a point de Dieu. Aussi Plutar-
» c'est Pliotius ,qui admire partout, non seu- queet Ciceron, les deux philosophes criti
» lement la grandeur des pensées et la net- ques par excellence de l'antiquité , n'ont pris
» teté de l'éloculion, mais encore dans l'cx- guère de soin de combattre des opinions d'a
» pression et dans le style l'élévation avec théisme. Us indiquent des pensées person
» la grandeur, la noblesse, la dignité, la nelles, quelquefois téméraires, dans 1 his
» beauté, la force , toutes les grâces du dis- toire de la philosophie; mais ils semblent no
» cours, la fécondité ou l'abondance, mais point rencontrer devant eux d'athée propre-
» sans excès, tô ynlfuov, t'o erm'ptrToy, la sim- mentdit. Platon,
théisme, mais comme
avantd'une
eux, avait
hypothèse
parléde
monsl'a-,
» plicilé avec la véhémence et la profondeur,
» c'est-à-dire tout ce qui compose le sublime trueuse; il veut que les athées soient chassés
» et le merveilleux; à quoi il faut ajouter, de la république, et même il les condamne à
» dans les matières épineuses et dialectiques, mort, et il jette leur cendre hors des terres
» l'habileté de ce Père à laisser les termes de de la patrie. Ce n'est là peut-être qu'une
» l'art pour prendre , en vrai philosophe, (fi- question de philosophie , et le silence des lois
» yiXoooijJù;, la pureté des pensées avec tous les antiques laisserait penser qu'on n'avait pas
» ornements et la magniGcence convenables, eu à redouter la réalité d'un crime que Pla
» (*:ya).07rpt7tù); ; voilà ce qu'on trouvera dans ton punissait comme une théorie. U en fut do
» Pliotius. Mais ces choses, ajoute l'évoque même chez les Uomains, dont les lois punis
» de Meaux, ne se prouvent pas par témoins saient les impiétés et les sacrilèges, et ne firent
» à qui n'a pas le sentiment pour les goûter.» pas mention de l'athéisme, qui vint se révéler
L'abbé l '• i.vm i.uiac. surle déclin delà république: ce ne fut point
ATHÉE, ATHÉISME. Grâce au ciel, ce un athéisme dogmatique, mais un athéisme
mot fatal d'athée, d'athéisme, disparait de de corruption et d'orgie. Quand la prospérité
la langue philosophique contemporaine ! Qui tue les Etals , il apparaît des opinions folles,
est-ce qui oserait se dire athée? La sincérité qui fort heureusement n'engagent en rien la
de l'athéisme paraît une énormité impossible raison humaine. Les paroles qui s'échappent
à réaliser; et c'est là du moins un contraste du désordre des voluptés peuvent être une
avec la tendance philosophique du dernier insulte à Dieu, mais ne méritent pas même
siècle, où l'athéisme se montra comme une
d'être considérées comme l'expression d'une
opinion vulgaire et presque générale, et où
pensée arrêtée. Il s'ensuit donc que l'athéis
ce fut une mode de paraître athée ou de lou
me dogmatique est au moins un rare phéno
cher le plus près possible à ce délire,
mène dans l'ordre des opinions philosophi
I. Toutefois il y a plusieurs sortes d'athéis-
ques. Etaussi j'applaudis à Montaigne d'avoir
mes, que la controverse philosophique no
dit ces belles paroles : « L'athéisme estant une
doit pas confondre. La première sorte, c'est
proposition comme desnaturée et mons
Vatheisme dogmatique, celui qui s'établit ou
trueuse, difficile aussi et malayséed'eslablir en
croit s'établir de propos délibéré par l'argu
l'esprit humain, pour insolent et desréglo
mentation , ou par un effort d'idées quelcon
qu'il puisse estre.il s'en est veu assez, par
ques. Je trouve dans les livres anciens peu de
vanité et par fierté de concevoir des opinions
traces de cet athéisme pur : nier Dieu, pas
non vulgaires et réformatrices du monde, eu
sait apparemment la portée de ces philoso
affecter la possession par contenance, qui, s'ils
phes, tout troublésqu'ils fussent par la variété
sont assez fols, ne sont pas assez forts pour
«les erreurs qui pesaient alors sur l'intel
l'avoir plantée en leur conscience. Aultro
ligence humaine. Diagoras est celui qui pa
chose est un'dogme sérieusement digéré, aul-
rait avoir été flétri le plus hautement de ce
tre chose ces impressions superficielles, les
nom d'athée; car le délire épicurien, qui
quelles, nées de ladesbauche d'un esprit des
A TU ( '47 ) ATH
manche, vont nageant témérairement et nisme qui lui a fait celte loi magnifique de
incertainement en la Fantaisie. Hommes bien l'intelligence, dût l'erreur en abuser pour
misérables et escervellés, qui lasclient d'es- s'imposer à force do raffinement et de so
tre pires qu'ils ne peuvent! » ( Essais, liv. II, phismes.
chap. xn. Bossuet avec son éloquence plus L'erreur donc pour cela même a pris un
haute et pins chrétienne a donc pu dire à son caractère dogmatique qu'elle n'eut point tou
tour des mêmes hommes: « Insensés qui, dans jours dans les lemps anciens. Et pour revenir
l'empire de Dieu , parmi ses ouvrages , parmi à l'athéisme, il semble être formulé plus har
ses bienfaits , osent dire qu'il n'est pas, et ra diment eu raison de la lumière niante dont
vir l'être à celui par lequel subsiste toute la Dieu s'était comme entouré dans la révéla
nature! La terre porte peu de tels monstres; tion chrétienne.
les idolâtres même et les inlidèles les ont en Au.-si les époques oùl'alhéisme a paru se
horreur. Et lorsque dans la lumière du chri.i- formuler le plus nettement ont été des épo
lianisme on en découvre quelques uns, on en ques de dUiireineut dans le christianisme.
duit estimer la rencontre malheureuse et abo C'est qu'à de tels moments la lulle des esprits
minable. » ( Sermon sur la nécessité Je tra est animée, et l'erreur va à son dernier
vailler à son salut. ) Mais voici peut-être un terme, soit par l'impulsion des volontés qui
mystère. Comment se fait-il que l'athée, rare se complaisent au désordre , soit par l'im
a rencontrer dans les temps idolàlriques , se pulsion de la logique, qui ne s'arrête plus
suit montré précisément dans cette lumière une fois que quelque grand principe a été
du christianisme qui met Dieu à découvert brisé. Cette remarque a été faite, à 1 occasion
devant la raison des hommes? Serait-ce que de la réforme protestante, par des protestants
plus nous avons reçu de biens , et plus nous eux-mêmes, et Bayle, en divers lieux, la
sommes disposés à être ingrats? et plus Dieu laisse échapper. Alors l'exaltation des opi
se montre, plus l'homme se détourne? ou bien nions fut grande et téméraire, les haines lu
n'est-ce pas que le perfectionnement de l'in rent ardentes, les controverses fuient furieu
telligence par le christianisme se trouve ses, et il arriva sans doute, ce qui arrive
jusque dans l'abus qui estfait de l'intelligence, toujours, que les hommes les plus passionnés
et qu'ainsi l'erreur a pu se revêtir de plus de allèrent au-dolàde leurs propres pensées, par
sophismes, le mensonge de plus de subtilités, une certaine excitation de colère fanfaronne
l'impiélèciifin de plus d'apparences? qui brave la raison plutôt qu'elle ne la con
Il ne.- 1 que trop vrai : l'homme a tourné tredit. Ainsi nous avons vu de nos yeux quel
le christianisme contre lui-même. Celte puis ques forcenés crier: A bas Dieu! C était un
sance intime de méditation qu il doit à la ré cri de folie sans doute, mais aussi une force
vélation chrétienne, il eu a fait une puis de réaction désespérée contre des tentatives
sance derévolle contreDieu. Jamais l'homme, de ferveur chrétienne. Il ne serait pas juste
tiaus les temps anciens, ne connut cette forte peut-être d'attribuer seulement à la perver
action qu'il a pu imprimer depuis dix-huit sité de 1 intelligence de tels égarements; il les
siècles à ses propres opinions. La philosophie faut à la fois expliquer par l'entraînement
antique, avec »cs petites sectes mystérieuses, des haines qui troublent l'homme et le pous
n'eût jamais remue le monde pour des idées. sent en aveugle aux dernières fureurs.
L'esprit humain a acquis une force inconnue Quoi qu'il en soit, la réforme donna lieu à
de pénétration et de conquête; et non seule des opinions excessives de celle sorte, sans
ment celle torce nouvelle s'est révélée dans qu'il soit nécessaire de dire qu'elles résiliaient
les combats, pour la vérité, mais l'erreur elle- de la nature de ses luîtes. Mais l'athéisme se
même lui a dû une propagation plus active produisit avec témérité comme théorie phi
et plus remuante. De là les révolutions qui de losophique ; et ce fut alors une nouveauté si
loin en loin apparaissent, produites par une monstrueuse que les tribunaux crurent de
simple théorie, laquelle suffit pour ébranler voir le frapper par des jugements effroyables,
sur sa base l'humanité. C'est la différence des comme ils eussent l'ait d'un crime matériel,
temps anciens et des temps modernes : le commis contre la vie des hommes ou contre
vieux monde cédait à la force matérielle, le la sûreté des Etals. Il y eut dans le xvi* siècle
monde nouveau estemporté par la force mo des athées brûlés par sentence publique. Le
rale. Véritable ou non, il faut une pensée plus éclatant de ces arrêts fut celui du par
pour mouvoir l'univers ! et c'est le christia lement de Toulouse contre l'Italien Vanini,
ATH ( 148 ) ATH
qui avait élalé son athéisme en divers écrits. tique qu'il faut distinguer de l'athéisme dog
Bayle parle d'un autre alliée brûlé à Paris on matique , et cet athéisme se rencontre dans
place de Grève. C'étaient de tristes moyens tous les temps, et surtout dans les temps dés
de venger Dieu ; mais ils se conçoivent dans ordonnés où les révolutions sociales, d'abord
une société où la foi est vive et tenace, et manifestées par de grandes altérations dans la
qui ne souffre pas qu'on lui arrache la pre pensée des peuples, se réalisent par la des
mière de ses croyances» celle sans laquelle il truction violente de leurs institutions et de
n'y a plus même de société. Ensuite vinrent leurs lois.
les philosophes qui peut-être n'enseignaient L'athéisme pratique est celui qui, sans nier
pas aussi manifestement l'athéisme , mais le Dieu, agit comme si Dieu n'était pas: c'est
faisaient entendre comme une sorte de proba l'athéisme de la débauche et de la licence;
bilité voilée seulement de quelque mystère. c'est l'athéisme des vices et des voluptés;
Tel fut Spinosa, le père du matérialisme mo c'est l'athéisme des crimes publics; c'est l'a
derne. Mais hâious-nous de dire encore que théisme des brigandages; c'est l'athéisme des
ces exemples de frénésie sont rares. Dieu est révolutions meurtrières, qui plongent les na
si fortement gravé dans la pensée de l'homme tions dans le sang.
qu'il semble que la nature suspend ses lois Oh a quelquefois recherché si l'homme
lorsqu'il parvient à l'en arracher. L'histoire pouvait être athée et rester homme de bien.
de l'athéisme passe de Spinosa au baron d'Hol Bayle, l'ami de toutes les opinions perverses,
bach, cl puis à l'aslronome Lalande. C'est avait dit oui; Rousseau a dit non en ces ter
par de tels intervalles que se montre aux mes : « J'ai long-temps cru qu'on pouvait
humilies celte énormilé. Il semble donc que, avoir de la probité sans religion; je ne le
réduile à des termes dogmatiques, cette opi crois plus! » Cette question , ainsi présentée
nion, exceptionnelle dans le mouvement des sous une forme vague et purement spécula
idées humaines, mérite peu d'être aperçue. tive, peut sembler vaine au premier abord;
Toutefois il la faut toujours étudier dans ses mais elle donne lieu à des observations d'ex
rapports avec la direction générale des opi périence plus réelles.
nions contemporaines, soit qu'elle les choque Il se peut faire que l'homme qui croit en
comme une monstruosité, soit qu'elle s'en Dieu n'obéisse pas à la loi de Dieu qui lui
détache comme une conséquence. Ainsi le commande d'être vertueux, et il se peut faire
baron d'Holbach ex prima logiquement la phi aussi, par un contraste plus extraordinaire,
losophie de son temps , en ce sens qu'il eut la que l'homme qui se fait athée ne tombe pas
force de dire au monde le dernier mot de dans les vices. C'est que la logique n'est pas
cette philosophie, tandis que d'autres, non permise à l'homme dans la pratique habi
moins corrompus peut-être, le laissaient tuelle de sa vie; s'il était conséquent, il serait
comme enveloppé dans les jeux brillants ou un ange ou il serait un démon. Mais d'a
cyniques de leurs esprits. C'était tout le con bord il est homme , et de là le mélange de ses
traire de Vanini, dont l'athéisme avait blessé grandeurs et de ses faiblesses : contradiction
l'âme de tout un siècle. Et aussi Vanini mou vivante, où le mérite c'est de se combattre
rut dans les flammes d'un bûcher, poursuivi soi-même, et la perfection c'est de se vaincre.
par les anathèmes, et le baron d'Holbach fut De son intelligence, il ne lui reste plus de
entouré d'hommages et vécut dans les plai motif déterminant d'être vertueux , c'est-à-
sirs : double expression de deux époques , dont dire de se combattre et de se vaincre, de se
l'une sortit des conflits des sectes pour mar sacrifier enfin dans ses goûts d'égoïsme ou de
cher à une magnifique unité dans toute l'Eu volupté. Par conséquent l'athéisme porte en
rope, et l'autre fut réveillée de ses orgies lui-même un germe de dépravation qui peut
pour s'abîmer sous les tyrannies. Quant à bien ne pas se développer toujours, mais qui
l.alande. son athéisme ne fut peut-être qu'un n'en est pas moins réel , et qui par sa na
caprice entre beaucoup d'autres, et pour le ture tend à multiplier le crime, et doit le
temps où il le produisit, cène fut qu'un acci produire au moins dans une foule de circon
dent de plus jeté parmi tous les accidents d'un stances. L'homme, sans Dieu, a tort s'il n'est
chaos immense où le monde se débattait, pas un méchant, un fourbe, un criminel, au
tout froissé par les ruines que ['athéisme pra tant qu'il \p pourrait être au moins pour ne
tique venait défaire. pas tomber sous la main des autres hommes.
11. C'est qu'en effet il y a un athéisme pra Il a tort de ne pas suivre toute l'impulsion de
ATII ' 149 *, ^.TTI
ses idées et toute la liberté de ses passions. pourquoi encore lo christianisme, qui rend
Où devrait- il s'arrêter? quelle puissance se Dieu toujours présent à l'homme, est le grand
montre à lui ? Il est son maître et il est sa consolateur des misères, est l'appui de la fai
loi; il dispose de sa vie comme il dispose de blesse, est la force de la vertu, est l'espérance
sa mort. L'athée n'a donc point de règle sous de l'adversité. L'oubli de Dieu fait tous les
laquelle il doive fléchir, et s'il obéit aux rè maux de l'homme. Platon demandait la mort
gles de l'honnêteté et de la vertu , que dirai- de l'athée; il faudrait plutôt appeler sur lui
je? par là même il déclare qu'il n'est point la miséricorde. Être misérable , qui ne sait ni
alliée, et qu'il ne peut l'êlro, et qu'alors ce qu'il est, ni ce qu'il devient, ni où il va j
même qu'il lève le drapeau contre Dieu, Dieu être perdu comme dans le vide, au lieu de
le tient comme un pauvre esclave sous sa le maudire il faudrait le consoler.
main, et il le fait marcher contre son propre III. Il y a unesorlc d'alhéisme que j'appel
gré , et il le contraint d'obéir à la loi du lerais philosophique, ne voulant point l'appe
monde, et il se ril de sa misérable révolte et ler rationnel, comme on parle de nos jours;
de son impuissante perversité. c'est un athéisme de déduction logique, qui
Quant aux débauches, aux licences, aux dérive par voie de conséquence de certains
impiétés, aux crimes publics et privés qui se principes posés en matière de religion. Par
montrent en certains jours de dégradation so exemple
tranche deousaétablit
croyance
quelutoute
règle fondamentale,
secle qui r'e-
ciale, ils sont bien un indice d'athéisme, mais
d'athéisme pratique plutôt que dogmatique. l'autorité, cesse par là d'êlre chrétienne, et
C'est de cet athéisme que parlent les livres que vainement elle se rattache audeisme pur:
saints : L'insensé a dit en son cœur : Dieu n'est la logique lapousse bientôt à l'athéisme même.
pas! Il l'a dit en son cœur, non point en son Ce n'est point le lieu de développer cette mé
intelligence ; en son cœur , parce qu'il a be thode absolue de raisonnement. Il est certain
soin de s'endormir dans les voluplés, et de que le christianisme présente un tel ensem
n'être point troublé par cette idée formidable ble de vérités dogmatiques, établies sur la
d'un Dieu qui venge la vertu et punit le forte base de l'autorité, que si cette base est
crime. ôtée , tout s'écroule. On ne veul pas dire que
Parmalheur, cette espèce d'alhéisme sem l'homme qui se détache de ce principe arrive
ble être permanente sur la terre, bien qu'il y à la nécessité de douter de loul, même de
soit plus ou moins déguisé; il lient à cette Dieu , c'est-à-dire à la nécessité de réaliser
faiblesse de l'homme qui met sa conduite en ce doute; mais on veut Ira; per son intelli
contradiction avec sa croyance. Et aussi toute gence par celte fatalité de conséquences, qui
l'éloquence des moralistes chrétiens a pour le pousse aux dernières extrémités de l'er
objet de diminuer cette faiblesse en rendant reur, bien que la nature de son être l'empê
Dieu toujours présent à l'homme. L'oubli de che d'y arriver jamais.
Dieu, c'est là loul le secret de sa perfection . IV. Enfin il est une dernière sorte d'athéis
ne mérite pourtant ce nom fatal d'athéisme me que les langues n'avaient jamais connue,
que lorsqu'il va à certains excès d'impiété et que je dois indiquer seulement en cet ou
dont l'indifférence pratique n'est pas tou vrage; c'est l'athéisme politique, nouveauté
jours capable. Quand l'athéisme prend ce ca contemporaine , que le bon sens des hommes
ractère, il est comme un fléau qui passe sur fera disparaître, il le faut croire, et qui dé
la lerre; à sa suite marchent les crimes et cèle le malheur et le trouble des jours où elle
les meurtres. Et puis il laisse une longue est née. L'athéisme politique est-il réalisable?
trace de deuil dans les cœurs qu'il a touchés; non sans doute. Il n'est donné à aucune puis
il Ole lout le charme de la vie humaine, il sance humaine de chasser Dieu des lois ; on
désenchante l'intelligence, il flétrit le senti peut en arrachersan nom, et c'est déjà une
ment et la pensée, il ôte aux passions même énormité, mais on ne peut 1 en arracher lui-
de l'âme leur élan et leur dignité; et après même, parce que Dieu reparaît en tout ce
avoir desséché l'homme tout entier, il le qui fait l'ordre, et que l'ordre est le but des
laisse aux prises avec l'infortune, et quand lois, de quelque pouvoir qu'elles dérivent et
l'infortune est épuisée , quand le malheureux de quelque forme qu'elles soient revêtues.
fit a lerre, vaincu par la douleur ou quelque On ne saurait excepter de cette condition (pic
fois même par la lassitude des plaisirs, il le les lois de révolution proprement dite; mais
Vousse au suicide pour dernier refuge. C'est ces lois ne sont pas des lois : ce sont tout au
ATH ( «50 ) ath
plus des règles exceptionnelles d'extermina du physicien, ou des études du naturaliste, ou
tion et de ravage. de la science de l'historien , ou de l'observa
Nous avons vu des philosophes prononcer tion du moraliste. Car en ce livre toutes les
que l'Etat devait être athée. Quoi donc! l'E intelligences s'entendent, et toutes les voix
tat ne connaîtra pas de Dieu ! et s'il s'élève sont unies pour dire analhème à Vathéisme.
parmi le peuple une voix d'insensé qui lui Laure\tie.
dise d'abattre ses temples, l'Etat sera sans ATHÉNAGORE. Tant que l'Eglise do
puissance pour la réprimer! — Non, i'Elat Jésus-Christ n'eut à vaincre que des bour
réprimera l'insensé, parce qu'il blesse un reaux , il lui suffit des humbles et des igno
certain ordre moral ou social, il n'importe; rants ; leur mort était assez éloquente , et
niais c'est tout ce que peut faire l'Etat! — S'il d'ailleurs la bonne nouvelle avait étéannoncée
en est ainsi, l'Etat fait môme trop; l'Etat avant tout aux pauvres et aux petits. Quand
abuse de sa force; l'Etal fait une iniquité; aux bourreaux se joignirent des sophistes,
l'Etat, s'il no (Toit pas en Dieu, ne doit pas alors vint le tour des savants et des philoso
punir celui qui provoque le peuple à briser phes ; non pas que la foi de Dieu eût besoin de
les autels : I'Elat est alliée, et il punit un sa ces lumières humaines, niais le monde devait
crilège ! cela ne peut être. apprendre que l'Eglise ne répudie aucune
A vrai dire, les hommes de nos jours ont gloire , mais qu'elle les ennoblit et les élève
paru souvent avoir perdu l'intelligence de toutes. Aussi, dans le second siècle, voit-on
toutes les grandes choses de la société et de éclater de toutes parts des voix fortes et gé
l'humanité. L'athéisme privé semblait vaincu; néreuses en faveur des innocents opprimés ;
il faut qu'on nous jette un athéisme public, et au milieu de toutes se remarque celle d'A-
dernière expression de tant d'erreurs qui ont thénagoras , l'enfant d'Athènes, le disciple de
passé sur le monde. Hélas! et peut-être est- L'iaton, le chef d'école d'Alexandrie. Sa dic
ce une nécessité de subir cet égarement sans tion est brillante, sa foi solide, son raisonne
trop espérer de le guérir; car il y a des opi ment serré, ses preuves irrécusables. Il ré
nions que la logique ne détruit pas. Il faut clame, avec toute l'autorité du bon sens et
attendre que le temps, ce grand réformateur de la raison , la liberté de conscience; il flé
qui toujours marche sous la main de Dieu, trit l'absurdité et la barbarie des supplices
les chasse au lieu de les corriger, et alors elles dont les chrétiens sont victimes ; il réfute
tombent dans l'histoire comme un souvenir victorieusement les accusations infâmes dont
de plus des variations de l'esprit de l'homme, on les accablait, et établit clairement les
expérience le plus souvent inutile aux âges dogmes de la religion catholique. Marc-Au-
qui suivent, mais pourtant instructive pour rèle et Commode, à qui l'ouvrage est adressé,
le moraliste qui étudie la marche agitée de durent être bien surpris d'entendre le député
l'humanité. de ces prétendus rebelles terminer leur apo
Maintenant, dirons-nous tout ce qui s'of logie en priant pour ceux qui persécutaient
fre à la pensée du philosophe et du politique, ses frères et pour les empereurs qui les en
de l'homme privé et de l'homme public, pour voyaient au supplice.
écarter par le raisonnement et par les lois Outre la Legatiopro Chrislianis , on a d'A-
cette affreuse contagion de Vathéisme? Ce se thénagoie un Traité sur la résurrection des
rait tout un ensemble de vues à dérouler sur morts, où se retrouvent, quoique moins sail
la religion, sur la création, sur la nature, sur lantes, les belles qualités que nous avons re
tout ce spectacle du monde moral et intellec marquées dans son premier ouvrage. La meil
tuel, sur le ciel ut la terre, sur l'homme enfin, leure édition est celle qu'ont donnée les
ce mystère perdu parmi tant d'autres mystè Bénédictins à la suite des œuvres de saint
res; et ainsi, au lieu de la théorie fatale de Justin et de Talien, 1742, in-folio. Un cer
l'athéisme, nous exposerions le dogme magni- tain Martin Fumée , sieur de (îénillé , a
lique de Dieu, le premier des dogmes, le trouvé bon de mettre sur le compte d'Athc-
principe et la raison de tous les autres. Celte nagore un insipide roman du Vray et parfaict
grande lumière se retrouvera ( voy. Dieu ). amour, ou les Amours honesles de Théoghne
Disons d'ailleurs que dans le présent ouvrage et Charide, et de Phérécide et Mélangénie ,
elle éclate à chaque page et sous chaque 1599; heureusement, justice a été faite do
plume, tantôt sortant des méditations du phi celte effronterie. Henri de 1ùa.\cey.
lo ojihe, lanlôl s 'échappant de l'expérience ATKEXAIS . femme de Théodose I! . se
AT» f 151 ) ATH
leva d'une condition privée au trône impé ment, le pneuma ou esprit, pénètre tous les
rial do l'Orient ; mais ce n'est pas du théâtre corps et est chargé de leur conservation ; ce
ni des lieux infâmes, comme Théodore et sont les idées philosophiques de Platon appli
d'autres impératrices, qu'elle passa à ce rang quées à la médecine. Athénée, qui faisait pro
suprême. Elle était fille d'un sophiste athé venir naturellement toutes les maladies des
nien nommé Léonce, qui ne négligea rien affections du pneuma, avait tracé d'excel
pour orner son esprit, et pour ajouter l'at lentes règles hygiéniques sur la situation à
trait des talents à la beauté que la nature lui donner aux habitations et sur les précautions
avait donnée. Elle consacrait entièrement sa à prendre pour se préserver des variations de
vie à la culture des lettres et des sciences, l'atmosphère. Ses ouvrages ont péri; il n'en
lorsqu'on procès qu'elle eut avec ses frères reste que des fragments conservés dans les
au sujet de l'héritage de leur père ramena à écrits d'Oribase.
Cunstaiilinople. Pulchérie, sœur de Théodose, ATHÉNÉE, rhéteur grec , né à Naucra-
gouvernait alors l'empire; elle vit Alhénaïs, tis, en Egypte : il vécut sous les empereurs
et, appréciant ses rares qualités, elle la jugea Caracalla, Sévère, ^Elius Vérus, Commode et
digne du trône. Elle se concerta avec Paulin, Marc-Aurôle. Doué d'un esprit ingénieux et
ami et confident de Théodose, pour vanter à d'un goût exquis, il a recueilli une infinité de
ce prince la beauté et les talents de la jeune faits piquants et de traits qui caractérisent
Grecque. Ils réussirent pleinement dans leur l'état de l'antiquité ; il nous a conservé aussi
dessein; Tliéodose fut épris de toutes les beaucoup de fragments d'auteurs dont les ou
grâces d'Alhénaïs, et celle-ci, après avoir vrages sont aujourd'hui entièrement perdus.
abjuré la religion païenne, devint impéra 11 était doué d'une telle érudition qu'on l'a
trice. La reconnaissance et des goûts égale tour à tour surnommé le Pline et le Varron
ment portés vers les sciences lui tirent re des Grecs. De tous ses ouvrages il ne nous est
chercher la société de Paulin; mais cette resté que son Banquet des philosophes , en
liaison, malgré sa pureté, excita la jalousie quinzelivres (AtimooroyisToi, littéralement les
de l'empereur ; Paulin fut tué par ses ordres, sophistes du repas); lui-même prend soin de
et la vie d'Alhénaïs fut désormais empoison nous indiquer comme étant ses contempo
née par les soupçons et les injures. Elle se rains le grammairien Héphestion, Dèmétrius,
relira à Jérusalem; mais la jalousie de Théo Asclépiade, le poêle Pancrate , Arsinoé et
dore l'y poursuivit encore. Le comte Satur Bérénice. On s'accorde donc à dire qu'il écri
nin fui envoyé pour faire mourir les objets vit de 220 à 250 de notre ère ; il survécut au
de ses soupçons , et il s'acquitta fidèlement poêle Oppicn. Dans son ouvrage, vingt et un
de celte mission sanglante. Alhénaïs , hors sophistes ou savants sont réunis chez Lamen-
d'elle-même, fit tuera son tour Saturnin. sis ou Laurentius, qui les a convoqués pour
lvlle n'éprouva plus dès lors que des persécu un banquet de plusieurs jours; on y traite
tions, el Iraina pendant vingt ans encore une beaucoup de questions littéraires. Parmi les
existence misérable. Le seul crime qu'elle convives sont des musiciens , des poêles, des
avait commis l'ut expié longuement par son médecins, des jurisconsultes, et mêmeUlpien,
repentir et par ses larmes; elle bâlit des le célèbre et docle auleur dont les opinions
églises et des monastères , et releva les inurs sont transcrites dans le Corpus juris , et qui
de Jérusalem qui tombaient en ruines. Il fut tué en 228 ; niais aux vivants se mêlent
resle d'elle plusieurs ouvrages qui portent le aussi des ombres. Enfin Athénée, leur maître,
cachet de leur lemps, et où l'érudition se se met de la partie ; chacun livre son conlin-
trouve mêlée à l'eniphase et au mauvais goût gentd'espritel d'érudition; plusieurs séances,
byzantin. Elle mourut en 461. Lorsqu'elle plusieurs repas se succèdent. La narration
monta sur le trône, en 421, elle quitta son qu'en fait l'auleur est adressée à Timocrate,
nom d'Alhénaïs pour celui d'Eudoxie. qui cependant n'est nommé qu'au commen
ATHÉNÉE, médecin célèbre qui vivait cement et à la fin de chaque livre. Le plus
probablement à Rome du temps de Pline; il souvent les interlocuteurs du banquet parlent
elail de la Cilicie ; Galien en parle souvent eux-mêmes; de temps à autre Athénée ré
avec éloge. Le principal mérite d'Athénée est sume, conclut et ajoute du sien. Au surplus,
d'avoir combattu la doctrine médicale des il ne paraît pas que le fait du banquet repose
iilonies et fondé un système tout opposé , le sur une simple supposition. Athénée en parle
i'ticumalisme, dans lequel un cinquième élé comme d'une chose connue de son temps ; ii
ATH ( «52 ) ATH
donne des détails précis sur Laurcntius , ses beaucoup du charme de celle lecture , et l'é
emplois, ses aïeux, ses études et sa bibliothè- diteur s'est appliqué surtout à le guider, à
(|ue. Il y a des manuscrits qui divisent l'ou l'éclairer, à semer sur sa route toutes les no
vrage en trente livres ; il est néanmoins cer tions dont il a besoin. Il a été particulière
tain que la distribution primitive était de ment bien inspiré dans l'explication des pas
quinze, sur lesquels il nous en manque deux sages obscurs. A l'ouvrage de Schweighœuser
et le commencement du troisième. Il est vrai il faut joindre Additamenta animadversionum
qu'on possède un extrait qui réduit le texte in Alhenwi Deipnosophislas , qui est dû au
à peu près au quart , mais les treize livres savant professeur Jaeobi , de Munich (Iéna,
que nous avons doivent faire regretter vive 1809). Une édition nouvelle a été imprimée
ment cette perte. On regarde l'extrait comme parDindorf, Leipzig, 1827, in-8% 3 vol.; elle
l'ouvrage d'un grammairien de Conslanlino- brille par un mérite spécial , c'est la restitu
ple. Il y a des philologues qui, dans leur ma tion et la critique des passages poétiques.
nie de suppositions, prétendent qu'à partir du L'abbé de Marolles a fait d'Athénée une très
troisième livre ce que nous considérons mauvaise traduction ; on estime plus celle que
comme le texte d'Athénée n'est pas autre M. Lefebvre de Villebrune a donnée de 1789
chosequel'exlraitd'unouvragebeaucouppliis à 1791. en 5 vol. in-4% avec le texte d'après
étendu ; mais cette hypothèse n'est pas sou- Casaubon. Schœffer a réimprimé celle Ira-
teuable. Dans les digressions auxquelles on se ductionavec son édition pour les cinq premiers
livre, plus de sept cents auteurs sont cités; livres. Voyez sur Athénée les Prolégomènes
il est parlé surtout des usages des Grecs, et de Schweighœuser, V Onomaslicon de Saxius,
ce recueil est une source inépuisable pour les puis un écrit intitulé : Qbservationes critica
antiquaires et les critiques. Canter a restauré in Athenœum, par Fiorello ; enfin les Mémoi
une lacune qui existait vers la fin du quin res de l Académie des Inscriptions, t. XXX,
zième livre ; il s'est servi pour cela du ma page 93. Il y eut encore quelques personnages
nuscrit Farnèse. On a reproché à Athénée du nom d'Athénée, entre autres un poêle
d'avoir quelquefois défiguré les noms, con mathématicien qui vivait vers l'an 210 avant
fondu les époques , méconnu les lois de la J .-C. ; il écrivit sur les machines de guerre :
nature; on lui reproche encore de s'être trop on a encore ce traité dans la collection îles
abandonné au plaisir de transcrire des anec Malhematici veteres. De Golbéby.
dotes scandaleuses, des médisances, et même ATHÉNÉE. C'était, à Athènes, à Alexan
des calomnies. Aide Manuce est le premier drie et à Home , un lieu public , une sorte
qui ait publié le Banquet des sophistes , Ve d'académie libre destinée aux poëtes de toutes
nise , 1514, in-fol. Casaubon en a donné une les nations pour y déclamer leurs vers. Le
édition accompagnée d'un commentaire fort plus célèbre fut celui de Rome, fondé par
estimé en 1597, puis réimprimée de 1657 à l'empereur Adrien l'an 135 de l'ère vul
1 6b V, 2 vol. in-fol. Athénée a été traduit en la- gaire. Adrien, passionné pour tout ce qui rap
lin par Noël Lecomle et parDaléchamps. En pelait la Grèce, qu'il avait habitée, nomma
179(5, Schœffer a donné un premier volume, ainsi cet édifice, du grec 'k%-,n , Minerve,
qui n'a été suivi d'aucun autre ; il ne s'étend déesse de la sagesse et des sciences , et de la
pas au-delà du cinquième livre. Ces travaux ville d'Athènes, la mère-patrie des beaux-
devaient bientôt être effacés par la puissante arts. Plusieurs écrivains ont attribué la fon
érudition de Schweighœuser, dont l'édition dation du premier athénée à Adrien ; mais eu
parut à Strasbourg, de 1801 à 1807, en 14 vol. fouillant profondément l'histoire on en trouve
in-8". Un manuscrit du Xe siècle, seul com un à Athènes, qui n'eut, il est vrai , qu'une
plet, a guidé ce docte philologue dans la res durée bien éphémère. Mais Alexandrie en eut
tauration du texte, et ce manuscrit , jusqu'à qui jetèrent assez d'éclat. Il est plus probable
lui, n'avait jamais été collalionné. Coray, de supposer que l'empereur Adrien fut sim
M. BoissonnadeetGrotefend ont secondé l'au plement le fondateur du premier athénée dont
teur ; le commentaire a été en grande partie Rome fut dotée. Ces académies au petit pied
puisé dans Casaubon ; mais les autres obser n'ont guère de conditions vitales qu'aux épo
vations des savants et les ingénieuses idées ques bouleversées, qu'aux temps où les peu
de Schweighœuser l'ont de beaucoup accru. ples sortent d'une longue barbarie pour se
11 faut, pour lire Athénée avec fruit, une régénérer, ou après l'épuisement d'une civi
vaste érudition ; autrement le lecteur perd lisation extrême, quand sonne l'heure de la
AT1I ( 1*3 )" ATÎI
décadence. Les athénées furenl créés pour la cédent, à propos do son avènement à l'empire.
critique mesquine, pour les demi-talents, On y distingua, dit Suétone, des combats d'é
pour les rhéteurs jaloux de lire leurs œuvres loquence grecque et latine; le vaincu était
à leurs amis. Le génie dédaignait cela, il s'en condamné à présenter le prix au vainqueur
allait le front haut à l'Académie. et à faire son panégyrique. Quant à ceux dont
Nous n'avons trouvé nulle part que la Grèce les ouvrages n'avaient aucune beauté qui ra
ait eu des athénées florissants. Aux jours de chetât leurs défauts, ils étaient obligés de les
la haute splendeur scientifique et militaire effacer avec leur langue ou avec une éponge...
d Athènes, les citoyens payaient les savants, Scripta sua spongid lingudve delere jussos...,
les sophistes et les professeurs pour les en et on ne leur laissait que l'alternative d'être
tendre et profiter de leurs leçons. La fierté punis ignominieusement comme des enfants
républicaine perçait partout ; on payait, mais ou d'être jetés dans les ondes rapides du
1 exigence était grande, la censure terrible. Rhône. Il faut que la vanité littéraire soit bien
On voulait des artistes, et non pas des ama forte pour pousser ainsi des hommes dans un
teurs. Les Egyptiens furent moins rigoureux ; pareil cirque.
la grande école d'Alexandrie, fondée par le Deux siècles s'écoulèrent, deux siècles de
premier des Lagides, s'élevait florissante, no guerres terribles, qui causèrent la ruine do
blement protégée par la studieuse race des l'empire romain et amenèrent la barbarie en
Ptolémée, et cette protection somptueuse, cet Occident. Depuis l'époque grossière de l'his
immense concours d'écrivains illustres atti torien golh Jornandès jusqu'au règne de
res de l'Europe et de l'Asie dans la reine des Charlemagne, l'esprit humain s'affaissa dans
citti, firent surgir une nuée de demi-savants, de profondes ténèbres. La langue grecque
qui, poussés par l'orgueil, voulurent aussi alla jeter son dernier éclat aux confins du
un temple pour leur Dieu. Nous n'hésitons pas Bosphore de Thrace, tandis que la langue de
àcroireque les membres de l'athénée d A- Virgile venait se corrompre dans les Gaules,
leiandrie ne fussent plus nombreux qucceux la Germanie, l'Espagne, et par celte corrup
du Musée ; ne chante pas qui veut. Or tout tion faisait surgir les langues modernes.
celaarriva sous Ptolémée Philadelphe, disci Pour retrouver des athénées il fallait alors
ple de Phililas, qui, pour célébrer plus digne traverser les mers, heurter à chaque pas les
ment les Dionysiaques, avait ouvert un con ruines du colosse romain, et aborder à Con-
cours où vinrent s'inscrire Callimaque de staulinople, capitale de l'empire grec, une
l^rène, le Sicilien Théocrile, Aralus, puis autre ruine! Anne Comnène , l'auteur de
Dionysiade, Sosythée , Acanlide et Lyco- l'Alexiadt, Nicéphore Bryenne, Eudes de By-
pliron. De cette armée de poêles, de sophistes, zance et une foule de savants brillaient à la
de philosophes, le plus petit nombre fut ad cour d'Alexis , réceptacle de conspirateurs et
mis au Musée, le reste s'en alla vers l'Allié— de beaux-esprits. Conslantinople avait rem
liée, précédé par Timon le Phliasien, critique placé Athènes, dont elle singeait les coutumes
impuissant, dont la vie s'écoula honteusement avec une prétention inouïe. Chaque portique
sous le Portique, et qui jetait de l'écume et de palais était un athénée. Tous se croyaient
■ i venin aux grands hommes qui révisaient des Platon et des Aristote. On étudiait la
le texte d Homère! peinture, la poésie, l'éloquence, les mathé
La conquête de l'Egypte par les Romains matiques, la physique et la philosophie. Anne
ayant amené par degrés rapides la décadence Comnène, pour sa part , apprit toutes ces
de l'Ecole d'Alexandrie, Rome s'enrichit et choses, et pourtant, malgré les académies et
profila des dépouilles du peuple soumis à ses les athénées, la décadence fut rapide comme
puissantes armes. Adrien, doué d'un esprit un météore. Le dessin d'un tableau de celte
judicieux , profita beaucoup des entretiens époque, que nous avons vu à Florence, et la
qu'il eut avec les savants d Alexandrie, et ce composition et le style de l'Alexiadt, nous
fui ii son arrivée en Italie qu'il fit bâtir l'Alhé- donnent une juste idée de cette horrible dé
îiic pour servir d auditoire à ceux qui vou cadence.
draient lire ou déclamer leurs vers en pré Mais revenons en Occident. Les monastères
sence d'une assemblée immense. étaient devenus l'asile des savants, et chaque
Ce nom d Athénée ayant fait fortune, on en cloître, qu'on nous permette de nous expri
giatilia la fameuse École de Lyon, si cruelle mer ainsi, était en quelque sorte un vasto
ment souillée par Caligula dans le siècle pré athénée où I esprit humain grandissait, où les
ATTI ( 154 ) ATII
Iradi lions historiques se conservaient, où l'art vaste essor qui la mit durant trois siècles,
subissait toutes les transformations pour ar sous le rapport des sciences etde tous les ails,
river à d'immenses résultats. Tout ce qu'il y à la tête des peuples les plus avancés. Flo
avait d'illustre en ces temps obscurs relevait rence était surtout la perle de l'Italie. Boc
du pouvoir sacerdotal; les prêtres étaient la cace et Machiavel, Gentile d'Urbino, Chris
tête et bien souvent le bras de la royauté. tophe Landiui , Argyropile, Marcilo Ficin,
Nous avions pour propagateurs du grand Polilien, Pic de la Miraudolc, jetaient leurs
mouvement scolastique Guillaume de Cham- trésors de science aux Florentins. Laurent de
peaux, archidiacre de Paris; Guy du Cliàlel Medicis, contemporain ou élève de la plupart
(Celestin il), Pierre Lombard, Bércnger, évê- de ces grands hommes, lui-même littérateur
t|ue de Poitiers ; le vénérable saint Bernard ; célèbre avant d être un grand prince, Medi
Gaudefroy d Auxerre et Abailard. L'Univer cis voulut l'aire revivre les coutumes de l'an
sité de Paris, dirigée par de tels hommes, at tiquité. Florence n'avait point d'école bien
tirait des écoliers, des savanls et des profes assise; il imagina de créer une assemblée lit
seurs de toutes les parties de l'Europe. Au téraire, un athénée, afin de grouper autour
bortir des ténèbres épaisses on trouvait tout de lui les hommes émincnls de la république.
à coup des lumières éblouissantes. Aussi l'é Laurenl-le Magnifique avait choisi pour cela
mulation était si grande que les savanls pro le délicieux bois des Camaldules, et à quel
fesseurs, soit qu'ils fussent jaloux de s'instruire ques uns des noms que nous avons cités ve
encore, soit qu'ils voulussent faire briller leur naient souvent se joindre Ammanali, cardi
savoir, venaient se délasser des ennuis de l'é nal de Pavie, Léonard d'Arezzo et Donat
cole dans des réunions qui étaient de vérita Acciajuoli, l'un des petits-fils du trop célèbre
bles athénées, puisque c'étaient des lieux pu duc d'Athènes. D'un autre côté, en même
blics où. chacun pouvait lire les produits de sa temps que l'athénée florentin se fondait aux
pensée. Camaldules, Laurent abandonnait ses vastes
Un siècle s'écoula, et tout changea de face. jardins de Saint-Marc aux artistes. II y avait
La langue romane, la langue nationale eut rassemble tout ce qu'il avait pu recueillir de
ses poêles ; Robert Wace écrivit en vers le bas-reliefs et de statues antiques, et c'est là
roman de Iihou et des ducs de Normandie; une que se formèrent Michel-Ange, Granucci,
foule de légendaires suivirent son exemple, lien venu to Cellini et Torregiani. Ah! qu'elle
et la Provence vit apparaître les troubadours. allait devenir somptueuse la belle et riante
Les conquêtes des chevaliers normands en souveraine de l'Arno!
Sicile et en Italie, la fondation de l'École de A partir de celte époque les arts et les let
Salerne et le pontificat de Grégoire VII furent tres prirent le vol le plus haut. Ce n'est pas
les puissants leviers qui soulevèrent toutes vainement que le x.ve siècle fut nommé le
ces choses. C'est vraiment k partir de cetle siècle de la Renaissance. On retrouva tous les
époque brillante que refleurirent les athénées; mots antiques, on les appliqua aux choses
la cour du comte de Toulouse, la ville de nouvelles, et celui d'athénée ne fut pas ou
Narbonne, Poitiers et Barcelone en étaient blié. née qui
Chaque
respirait
capitaleà de
l'ombre
l'Italie des
avaitpuissantes
un athé-
pourvues. Les trouvères s'y réunissaient pour
chanter leurs sirventes, leurs tentons et leurs académies; on avait si long-temps été plongé
pastourelles; et, dit Sainte-Palaye, chaque dans l'ignorance que tout le monde voulait
cour et chaque grande assemblée servait de désormais être savant. Nos jongleurs nor
théâtre à la dispute. Ces jeux d'esprit de mands avaient fait adopter la rime aux Sici
vaient donner plus de ressort aux talents, liens et aux Italiens lors de la conquêle.des
d autant mieux qu'ils étaient présidés par ce Tancrède de Hauteville; nos troubadours
lui qui dispensait les faveurs. La Provence provençaux leur avaient frayé la roule et
ayant ainsi ressuscité les athénées, l'Italie, fourni des modèles; ils nous rendirent tout
1 Espagne, l'Angleterre et l'Allemagne en eu cela au centuple , et après les guerres i\n
rent à l'envi; l'émulation, vigoureusement Charles VIII, de Louis XII, do François 1"
stimulée, l'appât des récompenses, la soif de et de Monlluc le batailleur, nous acceptâmes
la renommée, l'amour des dames, firent des tout ce qui venait do l'Italie, entre autres
poètes qui frayèrent la route au Dante, à Pé choses l'académie de Richelieu et leur théâtre.
trarque, à Boccace et au Boïardo. C'est ici le cas de parler de l'athénée de
Dés lors l'Italie commença de prendre ce Paris, qui brilla d'un si vif éclat vers la lin
ATH ( 1J5 ) ATII
du xviii* siècle et dans les premières années critique la plus moderne place l'arrivée d'O
du xix*. Nous avons émis cette pensée, qu'un gygès dans l'Atlique vers 1790 avant J.-C,
athénée n'avait guère de conditions vitales et le reconnaît comme le fondateur de la ville
et d'influence qu'à des époques de décadence ; proprement dite d'Athènes, ou plutôt comme
celui de t'aris vient à l'appui de notre sys le premier fondateur de cette ville, car ce titre
tème. C'est là que La Harpe prononça ses est encore et plus généralement accordé à
leçons publiques au milieu d'un immense au Cécrops, soit que ce dernier ait repris l'œu
ditoire; le vieux critique était, dit-on, écoulé vre de son prédécesseur, intei rompue ou
avec un respect dont se vengeaient bien amè complètement anéantie par la catastrophe'
rement ses rivaux dans les gazettes, Gin- du déluge ogygien , soit qu'il l'ait agran
guene vint ensuite avec l'histoire des littéra die au point.de faire oublier ce qui avait
tures italiennes; puis Chénier, puisun grand été fait bien avant lui. Ogygès devait être,
homme qui révéla au monde un monde éton ' comme le fondateur d'Argos , Inachus , un
nant trouvé dans le sein de la terre : Georges chef de pasteurs émigrésde l'Egypte, et cou-
Cuvier lit des cours à l'athénée. séquemment d'origine phénicienne. Le nom
ATHÈNES, Athènes, Lottiîv
'Afop,deville
Laval.
capitale de fils de Neptune et d'Alitra, celui de roid'É-
gyple, sous lesquels les plus anciensécrivaius
de l'ancienne division de la Grèce appelée le désignent, le culte de Neptune, divinité
Attiqne, dont la destinée unique et glorieuse phénicienne introduite par lui dans l'Atlique,
fut de cumuler tous les titres qui peuvent doivent lever les doutes à cet égard. Ogygès
éterniser la mémoire d'un peuple, dont la amena à sa suite une troupe de Pélasges qu'il
mission, à l'égard de l'avenir, semble. avoir avait recueillis à Argos, le véritable foyer de
Hé de résumer toute la civilisation antique la civilisation hellénique à cette époque.
pour lui imprimer le cachet de sa propre et Aussi est-on eii droit de revendiquer pour le
ttlle originalité. chef de cette colonie une foule des institu
L'origine d'Athènes nous reporte à celte tions civilisatrices dont ou a fait sans trop
époque primitive et mythologique de la Grèce de fondement honneur à Cécrops. Ogygès, se
que l'érudition moderne s'efforce chaque jour lon Eusèbe, fonda Eleusis et donna sou nom
Je rendre à l'histoire. à toute l'Atlique, appelée Ogygia. On peut
D'antiques traditions, le peu qu'on sait conjecturer encore que déjà, sous le règne de
iiirles mœurs et le génie des anciens Pélas- ce prince, Minerve compta des adorateurs
ges. la position géographique d'Athènes, le dans l'Allique, et donna à la capitale de ce
iMraclère de quelques unes de ses ruines, au pays le nom sous lequel elle devait se distin
torisent à penser que l'ancien emplacement guer entre toutes les autres villes de laGrèce;
do cette ville dut recevoir les premières ha on sait en effet que deux villes de Bèotie,
bitations que les l'élasges dressèrent dans fondées par Ogygès, avaient reçu de lui les
l'Allique, et fut témoin des premières tenta noms d'Eleusis el d'Athènes, et que la ville
ntes qui firent passer les sauvages habitants d'Alalcomènes, qui devait sa naissance aune
lie celte petite contrée à un certain état de fille de ce prince, passait pour êlre la patrie
culture. Les Athéniens ne .voulaient devoir à de Minerve. La chronique de Paros ne fait
personne leur origine; en conséquence, ils se pas remonter l'histoire d'Athènes au-delà de
disaient autoelhones, ni* d'eux-mêmes, c est Cécrops, contemporain de Moïse , et anté
a-dire de la terre même qu'ils foulaient aux rieur de 373 ans à la guerre de Troie. On donne
pieds. L'emphase de ces expressions semble vulgairement Cécrops pour originaire de l'At
an moins accuser une haute tradition pélas- lique. On le fait alors Fils d'un Acteos, pre
:ii|iie;les anciens Pélasges adoraient , sous mier roi de ce pays; mais des documents tra
!'■■* non» d'Lranos et de Ghè, le soleil et ditionnels en assez bon nombre trahissent
la terre, dont ils devaient, comme tous les l'origine phénicienne de Cécrops, et ne per
peuples sauvages, se dire les enfants. On a mettent pas de méconnaître l'influence que
prétendu qu'à 1 arrivée d'Ogygès dans l'Alli des hommes d'Orient exercèrent dans l'Alli
que les Athéniens comptaient déjà une longue que sous le règne de ce prince, llauul Ho-
fuite de rois.Ouoi Mu '' en so''> 'es destinées chelte, partageant en cela l'opinion de Cla
de ce peuple pendant celte période purement vier, fait remarquer en effet que la date de
pelasgique ont laissé des traces trop fugitives l'établissement de Cécrops concourt précisé
puur que 1 histoire puisse s en emparer. La ment avec celle où Frérel place l'expulsion
ATH ( 156 ) ATTT
des rois pasteurs ou phéniciens; il signale les droit l'Attique la terre de Cècropt. Mais, selon
relations qui s'établirent vers ce temps entre Fréret, ce ne serait que 170 ans après Cé
la famille royale d'Athènes et celle de Phéui- crops, et des mains d'Ereclhèe, que les \tlié-
cie. 11 cite celte phrase où Diodore dit positi niens auraient reçu ces richesses naturelles,
vement que les Athéniens étaient issus des premiers éléments appréciables de leur pro
SaïliqneS de 1 Egypte : Tou; 'AÔ-rivaiouî àirsixoùî spérité intérieure aussi bien que de leur in
tivai ïottTÔiv twv II AiyùîTToy. Enfin le même au fluence précoce et durable sur les autres peu
teur rappelle l'endroit où Platon nous assure ples de la Grèce centrale. Quoi qu'il en soit,
que les Saïti nies ont toujours conservé beau il ne parait pas douteux que les Athéniens
coup de bienveillance pour les Athéniens. Les n'eussent recollé les premières moissons mû
institutions attribuées à Cécrops, ou seule ries par lo soleil de la Grèce, et que ce ne
ment remises par lui en honneur, comme on soit de leur territoire que le blé se propagea
pourra le remarquer, viennent encore en aide partouli! la région hellénique. C'est en mé
a la critique qui fait venir d'Egypte, mais en moire de ce dernier fait qu un grand nombre
lui indiquant la Phénicie pour point de dé des villes de la Grèce se crurent pendant
part, le principe civilisateur de lAttiquc. La long-temps obligées d'envoyer chaque année
colonie de Cécrops rapporta dans l'Attique à Athènes, véritable centre du culte de Céres
lo culte de Minerve, divinité tutélairo de (l'Isis des Égyptiens!, les prémices de leurs
Sais, qui l'ador.iil sous le nom de Neilh, dont moissons. Du reste, la patrie de Cérès, par
Noulh, mot cophle qui signifie dieu ou déesse, un de ces hasards qu'on ne saurait trop faire
commenté; en grec, parait être la traduction. remarquer dans l'histoire, était bien de toute
Ce serait vers le même temps que les Athé la Crèce le pays le moins propre à la cul
niens auraient appris à invoquer le souverain ture du blé, en sorte que la reconnaissance
des dieux sous le litre de très-haut, si toute des peuples se trouva suppléer merveilleu
fois Jupiter ne régnait pas déjà sur l'Attique, sement: à l'insuffisance du territoire, insuf
grâce aux Telchiues, peuples originaires de fisance telle qu'en tout temps l'hommage le
la Crète, qui, à une èpoqueanlérieure, avaient plus agréable que les cités, les rois et moine
propagé le culte de ce dieu dans le Pèlopo- les empereurs romains croyaient faire au
nèse. Cécrops du reste multiplia les objets de peuple athénien, était celui qui consistait en
la vénération publique, et c'est sous son règne blé et en céréales de toute espèce. Cécrops au
que le polythéisme oriental commença à rait aussi songé à assurer l'avenir de l'agri
prendre possession de la ville d Athènes, des culture en transport uni sur le sol de l'Attique
tinée à devenir le sanctuaire de la Grèce.' des troupeaux de bœufs et plusieurs autres
Contrairement à l'opinion de Barthélémy, animaux domestiques. Ses sujets apprirent
racontant comment ce prince, élevant par de lui la manière de les nourrir, de les utili
lent des temples et des autels, défendit d'y ser et de favoriser leur propagation. CécropJ
verser le sang des victimes, soit pour inspi donna des règlements relatifs aux sépultures
rer à ses sujets l'horreur des sacrifices hu et au mariage ; ces règlements rappellent ce
mains, soit pour conserver les animaux des qui se passait en Eg\ple dans les mêmes
tinés à l'agriculture, la chronique d Ensèbe occasions. Le tribunal si renommé de l'A
nous apprend que Cécrops le premier immola réopage, qui contribua le plus à donner aux
le bœuf à Jupiter; d'un aulre côté, une on - Grecs les premières notions de la justice, date
uioii qui s'appuie sur des misons au moins aussi de Cécrops, et porte le même caractère
plausibles attribue précisément à ce person d'origine que les autres institutions. La divi
nage la restauration du culte de Saturne, la sion égyptienne en tribus noble, guerrière,
terrible divinité phénicienne, qui réclamait agricole et industrielle, fut vers le même
pour ses autels le sang des victimes humaines. temps appliquée à l'Attique, qui compta bien
S'il est vrai que Cécrops dota le premier tôt 20,000 habitants. Athènes, assise sur le
du blé et de l'orge le sol qui lui avait donné plateau appelé depuis Acropole, resserra se»
«sile, que ce fut par ses soins que l'olivier habitations dans une enceinte formée de for
commença à disputer le terrain au chêne bar tes palissades, et put ainsi proléger les bour
bare des forêts vierges de l'Attique, on doit gades environnantes, la plupart bâties par
6'emprefser de le reconnaître comme le vé Cécrops. Enfin l'autorité de Tacite nous dé
ritable père de la société athénienne, et cela fend de passer sous silence cet alphabet al-
avec les anciens, qui alors nommaient à bon tique que Cécrops fit connaître aux Allié
ATII ( >57 ) ATiI
niens, et dont les caractères, appelés indi A partir d'Erecthée, la population de l'Al
gènes, imyùptx, devancèrent, selon Pausa- tique, encore pure de tout mélange notable,
iiias, les lettres cadniéennes. Les Athéniens, commença à s'assimiler divers peuples d ori
pourvus des principaux instruments de la gine hellénique pour la plupart ; alors les
civilisation, ne tardèrent pas à avancer rapi Athéniens, qui jusque-là avaient été Péasgcs,
dement dans ses voies. Sous Cranaùs, succes devinrent Hellènes, et changèrent les noms
seur de Cécrops, Athènes, grâce à sa position de Cranaens et de Cècropides qu'ils avaient
géographique , brava l'inondation connue porlésjusqu à Erecthée centre celui d Ioniens.
sous le nom de déluge de Deucalion. L'Atti- Celle désignation accuse le fait impor
que même tout entière paraîtrait avoir été tant d'une fusion avec un nouveau peuple, les
épargnée par ce fléau. Cranaùs fut contraint Ioniens, fusion qui reconnaît pour cause
décéder le trône au fils de Deucalion, Am- l'envahissement de ces derniers, ou bien
phvclion, qui organisa contre la barbarie la l'hospitalité accordée par les anciens habi
première association politique. Parmi les au tants aux enfants de la tribu d'Ion, petit-fils
tres successeurs de Cécrops, Ericthonius, d'Hellenet fils de Xulhus, qui aurait épousé la
venu de l'Asic-Mineure, enseigna aux Athé fille d Erecthée. Aux huit bourgades fondées
niens l'art de tailler la vigne et de la rendre parCécrops, les loni. ns en ajoutèrent quatre
fertile; il leur offrit, dans une statue en bois autres, Œnoé, Marathon, lVobalyntheetTri-
dédiée à Minerve, le premier modèle d'un cosylhe, et par le rapide accroissement qu'ils
art dans lequel ils ne devaient plus un jour prirent en peu de temps, Athènes se trouva
connaître de niaitre. Sous Pandion, la fa tout à coup représenter la nation ionique.
mine, un de ces fléaux destinés à instruire M. Kaoul Rochelle voit l'origine des Ioniens
les peuples, mit les Athéniens en possession dans les Aones, petite peuplade venue a la
des ressources du commerce. Athènes, dans suite d'Ogygès, laquellcs'élablit vers la pointe
celte occasion, se ressouvint de sa mère-pa la plus méridionale de l'Attique, où avec le
irie, l'Egypte, dont elle implora le secours. temps elle se développa en un peuple consi
Celle-ci, en mettant à la disposition de la ca dérable. Il ne faudrait pas croire que 1 clé
pitale de l'Altique le superflu de ses richesses ment primitif, l'élément pélasgique de la
agricoles, et surtout en envoyant de nou société athénienne se soil essentiellement
veaux colons qui nous paraissent avoir été altéré dans ces accroissements : il se renou
principalement choisis dans la caste des la vela plutôt , les Hellènes ayant la même ori
boureurs, vint en aide à l'inexpérience du gine que les Pélasges. Sous Cécrops II, Pan
peuple athénien. Sous Erecthée, conducteur dion II et Egée, successeurs d'Ereclhee ,
'le la nouvelle colonie, on voit l'art de l'a Athènes, par le perfectionnement relatif de
griculture s'enrichir de procédés plus ingé sa marine, se rend redoutable aux insulaires
nieux et plus sûrs de semer et de récolter le et aux habitants des côtes maritimes de la
blé. Le culte de Cérès s'organise alors à Eleu (îrèce; elle préside aux pirateries des Bar
sis; celui de Neptune rivalise avec celui de bares qui viennent recruter dans son port des
Minerve; on fait usage du chariot, attribué matelots experts et des élu fs au îaeieux. Ce
par toute l'antiquité à Erecthée et figurant pendant Minus, roi de Crète, essaie de mettre
au nombre de ses attributs mythiques. Tout un terme à ces déprédations; il parvient à
semble donc indiquer que ce lut par les soins châtier les Athénien-, qu'il oblige à chercher
Je ce dernier prince que l'agriculture, le com dans le commerce et l'industrie des ressour
merce maritime et intérieur commencèrent à ces moins précaires que celles que fournit lu
prendre un certain essor. Pendant ce règne les pillage. Pour obleuir la paix du roi de Crète,
Thraccj pénètrent dans l'Altique, et avec Egée consent à lui payer tribut, et à lui en
«ix sans doute les poésies de Linus et d'Or voyer à certaines époques un nombre déter
phée. Le sort des armes les obligea de se sou miné de jeunes hommes et de jeunes filles
mettre aux Athéniens, dont le roi voulut as choisis parmi ses sujets, et que le sort dévouait
surer la victoire en immolant sa propre fille. à la mort, selon les uns, à la servitude ou
Erecthée lui-même périt dans le combat tout simplement à l'exil, selon les autres. Par
(IWO). Sa mémoire fut éternisée dans la suite de cet échec, Athènes se vit dans la né
constellation de l'Hénochus ou de l'Aurigo, cessité de subir l'influence de la Crète, à la
le cocher de la sphère décrite par Germani- quelle elle dut de rentrer dans les voies de la
cus et Hv»in. civilisation. Le règne de Thésée, fils d'Egée,
ATH ( 158 ) ATTT
H le type le plus exact peut-être du héros grat du peuple athénien , si les déportements
ou demi-dieu grec, est empreint d'un grand chevaleresques de ce héros, déportements
caractère de régénération politique. Thésée, dont Athènes subit les trop fâcheuses consé
selon quelques auteurs, avait fait partie de quences, ne demandaient à être pris eu con
l'expédition des Argonautes; la renommée sidération. Toutefois, Athènes, qui, dans I ■■•>
de ses exploits contre les malfaiteurs, les ty âges suivants, recueillit les fruits du sage
rans et les brigands de toute espèce, le plaçait gouvernement du Dis d Egée, lui éleva des
déjà à côté d'Hercule ; désireux de forcer temples et des autels, et se glorifia d'être ap
1 admiration de la postérité et la reconnais pelée la ville de Thésée. Parmi les onze cent
sance de ses concitoyens, ou peut-être de quatre-vingt-six vaisseaux que la confédéra
laver la honte du traité signé par son père, il tion hellénique arma contre la ville de Truie
s'embarque sur le fatal vaisseau qui devait (1289), cinquante avaient été fournis par lu
cette fois transporter sur les rivages de la ville d'Athènes; ils étaient commandes par
Crète les enfants de l'Allique. La grandeur Méneslhée, successeur de Thésée, et l'un de
d'Athènes que Thésée devait fonder fut le prix ceux qui avaient le plus contribué à son-ex
de cette noble action. Minos, comprenant le pulsion. La législation de Thésée n'avait pas
dévouement de 1 illustre captif, résolut de le fait disparaître encore l'usage barbare de*
former lui-même à la pratique de la royauté. sacrifices humains, puisque c'est vers ce
Une civilisation encore pleine de force et de tempsquelacélèbrelphigénie, filledeee héros
jeunesse étendait alors ses bienfaits sur la et d Hélène, selon quelques traditions, fut
Crète. Initié par Minos lui-même à tous les vouée aux autels sanguinaires de Neptune.
secrets du gouvernement crétois, Thésée en On peut croire que cette infortunée périt
rapporta chez ses concitoyens les sages in victime des intrigues de l'usurpateur Ménes-
stitutions et les formes assez démocratiques. thée. La mort de ce dernier dans l'île de Mé
Sous son gouvernement, le peuple athénien , los (1270) rendit, pour pi us d'un siècle, le trône
appelé à se faire représenter et à délibérer d'Athènes à la famille de son prédécesseur.
dans des assemblées communes sur ses inté Démophoon, Oxinthès, Aphidas et Thymœtès
rêts politiques, fut en outre investi de tous l'occupèrent successivement.
les pouvoirs civils et judiciaires. Ce même Il est certains moments dans la vie des
prince restreignit les attributs de la royauté peuples dont tout leur avenir semble plus
rux seules prérogatives que nécessite la particulièrement solidaire : telle fut pour Athè
charge de protéger une société contre ses nes 1 époque remarquable qui s'écoula de
ennemis extérieurs, et de veillera l'intérieur puis le règne de Thymœtès jusqu'à l'abolition
au maintien de sa constitution, ce qui a fait de la royauté (1190-1132). Pendant celte
dire à Aristote que Thésée, le premier, avait courte période, on voit la barbarie, qui, à la
établi le gouvernement populaire et s'était faveur de l'invasion doriuune, reconquiert
démis do la royauté, et fait faire à Pltilarque pour plus d'un siècle la majeure partie du con
cette remarque, que les seuls Athéniens tinent hellénique, faire refluer vers l'Atliqu»
étaient désignés sous le nom de peuple, M,ixo%, comme vers le cœur de la Grèce une foule de
dans le dénombrement qu'Homère fait des peuples. Ce sont d'abord les Pélasges , qui
troupes grecques qui se trouvaient au siège viennent à deux reprises raviver le caractère
<lo Troie. Thésée créa l'une par l'autre la originel des Athéniens ; accueillis comme des
grandeur d'Athènes et l'unité de l'Allique; frères, ils fertilisent les petites incultes de
toutes les bourgades fondées par Cécrops du IHymèle, qu'on leur abandonne , et paient
rent reconnaître la prééminence d'Athènes , leur hospitalité en remplaçant par un murdo
où chacune d'elles eut droit de faire représen construction pélasgique , dont les débris se
ter ses intérêts par des députés électifs. La voient encore, l'ancienne enceinte de Cé
sagesse des nouvelles lois importées par Thé crops. Puis v ennenl lesEoliens, obligés do
sée, la pompe inusitée des fêtes religieuses, céder la Me sénie aux descendants d'Hercule,
{ et en particulier de la fête des Panathénées, les Ioniens de l'Egialée, les Epidauriens, les
en attirant vers la nouvelle métropole tous Corinthiens , et d'autres encore qui fuient la
les peuples voisins, favorisait singulièrement servitude dorienne. Toutes ces nations sont
cette combinaison. La mort de Thésée, exilé incorporées dans les tribus athéniennes , aux
par ses sujets dans l'île de Cyros (1293), est quelles elles apportent chacune l'acquit va
le premier trait qui accuserait le naturel in rié de leur civilisation resuective. La lâcheté
AT II ( 159 ATH
de Thynfœl es' fit sortir lescoplre de la famille («P^ovti;, chefs). L'archoulat fut d'abord à
de Thésée an profit de Mélantlius, de la mai vie et hérita de la plupart des prérogatives
son royale des Eolieus , récemment incorpo royales. Medou, fils de Codrus, exerça le pre
res à l'ancienne population. Si I on s'en rap mier cette niagistrature. Pendant ce temps,
porte à des traditions qu'on peut bien soup ses frères, à la tète des grandes émigrations éo-
çonner d'avoir été modifiées dans le sens de lienneset ioniennes , s'en allèrent coloniser les
lii vanité athénienne, le peuple ne subit point îles de la mer Egée et les côtes de l'Asie-Mi-
ce changement de dynastie. Lui-même se neurc. Eu". 54, l'archontat, qui s'était main
choisit de nouveaux chefs, usant de l'exer tenu dans la famille de Médon, vit restreindre
cice de ses droits. Ce fut Mélantlius qui ac sa durée à une période décennale ; enfin , en
cueillit les Ioniens de l'Egalée, et ou lui prête 054, ses divers pouvoirs furent répartis entre
le but politique d'avoir voulu , eu augmen neuf citoyens qui furent élus pour un an seu
tant la population athénienne de ces ennemis lement. Le premier de ces magistrats elait
naturels des Doriens, la protéger plus sûre l'archonte proprement dit-, et donnait son
ment contre les envahissements que ces der nom à l'année ; le second s'appelait le roi , le
niers pourraient tenter. Ce prince, fils de troisième polemarque, et les six autres thes-
Pœon, fut, avec ses frères , la souche de trois mothètes. Ainsi la substitution de l'archoulat
grandes familles qui tinrent dans la suite le à la royauté ne-fut pas, dès le premier jour,
premier rang dans la republique d'Athènes , une victoire tout-à-fait décisive pour le prin
à savoir, les Pœonides, les Alcmèonides et les cipe démocratique; elle ne tourna même pas
Pisistratidcs. Le nom du fils de Mélantlius, immédiatement au profit de la cause popu
Codrns, qui se dévoua volontairement à la laire, car elle avait été en grande partie
mort pour assurer la victoire à ses conci l'œuvre des grands. Toutes ces familles puis
toyens obligés de repousser de leur propre santes, toutes ces races royales que l'émi
territoire l'envahissement dorien , clôt glo gration avaient amenées dans Athènes, ré
rieusement la liste des rois d'Athènes. Pleins clamèrent comme un droit quelque part do
'(admiration pour le dévouement de Codrus, l'autorité suprême, appelant seulement le
les Athéniens déclarèrent Jupiter seul digue peuple à fortifier leurs prétention» de son suf
de lui succéder, et abolirent la royauté, sous frage. Athènes ne devait donc s'acheminer
prétexte de la confier au maître des dieux. La vers la république qu'à travers les dissensions
mort d'un seul homme décida en outre, dans du régime oligarchique , lequel pesa souvent
celte occasion, une immense question d'avenir sur la population à l'égal du plus intolérable
pour la Grèce entière. En obligeant les Héraeli- despotisme. Celle longue période oligarchi
des déconcertés à rentrer dans le Péloponèse, que, qui fut, à n'en pas douter, celle de la
elle préserva d'un complet naufrage les débris domination des Ioniens et des Eolieus sur les
de la civilisation et de la liberté de l'âge héroï- anciens habitants , échappe à l'histoire par la
que,qui, retranchées sur le territoire athénien, disette de documents. Ou peut toutefois as
y tinrent en réserve pour les âges suivants surer qu'elle vil la société athénienne rétro
les éléments d'une véritable renaissance. La grader sensiblement dans la voie du progrès.
royauté n'eut jamais, chez les peuples de la Les précieux germes de la civilisation des
Grèce, ce caractère absolu qu'elle u toujours temps héroïques qu'Athènes avait recueillis
conservé en Orient. Son abolition à Athènes, ne furent point perdus, mais ils attendirent
où, dès son origine, elle inclina à n'être pour se développer l'avènement définitif de
qu'une haute magistrature, ne fut point un la puissance populaire. Au moment où Solon
fait brusque et isolé qui se formula sous fut appelé à rédiger son admirable code, uno
l'empire de circonstances actuelles et lout-à- lutte à mort était engagée entre les habitants
fail particulières à cette ville ; ce ne fut, au de la plaine, les Pèdient ou Eupalridet, re
contraire, qu'une simple manifestation lo présentant l'élément aristocratique, et hs
cale d'un grand phénomène historique qui habitants de la montagne et des côles, Bypc-
s'était déjà produit et se repétait eu même racriens et Paralicns, représentant à la fois
temps sur divers points de la Grèce. Parmi les l'élément démocratique et l'ancienne popu
causes immédiatement déterminantes, l'in lation, retournée en partie à la vie pélasgi-
vasion dorienne dut jouer un rôle. que. Parvenu à l'archoulat en 593, Solon
Les Athéniens substituèrent à leurs rois est choisi pour arbitre entre les deux partis ;
J« chefs désignés sous le nom d'archontes il concilie, en les soumettant aux lois d'un
ATH ( 160) ATH
équilibre stable, les prétentions des grands et ardent démocrate, il se voit forcé par le peu
les droits du plus grand nombre. Toutefois, ple athénien de sortir du territoire de l'Atti-
un des mérites de sa législation , c'est d'avoir que ; mais bientôt, aidédeCléomènes, roi de
su ménager adroitement au peuple son avè Sparte , Isagoras se présente devant Athènes
nement inévitable au pouvoir. Il changea à la tête d'une ligue formidable formée par
moins, du reste, la forme du gouvernement les Etats dorions du Péloponèse et les autres
qu'il ne le ramena à celle qu'il avait sous peuples ennemis des Athéniens. La double
Thésée. L'ancienne législation Cretoise re cause de la nationalité et de la liberté du
parut en grande partie dans la sienne et rat peuple athénien sortit victorieuse de celle
tacha les temps historiques ù l'époque héroï épreuve. La conquête de la Chersonèse de
que. Après avoir donné à ses concitoyens la Thrace , de l'île de Lemnos et des Cyclades
meilleure constitution qu'ils pussent suppor par l'Athénien Milliade (506-507 ), celle de
ter, Solon eut la douleur de voir Pisistrate , lEubée, où mille colons athéniens furent en
l'un de ses amis et le chef même de la faction voyés, enfin l'augmentation considérable de
démocratique , s'emparer du pouvoir à la fa la marine athénienne, réduite depuis long
veur de cet ascendant que donnent toujours temps à cinquante vaisseaux peutecoiilorcs
sur la multitude l'éclat de grands talents em ( vaisseaux de cinquante rames ), furent au
ployés à défendre ses intérêts (561). Pisistrate tant de conséquences heureuses et immédia
ne se maintint qu'en persuadant à ses conci tes de la défection de la ligue dorienne.
toyens qu'il no Taisait que personnifier en lui Solon, prenant la richesse pour base de
l'autorité populaire, et il ne porta, du reste, classement, avait di\isè en quatre catégo
aucune atteinte grave aux lois de Solon. Les ries le peuple athénien. Les trois premières
Athéniens semblent avoir inventé pour lui le seulement étaient appelées à remplir le»
nom de tyran ; mais ce fut moins, en réalité, charges civiles; la quatrième, éloignée des
une tyrannie qu'il leur imposa qu'une tutelle emplois, en était dédommagée par la possibi
héréditaire pareille à celle de Thésée. De lité de parvenir aux fonctions judiciaires et
puis 561 jusqu'à 528, année où mourut Pisis sacerdotales, et par le droit de suffrage dans
trate, trente-trois ans s'écoulèrent. Cependant l'élection des autres magistratures. Celte der
cet homme d'une rare capacité fut pendant nière réserve devait à la longue assurer à la
dix-sept ans seulement à la tête des affaires. quatrième classe la prédominance sur les trou
Banni deux fois par les Athéniens , deux fois autres ; mais Clisthènes, instruit par les der
il ressaisit l'autorité suprême, qu'il sut trans niers événements , eut hâte de décider la
mettre à ses deux fils , Uippias etHipparque. question entre les grands et le peuple. En
Pisistrate hâta le réveil de l'art et de l'indus conséquence , il répartit la population athé
trie. La ville, assainie par des fontaines, dé nienne en dix tribus ( yuXai ), dans lesquelles
corée par de nombreux édifices, fut en outre il incorpora les habitants des bourgs prives
dotée d une bibliothèque publique. Les Athé jusque-là du droit de citoyens. De plus, il
niens, grâce aux goûts littéraires de leur éleva à cinq cents le nombre des menibiesdii
tyran .qui rassembla en un seul corps d'ou sénat, que Solon avait fixé à quatre cents.'
vrage les chants dispersés d'Homère, devin Tous ces changements et d'autres dans le
rent possesseurs du plus précieux monument même sens placèrent définitivement la force
de l'histoire et de la littérature grecques. dans le nombre et transformèrent en une dé
Hippias et Hipparque continuèrent pendant mocratie pure la démocratie mesurée do
quatorze ans l'œuvre de leur père. L'abus qu'ils Solon.
tirent ensuite de leur autorité causa leur Vers la fin de l'archontat de Clisthènes, un
perte ; Hipparque tomba sous les coups satrape du roi de l'erse, Artapherne, deman
d'Harmodius et d'Aristogiton, et, trois ans dait orgueilleusement à des ambassadeurs
après, Clisthènes, chef des Alcméonides, qu'Athènes lui avait envoyés ce que c'était
aidé des Lacédèmoniens , force Hippias d'ab que les Athéniens et quel lieu de la terre ils
diquer la tyrannie. L'élément démocratique occupaient. A quelque temps de là, les colo
se retrouve encore en présence de l'élément nies ioniennes de l'Asie-Mineure tributaires
oligarchique toujours puissant. Isagoras, do Darius secouèrent le joug de son autorité;
chef de la faction aristocratique, parvient à ce fut alors que les Athéniens, répondant à
s'emparer du pouvoir. Après plusieurs avan l'appel de leurs frères opprimés auxquels ils
tages remportés sur son rival Clisthènes . purent envoyer vingt vaisseaux, méritèrent,
ATII C 161 ) ATH
par l'incendie de Sardes, do fixer pour la pre talo, que déjà ils songent à organiser une réac
mière fois l'attention du grand roi. L'an 490, tion do toute la Grèce contre l'Asie. Le 22
cent mille Perses, sous la conduite de Datis , septembre 479, la victoire navale de Léotichy-
débordent sur le territoire de l'Attique, où des, roi de Sparte, et de l'Athénien Xanlippe,
les guide Hippias, l'ancien tyran. Au nom de père de Periclès, sous le promontoire de
Darius leur maître, ils viennent offrir aux Mycale, rend la liberté aux villes grecques
Athéniens le choix du châtiment mérité pour de l'Asie, et apprend au grand roi que les
l'incendie de Sardes. Les Athéniens, inspirés Athéniens sont venus jusque sur son propre
par Thémistocle et Aristide, commandés par territoire proclamer sa défaite et en pour
Milliade , répondent parla victoire de Mara suivre les conséquences. Le même jour la
thon, c'est-à-dire la plus grande action dont victoire de Platée vengeait sur terre les
an peuple ait jamais enrichi les annales de Athéniens de la nouvelle injure que Mardo-
la liberté. Athènes seule par son audacieuse nius venait de faire subir aux murs do leur
légèreté avait attiré sur la Grèce le fléau de ville. Ce fut alors (479) que du milieu de ses
l'invasion persique; seule elle était capable ruines commença à s'élever une nouvelle
de réparer sa faute, et osa l'entreprendre. Athènes ornée des dépouilles des Perses. L'im
Grâce au génie actif et prévoyant de Thé- mense butin que ceux-ci avaient laissé der
niistocle , auquel dix années suffirent pour rière eux subvint aux premiers frais de cette
doter sa patrie de l'empire maritime, les pe reconstruction.
tites tribus de l'Attique ne succombèrent La ville de Thésée et de Pisistrate, mal
point dans cette lutte immense dans laquelle gré l'interprétation trop absolue donnée à un
se fût brisé un empire. Pendant les dix années passage d'Hérodote, n'avait pas disparu tout
dont nous parlons, de 490 à 480, Athènes entière dans les incendies de Xerxès et d«
recueille sur les îles de la mer Egée les fruits Mardonius. Quelque terrible qu'ait été la fu
de la journée de Marathon, et l'Asie tout reur du grand roi , on peut croire que les
entière s'ébranle pour venir subjuguer un peu principaux monuments de l'ancienne ville,
ple dont le nom venait à peine de pénétrer comme le temple d'Erechthée, celui d'Enée,
à la cour de Suze. Enlin Xerxès , fils de Da ceux de Vénus, de Vulcain, d'Apollon Py-
rius, fait déborder sur la Grèce la plus for thien, etc., durent la braver. Les remarques
midable association d'hommes qu'il ait été de Pausaniassur le temple de Bacchusctdoi
jamais donné à un seul homme de pouvoir Dioscures, surceux de Junon etdeCérès,nous
faire servir à venger son injure. Toute la assurent encore que jusque vers les derniers
Grèce septentrionale est envahie en un in temps de la république les Athéniens purent
stant, et l'héroïque dévouement de Léoni- toujourslire, dans les nobles cicatrices de quel
das et de ses trois cents Spartiates aux ques uns de leurs monuments, la glorieuse
Tuermopyles (voy. ce mot) ne peut con histoire de leurs ancêtres. Cependant, à l'ex
tenir qu'un moment ce déluge humain qui se ception de quelques restes de constructions
fait jour à travers les provinces de la Grèce pélasgiques dont nous avons déjà parlé ,
centrale. Athènes, dans cet instant suprême, on ne trouve aujourd'hui dans les ruines
dominée par le génie de la Grèce, Thémis- d'Athènes la trace d'aucun monument remon
tocle, se réfugie sur ses cent trente vaisseaux, tant à une époque antérieure à l'invasion
à la télé des forces combinées de Sparte et de persique. Sitôt la retraite des Perses com
quatre ou cinq petits peuples qui ont osé ne mence à se dessiner la rivalité d'Athènes et
point désespérer de la fortune, et qui atten de Sparte. Les Lacédémoniens voient d'un
dent l'ennemi dans l'étroit bassin formé par œil jaloux Thémistocle s'empresser de relever
les côtes de l'Attique et de Salamiue. C'est là les murs de sa patrie, et « en attachant, selon
que Xerxès, après avoir exercésa fureur con «l'expression de Plutarque, la ville à son
tre les murs déserts d'Athènes, vient assister » port et la terre à la mer, » assurer la
àla défaite de ses douze cents galères (1819 grandeur de ses destinées. Toujours préoccupe
octobre 480). Les Athéniens n'ont pas encore delà grande idée de donner à ses compatriotes
reconquis leurs foyers tout fumants de 1 in- l'empire do la mer. Thémistocle leur fit adop
rendie allumé par Xerxès ; Mardonius,à la ter un décret par lequel ils s'engageaient à
tête d'une armée de plus de trois cent mille équiper chaque année soixante galères. Vers
hommes,
que, campe imposant
encoredébris
aux portes
de l'invasion
de leur modi
capi- le nièiue temps, le peuple, anobli par ses
triomphes récents sur les Perses, fut déclare
Eneyel. i/.i MX' siècle, t. IV. il
ATH ( 162) ATII
apte à remplir toutes les fonctions de la répu tié des peuples de la Grèce Athènes toute
blique. Le sage Aristide fut l'auteur de ce fois rallia à su cause lesLesbiens, les Plaléens,
décret, qui porta une atteinte grave à la con les habitants deChio, les Messéuiens de Nau-
stitution dcSolon etun nouveau coupau prin pacte, une partie des Acarnaniens, les Cor-
cipe aristocratique. cyriens, les Zanlhiens, les peuples de la Ca
Cependant Athènes s'était emparée de la rie maritime, les Doriens limitrophes de la
suprématie de la Grèce, en dépit de Sparte, Carie, l'Ionie, l'Hellespont, les villes grec
qui l'avait conservée jusqu'alors. Chaque ques de Thrace, toutes les îles situées au le
Etat confédéré s'était engagé à fournir son vant, entre le Péloponèse, la Crète et les
contingent d'hommes et de vaisseaux. Ceux Cyclades. Toutes ces alliances, un immenso
qui n'avaient point de navires payèrent en numéraire, une longue expérience dans la
argent une somme déterminée que les Athé guerre, lui permirent de soutenir pendant
niens durent convertir en vaisseaux et en vingt-sept ans tous les efforts de la ligne pc-
armements de toute espèce. Le taux de ces loponésienne, qui eut pour auxiliaires la
contributions, fixé par Aristide lui-môme, peste dont mourut Périelès, la famine, les
s'éleva à 460 talents (2,000,000 te). Le Pirée tremblements de terre et les trahisons d'Al-
à demi construit devint donc en un moment cibiade. Enfin Athènes succombe, et sa dé
le centre des forces maritimes de toute la faite à jEgos-Polamos la place sous le joug
Grèce, pour la majeure partie représentées lacédémonien le jour même de l'anniversaire
sous Cimon par la seule Hotte athénienne. de Saturnine. La flotte ennemie s'empare du
Aussi à partir de la journée de Mycale et de Pirée, et Sparte triomphante voit crouler, au
Saturnine, pendant vingt ans , sous Aristide son des instruments, ces magnifiques fortifica
et Cimon, l'histoire de la Grèce n'est plus tions qui depuis Thémislocle n'avaient cessé
occupée qu'à enregistrer les conquêtes des de lui porter ombrage.
Athéniens dans la Tiirace, l'archipel Egéen, Lysandre, vainqueur d'Athènes, après
l'Egypte, le littoral et même le plein conti avoir renversé les murs de celle ville et dé
nent de l'Asie-Mineure; qu'à énumérer les truit sa marine, abolit son gouvernement dé
colonies qu'ils dirigent de tous côtés avec une mocratique (40V) ; il substitua aux archontes
surprenante activité. Le traité ignominieux trente magistrats, ministres des vengeances
imposé par Cimon à Artaxerxès, traité par de Sparte. La haine des Athéniens surnomma
lequel le grand roi consent à se constituer ces derniers hér-opltores, buveurs de sang, et
en quelque sorte prisonnier dans ses propres l'histoire a voulu flétrir à jamais leur admi
Etats, marque le point culminant de la gloire nistration par i expression consacrée du gou
guerrière d'Athènes. vernement des trente tyrans. Thrasybule, par
Après la mort de Cimon et sous l'adminis une manœuvre audacieuse et habilement
tration de Périelès, la capitale de l'Attique concertée, entreprend de délivrer ses con
cherche une nouvelle gloire et brille d'un citoyens, et bientôt Athènes échappe par le9
éclat jusqu'alors inconnu. Le peuple athénien mains d'un seul homme au joug brutal de ses
semble s'être transformé tout à-coup en un oppresseurs ; les trente sont massacrés, et la
peuple de savants, d'artistes, de philosophes démocratie rétablie (403). Athènes s'empresse
et d'écrivains. En détournant au profit do aussitôt d'accéder à une ligue que les Thè-
l'égoïsme national les subsides de guerre, bains et les Corinthiens ont organisée contre
employés à embellir Athènes, à multiplier les Lacédèmone, dont la puissance n'a d'égale
fêles de la multitude, à payer à celle-ci sa que son insolence. La bataille d'Haliarte, où
présence au spectacle et aux assemblées gé Lysandre perd la vie, interrompt les triom
nérales, et surtout en traitant comme de vé phes d'Agésilas en Perse (396). Tandis que ce
ritables tributaires les alliés et les colonies roi de Sparte, obéissant à l'ordre des Eplio-
d'Athènes, Périelès indisposa contre celte res , vole au secours de sa patrie, l'Athénien
ville la plupart des peuples de la Grèce, Conon se charge d'apprendre aux Perses, par
et prépara de leur part une réaction qui la bataille de Cnydus, le secret de vaincre les
aboutit à la ruine de sa patrie. Sparte, qui Lacédémoniens. A la tête de la flotte persane
devaitnalurellemenlprésideràcette réaction, ou plutôt phénicienne , il se hâte de revenir
connue sous le nom de guerredu Péloponèsc, en Grèce , relève les murs d'Athènes, et re
bien avant le commencement des hostilités, conquiert lasuprémalie mari li me. Cpnon (393)
comptait déjà parmi ses alliés près de la moi ' parcourt les Cyclades, Lesbos, Chio, l'Ionie,
ATH 163 ) ATH
l'Etoile, et somme les Perses do reconnaître vier; Thésée, dans la suite, y rattacha les
l'autorité de sa patrie. Cependant Sparte veut Panathénées, fêtes nationales. Les Péiasges
à tout prix maintenir sa domination sur la dotèrent Athènes de quelques-unes do ces
Grèce. Un rapprochement a lieu entre les fortifications appelées cyclopéennes, murail
Lacédémoniens
gociation du traité
et lequi
roiadeattaché
Perse pour
dans lal'his
né' les en blocs de rochers que l'on voit encore
assez fréquentes en Italie; les temples anti
toire au nom d'Antalcidas une ignominieuse ques se renouvelèrent dès la période anlé-
célébrité. historique; ce n'était plus assez de l'enceinte)
De 378 à 375, Athènes, toujours opposée à de Minerve Poliade ( ou patronne de la ville).
Sparte et occupée de relever la démocratie, Au viir siècle avant J.-C., un grand édifice,
aide Epaminondas et Pelopidas à délivrer l'Hecalombeum, fut élevé dans la citadelle ou
leur patrie du joug des Lacédémoniens. Re Acropole. Pisistrate fonda le temple d'Apollon
poussés par Chabrias de la Béotie (377), ces Py thien, et commença les travaux de celui du
derniers sont vaincus l'année suivante parle Jupiter Olympien. La splendeur de la cité at
même général athénien aux alléragcs do tira l'attention des Perses; la prise d'Athènes
Naxos; cette grande défaite navale est com devint le principal but de leur expédition. Il
plétée par les succès de Timothèe et d'I- fallut relever tous les monuments, et presque.
phicrate qui ravagent les côtes de la Laconie, tous les édifices datent de celte courte paix
et anéantissent les restes de la marine pélo- qui dura depuis la victoire de Salamine à la
ponèsienne. Mais bientôt, jalouse des succès guerre du Péloponèsc. Toutefois , il n'est
des Thébains, Athènes s'unit aux Spartiates, guère probable que ces monuments aient été
et voit échapper à sa domination Chio, Rho totalement détruits par les Barbares. La des
des, Cos, Byzance et plusieurs autres colonies. cription de Pausanias prouve que de sou
Enfin, malgré les efforts du Phocion, qui sou temps il eu existait encore d'antérieurs à celui
tient encore la gloire militaire de sa patrie , de leur invasion, tels que les temples deBac-
malgré l'éloquence de Dèmosthônes, qui cher chus, celui des Dioscures, celui de Junon sur
che et parvient quelquefois à réchauffer le le chemin de Phalère, etc. Quant au •.■rand
courage de ses concitoyens, Athènes, depuis temple de Minerve de l'Acropole, il parait
long-temps menacée par l'ambition de Phi avoir été tellement anéanti que Thémistocio
lippe, roi de Macédoine, succombe avec lu ne craignit point d'en employer les débris aux
reste de la Grèce à la bataille de Chéronée murailles de l'Acropole; les autres purent
(338,, qui mit lin à son indépendance. Depuis être restaurés facilement. L'utilité était lu
celle époque, Athènes fit bien quelques ten caractère dominant de toutes les construc
tatives pour reconquérir sa liberté sous tions de ce grand homme; Ci mon y apporta
Alexandre et ses successeurs ; mais ses efforts son caractère de magnificence; Périclès y
furent presque toujours impuissants ou n'eu appelâtes ressources des Etals tributaires. Le
rent que peu de succès. Elle subit tour à tour premier édifice deCimon fut le temple de Thé
la fortune des rois qui se disputaient la Grèce, sée; le Pœcile est probablement de la même
devint successivement le partage ou la con- date, ainsi que le théâtre de Bacchus, bâti
ijuêle d'Anlipaler, de Cassandre , de Dénié- dans la vue d'y faire représenter les pièces
trius Poliorcète, d'Anligone Gonatas, se joi d'Eschyle ; ce fut de ses deniers que Cimon
gnit ensuite à la Ligue Achéenne pour se exécuta les travaux de la Sloa, du Gymnase,
couer le joug des derniers rois de Macédoine, de l'Académie , do la place publiquo , les longs
et après quelques jours d'une liberté appa murs ayant été payés du produit des dépouilles
rente qu elle dut à l'ambition plutôt qu'à la des Perses, et il y a lieu de croire qu'ils ne
générosité des Romains, elle vint enfin s'ab- furent entrepris qu'après la bataille de l'Eu-
torber dans le vaste empiro du peuple con rymédou. Périclès acheva les ouvrages mili
quérant. Athènes est aujourd'hui la capitale taires commencés par Thémistocle; il con
iiu nouveau royaume de Grèce. I. J. struisit quelques - uns des portiques du
Céramique ; mais à lui seul la gloire du tem
Topographie. — Mœurs. — Institutions. —•
ple d Eleusis, du Parthénon, des Propylées.
Finances. La guerre du Péloponèse mit fin à ces pro
Au temps de Cécrops, Alliènes était tout spérités; les dépenses de la guerre ne lais
entière renfermée dans lacitudellc. Erechllièe saient plus de ressources pour les embellisse
y plaça une stalue de Minerve eu bois d'oli ments de la ville.
ATH ( 164 ) AI' H
Les malheurs politiques d'Athènes amenè la beauté des monuments, 11 les épargna.
rent la destruction des longs murs et de ceux Après son départ, la Minerve colossale de
du Pirée ; niais elle ne fut pas totale : d'ailleurs Phidias existait encore ; il est probable que
ils furent relevés après la bataille de Guide. les temples avaient été convertis en églises.
Ou acheva le théâtre de Bacchus; on con La complète abolition du paganisme ne s'ac
struisit un stade; le Gymnase fut bâti dans complit qu'en 4-20, sous Théodose-le-Jeune.
le Lycée; les ports furent entièrement dispo Le Parlhénon. qui tenait son nom de ta
sés pour y recevoir quatre cents trirèmes. virginité de Minerve, s appela Panagia, à
Dans la suite, l'alliance ou la domination de cause de la sainteté de la Vierge; saint
la Macédoine et de Rome garantirent Athè Georges remplaça Thésée. Le règne de Justi-
nes des malheurs de la Grèce; elle fut heu nien fut défavorable aux édifices dont on ne
reuse, niais sans importance. Sylla renversa pouvait faire des églises; on fit venirdes colon
les fortifications du Pirée : la marine depuis nes à Conslantinople pour celle de Sainte-
long-temps était effacée par celle de Rhodes. Sophie. Cet empereur ayant fermé lesécoles,
Le plus grand respect guida toujours la con Athènes ne fut plus qu'une villesecondairedont
duite des dominateurs romains. César par les historiens parlent rarement. Les icono
donna aux Athéniens leur attachement à clastes cl les Slaves ont fait moins de mal que
Pompée ; Antoine ne les punit point pour avoir l'incurie et la désuétude. Athènes, duché sous
aimé Brulus et Cassius; Auguste ne leur re le marquis de Monlferrat, devint une princi
tira point sa faveur parce qu'Antoine les pauté des Francs, de 1204 au milieu duxv siè
avait protégés. Athènes continua longtemps cle ; elle fut ensuite placée sous la protection
à être l'école du monde. Cinq siècles do de la maison d'Arragon, enfin des Acciaguoli
prospérité ajoutèrent aux monuments quel de Florence, qui devinrent tributaires du sul
ques constructions nouvelles; ainsi Ptulémée tan. En juin 1456, Omar prit possession d'A
Philadclphc ht élever un gymnase près du thènes; le Parlhénon devint mosquée. Les
temple de Thésée; Attale de Pergame em Vénitiens n'y eurent qu'une domination Iroji
bellit l'Acropole de magnifiques slatues. An- courte. Le siège de 1687 fuldésastreux pourle
tiochus Epiphane voulut achever le temple Parthênon, où s'étaient réfugiés les Turcs as
de Jupiter Olympien dont Pisislrate avait jeté siégés. Les Vénitiens détruisirent en moins
les fondations; il fut terminé sous Adrien. de trois jours les chefs-d'œuvre de Périclès.
Peu de temps après la prise de la ville par Les voyageurs Wheler, Spon et de Noinlel
Sylla, Ariobarzane, roi de Cappadoce , avait avaientencore vu tous ces beaux monuments.
réparé l'Odéon, qui avait souffert pendant le L Erechtéum n'avait point souffert et servait
siège. Adrien enrichit cette cité d'une sloa, de harem : une explosion du magasin à pou
d'une bibliothèque, d'un gymnase; Androni- dre des Turcs avait anéanti le temple de la
cus Cyrrestès établit une horloge sur la place Victoire. Les descriptions que Crusius (Mar
publique ; Hérode couvrit le stade en marbre, tin Krauss) obtint par correspondance n'ont
et bâtit le théâtre dont on voit les ruines au ancune valour; Deshayes, ambassadeur do
sud de l'Acropole. Sous les Anlonins, Athè France à la Porte, qui vint à Athènes, a écrit
nes, riche de tous ces dons, avait encore les beaucoup de pauvretés sur ce sujet : on ne
magnifiques monuments de l'antiquité , les dut la connaissance des édifices de l'antiquité
chefs-d'œuvre d'îetinus, Mnésiclès et Phi qu'à l'établissement de quelques couvents.
dias; Plutarque les dépeint comme jouissant En 1675 Athènes fut visitée par Winckelsea,
encore de toute leur fraîcheur. Pausanias, qui ambassadeur d'Angleterre, Spon, Wheler,
vécut sous Adrien, vint peu après; il voya qui sont avec Carrey les seuls auteurs qui
gea sous le règne de Marc-Aurèle; il passa nous fassent connaître l'état de cette villo
plusieurs années en Grèce. Déjà un grand avant 1687. Dans le siècle dernier, Sluart y
nombre de statues, et surtout de peintures, fil
pagné,
un long
y retourna
séjour; Réveil,
en 1764quiavecravaitaccom-
Chandler;
avaient été enlevées, à l'exception des pein
tures murales. Le christianisme fut une nou ils en rapportèrent d'excellents dessins et de
velle cause de destruction; néanmoins à savantes descriptions à ajouter aux travaux
Athènes ces révolutions furent moins violen de Stuart. Ces auteurs ont beaucoup éclairé
tes que dans le reste do la Grèce. A l'appro la topographie d'Athènes; toutefois, on peut
che des Golhs, on répara les murs détruits encore leur reprocher bien des erreurs. Il no
par Sylla. Alaric vint ensuite; mais frappé de parait pas, sauf ce que nous avons dit de l'A
ATII ( 165) ATH
cropole, que les changements survenus dans bre de l'ordre corinthien, au nom brode seize;
Allient'» après le départ de Stuart aient été elles posent sur une plate-fonnu dont le de
bien considérables : les soixante-douze ans qui vant est de 2,300 pieds II parait qu'il y avait
se sont écoulés depuis Chandler ont fait beau douze colonnes de front et vingt sur le côté;
coup plus de ravages. Les Athéniens firent au que, double sur les côtés, le péristyle était
tour de leur ville une circonvallation qui quadruple au pronaos et à la partie posté
fut l'occasion de beaucoup de dommages ; le rieure. L'Enneacrunus a été pour les savants
frontispice de l'aqueduc d'Adrien, vers le un sujet de dispute; VVheler le cherche entre
mont Anchesmos, fut détruit ; le temple de l'Acropole et l'Aréopage, mais le colonel
Triptolème disparut; les débris de beau Leake démontre sans réplique que cette fon
coup d'édifices ont été employés à con taine était au sud et près de l'Illyssus. Lo
duire des maisons modernes. Les étran Stade a laissé quelques vestiges, et l'on s'en
gers même, par leur admiration et leur culte est servi pour la construction d'un pont sur
pour les ruines, contribuèrent à la destruc- l'Illyssus. Le théâtre do Bacchus est au pied
lion; chacun voulait emporter quelque mor du versant méridional de l'Acropole. M. Leake
ceau précieux que lui vendait l'avidité des rapporte à l'état des lieux la description de
Turcs. Le voisinage de la mer augmentait Pausanias, et prouve encore au moyen d'une
encore la facilité des transports. Ceux qui médaille combien son opinion est fondée.
veulent connaître la topographie d'Athènes Quant à l'Odéou d Jlérode, il fait voir qu'il
feront bien de consulter le grand ouvrage est au sud-ouest, à l'autre extrémité de l'A
de M. William Gell et celui de M. Bronstedt ; cropole. Attious Hérode lui donna le nom de
il existe encore un très bon travail de M. le Hegilla , sa femme. L'Agora ou Forum est
lieutenant-colonel Leake, publié à Londres reconnaissable à quatre colonnes d'ordre do-
en 1821. Il applique à chaque localité la rien. Des inscriptions rappellent des libéra
description de Pausanias, et constate l'état lités de Jules César et d'Auguste. Non loin
actuel des monuments. Nous donnerons des de là était l'Horologium, qui indiquait la
articles séparés sur le Parthénon, les Propy direction du vent et l'heure du jour, soit au
lées, le Pirée , Munychie et Phalère; voici moyen du soleil, soit au moyen de l'eau quand
en attendant la liste des objets dont la posi le temps était sombre; on l'appelle la Tour
tion n'est pas contestée. Il y a dans l'Acropole des vents, à cause des figures caractéristiques
trois édilices principaux, le Parthénon, l'E- <iui représentent les huit vents principaux.
rechthéum et les Propylées ; on connaît de plus La recherche des autres monuments nous
I Aréopage, le Théséum, le Musée, lePnyx, conduirait à la dissertation, et dépasserait
le temple de Jupiter Olympien, la fontaine par conséquent de beaucoup les bornes de cet
Enneacrunus, le Stade, le théâtre de Bacchus, article. Ce qu'on appelait Dipylum ou double
l'Odéou d'Hèrode et le Forum du temps des porte séparait la ville du céramique exté
Romains. L'Aréopage parait avoir été sur rieur au nord-ouest, vers lo temple de Thé
une hauteur qui est à l'ouest de l'Acropole. sée; c'est par là qu'on entrait à l'Académie.
On trouve des restes de sculpture représen Le Pœcile était près de l'Agora, et plus au
tant les travaux d'Hercule et de Thésée; ils sud-ouest la porte qui s'ouvrait vers le Pi
sontsur l'emplacement du temple de ce prince, rée. Le portique d'Adrien et le gymnase de
tout près du gymnase de Plolémée, au nord- Plolémée ne sont pas éloignés de l'Acropole
ouest de la ville. Le musée est sur une hau vers le nord. L'Auraulium et le Prytanée
teur au sud de la citadelle; là se trouve aussi étaient auprès de l'Acropole. Le Lycée, lo
le tombeau de Caïus Julius Anliochux Phi- temple des Muses illysiades, celui de Diane,
lopappus, pelit-fllsd'Anliochus, le quatrième étaient sur les bords de l'Illyssus; là étaient
et dernier roi deComniagène ; il avait été con les jardins et la place appelée Cynosarges.
sul, et frère arval à Home. Le Pnyx est à peu Ce n'est qu'en suivant Pausanias que l'on
près vis-à-vis des Propylées , entre le Musée et pourra se faire une juste idée de l'ancienne
l'Aréopage ; c était la place publique des an Athènes.
ciens temps; elle était assez voisine de l'en Athènes possédait près de dix mille mai
ceinte : on y découvre encore des vestiges do sons, la plupart petites et peu remarquables :
murailles. Les débris du temple de Jupiter la splendeur n'était que dans les édifices pu
Olympien sont au sud-est de la cité, près do blies : les rues étaient étroites et tortueuse»;
l'Illyssus. H vade magnifiques colonnes de mar le Pirée seul avait été construit sousThémis
ATII ( 1(56 ) a Tir
iode d'après un plan régulier. Les étages su créancier : ce législateur abolit aussi l'enga
périeurs s'avançaient souvent sur les rues, gement de la personne.
dont le» escaliers envahissaient aussi la place. A Athènes, les lois de finances émanaient
On ne commença à bâtir de belles maisons que de l'ensemble du peuple; mais l'administra
du temps de Démosthènes. Les prix des mai tion était confiée au sénat des Cinq-Cents,
sons ordinaires variaient de 3 à 120 mines; qui avait à se procurer de l'argent et faisait
c'est un peu moins de 300 f. ou un peu plus de rentrer les deniers publics et sacrés. Les re
tl,000; mais en général les métaux étaient ceveurs lui rendaient leurs comptes, ainsi
assez rares, et par conséquent la proportion que les trésoriers de la déesse. Le sénat fixait
de l'argent aux immeubles et aux denrées le taux des dépenses jusque dans les détails.
bien différente. On avait, selon les calculs du Les impôts étaient affermés ; les amendes et
■avant Bockh , un médimne de Sicile pour 61 les frais de justice formaient une autre bran
centimes, et c'était l'équivalent de 31 litres; che de revenu. Des commissions temporaires
39 litres de vin ou le métrèle coûtaient 30 étaient quelquefois nommées pour faire ren
centimes. Ces évaluations cependant ont un trer les arrérages. Il y en avait une compo
côté ridicule, en ce qu'il faudrait comparer sée de zetètes ( littéralement chercheurs) f
le prix de l'or et de l'argent à celui des den dont les fonctions avaient pour objet la re
rées. Or une drachmeest au franc comme 415 cherche des débiteursde l'Etat. Les a|odecles
est à 450; 6,000 drachmes valent 5,500 fr., établis par Clisthène à raison d'un par tribu
appréciation de M. Bœkh; 12 drachmes, 11 en étaient les receveurs. Chaque temple pos
francs, en sorte qu'on peut toujours savoir ce sédait un trésor formé de dons ; le plus riche
que vaut un nombre de drachmes donné en était celui de 1 Opistodome au Parthénon; les
le multipliant par 11 et le divisant par 12. trésoriers des dieux furent dans la suite réu
Du temps de Solon un bœuf ne valait que 5 nis en un seul corps. La plus considérable des
drachmes ou 4 fr. 58 cent.; une brebis ne va places de finances était celle de l'intendant
lait pas 1 fr. C'était donc une très belle paie des revenus publics, qui était élu par le peu
que le triobolon ou triple obole délivré aux ple; il avait la haute main sur les recettes et
citoyens dans les assemblées où ils touchaient les dépenses.
le droit de présence, en sorte que les railleries Des institutions particulières étaient pré
d'Aristophane ne portent pas sur un objet trop posées à la confection des routes, à la con
mince. On trouve des dots constituées à 40 struction des murs, des chantiers, des vais
mines, 3,660 fr. La maison du riche banquier seaux, au soin des sacrifices, etc., etc. Les
Pasion était estimée 100 mines, un peu plus thesmolhètes payaient le salaire des assem
de 9,000 fr. On payait un esclave au prix de blées du peuple. Une caisse était établie pour
2, 5 ou- 10 mines; cependant le prix des che le salaire des juges. Le théoricon était un
vaux était souvent aussi élevé que de nos fonds à distribuer au peuple pendant la célé
jours : 12 mines font plus de 1,000 fr., etBu- bration des fêtes, tant pour payer son entréo
céphale aurait été payé 13 talents (71,500 f.). au théâtro que pour lui procurer un meilleur
Que l'on juge de cette extravagance en com repas. Il est fort douteux que l'on fit à l'a
parant l'argent aux denrées selon la propor vance une compensation présumée entre les
tion actuelle. Lt; salaire des journées était de recettes et les dépenses. La construction des
3 ou 4 oboles, c'est-à-dire de 40 à 60 centimes. édifices publics occasionnait d'immenses fraisj
Les intérêts se payaient par mois et par mine, les Propylées, ouvrage dedix années, coulèrent
ou ils étaient une portion du capital accrois 2,012 talents (11,066,000 fr.). Chaque entre
sant par an, ou bien ils se calculaient pour prise avait son directeur des travaux.
tout le temps du prêt. La lecture des anciens Une garde composée d'esclaves publics (on
demande une étude spéciale pour ne se pas les appelait archers ou Scythes, à cause de
méprendre sur les expressions. Le moindre leur origine) entretenait le bon ordre dans la
taux paraît avoir été à Athènes 10 pour 0/0, ville ; elle campait sur le marché. La célé
le plus élevé 36, même pour le prêt mari- bration des fêles donnait lieu à de grandes
lime. Les capitaux étaient assez rares et fort processions. Les sacrifices, composés de bœufs,
demandés. Le fermage des biens fonds variait étaient une amorce pour le peuple; l'achat
de 8 à 12 pour 0/0. Avant Solon, quand on d'une hécatombe exigeait seule un talent.
avait engagé sa terre, un poteau indicateur Outre les sacrifices dont l'Etat faisait les frai*,
annonçait le fait, la somme et le nom du beaucoup d'autres étaient offerts par des
ATII ( IG7jours
^ où il n'y avait pasATII
de fêto, par conséquent
communautés ou des associations. Les prix
des vainqueurs étaient fort chers : c'étaient
trois cents fois environ par an, et coûtaient
des couronnes et des trépieds. Solon avait 25 talents. Aristophane porte la dépense an
fixé des récompenses en argent pour les Athénuelle du salaire des juges à 150 talents, en
niens qui remportaient les victoires dans les
comptant trois cents jours où l'on jugeait et
quatre principaux jeux célébrés au dehors, six mille juges recevant le triobolon. Les dix
savoir : 500 drachmes pour les jeux olym tribunaux qui siégeaient habituellement se
piques (458 fr. 30 c.), 100 pour les jeux islami
composaient chacun de cinq cents juges. Ve
ques, etc. Des théories, ambassades sacrées,naient ensuite ce qu'on appelait les grandes
se rendaient aux Tètes les plus célèbres de la
juridictions de 1,000, 1,800, 2,000 juges, et
Grèce j elles devaient s'y montrer avec d'auenfin de plus petites de 201 et 401. Pisis-
tant plus de faste qu'il s'agissait de la préé
trute avait institué des secours à donner
minence de leur patrie ; aussi Nicias fit con
aux guerriers estropiés; après la guerre
struire exprès un pont de 4 stades de long du Péloponèse la pauvreté se montra de tou
pour passer de l'île de Phénèe à celle do Dé-
tes paris; il fallut étendre les secours aux
los ; plus tard le seul transport des théores et
nécessiteux. Au temps de Lysias celait
des chœurs coûta 7,000 drachmes. une obole ; on doubla cette charité. Les ré
Les distributions publiques étaient habicompenses publiques et les honneurs décer
nés par 1 Elat formaient une autre source do
tuelles; Périclès fut l'auteur decet usage, qui
jeta la paresse dans la nation : souvent pour
dépenses : on érigeait des statues, on donnait
y pourvoir on provoquait d'injustes condam des récompenses pécuniaires. Pindare reçut
nations. En voici l'origine : dans les premiers
10,000 drachmes pour avoir fait l'éloge des
temps l'entrée du théâtre était gratuite; les
Athéniens. On entretenait des vaisseaux, des
bancs rompaient sous la foule, et l'on étoufarmées, et la cavalerie était déjà permanente,
fait en entrant. On exigea donc deux oboles parce qu'elle formait un des principaux or
par personne, et afin de ne pas exclure les nements des pompes; elle coûtait près do
pauvres on leur donnait cette somme; il est 40 talents en temps de paix. Les dépenses
vraisemblable que cette innovation remonte ordinaires des Athéniens ne pouvaient être
à l'olympiade 70, mais ce fut Périclès qui la
moindres de 400 talents, c'est-à-diro
mit à la charge de l'Etat. La distribution se
2,200,000 fr. ; mais en comparant le prix des
faisait par tribus et par têtes, et les absents
métaux à celui des choses nécessaires à la
ne touchaient rien. La théorique, celait levie, en établissant la proportion actuelle, il
faut reconnaître que cela équivaut à
nom de celte libéralité, se donnait à 18,000
individus vingt-cinq ou trente fois par an,6,600,000 fr. de notre monnaie; d'où il suit
ce qui suppose une dépense de 25 ou 30 ta que la ville qui a tenu le plus haut rang dans
lents. l'antiquité grecque, celle dont la marine te
Outre cela, il y avait le salaire de l'assem
nait en respect toute la Méditerranée, n'a
blée du peuple et des juges. Les tribunaux vait guère que le sixième des revenus de
renfermaient journellement près du tiers des
Paris.
citoyens siégeant pour 3 oboles (1 fr. 38 c.).Athènes avait 20,000 citoyens obligés do
On peut voir dans les Guêpes d'Aristophane porter les armes; la population était divisée
eu naucraries , fournissant chacune deux
le côté ridicule de cette institution : au lieu
d'y être souverain, le peuple n'était que lecavaliers et un vaisseau. A Salamine il y en
jouet des ambitieux. Eu prenant comme eut 200 , ce qui élait un nombre extraordi
terme moyen du chiffre de l'assemblée huit naire lout-à-fait en dehors de celle organi
sation, qui n'était sans doute qu'un des modes
mille , à raison de 3 oboles par tête, cela fe
rait 4,000 drachmes. On tenait annuellementnombreux de compléter la cavalerie et la ma-
iine, puisqu'il raison de douze phratries ou
quarante assemblées ordinaires et dix extraor
dinaires; on trouvera que la dépense de cestribus, ne contenant chacune que quatre
réunions devait être de 30 ou 35 talents. naucraries, cela n'eût fait que 96 cavaliers
Ceux qui venaient trop lard ne recevaient et 48 vaisseaux; or, on entretenait plus de
600 cavaliers, même en temps de paix, et il y
rien; le paiement était fait à l'enlrée par les
thesinolhètes.
drachme par chaque
Au sénat
jour d'assemblée en eut jusque 1,200; la cavalerie élait ordinai
on recevait; elles
une
rement la douzième partie de l'infanterie. Los
w tenaient comme les séances de juges, les Athéniens prenaient souvent a leur solde des
AtH ( 168 ) ATH
archers étrangers. Athènes fit des efforts ex deux parties, de manière que les soixante
traordinaires pendant la guerre du Pélopo- plus riches étaient d'un coté, les soixante
nèse ; la seule expédition de Sicile absorba inoins riches de l'autre : en cas de besoin les
plus de 60,000 hommes, dont environ 18,000 riches devaient avancer l'impôt pour les plus
tués , niais la défaite frappa surtout les étran pauvres, qui remboursaient ensuite à loisir. Les
gers. La solde d'un oplite, ou fantassin pe soixante s'appelaient une symmorie, etc., eto.
samment armé, ne fut jamais moindre de Les fêtes religieuses d'Athènes seront ex
deux oboles par jour, et on lui en donnait au pliquées dans des articles séparées. L'organi
tant pour sa nourriture; dans des circonstan sation judiciaire était fort compliquée. Les
ces extraordinaires, on donnait encore plus : le membres de l'aréopage siégeaient toute leur
tervicc militaire était donc beaucoup mieux vie ; il était surtout composé d'archontes dont
payé que dans les temps modernes. Ordinai la gestion avait été irréprochable; ce tribu
rement on remettait aux troupes de terre et nal sacré surveillait les mœurs et exerçait
i!e mer l'argent de la solde et de la nourri une partie de la juridiction criminelle. D'a
ture en même temps. près un passage du Phocion de Plutarque, ou
On peut diviser en quatre classes les re pourrait croire que souvent ce corps parais
venu» d'Athènes : les revenus réguliers que sait au milieu de l'assemblée du peuple pour
l'on tirait du domaine public, en y compre arrêter les délibérations injustes. Parmi les
nant les mines, des accises et de quelques neuf archontes il y en avait trois qui avaient
taxes sur l'industrie , les esclaves, les étran des fonctions déterminées : c'étaient l'épo-
gers, les amendes elles frais de justice, ainsi nyme,le basileus, le polémarque; les six au
que le produit des biens confisqués, les tributs tres étaient appelés thesmothètes. Les ar
des alliés et des sujets, les saisies de douane. chontes présidaient les tribunaux, dont les
L'exportation et l'importation étaient assu juges étaient pris sans distinction parmi les
jetties au faible droit d'un cinquantième; citoyens. Le sort désignait chaque année six
aussi appelait-on pentécostologues ceux qui mille assesseurs. Voici quelles étaient les ju
tenaient les registres. Dans les Guêpes Aris ridictions : 1° l'assemblée du peuple pour les
tophane porte à 2,000 talents le total des re crimes d'état; 2" le conseil (CouXi); 3" l'aréo
venus, sans y comprendre les prestations, qui page; Weshéliastes, ou les six mille citoyens
n'entraient dans aucune caisse publique. dont nous avons parlés, répartis en sections,
Cependant on voit, eu le comparant à Xé- dont la moindre était de cinq cents membres.
nophon, qu il doit y avoir do l'exagération Il y avait pour les meurtres des tribunaux
dans celte évaluation. 11 existait un cadastre spéciaux : 1* l'épipalladium, pour meurtre
pour y consigner le cens; à Athènes les par prémédité; 2* l'épidelphinium, pour meurtre
ticuliers faisaient eux-mêmes leurs déclara sans préméditation; 3° l'emphréatium, pour
tions, qui était susceptible de vérification. ceux qui, exilés pour meurtre, n'étaient pas
Indépendamment des terres et des maisons, encore purifiés; 4" l'épiprytanium, pour les
les capitaux productifs ou non, les esclaves, cas où la cause de mort était un être inanimé
les produits bruts ou travaillés, le bétail, les ou un animal; 5* l'épithalattium, ou tribunal
meubles, tout était apprécié. M. Bœkh, au maritime. Cette organisation est , comme
teur de l'excellent ouvrage traduilparlVI. I a- on lo voit, fort compliquée. Quant aux tri
ligant sous le titre d'Economie politique des bunaux des archontes, 1» celui de l éponyme,
Athéniens, estime que la propriété et le ca tribunal de famille ou de tutelle, avait deux
pital n'étaient imposables que sur la cin assesseurs et un secrétaire ; 2u celui du basi-
quième partie, en sorte qu'en supposant 500 leus connaissait des impiétés commises dans
talents de fortune, la partie imposable eût les cérémonies; 3° celui du polémarque était
été de 100 talents, sur lesquels se prélevait établi pour les habitants non citoyens et les
l'impôt d'un vingtième ; mais celte interpré étrangers; V* les thesmothètes, tribunal de
tation est sujette a de grandes difficultés , première instance et de commerce; 5» les
ainsi que toutes les opinions sur le cens in onze, qui connaissaient des vols commis de
troduit par Nausinique en la 3* année de la ! jour jusqu à concurrence de 50 drachmes.
100' olympiade et sur les symmories. Voici Dans chaque commune il y avait quaranto
l'interprétation la plus connue chacune des juges désignés par le sort pour statuer sur les
dix tribus tirait de son sein les cent vingt affaires dont la valeur ne dépassait pas 10
plus riches citoyens ; ceux-ci se divisaient en drachmes. Ajout z à tout cela les arbitres o;i
ATU ( 169) ATH
dioctètes, dont le -nombre s'élevait jusqu'à L'étonnement d'Auguste fut grand lorsqu'il
douze cenlf. On comprend que lu sujet que en vil sortir le philosophe au lieu de la dame
nous avions à traiter était trop vaste pour qu'il attendait. « Ne craignez-vous pas, s'écria
iju'il fût possible de donner autre chose que Athénodore en lui montrant son poignard ,
de simples indications. De Golbéuv. que quelque mari offensé ne profite ainsi de
ATHÉNODORE. Celui qui fait le sujet l'occasion de se venger?» Sénèque l'accuse de
de cet article n'est ni le bibliothécaire de s'être retiré brusquement de la cour; il y a
Pergame qui fut emmené à Uome par Caton, lieu de croire que ce fut après la rupture d'An
ni le contemporain de Salluste le cynique. toine et d'Auguste, et qu'il n'érait plus en Ita
Athénodore était né à Tarse, capitale de la lie quand Mécène détourna ce prince de renon
Cilicie, ou plutôt dans une petite bourgade cer à l'empire. Athénodore, dit Plularque, sup
du voisinage appelée Cana; il faut à cet égard plia Auguste de lui accorder en faveur de son
s'en rapporter à Strabou qui fut son ami, et grand âge la permission de retourner à Tarse.
rejeter l'assertion qui lui donne pour patrie En le quittant il lui conseilla de ne parler ou
Alexandrie. L'abbé Sevin a fait d'excellen d'agir lorsqu'il serait en colère qu'après avoir
tes recherches sur la vie et les ouvrages d'A- récité toules les lettres de l'alphabet. Celui
thénodore , dont le père s'appelait Sandon. 11 qui fut chargé de l'éducation de Claude fut
est probable qu'il fut disciple de Posidonius, donc un autre Athénodore, car il y a grande
le plus célèbre stoïcien de l'époque : on en apparence qu'en l'an 744 de Rome, où naquit
juge par l'analogie de leurs doctrines cosmo- ce prince, le philosophe ne vivait plus. Il avait
goniques. La correspondance de Cicérou avec éprouvé beaucoup de dégoûts dans sa ville na
Atticus fournit encore d'au 1res preuves de cette tale, pour laquelle cependant il obtint de la
liaison. La haute réputation de Posidonius faveur d'Auguste une remise d'impôt. Athéno
attirait beaucoup d'étrangers à Rhodes , qui dore avait pour antagoniste un poète détes
était alors l'égale d'Athènes; on croit qu'A- table, un citoyen peu délicat qui détournait'
thénodore y alla. Il résulterait aussi d'une les deniers publics, mais dont les flatteries
lettre de Pline à Sura qu'il avait fait quel avaient captivé la faveur d'Antoine, Un des
que séjour à Athènes. Ne trouvant pas à se partisans de cet homme, appelé Bœthus, fit
loger il accepta le déli de s'installer dans une subir les outrages les plus cruels à Athéno
maison que personne ne voulait habiter, par dore, qui ne s'en inquiéta pas, triompha de
ce qu'un spectre affreux y apparaissait sans ses ennemis et donna à sa patrie des lois qu'on
cesse. Vers le milieu de la nuit il se fait un observait encore au temps de Dion Chrysos-
horrible fracas ; le fantôme agite ses chaînes toine. 11 mourut à l'âge de quatre-vingt-deux
au-dessus de la tête du philosophe et lui fait ans, infiniment regretté de ses compatriotes,
signede le suivre. Athénodore obéit, mais dans qui par reconnaissance ordonnèrent que dé
la cour le spectre disparaît. On fouille la terre sormais on lui ferait des sacrifices comme à
et on y trouve un cadavre entouré de chaînes. un héros.
On peut inférer de quelques passages de Cicé Il avait écrit plusieurs ouvrages. Dans son
rou qu 'Athénodore avait professé la philoso traité des Catégories il combattait les divisions
phie à Apollonia. César lui recommanda d'Aristote. Cicéron nou> apprend qu'il avait
Octave, que dès lors il songeait à faire son hé composé un traité des Offices. Il écrivit aussi
ritier: ce fut un de ceux qui servaient ce jeune un livre intitulé De la noblesse , qui était en
homme avec le plus de zèle, l'éclairant de ses tre les mains de tout le monde quand Cicéron
conseils dans les circonstances les plus diffi vint prendre possession de son gouvernement
ciles. Devenu empereur, Octave fut toujours de Cilicie. Athénée fait mention d'un ouvrage
docile à ses avis ; il se vantait de le vénérer sur le travail et le délassement ou bien sur
comme un maître et comme un père. Toute le travail et l'éducation, s'il faut adopter la
fois il n'est pas probable qu'il ait eu égard à leçon de Daléchamps qui est certainement la
sos représentations à l'époque des proscrip plus plausible. Le traité dans lequel il exami
tions. Un jour que l'empereur, qui nerespec- nait la divination est encore moins connu.
taitguère le lit conjugal de ses sénateurs, avait Diogène Laèrce nous apprend que l'auteur
mandé chez lui une dame romaine, Athéno y soutenait qu'à la faveur des observations
dore trouva le mari en pleurs, apprit la on pouvait pénétrer dans les mystères do
cause de son désespoir, Se vêtit en femme et l'avenir. Il est certain qu'Alhénodorc dédia
replaça dans la litière armé d'un poignard. un livre àOctavie, sœur d'Auguste; mais sur
ATII ( 170) ATII
quel sujet? on l'ignore: on sait seulement que mime smAME {Atherina sihatna ), dont la cou
le fameux Scévola y était appelé Mucius Scé- leur principale est d'un blanc sale; son dos
vola Posthumus. Enfin on avait encore d'A- est plus foncé et ses nageoires sont d'un vert
thénodore un traité sur les maladies épidémi- de mer ; chaque côté offre une bande longi
ques ; on s'y peut convaincre que l'origine de tudinale argentée et tachetée de noir; son
la lèpre et de la rage est plus ancienne qu'on corps est un peu renflé vers le milieu; ses
nu le croit communément. D'autres attribuent mâchoires et sa langue sont garnies de dents.
ce livre à Démocrile. 11 y a surtout une — L'Alherine japonaise , observée par Haut-
polémique assez vive dont l'abbé Sevin a tuym , VAlherine de Brown, qui habite la mer
donné la substance page (il du tome XIII des des Antilles et l'océan Pacifique , enfin YA-
Mémoiresde l'Académie des Inscriptions.Quel- therine australe , dont parle White dans son
ques fragments paraissent se rapporter à une voyage à Bolany-Bay, ne sont pas encore
histoire; nous les devons à DiogèneLaërce; assez connues des naturalistes pour être clas
mais ils se réduisent à trois indications, savoir: sées parmi les abdominaux. L. de Ste-M.
1° que la libéralité de Dion de Syracuse avait ATHLÈTE, d'&e).Sç, S8Xoç, combat. Les
mis Platon à même de pourvoir à la dépense Grecs appelaient de ce nom ceux qui pre
des jeux; 2°que Théophraste était le fils d'un naient part aux diverses luttes dont se com
ouvrier; 3° qu'Hippocrale avait eu une con posaient en grande partie leurs jeux publics.
férence avec Dèmocrite. On ne trouve de On nommait pentalhte la réunion des cinq
vestiges de l'histoire de Tarse que dans l'en exercices auxquels se livraient les athlètes,
droit où Etienne de Byzance explique la fon savoir : la course à pied , la lutte proprement
dation d'Achiale en Cilicie. De Golbéry. dite, le saut, le disque ou palet, le javelot.
ATHEItiCÈRE. Ffly. Mucides. Les courses de chevaux et de chars , qui
ATIIERINE ou A TER1NE, poissons os exigeaient d.' l'adresse et non de la force, n'é
seux et abdominaux, placés parCuvier entre taient pas dans leur domaine.
les mugiloïdeset les gobioïdes.—Les alheiïnes C'était une profession que d'être athlète.
ont le corps comprimé et couvert d écailles H fallait s'y préparer pendant dix mois con
transparentes ; la partie supérieure de la télé sécutifs , au milieu des fatigues et des épreu
est aplatie ; ils ont une crête et deux sillons ves de tout genre , et nul n'était admis à con
entre les yeux ; quatre pores, dont deux sont courir aux jeux olympiques avant d'avoir
placés sur les yeux et deux sur la nuque; l'ap juré qu'il avait subi ce rude noviciat. On
pareil osseux ou les opercules des ouïes sont ajoutait à ce serment celui d'observer toutes
un peu anguleux et composés d'une seule les lois prescrites pour chaque sorte de com
pièce; ils ont huit nageoires, deux sur le dos. bat, et de se conformer aux règlements éta
— On en connaît de plusieurs espèces : ainsi blis pour assurer l'ordre dans les jeux.
I'Athicui.m: Joël ( Atherina hepietut), longue La profession d'athlète chez les Grecs ,
a peu près d'un décimètre, se trouve ordi peuple amoureux de toute supériorité et do
nairement dans la Méditerranée; elle aie tout éclat , était singulièrement honorée.
corps transparent et quelques mouchetures D'abord les Grecs seuls y étaient admis; u»
noires sur les écailles ; douzes rayons à la na Barbare n'était pas jugé digne des acclama
geoire de l'anus; sa bouche a une ouverture tions populaires. L'aspirant était tenu de
assez grande ; la nageoire qui termine la prouver qu'il était de condition libre, et ce qui
queue, ou caudale, est fourchue et a dix-huit relève surtout l'institution et la société où elle
rayon- ; le milieu des ilancs et les rôles de la fiorissait , qu'il était de lionne conduite et de
tête sont argentés; le dos et le dessous du mœurs irréprochables. L'esclave, le citoyen
corps sont rembrunis.— L'Atherihe hémdie corrompu étaient relégués loin de cette noble
( Atherina menidia) diffère peu de l'allierine lice où l'enthousiasme de la Grèce venait
Joël; elle vit ordinairement dans les eaux chercher et applaudir des vainqueurs.
douces de la Caroline ; on lui a donné le sur Il y avait à la fois gloire et profil pour les
nom de poisson d'argent, qu'elle doit à sa athlètes qui emportaient le prix des jeux. On
riche couleur. Ses lèvres seules sont garnies leur plaçait une couronne sur la tête, une
de dents; vingt-quatre rayons sont placés à palme dans la main droite, et ensuite, pré
la nageoire de l'anus; sa caudale est fourchue. cédés d'un héraut, ils parcouraient au son
— Une troisième espèce a été observée par des instruments tout le stade ou l'hippodrome.
Forskal dans la mer I.tougo : c'est I'Atiie- Le héraut proclamait a haute voix leur nom
ATII ( 171 ) ATH
ellcur pays , et l'air retentissait des applau ATHOR, Athyh , Atar, célèbre divi
dissements des spectateurs. De retour dans nité cosmogonique d'Egypte. Son véritable
leur patrie, ils jouissaient des honneurs d*un nom est Alhor-, il vient du copte, ancien
u'rilable triomphe. Portés sur un char à idiome de Mizraïm, At-thor, demeure de la
ijuatro chevaux , ils entraient dans la ville lumière. Cette puissante déesse se retrouve
par une brèche qu'on pratiquait à la muraille. dans la théogonie des Hellènes sous le nom
Lu festin leur était donné. On leur assignait de Junon Pronuba, la reine des dieux, et le
une pension sur le trésor public, on leur éri plus souvent sous celui de Vénus- Uranie ou
geait des statues , et , chaulés par les poètes , céleste. En effet, chez les Égyptiens Athor
dispensés de toute charge onéreuse , ils goû était le principe femelle du monde , des dieux
taient vivants tous les fruits de leur immorta et de tous les êtres. Fille-épouse deFta, le
lité. Les poètes, les orateurs, les peintres pa dieu-feu, le Vulcain des Grecs, elle personni
raissaient bien aussi dans les jeux publics de fiait l'humidité atmosphérique. Les hiéro
la Grèce, et lisaient ou exposaient leurs phantes attribuaient avec justesse la force
chefs-d'œuvre ; mais les athlètes y excitaient productrice au concours, à l'alliancedu feu et
toujours le plus d'enthousiasme. Il Faut se de l'eau ; de là la création de leur dieu Fia,
souvenir, p^ur comprendre cette préférence, de leur déesse Athor, unis par un hyménée
que les Grecs , nation vive et pleine d'imagi indissoluble, et qu'ils livrèrent à l'adoration du
nation sensuelle, étaient avant tout faciles à peuple grossier. Mais l'esprit Tin et sagace des
séduire par les yeux , et que ces hommes nus, Grecs pénétra le sens du mythe cosmogoni
déployant leurs membres vigoureux qu'avait que égyptien , et par imitation ils firent sor
assouplis une huile abondante, luttant avec tir leur Alhor, c'est-à dire leur Vénus ou
ardeur dans tous les exercices corporels où plutôt Cypris, de l'écume des flots, ces sour
éclatent la force et l'adresse , présentaient ces de l'humiditéfécondante de l'atmosphère,
à ce peuple adorateur du beau , surtout dans et ils l'appelèrent pour cela Aphrodite, la
la forme extérieure , ce qui pouvait le tou fille de l'écume. Ils en firent aussi la mère de
cher le plus. Du reste IMularquc signale avec lous les êtres, la distributrice de la vie : c'est
raison cette prédilection pour de futiles exer la grave déesse égyptienne embellie de toutes
cices comme une des causes de la corruption les fleurs de l'imagination hellénique. Les
et de l'asservissement de la Grèce. hiérophantes avaient avancé que tout était
A Home, la condition des athlètes était né du sein profond de la nuit primitive: ils per
beaucoup moins poétique. C'est que là c'était sonnifièrent donc aussi la nuit par Athor,
un métier d'esclave, ou tout au plus d'af comme vapeur atmosphérique, plus lourde
franchi, et non une profession d'homme libre. et plus grossière que la lumière élhérée. Les
D'ailleurs les jeux des Romains avaient moins Egyptiens ne croyaient pas que le ciel fût une
d'éclat que ceux des Grecs. Ils se célébraient voûte métallique; ils prenaient le ciel pour ce
exclusivement dans la capitale, et l'on n'y qu'il est en effet, pour une mer sans limites,
invitait pas les provinces. Le hasard seul fai azurée, raréfiée, transparente, où naviguent
sait les spectateurs. les astres conduits par l'invisible pilule qui
Chez les peuples modernes, au temps de la fut, est et sera. Les hiérophantes donnè
chevalerie les tournois, les joules, ont rem rent encore à la lune le nom <l Alhor. C'est à
placé les jeux nationaux des anciens. Les cause de sa transformation en notre brillant
chevaliers preux et courtois ont paru dans la satellite qu'Athor est souvent figurée avec
lice au lieu des athlètes, et leur caractère des cornes de génisse, afin de symboliser
tout guerrier réduisait à des passes d'armes cet aslre dans sa première phase. Dio-
la variété des luttes d'autrefois. Aujourd'hui dore appelle la lune ou Alhor I Hécate téné
il n'y aplus trace de l'institution des athlètes, breuse. Dans l'astronomie égy|)tienne le temps
ii moins que nous ne consentions à en voir dans quelc soleil meta parcourir les signes d hiver
!« lorcadores d'Espagne ou dans les exer dans le zodiaque se nomme Alhor. Alors les
cices fort peuolympiquesdes boxeurs anglais. astronomes, tous prêtres , acceptaient cetlo
Le mot athlète se prend très souvent au fi divinitécomme symbole de l'obscurité primi
guré pour désigner celui qui dispute, par tive. Les Égyptiens avaient donné l'appella
exemple, un succès oratoire. On dit que Dé- tion d'Athor au troisième mois de leur année
wostliènes , que Mirabeau étaient de vigou vague, qui, dans l'année fixe introduite par
reux athlètes. TiiEnY. Auguste, répondait au mois de novembre des
ATH ( I72 ) ATL
fiomainî , mois brumeux. Le Panthéon égyp tenant une ville et do l'aulre laissant celiap-
tien de M. Champollion jeune a rendu un - per un large fleuve. , Demie-Baron.
llienliquo l'antique célébrité de la déesse ATKIXS (Sir Robert), jurisconsulte an
Athor. 1! n'est point dans les sables, dans les glais, issu d'une des plus anciennes familles du
oasis de la vieille Mizraîm, de pylônes, de bas- comté de Glocester, était fils de sir Edouard
reliefs qui n'offrent sa figure mystérieuse. Les Atkins, lord baron de l'Echiquier. En 1661,
chapiteaux des colonnes du temple de Pluies, sir Robert Atkins fut créé chevalier du Bain,
du grand temple de Dcndérah , sont tous des et nommé, dix ans plus tard, grand-juge d'An
têtes de cette déesse. Un modius ou boisseau gleterre. Mécontent de la cour, il se retira,
rouge, emblème d'abondance, surmonté d'un en 1679 , des affaires publiques , et fut vivre
pel.it monument d'une teinte de safran , hié dans la retraite. Il n'y resta que peu d'années,
roglyphes visibles de la couleur du feu et des car, en 1683, il défendit lord Bussel dans l'ac
rayons solaires , repose solidement sur ces cusation donteelord futvictime.Toute son élo
têtes, entre une chevelure noire et une coif quence ne put le dérober aux intriguesetaux
fure bleue, double symbole de la nuit et de manœuvres infâmes de Jefferies. Cet événe
l'azur atmosphérique. Quelquefois ces lêles ment augmenta la haine qu'il portait au gou
sont surmontées d'un disque, quelquefois de vernement deCharlesII. Ainsi Robert Atkins,
deux cornes recourbées de génisse , au-des oubliant les obligations qu'il avait à la maison
sous desquelles surgissent des oreilles humai de Stuart, fut un des plus fougueux partisans
nes. Parfois un vautour contribue à leur de la révolution de 1683. 11 fut appelé par le
coiffure. Denime-Baron. roi Guillaume à la dignité d'orateur de la
ATHOS. Un des monts les plus élevés de chambre. Après en avoir exercé les fonctions
l'Europe, dans la Macédoine; il se nomme pendant quatre années, il se retira dans 6a
aujourd'hui Aghion-Oros , Monte-Santo , le possession de Glocester, où il mourut à qua
Saint-Mont , à cause des nombreux couvents tre-vingt-huit ans, en 1709, au milieu de ea
de cénobites qui couvrent ses versants. Il famille. Ses écrits sont considérés comme les
s'avance en forme de presqu'île dans l'Archi plus intéressants et les plus clairs qui aient
pel, autrefois la mer Egée , sous le 42* degré été publiés sur la révolution anglaise.
do long, et le 40e de latit. Son sommet perce ATLANTES ( conchytiol. ) , genre d'ani
les nuages qu'il domine; son élévation au- maux mollusques de la classe des Gastéro
dessus du niveau de la mer est de 2,063 mè podes , ordre des Hétéropodes de Cuvier.
tres. Il projetait son ombre jusqu'à treize Ce sont de très petites coquilles de la merdes
lieues de distance , sur la place publique do Indes, dont l'animal , excessivement actif,
Myrina , ville de l'île de Lemnos. Un voya nage en portant sa demeure en dessus. Leur
geur célèbre prétend que les bibliothèques si longue trompe leur permet de s'en servir pour
vantées des moines de l'Athos se rédui se débarrasser des corps étrangers qui les
sent à quelques Bibles grecques, et que des gênent. Ils habitent la pleine mer. On en
six mille caloyers qui vivent dans cette so connaît plusieurs espèces.
litude, on en trouverait à peine deux ou ATLANTIDE. Les premières relations
trois qui sachent lire et écrire. Du reste, des Phéniciens avec l'Espagne eurent lieu
leurs monastères sont très pittoresques ; du vers le Xe siècle avant notre ère. Abdèreet
côté de la mer ils sont crénelés , garnis de Malaga y furent leurs premiers établisse
tours, et armés de pièces d'artillerie pour ments; mais bientôt bravant les écueils de
éloigner les corsaires qui croisent dans ces Calpé et d'Abila, ils franchirent les colonnes
parages. L'Athos, justement fameux, est d'Hercule et pénétrèrent dans l'Océan Atlan
associé dans l'antiquité aux projets gigantes tique. La ils fondèrent, sur les rives occiden
ques de deux princes d'une bien différente tales do l'Europe , le port de Gadira, quia
destinée , Xerxès et Alexandre. Le premier pris depuis le nom de Gadès et plus tard ce
fit percer le mont, y ouvrit un canal, aujour lui de Cadix, et la ville d'Assidonia, mutilée
d'hui comblé , où pouvaient passer deux tri par les Arabes sous le nom de Medina-Sidonia
rèmes de front; le second, plus ambitieux à l'époque de leur conquête, seize cents ans
que Jupiter Olympien lui-même , dont la sta après l'établissement des Phéniciens.
tue n'était que d'un peu plus do cinquante Quelques navires, jetés par la tempête bien
pieds , ne fut pas éloigné de faire exécuter la au-delà des colonnes d Hercule, dont le non
sienne dans le mont Atlios même , d'une main plus ultra marquait alors le» limites du
ATL ( 173 ) ATL
monde, abordèrent des terres inconnues au est sans doute o mar dos Surgassos ( en por
milieu de 1 Océan. Celaient des lies dont les tugais , la mer des Sargasses dans nos ancien
habitants , instruits peut-être par des tradi nes mappemondes françaises, et entre autres
tions, durent leur apprendre l'histoire de leur sur une de 1700 par de Fer.
pays. Après avoir tiré les métaux et les belles Les Carthaginois succédèrent aux Phéni
laines de l'Espagne, ils tirèrent vraisembla ciens, et leur politique consista à tenir leurs
blement de Madère leur admirable teinture découvertes secrètes. Dans le milieu du V siè
de pourpre qu'ils extrayaient du coquillage cle avant J.-C, Hannon descendit le long du
appelé murex , ou de l'espèce de lichen que littoral de l'Afrique jusque vers le cap Blanc,
nous nommons orseitle. Ezéchiel dit eu effet sur la côte de la Sénégambie; Himilcon en
(chap. xxvu, v. 7) que la métropole des même temps longeait les côtes océaniques do
Phéniciens lire sa couleur hyacinthe et sa l'Espagne et de la Gaule jusqu'à la hauteur
pourpre des iles Elysiennes. 11 nous parait des embouchures du Khin et même les côtes
évident que les terres nommées insulœ Pur- d'Albion, où les Carthaginois ont dû long
furaria par les anciens sont le groupe de temps se procurer l'étain précieux de Corn-
Madère et des quatre petites iles qui en dé wall. Une troisième Hotte descendait de la
pendent , ainsi que le petit archipel des sept mer Rouge jusque vers le canal de Mozam
iles Ayores. bique; quelques pas de plus de ce côté et du
Les Grecs, qui dans la belle fiction des Ar côté de l'Atlantique, et le cap de Bonne-Es
gonautes célébrèrent le premier voyage re pérance était trouvé.
marquable entrepris par leurs marins, ne tar Au rapport de Diodore de Sicile (liv. l),les
dèrent pas à suivre les Phéniciens dans leurs Phéniciens
céan, à l'ouest
avaient
de ladéjà
Libye,
découvert
une île
dans
dont
10-
il
voyages de long cours, et différents Etals de
la Grèce fond, rent des colonies sur les côtes donne la description la plus riante. Tout ce
del'iiwperie dernière; car les anciens avaient que Diodore raconte de sa position à une dis
donné le nom d'Hespérie ainsi que celui d'Ile* tance considérable au milieu de l'Océan, de
Fortunées, à plusieurs contrées, de même sa nature, de ses fleuves, dont quelques uns
qu'ils nommèrent Cerné toutes les îles méri sont navigables , de ses ruisseaux , de ses
dionales éloignées, et l'hulé les îles les plus productions, et particulièrement de ses nom
septentrionales. Les Phocéens , vers la 57e breuses espèces d'arbres, s'accorde parfaite
olympiade, ouvrirent au commerce des ment avec l'île de Madère, et non avec les
Grecs l'occident do l'Europe ; c'est alors que Canaries, comme l'ont cru plusieurs savants
la situation des iles Fortunées, des Gorgones distingués. Les îles Canaries manquent d'eau,
etdesHyperboréens, que Persée, disait-on, taudis qu'à Madère il y a sept rivières et un
avait visitées en chemin, fut repoussée à l'oc grand nombre de ruisseaux. Cependant, et
cident, et depuis ces îles ont été souvent re en dépit de l'opinion du célèbre géographo
léguées dans le pays des fables, ainsi que Pline Malte-Brun, je penseque les Carthaginois ont
l'a fait pour les Hespérides. Coléus, de Samos, connu les îles Canaries. Dans un passage du
fut le premier marin grec qui passa le détroit la description des côles, le poêle Festus Avie-
des Colonnes, et, malgré la jalousie des Phé- nus semble décrire d'une manière parfaite
uiciens, il navigua sur le véritable Océan. Ténériffe et son volcan. « Au-delà des colonnes
Du temps de la guerre du Péloponèse , d'Hercule, dit-il, il y a une île flottante au
Seylax , qu'il ne faut confondre ni avec celui milieu de l'Océan, riche en plantes, et con
à qui Dariusavait fait faire le périple de l'Ara sacrée à Saturne; ici la nature se montre
bie, ni avec celui qui écrivit contre Polybe sous un aspect formidable, car, lorsqu'un vais
Yoy. Mannei t, Géogr. anc., 1, 67, ssq. comp.; seau en approche, les flots de l'Océan qui
Dodwell, /)/Mert. ingeogr. min.,i ; de Sainte- l'environnent se déchaînent avec impétuosité,
Croix, ilétn. de l'Acad. des Inscr., xlii, 350), ébranlent l'île elle-même et la font tressaillir
rassembla les itinéraires des navigateurs de d'épouvante, tandis que la mer conserve le
son temps. Il embrasse dans ce qui nous reste calme d'un lac »
de son recueil les côtes de l'Afrique occiden Peut-on mieux dépeindre une île exposéo
tale jusqu'à l'île de Cerné , « au-delà de la aux fureurs d'un volcan? Ce passage, en ou
quelle, dit-il, la mer n'est pas navigable à tre, montre évidemment que les Carthaginois
cause des herbes épaisses dont elle est cou avaient occupé Ténériffe, car Saturne était
verte, s Celle mer couverte d'herbes épaisses une do leurs principales divinités.
ATL C 174 ) ATL
Le bruit de l'existence do cette ile élant pies; ses forêts donnaient une grande quan
parvenu jusqu'à d'autres peuples, les Tyrrlié- tité de bois de construction; les descendant
niens (Étrusques), alors puissants sur la nier, de Neptune y régnèrent de père en fils pendant
furent tentés de s'en emparer; mais la jalou l'espace de neuf mille ans ( qu'Eudoxe réduit
sie des Carthaginois ne le souffrit pas. en neuf mille mois ); ils vivaient sobres, ver
Arislote nous apprend qu'au-delà des co tueux et religieux ; mais plus tard, au lieu de
lonnes d'Hercule les Carthaginois ont décou cultiver leurs champs, de se livrer au com
vert une ile à plusieurs journées de naviga merce, de suivre les lois et de respecter les
tion du continent, et que la grande fertilité dieux, ils étendirent leur domination , subju
de cette île ayant engagé plusieurs des princi guèrent les îles voisines, toute l'Afrique jus
paux habitants à s'y lixer, le sénal, pour faire qu'à l'Egypte, et l'Europe jusqu'à la Tyr-
cesser l'émigration, crut devoir rappeler ceux rhénie. La Grèce fut elle-même envahie, mais
qui s'y étaient établis, et défendre, sous peine les A théniens les repoussèrent ; cl enfin Jupiter
de mort, d'y aller davanlage. Bien plus, ce châtia celte nation impie et guerrière. Les
philosophe {De mirabil., cap. 85, édit. Beck- Allantes disparurent lout-à-coup : une inon
mann.avec les corrections de Heyne), ajoute dation épouvanlable, causée par un tremble
que, lorsque les colons envoyés parCarlhage ment de terre, engloutit en un jour et une nuit
furent trop nombreux , ils exterminèrent les la grande île qu'ils habitaient, et la vase en
anciens habitants. Le gouvernement cartha rendit la mer innavigable.
ginois attachait d'autant plusde prix à celle Au resle, Platon n'est pasle premier qui ait
île qu il la considérait, selon Diodore, comme traité de l'Atlantide : l'historien éthiopien Mar-
un asile en cas de détresse , et que si jamais ccllus, cité par Proclus, en avait parlé avant
celle superbe république devait tomber, celle que Solon en eût entretenu Crilias, aïeul de
île recevrait ses fiers en fants , et une nou Platon , et le sage Solon avait puisé ces délails
velle Carthage sortirait du sein de l'Océan! sur l'Atlantide chez les prêlres de Sais eu
Mais le génie tulélaire de Carlhage éloigna Egypte, et avait écrit un poème sur les con
d'elle l'idée de sa ruine. (Polybe, 11, p. 598. quêtes civilisatrices des Allantes, comman
dés par Allas, poème inachevé qui n'est
Il faut remarquer que Polybe, envoyé à la point arrivé jusqu'à nous. Homère parle des
recherche des établissements carthaginois, Allantes et de leur île dans deux endroits de
n'apporta aucune nouvelle de celte île. l'Odyssée; Hésiode en fait mention dans son
Après la chute de Carthage, les Humains se Livre des Dieux ; Euripide les cita sur le
contentèrent de l'empire de la .Méditerranée, théâtre d'Athènes.
et ils ne connurent des îles atlantiques que ce Slrabon et Pline répètent ce que dit Pla
que les Grecs leur en avaient appris. Un pas ton; la même tradition est rapportée par
sage d'El Édrisi, cité par l'historien espagnol iElien et par Terlullien. Crantor cl Eudoxo
Coude, semble prouver que les Arabes con considèrent la relation de l'Allanlide comiuo
nurent les îles Açores environ 500 ans avant un fait historique et non comme une allégorie.
la navigation de Colomb, et le pilote Alphonse Numénius, Jambliquc, Syrianus, Procln4,
Sanchez, Basque français, qui, selon Goniara, Origène et Porphyre la regardent comme al
avait été jeté sur lacôle d'Amérique avec une légorique , quoique les trois derniers subis
caravelle, revint à Tercère, et ensuite dressa sent la philosophie de Plalon;
une carte de la cote qu'il avait découverte Le célèbre géographe Plolémée ne parle
pour plaire à Christophe Colomb, dans la pas de l'Atlantide, à moins qu'il ne l'ait con
maison duquel il mourut. fondue avec les six Iles Foi lunées ou Atlan
Nous n'avons pas jugé à propos de donner tiques.
ici la traduction des deux morceaux de Pla Quelques auteurs ont pensé que l'Atlan
ton où il est question de l'Atlantide. Les li tide élait une partie du continent améri
mites dans lesquelles nous sommes contraint cain, un grand promontoire submergé plus
de nous renfermer ne le permettent pas, et tard, el qui, dans l'antiquité, avançait jus
ils sont généralement connus. Nous ferons que près des colonnes d'Hercule.
seulement observer que, selon Platon, 1 île Oviedo croit trouver l'Allanlide dans le
Atlantide était une des plus belles contrées pays des Amazones, situé dans l'Amérique
de l'univers, située vis-à-vis l'entrée du dé- méridionale.
Iroit d Hercule; l'orbriliait dans ses Um- Hudbeck la place dans la Scandinavie cl
ATL (175) ATr,
lîailly sur le plateau de la Mongolie. Buaclic a lantide, lu à l'Académie des Sciences le S
cru que la chaîne de bas-fonds, ou terres éle juillet 1819, établit que la Perse occupe l'em
vées sous l'eau, depuis le cap de Bonne-Espé placement de l'Atlantide, et que jadis elle dut
rance jusqu'au Brésil, unissait autrefois l'A former une île alors que la mer Caspienne ,
frique et l'Amérique. Buffon soutient que l'Oxus, et particulièrement l'Inclus, occu
cette réunion avait lieu entre l'Europe et paient une plus grande étendue.
l'Amérique. Plusieurs savants distingués ont rejeté
Le docteur américain Mac-Culloch se pro- l'existence et l'anéantissement de l'Atlantide.
uonce pour l'identité de l'Atlantide du Platon Quant h moi, je pense que la tradition des
avec les Antilles et les Hespérides, et suppose Phéniciens et des Egyptiens, conférée et
que les petites îles situées entre l'Amérique peut-être embellie par Platon, rentre dans la
et l'Europe sont les restes de plus grandes qui série des catastrophes d'aff ii'sscmentset de sou
existaient autrefois. lèvements qui ont pu modifier la distribution
De Paw pense que l'Amérique est l'At des terres et des mers à la surface du globe ,
lantide elle-même, autrefois submergée, et et plusieurs des îles Açores qui ont paru ou
de nouveau mise à découvert par l'Océan. disparu depuis un siècle prouvent la justesse
Tournefort, s'appuyant sur un passage de de mon observation. Je ne vois pas quel intérêt
Diodorede Sicile, suppose que le Pont-Euxin les Egyptiens elles Grecs auraient eu à ima
était d'abord sans communication avec la giner une fable qui ne se rapportait à aucun
mer de Grèce, et qu' ayant reçu pendant des événement de leur histoire écrite. L'Atlantide
siècles les eaux des plus grands fleuves d'Eu serait alors une grande ile, ainsi que nous l'ap
rope et d'Asie, il s ouvrit un passage par le prend Platon; mais comme il dit, dans le
Bosphore dans la Méditerranée, qui n'était ïimée, qu'elle avait 3,000 stades sur 2,000
alors qu'un grand lac ; que la Méditerranée à ( 150 lieues sur 100 d'étendue ) , et que, dans
son tour, après avoir submerge des parties le Critias, il prétend qu'elle était plus grande
déterre, fit irruption aux colonnes d Her que la Lybie et l'Asie ensemble, on peut
cule, maintenant détroit de Gibraltar, et facilement faire concorder ces deux textes
submergea l'Atlantide qui se trouvaiten face. avec un mot. Platon n'aurait-il pas écrit que
Le savant M. Bory de Saint-Vincent , dajis l'Atlantide était plus puissante, au lieu de plus
6on Essai sur les Iles Fortunées, est du même grande que quelque copiste lui aura fait
avis sur la submersion de grandes terres dans dire? Alors il est facile de trouver la situa-
l'O.éan Atlantique, mais d'une manière dif lion de l'Atlantide. L'île qui est vis-à-vis les
férente. Il s'appuie sur la remarque déjà faite colonnes d'Hercule dans l'Océan serait Ma
quel'intërieurde l'Afrique n'est qui- le lit d'un dère, et il faudrait y comprendre 1. -s îlesCana-
immense lac anciennement desséché, peut- ries qui , avec le groupe de Madère, ont une
être du lac Trylonide, que les anciens mêmes étendue d'à peu près 3,000 stades sur 2,000;
ne connaissaient plus, et qui, selon Diodore, toutes ces îles n'en auraient formé qu'une seule.
disparut par la rupture de terres qui le firent Ainsi serait expliquée la première version. Si
l'écouler dans l'Océan, ce qui a pu amener au contraire on adoptait celle du Critias dont
la submersion de l'Atlantide. Il admet en une partie est malheureusement perdue, il
outre que l'Atlantide se composait des îles faudrait prolonger l'étendue de l'Atlantide
Acores à son extrémité septentrionale; de que nous venons d'établir jusqu'aux îles Aço
Madère à sa partie orientale, et des îles qui res au nord, jusqu'aux iles du Cap-Vert au
l'entourent; des Canaries au sud de Madère; midi, en y comprenant une portion de la mer
enfin des îles du Cap- Vert à son extrémité des Sargasses et le grand désert de Sahara ,
méridionale. Celte opinion est celle que Men- qui, selon M. Bory de Saint-Vincent, ne se
telle avait précédemment exposée, mais avec rait que le bassin desséché d'une mer. Dio
moins de détails, dans l'article Atlantica in- dore parle d'un lac des Hespé ides m s à sec.
mla, dictionnaire de Géographie ancienne, de par un tremblement de terre , et alors les
l'Encyclopédie méthodique ; niais je pense régions du mont Allas, autrefois entourées
qu'en admettant la submersion des terres à la d'une double Méditerranée, auraient formé
partie de cette irruption des eaux, le niveau l'île Atlantide. On y a découvert d'immenses
se serait promptement rétabli, et que l'Atlan amas de dépouilles d animaux marins. Pline
tideM.n'eût
Lalreille,
pas perdu
danssixun
pouces
mémoire
de sonsur
littoral.
l'At et Léon l'Africain assurent que dans plusieurs
cantons on y taille le sel gemme comme oii
ATL ( 176 ) ATL
taillerait du marbre ou du jaspe, et que l'on en comprenant la Méditerranée, le golfe du Mexi
construit des maisons. Mais quoique le niveau que, la mer des Antilles, sur les côtes d'A
du désert que les Arabes nomment la mer frique le golfe de Guinée, etc.
sans eau , el Bahar billd indu, soit encore in ATLAS ( mythol.). La chaîne de monta
connu, la nature géologique du terrain an gnes comprise entre le désert de Sahara, la
nonce qu'il n'a pu être couvert par l'Océan Méditerranée et l'Océan, se divise en grand
qu'à une époque antérieure aux temps his et petit Atlas. Le dernier était le seul , sans
toriques, et celte considération nous empêche doute, que les anciens connussent.L'anliquité
d'admettre cette hypothèse. On pourrait en disait qu'Allas, un des Tilans, fut métamor
core, laissant le désert de Sahara, étendre phosé en montagne , et condamné à soutenir
l'Atlantide depuis la mer des Sargasses au sud le fardeau du monde en punition de ce qu'il
des Canaries jusqu'aux Bermudes, ainsi que le s'était déclaré contre Jupiter. C'est en fai
propose M. du Monglave. Mais l'opinion la plus sant allusion à cette idée que Mercator, ma
probable me semble être l'explication que j'ai thématicien du XVIe siècle, donna lenom d'At
donnée de l'Atlantide d'après le Timée de Pla las à un recueil de cartes géographiques, et
ton : les îles du groupe de Madère et l'archi l'on a depuis si bien imité son exemple que
pel des Canaries en seraient les débris , et les le mot s'applique aujourd'hui à tout recueil
anciens Atlantes auraient, à mon avis, com de planches, et qu'on le donne même à des
muniqué au moyen de la navigation avec le collections historiques. La fable fait du Titan
continent de l'Amérique. Plutarque , saint Allas le frère de Prométhée etd'Hespéros ou
Clément, disciple des Apôtres, et Elien, d après Hyas, le fils de Japet et de Clymène. Quel
Théopompe, viennent à mon aide. Le pre ques mythographes disent que ce fut Persée
mier dit {De facie in orbe lunœ ) qu'au-delà des qui le métamorphosa, parce qu'il avait re
lies Atlantiques on trouve un grand continent; fusé de le recevoir lors de son expédition
le second dit aussi, dans sa lettre aux Corin contre les Gorgones : la lête de Méduse opéra
thiens, qu'au-delà de l'Océan il y a d'au la transformation. Nous nous attacherons
tres mondes; le dernier alïinne qu'un vaste moins à recueillir toutes les variantes de la
continent existe au-delà de l'Océan, etquel'or mythologie à cet égard qu'à faire connaître ,
et l'argent y' sont plus communs que le fer. d'après M. Lctronne, quelles idées cosmogra-
El Edrisi, plus tard, désigne aussi l'Amérique. phiques se rattachaient au nom d'Atlas. Pausa-
Et pourquoi l'Amérique avec ses monuments nias, parlant de deux bas-reliefs qui ornaient
antiques ne serait-elle pas restée long-temps le coffre deCypsélus et le trône de Jupiter à
inconnue, puisque la Chine, le Japon et 10- Olympie, dit qu'ils représentaient Atlas sou
céanie l'ont été ? Quant à l'opinion de M . Gron- tenant le ciel et la terre. L'une des premières
gnet, qui place l'ancienne Atlantide depuis le idées qui se soient présentéesaux Grecs, c'est
golfe de la grande Syrie jusqu'entre le cap Bon que le ciel forme au-dessus du disque terres
d'Afrique et le cap Maritimode Sicile, y com tre une voûte solide à laquelle les astres sont
pris Malte etGozzo, je l'ai combattue ailleurs. attachés comme autant de clous lumineux.
Les savants de la capitale semblent parta Plusieurs épithètes d Homère prouvent clai
ger mon opinion, et rejettent comme moi la rement que telle fut leur pensée; mais il fal
prétendue inscription atlantico-phéuicienne lait un support à celte voûte, et c'est là, dit
fabriquée de nos jours par ledit M. Gfongnel, Aristole, ce qui lit imaginer qu'Atlas soute
et qui en effet a déjà disparu de la pierre sur nait le ciel de ses bras. C'est un être de forme
laquelle elle élait gravée. I). ni: l!u:\/r. humaine, un principe animé, et non une mon
ATLANTIQUE (Océan). Nom que l'on tagne. M. Letronne fait voir que tous les an
donne à celle immense partie de 1 Océan qui ciens poêles grecs regardaient le ciel comme
sépare l'Kurope et l'Afrique de l'Amérique. supporté par Atlas lui-même. Hésiode dit :
Cette vaste étendue d'eau se prolonge depuis le Placé aux extrémités de la terre, en avant des
cercle polaire arctique jusqu'au cercle po IJespérides à la voix harmonieuse, Atlas, con
laire antarctique ; elle comprend en Europe la traint par vne nécessité cruelle, soutient le ciel
mer Baltique , la mer du Nord , la mer d'Ir de sa tête et de ses bras infatigables. Le plus
lande, le golfe de Gascogne, la Manche; en souvent il était représenté par les peintres et
Amérique la Méditerranée arctique ou mer des les statuaires debout, mais quelquefois à ge
Esquimaux, qui renferme la mer d Hudson et noux ou fléchissant sous le poids. Homère
celle de Baffin; la Méditerranée colombienne, suit une tradition toute différente : Atlas ne
ATL M 77 ) ATL
soutient pas le ciel, mais les liantes colonnes dans le Crilias de Platon : or, il écrivait cette
qui séparent le ciel de la terre {Odyssée, I, 53,. fable d'après un poème que Solon avait com
Ici ses fondions se bornent à veiller à ce que posé vers la fin de sa vie, c'est-à-dire entre
les colonnes ne tombent pas; il est occupé à 570 et 560 avant notre ère, près de soixante-
la fois et du ciel et de la terre, et des profon dix ans après le voyage de Coleus, près de
deurs de lamer; aussi lesTanagricnsenfirent- deux cents ans avant la rédaction du Crilias.
ils une espèce de philosophe spéculatif, ainsi Plus tard Atlas devint astronome, astrologue;
que le remarque ingénieusement M. Letronne, il va chercher pour Hercule les pommes des
qui conclut de tout cela qu'Atlas n'était que la Hespérides ; il épouse une Océanide ou sa
personniGcation médiate ou immédiate d'une nièce Hesperis, et il en a sept filles. 11 est em
idée cosmographique. Dès lors disparait la porté par les vents ; il prend une étoile pour
nécessité de rechercher la montagne Atlas, domicile; mais toutes ces narrations appar
puisque l'idée d'Atlas montagne n'a été con tiennent à des auteurs d'une époque récente,
nue dos Grecs que fort lard. Le personnage tels que Diodore de Sicile, Hérodote , Hera
est lié avec les Hespérides, le lac Tiïtonis , clite, Cicéron, Vitruve, Pline, Diogène do
Calypso et les (îorgom s, c'est-à-dire qu'il fait Laérle, Servius, Isidore, saint Augustin : elles
partie du groupe d'êtres fabuleux que les diffèrent entièrement de l'idée primitive.
Grecs avaient placés à l'extrémité de leur Ceux qui se sont le plus égarés sont Bailly ,
occident : or, au temps d'Homère il ne dé dans son histoire de V Astronomie ancienne, et
passait pas la petite Syrie et la Sicile, elc'est Du puis, dans son Origine des cultes. Dès quo
dans celle région qu'ils placèrent d'abord l'Atlas fut devenu une montagne qui soute
l'Atlas géographique quand ils eurent trans nait la voûte céleste à l'occident, on chercha
formé le personnage en montagne. M. Le- du côté de l'orient un autre support. On choi
tronne impute cette métamorphose aux phy sit le. Caucase, qui devint le séjour de Pro-
siciens. Dès lors, il suffit que quelques navi méthée, autre Titan, frère d'Atlas. Celte idée
gateurs aient trouvé dans le voisinage des n'est énoncée que dans Apollonius de Rhodes.
Sjrles une montagne élevée pour qu'ils lui Suivant toujours M. Lctronnc, nous allons
aient appliqué le nom d'Atlas. Hérodote parle nous occupée d'Atlas, soutien de la terre.
du pays des Atlantes dont la cime est si élevée L'idée primitive la représente comme une
qu'elle est la colonne du ciel. Ces noms tous surface plane, épaisse, qui supportait la voûta
grecs ne pouvaient avoir été indigènes. 11 est du ciel ; mais comment la soutenait-elle ? La
donc évident que les Grecs ont lié 1 idée de cosmogonie indienne le posa sur quatre élé
celle montagne avec celle de leur Allas per phants debout sur une tortue, laquelle est
sonnage, et qu'alors seulement on s'avisa de soutenue par un serpent qui embrasse tous
la métamorphose dans laquelle il conserva les mondes. Les Grecs préposèrent un Titan à
des traces de sa première nature (voy. Virgile, la fonction pénible d'empêcher la terre do
En., iv, 2V7 ; Ovid., Met., iv, Go(i ). Le mont tomber; quelquefois on investissait Neptuno
Jurgura, qui est dans la partie la plus élevée de ce soin, parce qu'il entoure la terre, lu
de la chaine, pourrait bien être la colonne du tient, retient ou soutient. Thaïes se représen
tùl désignée par les naturels du pays ( il a tait la terre comme une île de forme ovoïde
environ 2,000 mètres de hauteur ) ; les Grecs nageant sur le fluide aqueux, ainsi qu'un im
ne purent guère la connaître avant le voyage mense vaisseau. Laissant Neptune à la mer,
de Coleus de Samos à Tartessus, en l'an 639 M. Lelronne montre comment Atlas a été
a*ant notre ère. Les prodiges et les fables tout-à-coup placé au-dessous de la terre. Il
s'évanouirent devant le commerce qui ouvrit rappelle une interprétation citée par En lut lie,
ces contrées aux Phocéens. Le nom d'Alias d'après laquelle h's colonnes dont parle Ho
s étendit ensuite de proche en proche jusqu'au mère soutiendraient à la fois le ciel et la
rapSoloe ou Spartel. Quant au grand Atlas, terre. Un passage du Phédon , un autre do
le long de la côte occidentale d'Afrique, il Plularque viennent à l'appui de celte opi
n'en est fait mention ni dans le périple d'Han- nion. Panœnius avait peint Allas soutenant
"on, ni dans celui qu'on attribue à Scylax ; ciel et terre. Ce sujet était sur l'un des murs
c'est dans le périple de Polybe qu'on en aper d'appui qui empêchaient cl approcher du
çoit la première trace. L'Atlas, prolongé au- trône d'Olympie; Hercule est près de lui , et
delà des colonnes, donna son nom à l'Océan manifeste l'intention de se charger à son tour
atlantique. Il est déjà question de celui-ci du fardeau. En décrivant le coffro12do Cyp-
Bncj/ct. du XIX' tittle, l. IV.
ATM ( 178 ) ATM
sélus, Pausanias dit : « Allas soutient sur ses vent prendre à la longue un même mouve
épaules ciel et terre. » Selon la tradition, il ment de rotation, commun au corps qu'elles
porte aussi les pommes des Hespérides , ele. environnent; carie frottement de ces couches
Ce n'est point sous forme de globe qu'il faut les unes contre les autres, et contre la sur
se la représenter : l'idée de la sphéricité dt face des corps, doit accélérer les mouvement!
la terre était loin des artistes grecs ; à leurs les plus lents et retarder les plus rapides jus
yeux la terre n'était qu'un disque , le ciel une qu'il ce qu il y ait entre eux une parfaite
voûlo surbaissée qui venait s'appuyer sur les égalité.
extrémités du disque , et l'Océan occupait Hauteur de l'atmosphère. — Il faudrait
les bords : tels étaient sans doute les bas-re admettre que noire atmosphère, dans l'étal
liefs de Pausanias. Atlas y avait les bras levés, d'équilibre, s étend à une hauteur illimitée
enveloppant un disque qu'il supportait sur ses si l'on considère que les particules dont elle
épaules. Depuis que M. Letronne a rédigé la se compose sont soumises aux lois de la pe
savante dissertation dont nous offrons ici le santeur, et si l'on suppose, d'une autre part,
résumé à nos lecteurs , ses opinions ont été que sa nature chimique et sa température
confirmées par un monument dont M. de sont partout égales. En effet, imaginons l'at
Slakelberg lui a donné le dessin. C'est une mosphère partagée en un nombre infini de
base triangulaire de marbre trouvée à Athè couches superposées, et toutes très minces et
nes et possédée par M. Dodwell; elle a dû d'égale épaisseur. Nommons ces couches, en
servir de base à un candélabre. L'une des commençant par les inférieures, c, c' ,c*,
faces représente évidemment Allas soutenant c"', etc. ; et leurs densités respectives d, d' ,
le ciel et la terre; il a les jambes terminées d",d'", etc. De plus, soit pie poids de l'atmo
en queue de serpent. Ceux qui voudraient sphère, et supposons
suivre les fables relatives à Atlas dans toutes p — p' le poids delà couche c
leurs formes pourront recourir à l'ouvrage p' — p" » » c'
allemand de Welker, intitulé : Mythologie de P" c", etc.
la race de Japet , et à celui de Muller : Prolé On sait que les poids de deux corps de même
gomènes de la mythologie scientifique. Golbért. volume sont comme leurs densités respecti
ATLAS (anat.), nom donné à la première ves; ainsi
vertèbre du cou, parce qu'elle supporte la p-p' d.p'-p" d>
tête, comme Atlas élait supposé soutenir le pi—p'i-di' p"—p'" d»' lC'
ciel; elle forme une espèce d'arc osseux so On sait aussi, d après la loi de Mariette, que
lidement attaché avec le crâne, mais très l'air se comprime dans le rapport du poids
mobile sur la deuxième verlèbre, ou l'axis, dont il est chargé, c'est-à-dire que sa den
sur laquelle elle tourne comme autour d'un sité est proportionnelle à la pression qu'il
pivot. C'est donc dans l'articulation de l'atlas supporte ; par conséquent, on a également
sur l'axis que se passent presque en entier d p d' _p*_
tous les mouvements de rotation de la tête. d~ï= p»' d»-p"''
Ce mécanisme appartient à toute la série des En rapprochant les rapports égaux, on
vertébrés , à quelques modifications près.
ATMOSPHERE, du grec iTf/o; , vapeur, aura
et cvmTpa, sphère ; c'est la couche de gaz et £». p_ Y r P'—P
de vapeurs qui enveloppe notre terre. Les p» "**;>'- P"
différentes particules qui la composent sont Et par suite
soumises aux lois de la pesanteur. Oii peut P-P' -p" île.
concevoir noire atmosphère comme adhé p' p" p"
rente à notre globe, donl elle partage le mou Ou bien la progression géométrique
vement do rotalion diurne autour d'un axe — p :p' : p" :p"' ; etc.
commun, et le mouvement de translation an 11 suit donc delà que, dansl'état d'équilibre,
nuelle autour du soleil. la densité de l'air décroîtrait en série géomé
On a lieu de croire que les différents corps trique, pendant qu'on s'élève en série arith
célestes sont enveloppés d'atmosphères sem métique.
blables à la nôlre, et qui partagent aussi leurs De ce résultat suivrait aussi que la hau
mouvements. La Place fait observer en effet teur de l'atmosphère au-dessus d'un lieu
que toutes les couches atmosphériques doi d'observation peut êlre regardée comme le
ATM ( «79) ATM
logarithme de la densité de la couche infé répond à son point le plus bas; et quand sa
rieure; et si l'on avait calculé des tables de densité en ce point aura atteint son maximum,
logarithmes exprimant les densités des cou celte force ne dépendra plus que de la tem
ches atmosphériques, on pourrait calculer la pérature correspondante. A la vérité, nous
hauteur d'une montagne, par exemple, par ignorons aussi quelle pourrait être cette
i'-iix observations faites en deux stations. température , et il y a lieu de croire qu'elle
Mais les logarithmes tabulaires, multipliés serait beaucoup inférieure à celle qui a lieu
par un facteur constant, peuvent servir à cet maintenant à la surface de la terre, parce
effet. Deluca. trouvé, par expérience, que ce que le fluide qui se trouverait en contact avec
facteur constant est 10,000. On obtient ainsi cette surface aurait une densité beaucoup
la hauteur cherchée en toises de Paris, quand moindre que celle de l'air ordinaire. Pour
les hauteurs d. s colonnes barométriques qui fixer les idées, supposons que la température
expriment les densités des couches d'air ont dont il s'agit soit encore 18,75. Le poids de
été exprimées en lignes. la colonne d'atmosphère aqueuse ayant pour
Celte méthode n'est qu'approximative, car base un décimètre carré ne pourra pas excéder
la densité de l'atmosphère décroît selon une celui d'un prisme de mercure qui aurait la
loi plus compliquée que celle à laquelle nous même hase et O^Olô pour hauteur, c'est-à-
tommes parvenus en faisant abstraction de dire le poids de 16 centièmes d'un litre de
I inégalité de température dans les différen mercure, ou à peu près 2,300 grammes. Le
tes couches et de la force centrifuge prove poids de toute la vapeur d'eau qui peut être
nant de la rotation de la terre sur son axe. contenue dans une colonne d'air de notre at
On pourra voir au mot Baromètre la for mosphère dépend de la loi de décaissement
mule qu'il convient d'employer quand on de la température dans le sens vertical, et
vtut faire servir cet instrument à mesurer les ne saurait être calculé; mais si la base de la
hauteurs avec quelque précision. colonne est un décimètre carré et la tem
La pression qu exerce l'atmosphère dans pérature inférieure 18°,75, on s'assurera ai
sa partie intérieure et au niveau des mers sément que ce poids doit surpasser 2,300
peut être considérée comme répondant à peu grammes, en observant que, dans toute la
près à la pres>ion qu'exercerait une colonne partie de cette colonne dont la température
de mercure de 0m,76 de hauteur. 11 en ré différera peu de 18°,75, et jusqu'à la hauteur
sulte que la pression de l'atmosphère sur où la pression ne sera pas réduite à 0™,016,
chaque mètre carré de la surface de la terre chaque litre d'air peut renfermer environ 16
vaut à peu près 10,000 kilogr., en prenant la milligrammes de vapeur. Ainsi, l'atmosphère
densité de la terre comme représentée par qui presse sur la surface de la terre n'est pas,
5,5. On trouve encore que la masse de l'at comme on le disait autrefois, la cause qui
mosphère forme environ la niillionnième par empêche les liquides de se vaporiser et de se
tie de celle de la terre. disperser dans l'espace ; au contraire sa pré
Les expériences par lesquelles on a con sence permet aux vapeurs de se maintenir
staté la pesanteur de l'air occupent une des au-dessous de la terre en plus grande quan
pages les plus remarquables de l'histoire des tité que si l'atmosphère n'existait pas. »
sciences, et elles ont à jamais illustré les noms ment
La pour
densité
qu'àde lal'air
hauteur
décroît
de 16
assez
à 20rapide-1
lieues
de Galilée, de Toricelli et de Pascal. « Si l'at
mosphère qui nous enveloppe n existait pas, on puisse regarder le degré de raréfaction
dit M. Poisson ( Traite de mécanique , p. 635, comme plus grand que celui que l'on produi
tom. II ) , elle serait remplacée par une autre rait dans nos meilleures machines pneumati
atmosphère formée de la vapeur d'eau qui ques. Plusieurs physiciens en ont conclu
s'élèverait de la mer. La loi des densités de que l'atmosphère avait cette hauteur pour
les couches et sa hauteur totale dépendraient limites ; d'autres physiciens sont arrivés a des
de la loi de la température qui aurait lieu résultats semblables par des considérations
dans cette atmosphère de vapeur aqueuse, et différentes.
que nous ne pouvons aucunement connaître; Le savant Arabe Alhazan , au commence
mais, quelle qu'elle soit, le poids total d'une ment du xi« siècle , avait déjà proposé un
colonne verticale cylindrique de celte va moyen ingénieux pour reconnaître la hau
peur, ayant pour base l'unité de surface , teur de noire atmosphère. En partant de
•era toujours égal à sa force élastique qui considérations puisées dans la théorie du
ATM ( 180) ATM
crépuscule, dont il nous a laissé un traité , que les dernières couches de l'atmosphère ne
il déterminait la hauteur des dernières cou peuvent être distantes de plus de six rayons
ches d'air susceptibles de réfléchir la lumière et demi du centre de la terre. Ceci donne
solaire, tën calculant d'après cette méthode, pour limite au-delà de laquelle il n'y a cer
Kepler et plus tard Delambre assignèrent à tainement pas d'atmosphère, une hauteur de
l'asmosphère une hauteur de dix milles géo cinq rayons et demi terrestres au-dessus de
graphiques environ ou de seize à dix-sept la surface du globe.
lieues de France. M. Poisson, dans son Traité de mécaniqve,
Il semble cependant que l'atmosphère doit avance que l'on a lieu de croire que, bien
s'étendre à une dislance plus grande de la avant d atteindre à une si grande hauteur,
terre. On ne peut admettre sans doute qu'elle l'air est liquéfié par le froid, qui augmente
soit illimitée, comme on le déduirait de la rapidement à mesure qu on s'élève dans l'at
loi de Mariolte.Wollaston a fait observer avec mosphère. « Par suite de celle augmentation
raison que la lune et les planètes , en vertu de froid, la température, dit ce savant géo
de leurs attractions, n'auraient pas manqué mètre dans sa Théorie mathématique de la
de s'en approprier les parties et de s'en for chaleur, doit être telle que 1 air ( aux derniè
mer des atmosphères particulières. res limites de l'atmosphère j n'ait plus au
Mairan, d'après les élévations qu'atteignent cune tendance à so dilater et soit réellement
dans certaines circonstances les aurores bo à l'état liquide. Or, une pareille température
réales, estimait que l'atmosphère devait avoir doit être extrêmement basse, et beaucoup
plus de deux cents lieues de hauteur. Cette plus encore que celle qui serait nécessaire
estimation peut paraître exagérée-, cependant pour liquéfier l'air à la surface de la terre;
les observations faites depuis sur les étoiles car il y a lieu de croire que la température à
filantes lui donnent quelque probabilité. laquelle un gaz devient liquide est d'autant
La Place a proposé un moyen ingénieux plus basse que sa densilé est inoins grande.
pour reconnaître la limite au-delà de laquelle Ainsi, pour fixer les idées, on peut se repré
il ne doit plus y avoir d'atmosphère sous 1 e- senter une colonne d'air atmosphérique qui
quateur. Il remarque que cette limite doit se s'appuie sur la mer, par exemple, comme un
trouver au point où l'effet de la pesanteur fluide élastique terminé par deux liquides
est détruit par la force centrifuge qui s'y dé dont l'un a une densité et une température
velopperait par suite du mouvement diurne, ordinaire, et l'aulre une température et une
et il est clair qu'au-delà de cette limite le densité extrêmement faibles. »
fluide devrait se dissiper. Or, soient de:ix On a fait plusieurs objections à cette hy
corps placés l'un à la surface de la terre et pothèse qui tend à admettre une couche li
l'autre à une dislance x de son centre. Pre quide servant d'enveloppe aux parties les
nons pour unité le rayon terrestre, et repré moins denses de l'atmosphère. Sir David
sentons respectivement par la pieds et par e Brewster l'a attaquée sous le point de vue de
les espaces que ces deux corps parcourraient l'optique ; il pense que cette couche liquido
dans la première seconde de leur chute On au donnerait naissance à des phénomènes lumi
neux variés que nous n'avons pas observés
rait, d'après le principe de lagravilé e=15 _
X'
jusqu à présent. D après l'état de nos con
Mais , sous l'équateur, la force centrifuge naissances sur les températures des espaces
est à peu près le T',9- de la gravité à la surface planétaires, on n'a pas lieu de supposer non
delà terre; et comme d'ailleurs les forces plus qu'il y ait aux dernières limites de no
centrifuges, pour des rotations qui s'accom tre atmosphère un froid suffisant pour ré
plissent dans des temps égaux, sont propor duire à l'état liquide l'air qui à la surface de
tionnelles aux circonférences décrites, ou a la terre même a résisté aux froids artificiels
aussi à la distance x du centre de la terre la les plus intenses que l'on ait pu produire.
Forme de l'atmosphère. — Quant à la forme
force centrifuge - 15 —. Or, en posant que
de l'atmosphère, elle doit être modifiée,
la force centrifuge fait équilibre à la pesan comme nous l'avons dit, par deux causes
teur, on a principales qui tendent à lui donner un apla
15s 15 tissement sphéroïrial plus grand qu'à notre
= — ou x'1 = 289. terre ; ce sont : 1° la force centrifuge plus
289 ~ x'
On déduit de là que x_=G,56, c'est-à-dire grande sous l'équalcur, et qui doit exercer
ATM ( «81 ) ATM
des effets très sensibles sur une masse aéri- quantités d'oxygène et d'azote que renferme
forme ; 2° la température plus élevée sous l'air semblent y être toujours dans le même
l'équateur qui doit tendre à y dilater l'air rapport. Il n'en est pas de même de l'acide
plus que sous les pôles. La Place a consacré carbonique.
le septième livre de sa Mécanique céleste à M. Th. de Saussure croit pouvoir déduire
rechercher quelle doit être la forme de l'at de ses expériences que la proportion de l'a
mosphère en ne tenant compte que de l'effet cide carbonique est plus forte en été qu'en
de la force centrifuge. En considérant le hiver. Ce résultat ne s'accorderait pas avec
fluide comme n'étant retenu que par sa pe l'observation faite par M. Edwards que la
santeur à la surface de l'atmosphère, et en respiration du même animal fournit plus
admettant que la figure de cette surface est d'acide carbonique en hiver qu'en été.
telle que la résultante de la force centrifuge L'air peut renfermer accidentellement
et de la force attractive du corps lui est per d'autres substances que celles que nous ve
pendiculaire, cet illustre géomètre a trouvé nons d'indiquer; ainsi, dans les lieux où s'ef
que l'atmosphère est aplatie vers les pôles fectuent des décompositions organiques, il peut
et renflée à son équateur; mais cet aplatis renfermer les gaz hydrogène carboné, am
sement a des limites, et dans le cas où il est moniaque, hydrosulfurique , etc. -, près di-s
le plus grand, le rapport des axes du pôle et foyers, de l'oxide de carbone, etc. On pourra
de l'équateur est celui de deux à trois. trouver aux articles Eudiométrie et Mias
Nous devons mentionner aussi une déter mes plus de renseignements a cet égard.
mination approximative à laquelle est par Nous avons dit que la quantité de vapeur
venu le baron de Zach en employant des d'eau qui se trouve dans l'atmosphère est
observations comparées do hauteurs baro variable; elle dépend surtout de la tempé
métriques faites au niveau des mers et sous rature. Les physiciens sont encore peu
différentes latitudes. L'hypothèse qu'admet d'accord sur la valeur absolue de cette quan
totte méthode est que, la densité de l'air au tité à 'On état maximum. Selon Saussure, elle
niveau des mers étant prise pour unité, on serait du poids de 19 milligrammes, terme
doit trouver les limites de l'atmosphère à la moyen, pour un décimètre cube d air, à la
hauteur où la densité n'est plus que 0,00001 ; température de 19° centigrades. Ce même
ce qui suppose celte hauteur, dans sa valeur physicien a trouvé que l'air ne contient gé
minimum, de 8 millesd'Allemagne ou 13 lieues néralement que les quatre dixièmes de la va
environ. Or, M. de Zach a trouvé ainsi que peur qu'il peut contenir, et qu'il ne renferme
jamais moins que les quinze centièmes de
l'aplatissement serait
cette quantité. Du reste, dans I'Hygrométrie
Composition chimique338de l'almotphère. —On (voy. ce mot), on cherche moins a connaî
a lieu de croire que c'est à Jean Key, mé tre la quantité absolue de vapeur que ren
decin français, que l'on doit les premiers ferme l'air que son degré d'humidité.
essais sur la décomposition de l'air atmo Les physiciens sont assez généralement di
sphérique. Ses expériences, que l'on perdit visés dans leurs opinions sur l'état dans le
de vue pendant quelque temps , datent de quel l'eau se trouve dans l'atmosphère; ces
1630; elles avaient pour objet de montrer opinions peuvent se séparer en deux catégo
l'absorption de l'air dans les calcinatious et ries principales. Les uns prétendent que l'eau
les combustions. Kobert Boyle, né en 1626, est dissoute dans l'air, commeserait un sel tenu
et plus tard Priestley, Scheele, Gavendish , en dissolution dans l'eau; cette théorie, pro
Black, Lavoisier, et une série d'autres chi posée par le docteur Hoope, fut développée
mistes illustres, parvinrent successivement à par Halley, par Leroy, de Montpellier, et
donner des idées plus exactes et plus précises plusieurs autres physiciens habiles. D'une
sur la composition de l'air. autre part, on a prétendu, et l'on doit citer
D'après l'état de nos connaissances actuel parmi les défenseurs de cette théorie Deluc
les, l'air est composé de 0,79 gaz azote et de et Dalton, que l'eau réduite en vapeur ne se
0,21 oxygène, de quelques millièmes d'acide trouve dans l'air qu'à l'état de mélange.
carbonique et d'une quantité variable de va Nous ne parlerons pas ici des propriétés
peur d'eau. D'après les observations faites sur physiques de l'atmosphère; on pourra voir
divers points du globe, à différentes hauteurs au mot Température les variations que su
de l'atmosphère et dans différentes saisons, les bissent les différentes couches selon leurs hau
ATO ( 182) ATO
leurs, les saisons de l'année, les heures du que élément, et même Anaxagore allait jus
jour, l'état des vents, etc. Pour ce qui con qu'à prétendre que chaque corps et chaque
cerne ses propriétés optiques, nous devons organe était composé d'atomes d'une nature
renvoyer aux mots Kéfractioim, Arc-en- particulière. Démocrite et Epicure ( voy. ces
giel, Aurore, Crépuscule, Halos, Parue- mots) donnèrent surtout de la célébrité aux
lies, Mirage , etc. atomes par les changements qu'ils apportè
En général les phénomènes qui se produi rent dans celte doctrine, qui devint, parles
sent dans le milieu où nous sommes plongés conséquences de leur système, la base de l'a
sont aussi nombreux que variés ; ils n'appar théisme , tandis que chez la plupart des an
tiennent pas seulement aux théories de la ciens philosophes , elle n'était qu'une expli
chaleur et de la lumière , ils concernent en cation physique de l'univers , parfaitement
core celle de l'électricité; et les mouvements compatible , du reste, avec l'existence d'une
qui bouleversent incessamment l'atmosphère cause immatérielle; et Cudworth , dans son
par suite de causes multipliées, dont la plu Système intellectuel, prouve qu'en effet l'idée
part nous échappent encore, forment un des de celte première cause formait une des bases
problèmes les plus difficiles de la mécanique. de la philosophie corpusculaire des anciens.
La théorie des vents a exercé la sagacité de Dans les temps modernes, la doctrine des
d'Alembert , mais elle est loin encore de pou atomes, ou corpuscules élémentaires, a été
voir être facilement saisie dans tout son en renouvelée avec des modifications diverses et
semble. L'atmosphère, comme les mers qui sous des noms différents, par Descaries, Gas
couvrent la plus grande partie de notre globe, sendi , Newton , Leibnitz et plusieurs autres
a aussi ses marées, dont on s'était d'abord philosophes ou naturalistes dont les systèmes
exagéré la grandeur. Ce sont ces divers phé seront exposés dans des articles spéciaux.
nomènes , qui naissent sous des influences si Elle joue aujourd'hui un rôle important dans
diverses et par des causes si complexes et si . la chimie.
impérieuses, qui constituent la météorologie , ATOMES {chimie). Les interminables dis
l'une des plus belles branches de nos connais cussions des anciens philosophes sur les ato
sances, mais en même temps l'une de celles mes, les aberrations non moins remarqua
qui semblent avoir fait le moins de pro bles dans lesquelles sont tombés tous ceux
grès. Quetelet. qui, dans des temps plus rapprochés, se
ATOME. De a privatif et Tt/rniv , couper. sont occupés de théories fondées sur cet ob
que
Ce
ceptibles
mot
à dequi,
aux
petits
dans
sens
corpuscules,
lepar
langage
leur vulgaire,
ténuité,
presque désigne
s'appli»
imperr jet , peuvent être rappelées avec intérêt ,
relativement à l'histoire de la philosophie;
nous n'avons pas à nous en occuper ici; nous
spécialement, dans le langage scientifique, ne devons considérer ce siq'et qu'autant qu'il
les particules élémentaires dont est composée peut offrir à la science un moyen d'action et
la matière et qui sont considérées comme de progrès.
étant indivisibles. La doctrine des atomes qui Sans nous occuper à rechercher quelle
signale la première époque de la philosophie doit être la forme des atomes, sur laquelle on
grecque parait venir de l'Orient, où Pytha^ peut beaucoup disputer sans jamais s'enten
gore, dit-on, l'avait apprise; car les unités dre , établissons seulement ici ce que l'on
qui, selon lui, sont le principe ou les élé peut entendre sous cette dénomination en
ments de la matière , n'étaient que des ato chimie , et voyons quel parti cette science
mes. Ou lit dans Strabon que cette doctrine peut tirer de la théorie qui s'y rapporte.
eut pour auteur, chez les Phéniciens, un Malheureusement , dès le moment où l'on
certain Moschus, qui vivait avant la guerre fait intervenir les atomes dans la théorio
de Troie , et c'est sans doute de la Phénicie chimique, des difficultés insurmontables se
qu'elle passa dans l'école ionique. Suivant présentent relativement à leur nature.
quelques philosophes tous les atomes étaient On sait que les actions chimique- ne peu
identiques et d'une seule espèce; la différence vent s'exercer à distance; les recherches
des corps ne provenait que des changements faites depuis cinquante ans environ avec une
et des variations produits par différentes précision
vaux des chimistes
ignorée autrefois
de notre .époque
et dontviennent
les Ira-
causes extérieures dans l'état ou l'agréga
tion de ces molécules. Selon d'autres, au con chaque jour confirmer et étendre les résul
traire, les atpmes étaient différents pour cha tais, ont prouvé, sauf quelques exceptions,
ATO ( 183 ) ATO
que les corps ne s'unissent pas en proportions de température. On a donc pu admettre que
arbitraires et indéfiniment variables , mais les volumesdes gaz représentaientdes atomes,
seulement dans certains rapports, et que ces et alors la combinaison des gaz s'effectuant
rapports une fois déterminés, ces corps peu dans des rapports simples, comme 1:1,1:2,
vent se remplacer réciproquement dans cer 1 : 3,on aurait pu déterminer les rapports des
taines séries de combinaisons, avec une telle atomes de ces corps. Cette idée semblait si bien
régularité que l'on peut prévoir d'avance la devoir conduire à des résultats exacts quo
quantité des corps qui réagiront les uns sur M. Dumas a entrepris une longue série de
les autres pour former une combinaison don travaux très importants dans le but d'obtenir,,
née. Aux mots Equivalents chimiques et avec le plus grand nombre possible de corps, des
Fbopobtions définies nous entrerons à eu combinaisons gazeuses, afin de pouvoir déter
sujet dans les détails nécessaires. miner par là le poids des atomes de ces corps.-
Celte régularité d'effets, ce remplace Mais, d'une part, ce travail a conduit à des
ment de proportions invariables de certains anomalies relativement à la densité de deux1
corps par d'autres, a dû nécessairement con corps simples, le soufre et le phosphore,
duire à tenter de se représenter la nature des d'où l'on voit que l'on ne peut rien conclure
parties entre lesquelles les actions chimiques avec certitude relativement aux combinai
peuvent s'exercer : ces corpuscules invisibles, sons gazeuses , et de l'autre le mode de com
qui jouent un rôle si important dans toutes binaison d'un certain nombre de composés
les actions de la nature, peuvent avoir di ôte , comme on va le voir, à ce genre de re
verses formes , mais, quelle qu'elle soit , ils cherches la valeur qu'on avait cru devoir lui
ne peuvent se grouper que dans certaines attribuer.
limites; entre les deux extrêmes, représentés Mêlez ensemble de l'oxigène et de l'hydro
d'un coté par deux molécules, de l'autre par gène entre les limites de 1 du premier et 7 du
le plus grand nombre de parties qui puissent second; soumettez ce mélange à l'action
avoir entre elles un point de contact , il peut d'une étincelle électrique ; il se formera de
se produire une foule d'arrangements qui don l'eau , toujours composée dans les mômes
neraient lieu à des variations de propriétés , rapports de 2 d'hydrogène et 1 d'oxigène qui
comme les nombres simples, réunis en cer pourraientenreprésenterlesatomes; l'eau se
taines séries , produisent des nombres qui ne rait alors formée de 1 atome d'oxigène et 2
présentent aucun autre rapport que celui des d'hydrogène ; mais comme l'eau prend la forme
éléments qui les composent. liquide , nous ne pouvons directement rap
L'idée la plus naturelle qui se présente à porter les volumes des éléments à ceux de la
l'esprit, et qui a présidé aux théories deDal- combinaison formée. Si au lieu d'hydrogène
ton, consiste à regarder les petites molécu et d'oxigène nous considérons le chlore et
les auxquelles on a donné le nom d'atomes l'hydrogène, nous trouverons qu'à volume
comme indivisibles, sans s'occuper en aucune égal ces deux gaz s'unissent pour former le
manière de la question de la divisibilité phy le gaz chlorhydrique sans changer de volume.
sique; nous verrons dans un instant si celle Lorsqu'on décompose un volume de gaz chlor
manière de voir peut expliquer tous les phé hydrique, on en retire 1/2 volume de chacun
nomènes sur lesquels elle semblait en défini de ses éléments ; les atomes de l'hydrogène et
tive apporter la lumière. du chlore se seraient donc divisés chacun en
Un certain nombre de corps gazeux peu deux pour former le gaz chlorhydrique, et dès
vent réagir les uns sur les autres pour former lors disparaît l'idée que l'on s'était- faite d'a
des combinaisons chimiques ; si quelques bord des atomes, que l'on considérait comme
unes conservent l'état physique de leurs prin la limite de la divisibilité chimique.
cipes constituants, d'autres affectent la forme On s'engagerait dans une voie dangereuse
liquide ou solide, et l'on peut facilement alors pour la science si on voulait trouver des ex
s'assurer des volumes re atifs entre lesquels plications pour toutes les difficultés relatives
l'action chimique a eu lieu, que la solidifica à ce genre de questions. Tout ce qu'on peut
tion de la combinaison formée permet de dé dire à ce sujet, c'est qu'il peut exister deux
terminer immédiatement. sortes de groupes d'atomes , les groupes chi
On a trouvé ( voy. Dilatation ) que tous miques et les groupes physiques, et que le»
les gaz changent de volume exactement dans gaz peuvent renfermer des nombres diffé
le même rapport, par des variations égales rents des petites molécules constituant les
ATR ( 18i ) ATR
atomes et qui s'y trouvent plus ou moins âlres et foyers, il sera laissé quatre pieds
condensés. d'ouverture au moins et trois pieds de pro
Nous nous bornerons à ces notions géné fondeur depuis le mur jusqu'au chevêtre qui
rales , que nous compléterons aux mots Iso- portera les solives.
IIOHPUIE, PROPORTIONS DÉFÎMES , TllÉORIE » 11 y aura six pouces de recouvrement de
atomique. H. Gaultier de Claubrv. plâtre de toutes parts, tant audit chevëlre
ATOME (médec). Celle expression , ha- qu aux solives d'enchevêtrure, et pour sou
bituellcmcnt employée comme synonyme tenir et porter ledit recouvrement , les che-
d'asthénie , a cependant une valeur un peu vétres et les solives d'enchevêtrure seront
différente , suivant nous. Elle exprime cet garnies suffisamment de chevilles de fer de
état de relâchement des tissus dans lequel ils six à sept pouces de longueur et de clous de
ne peuvent plus agir sur les fluides qui les bateaux. » L'ordonnance portait même in
pénètrent, tandis que le mol asthénie s'appli jonction de démolir les âtres qui ne seraient
que plus spécialement à l'abolition ou l'af pas construits d'après ces règles , pour élre
faiblissement de leurs fonctions. Ainsi l'atonie rétablis avec enchevêtrure , barres de trémie
sera la perle ou la diminution d'élasticité des et chevilles de fer.
tissus; l'asthénie, la diminution ou la perte de L'ordonnance de 1672 fut confirmée par
leur irritabilité ; un vitalisle ajouterait que la celle de M. Voyer d'Argenson , en date du 11
première est une lésion de propriété physique, avril 1698. Enfin une autre ordonnance du
et la seconde une lésion de propriété vitale. 28 avril 1719 porte qu'à l'avenir les àlres ou
Celte distinction paraîtra futile peut-être; trémies des cheminées seront plus larges de
nous ferons remarquer néanmoins que c'est six pouces que l'ouverture des manteaux des
dans l'atonie que l'on relire principalement cheminées , en sorte que les deux jambages
de bons effets des substances qui contiennent d s manteaux portent moitié de leur épais
du tannin, ainsi que des slypliqueset des as seur sur la trémie, et l'autre moitié sur les
tringents, substances dont l'effet incontesta solives d'enchevêtrure. E. B.
ble est de condenser, de resserrer, de raffer ATRÊE, successeur d'Euryslhée, roi
mir les tissus sur lesquels on les applique en d'Argos, dont il avait épousé la fille Eropc,
leur rendant l'élaslicité qu'ils avaient perdue ; était fils de Pélops et d Ilippodamie. Une
tandis que ces mêmes agents n'ont une action haine profonde s'établit entre lui et son frère
ni aussi évidente ni aussi certaine dans les Thyeste , parce que celui-ci lui avail enlevé
asthénies. Lepecq de la Clôture. un bélier à la toison d'or, ou une brebis do
ATRACTOCÈRE ( entomol. ). Genre de rée, dont la possession, d'après l'opinion
coléoptères établi par Pal issot-Beau vois dans d'Allée, assurait le bonheur de sa famille.
la famille des serricornes. Ces insectes ont un Cette haine n'ayant fait que doubler lorsque
corps allongé, des élytres courtes qui les rap Thyeste eut accueilli l'amour d Erope, il prit
prochent des staphylins, dont ils diffèrent la fuite pour échapper au ressentiment de
cependant par leur lêle ovoïde, leurs yeux son frère ; mais Alrée, sous prétexte de ré-
et leurs antennes courtes, très grosses à leur concilialion, rengagea à revenir auprès de
base et très aiguës à leur extrémité. ( Voyez lui. Le crédule Thyeste obéit, et par une
Serricornes.) atroce vengeance, Atrée lui servit à table les
ATRE (archit.). On appelle ainsi le sol de membres de son propre fils, qu'il avait eu
la cheminée , l'endroit où l'on fait le feu , et d'Erope. Les mythologues nous disent que le
qui est compris entre les jambages, le contre soleil recula d épouvante pour ne pas éclairer
cœur et le foyer. La construction des àlres a cet horrible repas. Fr. G.
élé réglée par plusieurs ordonnances de po ATRIUM (archii.). Notre mot français
lice. Celle du 26 janvier 1672 , signée La vestibule ( voy. ce mot ) ne rend que d'une ma
Rcynie , est encore en vigueur aujourd'hui. nière fort imparfaite le sens du mot atrium ;
En voici les principales dispositions : cette partie des maisons antiques était dis
« A l'avenir, tant aux bâtiments neufs tincte du veslibulum, qui lui-même ne répond
qu'en tous rétablissements de maisons, il sera pas exactement à notre vestibule. Cependant
fait des enchevêtrures au-dessous de tous des passages nombreux des auteurs anciens
âtres et foyers de cheminée, de quelque gran attestent que déjà dans l'antiquité les mots
deur que puissent être lesdiles cheminées atrium et vestibulum étaient souvent confon
et maisons où elles seront faites. Pour lesdits dus. Aulu-Gelle nous l'apprend en termes ex
ATR ( 185 ) ATR
près ; Martial place dans l'atrium delà maison Atria in Etrvridsitinstitutum.Le témoigna
dorée le colosse de Néron , que Suétone dit ge de Varron se joint à celui de Feslus ; A-
avoir été élevé dans le veslibulum. Vitruvo trium appeltatur ab atriatibus Tuscis; hinc
même emploie parfois le mot atrium pour enim exemplum sumplum. {De ling. Lut.,
désigner le cavœdium, espèce de cour qui ré liv. V, 161.)
pond au cortile des palais d Italie. ATROPOS (de oprivatifelrptirnv, tourner,
On conçoit que si une telle incertitude ré inflexible ) , l'une des trois Parques, dont la
gnait dans l'antiquité , dix-huit siècles n'ont tâche était de couper le fil qui mesurait la
pu que l'augmenter; aussi nous en sommes durée de la vie des hommes. Atropos, dans
venus à ne pouvoir expliquer d'une manière les concerts avec les Sirènes . chaulait les
entièrement satisfaisante la destination , la événements futurs. Plutarque l'a placée dans
forme, l'emplacement de l'atrium. le soleil , d'où, selon lui, elle prend soin du
lumCeétait
qui parait
une partie
certain,
extérieure
c'est que
de le
la veslibu
maison, globe terrestre, en entretient la vieet en régula
rise l'ensemble. On la représente sous les traits
tandis qu'au contraire l'atrium était à l'in d'une vieille femme toute ridée , avec des vê
térieur. Le vers de Virgile no peut laisser au tements lugubres. Près d'elle se trouvent plu
cun doute : sieurs pelotons plus ou moins garnis : ce sont
Apparet domus intut ,et atria longa pateicunt. la longueur ou la brièveté des jours de chaque
L'atrium devait être couvert, ce qui le dis mortel. Hésiode nous la montre comme la
tingue du cavœdium ou impluvium, qui ne l'é plus implacable des trois Parques.
tait point. Mille témoignages nous appren ATROPHIE [méd.), de a privatif, et rpotfh,
nent que l'atrium servait au dépôt des images nourriture, défaut de nutrition. Ce mot est gé
des ancêtres, imaginet majorum. Ces figures, néralement employé dans la science pour ex
la plupart en cire, n'eussent pu rester expo- primer la diminution partielle de la nutrition,
Jeesaux intempéries des saisons. celle d'un membre, d'un organe, parexemple ;
Vitruve entre dans de longs détails sur les les mots marasme, émaciation, servent au con
proportions, la disposition de l'atrium, et traire à désigner la diminution générale du
pourtant cette description et la découverte de corps. Le principal caraclèrc do l'atrophie est
Pompeï n'ont encore pu dissiper entièrement' la diminution de volume de laparlie affectée.
l'obscurité qui enveloppe ce point d'archéo A l'article Aivatomie pathologique on a
logie. Selon Vitruve, l'atrium était une es esquissé les phénomènes anatomiques géné
pèce de portique couvert, composé de deux raux qui l'accompagnent. On a fait voir que
rangs de colonnes qui formaient deux ailes, l'atrophie était un grand phénomène physio
c'est-à-dire trois allées, une large au milieu logique survenant d'une manière constante
et deux étroites aux côtés. dans tout organe dont les fonctions sont moins
Il paraît que l'atrium servait quelquefois actives ou nulles, que cette diminution de
aussi de salle à manger, et remplaçait le tri- fonction fût un résultat naturel, comme dans
l'iuium; témoins ces vers de Virgile: les capsules surrénales, la glande mammaire,
Craterat magnos ttatuunt, et vina coronant; le thymus, qui perdent graduellement de
fit ttrtpitus sertis , vocemque per ampla volutant leur volume à des périodes déterminées do
Atria ; dépendent lychni laquearibus aureil. l'existence, ou qu'elle fût un résultat acci
Quelques temples avaient aussi un alrium; dentel, une maladie. Dans ce dernier cas, la
(le ce nombre étaient ceux de Vesta et de la cause physiologique de l'atrophie tient à une
Liberté. 11 est souvent fait mention dans l'his altération , soit du système nerveux , soit do
toire de l'a/rin m Libertalis. Ce fut là,ditTite- la circulation, qui empêche l'action du cerveau
Live,que l'on déposa les otages desïarentins. ou l'abord des fluides sur telle ou telle par-
Dans les fragments de marbre du plan de tic , détermine la diminution de sa nutrition
Rome, encastrés dans l'escalier du musée du et par suite de son volume. Ainsi, la com
liapilole, on retrouve cet atrium qui paraît pression des conducteurs nerveux ou artériels
être une cour découverte et semi-circulaire. par une tumeur est souvent la cause de l'a
L'atrium fut emprunté aux Etrusques, et trophie de l'organe où ils se rendent. On sait que
fut ainsi appelé delà ville d'Atria ou Adria, qui les membres paralysés s'atrophient toujours ;
adonné aussi son nom à la mer Adriatique. On mais au défaut d'influence nerveuse se joint
lit dans Feslus : Atrium propriè est genus edi- également alors le manque absolu d'exercice
kii, dictum atrium quia id genus edifieiiprimum de la partie qui concourt également sans
ATT C 136 ) ATT
doute à diminuer encore l'activité do la nu dans l'intention d'expier les erreurs de sa vie
trition. Le défaut d'exercice , par suite d'in- passée. Il a paru plusieurs recueils de ses poé
flamination chronique dans un organe , est sies;
fermecelui
les pièces
donné les
en plus
1810 remarquables;
par Millevoye rea-
il a
souvent seul la cause de l'atrophie de cet or
gane. C'est ce qui survient dans les viscères pour titre : Choix des poésies de l'abbé l'At-
internes depuis long-temps atteints de phleg- taignant, 1 vol. in-18.
masies. Dans l'atrophie des membres qui sur Al'TALE, roi de Pergame , succéda à
vient à lasuile des paralysies et des tumeurs Eumène, son cousin, mort sans enfants, vers
des articulations, non seulement la graisse l'an 211 avant J.-C. Ce prince, le premier,
est' résorbée, mais les muscles s'amoindris prit le titre de roi de Pergame, après une
sent au point de se réduire à une sorte de victoire éclatante remportée sur les Gaulois.
membrane charnue ; les os deviennent moins Il força ces peuples barbares, établis sur les
pesants , et la peau également s'altère ; l'è- rives de la mer, et qui depuis long-temps
piderme, les poils se détachent. désolaient l'Asie-Mineure, à se concentrer
Quant au pronostic de l'atropine, il varie dans l'intérieur du pays , ce qui les mit dans
d'après l'importance de l'organe malade. l'impossibilité de recevoir par mer de nou
Ainsi, dans l'atrophie des membres, où les velles recrues. Après cet exploit, Attale, ayant
symptômes sont purement locaux, la maladie appris la défaite et la captivité de Séleucus
est peu grave par elle-même ; mais il n'en est Callinice, roi de Syrie, par les Parthes, saisit
plus ainsi dans l'atrophie d'un rouage impor le moment favorable et se rendit maître de
tant, l'estomac, le poumon, le cœur : les toute l'Asie en deçà du mont Taurus. Mais la
symptômes s'aggravent de toute l'influence plupart de ces conquêtes lui furent enlevées
de l'organe malade sur les grandes fonctions par Achaeus, général d'Antiochus-le-Grand,
internes ; le pronostic devient alors très alar qui venait de succéder à son père , Séleucus
mant. Le traitement de l'atrophie doit avoir Callinice. L'orgueil d'Achaeus l'ayant poussé
pour but de rendre à la partie malade l'acti à la révolte , et ce satrape menaçant la puis
vité de sa nutrition. Guérir les affections sance d'Attale et d'Antiochus-le-Grand, ces
chroniques, lever les obstacles qui s'opposent deux princes oublièrent leurs ressentiments
à l'action de l'innervation et de la circula communs et s'allièrent pour réprimer et
tion sont les premières indications à remplir. abattre leur ennemi. Attale conclut aussi plus
Malheureusement les ressources de l'art sont lard un traité de paix avec les Romains con
souvent infructueuses; aussi l'atrophie gué tre les projets de Philippe, roi de Macédoine,
rit-elle rarement. On a proposé les frictions et il garda toujours avec une scrupuleuse
stimulantes, les bains d'eaux minérales. Dans exactitude la foi des serments. Il mourut à
l'atrophie des membres, il faudrait y joindre Pergame, âgé de soixante-douze ans, 197 ans
l'exercice, surtout celui de la partie malade; avant J.-C, des suites d'une faiblesse qu'il
tenter l'emploi de l'électricité et du galva ressentit dans un discours véhément aux Béo
nisme, dont quelques observations ont con tiens, pour les exhorter à s'unir avec Rome
staté le bon résultat. A. contre les entreprises du roi de Macédoine.
ATTAGÈNE {entom.). Genre de coléop Attale II, deuxième fils du précédent, cé
tères formé aux dépens des Dermestes [voyez lèbre dans l'histoire par son affection pour
ce mot) dans la famille des penlamèrés. ses frères, et surtout pour sa mère Apollonis.
ATTAIGNANT (Gabriel-Charles de l*), Attale III , fils d Eumène, qui, en mou
plus connu aujourd'hui par sa vie dissipée rant, légua ses États aux Romains. Fit. G.
que par les vers qu'il a laissés, naquit à Paris ATTALE (Priscus). Lorsqu'en 409 Ala-
en 1697. Placé par sa fam lie , et contraire ric se rendit maître de Rome, il fit recon
ment à ses goûts, dans la carrière ecclésias naître par le peuple et par le sénat comme
tique, il obtint un canonicat à Reims et empereur Priscus Altalus, né en Ionie, et qui
passa sa vie à Paris. La facilité de son esprit, occupait alors la charge de préfet ; mais l'an
ses impromptus, ses couplets, ses madrigaux née suivante il le dépouilla de la pourpre
lui faisaient trouver partout un bon accueil. impériale pour en revêtir Honorius. Depuis
Plus d une fois ses chansons satiriques lui ce moment, Alaric, pour avilir la dignité ro
avaient attiré d'assez brutales corrections. H maine, traîna à sa suite cet empereur déchu,
mourut, le 10 janvier 1779, chez les Pères de qu il livrait à la risée des courtisans, le re
la doctrine chrétienne, où il s'était retiré vêtant un jour du costume d'empereur, et le
ATT ( 187 ) ATT
lendemain de la robe d'esclave. A la mort fleurs et les feuilles des végétaux ; mais
d'Alaric Allait; voulut ressaisir la puissance; elles sont moins voraces, plus timides : au
mais il manquait d'argent et de soldats, et moindre danger elles retirent leurs pâlies
en 416 il fut pris par le général Constance et sous leur corps et se laissent tomber. La fe
envoyé à Honorius, qui lui fil couper la main melle dépose sa ponte dans un de ces petits
droite et le relégua dans l'île de Lipari, où rouleaux de feuilles que nous avons décrits, et
il mourut. confie à cet abri l'avenir de l'espèce. Les at-
ATTAQUE. Ce mot s'emploie figurément tèlabes sont très communes en France. L'es
en médecine pour désigner l'apparition sou pèce qui a servi de type, atlelabus curculio-
daine des accès de diverses maladies : ainsi nides, beemare laque de Gcolfroy, se trouve
Tondit une attaque de goulle, une attaque très communément sur le chêne aux envi
d'apoplexie. Dans l'art militaire ce mot s'ap rons de Paris. Une autre espèce, de couleur
plique à l'action par laquelle ou sj présente rouge, rynchytea Bacchus, se tient sur la vi
devant l'ennemi pour engager le combat, gne, et ses larves, lorsqu'elles sont très multi
mais plus particulièrement aux manœuvres pliées, la dépouillent entièrement de feuilles.
elaux travaux que l'on fait pour s'emparer Elles sont connues dans les campagnes sous les
d'une place. ( Voy. Siège.) noms de lisette, bêche.
ATTEINTE. Coup qu'un cheval se donne ATTELLES {techn.). Planches de bois
lui-même en atteignant les pieds de devant chantournées placées des deux côtés du col
avec ceux de derrière, ou qu'il reçoit aux lier des chevaux, et que l'on remplace au
pieds de derrière d'un cheval qui le suit de jourd'hui dans les colliers des équipages do
trop près. Ces coups sont quelquefois assez luxe par deux arceaux en fer.
graves, et les atteintes qui en résultent très En chirurgie on nomme attelles de petites
dangereuses; mais généralement, lorsqu'on pièces de bois , de carton, de fer-blanc, dont
les soigne promptement, elles se guérissent on se sert dans le traitement des fractures
<le suite. Il suffira de bassiner la plaie avec pour maintenir les fragments des os et pré
du vin cliaud et de la taire sécher. Les al- venir leur déplacement. Les potiers, les plom
teinles négligées deviennent encornées; leur biers et les fontainiers ont aussi des outils
guérison est alors plus difficile : il faut em auxquels ou a donné le nom d'attelles.
ployer le même traitement que pour le ja- ATTENUATION, ATTENUER. Cest
vart encorné. la diminution, l'amoindrissement d'une chose.
ATTELA HE ( enlomol. ). Grand genre Ainsi l'on dit : {'atténuation d'un crime, d'un
d'insectes coléoptères pentamères de la fa délit, résulte de telles circonstances, pour
mille des Kynchopiiokes, dont les ravages, dire que ce délit, ce crime, sont rendus moins
surtout à l'état de larve, sont connus de tout graves par ces circonstances ; c'est dans ce
le monde. Leurs larves, qui ressemblent assez sens que ce mot est pris dans celte locution .-
acellesdes charançons, sont blanches, for circonstances atténuantes, que l'on emploie
mées de douze anneaux, sans pattes, à tôte fréquemment au Palais dans les instances
ècailleuse munie de deux mandibules cornées criminelles. On dit aussi atténuer le mérite,
qui servent à l'animal pour marcher en se la réputation d une personne, pour dire qu'on
cramponnant aux corps environnants. Avec cherche a abaisser son mérite, à porter une
'es mâchoires ces larves percent la pulpe des atteinte quelconque à sa réputation.
fruits, pénètrent dans leur intérieur et les Sous l'ancienne jurisprudence on enten
rongent sans qu'on puisse s'en douter. Elles dait par atténuation une procédure particu
pénètrent également les tiges des Heurs et lière par laquelle un accusé élait autorisé à
quelles
surtout elles
les feuilles
se forment
des végétaux
une espèce
, avec
de cornet
les- produire une requête où il cherchait à excu
ser son crime. Notre Code d'instruction cri
dans l'intérieur duquel elles s'enroulent pour minelle a conservé cette procédure par son
ronger à l'abri le parenchyme. Ces larves, article 217, mais il ne s'est plus servi du mot
après plusieurs mues, se transforment en atténuation. On emploie aussi ce mot en mé
nymphes; mais avant elles se tissent une co- decine; on dit atténuer les humeurs, ce qui si
quede soie ou se construisent une enveloppe gnifie les rendre moinsgrossières, plus fluides.
avec une espèce de matière résineuse. Elles ATTENTAT(j'«n>pr.). On peutratlacher
deviennent ensuite insecte parfait. Dans cet à quatre espèces principales les divers crimes
état les altélabes continuent à habiter les compris sous ce nom dans le Code pénal.
ATT ( 188 ) ATT
§ I". Attentat contre la sûreté de l'Étal. — qui ont exercé dans la bande un emploi ou
Le Gode pénal prévoit plusieurs sortes d'at un commandement quelconque seront punis
tentats contre la sûreté intérieure de l'Etat. des mêmes peines, quoique non saisis sur le
L'attentat contre la vie ou la personne du lieu. Ceux qui, connaissant le but et le ca
roi est puni de la peine du parricide; l'atten ractère des bandes dont il vient d être parlé,
tat contre la vie ou contre la personne des leur auraient, sans contrainte, fourni des lo
membres de la famille royale est puni de la gements, lieux de retraite ou de réunion,
peine de mort. Le législateur punit aussi de sont punis des travaux forcés à temps. Les
mort l'attentat qui a pour but soit de détruire, coupables qui, avant toute exécution ou ten
soit de changer le gouvernement ou l'ordre tative des complots ou autres crimes atten-
de succcssibililé au trône, soit d'exciter les tatoi.es à la sûreté de l'État, et avant toutes
citoyens ou habitants à s'armer contre l'au poursuites commencées, auraient les pre
torité royale. L'exécution ou la tentative miers donné au gouvernement ou aux auto
constituent seules l'ai tentai. Le complot ayant rités administratives ou de police judiciaire
pour but les crimes qui viennent d'être men connaissance de ces complots ou crimes et de
lionnes, s'il a été suivi d'un acte commis ou leurs auteurs ou complices, ou qui, même
commencé pour en préparer l'exécution, est depuis le commencement des poursuites, au
puni de la déportation. S'il n'a été suivi d'au raient procuré l'arrestation des auteurs ou
cun acte commis ou commencé pour en pré complices, sont affranchis des peines pronon
parer l'exécution, la peine est celle de la dé cées contre ces derniers. Ils peuvent néan
tention. Il y a complot dès que la résolution moins être condamnés à rester, pour la vie
d'agir est concertée et arrêtée entre deux ou ou à temps, sous la surveillance de la haute
plusieurs personnes. S'il y a eu proposition police.
faite et non agréée de former un complot pour Les articles 92 et suivants du Code pénal
arriver aux crimes dont il s'agit, celui qui a prévoient plusieurs autres espèces de crimes
fait une telle proposition est puni d'un empri tendant à troubler la tranquillité intérieure
sonnement d'un an à cinq ans. 11 peut de plus de 1 État. Le législateur ne leur donnant pas
être interdit, en tout ou en partie, des droits expressément la qualification d'attentats,
mentionnés en l'art. 42 du Code pénal. Lors nous nous abstenons de les mentionner ici.
qu'un individu a formé seul la résolution de Nous passons pareillement sous silence les dis
commettre un attentat contre la vie ou la positions contenues dans les articles 75 et
personne du roi ou de quelqu'un des membres suivants, destinés à réprimer les crimes et
de la famille royale, et qu'un acte destiné à délits contre la sûreté extérieure de l'Etat.
en préparer l'exécution a été commis ou com D'après l'article 28 de la Charte constitu
mencé par lui seul et sans assistance, la peine tionnelle, les attentats à la sûreté de l'Etat
est celle de la détention. sont soumis à la juridiction de la chambre des
L'attentat qui a pour but, soit d'exciter la pairs. La loi du 9 septembre 1835 sur lescrimes
guerre civile en armant ou en portant les et délits commis par la voie de la presse a
citoyens ou habitants à s'armer les uns con ajouté des dispositions très importantes ù
tre les autres, soit de porter ladévastation,le celles que nous venons de faire connaître.
massacre ou le pillage dans une ou plusieurs L'article i"de celte loi porte que toute pro
communes, est puni de mort. Le complot vocation, par l'un des moyens énoncés en
ayant pour but l'un de ces crimes, et la pro l'article 1" de la loi du 17 mai 1819, aux
position de former ce complot, sont punis des crimes prévus par les articles 86et 87 du Code
peines établies relativement aux complots et pénal, soit qu'elle ait été suivie ou non d'ef
propositions de complots qui ont pour objet fet, est un attentat à la sûreté de l'État; -:
les attentats mentionnés aux articles 80 et elle a élé suivie d'effet, elle est punie confor
87 du Code pénal. Dans le cas où l'un ou plu mément à 1 article 1" de la loi du 17 mai
sieurs des crimes prévus par les art. 86, 87 1819; si elle n'a pas élésuivie d'efl'et, elle est
et 91 ont été exécutés ou simplement tentés punie de la détention et d'une amende de
par une bande, la peine de mort doit être 10,000 à 50,000 fr. Dans l'un et l'autre cas
appliquée, sans distinction de grades, à tous elle peut être déférée à la chambre des pairs,
les individus faisant partie de la bande, et conformément à l'article 28 de la Charte.
qui ont été saisis sur le lieu de la réunion sé D'après l'article 2 de la loi du 9 septembre
ditieuse. Ceux qui ont dirigé la sédition ou i835, l'offense au roi commise par les mêmes
ATT ( «89 ) ATT
moyens, lorsqu'elle a pour but d exciter à la que si le ministre rie justifiait pas avoir agi
haine ou au mépris de sa personne ou de son dans l'intérêt de l'État, et que s'il avait re
autorité constitutionnelle, est un attentat à tenu plus de dix jours la personne arrêtée par
la sûreté de l'État. Celui qui s'en rend cou ses ordres sans l'avoir fait traduire devant
pable est jugé et puni conformément aux les tribunaux depuis qu'il avait été interpellé
deux derniers paragraphes de l'article 1er de de la mettre en liberté, il devait être traduit
la même loi. Toute autre offense au roi est devant la haute cour comme violateur de la
punie conformément à l'article 9 de la loi liberté individuelle des citoyens. Les articles
dul7 mai 1819. du sénatus-consulte du 28 floréal an xu ne
Suivant l'article 5, l'attaque contre le prin peuvent plus recevoir d application : d'abord
cipe ou la forme de gouvernement établi par parce qu'ils se rattachaient à l'institution au
la Charte de 1830, tels qu'ils sont définis par jourd'hui abolie d'une commission sénato
la loi du 19 novembre 1830, est un attentat riale de la liberté iudividuelL- et d'une com
à la sûreté de 1 Etat lorsqu'elle a pour but mission sénatoriale de la liberté de la presse;
d'exciter à la destruction ou au changement ensuite parce qu il n'existe plus de haute
du gouvernement ; celui qui s'en rend coupa cour de justice; enfin parce que, la liberté
ble est jugé et puni conformément aux deux individuelle des citoyens se trouvant garantie
derniers paragraphes de l'article 1". Toute par la Charte, sans aucune restriction, les
autre attaque prévue par la loi du 29 novem ministres ne peuvent pas plus que tout autre
bre 1830 continue d'êlre punie conformé agent ou fonctionnaire public retenir un ci
ment aux dispositions de celte loi. toyen dans les prisons, sous quelque prétexte
§2. Attentats à la liberté individuelle, aux que ce soit, sans le livrer à la justice. C'est
droits civiques des citoyens et à la Charte. — ce qu'enseigne M. Carnot sur l'article 115 du
La liberté individuelle des citoyens est ga Code pénal.
rantie par l'article 4 de la Charte constitu Si les ministres prévenus d'avoir ordonné
tionnelle. Personne, suivant cet article, ne ou autorisé l'acte contraire à la Charte pré
peut être poursuivi ni arrêté que dans les tendent que la signature à eux imputée leur
cas prévus par la loi et dans la forme qu'elle a été surprise, ils sont tenus, en faisant cesser
prescrit. La violation de ce principe d ordre l'acte, de dénoncer celui qu ils déclarent au
public trouve sa sanction dans diverses dis teur de la surprise, sinon ils sont poursuivis
positions du Code pénal. personnellement.
Tout fonctionnaire public, tout agent ou Les dommages-intérêts qui pourraient être
préposé du gouvernement qui a ordonné ou prononcés à raison des attentats à la liberté
lait quelque acte arbitraire ou attentatoire h individuelle, aux droits civiques des citoyens
la liberté individuelle d'un ou de plusieurs et à la Charte, sont demandés, soit sur la
citoyens est puni de la dégradation civique. poursuite criminelle, soit par la voie civile,
Il en est de même lorsqu'il s agit d'un acte et sont réglés eu égard aux personnes, aux
attentatoire aux droits civiques des citoyens circonstances et au préjudice souffert, sang
ou à la Charte. Cependant, si le coupable qu'en aucun cas, et quel que soit l'individu
justifie qu'il a agi par ordre de ses supérieurs lésé, ces dommages-intérêts puissent être au-
pour des objets du ressort de ceux-ci. sur les dessous de 25 fr. par chaque jour de déten
quels il leur était dû obéissance hiérarchi tion illégale ou arbitraire," et pour chaquo
que, il est exempt de la peine, et la condam individu. Si l'acte contraire à la Charte a été
nation s'applique seulement aux supérieurs fait d'après une fausse signature du nom d'un
qui ont donne l'ordre. ministre ou d'un fonctionnaire public, les au
Si c'est un ministre qui a ordonné ou fait teurs du faux et ceux qui en ont sciemment
les actes dont il vient d'êlre question, et si, fait usage sont punis des travaux forcés à
après les invitations mentionnées dans les temps, dont le maximum est toujours appli
articles 63 et 67 du sénatus-consultc du 28 qué dans ce cas.
floréal an xn, il a refusé ou négligé de faire Les fonctionnaires publics chargés de la
réparer ces actes dans les délais fixés par le police administrative ou judiciaire qui refu
senatus-consulte, il doit être puni du bannis sent ou négligent de déférer à une réclama
sement. Tel le est ladispositionde l'article 1 15 tion légale tendant à constater les détentions
du Code pénal. Les articles 63 et 67 du sena illégales et arbitraires, soit dans les maisons
tus-consulte du 28 floréal an xii portaient destinées à la garde des détenus, soit partout
ATT ( 190) ATT
ailleurs, et qui ne justifient pas les avoir dé tuées, et hors les cas où la loi ordonne de
noncés à l'autorité supérieure, sont punis de saisir des prévenus, auraient arrêté, détenu
ladegradation civique, et tenus des domma ou séquestré des personnes quelconques. Ceux
ges-intérêts, lesquels sont réglés ainsi qu'il a qui ont prêté un lieu pour exécuter la déten
été dit ci-dessus. Les gardiens et concierges tion ou séquestration subissent la même peine.
des maisons de dépôt, d arrêt, de justice ou Si la détention ou séquestration a duré plus
de peine, qui ont reçu un prisonnier sans d'un mois, la peine est celle des travaux for
mandat ou jugement; ceux qui l'ont retenu cés à perpétuité. La peine est réduite à un
ou qui ont refusé de le représenter à l'officier emprisonnement correctionnel si les coupa
de police ou au porteur de ses ordres sans bles des crimes mentionnés en l'article 341,
justifier do la défense du procureur du roi ou non encore poursuivis de fait, ont rendu la
du juge; ceux qui ont refusé d'exhiber leurs liberté à la personne arrêtée, séquestrée ou
registres à l'officier de police, sont punis d'un détenue avant le dixième jour accompli de
emprisonnement correctionnel et d'une puis celui de l'arrestation, détention ou sé
amende. L'artiele 120 du Code pénal permet questration. Ils peuvent néanmoins être ren
tait aux gardiens et concierges de recevoir voyés sous la surveillance de la haute police
des prisonniers en vertu d'un ordre provisoire depuis cinq ans jusqu à dix ans. Si l'arresta
du gouvernement ; maisM.Carnot penseavec tion a été exécutée sous le faux costume,
raison que l'article 120 a été abrogé sur ce sous le faux nom ou sur un faux ordre de
point par l'article 4 de la Charte. l'autorité publique, ou si 1 individu arrêté,
Les officiers de police judiciaire, les pro détenu ou séquestré , a été menacé de mort,
cureurs généraux ou du roi, les substituts, les coupables sont punis des travaux forcés
les juges, qui ont provoqué, donné ou signé à perpétuité. La peine est celle de la moi t si
un jugement, une ordonnance ou un mandat les personnes arrêtées, détenues ou séques
tendant à la poursuite personnelle ou accu trées ont été soumises à des tortures corpo
sation, soit d'un ministre, soit d'un membre relles.
de la chambre des pairs, de la chambre des § 3. Attentats à la pudeur. — Le législateur
députés ou du conseil d'État, sans les auto distingue deux sortesd'attenlalsàla pudeur :
risations prescrites, ou qui, hors les cas de ceux qui ont été accompagnés de violence et
llagrant délit ou de clameur publique, ont, ceux qui ont été commis sans violence.
sans les mêmes autorisations, donné ou signé L'attentat à la pudeur, consommé ou tenté
l'ordre ou le mandat de saisir ou arrêter un sans violence, n'est punissable qu'autant qu'il
ou plusieurs ministres ou membres de la a eu lieu sur la personne d un enfant de l'un ou
chambre des pairs, de la chambre des députés de I autre sexe âgé de moins de onze ans. L'âge
ou du conseil d'Etat, sont punis de la dégra est, dans ce cas, une circonstance constitutive
dation civique. La même peine est prononcée du crime aux yeux de la loi. La jurisprudence
contre les procureurs généraux ou du roi, a décidé que l'attentat à la pudeur, consommé
les substituts, les juges ou les officiers publics ou tenté sans violenee^ur une personne âgée
qui ont retenu ou fait retenir un individu de plus de onze ans, ne rentrerait pas dans
hors des lieux déterminés par le gouverne les dispositions pénales établies par le légis
ment ou par l'administration publique, ou lateur, lors même que cette personne se se
qui ont traduit un citoyen devant une cour rait trouvée, au moment de la perpétration
d'assises sans qu'il ait été préalablement mis du fait, dans un état de démence ou d'imbé
en accusation. cillité qui ne lui aurait permis d'opposer au
Les dispositions que nous venons de faire cune résistance à l'auteur de l'attentat.
connaître ne sont relatives qu'aux attentats Quant à l'attentat à la pudeur consommé
à la liberté individuelle qui procèdent du ou tenté avec violence, il constitue toujours
f.iit d'un fonctionnaire ou officier public, un crime, quel que soit l'âge des individus
d'un agent ou préposé du gouvernement. de l'un ou de l'autre sexe sur lesquels il a été
Lorsque l'arrestation illégale a été commise commis. Dans ce cas l'âge de la victime n'est
par un individu qui n'est revêtu d'aucun ca plus une circonstance essentielle et caracté
ractère public, il faut appliquer les articles ristique du crime; ce n'est qu'une circon
3ii et suivants du Code pénal. L'article 341 stance aggravante qui donne lieu à l'applica
punit de la peine des travaux forcés à temps tion d'une peine pluss^vère lorsque l'attentat
ceux qui, sans ordre des autorités. consti a été commis sur la personne d'un enfant au
AIT ( 191 ) ATT
dessous de l'âge de quinze ans accomplis. ges, ou serviteur à gages des personnes ci-
Jhi reste, il s'agit ici, comme l'observe avec dessus désignées; enfin lorsqu'il est fonction
raison H. Carnot, non d'une violence morale, naire ou ministre d'un culte; la réunion de
d'une simple séduction , mais d'une force plusieurs personnes, lorsque le coupable, quel
physique employée pour vaincre la résistance qu'il soit, a élé aidé dans son crime par un ou
qui a été opposée. plusieurs complices. ( Voy. Viol.)
Parmi les attentats à la pudeur qui sont § h. Attentats aux mœurs. — On appelle
accompagnés de violence, on dislingue par spécialement attentat aux mœurs, dans le
ticulièrement le viol, qui n'est qu'une des es langage du droit criminel, le fait d'avoir exé
pèces de ce genre de crime. Le viol est puni cuté, favorisé ou facilité habituellement la
d une peine plus grave que les autres atten débauche ou la corruption de la jeunesse de
tais à la pudeur consommés ou tentés avec l'un ou de l'autre sexe au-dessous de l'âge de
violence; il subit comme eux une aggrava- vingt et un ans. Le fait constitue un délit cor
lion de peine lorsque le crime a été commis rectionnel qui donne lieu à l'application de
sur un enfant âgé de moins de quinze ans diverses peines mentionnées dans les articles
accomplis. 33i et 335 du Code pénal.
Il existe entre la tentative de viol et la Le délit est puni plus sévèrement lorsque
tentative des autres espèces d'attentats à la la prostitution ou la corruption des mineurs
pudeur accompagnés de violence une diffé a été excitée, favorisée ou facilitée par leurs
rence importante que nous ne devons pas pères, mères, tuteurs ou autres personnes
omeltre de signaler. La tentative violente chargées de leur surveillance. Ed. I'lissoiv.
d'un attentat à la pudeur renferme en elle- ATTENTION. C'est une action de l'esprit
même les circonstances exigées par l'article 2 qui fixe sa pensée sur un ou plusieurs objets
du Code pénal pour que la tentative soit assi afin de les observer avec plus d'exactitude et
milée au crime consommé, tandis qu'au con d'en mieux saisir la nature et les rapports.
traire, lorsqu'il s'agit de la tentative de viol, L'attention plus ou moins soutenue est le seul
il est nécessaire que le jury déclare l'existence moyen de succès dans les travaux de l'esprit
des circonstances qui constituent en général comme dans la conduite de la vie; c'est par
la tentative criminelle. Telle est à cet égard 1 1 que le poète et l'artiste viennent à bout de
la distinction qui a été consacrée par la ju saisir ce qu'il y a de profond, de touchant, de
risprudence de la cour de cassation. Toute beau dans la nature, et de le rendre avec pré
fois, un criminaliste distingué, M. Carnot, a cision ; que le philosophe parvient à démêler
combattu l'opinion adoptée par la cour su le vrai en remontant aux principes et en ob
prême relativement aux attlentats à la pu servant les faits pour en reconnaître l'enchaî
deur tentés avec violence. M. Carnot pense nement et les lois ; que les hommes enfin évi
qu'il n existe en celte matière aucune déro tent les fautes et les méprises, en se diri
gation aux principes généraux sur la tanta- geant d'après les règles qui conviennent à
tive. chaque circonstance. Il arrive souvent que
Les attentats à la pudeur consommés ou les objets provoquent et fixent d'eux-mêmes
lentes avec ou sans violence, lorsqu'ils pré l'attention par leur nouveauté ou leur impor
sentent d'ailleurs le caractère de crimes , tance jamais il dépend de nous de la soutenir
peuvent être accompagnés de plusieurs cir ou de la diriger par nos propres efforts en ré
constances aggravantes. Nous avons déjà fait sistant aux impressions qui la sollicitent eu
connaître une de ces circonstances qui n'a sens contraire. Elle est donc, comme toutes
lieu que dans le cas de viol ou attentat à la les facultés de lame, soumise diins certaines
pudeur accompagné de violence : c'est celle limites à l'empire de notre aclivité person
qui est relative à l'âge de la victime. Il en nelle. Mais l'attention se fatigue plus ou
«iste denx autres, qui sont générales, savoir : moins en raison même des efforts que nous
1» qualité de la personne qui a commis le sommes obligés de faire, elle meilleur moyen
crime, et la réunion de plusieurs personnes : de la soutenir, c'est d'écarter autant que pos
'a qualité de la personne , lorsque le coupable sible les causes ou les objets qui peuvent la
est un ascendant de la personne sur laquelle distraire et la dissiper. Du reste, elle est plus
a ètérfjommis l'attentat; lorsqu il est de la ou moins puissante chez les différents indi
classe de ceux qui ont autorité sur elle ; lors vidus selon la nature de leur esprit, et l'ha
qu'il est son instituteur, son serviteur à ga bitude de réfléchir la rend aussi plus docile
AIT ( 192) ATT
et plus forte, comme la dissipation a pour sait plutôt; mais il comportait peu les mou
effet d'en augmenter infailliblement la mo vements oratoires, et tout ce qui s'écarte de
bilité. l'expression nette et grave de la pensée.
ATTERBURY (François), prélatanglais, Aussi vojons-nous Plutarque offrir comme
né en 1662, mort à Paris en 173-2, après avoir un modèle (l'atticisme l'éloquence mais et un
fait de brillantes études au collège de West peu nue do Phocion,que Dèniosthènes ap
minster et à l'Université d'Oxford, fonda sa pelait la cognée de ses discours. Nous serions
réputation par un travail de controverse con portés à croire que les grands écrivains de la
tre Luther. L'ambition d'Atlerbury lui fit Grèce, tels que Dèniosthènes, et de Rome,
bientôt quitter Oxford pour Londres, où il tels que Cicéron, ne pourraient être loués
s'adonna à la prédication. Ses succès dans cet formellement pour leur atlicisme , mais plu
art lui valurent la place d'aumônier du roi et tôt pour la sage combinaison du goût, de la
plusieurs bénéfices. En 1710, la reine Anne pureté, du nerf altiques avec l'abondance du
le nomma président de la chambre basse de style asiatique dépouillé de ses abus. Cela est
l'assemblée du clergé , et enfin évêque de évident du moins pour Cicéron , qui a autant
Rochester et doyen de Westminster. Lors des d'imagination que de goût et de couleur que
tentatives faites pour rappeler au trône , en que de dessin. Aussi voyons-nous les criti
1715, la maison de Stuart, George 1", succes ques chercher les types parfaits de ïatlicismi
seur de la reine Anne, disgracia Atlerbury , et dans des écrits ou des discours qui ne sont pat
l'opposition du prélat contre la cour amena au premier rang. On peut lire dans Cicéron
6on arrestation. Il fut enfermé dans la tour et dans Quintilien l'histoire des vicissitudes
de Londres, jugé devant la chambre des pairs, du st \ le attique , dont l'orateur Hypéridet est
en 1723, dépouillé de ses dignités et banni à signalé comme l'un des plus illustres repré
perpétuité de l'Angleterre. Atlerbury vint sentants.
habiter Paris , où des chagrins de toutes sor Passons à un autre sens, à un sens plus
tes le poursuivirent et hâtèrent sa mort. 11 moderne du mot atticisme. On lui a donné
nous a laissé 4- vol. in-8" de surinons fort es souvent chez nous une portée différente de sa
timés. première signification. On a paru ne plus
ATTÉRISSEMEXT. Voy. Alluvion. l'appliquer aussi formellement à la concision
ATTESTATION, ATTESTER. On en sévère , à la pureté sans ornements ; il a sem
tend par ces mots la déclaration, soit verbale, blé plutôt désigner le style fin en même temps
soit écrite, par laquelle des témoins ou des que de bon goût , le style qui a quelque chose
fonctionnaires publics assurent la vérité d'un d'aisé et de noble tout ensemble, dont les ter
fait qui est à leur connaissance. L'attestation mes sont choisis, sobres, délicats, et suppo
verbale est généralement appelée Témoi sent d'élégantes habitudes de mœurs comme
gnage {voy. ce mot). de langage. Il y a de Yatlicisme dans la criti
L'attestation par écrit se nomme certificat. que de La Bruyère, dans l'imagination de ma
Sous l'ancienne jurisprudence on employait dame de Sévignè , dans les paradoxes modé
de préférence le mot attestation; ou disait rés de Lamolte , dans la diplomatie littéraire
alors attestation de vie et de mœurs, d'indi et philosophique de Fontenelle. La vivacité
gence, etc. ( Voy. Certificat.) et la grâce piquante caractérisent celte for
ATTICISME signifie proprement style me, qui devient assez rare de nos jours.
athénien. On entendait parla, chez les Grecs ATTICUS. Pomponius Atlicus fut un de
et chez les Romains , un style qui n'a rien de ces hommes heureusement nés , à qui les
moins, rien de plus qu'il ne faut, qui a de la dons de la fortune , de l'esprit et du cœur as
pureté sans afféterie, de la plénitude sans surèrent une existence honorable et douce au
abondance, de la concision sans sécheresse. milieu de l'époque la plus sanglante et la plus
On opposait ce style athénien, ou attique, au desastreusederiiisloireromaine.il naquit l'an
style asiatique, fleuri outre mesure, ampoulé 6Ude Rome (109 ans avant J.-C), dans une
à force de vouloir être sublime , diffus en cher ancienne famille de chevaliers. La guerre des
chant la richi'Sse.Ce sont là les caractères que Cimbres , la seconde révolte des esclaves en
Cicéron, et après lui Quintilien, attribuent Sicile , la guerre sociale , furent , sans qu'il y
à ces deux genres, dont ils censurent le se prit aucune part , les enseignements de sa
cond, pour exalter au contraire le premier. première jeunesse. Lors de la rivalité du Ma
L'atticisme n'excluait pas la force; il la suppo rius et de Sylla, Atticus, jeune encore, mais
AIT ( 193 ) ATI'
indépendant par ses richesses, calme, impar fille unique, mariée plus lard au célèbre
tial et bon par caractère , appliquait déjà le Agrippa. Tous deux laissèrent dans celte ville
système de conduite qui devait le mener sans les souvenirs et les regrets d'une pieuse re
secousses, à travers les plus furieux orages, connaissance. Par une libéralité sage et me
au terme lointain de la plus belle vie. En (ilili, surée, Atticus avait remis l'ordre dans les af
âgé de vingt-deu.x ans, il quitte Rome, livrée faires des Athéniens, qui , en récompense de
à la turbulence de Cinna ; mais c'est pour vingt années de bienfaits, lui élevèrent des
protéger, de son nouveau séjour, les proscrits statues après son départ.
que Rome a chassés de son sein. Puis le même Les ouvrages d Atticus n'étaient pas non
homme qui avait secouru le jeune Marins plus de nature à compromettre le plan de
«attira la confiance et l'amitié de Sylla. conduite de leur auteur; c'étaient des généa
Ainsi , plus tard , il sera l'ami de César et de logies de quelques maisons illustres et les an
Pompée, tour à tour le défenseur de Cicéron nales de Rome depuis sa fondation jusqu'aux
et d'Antoine. A quelques années de distance, derniers temps de la république; enfin une
on le voit aider de son argent le consul pro espèce de galerie historique, où le portrait de
scrit par Clodius, la femme et les plus cruels chaque homme célèbre était accompagné de
ennemis du triumvir qui se souvint plus du quatre ou cinq vers contenant le résumé de
service que de l'offense, en rayant Atticus et ses belles actions. Celui-ci est complètement
mi de ses amis, Gellius Canus, delà liste des perdu ; il ne reste des autres qu'un petit nom
proscrits. Au reste, c'est la seule part que le bre de citations. Mais une perte plus impor
citoyen philosophe veut prendre aux affaires tante encore est celle de la correspondance
de l'État. Des prétures , des lieutenances , il d Atticus, surtout des lettres à Cicéron; elle
ne Ks accepte que pour l'honneur ; son pa ne vit jamais le jour, car le biographe con
trimoine, grossi par l'héritage d'un oncle temporain d Atticus, Cornélius Nepos, ne
dont il a su captiver et conserver l'affection connaissait que les seize livres de Cicéron.
jusqu'au dernier jour, suffisent à la modestie Faut-il admettre avec Middleton qu'Atticus
de ses goûts personnels , à l'abondance de ses redoutait la publicité de ces épanchemenls
générosités. D'ailleurs il ne hait rien tant que intimes qui rendent si instructive la corres
l'apparence d'une couleur politique : aussi pondance de son ami , mais qui révèlent
retuse-t-il de contribuer pour sa part à la for aussi tant d'inconséquences et d'inégalités
mation d'un trésor particulier pour les meur dans le caractère du grand orateur? Quelques
triers du dictateur ; mais bientôt, quand détails épais dans les lettres de ce dernier,
Rruluset Cassius ont besoin de lui comme par exemple la scandaleuse affaire de Scap-
simple citoyen, ils le trouvent prêt à tous les tius, autorisent à croire que le hasard n'est
sacrifices. pas seul coupable de cette suppression.
La vie privée d'Atticus offre les mêmes Quoi qu'il en soit, il faut encore ajouter
traits de cet esprit bienveillant et concilia aux singularités de la fortune d'Atticus la
teur qui donne à sa vie politique un carac faveur dont il jouit auprès d'Auguste , le ma
tère si original. Jeune il avait eu l'amitié do riage de sa petite-fille avec Tibérius Claudius
L. Cœcilius , son oncle , vieillard morose et Néron, le sort de celte jeune femme qui,
intraitable; vieux il fut le confident le plus seule des filles d'Agrippa, ne périt pas de
intime et le plus familier d'un bouillant jeune mort violente ; enfin le bonheur d'avoir eu
homme, M. Brutus, dont certainement il ne Cornélius Népos ! voy. ce nom ) pour histo
partageait pas l'enthousiasme républicain. rien , et d'avoir vu sa biographie échapper
Parmi ses contemporains, Cicéron et Horten- seule aux mutilations des abréviatcurs.
sius , rivaux de gloire et de talents , trouvè La fin d'Atticus fut un mélange de courage
rent en lui un ami toujours prêt k prévenir stoïque et de faiblesse épicurienne. Attaqué à
on à réparer les blessures de 1 amour-propre, soixante-dix-sept ans d'une maladie doulou
les jalousies de l'émulation. reuse , il assembla son gendre et ses deux
Aux funérailles de sa mère, Atticus se van meilleurs amis, leur fit ses adieux , et, mal
tait de ne jamais être rentré en grâce auprès gré leurs prières, se laissa mourir d'inani
délie ; même union avec sa sœur, femme de tion. E. Egueh.
Q. Cicéron , et dont la vie conjugale fut, au ATTIGNY, petite ville sur la rive gauche
contraire, fort agitée. Pendant son séjour à ! de l'Aisne, autrefois point central d'une con
Athènes, il avait épousé Pilia, dont il eut une ' trée qu'on nommait la vallée du Bourg, et au-
Eneyct. du XIX' sïccle, I. IV. 13
ATT ( lî)4 ) ATT
jourd'liui clief-lieu de canton de l'arrondisse rapporter la chute si rapide de l'empire, fini
ment de Vouzicrs ( Ardennes ). des Huns ( voy. l'article Huns ) en W3, avec
Vers le milieu du vn« siècle, Clovis II ac son frère R'.éda, il remit en mouvement cos
quit ce bourg par échange, et y fit construire Barbares, qui depuis l'établissement de Ba'.a-
un palais que dans lu suite habitèrent ses mir au nord du Danube semblaient renoncer
successeurs. Quelques vieux chroniqueurs aux invasions. Il se fil passer sans peine pour
assurent que ce fut à Alligny que le célèbre le favori de la guerre, et une épée trouvée
chef des Saxons, Witlekind, fit de nouveau en terre, à la trace du pied sanglant d'une
acte de soumission à Char'cmagne qui l'avait génisse, fut honorée dans sa main comme un
vaincu, et ils ajoutent même que Witlekind présent du ciel, comme le témoignage do
y reçut le baptême avec les principaux offi l'empire du monde qui lui était concédé. Il
ciers qui l'accompagnaient. Ce qu'il y a de lança d'abord son cheval et le peuple nomade
certain, c'est que Charles-le-Simple choisit qui lui obéissait contre les Barbares de la
Atligny pour sa résidence ordinaire. Mais ce Sarmatie ou de la Scythie, chez lesquels il
qui surtout a rendu ce bourg historique, c'est ne risquait pas d'avoir à assiéger pénible
le souvenir des trois conciles qui s'y sont as ment des villes fortifiées, mais d'où il pou
semblés. Saint Chrodegand, évoque de Metz, vait ramener de nombreux troupeaux d'a
présida le premier, qui y eut lieu en 765, et nimaux et d'esclaves. Quand il eut soumis
auquel se trouvèrent vingt-sept évêques et l'Asie barbare, les Tartares1 Geougen, les
dix-sept abbés ; le deuxième, tenu en 822 , Slaves, la Germanie orientale, et que son
condamna l'empereur Louis-le-Débonnaire à empire s'étendit du grand Océan à la Balti
une pénitence publique, à cause des cruautés que , il tua son frère, et se rapprocha des
qu'il avait exercées contre Ilernard, roi d'I deux empires, portant au front les cornes des
talie, son neveu, qui s'était révolté. Le troi successeurs d'Alexandre, vantant sa descen
sième concile d'Attigny, composé de trente dance du grand Neinrod, et prenant déjà le
évêques, eut lieu en 870. Ce fut dans ce con nom de terreur du monde.
cile que le roi Charles demanda la réclusion Nul conquérant n'a exprimé plus franche
de son fils Carloman pour le punir de plu ment cette joie que l'homme éprouve à do
sieurs excès. miner les autres hommes et à leur faire sentir
Vers cette époque, les Normands s'étant sa supériorité. H s'entourait de ses vaincus
répandus dans les Ardennes dévastèrent Al- avec une sauvage ostentation. Autour de lui
tigny, dont le château peu à peu perdit de se pressaient les Marcomans, les Suèves, les
son éclat, et les rois cessèrent d'en faire leur Quades, les Hernies, les Turinges, les llu-
demeure. Constance, fille de Philippe I", giens et les deux nations gothiques, soumises
ayant épousé un comte de Champagne, reçut autrefois par Balamir, les Oslrogoths et les
le château d'Attigny en dot des mains de son Gépides. Leurs rois formaient son conseil,
père ; cette habitation royale appartint plus et lui-même, roi des rois, commandait à tous
tard à l'église de Reims. La petite ville d'At d'un signe et surveillait l'obéissance.
tigny ne conserve aujourd'hui aucun souve Ennemi de tous les hommes indociles à ses
nir de son illustration ancienne. volontés, Barbares ou Romains, comme le roi
ATTILA. Le véritable destructeur de l'em des Vandales Genseiïc , Attila surpassa le
pire romain, c'est Attila. Il n'a pas pris Rome Vandale à châtier les Romains par l'affecta
comme Alaric; il n'a pas, comme son allié tion de son mépris tout autant que par les
fîensericou les Burgondes, les Wisigolhs, les coups sanglants de son épée ; car il réduisit
Suôves, occupé les provinces romaines; il a l'un et l'autre empire à la condition de tri
mémo subi le plus grand désastre militaire butaires, et il se fit un jeu de les humilier.
du ve siècle, à la bataille des Champs catalan- Ce païen sentait en lui-même l'impulsion
niques, et sa domination a fini avec sa vie , d'un Dieu inconnu dont il était envoyé pour
vingt-six ans avant la catastrophe suprême châtier l'orgueil et les vices de la terre, et
des empereurs d'Occident. C'est à lui pour justifiait brutalement, par son litre de /léaude
tant, à la cruauté de ses ravages, à l'épuise Dieu, son mépris et sa cruauté pour des cou
ment oh il a réduit les Romains, aux habi pables livrés à sa justice. Le même instinct
tudes d'invasion qu'il avait données aux lui inspirait non seulement de l'indulgence,
Barbares réunis sous son commandement, à mais
ses quidului
respect
paraissaient
pour lesvenir
hommes
do Dieu,
ou lesetcliole
l'embarras où sa mort les laissa, qu'il faut
AIT ( l->5 ) A'i T
destructeur de l'ancienne Romo s'inclina qui se déclarait ennemi de la nature entière.
plus d'une fois devant les remontrances des En attendant qu'une confédération fût for
évoques ou des papes. mée contre lui, il força le Rhin, abattit Stras
Trois fois il fit trembler l'empereur d'O bourg, et attacha il un poteau la défense de
rient, Tliéodose H, trisle héritier d'un grand larebùlir avant qu'il en eût donné la per
pouvoir et u'un grand nom. Dès son avène mission. Toute la Gaule-Belgique sembla fou
ment il accepta le titre de général romain, lée aux pieds pour toujours par les llarbans ;
c'est-à-dire les sommes considérables atta mais Troyes échappa par la fermeté de son
chées à ce titre. Après ses conquêtes dans les évoque, saint Loup. «Qui es-tu?» dit le pon
contrées barbares du Nord (442), il réclama tife au conquérant. «Jcsuis le fléau de Dieu,»
des transfuges, dix-sept hommes qui avaient répondit Attila. «Eh bien! reprit l'homme de
voulu changer de maître, et les pendit quand Dieu, si lu es le fléau choisi pour nous punir,
ils lui eurent été rendus. 11 se fit payer par garde-loi d'oulre-passer la volonté de celui qui
un nouveau tribut la fin des hostilités qu'il t'envoie. » Attila s'inclina et épargna la ville.
availdéjàcommencéesdanslaMœsieetdansla Il assiégea en vain Orléans. Le courage de
Thrace, et dès ce moment il régna, quoique l'évêque Anianus et l'arrivée d'Aélius, uni
de loin, sur Constantinople; il lui suffisait aux Wisigoths et aux Francs, le força de re
pour enrichir un de ses favoris de l'envoyer culer jusqu'aux champs catalauniqucs ; c'est
en ambassade auprès de l'empereur, qui le là qu'Attila fut solennellement vaincu. Ce
chargeait de présents. En 447, ses messagers coin du monde, dit Jornandès, fut comme
vinrent dire à Tliéodose II et à l'empe l'aire où vinrent se broyer d innombrables
reur d'Occident, Valentinien III : « Mon nations; il y eut en effet mêlée du genre hu
maître et le tien t'ordonne de lui préparer main. La Gaule fut délivrée par la fuite du
un palais ; » et il poussa ses courses sans ob vaincu ; mais il nu laissa pas le temps ù la
stacle dans l'illyrie, la Mœsie, la Thrace, puiss mee romaine de se relever derrière lui.
prit soixante-dix villes, et après avoir stipulé Eu quelques mois il eut refait son armée et
encore que ses transfuges lui seraient rendus, se porta de nouveau vers le Rhin. L'ennemi
il se retira pour une somme exorbitante. Me- qu'il voulait châtier ceite fois, ce n'était ni
nacéde mort par la perfidie des Grecs qui, Aétius, ni les Wisigoths, mais un transfuge,
dans l'espérance d'échapper à cette nouvelle un chef d'Alains établis en Gaule, qui, au
humiliation, lui envoyaient une ambassade lieu de prendre parti pour les Huns, avait osé
pour lui parler de paix et pour l'assassiner, il se combattre avec les Romains; trahison impar
contenta de savoir le complot et d'en humi donnable, dont Attila son maître prétendait
lier encore davantage les auteurs. Il força lui demander compte. Un nouveau succès des
ces ambassadeurs à marcher pendant tout un Wisigoths le forçant de renoncer à ce projet,
jour, à pied, à côté de son cheval; à sa table, il se jeta sur l'Italie. Jornandès a suffisam
dans un festin spleudide, il leur donna la der ment décrit cette invasion par un seul mot :
nière place ; il respecta à leur égard le droit « Les Huns démolissent toute la contrée. »
des gens qu'ils avaient violé eux-mêmes, et L'empereur Valentinien s'était enfui de Milan
fit di: e à l'empereur : « Attila et Théodose à Rome: Attila entra dans Milan; il y trouva
sont tous les deux de noble race; mais Théodose un tableau qui représentait l'empereur as
s'est dégradé en devenant l'esclave d'Attila sis sur son trône , et des Huns tués au
auquel il paie tribut; comme un esclave mé tour de lui; il ordonna de faire disparaître
chant il a voulu faire assassiner son maître : cette image et de le mettre lui-même sur le
Attila lui pardonne » trône avec l'empereur à ses genoux. Aquiléo
Appelé à l'Occident par son allié Genseric tomba à son tour, et les habitants de la Vé-
(450j , Attila commença par réclamer la nélie cherchèrent en trembliwil asile dans ces
main d'Honoria, sœur de Valentinien, et lagunes où leurs descendants devaient élever
la moitié de l'empire. Un refus auquel il un jour Venise la dominante. Rien ne proté
s'attendait bien le porta sur la (îaule. Il geait plus le centre de l'Italie, pas même l'ac
disait aux Romains qu'il n'en voulait qu'aux tivité d'Aétius et ses victoires partielles sur
Wisigoths, aux Wisigoths qu'il n'en vou des détachements de Barbares. Attila délibé
lait qu'aux Romains; il ne trompa per rait enfin s'il marcherait sur Rome, quand
sonne, et Valentinien réclama le secours des lout-à-coup il vit paraître devant lui le pon
Barbares de la Gaule contre le tyran du monde, tife suprême des chrétiens, le pape saint Léon.
AIT ( 1% ) ATT
De tels négociateurs 6! aient la seule résistance tout temps abondamment fourni d'eau et qu'il
qui retardât la marche d'Attila; ils venaient en procure aux deux cents beaux jardins qui
pour implorer; ils commandaient par une décorent ses rives ainsi qu'aux oliviers qui
autorité secrète à l'esprit du vainqueur l'ombragent. Les autres rivières de l'Atlique
étonné. Attila recula en menaçant de reve sont l'Ilyssiis et l'Eridanus.
nir, et mourut à son retour en Pannonic '.'i53). La plus grande partie des montagnes de
Ses (ils ne lui succédèrent pas : ils ne pu l'Atlique est calcaire, mais les pierres qu'on
rent tenir contre la révolte universelle de ses en tire diffèrent considérablement, quanta
sujets, et l'empire des Huns disparut avec son la qualité et à la couleur. Le marbre blanc
fondateur. Mais tous ces Barbares, redevenus des carrières du Pentelique est très blaiw,
libres, n'avaient ni terres ni patrie; il fallait dur et d'un grain très fin; mais il est très dif
en acquérir aux dépens des Romains. Les uns, ficile à travailler par le sculpteur, parce qu'il
imitant les premiers envahisseurs, cherchè s'y rencontre souvent de petits morceaux île
rent fortune par la conquête; les autres, plus quartz ou de caillou. Entre le Pentelique et
habiles, vinrent offrir aux empereurs leurs les monls Parniens les rochers sont formés
services, et entrèrent dans les armées romai d'ardoise micacée, et, près de la Mégaride, il
nes sous le nom de confédérés; le dernier em y a un immense dépôt de chaux conchifère.
pereur d'Occident, Romulus Auguslule, est dont Pausanias a déjà fait mention. A Lan-
tombésous leurseoups; voilà comment la ca riuni il y avait des mines d'argent que l'on
tastrophe de l'empire romain a été l'héritage pourrait sans doute aujourd'hui exploiter en
d'Attila. Casimir V, aii.i yiuiiv core avec succès. Les marais salants de lacôle
ATTIQUE. Nom dune des divisions poli fournissaient autrefois du sel en abondance.
tiques de l'ancienne Grèce. Letymologie de L'Atlique ne saurait produire beaucoup de
ce nom est douteuse ; Slrabon le fait dériver grains en proportion de sa surface ; l'olivier,
d'Acte, ternie qui indique la forme de la côte. le figuier et la vigne y offrent des objets de
Par ce terme les Grecs entendaient une pé culture bien plus profitables. Toute espèce
ninsule communiquant avec un continent, de plantes légumineuses réussit sur les bords
sans qu'il fût nécessaire que la communica du Céphise. La quantité de fleurs odoriféran
tion eut lieu par une étroite langue de terre. tes qui couvrent la surface du pays rendit le
L'Atlique présentait la forme d'un triangle mont Hymette célèbre pourson miel, et de nos
dont deux des côtés étaient arrosés par la mer jours encore les moines de Mindeli possèdent
et dont le troisième côté était séparé de la terre 5,000 ruches. On trouve peu de chevaux
ferme par une chaîne de montagnes ou plutôt dans l'Atlique et les vaches n'y réussissent
par deux subdivisions d'une chaine princi pas ; tout le lait et le beurre que les habitants
pale qui se détachait du mont Cythéron et consomment vient des brebis et des chèvres.
courait vers le S.-E. La première de ces subdi Les côtes sont fréquentées par d'excellents
visions s'appelait les monls QEniens, et la se poissons et en grande abondance.
conde les monts Parniens. Les sommets de ces La plus ancienne division politique de l'At
chaînes s'élèvent de 4-00 à 650 toises. De ces lique que la tradition nous ait transmise est
chaînes plusieurs branches secondaires se celle faite par Cècrops, en douze parties.
détachent encore et traversent l'Atlique en Puis nous en trouvons une en quatre parties,
tous les sens. La plus célèbre est le mont enlre les fils de Pandion ; parmi ces parties
H ymette. Ces chaînes formaient les quatre étail comprise la Mègaride, qui, plus tard,
divisions naturelles du pays , savoir : 1" la tomba dans les mains des Dorier.s. Les trois
plaine Eleusinienne ou Thriasienne ; 2° la autres formèrent par la suite, le fondement
plaine Athénienne; 3" la Mesogaïa; 4° la plaine des trois partis politiques du temps de Pisis-
de Marathon. La surface de l'Atlique peut trale. On attribue à Ion une division en qua
être évaluée à environ 110 lieues carrées, tre tribus (tpu).ai) et en quatre castes. Les pre
sans compter l'île de Salainine. Le terrain de mières se perpétuèrent jusqu'au temps de
l'Atlique est généralement sec et peu produc Clisthènes, qui augmenta jusqu'à dix le
tif. Deux rivières peu considérables arrosent nombre des tribus, et les quatre castes repa
la plaine Eleusinienne ; la plus grande est le rurent dans les quatre classes sous lesquelles
Céphise. Selon Slrabon ce n'est qu'un lorrent Solon rangea les citoyens d'Athènes, d après
qui est à sec en été. L'Allemand Thiersch as 1 leurs richesses. Les dix tribus établies pi"1
sure pourtant qu'aujourd'hui le Céphise est en Clisthènes étaient subdivisées en 17V </(.»"
ATT ( 197 ) ATT
ou communes. Le démos le plus peuplé élait j En outre, un seul exemple antique de co
Acharna?. Sous l'empire des Macédoniens on lonnes carrées est parvenu jusqu'à nous : ce
ojouta deux tribus nouvelles, et enfin une sont les deux colonnes chargées de bas-reliefs
treizième fut formée par les Romains en représentant des trophées militaires et sacrés,
l'honneur d'Adrien. qui se voient dans le vestibule de la galerie
Il est difficile de fixer d'une manière satis de Florence. La richesse même de leurs or
faisante le nombre des anciens habitants de nements doit les faire regarder comme ayant
I Allique. D'après M. Clinton, elle pouvait été plutôt employées à la décoration qu'à la
être-, vers l'an 317 avant 1ère chrétienne, construction, et elles ne sauraient être prises
d'environ 527,060 âmes, ce qui , selon toute pour règle et pour modèle.
apparence, est trop considérable. On trouve au contraire, et souvent, dans
L'Altique forme aujourd'hui une des épar- les monuments anciens, l'ordre attique em
cliies du nouveau royaume de Grèce ; elle ployé en pilastres. Il est souvent appliqué
contient une ville, Athènes, et 118 villages. aux massifs qui servent de couronnement aux
Sa population n'est pas connue. arcs de triomphe, et les chapiteaux ne con
Le dialecte atlique était une des variétés sistent que dans les moulures de la corniche,
de l'ancienne langue grecque. Dans l'origine qui se profilent sur eux eu saillie.
ce dialecte se confondait avec l'ionien; mais Les modernes, attachant à l'attique plus
par la suite le langage d'Athènes ayant été d'importance que les anciens, ont cherché à
perfectionné par le grand nombre d'écrivains en fixer le genre et la proportion ; mais l'in
qui s'en servaient , il acquit un caractère dis certitude n'a pu que s'accroître par la diver
tinct et une prééminence décidée sur les au gence de leurs opinions. Non seulement on
tres ; la plupart des ouvrages grecs qui sont n'a pu tomber d'accord sur sa nature, son
arrivés jusqu'à nous sont écrits dans ce dia caractère et son emploi, mais on n'a pu même
lecte , qui, du reste, se divise en deux , l'an régler sa proportion par rapport à l'ordre
cien et le moderne. Légèrement modifié sous qu'il surmonte; les uns lui donnent les deux
l'influence macédonienne et par des circon tiers, les autres la moitié de cet ordre. Davi-
stances locales , le dialecte atlique devint la ler veut que l'ordre allique ail toujours cinq
langue écrite de tous les Grecs bien élevés. diamètres au moins et six au plus.
ATTIQUE (arc/rit.), étage peu élevé qui 11 est cependant quelques règles qui, bien
termine la partie supérieure d'une façade. que n'étant pas fixées invariablement, pa
Cet étage s'appelle allique parce qu'il est raissent sanctionnées par l'exemple des plus
imité des bâtiments d'Athènes, où il servait, célèbres architectes. L'ordre attique doit, par
comme chez les modernes, à dissimuler le sa richesse ou par sa simplicité, être d'accord
lait. Le'mot atlique a deux acceptions diffé avec l'ordonnance du reste du monument.
rentes, selon qu'il désigne cet étage ou l'ordre Le chapiteau généralement adopté est une
qui le décore. L'ordre altique n'a rien de espèce de mélange d'ioniqueet de corinthien.
'•omniiin avec la proportion des cinq ordres; L'ordre attique ne doit jamais être employé
mais cependant il a quelque rapport avec le en colonnes, son peu d'élévation ne com
genre d'architecture qui le reçoit , c'est-à- portant pas ce genre d'ornement.
dire que l'ordre allique doit emprunter le ca Quand il se trouve des colonnes dans l'or
ractère des ordres qu'il surmonte. donnance d'un bâtiment que l'on veut cou
Les anciens ne nous ont transmis sur l'or ronner d'un altique, on recule ce dernier
dre altique que des renseignements très va ordre à plomb des pilastres de dessous, et on
gues et très insuffisants. D'après Pline, cet place des figures sur l'axe des colonnes ,
ordre élait entièrement distinct des autres comme on le voit à l'arc de Constantin à
et ses colonnes étaient carrées : Prwter has Rome, à celui du Carrousel à Paris, aux châ
(les colonnes des cinq ordres connus) *unt qnar teaux de Versailles, Saint-Cloud, etc.
tocanlur AUicœ eolumnw , quaterni* aiigulis L'attique, considéré comme étage, s'em
Inlerum intervallo. Vitruve semble d'accord ploie souvent sans aucune décoration , ainsi
avec Pline lorsqu'il donne les proportions de qu'on le voit à un grand nombre de palais
la porte Attieurge; mais ce passage; est tellc- d'Italie, et à Paris à la Bourse, aux portes
niiMil succinct et obscur qu'il est impossible Saint-Denis et Saint-Martin. L'attique sur
d'en rien déduire de concluant, de positif, ni montant un arc de triomphe, une fontaine, un
pour l'ordonnance, ni pour les ornements. tombeau, est cénérii'emcnt destiné à recevoir
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l'inscription. Les croisées que l'on pratique en France, il fixa son séjour à Lyon, où des
dans cet étage doivent être carrées, ou tout au tableaux qu'il exécuta lui donnèrent un com
plus leur largeur doit Aire à leur hauteur dans mencement de réputation. Sa piété l'ayant
le rapport de 4 à 5. Enfin les balustrades , qui fait entrer à trente ans dans l'ordre des Jé
parfois couronnent cet étage, se ressentant suites, lorsque les missionnaires de Pékin de
toujours de sa proportion raccourcie, ont un mandèrent un peintre français, Altiret solli
cinquième de moins en hauteur que celles cita la faveur de partir pour la Chine, ce qu'il
qui terminent un ordre régulier. fit en 1737. Altiret, arrivé au lieu de sa des
On nomme altique circulaire celui qui sert tination, offrit bientôt à l'empereur Kien-
d'exhaussement à un dôme, à une coupole, Long un tableau qui représentait YAdoration
à une lanterne. Ou le fait eu forme de piédes des Rois. A partir dece moment il obtint les
tal circulaire, souvent percé de petites croi bonnes grâoes de ce prince, qui lui fit compo
sées, comme aux Invalides ou à l'église du ser une multitude de tableaux sur ses nom
Jésus à Rome. breuses conquêtes, depuis 1753 jusqu'en 1760.
L'altique continu est celui qui couronne un Kien-Long, dans son enthousiasme toujours
édifice sur toutes ses faces, eu suivant tous croissant pour le peintre français, alla jus
les corps et tous les détours, comme au bâti qu'à lui proposer la dignité de mandarin, fa
ment des Invalides et dans la cour neuve du veur inouïe que le noble désintéressement
Palais de Justice. d'Attiret l'engagea à refuser, ainsi queles re
\.' nt tique de comble est une construction de venus de celte éminenle position que le mi
maçonnerie ou de charpenle revêtue de nistre de l'empereur lui offrit, quand même il
plomb, destinée à servir de garde-fou ou à n'accepteraitpas le titre de mandarin. Un tra
dérober à la vue une partie de la hauteur vail ardent et continu épuisa les forcesdece mo
d'un comble, comme aux pavillons du milieu deste artiste d'autant plus vite qu'il lui fallut,
du Louvre ou des Tuileries. Ces attiques sont pour satisfaire les goûts de Kien-Long, se li
quelquefois percés de croisées et couronnés vrer à tous les genres et négliger la peinture
de balustrades; quelquefois ils sont décorés à l'huile, qui ne plaisait pus à l'empereur,
de croisées peintes, correspondantes à celles pour la détrempe. Obligé, d'un autre côte,
de l'étage inférieur; quelquefois enfin ils ne d 'adopter les irrégularités du mauvais goût
sont ornés que de tables saillantes ou renfon chinois, il dut faire un nouveau cours de
cées pour recevoir des inscriptions ou des peinture, au point que. ne pouvant résistera
bas-reliefs; alors ils ne sont point couronnés tant de fatigues et de veilles laborieuses, il
de balustrades. mourut à l'âge de soixunle-six ans.
On nomme atlique interposé un petit étage, La manière d'Attiret se distingue, au rap
une sorte d'entresol ménagé entre deux grands port des missionnaires de Pékin, par beau
étages, et quelquefois décoré de colonnes ou coup de vie et d'animation répandue dans ses
•le pilastres. La partie ancienne de la grande tableaux, presque tous renfermés dans le pa
galerie du Louvre en présente un exemple. lais de l'empereur. Kien-Long, sensible à la
Enfin Yaltique de cheminée, que l'usage des perle de sou peintre favori, fit don de 200
glaces a presque entièrement fait disparaî onces d'argent pour ses funérailles. Fr. tî.
tre, était un revêtissement de marbre ou de ATTITUDES. On entend par ce mot tou
menuiserie, qui, reposant sur la tablette de tes les positions que prennent ou peuvent
la cheminée , s'élevait jusqu'à environ la prendre les animaux , et en particulier
moitié de la hauteur du manteau. Cet orne l'homme. Les minéraux n'ont pas de position
ment, fort usité dans le siècle dernier, se re qui leur soit propre; les végétaux ont un
trouve dans beaucoup de châteaux, et sur port; les animaux seuls ont donc des altitu
tout à Versailles, Trianon et Fontainebleau. des. Eu d'autres termes, il faut donner géné
On donne encore parfois au style grec le ralement, je pense, le nom d'attitudes à toutes
nom de style altique. E. B—n. les positions qui résultent d'un acte volontaire
ATTIIÎET (JkavDekys), jésuite, naquit ou d'une déterminai ion instinctive. La na
à Dole, en Franche-Comté, dans l'année 1702, ture de cet ouvrage ne nous permettant pas
et mourut à Pékin en 1768. de parcourir la série des êtres vivants pour y
Après avoir appris sous son père les princi examiner les attitudes si variées de ses in
pes élémentaires de la peinture, le jeune At- nombrables espèces , l'homme sera seul ici
liret alla se perfectionner à Rome. Revenu le sujet de notre examen. 11 peut se tenir de
ATT ( 199 ) ATT
bout, assis, à genoux, accroupi, sur la pointe attitude, il la tienne primitivement de son ca
des pieds, et dans une infinité d'autres situa- price? Mais alors pourquoi la conserverait-
lionseiicore. Pour mieux atteindre notre but, il habituellement si elle n'était chez lui une
examinons successivement ces altitudes prin conséquence de son organisation physique
cipales sous trois points de vue distincts : et ne devenait pour celle raison une source
!• leur mécanisme, 2= leur influence, 3° leur d'avantages et d'agréments réels? Pourquoi la
expression, tant à l'état normal que dans ce prendrait-il partout et toujours, à l'état sau
lui de maladie. vage comme à l'état policé, dans les plus af
§ 1". MÉC V.MSJIE DES ATTITUDES. — Alti freuses solitudes aussi bien que dans les ré
tude bipède. Elle est encore appelée station gions plus heureuses où la civilisation a poli
verticale. Dans cette position le sujet repré ses mœurs et ses habitudes? Non, disons-le
sente une colonne perpendiculaire au sol , sans huile crainte de nous tromper, le bras
duut les pieds forment la base et la tête le de l'homme n'est pas une colonne inerte des
l'uuronnemeiit. Cette noble attitude appar tinée à servir d'appui à la masse de son corps;
iant presque exclusivement à l'homme. De- sa main ne doit pas fouler la terre. On trou
Iwut sur la terre, qu'il touche à peine, le verait encore au besoin des preuves irrécu
••iirps droit et la télé élevée, sa démarche en sables de cette vérité dans ses autres attitu
reçoit un caractère qui le distingue entre tous des, car l'homme ne se lient ni debout, ni
les autres animaux. Tous après lui, même assis, ni couché comme le reste des animaux,
parmi les mammifères le singe, que l'on avait et il ne marche pas plus comme ceux-ci q"u'il
cru d'abord faire exception à celle loi natu ne pense comme eux. Appuyons ces considé
relle, et parmi les oiseaux les pingouins et rations d'une nature trop spéculative peut-
les manchots , ont habituellement le corps être pour certains esprits de faits entière
]i!us ou moins incliné à l'horizon. Vienneul- ment matériels.
ilj à s'élever perpendiculairement sur le sol, Le grand poids de la lcten'exige-l-il pas sa
ce n'est que pour un instant, et bientôt ils position horizontale sur les vertèbres dans un
abandonnent cette attitude toujours fati équilibre à peu près complet, puisque la té
gante , parce qu'elle répugne aux lois de nuité du ligament cervical postérieur et la
Icurorganisalion, muissurluut nuisible, parce faiblesse des muscles extenseurs de cette par
ij ne chez eux elle n'est favorable ni à l'atta tie rendent ces organes toul-k-fail incapables
que, ni à la défense, ni à la fuile. Qu'un en de l'y maintenir par eux-mêmes, ainsi que
nemi redoutable vienne en effet poursuivre chacun peul s'en convaincre par l'extrême
\ orang-outang, celui de tous qui se rapproche lassilude qu'éprouvent ces muscles après
le plus de notre espèce; oubliant aussitôt ce quelques courts instants de l'allitudc quadru
««'il tient de l'habitude cl de l'imitation, on pède. Chez les animaux, au contraire, desti
le voit reprendre la station quadrupède et nés à ce genre de station, nous voyons la na
fuir dans celle position avec une vilesse qu il ture renchérir de précautions eue cl égard par
h offrirait jamais dans la première. Pour une protubérance occipitale volumineuse,
l'homme, au contraire, celle-ci est la plus allongée, donnant insertion à un ligament
rniiiinode, parce qu'elle découle de sa struc très fort que recouvrent des muscles d'un
ture, ainsi que nous l'expliquerons bieulôt ; volume et d'une énergie considérables. La
la plus avantageuse, parce que, lui décou colonne vertébrale, à forme conoïde, à base
vrant un horizon plus vasle, elle lui permet inférieure, offre chez l'homme seulement
il apercevoir de plus loin sa proie et ses enne trois courbures alternatives d'avant en ar
mis; parce que, n enchaînant point ses mains rière, disposition qui favorise puissamment
à la terre, elle lui conserve libres des armes la situation verticale, tandis que chez les ani
naturelles faibles en elles-mêmes, il est vrai, maux, au contraire, cette même lige osseuse
mais que son industrie sait rendre les plus forme une voussure à sommet moyen, ce qui
terribles dont la nature ait doué aucun ani ne la rend capable d'une résistance soutenue
mal; agrandissant en outre le cercle de ses que dans sa position horizontale. Mais quoi
K'iisatious, elle agrandit également le champ de plus convaincant surtout que la compa
île ses idées. raison des membres Ihoraciques et pelviens,
Irons-nous croire, avec certains philoso sans aucun rapport de longueur el de force,
phes dans leur sotte manie de ravaler l'homme et tout-à-fait incapables, même isolément
au niveau des animaux les plus vils, que, celle considérés, de supporter la station quadru
ATT ( 200 ) ATT
pède? Les premiers, en effet, beaucoup moins leur supériorité naturelle; embrassant la
longs, formes par des os grêles, non liés à vaste circonscription de la terre et des mers,
l'épaule d'une manière solide par l'emboîte la profondeur incalculable des cieux, leur
ment d'une tête osseuse dans une cavité pro sphère d'action n'aura plus d'autres limites
fonde de même nature (comme cela se voit que l'immensité, et la chaîne zoologique, déjà
pour la cuisse et le bassin), mais retenus par si complètement brisée sous le rapport mo
une simple capsule fibreuse, les doigts natu ral entre notre espèce et les autres, offrira
rellement si déliés, toutes ces circonstances pareillement, quant à l'attitude, un inter
ne les rendent-ils pas toul-à-fail impropres valle que ne pourront jamais combler toutes
aux grands efforts? Et cependant ce serait les dispositions imparfaites des animaux.
avec ces désavantages que l'on voudrait que Examinons présentement par quelle harmo
ces membres, trop écartés d'ailleurs par les nie d'action celte attitude sublime et carac
clavicules, eussent à supporter encore l'ex téristique peut être prise et conservée chez
trémité de l'individu la plus volumineuse et l'homme.
la plus lourde ! Les seconds, obligés au rac L'attitude verticale, ou debout, est fort
courcissement pour se mettre en équilibre complexe, et résulte de la station des diver
avec eux, ne reposant sur le sol que par les ses fractions du corps les unes sur les autres.
extrémités des orteils, partie du pied la moins Dans tout phénomène de station il y a ordi
solide, n'offrent également que des colonnes nairement: 1° des résistances qui s'opposent à
fort obliques dans la position quadrupède, et l'équilibre , et c'est principalement le poids
dès lors toul-à-fait impropres à la résistance. des diverses parties; 2° des puissances essen
Dans l'attitude bipède, le pied touche la base tielles qui contre balancent ces résistances:
de sustentation par toute son étendue, reçoit ce sont les muscles du côté du corps opposé
perpendiculairement la hanche, la cuisse et à celui vers lequel il est entraîné par la pe
la série des vertèbres; l'effort se trouve trans santeur ; 3" parfois des puissances modératrices
mis suivant l'axe des os, et dès lors les liga combattant dans toutes les occasions néces
ments n'ont plus à soutenir d'autre effort que saires l'excès d'activité des précédentes et qui
celui nécessaire à la fixité de leurs articula se trouvent dans leurs muscles antagonistes;
tions. 4° enfin des actions cooperatrices ou auxiliai
Mais une preuve matérielle bien plus frap res qui dorment un appui , un point fixe aux
pante pour les gens du monde, étrangers le diverses puissances musculaires. Car pour
plus souvent à toutes connaissances anato- que la tête puisse se trouver fixée, parexenw
miques, ne nous est-elle pas offerte par la pic, sur la colonne vertébrale, il est indispen
position des sens? Ces organes, commeautant sable que les vertèbres le soient préalablement
de sentinelles veillant à la conservation de les unes surlesautres et que le rachis se trouve
l'organisme, doivent évidemment se trouver ses,
maintenu
et ainsi
surdele suite
bassinjusqu'aux
, celui-ci pieds,
sur lesoucuisr
du
placés dans les points les plus favorables à
l'accomplissement de cette mission, carac moins jusqu'à la partie du système reposant
tère d'autant plus positif que le sujet est des immédiatement sur l'appui commun. Exa
tiné à des rapports plus étendus. Cependant minons maintenant ce mécanisme dans ses
qu'arrivcrait-il chez nous par rapport à ces détails.
organes explorateurs si nous nous trouvions La tête étant tenue immobile sur les ver
une fois condamnés au même mode de sla- tèbres, quelles sont les résistances qui s'op
lion que les animaux? L'homme, avec des posent à cette altitude? Ces résistances se
sens parfaits, deviendrait l'individu le plus composent de l'excès de pesanteur des par
impropre aux phénomènes de relation. Le ties antérieures à l'articulation de la tête avec
nez, pour citer un exemple entre autres, di le cou sur celles des parties postérieures à
rigé vers les odeurs par sa face dorsale, ne cette même articulation. Ses puissances essen
leur présenterait plus directement ses ouver tielles sont fournies par les muscles posté
tures; les yeux, attachés au sol, n'embrasse rieurs du cou s'opposanl à la flexion de la
raient qu'un horizon de quelques pieds; les tête en avant. Lepoint d'appui se trouve dans
cheveux épars couvriraient la face en ajou l'articulation atlaïdo-exoïdienne : la tête pré
tant encore à ces nombreux inconvénients. sente donc un levier du premier genre. Quant
Mais rendons l'homme à l'altitude bipède, aux vertèbres , appliquées les unes sur les au
au contraire, tous les sens vont reprendre tres par toute la surface de leurs corps, qui «le
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plus leur fournit un point d'appui, ces os ont stances. Quant k la station du pied sur le toi,
leur résistance en avant, leurs puissances es elle est bien loin d'êlre passive, ainsi que l'on
sentielles dans les muscles postérieurs du tronc, pourrait le croire, et exige au contraire l'em
des puissances modératrices dans les muscles ploi de forces très énergiques et continues.
antérieurs de celle partie et même les laté verser
Le piedentend
dedans
habituellement
en se fléchissant
en effet
enàdehors,
se ren->
raux, qui se font réciproquement équilibre.
Pour la station du tronc sur les membres in/ie» et le poids du corps à l'écraser. Dans le pre
rieurs , le rachis est si solidement attaché au mier cas l'organe joue le rôle d'un véritable
sacrum que la colonne vertébrale doit être levier, et dans le second, celui d'une voûte,
considérée comme ne formant avec le bas par la résistance qu'il oppose à l'écrasement.
sin qu'un seul et même levier dont le point Le pied effectivement ne s'applique pas sur
d'appui-.se trouve sur la tête des fémurs, dans le sol par toute l'étendue de sa face infé
l'articulation de ces os avec ceux de la han rieure, laquelle présente un certain espace
che, la résistance en avant fournie par le libre, détaché de la terre et circonscrit entre
poids des viscères, les puissances essentielles le talon et la partie postérieure des os du mé
dans les muscles ou les portions de muscles tatarse. Des ligaments et des muscles sont
situées derrière cette articulation et allant chargés de maintenir dans celte position les
de la jambe ou de la cuisse au bassin. Celui-ci différents os qui le composent. Leurs efforts
cl le rachis réunis forment donc encore ui deviennent sensibles, surtout lorsque le poids
levier du premier et non pas du troisième naturel du corps se trouve augmenté de ce
genre, ainsi qu'on l'avait prétendu. Dans la lui d'un fardeau. En résumé, l'altitude de
stationne la cuisse sur la jambe, le fémur, qui bout résulte donc de la station du pied sur le
prend sou point d'appui sur le tibia , tend à se sol, ensuite de celle de la jambe sur le pied,
renverser en arrière sous l'influence du poids de la cuisse sur la jambe, du tronc sur les
du tronc et constitue ainsi une résistance qui cuisses , des vertèbres les unes sur les autres
t'oppose assez énergiquement à l'équilibre, et de la tête sur le rachis , ce qui forme une
mais se trouve balancée par l'action de plu suite de leviers du premier genre superposés
sieurs muscles de la cuisse et les fléchisseurs et fixés les uns sur les autres par des puis-
du genou ; ces derniers remplissent en outre sauces faisant équilibre à des résistances pla
les fonctions de puissance modératrice. Avec cées en sens inverse, de sorte que la résul
la meilleure volonté du monde pouvons- tante commune à ces deux ordres de forces
nous voir là un levier du troisième genre passe par l'appui ou la base de sustentation
comme l'ont fait tant d'autres auteurs recom particulière à chacune de nos brisures.
mandâmes du reste.' Non bien certainement, Tel est le mécanisme de la station de
puisque le point fixe se trouve enlre les deux l'homme ; cette action, comme on le voit, est
puissances comme dans tous les cas précédents. ordonnée chez lui d'après la structure géné
Faisons observer néanmoins que les oscilla- rale de son corps et les autres facultés qu'il a
lions pouvant faire passer la ligne de gravite à exercer; mais elle est loin de présenter le
précisément par la longueur du lèinur ou même degré de solidité, et exige beaucoup
même en avant du genou , la cuisse formera plus d'efforts pour être maintenue que la sta
dans le premier cas une simple colonne de tion quadrupède des animaux, chez lesquels
sustentation, et dans le second encore un levier les quatre membres réunis circonscrivent une
du premier genre, il est vrai, mais cette fois à base de sustentation infiniment plus étendue.
Tttistances antérieures et puissances essen Chez l'homme, en effet, on voit un long le
tielles postérieures. Dans l'articulation de la vier balancé sans cesse par l'action muscu
jambe avec le pied , l'os principal de cette pre laire, et reposant sur un espace assez étroit
mière partie, le tibia, repose à peu près per limité par l'écartement dès pieds ; encore les,
pendiculairement sur l'astragale, os supérieur chaussures diminuent-elles considérablement
du pied. Mais la jambe, vacillant sans cesse, les avantages que pourrait nous oflrir la,
tend à chaque instant à se fléchir, soit en structure spéciale de ces parties. Par suite dt
avant, soi-t en arrière. Dans le premier cas ces oscillations, les muscles des cuisses etdes
elle constitue une simple colonne d'appui ; jambes sont dans une contraction perpétuelle,
dans les deux autres, un levier du premier soit pour modérer ces oscillations, soit pour
genre, absolument comme nous l'avons si en combattre les effets. Aussi la marche est-
gnalé pour la cuisse dans les mêmes circon elle moins fatigante que l'altitude verticale
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immobile long-temps continuée, parce que la base de sustentation ne se prolonge pas
dans les mouvements alternatifs d'extension en avant, où le corps a beaucoup de tendance
et de flexion des membres une moitié seule à tomber, comme d'ailleurs le poids du corps
de leurs muscles entre successivement en porte nlus spécialement sur les genoux mal
action, tandis que l'autre moitié se repose. disposés pour le soutenir , il en résulte que
Ajoutons'enfin a ce résumé que chacune des celle attitude est très fatigante , et ne peut
brisures du corps et des membres ne se lient se maintenir que par un redoublement d'ef
en équilibre qu'autant que ses puissances es forts des muscles extenseurs du rachis. C'est
sentielles trouvent des appuis fermes et soli pour éviter cette action que les gens d'église
des dans les puissances auxiliaires qui tien s'appuient sur un prie-Dieu,et que les polissons
nent immobiles toutes les articulations d'école s'acculent sur leurs talons. Aussi cette
inférieures jusqu'aux pieds. Quant aux va position est-elle digne d'être choisie entre
riétés que peut offrir l'altitude verticale, toutes les autres pour une attitude de mor
nous nous bornerons à dire que l'homme tification et de pénitence.
dans cette circonstance peut placer en des Attitude sur la pointe des pieds. Dans les
inclinaisons diverses chacune des brisures trois modes de slalion précédents on avait
de sou corps, d'où résultent des combinaisons retranché le service de quelques unes des
infinies, pourvu que dans aucune de ces atti brisures de corps; ici au contraire on ajoute
tudes nouvelles la ligne de gravité ne tombe celui d'une des articulations partielles tlu
en dehors de la base de sustentation. pied, le corps ne reposant plus sur la plante
Altitude assis C'est celle que choisit le plus entière de cet organe, mais sur les premières
ordinairement l'homme civilisé lorsque pen phalanges des orteils. Le tarse et le méta
dant la veille il est dans un état de repos. Si tarse, étendus sur ceux-ci, forment alors une
dans cette position il repose sur un siège sans nouvelle brisure qui se met sur une même
dossier, la station est la môme pour la tète et ligne verticale que la jambe, et allonge ainsi
le tronc que si l'on se tenait debout; mais les le long levier de la station. Les muscles qui
jambes et les cuisses ne fatiguent pas, et l'é agissent soutirés nombreux et doués d'une
quilibre est plus facile, parce que le centre grande énergie. L'articulation à mouvoir re
de gravité se trouve moins élevé, et la base présente un levier du second genre dont le
dosuslenlationplu>ètendue.Si lesiége est une pointd'appui se trouve à une extrémité, à l'ar
bergère ou un fauteuil à dossier concave et ticulation métatarso-phalaiigierme, la puis
mou, plus élevé que la tête, il faudra d'autant sance à l'autre bout, à rattache des muscles,
moins d'efforts pour s'y soutenir que l'incli surtout au calcanéum , et la résistance consis-
naison de ce dossier sera plus prononcée. lant dans le poids du corps, dans l'intervalle, à
Altitude accroupie. Elle n'est pas seule l'articulation de la jambe avec le pied.Ce genre
ment remarquable parce qu'elle est très na de levier, qui mécaniquement se trouve le plus
turelle, puisqu'on l'observe chez les sau avantageux pour la force, est bien celui qui
vages et tous les cillants, mais encore parce convenait ici, puisqu'il s'agissait de soulever
qu'on ne la retrouve que chez l'homme. Celle tout le poids du corps là où il en a le plus
blatiou est aussi une attitude de repos; car possible. C'est dans la même vue que la
la base de sustentation est assez large, le le puissance s'insère a la brisure sous une direc
vier de la station diminué dans sa hauteur tion perpendiculaire. A la vérité, ces disposi
de toule la longueur du membre inférieur tions s'opposent à l'étendue du mouvement,
pour ainsi dire, et l'attache des jambes et des mais il ne devait nécessairement pas en avoir
cuisses entre elles , et de ces parties avec le beaucoup; car le levier de la station ayant
tronc par le moyen des membres supérieurs, ici une hauteur excessive, tandis que la base
se conserve presque mécaniquement et sans de sustentation se trouve au contraire fort
cflorts. Il ne reste donc plus que l'équilibre rétrécie, il y avait tendance trop imminente
de la tète à maintenir. Ne nous étonnons à la chute ; celte slalion est celle des dan
donc plus de voir cette attitude fort en usage seurs.
citez les peuples erranls dont l'industrie n'a .4 ttitude sur vn seul pied. "Dans ce mode de
pas encore inventé nos sièges. station, le mécanisme qui fixe la tête et le
Attitude à genoux. Pour celle situation, la rachis est absolument le même que dans la
lato, le tronc et les cuisses sont disposés position ordinaire, sinon que le tronc s'in
comme lorsque l'on est debout; mais comme cline un peu avec la hanche sur le membre
ATT ( 203 ) ATT
qui doit supporter seul tout le poids du corps. peul-être pas tout-à-fait étrangère à la pro
(Jette disposition est nécessaire pour que duction de3 fleurs blanches. L'altitude du
I autre membre inférieur , affranchi de ce coucher trop prolongée n'est pas non plus
poids, soit à même de se détacher du sol et de sans inconvénients ; le sang , en effet , cesse
devenir ainsi complètement étranger à la d'avoir, comme dans la station verticale, de
station. la tendance à se porter, par son propre poids,
Altitude du coucher. C'est d'ordinaire dans aux extrémités inférieures du corps; le cœur
cette situation que l'homme se livre au repos. l'envoie, au contraire,au cerveau par de nom
Ainsi, en effet, il n'a plus d'efforts à faire breuses artères avec une force qui nese trouve
pour maintenir l'équilibre. Mais tantôt il plus contrebalancée. Aussi les vieillards qui
se couche sur le dos, tantôt, et le plus sou restent trop long-temps au lit sont-ils prédis
vent, sur un des côtés, ses membres se trou- posés aux attaques d'apoplexie. Le corps, en
-..mt alors en avant et à demi fléchis. Quelle outre, qui demeure constamment inactif s'af
est la cause de ce décubitus d'élection? On faiblit par le défaut d'exercice; cette faiblesse
peut la rapporter, je pense, aux trois motifs se remarque, non seulement chez les conva
suivants : la conservation de la chaleur , lescents , mais encore chez les personnes bien
1 augmentation de la base de sustentation, portantes du reste , mais qu'un accident, une
mais surtout le repos parfait et simultané de fracture d'os, par exemple, a retenues long
tous les muscles, qui n'ont plus aucun effort à temps au lit. La station à genoux, par le ren
opérer pour maintenir l'équilibre et se trou versement du corps en arrière, produit la di
vent égalemen t relâchés. latation des parois abdominales, expose aux
§ II. Influence des attitudes. — La position déplacements herniaires par les efforts des vis
verticale fatigue promptement, et la fatiguese cères sur les ouvertures naturelles de cette
lait surtout sentir aux hanches. Ce serait la cavité. C'est à cette influence du moins que
raison, s'il faut en croire Kamazzini, pour la l'on a cru pouvoir attribuer le grand nombre
quelle lus maux de reins étaient si fréquents à de hernies observées jadis dans les couvents.
ton époque chez les courtisans du roi d Espa Le prie-Dieu rend cette attitude beaucoup
gne. L'attitude deboutcsl également une cause plus supportable et moins dangereuse.
de congestion sanguine , de gonflement, quel § 111. Expression des attitudes. — L'altilhdo
quefois de picotements insupportables aux verticale, immobile , sans locomotion, sans
pied», de varices aux membres inférieurs , et gest-s, paraît au premier abord une situation
<J ulcères que l'on ne peut souvent guérir que muette, tout-à-fait incapable de signifier au
par la situation horizontale et surtout par cune des actions de combinaison; mais il suffit
l'élévation des jambes au-dessus du niveau du d'observer l'homme avec quelque attention
lit. Cette même attitude favorise, par l'action pour sentir bientôt qu'il n'en est pas ainsi ,
de la pesanteur des solides, la déviation des et qu'elle présente au contraire un langage
membres et de la colonne vertébrale chez les physiognomonique fort expressif, souvent
enfants et les rachitiques. Elle augmente menu; presque impossible à remplacer. Ainsi,
«'iicorc l'inflammation et la douleur dans toutes par exemple, les positions obliques du corps
les parties qu'elle rend déclives, favorise les marquent ordinairement le désir ; celui-ci
»>ncopes, surtout après une aLondante sai tend-il au rapprochement, I inclinaison s'o
gnée; aussi rien de mieux , pour remédier à père en avant par des flexions successives;
re dernier accident, que de coucher les dé porte-t-il à l'éloignement, au contraire, elle
raillants la tète basse. Quoique les altitudes se fait en arrière par une suile d'extensions
assis et couché soient des positions de repos, graduées. Quant aux sexes, les caractères
elles fatiguent, à la longue, la peau qui porte suivants ne permettent jamais de confondre
fur le lit ou sur le siège , et se trouve ainsi l'homme avec la femme; pour le premier :
ompriiuée. Elles l'irritent, surtout dans l'at- altitude noble, lière , impérieuse, fermeté
litude assis , par la chaleur qu'elles y entre dans la pose, rectitude invariable du tronc,
tiennent, si les sièges sont chauds, el par les positon fixe de la tête, extension des mem
démangeaisons, les vésicules et même les pus- bres inférieurs formant des courbes légères et
Iules qu'elles finissent par occasionner à la rapprochées par leurs extrémités, largeur
l"i'gue; celle dernière détermine encore des des épaules et ôtroitesse comparative du bas
li''iuorroïdes et prédispose à quelques mala sin ;pour la femme : position timide, remplie
dies de l'anus. Chez les femmes elle n'est de mollesse et d'agrément, inflexion légère
ATT ( 20i.) ATT
des articulations, souplesse, ondulations lé nue comme dans ses différents mouvement*;
gères du torse, pose enfantine de la tête, tout dénote en lui la tendance à l'inertie,
dimensions considérables du bassin relative L'homme actif, au contraire, semble s'exer
ment aux épaules, rapprochement des ge cer, môme dans l'immobilité , et pour lui de
noux el faible déjettement des jambes en de la station au mouvement l'intervalle est pour
hors. \,'dge n'offre pas non plus des modifi ainsi dire insensible. Le sujet franc se pré
cations moins tranchées ; voyez chez l'enfant sente constamment en face, la tête fixe et
cette station debout indécise et vacillante ; droite; l'hypocrite, le front baissé et toujours
dans l'âge adulte elle deviendra plus ferme dans une station oblique. Mais c'est le degré
en s établissant dans un équilibre parfait ; de l'intelligence qui modifie surtout la nature
mais chez le vieillard , toutes les colonnes des altitudes. La sottise," et plus particuliè
osseuses, formant par leur ensemble et leur rement encore lorsqu elle se rencontre avec
superposition le grand levier vertical repré la vanité, sa compagne ordinaire, est expri
senté par l'organisme, sont inclinées oblique mée par le défaut d'ensemble et d'équilibre
ment à l'horizon , et présentent une série dans la station ; par le renversement de la
d'inflexions alternatives , destinées à main tête en arrière, comme si le poids d'un crâne
tenir la ligne de gravité dans l'intervalle cir vide de cervelle était insuffisant pour contre
conscrit par la base de sustentation. C'est balancer l'action des muscles extenseurs. Les
ainsi , par exemple, que l'incurvation de la situations sont fausses comme l'esprit, elle
colonne vertébrale se trouve compensée par sujet paraît bien plutôt occupé du soin de re
la flexion des jambes , etc.; partout se dénote chercher le centre de gravité que de le main
l'affaiblissement de la puissance musculaire tenir dans les conditions nécessaires. Le gé
et l'augmentation des résistances passives. nie, lorsque toutefois il se trouve appuyé sur
L'inspection de l'attitude suffit également à le jugement, et la raison, se manifeste par une
l'observateur le moins exercé pour recon altitude pleine de grandeur sans ostentation,
naître aussitôt la constitution physique d'un de dignité sans pédanterie , de supériorité
sujet quelconque. Voyez comme elle est élé sans jactance. Toutes les positions ne sont pas
gante et gracieuse pour le sanguin ; pesante moins remarquables, dans ce cas, par leur
et massive chez l'athlétique; ferme , carrée naturel que par leur noblesse; la tête, sans
pour le bilieux ; molle et sans énergie chez le tomber pesamment sur la poitrine, fait néan
lymphatique; roitle et guindée chez le ner moins sentir le travail dont, les extenscursout
veux ; maniérée, bizarre, sans aplomb chez lesoin pour la maintenir en équilibre contre
le mélancolique. la pesanteur d'un volumineux cerveau.
Les qualités morales des individus ne se Nous pourrions parcourir ain«i toutes les
manifestent pas d'une manière moins évidente fonctions intellectuelles el leurs principales
dans leurs attitudes. Le sujet noble et mo altérations, en montrant que chacune d'elles
deste offre un maintien sans affectation, mais présente une altitude particulière; mais l'es
en même temps remarquable par sa réserve pace ne nous le permet pas, et les applica
et sa dignité. Le suffisant est prétentieux tions précédentes suffisent pour fournir des
jusque dans les moindres détails de son alti exemples à toutes celles que l'on voudrait es
tude; H porte la tête haute , s'érige sur toutes sayer. On reviendra d'ailleurs avec plus de
ses articulations, croyant, dans l'excès de détails sur ce même objet à l'article Physio-
son aveugle fatuité, rehausser son mérite en givomome. Mais un autre point fort important
proportion de l'agrandissement qu'il commu louchant l'expression des atlitudes consiste
nique à sa taille. Le courageux demeure dans les modifications que leur imprime l'é
ferme en ses pauses , mais sans manières et tat de souffrance et ne maladie des sujets.
>ans prétention. L'audacieux est facilement Dans l'abattement caifsé par les fièvres gra
apprécié par sa roideur et ses dispositions ves,- le typhus, les inflammations violentes
menaçantes. Le timide, au contraire, semble du tube digestif, les malades restent constam
replié sur lui-même dans la crainte d'occuper ment couchés en supination, sur le dos, les
trop d'espace , et resserrant toutes ses parties membres étendus, parce que cette position
uutour de la ligne de gravitation, cherche, est celle qui exige le moins d'action muscu
sous une apparence d humilité, l'abri qu'il laire, etque le corps n'obéit plusàlors qu'aux
sent ne pouvoir attendre de son irrésolution lois de la pesanteur. Si de plus l'oppres:ioii
morale. L'indifférent est négligé dans sa te des forces est extrême, les organes ne pea
ATT ( 205 ) ATT
v ni même résister à la tendance de leur différentes on anglais : dans son sons le plus
poids résultant de l'élévation plus grande du étendu, il se prend pour un fondé de pouvoir
lil vers la léle, et le malade glisse continuel ou mandataire, et comme tel tout porteur
lement du côté des pieds. C'est donc un signe de procuration est un allorney ; dans un sens
avantageux dans les affections aiguës de voir plus restreint, c'est un procureur ou avoué,
le sujet supporter toutes les attitudes, tandis autorisé à représenter son client devant les
au contraire que l'immobilité complète, sans tribunaux. Nous n'avons pas besoin de nous
perte de connaissance, est du plus mauvais étendre ici sur les fonctions de ces officiers,
augure. Un changement continuel dans la qui sont à peu de chose près semblables à
position du corps est l'indice certain d'un celles des avoués. C'est surtout de Vattorney
malaise général, comme on le voit dans la général que nous devons nous occuper. Celui-
chaleur de la fièvre. L'envie continuelle de ci est un officier ministériel institué par let
sortir du lit ou de s'asseoir est encore un si tres-patentes de la couronne. En principe, il
gne dos plus funestes et la marque d'un grand n'est que le procureur du roi, à l'égard du
trouble dans le système sensilif. Il en est de quel il se trouve dans la même position que
même de l'inflexion de tout le corps se cour tout autre mandataire l'est à l'égard de son
bant de la tête aux pieds, à moins qu'elle ne mandant ; mais la qualification de général a
soit le résultat d'une vive douleur ou ne se été ajoutée à son titre pour le distinguer du
lie à quelque état particulier de l'intellect. procureur institué pour représenter la cou
L'aliénation moniale donne lieu aux altitu ronne devant certains tribunaux particuliers,
des les plus variées, selon le caractère des tels que le procureur pour la cour des pupilles
désordresde l'intelligence qui la constituent, et le mailre du bureau de la couronne, dont
et toutes ont un grand degré de ressem le titre officiel est : « Coroner et procureur
blance avec celles qui peignent les passions pour le roi près la cour du banc du roi. » Cette
el les sentiments de l'âme, parce qu'elles ré place, qui est ordinairement remplie par un des
sultent en effet des sentiments divers qui plus célèbres jurisconsultes de l'Angleterre, a
animent les fous. Plusieurs maladies du sys acquis peu à peu une dignité et une importance
tème nerveux ont pour signe caractéristique extraordinaires. Les fonctions de Vaitornvy
les attitudes qu'elles déterminent; lellessont, général consistent à dresser les actes d accu
par exemple, la choree, les convulsions, sation et à poursuivre les grands crimes qui
l'hystérie, 1 epilepsie, la catalepsie. Les lé mettent l'Etat en péril ; à conseiller les mi
sions du système osseux et des articulations, nistres de la couronne dans les questions lé
notamment les fractures et les luxations, im gales qui se présentent ; à diriger toutes les
priment encore aux attitudes des caractères poursuites concernant les revenus publics de
i|ui servent de diagnostic dans ces affections. la couronne; à porter plainte devant la cour
Dans les efforts respiratoires excessifs des per de l'échiquier, afin d'obtenir satisfaction de
sonnes affectées d'angine de poitrine , dans tout griel personnel commis sur les terres ou
l'asllime convulsif, etc., l'altitude assis est la autres possessions de la couronne; à instituer
seule possible ; la tête, les épaules, le haut du et à diriger les procédures ayant pour but la
tronc sont jetés en arrière; les mains fortement protection des fonds de charité, dans lesquelles
arc-boutéès soulèvent le corps, el fournissent le roi, en qualité de père de la patrie , a le
ainsi un point d'appui aux muscles thoraci- droit» d'intervenir; et enfin de porter la pa
ques. Rien de plus pittoresquement caracté role dans toutes les poursuites légales et dans
ristique que cet ensemble. Nous en dirons toutes les cours où les intérêts de la couronne
autant des changements que certaines lésions sont en question.
dusystème musculaire, telles que les spasmes, Dans le détail que nous venons de donner,
le tétanos, la paralysie, impriment aux atti on remarquera deux rapports sous lesquels
tudes. Lepecq de la Ci.otuhe. les fonctions de Vattorney général diffèrent
ATTORXEY, mot anglais qui n'a point essentiellement de celles du procureur géné
été adopté en français, mais dont il est né ral en France; le premier, c'est qu'il ne
cessaire de connaître le sens pour l'exacte poursuit que les crimes d'Etal et ceux dans
intelligence de l'histoire et de la législature i lesquels la couronne est directement inté
anglaise, attendu qu'il n'a point d'équiva ressée. Tous les autres crimes et délits contre
lent précis dans notre langue. les biens et les personnes, où le procureur
Le mot allorney a plusieurs significations général intervient toujours en France, soit
ATT ( 200 ) ATT
par lui-même, soit par ses substituts, ne peu 3" Les carrés des temps des révolutions des
vent être poursuivis, en Angleterre, que par planètes sont comme les cubes des grandi
des plaignants qui sont de droit parties civi axes de leurs orbites.
les ; le procureur général n'y paraît que dans Ces lois ne s'observent pas tout-à-fait exac
des cas exceptionnels assez rares. La seconde tement, mais elles ont lieu à fort peu près,
différence est plus importante encore ; elle et semblent très propres à faire connaître !a
tient au fondement même de la constitution, direction et l'intensité de la force qui pro
nous dirons plus, de la liberté anglaise ; c'est duit le mouvement de chaque planète.
que l'attorney général dirige toutes les pour La première nous montre d'abord <]iie
suites concernant les revenus publics de la la force dont il s'agit est constamment di
couronne , ou, en d'autres mots, que l'attor rigée vers le centre S du soleil. Soit en ef
ney général , qui est un jurisconsulte , pour fet M le lieu actuellement occupé par une
suit les questions administratives devant les planète , et P M l'élément qu'elle vient
tribunaux ordinaires du pays, par la raison de parcourir pendant un temps infiniment
que ce qu'on l'on appelle en France le code , petit dt; prenons MN = P M. Si, la plané!,'
la justice, les degrés de juridiction adminis n'était soumise à l'action d'aucune force ex
trative, sont absolument inconnus en Angle térieure, il est clair que pendant le temps
terre. Aucun citoyen ne peut être condamné d t elle se transporterait de M en N en vertu
à une peine ou à une amende quelconque, de sa vitesse acquise. Si donc R désigne le,
ne peut être obligé à faire ou à ne pas faire point du plan S M P où elle viendra en réa
quoi que ce soit que par les tribunaux ordi
naires et conformément aux lois; quand un
citoyen se croit lésé par un officier ministé
riel, il peut le poursuivre directement devant
les tribunaux sans demander l'autorisation
de qui que ce soit, et tout magistrat a le
droit d'intervenir de lui-même pour protéger
les citoyens contre l'arbitraire des autorités.
Nous ne craignons pas de dire que ce sont ces
formes qui assurent la liberté anglaise, pour
laquelle les chambres et l'éloquence de leurs
orateurs ne seraient qu'une très faible garan lité, N R sera une parallèle à la direction de
tie, s'il existait en dehors d'elles un pouvoir la force accélératrice qui la sollicite. Il finit
administratif indépendant des cours de jus- prouver que les droiies N R et M S sont
tii'l". J COHE\ parallèles. Or cela résulte de ce que, parla
ATTRACTION UNIVERSELLE. Deux première loi de Kepler, les deux triangles
molécules matérielles dénature quelconque s'at S M P, S M R, ou bien S M N, S M R doivent
tirent en raison directe de leurs masses et en avoir même surface, et par suite même hau
raison inverse du carré des distances. Ce grand teur, puisque S M est leur base commune.
principe est la base actuelle des théories astro Le rayon de courbure en un point quel
nomiques et la source principale de leurs im conque M d'une ellipse est égal au cube do
menses progrès dans ces derniers temps. Es la normale divisé par le carré du demi-pa
sayons d'indiquer en peu de mots la marche ramètre; d'un autre côté, la projection àt
rigoureuse que Newton a suivie pour l'éta la normale sur chacun des deux rayons vec
blir, et les vastes développements que les teurs menés du point M aux foyers est con
géomètres du xvme siècle ont su lui donner. stante et égale au demi-paramètre, en sorte
Newton a pris pour point de départ les que cette normale peut s'exprimer par
belles lois qui ont mérité à Kepler le nom de a (1— e')
législateur en astronomie, et que l'on peut 2 a étant le grand axe,
cos ie l'excentricité,
' et 2 i
énoncer ainsi :
1° Chaque planète se meut dans un plan qui l'angle des deux rayons vecteurs. En nom
passe par le centre du soleil , et décrit autour mant r le ravon de courbure, on v. donc
de ce centre des aires égales en temps égaux. o(l— e')
r= r—.—.
2° Les orbes planétaires sont des ellipses COi' t
dont le soleil occupe un des foyers. Comme l'a observé M. Transon, cette for
ATT ( 207 ) ATT
mule 1res simple suffit pour établir les con autre côté, C d f est l'aire décrite pendant
séquences de la deuxième loi de Kepler, et le temps d t. De là nous tirons la proportion
cela sans calcul , en supposant seulement na'[/ i— <>* :Cdty. t: du
connus les principes fondamentaux du mou d'où l'on conclut
vement curviligne.
En effet, soit G la force qui pousse la pla C j ,
nète vers le soleil lorsqu'elle est à la distance
ce qui permet d'écrire la valeur de G sous la
f de cet astre, i désignant l'angle que fait le
rayon vecteur p avec la normale à la trajec forme G„ = 4—tttt—,—•
it' «' m
toire décrite ; cette force G pourra se décom P
poser en deux autres, l'une dirigée suivant Mais
rapport
d'après
de a* laà T'
troisième
est la même
loi depour
Kepler,
toutes
le
la tangente à l'orbite, ayant pour effet d'aug
menter ou de diminuer la vitesse, l'autre di les planètes; donc la force G est aussi la
rigée suivant la normale, ayant pour effet même, à égalité de masse, pour deux planètes
d'écarter la planète de la ligne droite pour transportées à la même distance du soleil.
la soumettre à la courbure de l'orbite. Celte En général l'action G du soleil sur une pla
dernière composante de la force G est égale nète s'obtient en multipliant la masse de cetto
à G cos ». D'ailleurs elle est égale et directe planète par l'inverse du carré de sa distance
ment opposée à la force centrifuge, dont la au soleil et par un nombre constant qui dé-
valeur est donnée par le théorème de Huy- prnd uniquement du choix arbitraire de l'u
glieiij, en sorte que si v est la vitesse actuelle nité de force, et qui ne varie pas quand on
et m la masse de la planète, passe d'une planète à une autre.
n . mv' C'est par une suite de raisonnements sem
1} COS i = . blables à ceux dont nous venons de faire usage
r
Ensuite nous remarquerons que, par la pre que Newton s'est trouvé conduit sans hypo
mière loi de Kepler, l'aire élémentaire dé thèse à la sublime découverte de l'attraction
universelle. Il ne s'est point en effet borné à
crite par le rayon vecteur, ou - p cos » d s, étudier l'action du soleil sur les planètes ; en
considérant que les satellites se meuvent au
est proportionnelle au temps , c'est-à-dire
tour de leurs planètes à fort peu près comme
égale à C d l, en représentant par C une con
si ces planètes étaient immobiles, il reconnut
stante propre à chaque planète; et vu que
que tous ces corps obéissent à la même pe
— = t>, nous obtiendrons
h m- i e= 2C .. santeur vers le soleil. L'égalité de l'action à
lit p cos t la réaction ne lui permit point de douter que
Combinant entre elles les deux équations le soleil pèse vers les planètes, et celles-ci
tnv' 2G vers leurs satellites, et même que la terre est
G cos t = ,v=
p COS I attirée par tous les corps qui pèsent sur elle.
il vient Il étendit ensuite cette propriété à toutes les
h Cm parties de la matière, et il établit en principe
p »• COS' t que deux molécules matérielles de nature
expression très générale qui permettra de quelconque s'attirent en raison directe de
calculer G en fonction de p toutes les fois leurs masses et en raison inverse du carré do
qu on aura, d'après la nature de la trajectoire, leur distance ; en sorte que si l'on prend pour
la valeur du produit r cos3 » en fonction de unité de force la force attractive qui s'exerce
cette même quantité p. Comme les orbites à la distance 1 entre deux molécules ayant
planétaires sont des ellipses dont le soleil oc chacune la masse 1, l'action de deux autres
cupe un des foyers, on a ici r cos' »=a(l — e'), molécules, dont la distance est r et dont les
et par conséquent , mm'.
kVm . masses sont m et m' , sera—;—.
u-p-a(l-0'
Telle est la grande loi que Newton a po
l'action du soleil sur une même planète varie sée, et dont il a même indiqué les principales
donc en raison inverse du carré de la distance. conséquences si habilement développées par
Soit T le temps d'une révolution entière les géomètres du xvni' siècle. Par elle, et par
delà planète autour du soleil ; iz a' [/ 1 — e' elle seule, l'analyse mathématique a pu de
sera l'aire décrite pendant le temps T; d'un venir une partie essentielle de l'astronomie.
ATT ( 208.') ATT
Cràces à ce puissant secours cl à la perfec ment scientifique du xvme siècle. « Dévelop-
tion toujours croissante des instruments dont » per les relations qui existent entre les
elle fait usage, 1 astronomie a conquis, entre » mouvements et les forces qui les produisent,
toutes les sciences naturelles, le premier rang » dit M. Biot, en déduire la nalure de la force
qu'elle méritait déjà par la grandeur de son » qui doit animer les corps célestes pour que
objet. Les découvertes qui l'ont illustrée four » leurs mouvements soient tels que l'obser-
nissent à l'esprit humain son plus beau titre » vation les présente, s'élever ainsi au prin-
de gloire. Mais pour la porter au point de » cipe de la pesanteur universelle, et redes-
perfection où nous la voyons aujourd'hui, » cendre de ce principe à l'explication de tous
quels efforts n'ont pas été nécessaires! quelles » les phénomènes célestes jusque dans leurs
erreurs n'a-l-il pas fallu traverser ! Les phi » moindres détails, tel est l'objet de cetou-
losophes de l'antiquité ont ignoré ou méconnu » vrage qui honore la nation française, et
les premiers principes de la mécanique, dont » qui esl du pelit nombre de ceux qui parais-
la découverte ne remonte pas au-delà de Ga » sent à des époques éloignées sur l'horizon
lilée. Ce n'est pas le génie qui leur a manqué, » des sciences pour y répandre une clarté que
mais la méthode et la patience. Dans leurs » le temps et l'ignorance ne sauraient éteiu-
spéculations à priori, ils établissaient des lois » dre. » Nous en présenterons ici un résumé
imaginaires auxquelles l'univers réel refusail rapide en empruntan, autant que possiblel s
de se soumettre. Leur imagination égarée expie sions mêmes de l'auteur.
n'a enfanté que de vains systèmes; en dédai De toutes les théories traitées dans cet ou
gnant comme eux l'expérience, Descaries vrage, celle des perturbations des planètes
n'a pas été plus heureux. Enfin, guidé par parait la plus difficile et la plus importante.
une saine philosophie, et démêlant dans les Si les pi ;nètes n'obéissaient qu à l'action du
phénomènes célestes la loi primordiale qui soleil, elles décriraient des ellipses autour du
les engendre, Newton nous a révélé le vrai centre de cet astre, conformément aux lois
système du monde. Ses successeurs ont con que Kepler a déduites de l'observation, et qui
tinué son ouvrage, et La Place l'a pour aiu-i ont conservé le nom de ce grand astrono
dire achevé. On peut aujourd'hui représenter me. Mais ces lois ne sont qu'approchées.
en nombres les circonstances diverses du Les planètes agissent les unes sur les autres;
mouvement des planètes, et en rattacher les elles agissent aussi sur le soleil, et de ces at
perturbations les plus légères à la loi générale tractions diverses naissent des perturbations
il simple de la gravitation universelle. Celle considérables dont il est nécessaire de tenir
même loi règle le cours des comètes, déter compte pour avoir des tables exactes du
mine la figure de la terre et des astres, la mouvement des planètes. Ces perturbations
libration de la lune, la précession deséqui- peuvent êlre partagées en deux classes très
noxes, les marées de l'Océan ; elle suffit, en distinctes : les unes affectent les éléments
un mot, à l'explication des principaux phé mêmes des ellipses décrites autour du soleil .
nomènes du ciel. Chaque fois qu'elle a été et croissent avec une extrême lenteur : on les
attaquée, un examen approfondi en a dé a nommées inégalités séculaires; les autres
montré l'exactitude : chaque objection éle dépendent de la configuration des planètes
vée contre elle a été bientôt le sujet d'un entre elles ; elles reprennent les mêmes va
nouveau triomphe. leurs lorsque ces configurations redeviennent
F.uler, Clairaut, d'Alembert et Lagrange les mêmes : on les a nommées inégalités pé
ont traité successivement les grandes ques riodiques pour les distinguer des inégalités
tions de l'astronomie théorique; mais La séculaires qui sont aussi périodiques, mais dont
Place est le premier qui les ait réunies en les périodes beaucoup plus longues sont in
corps de doctrine, et qui les ait complète dépendantes de la configuration mutuelle des
ment résolues dans tous leurs détails. C'est planètes. Pour se représenter commodément
à lui surtout que l'on doit la perfection ines les unes et les autres, on peut imaginer nue
pérée des théories modernes. La Mécanique planète mue, conformément aux lois de Ke
céleste, qui, dans son vaste ensemble, ren pler, sur une ellipse dont les éléments varient
ferme un exposé complet de la science en par degrés insensibles, et concevoir en mémo
tière, sera sans doute aux yeux de la postérité temps que la vraie planète oscille autour de
le plus beau titre de gloire de ce savant il celte planète fictive dans un très pelit orbe
lustre, cl peut-ét'c aussi le plus beau monu de ni la nalure dépend de ses variations perio
ATT ( 209 ) ATT
diqnes. Los inégalités périodiques sont surtout coïncider l'écliptique avec l'équateur, ce qu4
sensibles dans les mouvements de Jupiter et produirait une égalité constante des jours et
de Saturne : long-temps on en a cherché les des nuits sur toute la terre ? L'analyse répond
lois et la cause sans parvenir à les connaître ; à ces questions d'une manière satisfaisante.
Eulcr et Lagrange ont échoué dans celte re Quelles que soient les masses des planètes,
cherche délicate ; La Place en a donné une par cela seul qu'elles se meuvent toutes dans
solution simple et inattendue qui forme un le même sens , dans des orbes presque circu
de ses plus beaux litres de gloire. laires et peu inclinés les uns sur les autres ,
Les inégalités séculaires sont à la fois les leurs inégalités sont périodiques et renfer
plus difficiles et les plus importantes à dé mées dans d'étroiles limites; en sorte que le
terminer; ce sont elles qui font varier à la système planétaire ne fait qu'osciller autour
longue et par degrés insensibles tous les élé d'un état moyen dont il ne s'écarte jamais
ments du système solaire. Elles déplacent que d'une très petite quantité. Les ellipses
dans le ciel le plan et le périhélie de chaque des planètes ont donc été et seront toujours
orbite et en allèrent graduellement la forme. presque circulaires, d'où il suit qu'aucune
Hais, au milieu de ces changements, les planète n'a été primitivement une comète,
grands axes et les durées moyennes des révo du moins si l'on n'a égard qu'à l'action mu
lutions autour du soleil restent invariables. tuelle des corps du système planétaire. L'é
Celte invariabilité des grands axes constitue cliptique ne coïncidera jamais avec l'équa
l'un des phénomènes les plus remarquables teur, et l'étendue entière de ses variations
dusystème du monde : la marche que La Place ne peut excéder 3°.
avait d'abord suivie pour l'établir était in Le mouvement des satellites autour de la
suffisante , et c'est M. Poisson qui, le premier, planète qui les entraîne dans son cours donno
l'a rigoureusement démontrée. Tous les au lieu à des questions semblables auxquelles on
tres éléments des ellipses planétaires sont va répond de la même manière. Ainsi les ellip
riables. Ces variations produites par l'action ses décrites par les satellites de Jupiter et île
mutuelle des planètes s'effectuent avec une Saturne sont et seront toujours peu aplaties :
extrême lenteur, et pendant plusieurs siècles aucun de ces astres n'a été primitivement
on peut les regarder comme proportionnelles une comète.
au temps. Les observations les font claire La théorie des satellites présente néan
ment apercevoir : elles montrent que le pé moins des difficultés singulières que La Place
rihélie de l'orbe terrestre a présentement un a le premier surmontées. Ses théorèmes sur
mouvement annuel direct de 36" et que la la libration des satellites de Jupiter n'ont pu
diminution séculaire de l'inclinaison de cet être découverts que par l'analyse la plus sub
orbe à l'équateur est de 148". Euler a déve tile.
loppé le premier la cause de cette diminution Les observations actuelles, comparées aux
que toutes les planètes concourent mainte observations anciennes, indiquent dans le
nant a produire par la situation respective des mouvement de la lune une accélération dont
plans de leurs orbites. Ces variations de l'orbe on a long-temps ignoré la cause. On avait
terrestre ont fait coïncider le périgée du soleil attribué cet effet à la résistance de l'éther au
avec l'équinoxe du printemps à une époque milieu duquel se meuvent les corps célestes.
qui remonte à un peu plus de 4,000 ans avant S'il en était ainsi, la même cause affectant le
notre ère , c'est-à-dire à l'époque même où la .cours des planètes tendrait à changer de plus
plupart des chronologistes placent la création en plus l'ordre primitif et bouleverserait à
du monde. la longue le système solaire. Une seconde
Ici se présentent plusieurs questions dont explication de ce phénomène consistait à sup
l'énoncé paraîtra d'abord étrange et que poser que l'action de la gravité n'est pas in
La Place a néanmoins résolues. Les ellipses stantanée , qu'elle est au contraire assujettie
planétaires ont-elles été et seront-elles tou à une transmission successive comme celle de
jours presque circulaires? Quelques unes des la lumière. Dans tous les cas on ajoutait à fa
planètes n'ont-elles pas été originairement loi de la gravitation universelle une cause
des comètes dont les orbes ont peu à peu ap étrangère ; on alléraitlasimplicitédusystème
proché du cercle par les actions des autres de Newton. Mais, après tous ces vains essais,
planètes? La diminution de l'obliquité de l'é- La Place a donné la solution de celte ques
cliplique conlinuera-t-èlle au point de faire tion capitale; il a prouvé en toute rigueur que
Encycl. du xix* iilcle, t IV. U
ATT (210) ATT
l'accélération observée est une conséquence celui de l'écliptique de très petits angles, on
nécessaire de la gravitation universelle. Celle a profilé de celle circonstance pour simplifier
grande découverte a éclairé ensuite les points la théorie de leurs perturbations. Les comè
les plus importants du système du monde. On tes ne nous offrent pas le même avantage;
en conclut que si l'action attractive qui aussi, pour prédire leur retour avec exac
pousse les astres les uns vers les autres n'est titude, est-il nécessaire d'effectuer des cal
pas instantanée, du moins elle se propage culs numériques d'une prolixité presque re
plus de cinquante millions de fois plus vile butante, mais qui, du reste, n'ont d'autre
que la lumière, dont la vitesse bien connue difficulté que leur longueur même. La comète
est de soixante-dix mille lieues par seconde. de 1750, plus connue sous le nom de comèle
On en conclut aus?i que le milieu éthéré tra de Halley, et que nous avons vue récemment
versé par les astres n'oppose à leur passage reparaître, a fait naître une théorie des co
qu'une résistance pour ainsi dire insensible : mètes à laquelle on n'a presque rien ajouté
cette cause affecterait surtout le mouvement depuis cette époque. La gloire d'avoir résolu
de la lune , et elle n'y produit aucun effet ob le problème fondamental dont elle dépend ap
servable. Pourtant, nous devons le dire, on partient à Clairaut ; c'est lui qui a déterminé
a cru reconnaître dans le mouvement d'une les altérations apportées dans le mouvement
comète des inégalités dues à la résistance de de la comète par les actions combinées de
lèther; mais la question n'est pas encore Jupiler et de Saturne. Le 14 novembre 1758,
suffisamment éclaircie. il annonça à l'Académie des sciences que la
a La théorie de la lune est féconde en con durée du retour de la comèle à son périhélie
séquences remarquables. On peut en con surpasserait d'environ 618 jours la période
clure, par exemple, que le mouvement de précédente , et qu'en conséquence la comète
ml a I : on de la terre sur son axe est invariable. passerait à son périhélie vers le milieu de
La durée du jour n'a pas changé de la cen 1759. Il observa en même temps que les pe
tième partio d'une seconde depuis deux mille tites quantités négligées dans ses approxima
ans, et, par suile, depuis cette époque, la tions pouvaient avancer ou reculer ce terme
température de notre globe n'a pas diminué d'un mois; il remarqua d'ailleurs a qu'un
d'un centième de degré. Une conséquence corps qui passe dans des régions aussi éloi
plus frappante encore est celle qui se rapporte gnées, et qui échappe à nos yeux pendant des
à la figure de la terre ; car la forme même du intervalles de temps aussi longs , pourrait
globe terrestre est empreinte dans certaines être soumis à des forces totalement incon
inégalités du cours de la lune. Ces inégalités nues , telles que l'action des autres comètes
n'auraient pas lieu si la terre était parfaite ou même de quelque planète toujours trop
ment sphérique. On peut déterminer la quan distante du soleil pour être jamais aperçue.»
tité de l'aplalissement terrestre par l'obser La prédiction de Clair.iut fut entièrement
vation des seuls mouvements lunaires , et les vérifiée dans les limites des erreurs qu'il
résultats que l'on en déduit s'accordent avec avait annoncées lui-même. Ce grand géomè
ceux que l'on lire des observations du pen tre aurait donné plus d'exactitude encore à
dule et des mesures effectives qu'ont procu ses calculs s'il avait mieux connu les masses
rées les grands voyages géodôsiques à l'équa- de Jupiter et de Saturne, et s'il avait pu te
leur, dans les régions boréales , dans l'Inde nir compte de la planète Uranus découverte
et dans diverses autres contrées. » (Fourier, trente ans après par Herschell.
Eloge de La Place.) « Remarquons, dit La Place, à l'avantage
C'est ainsi que les masses des planètes et de l'esprit humain, que cette comète, qui ,
satellites nous sont données par l'observation dans le dernier siècle, a excité le plus vif
seule des effets que produit leur action mu intérêt parmi les géomètres et les astronomes,
tuelle ; l'intervalle immense qui nous sépare avait été vue d'une manière bien différente
de ces grands corps a été , pour ainsi dire , quatre révolutions auparavant, en 1456. La
comblé parle génie de l'homme : l'étude ap longue queue qu'elle traînait avec elle ré
profondie de leurs mouvements nous les fait pandit la terreur dans l'Europe, déjà con
connaître aussi bien que le globe même que sternée par les succès rapides des Turcs, qui
nous habitons. venaient de renverser le Bas-Empire, elle
Les orbites des planètes étant généralement pape Calixte ordonna des prières publiques,
peu excentriques, et leurs plans faisant avec dans lesquelles on conjurait la comète et les
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Turcs. On élail loin de penser, dans ces temps et des arts ; et quand les progrès de la civili
d'ignorance, que la nature obéit toujours à sation en ont fait sentir de nouveau les be
des lois immuables; suivant que les phéno soins, il a fallu les recommencer, comme si
mènes arrivaient et se succédaient avec ré les hommes eussent été placés nouvellement
gularité ou sans ordre apparent, on les faisait sur la terre. Quoi qu'il en soit de cette cause
dépendre des causes finales on du hasard ; et assignée par quelques philosophes à ces phé
lorsqu'ils offraient quelque chose d'extraor nomènes, je le répète, on doit être rassuré
dinaire et semblaient contrarier l'ordre na sur un aussi terrible événement pendant le
turel, on les regardait comme autant désignes court intervalle de la vie, d'autant plus que
de la colère céleste. les masses des comètes sont d'une petitesse
» Aux frayeurs qu'inspirait alors l'appari extrême, et qu'ainsi leur choc ne produirait
tion des comètes a succédé la crainte que, que des révolutions locales. Mais l'homme
dans le grand nombre de celles qui traver est tellement disposé à recevoir l'impression
sent dans tous les sens le système planétaire, de la crainte, quel'on avu,cn 1773, la frayeur
l'une d'elles ne bouleverse la terre. Elles pas se répandre dans Paris, et de là se communi
sent si rapidement près de nous que les effets quer à toute la France, sur la simple annonce
de leur attraction ne sont pas à redouter; d'un mémoire dans lequel Lalande détermi
ce n'est qu'en choquant la terre qu'elles peu nait celles des comètes observées qui peuvent
vent y produire de funestes ravages; mais ce le plus approcher de la terre : tant il est vrai
choc, quoique horrible, est si peu vraisem que les erreurs, les superstitions, les vaines
blable dans le cours d'un siècle, il faudrait terreurs et tous les maux qu'entraîne l'igno
un hasard si extraordinaire pour la rencon rance, se reproduiraient promplement si la
tre de deux corps aussi petits relativement à lumière des sciences venait à s'éteindre. »
l'immensité de l'espace dans lequel ils se Lorsqu'une comète passe très près d'une
meuvent , que l'on ne peut concevoir à cet planète, elle éprouve des perturbations énor
égard aucune crainte raisonnable. Cependant mes, et son orbite peut même être entière
la petite probabilité d'une telle rencontre ment changée. De là résulte un nouveau pro
peut, en s'accumulant pendant une longue blème dont les formules du quatrième volume
suite de siècles, devenir très grande. Il est fa de la Mécanique céleste renferment la solu
cile de se représenter les effets de ce choc sur tion : L'orbite actuelle d'une comète étant con
la terre : l'axe et le mouvement de rotation nue, qu'était cette orbite auparavant? Que
changés, les mers abandonnant leur ancienne deoiendra-l-elle après, en tenant compte, dans
position pour se précipiter vers le nouvel l'un et l'autre cas, de l'action troublante des
èi|uatcur, une grande partie des hommes et planètes? Ces formules expliquent d'une ma
des animaux noyés dans ce déluge universel nière au moins plausible l'apparition inopi
ou détruits par la violente secousse impri née et la disparition soudaine de la comète de
mée au globe terrestre, des espèces entières 1770. Celte comète nous a été donnée en 1767
anéanties, tous les monuments de l'industrie par l'action de Jupiter, et ensuite enlevée en
humaine renversés, tels sont les désastres 1779 à notre système par l'action inverse du
que le choc d'une comète a dû produire si même astre. On trouve qu'en 1767, avant
ta masse a été comparable à celle de la terre. que la comète eût pas-é près de Jupiter, sa
On voit alors pourquoi l'Océan a recouvert plus petite distance au soleil était de 199 mil
de hautes montagnes sur lesquelles il a laissé lions de lieues, et après 1779 de 131 millions
des marques incontestables de son séjour; de lieues, ce qui est trop encore pour que la
on voit comment les animaux et les plantes comète puisse être aperçue de la terre ; on
du Midi ont pu exister dans les climats du a pu l'apercevoir, au contraire, dans l'inter
Nord, où l'on retrouve leurs dépouilles et valle de temps compris entre ces deux épo
leurs empreintes; enfin on explique la nou ques, car dans cet intervalle la distance pé
veauté du monde moral, dont les monuments rihélie a été considérablement diminuée par
certains ne remontent pas au-delà de cinq l'action de Jupiter.
mille ans. L'espèce humaine, réduite à un pe Ln livre entier de la Mécanique céleste est
tit nombre d'individus et à l'état le plus dé consacré à déterminer la figure de la terre et
plorable , uniquement occupée pendant très des planètes, et la loi de la pesanteur à leur
long-temps du soin de se conserver, a dû surface. Cette figure serait naturellement
perdre entièrement le souvenir des sciences sphérique si les astres étaient en repos autour
ATT (212 ) ATT
de luur centre de gravité; mais la force cen terre, sur lesquelles les observations de Brad-
trifuge qui naît de leur mouvement de rota ley laissaient quelque incertitude: Mais il a
tion 1rs aplatit un peu vers leurs pôles. De considéré seulement la partie solide de la
puis Newton et Huyghcns, tous les grands terre. Les eaux de la mer, cédant, en verlu
géomètres ont cherché la valeur de cet apla de leur fluidité, aux attractions du soleil et
tissement et la nature exacte des modifica de la lune, il semble en effet, au premier
tions qui en résultent dans la forme du globe; coup d'œil, que leur réaction ne doit point
Clairaut, Maclaurïn, d'Alembert, Lagrange influer sur les mouvements de l'axe de la '
et Legendre s'en sont occupés; mais quelque terre; aussi d'Alembert l'avait-il entièrement
brillants qu'aient été leurs travaux, La Place négligée. En approfondissant la question, La
les a surpassés tous. L'analyse dont il a fait Place a reconnu qu'il est indispensable d'en
usage, et qui se reproduit à la fois dans la tenir compte, et il est arrivé à ce résultat
théorie des attractions des sphéroïdes, dans remarquable, savoir que, « quelles que soiei t
celle de la chaleur, dans celle des marées, » la loi de la profondeur de la mer et la li-
est une des plus belles créations de son génie » gure du sphéroïde qu'elle recouvre , les
inventeur. Comme nous l'avons déjà expli » phénomènes de la précession et de la nuta-
qué plus haut, il a rattaché la théorie de la » tion sont les mêmes que si la mer formait
Ggurc de la terre à celle des inégalités du » une masse solide avec ce sphéroïde. » Il a
mouvement de la lune. 11 a tenu compte aussi étudié avec plus de soin les mouvements
d'une foule de circonstances physiques né des pôles terrestres à la surface du globe, et
gligées avant lui; il a considéré l'effet de la lésa trouvés insensibles. Toutefois, c'est à
présence des eaux distribuées entre les terres M. Poisson que l'on doil d'avoir résolu com
continentales, la compression des couches plètement ce nouveau problème, et d'avoir
intérieures, la diminution séculaire de la démontré par la théorie l'invariabilité de la
température et des dimensions du globe. durée du jour, en ayant égard aux seules
Tout est lié dans la nature, et ses lois gé causes dynamiques produites par la gravi
nérales enchaînent entre eux les faits qui tation.
semblent lu plus disparates; ainsi la rotation Après avoir traité d'une manière si heu
du sphéroïde terrestre l'aplatit à ses pôles, reuse le problème de la préeession des équi
et cet aplatissement, combiné avec l'action noxes, d'Alembert a vainement attaqué celui
du soleil et de la lune, donne naissance à la de la libralion de la lune dont la solution
précession des équinoxes , qui , avant la dé était réservée à Lagrange. La Place n'a pour
couverte de la pesanteur universelle, ne ainsi dire rien ajouté au travail de ce grand
paraissait avoir aucun rapport au mouve analyste; mais, suivant son usage, il en a
ment diurne de la terre. L'intersection de développé avec plus de soin les conséquences
l'équateur terrestre avec l'écliptique change pratiques.
de position d'un siècle à l'autre; en même La théorie des marées est une de celles qui
temps l'axe qui joint les pôles du monde se ont le plus occupé le génie de La Place. A
meut dans l'espace, et, en oscillant de part l'aide d'un principe très simple et par des
et d'autre de sa position d'équilibre, produit calculs presque élémentaires , il est parvenu
le phénomène de la nutalion. D'Alembert a à lui donner une perfection inattendue. New
le premier vérifié, dans celte circonstance, ton a le premier trouvé la vraie cause du
la loi de la pesanteur universelle par un cal flux et du reflux de la mer eu la rattachant
cul rigoureux ; le problème de la précession à la loi de la pesanteur universelle. KépUr
des équinoxes, à l'époque où ce savant illus avait bien reconnu la tendance des eaux de
tre à tant de litres s'en est occupé, était cer la mer vers les centres du soleil et de la lune;
tainement le plus difficile que les géomètres mais l'explication de cet astronome , vive
pussent se proposer. Il a déterminé par une ment attaquée par Galilée, ne pouvait être re
très belle méthode les mouvements de l'axe gardée que comme un aperçu vraisemblable.
de la terre en supposant aux couches du sphé La Place en a vérifié les conséquences princi
roïde terrestre une figure et une densité pales, et pour l'établir à jamais sur des bases
quelconques; -et non seulement il a trouvé inébranlables, il suffira sans doute de pousser
des résultats conformes aux observations, il un peu plus loin les approximations. En
a de plus fait connaitre les vraies dimensions même temps il a reconnu que « les causes
de la petite ellipse que décrit le pôle do la « fortuites ou constantes qui troublent le
ATT (213 ) ATT
» quilibre des mers sont sujettes à des limi- ainsi dire la grâce de son esprit. La méthode
» tes qui ne peuvent être franchies. La pe- et la clarté forment le caractère distinclif de
» santeur spécifique des eaux étant beaucoup ses ouvrages presque toujours dirigés vers
« moindre que celle de la terre solide, il en un but actuel et évident d'utilité pratique.
» résulte que les oscillations de l'Océan sont Plus vigoureux et plus vaste, d'Alembert
• toujours c mprises entre des limites fort est loin de posséder les mêmes qualités. Cet
«étroites, ce qui n'arriverait point si le li- écrivain correct , élégant, étudié dans ses
> quido répandu sur le globe était beaucoup éloges et dans ses ouvrages de philosophie ,
• plus pesant. Eu général la nature tient en est négligé , sec et obscur dans ses écrits pu
» réserve desforces conservatrices et toujours rement mathématiques. Mais le principe qui
» présentes, qui agissent aussitôt que le trou- ramène les questions de dynamique à des ques
• ble commence , et qui ne lardent point à tions de statique, les solutions neuves et pro
» rétablir l'ordre accoutumé. On trouve dans fondes du problème des cordes vibrantes et
» toutes les parties de l'univers cette puis- de la précession des équinoxes, une foule de
» sance préservatrice Tout est disposé remarques ingénieuses semées dans ses ou
• pour l'ordre, la perpétuité et l'harmonie.... vrages, le placent à jamais au premier rang
« Dans l'état primitif et liquide du globe ter- parmi les géomètres inventeurs.
» reslre, les matières les plus pesantes se sont Euler est le promoteur principal de l'ana
» rapprochées du centre, et cette condition lyse actuelle : il a donné à cette analyse la
D a déterminé la stabilité des mers.... Ce n'est forme qu'elle possède aujourd'hui. Doué d'une
» donc point, comme Newton lui-même et fécondité prodigieuse, il a traité toutes les
» Euler l'avaientsoupçonné, une force advcn- questions et les a toutes éclairées d'un jour
• live, qui doit un jour réparer ou prévenir nouveau : la liste seule de ses Mémoires com
» le trouble que le temps aurait causé; c'est pose un volume entier; son style est abon
• la loi elle-même de la gravitation, qui règle dant et facile; dans sa précieuse bonhomie
» Unit, qui suffit à tout, et maintient la va- il se complaît à initier le lecteur aux secrets
> riété et l'ordre. Emanée une fois de la sa- de son génie , et nous instruit encore en nous
> gesse suprême, elle préside depuis l'origine faisant part des essais inutiles qu'il a tentés
» des lemps et rend tout désordre impossible. avant d'atteindre le but proposé. On trouve
» Newton et Euler ne connaissaient point dans ses ouvrages le germe de la plupart
» encore toutes les perfections de l'univers. » des grandes découvertes de ses successeurs.
(Fourier, Eloge de La Place. ) Plus nerveux, plus élégant, plus concis
Ce résumé , si incomplet qu'il soit, des re qu'Euler, Lagrange brille surtout par l'éten
cherches contenues dans la Mécanique céleste, due et la philosophie des méthodes, « II était
suffira sans doute pour justifier la vénération i né, dit Fourier, pour inventer et pour
profonde dont le nom de son auteur est en » agrandir toutes les sciences de calcul. Dans
vironné et les honneurs extraordinaires que » quelque condition que la fortune l'eût placé,
le premier de nos corps savants a accordés à » ou pâtre ou prince, il aurait été grand
sa mémoire. La Place nous a donné l'Alma- » géomètre : il le serait devenu nécessaire-
geste du xviu. siècle, Almageste supérieur à » ment et sans aucun effort, ce qu'on ne peut
celui de Ptolémée, comme l'analyse des mo » pas dire de tous ceux qui ont excellé dans
dernes l'est à la synthèse géométrique des » dans celte science , même dans les premiers
anciens. Toutefois, en admirant ce bel èdi- » rangs. Si Lagrange eût été contemporain.
Gce, n'oublions jamais que Newton en a posé » d'Archimède et de Conon, il aurait partagé
les fondements solides ( la gloire de ce puis » la gloire des plus mémorables découvertes.
sant inventeur éclipsera toujours toutes les » A Alexandrie , il eût été rival de Dio-
autres gloires ) , et ne séparons pas du nom » pliante. Le trait distinclif de son génie
de La Place le nom de ses illustres émules, » consiste dans l'unité et la grandeur des
Euler, Clairaut, d'Alembert et Lagrange, dont » vues. Il s'attachait en tout a une pensée
les découvertes ont précédé ou accompagné » simple , juste et très élevée. Son principal
les siennes. » ouvrage, la Mécanique analytique, pourrait
Clairaut, génie vif et pénétrant, auteur » être nommé la mécanique philosophique ;
d'ouvrages qu'aujourd'hui même on lit en » car il ramène toutes les lois de l'équilibre
core avec plaisir et avec fruit, a su répandre » et du mouvement à un seul principe, et,
sur ces matières arides la fertilité et pour » ce qui n'est pas moins admirable , il les
ATT (214 ) ATT
» soumet à une seule méthode de calcul dont jusqu'à présent , leurs masses respectives et
» il est lui-môme l'inventeur. Toutes ses com- les mesures de leurs forces attractives. Sans
» positions mathématiques sont remarquables doute ce ne serait pas une raison de rejeter
» par une élégance singulière , par la symé- l'inégalité du pouvoir attractif de la matière,
» trie des formes et la généralité des mélho- si elle résultait invinciblement des observa-
» des, et, si l'on peut parler ainsi, par la lions; mais c'est du moins un motif suffisant
» perfection du style analytique. » de ne l'admettre qu'après un profond exa
Inférieur à Lagrange comme géomètre, men : voici donc tout ce que l'on peut dire à
mais supérieur comme astronome , doué d'un ce sujet.
esprit à la fois très étendu et très exact, ca Newton ayant déterminé la masse de Ju
pable de concevoir et d'exécuter les plus vas piter d'après l'action qu'il exerce sur ses sa
tes entreprises, remarquable surtout par la tellites, comparée à l'action du soleil sur la
rigueur de ses aperçus, La Place est l'égal de planète, a trouvé celte masse égale à 1/1007
tous ces grands hommes, <x Non seulement il de celle du soleil. En la déduisant des inéga
» a réuni dans son Almageste du xvme siècle lités du mouvement de Saturne dues à l'ac
» ce que les sciences mathématiques et phy- tion de Jupiter, celte même niasse est égale
» siques avaient déjà inventé pour servir de à 1/1070 d'après la Mécanique céle&le , ce qui
» fondement à l'astronomie , mais il a ajouté diffère peu du premier résultat. Mais dans ces
» à cette science des découvertes capitales derniers temps M. Euke a déterminé la per
» qui lui sont propres et qui avaient échappé turbation totale produite par l'action de Ju
» à tous ses prédécesseurs. Il a résolu , soit piter, pendant un temps donné, dans le mou
» par ses propres méthodes, soit par celles vement de Patins, et en comparant le résul
» dont Euler et Lagrange avaient indiqué les tat de son calcul à celui de l'observation, il
» principes, les questions les plus importantes en a conclu une niasse de Jupiter exprimée
» et certainement les plus difficiles de toutes par 1/1033, résultat auquel AI. Nicolaï était
» celles que l'on avait considérées avant lui... déjà parvenu en calculant de même la per
» Il était né pour tout perfectionner, pour turbation de Junon. Il parait que M. Gauss a
» tout approfondir, pour reculer toutes les aussi obtenu la même valeur de celte masse
» limites, pour résoudre co que l'on aurait d'après son action sur Yesta. En calculant la
» pu croire insoluble. Il aurait achevé la perturbation produite par cette même action
» science du ciel, si cette science pouvait dans le mouvement de la comète dont la pé
» être achevée. » riode est de 1200 jours, M. Enke a trouvé
Pour terminer cet article, il ne nous reste encore 1/1050 pour la masse de Jupiter, ce
plus qu'à rendre compte en peu de mots d'une qui s'accorde suffisamment avec la masse dé
question importante que les astronomes ont duite de son action sur les petites planètes;
agitée dans ces derniers temps, etque M. Pois et connue , dans ces déterminations , ce qu'on
son, auquel nous emprunterons presque lex prend pour la masse du corps attirant est le
tuellement ce que nous allons dire, a traitée produit do sa quantité de matière, qui ne
dans son Mémoire sur le mouvement de la lune change pas, multipliée par son pouvoir at
autour de la terre. tractif, il faudrait en conclure que le pou
La loi de la gravitation universelle , telle voir attractif de Jupiter est le même sur la
que nous l'avons énoncée plus haut , suppose matière des petites planètes el sur celle de la
qu'à distance égale l'attraction mutuelle des comète, malgré la différence de nature do
corps est indépendante de leur nature propre ces deux corps , mais qu'il surpasse sensible
et proportionnelle à leurs masses; en sorte ment le pouvoir attractif de Jupiter sur la
qu'en la rapportant à l'unité de distance et à matière de ses satellites et sur celle de Sa
l'unité de masse , le pouvoir attractif dont la turne; il faudrait donc alors renoncer au
matière est douée est identique pour tous principe si simple de l'invariabilité du pou
les corps. Si cela n'était pas, l'astronomie voir attractif dans toute la nature. Mais on duit
physique changerait de nature et deviendrait observer que, pour calculer la niasse de Ju
semblable à la chimie ; car, pour déterminei piter, Newton s'est servi des obligations do
les effets produits par l'action mutuelle des ses satellites mesurées par Pound , astronome
corps célestes , il faudrait connaître l'affinité contemporain. Or,. M. Airy vient de les me
particulière de l'un pour l'autre, et l'on ne surer de nouveau, el il en a déduit une masso
pourrait plus confondre , comme on l'a fait de Jupiter exprimée par 1/1019 ou sensible
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ment la même que celle qui avait été déter qui se réduit à un terme en raison inverse du
minée par M. Enke. M. Sanlini et M. Bessel cube des distances, et cette force secondaire
ont ensuite confirmé cerôsullat. Enfin M. 01- est à peu près double pour la lune de ce
bcrs a remarqué que les observations de qu'elle est pour le soleil. Or, il n'en serait
Pound lui-même , dont on possède encore les plus de même si le pouvoir attractif n'était
originaux, réduites avec tout le soin possible, pas identique sur la partie solide et sur la
conduisent aussi à la valeur de la masse don partie fluide de la terre; le terme principal
née par M. Airy. En substituant ce résultat à de l'attraction ne disparaîtrait plus en entier
celui de Newton, il n'y aura donc plus que dans l'expression de la force secondaire : une
l'action de Jupiter sur Saturne qui présente très petite inégalité dans le pouvoir attractif
une différence un peu considérable , et il y a suffirait pour doubler, tripler, quadrupler la
tout lieu de croire que cette anomalie est due force qui produit le flux et le reflux. Il pour
à une faute de calcul. Rien ne peut donc nous rait arriver que cette force devînt plus grande
porter à mettre en doute le principe de l'at pour le soleil que pour la lune, et les lois de
traction universelle. ce phénomène seraient entièrement différen
Observons d'ailleurs que ce principe ré tes de celles que nous observons. La même
sulte avec une extrême précision d'un grand réflexion s'applique au phénomène des ma
nombre d'expériences et de calculs directs. rées atmosphériques, mesurées par celles
Ainsi M. Bessel , en faisant osciller dus pen du baromètre qui ne sont pas produites par
dules de différents métaux, d ivoire, de l'action échauffante du soleil : la moyenno
verre, de marbre, de pierre météorique, a d'un grand nombre d'observations montru
trouvé que l'attraction de la terre sur ces qu'elles sont à peine appréciables, et elles
diverses matières est la même sans aucune pourraient au contraire devenir très sensibles
différence appréciable. En calculant la dis si le pouvoir attractif du soleil ou de la lune
tance de la lune à la terre, dans l'hypothèse était différent sur les molécules de l'air et
que la force qui retient le satellite dans son sur la partie solide de la terre.
orbite soit la pesanteur terrestre, affaiblie Ainsi, dans cette occasion comme dans
dans le rapport du carré des distances, on ob toutes les autres, nous sommes conduits a
tient une valeur de celle distance égale à conserver avec sa simplicité, sans la modi
celle qui résulte de la parallaxe lunaire que fier ni la restreindre, la lui établie par New
M. Burg a déduite directement des observa- ton. J. LlOUVILLE.
lions; ce qui montre que le pouvoir attractif ATTRACTION MOLÉCULAIRE. Si le
de la terre est identique sur tous les corps si principe de la gravitation universelle, en
tués à sa surface et sur la matière de la lune. raison directe des masses et en raison inverso
La parallaxe du soleil, déduite d'une certaine du carré de la distance, suffît pour rendre
inégalité du mouvement de la lune , coïncide compte des mouvements planétaires, des lois
à très peu près avec celle que l'on a conclue de la pesanteur et de l'attraction mutuelle
du dernier passage de Vénus sur le disque des corps à la surface du globe, attraction
solaire; or, La Place a fait voir que, d'après que Cavendish a con:>tatée, de nouvelles hy
cet accord , on ne peut supposer une diffé pothèses deviennent nécessaires pour expli
rence d'un millionième entre les pouvoirs quer l'action attractive qu'exercent les unes
altractifs du soleil surla matière de la lune "sur les autres les dernières molécules des
et sur celle de la terre. Une considération corps. Cette action, tout-à-fait insensible tant
semblable prouve aussi l'égalité du pouvoir que la distance des molécules en présence
attractif du soleil ou de la lune , soit sur les conserve une grandeur appréciable, se dé
eaux de la mer et l'air atmosphérique, soit sur veloppe et s'accroît suivant une loi très ra
la partie solide du globe terrestre. pide à mesure que cette dislance diminue.
En effet , la force employée par chacun de On sait que les corps terminés par des sur
ces deux astres pour soulever les eaux de la faces planes très polies contractent après le
mer est, comme on sait, la différence de contact une adhérence considérable; cette
l'attraction qu'il exerce sur les points de la adhérence ne peut s'expliquer par l'effet de
mer et sur lu centre de la terre , à raison de la pression atmosphérique, puisque celle-ci
leurs positions respectives : le terme princi n'est guère que d'un kilogramme par centi
pal de l'attraction en raison inverso du carré mètre carré de surface, tandis que la force
des distances disparait de cette différence, nécessaire pour séparer ces corps est souvent
ATT ( 216 ) ATT
trente fols plus grande. De plus, comme l'adhé suffisante, la cohésion est vaincue et le corps
rence dont nous parlons est toul-à-fait indé se brise.
pendante de l'épaisseur des corps en contact, La cohésion peut encore être modifiée par
elle ne peut être attribuée qu'à l'action molé les actions électriques; mais elle subit sur
culaire des surfaces, et même d'une portion tout l'influence de la température ; à mesure
seulement de ces surfaces; car, quelque bien que les corps s'échauffent, la force attrac
polies qu'elles soient, leur contact est toujours tive de leurs molécules perd de son intensité.
imparfait. Quelques physiciens ont été jusqu'à Elle devient extrêmement faible dans les
nier le contact absolu. Dans cette manière de corps qui passent à l'état liquide, et quand un
voir, l'adhérence des deux surfaces ne serait liquide se vaporise, elle fait place à la répul
due qu'à une action à distance de leurs mo sion moléculaire qui caractérise les vapeurs
lécules. et les gaz.
Les phénomènes capillaires fournissent en Enfin les actions chimiques peuvent aussi
core une preuve incontestable de l'attraction modifier la cohésion; dans le contact de la
moléculaire, soit qu'il y ait élévation ou dé glace et du chlorure de sodium, par exemple,
pression du liquide; car on démontre que, la cohésion de ces deux substances solides
s'il y a élévation, c'est que l'action attractive est modifiée, et il se forme un composé li
du solide sur le liquide surpasse la moitié de quide.
celle que le liquide exerce sur lui-même, et Mais lorsque la cohésion a été modifiée par
que, s'il y a dépression, c'est que la première l'élévation de la température ou par une ac
de ces actions est moindre que la moitié de tion dissolvante, si la cause de cette modifi
la seconde. C'est également à l'attraction cation vient à cesser, l'attraction molécu
moléculaire que l'on doit rapporter les phé laire se manifeste aussitôt et rapproche les
nomènes d'endosmose. molécules momentanément séparées. Lors
La force que Ion a nommée cohésion n'est que ce rapprochement a lieu dans des cir
autre que l'action attractive qu'exercent les constances favorables, les molécules affectent
unes sur les autres les molécules d'un même d'ordinaire une disposition régulière, d'où
corps. résulte pour le corps même un régularité de
Cette force, dans les corps solides, est quel forme plus ou moins prononcée; ce phéno
quefois considérable : un fil de fer d'un mil mène est connu sous le nom de crittallisation.
limètre carré de section peut supporter sans Ainsi un métal liquéfié par la chaleur cris
se rompre un poids de près de 44 kilogram tallise par un refroidissement lent. Ainsi,
mes. Lorsqu'un corps solide est soumis à une lorsque de l'eau saturée de sel est soumise à
action mécanique, telle qu'une traction, une une évaporation lenteet calme, il s'y dépose
torsion, une pression ou un choc, si cet ef des cristaux cubiques de chlorure de sodium.
fort ne dépasse pas une certaine limite, va Les travaux de Rome Delisle, d'Haùy, etc.,
riable d'un corps à l'autre, le corps ne subit ont prouvé que la plupart des substances mi
qu'une déformation momentanée, et aussitôt nérales sont susceptibles d'une cristallisation
que la cause de celte déformation a cessé, régulière, et peuvent, par conséquent, être
ce corps, soit en vertu de l'attraction molé classées d'après la disposition particulière qui
culaire, soit en vertu de la force répulsive a présidé à l'arrangement de leurs molécules.
de la chaleur, revient à sa forme primitive; (Voy. Cristallisation.)
c'est à cette propriété des corps que l'on a La force à laquelle les chimistes ont donné
donné lenomd'e7as(ïci<e.Mais lorsque l'effort le nom d'affinité est l'attraction mutuelle des
dépasse la limite relative au degré d'élasti molécules de diverse nature qui constituent
cité du corps, la déformation continue à sub un corps composé. Cette attraction ne peut
sister après que l'effort a cessé d'agir. Dans être vaincue par aucune action mécanique,
ce cas la cohésion est modifiée; si l'action mais elle cède à l'action de la chaleur ou à
mécanique a rapproché les molécules, la celle d'une affinité plus grande. C'est ainsi
cohésion augmente, comme cela a lieu pour que, lorsque l'on soumet un carbonate de
les métaux forgés ; si l'action mécanique a chaux à une élévation de température, l'af
écarté les molécules, la cohésion diminue, finité de l'acide carbonique pour la chaux
comme cela a lieu pour les fils métalliques diminue jusqu'à devenir nulle, et le gaz acide
soumis à un excès de tension longitudinale. se dégage en vertu de la force répulsive qui
Quand l'intensité de 1 action mécanique est anime ses molécules. La décomposition s'o
ATT (217) ATT
père également lorsque ce carbonate est en tensité beaucoup plus grandes que celles
contact avec l'acide sulfurique, dont l'affinité qu'éprouve l'attraction moléculaire. Il en ré
pour la chaux est plus grande que celle de sulte que l'éqdilibre des molécules des corps
l'acide carbonique pour la même base. solides est slable; car si, par suite d'une dé
L'affinité peut encore être vaincue par formation quelconque, deux molécules sont
l'action de l'électricité, et l'ensemble des phé écartées, la force répulsive décroissant plus
nomènes de ce genre constitue toute une vite que l'attraction moléculaire, celle-ci
science connue sous le nom à' électro -chimie. prend le dessus et ramène les molécules à
Pour rendre compte des différentes cir leur position primitive; si, au contraire,
constances que présente l'attraction molé deux molécules sont rapprochées, l'attrac
culaire, les physiciens et les géomètres ont tion croissant moins vite que la répulsion,
été conduits à considérer cette attraction celle-ci prend le dessus et ramène encore les
comme composée de deux parties : l'une in molécules à leur situation première.
dépendante de la figure des molécules, et qui Il faut admettre en outre que, par suite de
décroît en raison inverse du carré de la dis la forme propre aux molécules d'un même
tance; l'autre dépendante , au contraire, corps, l'équilibre peut êlre stable dans plu
de la forme des molécules, et qui décroît en sieurs positions différentes; et cette suppo
raison inverse d'une puissance plus élevée sition explique comment un corps solide, sou
de la distance. Il résulte de celle supposition mis à un effort de traction plus grand que celui
que la seconde partie décroissant beaucoup qui correspond à sa limite d'élasticité, cesse
plus rapidement que la première lorsque la de revenir à sa position primitive, mais de
distance augmente, pour deux corps situés à meure néanmoins dans un état d'équilibre
une distance finie l'un de 1 autre, quelque moléculaire stable.
petite qu'elle soit d'ailleurs, l'influence des Dans les liquides on admet que les molé
formes moléculaires est lout-à-fait Insensi cules sont siluées à de plus grandes dislances
ble; mais à mesure que la dislance diminue, mutuelles que dans les solides; celte supposi
la seconde partie de l'allraction, croissant tion s'accorde avec ce qu'on saitde ladeusilé
plus rapidement que la première, acquiert et de la cohésion des liquides. On suppose
une influence de plus en plus grande. Dans que l'équilibre a encore lieu entre l'attrac
le premier cas on n'observe que des phéno tion moléculaire et la force attractive de la
mènes de gravitation, soumis aux lois que chaleur, mais que les molécules sont assez
Newton leur a assignées; dans le second cas distantes les unes des autres pour que leur
il se manifeste des attractions moléculaires. forme soit sans influence sensible sur leur
Mais les hypothèses précédentes n'expli attraction. II en résulte que l'équilibre ne
queraient qu'imparfaitement l'intensité de dépend que de la distance mutuelle des cen
latlraclion moléculaire, ou plutôt l'influence tres de gravité des molécules, et que, pourvu
delà forme des molécules sur les attractions que celte distance ne varie pas, elles peuvent
observées, si l'on n'admettait en même temps tourner librement les unes autour des autres,
que ces molécules ont une densité beaucoup et prendre toutes les positions possibles sans
plus grande que celle des corps dont elles que l'équilibre cesse d'avoir lieu.
font partie, et sont, par conséquent, situées Il ne faut point confondre la cohésion des
à de grandes distances les unes des autres par liquides, qui, bien que très faible, existe
rapport à leurs dimensions. Celle dernière néanmoins chez les plus parfaits, avec la vis
supposition s'accorde d'ailleurs avec la con cosité de quelques uns, qui n'est due qu'à ce
traction qui se manifeste dans les corps par que l'influence des formes moléculaires n'y
l'abaissement de la température. est point entièrement anéantie.
Les molécules de tous les corps sont donc Les molécules des gaz doivent être consi
soumises à deux actions réciproques oppo dérées comme situées à des distances mu
sées: l'une attractive, dont nous venons d'ex tuelles encore plus grandes que celles des so
pliquer la nature, l'autre répulsive, qui n'est lides et des liquides. Dans les gaz l'attraction
autre que la chaleur. moléculaire est vaincue par la force répul
On admet que dans les corps solides ces sive de la chaleur; l'équilibre n'existe plus
deux forces sont en équilibre, mais que la pour ces corps qu'autant que leur tendance
force répulsivo de la chaleur éprouve, par expansive est balancée par la résistance des
les variations de distance, des variations d'in vases qui les contiennent.
ATT ( 218 ) ATT
Aucune hypothèse n'a été jusqu'à présent ment l'idée d'un sujet qui les réunit, on con
admise d'une manière générale pour rendre çoit que la nature, aussi bien que l'idée de
compte des phénomènes d'attraction dus à tout être quelconque, se trouve déterminée
l'affinité. Ampère regardait les molécules des par la nature de ses attributs, et que la notion
corps comme composées chacune d'un cer d'une substance devient pour nous plus dis
tain nonihre d'atomes placés dans une situa- tincte à mesure que nous concevons plus
lion analogue à celle des sommets d'un po clairement les propriétés qui lui appartien
lyèdre. Suivant lui, dans les réunions dues à nent (voy. Qualités). Ce nom d'attribut s'ap
la simple cohésion, les molécules sont seule plique de même aux perfections de la nature
ment placées à côté les unes des autres; mais divine, telles que l'éternité, 1 immensité, la
dans les combinaisons dues à l'affinité les loute-puissance, la honte, la justice, etc., qui
molécules élémentaires se pénètrent mutuel ne sont , à quelques égards , que la perfection
lement, de manière à ce que leurs centres de absolue considérée sous différents rapports.
gravité coïncident. Cette hypothèse, conve (Voy. Perfection.)
nablement développée, rendrait parfaite ATTRITION (théol). Ce mot a été intro
ment compte des différences qu'on observe duit dans la langue théologique, au commen
entre la cohésion et l'affinité, ainsi que des cement du xme siècle, par les scolastiques ,
lois de proportion suivant lesquelles s'effec et adopté par l'Eglise au concile de Trente,
tuent les combinaisons chimiques. II. S. pour désigner une sorte de contrition causée
ATTRACTION électrique et magné ordinairement par la considération de la lai
tique. Les corps dans lesquels l'électricité deur du péché, par la crainte des peines de
est développée exercent les uns sur les autres l'enfer, ou par d'autres motifs surnaturels,
une attraction qui agit à des distances assez différents de la charité ou de l'amour domi
considérables. Une action de môme nature nant, qui est le niolil'de la contrition parfaite.
a lieu entre les molécules de fer et l'aimant. Le concile de Trente a décidé que l'altrition
La théorie de ces attractions est exposée est un don de Dieu , un mouvement du Saint-
aux articles Electricité, Aimant, Magné Esprit , et qu'elle dispose le pécheur à rece
tisme. (Voy. ces mots.) voir le pardon dans le sacrement de péni
ATTRAPE-MOUCHE (bot.). Nom vul tence; niais elle doit renfermer, pour être
gaire de plusieurs végétaux funestes aux pe suffisante, la ferme résolution de ne plus pé
tits insectes qui viennent s'y reposer. On a cher, l'espérance du pardon et un amour de
donné ce nom à Vapocynum atidrosœmifolium Dieu au moins commencé. Le concile n'a
et à difiérents Lychnides dont la lige est en point décidé quelle est la nature de cet
duite d'une sorte de viscosité ou de glu à amour; quelques théologiens prétendent que
laquelle les mouches se prennent par les pat ce doit être un amour de charité, quoique
tes, et dont elles ne peuvent se délacher. Dans dans un degré moindre que pour la contri
une autre plante, la dionea muscipula, c'est tion parfaite; le plus grand nombre n'exi
la feuille qui, munie de palettes ciliées à son gent qu'un amour d'espérance, par lequel on
extrémité, se ferme mécaniquement, comme aime Dieu comme auteur de la justification
à ressort, sur l'insecte qui s'y est abattu. La et du bonheur éternel. (Voy. Contrition.)
disposition de la fleur du nerium oleander est ATTROUPEMENT, assemblée illicite et
telle que les petits insectes qui s'introduisent tumultueuse. Les dispositions actuellement
dans la corolle n'en peuvent plus sortir: ils y en vigueur relativement aux attroupements
périssent empoisonnés. sont renfermées dans la loi du 10 avril 1831.
ATTRIBUT (philos.). On appelle ainsi D'après l'article 1" de cette loi, tous les in
les qualités qui tiennent à la nature des êtres, dividus qui forment des attroupements sur les
et qui se distinguent par ce caractère essen places ou sur la voie publique sont tenus de
tiel des modifications produites par des cir se disperser à la première sommation des
constances accidentelles. Ainsi l'étendue et préfets, sous- préfets , maires, adjoints de
l'impénétrabilité, par exemple, sont des at maire, ou de tous magistrats et officiers civils
tributs de la matière , tandis que la rondeur chargés de la police judiciaire, autres que les
ou telle autre figure en particulier n'est qu'une gardes champêtres et les gardes forestiers. Si
simple modification. Comme nous ne pouvons 1 attroupement ne se disperse pas, les somma
connaître la substance qu'au moyen des qua tions sont renouvelées trois fois. Chacune
lités dont la conception renferme nécessaire d'elles est précédée d'un roulement de tam
ATT ( 219 ) ATW
bour ou d'un son de trompe. Les magistrats entraîne l'arrestation du contrevenant et sa
chargés de faire les sommations doivent être condamnation par le tribunal de police cor
décorés d'une écliarpe tricolore. Si les trois rectionnelle à un emprisonnement qui ne peut
sommations demeurent inutiles, il peut être excéder le temps restant à courir pour son
fait emploi de la force. éloignement du lieu où a été commis le délit
Les art. 2 et 3 prononcent diverses peines originaire (articles 5 et 6).
contre les personnes qui , après chacune des 2° Si l'attroupement a un caractère politi
sommations dont il vient d être parlé, continue que, les individus condamnés pour attroupe
raient à faire partie d'un attroupement. Toutes ment à une peine correctionnelle peuvent être
ces personnes doivent être mises en état d'ar interdits pendant trois ans au plus, en tout
restation. Celles qui ne se sont pas retirées ou en parlie, de l'exercice des droits men
après la première sommation sont passiblesdes tionnés dans les quatre premiers paragraphes
peines de simple police portées au chapitre 1" de l'article 42 du Code pénal (article K,.
du livre 4 du Code pénal , c'est-à-dire d'un 3" Les peines portées par la loi du 10 avril
emprisonnement qui ne peut être moindre 1831 sont indépendantes de celles qu'auraient
d'un jour ni excéder cinq jours, et d'une encourues, aux termes du Code pénal, les au
amende depuis i franc jusqu'à 15 francs in teurs ou les complices des crimes et délits
clusivement. Si l'attroupement ne s'est pas commis par l'attroupement. Dans ce cas la
dissipé après la seconde sommation, la peine peine la plus grave est seule prononcée; ce
est de trois mois d'emprisonnement au plus principe général, posé par l'article 365 du
contre ceux qui auraient continué à en faire Code d'instruction criminelle, a été appliqué
parlie. Après la troisième sommation, la peine à la matière spéciale qui nous occupe par
peut être élevée jusqu'à un an de prison; et l'article 11 de la loi du 10 avril 1831. Les ar
de plus, aux termes de l'article 9, toutes les ticles 109 et 110 du Code pénal nous offrent
personnes qui auraient continué à faire par- un exemple de crimes et délits commis par
lie d'un attroupement après les trois somma- attroupement, et dont la perpétration donne
lions peuvent pour ce seul fait être déclarées rait lieu à l'application des dispositions de cet
civilement et so idaireineut responsables des article 11.
condamnations pécuniaires qui sont pronon Les peines encourues par les individus qui
cées pour réparation des dommages causés ne se sont point retirés après la première des
par l'attroupement. Suivant l'article 4, lors sommations prescrites par le législateur sont
que l'attroupement ne s'est point entièrement prononcées par les tribunaux de simple po
dispersèaprèslatroisièmesommation, les chefs lice; dans tous les autres cas la connaissance
ellesprovocateursde l'attroupement sont pu des délits prévus par la loi du 10 avril 1831
nis de trois mois à deux ans de prison. Les in est attribuée aux tribunaux de police correc
dividus porteurs d armes apparentes ou ca tionnelle. Ce principe reçoit cependant deux
chées qui ont continué à faire partie de l'at exceptions : 1" lorsque I attroupement a un
troupement uprès la première sommation sont caractère politique, aux termes de la Charte
passibles de la même peine. L'article 7 or constitutionnelle et de la loi du 8 octobre
donne que toute arme saisie sur uno personne 1830, les prévenus doivent élre renvoyés de
faisant partie d'un attroupement soit, en cas vant la cour d'assises (art. 10); 2° lorsqu'un
de condamnation, déclarée définitivement crime a été commis par l'attroupement, la
acquise à 1 État. connexité de ce crime avec les délits prévus
Les peines dont il vient d'étro parlé peu par la loi du 10 avril 1831 entraîne pareille
vent être aggravées dans trois cas. ment les auteurs ou complices du crime de
1* Si les individus condamnés à une peine vant la juridiction de la cour d'assises. C'est
correctionnelle pour attroupement n'ont pas ce qui résulte des articles 226 et 227 du Code
leur domicile dans le lieu où l'attroupement d'instruction criminelle. Relativement à l'at
a été formé, le jugement ou l'arrêt qui les troupement en matière de contrebande, voy.
condamne peut les obliger, à l'expiration de Contrebande, et en matière de pillage, voy.
leur peine, à s'éloigner de ce lieu à un rayon Communes. Ed. Plisson.
de 10 myriamètres pendant un temps qui ne ATWOOD (Georges), célèbre physicien
peut excéder une année, si mieux ils n'aiment anglais , professeur à l'université de Cam
retourner à leur domicile. L'infraction de bridge, né en 1742, mort en 1806. Il est l'in
celte disposition de l'arrêt ou du jugement venteur d'une machine ingénieuse au moyen
AUR ( 220 ) AUB
de laquelle on démontre les lois do la chute relation avec eux. Bien que celle assertion
des corps (eoy. Pesanteur ). Atwood a écrit soit exagérée, il faut reconnaître pourtant
un Traité sur le mouvement rectiligne et la que les monuments des plus anciens Etats
rotation des corps ; une Analyse d'un cours sur attestent l'existence de la haine ou de la
les principes de la physique, el des Recherches crainte que ces Etats avaient des étrangers.
fondées stir la théorie du mouvement pour dé Eu latin, le mot hostis désigna long-temps
terminer le temps des vibrations du balancier l'étranger et l'ennemi ; les Athéniens trai
d'une horloge. taient peu favorablement les étrangers. Ne con-
AÏYPE (arachn.). Genre d'araignée de damnèrenl-ils pas en effet Thrasybule à une
l'ordre des arachnides pulmonaires, famille des amende de dix talents pour avoir donné ledroit
pileuses du règne animal de Cuv ier. Ces alypes décile au Syracusain Lysias, qu'ils chassèrent
sont très curieuses sous le rapport de leur de leur ville ? Ils n'admettaient chez eux que
organisation et de leurs mœurs (voy. Fileu les hommes bannis à perpétuiléde leur pairie,
ses ). On les rencontre sur les terrains ou ceux qui venaient s'établir à Athènesavec
en pente et couverts de .gazon, où ces ani toute leur famille pour y exercer quelque
maux se creusent un canal ou boyau cylin métier ou quelque industrie; et, dans ces
drique de 7à8 pouces de longueur, et y filent deux cas mêmes, les étrangers étaient privés
un tuyau de soie blanche do même forme el de plusieurs privilèges dont jouissaient les
de même dimension. L'atype dépose dans celle seuls citoyens, et une partie de leur succes
demeure ses œufs, qu'elle enveloppe encore sion appartenait de droit à la république. Se
d'une loile blanche. On n'en connaît qu'une lon Plularque, les Spartiates et la plupart des
espèce, l'atjpe deSuIzer, ou olelère difforme peuples de la Grèce montraient une rigueur
de Walkenaer, qui se trouve aux environs extrême à l'égard des étrangers, dans la
de Paris. crainte qu'ils ne cherchassent à découvrir les
AUBADE (mus.). Concert qui se donne à secrets de l'Etat, ou qu'ils ne corrompissent
l'aube du jour en plein air sous les fenôlros les mœurs des citoyens. Dans les premiers
de quelqu'un. Ce genre de musique était temps de la république romaine, il était dé-
connu des Grecs et se nommait vofio; ôpôpio;. On feuduà tout étranger, même à celui qui vien
lit dans les épitresde M. Lefèvre, ancien pro drait du pays le plus voisin, de s'établir dans
fesseur à Saumur ( liv. 2, p. 2ol ) : Quid sit la ville de ltome sous peine de la vie. On les
mimas in musice nolissimum est; >o/m; ôfGpio; loléra dans la suite; mais ils ne participèrent
erat canlicum quodsub diluculum pro foribus jamais aux privilèges des citoyens. Ils ne
accinebalur. Ilodiè ajiud nos dicilur une au pouvaient par conséquent contracter à lloine
bade, quàd sub albam, id est auroram, edi un mariage légitime ; ils étaient privés de la
soleal. A. P. puissance paternelle sur leurs enfants, du
AUBAINE (droit d). On appelait au- droit de patronage sur leurs clients, du privi
bain, dans l'ancienne jurisprudence fran lège de la prescription et de celui de la milice.
çaise, tout étranger non naturalisé qui habi Ils ne pouvaient ni donner ni recevoir par
tait dans le royaume, soit qu'il y eût fixé son testament : en cas de mort, leur succession
domicile, soit qu'il n'y fît que passer; on appartenait d'abord aux hôtes qui les avaient
donnait aussi le même nom à celui qui était reçus dans leur maison, et dans la suite elle
sorti du royaume, et qui avait renoncé à sa lut déférée au fisc comme bien vacant. Ces
patrie en s 'établissant en pays étranger. On mêmes peuples, toutefois, pensant qu'ils pou-
appe\aiilaubaine,aubaineléouaubanilé, ledroit \ aient tirer de quelques étrangers de grands
en vertu duquel le souverain recueillait la services, se déterminèrent peu à peu à don
succession d'un étranger non naturalisé, ou ner droit de cité à ceux dont la république
qui, étant naturalisé, ne laissait aucun pa pourrait tirer quelque utilité. Mais à Athènes,
rent régnicole, lorsque cet étranger n'avait comme à Rome, on observait pour celte ad
pas disposé de ses biens, soit par donalion mission de rigoureuses formalités. On exami
entre vifs, soit par testament. Quelques écri nait devant le peuple les vertus et le mérite
vains ont fait remonter l'origine du droit de ceux qui sollicitaient le droit de cité. Celle
d'aubaine au temps où les hommes commen information se faisait avec la plus grande sé
cèrent a se former en société ; la crainte que vérité, surtout chez les Romains, qui punis
chaque peuple, dans son enfance, aurait eue saient du dernier supplice ceux qui, sur un
do ses voisins, l'aurait fait renoncer à toute faux exA osé, avaient obtenu le droit de cilé,
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ce qu'ils appelaient crimen peregrinitatis. A Etablissements de saint Louis. Ce chapitre, à
l'exemple des peuples anciens, le droit d'au la vérité, démontre aussi qu'il y avait encore
baine s'introduisit en France et dans tous les à cette époque des provinces où il n'en était
Etals européens. Quelques auteurs ont pré pas de même. Au commencement du xive siè
tendu en trouver la première application en cle, plusieurs seigneurs en France étaient en
France vers le milieu du xne siècle, en haine possession de recueillir la succession des non-
des Anglais; c'est de là, disent-ils, qu'il a été régnicoles décédés dans leurs terres; ce fait
appelé albinatvs, du nom d'Albion porté au est prouvé par une ordonnance do Philippe-
trefois par l'Angleterre. Par représailles , le-Belde 1301.
Edouard III lit plus tard défense aux Fran L'autorité royale rentra successivement et
çais d'habiter l'Angleterre sous peine de la par degrés dans tous les droits dont, pendant
vie. Cette étymologie, basée sur une circon l'anarchie féodale, les seigneurs s'étaient em
stance particulière, est évidemment forcée; parés. Charles VI, dans les lettres-patentes
il est beaucoup plus probable que le mot au- du 5 septembre 1380 adressées à des com
bain est dérivé des mots latins alibi nains, né missaires qu'il avait établis pour la visite des
ailleurs. On distinguait, dans ces temps éloi domaines , dit « qu'il est notoire et a apparu
gnés, deux espèces d'aubains : la première à son conseil , par les chartes, ordonnances ,
était composée de ceux qui quittaient le dio registres, actes et jugements, déclarations et
cèse ou lachàlellenie où ils étaient nés pour usages anciens, qu'en son comté de Cham
aller s'établir ailleurs; la seconde, de ceux pagne lui appartiennent de son droit tous les
qui, nés en pays étranger, venaient (ixer leur biens meubles et immeubles des aubains, en
demeure dans le royaume. On appelait ces quelque justice que ces aubains soient de
derniers mécrus ou méconnu», parce qu'on ne meurants et décèdent, et en quelque lieu que
pouvait croire leurs assertions sur leur ori leurs biens soient situés. » Comme la Cham
gine. Quant aux aubains de la première es pagne était un pays où la servitude de corps
pèce, s'ils ne reconnaissaient pas un seigneur avait lieu , ces lettres- patentes prouvent «pie
dans l'an et jour, ils payaient l'amende au de meilleurs principes commençaient à être
baron dans la chàtellenie duquel ils avaient appliqués, et il demeura bientôt après pour
établi leur domicile, et s'ils décédaient sans constant que le droit d'aubaine était un droit
laisser au baron quatre deniers, tous leurs royal, dont l'effet ne pouvait cesser que par
meubles, après leur décès, lui étaient acquis : des lettres de naturalilé que le souverain
c'est la disposition textuelle des Etablisse seul pouvait accorder. De ce que le droit
ments de saint Louis. Pour l'autre espèce d'aubaine était inhérent à la couronne, il
d'aubains, c'est-à-dire pour ceux qui, nés s'ensuivit qu'il devait être domanial et inalié
en pays étranger, venaient s établir dans le nable ; ainsi l'exemption de ce droit, accordée
royaume, ils étaient traités très durement par le roi, ne pouvait êlrc utile que pen
par les seigneurs sur les terres desquels ils dant son règne ; il fallait, à son décès, en ob
le fixaient ; dans plusieurs provinces, les tenir la confirmation de son successeur. Ce
seigneurs les réduisaient à l'état de serfs ou droit n'était pas cessible , et ne pouvait pas
main-mortables de corps. Lorsque les rois de ser entre les mains d'un seigneur particulier,
France curent affranchi de la servitude de soit par apanage, soit par engagement, soit
corps non seulement lus habitants de leur par échange. Les étrangers résidant dans le
domaine, mais encore ceux des grandes villes, royaume y étaient autrefois sujets à des droits
il» tirent cesser, par rapport aux étrangers, particuliersdans le détail desquels il est inutile
un usage aussi contraire à I humanité, au d'entrer
tes circonstances
ici. De plus,
et selon
on a les
exigé,
besoins
dansdedifféren
l'Etat,
droit des gens, à l'intérêt même du royaume ;
ils prirent les aubains sous leur avouurie ou différentes taxes des étrangers : la première
protection royale. Dès qu'un aubaiu avait re a eu lieu sous Henri , III d'autres se rappor
connu le roi ou lui avait fait aveu, il consa tent aux règnes de Louis XIII et Louis XIV.
crait sa 'franchise et était à l'abri des entre Avant la révolution , tout étranger était ca
prises et des violences des seigneurs particu pable , en France, du droit des gens ; il pou
liers : l'usage même s'établit successivement vait librement vendre, échanger, et en gé
en plusieurs lieux que les aubains ne pour néral passer toute sorte de contrats que ce
raient prendre d'autre seigneur que le roi , droit autorise; il pouvait donner et recevoir
et cet usage est prouvé par un chapitre des entre-vifs ; mais il ne pouvait recevoir ni
AUB ( 222 ) AUB
disposer par testament ou pour cause de de Dunkerque, de Marseille, etc.; en vertu
mort : il vivait libre, mais il mourait serf. Les de traités et de conventions passées avec d s
actes du droit civil lui étaient interdits; par puissances étrangères; enfin, en faveur dei
celte raison , il était incapable de posséder ambassadeurs, des étudiants et des habitant'
soit offices, soit bénéfices; et comme la ca des pays conquis. Un Français qui s'était fail
pacité pour les successions actives et passives étranger ne pouvait plus disposer des biens
est du droit civil, il en résulle ipie tout étran qu'il avait en France, ni succéder à ses pa
ger en était exclu; il était incapable de rents qui y demeuraient , parce qu'on le re
transmettre sa succession , et celle incapacité gardait comme déserteur , et comme tel
élait un des principaux fondements du droit privé de tous les avantages dont pouvait
d aubaine; le prince pouvait seul, par son jouir un citoyen. Les enfants d'un Français,
autorité, effacer le vice qui résultait de la quoique nés en pays étranger, éla:ent réputés
naissance sous une domination étrangère, et Français, pourvu qu'ils vinssent demeurer
habiliter, par des lettres de naluralilé , è en France. Comme les biens qui se trouvaient
participer aux avantages et aux droits dont dans les successions des aubainsappa'rlenaieiit
jouissaient les citoyens dans le royaume. au roi, il n'en pouvait être dû aucun droit.
Mais si un étranger, quoique naturalisé, ne Toutes les contestations relatives aux droits
laissait , pour acquérir sa succession, que des d'aubaine devaient être portées aux cham
enfants nés et demeurant hors du royaume, bres du domaine ; les officiers des bureaux
ou des parents étrangers, celte succession des finances avaient seuls le droit d'apposer
était dévolue au roi à li Ire d'aubaine, et le les scellés chez les aubains décèdes.
seigneur haut-justicier ne pouvait y préten Nous n'avons pas résumé dans cet article
dre, comme bien vacants et à tilre de déshé les principes sur lesquels s'est basé, dans les
rence. Cependant les enfants d'un étranger, autres pays de l'Europe, le droit d'aubaine;
lors même que leur père n'avait pas obtenu ils sont, dans leur généralité, les mêmes à
de lelt es de naluralilé, lui succédaient s'ils peu près que ceux qui jadis régissaient la
étaient régnicoles ; mais un père étranger ne matière en France; ce n'est guère qu'en Al
succédait pas à ses enfants. Un étranger na lemagne qu'ils ont pu subir des modifications
turalisé Français, qui se mariait hors de sensibles. Notre législation nouvelle a aboli
France et y amenait. ensuite sa femme, ne parmi nous le droit d'aubaine, et , par des
pouvait la rendre capable du droit de commu traités successifs , les puissances étrangères
nauté ni la rappeler par son testament. Un l'ont, par réciprocité, aboli à l'égard des
aubaiu qui voulait former quelque demande Français. Voy. E'rp*sir.Ens. A. Syvagxer.
en justice élait obligé de donner, avant d être AUUA1S ( CnARi.ES de Basciii, marquis
cnlendu, la caution judicatum solvi. L'inca d'), né en Languedoc le 20 mars 1686, a
pacité d'un étranger en France était telle laissé un Recueil de pièces fugitives pour ser
qu'il ne pouvait êlreélu supérieur d'aucune vir à l'Histoire de France, qu'il composa
communauté religieuse; qu'un aubaiu rotu conjointement avec Menard. Cet ouvrage a
rier, noble , ou même constitué en dignité, été imprimé à Paris en 1759 , 3 vol. in-V.
ne pouvait posséder aucun honneur, office D'Aubais est mort en 1777.
ou bénéfice dans le royaume avant d'avoir AUltE. On appelle ainsi la robe blanche
obtenu des lettres de naluralilé ou de dispen dont se revêt le prêtre pour célébrer les saints
ses : ces lettres devaient être enregistrées mystères. On en trouve le type dans la robe
par-devant les juges auxquels elles étaient de by*sus du grand -prêtre des Juifs et des lé-
adressées. Le droit d'aubaine recevait plu viles. Il devait par sa blancheur leur rappe
sieurs exceptions que les rois de France ler continuellement la pureté et l'innocence
avaient établies en faveur de certaines pro que le Seigneur exigeait de ses ministres. La
vinces, de certains établissements, et même même raison mystique fit adopter ce vête
en faveur de plusieurs pays étrangers. Ces ment pour les ministres de la loi nouvelle,
exceptions étaient accordées, dans l'intérêt auxquels il devint bientôt exclusivement
du commerce, à certaines classes de mar propre. Tous les clercs le portèrent d'abord
chands, en vertu des privilèges dont jouis en toute occasion, au moins en Italie, en
saient certains établissements et certains France et en Espagne; en Afrique il fut de
lieux , comme aux manufactures de Beau- bonne heure réservé à l'évêque et aux prê
\ais, des Gobelins , etc., aux villes et ports tres comme vêtements ordinaires. Plus tard
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l'incommodité d'un vêtement si long le fit duisent de Paris dans le Jura, les Vosges, le
raccourcir; de là les surplis et les rockets. Doubs, et qui sont continuellement couvertes
Enfin on a fini par ne plus s'en servir que de transports du roulage. On y fabrique éga
dans les fonctions du saint ministère. C'est la lement de la cotonnade et des bonneteries de
robe blanche de toile qu'aujourd'hui l'évoque coton en grand, de la ganterie, de la parfu
met sur le rochet, et le prêtre sur un simple merie, des draps pour la troupe. Il produit,
surplis ou immédiatement sur la soutane pour outre le blanc de Troyes, connu «lans le com
célébrer les saints mystères. Elle est à man merce sous le nom de blanc d'Espugne, des
ches et descend jusqu'à terre ; c'est pourquoi cuirs, pierres lithographiques, marbre, tourbe,
les Grecs l'appelaient poderis et les latins lu- cordes à violon, et de la charcuterie trans
nkatalaris, et puisalba, d'où est venu le nom portée à Paris. Clairvaux, maison centrale
français aube. On a aussi donné le nom d'aube, de force et de correction pour les deux sexes,
albœ, aux vêlements blancs que portaient et l'une des plus anciennes et des plus riches
autrefois pendant huit jours les nouveaux abbayes de France, sur la rive gauche do
baptisés; de là les expressions dominica in l'Aube, a été convertie en une immense fa
albis, feriœ in albis, par lesquels on désigne brique de couvertures de laine, de draps, de
le dimanche de Pâques et les jours suivants; cotonnades, de percales et de colons filés.
tabbalo in albis deponendis , parce que c'é Troyes est le chef-lieu du département et
tait le samedi après Pâques qu'on allait les la résidence de l'évêque ; ancienne capitale
quitter; dominica in albis depositis, parce de la Champagne, elle est située au milieu
qu'on ne les portait plus le dimanche, ap d'une plaine lertile, en partie arrosée par la
pelé depuis Qtiasimodo , des deux premiers Sei'ie. Arcis-sur-Aube est une petite ville riche
mots de l'introït de la messe de ce jour. en filatures. Bar sur-Aube, dont l'origine re
AUBE (Département de l'), formé d'une monte à l'occupation des Gaules par les Ro
partie de la Champagne et de la Bourgogne, mains, conserve des vestiges d'une muraille
borné aunord par le département de laMarne, épaisse qui la défendait, détruite au moyen-
àl'estpar la Haute-Marne, au sud parlaCûle- âge par les troupes d'Attila. Bar-sur-Seine
d'Or et l'Yonne, à l'ouest par l'Yonne et la n'est remarquable que par ses jolies prome
Seine-et-Marne. Sa superficie est d'environ nades et un beau pont en pierre. Brienne,
609,000 hectares, et sa population de 2i6,3G2 célèbre par son Ecole militaire illustrée par
habitants. 11 est divisé en 5 arrondissements Napoléon. N ogent-sur-Seine, jolie ville, près
communaux : Troyes, préfecture, Arcis-sur- de laquelle on conserve les restes du monas
Aube, Bar-sur-Aube, Bar-sur-Seine et No- tère fondé par Abeilard sous le num de Para-
g<nl-»ur-5ei«f,26 cantons et 4ïi communes. clct. Les Riceys, dont le territoire fournit un
Il (ait partie de la 18e division mil. taire, du vin excellent, transporté en Belgique et dans
8e arrondissement forestier, ressortit de la d'autres contrées du Nord ; on porte à 10,000
cour royale et de l'Académie de Paris. Son pièces la quantité expédiée annuellement.
sol, pauvre et peu propre à la culture des AUBE (fer/m.). Sortes de palettes qui,
céréales, est labouré avec des chevaux. Sa dans les roues à eau, reçoivent I impulsion du
partie N.-O., connue sous le nom de Chatn- fluide; leur disposition influe beaucoup sur
?ajne pouilleuse, ne produit guère, dans ses la puissance de ces moteurs. La théorie de
plaines crayeuses, que de l'avoine, du seigle leur tracé sera exposée à l'article Roue hy
il du sarrasin. Dans sa partie S.-E. le terrain draulique. ( Voy. ce mot. )
wl amélioré par une légère couche de terre AUBENAS (Albinatium ) , ville du dépar
végétale qui couvre un fond de craie. On y tement de l'Ardèche, sur une colline domi
cultive en abondance des céréales, et dans nant une magnifique vallée dont l'Ardèche ,
certains canlonsdes vins très renommés, dont rivière , forme en partie le circuit. Elle est
la moitié sort du département. On y élève en ancienne et remarquable par les produits
grand des moutons, des mérinos, des volailles riches et variés do son agriculture ; elle ren
et des abeilles. Ce département possède une ferme en outre de nombreuses fabriques , et
••tendue de 71,161 hectares de forêts à arbres l'industrie y a pris un grand essor. Elle est le
feuillus , 29,908 hectares de vignes. Son re dépôt des soies des parties méridionales de
venu terri. orial s'élève à 12,569,000 fr. Ses l'Ardèche et des parties septentrionales du dé
nombreux débouchés font sa principale ri partement du Gard. A la foire du 17 janvier,
chesse. 11 est traversé par les routes qui con il s'en fait des ventes pour des sommes cou
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sidérables. Elle possède un'tribunal de com deux sortes d'aubergistes: les uns appelés
merce, un collège communal. Elle esta 148 caupones recevaient chez eux les voyageurs;
lieues de Paris et à 322 mètres au-dessus les autres appelés.Uabularii ne recevaient que
du niveau de la mer. Population, 4,900 âmes. les chevaux et les autres animaux de service.
AUBÉPINE mespilus oxycantha {bot.), Celledistinclion est indiquée notamment dans
plante de la famille des rosacées, ayant pour la loi 5 , ff. Nautœ, caupones, slabularii, etc.
caractères : feuilles obtuses, presque trifides, Caupo et stabularius , y est-il dit, mercede%n
dentées en scie. accipiunl; caupo, ut vialores tnaneri in cau-
L'aubépine sert ordinairement à faire des pond patialur ; stabularius , ut permillat ju-
haies; sous ce rapport, c'est l'un des meil menta apud eam stabulari. Une ordonnance
leurs bois que l'on connaisse ; il réussit dans de saint Louis, du mois de décembre 1254 ,
toule espèce de terrain; ses branches entre suivie à diverses époques de plusieurs règle
lacées forment des barrières impénétrables; ments semblables, défendait aux aubergistes
il fournit une bonne récolle chaque fois qu'on de recevoir chez eux des personnes domiciliées
le tond. On peut aussi l'employer à faire des dans le lieu même où leurs auberges étaient
haies sèches. établies. Cette défense a depuis long-temps
Lorsqu'on veut former une haie d'aubépine, cessé d'exiger. Un édit de 1577, renouvelé
on creuse un fossé d'un pied de large sur une plus tard par un autre édit du mois de mars
égale profondeur; on laisse ainsi la terre 1G93, défendait aux aubergistes de s établir
pendant quelque temps (pendant tout l'hiver, dans aucun endroit du royaume sans une
par exemple, lorsqu'on veut faire la planta permission expresse du roi , laquelle s obte
tion au printemps ) ; au moment de planter, nait moyennant finance. Ces édits, qui n'a
on laboure le fond du fossé, afin que les ra vaient qu'un caractère purement fiscal, ne
cines, trouvant une terre meuble, puissent s'y sont plus observés aujourd'hui. Les auber
développer promptement. Ou place le plant gistes ne sont assujettis maintenant qu'au
des deux côtés du fossé, à douze ou quinze paiement du droit de patente, et à l'acquitte
pouces l'un de l'autre, de telle sorte que les ment du droit de licence et des autres droits
plants d'un côté du fossé alternent avec ceux déterminés par les lois sur les contributions
du côté opposé; on coupe alors le plant à un indirectes. — Une foule d'anciens règlements
ou deux pouces du sol ; l'année suivante, on obligeaient les aubergistes à tenir note sur
le rabat à cinq ou six pouces, et ainsi de suite leurs registres des noms, qualités et domi
jusqu'à ce que la haie soit parvenue à sa hau ciles de toutes les personnes qu'ils rece
teur, c'est-à-dire à quatre ou cinq pieds. Ces vaient chez eux. Cette mesure salutaire, qui
ravalements successifs ont pour but de donner avait pour objet de faciliter la surveillance
plus de force aux racines ainsi qu'aux liges que la police exerce sur les voyageurs, a passé
inférieures, et de multiplier les bourgeons dans noire législation nouvelle. L'arlicle 475,
qui doivent remplir l'intervalle entre les n° 2,du Code pénal , ordonne aux aubergistes,
branches. Chaque année, ou au plus tard hôteliers, logeurs ou loueurs de maisons
tous les deux ans, on tond la haie parvenue garnies, d'inscrire de suite et sans aucun
à fa hauteur; sans celte précaution, la haie blanc, sur un registre tenu régulièrement, les
ne larderait pas à se dégarnir ; on la rajeunit noms, qualités, domicile habituel , daled'en-
en la coupant rez terre. Irèe et de sortie de toute personne qui couche
Dans les jardins on cultive depuis plusieurs ou passe une nuit dans leurs maisons. Ils doi
années une variété d'épine à fleurs roses vent représenter ce registre aux époques dé
doubles, originaire de Mahon; on la multi terminées par les règlements , ou lorsqu'ils en
plie en la greffant sur l'aubépine ordinaire. sont requis, aux maires, adjoints, ofGciers ou
Les néfliers, coignassiers, poiriers, peuvent commissaires
mis à cet effet.deLepolice,
défautoud'inscription
aux ciloyenscom-
sur les
aussi élre greffés avec succès sur l'aubépine.
AUBERGISTES (Eist., Jurispr.). On ap registres, ou le refus de les représenter, con
pelle ainsi celui qui tient une auberge, c'est- stitue une contravention de police qui donne
à-dire un lieu destiné à loger et nourrir les lieu contre les aubergistes à une amende, et
voyageurs et leur suite. Dans les grandes vil même à un emprisonnement , en cas de réci
les, les auberges prennent le nom d'hôtels dive. D'après l'article 73 du même code, les
garnis, et ceux qui les tiennent se nomment aubergistes et hôteliers convaincus d'avoir
hôteliers. Les lois romaines distinguaient logé plus do vingt-quatre heures quelqu'un
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qui pendant 6on séjour aurait commis un majeure. — Le dépôt fait par les voyageurs
crime ou un délit sont civilement responsa dans les auberges étant considéré comme un
bles des restitutions, des indemnités et des dépôt nécessaire , la preuve par témoins
frais adjugés à ceux à qui ce crime ou ce dé peut en être reçue, même quand il s'agit
lit aurait causé quelque dommage, faute d'une valeur au-dessus de 150 francs. C'est
par eux d'avoir inscrit sur leurs registres le la disposition textuelle des art. 1348 et 1950
nom, la profession et le domicile du coupable. du Code civil , conçus dans le même esprit
Cette dernière disposition n'est également que que l'article 4, litre 20, de l'ordonnance da
la reproduction de l'ancienne jurisprudence. 1667. S'il n'était pas possible de constater au
Les logeurs et aubergistes qui inscrivent trement la valeur des effets perdus ou volés,
sciemment sur leurs registres, sous des noms le juge pourrait déférer au voyageur le ser
faux ou supposés, les personnes logées chez ment in litem, ainsi que le prescrit l'art iclo
eux, sont punis d'un emprisonnement de six 1369, en déterminant, dans ce cas, la somma
jours au moins et d'un mois au plus. ( Code jusqu'à concurrence de laquelle le voyageur
pénal, art. 154. ) — Plusieurs anciennes or serait cru sur son serment. Du reste, on a dé
donnances avaient réglé le prix des aliments cidé avec raison , antérieurement et posté
que les aubergistes fournissent à leurs liâtes; rieurement au code, que l'aubergiste n'était
ces ordonnances ne tardèrent pas à tomber pas responsable de la perte d'effets précieux
en désuétude, ainsi que d'autres règlements , qui ne lui avaient pas été montrés, et qu'il
non moins sages, qui défendaient aux auber n'aurait pu vérifier, surtout si le voyageur
gistes de donner du gras les jours maigres et avait une armoire fermée à clef, dout il n'a
pendant le carême. — Les lois romaines éta vait pas fait usage. — Suivant l 'art. 386 du
blissaient une responsabilité rigoureuse con Code pénal, les aubergistes, les hôteliers, ou
tre les aubergistes, relativement aux effets leurs préposés, qui volent toutou partie des
des voyageurs qu'ils reçoivent chez eux. 11 choses qui leur étaient confiées à ce titre ,
y avait à cet égard une disposition expresse sont passibles de la peine de la réclusion. —
dans ledit des préteurs. Le jurisconsulte Ll- La plupart des anciennes coutumes accor
pien nous en a conservé les termes dans un daient un privilège aux aubergistes, pour lo
fragment de ses écrits qui se trouve inséré paiement des dépenses faites dans leurs mai
dans le Digeste. Ait prœlor: Nautœ ,cauponfs, sons, sur les effets appartenant aux voya
tlabularii, quod eujusque talvutn reetperint , geurs et déposés entre leurs mains. Ce pri
nui restituant, intos judicium dabo. Celte res- vilège est maintenu par l'article 2102, n° 5,
ponsabilitèétait fondée sur la confiance néces du Code civil. 11 est classé au nombre des pri
saire que les voyageurs accordent aux auber vilèges spéciaux sur certains meubles. — Les
gistes. Majcima est militai hujus edicti, ajoute aubergistes qui, obligés à l'éclairage, l'ont
le jurisconsulte que nous venons de citer, quia négligé, sont punis d'une amende, depuis un
recette est plerunique eorum (idem sequi et res franc jusqu'à cent francs inclusivement (Codo
mtodiœ eorum committere. — Ces principes , pénal, art. 471 , n° 3 ). Ed. I'i.isson.
consacrés par l'ancienne jurisprudence fran AL'BEKY (Antoine), né à Paris le 18 mai
çaise, ont été conservés avec soin par les ré 1616, mort le 29 janvier 1695. D'abord avo
ducteurs du Code civil. L'article 1952 de ce cat au conseil, il négligea les fonctions de sa
code déclare que les aubergistes et hôteliers charge pourse livrer exclusivement à l'étude
sont responsables , comme dépositaires, des des langues, de l'histoire et de la littérature.
effets apportés par le voyageur qui loge chez Sa vie lut celle d'un Bénédictin au milieu de
tux, et que le dépôt de ces sortes d'effets doit la capitale; aussi les circonstances en sont
iIre regardé comme un dépôt nécessaire. Les totalement inconnues. Un distingue parmi
srt. 1953et 1954 déterminent la manière dont ses nombreux ouvrages, sans importance au
la responsabilité doit avoir lieu. Les auber jourd'hui : 1. Y Histoire générale des cardi
gistes sont responsables du vol ou du dom naux depuis Léon IX, 1642-49; II. VHis-
mage des effets du voyageur, soit que le vol toire du cardinal de Richelieu, 1660, in-folio,
»it été commis ou que le dommage ait été 1666, 2 vol. in-12; III. V Histoire du cardi
«■ausépar les domestiques et préposés de l'hô nal Mazarin, depuis sa nais ance jusqu'à sa
tellerie, ou par des étrangers allant et venant mort, tirée pour la plupart des registres du
dans l'auberge. I s ne sont pas responsables parlement de Paris. 1695, 2 vol. in-8°; 1751,
dis vols faits avec force armée ou autre force 4 vol. in-12. Cette histoire, qui pèche par
Encycl. du XIX' tiècle, t. IV. 15
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l'exactitude, renrerme cependant des docu inédits, et parunpoëme de six cents vers qui
ments qu'on ne trouve pas ailleurs. fut imprimé. Bientôt après le jeune Hédcliu
AUBESPINE (Claude de h'), baron du embrassa la carrière du barreau ; mais étant
Châteauneuf, secrétaire d'État , et l'un des venu à Paris il se dégoûta des affaires et prit
plus habiles négociateurs de l'Europe dans le l'habit ecclésiastique Ce fut alors qu'il devint
xvie siècle, vécut sous François 1er, Henri II, précepteur du jeune duc de Frousac, neveu
François II et Charles IX. Sa famille habitait du cardinal de Richelieu. Sa conduite et ses
laBourgogne. En 1545, François I" l'envoya talents ne lardèrent pas à lui concilier la
conclure la paix de Hardelot avec les Anglais, bienveillance du cardinal ; il eu ressentit bien
et en 1555 Henri II le nomma pour assister tôt les effets, et fut pourvu de l'abbaye d'Au-
aux conférences de la Mark. 11 travailla plus bignac, dont le nom lui est resté, et peu après
tard, en qualité de plénipotentiaire de France, de celle de Mainac. Une position aussi bril
au traité du Cateau-Cambrésis. Eu 1559 il lante le lia avec tous les beaux-esprits du
était aux états de Paris, et l'année suivante vaux
temps.littéraires,
Dès lors ilets'occupa
comme ilbeaucoup
élail assez
demor
tra^
à l'assemblée de Fontainebleau. Il mourut
en 1567 de la vive douleur qu'il ressentit dant dans sescriliques, il se fit de nombreux
do n'avoir pu ramener à l'ordre le prince ennemis. C est ainsi qu'il se brouilla avec Mé
de Coudé et plusieurs chefs des huguenots. nage et avec Corneille. Ces querelles donnè
Il était le conseiller intime de Catherine de rent lieu à diverses brochures; celle qu il pu
Médicis. blia contre Ménage porte pour titre : Térenre
AUBIER (physiol.végét.), portion du corps justifié, ou deux dissertations sur la troisième
ligneux qui n'est pas encore parvenu à toute comédie de Térence intitulée Heautontimom-
sa dureté, et qui présente ordinairement une menos, contre les erreurs de maître Gille Mé
teinte peu foncée. nage, avocat en parlement. Sa polémique lit
La couche d aubier varie suivant les diflé- téraire avec Corneille fut plus violente et finit
renls arbres : tantôt elle est très considéra même par dégénérer en invectives. L'abbé
ble, et l'arbre entier semble n'être composé d'Aubignac publia contre lui deux disserta
que d'aubier; tels sont les peupliers, les sau tions concernant le poème dramatique, en forme
les, les arbres verts, les bouleaux, etc.; tan de remarques sur les tragédies de M. de Cor
tôt, au contraire, l'aubier n'occupe qu'un es neille, intitulées Sophonisbe et Sertorius. Cor
pace très limité dans la circonférence de neille répondit, et notre abbé répliqua par
l'arbre,, par exemple dans les chênes. deux autres dissertations concernant la tra
On a essayé à diverses reprises d'établir des gédie de M. Corneille intitulée OEdipe, et ré
corrélations directes entre l'aubier et le bois; ponse à ses calomnies. En même temps il se
mais le sol, le climat, l'âge de l'arbre exer livrait a des travaux de plus longue haleine.
çant une grande influence sur la production Nous nous réservons d'en parler à la notice
de l'aubier, il n'a pas été possible d'établir à sur ses ouvrages. Cependant un grand mal
cetégarddes calculs exacts; on saitseulement heur vint le frapper •- il perdit le duc de Frou
que c'est dans les sols gras et humides, dans sac, tué en mer d'un coup de canon, à l'âge
les expositions froides et ombragées, ainsi de 27 ans. Celte perte fut pour lui comme un
que dans le premier âge de 1 arbre, que l'au coup de foudre; elle le plongea dans une telle
bier est le plus abondant. douleur qu'il renonça à toute pensée d'ambi
Les bois où l'aubier domine étant très su tion et se relira de la cour. Pour se distraire
jets à être attaqués par les insectes, sont ordi un peu il se livra plus que jamais à la culture
nairement négliges dans les constructions. des belles-lettres. Son existence était indé
AUBIGNAC (François Hédelin d) na pendante. Outre ses abbayes il avait du duc
quit à Paris le 17 mars 1592, et non pas le 4 de Fronsac une pension de 4,000 livres qui
août 1604, comme le dit la Biographie uni lui fut toujours régulièrement payée. Il put
verselle. 11 était fils de François Hédelin, donc se livrer à ses goûts, et ne fréquenta
avocat au parlement de Paris, et de Catherine plus que les cercles littéraires. Il s'en tenait
Paré, fille du célèbre chirurgien Ambroise même un chez lui qu il voulut ériger en suc
Paré. Son père ayant acheté la charge de cursale de l'Académie. Il adressa à cet effet
lieutenant-général, l'emmena fort jeune à un discours au roi , cl fil des démarches au
Nemours. Pendant qu'il y faisait ses études il près du dauphin; mais il ne put réussir dans
«e lit connaître par plusieurs disco'TS restés son projet. Vers la fin de ses jours, l'abbé d'Au
AUD (227 ) AUB
Lignac voulut jouir d'une retraite encore la fin de 1550, un vieux soldat et un jeune
plus complète; il revint à Nemours et y mou enfant passaient sous les murs d'Amhoise, et
rut le 25 juillet 1676. Voici la liste de ses prin traversaient la foule occupée à regarder les
cipaux ouvrages : I. De la nature de» satyres, têtes des conjurés attachées aux créneaux do
brutes, monstres et démons, Paris, in-8°, 1627; la ville. L'homme de guerre, reconnaissant les
II. Pratique du théâtre, 1657 ou 1669, in-4°. cadavres de ses amis les plus chers , s'écria :
Il y travailla toute sa vie, et joignit à une < Les bourreaux ! ils ont décapité la France !»
des dernières éditions un chapitre Sur les dis Puis posant sa main sur la tête de l'enfant :
cours de piété dans les tragédies. La Harpe a « Mon fils, il ne faut point épargner ta léte,
fait de cet ouvrage une critique très sévère. après la mienne, pour venger ces chefs pleins
III. Zénobie, 1647, in-i". Cette tragédie, asseï d'honneur; si tu t'y épargnes, tu auras ma
mauvaise et Tort rare aujourd'hui, donna lieu malédiction. » Cet enfant, c'était Théodore-
à un mot spirituel du prince de Condé. Comme Agrippa d'Aubigné.
d'Aubignac se vantait d'être le seul qui eût D'Aubigné, fils de Jean d'Aubigné, seigneur
suivi les règles d'Aristote : « Je sais bon gré de Brie en Saintonge , et de Catherine Les-
» à l'abbé d'Aubignac, dit le prince, d'avoir tang, naquit en l'hôtel Saint-Maury, près de
• si bien suivi les règles d'Arislote; mais je Pons , le 8 février 1550. Sa naissance coûta
> ne pardonne point aux règles d'Aristote la vie à sa mère , et cette circonstance lui fit
» d'avoir fait faire une aussi mauvaise tragé- donner le nom d'Agrippa : quasi agrèparlus.
• die à l'abbé d'Aubignac. » IV. Histoire du Il montra . dès sou enfance , toute la por
temps, ou relations du royaume de Coquetterie, tée de son esprit et toute la vigueur de son
txtraite du dernier voyage des Hollandais aux caractère. Confié par son père aux soins
Indes du Levant. Cette allégorie brouilla d'Au d'un maître sévère et plein d'ardeur , il lit
bignac avec madame de Scudéry , parce ses études au pas de course. A six ans il lisait
qu'elle prétendit qui! c'était une imitation de le latin, le grec et l'hébreu j à sept ans et
la carie du Tendre décrite dans la Clélie. demi il avait traduit le Criton, que bon nom
V. Macarie, ou la reine des xlts Fortunées, bre de nos élèves n'ont pas lu à vingt. Cetlo
histoire allégorique concernant la philosophie étonnante précocité le condamnait , suivant
morale des stoïques sous le Voile de plusieurs le proverbe, à mourir jeune; il y donna un
menturcs agréables en forme de roman, 1664, long démenti en poussant sa carrière jusqu'à
2 vol. in-8*. Cet ouvrage, entrepris pour l'in quatre-vingts ans. Il avait à peine dix ans
struction du duc de Fronsac, ne fut pourtant lorsque , forcé de quitter Paris pour fuir la
publié qu'après sa mort. Kichelet, qui le loua persécution, il futarrétéavec ses compagnons
d'abord, se déchaîna ensuite contre lui et en à quelques lieues de Fontainebleau. Tous fu
voya à d'Aubignac l'épigramme suivante : rent condamnés à périr ; mais le courage et la
Hédclin , c'est a tort que tu te plains de moi ; gentillesse du jeune d'Aubigné le sauvèrent,
N'ai-je pas loué ton ouvrage ? lui et ses compagnons. Le geôlier s'attendrit
Pouvois-je faire plus pour toi
Que de rendre un faux témoignage ? à l'idée du voir périr un enfant si courageux
en présence de la mort, et qui dansait la gail
Boileau, tout jeune encore, fit ceux-ci pour
larde avec tant de grâce à quelques pas du bû
être placés
Lâchesenpartisans
tête dud'Epicure,
roman :
cher : il fit évader les prisonniers et les guida
dans leur fuite.
Qui , brûlant d'une flamme impure , D'Aubigné perdit de bonne heure son père,
Du portique fameux fuyez l'austérité ,
Souffrez qu'enfin la raison vous éclaire ; qu'il pleura amèrement. Il était trop jeune
Ce roman, plein de vérité, pour succéder à ses emplois , et les biens du
Dans la vertu la plus austère défunt étaient trop grevés pour qu'il pût
Vous peut faire aujourd'hui trouver la vérité. songer à les recueillir. Celle mort le laissa
L'abbé d'Aubignac jouit pendant long sans protecteur et sans autres ressources que
temps d'une assez grande célébrité. Les criti quelques débris de la fortune de sa mère,
ques de son temps le regardaient comme un qu'un tuteur infidèle ne larda pas à détour
!*au génie. La postérité n'a pas sanctionné ner. Pendant son adolescence la fougue de
««jugement, et le nom de l'abbé d'Aubignac ses passions l'éloigna des études classiques ,
ne trouve plus de place que dans un diction que d'ailleurs Pindarc lui fit prendre en dé
naire biographique. A. de Reaufort. goût. Son cœur se tourna vers la guerre; mais
Al'BIGNÉ (Tuéodore-Agkippa d'). Vers un parent d'humeur pacifique le mit sous clef
a un ( 228 ï AtlB
pour arrêter l'essor de Bon ardeur marlialo. , Non seulement d'Aubigné réfuta d'entrer
Tous les soirs ou lui enlevait ses vêlements, dans les galanteries de son maître , mai» il
qu'on ne rapportait que le lendemain. 11 ne lui donna encore de sages conseils lorsque co
pouvait sortir de sa prison que parla fenêtre prince fut tenté do tenir la promesse de ma
et en chemise; mais il voulait sortir! Ce que riage qu'il avait faile à la comtesse deGui-
jeune homme veut, Dieu le veut. Les draps che. Ses nobles remontrances méritent d'être
de son lit lui servirent d'échelle. Le voilà li conservées. « Vous êtes possédé d'un amour
bre, mais sans vêtement. C'est dans cet équi violent, il ne faut plus délibérer sur les
page qu'il atteignit de nuit une compagnie moyensd'éteindre cet amour dans votre cœur;
de cavaliers huguenots ; on se cotisa pour cou mais il est permis de dire que , pour jouir do
vrir sa nudité. Le capitaine le prit en croupe, vos amours, vous devez vous rendre digne do
et c'est ainsi qu'il entra en campagne. « Au votre maîtresse, c'est-à-dire qu'il faut quo
moins, dit-il , je n'accuserai pas la guerre de votre passion vous serve d'aiguillon pour em
m'avoir dépouillé. » Celui qui débutait ainsi brasser sérieusement le soin de vos affaire?.
donnait déjà la mesure de son courage et de Ce doit être là votre premier but ; il y va do
sa gaillardise. tout pour vous, aul Cœsar, autnihil. Rendez-
La vie militaire de d'Aubigné est pleine de vous assidu dans votre conseil, que vous
traits d'un incroyable héroïsme; on croit lire abhorrez; employez plus d'heures dans la
un roman de chevalerie ; soit dans les duels, journée aux affaires nécessaires; donnez la
soit dans les combats, il ne compte jamais ses préférence en toute occasion aux actions es
adversaires ; il rejette avec dédain les cottes sentielles; tâchez de surmonter les faiblesses
d'armes et les cuirasses , et souvent il se jetle que vous avez dans votre domestique, et qui
dans la mêlée avec le simple appareil qu'il ne vous font pas honneur; et puis, quand
portait à son début. Mais ce téméraire était vous aurez captivé le cœur de tous les Fran
homme de bon conseil ; il avait réfléchi avant çais et que vous aurez assuré votre vie et
de se précipiter, et ce qui paraissait l'extra votre fortune , vous pourrez alors, si vous le
vagance d'un esprit chevaleresque n'était que trouvez bon. faire ce qu'ont fait tous ceux
l'emportement d'une inflexible résolution. dont vous venez d'alléguer les exemples.
Henri de Navarre ne tarda pas à le remar Monsieur est mort, vous n'avez plus qu'un
quer et se l'attacha comme éeuyer : on di degré à monter pour parvenir jusqu'au trône
rait aujourd'hui aide-de-camp. Rien de plus de la France; ne faites point présentement à
singulier que les relations du prince et de demi, par une crainte frivole de donner une
l'écuyer; ils ne pouvaient ni s'entendre ni se jalouse envie contre vous, ce que vous pou
séparer; c'étaient les éternelles brouilleries et vez faire en entier. Si vous avez un pied levé
les réconciliations d'un amant et de sa maî pour saillir au lieu où vous aspirez avant
tresse. Dans ses moments de dépit d'Aubigné qu'il soit vide, un coup vous portera par terre;
songeait à aller se mettre au service de quel si le même pied se trouve encore en l'air
que prince d'Allemagne ou de quelque répu quand il n'y aura plus personne , en un mot,
blique d'Italie; mais sa résolution ne tenant si dans ces conjonctures vous devenez l'époux
pas, il se rengageait bientôt plus avant que de votre maîtresse, vous vous barrez pour
jamais sur une parole ou sur un sourire du jamais le chemin qui peut vous conduire au
Béarnais. Henri de Navarre était jaloux , trône de la monarchie française. » Henri de
sordide , débauché; il aurait voulu que son Navarre promit de ne rien conclure avant
éeuyer eût moins d'esprit et de valeur, qu'il deux ans. Un délai de deux ans donnait gain
le servît dans ses amours et qu'il vécût de de cause à d'Aubigné, car il n'en fallait pas
peu. D'Aubigné ne pouvait ni modérer son tant au Béarnais pour changer d'avis et de
courage ni retenir sa langue fertile on bons maîtresse. Par cette victoire obtenue sur la
mots ; sa fierté se refusait au rôle indigne que folle passion de Henri , d'Aubigné prépara le
Henri imposait volontiers à ses favoris, car dénouement de nos guerres civiles, car il est
celui-ci prisait plus les services en amour que bien douteux que Henri IV eût pu faire préva
ceux de la guene; la galanterie lui tenait loir ses droits si la Ligue eût pu lui opposer,
plus au cœur que la gloire. Jamais il ne put outre le crime d'hérésie, le scandale d'une
obtenir l'entremise de d'Aubigné pour le suc mésalliance.
cès de ses intrigues; il lui fallut chercher ail Les conseils de d'Aubigné épargnèrent à
leurs les pourvoyeurs de ses plaisirs. son maître une faute politique dans une grave
AUB ( 229 ) a un
circonstance. En 1585, lorsque les préten l'autre, qui sommeillait, répondit : «Que
tions du la Ligue divisèrent en deux grandes dis-tu, d'Aubigné?» Le roi, qui avait en
fractions le parti catholique, les conseillers du tendu ce dialogue : « 11 dit que je suis un la
roi de Navarre l'engagèrent à fondre son ar dre vert, et le plus ingrat mortel qui soit sur
mée dans celle de Henri III , pensant que la terre. •• L'écuyer resta un peu confus, mais
celle soumission, qui devait donner gain de son maître ne lui en fit pas plus mauvais vi
cause à la royauté , l'enchaînerait par la re sage le lendemain ; aussi nu lui en donna-l-il
connaissance aux intérêts du parti protes pasQuoique
un quartl'ingratitude
d'écu davantage.
du Béarnais
» mît le
tant. Cette motion de désintéressement che
valeresque allait réunir la majorité des suf dévouement de d'Aubigné à de rudes épreu
frages , lorsque d'Aubigné Gt entendre les ves, le roi n'en avait pas moins toute con
conseils d'une politique plus prudente ; il fiance dans la fidélité de son écuyer; il mit
montra qu'en cessant d'être redoutables, sous sa garde son vieil oncle , le cardinal de
les projeslan's se livreraient pieds et poings Bourbon, qu'il fit transférer de Chinon à
liés à l'ingratitude de la cour. « Devenons Maillezais, dont d'Aubigné était gouverneur.
capables, s ecria-t-il , de servir le roi à son La duchesse de Betz tenta le gouverneur par
besoin et de nous servir au nôtre , et puis les promesses les plus séduisantes ; s'il voulait
ployer devant lui, quand il sera temps, nos laisser fuir son prisonnier, on lui offrait deux
genoux tout armés , lui prêter le serment en cent mille écus ou le gouvernement de Bello-
tirant la main du gantelet, porter à ses pieds Islc avec cinquante mille écus. D'Aubigné fit
nos victoires et non nos étonnements Le à celte offre une réponse digne d'un héros do
prétexte sur lequel nos ennemis ont échappé l'ancienne Borne : « Le second parti que l'on
à leur roi est pour nous sauter au collet ; il m'offre me conviendrait mieux pour manger
est nécessaire que le respect de nos épées les en paix et en sûreté le pain de mon infidé
arrête, puisque le sceptre ne le peut : ôtons- lité ; mais comme ma conscience me suit par
leur la joie et le prolit de la soumission que tout de très près, elle s'embarquerait avec
nous voulons rendre au prince. Je conclus moi quand je passerais dans cette île, et me
ainsi: si nous nous désarmons, le roi nous causerait un perpétuel remords. »
méprisera; notre mépris le donnera a nos D'Aubigné vit avec douleur la conversion
ennemis; uni avec eux, il nous attaquera et de Henri IV; il se résigna cependant, parce
ruinera désarmés; ou bien, si nous nous ar qu'il comprit que, même après son abjura
mons, le roi nous estimera; nous estimant, tion , ce prince demeurait le défenseur natu
il nous appellera; unis avec lui , nous rom rel des intérêts de la réforme. Toutefois une
prons la tête à ses ennemis.» { Histoire univer- boutade prophétique nous montre qu'il ne
«He, tom. II, liv. v, chap. vi.) Cette élo pardonnait pas à son maître le parli qu'il
quence du bon sens entraîna le roi de Navarre, avait pris. La première fois qu'il revit ce
qui s'écria : a Je suis a lui.' » Il aurait pu prince après son abjuralion, ce prince lui
ajouter : « Et à moi ; » car, en suivant l'avis montra la cicatrice qu'avait laissée sur sa lè
contraire, Henri cessait de s'appartenir et vre le couteau de Jean Châtel, ce précurseur
ruinait toutes ses espérances. de Bavaillac; d'Aubigné ne feignit pas' de
Malgré tant de services rendus dans les con dire : «Sire, vous n'avez encore renoncé Dieu
seils comme sur le champ de bataille , d'Au que des lèvres , et il s'est contenté de les per
bigné n'obtenait le prix ni de son éloquence cer; mais si vous le renoncez un jour du
ni de son courage. Son maître le tenait toujours cœur, alors il percera le cœur. » D'Aubigné
dans une position subalterne et ne le payait élait si fortement convaincu que la destinée
ni par avancement ni par largesses. D'Aubi du roi dépendait de son attachement à la foi
gné s'en plaignait sans rien obtenir. Une des réformés que lorsque ce prince lui eut
anecdote mettra dans tout son jour le carac dit un jour : « Ne vous y trompez plus,
tère du prince et de son écuyer; je l'emprunte d'Aubigné, je tiens ma vie temporelle et
aux Mémoires : « Le compagnon (d'Aubigné) spirituelle entre les mains du pape, que je
se trouvant couché dans la garde-robe de son reconnais pour véritable vicaire de Dieu,»
maître avec le sieur de l.a Force, il lui dit à celui-ci vit dans celte profession de foi le
plusieurs reprises : « La Force , notre maître signe de la vanité des grands desseins qu'il
esl un ladre vert, et le plus ingrat mortel méditait contre l'Espagne et l'annonce de sa
1" il y ait sur la face do la terre. » A quoi mort prochaine. La prédiction qu'il avait
Aun ( 2W ) ATJB
faite lui revint h la mémoire, et lorsqu'il faire un empereur des chrétiens qui de sa
apprit le crime de Ravaillac, qui, disait-on, menace arresleroit les Turcs, pour reformer
avait frappé le roi à la gorge, il affirma qu'on l'Italie , dompter l'Espagne, reconquérir et
se trompait et que le meurtrier avait percé faire trembler l'univers. » Ces lignes éton
le cœur. nantes nous font encore saigner le cœur après
Lorsque la transaction politique et reli deux siècles écoulés au souvenir de tout ce
gieuse qui mit fin aux guerres civiles se fut que le stupide aveuglement d'un fanatique a
accomplie, d'Aubigné ne réclama point le détourné de gloire et de prospérité au détri
prix de ses services ; il conserva le gouver ment de la France.
nement de Maillezais , qu'il fit fortifier, et qui Après la mort de son maître, d'Aubigné
protégeait La Rochelle comme un poste résista aux avances de Marie de Médicis, qui
avancé. Il parut rarement à la cour, quoiqu'il essaya de le détacher de la cause à laquelle
y fût bien reçu. Henri IV eut un moment la il avait consacré toute son énergie. Son ar
pensée de l'envoyer en Allemagne comme deur ne se ralentit pas : prévoyant les dan
ambassadeur extraordinaire, mais il y re gers qui menaçaient son parti , il acheta, dans
nonça lorsqu'il eut formé le grand dessein le voisinage de Maillezais, la place du Doi-
qu'il allait acoomplir lorsqu'il tomba sous le gnon, qu'il mit à l'abri d'un ooup de main.
poignard de Ravaillac. D'Aubigné avait été Par là il plaçait des points de résistance des
le conGdent de ces vastes projets, dont il a si tinés à protéger La Rochelle, ce dernier
bien exposé l'ensemble à la fin de son His boulevard de la réforme. H repoussa les offres
toire universelle , et il devait s'associer à leur séduisantes qui lui venaient de la cour, s'il
exécution du côté de l'Espagne en armant voulait consentir à céder ses places forte».
quelques vaisseaux de guerre qui auraient Enfin, voyant que sa voix était méconnue
croise sur les côtes et fourni des vivres à l'ar dans les conseils des protestants, il résigna son
mée française. D'Aubigné avait alors , outre poste au duc de Rolian sans trahir ses croyan
son gouvernement, le litre de viee-amiral ces et sans renoncer à servir son parti. Il se
des cotes d'Anjou et de Saintonge. La mort relira à Saint-Jean-d'Angely pour s'y délas
de Henri IV ruina les espérances de la France ser par des travaux littéraires. La publication
et ajourna l'abaissement de la maison d'Au de son Histoire universelle souleva contre
triche. D'Aubigné fut inconsolable de celte lui un violent orage ; le livre fut brûlé à
mort qu'il avait prévue; l'amour-propre du Paris par la main du bourreau. Pensant que
prophète ne fit point taire la douleur du ci le supplice de l'ouvrage n'était qu'un pré
toyen. Et comment aurait-il pu se consoler liminaire et que le feu pouvait aller do
lorsqu'il voyait l'avenir de la France frappé l'écrit à l'auteur, d'Aubigné prit le parti de
dans son roi et s'évanouir comme un rêve le chercher un asile hors du royaume.
long espoir de gloire et de puissance qu'il en D'Aubigné n'était pas seulement un homme
trevoyait pour son pays?Car, nous dit-il dans d'action sur le champ de bataille, homme de
sou admirable langage , « le roi , au fourbir sens dans les conseils politiques, mais profon
de ses armes , donna la crainte où il n'avait dément versé dans la théologie, il portait la
plus l'amitié ; ses sages voisins jugèrent où supériorité de son esprit dans les conférences
alloit le dessein par le mérite du dessei- religieuses. Au synode tenu àSaint-Maixent,
gnant , mesuraient ses pensées à sa puis il releva le courage des religionnaires ; pen
sance , et des succès passés se résol voient de dant les conférences qui précédèrent la con
contribuer aux victoires qui ne se pouvoient version de Henri IV, il ne craignit pas d'en
arrêter. Le consentement des peuples, qui est venimer l'esprit de son maître et celui de
bien souvent la voix de Dieu , sembloit pro la cour par son énergique résistance. Il ne
mettre sa bénédiction. Les nations avoient s'inquiéta point d'attirer sur lui toutes les
posé leurs haines et vouloient arraoher leurs haines en disputant le terrain avec acharne
bornes pour l'amour de Henri. Les Alle ment et d'acquérir parmi les siens le surnom
mands s'armoient à la françoise pour com de Roue du désert. En 1600 , à la conférence
battre de même; le prince d'Anhalt, fait leur de Fontainebleau, il prêta l'appui de sa pa
chef, vouloit se montrer maître sous celui qui role à Duplessis-Mornay contre l'évêque d E-
lavoit enseigné; le marquis de Brandebourg vroux, cardinal Duperron. Ses arguments
épuisoit la noblesse de Poméranie et les Suis mirent l'esprit du prélat dans un tel embar
ses leurs rochers immobiles , tout cela pour ras , si l'on en croit d'Aubigné, « qu'il lui en
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tomba du front , sur un manuscrit de Chry- protestants, et il négocie avec l'Angleterre
toslôme, de grosses gouttes d'eau qui fu pour prévenir la chute do La Rochelle. Mal
rent remarquées de toute l'assemblée. » Sept gré le succès de ses négociations , le boule
nus après d'Aubigné intervint comme mé vard de la réforme tombe devant les armes
diateur entre Dumoulin et Duperron, qui et le génie de Richelieu. Ce désastre ajouta
tentaient de reprendre l'œuvre de rappro de poignantes douleurs aux misères de l'exil,
chement déjà essayée vainement au colloque qui furent comblées par les désordres de l'aîné
<!ePoissy par Théodore de Bèze cl par le car de ses fils, Constant d'Aubigné, sur lequel
dinal de Lorraine. Ce second essai ne fut pas reposaient toutes ses espérances.
(■lus heureux que le premier. Au commen Il faut dire quelques mots de ce fils indigne,
cement de la régence, à l'assemblée de Sau- que la nature avait doué des plus heureuses
innr, le duc de Bouillon fit une harangue pa dispositions. Une éducation forte et brillante
thétique pour engager les protestants à se avait développé les rares qualités de son es
dessaisir de leurs places de sûreté en sa fon prit, mais la fougue des passions emporta sa
dant sur la bonne foi du gouvernement et sur jeunesse dans les plus grands désordres. Le
l'honneur qu'il y aurait , au pis aller, d'af jeu, le vin, les femmes pervertirent 6on heu
fronter volontairement le martyre : « Oui, reuse nature. Vingt fois d'Aubigné essaya do
monseigneur, s'écria d'Aubigné , la gloire des le retirer de la débauche; ses retours passa
martyrs ne se peut célébrer par trop de louange. gers amenaient do nouvelles rechutes. Lu
liienheureux sans mesure qui endure pour fils emportait le pardon et l'argent du père
Christ ; s'exposer au martyre, c'est le carac- pour rapporter à ses pieds un nouveau re
lère d'un véritable et bon chrétien; mais d'y pentir et des dettes nouvelles. 11 tenta même
exposer ses frères et de leur en faciliter les de le déposséder de son gouvernement. Tant
voies , c'est le caractère d'un traître ou d'un de fautes n'épuisaient pas l'amour de son
bourreau. » Ces détails étaient nécessaires père, qu'il mit à la plus cruelle des épreuves
i"'iir indiquer le rôle que joua d'Aubigné par une abjuration. Toutefois d'Aubigné ne
dans les controverses religieuses de son siècle. se découragea point. Les parjures ne coû
Je reprends la suite des événements de taient rien à ce fils indigne ; il feignit de ren
celte vie si agitée et si pleine. D'Aubigné trer au giron de la réforme , il fit des vers
«luilta à la hâte sa retraite de Saint-Jean- contre la papauté, et d'Aubigné le reçut en
d'Angély. 11 fuit à travers la France , tou grâce. Mais Constant méditait une nouvelle
jours poursuivi et déjouant par artifice et trahison : il négocia au nom de son père et
courage Les ruses de ses adversaires. Quoi du parti prolestant avec l'Angleterre, puis il
que chargé de soixante-dix ans, il déploie vint vendre à Paris le secret du parti. La me
dans ces périlleuses rencontres l'activité et sure était comblée cette fois; le vieux d'Au
la vigueur d'un jeune homme. Enfin il arrive bigné donna sa malédiction , et ce fut sans
à lleiièvc, et son entrée est un triomphe. A retour.
peiue arrivé, il devient l'âme des conseils de Est-ce un dessein secret de la Providence
cette petite république. Son crédit inquiète ou un caprice du hasard qui fit naître du plus
la France, qui fait jouer contre lui tous les ferme soutien de la réforme un transfuge qui
ressorts de la police et de la diplomatie. travailla sans relâche à la ruine des proles
D'Aubigné tient lëte à l'orage ; son influence tants? Quoi qu'il en soit, cette trahison de
s'étend sur la Suisse entière; il fortifie non famille et la prise de La Rochelle durent
feulement Genève , mais Berne, qui voit avec inspirer à d'Aubigné de tristes pressenti
répugnance s'élever autour d'elle une eu- ments; il entrevit sans doute que la ruine
feinte de murailles et de forts. Le vieillard politique de son parti annonçait celle des
Kmble rajeunir au milieu de tous ces tra croyances, et que la chute de La Rochelle
vaux. Le parlement de Paris le condamne à préparait dans l'avenir la révocation de Pô-
mort; mais lui, pour prouver qu'il est en dit de Nantes. C'était une conséquence que
core de ce monde , se marie et prend pour le temps devait tirer un jour. Mais quelle
compagne une femme héroïque qu'exaltaient aurait été l'amertume de son coeur s'il avait
Ws dangers et le courago du proscrit septua prévu que la fille de celui qu'il venait do
génaire. Les Vénitiens veulent en faire un maudire dirigerait la main qui signa la pro
amiral, mais d'Aubigné a d'autres vues; il scription des protestants ! Etrange rapproche
voit l'orage qui se forme contre ses frères ment ! la petite-fille de d'Aubigné fut , sous le
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nom de madame do Malntenon, l'épouse de lay, seigneur de Sancy, dont les croyances
Louis XIV et l'instrument des rigueurs du avaient suivi toutes les phases de la politi
catholicisme contre le parti auquel son aïeul que et s'étaient réglées sur la fortune et les
avait dévoué, pendant sa longue carrière, son revirements de Henri IV. La donnée de
tiras et son intelligence. celte satire est fort ingénieuse,- c'est un pam
Telle fut dans son ensemble, car les détails phlet sous forme d'apologie. Sancy en parais
seraient inQnis , la vie de Théodore-A grippa sant se justifier fait son propre procès et celui
d'Aubignè, qui mourut à Genève en 1630, âgé de son parti. La satire sous ce déguisement a
de quatre-vingts ans : vie pleine d'orages et plus de force et de piquant que sous sa forme
d'inquiétudes, mais où la variété des événe directe; c'est le procédé des maîtres : Ulrich
ments est ramenée à l'unité par la constance de Hulten l'avait déjà employé dans ses Lit-
des opinions. Nous avons entrevu dans cette terœ obseurorum virorum. Rabelais n'y avait
esquisse lo guerrier, le théologien et le né pas manqué, et depuis Pascal et Voltaire ont
gociateur; il me reste maintenant a indiquer manié la même arme avec habileté. 11 faut
en quelques mots les travaux de l'écrivain. ajouter que d'Aubignè ne s'inquiète pas assez
Nous possédons de d'Aubigué un recueil de de respecter la pudeur, et que dans sa haine
petites poésies mêlées, ouvrage de sa jeunesse, emportée contre le catholicisme il prodigue
qui attestent la grâce de son esprit et la fou des railleries que les impies peuvent tourner
gue de son cœur. Le plus curieux de ses contre toutes les religions.
écrits, ce sont sans contredit les Tragiques, Le Baron d» Fœtitste est une satire dialo-
dont il composa la plus grande partie en 1577 guée entre deux personnages d'humeur et do
à Castel-Jaloux, pendant les transports d'une croyances différentes. Fœneste, Gascon éva
fièvre qu'il croyait mortelle, voulant lais poré, dont toute la richesse est dans ses vêle
ser à son siècle de terribles adieux. Cette pro ments, tout le savoir en babil , toule la bra
digieuse satire, qui surpasse en étendue et en voure en bravades, toute la noblesse en titres
véhémence tout ce que les poètes moralistes suspects, espèce de parasite et de soldat fan
ont jamais écrit sous l'inspiration de la colère, faron, moitié Gnathon, moitié Thrason, est
ut qui ne contient pas moins de onze mille mis en contraste avec le sage Enay, qui re
vers, a quelque chose d'inusité et de farouche présente Philippe de Mornay, ou plutôt le
dans la forme comme dans le fond. Elle est parti protestant. Paifs les dernières parties de
datée du désert et elle arrive au public par ce roman, d'Aubignè a introduit un nouvel
le larcin de Prométhée ; elle se compose de interlocuteur, le sire deBeaujeu,ami d Enay,
sept livres dont les titres sont comme autant et qui lui sert de second dans la petite guerre
de menaces ou d'énigmes -.Misères, Chambre de malices qu'il fait au pau vre Fœneste. D'Au
dorée,Feux, Fers,Vengeances, etc., telles sont bignè a fait entrer dans ce cadre force épigram-
les étiquettes de ces chants hyperboliques. mes contre la cour, contre les raffinés d'hon
Tous les tons s'y heurtent , toutes les formes neur, dont la manie décimait la noblesse de
s'y mêlent; l'épopée , la satire, l'hymne bi France , etc. Cette piquante satire contraste
blique , l'idylle même s'y confondent; c'est avec le ton des Tragiques et de la Confession
comme un chaos où s'agite le génie des pro de Sancy, inspirées, l'une par une indignation
phètes et la bile de Juvénal : œuvre confuse, violente, l'autre par un amer désappointe
incohérente, mais étincelante parfois de su ment, tandis que nous trouvons ici la gaîté
blimes beautés, admirable en un mot, n'é bouffonne d'un mécontent qui semble avoir
tait la déclamation. Trois de nos critiques , pris son parti et se venge des heureux du
MM. Sainte-Beuve, Saint-Marc Girardin et jour par une médisance enjouée. L'Histoire
Pli. Chasles, ont appréciéce poëme satirique et universelle contient le récit de tous les évé
en ont cité d'assez longs passages, ainsi que nements accomplis en Europe pendant l'es
M. Violet-Leduc dans son Étude sur la satire pace des soixante années comprises en Ire 1550
en France, qui précède l'édition des Œuvres et 1610, époque de la mort de Henri IV;
de Mathurin Régnier. elle est surtout curieuse comme histoire
Plus tard d'Aubignè composa sa Confes militaire, écrite par un homme du métier;
sion de Sancy, dans laquelle il voue au ridi on y rencontre aussi çà et là de profondes
cule les conversions intéressées. Il choisit réflexions morales, des portraits de main de
pour plastron et pour type Nicolas de Hnr- maître et d'admirables harangues. Tous ces
AUB ( 233 ) AUB
ouvrages attestent autant do vigueur que de bliés aujourd'hui. Il est, avec un de ses con
souplesse de style et de pensée, et si l'on con frères, le continuateur de 1 histoire de Rémi
sidère que celui qui les a écrits était en môme Cellier, intitulée : Histoire des auteurs sacrés
temps homme d action et de conseil, on sera et ecclésiastiques. Celte conlinualion est de
confondu en cousidérant ce qu'il a fallu de meurée manuscrite.
puissance et d'activité pour laisser de soi des AUBRY DE MONTDIDIER, chevalier
traces aussi profondes dans plusieurs car français du siècle de Charles V. Les compo
rières. Gémjzez. sitions dramatiques des écrivains français et
AUBLET (Jean-Baptiste-Christophe- allemands sur le crime qui lui fit perdre la
Fisée), savant botaniste français, qui, après vie, et la manière surprenante dont ce crime
avoir étudié à Montpellier, s'embarqua pour fut vengé, ont acquis à son nom une grande
l'Amérique espagnole, où il exerça la phar célébrité. Richard de Macaire, un des com
macie. De retour en France en 1752, il re pagnons d'armes d'Aubry, fut son assassin ,
çut la mission d aller fonder à l'Ile-de-France vers l'an 1371. Le chien d'Aubry, témoin du
un jardin botanique et une école de pharma meurtre de son maitre, ayant poursuivi long
cie. Eu 1765 il rapporta à Paris une foule de temps l'assassin de ses hurlemenls et de ses
plantes nouvelles qu'il avait recueillies à la aboiements furieux, on soupçonna Kichard
Guyane et à Saint-Domingue, et des matériaux de Macaire d'être l'auteur de la mort d'Aubry,
qui lui servirent à composer sa Flore de lu et le roi eut recours à un moyen bizarre,
Guyane, ouvrage fort estimé , qu'il publia en mais employé alors, pour connaître la vérité
1775. Aublet était né en Provence en 17^0; il ou l'erreur de ce soupçon. 11 ordonna que
mourut à Paris en 1778. Richard de Macaire se battrait, eu champ
AUBKIOT (Hugues), nékDijon, était, clos, armé d'une massue , contre le chien
sous Charles Y, intendant des finances et accusateur. Tout le monde sait que le chien
prévôt do Paris. 11 lit construire le Pont-au- d'Aubry élrangla son meurtrier. Un grand
Cliange et le pont Saint-Michel, à l'extré nombre de pièces de théâtre, parmi lesquelles
mité duquel il plaça depuis le petit Chalelet, on peut citer le Chien de Montargis, le Chien
desliné a mettre obstacle aux excès commis d'Aubry, etc., relatives à ce sujet, ont été
par les étudiants de l'Université. Celle pré jouées à Paris et à Vienne.
caution n'ayant pas suffi pour prévenir les AUBUSSON. La maison d'Aubusson, qui
désordres, Auhriot en lit arrêter quelques a donné tant d'illustrations à lEglise, à l'ar
uns. Cet acte d autorité ayant soulevé contre mée, h la France, à la chrétienté tout en
lui toule l'Université, qui se trouvait blessée tière, est une des plus anciennes du royaume.
dans ses privilèges, elle obtint , par l'appui Turpion d'Aubusson était évéque de Limoges
du due de Berry, qui voyait dans Aubriot un à la fin du IXe siècle ; Rainulphe ou Rauulfe,
protégé de la maison de Bourgogne, qu'il fut son frère, reçut du roi Eudes d'Aquitaine le
uiisen jugement et enferme à la Bastille, qu'il titre de vicomte en 887. Il y a là près do
avait fait ériger en 1309, non comme prison mille années de preuves historiques. L'his
d'État, mais comme forteresse pour arrêter toire des dix branches de la maison d'Aubus
I agression des Anglais, Des insurgés désignés son se mêlerait à celle de toutes les familles
mus le nom de Maillotins le délivrèrent en illustres et emb asserait presque celle du
1381 et voulurent le mettre à leur tête ; mais royaume. De (îuyonne de Monlerue, petite-
il refusa de servir de chef ou de prétexte à la nièce du pape Innocent VI et femme de Jean
révolte, et s'exila en Bourgogne, où il mou d'Aubusson, seigneur de la Borne, sortirent
rut en 1382. les seigneurs du Monteil-au-Vicomte, dont
ACBRY (Jean-Baptiste), né en 1736 à l'un fut ce Pierre d'Aubusson qui sauva Rho
Deyviller, près Epinal, mort à Commercy en des et peut-être l'Eglise ; les seigneurs de la
1809. Se sentant de la vocation à l'étal ec Feuillade, qui furent généraux d'armée,
clésiastique, il fit ses éludes sous les jésuites , pairs, maréchaux de France; les seigneurs
et entra dans l'ordre de Saint-Benoît, à Moyon- de Vîllac, en qui s'est continuée la substitu
Moulins, monastère de la congrégation de tion des litres et des honneurs. Guyonne do
Saint-Vannes. Depuis lors il consacra tous Monterue vivait à la Un du xive siècle. C'est
ses instants à des travaux philosophiques et au xv siècle que parut Pierre d'Aubusson,
historiques, recherchés à cause de leur mc- grand-prieur d'Auvergne, grand-maître de
rile et de leur à-propos, mais la plupart ou Rhodes, cardinal du tilre de Saint-Adrien,
AUD ( 2M ) AlID
légat du Saint-Siège en Asie, généralissime de marbres qui ont servi à l'ornement des
des années chrétiennes, véritable chevalier, palais et des églises ; elles rivalisent avec cel
habile général, exemple et gloire de l'Eglise, les de la vallée de Campan. Ce département
celui qui soutint contre l'armée victorieuse produit en céréales et en vins de diverses qua
de Mahomet II le mémorable siège de Rho lités beaucoup au-delà de sa consommation,
des , celui que la mort seule put arrêter au et du miel des Basses-Corbières, dit de Nar
moment où il allait entreprendre la croisade bonne, très recherché. Les brûleries considé
destinée à délivrer Byzance. Deux cents ans rables de vins, d'eau-de-vie de marc, et les
après, un autre d'Aubusson, de la branche de manufactures de draps fins, légers et moyens,
lu Feuillade, conduisait contre les infidèles font son principal commerce. On y trouve du
«les expéditions non moins audacieuses, et plâtre, du manganèse, de l'antimoine, mi
montrait l'étendard de la croix uni au dra nerai de fer, houille, lignite, pierres de taille
peau de la France sur les bords du Danube pour les arts et la bâtisse, cinq marais sa
ou sur les rivages de Candie. François d'Au lants, et un grand nombre de fabriques do
busson, maréchal de France et chevalier des diverses sortes. L'olivier, cultivé en grand,
ordres du roi, fut le premier duc de sa mai y donne de l'huile excellente. Le gibier y est
son (avril 1667); c'est lui qui construisit la très estimé, et la mer fournit en abondance
place des Victoires pour y placer la statue du poisson pour la nourriture de ses habitants
de Louis XIV. Louis, son fils, fut maréchal et des départements circonvoisins.
de France comme son père. Le monument le plus extraordinaire du
AUBUSSON (géogr.) , petite ville de*5,000 département, et celui qui a le plus contribua
âmes, chef-lieu d'arrondissement du dépar à vivifier, à féconder cette partie de la France^
tement de la Creuse, célèbre par sa belle ma c'est le Canal du Languedoc, dû aux concep
nufacture de tapis. tions hardies du célèbre Riquel. Cette quan
AUCII (géogr.) , ville de France, autrefois tité immense d'eau descendant de la Monta
capitale du comté d'Armagnac et métropole gne-Noire, conduite par une rigole au bassin
de toute la Gascogne , est aujourd'hui le de Saiut-Ferréol, et de là s'éehappanl à gros
chef-lieu du département du Gers , siège d'un bouillons par d'énormes robinets pour rem
archevêché. Cette ville renferme une popu plir le canal en huit ou dix jouis; ces cent
lation de 10,000 habitants. écluses, ces voûtes, ces canaux, ces ponts,
AUDE (Département de l' ). Il est borné ces aqueducs, ces directions diverses données
nu nord par les départements de l'Hérault , aux travaux dans l'intérêt du commerce et
du Tarn et de la Haute-Garonne, à l'est par la de l'industrie, attestent la profondeur du gé
Méditerranée, au sud par les Pyrénées-Orien nie qui a présidé à leur érection, la sagesse
tales, à l'ouest par la Haute-Garonne et l'Ar- et l'illustration du gouvernement qui l'a aidé
riége.Saiuperlicieest évaluée à 606,397 hec et protégé.
tares, dont 50,188 hectares en forêts, arbres Les principales villes du département de
feuillus et quelques arbres verts, et 51,079 l'Aude sont Carcattonne, chef-lieu; Cattel-
hectares en vignes. Sa population est de naudary, Limoux et Narbonne. Carcassuuue
'270,125 habitants. Il est divisé en quatre ar compte H), 000 habitants; elle est bien bâtie
rondissements
fecture; Caste Inaudary
communaux, Limouxoi
: Carcasionne,
Narbonne;
pré- et arrosée par des ruisseaux d'eau vive. On y
remarque la place, que décore une belle fon
il fait partie de la 10* division militaire et du taine entourée d'arbres, le palais épiscopal
20* arrondissement forestier, et ressortit de la et un vaste séminaire, l'hôtel de la préfec
cour royale et de l'Académie de Montpellier. ture et sou jardin, les magnifiques prome
Il est traversé par oinq routes royales , vingt nades qui fout le tour de la ville, 1 llotcl-
et une routes départementales, par le grand Dieu et l'hôpital général, la colonne élevée
Canal du Midi, ceux de Sainte-Lucie et de la à la mémoire de Biquet, etc., etc. Castelnau-
Uoubine , par l'Aude, rivière navigable depuis dary remonte par sa fondation à une anti
Quillau, qui, avec plusieurs petits ports sur la quité très reculée; elle porte le nom de Sat-
Méditerranée, lui assurenlde nombreux débou tomagus dans l'itinéraire de Bordeaux. Vers
chés. Son sol est une terre grasse, riche, culti l au 333 de l'ère de Jésus-Christ, un parti de
vée avec des bœufs et des mulets, mais couvert Golhs, qui avait embrassé la secte d'A ri us,
de montagnes. Les Pyrénées, lesCorbières et après l'avoir saccagée, la rebâtit et lui donna
la Montagne-Noire renferment des carrière» le nom de Caslrum novum Arianorum, d'où
AUD ( 235 ) AUD
lui est renu son nom moderne. Elle compte de grâce ou de commutation de peines accor
une population de 10,000 habitants, et est dées par le roi. Toutefois, les contestations
m tuée sur une éminence, dans une position sur l'état civil sont exceptées de celte règle
1res agréable, à peu de distance des pierres lorsqu'elles doivent être décidées à bref délai,
de Naurause, point de partage où le canal ou avec des formes particulières qui ne com
verse ses eaux d'un côté à l'Océan et de portent pas une instruction solennelle.
l'autre à la Méditerranée. Narbonne est en On a agité pendant long-temps la question
core plus ancienne que Castelnaudary ; sa de savoir si les demandes tendant à obtenir
population est de 10,000 habitants. Elle était la séparation de corps entre mari et femme
la capitale de la Gaule narbonnaise sous les devaient être considérées comme comprises
Romains, et autrefois le siège d'un archevêché dans la disposition législative qui attribue aux
important. Limoux (7,000 habitants) est re audiences solennelles le jugement des con
nommée par son vin blanc connu sous le nom testations sur l'état civil des citoyens. Cette
de blanquette de Limoux. Celte contrée de question avait divisé la cour de cassation et
la France est la patrie d'un grand nombre les cours royales. Une ordonnance en date
d'hommes qui se sont distingués dans les ar du 16 mai 1835 a décidé qu à l'avenir les
mes, les sciences et les arts. Chaque jour on demandes en séparation de corps seraient
extrait du milieu des ruines romaines qui la jugées en audience ordinaire.
couvrent des monuments anciens et du Les audiences solennelles se tiennent à la
moyen-âge qui attestent une splendeur pas chambre que préside habituellement le pre
sée. Plusieurs de ses monuments ont trouvé mier président ; elles sont composées des deux
un abri contre l'ignorance dans les muséum chambres civiles, et dans les cours où il y en
des villes et dans des collections particulières. a trois, la seconde et la troisième font alter
AUDIENCE (jurispr.). On entend par au nativement le service des audiences solen
dience, dans le langage du palais, la séance nelles. Dans les cours royales qui n'ont qu'une
qui est consacrée par les tribunaux à écou chambre civile, la chambre qui connaît des
ter et à juger les prétentions respectives des appels de police correctionnelle peut être re
parties dont les différends leur sont soumis. quise par le premier président de faire le ser
Un règlement particulier soumis à l'ap vice aux audiences solennelles ; mais son
probation du gouvernement détermine dans adjonction à la chambre civile est purement
chaque cour royale et dans chaque tribunal facultative. Hors le cas qui vient d'être indi
de première instance le nombre des audien qué, la chambre des appels de police correc
ces nécessaire pour la plus prompte expédition tionnelle ne peut être appelée aux audiences
des affaires. Chaque audience doit être au solennelles. La chambre d'accusation ne peut
moins de trois heures. Le lieu destiné à la te jamais y prendre part. Cependant ces deux
nir ne doit être employé par les magistrats chambres sont convoquées aux audiences so
ni à d'autres fonctions, ni aux assemblées lennelles indiquées pour l'enregistrement des
générales du tribunal ou de la cour. Indé lettres de grâce ou de commutation de peine;
pendamment de ces audiences ordinaires , mais elles ne peuvent connaître d'aucune au
déterminées d'une manière permanente par tre affaire portée à ces audiences.
le règlement particulier de chaque siège, les Les règles qui concernent la tenue des au
tribunaux peuvent en accorder d'extraordi diences dans les tribunaux civils s'appliquent
naires lorsque la multiplicité des affaires ou également aux tribunaux de commerce. Les
des circonstances exceptionnelles paraissent juges de paix doivent indiquer au moins deux
l'exiger. L'heure et le jour de ces audiences audiences par semaine. Le jour de l'ouver
doivent être annoncés à l'avance, de manière ture des séances de la cour d'assises est dé
que les justiciables et le barreau eu soient signé par le premier président lorsqu'elle tient
suffisamment instruits, sa session dans le lieu où elle siège habituelle
Les cours royales donnent, dans certains ment. Lorsqu'elle doit tenir sa .session dans un
cas, des audiences d'une nature particulière, autre lieu, l'époque de l'ouverture de ses au
qui sont appelées audiences solennelles. Les diences est déterminée par la cour royale, tou
contestations sur l'état civil des citoyens, les tes les chambres assemblées. Dans l'un et
prises à partie et les renvois après cassation l'autre cas, l'ordonnance du premier président
d'un arrêt, doivent toujours y être portés. Il ou l'arrêt de la cour est publié par affiches,
en est do même de l'enregistrement des lettres et lu dans les tribunaux de première instance
AUD ( 236 ) AUD
du ressort huit jours au moins avant le com- i le maintient formellement à l'égard dos au
mencemcnt du la session d'assises. diences des juges de paix, en obligeant ces ma
Les audiences, eu matière criminelle et gistrats, ainsi qu'on l'a déjà vu, à tenir les por
correctionnelle, peuvent avoir lieu tous les tes de leur domicile ouxertes lorsqu'ils usent
jours, même les dimanches et fêtes ; il en est de la faculté qui leur est accordée par celle
autrement en matière civile. Cependant l'ar disposition législative. La publicité des au
ticle 8 du Gode de procédure établit une ex diences n'est pas seulement exigée, en ma
ception à ce principe à l'égard des juges de tière civile, pour les plaidoiries et les juge
paix. Ces magistrats peuvent juger tous les ments ou arrêts ; elle est encore nécessaire
jours, même les jours fériés, le matin et 1 a- pour tous les rapports qui doivent être faits
près-midi. La loi du 18 octobre 1790, art. t", par les juges, lors même que ces rapports
leur défendait de tenir leurs audiences les ont lieu sur délibérés. Il existe cependant des
jours de dimanches et de fêles, pendant les circonstances dans lesquelles le principe re
heures consacrées au service divin; maiscetle latif à la publicité des audiences peut souffrir
modification n'est point rappelée par le Code des modifications ; il en est d'autres où il cesse
de procédure civile. d êlre applicable. Lorsque la publicité des
En thèse générale, les tribunaux ne peuvent débats, en matière criminelle, peut être dan
tenir leurs audiences que dans le local spé gereuse pour les mœurs, lorsqu'en matière
cialement consacré à cette destination. Ce civile la discussion publique peut entrainer
pendant cette règle reçoit quelques excep du scandale ou des inconvénients graves, les
tions. Ainsi, d'après l'article 8 du Code de tribunaux civils et les tribunaux de répres
procédure civile, qui ne fait que reproduire sion sont autorisés à ordonner que l'affaire
à cet égard les dispositions de la loi du 14 août sera instruite et disculée à huis clos. Celte
1790, titre 7, art. 2, les juges de paix peuvent décision doit être l'objet d'un jugement ou
donner audience chez eux, en tenant les d'un arrêt spécial. Les magistrats sont tenus
portes ouvertes; ils peuvent, à plus forte rai de rendre compte de leur délibération au pro
son, procéder dans leur domicile aux actes cureur général près la cour royale, si la cause
de juridiction purement gracieuse, qui doi est pendante devant un tribunal autre que la
vent avoir lieu devant eux et sous leur pré cour royale, et, si la cause est pendante dans
sidence , tels, par exemple, que les assemblées une cour royale, au ministre de la justice.
de famille en matière de tutelle, de curatelle, Du reste, le tribunal et la cour ne sont pas
d'interdiction ou de nomination d'un conseil tenus d'attendre, pour 1 exécution de la mesure
judiciaire. En cas d'urgence, les présidents des qu'ils croient devoir adopter, l'avis du pro
tribunaux de première instance peuvent ré cureur-général ou du ministre.
pondre en leur demeure aux requêtes qui leur L'exception qui vient d'être indiquée doit
sont présentées. Ils peuvent aussi, dans les être rigoureusement restreinte aux débats,
mêmes circonstances, permettre d'assigner aux plaidoiries et à la discussion des affaires.
en référé a leur hôtel, à heure indiquée, Les jugements et arrêts doivent toujours être
même les jours de fêtes. En matière d'empri rendus publiquement, à peine de nullité, et
sonnement pour dettes, le débiteur, au mo la publicité doit s'étendre pareillement à tous
ment de son arrestation, peut demander à les actes extrinsèques aux débats, tels que
être conduit immédiatement devant le prési le résumé du président et la lecture de la décla
dent du tribunal civil, qui statue, en état de ration du jury. Il est même indispensable que
référé, sur les difficultés qui peuvent naitre. les greffiers constatent d'une manière positive
Dans ce cas, si l'arrestation est faite hors dans les jugements et arrêls, ainsi que dans
des heures de l'audience, le débiteur doit être les procès-verbaux des débats, que l'audience
conduit chez le président. a été reprise publiquement après la consom
Toutes les audiences données par les tri mation des actes qui seuls peuvent avoir lieu
bunaux doivent être tenues publiquement. en audience secrète; ils doivent aussi faire
Ce principe, fondé sur les plus graves consi mention expresse de la publicité des audien
dérations d'ordre social, s'applique à la fois ces lorsque le principe relatif à cette publicité
aux matières civiles et aux matières crimi n'a été modiGè par aucune décision du tri
nelles. Il s'étend incontestablement aux ma bunal. Dans le silence des jugements on ar
tières commerciales, lors même qu'elles sont rêts, la présomption est que la publicité exi
jugées par les tribunaux spéciaux de com gée par le législateur n'a point été observée.
merce. L'art. 2 du Code de procédure civile . Indépendamment des modifications que
AUO ( 237 ) AUD
les tribunaux peuvent apporter quelquefois ministère public, 6oit aux interpellations,
au principe du la publicité des audiences dans avertissements ou ordres du président, soit
un intérêt d'ordre public ou de convenances aux jugements ou ordonnances; s'ils causent
privées, il est dos cas exceptionnels où ce ou excitent du tumulte de quelque manière
principe ne reçoit point son application. Ainsi, que ce soit, et si, après l'avertissement des
en matière criminelle, tous les actes d'instruc huissiers, ils ne rentrent pas dans l'ordre sur-
tion qui précèdent la décision qui doit être le-champ, le président les fait expulser. S'ils
rendue par la chambre du conseil, conformé résistent à ses ordres ou s'ils rentrent, lo
ment aux articles 127 et suivants du Code président ordonne de les arrêter et conduire
d'instruction criminelle, se font à huis clos ; dans la maison d'arrêt. Il est fait mention de
les rapports des juges d'instruction et les dé cet ordre dans le procès-verbal de l'audience,
cisions de la chambre du conseil ont lieu et, sur l'exhibition qui en est faite au gardien
de la même manière. Les arrêts des cham de la maison d'arrêt, les perturbateurs y sont
bres d accusation sont aussi rendus secrète reçuset retenus pendant vingt-quatre heures.
ment; c'est pareillement à huis clos qu'il doit L'ordonnance du président est exécutoira
être statué sur les demandes formées par les par provision. Si le trouble est causé par un
prévenus à l'effet d'obtenir leur mise en li individu remplissant une fonction publique
berté provisoire sous caution. En matière ci près le tribunal, il peut, outre la peine dont
vile, quelques affaires d'une nature spéciale il vient d'être parlé, être suspendu de ses
doivent être instruiteset jugées à la chambre fonctions. La suspension, pour la première
du conseil. On en trouve des exemples dans (ois, ne peut excéder le terme de trois mois;
le Code civil, dans le Code de procédure ci elle est prononcée par le tribunal. Le juge
vile, dans le décret du 16 février 1807, rela ment est sujet à l'appel, mais exécutoire par
tif aux contestations qui s'élèvent en matière provision.
détaxes, et dans plusieurs autres textes qu'il Lorsque le tumulte a été accompagné d'in
est inutile d'énuinèrer. jures ou de voies de fait donnant lieu à l'ap
Les tribunaux sont investis des pouvoirs plication de peines correctionnelles ou de po
nécessaires pour faire respecter la dignité de lice, ces peines peuvent être prononcées par
leurs audiences et y maintenir le bon ordre. les cours et tribunaux, séance tenante, et
Les parties qui comparaissent devant unjuge immédiatement après que les faits ont été
de paix sont tenues de s'expliquer avec mo constatés. Dans ce cas, les peines de simple
dération et de garder en tout le respect dû à police sont prononcées sans appel, de quel
Injustice. Si elles y manquent, le juge les y que tribunal ou juge qu'elles émanent. Les
rappelle d'abord par un avertissement; en peines de police correctionnelle sont pronon
cas de récidive, elles peuvent être condam cées à la charge de l'appel si la condamnation
nées à une amende qui ne peut excéder 10 fr. a été portée par un tribunal sujet à appel ou
Le juge peut en outre ordonner que son ju par un juge seul. Si les voies de fait dégénè
gement sera affiché dans toutes les communes rent en crime, ou s'il s'agit de tout autre crime
du canton. Dans le cas d'insulte ou d'irrévé flagrant commis à l'audience d'un juge seul
rence grave envers le juge de paix, il en ou d'un tribunal sujet à appel, le juge ou lo
dresse procès-verbal, et peut condamner à tribunal, après avoir l'ait arrêter le délin
un emprisonnement de trois jours au plus. quant et dressé procès-verbal des faits, ren
Les jugements rendus par le juge de paix voie les pièces et le prévenu devant les juges
dans les cas qui viennent d'être indiqués sont compétents. Si le crime a été commis à l'au
exécutoires par provision. dience de la cour de cassation, d'une cour
Le président de chaque cour ou tribunal a royale ou d'une cour d'assises, la cour pro
la police de l'audience ; tous les ordres qu'il cède au jugement de sui te et sans désemparer.
donne à cet égard doivent être exécutés ponc Elle entend les témoins, le délinquant et lo
tuellement et à l'instant. Ceux qui assistent conseil qu'il a choisi ou qui lui est désigné par
aux audiences doivent se tenir découverts, le président, et, après avoir constaté les fails
dans le respect et dans le silence. Si l'un ou et entendu le procureur général ou son sub
plusieurs des assistants interrompent le si stitut, elle applique la peine par un arrêt
lence, s'ils donnent des signes publics d'ap motivé. Dans ce cas, si les juges présents à
probation ou d'improbation, soit à la défense l'audience sont au nombre de cinq ou de six,
îles parties, soit aux discours des juges ou du il faut quatre voix pour opérer la condain
AUD ( 238 )
nation ; s'ils sont au nombre de sept, il faut Il peut do plus être condamné a s'éloigner
cinq voix pour condamner; au nombre de pendant cinq à dix ans, du lieu où siège lo
huit ou au-delà, l'arrêt de condamnation doit magistrat, d'un rayon de deux myriamètres.
être prononcé aux trois quarts des voix. Cette disposition reçoit son exécution à dater
S'il se commet un délit correctionnel dans du jour où le condamné a subi la peine. Si
l'enceinte et pendant la durée de l'audience le condamné enfreint cet ordre avant l'expi
d'une cour royale ou d'un tribunal civil ou ration du temps fixé, il est puni du bannisse
correctionnel, le président dresse procès-ver' ment. Ces peines sont aggravées dans les cir
bal du fait, entend le prévenu et les témoins, constances prévues par les articles 232 et 233
et le tribunal applique sans désemparer les du Code pénal.
peines prononcées par la loi. Les jugements L'infidélité ou la mauvaise foi dans lo
rendus dans ce cas par les tribunaux civils compte que rendent les journaux et écrits pé
ou correctionnels sont sujets à l'appel. riodiques des audiences des cours et tribu
Les cours d'assises peuvent faire retirer de naux sont punis d'une amende de 1,000 fr. à
l'audience et reconduire en prison tout pré 6,000 fr. En cas de récidive, ou lorsque le
venu qui, par des clameurs ou par tout autre compte-rendu est injurieux pour la cour, le
moyen propre à causer du tumulte, mettrait tribunal, ou l'un des magistrats, des jurés ou
obstacle au libre cours de la justice. Dans ce des témoins, les éditeurs du journal sont en
cas, il est procédé aux débals et au juge outre condamnés à un emprisonnement d'un
ment de la manière indiquée par les articles 8 mois à trois ans. Dans le même cas il peut être
et 0 de la loi du 9 septembre 1835, relative interdit, pour un temps limité ou pour tou
aux cours d'assises. Tout prévenu ou toute jours, aux propriétaires et éditeurs du jour
personne présente à l'audience d'une cour nal ou écrit périodique condamné, de rendre
d'assises qui causerait du tumulte pour em compte des débals judiciaires. La violation
pêcher le cours de la justice doit être, audience de cette défense donne lieu à l'application
tenante, déclaré coupable de rébellion, et puni de peines doubles de celles qui viennent
d'un emprisonnement qui ne peut excéder d'être spécifiées. Ed. Pi.issoi*.
deux ans. Les mêmes dispositions s'appli AUD1ENCIER (jurispr.)* Ce mot, qui
quent au jugement de tous les crimes et dé s'emploie fréquemment aù palais, signifie
lits devant toutes les juridictions. l'huissier qui est chargé du service et de la
Lorsque les juges ou les officiers de justice police des audiences (voy. Huissieh ).
sont outragés ou menacés à l'audience dans AUDIENS , hérétiques du IV* siècle , ainsi
l'exercice de leurs fonctions, les auteurs de s appelés du nom de leur chef Audée ou Audie.
outrages ou des menaces sont saisis et dépo 11 était né en Mésopotamie , où il commença
sés à l'instant dans la maison d'arrêt, en à dogmatiser, et ses erreurs l'ayant fait exiler
vertu de l'ordonnance du président. Ils sont en Scylhie , il passa de là chez les Goths , où
interrogés dans les vingt-quatre heures, et il se fit quelques partisans , ordonna quelques
condamnés par le tribunal , sur le vu du pro* évêques, et mourut sans être réconcilié avec
cès-verbal qui constate le délit, à une déten l'Eglise. Entre autres erreurs , il enseignai I ,
tion qui ne peut excéder un mois, et à une selon Théodoret, que Dieu avait une forniu
amende qui ne peut être moindre de 25 fr. humaine, que les ténèbres, le feu et l'eau
ni excéder 300 fr. Si le délinquant ne peut étaient éternels, que l'on devait célébrer la
être saisi à l'instant, le tribunal prononce Pàque lo même jour que les Juifs, et non le
contre lui, dans les vingt-quatre heures, les dimanche. Il affectait des mœurs fort aus
peines qui viennent d'être indiquées, sauf tères ; mais Théodoret , qui fut à portée de
l'opposition que le condamné peut former connaître les partisans de cet hérésiarque
dans les dix jours du jugement en se mettant dans la Mésopotamie , assure qu'ils ne tar
en état de détention. Ces dispositions du Code dèrent pas à tomber dans de grands désordres.
de procédure civile ont été modifiées, quant Ils donnaient l'absolution aux pénitents sans
à la gravité des peines à prononcer en cas leur imposer aucune satisfaction , ce qui ne
d'outrage envers des magistrats, par les ar pouvait manquer d'introduire bientôt le relâ
ticles 222, 223 et 226 du Code pénal. chement parmi eux. Cette secte , peu nom
Lorsque des voies de fait sont commises à breuse, s'éteignit au commencement du V
l'audience sur la personne d'un magistrat, le siècle.
coupable est puni de la dégradation civique. AUD1FREDI (Jean-Baptiste), «avant
Atm ( 239 ) AUD
ftstronomo, né près de Nice en 1714, entra maîtres des comptes, sans avoir voix délibé-
à l'âge de seize ans dans l'ordre de sainl Do rative; plus tard, et par un édit de février
minique, et fut successivement nommé se 1551, de Henri II, ils devinrent des officiers
cond et premier bibliothécaire de la Casanatte publics ; ils reçurent le litre de conseillers au
à Rome. Il conserva celte charge jusqu'en diteurs, et eurent voix délibéralive dans les
1794 , époque de sa mort. On a de lui diffé affaires dont ils étaient rapporteurs. Aujour
rents ouvrages sur l'astronomie , publiés à d'hui, d'après la nouvelle organisation de la
Home de 1753 à 1778. Il s'occupa aussi d his cour des comptes, les conseillers référendai
toire naturelle, de bibliographie et d'antiqui res de lrc et de 2° classe remplissent à peu
tés. Ses deux catalogues des éditions romai près les fonctions de ces auditeurs.
nes du xv« siècle, et particulièrement celui Il y avait les auditeurs conventuels ou col
du la bibliothèque de la Casanatte , quoique légiaux, qui étaient choisis parmi' les reli
non achevés, sont cités comme des chefs- gieux pour examiner et régler les comptes
d'œuvre. des monastères. 11 y avait en outre les audi
AIIHXAC (eaux minérales b' ), village teurs au Chdtelet de Paris; ce furent d'abord
do département de l'Ariégc, dans l'arron plusieurs membres de ce tribunal, et plus tard
dissement de Saint- dirons, sur la grande un seul, qui connaissaient des affaires pure
route et à une petite lieue de cette ville. ment personnelles jusqu'à la somme de 25, puis
Tout près de là se trouve une source miné de 50 livres.
rale jaillissante, connue et usitée depuis On donnait aussi le nom d'auditeurs aux
long-temps. L'eau en est parfaitement inco juges des causes d'appel en pairie et aux ju
lore, quasi inodore, et offre une température ges chargés d'enlendre les témoins dans une
de -j- 20 à 2*2° cent. Il se dégage du gaz enquête et d'en faire le rapport.
acide carbonique à la source. Elle contient , Depuis notre nouvelle organisation judi
suivant M. Longchamps, des sulfates de ciaire et administrative , il y a eu des juges
magnésie et de chaux , des muriates des auditeurs
diteurs au, des
conseil
conseillers
d'Etat;auditeurs
mais il n'y
et des
a plus
au-
mêmes basi'S et du carbonate de fer. MM. La.
font et Magnes, qui en ont publié une à vrai dire maintenant que des auditeurs au
analyse plus récente, prétendent y avoir re conseil d'Etat.
connu la présence d'une petite quantité d'a Les juges auditeurs créés par la loi du 20
cide hydro-sulfurique très fugace. Quoi qu'il avril 1810 ne pouvaient remplir ces fonctions
en soit, elle n'en continue pas moins à figu qu'à vingt et un ans accomplis; ils n'avaient
rer dans la classe des eaux salines gazeuses. voix délibéralive qu'à vingt-cinq ans; ils
L'eau d'Audinac est réputée diurétique et lé étaient inamovibles comme les juges ordi
gèrement purgative ; parfois elle détermine la naires. A l'âge de vingt-cinq ans ils remplis
constipation et semble avoir un effet toni saient à peu de chose près les mêmes fonc
que. On l'emploie dans le traitement des tions que les titulaires; ils étaient toujours
maladies scrofuleuses , rhumatismales , des appelés avant les juges suppléants; ils pou
engorgements chroniques des viscères abdo vaient concourir à la confection d'un juge
minaux, dans les catarrhes et les flux asténi- ment avec deux juges en titre; ils pouvaient
ques, et pour faire Huer les hémorroïdes. Elle siéger dans les tribunaux de plus de trois
s'administre en boisson , en bains et en dou juges, et même faire partie des cours d'as
ches. Il faut la faire chauffer pour ces der sises; seulement ils ne touchaient aucun trai
niers usages , et de plus la source est à peine tement. Cet état de choses fut vivement atta
assez abondante pour alimenter quatre dou qué sous la Restauration ; on prétendait alors
ches et seize baignoires. Son usage interne que le pouvoir qu'avait le gouvernement do
donne quelquefois lieu à des pesanteurs de placer ainsi auprès de chaque tribunal des
tète ou des alourdissements , et comme à un juges auditeurs lui donnait le moyen de faus
état d'ivresse. Lép. ser l'indépendance des juges titulaires. Oa
AUDITEUR (juritpr.). Sous l'ancien droit supposait que ces jeunes magistrats, qui n'as
français on donnait ce nom à plusieurs fonc piraient qu'à devenir titulaires, devaient tou
tionnaires publics. Il y avait les auditeurs jours être disposés à suivre l'impulsion que
lu compte», qui furent d'abord de simples le gouvernement leur donnerait. Un des pre
clercs chargés do revoir les comptes des fi miers actes de la révolution de juillet fut d a-
nances du roi et d'en faire le rapport aux bolir celte institution. La loi du 10 décembre
AUD ( 240) AUD
1830 supprima immédiatement ccllo magis lice, qui avaient le droit d'interroger les in
trature. dividus arrêtés par ordre du ministre ou du
Les auditeurs près les cours royales ou les préfet, de faire, le rapport relatif à ces per
conseillers auditeurs ont été créés par un dé sonnes, de visiter les prisons, etc. (décret du
cret du 16 mars 1808. Ce décret fixait les 20 janvier 1810).
conditions à remplir pour pouvoir être nommé À cette époque il suffisait d'avoir vingt
à ces fonctions, ce sont les mêmes que celles ans accomplis et de jouir d'une pension assu
exigées pour les juges auditeurs, et il s'occu rée par ses parents ou d'un revenu de (3,000 fr.
pait aussi de leurs attributions. Ils n'avaient pour être auditeur au conseil d'Etat.
d'abord voix délibérative qu'à trente ans; la Ces auditeurs jouissaient de plusieurs pré
loi du 20 avril 1810 leur a conféré le droit de rogatives : ils prêtaient serment entre les
prendre part aux délibérations à vingt-sept mains du souverain, ils lui étaient présentés,
ans. A cet âge ils se trouvaient avoir les mêmes et étaient admis dans son palais conformé
pouvoirs, ou peu s'en faut, que les conseillers ment à l'usage. Le quart dessous-préfectures
titulaires. Cette institution fut aussi atteinte vacantes et les places de secrétaire d'ambas
par la loi du 10 décembre 1830; mais, moins sade et de légation leur étaient réservées.
rigoureuse à leur égard que vis-à-vis des juges Ceux attachés aux différents ministère*
auditeurs, cette loi a conservé les auditeurs avaientun traitement de 2,000 fr. et les autres
des cours royales qui avaient reçu à cette un traitement de 500 fr. (décrets du 26 dé
époque l'investiture du gouvernement; elle cembre 1809). Cette institution subit bientôt
a seulement défendu d'en nommera l'avenir. quelques modifications de détail (décret des
Les auditeurs au conseil d'Etat ont élé créés 21 janvier 1810, 7 avril et 1" juin 1811 ).
par un arrêté du gouvernement du 19 ger l'avons
La Restauration
dit, mais elle
la conserva,
y apporta
comme
de grands
nous
minal an ii (9 avril 1803); ils ont toujours
été conservés; seulement la Restauration, changements : elle restreignit beaucoup le
qui les maintint sous le titre de maîtres des nombre des auditeurs; toutefois elle négligea
requêtes surnuméraires (par ordonnances des de (ixer leur» attributions, de manière que,
29 juin et 5 juillet 1814), n'en parla plus pendant un certain temps, ils étaient, dans
dans l'ordonnance du 19 août 1815, qui réor toute la force du terme, auditeurs.
ganisa le conseil d'État. Cependant elle ne les Par une ordonnance du 20 août 1824. leur
supprima pas. nombre fut fixé à trente; ils fuient divisés
Dans le principe ces auditeurs étaient en deux classes , douze de 1" et dix-huit do
chargés de développer, près les sections du 2'. 11 fallait être licencié en droit, jouir do
conseil d'Etal, les motifs soil des propositions 6,000 fr. de revenus et être âgé de vingt et
de lois ou de règlements faits par les mi un ans pour pouvoir être nommé auditeur.
nistres, soit des avis ou décisions que ces mi Tour devenir auditeur de lre classe il fal
nistres rendaient sur les diverses matières lait avoir été auditeur de 2r classe pendant
qui faisaient l'objet des rapports soumis par deux ans au moins. Les auditeurs de 2e clas.-e
eux au gouvernement, et dont le renvoi était n'assistaient qu'aux séances des comités
fait au conseil d État. auxquels ils étaient attachés; les auditeurs
Sous l'Empire le nombre des auditeurs près de i" classe avaient l'avantage sur ceux do
le conseil d'État était de quarante, qui étaient 2' classe d être admis aux séances du conseil
distribués auprès des différents ministres. Il d Etat lorsqu'il délibérait sur les affaires do
y avait en outre cent vingt auditeurs distri petit ordre. Ils ne recevaient ni les uns ni les
bués auprès des directeurs généraux des dif autres de traitement. Sous 1 Empire les audi
férentes administrations; il y avait de plus teurs siégeaient au conseil d'Etat; cependant
un auditeur auprès du préfet de chaque dé ils ne pouvaient y siéger quand 1 empereur le
partement, qui remplissait les fonctions de présidait, si ce n'est après deux années d'exer
sous-préfet dans le chef-lieu du département, cice et une autorisation spéciale de sa part.
et même dans certaines préfectures il y avait C'est l'ordonnance du 5 novembre 1828 qui
un autre auditeur qui avait le droit de siéger règle maintenant celte matière, à part les lé
aux conseils de prélecture, mais sans voix gères modifications introduites par le gou
délibérative. Ils avaient d'ailleurs des attri vernement de juillet, en attendant une loi qu'il
butions assez importantes, surtout ceux at promet depuis long-temps.
tachés au ministère et à la préfecture de po Le nombre des auditeurs est toujours fixé
A.UD ( 2U ) AUD
à trente, dont douze de ir« classe et dix-huit en jurisprudence , il désigno plus fréquem
de 2*. Ils sont distribués auprès des différents ment le lieu public oùlesjuges tiennent leurs
comités établis près de chaque ministre. audiences.
Ils ne reçoivent aucun traitement ; les con A Rome, les auditoires des magistrats su
ditions d'aptitude sont toujours celles dont il périeurs s'appelaient tribunaux, et ceux des
a été parlé plus haut. Les attributions des au juges inférieurs subsellia. L'auditoire desjuges
diteurs consistent principalement à faire dans pédanés était placé dans le portique du palais
les comités les rapports des affaires purement impérial. Dans notre jurisprudence française,
administratives ou contenlieuses en concur le lieu où se tenaient les audiences des justices
rence avec les mailres des requêtes; mais ils royales s'appelait ordinairement palais; on
ne peuvent pas faire de rapport au conseil donnait le nom de prétoires aux lieux où sié
d'Etat lorsque tous les comités sont réunis ; geaient les officiaux. Le nom d'auditoire
ils n'ont jamais voix délibéralive; seulement s'appliquait particulièrement aux lieux où les
par exception on leur a donné ce droit dans seigneurs justiciers exerçaient leur juridic
différentes commissions spéciales créées par tion. Les seigneurs propriétaires de fiefs aux
le gouvernement, telles que celles chargées quels le droit de justice était attaché étaient
dérégler les indemnités allouées aux émigrés obligés do fournir un auditoire, et d'y fairo
et aux anciens colons de Saint-Domingue. 11 les réparations qui pouvaient devenir néces
faut une ordonnance spéciale pour les révo saires, sous peine d'être privés de la justice.
quer. L'auditoire fourni par les seigneurs devait
Depuis que les audiences du conseil d'Etat être situé dans les limites de leur juridiction;
ont été rendues publiques, les- conseillers au dans le ressort du parlement de Provence , il
diteurs de 1" classe ont été admis à exercer devait de plus être placé hors de la maison
près le conseil d Etat les fonctions de mi seigneuriale. Les frais de réparation et d'en
nistère public (ordonnance du 13 mai 1831 1. tretien des auditoires des justices royales
La loi du 21 septembre, 29 octobre 1790, étaient originairement à la charge du roi ; un
article 8, avait établi des commissaires audi arrêt du conseil, du 29 mars 1773, ordonna
teurs des guerres, chargés de la poursuite des que ces frais seraient supportés par les villes.
délits militaires; mais ils furent supprimés En cas d'insuffisance de leurs deniers patri
par la loi des 11-15 septembre 1792. moniaux, le roi fournissait ce qui était né
Il en avait été créé aussi pour la poursuite cessaire pour compléter le paiement des
des délits maritimes; mais ils furent aussi dépenses relatives à cet objet. 11 était expres
supprimés peu de temps après. sément défendu aux juges d'ordonner que les
Sous le gouvernement du Saint-Siège il y a amendes qu'ils prononçaient seraient appli
de véritables magistrats auxquels on donne quées aux réparations et à l'entretien de
le nom d'auditeurs; on appelle en effet audi leurs auditoires.
teurs de Rote, auditeurs de la chambre pontifi La législation nouvelle ne nous fournit
cale, les juges qui composent ces tribunaux qu'un petit nombre de dispositions sur les au
ecclésiastiques; un des auditeurs du tribunal ditoires des différents magistrats. On doit
de Hôte est toujours Français. Loiseau. aMolier dans l'auditoire des tribunaux civils
AUDITIF ( anat.). Adjectifqui sert à dé un extrait des jugements portant interdiction
signer différentes parties analomiques qui ou nomination d'un conseil; un extrait des
entrent dans la composition de l'organe de jugements portant révocation de l'une ou do
l'ouie : le trou et le conduit auditifs, les nerfs, l'autre de ces mesures judiciaires; un extrait
artères et veinesaudilifs. On trouvera l'indi des procès-verbaux de saisie immobilière;
cation et la description de ces organes au mot un extrait des demandes en séparation du
Oreille. On trouvera au même mot l'exposi biens et des jugements qui prononcent la sé
tion du mécanisme de Yaudition ou de l'ouie. paration de corps et de biens; un extrait des
Il sera plus facile de comprendre la fonction contrats de mariage entre époux dont l'un
en ayant sous les yeux les conditions organi est commerçant; enfin, une copie desdeman-
ques de sa production. desen réhabilitation formées par les commer
AUDITOIRE (hist. eljurispr.). Ce mot est çants faillis. On doit afficher dans l'auditoire
employé dans plusieurs acceptions : il signifie des tribunaux de commerce des extraits et
quelquefois une réunion de personnes assem copies semblables à ceux qui doivent être
blées pour écouter un discours fait en public ; affichés dans les salles d'audience des tribu-
Encycl. du XIX' siècle, t. IV. 18
AUD ( 242 ) AUE
naux civils, en matière de séparation de corps Lebrun pour collaborateur, mit le sceau &
et de biens, de contrats de mariage entre leur gloire commune. Parmi les nombreux
commerçants et de réhabilitation , el de plus ouvrages d'Audran, tous remarquables et
un extrait des jugements qui admettent un admirés, on cite son Recueil des proportions
débiteur au bénéfice de cession. En matière du corps humain, gravé d'après ses dessins;
de saisie-immobilière, un exemplaire des pla son Martyre de saint Laurent, d'après Le
cards est affiché à la porte de l'auditoire des Sueur; la Peste d'Eaque et le Plafond du VaU
juges de paix de la situation des biens, et de-Grdce -, d'après Mignard; le Martyre dt
aux portes extérieures des tribunaux civils sainte Agnes, d'après le Dominiquin ; la Femme
du domicile du saisi, de la situation des biens adultère; le Pyrrhus; le Coriolan; le Baptême
et de la vente. Les exploits signifiés à des in du Pharisien, d'après le Poussin, et entre tous
dividus qui n'ont aucun domicile connu en l'Enlèvement de la Vérité, d'après le même
Fiance doivent être affichés à la principale peintre. Girard Audran réunissait à la sou
porte de l'auditoire du tribunal où la demande plesse et à la fermeté du burin le sentiment
est portée. profond d'un dessin plein de netteté et de
En matière criminelle, les témoins restent correction. Il savait, par une touche aussi
dans l'auditoire après leur déposition, à moins savante que variée, reproduire les qualités de
qu'il n'en soit ordonné autrement par le pré ses modèles avec tant de perfection que la
sident. L'accusé peut demander que certains copie souvent dépassait l'original. En 1081,
témoins se retirent de l'auditoire après leurs l'Académie de peinture nomma Audran un de
dépositions, et qu'un ou plusieurs d'entre eux ses conseillers.
soient entendus de nouveau, soit séparément, AUDRAN (Claude) j frère du précédeni,
soit en présence les uns des autres. peintre distingué, né à Lyon en 1641, mort a
Pour savoir par qui doivent être supportées Paris en 1734. Il fut élève dé Charles Lebrun,
aujourd'hui les dépenses relatives aux audi qu'il imita jusqu'à la servilité. Ses meilleurs
toires des différents tribunaux, on peut con ouvrages sont une Décollation de saint Jean-
sulter, entre autres dispositions, les art. 2 et Baptiste, saint Denis, saint Louis, le Miracle
13 de la loi du 11 frimaire an vu. des cinq pains, la Chapelle du château de
Indépendamment des deux acceptions que Sceaux , le Grand Escalier de Versailles, la
nous avons fait connaître au commencement Galerie des Tuileries, etc., etc. Il fut le maiire
de cet article, le mot auditoire avait autre de Walteau.
fois une troisième signification que nous ne Audran (Charles) , Audran (Claude) , Au
devons
vait pourpasdésigner,
omettre dans
d'indiquer
les anciennes ser- dran (Benoît), Audran (Jean), tous graveurs
; on s'en égli-
plus ou moins distingués , étaient parents du
ses> la partie de l'édifice qu'on appelle aujour célèbre Girard.
d'hui la nef. Les assistants étaient obligés de AUENBRUGGER (LÉopou>),néàfira!z,
s'y tenir debout. Ed. Plisson. en Styrie, le 19 novembre 1722, fut médecin
AUDRAN (Girard), graveur distingué, né de l'hôpital espagnol de Vienne, et n'a publié
à Lyon en 1640, el mort à Paris en 1703. Claude qu'un petit nombre d'Opuscules; mais l'un,Aro-
Audran, son père , fut son premier maître , et vum inventum ex percussione thoracit humant,
après avoir été initié sous lui aux principes ut signo, abstrusos inlerni pectoris morbos de-
de 9on arl, Girard fit le voyage de Rome, où il tegendi, Vienne, 17G1> traduit en français dès
s'appliqua pendant trois années à l'élude du 1770, et tire de l'oubli seulement en 1808
dessin et de l'antique , où il obtint des succès par Corvisart, qui en donna une nouvelle tra
éclatants. 11 étudia aussi à fond les grands maî duction, renferme sous un litre modeste l'une
tres do l'école italienne, et copia au crayon et des plus belles et des plus utiles découver
au pinceau les chefs-d'œuvre de Raphaël. Ses tes de la médecine moderne. Elle consiste à
premiers essais furent la gravure d'un plafond juger de l'état des organes contenus dans la
qu'avait peint Piètre de Cortone, et celle poitrine d'après le son que rend cette cavile
de plusieurs tableaux du Dominiquin. Girard quand on frappe ses parois avec la main. Par
Audran dut a sa réputation d'être rappelé en la Percussion de la poitrine on peut, avec
Franco par Colbert, appréciateur de tous les de l'habitude , déterminer avec précision le
hommes de mérite. Louis XIV lui lit graver siège et l'étendue des lésions du poumon dans
la suite des Batailles d'Alexandre-le-Grand, la phthisie, la pneumonie surtout ; recon
et ce beau travail , dans lequel Audran eut naître si un liquide est épanché entre le
AUG ( 243 ) AUG
poumon et les parois du thorax, comme dans échelle, lorsqu'un ministre protestant, tou
la pleurésie; quel est le développement du ché par son éloquence, lui fit obtenir sa grâce
cœur, dans les anévrismes par exemple, etc. Il n'en continua qu'avec plus d ardeur sa
Le jugement porté alors par le médecin est carrière apostolique. Sa réputation par
d'autant plus exact qu'il repose sur des don vint jusqu'à Henri III, qui le nomma son
nées toutes physiques, et qui échappent ainsi prédicateur et son confesseur. Ainsi le père
aux variations fugitives des phénomènes Edmond Auger fut le premier jésuite confes
physiologiques. La certitude du diugnostic seur des rois. La pureté de ses mœurs, son
dans les affections des organes pectoraux éloquence douce et entraînante, son dévoue
est devenue presque mathématique depuis ment admirable à la cause du catholicisme,
qu'un médecin français, Laënnec, a com lui méritèrent les éloges des écrivains les plu*
plété la découverte d'Auenbrugger parcelle célèbres de son siècle, et l'un d'eux, qui s'é
de I'Auscultation , les deux procédés se rec tait déclaré l'ennemi des jésuites, ne put s'em
tifiant runparl'autre.Auenbrugger est encore pêcher de l'appeler « le Chrysostôme de la
auteur de différents écrits ; mais son litre de France, le plus éloquent et le plus docte pré -
gloire sera toujours d'avoir doté la médecine dicaleur de son époque, et tel que, si la reli
d'un de ses plus beaux fleurons, en l'enrichis gion donnait des statues aux orateurs, il fau
sant d'un des procédés qui aura le plus con drait que la sienne fût avec une langue d'or,
tribué à la tirer du domaine des conjectures, comme celle de Béiose, etc., etc. » Il devint
du moins quant au diagnostic des maladies l'ami de Henri IV. l.e père Auger a laissé
de la poitrine. Archambault. plusieurs ouvrages de controverse fort bien
AUGEARD (Mathieu) fui reçu avocat au raisonnes, mais dont toute la valeur résidait
parlement de Paris en 1703, devint secrétaire dans l'à-propos des circonstances. Son meil
du sceau sous le ministère deChauvelin,puis leur ouvrage est intitulé le Pédarjogue d'ar
secrétaire du roi du grand collège en 1735, et mes à tin prince chrétien pour entreprendre et
mourut le 27 décembre 1751. Un a de lui un achever heureusement une bonne guerre victo
recueil d'arrêts intitulé : Arrêts notables des rieuse de tous les ennemis de son Etat et de l'E
différents tribunaux du royaume sur plusieurs glise, 15u8. La suiie des événements a large
questions importantes de droit civil, de cou ment justifié le père Augcr du reproche qu'on
tume, de discipline ecclésiastique et de droit pu lui fait d'avoir voulu dans ce livre conseiller
blic. Ce recueil parut d'abord en Irois volu la proscription des hé; cliques.
mes in-4", qui furent imprimés successive AUGER ( Athanase,, piètre, un des plus
ment en 1710, 1713 et 1718. Quelque lemps savants hellénistes du xvin" siècle, né à Paris
avant sa mort Augeard avait commencé une le 12 décembre 17^4, inorl le 7 février 1792.
seconde édition de »on ouvrage, pour laquelle Après avoir professé la rhétorique ii Rouen,
il avait recueilli des matériaux considérables. il devint grand-vicaire de monseigneur de
Cette édition fut terminée par Hicher, qui la Noè, é\è.|iie de Lascar. Modeste, bienveil
publia en 1750 en deux volumes in-fol. Elle lant elde mœurs douces, l'abbé Auger pa-sa
est beaucoup plus ample que la première, et presque toute sa vie dans la retraite el le si
va jusqu au commencement de l'année 1736. lence, à étudier les anciens, particulière
L'ordre chronologique y est exactement ob ment les oraleursel les philosophes grecs, pour
servé. La collection d Augeard est le fruit de lesquels il nourrissait une passion favorite.
conférences qui avaient été établies chez Une de ses meilleures traduction? est celle des
l'abbé Bignon ; elle a été faite avec le plus Harangues de Démoslhènes et d'Eschine sur
grand soin , et c'est sans contredit un des lu Couronne, Rouen, 1708, in-12, et celle des
meilleurs recueils que l'ancienne jurispru OEuores complètes de D moslhènes et d'Es -
dence nous ait laisses. Eu. Pusson. chine, 1777 et 1778, 6 vol. iu-8. Il est lo
AUGER (Edmond), jésuite, né dans un premier qui ail traduit en français lesœuvres
petit village de la Champagne eu 1515, mort complètes de ces deux auteurs. Si un travail
k Conte eu 1591. Entré à Home dans l'ordre long et patient, joint à une profonde connais
de Saint-Ignace , il professa avec succès les sance de la langue qu'on veut traduire, suf
humanités en Italie, et revint en France, où fisaient pour assurer I excellence d'une tra
il déploya un infatigable zèle à la conversion duction, celle de l'abbé Auger serait hors do
des hérétiques. Condamné à être pendu à Va ligne; niais à l'exactitude, à la correction, à
lence, déjà le père Augcr montait la fatale l'élégance même qui la caractérisant, \\ mau
AUG ( 244 ) AtTG
que un des éléments constitutifs del'ôloquence niers grades de l'armée , par sa bravoure et
do Démosthènes, le nerf de diction et la cha son héroïsme , aux plus hautes dignités ;
leur d'âme de l'orateur grec. Cependant cette mais si sa carrière militaire fut brillante, il
traduction est encore une des meilleures que le dut presque autant aux événements qui le
nous possédions. Nous avons de lui : 1» OEu- favorisèrent qu'à ses qualités personnelles.
vres complètes d'Isocrate, 1783, 3 vol. in-8" : Sans instruction , homme nul dans l'adminis
cet ouvrage est très estimé ; 2° Homélies , tration et la politique, d'un caractère versa
discours, lettres choisies de saint Jean Chry- tile et inconsidéré , il se rangea toujours du
sostôme , 1785, 4 vol. in-4° ; 3° Discours choi parti du vainqueur et s'enrichit à force de
sis de Cicéron, 1787,3 vol. in-12;4° De la trahisons. Il servit d'abord , simple carabi
constitution des Romains sous les rois et au nier, dans les troupes napolitaines, puis il se
temps de la république, 1792, 3 vol. in-8°. fit maître d'escrime à Naples. De retour en
C'est l'œuvre la plus importante de l'abbé France , il s'enrôla , volontaire , dans l'armée
Augcr, et celle à laquelle il consacra tous ses républicaine du Midi. Général de brigade à
soins pendant trente ans. Il nous a laissé en l'armée des Pyrénées , il fut nommé général
outre une multitude d'autres traductions des de division à l'armée d'Italie en 1796. Il
philosophes et des historiens grecs. L'abbé remporta dans cette campagne des succès
Auger fut nommé membre de l'Académie des éclatants , qu'il couronna en s emparant du
inscriptions quelque temps avant sa mort. pont de Lodi , malgré une formidable artille
AUGEH (Louis-Simon), crilique et litté rie qui le défendait. Après avoir pris d'as-
rateur, né à Paris le 29 décembre 1772, mort sautCastiglione et un grand nombre d'autres
le 2 janvier 1829. D'abord employé au mi villes, il mit le sceau à sa réputation à la
nistère de l'intérieur en 1810, il quitta cette mémorable affaire d'Arcole, dont la principale
place pour se livrera l'étude de la littérature. gloire lui fut justement attribuée. Augereau
En 1814 il fut nommé censeur royal , et , revint à Paris, chargé de richesses. Le Di
deux ans plus tard, il fut reçu à l'Académie rectoire lui décerna des honneurs publics , et
Française, fut nommé membre de la commis Bonaparte lui-même fit son éloge. Augereau
sion du Dictionnaire, et enfin secrétaire per concourut en qualité de chef militaire à la ré
pétuel. Auger se mêla vivement à la politi volution du 18 fructidor. Quoiqu'il eût jusqu'a
que du jour, et fit aussi paraître une foule de lors manifesté des opinions contraires à celles
brochures critiques où il défendait la littéra du Directoire, il en devint l'instrument ser-
ture classique contre les systèmes de la nou vile ; mais n'ayant pas obtenu la récompense
velle école. Editeur et annatoteur de plusieurs qu'il avait demandée à ses nouveaux maître-,
ouvrages, il prit à tâche d'expliquer et de il se plaignit assez haut pour être envoyé à
commenter Molière et La Harpe. Ce travail l'armée du Rhin et Moselle, ce qui était une
n'est pas sans mérite. Il composa aussi plu véritable disgrâce. Le Directoire qui le crai
sieurs pièces de théâtre qui n'eurent pas de gnait le rappela bientôt, et lui donna le com
succès, et qui sont aujourd'hui tout-à-fait mandement de la 10e division militaire à Per
oubliées. Ses nombreuses harangues acadé pignan. Augereau ne tarda pas à revenir à
miques décèlent un véritable talent critique Paris, appelé qu'il fut à faire partie du con
dans lequel il dominait. La position brillante seil des Cinq-Cents par le département de
d'Auger, les honneurs qui l'environnaient et la Haute-Garonne. Lorsque Bonaparte, vic
la plénitude d'une vie active, employée à la torieux en Egypte, vint commander aux
culture des lettres, ne laissaient pas prévoir Tuileries, Augereau démentit encore par sa
qu'il dût attenter à ses jours par une mort conduite les preuves de dévouement qu'il avait
volontaire. Au bout de trois semaines de dis données à la république et se rallia à la for
parition subite de sa demeure , il fut trouvé tune de Bonaparte. Nommé par lui comman
noyé dans la Seine, prèsMeulan, à dix lieues dant en chef de l'armée de Hollande , il eut
de Paris. une grande part dans le succès de la bataille
AUGEREAU (Pierre- François -Char de Hohenlinden. Rentré en France, Auge
les), duc de Castiglione et maréchal de reau se retira près de Melun , dans sa terre
France, naquit à Paris le 11 novembre 1757. de la Houssaye , qu'il venait d'acheter. Bo
Son père était ouvrier maçon , et sa mère une naparte qui le redoutait , une fois devenu em
marchande de fruits du faubourg Saint-Mar pereur, le nomma maréchal de l'empire,
ceau. Soldat de fortune, il parvint des der quoiqu'il connût l'opposition que faisait Au
AUG (245 ) AUG
gereau contre son gouvernement. Il l'éleva AUGSBOURG {gtogr.), au confluent de
aussi à la dignité de grand-officier et chef laWerlach avec le Lech, ville épiscopal» in
d'une cohorte de la Légion-d Honneur. Ce fut dustrieuse et commerçante , jadis impériale,
dans ce temps qu'il reçut le beau titre de duc aujourd'hui chef-lieu du cercle du Haut-Da
de Castiglione. Napoléon fit reprendre du ser nube, dans le royaume de Bavière. Elle pos
vice à Augereau, qui s'illustra de nouveau sur sède plusieurs établissements importants , un
li'Hliin.à Iénaetà Leipsik. Pendant la cam arsenal considérable. Sa population est d'en
pagne de France en 1814, Augereau obtint le viron 34,000 habitants. Son hôtel-de-ville
commandement de l'armée de l'Est, réunie à est réputé le plus beau de l'Allemagne.
Lyon. Avec les forces militaires dont il dispo AUGSBOURG ( Confession d' ). On ap
sait , il aurait pu repousser les alliés qui pé pelle ainsi la profession de foi que les luthé
nétrèrent en France par la Suisse et la Bour riens présentèrent à Charles-Quint en 1530,
gogne. Il se caser ua dans Lyon, dans l'at dans la diète tenue en cette ville. Douze ans
tente desè vénements de Paris, et lorsqu'il les s'étaient écoulés depuis le premier éclat do
connut, il fit contre Napoléon une procla Luther. L'erreur avait fait de grands pro
mation violente et envoya ses serments à grès et déjà elle comptait parmi ses partisans
Louis XVIII qui l'éleva à la pairie, ce qui plusieurs électeurs et princes d'Allemagne.
ne l'empêcha pas, au retour de Napoléon de Aussi long-tempaqu'ils virent Charles occupé
l'île d'Elbe, de se parjurer au profit du vain loin de sesEtats du nord, ils firent, eux et leurs
queur. Cette nouvelle bassesse le couvrit de prédicants, à peu près ce qu'ils voulurent;
mépris , et Napoléon s'en vengea en le lais mais à l'approche d'un empereur jeune, ac
sant sans emploi. Plus tard Louis XVIII le fit tif et aussi puissant, ils sentirent le besoin
rentrer à la Chambre des pairs. Le maréchal d'une union qui pouvait seule les rendre re
Augereau mourut peu de temps après, à sa doutables eux-mêmes. Ils songèrent avant
terre de la Houssaye. L'avilissement dans le-» tout à un formulaire de foi, si nécessaire,
quel il était tombé hâta sa fin. Fr. G. dans cette grave circonstance, pour lever l'é
AUGIA (bol,). Nom donné par Loureiro norme scandale de tant de divergences dog
[Flor. coch.) à l'arbrisseau qui produit le suc matiques qui se révélaient chaque jourau mi
résineux qu'on appelle vernis de la Chine. lieu de ces réformateurs de l'Eglise et du
L'espèce unique , augia Sinensis, qui croît à monde chrétien. Le landgrave de Hesse, le
Siam , en Chine , en Cochinchine , habite les plus considérable alors des protecteurs du nou
bois et présente les caractères botaniques des vel évangile, avec l'éleoteur de Saxe, fit un
gutlifères ; aussi M. de Jussieu l'a-t-il placé premier essai infructueux dans les conféren
dans cette famille , à la suite du genre calo- ces do Marpurg , où Luther et ses partisans
phyllum. Il parait que les médecins du pays d'une part, Zuingle et les sacramenlaires
emploient eu pilule le suc résineux de l'augia, de l'autre , ne purent entendre à aucun ac
après lui avoir fait subir toutefois une es cord. Il fallait du moins montrer quelque chose
pèce de torréfaction qui la dépouille du prin de fixe et de convenu dans le parti luthérien,
cipe volatil qui lui donne de l'âcrelé. Cette et ce fut dans cette vue que l'électeur de
lésine passe pour être résolutive etanti-hel- Saxe en réunit les chefs à Torgaw ( 1529 ),
iniutliique. afin de préparer les bases de la profession de
AUGIAS, roi d'Elide aux temps fabuleux, foi que l'on présenterait à la diète convoquée
qui , selon les poètes , était fils du Soleil. Il à Augsbourg pour l'année suivante. Luther
promit à Hercule de lui donner pour récom dressa 17 articles, et laissa volontiers au
pense le dixième de ses bestiaux s'il parve plus habile et au plus modéré de ses disciples
nait à nettoyer ses écuries ; mais lorsque ce le soin de donner a cette pièce importante
lui-ci eut terminé ce travail en y faisant pas le style et la forme que les circonstances exi
ser les eaux du fleuve Alphéc , qu'il détourna geaient. Ce chef, si violent par caractère, et
de leur lit , Augias refusa d'exécuter sa pro qui dominait au milieu des siens sans gêne ni
messe. Hercule, indigné, le tua et donna ses mesure, comprit néanmoins la nécessité de
Etais à Philée , son fils. On dit aujourd'hui revenir de ses premiers excès. Mélanclhon,
proverbialement : Nettoyer les écuries d'Au- qui la comprenait mieux encore, mit en œu
gias, pour désigner une entreprise ou un vre toutes les ressources de son génie, d'ail
travail désagréable, presque impossible à leurs si flexible, pour écarter du nouveau
exécuter. symbole tout ce qu'il croirait le plus capable
u;g ( 246 ) AUG
de choquer dans la doctrine. Il est divisé en Jésus-Christ ( art. 21 ). — Viennent ensuite
doux parties, dont la première traite, en 21 les sept articles de la seconde partie. 11
articles, des points de doctrine, et la seconde, faut recevoir la communion sous les deux es
pelaient
en 7 articles
les abus
, de ce
de que
l'Eglise
les réformateurs
romaine, c'est-à-
ap - pèces, et abolir l'usage de porter le sacre
ment dans les processions ( art. 1 ), condam
dire de ses cérémonies et de ses usages. En ner le célibat ecclésiastique et religieux ( art.
voici le résumé : 2 ), et ne point blâmer l'abolition des messes
Il faut reconnaître un Dieu en trois per basses et privées, ni l'insertion de quelques
sonnes , selon les décisions des quatre pre prières en langue vulgaire dans la liturgie
miers conciles généraux ( art. 1" ). Nous ( art. 3 ). Il faut aussi décharger les fidèles de
admettons le poché originel, qui n'est que la l'obligation de confesser, du moins dans un
concupiscence ( art. 2 ), et ce que nous en détail exact, leurs péchés ( art. k), et reje
seigne le Symbole des apôtres touchant l'in ter les jeûnes, la vie et les vœux monasti
carnation, la vie, la mort, la résurrection ques ( art. 5 et 6 ). Enfin les droits des deux
<;l l'ascension de Jésus-Christ (art. 3). La puissances doivent être réglés de telle ma
loi sans les bonnes œuvres, mais non sans nière que le pouvoir temporel ne se trouve
la grâce, nous justifie ( art. k ), et cette foi, en aucune façon entre les mains du pape et
■laus la réception des sacrements, est l'opé des évêques, dont on ne reconnaît point
ration du Sainl-Esprit qui nous y est donné d'ailleurs la juridiction ( art. 7 ).
; art. 5); les bonnes œuvres doivent naître La confession ainsi élaborée fut approu
île cette môme foi, quoiqu'elles ne servent vée par Luther, et souscrite par les cinq
point à la justification ( art. 6). L'Eglise princes protestants et plusieurs villes, dont les
n'est composée que des élus ( art. 7 ), et la principales sont Nuremberg et Reulhlingen.
justice n'est point requise dans les ministres Noms avons conservé la suite et la distinction
de la parole de Dieu et des sacrements pour des articles, afin de donner une idée du peu
leur efficacité (art. 8). Le baptême est né d'ordre et des répétitions qu'on remarque
cessaire aux enfants ( art. 9 ), et dans l'Eu dans cette pièce que la réforme luthérienne
charistie nous devons reconnaître la pré a regardée comme son chef-d'œuvre et son
sence réelle du corps et du sang de Jésus- évangile. On y voit combien Luther avait
Clirist ( art. 10). L'absolu. ion est nécessaire rabattu de ses prodiges d'erreur touchant le
dans le sacrement de pénitence , mais non le péché originel, la liberté, la prédestination,
dénombrement des péchés (art. 11 ). Le juste sur Dieu auteur du péché, etc.
peut perdre la grâce et le pécheur la recou Enfin le temps fixé pour l'ouverture delà
vrer, bien que repentant il ne puisse mériter diète arriva ( 1530 ). Los princes prolec
la rémission de ses péchés par ses œuvres teurs de la réforme se rendirent à Augsbourg
( art. 12 ). La foi actuelle est nécessaire, avec Melanclhon et les autres principaux
même dans les enfants, pour la récept.on des théologiens du parti. Luther, encore sous le
sacrements ( art. 13 ) , que d ailleurs per poids de l'édit deWorms, n'osa s'y rendre;
sonne ne doit administrer, uou plus que prê il s'en approcha du moins autant qu'il fut
cher la parole de Dieu , sans vocation possible, et s'arrêta dans la forteresse de Co-
; art. 14). H faut garder les fêtes et obser bourg. Après quelques débats, les luthériens
ver les cérémonies ( art. 15); respecter l'au eurent enfin la permission de lire leur profes
torité des magistrats, la propriété des biens sion de foi devant l'empereur et l'assemblée.
et l'institution du mariage ( art. 16). La ré Les catholiques s'en scandalisèrent; mais, peu
surrection, le jugement général, léternité de jours après, ils entendirent la solide réfu
des peines et des récompenses sont autant tation qu'en firent, sur l'ordre de Charles-
de dogmes incontestables, en même temps Quint, Eckius, Cochlée et les autres théolo
qu'on doit rejeter l'erreur dos millénaires giens romains. Melanclhon répliqua par son
( art. 17 ). Avec la liherté , il faut encore la Apologie delà confession, laquelle, revue et
grâce pour le salut (art. 18) ; et Dieu, au amplifiée par son auteur, a joui d'une auto
teur de l'homme, ne l'est point du péché rité égale à celle de la confession elle-même,
! art. 19 ). Nous reconnaissons quelque utilité dont on ne l'a plus séparée.
dans les bonnes œuvres ( art. 20 ), en même Dans l'espoir de ramener les esprits par la
temps que nous repoussons l'invocation «les persuasion, on établit des conférences,d abord
jaiitls, comme dérogatoire à la médiation de de sept, puis de trois personnes de chacun
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des deux partis. Co fut surtout dans ces con ments de ion histoire ( voy. Luthériamsue,
férences que Mélanctlion donna des preuves Protestantisme) . L'abbé Blanc.
de \n souplesse de son caractère, de sa ten AUGURE. Ce mot, dérivé du latin au-
dance à la paix, et peut-être de cette indiffé gurium, qui avait la même acception, dé
rence dogmatique dont on l'a accusé non signe la divination par l'inspection des oi
sans fondement ( voy. Mélancthon ). Les seaux , divination à laquelle les Romains at
protestants revinrent au dogme catholique tachaient la plus haute importance. Ce nom
sur 15 des articles de doctrine ; l'accord ne d'augure est encore celui du prêtre chargé
fut que partiel sur trois autres , savoir: des d'observer les présages célestes, et ses fonc
parties de la pénitence, de la foi et des bon tions constituèrent à Rome une sorte de ma
nes œuvres, et du culte des saints ; trois enfin gistrature inviolable et sacrée.
concernant la confession , l'ordre ecclésias Les érudits de l'antiquité n'ont point été
tique et les cérémonies , furent renvoyés à d'accord sur l'étymologie du mot augurium:
la discussion des sept articles contre les pré Varron le fait venir d'ex avium garritu, parce
tendus abus de l'Eglise romaine. Ce fut pré que les augures consistaient surtout dans
cisément
tendre. Mélanctlion
sur ces articles
, il estque
vrai
Tonne
, se rapprocha
puts'en- l'observation du chant des oiseaux ; Feslus,
et dans les temps modernes Lloyd, en ont
entièrement des catholiques sur la juridiction donné des origines différentes. Peut-être no
ecclésiastique, qu'il reconnut; mais cette nou serait-ce pas dans la langue latine qu'il fau
velle concession acheva d'effrayer les protes drait chercher l'étymologie de ce mot. La
tants rigides. Luther, à qui tout était com science des augures avait été apporlée d'Asie
muniqué, jetait les hauts cris dans sa retraite aux Etrusques, de PEtrurie elle était passée
de Cobourg, et défense fut faite à Mélanctlion à Rome; ainsi il est fort possible que ce soit
de faire un pas de plus en avant. On rompit à la langue de quelques contrées de l'Orient
donc les conférences, qu'on voulut renouer qu'appartienne le mot en litige. Quoi qu'il
encore; mais enfin le mot échappa au parti en soit d'ailleurs, les anciens s'accordaient
luthérien : il no voulait à aucun prix se réu presque tous à regarder l'Asie comme le ber
nir à l'Eglise romaine, et dès lors tout es ceau de ce genre de divination ; mais quel est
poir de retour fut perdu. au juste le peuple qui en fut l'inventeur, c'est
Telle fut l'issue de la célèbre diète d'Augs- ce qu'il nous est impossible de décider; il rè
bourg. L'un des plus grands avantages qu'en gne à ce sujet trop d'incertitude chez les
retirèrent les réformateurs allemands fut écrivains grecs ou latins pour que nous
cette même confession de foi que la nécessité puissions nous arrêter à l'opinion de quelque»
de s'unir un instant leur fit signer. Type et uns d'entre eux ; nous dirons ici seulement
symbole de la branche luthérienne, elle y que saint Clément d'Alexandrie, le plus
maintint au moins une unité fictive et nomi éclairé de tous, prétend que c'est en Phrygio
nale, sans gêner en rien la liberté de dogma que les augures ont pris naissance.
tiser qui ressortait de son principe. Vérita La divination par les oiseaux était en usage
ble boite de Pandore , comme l'appelaient par dès la plus haute antiquité. Le Lévitique
dérision les zuingliens, ou en vit sortir mille nous apprend qu'elle était défendue aux Hé
opinions diverses également erronées. Non breux , ce que nous confirme encore ce pas
seulement on l'a interprétée chacun à sa ma sage du Deutèronome : Nec invematur in le qui
nière, mais ou l'a modifiée au point qu'on observet somnia atque avguria. Enfin certains
ne sait plus retrouver le texte original et commentateurs des livres saints ont voulu
primitif au milieu des variantes qu'on lui a voir les différentes parties de la science augu-
fait subir. Toutefois il faut reconnaître que la gurale exprimées par ce passage de Job :
confession d'Augsbourg a exercé une in Quis gallo dédit intelligent iam? et le suivant .
fluence favorable sur l'ensemble du parti tiré de l'Ecclésiaste : Avii cceliproférât vocem,
luthérien, qu'elle a retenu dans des habitu et aies indicabit rem. Cependant, pour nu
des de modération qu'on ne trouve point dans point donner à nos paroles plus de portée qim
lis autres sectes protestantes ; mais elle n'a nous ne le voudrions , nous dirons que dans
pu le soustraire à l'ascendant du rationalisme le passage du Deutèronome cité plus haut, le
qui absorbe la réforme tout entière , et ne mot hébreu traduit par auguria , et que la
permet plus de considérer ses mille confes version des Septante a rendu par oimvoi , sem
sions de foi que comme de simples monu blerait plutôt indiquer qu'il s'agissait d un
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serpent. Il est vrai que, dût-on traduire par vations qui ne pouvaient être faites qu'entre
serpents, nous avons encore des auteurs, et midi et minuit, parun temps calme et serein,
Suidas à leur tête, pour nous prouver que la ils prenaient un bain, mangeaient le cœur et
divination par lesserpents avait la plusgrando le foie d'un vautour, d'un corbeau, ou de
liaison avec celle qui faisait usage des oi quelque autre animal propre à la divination ;
seaux , et que le mot hébreu en question , ils se rendaient ensuite dans un lieu élevé
dont l'acception est très générale du reste, appelé arx, et là, le dos tourné vers le nord,
signiûerait animal de l'inspection duquel on position inverse de celle adoptée par les
tire des présages. Grecs, assis et le lituus à la main, ils tra
Les Grecs appelaient les augures opvuç, ôp- çaient dans le ciel avec ce bâton un espace
viotfxômxa
observer bpvioexinoi
, oiwvoe, et, les
otuvtVrai
prêtres, ôiuvottoXoi.
chargés de les qu'on appelait lemplum, et dans les limites
duquel l'augure devait être observé. Non seu
Les ôimviVtoci étaient vêtus de blanc ; ils en lement l'examen des oiseaux appartenait h
registraient soigneusement le résultat de l'augure, il devait encore tirer des présages
leurs observations qu'ils faisaient en un lieu des phénomènes de l'air. Mais nous renver
appelé oifewffTrpiov, ou plus souvent Sixoç ou rons au mot Présage pour plus de détails à
5ùxo;. Pour observer le présage, l'opiodxojroç oe sujet.
devait se tourner vers le nord ; et comme on Le crédit des augures périclita à Rome
tenait pour heureux tous les présages qui sensiblement vers les derniers temps de la
paraissaient à l'orient et pour malheureux république. Ces prédictions des augures, dont
ceux qui se montraient à l'occident, les oi fourmille l'histoire romaine , et qui reçurent
seaux favorables étaient ceux que le prêtre de si éclatantes réalisations, étaient racon
observait à sa droite, et les défavorables à sa tées sans qu'on y crût. L'anecdote de Naevius
gauche. Les premiers portaient le nom d'oï- et de Tarquin , trop connue pour que nous
«(uoi , cûvtâpoi , les seconds d'enroQûfuoi , d'tÇci- la rappelions ici, n'est point le trait le moins
/ccfiot. Mais la science des augures fut beau curieux de cette vieille superstition nationale
coup moinsen honneur chez les Grecs que chez des Romains. Sans doute qu'elle avait perdu
les Latine. En Grèce les hommes sensés en bien de sa puissance alors que Caton disait
avaient fait justice de bonne heure, et Ho qu'il ne concevait pas que deux augures se
mère disait déjà : regardassent sans rire , et que Cicéron , au
Elç iiMv'j; âpivroç àjXvvtoQai irtf! irarpïjç. gure lui-même, écrivait un livre pour dévoi
A Rome les augures devaient leur institu ler la vanité et la fausseté de leur science.
tion à Romulus. Il en avait d'abord créé trois, Cependant la divination par les oiseaux ne
nombre égal à celui des tribus , et on devait fut point connue des seuls peuples dont j'ai
les choisir parmi les patriciens. On en ajouta parlé. Quels hommes avaient plus de con
par la suite quatre et même cinq , qui furent fiance dans les augures que les Gaulois , que
pris parmi les plébéiens ; sousSylla, le col ces Yascones, qu'au dire de Lampridius
lège des augures était composé de quinze Alexandre Sévère surpassait encore en cré
membres. Le premier d'entre eux portait le dulité à cet égard i O'ptvômcoiroç tnagnus est ut
titre de maître des augures; il pourvoyait et Vasconei vicsrit, disait-il. Les Scandinaves
d'abord au remplacement de ceux qui mou observaient le croassement prophétique des
raient; mais ce privilège lui fut retiré et ac oiseaux ; dans le Brésil, le Tupinamba passe
cordé au peuple. Sous les empereurs, la di encore des journées entières à écouter le chant
gnité d'augure , ainsi que toutes les autres, du macauhan; dans l'Inde, les Thugs, ces
était à la merci du pouvoir impérial. bandes d'assassins fanatiques qui désolent les
Les augures portaient une prétexte ou tri<- bords du Gange, n'entreprennent aucune de
bée ; ils avaient sur leur tête une couronne, et leurs expéditions sanguinaires sans avoir
tenaient à la main un bâton sans nœuds ap consulté les augures, et dans notre Franco
pelé tituus, à cause , disait-on, de la ressem si éclairée elle-même, le paysan craint
blance de sa forme avec celle du clairon. d'entendre la chouette lui prédire sa fin pro
Pour qu'ils fussent aptes à remplir leurs fonc chaine. Alfred Maury.
tions , ils devaient jouir de la plus parfaite AUGURELLO (Jean-Aurèle), poète né
santé ; la moindre plaie , la moindre maladie à Rimini en 1441, professa avec distinction
les eût rendus incapables de s'en acquitter. les belles-lettres à Trévise ; il composa un
A vaut d'aller faire leurs observations, obser recueil de poésies renfermant des élégies , des
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vers ïambes et des odes qui parurent à Vé- tique. Au revers : -(- fridericvs. Aigle éploy é,
roune en 14-91. Comme beaucoup de docteurs tournant la tête à droite. Cette pièce d'or
de son époque, il se livra à la recherche de la pèse 100 grains. Toute la légende doit être
pierre pliilosophale, et composa pour célébrer entendue ainsi, en commençant par le re
cette prétendue science un poëme intitulé vers : Frédéric-César-Auguste, empereur des
Chrytopeïa ; c'est la meilleure de ses pièces. Romains. Il existe également au Cabinet du
On raconte que le pape Léon X, à qui il pré roi une demi-auguslale offrant le même type
senta ce poëme, lui donna une belle bourse et du poids de 50 grains. Ces monnaies sont
vide en lui disant que, puisqu'il savait si bien d'une grande rareté.
faire de l'or, il n'avait besoin que d'un en YergaraL{MonetedelregnodiNapoli,Roma,
droit pour le renfermer. Les poésies d'Augu- 1715) donne la ligure d'une augustaie qui
rello lui ont acquis une réputation distinguée, diffère de celle que je viens de décrire en ce
quoiqu'elles manquent de chaleur. Il mourut que la tête de l'empereur y est représentée,
en 1524 , à l'âge de quatre-vingt-trois ans. non pas laurée, mais radiée, c'est-à-dire or
AUGUSTALE, monnaie d'or frappée en née de la couronne italique à pointes aiguës.
Sicile par l'empereur Frédéric II. De plus, l'aigle du revers tourne la tête h
On l'appelle aussi augustaire, en italien gauche; je n'ai jamais vu cette curieuse va
agostaro. Ces deux formes de la même déno riété en nature.
mination sont tirées du titre d'auguste, que Plusieurs auteurs font mention des augus-
prend sur cette monnaie Frédéric II en sa tales; voici ce qu'en dit Riccardo di San-
qualité d'empereur d'Occident. Rien n'est Germano: «Au mois de décembre 1231, on
plus étonnant que ce monument numisma frappa par ordre de l'empereur, dans les
tique. Fabriqué au xni" siècle, alors que les Deux-Siciles, à Rrindes et à Messine, des
arts qui ressortent de la glyptique avaient monnaies d'orque l'on nomma Augustales. »
presque disparu, il porte des traces frappan Et un peu plus loin : « En 1236, par ordre de
tes de ce goût antique que ne consultaient l'empereur, on frappa à Rrindes de nouvelles
plus les artistes de 1 Europe septentrionale. impériales, et les anciennes furent décriées. »
11 était réservé à la Sicile, libre du joug des Impériales est ici pour augustales. Le même
Musulmans iconoclastes, de voir revivre un auteur nous fait encore connaître la valeur
instant ces inspirations qui avaient produit de l'augustale, qui, dit-il, devait être reçue
tant de chefs-d'œuvre en tous genres dès les pour un quart d'once d'or. Quelques auteurs
temps les plus reculés. Métal, module, type, ont écrit d'après Malaspina que l'empereur,
travail, tout dans l'augustale semble copié venant à manquer de numéraire dans le temps
des Aurei impériaux de L'antique Rome, qu'il était dans la Romagne, fit fabriquer une
sans doute avec une certaine roideur de des monnaie de cuir à laquelle il donnait la va
sin qui ne se retrouve pas dans ces admirables leur de l'augustale d'or, promettant par un
modèles, mais toutefois avec une intention édit que, la guerre terminée, il la rembour
de vérité, un goût dans l'ajustement qui con serait en monnaie effective. On ajoute qu'il
trastent singulièrementavec l'exécution toute tint parole. Les augustales avalent encore
conventionnelle des types que portent les au- cours à l'époque de Charles I" d'Anjou; on
1res monnaies de la même époque. Cette mé le voit par le présent que fit la ville de Sor-
daille n'avait jamais été dessinée fidèlement; rente à Roger dell'Ojira, commandant de
je reproduis ici la figure exacte de l'exem l'armée aragonaise, présent qui consistait en
plaire conservé au Cabinet des médailles du 200 augustales, accompagnées de fruits, et
roi. encore par le chapitre 97 des statuts manu
scrits de Charles d'Anjou, qui contient l'ar
ticle suivant : « Nos les condannons en 100
augustaircs, laquelle poine vient en succes
sion
gement.
ou leu
» de cinq livresA. d'or
de Loimgpérier.
par nostre ju^
traite, d'étude, de pénitence el de prière; le mal n'est pas un être , ni rien de réel .
mais lorsqu'il était sur le point de s'embarquer mais seulement la négation du bien.
àOslie, sa mère tomba malade et mourut au Il continua plus tard en Afrique la con
bout de quelques jours. Monique, après avoir troverse commencée à Rome. En retour
donné son fils à l'Église, semble s'être hâtée nant (388) dans sa patrie, il voulait avant tout
d'aller recevoir le prix de ses larmes el de ses laver dans la pénitence les fautes de sa jeu
longues douleurs. Augustin revint passer nesse. 11 se retira à la campagne avec quel
quelques mois à Rome , pour y réparer ce ques amis. Pendant trois ans il travailla à se
qu'il avait fait de mal lorsqu'il était aveuglé faire oublier avec la même application qu'il
par l'hérésie. 11 composa les deux ouvrages mettait autrefois à chercher la gloire et les
intitulés De moribitt M anichœorum et Démo- applaudissements. Il fil la cession de son bien
ribus Ecclesiœ catholicœ. C'était le prélude de àl'évéque de Tagaste,à condition seulement
la guerre qu'il allait livrer, non pas à une qu'il serait pourvu du plus strict nécessaire.
seule secte, niais à toutes celles qu'il devait Ses amis imitant son exemple , une commu
voir se séparer du cenlre de l'unité. Les Ma nauté se forma ; tel fut le berceau de l'ordre
nichéens accusaient l'Eglise d'écraser les in des ermites de Saint-Auguslin. Ces mêmes
telligences sous le joug de la foi ; ils préten amis, qui l'avaient suivi dans sa retraite, fu
daient , au contraire, ne rien proposer qui rent placés plus tard sur les principaux siè
ne fut admis parla raison. «Us se vantent, dit ges de l'Afrique. Il avait eu le bonheur d'en
saint Augustin, dece qu'ils ne peuvent tenir, ramener plusieurs à la vérilé, après les avoir
afin d'entraîner une foule égarée. La vraie entraînés avec lui dans le manichéisme. Il
religion ne peut prendre son origine que sous fonda également un monastère de religieu
l'empire d'une puissante autorité. On ne ses auxquelles il donna des règles: ce sont
saurait dire qu'il est honteux de croire. Se les mêmes que plusieurs ordres ont adoptées
rait-ce donc une honte d'ajouter foi à la pa depuis.
role d'un ami? Le catholique qui croit ajoute Augustin était détaché de toute affection
foi à la parole de son Dieu. On me dira ■• Ne terrestre; mais Dieu, avant de lui confier la
serait-il pas préférable de connaître la vérité mission à laquelle il le destinait, voulait
par la raison1? sans doule ; mais combien peu achever de le purifier en exigeant de lui un
sont capables d'user de leur raison ! Evidem grand sacrifice. La mort lui ravit son fils
ment c'est le très petit nombre. 11 fallait un Adéodat , jeune homme qui donnait les plus
moyen plus simple pour les masses: Dieu a belles espérances, ainsi que l'on peut s'en
donné celui de la foi, qui, du reste, loin de convaincre en lisant le dialogue intitulé Du
détruire la raison, ne fait, au contraire, que Maitre. Le saint docteur déclare que l'on
la fortifier. Que de circonstances dans la doit y regarder comme de cet enfant toutes
vie où la foi est le seul moyen d'obtenir la les réflexions qu'il lui met dans la bouche.
vérité, et où la raison ne peut absolument Le père affligé trouva à la fois et une dis
rien ! Et quel est le fondement de la famille, traction el une consolation à sa douleur dans
si ce n'est la foi à la parole de la mère? Mais, l'élude des saintes lettres. A mesure qu'il en
du moment que l'autorité delà foi est recon scrutait davantage le sens profond dans la
nue comme la base do toute notion, la vérité méditation et la prière, il y reconnaissait une
se présente à l'intelligence sous tous ses as nouvelle éloquence qu'il n'avail pas su dé
pects; elle fait éprouver aux sens de l'àine couvrir lorsqu'il était exclusivement épris
des plaisirs analogues à leur nature, et des périodes de Cicéron. Les livres De Doc
bien supérieurs à ceux que les objets ma trine, chrisliand attestent ses efforls pour pé
tériels peuvent communiquer aux sens du nétrer tout ce que la raison, éclairée par la
corps. » foi , peut entrevoir dans la manifestation des
Saint Augustin examine encore, contre mystères. Il y examine successivement les
les Manichéens, la question du mal, dans son dogmes renfermés dans la Bible, les signes
traité du Libre Arbitre. Il prouve : 1° que le par lesquels ils sont exprimés, les difficultés
mal n'est point en Dieu ; 2° qu'il est dans la qui les entourent; il finit par donner des con
volonté de l'homme; 3° que le libre arbitre seils aux ministres de la parole èvangilique
ne nous a pas été donné pour faire le mal, sur la manière de la distribuer au peuple.
mais, au contraire, afin de nous fournir les La réputation d'Augustin se répandait en
moyens de faire un plus grand bien; 4° que proportion des précautions qu'il prenait pour
AUG ( 2G0 ) AUG
se cacher aux yeux des hommes. Plusieurs tôt que de s'exposer à faire moins d'impres
villes désiraient l'avoir pour évoque. 11 réso sion sur eux en conservant la pureté du style
lut de ne plus quitter sa solitude. Néanmoins qu'il nous montre à un si haut degré dans ses
il fut obligé de faire une exception eu faveur premiers ouvrages. Du reste il a pris la peine
d'un officier de l'empereur qui le fit prier de nous laisser un traité d'éloquence sacrée
d'aller le trouver à Hippone. Valère, évêque dans les livres De cuiechitandis Rudibut , et
de cette ville, vieillard affaibli par les infir dans le quatrième livre De Doctrind chrù-
mités de l'âge, profila de sa présence pour le tiand.
proposer comme prêtre à son peuple. Un jour Cependant Valère, averti par ses infirmités
qu'Augustin était entré dans l'église pour que le terme de sa vie approchait, voulut
assister à la célébration des saints mystères, il conserver dans son Eglise celui qu'il s'était
fut entouré par la foule , et malgré lui conduit adjoint pour les fonctions du saint ministère.
à l'autel, où Valère lui imposa les mains. Après avoir obtenu secrètement l'approba
L évêque d'Hippone était Grec de naissance tion d'Aurélien, archevêque de Carlhug•■, il
et s'exprimait difficilement en latin; il confia fit proposer au peuple d'Hippone et aux évo
le soin d'instruire son troupeau à celui que ques de Numidie d'élever Augustin à l'épisco-
la Providence elle-même semblait lui avoir pat. Il y avait en cela une infraction aux ca
envoyé. Augustin fut le premier prêtre de nons de Nicéc, qui défendent de nommer deux
l'Eglise d'Occident qui prêcha en présence évêques pour la même ville. Saint Augustin
de l'évêque, quoique depuis quelque temps se justifia plus tard aux yeux de ses adver
déjà cet usage fût établi dans l'Eglise orien saires, qui lui reprochaient cette irrégula
tale. Avant d'entrer dans cette nouvelle car rité, en prouvant que ce canon n'était pas
rière, il avait demandé du temps pour se alors connu en Afrique. Augustin fut sacré
préparer par la méditation des livres saints : chorévêque vers l'année 395. Un an après,
on lui accorda environ un an. Son premier la mort de Valère le laissa seul sur le siège
discours fut prononcé vers les fêtes de Pâques d'Hippone. Il vécut au milieu de son trou
de l'année 391. Ce qui nous reste des ser peau comme il avait fait dans la retraite.
mons de ce saint docteur comprend un com Entouré de ses amis et de son clergé, il s'as
mentaire sur les psaumes ; des traités , soit treignit avec eux à une règle commune.
sur l'évangile de saint Jean , soit sur quel Ainsi commencèrent les chanoines réguliers
ques épîtres de saint Paul ; des homélies sur dits de Saint-Augustin.
divers passages de 1 Ecril ure , des entreliens Hippone était infectée de Manichéens.
relatifs aux grandes solennités ou aux fêtes Soutenus par Fortunat, un de leurs prêtres,
des saints. Obligé de s'adresser à des esprits ils bravaient les catholiques. Pour abattre
grossiers, il proportionne ses instructions à leur orgueil on proposa une conférence entre
l'intelligence de sus auditeurs. Toutefois il Augustin et le coryphée de la secte. Augustin
faut établir une grande différence entre ses l'accepta sur-le-champ; Fortunat, au con
sermons proprement dits et ses homélies sur traire, s'efforçait de l'éluder; il ne consentit
les psaumes et sur saint Jean. Dans ses ser à entrer en lice qu'après que les siens lui eu
mons on remarque une grande simplicité de rent vivement représenté que ses retards
pensées , et des efforts constants pour faire étaient l'aveu d'une défaite. La discussion
pénétrer le dogme et la morale du christia dura plusieurs jours. Le manichéen fut réduit
nisme dans un auditoire peu instruit. Dans à reconnaître que, d'après ses principes, Jé
les ènarrations sur les psaumes, quoique tou- sus-Christ était entraîné dans le royaume
ours d'une admirable clarté, il s'élève aux des ténèbres, proposition qui souleva l'indi
plus hautes considérations et se livre à des gnation de tous les assistants. Se voyant
explications allégoriques; enfin, dans ses vaincu, il demanda la permission de consulter
traités sur saint Jean , en donnant les princi les siens; mais couvert de honte il s'enfuit
pes de la théologie la plus sublime, il descend d Hippone pour n'y plus reparaître. Avec lui
à des détails qu'il savait nécessaires pour le manichéisme y fut complètement écrasé.
faciliter à son peuple l'intelligence de ses pa Ses anciens partisans, abandonnés de leur
roles. Il était éloquent lorsqu'il croyait de chef, rentrèrent bientôt dans le sein de l'E
voir l'être, et s'il nous paraît quelquefois glise. Quelques années après eut encore lieu
négligé, c'est qu'il préférait s'emparer de ses une conférence avec Félix, adepte de la
auditeurs en se ployant à leur langage plu secte. La victoire d'Augustin et la conversion
AUG 2GI ) AUG
de son antagoniste ne servirent pas peu à monde fort peu de personnes pieuses, et que
confirmer dans la vérité ceux qui déjà en vous ne reconnaissez pas comme le caractère
avaient reconnu la voix. de 1 Eglise, plusieurs autres motifs me re
Lue hérésie dont l'importance avait à Hip- tiennent dans son sein. J'y suis retenu par le
pone des conséquences bien plus déplorables consentement des peuples et des nations, par
était celle des Donatistes («oy. ce mot), lis la succession non interrompue des pontifes
étaient assez nombreux dans cette ville pour sur la chaire de Pierre, à qui Jésus-Christ,
se permettre toules sortes de vexations contre après sa résurrection, conûa le soin de paître
les catholiques. Augustin, dans ses entretiens ses brebis; j'y suis retenu par le nom mémo
publics ou particuliers, dans ses lettres et de catholique, quo celte Eglise n'a pas con
dans plusieurs traités, les attaqua avec une servé sans raison au milieu de tant d'hérésies,
force et une persévérance telles que la masse quoique tous les sectaires aient prétendu s'ap
fut bientôt entraînée. Les donatisles accou peler catholiques ; de telle sorte que si un
raient en foule aulour de sa chaire, et lors étranger demande le lieu où se réunissent les
qu'ils le pouvaient ils se faisaient suivre d'un catholiques, aucun hérétique n'osera lui in
secrétaire, afin de reproduire ses discours. diquer son église ou sa maison. »
Ils en faisaient circuler des copies, et ils som Il écrivit également contre Fauste, évéque
maient leurs évêques d'y répondre. On vou manichéen. Cet homme faisait extérieure
lut engager ceux-ci à conférer avec Augus ment profession d'un désintéressement ab
tin; ils le refusèrent constamment, et s'effor solu, et menait cependant une vie très vo
çaient même de dérober leurs livres à un ad luptueuse. Doué d'une grande facilité d'élo-
versaire dont ils redoutaient les attaques et culion, sa science était presque nulle. Il jouis
les réfutations. C'était au point que l'évoque sait de la plus grande considération dans son
d'Hipponc ayant répondu à la première par parti, quoique lui-même eût aulrefois avoué
tie d'un ouvrage publié par Pétilien, un des a saint Augustin que, sur bien des points, lo
leurs, il ne put pendant long-temps se pro système de sa secte lui paraissait inexpli
curer la seconde, tant leur défaite paraissait cable.
certaine. L'hérésie reculant a Ilippone et Consulté de toutes parts par les évêques
dans les environs sous les coups du défenseur catholiques ou par de simples fidèles, Augus
de la vérité, les évéques donatistes furent tin était souvent obligé d'interrompre ses
enfin obligés de se montrer pour qu'on ne les grands travaux. C'est ainsi qu'il publia fort
crût pas entièrement vaincus. Ils eurent avec tard le Traité de la Trinité, que cependant il
Augustin, soit de vive voix, soit par lettres, avait entrepris dès les premiers temps de son
plusieurs discussions. Nous ignorons quel en épiscopat. Pressé par ses amis, il avait suc
fut le résultat pour les champions de l'erreur; cessivement écrit le Traité de la concorde des
mais elles eurent les plus heureux effets poul évangiles, des commentaires sur divers pas
ies peuples , car Augustin exigeait ou qu'elles sages de saint Paul, les livres De utilitat»
fussent publiques ou qu'elles eussent lieu de oredendi, De catechisandis Rudibus, De agone
vant plusieurs témoins, et que les actes en christiano, et le Traité de la Trinité demeu
fussent lus dans les églises. Lorsque la ques rait inachevé. On se procura une copie im
tion se traitait par lettres, toute la corres parfaite de ce qui en était écrit, et l'on, en
pondance était publiée de la même manière. répandit plusieurs exemplaires sans la parti
Par ce moyen les triomphes secrets de la vé cipation de l'auteur; il en fut tellement peiné
rité, connus de tous, en préparaient de nou qu'un moment il fut sur le point de le désa
veaux et de plus éclatants. vouer complètement, à cause de quelques
Les affaires des donatistes ne l'empêchaient inexactitudes qu'il reconnaissait avoir com
pas de lutter continuellement contre les ma mises dans une matière si difficile et qu'il
nichéens. Il composa vers la même époque s'était proposé de corriger. Les sollicitations
son livre contre la Lettre sur le fondement, d'Aurélius, évêque de Cartilage, l'engagèrent
principal ouvrage de Manès, qui y avait ré à y mettre la dernière main. 11 le fit précéder
sumé son système et s'y nommait apôtre de d'une lettre où il se plaint de ce qu'on ne lui
Jésus-Christ. Augustin , en le réfutant, pré a pas permis de traiter certaines questions
sente rapidement les raisons qui doivent faire avec toute la clarté qu'il eût voulu y appor
croire à l'Eglise catholique, o Outre celte ter. Tel qu'il est, le cardinal Orsi fait obser
pure sagesse à laquelle parviennent eu ce ver que cet ouvrage est un de ceux qui ont
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le plus servi aux auteurs scolastiques quand mières conférences furent remplies par les
ils ont essayé d'approfondir l'obscurité du incidents qu'ils ne cessaient d'élever. A la
mystère de la Trinité avec les lumières de la dernière seulement on put entrer dans le
raison. fond de la question. Le comte Marcellin dé
Les donatistes manquaient de lien d'unité; clara les donatistes coupables de ce dont on
aussi ne tardèrent-ils pas à se diviser en deux les accusait. En vain en appelèrent-ils à l'em
partis: les primianistes et les maximianistes. pereur; le coup qu'ils reçurent dans cette
Ce schisme fournit à Augustin des armes conférence fut mortel pour eux. On vit des
puissantes pour les combattre. Ils résolurent villes entières rentrerdans le sein de 1 Eglise.
de se débarrasser d'un pareil antagoniste. Augustin, qui avait été l'àme de cette assem
Augustin ne balança pas entre le devoir et la blée, suivit toujours la même conduite ; tout
crainte ; toujours il proclama la vérité et ré en réclamant contre les persécutions parlés-
pondit par de nouveaux écrits à ce que ses quelles les hérétiques se dédommageaient
adversaires entreprirent contre lui. Il est de leur défaite, il demandait aussi que Ion
vrai que la Providence le protégea sensible usât de douceur envers les coupables.il écri
ment dans plusieurs circonstances. Une fois vit à Marcullin et à Apringius, proconsul de
entre autres l'erreur de son guide, qui se Numidie, pour les conjurer de ne pas infliger
trompa de route dans un voyage, le préserva la peine du talion à des circoncellions qui
d'une embuscade où l'attendaient une bande avaient massacré un prêtre de son diocèse.
d'hérétiques, résolus de lui ôter la vie. La Une telle charité fut comprise par plusieurs
vengeance qu'ils no purent exercer sur sa do ces misérables; elle lui prépara la conso
personne, ils l'assouvirent sur plusieurs mem lation d'ouvrir les yi;ux à presque tous les
bres de son clergé et sur d'autres évôques habitants de la ville de Cirle, malgré les ef
catholiques. forts de Pétilien, leur évêque.
Il s'était formé dans le sein de l'hérésie Les discussions avec les donatistes étaient
un corps de furieux appelés circoncellions, à peine terminées que déjà se préparait une
qui se livraient à toutes sortes de violences ; nouvelle lutte. Pélage et son disciple Céles-
ils ne purent être réprimés que par la sévé ti us avaient répandu depuis quelque temps
rité des lois. Long-temps Augustin s'opposa leurs erreurs en Afrique et en Italie. Ces hé
à ce que les magistrats les poursuivissent, résiarques niaient la chute originelle, et par
dans l'espoir de les ramener par la douceur. conséquent la nécessité de la grâce et les ef
Il ne les abandonna à la rigueur des décrets fets du baptême. Saint Augustin , toujours
impériaux qu'après avoir bien reconnu la attentif aux intérêts de la foi , combattit avec
nécessité de punir des crimes qui renver un zèle ardent ces nouveaux sectaires qui
saient les lois fondamentales de toute société. renversaient les fondements du christianisme,
Les remèdes inspirés par la charité étaient et défendit contre eux le dogme calholique
toujours ceux qu'il préférait. avec un latent, une profondeur et une exac
La mort de Stilicon, ministre d'Honorius, titude admirables , qui lui ont fait donner le
fut pour les donatistes et leurs sicaires une titre de Docteur de la grâce. 11 publia d'abord
occasion de se livrer à tous les désordres que ses livres Du mérite et de la rémission des pé
leur inspirait l'esprit de vengeance. Les vexa chés, De l'esprit et de la lettre, et fit à Carthage
tions de tous genres dont les catholiques un sermon pour attaquer la doctrine des pé-
furent victimes dans celte circonstance obli lagiens sans en nommer les auteurs, espé
gèrent les évêques à députer auprès d'Ho rant les ramener ainsi plus facilement. Mais
norius pour réclamer la protection des lois. ils n'en continuèrent pas moins à dogmatiser
I.a réponse de l'empereur fut favorable; en secret ou publiquement, suivant les cir
MarcelUn, qui commandait à Carthage, reçut constances, dissimulant quand il le fallait, ou
l'ordre de convoquer les évêques des deux déguisant leurs opinions sous des formules
communions pour une conférence générale. captieuses. Ils parvinrent même à tromperie
Saint Augustin s'y rendit avec trois cents pape Zozime par des professions de foi en ap
évêques, qui à son exemple offrirent de don parence catholiques, parce qu'ils employaient
ner leur démission pour le bien de la paix. le langage de 1 Eglise en lui donnant un sens
Malgré de pareilles avances, les donatistes différent; c'est ainsi qu'ils employaient le
ne montrèrent qu'aigreur, ressentiment et mot grâce pour désigner le libre arbitre ou
désir d'entraver la discussion. Les trois pre la révélation. Saint Augustin les suivit dans
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tous leurs détours, et parvint à les démasquer faiblir. Il tomba malade le troisième mois du
en ramenant toujours la question à ses véri siège, et expira le 28 août de l'année 430. Peu
tables termes, et les obligeant à se prononcer après le comte Boniface, ayant été défait de
sur chaque point par des explications préci nouveau, s'enfuit en Italie; la plupart des
ses et sans équivoque. C'est dans ce but qu'il habitants d Hippone se retirèrent dans les
publia successivement sur la matière de la montagnes. Après une résistance de quatorze
grâce, un assez grand nombre d'ouvrages , mois , la ville fut livrée au pillage. Les Bar
dont les principaux sont : les livres contre bares respectèrent le corps et la bibliothèque
Julien d'Eclane , le plus ardent et le plus ha d'Augustin. Le corps , d'abord transporté en
bile défenseur du pélagianisme; les livres De Sardaigne par les évêques qui fuyaient la
la grâce , Du péché originel, De la concupis persécution des Vandales ariens, fut ensuite
cence , De la grâce et au libre arbitre , De la déposé à Pavie, où il a été retrouvé en 1095.
prédestination, De la persévérance. Les ouvrages de saint Augustin sont une
Pendant que saint Augustin défendait la des bases de la science théologique. « Je ne
doctrine de l'Eglise contre toutes les attaques veux point, dit Bossuet, élever un Père au-
de l'Iiérésie, le vieil empire romain s'affai dessus des autres par des comparaisons odieu
blissait dans les intrigues des cours impéria ses , ni prononcer comme des arrêts sur la
les , au milieu de la corruption des mœurs et préférence ; ce serait une entreprise aussi in
sous les coups des Barbares. Alaric assiégea sensée qu'inutile. Mais c'est un fait qu'on ne
trois fois et prit enfin la ville éternelle, qui peut nier, que saint Athanase , par exemple,
fut en partie consumée par les flammes. Les qui ne le cède en rien à aucun des Pères en
païens virent dans cet événement un effet de génie et en profondeur, et qui est, pour ainsi
la vengeance des dieux irrités, et leurs plain parler, l'original de l'Eglise dans les disputes
tes , long-temps réitérées , furent pour saint contre Arius, ne s'étend guère au-delà de
Augustin l'occasion de composer son admi cette matière. H en est à peu près de même
rable traité De la Cité de Dieu. Il ne se pro des autres Pères, dont la théologie paraît
posa pas seulement de justifier la Providence renfermée dans les matières que l'occasion
en montrant que les dieux du paganisme et les besoins de l'Eglise leur ont présentées.
n'ont préservé ni les Romains ni les autres Dieu a permis que saint Augustin ait eu a
peuples de maux semblables à ceux qui affli combattre toutes sortes d'hérésies. Le mani
geaient l'empire, et que leur culte , par con chéisme lui a donné occasion de traiter à fond
séquent, ne peut être la source ou la condi- de la nature divine , de la création , de la
t on du bonheur ni sur la terre ni bien moins Providence, du néant, dont toutes les choses
encore après cette vie ; mais , pour donner à ont été tirées, et du libre arbitre de l'homme,
cet ouvrage un intérêt plus général et plus oii il a fallu chercher la cause du mal ; enfin
durable, il attaque directement toutes les er de l'autorité et de la parfaite conformité des
reurs de l'idolâtrie et les divers systèmes des deux Testaments , ce qui l'obligeait à repas
philosophes; puis, exposant successivement ser toute l'Écriture et à donner des principes
l'histoire et les dogmes du christianisme, afin pour en concilier toutes les parties. Le dona-
de montrer dans la grandeur et l'harmonie tisme lui a fait traiter, expressément et à
de leur ensemble une œuvre divine , il arrive fond , l'efficace des sacrements et l'autorité
par ce moyen à faire une complète et brillante de l'Eglise ; ayant eu à combattre les ariens
apologie de la religion. en Afrique , il a si bien su profiter du travail
Cependant les Barbares avançaient tou des Pères anciens, dans les questions impor
jours.
gne et Après
l'Italie,
avoir
ils furent
balayé appelés
les Gaules,
en Afrique
lEspa- tantes sur la Trinité, que les disputes d'Arius
avaient rendues célèbres par toute l'Eglise ,
par la vengeance et la perfidie du comte Bo- que, par sa profonde méditation sur cette im
niface. Cet officier ne comprit son crime que portante matière , il l'a laissée encore mieux
lorsqu'il ne fut plus temps de le réparer. Vai appuyée et plus éclaircie qu elle n'était au
nement essaya-t-il do s'opposer aux progrès paravant. Il a parlé de l'incarnation du Fils
de l invasion; battu sur plusieurs points, il de Dieu avec autant d'exactitude et de pro
fut obligé de se réfugier a Hippone (430;. Il fondeur qu'on a fait depuis a Ephèse , ou plu
y fut assiégé. Augustin, âgé de soixante-seize tôt il a prévenu les décisions de ce concile
ans , écrasé sous le poids de ses immenses dans la profession de foi qu'il dicta à Lépo-
travaux , sentait tous les jours ses forces s'af rius et dans deux ou trois chapitres de ses
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ferniert livres ; en sorte qu'il n'a pas été be gustin des digressions, des allégories, des
soin qu'il assistât à cette sainte assemblée , antithèses qui ne vont à rien. Il a des digres
comme il y avait été nommément appelé , sions, mais, comme tous les Pères, quand il
puisqu'il en avait expliqué d'avance toute la est permis d'en avoir , dans les discours po
doctrine. La secte pélagienne, entièrement pulaires; jamais dans les traités où il faut
renversée par saint Augustin, a donné lieu à serrer le discours, ni contre les hérétiques.
ce docte Père de soutenir le fondement de Il a des allégories, comme tous les Pères,
l'humilité chrétienne, et, en expliquant à selon le goût de son siècle , qu'on a peut-être
fond l'esprit de la nouvelle alliance, de dé poussé trop avant, mais qui, dans le fond,
velopper par ce moyen les principes de la était venu des apôtres et de leurs disciples.
morale chrétienne ; en sorte que tous les Les pointes, les antithèses, les rimes même,
dogmes, tant spéculatifs que pratiques, de re qui étaient encore du goût de son temps,
ligion, ayant été si profondément expliqués sont venues tard dans ses discours. Erasme,
par saint Augustin , on peut dire qu'il est le qui sans doute ne le flatte guère , cite les
seul des anciens que la divine Providence ait premiers écrits de saint Augustin comme des
déterminé , par l'occasion des disputes qui se modèles, et remarque qu'il a depuis affaibli
sont offertes de son temps, à nous donner tout son style pour s'accommoder à la coutume
un corps de théologie , qui devait être le fruit et suivre le goût de ceux à qui il voulait
de sa lecture profonde et continuelle des li profiter. Mais, après tout, que ces minuties
vres sacrés. sont peu dignes d'être relevées ! Un homme
» Il faut encore ajouter la manière dont il savant de nos jours dit souvent qu'en lisant
manie la sainte doctrine , qui est toujours saint-Augustin on n'a pas le temps de s'ap
d'aller à la source et au plus sublime, puis pliquer aux paroles , tant on est saisi par la
que c'est toujours aux principes. Quand il grandeur, par la suite, par la profondeur
prêche, il les fait descendre, comme par de des pensées. En effet, le fond de saint Augus
grés, jusqu'à la capacité des moindres esprits; tin, c'est d'être nourri de l'Ecriture, d'en
quand il dispute, il les pousse si vivement tirer l'esprit, d'en prendre , comme on a vu,
qu'il ne laisse pas le loisir aux hérétiques de les plus hauts principes , de les manier en
respirer. De là viennent deux manières de les maître , et avec la diversité convenable.
expliquer, l'une plus libre et plus étendue, Après cela, qu'il ait ses défauts, comme le
l'autre si pressante qu'il ne laisse jamais lan soleil a ses taches , je ne daignerai ni les
guir son discours. Mais il est dans l'une et d.ins avouer, ni les nier, ni les excuser ou les dé
l'autre également concluant; on en peut faire fendre. Tout ce que je sais certainement,
l'essai principalement dans ses sermons sur c'est que quiconque saura pénétrer sa théo
les paroles de notre Seigneur et sur celles de logie , aussi solide que sublime , gagné par le
l'apôtre, où l'on trouve le même fond que fond des choses et par l'impression de la vé
dans ses autres traités, mais d'une manière rité, n'aura que du mépris ou de la pitié
si différente qu'on sent d'abord une main ha pour les critiques de nos jours , qui semble
bile et un homme consommé, qui, maître de raient se faire honneur de déprécier ce qu'ils
sa matière comme de son style, la manie n'entendent pas. »
convenablement, suivant le genre de dire, Parmi les nombreuses éditions que l'on a
ou plus serré ou plus libre, où il se trouve données de quelques ouvrages particuliers ou
engagé. J'en dirai autant des traités sur saint des œuvres complètes de saint Augustin, la
Jean, qui ne diffèrent des livres dogmatiques meilleure est sans contredit l'édition com
et polémiques de saint Augustin que par la plète folio. Le
publiée
premier
par contient
les bénédictins
les ouvrages
, Il vol.
philo
in-
différence naturelle de cette sorte de livres
d'avec les sermons. C'est donc d'un maître si sophiques qu'il composa avant d'être prêtre,
intelligent, et pour ainsi dire si maître, qu'il avec les Confessions et les deux livres des
faut apprendre à manier dignement la pa Rétractations, qui sont comme la préface de
role de vérité, pour la faire servir, dans tous cet immense recueil. Les Confessions ont été
les sujets , à l'édification des fidèles , à la con plusieurs fois traduites en français ; mais la
viction des hérétiques et à la résolution de traduction de Dubois est celle qui a obtenu le
tous les doutes, tant sur la foi que sur la mo plus de succès. Ce livre plein d'onction, de
rale. candeur et en même temps d'élévation, porte
» Quelques uns reprochent à saint Au l'empreinte d'une piété profonde, et suffirait
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seul pour donner une haute idée du génie de La doctrine de saint Augustin sur la grâce
saint Augustin. Le deuxième volume con a donné lieu à une foule de contestations.
tient les Lettres disposées par ordre chro Les | rotestants et les jansénistes ont invoqué
nologique. Elles sont au nombre de deux cent l'autorité de son nom et de ses ouvrages
soixante-dix, et ont aussi été traduites en fran pour accréditer leurs systèmes fatalistes sur
çais par Dubois. Le troisième renferme les la prédestination et la grâce; Jansénius a
traités ou commentaires sur l'Ecriture; le même donné le nom d'Augnslinus à un volu
quatrième , des discours sur les psaumes ; le mineux ouvrage renfermant ses opinions sur
cinquième, les sermons ; le sixième, les trai celte matière, parce qu'il prétend y soutenir
tés dogmatiques ; le septième, la Cité de Dieu, les vrais sentiments de sa ni Augustin. Mais
avec quelques opuscules ; le huitième , des il faut une inconcevable prévention pour at
traités contre les manichéens et les ariens, tribuer un système de nécessité ou de fata
avec le Traité de la Trinité; le neuvième, les lisme, de quelque manière qu'on l'entende ,
ouvrages contre les donatistes; le dixième, à un docteur qui a fait un livre exprès sur le
les écrits contre les pélagieus. Enfin le on libre arbitre, dans lequel il soutient non seu
zième contient la Vie de saint Augustin et lement que l'homme en est doué, mais que
des tables très étendues. Celte édition a été cela seul peut le rendre capable de mérite ou
reproduite à Amsterdam en 1703 par Leclerc, de démérite , parce que nul homme ne peut
qui l'a pour ainsi dire dénaturée par des no- être criminel dans ce qu'il ne dépend pas de
Us empreintes de l'esprit protestant ou plutôt lui d'éviter ( De libero Arbilr. , lib. 2, cap. i
toci nien , et la plupart très injurieuses à saint et xiiii ;. En soutenant la nécessité do la
Augustin. Elle est réimprimée aujourd'hui grâce contre les pélagieus , bien loin de por
par les frères Gaume, Paris, grand in-8. ter atteinte à la liberté, il la constate au
Aucun Père n'a autant écrit que saint Au contraire ; car la grâce est précisément don
gustin, ni sur des matières si diverses; aucun née à l'homme pour que la liberté s'exerce
n'a reçu des éloges plus grands ni plus méri dans l'ordre surnaturel, et que la volonté
tés , comme aussi nul autre n'a essuyé des soit en état de choisir et de faire le bien
censures plus amères. Nous n'entrerons pas (voy. Grâce). De leur côté, des théologiens
ici dans le détail et l'examen des accusations catholiques s'appuient également de l'auto
dirigées contre lui par Leclerc et d'autres rité de saint Augustin pour établir sur la
protestants; elles portent constamment le nature de la grâce et sur la manière dont
cachet visible de la prévention, quelquefois elle est communiquée à l'homme un système
même de l'ignorance ou de la mauvaise foi , qui, par ce motif, a reçu le nom àaugus-
et par celte raison même elles n'ont pas be tinianisme. Mais dès qu'on laisse intacts les
soin ou ne méritent pas de réfutation. C'est dogmes définis par l'Église sur celte impor
ainsi par exemple qu'on l'accuse d'avoir rai tante matière, les systèmes qui ont pour
sonné en matérialiste sur la nature des sub objet d'expliquer ces dogmes ne sont plus
stances spirituelles , tandis qu'on n'a pas de que des systèmes arbitraires. Saint Augustin
meilleures preuves pour établir l'immatéria reconnaît lui-même la difficulté que l'on
lité de l'âme que celles qui sont données par éprouve à concilier le dogme de la liberté
saint Augustin dans son Traité sur la Trinité, avec celui de la grâce, {De grat. Chr., cap. lu),
lié. 10, cap. x. C'est ainsi encore que Le et quand on serait sûr de découvrir par la
clerc voit un effet de l'orgueil dans le livre confrontation de ses nombreux ouvrages sa
admirable des Confessions, qui révèle une véritable pensée sur la manière de concevoir
âme si humble et si simple, tant d'abnégation et d'expliquer la nature et l'accord de ces
de soi-même et d'amour pour la vérité. Enfin deux vérités capitales, on ne pourrait pas
Beausobre va même jusqu'à reprocher à saint donner encore à cette explication une certi
Augustin d avoir mal compris et rapporté tude et une autorité qui n'entrait nullement
d une manière inexacte les erreurs des ma dans l'esprit de saint Augustin lui-même. Sa
nichéens , lui qui avait vécu au milieu d'eux, doctrine contre les pélagiens sur la nécessité
qui avait embrassé leur secte, qui avait con et sur les points qui s'y rattachent est deve
féré avec leurs principaux docteurs, et qui nue celle de l'Eglise par le jugement du Saint-
enûn avait lu leurs ouvrages avant de les Siège, confirmé dans la lettre du pape Céles-
réfuter. Que répondre à une accusation aussi lin 1er, adressée, en 431, aux évéques des
téméraire? Gaules ; mais tout le reste , qui n'a point été
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compris dans les décisions de l'Église , est soumis à un vicaire général particulier. Un
abandonné à la libre discussion des écoles. 1593, des religieux d'étroite observance éta
AUGUSTIN (Saint ), archevêque deCan- blirent la communauté de Bourges en France;
torbéry, élait prieur du monastère de saint on la distingua de celle des anciens observants
André à Rome, lorsqu'en 59G il fut envoyé connus sous le nom de grands augustins ; elle
par saint Grégoire-le-tîrand prêcher le chris portait le nom de petits augustins ou d'augus-
tianisme en Angleterre. 11 fut accompagné tins de la reine Marguerite. Les augustins
dans cette mission par quelques religieux bé déchaussés , ou récollets de France , liraient
nédictins de son monastère. Ethclbert, roi de leur origine de ceux d'Espagne ; leur premier
Kent, qu'il convertit au christianisme, lui monastère , fondé en Dauphiné, date de 1596.
donna un établissement à Cantorbèry. Il vint Cette congrégation , réunie sous un vicaire
en France se faire sacrer évoque, et deretour général, se divisa en trois provinces, savoir :
enAngleterre, où ildonna l'exemple de toutes celle de Paris, où les religieux furent appelés
les vertus, il y opéra des prodiges et fit de si petits-pères, pour les distinguer des grands
rapides conversions que bientôt le pape éta et des petits augustins ; celles du Dauphiné,
blit plusieurs évêcliés dont il fut métropoli de Savoie et de Provence : ces trois congré
tain. Saint Augustin de Cantorbèry mourut gations comptaient environ cent cinquante
le 26 mai 60V selon les uns , selon d'autres , couvents au xvme siècle. Le tiers-ordre des
en 607. ermites de Saint-Augustin existait déjà au
AUGUSTIXS. Nom donné aux ermiles xiv siècle ; ils portaient aussi le nom d'Ordre
qui embrassaient la règle de saint Augustin. de la pénitence de Saint-Augustin ; bien qu'as
Cet ordre religieux, dont l'origine est fort sez nombreux , ils ne formaient point cepen
ancienne, ne fut constitué sur une large base dant un corps régulier, et n'étaient assujettis
qu'en 1256 , époque à laquelle il s'est accru à aucun vœu monastique.
par l'incorporation de plusieurs congréga Les augustins ont été enveloppés dans la
tions italiennes, dont les supérieurs tinrent suppression générale des couvents en France
alors à Home, dans le monastère de Sainle- comme dans les pays où la France étendit ses
Marie-du-Peuple, le fameux chapitre où leur conquêtes; depuis long-temps ils n'avaient
réunion à l'ordre de Saint-Augustin fut déci plus d'existence en Allemagne, à l'exception
dée. Le pape Alexandre IV, dans sa bulle de de l'Autriche, et particulièrement en Hon
confirmation du 9 avril de la même année, dé grie, où ils conservèrent leurs établissements
termina le costume des religieux , et, l'année même après les réformes de Joseph II , qui
suivante, il les exempta de la juridiction épis- se contenta de limiter le nombre des novices
copale. Cet ordre se divisa depuis en quatre qu'ils pouvaient admettre. Ils ont fait de
branches : celles des observants, des déchaus grandes pertes en Italie par suite des commo
sés ou récollets espagnols, français et italiens. tions politiques que celte péninsule a éprou
Il fut également partagé en quatre provinces, vées. Ils ont été plus malheureux encore en
savoir : celles d'Italie , d'Espagne, de France Espagne , car ils y ont subi une destruction
et d'Allemagne. presque totale, les cortès les ayant répartis
La province d'Allemagne devint florissante en 1820 dans des monastères d'autres ordres
en peu de temps, mais la réformation luthé religieux. Celte congrégation n'est restée in
rienne la dépouilla d'une grande partie de tacte qu'en Portugal, enSardaigneet dans les
ses établissements; les communautés qui sur pays d'outre-mer, tels qu'en Amérique et aux
vécurent à ce désastre se réunirent aux con îles Philippines.
grégations d'Italie. Les auguslins déchaussés, AUGUSTULE. Dernier empereur d'Occi
ou récollets espagnols, furent établis en 1588, dent. En 475, Oreste, général des armées ro
au moyen de l'érection d'un monastère de maines dans les Gaules et patrice de Rome,
l'observance fondé à Talavera pour y remet ayant excité les soldats à la révolte, fit pro
tre en vigueur la vie austère des anciens er clamer empereur Romulus Augustus, son fils,
mites. Les moines déchaussés , ou récollets auquel les auteurs anciens ont donné le nom
d'Italie, datent de 1592, époque à laquelle d'Augustulus; mais un an après, Odoacre, roi
leur réforme fut établie dans un couvent de des Herules, prit le litre de souverain de l'I
Naples , puis dans un couvent de Rome. Ils talie , dépouilla Augustule de la pourpre, et
se multiplièrent rapidement; au xvnr siècle l'exila en Campanie avec une pension de 6,000
ils comptaient soixante - treize monastères livres d'or. Ainsi finit l'empire d'Occident.
AUL ( 2G7 ) AUL
AULIDE ou AULIS {giogr. anc). Petit trente, étaient attachés au conseil; cepen
bourg de la Grèce , situé dans la Béotie , sur dant les Etats d'empire pouvaient employer
les bords de la mer, près du détroit de Négre- le ministère de leurs propres officiers, pourvu
pont, célèbre par le séjour qu'y firent les qu'ils fussent instruits dans la pratique et se
Grecs, lorsqu'au nombre de cent mille hom conformassent aux règlements suivis devant
mes, selon Homère, ils vinrent s'y embarquer le conseil.
pour aller faire le siège de Troie. Le conseil aulique connaissait : 1° concur
AULIQUE (conseil). C'est, en suivant remment avec la chambre impériale, de
létymologie, un conseil attaché à la cour toutes les causes civiles , tant des Etats de
[aula ). Mais l'institution qui fait le sujet de l'empire que de leurs sujets , et des causes
cet article est le conseil antique impérial, tri féodales concernant les fiefs médiats, soit au
bunal suprême autrefois attaché à l'empire possessoire, soit au pétitoire; 2° exclusive
germanique, et qui , dans certaines causes, ment à toute autre juridiction, de toutes les
rendait la justice pour et au nom de l'empe causes d'Italie, à l'exception de celles con
reur. Ce tribunal ne reçut une organisation cernant le duc de Savoie ; des actions péti-
régulière que sous Ferdinand I", en 1559. Une toires concernant les fiefs majeurs et immé
ordonnance de Ferdinand III le modifia en diats de l'empire ; des questions concernant
1654 ; enfin de nouveaux changements furent les Réservats ( voy. ce mot) de l'empereur
apportés à son institution en 1714. Enfin le conseil aulique rendait des arrêts
Le président, le vice-président et les mem interprétatifs des actes impériaux , et, selon
bres du conseil aulique étaient nommés par quelques publicistes, il pouvait connaître
l'empereur. Le nombre des conseillers a des actions criminelles dirigées contre les
beaucoup varié : en 1512 il n'était que de Etats de l'empire. Les causes purement ec
huit; Ferdinand III le fixa à dix-huit, Léo- clésiastiques, telles que celles concernant le
pold à trente-six j enfin il fut réduit à vingt- droit de percevoir les dîmes, la validité d'une
quatre. Ils étaient partagés en deux hunes : dispense, etc., n'étaient point de sa compé
celui des comtes, des barons et des cheva tence.
liers {der Grasen, Slerren, und Rilter Bank ), Les conseillers ne pouvaient rendre un ar
à droite; celui des docteurs (der GtUhrten rêt définitif qu'autant qu'ils étaient au nom
Bank) , à gauche. Pour être admissible aux bre de huit au moins. Les affaires étaient ju
fonctions de président ou vice-président, il gées à la pluralité des voix et sur rapport •
fallait être Allemand, propriétaire en Alle dans les affaires concernant l'Italie, ce rap
magne de biens médiats ou immédiats, et de port était fait en latin; dans toutes les autres,
plus prince ou baron du Saint-Kmpire. Les en allemand. Dans certains casoiïraut des dif
empereurs s'engageaient par leurs capitula ficultés graves, l'instruction de l'affaire avait
tions à ne nommer comme conseillers que des lieu en présence de l'empereur, qui pronon
gens d'honneur, Allemands et ayant des biens çait lui-môme après avoir entendu le conseil.
en Allemagne, libres d'ongagements vis-à- Les arrêts du conseil aulique étaient sans
vis de tout autre prince que l'empereur lui- appel à une autre juridiction, mais non sans
même , enfin ayant acquis la science des af recours. On pouvait se pourvoir contre eux :
faires judiciaires, soit dans les tribunaux, 1* par supplique à l'empereur, en déposant
toit dans les universités d'Allemagne, et ayant une somme à titre d'amende pour les cas où
subi un examen constatant leur capacité, les griefs énoncés dans la supplique contre le
comme cela avait lieu à l'égard des membres mal-jugé seraient reconnus mal fondés ; 2° par
de la Chambre impériale {voy. ce mot;. voie de restitution en entier lorsqu'on pro
Quant à l'âge nécessaire à l'admission, des duisait de nouvelles pièces qu'on n'avait p;is
publicistes le fixent à vingt-cinq ans, d'au été dans la possibilité de fournir lors du pre
tres à trente ans. mier arrêt ; 3° par recours à la diète, comme
La chancellerie du conseil aulique était dans le cas où l'arrêt du conseil aurait violé
sous la direction de l'électeur de Mayence, une constitution ou loi de l'empire ; 4° enfin
en sa qualité d'archichancelier de l'empire ; on admettait aussi, mais très rarement, le
c'est à lui qu'appartenait la nomination du syndicat ; c'était une accusation portée con
vice-chancelier et de tous les employés infé tre la personne même des conseillers, lors
rieurs de la chancellerie. Un certain nombre qu'on prétendait qu'ils s'étaient laissés cor
d'avocats et des procureurs , au nombre de rompre par l'une des parties.
AUL ( 268 ) AUM
L'exécution des arrêts du conseil était com taine coquetterie d'insouciance. On peut sau
mise, savoir : au directeur du cercle dans ter dix pages, vingt pages; le hasard ne
l'étendue duquel se trouvait l'Etat ou mem brouillera pas les matières plus que l'auteur
bre immédiat de l'empire contre lequel l'ar ne l'a fait lui-même. A l'époque où il écrivit
rêt était rendu ; au seigneur ou au magistrat sa préface (vers 150) il avait atteint le ving
du lieu de la résidence de la personne ou de tième livre, ainsi compilant, annotant, de
la situation de la chose, si l'arrêt était rendu visant sur tout sujet à son caprice et loisir.
contre un membre médiat ; enfin aux huis Comme il est pour nous son propre et unique
siers du conseil même, si l'arrêt était rendu biographe, nous ignorons s'il poussa plus loin
contre un de ses membres ou contre une des sa vie et son travail. Des vingt livres publiés
personnes qui lui étaient attachées. avec sa préface un seul est aujourd'hui perdu;
Lorsque l'empereur venait à mourir sans encore a-t-on sauvé les titres des chapitres,
qu'il y eût un roi des Romains pour lui suc qui sont , comme les autres, de la main d'Aulu-
céder, le conseil aulique interrompait ses Gelle ; au moins on le croit.
travaux, et les scellés étaient apposés sur le Les meilleures éditions des Nuits altiquu
lieu de ses séances jusqu'à la nomination d'un sont celles de J.-Fr. Gronovius, Leyde, 1687,
nouvel empereur. P. Facgère. in-8"; Jac. Gronovius, Leyde, 1706, in4';
AULU-GELLE. Il y a plusieurs auteurs Conradi, Leipzig, 1762, 2 vol. in 8° ; A. Lion,
dont tout le mérite est d'avoir pris la plume, Gœttingue, 1824, 2 vol. in-8', avec un Appa-
des livres dont tout le mérite est d'exister; ratus critique très volumineux, mais mal
Aulu-Gellcelson ouvrage sont de ce nombre. digéré. Le texte de celte dernière édition a
Issu d'une famille depuis long-temps célèbre, été reproduit, avec les index , en un volume
élève des principaux grammairiens et philo in-8° en 1825. On peut encore se procurer
sophes du siècle d'Adrien, de Fronton, de facilement l'édition de Deux-Ponts et celle
Favorinus, de Sulpicius Apollinaris, de Ti qui fait partie de la petite collection latine de
tus Castricius à Rome, de Taurus et d'Hé- Tauchnitz. Trad. française de Verger, Paris,
rodes Atlicus à Athènes, où il passa une par 1820, in-8% réimprimée en 1830. E. Ecger.
tie de sa jeunesse, Aulu-Gelle paraît avoir AUMALE, en latin Albamala, Albamarla,
vécu dans une honnête médiocrité , entre le Aumalcum, petite et ancienne ville de l'ar
règne de Trajan et celui de Marc-Aurèle. rondissement de Neufchâtel , département
Quelques phrases de lui nous apprennent qu'il de la Seine-Inférieure, très agréablement si
lut une fois appelé aux fonctions de juge , tuée sur la Uresle , et peuplée d'environ
qu'il avait de la famille et peu de fortune. 2,000 habitants. Elle était autrefois défendue
11 connut, comme on le voit par les njms ci par un château-fort, dont Guillaume-le-Roux,
tés plus haut et par plusieurs autres témoi fils et successeur de Guillaume-le-Conqué-
gnages, tout ce que les lettres grecques et rant. s'empara en 1190. Six ans après, le roi
latines avaient alors de plus élégant et de Philippe-Auguste prit cette ville d'assaut et
plus illustre. Studieux lui-même et également la détruisit de fond en comble. Rebâtie en
versé dans les deux littératures , il commença suite, elle soutint encore différents sièges, et
aux environs d'Athènes, et continua sans l'a fut saccagée plusieurs fois. Henri H l'érigea
chever, à Rome, le recueil qui nous estreslé en duché-pairie en faveur de la maison de
de lui sous le titre de Noctet Alticœ ( Nuitt Guise. Près de la porte qui existait à l'ex
uniques ). L'auteur nous trace lui-même dans trémité du pont sur la Breslc, Henri IV, re
une intéressante préface l'histoire et le plan venant de visiter le siège de Rouen, fut at
de son livre ( si tant est qu'il eût un plan ), teint d'un coup d'arquebuse dans les reins;
simple recueil d'anecdotes politiques et litté deux colonnes élevées à chacun des bouts du
raires, de discussions grammaticales; mo pont rappelèrent cet événement. On cite la
saïque irrégulière de fragments grecs et la ville d'Aumale comme une des premières en
tins puisés à toutes les sources , le tout sans France qui se soient adonnées à la fabrica
ordre, sans critique, sinon sans choix; mais, tion des étoffes de laine; ses serges et ses
en somme, l'un des ouvrages les plus curieux frocs sont très estimés. Trois sources d'eau
et les plus importants qui nous restent pour minérale, rassemblées en un beau bassin
la connaissance de l'antiquité. Histoire , gé dans une prairie au nord de cette ville, s em
néalogie, sciences, arts, grammaire, faits et ploient avec succès pour la guérison des ma
réflexions, tout s'y trouve mêlé avec une cer ladies chroniques.
AUM ( 269 ) AUM
AUMALE ( Claude I" de Lorraine , le besoin. Le sentiment de ce devoir a été
dcc d'), fils de René H, duc de Lorraine, s'é gravé dans nos cœurs aussi profondément
tablit en France, y obtint des lettres de natu peut-être que celui de notre propre conserva-
ralisation, et fut pourvu de l'office de grand- lion, tellement qu'il se manifeste spontané
veneur. Il battit les Anglais devant Hesdin en ment, à la vue de la souffrance, chez tous les
1522, fit en 1542 la conquête du duché de êtres qui n'ont pas étouffé par une longue
Luxembourg, et pourvut en 1544 à la sûreté habitude de perversité cette compassion in
des Parisiens, qui dès lors vouèrent aux prin stinctive que Dieu nous adonnée. Aussi l'au
ces de celte famille une affection dont ceux-ci mône est-elle de tous les temps et de tous les
se servirent pour appuyer leurs desseins am pays. Toutes les religions lui ont prêté leur
bitieux. Il mourut à Joinville le 12 avril 1550. appui , et la religion chrétienne surtout en a
Ai'hale (Claude II de Lorraine, duc d'), fait un devoir rigoureux, fondé sur le prin
néen 1523, était le troisième fils de Claude I", cipe de celte charité universelle qui est
et frère du fameux François, duc de Guise, en quelque sorte la base de sa morale , et
qui défendit Metz contre Charles-Quint, et re qui est devenue le principe de tant de belles
prit aux Anglais la ville de Calais. Le duc actions.
d'Aumale eut part à celte reprise, et se si Aussi haut que nous puissions remonter
gnala aux batailles de Dreux, de Saint-Denis dans l'histoire des peuples, nous trouvons
elde Montcontour. Une haine irréconciliable l'hospitalité envers les étrangers et l'aumône
contre l'amiral de Coligny, qu'il regardait envers les pauvres pratiquées partout. Chez
comme auteur ou complice de l'assassinat les Grecs encore barbares, c'est Jupiter hos
du duc de Guise, rendit le duc d'Aumale un pitalier qui préside à l'accomplissement de
des principaux moteurs du massacre de la ce devoir, que les préceptes des sages n'ont
Saint-Barthélémy. En 1573 il fut emporté cessé de recommander. « Tout homme qui
d un boulet de canon au siège de La Ro donne de bon gré, dit Hésiode, alors mémo
chelle. qu'il donne beaucoup, se délecte en donnant
Ai mâle (Charles de Lorraine, duc d'), et éprouve une jouissance dans son esprit. »
61s de Claude II de Lorraine, auquel il suc — « Donne de suite au mendiant, dit l'hocy-
céda dans la charge de grand-veneur, fut un lide, et ne remets pas au lendemain ; donne à
des plus ardents défenseurs de la Ligue. Les pleines mains à l'indigent; reçois l'indigent
Seize lui déférèrent en 1589 le commande dans ta maison; sois le conducteur de l'aveu
ment de Paris. Il fut battu la môme année gle; aie pitié des naufragés, caria naviga
avec le duc de Mayenne par Henri IV à la tion est incertaine; tends la main à celui qui
journée d'Arqués, et en 1590 à celle d'Ivri. tombe; secours l'homme abandonné; tous les
Lorsqu'enfin Henri eut fait rentrer tout le hommes boivent à la coupe des maux. »
royaume sous son obéissance , le duc d'Au Chez les Romains, l'aumône était réglée
male, mécontent de n'avoir pas obtenu le par la loi civile; les citoyens pauvres de
gouvernement de Picardie, se tourna du côté vaient être recourus par leurs patrons. Ce de
des Espagnols et seconda leurs progrès dans voir leur était imposé, et ils l'accomplissaient
cette province. Le parlement le déclara cri souvent plutôt par ostentation que par vertu.
minel de lèse-majesté et le condamna à être Cependant la charilé n'était pas inconnue au
écartelé, sentence qui fut exécutée en efligie peuple, car souvent au théâtre on l'a vu se
le 24 juillet 1595. Le duc d'Aumale termina lever spontanément en criant et battant des
sa vie dans les remords à Bruxelles, en 1631 ; mains pour applaudir avec force les vers qui
il était âgé de soixante-dix-sept ans. exprimaient le sentiment de la bienfaisance.
Aumale (Charles, dit le chevalier d'), Les lois de Moïse réglant en même temps
frère du précédent, se fit également remar la morale et le droit public contiennent plu
quer pendant les troubles de la Ligue. Il tenta sieurs dispositions qui prescrivent l'aumône
de surprendre Saint-Denis sur Henri IV, et en termes précis. «Tu ne cultiveras pas ton
fut tué à vingt-huit ans dans cette attaque, » champ la septième année, dit Moïse (Exode,
en 1591. Tv. » chap.23), afin que ceux qui sont pauvres
AUMONE. Une des premières lois impo » trouvent de quoi manger. Tu feras la même
sées à l'homme par la nature comme par la » chose à l'égard de la vigne et de tes oli-
religion, c'est d'aider et de secourir son sem » viers. » — a Lorsque tu moissonneras ton
blable lorsqu il est dans le malheur ou dans d champ, tu laisseras l'extrémité inachevée,
AUM ( 270 ) AUM
» et lu ne ramasseras point les épis tombés; voir pas assisté lorsqu'il avait faim dans la
» tu laisseras cela pour le pauvre et l'étran- personne des pauvres. Matlh., cap. xxv.
» ger. » (Lev., cliap. 23.) Le chapitre 15 du Les développements que celte matière peut
Deuléronome, non seulement prescrit l'au exiger trouveront leur place aux articles
mône et revient plusieurs fois sur cette obli Charité et Pauvres. Nous n'ajouterons ici
gation, mais il expose surtout les motifs puis qu'une observation empruntée à saint Au
sants qui doivent la faire pratiquer. Les pro gustin : « Donner à manger à celui qui a
phètes fournissent aussi une foule d'éloquents faim , donner des vêtements à celui qui en a
témoignages en faveur de 1 aumône. « Heu besoin , donner asile à un fugitif, visiter un
reux celui qui veille sur l'indigent et sur le malade ou un prisonnier, racheter un captif,
pauvre! s'écrie ; David dans les jours mauvais soutenir un faible, guider un aveugle, con
Dieu le délivrera.» — «Celui qui a miséri soler un affligé, panser un blessé, remettre
corde pour le pauvre prête à intérêt au Sei dans le chemin celui qui s'égare, instruire
gneur; il lui sera rendu ce qu'il aura prêté.» les ignorants ou leur donner des conseils, ce
{Job, ch. 19.) — « Si lu as beaucoup, donne ne sont pas les seules aumônes que prescrit
beaucoup, et si tu as peu, tache de donner ce la religion; mais pardonner à celui qui pèche
peu de bon cœur; c'est ainsi que tu ramasse ou le corriger, si on a aulorité sur lui , en
ras une récompense pour les jours de la né oubliant l'injure que l'on en a reçue, voilà
cessite. » (Toute, ch. 4.) Dans la religion de aussi des œuvres de miséricorde que l'on don
lirahma, les lois de Manou fourmillent aussi regarder comme des aumônes. » Lib. de fide
de passages qui recommandent l'aumône et eharit. , cap. Lxxii.
comme 1 une des plus saintes actions. Chez AUMO.MEU , en latin eleemosynaritu ,
les Chinois, le peuple le plus égoïste de la largitionum prœfeclus. L'aumônier est un of
terre, elle est également en honneur et s'ap ficier eeclésiaslique attaché à la personne dei
puie sur les plus anciennes traditions. évoques , des rois et des princes pour desser
Mais c'est surtout sous l'influence du chris vir leur chapelle, exercer les lonctions do
tianisme que celte vertu a pris une impor leur charge dans tout ce qui a rapport a la re
tance toute nouvelle; car tous les préceptes ligion, et leur donner tous les secours spiri
de l'Evangile sont fondés sur le principe sa tuels. On appelle encore aumôniers ceux qui
cré de l'amour de Dieu et du prochain; aussi sont à la suite des régiments de l'armée et
voyons-nous les lidèles de la primitive Eglise autres corps, sur un vaisseau, dans les places
vendre leurs biens et les déposer aux pieds fortes, les prisons, les hospices et les collèges,
des apôtres pour l'entretien des pauvres, des pour rendre les mêmes services spirituels à
veuves et des orphelins. Saint Paul recom ceux auprès desquels ils sont appelés. Les au
mande aux Corinthiens de faire des collectes môniers des vaisseaux, des régiments et au
tous les dimanches, comme il l'avait prescrit tres semblables doivent être approuvés do
aux Eglises de C-alalie, et saint Justin nous l'évèque diocésain ou de leur supérieur régu
apprend que les fidèles, qui se rassemblaient lier, s'ils sont religieux.
le dimanche pour assister à la célébration 11 est parlé des aumôniers des prélats dans
des saints mystères remettaient leurs au le concile d Oxford, tenu en 1222, can. 2,
mônes à lévêque pour les distribuer aux ainsi que de ceux des papes dans le Gtsla In
pauvres. Leur charité s'étendait jusqu'aux nocenta, page 150.
païens, et Julien-l'Aposlat écrivant à un Le grand-aumônier de France était le pre
pontife idolâtre fait ressortir cette vertu des mier officier ecclésiastique de la maison du
chrétiens : <. 11 est honteux, dit -il, que les roi : avec celle charge il y en avait toujours
Galileens nourrissent leu s pauvres et les no une seconde, qui était celle d'un premier au
ires. » C'esl que non seulement le christia mônier. Ces deux dignités étaient presque
nisme commande l'aumône, mais il fonde ce toujours remplies par des prélats de distinc
précepte sur les motifs les plus propres à tion; en sus il y avait encore huit aumôniers
triompher de l 'égoïsine, qui endurcit les cœurs ordinaires du roi qui faisaient leur service
aux misères d'autrui. Tout le bien que l'homme par quartier. Le grand-aumônier de France
fait à son prochain, Jésus -Christ déclare jouissait de plusieurs prérogatives qui le dis
qu'il le regarde comme fait à lui-même; et tinguaient des autres prélats , entre autres
dans les paroles qu'il prononce contre les ré de celle d'officier à l'église dans tous les dio
prouvés, il leur reproche surtout de ne l'a cèses en présence du roi, parce qu'il était le
AUM ( 271 ) AUM
seul évêque de la cour, et qu'en quelque lieu titulée Gallia purpurala, in-8", Paris, 163>;
que fût le souverain, c'est de lui qu'il rece 4° L'Histoire ecclésiastique de la cour, ou An
vait les sacrements. Il était l'intendant de la tiquités et recherches de la chapelle ou ora
chapelle royale, et conférait quelquefois les toire du roi de France depuis Clovis 1er jus
bénéfices qui étaient à la nomination royale. qu'à 1645, par Guillaume Du Peyral, aumô
A l'arrivée du roi dans une ville , c'était an nier du rt.i, in-8", Paris, chez Sara; 5° Des
ciennement le grand-aumônier qui délivrait cription de la chapelle du château de Versail
le* prisonniers et distribuait les grâces. Un les , in-12, Paris, 1711. Voy. aussi Ducange
des principaux droits qui ont appartenu au et Gallan dans la vie de saint Pierro Clias-
grand-aumônier est cette juridiction étendue telain. Weber.
que nos rois leur avaient conservée sur les au- AUMOXT(d). Cette famille, l'une des
môtieries, hôpitaux , maladreries et autres plus anciennes maisons nobles de France, a
lieux de refuge du royaume. produit plusieurs capitaines distingués.
Sébastien Kouillard , qui a fait un ouvrage Aumont (Jean d') naquit en 1522, servit fort
quia pour titre le Grand-Aumônier, imprimé jeune sous le maréchal de Brissac , en Pié
en 1687, prétend que cette charge, devenue si mont, se distingua dans la suite à la bataille de
illustre, a existé à la cour des rois de France Saint-Quentin, où il fut blessé, et fait prison
dès le commencement de la monarchie; que nier à la prise de Calais; puis contre les hugue
sous la première race celui qui la possédait nots à Dreux, à Saint-Denis, à Moncontour
avait le nom d'apocrisiaire, sous la seconde et au fameux siège de La Rochelle, en 1573 ;
d'arehichapelain , et sous la troisième de repoussa, comme Crillon, la proposition d'as
grand-aumônier. Ce titre d'aumônier surtout sassiner le duc de Guise, en donnant le hardi
lui fut donné parce que , sous saint Louis et conseil de lui faire juridiquement trancher la
après, les maladreries, léproseries et autres tête. Chevalier des ordres du roi et maréchal
hospices royaux s'étant beaucoup accrus , on de France sous Henri III, il le servit tou
en donna l'administration à i'archichapclain, jours fidèlement, et, après la mort de ce
èvéque de la cour, qui changea ainsi de nom. prince, fut un des premiers à reconnaître
Le même Kouillard dit encore que sous la Henri IV, qu'il alla rejoindre devant Dieppe,
seconde race l'archichapelain avait toute en 1589. La dureté et l'impolitesse de d'Au-
l'intendance de la chapelle royale; qu'il avait mont lui avaient fait des ennemis à la cour ; il
coin de la conscience du roi, de l'avertir des s'empressa de dissiper toutes les inquiétudes
devoirs du christianisme; qu'il bénissait sa de Henri à ce sujet. « Sire, lui dit-il, j'oublie
table et disait les grâces, et que l'apocri- tous mes ressentiments jusqu'à ce que vous
siaire, archichapelain ou grand -aumônier ayez triomphé de vos ennemis. » Cette géné
sont la même chose que le protopapas de la rosité lui fit des amis de tous ses rivaux , et
cour de Constantinople ; qu'il était nommé après la bataille d'Ivri, il reçut d'Henri IV
garde du sacré palais, cuslos sacri palalii. On cette invitation flatteuse : « Il est bien juste
peut voir aussi l'Histoire de la chapelle des que vous soyez du festin après m'avoir si bien
rois de France, par M. l'abbé Archon, in-4°, servi âmes noces. » Successivement gouver
Paris, 1704-1711. neur de Champagne, du Poitou et de la Bre
Le père Le Long, dans sa Bibliothèque his tagne, d'Aumontsut toujours faire respecter
torique de la France, p. 703 et suivantes, in l'autorité du roi, tenir tète au duc de Mer-
dique toutes les histoires des grands-aumô cœur et à ses ligueurs ; il prit sur eux Mayenne
niers de France, enlro autres 1° : Le Grand- et le château de Rochefort, près Angers, et
Aumônier de France, par Sébastien Kouillard, enfin, blessé au bras d'un coup de mousquet,
avocat au parlement, in-8°, Paris, chez Dou mourut des suites de sa blessure devant le
ceur, 1607; 2* Mémoires manuscrits touchant la château de Comper, près Rennes, le 19 août
charge de grand-aumônier de France et des 1595.
divers titres attribués à celte charge: ce mé Auhont (Antoke d"), petit-fils du précé
moire est au volume 189e des manuscrits de dent, né en 1650, se distingua dans plusieurs
M. Colbert de Croissy, évêque de Montpel batailles, commanda l'aile droite à Rhétel
lier; 3" Nomenclatura magnorum Franciœ en 1669, devint maréchal de France, duc et
eleemosynariorum, per Petrum Frizen, doc- pair et gouverneur de Paris , où il mourut
torem theologum : ce catalogue est imprimé en 1669. Plus courtisan que son aïeul, il n'eut
dans son Histoire des cardinaux français, in pas sus talents.
AUN (272 ) AUN
Aumont ( Locis-Mame-Victor de Roche- les terrains marécageux, sur les bords des
baron, duc d), colonel de cavalerie à l'âgo ruisseaux. Trois habitent la France : \alntu
de dix ans, obtint à seize la survivance de oblongata, à feuilles un peu obtuses et gluti-
capitaine des gardes. La prise d'Armenlières, neuses; Valnus incana, à feuilles oblongues,
Bergues, Fumes et Courtrai, lui valut le titre aiguës, pubescentes et blanchâtres en des
de gentilhomme de la chambre et le gouver sous; et Valnus communis, belula alnus, Lin.,
nement du Boulonnais. Son système de dé qui est la plus commune : on l'appelle vul
fense contre la Hollande et l'Angleterre a été gairement verne dans le midi de la France.
imité depuis avec le même succès. Sa grande Cette dernière peut atteindre jusqu'à 40 pieds
connaissance des médailles et son estime pour et plus de hauteur; mais le plus souvent on
les sciences et les savants le firent nommer la trouve dans nos campagnes aménagée en
membre de l'Académie des Inscriptions. Né taillis, et par conséquent moins élevée, à
le 19 décembre 1662, il mourut subitement cause des coupes régulières auxquelles elle
à Paris, en 1704. est soumise. Les feuilles de l'aune commun
AUMUSSE, sorte de vêtement de four sont obtuses, comme tronquées, gluantes et
rure qui couvrait la tête et les épaules, et pubescentes dans leur jeunesse; l'écorce
dont se servaient les chanoines et autres ecclé épaisse et gercée sert au tannage. Le bois,
siastiques pour assister à l'office de la nuit. indépendamment de l'excellent combustible
D abord ce n'était qu'un bonnet de peau d'a qu'il fournit, de ses usages en ébénisterie
gneau avec le poil, et la chape se portait par comme susceptible d'un poli assez beau et
dessus; alors il s'appelait aumuçon ou au- prenant bien le noir, est très fréquemment
musson. On fit ensuite descendre ce bonnet employé pour faire des corps de pompe, des
sur les épaules, puis jusqu'à la ceinture, et canaux souterrains par pilotis, des étais dans
l'incommodité d'un vêtement si peu propre les galeries de mines, à cause de la propriété
pour l'été fit que bientôt on ne le porta plus qu'il possède de se conserver dans l'eau du
que sur le bras, comme on le voit encore rant des siècles, propriété que lui connurent
aujourd'hui dans la plupart des églises; Les les anciens : A lui ad aquarum dur tu s m tubos
chanoines de la métropole de Reims et ceux cavantur, obrutœ lerrd plurimis durant annis.
de la cathédrale de Baveux mettent encore La médecine a mis à profit l'astringence de
en hiver l'aumusse sur la tête sous le cha l'écorce d'aune; on l'a employée à défaut de
peron, comme dans les temps anciens. quinquina pour combattre les fièvres inter
Pendant plus de mille ans en France on mittentes, et assez souvent avec succès. Enfin
ne s'est couvert la tête que d'aumusses et de on a prétendu que les feuilles attiraient les
chaperons. Le chaperon était en usage dès puces d'un appartement, et étaient le moyen
le temps des Mérovingiens; on le fourra de se débarrasser de ces animaux nuisibles.
d'hermine sous Charlemagne; on en fil tout- On cultive dans les jardins une variété
à-fait de peaux : ces derniers s'appelaient élégante de l'aune commun, à feuilles pro
aumusses; ceux qui étaient d'étoffe retinrent fondément découpées, betula laciniata. Dans
le nom de chaperon, et ce ne fut que sous quelques provinces on appelle aune noir h
Charles V qu'on cessa de le porter sur la tête bourgène ou noirprun.
pour le faire descendre sur les épaules et sur A UNIS (géog.), ancienne province de
les bras. Les rois portaient sur la tête cctle France, la plus petite de toutes, bornée au
fourrure, car, dit Ducange, la couronne se nord par le Poitou, au sud et à l'est parla
mettait sur l'aumusse. Weber. . Saintonge, à l'ouest par l'Océan. Elle avait
AUXE, alnus (bot.). Genre de végétaux pour capitale La Rochelle (rot/, ce mot).
de la famille des A w:\t\cees de Jussieu et Cette province, à laquelle étaient réunies
des Bétulinées de Richard. Distingué du quelques îles, celles de Ré, d'Aix, d'Oleron,
bouleau par Tournefort, réuni à lui par Linné, de Noirmoutiers et de Madame, faisait par
il en a été de nouveau séparé avec l'approba tie de la Gaule celtique à l'époque de la con
tion de tous les botanistes modernes. Les (leurs quête de César. Elle passa sous la domination
de l'aune sont monoïques, les mâles disposées de Clovis après la bataille de Vouillé, et de
en chatons pendants et cylindriques; les puis elle a suivi le sort de La Rochelle, sa
fleurs femelles sont également en chatons, capitale. Elle est aujourd'hui presque entiè
mais de forme ovoïde, arrondie. On connaît rement comprise dans le déparlement de la
cinq espèces d'aunes ; elles croissent dans Charente-Inférieure.
AUR ( 273 ) AUlt
AURELE (Marc-). Voy. Marc-Aï jrèi.e. fut assassiné, l'an 275, à l'âge de soixante»
AURÉLIEN ( L. Domitius Auremams), trois ans, après un règne de cinq années, par
né en Pannonie vers l'an 220, avait passé sou affranchi Mnesthée, qui craignait d'être
par tous les grades de l'armée, lorsqu'à la puni de ses concussions par le dernier sup
bataille de Mayence contre les Germains il plice. Sa mort fut vengée, et ses assassins dé
te signala par ses talents militaires, par sa trompés , après avoir livré Mnesthée aux
bravoure, mais surtout par la sévère disci bêtes féroces, élevèrent à Aurélien un tom
pline qu'il maintint dans l'armée. A la (in de beau et un autel dans le lieu même où il
son consulat, en 239, il fut mis à la tête de avait été frappé. Dans les commencements il
tontes les troupes de l'Illyrie et de la Tlirace. avait traité les chrétiens avec douceur, mais
Enfin, lorsqu'on 270 Claude H mourut, le dans les derniers temps il rendit contre eux
peuple et l'armée proclamèrent d'un com des édits cruels. Il est le premier empe
mun accord Aurélien empereur* Le nouveau reur romain qui ait orné sa tête du dia
souverain repoussa les Golhs, les Vandales, dème. Le dernier souvenir de la république
lesSarmates et les Marcomans, qui prélu s'était évanoui; 1 empire n'avait plus d'i
daient à ces incessantes attaques de peuples dée de liberté; il ne songeait plus qu'à son
germaniques, qui, deux siècles après, de maître. Auc Savagner.
vaient amener la ruine de l'empire romain A UREL1US-VICTOR ( S ce lus ) , né dans
'l'Occident. En Orient s'était élevé un puis l'Afrique, qu'il appelle la gloire du monde,
sant empire. Zunobie, la veuve d'Odénat, de parents obscurs et sans éducation, alla
régnait à Palmyre, et ne se bornait pas a jeune à Rome , et s'éleva par ses talents
mépriser le pouvoir de l'empereur romain; aux premières dignités de l'empire. Julien le
elle voulait le partager et prenait elle-même fit gouverneur de la seconde Pannonie-, il
le titre d'impératrice. Mais Aurélien lui en devint ensuite préfet de Rome , fut honoré
leva en peu de temps laCappadoce etlaSyrie, d'une statue d'airain, et fut consul avec Va-
la fit prisonnière , et revint l'exposer cap lentinien, en 369, sous le règne de Théodose,
tive aux yeux des Romains dans les solenni à qui il fit élever une statue sur laquelle on
tés de son triomphe. On lui reproche avec lit de nom de Sextus Aurelius-Victor. Par
raison sa conduite dure et sans générosité conséquent il vivait dans le iv siècle. Sou
envers celle énergique princesse; on lui re histoire des Césars est le seul ouvrage au
proche avec beaucoup plus de raison encore thentique, parmi quatre ou cinq qu ou lui at
la cruauté avec laquelle il fit périr le rhé tribue.
teur Longin. ( Voy. LoNGUf, Paimyre, Zé- AURENGZEYB, le plus célèbre des em
Mjbie.) C était un temps de convulsives agi pereurs mogols de Delhi, naquit en 1019 .hé
tations pour l'empire romain. Les Juthun- gire 1028 ), sous le règne de son aïeul Djihan-
f>ues, eu Pannonie, avaient exerce les armes guir, qui lui donna le nom d Aureugzeyb
d Aurélien; les Allemanni pénétrèrent en (ornement du trône ). Il n avait que neuf ans
l'alie : il les vainquit. La Dacie fut conquise lorsque son père Clialidjihan devint empereur
par lui. Firmus en Egypte et Tetricus dans de Delhi, en 1627, par la mort desou propre
les Gaules ayant pris la pourpre , Aurélien , père Djihanguir. Chargé dès l'âge de quinze
redoutable les armes à la main, crut qu'il ans par sou père de plusieurs expéditions mi
pourrait rétablir dans toute sa splendeur l'u litaires dans lesquelles il se distingua par
nité de l'empire. Il punit ses rivaux : Firmus son courage, il partageait son temps entre les
**pira dans les tortures, Tetricus vaincu fut devoirs du commandement et les pratiques
attaché au même char de triomphe que Zé- pieuses. Souvent en prières et l'Alcoran à la
«obie. Une foule de peuples germaniques main, il paraissait rcgretterquesonran^élevo
lurent vaincus. Le sénat donna à l'empe ne lui permît pas de se consacrer tout entier à
reur les litres de vainqueur des Goths, des Dieu et d'embrasser la sainte vie d'un faquir.
Sarmates, des Partîtes, des Adiabènes, des Ayant deux frères aînés, nommés Dara-Che-
Urpes; ce dernier titre fut rejeté avec dé kouk et Sulthan Soudjah, il ne semblait point
rision par Aurélien. Tranquille au dehors, appelé à monter sur le trône; mais doué «l'un
"'appliqua à régler les affaires intérieures vaste génie, dévoré d'une ambition sans bor
de l'empire : il embellit Rome, réforma les nes, il possédait en même temps un grand
'°is et diminua les impôts. Il se disposait à talent pour la dissimulation, et celte |»ersc-
u»e expédition contre les Perses lorsqu'il vérance patiente propre à faire réussir les
Encijrl. du MX' tiède, t. IV. lis
AUR (274 ) Atm
projets les plus difficiles. En dépit de sa dé roi de Golconde et à celui de Visapour, qui
votion réelle ou affectée, il ne laissait pas furent obligés de subir les dures conditions
d'intriguer à la cour, et quelle que fût son qu'il plut aux vainqueurs d'imposer. Chah-
«dresse, il n'avait pas réussi à tromper Dara- djihan, en récompense des services de l'émir,
Chekouk, l'aîné de ses quatre frères, lequel Djemlah. le nomma visir en 1656 ; mais l'an
ne dissimulait point l'inquiétude que lui cau née suivante, l'empereur étant tombé dange
saient les vues ambitieuses d'Aurengzeyb. reusement malade, cet événement répandit
Dara-Chekouh était tout l'opposé de son jeune l'alarme dans tout l'Indouslan, et Dara, qui
frère; sa franchise allait souvent jusqu'à l'in dès l'année 1654 avait été désigné publique
discrétion, et sa croyance en la foi musul ment par son père pour lui succéd-r, profila,
mane pouvait être mise en doute. Porté par pour saisir lès rênes du gouvernement, de
goût à l'étude des dogmes religieux et philo l'absence de ses frères, qui manifestèrent
sophiques des autres nations, ilavaittoujours hautement leur mécontentement, et tous les
auprès de lui des pandits ou docteurs indiens partis prirent aussitôt les armes. Dara leva
et des jésuites, qui recevaient de lui des pen des troupes dans les provinces de Delhi et
sions considérables et avec lesquels il aimait d'Agra ; Sul than Soudjah en fit autan t dans sou
à s'entretenir. Ces habitudes étranges pour gouvernement du Bengale, Mourad Bakche
un musulman étaient généralement vues d'un dans le Guzarate, et Aurehgzeyb dans le
mauvais œil, et Aurengzeyb ne manquait pas Dekhan. Ce dernier, plus habile et plus cir
de fomenter, sous main le mécontentement. conspect, écrivit sur-le-champ à son jeune
Il se rendit, en 1638, dans le Dekhan, dont frère Mourari Bakche une lettre pleine d«
il avait été nommé gouverneur, avec mission protestations de tendresse et d'intérêt> dans
de poursuivre les conquêtes commencées laquelle il déclarait qu'il n'avait pour lui-
dans cette partie de l'Inde par les souverains même aucune prétention au trône, et qu'il
de Delhi, et il y fonda la ville d'Aurengabad. n'aspirait qu'à la vie sainte et paisible d'un
C'est à celte époque que l'on place une anec faquir, mais qu'il était de son devoir de ne
dote qui, si elle est vraie, prouve que le goût pas souffrir qu'un idolâtre comme Dara, ou
qu'il affectait pour la société des religieux qu'un hérétique partisan d'Aly comme Snl-
musulmans, appelés faquirs* n'était que pure than Soudjah, s'emparât du gouvernement ;
hypocrisie. 11 en réunit, dit-on, certain jour que Mourad Bakche était seul digne du tronc,
un très grand nombre, et pour leur donner et qu'il pouvait compter sur l'appui dé son
un témoignage éclatant de sa bienveillance, frère Aurengzeyb. Cette lettre, accompagnée
il voulut les revêtir tous dérobes neuves. Les d'un présent considérable en argent, fit une
pieux personnages se refusèrent d abord à un grande impression sur l'esprit crédule de
tel excès d'honneur; mais après une rési Mourad Bakche, qui, plus brave que sensé,
stance qui n'était nullement feinte, ils furent n'hésila pas à ajouter foi aux belles promesse?
obligés de se soumettre, et d abandonner les de son frère. Les deux princes ayant rénni
sales haillons qui les couvraient pour des vê leurs forces remportèrent d'abord un avan
tements plus décents. Aurengzeyb fit réunir tage signalé sur une armée impériale, et se
en un tas les vieilles robes, auxquelles ou mit dirigèrent ensuite vers Agra. Dara, furieux
le feu, et un monceau de pièces d'or consi de cette défaite, ne prit pa« la peine d'atten
dérable fut trouvé dans les cendres. Rap dre que son fils Soliman-Chekouh, qui venait
pelé à plusieurs reprises par la jalousie de de battre complètement Sullhan Soudjah dans
son frère aîné, il retourna dans le Dekhan le Bengale, eût ramené ses troupes victorieu
en 1652, et ne tarda pas à s'y lier avec l'emir ses. Son armée était d'ailleurs as<ez nom
deDjemlah, homme d'un grand mérite et breuse pour qu'il crut pouvoir se passer d'un
capable de seconder les desseins ambitieux du nouveau secours, et il marcha à la rencontre
jeune prince. de ses deux frères. Les forces de Dara se com
Djemlah, visir du roi de Golconde à qui il posaient de 100,000 cavaliers, de 50,000 fan
avait rendu de grands services, s'était brouillé tassin'! et d'une nombreuse artillerie, tands
tout-à-coup avec ce prince à la suite d'une que les troupes d'Aurengzeyb et de Mourad
intrigue de cour, et il offrit à Aurengzeyb de Bakche ne comprenaient guère plus de 40,000
s'attacher à sa fortune. Celui-ci accepta avec hommes ; mais il y avait plus d'un traître
empressement, et Ternir et le prince niogol dans l'armée impériale.
b'élant réunis firent la guerre avec succès au Les deux partis se rencontrèrent auprès
AUR ( 275 ) AUR
d'une ville nommée depuis Felhabab (ville présents considérables et des promesses encore
de la victoire), sur les bords du Djemna, plus magnifiques calmèrent le mécontente
à cinq lieues d'Agra, et l'action s'engagea le ment des officiers, et aucun mouvement ne
8 juin 1658 (7 ramadan 1068). se manifesta. Après l'heureux succès de sa
Dura, monté sur un superbe éléphant de perfidie, il restait encore à Aurengzeyb, pour
Ceylan, fitpreuvedans lecombatd'une grande être maître du trône, trois adversaires à
valeur; la victoire se déclarait pour lui, et vaincre : Dara Chekouh qui s'était réfugié dans
les troupes des deux frères commençaient à le nord de l'Inde, Sullhan Soudjah qui avait
se mettre en désordre, lorsqu'un traitre per relevé son parti dans le Bengale, et Soliman
suada au malheureux. Dara de descendre de Chekouh, fils de Dara. Après a^oir poursuivi
son éléphant pour monter à cheval et se quelque temps le premier qui fuyait devant
mettre à la poursuite des fuyards. Dara eut lui, il résolut de revenir sur ses pas et de
l'imprudence d'écouter ce mauvais conseil, tourner ses armes contre Sullhan Soudjah.
et en moins d'une heure tout était perdu pour Les deux armées se rencontrèrent dans la
lui. Les soldats ne voyant plus leur chef sur plaine deKadjoué, à une lieue et demie d'A
son éléphant s'imaginèrent qu'il avait été tué ; gra, et la même faute qui avait perdu Dara fit
une terreur panique s'empara des esprits, de nouveau triompher Aurengzeyb, qui cou
tout se débanda, de sorte que Mourad Bakcho rut de grands dangers dans le combat. Soud
et Aurengzeyb,qui de leur côté s'étaient vail jah, se croyant vainqueur, descendit de son
lamment comportés, demeurèrent maîtres du éléphant pour se mettre à la poursuite des
champ de bataille. Aurengzeyb céda à son fuyards, et celte im prudence fit changer la
jeune frère tout l'honneur de la victoire, le fortune. Celte bataille fut livrée le 14 janvier
félicita du courage qu'il avait déployé dans le 1639. Six mois après, le 15 juin 1659 (24 ra
combat, le traita de roi et de majesté, et lui madan 1069), Aurengzeyb, alors dans sa qua
témoigna tout le respect dû à un souverain. rantième année, monta sur le trône, et prit
La ville d'Agra ne pouvait pas tenir contre le nom impérial d'Alemguir ( conquérant
les vainqueurs ; les portes leur furent ouvertes, du monde). Dara-Chekouh, après avoir essayé
et le vieux empereur Chabdjihan, après avoir inutilement de rassembler dans les provinces
négocié quelque tempsavec Aurengzeyb dans du nord des troupes avec lesquelles il pût
1 espérance de l'attirer dans le palais et de le lutter contre son heureuxadversaire, futenliu
faire prisonnier, finit par tomber lui-même trahi parmi chef afghan, et livré avec Sun
dans le piège qu'il tendait aux autres, et fut polit—fils Sepé Chekouh à un des généraux
forcé de se remettre à la discrétion de son pe d'Aurengzeyb, qui conduisit ses prisonniers à
tit-fils Sultlian Mohammed. Les princes coali Delhi. Il faut lire dans la relation du célèbre
sés résolurent ensuite de marcher ensemble voyageur Bernier le récit intéressant des
sur Delhi, où l'infortuné Dara s'efforçait de souffrances de ce malheureux prince, qui fut
relever son parti. Cependant Aurengzcjb promené ignominieusement par la ville sur
n'attendait qu'une occasion favorable pour
un éléphant et renfermé ensuite à Goualyor.
mettre à exécution les projets ambitieux qu'il
Il y fut massacré peu de jours après, et sa têlo
méditait depuis si long-temps. Des amis de
portée à Aurengzeyb, qui lisait l'Alcorau
Mourad Bakehe, soupçonnant les mauvais
lorsqu'on la lui présenta. Il interrompit sa
desseins de l'astucieux prince, essayèrent de
lecture, fit laver le sang qui souillait celle
détromper son jeune frère; ils l'engagèrent
tête, et, lorsqu'il fut bien sûr que c'était
à se tenir sur ses gardes, et même à prévenir
bien celle de Dara, il versa quelques larmes
Aurengzeyb en le faisant arrêter lui-même ;
en s'écriant : « L'infortuné ! » Ainsi mourut,
mais tous ces conseils furent inutiles, et l'im
à l'âge do quarante-quatre ans, un prince
prudent ne larda pas a recevoir la punition
recommandable à la fois par ses vertus, par
de son aveuglement Invite à un banquet par
son courage et par son esprit éclairé. Prolec
son frère, il s'y rendit en dépil de l'avis con
teur des savants, il composa, ou pour mieux
traire de ses officiers, se plongea dans l'i
dire fit composer plusieurs ouvrages qui
vresse la plus complète, et tomba dans un
portent son nom, entre autres une traduction
sommeil profond dont il ne se réveilla que
persane d'une partie des Védas, ou livres sa
pour se trouver chargé de chaînes par l'ordre
crés des Indiens, et un ouvrage philosophi
de son frère, qui traita la victime de sa tra
que et religieux intitulé Medjma albahrein
hison avec le mépris le plus outrageant. Des
{la Réunion des deux mers), qui a pour but du
AUR ( 276 ) AUR
concilier la religion brahmanique et celle de grand éclat sur les dernières années de la vie
Mahomet. de l'empereur, furent la conquête des deux fa
La fin de Soudjah et de Soliman-Chekouh meux royaumes du Visapour et de Golconde,
ne fut pas moins malheureuse que celle du faite en 1687 et 1688 par Aurengzeyb en
Dara; le premier, poursuivi par l'émir Djen- personne. Les petits Etats du Maïssour, do
lah, à qui avait été confié le soin d'achever Trilchinopoli, de Tanjaouf et du Carnate, de
sa défaite , se réfugia dans le pays d'Arakan , vinrent tributaires de l'empire mogol. Au
où il périt assassiné ; le second, après d'inuti rengzeyb avait été moins heureux contre les
les efforts pour se réunir à son père Dara et Maluat tes , dont la puissance commençait à
le secourir, trahi par le gouverneur de Ca poindre, et dont le premier chef important.
chemire, obligé de chercher un refuge dans Sevadji, s'était rendu redoutable aux Mogok
les montagnes du Thibet, ne put même pas La mort de Sevadji, en 1680, délivra l'empe
gagner cet asile, et fut arrêté et conduit à la reur du plus dangereux de ses adversaires,
citadelle de Goualyor, où il mourut par les sans faire cesser la lutte commencée entre les
effets du poust, décoction de pavot écrasé Mahrattes et les Mogols. Sambadji , fils ei
que l'on faisait boire aux princes dont ou successeur de Sevadji, avait sinon les talents,
voulait se défaire, et qui les faisait tomber au moins la bravoure de son père, et l'empe
insensiblement dans un état de marasme et reur mogol n'en triompha qu'au moyen de
d'affaissement suivi de la mort. Plusieurs des la ruse. Conduit par trahison dans une em
petits-fils de Chahdjihan périrent de celte buscade, Sambadji fut fait prisonnier et con
manière. La même citadelle servait aussi de duit devant Aurengzeyb , qui le fit périr sous
prison à Mourad Bakche , le dernier des frères ses yeux par un supplice atroce. Ce tragique
d'Aurengzeyb , et dont la mort fut bien plus événement eut lieu en 1689, et il répandit la
violente. L'usurpateur, voyant que le prince consternation parmi lesMahrattes, qui éprou
prisonnier conservait encore des partisans et vèrent alors plusieurs échecs et perdirent des
que l'on faisait cou rir des poésies à sa louange, forteresses importantes. Aurengzeyb vécut en
résolut de le faire périr, non plus secrètement, core jusqu'en 1707, et mourut le vendredi 21
mais avec les formes judiciaires; une accusa février de cette année (1118 del'hégire), dans
tion de meurtre fut portée contre lui et suivie la quatre-vingt-huitième année de son âge et
d'une sentence de mort, dont Aurengzeyb au dans la quarante-huitième de son règne. Deux
torisa l'exécution en versant des larmes hypo ans auparavant il était tombé très dangereu
crites. Le vieux Chahdjihan fut seul épargné ; sement malade, et ayant momentanément
ses jours furent respectés , et les égards de recouvré la santé, il fit poser son médecin
toute espèce lui étaient même prodigués. En avec des roupies d'or, qu'il lui donna ensuite.
fermé dans la citadelle d'Agra, il avait avec Il laissait après lui trois fils , Mazen ( Chali
lui ses femmes , ses chanteurs et ses danseu Alem ) , Azem et Kambakch , entre lesquels
ses, et des spectacles de toute espèce étaient il partageait l'empire par son testament,
imaginés pour chasser l'ennui de sa capti mais qui étaient tout prêts à se disputer le
vité ; il y mourut en 1666. trône. Un autre de ses fils, Akbar, s'était ré
Délivré de tous ses compétiteurs , maître volté contre son père de son vivant , et avait
absolu de l'empire par tant de crimes dus à été forcé de chercher un asile en Perse , où
son ambition , Aurengzeyb se livra tout en il était mort en 1703.
tier aux soins de l'administration, et déploya L'administralion d'Aurengzeyb ne doit pas
comme politique ce rare génie auquel les être passée sous silence et mérite des élo
voyageurs contemporains paient un juste tri ges : il établit une garantie des propriétés
but d'éloges, etqui fait regretter que ce prince territoriales, et encouragea le commerce ainsi
.'oit parvenu au pouvoir par des moyens aussi que l'agriculture. Il réussit à rentrer dans
odieux. Plusieurs expéditions militaires, dont les domaines de la couronne , que son bisaïeul
le détail serait trop long, signalèrent son Akbar avait aliénés et distribués à des mé
règne; l'émir Djemlah, gouverneur du Ben contents
gier à la cour
de la d'Agra,
Perse quiet étaient
dont lesvenus
descendant»
seréfu-
gale , fit une invasion dans le royaume d'As-
sam et soutint son ancienne réputation de furent envoyés dans le Cachemire. Les formes
grand général ; mais les éléments contraires de la justice furent simplifiées et les arrêts des
firent en partie avorter l'entreprise. Deux tribunaux surveillés. Le monarque écoutait
événements sjlorieux, et qui jetèrent un les réclamations des plaideurs, et révoqua des
AUR ( 277 AUR
juges ineptes ou coupables de prévarication. de grosses cannelures. On ne sait pas si ces
Une tentative pour corrompre un juge était animaux vivent dans les marais ou sur leurs
même punie comme un crime capital. La bords. Une seule espèce habite la France;
réforme des mœurs et le maintien des pré c'est V auricule myosotis des bords de la Mé
ceptes de l'Alcoran n'attira pas moins l'at diterranée; elle a deux tentacules avec les
tention de l'actif AurengzeyK Les danseu yeux h la base. A ce genre appartient aussi
ses ou musiciennes publiques , dont le nom la belle espèce de coquille si recherchée des
bre s'était singulièrement multiplié sous le amateurs, connue sous le nom d'oreille de
règne de Chabdjiban , furent forcée» de re Midas, et qui nous vient, d'après Rumph,
noncer à leur profession ou de l'exercer dans des salines de l'une des Moluques,
le plus grand mystère, et l'usage du vin fut Les anatomistes appellent auricule le pa
sévèrement défendu. Le monarque donnait villon de 1 oreille {voy. ce mot), et les bo
le premier l'exemple de la sobriété , ne bu tanistes l'appendice lobé et arrondi qu'on
vant que de l'eau et vivant ordinairement voit à la base de certaines feuillesou de leurs
d'berbages et de fruits ou de mets très sini- pétioles, comme dans la sauge, l'oranger, etcr
I les. Mais une maladie grave, causée suit par Al'IULLAC, ville de France, chef-lieu du
un régime austère, soit par les soins multi département du Cantal, à l'extrémité d'une
pliés de l'administration, soit encore peut- vallée pittoresque arrosée par la Jordanne.
être par les remords de sa conscience, mit Les rues en sont larges et régulières. Assises
quelque temps ses jours en danger et l'obligea sur des laves que de grands lacs ont recou
à suivre une auire manière de vivre. Sa con vertes de sédiments calcaires, les maisons sont
valescence traînant en longueur et sa santé en général d'une construction élégante et so
étant toujours chancelante, ses médecins lui lide. Celte villen'ade remarquable quesa salle
conseillèrent d'aller passer l'été dans la pro de spectacle et son hippodrome , où il y a des
vince de Cachemire, et le voyage fut résolu. courses tous les ans du 1" au 15 mai. Il y a
La cour entière et une armée de 35,000 ca aussi dans les faubourgs deux sources d'eau
valiers et de 10,000 fantassins, avec une ar minérale ferrugineuse , dont les médecins
tillerie nombreuse, accompagna l'empereur prescrivent souvent l'usage. Aurillac a été
mogol, qui se mit en marche le 6 décembre fondée
cienne vers
province
la find'Auvergne.
du vm« siècle,
Sa population
dans l'an-,
1651 , suivant le médecin Bernier, qui fut du
voyage , et qui nous en a laissé une intéres est d'environ 10,000 âmes. Une ancienne
sante relation. Le gouvernement d'Aureng- abbaye de l'ordre de Saint-Benoît a été le ber
zeyb jouissait d'une grande célébrité dans le ceau de cette ville,
inonde. Des ambassadeurs du roi de Perse, AURORE , lumière qui précède le lever
du roi d'Ethiopie, du schérif de la Mecque, du soleil. On lui donne aussi le nom de cré
des khans ousbecs de Bokhara et de Balkh se puscule du matin; mais ce nom convient plus
rendirent à la cour de Delhi; plusieurs voya particulièrement aux premières lueurs qui
geurs européens, Tavernier, Thévenot, Ber succèdent à la nuit et ne suffisent point en-
nier, Manucci , Yalentyn , visitèrent sa cour core pour rendre les objets distincts. L'aurore
ou ses Etats, et leurs intéressantes relations proprement dite commence au point où le
nous donnent une haute idée de la puissance crépuscule cesse et où les objets revêtent
de cet empereur mogol, qui porta au plus les couleurs qui leur sont propres. Le ciel ,
haut point l'éclat du trône de Delhi. Ses re qui n'offrait d'abord qu'une légère bande lu
venus s'élevaient à 800 millions , et son ar mineuse du côté de l'orient, prend alors, vers
mée était de 5 à 600,000 hommes. celte région , une teinte orange-fauve qui
A. Loiseleur-Deslongchamps. s'anime par degrés; bientôt les nuages se
AURICULE ( scien. natur. ), Les zoolo colorent des nuances les plus variées d'or et
gistes ont donné ce nom à un genre impor de pourpre ; l'horizon entier devient rcsplen*
tant d'animaux mollusques de la famille des (lissant , et l'imposante majesté de cette scène
PUtHOKÉS AQUATIQUES, classe des G ASTKIIO n'est effacée que par le lever du soleil , ce
roues {règne animal deCuvier). Le genre grand et magnifique spectacle que nul pin
auricule se compose d'un grand nombre d'es ceau ne saurait reproduire.
pèces vivantes ou fossiles, dont quelques unes Suivant les poètes, l'Aurore, fille de l'Air
présentent des coquilles assez grandes. Ces et avant-courrière du Jour, était chargée
coquilles sont ovales, la columelle marquée d'ouvrir de ses doigls de roses les portes de
AUK ( 278 ) AUR
1 Orient. A celte gracieuse imago la science pourpre, et laissant flotter aux vents son voile
moderne a substitué les définitions positives; safrané. L imagination des poètes a changé
mais l'aurore n'a rien perdu, ni de son pres en perles la rosée qu'elle répand ; d'autres
tige, ni de sa beauté. veulent que ces gouttes soient les larmes
La lumière solaire commence à paraître qu'elle verse incessamment sur la mort de
lorsque cet astre est encore à 18° au-dessous son fils Mormon. Dans tous les cas, son beau
tic l'horizon. Ce phénomène est dû aux ré phénomène a épuisé la palette d'une foule de
flexions que la lumière éprouve dans les hau peintres et de poètes. Arouni, femme d'A-
tes régions de l'atmosphère. Les réfractions rouna, chez les Hindoux, conduit le cheval
que subit la lumière eu traversant, pour ar à sept têtes du soleil. Denne-Baiioîi.
river à nous , des couches d air d'une densité AURORE BORÉALE. Phénomène lu
croissante, n'ont sur la production de l'au mineux qu'on observe d'ordinaire dans les
rore qu'une inlluence extrêmement faible, régions voisines du pôle nord, quelques heu
puisque la déviation totale qu elles produisent res après le coucher du soleil. Diverses cau
n'est, à l'horizon même, que de 'M minutes ses concourent à donner à ce météore le»
environ. apparences les plus variées; mais, pour un
Quelques physiciens voient dans l'aurore observateur attentif et dégagé de toute illu
un phénomène de diffraction; cette considé sion, il peut se réduire à ce qui suit.
ration expliquerait i>eut-elre les modifications On voit d'abord apparaître, vers la partie
que l'aurore éprouve, non seulement suivant boréale du ciel, une lumière cendrée, puis
l'état hygrométrique ou therinométrique de rouge ou violette, quelquefois bleuâtre, for
1 atmosphère , mais encoie suivant lus dispo mant un segment de cercle qui s'appuie sur
sitions locales de la contrée dans la direction l'horizon, mais s'en détache ensuite vers son
du soleil levant. sommet et prend l'aspect d'un arc , dont l'é
AURORE {mythol.). Divinité cosmogoni- paisseur couvre quelquefois jusqu'à 30 et
que qui tire son étymologie de l'hebraïco- même 40 degrés de la sphère céleste. Le plan
phéniciea aor-uor, « le jour ! le jour! » ex de cet arc est perpendiculaire à l'aiguillo
clamation des premiers hommes. On doit d'inclinaison , et son sommet se trouve dam
&aus doute le noin d'Aurora aux Etrusques, le méridien magnétique. L'arc s'élève gra
qui commerçaient avec les Phéniciens, et duellement en restant parallèle à lui-même
qui appelèrent aussi aurum le plus brillant et en diminuant d'épaisseur ; quand son som
des métaux. Son appellation hébraïque est met est parvenu au zénith, son épaisseur
sakiir, douteuse obscurité. Son nom chez les n'est plus que de quelques degrés, et sa lu
Hellènes est Hù,-, l'Orientale. La théogonie mière a pris une teinte ponceau. Cet arc
grecque la fait Qlle du Titan H\périon et n'est point formé d'une lumière uniforme,
de Tliia. Elle eut d'Astrèe Lucifer, les Astres mais u'une multitude de gerbes lumineuses
et les Venls. D'autres lui donnent pour époux qui s'élancent de tous les points de la circon
Perses, le soleil personnifié. De Tithon , son férence, quelquefois même de l'intérieur du
second époux, qu'elle avait enlevé, elle eut segment obscur auquel l'arc sert de bordure,
le basané Meinnon , roi d'Ethiopie , et Ema- s'étendent à des distances variables, ma'*
thion. Tithon, qui parait avoir emprunté son convergent constamment vers le point où le
nom au Fta-tho égyptien , le dieu du feu , et prolongement de l'aiguille d'inclinaison irait
qui, chargé d'innombrables années, s'éteint couper la sphère céleste. Ce point est d'ordi
dans ses bras, est l'emblème des rayons mou naire le terme où s'arrête la marche de l'are
rants du soir. Elle avait aussi ravi Céphale à lumineux; quelquefois même il s'éteint com
Procris , puis le bel Orion. Elle eut du pre plètement avant d'avoir atteint la verticale.
mier Phaëlon. Après avoir tué Procris, elle Souvent aussi plusieurs arcs pareils se succè
transporta son amant en Syrie; il devint la dent, séparés par des intervalles plus ou moins
tige d'Adonis. Orion , magnifique astérisine , considérables.
Les habitants des îles Schetland afGrment
est le symbole de la limite des constellations
que l'aurore boréale est presque toujours ac
que son éclat fait disparaître. Homère fut le
premier qui donna à l'Aurore la fraîche épi- compagnée d'un bruissement particulier.
La durée du phénomène n'est point con
Ihète de rhododactyle , aux doigts de roses.
stante ; l'arc peut achever sa course en quel
Ovide la place sur un quadrige attelé de che
ques minutes; dans d'autres ca,s il emploi"
vaux blancs, aux freins d'or, aux rênes de
AU» ( 570 ) AUS
plusieurs Heures. Son éclat est également par rapport à l'aiguille d'inclinaison, la con
lies variable; il s'affaiblit parfois au point vergence des jets lumineux vert le point du
«le devenir presque invisible pendant des heu ciel où passe le prolongement de cette ai
res entières , puis se ravive ensuite tout-à- guille, l'analogie frappante que présente co
coup. Enfin les nuages, éclairés de mille re phénomène avec quelques uns de ceux que
flets capricieux , suivant leurs mouvements produit l'électricité lorsqu'elle traverse un
ut leur forme , masquent souvent la marche milieu très rare, enfin les perturbations que
•lu phénomène au point do le rendre inintel ce météore produit presque toujours dans la
ligible pour un observateur vulgaire, et c'est marche des aiguilles aimantées, lors même
ii celle circonstance qu'il faut attribuer en qu'il n'est point visible dans le lieu où se
partie l'obscurité et les contradictions que trouvent ces aiguilles, tout conduit à admettre
l'on remarque dans les différentes descrip que les jets lumineux qui forment l'aurore
tions que l'histoire nous a laissées de ce cu boréale sont dus à des courants électri
rieux météore. ques qui , obéissant à l'action du magné
Les aurore? boréales offrent un spectacle tisme terrestre, s'échappent de la surface
d autant plus remarquable qu'on les observe septentrionale du globe vers les hautes ré
dans des régions plus voisines du pôle. Aux gions de l'atmosphère. H. S.
lies Schetland elles ont un grand, éclat , et AUSCULTATION. Nom donné à l'ex
dans le nord de la l.apouic leur clarté sullit ploration des bruits qui se produisent dans
pour diriger les voyageurs pendant la nuit. la poitrine, et dont les modiGcalions se rap
On observe toutefois les aurores boréales sous portent à autant d'états pathologiques diffé
des latitudes beaucoup moius élevées, en rents des organes contenus dans celle cavité.
Angleterre , en Allemagne , en France , en C est unedes plus belles découvertes de l'art;
Italie, en Espagne, etc. Un phénomène sem elle appartient à un médecin français de nus
blable se manifeste dans les régions voisines jours.
du pôle sud ; on lui a donné le nom d'aurore L'idée d'appliquer l'oreille sur les parois de
australe. Si celle-ci a été moins souvent si la poitrine est ancienne. Hippocrate avait re
gnalée que la première, cela tient sans doute connu que la succussion du malade produi
à l'absence des observateurs dans la partie sait un bru.it très notable lorsqu'un liquide
méridionale du globe, et il conviendrait de mêlé à l'air se trouvait épanché dans un des
désigner l'une et l'autre - cuis la dénomination côtés du thorax. Il écrit également : « Appli
commune d'aurore polaire. quant l'oreille sur la poitrine, vous écoutez.»
Les premières observations d'aurores bor Néanmoins il paraît que le père de la méde
i cales remontent à une époque très reculée , cine ne tira aucun autre parti de ce moyen
et ce phénomène a été décrit par Aristote de diagnostic; rien dans ses écrits n'atteste
d'une manière assez exacte. Les descriptions qu il soit allé plus loin à cet égard, et les pas
qui en ont été données dans les siècle» sui sages que je viens de citer tombèrent dans
vants portent toutes l'empreinte particulière l'oubli le plus complet; les commentateurs
des idées dominantes de l'époque : on y eux-mêmes n'y firent aucune attention.
trouve tour à tour des arméesde combattants, Avenbrugger,
gea bien les sonsdans
de lale poitrine,
dernier siècle,
mais ilinterro-.
s'y prit
des boucliers enflammés, des plaies sanglan
tes, des images diaboliques et des processions cussion
d'une autre
qu'ilmanière,
inventa,etque
la méthode
propageadeCorvi-
I'er-
de pénitents. Mais eu tous temps on voit ce
météore , regardé comme le présage sinistre sart, et que les médecins de nos jours ont per
de la mort des princes ou de quelque grande fectionnée, est devenue le complément de
calamité publique, être un sujet d'épouvante l'auscultation, qui elle-même lui a donné une
|K)ur les populations. Il appartenait au xvii" valeur qu'elle n'avait pas auparavant. A la
siècle de dissiper les terreurs superstitieuses clinique de Corvisart, Laèunec avait vu les
enfantées par l'apparition de ce phénomène, élèves, et entre autres Bayle, appliquer l'o
et Gassendi, en lui donnant le nom d'aurore reille sur la région du cœur pour apprécier
boréale, contribua puissamment à détruire l'intensité des battements; mais là s'était
sur ce point les préjugés vulgaires. bornée, pour les disciples comme pour le
L'explication complète de l'aurore boréale maître, la portée de l'auscultation; Corvi
a échappé jusqu'ici aux investigations de la sart d'ailleurs préférait l'application de la
science ; mais la position que l'arc conserve main sur le cœur. Laénnec lui-même n'a
A US ( 280 ) AUS
vait encore aucun soupçon do la valeur discussion, c'est la théorie physique qu'il a
do l'instrument séméiologique qu'il voyait donnée des différents bruits, surtout de ceux
mettre et qu'il mettait lui-même en usage, du cœur. Sa théorie a été presque entière
lorsqu'en 1816, appelé en consultation auprès ment changée; mais les descriptions de ces
d'une jeune personne qui présentait les symp bruits, leur valeur comme signes représen
tômes généraux d'une maladie de cœur, et tatifs de telles ou telles modifications orga
chez laquelle l'application de la main et la niques, sont restées telles qu'il les avait for
percussion donnaient peu de résultat à rai mulées. Merveilleux accord des facultés liui
son de l'embonpoint, il eut l'idée, ne pouvant, mairies, qui donne presque toujours à celui
à cause de l'âge et du sexe de la malade, ap qui découvre l'art d'exprimer heureusement
pliquer directement l'oreille sur la poitrine, et avec fidélité le spectacle nouveau qui
de la poser à l'extrémité d'un rouleau de frappe ses yeux !
papier fortement serré et placé sur le cœur. Dans la pratique de l'auscultation, on re
Un phénomène d'acoustique très connu, et connaît de suite deux sortes de bruits : l'un
qui l'avait mis lui-même sur la voie, expli qui appartient au cœur, l'autre aux poumons,
que comment il entendit les battements du à la respiration.
cœur avec autant et plus de netteté que s'il 1° Auscultation de la respiration. — Chez
tût appliqué directement l'oreille sur la poi un homme sain, en appliquant l'oreille sur
trine. Dès lors il présuma que ce moyen pour les parois de la poitrine, on entend, dans
rait devenir une méthode utile et applicable l'inspiration et l'expiration, un murmure
non seulement à l'étude des battements du léger, mais extrêmement distinct, qui indique
cœur, mais encore à celle de tous les mou la pénétration de l'air dans les aréoles du
vements qui peuvent produire du bruit dans poumon. Ce murmure peut être comparé à
la cavité de la poitrine, à l'exploration de celui d'un soufflet dont la soupape ne ferait
la respiration et de la voix, aucun bruit; il est d'autant plus sonore que
Laënnec fit toutes ses expériences avec une la respiration est plus fréquente. Chez les
espèce de cylindre creux, de cornet acousti enfants elle est très sonore et même bruyante;
que , qu'il appela Stéthoscope. 11 s'est le même phénomène se représente encore
■ videmment exagéré les avantages de cet chez ceux qui sont porteurs d'une maladie
instrument, et aujourd'hui les médecins ap des poumons : la respiration est bruyante
pliquent indifféremment l'oreille immédiate^ dans les points non malades. Il semble que
went ou armée du stéthoscope sur la poitrine, les portions saines du poumon suppléent, par
Ce n'est que dans un petit nombre de cas que l'intensité de la respiration, à la diminution
l'emploi du cylindre peut être nécessaire pour d'étendue dans laquelle devrait se passer le
rendre plus évidents quelques uns des phéno phénomène. On appelle ce caractère de la
mènes de 1 auscultation. Quoiqu'il en soit, respiration respiration puérile; elle indique
Laënnec, an peu d'années, de 1810 k 1826, épo chez les adultes, sans la préciser, la présence
que de la publication de la deuxième édition d'une maladie quelconque qui met obstacle
de son ouvrage ( De l'autcullation médiate ) , à la pénétration de 1 air dans une portion du
parvint «saisir et connaître la valeur de cha tissu pulmonaire. La diminution et même
cun des bruits que les modifications organi labsence entière du murmure respiratoire
ques des organes pectoraux déterminent, et surviennent
qui obstrue comme
plus ouconséquence
moins complètement
d'un obstacle
les
ce ne fut qu'après avoir vérifié un grand
nombre de fois ses inductions par les autopsies bronches ou le tissu pulmonaire. Quand il y
cadavériques qu'il se mit en devoir de publier a absence complète de respiration dans un
sa découverte.
crivit les modifications
La fidélité
diverse*
aveo laquelle
du bruitil res
dé» point du poumon, comme dans l'hépalisalion
de cet organe (pneumonie au second degré),
piratoire et de celui du cœur, les comparai l'aime pénètre plus les vésicules, il parcourt
sons heureuses qu'il en fit aveo d'autres bruits seulement les bronches, et produit à l'oreille
généralement connus , ont véritablement la sensation de colonnes d'air chemina"'
laissé à cet égard peu de chose à faire à sus dans des tuyaux d'un certain calibre : c'est la
successeurs; il en fut de même pour la va respiration ou souffle bronchique. On peut s en
leur séméiologique qu'il attribua à chaque faire une juste idée en auscultant la poitrine
feigne qu'il découvrit. La seule partie du d'un individu maigre , en arrière, entre le*
travail de Laenncc qui ait été susceptible de deux omoplates, endroit qui correspond à k
AUS r28i ) AUS
racine des bronches ; là la respiration bron les plus variés et les plus propres à fournir
chique existe naturellement- des comparaisons avec d'autres bruits con
Mais chaque fois que l'air, en passant dans nus : c'est tantôt un si llement pareil à celui
les bronches et en pénétrant dans le tissu pul que produit un courant d'air en s'insinuant
monaire , éprouve à son passage quelque dif dans une fente étroite ; tantôt ce bruit imite
ficulté, soit par la présence d'un liquide, de le roucoulement de la tourterelle, le frémis
mucosités, soit par le gonflement des mem sement d'une corde de basse; il est tour à
branes et par suite le rétrécissement, des ca tour grave, aigu, plaintif. Il se manifeste le
naux, il y a production de bruits particuliers plus souvent dans l'expiration; aussi chez les
appelés râles, dont la découverte a été de la malades qui le présentent, ce temps de la res
plus haute importance pour le diagnostic. Dans piration esl-il plus prolongé et plus gêné; il
tous les cas de râles seuls , la sonorité de la faut que la poitrine se resserre avec effort
poitrine est parfaite, car l'air pénètre tou pour chasser, à travers les obstacles qui s'op
jours dans le parenchyme pulmonaire. Ainsi posent à son passage, l'air qui remplit les
la percussion n'eût pu, seule, éclairer sur l'é poumons; de là l'emphysème de cet organe
tat de la poitrine. Tout le monde connaît le et ses suites. Quoi qu'il en soit, ce râle oc
rdle trachéal, qu'on entend à distance chez cupe plus d'espace en général que le râle
les agonisants, qui a lieu par suite de la muqueux, qu'il précède au début des bron
présence dans la trachée d'un liquide à tra chites (on sait que riiillainmation des mu
vers lequel passe l'air. Ce râle s'accompagne queuses n'est pas, au commencement, ac
d'une espèce de gargouillement, de grosses compagnée de sécrétion, que ce n'est que
bulles liquides qui s'agitent dans la tra dans la seconde et la troisième période que ce
chée-artère comme dans une marmite en phénomène se prononce); le râle sibilant s'ob
ébullition. Il annonce l'engorgement et la serve encore chez un grand nombre d'asthma
replet ion des bronches, et une asphyxie tiques, etc. Une autre espèce de râle, qui pa
imminente. Mais quand le phénomène a lieu raît se passer non plus dans les ramifications
dans les bronches, il n'a plus le caractère des bronches, mais bien dans les vésicules pul
grave et dangereux du râle trachéal; pour monaires, rdle crépitant, rdle vésiculaire, est
l'entendre, l'auscultation est alors nécessaire. le plus important à connaître ; il est le symp
Lorsqu'un liquide ou des mucosités plus ou tôme palhognomonique (certain) de la pneu
moins abondantes l'occasionnent, c'est le rdle monie , dont il marque le début , alors mémo
muqueuse; son bruit donne la sensation d'une que les autres symptômes, les crachats rouil
petite masse de matière plus ou moins molle les, la percussion, n'indiquent pas encore la
ou visqueuse qui se déplace sous l'influence présence de la maladie. Ce râle donne à l'o
du double courant d'air descendant et ascen reille la sensation d'une multitude de petites
dant de la respiration. Le râle muqueux se bulles égales entre elles, et dont les parois
suspend par moment ponr reparaître un minces et sèches se rompent subitement en
insl ant après dans le même point du poumon ; produisant une crépitation analogue à celle
sa force et son intensité sont également très d'une pincée de sel également pulvérisé je
variables: après l'expectoration, par exem tée dans le feu. On a aussi comparé le bruit
ple , il diminue, par le fait du dégorgement de ce râle au bruit que produit du parche
qui se fait dans les bronches. Ce râle est rare min qu'on froisse dans la main. Le râle
ment général ^ quand il le devient, il est grave crépitant est facile à distinguer du râle mu
par l'étendue de la maladie (bronchite) dont queux par l'uniformité de son bruit, la sen
il est l'expression. Le râle muqueux est sou sation des petites bulles qui semblent se cre
vent mélangé avec d'autres râles. Il se passe ver uniformément, et par cette particularité
encore dans les bronches, quand la membrane qu'il se produit seulement dans l'inspiration,
muqueuse tuméfiée forme ça et là des obsta le râle muqueux et sibilant se produisant
cles qui, s'opposant à la libre circulation dans l'expiration comme dans l'inspiration.
de 1 air, modifient la résonnance de ces tu Quelquefois la crépitation semble se faire,
bes, un autre râle que par opposition au mu en quelque sorte, à plus grosses bulles; elle
queux on appelle rdle sec ou sibilant. Il paraît est moins égale; le phénomène se passe alors
en effet se passer dans des canaux qui ne dans les dernières ramifications bronchiques,
contiennent rien d'humide. De tous les râles, et non plus exclusivement dans le tissu pul
ce dernier est celui qui détermine les bruits monaire : c'est le rdle tous crépitant, dont le
AUS ( 282 ) AUS
développement doit faire craindre le pas résorbé; elle devient alors le signe d'uno
sage imminent de la bronchite à la pneumo amélioration dans la marche de la maladie.
nie. Il reste un dernier râle, le caverneux, Le râle crépitant, qui a disparu pour faire
qu'on observe chaque fois qu'une cavité d'une place à la respiration bronchique et à la
certaine capacité , contenant de la matière bronchophonie, est également, lorsqu'il re
liquide, existe dans les poumons, et qu'elle parait, râle crépitant de retour, l'annonce
est en communication directe avec une que la maladie, du second degré, a rétrogradé
bronche. On le reconnaît au gargouillement, au premier. Quoi qu'il eu soit, Laënnec a
au bouillonnement qu'on entend sur un point : cru pouvoir attribuer le tremblotement de la
limité de la poitrine, et qu'on augmente à voix dans l'égophonie à ce que le son parvient
un
\ olontè
des symptômes
en faisant d'un
tousser
degré
le malade.
avancé de
C'est
la ■j à l'oreille de 1 observateur en passant à travers
une masse liquide qu'agite par secousses et
plithisie, puisqu'il est le signe de la présence saccades l'action de parler. Un autre signe que
d'une caverne. fournit encore la voix, c'est la pectoriloquit ;
2° Auscultation de la voix. — Indépendam elle a lieu toutes les fois que dans un poumon
ment des phénomènes auxquels donne lieu la existe une cavité ( caverne) à parois épaisses
respiration dans certaines lésions des organes et indurées; elle est par conséquent toujours
pulmonaires, l'auscultation de la voix présente précédée du râle caverneux. La pectorilu-
égalementdifférentes modifications non moins quie ressemble à la resonnance de la bron
curieuses. Ainsi les circonstances pathologi chophonie ; seulement elle s'entend dans un
ques qui déterminent la respiration bronchique point beaucoup plus limité, comme l'est une
occasionnent, si on fait parler le malade, une cavité accidentelle ; et ensuite, en auscultant
resonnance particulière de la voix , qui est le malade avec le stéthoscope, et c'est là son
transmise , à travers le poumon hépatisé, à caractère essentiel , la voix semble traverser
1 oreille de l'observateur appliquée sur lu poi toute la longueur du cylindre pour arriver à
trine : c'est la bronchophonie ; comme la res\n- l'oreille de l'observateur. Il semble, en un
ration bronchique, ellea lieu dansles deuxième mot, que la bouche du malade appuie contre
et troisième degrés de la pneumonie, dans lp stéthoscope et qu'il parle dans cet instru
tous les cas où une masse pulmonaire est in ment. La pectorilpquie est parfaite où im
durée. Une autre resonnance de la voix, que parfaite, évidente ou non, suivant que les pa
Laënnec a appelée égophonie ( voix de chè rois de la caverne sont plus ou moins indu
vre), est caractérisée par quelque chose de rées, que celle-ci est presque vidée, qu'elle
plus aigu que celle que présente la voix du est placée plus superficiellement, que des
malade; elle est comme argentine. Ces ca bronches plus ou moins volumineuses com
ractères la rapprocheraient assez de la bron muniquent avec elle. On peut se former une
chophonie, mais elle en diffère en ce qu'elle idée nette de la pecloriloquio en plaçant le
est tremblotante et saccadée comme la voix stéthoscope sur le larynx d'un individu qui
d'une chèvre; ce chevrotement semble te parle : c'est une expérience que tout le monde
nir à l'articulation des mots, quoique la voix peut faire.
qui sort de la bouche ne présente rien de sem On observe encore, mais beaucoup plus
blable. L'égophonie est le signe d'un épan- rarement, différents autres bruits; l'un, lo
chement ( pleurésie ) médiocrement abon tintement métallique, se produit quand le uia-
dant entre les plèvres, épanchement qui lude tousse, ou qu'étant couché on le met
comprime le poumon, le refoule et l'éloigné debout. 11 semble qu'une goutte d'eau adhé
de la paroi th'oracique correspondante. L'é rente aux parois de la poitrine tombe du haut
gophonie tient si bien à cette circonstance, de celte cavité dans son fond, en produisant
que, si l'on fait varier la position du malade de un bruit argentin comme un grain de sable
manière à déplacer le liquide , avec lui se dé qu'on laisse tomber dans une carafe. Ce tin
place l'égophonie , qu'on ne- rencontre plus tement est passager. Il est fort rare , à c ;usc
dans le même endroit. C'est un moyen , dans des circonstances physiques nombreuses dont
les cas difficiles , de distinguer ce signe d'a la coïncidence est nécessaire pour q u'il ait lieu,
vec la bronchophonie, dont quelquefois il la présence simultanée d'un pneumothorax
se rapproche beaucoup. L'égophonie dispa- et d'une fistule pleuro-bronchique , c'est-à-
i ait quand le liquide épanché est très abon dire un épanchement d'eau et d'air dans la
dant, pour reparu il ré quand il est en partie cavité d'une plèvre communiquant avec une
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bronche, et par suite avec l'air extérieur à i oa a pu, en effet, étudier les battements du
travers le poumon {voy. Pneumothorax). < cœur, les analyser avec autant de précision
Le même phénomène peut encore, mais plus ■ que le pouls au moyen du loucher. La force
rarement , se produire dans le cas d'une vaste des battements, leur étendue, leur rhythme,
caverne tuberculeuse communiquant avec ne pouvaient échapper. Indépendamment de
une bronche ; dans ce cas on entend, comme la force des mouvements du cœur, on entend
dans lu premier, indépendamment du tinte de prime-abord deux bruits, espèce de tic-lac,
ment métallique, le bruil ou respiration am- qui se succèdent, le premier sourd, le se
phorique, qui a lieu quand le malade respire ; cond plus clair; l'un répondant à la systole des
il semble que l'air pénètre dans une grande ventricules et au pouls, l'autre venant après.
amphore en terre solide , à parois résonnan Des modifications dans le son de ces bruits
tes et à goulot étroit- Ces deux bruits sont, du coïncident à des modifications organiques :
reste, plus curieux qu'utiles à connaître, car plus sourds que dans 1 état ordinaire, ils se
tout en donnant une connaissance mathéma lient à une hypertrophie du ventricule ; plus
tique de la maladie à laquelle ils se rappor clairs, plus éclatants, à une dilatation. D'au
tent, ils n'indiquent que des lésions qui sont tres fois ce sont des bruits entièrement anor
au-dessus des ressources de l'art, car elles maux qui remplacent le tic-lac du cœur; ils
sont des suites de tubercules ou d'emphysè présentent une foule de nuances. On peut
mes qui s'ouvrent dans les bronches et dans néanmoins les rapporter à trois principaux :
les plèvres. C'est aussi dans ces circonstances 1° bruit de râpe; il ressemble à celui que
qu'Hippocrale avait observé l'ondulation re donne une scie à une distance plus ou moins
tentissante d'un liquide quand on secouait le grande, ou à celui d une râpe ou lime à bois,
malade, quand on opérait, comme il le disait, dont il rappelle la sensation âpre ; il se lie à
la succussion du malade. Dernièrement on a uno altération ( rétrécissement ) d'un ou de
cru distinguer un nouveau bruit, bruit de frot- plusieurs orifices du cœur; 2° bruit de souffle
ittntnt, qu'on a compare à celui de deux corps ou de soufflet, qui coïncide aussi , quand il est
durs qui se froissent l'un contre l'autre. Ce permanent , avec une altération des orifices
bruil de frottement donne, dans les mouve du cœur, mais qui n'a plus la même valeur
ments d'inspiration et d'expiration, la sen chaque fois qu'il est passager, car on l'observe
sation d'un corps qui semble monter et des eu effet dans les artères quand on les presse
cendre en frollant avec âprelé contre les pa avec le stéthoscope, ou naturellement chez
rois llioraciques. Déjà Laénncc l'avait indi les individus pléthoriques; 3" enfin le bruit de
qué comme se rattachant à 1 emphysème pul diable ou hurlement, qui ?c rapproche un peu
monaire ; mais il parait coïncider avec des du bruit de souille; il parait se passer dans
altérations diverses des plèvres , dont le poli les artères, surtout chez les personnes chlo-
et l'humidité sont diminués et altérés. rotiques, et ne se lie à aucune lésion du
Auscultation du cœur. — L'auscultation cœur. Il est impossible de donner actuelle
du cœur n'a pas été moins féconde pour le ment une explication physique satisfaisante
diagnostic des maladies de cet organe que de ces bruits qui se succèdent passagèrement
pour celui de» maladies des poumons. Naguère dans les vaisseaux. Toutefois, on verra a I ar
eucore, malgré les travaux de Morgagni, de ticle Coeur comment , en tenant compte des
Senac, et ceux beaucoup plus satisfaisants de données fournies par l'auscultation sur l'éten
i.onisart , les affections du cœur étaient plu due, la force des pulsations du cœur, on ar
tôt soupçonnées que reconnues ; et sous le rive à déterminer la partie malade de l'or
nom d'asthmes et d'anéyrismes , on confon gane. De même la théorie des bruits natu
dait une foule de maladies différant de na rels ou morbides du cœur sera expliquée dans
ture et souvent même de siège. Mais depuis le même article , car elle se lie à l'histoire de
la découverte de l'auscultation, et bien que la circulation dans cet organe et ne saurait
les bruits du cœur ne soient pas encore ex être exposée sans elle.
pliques d une manière complètement satis Maintenant peut-être devrait-on insister
faisante sous le rapport de la théorie, le sur la valeur de l'auscultation. Mais quand
diagnostic est devenu tellement précis que on réfléchit qu'elle soustrait le diagnostic
ces mêmes maladies sont aujourd'hui au des maladies de la poitrine aux inductions
nombre de celles qui sont les mieux connues. seules des signes fournis par les phénomènes
Avec l'oreille nue ou armée du stéthoscope , physiologiques , dont l'extrême variabilité
AUS ( 284 ) AUS
est connue, qu'elle le fait reposer sur des mages et un luxe d'ornements peu conforma
données toutes physiques, par conséquent non à la simplicité du goût. On croit qu'Ausone
plus fugaces et variables, mais constantes et composa cet ouvrage de 360 à 370, et qu'alors
positives, on conçoit sans peine comment ces il était à Trêves. Il existe un poème sur
maladies, autrefois les plus difficiles, sont de le même sujet écrit au vi« siècle par Ve
venues les plus faciles à reconnaître; leur nantes Fortunalus , et Tross l'a insère en
diagnostic en effet, établi sur des signes physi entier dans son édition. Il y a beaucoup d'é
ques, jouitaujourd'hui du mêmedegré de cer carts de mœurs dans la treizième idylle inti
titude que celui des maladies chirurgicales. tulée Cenlo nuptialit , mais elle offre cette
Je ne parle pas de l'application de l'auscul singularité qu'elle se compose en entier
tation aux diagnostics des fractures ni à celui de vers empruntés à Virgile. On conteste
de la grossesse, dont il est devenu l'un des si l'authenticité de la quatorzième , intitulée
gnes les plus certains en permettant d'enten Itosœ. Les épigrammes forment un livre que
dre les bruits du cœur du fœtus et les pulsa Scaliger rejette entièrement; ce livre est
tions du placenta. Aiich v.mii vi i,t. précédé d'une triple préface et d*une lettre à
AUSONE ( Decihus Magnus Alsonils ), Théodose. Ou trouve dans un recueil intitulé
naquit à Bordeaux, en l'an 309 de l'ère chré Ephemeri* et Parentalia des souvenirs de
tienne , de parents fort considérés. 11 se voua différents parents enlevés par la mort.Werns-
à l'étude du droit et aux exercices de l'élo dorf ne lui a point donné de place dans ses
quence, et parvint aux plus hautes dignités. Poelœ latini minores. Nous avons aussi un
Son père était médecin de Valentinien. On Commemoratio professorum Btirdigalenrium,
lui confia l'éducation du jeune Gralieu , puis des épitaphes des héros qui assistèrent à la
il fut investi de la préfecture et du consulat. guerre de Troie et d'autres encore , des vers
Corsini a pensé que d'abord il fut consul à sur les empereurs , sur les villes célèbres, et
Bordeaux en 366, puis à Rome en 379 ; mais des éloges plus étendus de quatorze d'entre
cette opinion , consignée dans une monogra elles ; vingt-cinq épîtres ; les sentences des sept
phie, De Burdigalenti Ausonii consulatu, a été sages; un panégyrique en prose adressé à
fort contestée, surtout par Putimann, en 1776. (initiai, et des remarques sur l'Iliade et V0-
Depuis, Tross a donné de l'Idylle de la Mo dyssée. Voir sur Ausone les dialogues de tîi-
selle une traduction en vers précédée d'une raldus, la Bibliothèque latine de Fabricius,
appréciation de toutes ces difficultés. Ausone, YOnomaiticon de Saxius , et surtout l'excel
déjà fort vieux , se retira à sa campagne , et lente Histoire de la littérature romaine de
consacra le reste de ses jours à l'étude et à la Baehr. De (îolbéhy.
poésie. Il parait qu'il ne mourut que sous le ACSPICE. Le mat auspiee vient du latin
règne d'Honorius, ou peu auparavant, en aves aspicere et signifie observation des oi
392. Dans ce cas il aurait vécu quatre-vingt- seaux. Primitivement l'augure différait es
trois ans. Les ouvrages qu'il a laissés ont sentiellement de l'auspice, en ce que le pre
sans doute été écrits pendant qu'il était en mier était la divination par le chant des
core dans la force de l'âge. On a beaucoup oiseaux et le second par leur vol. Plus tard
discuté sur la question de savoir s'il était ces deux mots se prirent l'un pour l'autre,
païen ou chrétien ; mais cette dernière sup ou, si on les distinguait, leur acception était
position est la plus vraisemblable. On a de tout-à-fail changée ; l'augure était le prêtre,
lui vingt idylles , la plupart d'un genre des l'auspice l'observation elle-même.Mais comme
criptif; il y a fait preuve d'un talent facile; la plus grande confusion a toujours régné a
son style est élégant et pur. La plus connue ce sujet, nous renverrons à l'article Augure»
est la dixième, sur la Moselle : c'est une où nous avons déjà traité presque toute celte
source féconde où puisent aujourd'hui les an matière, et nous n'ajouterons ici que quelques
tiquaires, lés historiens, et surtout les géo circonstances qui se rattachent plus particu
graphes. Le cours de cette rivière et les pays lièrement à l'observation des oiseaux.
qu'elle traverse sont très bien décrits, et la A Rome, où l'on sait que la science des
meilleure manière de bien lire ce charmant auspices était particulièrement cultivée, le*
poème est de recourir en même temps aux principes de celte divination furent d abord
notes allemandes de M. Tross, dont nous transmis oralement et tenus secrets. App>"5
avons déjà cité l'ouvrage. On peut reprocher Pulcher fut le promier qui en publia un traite;
plusieurs imitèrent son exemple, jusqu a ce
au poète une trop grande prodigalité d'i
AtlS (285) A US
que Cleéron porlâl, dans son livre Sur la di Ces poulets, que l'on faisait venir d'Eubée ,
vination, le dernier coup à celle superstition. étaient tenus enfermés dans des cages. Nulle
11 y avait des auspices pour les affaires civi entreprise militaire n'avait lieu avant d'avoir
les et pour les affaires militaires. Nulle en consulté ces innocents animaux. Le présage
treprise n'avait lieu dans une famille , telle se tirait de leur manière de mangen Celle
'que mariage , voyage , affaire commerciale , observation se faisait à la pointe du jour ; le
vente, achat, que les oiseaux ne fussent préa pullarius, celui qui était chargé de les nourrir,
lablement consultés. Dans les alfaires de l'E- leur présentait une sorte de pâtée appelée
iat . soit qu'on déclarât la guerre , soit qu'on offa; si, en ouvrant la cage, les poulets se
conclût un traité , on en agissait ainsi ; de là jetaient dessus avec empressement, ce qu'il
ces façons de parler : Duce et'auspice deo; était toujours facile de faire arriver en leur
Dits auspicibiis. faisant subir un long jeune; si, dans leur
Le général ( imperator ) , après avoir reçu empressement, ils laissaient tomber à terre
le serment de fidélité de ses soldats et les avoir quelques miettes de \offa, le présage était
harangués, consultait également les auspices. heureux et s'appelait tripudium solistimum.
Il devait s'associer pour celle cérémonie Mangeaient-ils au contraire avec répugnance,
quelque augure exercé ; mais on se dispensa chantaient-ils en battant des ailes et s'éle
de bonne heure de cette obligation, ou bien vant dans les airs , le présage était funeste.
l'on choisissait le premier venu , et l'armée, Telles étaient les puérilités auxquelles le
sans plus de soins, partait ductu et auspicio. peuple-roi s'arrêtait souvent avant de mar
Les Komains divisaient les auspices en cher à la victoire. Mais Y ut biberent quia esse
grands et petits. Ainsi, quand un augure ob nollent de Claudius Pulcher esl là pour nous
servait le vol des oiseaux, et qu'un pivert, prouver que les Romains n'étaient pas tous
par exemple , se montrait dans le ciel , il dupes des poulets , c'est-à-dire des augures.
déterminait lauspice, à moins qu'il ne fût Les Etrusques avaient une autre manière
prompte ment suivi d'un aigle ou de quelque de prendre les augures. L'augure , le visage
autre oiseau dont l'importance divinatoire tourné vers le nord, séjour des dieux étrusques,
l'emportait sur celle du pivert. Le second divisait avec son lituus le ciel en quatre ré
présage, qui avait détruit le premier, s'appe gions au moyen de deux lignes imaginaires
lait majus auspicium. en forme de croix, et dont la première allait
Voici maintenant quelques détails sur la du nord au midi; cette division formait un
nature des différentes observations. Voyait- templum. L'espace compris sur la terre et cor
on voler une troupe d'oiseaux de la même respondant à celui qu'enfermaient les ligues
espèce, c'était un heureux auspice, ou bien célestes faisait aussi partie du templum. C'é
encore si, en s'élevant dans les airs, un aigle tait dans ces limites sacrées que devaient élre
partait de l'orient pour aller vers l'occident. observés les présages heureux ou funestes
Les vautours, vu la rareté de leurs appari dont l'augure donnait sur-le-champ l'expli
tions, étaient, suivant certains auteurs, d'un cation au moyen de formules consacrées. Les
présage favorable ; mais cet avis n'est point présages tirés de la foudre ou des éclairs
celui de Pline et d'Aristote. Parmi les prœpe- étaient supérieurs à tous les autres; aussi eu
let ( oiseaux de bon augure ) on comptait en distinguait-onde plusieurs espèces. Il y avait
core la colombe, le cygne; l'orfraie, l'hiron les fulmina publica, privata, familiaria, selon
delle , l'épervier, au contraire , annonçaient qu'ils intéressaient l'Etat, un simple particu
quelque malheur. D'autres oiseaux étaient lier ou une famille entière ; les fulmina pou
d'heureux ou de fâcheux auspices, suivant vaient être encore sicca, fumida , clara , pe-
les circonstances qui avaient accompagné remptalia, affectata... Le lieu où la foudre
leur apparition; de ce nombre étaient le coq, avait tué un homme devenait sacré et do
le corbeau, la corneille. mauvais présage , et prenait le nom de M'
Les écrits de Pline et d'Elien fourmillent dental.
d'anecdotes sur la vertu prophétique de tous AUSSIÈRE (marine), cordage composé
ces volatiles; nous y renverrons ceux qui vou de trois ou quatre torons commis ensemble.
draient mieux connaître toutes ces fables. Ces cordons ou torons sont formés d'une
Enfin le genre d'auspices qui s'acquit à certaine quantité de fils de carret tordus de
Rome le plus de célébrité , c'est sans contre manière à former l'élément secondaire de
dit ladivination au moyeu des poulets sacrés. l'aussière. L'orthographe austière , bien que
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mauvaise , a prévalu sur l'autre , haussière , l'âme, et une monnaie précieuse pouraclu-ler
<|ui était bonne. Aussière est une conforma le ciel.
tion française du mot anglais hausser, dont les AUSTERLITZ. A quelques lieues de
Anglais ont appelé le petit câble que nous ve Brùnn, capitale de la Moravie, s'élève la mon
nons de définir. Au xvii» siècle, par corrup tagne duSpielbergsur laquelle on a construit
tion, on disait souvent dans notre marine une en 1818 un obélisque en marbre de 60 pieds
ansière. A. Jal. de hauteur, portant une inscription à la
AUSTÉRITÉ. C'est une qualité et quel gloire des armées autrichiennes pour les
quefois l'abus d'une qualité. L'austérité du campagnes de 1813, 181 i et 1815. Du haut
caractère consiste non seulement dans la de cette montagne, à quatre lieues vers le
gravité des mœurs, mais dans une certaine sud-est, on aperçoit un \ illuge au milieu d'un»
tournure d'esprit qui imprime aux autres un vaste plaine: c'est le village et le champ do
respect mêlé de quelque appréhension. Quand bataille d'Ausierlitz. Le voyageur y admire
nous parlons d'un homme austère, nous nous un superbe château dont les construction)
le représentons comme investi d'une magis souterraines sont une des curiosités de la
trature ou d un sacerdoce ; le prêtre austère, Moravie. Quelques ruines que l'on remarque
le juge austère, voilà des mots qui ne s'éton dans ses environs passent pour être des res
nent pas de se rencontrer. Nous disons sans tes de l'habitation de saint Cyrille, premier
cesse : l'austérité de la religion, l'austérité de évéque de celte province. On voit encore à
la justice. Hradisch celles de la première église qu'il fit
L'austérité n'est pas la sévérité. Celle-ci construire. Voilà, sous le rapport géographi
agit et châtie ; celle-là demeure réservée et que, tout ce qu'il y a à dire sur Auslerlilz.
immobile ; mais elle inspire les maximes for Mais à ce nom se rattachent des souvenirs
tes et réprouve les complaisances et les mol d'une autre nature. L'histoire l'a enregistré
lesses du cœur. La sévérité effraie, l'austérité dans ses annales pour rappeler éternellement
impose. La loi qui frappe est sévère; la doc un dés plus glorieux faits d'armes d'une épo->
trine qui règle les devoirs est austère. L'aus quesi féconde en grands événements.
térité a toujours je ne sais quoi de lent et de La bataille d'Ausierlitz se livra Ie2 décem
• solennel qui ne convient pas au caractère bre de l'année 1805. L'armée française, com
tranchant et incisif de la sévérité. mandée par l'empereur, se composait de cin
Ce point de vue regarde surtout l'austérité quante et quelques mille hommes ; celle de
dans nos rapports avec les autres. Quant à l'ennemi présentait un effectif de quatre-
nous-méme, elle suppose que nous aimons vingt mille hommes, dont dix-huit mille
de la vertu surtout ce qu'elle a de grave et Autrichiens environ, le reste Russes. L'em
de difficile, et parfois aussi que nous re pereur d'Autriche et l'empereur de Russie
cherchons avec efforts le mieux dans la pra s'étaient mis à la léte de leurs troupes. La
tique même du bien. Un homme vraiment veille de la bataille, les alliés avaient con
pieux peut être austère ; un fanatique peut centré leurs forces sur le village d'Ausierlitz
l'être : le fond de la pensée sera très diffé pour tourner la droite des Français. Napo
rent; l'extérieur sera semblable. léon reconnut d'un coup d'œil la faute qu'ils
C'est dans le' sens personnel à nous-méme avaient commise, et il s'écria en inspiré :
que ce mot prend un pluriel. Les austérité* « Avant demain au soir celle armée est à moi»
sont les tâches plus ou moins pénibles, les Le 2 décembre, au lever d'un beau soleil,
pénitences plus ou moins dures que 1 homme l'ennemi commença l'attaque. Kutuzow,
s'impose. Le jeûne, l'abstinence de cerlains général de l'armée autrichienne, voulant
aliments, le renoncement à tout ce qui rend isoler les deux ailes de l'armée française de
la vie douce et commode , voilà des austérités son centre, dirige une forte colonne coiiuv
que pratiquaient le mystérieux Pythagore, le corps de Launes et de Murât; elle est
le vaniteux Diogène, avant que les solitaires anéantie. Soult à la droite renverse tout ce
du christianisme vinssent les renouveler avec qui lui est opposé. Pralzeu, Tilnitz et Sokol-
simplicité et candeur. Les austérités de l'or nilz sont enlevés par les Français qui culbu
dre de la Trappe sont célèbres. Exercées dans tent dix mille hommes dans l'étang de Sokol-
la mesure de nos forces et de la raison, les nitz. LesRussesveulenteffectuerleur retraile
austérités sont, aux yeux de la foi chrétienne, sur les lacs glacés d'Augerd et de Monilz ;
des épreuves qui purifient et qui élèvent deux fortes colonnes précipitent leurs pas sur
A US ( 2S? ) A US
tes lacs : la glace se brise, et vingt raille hom AUSTRALIE. L'Australie, ou Océanië
mes . cinquante pièces de canon avec un im centrale, comprend le continent et forme
mense matériel sont engloutis... L'humanité l'une des trois grandes divisions de la cin
frémit au souvenir d'un tel désastre. La garde quième partie du monde, l'Océanie. Sa lon
impériale russe voulut donner contre le cen gitude orientale est entre 76 et 181° , sa lati
tre des Français, commande par Bernadolte ; tude entre 1» boréale et 55» australe. Son
elle fut enfoncée et mise en déroute sans exploration, dans l'intérieur surtout, est loin
qu'il fut nécessaire de faire agir la réserve encore d'être achevée. Les meilleurs géogra
française. L'ennemi opéra sa retraite dans phes, et notamment M. Adrien Balbi, lapar-
un épouvantable désordre , et les débris des iagent en plusieurs groupes, que la science
armées autrichienne et russe ne purent se n'admet pas comme définitivement arrêtés.
railler qu'à Hudicgitz , à la faveur de la nuit. Le continent austral , ou Australie propre
La bataille d'Austerlitz, à laquelle assistè ment dite , forme le premier de ces groupes.
rent les trois empereurs, coûlaaux alliés plus Les Anglais, qui n'avaient proclamé d abord
de quarante mille hommes; dix-huit mille que l'occupation de la moitié orientale de
Russes et six cents Autrichiens furent tués cette terre, ont bientôt avoué hautement
par le feu ou noyés, le reste blessé ou fait l'envahissement du continent tout entier, sur
prisonniers, et parmi ces derniers quinze lequel ils oui établi une colonie importante
généraux et plus de quatre cents officiers dont toutes les divisions se touchent, et des
russes de tout grade. La perte de l'armée colonies isolées qui naissent à de grandes dis
française , dont vingt mille soldats n'avaient tances les unes des autres sur les points re
pas brûlé une cartouche, fut évaluée à deux connus les plus utiles à un système d'occupa
mille morts et à quatre ou cinq mille blessés. tion générale.
L'armée entière avait déployé tant de cou La colonie-mère, ou la Nouvclle-Gallei du
rage qu'en recevant les nombreux rapports Sud, située sur la côte orientale, se divise en
des chefs Napoléon s'écria : a II faudrait une comtés où les villes s'improvisent en quelque
puissance encore plus grande que la mienne sorte et dont l'importance s'accroît tous les
pour récompenser dignement tous ces bra jours. 11 serait difficile d en donner un élat de
ves.» Napoléon voulut cependant témoigner à situation bien exact, et ce travail n'aurait
l'armée en masse sa haute satisfaction pour aucune utilité , car l'impression de I Encyclo
les preuves qu'elle venait de donner de son pédie à peine achevée, déjà le tableau reste
dévouement, et le 3 décembre il mita l'or rait fort au-dessous de la réalité. Cette rapi
dre du jour cette proclamation fameuse qui dité de progrès tout-à-fait exceptionnelle nous
restera comme un des plus beaux monu oblige à nous resserrer dansd'etroites bornes.
ments de l'éloquence militaire. a Soldats, je Les autres côtes ont vu nailre plusieurs
suis content de vous Bientôt, je vous ra colonies anglaises d'origine plus récente, no
mènerai en France. Là vous serez l'objet de tamment au port du Roi-Georges et à Swan-
mes tendres sollicitudes. Mon peuple vous re River ( la rivière des Cygnes ).
verra avec joie, et il vous suffira de dire -. J'é La Nouvelle-Guinée, ou Papouasie, forme
tais à la bataille d'Auslerlitz, pour qu'on ré le second groupe de l'Australie. La terre la
ponde : Voilà un brave.» plus importante de ce groupe lui donne son
Celle journée mémorable mit fin à la coa nom ; quelques île s en dépendent.
lition formée contre Napoléon, et fut suivie, Viennent ensuite les archipels : 3* de la
le 26 décembre, de la paix de Presbourg. Par Louisiade; k" de la Nouvelle-Bretagne , qui
ce traité, la maison d'Autriche céda les pro comprend la Nouvelle-Irlande ; 5° deSalomott
vinces de Dalmatie et d'Albanie au royaume (terre des Arsacides, de Surville et Nouvelle-
d'Italie, et un grand nombre de ses posses Géorgie dn Shorlland); 6" de La Pérouse
sions aux électorals de Bavière et de Wur (îles de la Reine-Charlotte, de Carleret et de
temberg, qui furent transformés en royaume. Santa-Cruz), et 7° de Quiros (Grandes-Cycla-
AUSTRAL. Ce mot, tiré du latin Auster, des de Bougainville et Nouvelles-Hébrides de
vent du Midi, est employé pour désigner un Cook). 8° Les groupes de la Nouvelle-Calédo
pays, une mer, un point du globe silué dans nie, 9* Norfolk, 10* la Tasmanie (Nouvelle-
la partie d'où souffle le \enl du Midi; il est Zélande), et 11° de la Dièménie (terre de Van
synonyme de méridional. C'est ainsi qu'on Diémen), complètent les divisions géographi
dit les terres australes, le pôle austral, etc. ques les mieux établies jusqu'à eu jour; di
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vi ions contestables peut-être, et certaine Les Hollandais ont souvent visite, au \v r
ment contestées, mais qui ont les plus grandes siècle, le continent de l'Australie et ses dé
chances de survivre , avec de faibles modifi pendances les plus immédiates. Le nom de
cations, aux discussions de la science ac Nouvelle-Hollande, long-temps Conservé et
tuelle. quelquefois même encore répété avec les sub
Nous laissons à la notice consacrée à l'O- divisions hollandaises de terres de Nuyts,de
céanie tous les détails qui doivent être traités Leeuwin, d'Edels, d'Endracht, d'Arnheini et
en commun, et comparés pour les trois divi de Carpentarie, constate les fréquentes ap
sions de la cinquième partie du monde ; nous paritions des navires d'Amsterdam dans co
n'avons à apprécier ici que ce qui doit con monde nouveau. La seconde moitié du siècle
stituer la physionomie particulière de l'Aus suivant a vu commencer les beaux voyages
tralie. Long-temps sa place n'a Figuré sur nos d'exploration et de découverte qui font tant
cartes européennes que par un contour indé d'honneur aux marines de la France et de
terminé , sous le nom de Terra australis in l'Angleterre, et qui se poursuivent noble
cognito. Aucune terre n'a inspiré autant de ment avec une émulation toujours active.
romans géographiques et de voyages imagi Plusieurs variétés de l'espèce humaine vi
naires. Son existence, nécessairement ratta vent sur le territoire continental et dans les
chée à celle des antipodes et à l'opinion des iles les plus importantes. Avant l'invasion
anciens sur les peuples autochtones, a même anglaise qui a disséminé dans l'Australie des
été long-temps controversée. hommes de la plu part des nations de l'Europe,
Le nom d'Australasie a quelque temps rem le continent n'offrait uue la variété de nè
placé celui de Terra australis, maintenu jus gres dont l'angle facial se rapproche le plus
qu'aux premières années du xixe siècle par de celui de l'orang-outang. La Nouvelle-Gui
de savants voyageurs anglais et par Flind.rs née et la Louisiade sont habitées par des Pa-
lui-même ( Voyage to terra australis) , par pouas, variété plus belle des nègres océa
Flinders, celui de tous dont la renommée niens, avec quelques caractères distincts chez
rappelle les plus hardis travaux exécutés dans les noirs des montagnes. Plusieurs tribus
ces régions si curieuses. Le nom d'Australie H ara foras et des populations en apparence
atralasie,
enfin prévalu
dont le sans
seul retour
défaut était
sur celui
de paraître
d'Ans- d'origine malaise, dont les plut remarquables
occupent la Nouvelle-Zélande, complètent
rattacher à l'Asie des terres qui appartien les races humaines èparses dans l'Australie.
nent à une autre partie du monde. On commence à y voir quelques Chinois des
L'époque de la découverte de I Australie classes inférieures dans les établissements an
resle complètement indécise. Quelques éru» glais les plu- nouveaux.
dits pensent que Marco-Polo a voulu l'indi L'histoire naturelle de l'Australie tient une
quer en parlant, d'après les Chinois, de deux notableplacedanscelledel'Océanie.Le conli-
grandes iles situées au S.-E. de Java. Il est nent australien, par 1 originalité comme par la
très probable que plusieurs de ces groupes bizarrerie, et la Nouvelle-Guinée par l'éclat
d'îles ont été maintes fois visités, et plus sou et la richesse, sont pour les naturalistes de
vent entrevus par les premiers explorateurs véritables terres promises. Sur tous les points
européens de la Malaisie et de la Polynésie; occupés par l'Angleterre tous nos animaux
mais la question de découverte avec connais domestiques , et l'abeille elle-même, se sont
sance de cause est toujours contestable entre promplement naturalisés; tous nos végétaux
les Portugais et les Hollandais vers le com utiles et un grand nombre de nos arbres et de
mencement du xvie siècle. Les Portugais s'en nos plantes d'agrément, empruntés à divers
6ont approchés les premiers sans aucun doute; climats, ont adopté sans peine une nouvelle
les Hollandais les ont suivis de très près dans patrie. Peu d'années ont changé l'aspect de*
ces parages inconnus, cl la découverte réelle lieux et la source des richesses naturelles.
est réclamée par les deux nations sur des ("est de 1788, à la suite des grands voya
présomptions et des autorités à peu près ges de Cook et sur l'indication du célèbre
égales. On ne discute plus aujourd'hui si le naturaliste Banks, que datent les premiers
capitaine normand Paulmier de Gonneville a établissements anglais dans l'Australie. L'é
droit a l'honneur de la découverte ; il est dé mancipation américaine avait suspendu de
montré qu'il parvint seulement à Mada puis treize ans pour la Grande-Bretagne la
gascar. salutaire coutume de la déportation des cri
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nous voyons qu'Avicenne jouissait d*une très cherche dans ces divers ouvrages la cause do
liante réputation et avait un grand crédit et la haute réputation dont a joui Avicenne; on
une cliarge considérable à la cour du calife. no remarque que ce qui a été extrait par lui
Après avoir passé plusieurs années en voyage de Galien , « et vous passerez, dit Haller, des
il se fixa vers la fin de sa vie à Hispaliau. mois entiers sur ces nombreux volumes sans
Son intempérance affaiblit si fort sa consti rencontrer une seule observation originale »
tution que sa philosophie n'eut plus assez de {Bibl.mcd. prat.); et il ajoute: Mihi, suprà
force pour gouverner ses passions. Son sa omnem patienliam, loquax et diffususvidetur.
voir en médecine ne put le guérir d"une vio Cependant Avicenne mérite des éloges par
lente dissenterie dont il fut attaqué et dont il ses recherches intéressantes sur les proprié
mourut à Hamadan dans l'an 1036, âgé de tés des plantes, et il est reconnu qu'il a en
cinquante-huit ans. richi cette branche de la médecine de plu
Avicenne futiiii des principaux philosophes sieurs végétaux dont les qualités médicinales
arabes qui cultivèrent avec talent la philoso étaient inconnues jusqu'alors.
phie, la médecine, les mathématiques. Ce sont Les œuvres d'Avicenne furent imprimées
eux qui conservèrent les doctrines péripatéti en arabe à Rome, 1503. Il parut une traduc
ciennes, doctrines moins suaves et moins bril tion laline par (ïérard de Crémone, à Venise,
lantes que celles de Platon. Ce sont les Ara en 1595 et 1058. Vopiscus Fortunalus publia
bes qui par les livres d'Arislote, mal traduits à Couvain, en Ki.'iS, une nouvelle traduction.
sur des copies infidèles et souvent interprétées Les manuscrits arabes des œuvres d'Avicenne
à contre-sens, donnèrent accès à celte dialec sont assez communs ; il s'en trouve dans beau
tique subtile qui envahit les écoles dans le coup de bibliothèques européennes.
moyen âge, et qui , toule occupée des formes Ad. de Pontécoclant.
syllogisliqucs, ne travaillait souvent que sur AVIGNON, ville ancienne et remarqua
des mots sans remonter aux idées. ble de la Fiance méridionale, située sur la
Avicenne fut un des premiers adeptes d'A gauche du Rhône, dans une plaine très fer
rislote. Ou rapporte qu'il relut quarante tile; capitale du département de Vaucluse.
fois sa métaphysique sans l'entendre, et ne Cette ville est très riche d'établissements lit
cessa cette lecture que lorsqu'il crut l'avoir téraires et industriels; tout y est mouvement
bien comprise. Il déclare, dans le commen et progrès. On y remarque parmi les édifices
taire qu'il en a fait, qu'il n'y a point de défi publies le vaste et magnifique palais jadis ha
nition possible de l'être en soi , non plus que bité par les papes, la cathédrale, le théâtre
du nécessaire , du ponsible et du réel ( Me- elle pont sur le Rhône, de vingt-deux arches.
taphysica, par Bernard). De l'idée du néces Anciennement le maître-autel de la cathé
saire il conclut que l'être nécessaire n'a point drale était tout revêtu de lames d'argent.
de émue , et qu'il n'y a qu'un seul être néces On y voit les tombeaux de deux pontifes,
saire. M. Cousin trouve cette manière de Jean XXII et Benoit XII. 11 y avait aussi
penser originale. {Manuel de philosophie.) onze églises collégiales et un très grand nom
Les ouvrages d'Avicenne sont très nombreux; bre de couvents, une université et six col
mais quoi qu'on ait pu dire de son génie et de lèges. Au nombre des établissements d'Avi
son savoir, ils ont peu contribué aux progrès gnon nous aurions tort d'oublier la Biblio
de la philosophie, étant pour la plupart une thèque et les Cabinets des médailles, d'anti
copie informe et obscure des doctrines d'A quités et d'histoire naturelle, fondés récem
rislote; ces ouvrages consistent en 20 volu ment et légués à la ville d'Avignon par un
mes sur l'utilité des sciences, l'Introduction illustre citoyen, le docteur Esprit Calvet. Avi
à la logique et divers Traités de morale et de gnon est appelée par les anciens géographes
métaphysique. Le principal de ces traités est Avcnio ou Avenion, et par Plolémée Avenio-
celui qui est intitulé Canon medicinœ; c'est rum colonia. Elle appartenait, ainsi qu'O
une compilation de divers auteurs grecs. Ce range et quelques autres villes voisines, aux
traité acquit une si grande réputation qu'il peuples Cavares qui occupaient les régions
servait à l'instruction dans tous les collèges situées entre Cavaillon et le confluent do
d'Europe ; il conserva sa popularité jusque l'Isère dans le Rhône.
vers lo milieu du xvne siècle. La première L'époque de sa fondation est incertaine;
édition du Canon medicinœ fut publiée à Pa- on sait seulement que dès les temps de Poni-
douc en 1V73. C'est vainement que l'on re pouius Mêla celle ville était considérée comme
AVI AVI
( :j.3f>Cavérùs, au sud ouest, et de Salamanque , à
une des plus puissante* do ta (iatilc narbon-
naise. L'étymologic de son nom n'est pas l'ouest; tire sou nom de sa capitale, A\ il, i.
connue non plus; différents auteurs en ont ville autrefois rielie et florissante, sur l'A-
écrit : les uns tirent l'origine du mot Âvenio daja, ii 27 lieues ouest-nord-ouest de Madrid,
« vineis, d'autres ab avibus, parce que le fon dans une vaste plaine, mais bien déchue de
dateur d'Avignon suivit l'augure que certains son antique splendeur. Cette ville, qui n'a plus
éperviers lui indiquaient par la dire lion de de ses anciennes manufactures que quelques
leur vol; d'autres à vtniendo, à cause du fabriques de toiles de cotau, a cependant une
grand concours d'étrangers avides d'y fixer université, huit église» paroissiales, pluMeur*
leur demeure; d'autres enfin a Cavarum couvents, neuf hôpitaux, une belle cathé
unionc, parce que les peuplesCavares tenaient drale, et est le siège d'un èvêclié suffragaut
leurs diètes dans la place où s'éleva ensuite de Sau-lago. Elle ne renferme aujourd'hui
la ville d'Aviguon. que 4,000 habitants. A vila est aussi le nom
L'époque de la plus grande splendeur d A- d'une chaîne de montagnes qui prolongent
vignon fut peudant le séjour qu'y tirent lés la Sierra-Guadarramael s'étendent de l'ouest
papes, depuis 1305 jusqu'à 1377. La présence à l'est, puis du nord au sud.
du souverain pontife et de la plus pompeuse AVILA (Jean d), «é à Almodovar iWl
des cours y attirail un concours immense de Canipo, dans la Nouvelle-Caslille, envii-eu
princes et d'étrangers distingués; et comme l'an 1500. Après avoir reçu la prêtrise, il se
les papes avaient alors une haute influence disposait à passer aux Indes pour y prêcher
politique, c'est à peu près dans celte Ville la foi, lorsqu'il fut retenu par l'évêque Al
que se régiaienl les affaires du monde. Les phonse Manrique. Il commença alors et con
Italiens, qui voyaient avec de bien justes re tinua pendant quarante ans les prédications
grets celle étonnante translation du Saint- qui, jointes à l'exemple de toutes les vertu»
Siège apostolique en France , désignaient chrétiennes et sacerdotales, lui ont mérité
Avignon par l'appellation de Babylonc, en le titre d'apôtre de l'Andalousie. Il mourut
faisant
breu dans
allusion
la ville
à l'esclavage
de Ninus. du
On peuple
la trouve
lié-' en odeur de sainteté le 10 mai 15G9. Ses œu
vres, qui respirent la plus tendre piété, ont
ainsi nommée dans plusieurs sonnets de Pé été imprimées et traduites plusieurs fois, sur
trarque. tout ses Lettres spirituelles, i vol. iu-i", Ma
Après la translation du siège apostolique drid, 161$, et Paris, 1673.
à Rome, Avignon fut gouvernée par des lé A VILER (Auguste-Charles d'), architecte,
gats. Ce petit Etat, enclavé, après l'extinc né à Paris en 1653, s'étant embarqué à Mar
tion des comtes de Provence, dans la monar seille pour aller perfectionner «es talents à
chie française, était considéré par les rois Kome, fut fait prisonnier par des pirates et
très chrétiens comme un gage; aussi ne nian- conduit à l'unis. Pendantsa captivité, qui dura
quaieul-ils pas de l'occuper ou d'en faire deu x ans, il fi t le plan de la superbe mosquée de
craindre l'occupation lorsqu'ils avaient quel cette ville. Après avoir séjourné à Rome, il
que démêlé sérieux avec la cour de Rome. revint en France el se fixa à Montpellier aveu
A l'époque de la révolution, Avignon et le le litre d'architecte de la province du Lan
Comtak furent réunis définitivement à la guedoc. Il construisit dans cette ville une
France. Plusieurs auteurs ont écrit sur l'his porte en forme d'arc de triomple, et composa
toire et les antiquités d'Avignon etduComlat; un Cours d'architecture plusieurs fois réim
on en peut voir le catalogue dans Le Long; primé. D'Aviler mourut en 1700, âgé seule
mais le plus exact est Sébâsiien Fontani Cas- ment de quarante-sept ans.
trucci. La méthode qu'il a suivie est cepen AVIRON ( marine ) , levier connu de tout
dant assez extraordinaire pour mériter d'élre le monde sous le nom de rame. L'aviron sert
c>tée. Louis Cibr.uuo. à communiquer le mouvement au navire sur
A VILA, nouvelle province d'Espagne, for le bord duquel il est placé. Dans cette espèce
vince
mée desde démembrements
même nom et de celles
de l'ancienne
de Salaman-
prq- de levier la puissance est à la poignée de la
rame , la résistance est au bord du navire, le
que cl deSégovie; elle fait partie dû royaume point d'appui est à l'eau. L'homme agit à la
de la Vicille-Castille; située entre les pro poignée , el l'aviron est retenu au navire par
vinces de Valladolid, au nord; de Ségovic et une bague de corde ou un anneau de fer qui
de Madrid, a lest; de Tolède, au 6ud; do trouve son point d'auuui à une broche Je
AVI l 337 ) AVO
bois ou de fer appelée aujourd'hui tolet et nemi tout ombrage, il se fil ordonner évêque
par les anciens scalenus. Les embarcations de Plaisance. Mais apprenant que le sénat,
dont les rames sont placées de telle sorte dont il s'était fait haïr on ne sait pas pour-'
qu'il y ait deux rameurs sur le même banc vergne quoi), demandait
et mourut sasurmort,
la route.
il s'enfuit
Son corps
en Au-*
fut
assis l'un k droite, l'autre à gauche, sont
dites avoir des avirons k couple. Quand l'a inhumé dans l'église de Saint -Julien de
viron est conformé de manière k avoir la Brioude. Depuis sa déposition l'empereur
partie intérieure presque égale k la largeur Marcien, et Léon après lui, eurent le titre
de l'embarcation qu'il doit pousser, le canot de souverain en Occident. Aug. Savag\er.
est dit armé avec des avirons à pointe. — AVOCAT (hist.). La fonction d avocat
Aviron vient de ad gyrandum, pour tourner ; n'est pas moins ancienne que la magistra
c'était en effet l'office des premiers avirons ture ; elle commença avec les tribunaux.
employés k l'arrière et au côté des navires Pour discuter ses intérêts , pour défendre sa
jiour les faire tourner comme des gouver liberté ou sa vie, on eut recours k des voix
nails. Haines et avirons ont désigné long moins suspectes que la sienne. Les premiers
temps deux choses différentes ; maintenant avocats furent nécessairement les hommes les
que le gouvernail est une pièce très diffé plus èminents par leurs lumières et par leur
rente par sa forme de l'ancien aviron, qui sagesse. Le barreau n'a jamais dérogé com
est resté encore gouvernail sur les bateaux plètement k la dignité et à l'excellence de
et les radeaux des rivières , avirons et rames cette origine.
sont synonymes. A. Jal. La défense avait commencé par être un
AVISO. Navire léger pour porter des avis acte de complaisance; elle devint une pro
ou des ordres; bateau d'avis comme disent fession lorsque les lois se multiplièrent , et
les Anglais : advice-boat. Aviso est une con avec elles les procès et les accusations. Dans
formation italienne et espagnole; les Espa les temps les plus reculés , on trouve des
gnols ont : imbarcalion di aviso. A. Jal. hommes en possession de ce ministère chez
AVIT US (Flav. Coeciuus ou Moeciuus), les Chaldéens et les Babyloniens , dans la
Arvernc, de race sénatoriale, général des ar Perse et dans l'Egypte. L'histoire , qui nous
mées romaines, proclamé empereur par les a transmis la mémoire de ces défenseurs , se
Visigoths, le 10 juillet 455, k Toulouse, où il lait sur leur organisation. Chez les Juifs, on
était pour traiter de la paix avec leur roi voit des sages établis pour conseiller le peuple
Théodoric, fut de nouveau proclamé, au mois sur les difficultés que présentait l'application
d'août suivant, dans la ville d'Arles, par l'ar des lois. Ils étaient considérés comme mem
mée romaine et les principaux seigneurs bres du corps des officiers de justice.
gaulois. S étant rendu ensuite à Rome avec Ces défenseurs, formés a la parole dans les
Sidoine Apollinaire, son gendre, il fut reçu luttes journalières des tribunaux , devaient
avec acclamation et unanimement reconnu acquérir une grande influence dans les ré
par tous lesordres. Avant que de quitter cette publiques de la Grèce, où le talent de bien
\ille pour retourner dans les Gaules, il créa dire était si finement senti par les plus hum
général de ses armées Ricimer ou Richimer, bles citoyens. Le barreau était une prépara*
issu de la race royale des Suèves et petit-fils lion aux charges publiques. Thémislocle,
par sa mère de V allia, roi des Visigoths, le Périclès, Aristide, Hypéride, Démosthèoes, y
plus grand capitaine qu'il y eût alors, mais cueillirent leurs premières palmes , moins
l'homme en même temps le plus ambitieux, dangereuses que les couronnes d'or du Fo
le plus fourbe et le plus rusé. Ricimer soutint, rum. Les lois long-temps observées de Solon
par quelques avantages qu'il remporta sur les et de Dracon sur la discipline du barreau
(lottes des Vandales, la réputation de valeur d'Athènes témoignent de la grande idée
qu'il s'élait acquise. Il fit également connaî qu'on avait alors de la profession de l'avocat.
tra la méchanceté de son caractère en caba- La première condition pour y aspirer était
lant contre Avitus , avec lequel il s'était d être né libre. Les traîtres à la patrie , les
brouillé. Ce prince étant revenu en Italie fut libertins, les dissipateurs, étaient repoussés
arrêté k Plaisance par Ricimer et dépouillé de l'enceinte révérée de l'aréopage. La ré
des marques de la dignité impériale le 6 ou ponse fameuse de Périclès , qu'on sollicitait
le 10 octobre 456, après avoir tenu l'empire de faire un faux serment dans un procès
environ quatorze mois. Pour ôter k son en- (amicu* usquè ad aras), prouve que la mora-
Encycl. du XIX' tiecle, t. IV. 22
AVO ( 338 ) AVO
lité des orateurs de cette première époque du des clients qu'ils devaient aider, en toute
barreau d'Athènes n'était point au-dessous occasion, de leurs conseils , protéger de leur
de l'idée qu'on se formait de l'excellence de influence ou de leur crédit, et défendre de
leur profession. Leurs successeurs suivirent vant les tribunaux. Le client s'attachait de
peu ces exemples ; la corruption pénétra son côté aux intérêts de son protecteur ou
dans les tribunaux comme partout. L'acquit patron. Si celui-ci n'était pas riche, ses
tement scandaleux de la courtisane Phryné , clients contribuaient à la dot de ses filles, au
défendue par Hypéride, montre les progrès paiement de ses dettes ; leurs suffrages lui
qu'elle avait déjà faits au sein de cet aréo étaient acquis s'il briguait quelque magistra
page qu'en des temps meilleurs on purifiait ture. Il était également défendu au patron et
chaque jour avec l'eau lustrale, comme le au client de se présenter en justice pour por
temple des dieux. Cet impudent emploi de ter témoignage l'un contre l'autre. Ces obli
l'art oratoire au profit du vice fut une occa gations mutuelles et ces offices réciproques
sion pour proscrire le9 formes séduisantes et furent estimés si saints que ceux qui les vio
ingénieuses dont Périclès avait orné le pre laient passaient pour infâmes, et que, dans
mier l'éloquence judiciaire. Au commence la rigueur du droit primitif, il était même per
ment de chaque audience, un crieur public mis de les tuer comme des sacrilèges.
rappelait aux défenseurs qu'ils devaient s'in On se figure aisément ce que dut être l'é
terdire tout ce qui pouvait attendrir les juges loquence judiciaire chez un peuple nouveau
et inspirer la pitié. Mais cette loi , tout au dont la puissance précaire et chancelante
plus digne de l'austère Lacédémone, fut mor avait moins besoin d'orateurs que de soldats.
telle à l'éloquence du barreau, sans réformer L'art oratoire serait sans doute demeuré long
les abus qu'elle était destinée à détruire. temps dans celle enfance rude et grossière,
Antiphon fut, dit-on, le premier qui reçut à laquelle l'esprit humain esl assujetti, et qui
des honoraires de ses clients. A son exemple, précède chez tous les peuples le dévelop
on vit les orateurs préférer ces récompenses pement parfait de leur génie naturel. Mais
certaines à l'espoir lointain des charges pu l'affermissement rapide et inespéré de la re
bliques, qui, dans les belles époques de la publique partout victorieuse, les luttes libé
Grèce , étaient le prix ordinaire de leurs rales et passionnées du Forum, inspirèrent de
fonctions. En abdiquant son désintéresse bonne heure l'éloquence; et les Komains,
ment, le barreau perdit son plus noble pres recueillant le génie des Grecs en même temps
tige. L'amour de l'or étouffa les vertus sé que leurs lois, atteignirent tout-à coup dans
vères dont Aristide et Thémistocle avaient les arts une grandeur égale à celle de leur
donné l'exemple. On en vint à regarder les empire.
luttes judiciaires comme un jeu d'imagina Alors commença pour le barreau une è e
tion et de vaines disputes de rhéteurs; et mémorable de puissance et de gloire. Dans
l'antiquité, qui nous apprend que Démos- ses rangs accoururent tous ces hommes qu'en
thènes composa dans la même cause un dis thousiasme le spectacle enivrant des délibé
cours pour les deux parties, ne dit rien de rations populaires, et qui aspirent à jouer un
l'indignation qu'un tel mépris de la justice rôle dans un Etat démocratique, où le talent
aurait dû provoquer. L'histoire de la déca de bien dire est pour l'ambitieux la première
dence du barreau grec serait celle de la dé des conditions. Le commerce des nations
cadence de la Grèce elle-même; nous n'avons vaincues, les admirables chefs-d'œuvre qu'el
point à la retracer ici . Dans ses jours de gloire, les léguaient à leurs dominateurs, réglaient,
il avait compté parmi ses membres presque en l'excilant, cet élan généreux , cette ar
tous les hommes éminents des diverses répu deur d'éloquence, qui passionne les peuples
bliques. Dans les temps qui précédèrent la libres au temps de leur virilité ; et Rome, vic
conquête romaine , il fut envahi par des fac torieuse par les armes de ses soldats , le fut
tieux, qui s'exercèrent devant les tribunaux aussi parle génie de ses orateurs.
à l'art dangereux de troubler l'État. Dans cette société savante et polie , le bar
On ne saurait rien trouver de plus simple reau se trouva donc naturellement à la pre
et eu même temps de plus grand que la con mière place et réunit l'élite de la jeunesse
stitution du barreau de Rome à sa naissance. romaine. Elle venait s'y formera la pratique
Des citoyens , choisis dans l'ordre des patri des affaires, et préluder par des triomphes
ciens, avaient dans les classes inférieures modestes aux ovations de la tribune ou du
AVO ( 339 ) AVO
sénat. La plupart des censeurs, des consuls, vérant symbole de l'indépendance dans les
des dictateurs, des magistrats, passaient par sociétés affranchies. On en trouve de beaux
celte voie lente et laborieuse, qui était pres exemples jusque dans ces temps de dégra
que la seule qui menât aux charges publiques, dation universelle où les plus remarquables
dans ces temps regrettés par Tite-Live avec citoyens, corrompus par le désespoir d'arri
tant d'amertume. ver à quelque chose de grand , cherchaient
La religion même favorisait la puissance dans le vice une sécurité ou une distraction ,
du barreau. La piété naïve des premiers Ro et affectaient la servilité comme le premier
mains avait cru les lois descendues du ciel Brutus avait feint la folie. L'histoire nous a
à la voix de Numa, et lors même que la phi transmis la réponse de Papinicn, invité par
losophie nouvelle eut détruit, avec tant d'au Caracalla à faire l'apologie du meurtre de
tres, cette illusion touchante, le mystère Géta, frère de l'empereur, que celui-ci avait
profond dont le sacerdoce les enveloppa long fait massacrer dans les bras de sa mère : « Il
temps, les pratiques solennelles de la justice, est plus facile , dit le jurisconsulte , de com
les minutieuses observances que les tribunaux mettre un parricide que de le justifier. »
entretenaient sans cesse, formaient autant Sénèque le philosophe avait été plus com
de puissantes habitudes et continuaient d'im plaisant.
primer dans ces âmes simples et croyantes un Le barreau, déchu sous les empereurs,
respect religieux. Cette superstitieuse vénéra conserva néanmoins l'éclat extérieur de son
tion que le peuple portait à la loi rejaillissait ancienne prééminence. Quoiqu'il ne restât
naturellement sur ses interprèles ; et les ora plus aucun vestige des assemblées qui jadis
teurs, entourés, comme les anciens patrons s'ouvraient dans le Forum pour choisir los
qu'ils remplaçaient, de clients nombreux et magistrats d'un peuple libre, le patronage
dévoués, pouvaient aspirer à .tout. Cicéron continua d'être recherché comme un titre
avait parmi les siens le roi de Galalie. Mais honorifique. Dans les beaux temps de la ré
alors le barreau louchait à son déclin, comme publique, les jeunes gens qui se destinaient à
la république. la profession d'avocat étaient présentés au
Quelques écrivains en attribuent fausse sénat par leurs pères, entourés d'un nom
ment la cause à l'introduction des plébéiens , breux cortège de parents et d'amis. Cetlo
qu'on y trouve en plus grand nombre à par imposante cérémonie fut conservée sous
tir de celte époque. Tant que le barreau l'ut l'empire ; Auguste conduisit lui-même ses
la voie qui conduisait aux honneurs et à la enfants au sénat. La fréquentation du bar
popularité , l'ambition jalouse de la noblesse reau lit dès lors partie de l'éducation des
en repoussa ces derniers j ils n'y pénétrèrent jeunes Césars, et le titre d avocat devint une
librement que sous les empereurs, lorsque les flatterie banale qu ils allaient demander à la
charges publiques, cessant d'être la récom complaisance du sénat au moment où ils pre
pense du mérite laborieux, devinrent la proie naient la robe virile. Quelques uns cepen
de la médiocrité servie par l'intrigue , ou le dant en remplirent les fonctions. Titus, élevé
salaire honteux des basses complaisances. sur la pourpre impériale, aimait à rappeler
L'avilissement où tombèrent les Romains a les triomphes modestes qu'il avait remportés
celte époque, heureusement sans exemple dans le prétoire de Rome. Ces occupations
dans l'histoire de l'espèce humaine , est la laborieuses de son adolescence l'avaient pré
seule explication plausible et vraie de la dé paré pour la grande épreuve du pouvoir ab
cadence du barreau. Quand on voit passer solu. Ce jeune prince, en s'éelairant par les
Tibère, Caligula, Claude, Néron, et à quelque lois, y puisa sans doute les principes d'équité
intervalle Domitien , on conçoit comment et de modération qui pouvaient seuls fonder
cette publicité du vice et du despotisme cou cette souveraineté jusle et tempérée que
ronnés dut , en effaçant dans les âmes les Rome cherchait en vain au milieu des agi
empreintes natives d'honnêteté et de justice, tations et des fureurs.
altérer profondément l'éloquence , cette al- Le barreau de Rome était déjà loin à celte
tière élève de la liberté. époque de l'art savant et ingénieux dont Ci
Les orateurs s'appelèrent alors causidici , céron avait été le précepteur élégant et le
adcocali. Ce dernier nom , donné aux mem modèle. Mais la domination des Césars, fu
bres du barreau en des jours de servitude , neste à l'éloquence, fut propice aux travaux
devait être plus tard un généreux et persé des légistes et des jurisconsultes. C'est en cf
AVO ( 340 ) AVO
fct de l'empire que date cette jurisprudence des premiers successeurs d'Auguste, les cités
dont les oracles furent recueillis par Théo- du midi de la Gaule étaient déjà des villes
dose le jeune et par Justinien. Les lois, com toutes romaines. Les provinces septentrio
pilées par Tribonien dans deux mille volu nales étaient moins polies; mais elles subis
mes, ont survécu à Rome, mais n'ont pu saient chaque jour davantage la langue,
l'empêcher de crouler; tant il est vrai que les mœurs et les lois de ses dominateurs. La
les meilleures lois ne peuvent sauver les peu discipline du barreau romain n'eut pas de
ples, quand la corruption s'est introduite dans peine à s'introduire chez une nation vive et
les mœurs générales. ingénieuse, de tout temps renommée pour
La discipline du barreau romain est une son aptitude aux arts de l'esprit et son avi
portion intéressante de son histoire. L'aspirant dité tout athénienne pour ces luttes de la
à la profession d'avocat devait être âgé de dix- parole qui séduisaient son imagination mo
sept ans et avoir étudié les lois pendant cinq. bile et passionnée. Ne soyons donc pas sur
11 était examiné par le défenseur de la cité, pris que Juvénal ait appelé la Gaule la nour
en présence du peuple. Ses bonnes mœurs rice des avocats. Divers monuments attestent
devaient être attestées par des docteurs en que, dès le temps de Tibère, les écoles d'élo
droit. On ne recevait au barreau ni les gla quence ouvertes à Autun et dans d'autres
diateurs, ni ceux que la justice avait punis villes réunissaient un nombre prodigieux d'é
d'une peine infamante. Différents décrets des tudiants appartenant à toutes les nations.
empereurs Théodose, Valentinien et Léon Cet empire du goût, concédé par l'Europe à
en interdirent l'entrée aux Samaritains, aux la Gaule subjuguée, est le seul que plus tard,
Juifs et à tous ceux qui ne professaient pas la dans l'éclat de nos revers, elle ne nous ait ja
religion catholique. Après l'épreuve solen mais contesté. Le barreau gaulois du rv* siè
nelle de l'examen, le candidat était, comme cle posséda quelque temps saint Ambroise;
nous l'avons dit, présenté au sénat, et l'on mais il fut bientôt enlevé à la profession qu'il
inscrivait son nom sur le tableau de l'ordre; honorait par de grandes vertus et de grands
c'est le mot dont se sert l'empereur Justin. talents, pour les luttes bien autrement im
Le nombre des avocats était limité dans cha portantes du christianisme naissant contre le
que tribunal. On choisissait parmi eux les polythéisme. De ce côté se tournait tout ce
avocats du fisc. A l'expiration de leurs fonc qui avait alors intelligence et vie : prêtres
tions, ceux de la préfecture prétorienne se chrétiens et païens, poètes, philosophes, ma
retiraient avec le titre de comtes du consis gistrats, légistes, guerriers, couraient d'une
toire, qui équivaut à peu près à celui de nos ardeur égale à l'attaque ou à la défense des
conseillers d'Etat. Les privilèges attachés à la anciennes croyances et des vieux autels. Qui
qualité d'avocat étaient assez étendus. 11 était pouvait prendre souci de vaines disputes d'in
défendu, sous peine d'une amende de cinquante térêt près de ces grandes batailles où deux
livres d'or, de charger les avocats de Rome et civilisations aux prises se disputaient l'em
des provinces d'aucune commission, soit pour pire de l'univers?
inspecter les travaux publics, soit pour con L'invasion du ve siècle emporta le barreau
trôler les impôts. Ils étaient exempts du ser comme tout le reste. On le voit refleurir sous
vice militaire, parce que l'on considérait les Charlemagne, puis disparaître de nouveau,
fonctions qu'ils remplissaient comme des char submergé sous le déluge de la barbarie. Les
ges publiques. Le titre de clarissimes fut ac Capitulaires, qui mentionnent les avocats
cordé par l'empereur Auastase à ceux qui dans beaucoup d'eudroits, en parlent comme
avaient vieilli dans l'étude des lois et la pra de gens doux et pacifiques, craignant Dieu
tique des affaires. et aimant la justice. Le peuple les appelait
Rome, au temps de l'empire, ne doit pas plaidours, parlicrs, emparliers. Le nom d'avo
être seulement cherchée dans elle-même. Ses cat, dérivé du mot latin advocaïus, ne dalo
arts, son génie et ses lois avaient pénétré que des Etablissements de saint Louis. Dans
presque dans tout le monde connu, à la suite nos spéculations sur ces temps antiques, se
de ses conquêtes. On ne sentait pas tou rait-ce une recherche oiseuse que de nous
jours dans les provinces le contre-coup des demander quelle a pu être l'influence de ces
fureurs qui l'agitaient , et elle était la légis chevaliers de loi, comme les qualifient quel
latrice des Barbares alors même qu'elle cour quefois les écrits de l'époque, de ces hommes
bait sa télé avilie sous l'esclavage. Du temps éclairés que leur profession rendait les oracles
AVO ( 341 ) AVO
du droit et de la justice, sur les mœurs d'une taient leurs monastères pour écouter les maî
société grossière, où la violence était presque tres qui l'enseignaient. L'Eglise fut obligée
toujours la suprême raison? On n'a point d'employer les censures ecclésiastiques pour
jusqu'ici considéré I Ordre sous ce point de réprimer cet abus. La puissance des légistes
vue. Son premier âge, orageux et troublé laïques, qui devenaient ainsi les possesseurs
comme celui de la monarchie, n'a pas sans exclusifs d'une science interdite à leurs con
doute l'éclat que lui attirèrent les luttes sa currents, grandit en proportion de l'impor
vantes et prolongées de son adolescence et tance que cette science acquérait chaque jour
de sa virilité; mais l'histoire de ces premiers dans la pratique des tribunaux.
temps ne serait cependant pas sans intérêt Un avocat du xii" et du xiir siècle devait
et sans grandeur. On verrait le barreau con embrasser dans ses études, avec le droit ro
courir efficacement à la régénération qui s'o main, les branches diverses du droit féodal,
pérait alors, en popularisant les notions alté jointes aux complications multipliées des
rées de la justice et de l'humanité. Ces maxi coutumes non seulement des provinces, mais
mes, sans cesse développées et appliquées, encore des cantons, coutumes non écrites
se mêlaient, comme un levain salutaire, à la pour la plupart; les ordonnances des rois,
masse des habitudes brutales et cruelles qui les décrétâtes des papes, les collections des
formaient le fond de la société commune ; et canons et les constitutions ecclésiastiques.
le peuple , dur et corrompu, était insensible Il faut ajouter à cette confusion des lois celle
ment conduit à l'ordre et à la civilisation. des juridictions : les bailliages, les grandes
Il est impossible de nier cette influence, et petites sénéchaussées, les vicomtes, pré
surtout si l'on considère que le barreau était vôtés, vigueries, grueries, châtellenies, cl les
à celte époque occupé principalement par divers tribunaux ecclésiastiques. Les attri
les clercs de l'Eglise. Les laïques ne commen butions de tous ces tribunaux, leur compé
cèrent à y pénétrer librement qu'aux xi* et tence, leur mode de procéder, formaient à
xn* siècles, lorsque le concile de Latran en elles seules tout une science non moins in
eut interdit l'entrée aux membres du clergé. grate qu'étendue. Parmi les avocats, les uns
De graves excès avajent provoqué ces sévères se fixaient dans les bailliages et les séné
mesures ; tous les historiens en rendent té chaussées, qui étaient à celte époque des ju
moignage. Souvent la puissance épiscopale ridictions importantes; plusieurs se livraient
dut recourir à l'excommunication pour ré exclusivement aux matières bénéficiâtes. Les
primer l'avidité de ces clercs, la licence de plus instruits s'attachaient au parlement;
leur conduite, jointe à l'insolence de leur for d'autres enfin parcouraient les justices sei
tune. Une découverte inattendue ouvrit pres gneuriales, les prévôtés et les châtellenies.
que en même temps une voie nouvelle aux La satire de l'Avocat Patelin a point les ha
études judiciaires et à l'agrandissement du bitudes et l'inépuisable loquacité de ces avo
barreau. Pendant le pillage de la ville d'A- cats nomades. Méprisés par les gens hon
malfi, l'enveloppe élégante d'un manuscrit nêtes, ils avaient acquis un grand crédit
attire l'attention d'un soldat, qui s'en em dans les campagnes, dont ils exploitaient la
pare et le porte à l'empereur Lothaire. Ce simplicité.
manuscrit contenait les Pandectes. De sa dé Tel était le barreau du xui" siècle. On re
couverte date une révolution complète dans gardait déjà l'Ordre comme un corps éclairé,
les lois. Un enthousiasme inexprimable ac influent , et plus d'une fois la royauté était
cueillit ces trésors do l'ancien monde, qu'un allée choisir dans ses rangs des hommes blan
miracle du hasard livrait à l'indigence de la chis dans le travail et la bonne renommée ,
société nouvelle. Reçu dans toute l'Allema pour les élever aux dignités de la magistra
gne, en Italie, en Angleterre, en Ecosse, en ture et les introduire dans ses conseils. Les
Espagne, en France, partout enseigné et prétentions politiques de la cour de Rome
commenté, le droit de Justinien fut le rival à cette époque donnèrent au barreau une
souvent préféré du droit canonique, qui for puissance nouvelle. Les détails de cette lutte
mait à cette époque, avec le droit féodal, avec entre le pouvoir pontifical aspirant à la do
les ordonnances et les diplômes des rois, les mination universelle et la royauté française
usages et les coutumes locales, le faisceau proclamant son indépendance , dans l'ordre
des sciences législatives. Les clercs aban temporel, avec une énergie pleine de conve
donnaient la théologie, les religieux quit nance et de dignité , sont connus de tout le
AVO (3'.2) AVO
B, seconde lettre de l'alphabet et la pre lant réparer le mal que Manassès avait fait à
mière des consonnes dans la plupart des al la religion de ses pères, mit à mort les prêtres
phabets, une des cinq que Ion nomme la idolâtres et fit jeter hors du temple de Jéru
biales. Sa prononciation se rapproche beau salem tous les vases qui avaient servi à Baal, à
coup de celles du v et du p, tellement que Astarté et à la milice céleste. 11 fit disparaître
dans plusieurs dialectes ces lettres sont em les chevaux que les rois de Juda nourrissaient
ployées les unes pour les autres, non seule en l'honneur du soleil à l'entrée du temple du
ment dans la prononciation, mais souvent Seigneur, et il fit brûler les chariots consacrés
dans l'écriture. C'est ainsi que les Delphiens à cet astre. Baal et le soleil étaient donc con
changeaient le p en b, tandis que les Macé fondus dans le même culte.
doniens faisaient le contraire. Les Espagnols, Les Phéniciens offraient à ce dieu des vic
les Gascons et les Allemands changent sou times humaines (Eusèbe, Prep. Ev., liv. iv,
vent le b en v, et cette subslitulion se ren ch. 16), et c'est la principale raison qui l'a
contre aussi dans quelques inscriptions an fait confondre avec Saturne, dont les autels
ciennes, où on lit opserver pour observer, etc. étaient ordinairement souillés par de sembla
Chez les Grecs, la lettre B était employée bles sacrifices. A Tyr, dans les grandes cala
comme chiffre , et représentait le nombre mités publiques, un usage barbare faisait un
deux; chez les Romains, trois cents, et trois devoir au roi d'immoler ses enfants pour
mille lorsqu'elle était soulignée. Elle figure apaiser la colère céleste. Les prêtres de Baal
souvent dans les inscriptions et les médailles. allaient même quelquefois jusqu'à mêler leur
propre sang à celui des victimes, afin de se
( Voy. Abréviation.)
BA AL ou Bal, de l'hébreu Sjn, maître ou rendre le dieu plus favorable. Ils s'armaient
seigneur, était la plus grande et la plus an de couteaux et de lancettes, dit l'auteur du
cienne divinité des Phéniciens. Quelques sa ine livre des Rois, et, les enfonçant dans la
vants ont prétendu que ce dieu ne dilférait chair nue, ils faisaient sur les différentes par-
pas de Saturne, ou bien encore qu'il était tics de leurs corps des incisions profondes.
l'Hercule tyrien. Saturne était, il est vrai, On sait combien peu leur servit un moyen si
d'après Phiïon et Porphyre (Eusèbe, Prep. violent lors du célèbre sacrifice de la monta
Ec, liv. iv, chap. 16), au nombre des idoles gne du Carmel, où Hélie les défia et les con
que ces anciens peuples adoraient ; mais on fondit, au nombre de 450, en présence du roi
s'accorde généralement à dire que le Baal de Achab et du peuple.
la Phénicie, appelé aussi Jupiter maritime, Baal était le même que Bélus, sous le nom
Zwî 9o).â<j<;io;, à cause de la position de cette duquel les anciens Babyloniens avaient adoré
eontrée, était le même que le soleil, c'est-à- le créateur du monde {voy. Bélusï. Dans la
dire la divinité tutélairc adorée conjointe suite, les Orientaux lui donnèrent différents
ment avec cet astre , et que l'on considé titres, comme les Grecs et les Romains en ont
rait comme l'intelligence directrice de ses donné plus tard à Jupiter. L'application qu'ils
mouvements. Les Hébreux, qui se montrè firent de ce nom fut même si étendue que le
rent souvent infidèles en sacrifiant aux faux pluriel Raalim était souvent employé chez les
dieux des nations voisines, associaient le culte Hébreux pour désigner en général les dieux
de Baal à celui de la lune et des planètes. Le et lés déesses du paganisme. L'abbé Caxeto.
iv« livre des Rois nous en fournit une preuve BAALBEK. C'est le nom que porte ac
incontestable. .losias,dit l'écrivain sacré, vou tuellement l'ancienne Héliopolis de Ccclé
BAA ( 378 ) BAB
Syrie. Celte ville, qui dépend du paclialikde tre autres surnoms, celui de Prolecteur Je la
Saint-Jcan-d'Acre , est située sur une colline, foi des serments ( iri'onoj ) , qui, pour le sens,
dans un pays fertile, au pied de l'Anti-Liban, offre quelques rapports avec Baalberilh.
à dix-huit lieues environ N.-N.-O. de Damas, Il A BEL, de l'hébreu ^73» ou du chaldéen
et à trente-neuf lieues de Sainl-Jean-d'Acrej S3S3, qui signifie confondre. C'est, d'après la
lat. N. 33° 58', long. E. 34° 2'. Baalbek est Genèse, le nom donné à la tour que les des
une ville mal bâlie, et entourée de vieilles cendants de Noé avaient commencé de con
murailles qui tombent en ruine. Sa popula struire sur la plaine de Sennaar, entre le Tigre
tion en 1751 était de cinq mille âmes. Au et l'Euphrate. «Venez.se dirent-ils, bâtissons
jourd'hui les habitants sont au nombre de » une tour dont le faite s'élève jusqu'au ciel,
douze cents environ , tous pauvres ; ils culti » et rendons noire nom célèbre avant de nouâ
vent un peu de colon, du maïs, et quelques » disperser sur toute la terre Voilà un seul
melons d'eau. On voit à Baalbek les plus » peuple, dit le Seigneur, et ils n'ont qu'un
beaux restes d'antiquités qui soient dans tout » même langage Confondons leur langue
l'Orient , entre autres les ruines d'un temple » de manière qu'ils ne s'entendent plus les
magnifique consacré au Soleil , et que l'on » uns les autres. Et ainsi le Seigneur les dis-
croit avoir été construit du temps d'Antonin- » persa de ce lieu sur la surface de la terre
le-Pieux. Sous Constantin ce temple devint » Telle est l'origine du nom de Babel.» (Ce».,
une église ; il conserva sa seconde destination c. xi.) L'entreprise des enfants de Noé est un
jusqu'à l'époque de l'invasion de la Syrie par de ces grands événements que ni la longueur
les Arabes, où Baalbek fut prise par Abou- du temps, ni l'éloignement des lieux, ni la di
Obcïda, général du calife Omar. En liOl versité des langues, n'ont pu effacer de lamé-
Baalbek tomba au pouvoir de Timour, plus moire des hommes. Le souvenir s'en est con
connu sous le nom de Tamerlan. Un tremble servé jusqu'à nos jours chez tous les peuples
ment de terre la détruisit presque entière qui ne sont pas tombés dans la dernière bar
ment en 1739. barie ou dans une complète ignorance de l'an
Quelques auteurs arabes prétendent que le tiquité. Ils pouvaient sans doute être jaloux
prophète Elie fut envoyé de Dieu aux habi de rejeler le crime et la honte de l'audacieux
tants de Baalbek pour les appeler à la vraie projet sur celle race gigantesque qui avait
religion el les faire renoncera Baal, duquel osé, disait-on, s'altaquer au ciel même. Mais
on croit avec quelque fondement que Baalbek le récit de l'événement, quelle qu'en fui la
tire son nom. forme, devait se perpétuer dans les différen
BAALBERITII. Ce nom signifie en lié— tes parties delà terre. Les Orientaux, comme
breu seigneur ou liant de l'alliance. Bochard plus voisins et mieux instruits, en ont con
a conjecturé que cette divinité, nommée dans servé la tradition plus pure et plus exacte.
le texte hébreu du livre des Juges ( chap.vm, « Les premiers hommes, dit Abydène (Eusèbc,
v. 33, et chap. ix, v. 4 ), pourrait bien être » Prcp.Ev.,\iv. îx, ch. 14), se confiant dans la
Bèroé, fille de Venus et d'Adonis , demandée » grandeur énorme et dans les forces de leur
en mariage par Neptune et accordée pour » corps, désirèrent se rendre plus puissants
femme à Bacchus. Ces suppositions sontlout- » que les dieux eux-mêmes. Ils élevèrent une
ù- fait gratuites, et on doil d'autant moins les » tour extrêmement haute dans les lieux où
admettre que les Septante et la Vulgale nous » est située maintenant Babylone. Lorsque
donnent la solution de la queslion , sans qu'il u cet édifice louchait presque au ciel, les
soit nécessaire de recourir aux conjectures. » vents, prêtant aux dieux leur secours, ren-
En effet le texte du 33e verset du vin* chap. » versèrent la tour sur ceux qui la conslrui-
du livre des Juges porte que les Israélites pri » saient Et les hommes, qui n'avaient eu
rent pour dieu Baalberilh; mais les Septan » jusque là qu'une même langue, eurent de-
te et la Vulgatc , qui sont pour nous d'admi » puis ce moment plusieurs langages diffe-
rables commentaires de l'hébreu , disent dans » renls.» L'oracle de la Sibylle Berosienne
le même passage que les Israélites firent al en parle dans les mêmes termes, ainsi que
liance avec Baal. Celle interprétation prouve Polyhistor, Artapan et Eupolème, cités par
que Baalberilh n'est autre que Baal, lequel, Eusèbc.
suivant les circonstances el les lieux, rece Une particularité bien digne de remarque
vait diverses épithètes que lui donnaient ses c'est que la même tradition subsiste encore
adorateurs. Jupiter portait chez les Grecs, en dans le Mexique, où les premiers colons post
BAli ( 37!) ) BAH
diluviens venus d'Asie la conservèrent sans i pas suffi pour inventer tous les arls néces-
la moindre altération des circonstances es ; saires à l'exécution d'une semblable entre
sentielles. De nos jours, un voyageur célèbre prise si les descendants de Noô n'avaient rien
(de Humboldt, Recherch., t. 1, p. 95) l'y a appris de leurs pères. Mais il est évident que
retrouvée eu tout conforme à ce qu"en avait ceux-ci n'eurent pas le temps de perdre, pen
écrit en 1566 le moine Pedro de los Rios. Les dant l'année du déluge, les connaissances qui
Mexicains la présentent, il est vrai, avec cet leur avaient servi cent ans entiers à con
esprit d'appropriation locale qui distinguait struire l'arche ; et nous savons par la Genèse
l'antiquité profane. Ils ont fait de leur pays (eh. iv) que l'art de bâtir et de travailler même
le théâtre de celte œuvre primordiale; et les métaux n'était pas étranger aux généra
c'est, disent-ils. leur grande pyramide de tions qui précédèrent celte grande catastro
Cliolula, bâtie en briques et orientée" comme phe. Quoi qu'il en soit du degré de perfection
celle de Babel, qui a provoqué le courroux des arts à celle époque, ces villes fameuses,
céleste. Ce monument, inachevé comme la Ninive et Babylone, bâties peu de temps après ;
tour babylonienne, est encore appelé, d'après ces vastes palais de leurs puissants monarques,
M. de Humboldt, la Montagne des briques distribués et ornés autant que la décence et
non cuites, comme par une allusion frappante la commodité l'exigent; ces terrasses gigan
à l'objet de la structure imitalive. tesques des jardins suspendus , élevés à
Les Grecs, en consignant dans leurs écrits grands frais les unes sur les autres; l'étendue,
l'histoire de Babel, la présentèrent sous le la hauteur et la force des remparts; la har
voile de ces fictions puériles que leurs poètes diesse des ponts bâtis sur les grands- fleuves,
mêlaient aux plus graves récits pour liât toi lout cela ne prouve-t-il point que l'architec
le goût d'un peuple ami du merveilleux. Plus ture avait fait de grands progrès dès les temps
tard les Latins ^Ovide, Métam., liv. I; Fast., les plus reculés des époques historiques?
liv. v ) la reçurent de la Grèce avec tous les Des écrivains graves, et dont le savoir est
déguisements de la fable des Titans., qui en estimable à tous égards, ont soutenu que la
tassent montagnes sur montagnes dans le but tour de Babel fut, bientôt après la dispersion
insensé d'escalader le ciel et de détrôner le des peuples, consacrée à Bélus. le plus grand
père des dieux. Moïse est évidemment le seul et le plus révéré des dieux de Babylone. Fa-
dont le récit ait conservé ce caractère de pu ber {Horœ Mosaïcœ\ ministre protestant fort
reté et de simplicité primitive inséparable de éclairé, veut même que la construction de
la vérité. Aussi la Grèce n'avait encore ni ses l'édifice eût pour objet spécial la consolida-
historiens ni ses poètes, et le peuple hébreu lion d'un système idolâtrique suscité par Nem-
lisait déjà dans les écrits de son législateur rod et Cuthim, et qu'adoptèrent volontiers
les circonstances de ce fait célèbre, dont le les autres descendants des patriarches. En
souvenir était pour ainsi dire encore vivant admettant cette hypothèse, il serait vrai de
dans la nation. dire que le paganisme n'a pas eu d'autels
Pour bâtir la tour de Babel, les ouvriers, plus anciens que ceux de l'idole babylonienne.
dit l'Ecriture, employèrent, au lieu de pierres, Mais d'autres pensent que le temple de Bélus
des briques cuites au four et cimentées avec fut toujours un édifice entièrement indépen
du bitume. Ces matériaux (Hérodote, CUo), dant de celui dont il est ici question.
comme on le sait, dominèrent plus lard dans Dans son voyage à Babylone, Ker-Porter a
toutes les constructions qui se firent sur les cru retrouver et la tour et le temple dans une
bord du Tigre et de l'Euphrate. Quant au même ruine que les indigènes appellent Birs-
goût qui présidait à l'harmonie des formes et Nemrods, ou le palais de Kcmrod. Essayant
à la distribulion de l'édifice, lout ce qu'on donc de concilier les deux opinions contrai
peut dire, c'est qu'à défaut de qualités plus res, il suppose que Nabuehodonosor bâtit le
dignes d éloge, le travail, selon l'usage de ces grand temple de Bélus sur les restes de la
temps reculés, devait se faire remarquer par tour. Mais ce sentiment, d'après M. Baoul-
la solidité et par l'exagération de ses -dimen Bochelte, n'est appuyé sur aucun témoignage
sions colossales. antique, et se trouve d'ailleurs contredit par
Cent vingt ans environ qui s'étaient écou lés observations des voyageurs modernes, dont
lées, d'après le texte hébreu, depuis le dé plusieurs regardent le Muljélibé comme les
luge, ou même quatre cents, d'après le Sama ruines de la tour de Bélus, et le Birs-Nemrods
ritain et les Septante, n'auraient peut-être comme le véritable monument de l'exact i
IÏAB ( 380 ) BAB
liule du récit de Moïse sur la tour de Babel. déshérités, leurs dépouilles furent parta
( Voy. Babylone.) L'abbé Caxeto. gées entre les nobles du pays, et le comté,
BAB-EL-MANDEB, nom du détroit qui dont ils ne rentrèrent jamais en possession,
joint la mer Rouge au golfe Arabique avec la fut donné au fils de Conrad, et servit plus
baie d'Aden ou l'Océan Indien. 11 est formé lard , vers le commencement du xie siècle, a
par deux angles saillants des continents d'A doter l'évêché de Babemberg ; mais dès 919
sie et d'Afrique, ou, pour parler plus exacte l'empereur Othon I" investit son cousin,
ment , d'Arabie et d'Abyssinie. Le premier Léopold de Babemberg, de la marche orien
s'appelle le cap Bab-el-Mandeb, et son extré tale de la Bavière. En 955, le pays situé en
mité est éloignée d'environ six lieues de la tre le Raab et l'Ens conquis sur les Hongrois
côte bien plus élevée d'Afrique. Dans le dé y fut réuni, et cette contrée prit le nom d Os-
troit même, et plus près de la côte d'Arabie , lerland , Osterreich, et enfin Autriche. Léo
se trouve la petite île de Perim, qui le divise pold devint la lige des margraves qui gou
en deux parties, dont celle qui est vers l'o vernèrent jusqu'à l'extinction de la famille
rient se nomme le petit et l'autre le grand dans la personne de Frédéric II, dit le Belli
détroit. Le premier est le plus fréquenté des queux, lue à la bataille de Leilha en 1246.
deux, parce que la mer, moins profonde, BAItEK ou B ABOI P. Mohammed Zim-
permet aux navires d'y mouiller en cas de iiF.nniv ), arrière petit-fils du célèbre Tamcr-
besoin. La sonde y donne de 9 à 14 brasses lan et fondateur de l'empire du Grand-Mogol
d'eau. Sa largeur est d'une lieue et demie, dans l'Inde, occupe un rang distingué dans
mais une baie de sable rend le chenal moins l'histoire orientale par ses conquêtes, dont
large encore. L'ile de Perim , qui peut avoir les bornes de cet article ne permettent de
environ deux lieues de long, offre un bon donner qu'un précis rapide et incomplet. Ba-
mouillage où les navires sont à l'abri de pres ber n'avait que douze ans lorsque la mort
que tous les vents. Le cap Bab-el-Mandeb, de son père Omar scheikh, arrivée en 1494
qui est situé par 12° 40' de lat. N., s'avance ( hégire 899 1, le rendit héritier du royaume
considérablement dans la mer, et la terre de Fergana , situé à l'est de Samarcande dans
ferme, à laquelle il lient, est si basse que de la grande Bukharie, et comprenant les sept
loin on le prend pour une île. Il est peu élevé, districts d'Andejan , Ousch , Marghinan, As-
mais le roc dont il se compose est aride et es féra, Khogend, Akhsi et Kasan. Les vingt-
carpé. Les courants sont très forts dans le cinq premières années de la vie de Baber se
détroit, mais leur direction varie avec le passèrent en luttes contre les princes Uzbeks
vent. Le nom de Bab-el-Mandeb signifie en ou Turcs , ses voisins, et contre ses propres
arabe la Porte des Larmes. parents qui voulurent profiter de sa jeunesse
BABEMBERG, ancienne famille issue res
pouroùluiBaber
disputer
fut son
tantôt
héritage.
vainqueur
Dans ces
, tantôt
guer-.
d'une des plus illustres maisons des Francs,
et qui appartient à la première dynastie qui vaincu, et dans lesquelles il prit et perdit
a gouverné l'Autriche, à laquelle elle a trois fois l'importante ville de Samarcande,
fourni douze margraves. Dès le IXe siècle on il déploya de grands talents militaires et une
trouve cette famille en possession du comté énergie de caractère qui fut souvent mise à
de Bamberg, appelé aussi anciennement Ba- de rudes épreuves. C'est de l'année 1519(92o
bemberg , et situé sur les frontières de la Thu- de l'hégire ) que date sa première expédition
ringe et de la Franconie. Henri de Babem- dans l'Inde. Baber étaitalors maître des pays
berg , fils du comte Papon , qui , dans la cor de Caboul et de Candahar; mais les Uzbeks
respondance d'Éginhard, est qualifié de duc ses ennemis lui avaient enlevé Bokhara et
des Francs-Orientaux, fut envoyé en 886 Samarcande. Ses premières expéditions dans
par Charles-lc-Gros, à la tète des armées l'Inde se bornent a de simples incursions dans
d'Allemagne et de Lorraine, pour défendre les pays situés de l'autre côté de l'Indus. A
Paris contre l'invasion des Normands ; il pé la fin de l'année 1525 ( hégire 932 ) , Baber,
rit dans celte campagne. Son fils Adalbert instruit des disoordes qui divisaient les prin
fut mis à mort par Louis IV, roi d'Allemagne, ces Afghans de la dynastie alors maîtresse do
qui voulut venger sur lui Conrad, duc de l'empire de Dehli , se dirigea vers cette capi
Franconie, tué dans la guerre injuste qu'il tale, d'où le chef afghan Ibrahim Lodi vint
avait entreprise pour s'emparer du comte de à sa rencontre à la tête de cent millehomnies.
Babcinberg. Les enfants d'Adalbcrt furent Baber, qui n'en avait que douze mille à lui op-
BAN ( 381 ) BAH
poser, ne craignit pas d'accepter la bataille de l'an m (1795) fut mise en activité; son
dans la plaine de Panipat , et remporta une exaspération et sa frénésie no connurent
victoire complète dans laquelle périrent plus de bornes; mais le gouvernement prit
16,000 Afghans avec leur chef Ibrahim Lodi. la chose au sérieux , il fit poursuivre Babeuf
Le vainqueur marcha sur Dehli dont il s'em et ses adhérents devant la haute-cour assem
para, et réduisit ensuite l'importante ville blée a Vendôme expressément pour les ju
d'Agra. Malgré ses divers succès > il était en ger. Condamné à mort en 1797, Babeuf es
core loin de posséder la totalité de l'empire saya de se poignarder pour se soustraire au
afghan dans l'Inde, et pendant les cinq an supplice ; mais le coup qu'il se porta n'ayant
nées qui suh irent , il fut sans cesse en guerre pas été mortel , il fut exécuté le 25 mai de
contre des chefs afghans ou indiens qui re la même année. Les débats de son procès, qui
fusaient de reconnaître son autorité. Ce fut fixa dans le temps l'attention publique, for
peut-être celte vie agitée qui amena la fin ment 6 vol. in-8.
prématurée de Baber , dans la quarante-neu BABIN (François) naquit à Angers en
vième année de son âge. 11 mourut en 1530 1651 ; il embrassa l'état ecclésiatique, et mou
( hégire 936 ), et son fils aîné Homayoun lui rut, en 1734, chanoine, grand-vicaire et
succèda.Outre son courage et sa persévérance, doyen de la facullé de théologie d'Angers.
Baber se dislingue par des qualités rares chez C'est lui qui composa la plus grande partie do
les conquérants orientaux , la douceur, la gé l'ouvrage théologique connu sous le nom de
nérosité, l'amour de la justice. Il avait un Conférences d'Angers. Il en rédigea 18 vol.
goût prononcé pour la poésie. On a sur sa de la première édition en 28 vol. in-12. Ils
vie et ses opérations militaires des mémoires sont
thode.écrits
Les avec
traités
beaucoup
qui suivent,
de clarlé
Sur la
et grâce
de mé-,
fort curieux rédigés par lui-même en turc
jagalaï, et dont il existe une traduction an Sur les états, Sur les péchés, etc., sont de
glaise de MM. Leyden et Eyskine , publiée à différents auteurs , et n'ont pas la netteté et
Londres en 1826. On peut consulter sur ces la précision qui distinguent ceux de Babin.
mémoires un article de M. Silvestre de Sacy, BABOUD {marine), le côté gauche du
dans le Journal des savants de 1829. navire, en supposant le spectateur placé à
BABEUF ( François - Noël ) naquit à l'arrière et regardant l'avant; par extension
Saint-Quentin; sa jeunesse orageuse ne fut tout ce qui, à bord ou à terre, se trouve
pas exemple d'excès , qui appelèrent sur lui placé à la gauche du marin. Bâbord est un
l'attention de la justice. Au commencement mot appartenant au nord ; il est formé de
de la révolution il en embrassa la cause avec bord, la planche (le côté et le vaisseau par
ardeur. Ayant été nommé administrateur du extension), et de bag ou bak, dont le véri
district de Montdidier, il fut accusé de faux table sens, dans son adjonction à bord, est
et mis en prison. Ne comptant pas beaucoup assez difficile à déterminer. Au côté opposé
sur son innocence, il s'évada et rentra furti à celui qu'on nomma styrbord ou stribord
vement à Paris, où il publia un pamphlet in (voy. Trirord), parce que le gouvernail styr
titulé : Du système de dépopulation, ou la Vie y était adapté sans doute dans les anciens
tt les crimes de Carrier, 1 vol. in-8. Cette navires normands, était placé un objet im
brochure, dirigée contre les jacobins et les portant appelé bak ou bag qui nomma ce bord
terroristes, aurait pu faire croire que Babeuf du navire. Quel était cet objet ? nous l'igno
était revenu à résipiscence et à certains prin rons; la tradition, en nous conservant le
cipes de modération. Point du tout , il ne nom , ne nous a pas transmis le souvenir de
tarda point à rédiger un journal intitulé : le la chose à laquelle il s'attachait. Peul-élro
Tribun du peuple, dans lequel il prit le nom était-ce le banc des officiers et principaux
de Gracchus Babeuf; mais attaquant succes personnages du navire , ce bak qu'au xvnie
sivement tous les partis , il avait trouvé un siècle on retrouve au théâtre d'Amsterdam
moyen sûr de concentrer sur lui toutes les désignant les sièges d'honneur; car ce ne
haines. Comme ses diatribes incendiaires peut être le back signifiant château d'avant ;
étaient particulièrement dirigées contre le le bug signifiant bague en hollandais , et sac
gouvernement, il n'est pas surprenant qu'il en anglais; le bak qui, en flamand, désigne
ait élé arrêté plusieurs fois, et contraint de l'auge comme en hollandais , le back anglais
suspendre la rédaction de son journal. Ce exprimant l'idée de derrière ; enfin le baak
pendant il la reprit, lorsque la constitution ou bake allemand , qui signifie la bouée. Quoi
li.Ul ( M2 ) BAH
qu'il en soit , le vieux norvégien avait bak- BABYLONE. Le nom de celte ville, qui
borda ( voir la loi de Berghen de 127i , Far- signifie en hébreu mélange, confusion, eA
manna - log , cliap. xxui ) ; le norvégien mo resté dans l'histoire profane comme un mo
derne a bagbord; le suédois a le même mot ; nument irrécusable de son antique et célèbre
le hollandais et le flamand ont buxboord; origine. « Ceux qui avaient échappé au dé-
l'allemand a bakbord. L'ancien italien , le » luge, dit Eupolème dans un passage d'A-
vieil espagnol et le vieux portugais, qui » lexandre Polyhistor, cité par Eusèbe, con-
avaient orsa et orça , ont emprunté au fran » struisirent d'abord la ville de Babylone, cl
çais son bâbord, prononciation adoucie du » celle tour si vantée par tous les historien?,
mot Scandinave, et ils ont fait babor et ba- « qui fut renversée par le pouvoir de laDivi-
bordo ; l'anglais a barboard. — Bâbord s'ac » nilé. » ( Euseb. , Prep. Ev. , I. ix. )
cole à une foule de commandements . bâbord La famille do Noé s'etant prodigieusement
la barre, pour pousser la barre du gouver multipliée conçut, en effet, le dessein de
nail à gauche; brasse bâbord, pour haler les construire, sur les riches plaines deSennaar,
bras des vergues du coté gauche; feu bâbord, une ville, et une tour dont le sommet devait
pour feu des canons de gauche , etc. L'équi se perdre dans les nues ( Gen. , xi, 3). La
page d'un navire est partagé en deux parties, Bible nous apprend qu'au lieu de pierres on
qu'on désigne par les deux côtés du bâtiment ; fit usage de briques cuites au feu , et liées
il y a les tribordais et les bdbordais. Quand ensemble par du bitume, fort commun dans
on veut appeler ceux-ci pour leur service , ces contrées ; et Hérodote cite exaclement
on crie : Bâbord au quart! c'est-à-dire, hom le même genre de matériaux en parlant des
mes du quart de bâbord, montez sur le pont. constructions de Babylone (Clio. 179). Les
— Bâbord, comme place, est moins noble enfants de Noé voulaient, avant de se disper
que tribord, sur le gaillard d'un vaisseau ou ser sur la surface de la terre , ériger un mo
dans la chambre d'une embarcation. A la per nument qui rendit leur nom célèbre : peut-
sonne la plus considérable appartient tribord, être même espéraient-ils se ménager, en cas
comme dans une voiture, dans une loge, dans d'événement, un refuge qui pût, à l'avenir,
un cortège ; bâbord est laissé aux officiers et les dérober aux vengeances célestes. Or,
passagers d'un rang inférieur. A. Jal. comme les travaux se poursuivaient avec le
BABOUCHES, espèce de pantoufles à plus d'ardeur, Dieu se plut à déjouer leur
quartier qui sont la chaussure la plus usitée projet insensé. Il mit entre les ouvriers une
dans le Levant, en Barbarie et en Turquie. telle confusion de langage qu'ils ne s'enten
On les fait pour l'ordinaire eu maroquin dirent plus les uns les autres , et ne pouvant
jaune; mais il y en a aussi de rouges, de dès lors ni commander ni obéir, ils furent
bleues et de noires. Le mot babouche est per obligés d abandonner leur entreprise.
san, et devrait se prononcer papousche : il A une époque peu éloignée de celle dont il
est composé de pa, pied, et de pousche, ce qui est ici question, Nemrod, dit l'Écriture, chas
sert à couvrir. Les Arabes, auxquels le son de seur redoutable, devint puissant sur la terre,
la lettre P est inconnu, disent babouche, et c'est et fonda , sur les bords du Tigre et de l'Eu-
d'eux que nous est venue celte prononciation. phrale, un petit royaume dont Babylone fut
BABOUIN (mamm. ). Espèce de singe afri la capitale. Cette dernière circonstance lui a
cain, reconnaissable à sa couleur jaune ver- lait attribuer par quelques historiens l'ori
dâlreel à ses favoris blanchâtres, (voy. Singe.) gine de cette ville ; mais il est plus vraisem
BABYLAS (Saint), évêque d'Antioche, blable qu'il se contenta de l'environner de
défendit , dit-on, l'entrée de l'église à l'em murailles et de reprendre les travaux déjà
pereur Philippe, qui était monté sur le trône commencés , pour s'y établir avec les siens
par le meurtre de Gordien. Jeté dans les fers et soumettre de là tous les environs à son
pendant la persécution de l'empereur Dèce, il empire.
mourut dans la prison l'an 251 de J.-C. Gallus Le zèle que Ninus , Sémiramis, Nabucho-
César fit transporter ses restes à Daphné , donosor et Nitokris mirent, dans la suite, à
faubourg d'Antioche. La stalue d'Apollon agrandir celle ville et à 1 orner de somptueux
qui y rendait des oracles devint muette, et édifices, les a fait quelquefois désigner comme
dans la suite Julien-l'Apostal fit reporter le les fondateurs de Babylone. Sans entrer dans
corps de saint Babylas dans la ville, espérant la discussion des droits que chacun d'eux
par là délier la langue de cet oracle. peut avoir à ce glorieux litre , et sur lesquels
BAB 383 ) BAI
les anciens eux-mêmes sont loin d'être d'ac endroits où les rues de traverse aboutissaient
cord, nous rappellerons ici ce qu'ils ont écrit au fleuve. Elles s'ouvraient le jour, afin de
de plus intéressant et de mieux accrédité sur mettre en communication les deux parties
tant de merveilleuses constructions. de la ville, et les habitants traversaient eu
Babylone était située sur les bords de l'Eu- bateau, d'un bord à l'autre , jusqu'au temps
phrate, qui, par son cours, la divisait, du où une nouvelle construction vint leur offrir
nord au sud , en deux parties égales. Les un passage plus commode.
murs de son enceinte, hauts de 350 pieds, Sémiramis fit bàlir au milieu de la ville un
et que Darius, fils d'Hystaspe, réduisit à 75, pont qui avait, selon Diodore (1. h), 30 pieds
en punition d'une révolte , formaient, selon de large et 5 stades de long, quoique, hors
Hérodote, un carré de 480 stades de tour. On le temps des crues, un stade eût pu suffire à
s'est long-temps récrié sur les prodigieuses la largeur que Strabon (1. x\i ) donne au
dimensions que les auteurs profanes leur as fleuve. Ce pont consistait en plusieurs gros
signent; mais d après l'inspection des lieux piliers sans arches, élevés de distance en dis
et des ruines qui couvrent encore la plaine, tance , avec d énormes pierres liées ensem
les voyageurs modernes ne balancent pas à ble au moyen du fer et du plomb fondu. Un
dire qu'elles devaient être fort considérables. plancher mobile de cèdre et de cyprès était
Ces murs avaient 90 pieds d'épaisseur ( Slra- posé pendant le jour sur des poutres de pal
bon, I. xvi). Ils étaient surmontés de tours mier ( Diod. , 1. n ) , et chaque soir on le re
bâties sur les deux bords, les unes vis-à-vis tirait, si nous en croyons Hérodote , pour
des autres , et il restait encore entre elles empêcher toute communication pendant la
assez d'espace pour qu'un char attelé de qua nuit entre les deux parties de la ville. Les
tre chevaux pût y tourner facilement. Une voyageurs modernes parlent d une ouverture
tranchée large et profonde , revêtue de bri qui marquerait encore sur le fleuve l'endroit
ques et remplie d'eau, formait comme un d'où le pont devait partir. Banwolf et Mi-
fossé et entourait la ville entière. Sur chacun gnan en ont même découvert, dans la saison
des quatre cotés étaient vingt-six portes d'ai où les eaux sont basses, des restes assez con
rain massif. Darius les fit enlever (Hérodot., sidérables, ainsi que des crampons de fer,
1. iv, 159 ) lorsqu'il voulut mettre Babylone qui vraisemblablement entraient dans sa con
hors d'état de se révolter encore dans la struction.
suite. Aussi, de toute cette magnifique en Vers les deux extrémités du pont se trou
ceinte, la force et l'orgueil de Babylone , à vaient deux palais , dont l'un surtout ne le
peine reste-t-il quelques débris informes et cédait en beauté à aucun des autres ouvrages.
épars ; mais l'image en est conservée sur des Sémiramis, suivant les uns, ou Nitokris, d'a
médailles de Tarse. ( Cours d'archéologie de près les autres, les avait mis en communica
M. B. Bochette, 1837. ) tion par une galerie construite sous le lit de
Aux différentes portes venaient aboutir les l'Euphrate (Hérodot., 1. i...j Diod., 1. m....;
rues de la ville ( Clio ), au nombre de cin Philoslrate, 1. 1). Les bords du fleuve n'ont
quante, dont la moitié coupaient à angle pas encore été suffisamment débarrassés des
droit, les vingt-cinq autres qui se dirigeaient sables qui les encombrent pour faire recon
vers l'Euphrale. Toutes ces rues étaient bor naître quelques traces de ce fameux tunnel;
dées de maisons à trois ou quatre étages, ri aussi fut-il long- temps regardé comme une
chement ornées sur le devant et séparées fable. Mais les travaux exécutés de nos jours
les unes des autres. En général, ce que la à Londres , sous le lit de la Tamise , rendent
ville occupait de terrain offrait des inter son antique existence beaucoup moins in
valles assez considérables que l'on pouvait vraisemblable.
ensemencer , afin , dit Quinte-Curce , qu'en Quant à l'emplacement des deux palais ,
temps de siège les habitants trouvassent dans des ruines colossales et qui ne peuvent échap
le sol même qu'ils avaient à défendre de quoi per aux regards du voyageur l'indiquent en
fournir à leur propre subsistance ( 1. v, 1 ). core. Celui de la rive droite, appelé commu
Sur les deux rives de l'Euplirate était bâ nément Birs-Nemrods , était l'ancienne de
tie une grande muraille de briques et de bi meure des rois de Babylone; l'autre, plus
tume , de la même force que les remparts , moderne , et leur séjour plus ordinaire , le
quoique un peu moins large. On y avait pra surpassait de beaucoup par son étendue et sa
tiqué des portes d'airain {Clio, 180), aux magnificence. « Les restes du premier , dit
BAB n vb
» M. Raoul - Rochelle ( Cours d'archéologie , dins suspendus décrits par Diodorc, et dont
» 1837), présentent un monument de forme Bérose (dans Josèphe, Anliq., liv. x) fait hon
» oblongue , irrégulière , de 2082 pieds de neur à Nabuchodonosor. Ce monarque les
» tour. Sa hauteur est inégale, et varie de aurait fait construire pour plaire à Amylis ,
» 50 à 60 pieds à l'occident , jusqu'à p ès de son épouse, qui regrettait à Babylone les
» 200 à l'orient. Celle immense terrasse est montagnes et les forêts de la Médic, sa patrie.
v surmontée d'un reste de muraille de bri- D'autres les attribuent à Nitokris, mère de
» ques cuites et non simplement Bêchées au Labyneltc, dernier roi babylonien, le Ballha-
» soleil, haut de 35 pieds et divisé en trois sar de l'Ecriture sainte.
«étages; par sa construction et ses maté- Quoi qu'il en soit, ils formaient un carré
» riaux il indique des appartements inlé- de 1,600 pieds de tour, et présentaient en
» rieurs. Des monceaux de briques, des pans amphithéâtre plusieurs vastes (errasses, dont
» de murailles entiers se sont détachés et la dernière s'élevait à la hauteur des mu
» jonchent le terrain. Tous les voyageurs ont railles de la ville. On montait de l'une à l'au
» remarqué avec un vif élonnement et une tre par des escaliers larges de dix pieds, dans
» profonde émotion d'immenses masses de lesquels se trouvaient des pompes (Strab.,
» briques vitrifiées comme par l'action d'un Hérodot.) disposées de manière à faire mon
» feu violent : symptômes éclatants de quel- ter l'eau île l'Euphrate et à la distribuer sur
» que grand désastre, signes évidents de la chaque plate-forme. La masse entière était
» foudre qui a détruit ce monument. De soutenue par de fortes galeries bâties l'une sur
» l'examen de ces débris il résulte qu'on l'a- l'autre, et recouvertes de lames de plomb,
» vait construit en pyramide , et qu'il s'éle- sur lesquelles on avait transporté la terre.
» vait à une très grande hauteur. Les criti- Les couches y étaient assez profondes pour
» ques ont hésité s'ils le devaient reconnaître laisser tout leur développement aux racines
» pour la tour de Babel ou bien pour le tem- des plus grands arbres. Aussi toutes les ter
» pie de Bélus; quelque; uns ont même cru rasses en étaient-elles couvertes, aussi bien
» retrouver ici ces deux monuments dans une que de toute sorte d'arbustes et de fleurs; à
» seule ruine. Mais ces traces évidentes du tel point, dit Quinle-Curce (liv. v ) , que ces
» feu du ciel qu'elle porte encore , et qui in- magnifiquesjardins,vusdeloin,rcssemblaient,
» diquent la tour de Babel , sont une réfuta- selon les vœux d'Amytis, à des montagnes
» lion suffisante de ce système. » Le Birs- ombragées de forêts. Il serait bien difficile de
Nemrods lire donc un haut intérêt de la reconnaître , dans les ruines qui se voient sur
possibilité, admise aussi par MM. Rich et les lieux , des traces certaines de ces gigan
Raymond , que c'est la même tour que les tesques travaux. Cependant les Arabes ap
descendants de Noé élevaient dans la plaine pellent ces ruines Al-Kassr, ou le palais , et
de Sennaar, lorsque la construction en fui les voyageurs croient y retrouver un témoin
interrompue d'une manière si mémorable irrécusable des jardins d'Amylis. « Au milieu
( Gen. x ). On avait bàli le Birs en retrait, » de la désolation de Babylone, dit M.Raoul-
par élages superposés , dont trois subsistent » Rochelte ( Archéol., 1837 ), dans le terri-
encore. Cette forme, que l'on croyait parti » loire de laquelle on n'aperçoit aucune baulc
culière à la tour du grand temple de Bélus » végétation, s'élève, sur la place des jardins
décrite par Hérodote ( liv. n ) , mais dont on » suspendus, un arbre portant tous les carac-
retrouve des exemples dans les anciens tem » tères de la plus haute vétusté, à demi dé-
ples de l'Inde, avait causé l'erreur que com » chiré par le temps , et ne montrant plus
bat M. Raoul-Rochette. » qu'au bout des branches une apparence de
Le palais de la rive gauche était environné » végétation. Du reste , les naturalistes l'ont
d'une triple enceinte de murailles, séparées » reconnu pour appartenir à une espèce qui
l'une de l'autre par un espace assez considé » ne se retrouve que dans l'Inde, el qui, par
rable, et embellies de sculptures qui repré » conséquent , esl étrangère au pays. » Les
sentaient au naturel diverses sortes d'ani indigènes l'appellent alhéti.
maux. On y remarquait entre autres choses Au nord, et à quelque distance des jardins
une chasse où Sémiramis à cheval lançait un suspendus, était l'un des monuments les plus
javelot contre un léopard , et Ninus , son remarquables de Babylone , la tour du grand
époux, perçait un lion (Diod., liv. il). De ce temple de Bélus. Une enceinte carrée ( Hé
dernier palais dépendaient les célèbres jar rodot., Clio ) de huit stades de circuit, desti
BAB ( 385 ) BAB
née aux édicules, ou habitations des soi x an le- Sur le faite du temple, trois statues repré
dix préires dont parle Daniel (xiv, 9), isolait sentaient les divinités désignées dans la G rècee
ce célèbre monument de tout édifice profane. sous les noms de Ztù;, li'pa et Ptà. La pre
Sa construction remontait à une époque très mière, haute de quarante pieds, selon Dio-
reculée; toutefois elle n'avait pas élé ache dorc (liv. il) , était debout et un pied devant
vée, ou du moins elle était déjà altérée par l'autre. La seconde tenait de la main droite
les siècles lorsqu'il prit sa forme définitive par un serpent par la tête, et de la gauche un
les soins de Nabuchodonosor { Bérose , Josè- sceptre enrichi de pierres précieuses. La troi
plie, Antiq., liv. x). Huit étages en retraite sième était assise, ayant à ses pieds deux
donnaient à cette tour, entièrement massive, lions debout et deux serpents. Les historiens
la forme d'une pyramide à base carrée. Elle nous disent aussi qu'elles étaient en or mas
avait un stade de hauteur et autant de lar sif; mais leur témoignage sur ce point no
geur sur chacune de ses faces, c'est-à-dire doit pas être acceplé sans contrôle. « Les
que chaque dimension était de 300 ou de » écrivains grecs, dit à ce propos M. Raoul-
4i4 pieds, selon qu'Hérodote entend parler » Rochelle {Archéol., 1837), sous le coup d'un
du petit stade ou bien du slatle persique. On » spectacle si étrange, exprimaient plutôt une
montait d'un étage à l'autre par un escalier » admiration naïve et crédule que le résultat
tournant à l'extérieur. Au centre de l'édifice, » d'un examen éclairé. Par bonheur nous
une vaste salle , ornée de sièges somptueux, » avons des contemporains dont les rensei-
servait de lieu de repos. Au faite était con » gnements sont irrécusables, des observa-
struit le temple du dieu, dont les richesses ne » teurs que leur position tenait à l'abri des
s'élevaient pas à moins de 5^,000,000 de fr. de » prestiges d'un spectacle merveilleux; et ces
noire monnaie, d'après les calculs d'Hérodote, » contemporains, ces observateur?, ces té-
qui l'avait visité. Au milieu du temple était » moins, ce sont les prophètes hébreux, dont
un lit d'or et une table de même métal. La » plusieurs ont habile Babylone, et qui regar-
statue de Bélus, placée dans une chapelle in » liaient sans extase des divinités qui n'étaient
térieure , était aussi d'or, de même que les » pour eux que des ouvrages d'artistes. Or
meubles. Deux autels servaient aux sacrifices : » ils nous ont laissé, tant sur la fabrication
sur le plus petit, en or massif, coulait le sang » de ces idoles que sur leur conformation, des
des animaux à la mamelle; le plus grand » détails circonstanciés d'où nous pouvons
était destiné à l'immolation des animaux » conclure que les simulacres gigantesques
adultes. En face delà statue, qui représen » des temples babyloniens n'étaient que des
tait le dieu assis, était une seconde table d'or » troncs d'arbres équarris et sculptés en forme
sur laquelle on servait chaque jour à Bélus » humaine, puis revêtus de lames d'or et
d'abondantes provisions en nature que les » d'argent à une assez grande épaisseur. »
prêtres venaient consommer furtivement Sur la plate-forme qui dominait le temple
pendant la nuit, accompagnés d'une suite était un observatoire où les prêlres se li
nombreuse de femmes et de petits enfants. vraient, suivant les dogmes du sabeisme, à
Personne n'ignore les récils de Daniel (xiv) à l'élude assidue des révolutions célestes. Les
ce sujet, et le moyen si simple dont il se servit résultats de leurs observations, inscrits sur des
pour découvrir à Cyrus la fraude de ces im briques cuites au four, remontaient, d'après
posteurs -, et l'on sait aussi que de | areils faits Simplicius lors de la conquête des Grecs, à dix-
ne sont pas sans exemple dans l'antiquité neufsiècles(SyneeHe,Cy»rono0r.,p. 29;Simpl.
profane. Outre cette première slatue assise, de Ccelo, liv. h). Porphyre assure qu'Alexan
il y en avait une autre , encore d or, haute de dre eut le soin de les envoyer à Aristote. Mais
douze coudées, debout et un pied devant l'au ce fait est loin d'être inconlestable, ce philo
tre, dans la position d'un homme qui marche. sophe n'en ayant fait aucune mention dans
Hérodote avoue qu'il ne l'a point vue ; il te ses ouvrages, pas même dans ses quatre li
nait ce qu'il en a écrit des Chaldéens, ou prê vres du Ciel, où il traite du mouvement des
tres de Belus. Tout l'intérieur de l'édifice astres. D'ailleurs Ptolomée, qui rechercha dans
élait décoré d images de toute forme et de la suile les écrits et les observations des an
tout métal, ainsi que des riches offrandes que ciens astronomes, n'eu trouva aucune qui re
les crédules Babyloniens y déposaient tous les montât chez les Babyloniens avant l'époque
jours au profit des sacrificateurs et des fa de Les
Nabonassar.
murs des étages inférieurs étaient cou-
milles sacerdolales ( Baruch, \i ).
Encycl. du XIX' liicle, t. IV. 28
BAB ( 386 ) BAD
-verls d'images d'animaux monslrueux con nous apprend qu'il était encore debout trente
sacrés à Bèlus en mémoire de ces bizarre3 ans après qu'on l'eut dépouillé de ses riches
créations que Bérose [Biblioth. grec, de Fa- ses. Ce que nous lisons dans Arrien (liv. vn,
brie,, t. xv) décrit comme les premiers essais 5) doit donc s'entendre des habitations sa
de la nature. C'étaient, d'après cet écrivain, cerdotales que Xerxès se contenta de ruiner,
des hommes à deux ailes, ou bien à quatre sans doute pour se venger de la résistance
ailes et à double visage. D'autres réunissaient qu'il avait éprouvée de la part des gardiens
les deux sexes et avaient des cuisses et des de 1 idole-
cornes de bouc avec des pieds de cheval, ou Après la mort d'Alexandre, Séleucus Ni-
bien encore ils avaient la parlie supérieure cator, son successeur dans cette province,
du corps d'un homme et la parlie inférieure transporta à Séleucie les habitants de Baby
d'un cheval, comme les hippoeenlaures. On lone, dans l'intention de réduire au néant
y voyait aussi des taureaux à tète humaine, celle antique métropole et de lui substituer
des chiens à quatre corps qui se terminaient la nouvelle cité qu il venait de bâtir (Pline,
en poissons, des chevaux à tête de chiens, des Uitl. nat., liv- vi, 30). Toutefois, gardant une
hommes à tête de chevaux, et autres mon apparence de respect pour le dieu presque
struosités de toute sorte. Outre ces emblèmes ■oublié, il permit à ses prêtres de relever les
singuliers des superstitions babyloniennes, ruines de l'enceinte et d'habiter de nouveau
tous les actes de la vie publique, lois, traités, autour du temple, afin de conserver à Bélus
fondations des monuments, et probablement quelques derniers adorateurs.
le récit des événements célèbres, étaient gra Dans le n« siècle de notre ère, Pausanias
vés en caractères cunéiformes sur les parois visita Babylone et trouva encore c<> gigantes
des édifices. Cet usage, comme tant d'autres, que monument, qu'il appelle le plus grand
est passé de l'Orient chez les Crées et les Ro reste de la ville (/» arcad., liv. vin). C'est le
mains ; il est sans doute le principe des nom dernier écrivain de l'antiquité qui nous en
breuses inscriptions monumentales qu'ils ont parle. Les voyageurs modernes croient re
laissées à la postérité. connaître son emplacement dans les ruines
Le temple de Bèlus fut enrichi des offran d'une immense tour carrée bâtie de briques
des des rois et du peuple et honoré de tous à inscriptions cunéiformes, et surmontée de
tant que dura la domination des Chaldéens à débris de constructions. Cet assemblage con
Babylone. Mais après la conquête de Cyrus il fus, que les indigènes appellent Mudjélibé,
déchut rapidement. Indigné de la fourberie c'est-à-dire renversé sens dessus dessous,
que Daniel avait découverte, ce prince mit à n'est plus qu'un ample magasin de briques,
mort les sacrificateurs et permit au prophète une carrière inépuisable de matériaux pour
de renverser l'idole et ses autels. lis furent tous les peuples qui, depuis quinze siècles, se
relevés dans la suite; mais le sanctuaire du sont succédé dans la contrée.
dieu cessa dès lors d'être sacré pour les con A toutes les merveilles que les anciens dé
quérants de Babylone. Darius osa le violer crivent pour 1 intérieur de Babylone, ses puis
par sa présence; il songea même, dit Héro sants monarques avaient ajouté des travaux
dote (Clio, 183), à enlever la statue d'or de faits au dehors non moins dignes d admira
douze coudées, et il ne se désista de son en tion, mais qui avaient beaucoup plus d'uti
treprise que parce qu'il ne voulut point faire lité que de magnificence. Les pluies de l'hi
violence au prêtre qui s'y opposait. Xerxès, ver, et surtout, dans la saison des hautes
son fils et son successeur, fit tuer ce prêtre au températures, la fonte des neiges (Arrien,
retour de son expédition contre la Grèce, et liv. vu, 6) des montagnes d'Arménie, occa
il s'empara de la statue, ainsi que des riches sionnent des crues considérables; l'Euphrate,
trésors qu'il trouva dans le temple. Il ne vou franchissant ses bords, couvre les campagnes
lut pourtant pas le démolir, comme Strabon de ses eaux de la même manière que le Nil se
et Arrien l'ont écrit; car Bérose {Biblioth. déborde en Egypte. Comme le pays en souf
grec, de Fabric, t. xv), qui vivait peu après frait de grands dommages, et que la ville pou
la mort d'Alexandre, rapporte que de son vait être inondée par les cinquante portes
temps on voyait encore sur les murs des cha d airain qui conduisaient au fleuve, on prati
pelles intérieures les images d'animaux mon qua des canaux extérieurs, afin de détourner
strueux qu'il nous a fait connaître, et la des les eaux débordées dans un vaste réservoir et
cription qu'Hérodote a faite de ce temple dans le Tigre. Le lac ainsi formé (Abydènc
BAR ( 387 ) BAB
«ans Eusèbe, Prep. Ev., liv. ix; Hérodote, d'une vie molle etoisive, et l'armée viclorieuso
liv. i, 185) ne servait pas seulement à protéger de Cyrus était sous les murs de Babylone,
le pays contre les inondations, il contribuait Comme les préparatifs de défense de la place
aussi à le fertiliser. Des écluses convenable avaient été faits depuis long-temps (Hérodot.,
ment disposées distribuaient à propos les eaux liv. i, 190 ) et que les provisions étaient fort
dans la plaine pour arroser les terres voi abondantes, les assiégés se tenaient dans uno
sines. sécurité parfaite. Comptant d'ailleurs sur les
Telle était, aux jours de sa gloire, cette su fortifications qu'ils regardaient comme impre
perbe Babyloiie que les historiens de 1 anti nables, ils se riaient de leurs ennemis et des
quité profane se sont plu à décrire avec tant fossés qu'ils creusaient autour de la ville. En
de magnificence. Les détails qu'ils nous ont fin le siège durait depuis près de deux ans, et
transmis ont dû long-temps paraître exagé Cyrus commençait à en craindre l'issue, lors
rés; mais les nombreux résultats des recher qu'il apprit que les Babyloniens touchaient à
ches modernes (R. Rochette, Cour* d'archéol., l'époque d'une fêle solennelle , qu'ils avaient
1837) justiGcnt l'admiration que ces écrivains coutume, dit Hérodote ( ibid.) , de célébrer
excitèrent chez leurs contemporains, et nous au milieu des danses, -de l'ivresse et de la
donnent le droit d'attendre de l'avenir des débauche ( Xénoph., Cyrop., vu). Afin de se
découvertes bien plus grandes encore, et peut- tenir prêt à profiter d'une occasion si favo
être plus importantes que celles qui ont eu rable, il détourna les eaux de l'Euphrate, et,
déjà lieu. au moment où les assiégés s'y attendaient le
Nous lisons dans le prophète Daniel (iv,27) moins, il introduisit ses troupes dans la place
que Nabuchodonosor, parcourant un jour les à la faveur des ténèbres de la nuit et par le
somptueux palais dont il avait enrichi celte lit du fleuve devenu guéable. Daniel (V, 1,
ville, s'écria, rempli d'admiration : « N'est-ce 2, 3. ..30) nous peint la sécurité profonde dans
» pas là celte grande Babylone dont j'ai fait laquelle Labyuette était plongé à ce moment
» le siège de mon empire, que j'ai bâtie dans fatal : il donnait sans doute, à l'occasion de
» la grandeur de ma puissance et dans l'éclat sa fêle, un grand festin à mille des principaux
» de ma gloire ! » Cet orgueilleux monarque seigneurs de la cour, à ses femmes et à ses
était loin de se douter que l'heure de ses pro concubines, lorsque le palais fut forcé et en
pres humiliations avait déjà sonné , et que vahi par les Mèdes. En un instant cette ter
Babylone touchait au terme de sa puissance, rible catastrophe se lermina par la mort san
l a chute et la ruine entière de cette ville glante du monarque et de ses principaux of
aient annoncées depuis long-temps. Plus ficiers, et par la ruine de l'empire ( Cyrop. ,vn),
de cent ans avant la naissance de Cyrus , Sans nous arrêter aux difficultés que l'on
Isaie (Xixv, 28 et suivants ) l'avait même peut faire ici sur le canon des rois de Baby
désigné par son nom comme le vainqueur lone , et qui ne sont pas de noire objet, nous
des Assyriens et le vengeur des peuples qu'ils ferons observer que cette ville, en tombant
retenaient dans l'oppression. Nabuchodono au pouvoir de Cyrus, changea de maîtres sans
sor était h peine descendu dans la tombe, et rien perdre de son premier éclat. Los rois de
déjà ce prince traversait l'Asie en conqué Perse, jusqu'au règne de Darius, fils d'Hys-
rant, à la tête des Mèdes et des Perses (Cy- taspe, y fixèrent leur séjour habituel. Mais
rop., liv. vi ). Nilokris, au premier bruit de depuis la révolte des Babyloniens contre ce
ses exploits dans l'Asie supérieure, ne doute prince, ils donnèrent la préférence à Persc-
point qu'il ne songe à s'emparer plus tard de polis , à Suze et à Ecbalane. Babylone était
Babylone. Elle s'occupe donc à fortifier cette pourtant encore très considérable lorsqno
place, en augmentant ou en perfectionnant Alexandre, au retour de son expédition dans
les divers genres de travaux que Nabucho l'Inde , voulut y faire son entrée triomphale
donosor n'avait pu terminer pendant le cours ( Arrien, liv. vu, 6 ). Il l'aurait même rappe
de son règne. lée à son antique splendeur si la mort n'eût
Cependant Labynetlc ou Ballhasar, petit- arrêlé l'exécution de ses projets.
fils de ce dernier roi , livré à ses plaisirs, se Peu d'années après , le voisinage de Sèleu-
déchargeait entièrement du soin de l'empire cie, nouvellement construite sur le Tigre, af
sur Nitokxis , sa mère. Après avoir fait quel faiblit ( Strabon , liv. xvi ; Pline, But. nat.,
ques faibles efforts pour arrêter le torrent, il liv. vi ; insensiblement la ville ancienne , de
ne songeait plus qu'à s'abandonner aux délices venue d'ailleurs fort incommode depuis l'i
li.Vlï ( 388 ) BAB
nondation causée dans tout le pays par la » Cette superbe Babylone, la gloire des royau-
rupture des digues de l'Euphrate. Aussi, du » mes, l'orgueil des Chaldéens, sera détniile
temps de Strabon et de Diodore , Babylone » comme Sodome et Gomorrhe..... Elle sera
était-elle presque déserte ; et, dans leivsiècle » déserte jusqu'à la fin des siècles ; les génè-
de notre ère, ses murs, qui subsistaient en » râlions ne la verront pas rétablie; l'Arabe
core , ne formaient plus, au rapport de saint » n'osera y planter sa tente, et les pâtres n'y
Jérôme ( sur le chap. xm d'Isaïe ), que l'en » laisseront pas reposer leurs Iroupeaux. Elle
ceinte d'un parc où les rois de Perse faisaient » deviendra le repaire des bêtes féroces; ses
enfermer des bétes sauvages pour se -donner » palais seront remplisse serpents , les autru-
le plaisir de la chasse. Bientôt ces murailles » ches y viendront habiter, et les satyres y
tombèrent d'elles-mêmes en divers endroits » feront leurs danses. Des oiseaux sinistres
sans être jamais réparées, et Benjamin de » s'y feront entendre, des animaux sauvages
Tudellé assure qu'il n'en restait plus rien sur » y pousseront des hurlements , et des mon-
pied dans le xue siècle. » sires affreux affligeront ces palais élevés à
o La plaine où fut autrefois Babylone , dit » la volupté. » L'abbé Caseto.
• M. Baoul-Bocliette(Cowr*(i'aj eAéei.,1837), BABYLONE, ville de la Basse-Egypte;
» est aujourd'hui couverte , dans une étendue elle était située au nord de Memphis, et à
» de dix-huit lieues, de débris, de monticules quatre lieues de cette ville célèbre, immédia
» à demi renversés, d'aqueducs et de canaux tement au-dessus de l'endroit où commençait
» à demi comblés. Ces décombres se sont mê- le canal ouvert entre le Nil et la mer Rouge.
» lés à un tel point qu'il est souvent impos- Son nom a paru à quelques géographes indi
» sible de reconnaître la place et les limites quer son origine; d'après eux, elle aurait
» certaines des édifices les plus considérables. été fondée par une colonie de Chaldéens qui
» La désolation ( Jérémie , m) y règne dans géraient vonus se réfugier en Egypte après
» toute sa laideur. Pas une habitation, pas un les malheurs et la destruction de leur pairie.
■» champ , pas un arbre en feuilles . c'est un D'autres pensent que les Perses de l'expédi
» abandoncomplet de l'homme et de la nature. tion de Cambyse la bâtirent après avoir ra
» Dans les cavernes formées par les éboule- vagé l'Egypte et détruit Héliopolis. On mon
» ments ou restes des antiques constructions, tre encore sur le Nil, non loin du Caire, les
» habitent des tigres , des chakals , des ser- ruines de Babylone.
» pents, et souvent le voyageur est effrayé par BABYLONIE. La Babylonie est celle
» l'odeur du lion. Ces ruines sont un objet de vaste contrée de l'Asie dont Babylone futau-
» terreur pour toute la conlrée : l'homme ne trefois la capitale. Elle était bornée au nord
» s'y arrête que pour détruire. Les caravanes pas la Mésopotamie, à l'ouest par l'Arabie-
» évitent de les traverser, et ce n'est qu'en Déserte, à l'est par la Susiade, et au sud par
» affrontant la mort que l'antiquaire peut les le canal Naal-Malcha, qui la séparait de la
» observer et les décrire. C'est ainsi que s'est Chaldée proprement dite. Le Tigre entre sur
» accomplie à la lettre la prédiction du pro- les terres de l'ancienne Babylonie à l'endroit
» phètelsaïe (xm), qui disait, au moment de où se trouvait un retranchement considéra
» la plus grande splendeur de Babylone : ble appelé Mur de Sémiramù , et l'Euphrate
« Je visiterai les crimes de cette contrée et commence à les arroser près de Cunaxa ,
» l'iniquité des impies; j'abattrai l'orgueil lieu célèbre par la bataille de ce nom, où pé
» des superbes, j'humilierai l'insolence des rit Cyrus le jeune en combattant contre son
» tyrans. Le juste malheureux est plus pré- frère. Ces deux fleuves se jetaient l'un et
» cieux pour moi que l'or le plus pur... Des- l'autre dans le golfe Persique par deux em
» cendez du trône, asseyez-vous dans la pous- bouchures très distinctes ; mais les Orchéens
» sière, ô fille de Babylone ! asseyez-vous sur ayant détourné le cours de l'Euphrate pour
» la terre. Vous n'êtes plus sur le trône , fille arroser leurs terres, le premier lit fut entiè
» des Chaldéens.... Vous avez dit : Je régne- rement abandonné, et les eaux se sont tou
» rai éternellement, et vous ne vous êtes pas jours mêlées depuis à celles du Tigre près de
» représenté ce qui devait vous arriver un la ville de Korma.
» jour... Demeurez dans le silence et entrez Afin de rendre les communications plus fa
» dans les ténèbres, ô fille des Chaldéens ! ciles sur tous les points de la province, on
» parce que vous ne serez plus appelée, à l'a- avait creusé, entre les deux fleuves, qua
» venir, la dominatrice des royaumes tre canaux dont on retrouve encore des
BAB ( 389 ) BAB
traces (M«m. de VAcad.des Inscript. ,1. xxvm, que l'on connaisse. Les Arabes (Syiicelley
p. 246 }. Us étaient en même temps d'une Chronograp., p. 90), conduits par Mardocen-
grande utilité pour la culture des terres; car tès, après l'avoir défait, s'établirent à Baby
les pluies étant très rares sur celte vaste lone vers l'an 2500 avant l'ère chrétienne.
plaine, les habitants devaient y suppléer en Bélus- l'Assyrien, roi deNinive, les soumit à
arrosant à force de bras : ce qu'ils faisaient leur tour ( ibid., 92) à sa domination et leur
par le moyen de nombreuses machines pro imposa un tribut annuel, aprè9 avoir tué le
pres à élever l'eau , convenablement distri dernier des souverains arabes. H préludait
buées dans les campagnes. Du çesle , ce pé par ses exploits à la grandeur du premier em
nible travail , si nous en croyons Hérodote , pire d'Assyrie, dont l'histoire l'a nommé le
était amplement récompensé par la prodi fondateur.
gieuse fécondité du sol. « De tous les pays que Dès ce moment, privée de ses rois particu
» nous connaissons , dit cet historien , la Ba- liers,
nive. Babylone
Mais commefut sous
l'Euphrale
la dépendance
rendait
de Ni-
ses
» bylonie est le meilleur et le plus fertile on
» blé. La terre y est si propre à toute sorte communications faciles, d'un côté avec la Sy
» de grains qu'elle rapporte toujours deux rie, l'Asie-Mineure et l'Arménie par ses di
» cents fois autant qu'on y a semé , et jusqu'à verses branches, et de l'autre avec le golfe;
» trois cents dans les années de grande abon- Persique par son embouchure, elle ne cessa
» dance. La plaine est couverte de palmiers, point d'être le centre des opérations les plus
» mais le figuier n'y réussit point, non plus riches et les plus actives enlre l'Asie-Oeci-
» que l'olivier et la vigne. ( Ctio 193. ) »• dentale, l'Ethiopie, l'Egypte et l'intérieur de
Un sait que la Babylonie fut autrefois le l'Afrique. Aussi ses nouveaux maîtres s'ap-
centre d'un vaste et florissant empire. Elle se pli(|uèrent-ils à l'embellir et à la fortifier.
le -sentit encore long-temps de l'antique célé Us lui préparaient sans s'en douter les moyens
brité de sa capitale, même depuis la domina- qu'elle employa plus tard pour rétablir et dé
lion des Séleucides. Mais aujourd'hui ses ha fendre son indépendance après la chute de
bitants en conservent à peine le souvenir, et Sardanapale. Avec ce voluptueux despote
la gloire de Gtésiphou et de Sèleucie n'est finit en effet l'empire fondé par Bélus, et de
pas moins dans l'oubli que celle de Babylone. ses débris se formèrent les royaumes de Mé-
Bagdad occupe seule dans la contrée un rang die, de Ninive et de Babylone.
assez considérable. Non loin des ruines de Nabonassar est le premier des nouveaux
Babylone la petite ville de Hillah semble, rois de cette dernière ville qui mérite d'être
d'après l'observation de quelques philologues, mentionné dans l'histoire, surtout à cause de
perpétuer le souvenir de l'événement célèbre l'ère de son nom : elle commence 74-7 ans av.
qui donne le nom à la province. Lilac est en J.-C. Le conflit des ambitions et de l'anarchie
effet le nom de l'antique Babel dans le l'e.i- ne manqua pas de retarder les progrès de Ba
tateuque samaritain {Bible polygl., XI, 9). bylone. Mais l'an 122 de 1ère de Nabonassar,
Or, Hillah ou Hillac, surtout si l'on pro Ninive fut prise et détruite par Nabuchodo-
nonce Bac, accuse évidemment son origine. nosor I,r, et sa rivale domina seule dans le
Lilac, d'après la même opinion, serait aussi nouvel empire d'Assyrie. Elle ne tarda pas à
conservé dans Irac-Àrabi , nom que porte en reculer les bornes bien au-delà du Tigre
aujourd'hui la contrée où se trouve l'ancienne et de l'Euphrate. Les Baclriens et les Armé
Babvlonie. L'abbé Caneto. niens, les Mèdes et une partie de la Perse,
BABYLONIENS, habitants de la Babylo Tyr et Sidon, l'Egypte et la Judée, et tant
nie. Dès les temps les plus reculés de l'his d'autres nations moins connues dans l'his
toire, les Babyloniens formèrent un Etat peu toire, tout dut subir en peu de temps le joug
considérable, dont Nenirod, arrière petit-Cils de Babylone.
«le Noé, fut le premier chef, et dont Babylone Enflée de tant de succès, cette ville or
fut la capitale. Adonnés de bonne heure aux gueilleuse se donna le titre fastueux de reine
soins de l'agriculture, à l'étude dos sciences de l'Orient, et ses monarques, dont le pouvoir
et à 1 industrie, ils vivaient heureux et tran était absolu (Syncelle, Chronograph., p. 90),
quilles, lorsque leur inexpérience dans l'art prenaient celui de roi des rois, que conser
de faire la guerre les fit passer sous la loi d'un vèrent après eux les souverains de Persépolis,
peuple voisin. Chinzir les gouvernait alors; comme d'antiques inscriptions {Journal asia-
c'est le septième des successeurs de Nemrod li'»j.,n08.) l'attestent encore. La cour avait
( 390 ) BAB
tan fasle proportionné à ce degré d'orgueil, boiserie, en cuivre et, même en or et en ar
comme plusieurs traits de l'Ecriture nous gent; riches filatures, tissus variés, teintures
l'apprennent. Ils nous font spécialement con éclatantes, aucun objet de luxe ne manquait
naître, dans la gradation des officiers, un ca aux classes favorisées des biens de la fortune.
pitaine des gardes, un chef des eunuques, un Aussi leurs habitudes tenaient-elles à la fois du
premier ministre, un chef des magiciens, une fasle et de la mollesse, surtout pour la mise des
hiérarchie de juges établis pour recevoir les deux sexes. Ils avaient {ibid.), sans distinc
plaintes des particuliers, et des gens armés tion, pour premier vêtement, une tunique de
pour exécuter leurs ordres et infliger des sup lin qui descendait jusqu'aux talons. Elle était
plices qui ne manquaient jamais d'être à la recouverte d'une sorte de prétexte en laine
fois prompts et sévères. Quelques monu fine, sur laquelle on ajoutait un manteau
ments dont l'origine babylonienne paraît in d'une blancheur éclatante. La téle, garnie de
contestable à M. Raoul-Rochelle ont conservé longs cheveux , était ornée d'une espèce de
jusqu'à nos jours des symboles frappants de mitre ou bien d'une couronne d'or ou débraie
l'ancien despotisme asiatique et de son action ches d'arbre, selon la condition. Aux doigts
avilissante sur les peuples* Un bas-relief, taillé brillaient des anneaux enrichis de pierres
dans le roc sur les bords du fleuve Halys, re gravées ou d'amulettes à sujets religieux,
présente, à la téte d'une suite nombreuse, un telles qu'on en trouve encore dans les ruines
souverain vêtu d'une tunique et coiffé d'une de Babylone. Les archéologues pensent que
tiare. Une bipenne pend à sa ceinture; il est les amulettes des classes inférieures étaient
debout dans l'attitude de la marche, une mas ces petites tablettes d'argile cuite dont on voit
sue sur l'épaule et les deux pieds sur la tête un assez grand nombre dans les différentes
de deux hommes qui se courbent sous son collections de l'Europe. Elles sont ornées de
poids. Ailleurs on Voit encore , d'après le bas-reliefs estampés sur l'une des faces, et
même archéologue, Salmanasar, vainqueur présentent des animaux sacrés, des lions, des
du roi d'Israël, conduisant les dix tribus en vaches, et même quelques unes de ces bizar
servitude. Le monarque est debout et se fait res productions que Bérose a décrites comme
remarquer à sa taille élevée au-dessus des les ébauches de la déesse-nature. Il est vrai
personnages qui l'entourent. A sa main est un semblable que les Babyloniens portaient sus
arc, symbole de la puissance royale, et il foule pendus à leur cou ces objets de leur vénéra
aux pieds le corps d'un homme. Devant lui tion superstitieuse. Ils paraissaient rarement
sont les dix tribus, représentées par autant en public sans avoir à la main un bâton tra
de figures de taille moins élevée que celle du vaillé; l'usage voulait même qu'il fut sur
vainqueur. Elles ont la posture humiliée, les monté de quelque ornement caractéristique,
mains jointes, et une corde passée autour du tel qu'une fleur, un fruit, un oiseau, ou toute
cou en signe d'esclavage. Une inscription cu autre figure que l'on y représentait. Les par
néiforme accompagne ce groupe. fums étaient chez eux fort en usage, ainsi
Les Babyloniens étaient divisés en diffé que les purifications, rendues d'ailleurs in
rentes castes, dont chacune avait ses usages dispensables par la chaleur excessive du cli
et sa profession particulière. Celle des prêtres mat. Ils aimaient la musique et la danse {ibid.
(Diodore, liv. Il, ch. 28), exclusivement et Quinte-Curce, liv. v, ch. 1) ; les prophètes
chargée, comme en Egypte , du dépôt des hébreux nous apprennent qu'on en faisait
sciences et de la religion, était exempte de surtout usage en présence des dieux aux jours
tout impôt, de toute charge publique. Trois de solennités religieuses.
de ces tribus étaient condamnées à ne se nour Avant la domination des Perses on faisait, à
rir que de poissons desséchés au soleil et ré^ certaines époques, une espèce d'enchère déjeu
duits en une sorte de farine dont on faisait nes filles nubiles. Les plus belles se vendaient,
du pain et des gâteaux. (Hérodot., Ctio.) dit Hérodote, à des prix fort élevés, et l'ar
Le commerce avec les nations voisines fut gent servait à marier celles qui étaient moins
de bonne heure rendu très facile par la na favorisées de la nature. La prostitution était
vigation du Tigre et de l'Euphrate, et à l'in pour toutes un acte religieux, un tribut in
térieur il ne tarda point d'être aussi fort actif fâme que chacune d'elles devait payer une
au milieu d'un peuple ami des plaisirs, et chez fois à Mylilta, afin d'obtenir pour le reste de
lequel affluaient toutes les magnificences des leurs jours la protection de la déesse. Une
provinces conquises. Ouvrages délicals en semblable dépravation étonne peu lorsque
BAB ( 391 ) BAB
l'on songe à l'idée que les Babyloniens avaient marchant les uns devant, les autres derrière,,
des mœurs de leur principale idole. Mais quoi et tous donnaient à leurs idoles les témoi
qu'en dise Hérodote, on sait, par l'histoire gnages d'une vénération profonde ( Baruch,
«es banquets de Babylone ( Quinte~Curce , ch. 6). Ordinairement on n'offrait sur les au
liv. v, ch. i), qu'une vie chaste et réglée n'é tels que des animaux et les fruits de la terre,,
tait point, depuis le sacrifice à Mylitla, le on bien différents objets d"'art ou d'industrie
bienfait signalé de la déesse impudique. que les prêtres enlevaient pour eux et leurs
Les Babyloniens transportaient sur la place familles, (ibid. et Dan., ch. IV. Mais dans
publique ceux d'entre eux qui étaient atteints les occasions bien importantes, un usage bar
de quelque maladie, et il n'était permis à bare, commun aux anciens peuples (Philon
personne de passer outre sans s'informer de leur dans Eusèbe, Prep. Ev., liv. iv, ch. 16), ré
elat. (Hèrodot., Clio.) Comme ils n'avaient clamait sans doute des victimes humaines.
pas de médecins, chacun s'empressait do don On sait que l'architecture fut loin d'être
ner ses conseils. On exhortait le malade à étrangère aux anciens habitants de la Baby-
faire ce que l'on avait fait soi-même ou ce que lonie ; la tour de Babel , les palais , les forti
l'on avait vu pratiquer à d'autres pour se tirer fications, les quais et les ponts de l'Euphrate,
d'une semblable maladie. Ceux qui guéris attestent assez, leurs progrès en cette ma
saient plaçaient dans les temples un tableau tière. Toutefois leur architecture n'a pas plus
indiquant tes remèdes qui leur avaient pro consacré d'oiv/re à part que leur musique n'a
curé la santé : usage bien digne d'éloges, et établi de mode. Les détails qu'Hérodote et les
qui fournit à Hippocrale les observations sur Hébreux nous ont transmis sur les richesses
lesquelles il fonda son système. Si le malade accumulées dans les temples nous donnent
venait à mourir, avant de livrer à la terre le une idée assez complète de l'art babylonien
eorps du défunt, on se contentait de le mettre a celle époque. La plupart des statues étaient
dans le miel, quoiqu'on fût peu éloigné du faites de bois recouvert de lames d'or et d'ar
pays des parfums, et les funérailles étaient ac gent; « Celle-ci , dit Jérémie (Baruch, ch. vi),
compagnées de longs et solennels regrets, se » lient un sceptre à la main, comme un gou-
lon l'usage de l'Egypte. » verneur de province ; celle-là est armée ,
La principale idole de Babylone était BÉ- » comme un homme de guerre , d'une épée
lus ou Béel ivoy. ce mot), dontle temple fut, » ou d'une hache qu'elle ne peut lever pour
sans contredit, le plus ancien, et depuis Nabu- » sa défense; toutes sont richement parées de
chodonosor-le-Grand un des plus magnifiques » tissus d'or, de pourpre et d'écarlate, et por-
du paganisme. Venait ensuite Mylitla, cette » lent des couronnes d'or sur la tête. Les prê-
déesse-nature, principe générateur de tous » 1res, respectueusement découverts, allu-
les êtres, dont les Grecs ont de» reproductions » ment, pour leur faire honneur, des lampes
si variées dans la Junon de Samos, la Diane » en grand nombre, et s'asseient en leur
d'Ephèse et la Vénus de tant de lieux divers, » présence la lêle et la barbe rasées , mon-
consacrés à la débauche. Nébo ou Nabo, dont » Iranl leurs tuniques déchirées, criant et
plusieurs monarques ajoutèrent le nom à celui » rugissant, comme il se pratique dans les
qu'ils portaient eux-mêmes, était encore une » festins des morts. » Le même prophète nous
des grandes idoles des Babyloniens. C'est ainsi apprend que les ouvriers babyloniens con
qu'ils appelaient le dieu médiateur entre les naissaient l'art de jeter en fonle; ce que l'on
deux principes du bien et du mal, si célèbres sait d'ailleurs par la statue de Sémiramis,
en Orient, et dont les combats symboliques dont parle Diodore, sur la foi de Ctésias, ainsi
sont gravés en creux sur les petits cylindres que par les nombreuses figurines que les voya
de pierre fine ou de métal qui nous restent geurs oui recueillies dans les ruines de Baby
de ce peuple. On les voyait aussi représentés lone. La sculpture sur pierre ou sur marbre
sur les murs du temple de Bélus, au rapport leur était également connue : différents mo
de Bérose. Us adoraient encore les héros déi numents conservés jusqu'à nos jours le prou
fiés, le» astres, les éléments, et même certains vent incontestablement, de même que les
animaux , tels que le dragon que Daniel fil deux statues anliquesde granit gris queRich
périr, au grand mécontentement de la mul et Ker-Porler ont trouvées ensevelies dans
titude. Les prêtres de ces différentes divinités les sables de 1 Euphrate. Celle que le premier
les portaient quelquefois en public sur leurs a découverte représente un lion , et l'autre
épaules. Un peuple nombreux les entourait, un homme de taille colossale. Le travail eu
BAB ( 392 ) BAC
est grossier et le style barbare; toutefois on » le type du fabricant. On reconnaît la vitesse
peut dire que l'art ne dut pas rester long » et la négligence avec lesquelles l'ouvrier
temps dans son enfance; car l'usage où l'on » appliquait son instrument, dont la marque
était, dans toute la Babylonie, de vénérer les » est tantôt droite, tantôt oblique, et plus ou
simulacres des dieux et des déesses , dans les » moins sur le milieu du champ. » On pour
maisons particulières, devait fournir aux ar rait dire peut-être encore que plusieurs de ces
tistes de fréquentes occasions de s'exercer. inscriptions cunéiformes exprimaient des in
La peinture était aussi mise à contribution vocations mystiques aux dieux protecteurs de
pour honorer les dieux et embellir les palais la famille, propres aux différents quartiers
des princes; le peu qui s en est conservé j à de la ville, ou bien quelque talisman destiné
travers tant de siècles, a suffi pour faire con à rendre la construction heureuse et durable.
naître le procédé que l'on employait. Un re Du reste, il eji existe dans les nombreuses
vêtement en émail, selon M. Raoul-Ro- collections des voyageurs européens , et no
cliette , était posé sur le mur des édifices de tamment dans celle du capitaine Miynan
manière à faire corps. Il confondait toutes ( Travels in Chaldi , pag. 76), qui portent
les briques dans une teinte uniforme, ou bien avec elles tous les caractères d'une page
il présentait les objets peints en relief : c'é écrite à dessein de faire connaître autre
taient des dessins de fleurs ou d'ornements chose que le type d'une fabrique , et cepen
de fantaisie, des combats d'animaux ou des dant elles étaient posées à plat sur l'écriture
chasses. Beauchamp rapporte que l'on décou et cimentées avec les autres. « Etrange peu-
vrit, au milieu des ruines, les restes d'une » pie, dit à ce propos M. R. Rochelte, qui
chambre, dans laquelle une vache était re » écrivait pour n'être pas lu , et dérobait aux
présentée, en tuiles vernies, avec les sym » regards de la postérité ce qu'il se proposait
boles du soleil et de la lune; et Bérose a con » de lui transmettre. » On sait que les Macé
signé dans ses écrits la description des pein doniens trouvèrent, du temps d'Alexandre,
tures sacrées du temple de Bélus. des inscriptions cunéiformes bien suivies,
Quant à la manière d'écrire, tout porte à dans l intérieur des temples de Babylone; et
croire que les Babyloniens se contentaient de Dérnocrite , d'après Clément d'Alexandrie
graver sur le roc ou sur les parVis des édifices ( Slrom. ,1. i ) , publia même un ouvrage où
les actes de la vie publique , le récit des se trouvait la traduction d'un traité de mo
grands événements, le résultat des observa rale tiré des piliers de celte ville. Certains
tions astronomiques (voy. Ciialdéeins ) , et édifices étaient donc réellement comme de
môme les devoirs communs à tous les ci vastes livres , à texte plus ou moins èlenduy
toyens. Dans ces temps reculés, la plume, où chacun pouvait s'instruire à volonté des
dit un orientaliste , était probablement un grands faits du l'histoire , des dogmes de la
clou {Annal, de philosph. chrét. , tom. xi , religion et des prescriptions de la morale.
pag. 446 ), ou quelque autre instrument ana Hors de la Babylonie , et dans les contrées
logue. De là peut-être la conformation de où dominèrent autrefois ses puissants mo
ces caractères si justement appelés cunéi*- narques, quelques monuments isolés mon
formes , les plus anciens que l'on connaisse, trent encore aux voyageurs des restes d'in
et qui furent , sans doute , les premières es scriptions cunéiformes ( Journal asiat., \\° 8).
quisses d'écriture. Les unes étaient hiérogly Leurs caractères, en général différents de9
phiques, et les aulres alphabétiques. Malgré premiers , paraissent être alphabétiques. Ils
toutes les recherches des savants, la clef des sont connus sous le nom d'écriture persépo-
véritables inscriptions babyloniennes, carac litaine, aujourd'hui presque entièrement dé
térisées par les premiers, est encore incon voilée , et dont l'intelligence plus complète
nue. On les retrouve principalement sur les mènera sans doute plus tard à l'explication
briques d'argile cuite qui s'employaient à des hiéroglyphes de Babylone. Caneto.
la construction des édifices. Elles portent BAC ( navigation ), sorte de bateau plat,
toutes des signes gravés en creux sur l'une qui tient la place d'un pont et sert à faire tra
des faces. « La forme de l'empreinte, écrivait verser aux hommes, aux animaux domesti
» sur les lieux , en 1829, monseigneur Cou- ques et aux voitures , les rivières profondes
» perie, évêquede Babylone [Annal, propag. ou d'étroits bras de mer. Ces bacs, dont le
» de la foi, tom. iv, pag. 16 ), n'est pas tou- tirant d'eau doit être très faible, sont con-
» jours la méine. A mon avis , ce n'est que struils avec beaucoup de soin, et leur char*
BAC ( 393 ) BAC
pente doit être très solide et formée de bois Dans le quatrième mode, le câble est h
choisis. On donne ordinairement à ces ba chacun de ses bouts roulé sur un cabestan
teaux 2 pieds et demi de profondeur ( 0m,82;, établi sur un des bords-, au lieu de s'élever au-
au moins 10 pieds de largeur (S"^), et de dessus de l'eau , il y est plongé afin de ne
30 à 60 de longueur (10 à 20™). Si l'on attei point entraver la descente ou la remonte des
gnait celte dernière dimension!, il faudrait bateaux. Sur le côté du bac qui reçoit l'effort
que la largeur du bac fût de 20 pieds (6m,66). du courant est disposé un petit cylindre per
Le bec et la poupe doivent se terminer car pendiculaire et mobile, contre lequel frotte le
rément et avoir au moins 8 pieds {2m,66) de câble. Sur les cours d'eau rapides , il est utile
largeur, et porler chacun un tablier, espèce d'élever la traille au-dessus de la rivière ; sur
de ponl-levis solidement établi, qui se relève ceux où le courant est lent , on doit noyer le
pendant la traversée et que l'on abat pour câble.
l'embarquement et le débarquement. Outre les bacs que nous venons de décrire,
Les modes employés pour diriger les bacs il en est de plus pelits que l'on nomme/iasse-
sont variables; nous en connaissons quatre chevaux : on ne peut s'en servir que pour le
fjne nous allons décrire. Le premier est fort transport des hommes et des animaux, et
simple : il consiste à conduire le bac à la rame quelquefois, mais avec risques, de petites
ou à la gaffe : nous avons vu ce moyen em voitures non chargées. Les petits bacs ne por
ployé, surla Vilaine, au passage de laRoche- tent de tabliers qu'à l'arrière; le devant est
Bernard ( Morbihan ) , passage fort dange taillé en bec, et on le retourne pour débar
reux. Nous croyons que, malgré sa simplicité, quer ou embarquer.
ce mode doit être rejeté , parce qu'il demande BACCALAURÉAT , BACHELIER. Ces
delà part des matelots un travail prodigieux mots servent à désigner le moins élevé des
et qu'il offre peu de sécurité. grades universitaires.
La seconde mélhode est suivie sur l'Es On est loin d'être d'accord sur l'origine et
caut: on fixe solidement et au milieu , dans l'élymologie du mot bachelier. Quelques au
le lit de la rivière, un fort pieu ou une ancre, teurs ont prétendu que les bacheliers étaient
et l'on y attache un câble, soulenu au-des ainsi appelés par abréviation, comme bas
sus de l'eau par de pelits pontons; ce câble chevaliers, parce que dans l'ordre de la no
doit avoir une assez grande, longueur et ve blesse les bacheliers étaient immédiatement
nir se rattacher au milieu d'un des côtés du au-dessous des bannerets; d'autres disent que
bac. La direction de celui-ci est alors très fa leur nom vient de baeulus , parce que les jeu
cile, puisqu'il suffit de le présenter au cours nes gentilshommes s'exerçaient à l'escrime
de Peau obliquement et sous un certain an avec des bâtons; enfin il semble que les uni
gle; cette position par rapport au courant versitaires aient attaché à cette dénomina
s'obtient au moyen du gouvernail ou de l'a tion l'idée d'une palme académique, puis
viron qui le remplace. On a reconnu que qu'ils l'ont traduite par le mot latin bac
l'angle de 55° est le plus favorable. calauréats. Quoi qu'il en soit, dans l'ancien
Sur la Seine et près de Paris on emploie langage français, comme encore aujourd hui
ordinairement le troisième moyen. Il consiste dans la langue anglaise, un bachelier n'était
à tendre au-dessus de la rivière, et perpendi autre chose qu'un jeune homme; on atta
culairement à son cours, un grelin ou câble chait h ce mot, exactement elen tous points,
d'aumoins3poucesde diamètre (0™,08), nom le même sens que nous attachons au mol gar
mée traitle: l'élévation du câble doit être as çon. Dans les arts mécaniques comme dans les
sez grande pour que la navigation n'en soit sciences , tous ceux qui avaient passé les
pas gênée. Sur cette traille est montée une premiers éléments, mais dont l'apprentissage
poulie portant un second câble, aussi de 3 liers;
n'était les
pasencore
bonnetiers,
terminé,
les drapiers,
étaient desbuche-
avaient
pouces de diamètre, qui à l'exlrémitè infé
rieure se bifurque en deux branches, lesquel leurs bacheliers comme la noblesse et l'Uni
les viennent se rattacher à un des côtés du versité avaient les leurs. Ce n'est que du xme
bateau. Ces deux bifurcations ne sont point au xv« siècle que le titre de bachelier devient
d'une longueur égale, au moins pendant le plus honorable et est exclusivement réservé
passage, car le bateau devant présenter le à ceux qui l'ont acquis dans les universités.
ilanc obliquement , une des branches est né Dans l'origine, celui qui avait fait dans l'une
cessairement plus courte que l'autre. des quatre Facultés les études exigées, et qui
BAC ( 35)4 ) BAC
avait subi les épreuves voulues par les sta corps enseignant du royaume, n'a pas été
tuts , était admis au grade de bachelier dans formée tout d'un coup et d'un seul jet; elle
cette faculté. Alors il commençait à ensei s'est composée en grande partie d'établisse
gner, et les leçons mêmes qu'il donnait ser ments antérieurs au décret qui la constitue.
vaient, entre autres choses, à prouver qu'il Ainsi l'Université fut divisée en cinq Facultés:
était digne du grade de docteur. Dès lors on de théologie, de droil, de médecine, des scien
peut remarquer que dans les temps anciens ces et des lettres; mais les écoles de droit et
il n'y avait point de grade intermédiaire en de médecine, déjà organisées par des lois spé
tre le baccalauréat et le doctorat. Mais les ciales, entrèrent dans la nouvelle Université
bacheliers ayant l'habitude d'enseigner soit sous le nom de Facultés, et elles y entrèrent
dans le territoire de l'église de Paris, soit avec le régime et les règlements qui leur
dans celui de l'abbaye de Sainte-Geneviève, étaient propres De là résulta quelque dissem
les chanceliers de Notre-Dame et de Sainte- blance, entre les diverses facultés pour la col
Geneviève , chacun dans leur district , s'arro lation des grades.
gèrent le droit d'interdire l'enseignement aux Le décret du 17 mars 1808, article 16, dé
bacheliers qui n'auraient pas reçu d'eux, la clare que les grades dan* chaque Faculté sont
licence , c'est-à-dire la permission de faire au nombre de trois : le baccalauréat, la licence
des leçons. Ainsi naquit un grade intermé et le doctorat; mais l'article 2a ajoute que les
diaire, qui dans le principe se bornait à un grades des Facultés de droit et de médecine
privilège concédé par un fonctionnaire étran continueront à être conférés d'après les lois
ger à l'Université; plus tard ou ne l'obtint et règlements établis pour ces écoles. Orr par
qu'après avoir subi des épreuves spéciales suite de ces règlements, il n'y a ni bacheliers
dans les Facultés, et la mission des chance ni licenciés dans les Facultés de médecine.
liers se borna à la collation du diplôme. Quel- Les législateurs qui ont organisé les écoles
quesFacultésmémes.etnolammentlaFacullé de médecine ont compris que le but réel de
de droit de Paris, s'affranchirent de celte in ceux qui étudient la médecine est de devenir
tervention des chanceliers de Notre-Dame médecins; ainsi, tout en multipliant lesexa-
et de Sainte-Geneviève, et conférèrent elles- mens et variant les épreuves, ils ont réduit
mêmes la licence. ( Voy. Licence.) tous les grades à un seul, celui de docteur en
Plus tard, les licenciés n'enseignèrent plus; médecine. On a seulement admis un degré in
cet honneur lut réservé à ceux d'entre eux férieur de capacité en créant des officiers de
qui avaient élé élevés au grade supérieur de santé que leur diplôme recommande moins
docteur. Les docteurs eux-mêmes commen que les docteurs, et auxquels il est interdit
cèrent par apporter très peu d'assiduité dans d'employer seuls certains moyens curalifs.On
leurs leçons; insensiblement ils n'en firent aurait pu raisonner exactement de même en
plus du tout, et on leur interdit même d'en constituant les écoles de droit. Les auteurs de
faire. L'enseignement fut confié à un petit la loi du 22 ventôse an xii déterminèrent le
nombre de docteurs choisis , qui furent ap degré de connaissances nécessaires pour être
pelés profe.-seurs. ( Voy. Docteur.) admis à la profession d'avocat et aux fonc
Dans les anciennes universités, et en par tions de la magistrature; mais en même temp»
ticulier dans l'université de Paris, le grade ils pensèrent qu'il était indispensable de faire
de bachelier existait dans chacune des qua preuve d'une science encore plus profonde et
tre Facultés, des arts, de théologie, de droit plus étendue pour êlre admissible à l'ensei
et de médecine. Cependant, comme on pou gnement. Cette distinction avait été négligée
vait obtenir le titre de maitre es-arts ( litre par ceux qui avaient organisé les écoles de
équivalent à celui de docteur dans les autres médecine, et en réalité elle n'a pas une grande
facultés ) sans avoir passé par le baccalau utilité. On ne comprend pas trop qu'un légis
réat et la licence, ces deux grades tombè lateur déclare officiellement qu'un juge, quel
rent en désuétude dans la Faculté des arts; que éminenle que soit sa place dans la ma
au moment de la destruction de I université gistrature, n'a pas besoin d'être aussi instruit
de Paris, vers la fin du dernier siècle, il n'y en droit que celui qui est chargé de l'ensei
avait réellement de bacheliers que dans les gnement. Quoi qu'il eu soit, on aperçoit le
Facultés de théologie, de droit et de méde motif qui a fait rétablir dans les Facultés de
cine. droit la distinction entre les licenciés et les
L'Université de Fiance, aujourd'hui le docteurs; mais il est impossible de s'expli
BAC ( 395 ) BAC
quer pourquoi il y a aujourd'hui dus bache est même nécessaire d'être bachelier ès-lettres
liers en droit, à moins qu'on ne voie une spé pour être admis à s'inscrire comme élève dans
culation bursale bien petite et bien mesquine les Facultés de droitet de médecine. De plus,
dans l'établissement d'un grade dont l'obten personne n'est admis à s'inscrire comme élève
tion impose l'obligation de payer un droit de dans une Facultéde médecine s'il n'est bache
diplôme. lier es-sciences. On ne peut qu'applaudir à
Disons-le encore une fois; on aurait pu pro celte mesure, qui fait de l'étude des humanités
céder, dans la formation des écoles de droit, la préparation indispensable à toute science,
exactement comme dans celle des écoles de et qui oblige ceux qui se destinent à la méde
médecine, et on aurait fait quelque chose de cine à s'y disposer par l'élude des sciences
plus raisonnable. Il -y a aussi dans ces écoles exactes et des sciences naturelles.
une capacité inférieure, celle qu'on exige de Reste à dire un mot sur les conditions à
ceux qui veulent être admis aux fonctions remplir pour être admis au baccalauréat dans
d'avoués; on leur délivre, à la suite d'un seul les diverses facultés.
examen, un certificat spécial. Le certificat de Le baccalauréat en théologie n'est conféré
capacité et un seul grade supérieur auraient qu'à des élèves âgés de vingt ans au moins,
certainement suffi. Mais en tout cas, même bacheliers ès-lettres, et ayant suivi pendant
en admettant une distinction entre la licence trois ans un cours de théologie. Les épreuves
et le doctorat, le baccalauréat est de la plus consistent en un examen et une thèse.
complète inutilité, et ce ne peut être sans sou Pour être reçu bachelier en droit il faut
rire qu'un bachelier en droit lit sur son di avoir fait deux années d'études dans une Fa
plôme qu'on lui a conféré la jouissance des cultéde droit, être bachelier ès-lettres et avoir
droits et prérogatives qui y sont attachés par subi deux examens, l'un sur les deux premiers
les lois et règlements, tant dans l'ordre civil livres du Code civil et les Inslilutes de Justi-
que dans l'ordre des fonctions de l'instruction nien, l'autre sur le second livre du Code civil,
publique. le Code de procédure civile et le droit cri
Le baccalauréat et la licence en théologie minel.
n'ont aujourd'hui aucune utilité pratique. On Le décret du 17 mars 1808 n'admet à l'exa
a essayé à diverses reprises de rendre ces men pour le baccalauréat ès-sciences que les
grades nécessaires pour obtenir la collation élèves sortis des collèges ou inscrits au moins
de certaines fonctions ecclésiastiques; mais pendant un an dans une Faculté des sciences,
les règlements faits dans ce but se sont jus à moins qu'ils n'aient été élevés par leurs
qu'à présent trouvés d'une application im parents; l'examen porte sur l'arithmétique,
possible. la géométrie, la trigonométrie rectiligne,
On a, au contraire, déterminé avec beau l'algèbre et son application à la géométrie.
coup de soin les cas dans lesquels il serait né Cependant ceux qui ne prennent le grade de
cessaire d'être pourvu du baccalauréat dans bachelier ès-sciences que pour être admis dans
les sciences ou dans les lettres. Indépendam les Facultés de médecine ne sont tenus de ré
ment de ce que nul ne peut remplir aucunes pondre que sur les premiers éléments de l'a
fonctions de l'enseignement, même élémen rithmétique et de la géométrie, et sur les no
taire, dans les collèges royaux, sans être au tions les plus élémentaires de la physique, de
moins bachelier, l'intérêt des saines études a la chimie et de l'histoire naturelle; mais dans
fait imposer à dus classes nombreuses de per ce cas il est fait mention dans le diplôme que
sonnes l'obligation du baccalauréat. On a re le grade a été requis dans le but spécial que
rois en vigueur, avec des modifications con le candidat se proposait, et si plus tard le
venables, les anciens statuts de l'université bachelier voulait se présenter aux épreuves
de Paris, qui ne permettaient de prendre des du la licence, il serait tenu de compléter
grades dans les Facultés de théologie et de préalablement son examen de baccalauréat.
médecine qu'à ceux qui étaient déjà pourvus Pour être admis à subir l'examen de bac
de la maîtrise ès-arts; la Faculté de droit calauréat ès-lettres, il faut être âgé au moins
seule, par une bizarrerie inexplicable et gé do seize ans et avoir fait ses études complètes
néralement blâmée, ne l'exigeait point de ses d'humanités dans un collège, y compris une
élèves. Aujourd hui il a été posé en principe année de philosophie, ou avoir suivi pendant
que nul ne peut recevoirdegradesdans aucune un an les cours d'une faculté des lettres, à
Faculté s'il n'est reçu bachelier ès-lettres; il moins d'avoir été instruit par ses propres pa
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rents. L'examen porte sur toutes les matières dans la plupart des cérémonies des fêtes de ce
enseignées dans les hautes classes des collè dieu. Ces cérémonies n'étaient peut-être
ges royaux, e'est-à dire sur les auteurs grecs qu'une allégorie aux mystères de la nature et
et latins, sur la rhétorique, sur l'histoire, sur à ce conflit du bien et du mal qui avait sur
la philosophie et sur les premiers éléments tout frappé les philosophes de l'Inde, et sur
des sciences mathématiques et physiques. lequel fut fondée la doctrine des deux princi
P. KOYER-COIXARD. pes que Manès renouvela dans les premiers
BACCAR ou BACCARIS ( bot. ). Nom siè 'les du christianisme. Quoiqu'il en soit, on
donné par les anciens à une plante à feuilles s'éloigna peu à peu du sens de l'allégorie, et si
vertes semblables à cellesde lierre et que l'on les prêtres la connaissaient encore, ils ne l'of
recherchait pour tresser des couronnes. C'est frirent au peuple que sous ses images les plu»
l'asaret à feuilles rondes , Asarum rotundifo- grossières , et le peuple dut croire que la dé*
lium L. dont les ratines tracent sur le sol et bauche était le culte le plus agréable à la di
dont les tiges fermenteuscs couvrent le pen vinité qu'on lui présentait sous les formes les
chant de toutes les montagnes de l'Europe plus obscènes. Lors de la célébration des fétes
méridionale. du Bacchus égyptien , tout le pays dont les
BACCHANALES, ou fêtes en l'honneur lois avaient servi de règles aux autres peu
de Bacchus. Les Grecs, dont l'imagination ples, et qui avait instruit leurs sages, parais
vive et amie de la nouveauté altéra, déna sait transporté de folie. Des hommes et des
tura ou embellit toutes les superstitions que femmes, déguisés en satyres, armés de thyr-
leur apportèrent les étrangers ou qu'ils allè ses ou javelines couvertes de feuilles de vi
rent puiser chez eux, firent du dieu Bacchus gnes, agitant dans leurs mains des sistres et
un fils de Jupiter et de Sémélé , qu'on appela des tympanons, couraient confusément en
le Biicchus thébain , le même, sans doute, poussant des cris et des hurlements. Des
que les Egyptiens disaient fils d'Ammon et de femmes , précédées d'un joueur de flûte , por
Proferpine, etque les mythologues ont nommé taient en triomphe des statues d'une coudée
le Bacchus indien. Ce dieu ne fut pas simple de haut, représentant Osiris ou Bacchus sous
ment l'inventeur de la vigne et le conquérant une forme indécente et moi slrueuse. Ces re
de l'Inde, il fut aussi une des plus anciennes présentations avaient été indiquées aux Egyp
et peut-être la plus ancienne, divinité cosmo- tiens par la mythologie des Indiens, à travers
gonique. C'est le Phanès , l'Éclatant, le Bril les obscénités de laquelle on découvre les
lant, chanté par les Orphiques dans leur my mêmes idées. Le jour de la fêle de Bacchus,
thologie mystérieuse; c'est le soleil, c'est 10- chacun immolait un pourceau devant ^apo^te
siris des Egyptiens; c'est le Dionysos des Grecs, à l'heure du repas, et on le rendait emuite
auquel ces peuples attribuèrent depuis une à celui qui l'avait vendu; car les Egyptiens,
foule d aventures. C'est le même dieu qui, sui comme les Hébreux, avaient le porc en hor
vant les Grecs, parcourut l'Egypte et la Syrie, reur, et cette aversion leur avait été inspirée
visita le mont Cybèle en Phrygie, et fit la peut-être parce que la chair de cet animal
conquête des Indes en répandant partout les est malsaine en Orient et y favorise les ma
bienfaits de la civilisation. C'est ce dieu de ladies de la peau.
Cryse qui fut reçu par sa grand'mère, la Mélampus, fils d'Amylhraon , de retour de
bonne Astrée, ou Cybèle, mère des dieux et ses voyages, apporta les fêtes de Bacchus
des hommes, qui le purifia, lui rendit la rai dans la Grèce au xive siècle avant J.-C. Le
son et lui enseigna ses mystères. En effet, les peuple, avide de plaisir, en favorisa l'établis
mystères de Bacchus avaient beaucoup de sement; mais les chefs des différents États vi
i apport avec ceux de la bonne déesse. Ce fut rent avec peine un culte qui autorisait toutes
en Egypte d'abord qu'on célébra les bienfaits sortes de débauches. Les ministres des an
et les aventures d Osiris, le père de la nature, ciens dieux craignirent aussi que la gaieté
l'auteur de la fécondité, que les Grecs ado et la licence des bacchanales ne fissent dé
rèrent sous les noms de Dionysos et Bacchus. serter leurs temples, et de là vient sans doute,
Ce premier culte fut sans doute plus simple comme le pense M. le baron de Sainte-Croix,
et plus pur que dans la suite. Les malheurs celte longue histoire des guerres que Bacclius
d Osiris, ses guerres contre Typhon, l'en eut à soutenir, et dans lesquelles la victoire
nemi de tout bien, et la mutilation affreuse fut souvent balancée. L'histoire des dieux
que celui-ci lui fit souffrir, se reîrouvaient n'est en effet, comme le prouve ce savant dans
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son ouvrage sur les mystères du paganisme , précise elles y furent introduites ; mais il pa
que celle des révolutions qu'éprouva leur raît que les Etrusques et les colonies grecques
culte et des variations de dogmes qui s'y in au midi de cette contrée, et surtout laCam-
troduisirent. panie , les reçurent les premiers. Bacchus
Mais un culte qui offrait des plaisirs devait était une des principales divinités de la Cam-
triompher chez les Grecs; Bacchus l'emporta panie ; il y était adoré sous le nom à'Hébon ,
donc, et les obstacles qu'avaient rencontrés et représenté sous la figure d'un bœuf à forme
les bacchanales ne servirent qu'à leur donner humaine. On le trouve sur un grand nombre
plus d'éclat. Partout on célébra Bacchus et de médailles de ce pays. Ce dieu à figure do
ses victoires ; partout les montagnes et les fo bœuf nous rappelle que les femmes èléennes,
rêts retentirent des cris d Io , io Bacche , io dans leurs bacchanales, le nommaient le fils
triumphe, Emu Evhoe. A la voix de leur de la génisse, et l'invoquaient en le priant de
dieu les bacchants , déguisés en faunes, en venir les visiter avec son pied de bœuf. De
satyres, parcouraient comme des furieux les la Campanie les bacchanales se propagèrent
campagnes, effrayaient les habitants par et vinrent à Rome , où elles furent accueil
leurs hurlements, par leurs courses et par lies avec avidité. Elles furent d'abord célé
le bruit éclatant des flûtes et des trompettes. brées par quelques femmes débauchées , qui
Les bacchantes, transformées en thryades, ne tardèrent pas à se faire de nombreux pro
en ménades , en bassarides , les cheveux sélytes. Leurs assemblées nocturnes et se
épars, se livraient à tous les transports du crètes devinrent l'école de tous les vices et
dieu qui les inspirait. Mais ces thyrses , des crimes les plus honteux. Le mal toujours
qu'elles tenaient à la main et qui ne devaient croissant fut au moment de menacer l'Etat.
servir qu'aux plaisirs, devenaient souvent des Le danger était d'autant plus grand qu'on en
armes terribles. Agave, mère de Peutliée, et ignorait la source. Ce fut au hasard qu'on en
ses sœurs déchirèrent sur le Cylhéron ce mal dut la découverte et les moyens de remédier
heureux prince, qui voulait arrêter leur li au désordre. Tite-Live donne à ce sujet de
cence. Lycurgue éprouva le même sort à grands détails, qu'on peut lire dans le xxxiir»
Ayssa de la part des bacchantes pour avoir livre de son histoire. Le tableau qu'il offre
essayé de réprimer les désordres qu'elles cau des excès des bacchanales est peint des cou
saient dans ses Etats. Orphée fut la victime leurs les plus vigoureuses, et les trames d'une
de celles de Thrace. conspiration contre la tranquillité publique
On doit croire cependant que les anciens y sont décrites avec beaucoup d'énergie. Ce
législateurs de la Grèce trouvèrent les moyens fut l'an de Rome 568 que le consul Poslhu-
doter à ces fêtes une licence qui ne s'accor mius fit au sénat le rapport de celte conspi
dait guère avec la sévérité de leurs principes ration, et reçut ordre, ainsi que son collègue,
et de leurs lois, et il est probable que pen de poursuivre l'affaire des bacchanales avec
dant long-temps elles furent plus paisibles et toute la rigueur qu'elle méritait, et de prohi
plus décentes. Mais quand les lois eurent ber à Rome et dans toute l'Italie ces mys
perdu de leur force et de leur autorité, les tères et toutes ces cérémonies nocturnes.
bacchanales reprirent leur fureur. Elles Posthumius exposa ensuite au peuple le péril
avaient lieu à Athènes au mois de novembre. où se trouvait la république. Il l'engagea à
On y attachait assez d'importance pour comp unir ses efforts à ceux du sénat et à sévir
ter par bacchanales comme on comptait par contre les coupables , quels qu'ils fussent. Il
archontats. C'était un des archontes qui en lui lut le sénatus-consuile qui, accordant des
réglait l'ordonnance et qui y présidait ; elles récompenses à ceux qui avaient découvert
n'en étaient pas pour cela moins licencieuses. les bacchanales, statuait des peines contro
Il ne faut pas confondre avec ces fêtes et d'au ceux qui favoriseraient ou recèleraient les
tres à peu près semblables qui se célébraient initiés, ou achèteraient leurs biens pour leur
dans différentes parties de la Grèce , les dio donner les moyens de se soustraire aux re
nysiaques, ou mystères de Bacchus, dans les cherches. Les bacchants, hommes et femmes,
quels régnait plus d'ordre et de décence, quoi étaient , dit-on , au nombre de plus de 7,000.
qu'on y fit encore bien des folies. Il y en eut beaucoup d'arrêtés. D'autres,
Si les bacchanales portèrent le trouble en pour échapper à l'infamie, se donnèrent la
Egypte et en Grèce , elles n'en causèrent pas mort. Ceux qui furent convaincus de meur
moins en Italie. On ignore à quelle époque tres . de fausses signatures , de débauches
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honteuses, perdirent la vie. Plusieurs fem attachées sur leurs reins, et ceintes d'une
mes auxquelles on voulut épargner la flétris ceinture de pampre ou de lierre. D'autres ,
sure d'un supplice public, furent exécutées échevelées, portaient des flambeaux aliumés
dans leurs familles. Les bacchanales furent ou des Ihyrses entourés de feuilles de vigne
abolies dans toute l'Italie, mais le culte de et de raisins, courant et poussant des hurle
Bacchus ne fut pas détruit ; ceux qui voulu ments affreux. Elles répétaient souvent ces
rent le célébrer furent obligés de se présen mots : Evohi raboi, evohi Bacehe. A ces cris
ter au préteur, qui faisait la demande au sé se mêlaient le son des cymbales, des tam
nat. Cette compagnie devait êlre au nombre bours, des clairons et des clochettes qui
de cent membres pour en délibérer. Il ne fut étaient attachées à leurs habits. Les poêles
permis de réunir que cinq personnes au sa les représentent aussi la tête entourée de
crifice secret qu'on offrait à Bacchus, et il 6erpents vivants, déchirant de jeunes tau
était défendu à ces initiés d'avoir des prêtres reaux , mangeant leur chair crue, et faisant
et de mettre en commun des sommes d'argent jaillir des flots de lait , de miel et de vin , à
pour célébrer ces fêtes. chaque bond qu'elles faisaient sur la terre.
L'Italie fut pendant long-temps délivrée Leur habit distinclif, lorsqu'elles n'étaient
du scandale des bacchanales ; mais sur les pas couvertes de peaux de tigre , était la
derniers temps de la république, et, sous les bassaris ou robe traînante et la crocole : celte
empereurs, elles reprirent faveur. Le trium dernière était de soie et transparente. On
vir Marc-Antoine aimait à prendre le nom représentait aussi les bacchantes avec des vê
de Liber Pater ou de Bacchus. On le vit plus tements blancs ou peints de diverses cou
d'une fois couronné de lierre, chaussé du leurs , surtout de la couleur du raisin avant
cothurne et tenant un thyrse à la main , sa maturité. Ces prêtresses , à l'exemple do
imiter, dans Alexandrie, la pompe du dieu leur dieu, portaient encore le cothurne et se
vainqueur de l'Inde , et promener dans son couronnaient de guirlandes de lierre , de li
char la reine Cléopàlre , comme une autre seron , de chêne , de sapin ou de laurier,
Ariane. Messaline, entourée de femmes per parce que Bacchus s'en était couronné , dit-
dues de débauche et vêtue comme elles on , au retour de son expédition des Indes. Il
de la nébride et de la paralide , sacrifiait a y avait anciennement, disent les mytholo
Bacchus. On peut se figurer quelle devait gues , un grand-prêtre qui présidait au culte
être la licence de ces fêles qu'elle présidait. de Bacchus. C'est probablement de là que
On célébrait encore les bacchanales du temps vint l'usage ou l'institution des bacchants
de saint Clément d'Alexandrie et d Arnobe. dont nous avons parlé à l'article Baccha
On vit même à cette époque renaître d'an nales, et qui par la suite ajouta à la licence
ciens mystères et de nouveaux s'établir; de ces fêtes. Delbare.
mais ce furent autant de trophées préparés BACCHINl (Benoit), savant bénédictin,
à la religion sévère de l'Evangile , qui par né à San-Domino le 31 août 1651, étudia
vint à les abolir tous. Delbare. d'abord a Parme chez les Jésuites, et fit pro
BACCHANTES et BACCHANTS. Les fession, en 1668, dans l'ordre de Saint-Benoit,
femmes vouées à la célébration des mystères où de nouvelles études le rendirent très sa
de Bacchus, nommées bacchantes, étaient vant en théologie et en histoire ecclésiastique.
appelées aussi menadet , batsarides, thyades, Il fonda à Parme, à la prière et aux frais du
mimallonides , édonides , éviades , éléides , père Gaudence, qui lui fournissait les livres
tous noms dérivés de leur manière de crier, dont il avait besoin, son principal titre à la
ou de l'espèce de fureur dont elles étaient célébrité, le GiornaU de' letterati. Neuf vo
animées pendant la durée des bacchanales. lumes furent publiés de 1686 à 1696, parlie
On les nommait quelquefois éleutinies, du à Parme , parlie à Modène. Les autres prin
nom d Eleusis , où elles portaient à cer cipaux ouvrages du père Bacchini sont :
tains jours de l'année la statue de Bac 1° De tistrorum figvrit ac differentid. .. disserta
chus. Les premières bacchantes furent les tion pleine d'érudition et de recherches; im
nymphes qui avaient nourri Bacchus , en primée à Bologne en 1691, et réimprimée
suite les femmes qui suivirent ce dieu à la à Ulrecht en 1696; 2» Dell ùtoria rit monat-
conquête de l'Inde. Les bacchantes couraient tero di S. Benedelto, nell ottato di Mantova
la nuit demi-nues, couvertes seulement de libri einque, depuis 1007 à 1115. La première
peaux de tigre ou de panthère , légèrement partie, imprimée en 1696 in ï°, éprouva une
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si vive opposition que la sceonde est restée que! , dit que les Indiens nommaient leur
manuscrite; 3" De ecclesiasticœ hyerarchiœ Bacchus Devanichi ou Dionichi. C'est encore
originibus ,Modène , 1763, in-4". L'auteur y par un nom do Schiwa que l'on a voulu ex
prouve que la hiérarchie de l'Eglise ifa point pliquer l'autre nom Box^oç. En Egypte, on
été calquée sur le gouvernement civil des Ho - avait fait prévaloir les origines grecques;
mains, ni dans les premiers temps, ni dans les Ogygès et Thebé, sa femme, auraient bâti la
siècles postérieurs. Il approfondit avec une ville de Thèbes, et fondé le culte d'Isis et de
érudition prodigieuse et une sagacité remar Dionysos. Dans le système égyptien, Bacchus
quable tout ce qui a rapport au gouverne n'est qu'un dieu de troisième ordre, un dieu
ment des Romains pendant les premiers siècles né d'un dieu. D'autres fois ce n'est qu'un hé
du christianisme, et il est assez étonnant que ros , un homme exposé aux malheurs, aux
le père Niceron, et après lui Mazzuchelli , travaux, aux chances de la vie humaine.
aient pris précisément le contre-pied de Bac- C'est dans ses aventures qu'il faut chercher
ehini dans leurs notices sur ce savant. Le l'origine du dithyrambe et de la tragédie
père Bacchini a laissé plusieurs autres ou grecque. L'Osiris Dionysos existe aussi dans
vrages, les uns imprimés et les autres manu les mystères de la Samothrace, et se lie par
scrits, entre autres sa vie éorile en latin. 11 conséquent à l'antique religion des Pélasges.
était bibliothécaire du duc de Modène, mem En Egypte, Osiris Dionysos est le Gis de Ju
bre de presque toutes les académies italien piter- Ammoii; c'est un dieu Phallus, comme
nes, et portait dans celle des Arcades le sur le Schiwa Dionichi des Indiens; on faisait
nom de Eremo Panormio. Le père Bacchini en son honneur des processions de pria-
mourul à Bologne le 1" septembre 1721. pes. Mais comment distinguer dans cet amas
BACCHUS, en grec Aiovusoç. — C'est dans de traditions, d'élymologies et de fables,
l'Inde qu'il faut rechercher l'origine du culte ce qui appartient a la Grèce , de ce qui
de Bacchus ; les traditions sont inépuisables lui est étranger? Le défaut de monuments
k cet égard. M. Gail fils , dans un ouvrage bien caractérisés rend celte tâche fort dif
couronné par l'Institut , a soutenu néanmoins ficile. Il est évident que 1 on a 'voulu dans
l'opinion de Frérel, selon laquelle ces tradi ces mystères envelopper toute une théorie
tions ne remontent ) as plus haut que l'expé sur les forces productrices et génératrices
dition d Alexandre. Mais telle n'est pas la de la nature. Dans ceux d'Eleusis, la fa
pensée du célèbre Creuzer : dans ta Sym ble de Bacchus a principalement pour objet
bolique des peuples de l'antiquité, il démontre le symbole de l'élablissement de l'agriculture.
que long-temps avant les conquêtes du mo Celte partie a été parfaitement traitée dans
narque macédonien celte opinion était domi le savant ouvrage de M. Holle, couronné en
nante et adoptée par toute la Grèce. On re même temps que celui de M. Gail ; il a dé
gardait Bacchus comme un héros, comme un montré quo le culte de Bacchus était en
demi-dieu ; c'était le premier qui eût franchi quelque sorte le complément de celui de Cé-
l'Euphrate , c'était le vainqueur de l'Orient. rès , dont l'induré le nomme l'assesseur. A
Le poète Nonnus reproduit la fable dans sa Athènes, à Rome, ces divinités étaient hono
purelé primitive. Il est évident que la reli rées dans le même temple : là il passait pour
gion de Bacchus est venue de la Haute-Asie, fils de Jupiter et de Cèrès ; il n'était que le
à travers l'Asie-Mineure et l'Egypte. L'Aca produit, et était adoré sous le nom de Bac
démie de Calcutta a constaté des faits qui ne chus Iacchus. Cependant il élait aussi prin
laissent point de place au doute à cet égard. cipe producteur, alors Bacchus Zagrée, ou
On retrouve dans les Puranas de l'Inde tous Bacchus Sabazius, ou Bacchus Eubule; il est
les principaux traits de la fable de Bacchus : son propre fils sous le nom de lacchus ; enfin
c'est le Schiwa ou la seconde personne de la il est aussi fils du serpent, qui joue un si
divinité révélée ; c'est souvent aussi l'Osiris grand rôle dans les mystères d'Eleusis. lac
égyptien. En ce sens Bacchus est le principe chus parait avoir signifié enfant à la ma
humide fluide ; les hyades sont ses nourrices, melle , et l'on trouve , sur un grand nombre
et Osiris lui-même est quelquefois appelé de monuments anciens, Cerès allaitant lac
Ilysiris. Les étymologistes trouvent de quoi chus. On appelait scades le sixième jour des
expliquer son nom grec par des syllabes in fêtes éleusiniennes consacré à Bacchus, et on
diennes ; ainsi Dionysos signifierait le roi de le portait processionnellcment avec sa mère.
Nysée. Langlès, dans ses Recherche* asiati Ce dieu n'eut d'abord rien de commun avec
BAC ( i(K) BAC
lu Bacchus fils de Jupiter et de Sémélé , dieu pour un cerf, le tua. Ino jeta Mélicerle, son
du vin, introduit dans la Grèce bien posté autre fils, dans une chaudière bouillante.
rieurement. Diodore de Sicile, après avoir Diodore dit que Bacchus fut conGé à une Glle
parlé du Bacchus thébain , ajoute qu'il y a eu d'Aristée nommée Nysa. Les variétés que les
un Bacchus beaucoup plus ancien , qui était mythologues nous ont transmises sur les
fils de Jupiter et de Proserpine. Quanta Bac liyades sont innombrables. Bacchus ayant
chus Zagrée, il est fils de Proserpine et du découvert la vigne, Jnnou le rendit furieux.
serpent; Apollon est le soleil supérieur, et Dans les peintures anciennes on le voit sou
lui le soleil inférieur ; il est aussi divinité des vent menaçant de son thyrse; il parcourut
enfers. Il y a des fables fort intéressantes sur toute la terre; il se rendit d'abord en Egypte
la naissance de Zagrée, qui portait des corne?, chez Prolée; en Phrygie il fut purifie par
maniait la foudre , déliait les Titans , etc. Rhéa, qui lui enseigna 1. s mystères. Chassé de
Voyez, dans l'ouvrage de M. Uolle, la signifi laThracepar Lycurgue, fils de Dryas, il s'en
cation des épilhètes Étibule, Isodetès, OEsym- fuit dans la mer auprès de Thélis. Bacchus
netés , Hyés, etc. Sabatius est le pouvoir gé rendit Lycurgue furieux au point qu'il tua
nérateur ; la doctrine du serpent a passé de son propre fils; il le fit ensuite écarteler pour
l'Egypte chez tous les peuples de l'antiquité. avoir nié qu'il fût un dieu. Ce Bacchus-là
Il avait le don de la divination, et réunissait était né sur le mont Cylhéron. A son retour
tous les cnractères de la divinité. Comme de la conquête de l'Inde dont nous avons
pouvoir générateur, Bacchus était encore parlé, il revint à Thèbes. Penthée, qui y ré
adoré sous la forme du taureau , qui , dans gnait, voulut s'opposer à l'établissement de
les mystères , est le symbole du proslogonos , son culte; mais il fut mis en pièces par Agave,
ou de l'être premier né. Ainsi le bœuf Apis sa mère, qui le prit pour une bête féroce. La
est le symbole d'Osiris, et l'on retrouve sur tragédie des Bacchantes d'Euripide et les
les monuments anciens une multitude d'em Métamorphoses d'Ovide ont célébré ce sujet.
blèmes du taureau. Le Bacchus Cabire était Thèbes devint donc le sanctuaire du culte de
le même qtie celui des mystères d'Eleusis, Bacchus; ses fêtes s'appelaient trielériques,
car les Cabires étaient les grands dieux , les parce qu'on les célébrait tous les trois ans; les
dieux de la génération universelle. hommes y étaient mêlés avec les femmes, à
L'origine du culte de Bacchus Zagrée ou la différence de ce qui se pratiquait à Eleu
Sabazius est toute phénicienne et lydienne; sis. Après avoir établi son culte dans la Béo-
il y avait identité entre celui de Cérès et Bac tie, Bacchus passa lui-même dans l'Argolide.
chus et celui de Rhéa et Sabazius, dont la Un prince phénicien, qui venait d y établir
Phrygie occidentale ou troyenne était le siège une colonie, repoussa son culte par la force,
principal. Ces doctrines égyptiennes sur Osi- et chassa cette troupe indisciplinée d'hommes
ris s'appliquent presque toutes à Bacchus ; elles et de femmes. Ou montrait, dans plusieurs
étaient les symboles de la puissance active, endroits de l'Argolide, leurs tombeaux. Ce
de la force génératrice mâle. Typhon, cause culte s'infillra ensuite dans ce pays, les Ar-
de sécheresse et de stérilité, était leur en giennes y ayant vu un moyen de se pro
nemi. Isis et Cérès, principe femelle, terre curer plus de liberté. Les mythologues font
fertile, étaient les mêmes divinités. Il y a un venir Bacchus dans l'Altique, sous le règne
autre rapprochement, une véritable identité de Pandion; il enseigna à Icarius à faire le
entre Horus et Jacchus, en ce qu'il était, vin; mais celui-ci fut tué par ceux qui,
comme Bacchus Jacchus, l'emblème du monde éprouvant les effets de cette liqueur, se cru
produit par l'action combinée du principe ac rent empoisonnés. Toutefois, il n'y a rien do
tif et du principe passif. plus incertain que l'époque où Bacchus a
Mais revenons au Bacchus thébain, fils de commencé à être considéré comme dieu du
Jupiter, qui était entré chez Sémclé, fille de vin dans l'Attique. Le dernier voyage que les
Cadmus, dans toute sa majesté. Sémelé en mythologues fassent faire k Bacchus est celui
fut tellement effrayée qu'elle en mourut. de l'île d'Icarie à celle de Naxos; il loua une
Jupiter enferma l'enfant dans sa cuisse, puis trirème appartenant à des corsaires Tyrrhé-
il le fit nourrir par les nymphes; il fut niens ; ceux-ci dirigèrent leur course vers
porté par Mercure à Ino et Athamas; mais l'Asie, dans l'espoir de l'y vendre. Bacchus
Juiion, pour se venger, le rendit furieux. changea le mât et les rames en sapins, rendit
Athamas, prenant Léarque, l'aîné de ses fils, les corsaires furieux, et ceux-ci se précipi»
EAC C 401 ) BAC
tèrent dans la mer. L'idée de M. Rolle , à des femmes qui portaient le van, elc. Le troi
l'excellent ouvrage duquel nous empruntons sième jour, celui des chytres , était consacré
la plupart de ces détails, est que l'histoire aux représentations théâtrales et aux com
de Bacchus est l'expression poétique et allé bats littéraires en l'honneur de Bacchus. Le
gorique du bonheur, que l'agriculture et la nom de chytres signifie marmite, xurpa; on
civilisation ont donné au genre humain... Le faisait bouillir ce jour-la dans des marmites
dieu avait un nombreux cortège, composé de toutes les herbes consacrées à Bacchus. Les
personnages allégoriques : les pans, les silè grandes dionysiaques étaient l'une des prin
nes, les satyres, les ménades, les bacchantes. cipales cérémonies de la Grèce; les pratiques
Les silènes et les satyres différaient de la na dont nous venons de parler leur étaient com
ture humaine par la queue de chien et les munes. M. Rolle pense que l'automne était le
oreilles pointues; les pans et les égipans temps de leur célébration, et le prouve à
avaient des queues de chèvre. Les bacchantes l'aide des pièces d'Aristophane. Dans le reste
ne présentent aux modernes que l'idée de la de la Grèce on célébrait encore beaucoup de
fureur et de l'ivresse ; mais elles n'étaient que fêtes de Bacchus ; par exemple, les ascolies,
> l'expression simple et douce du plaisir. Théo- où l'on sautait sur des outres faites de peaux
cri te nous a laissé la description de leurs cé de chèvres ; les fêtes agrioniennes se célé
rémonies. Les attributs de Bacchus sont le braient àOrchomène la nuit; les femmes y
thyrse, ou petit javelot enveloppé de pam poursuivaient Bacchus comme s'il leur était
pre ; la férule, espèce de roseau qui croît dans échappé. Les ambrosies, fêtées dans l'Attique
les îles de la Grèce ; l'âne, que l'on retrouve pendant le mois lénéon ; les Haloennes, con
dans toutes ses expéditions; enfin le lierre, sacrées à Cérès et à Bacchus ; les Néonies au
emblème de la jeunesse, et dont ce dieu était temps du vin nouveau ; les Protrygies , fêtes
toujours couronné. communes à Bacchus et à Neptune, c'est-à-
On célébrait à Athènes deux dionysiaques, dire au principe générateur de la substance
ou fêtes de Bacchus, les unes grandes, les humide,etc. Dans les Apaturies, Bacchus por
autres petites; celles-ci, appelées anthesté- tait le nom de Mélanégide, en commémora
ries ou lénéennes, avaient lieu tous les ans tion de la victoire remportée par Mélanchtus
pendant le mois anthestérion ou lénéon; les sur Xanthius de Béotie, et du vœu fait par Mé
grandes fêtes ne revenaient que tous les trois lanchtus , parce que Bacchus leur était ap
ans au mois de posidéon. Les anthestéries paru couvert d'une peau de chèvre noire.
se divisaient en pythégies, ouverture du ton L'institution des Apaturies paraît avoir pré
neau; et choes, où l'on buvait au son de la cédé la colonie Ionienne. Nous n'entrerons
trompette ; enfin les chytres étaient les vérita dans aucuns détails sur l'astydromie, les os-
bles mystères. Il y avait des rois des sacrifices, cophories, les sthenies, les péonies, etc., etc.
des reines des sacrifices , etc. La procession Il nous reste à parler de Bacchus Eleuthère
dionysiaque était célèbre ; les rites appartenant ou Liber. Ce nom lui vient de ce que, suivant
aux diverses fables deBacchus y étaient réunis. une tradition, il rendit la liberté à sa patrie.
La marche était ouverte par les silènes, les sa Les Samiens avaient une fête qu'on appelait
tyres et les pans. Il faut lire la description que eleuthéria: c'était la fête de la liberté; Bac
donne Athénée de la fête de Ptolémée Phila- chus avait fondé la ville d'Eleuthère. Les li-
delphe. Après les silènes venaient cent vingt beralia à Rome étaient la même fête que les
enfants ceints de lierre et portant à la main dionysiaques à Athènes. Libéra était aussi,
une couronne de pampre; au milieu d'eux chez les Romains, un des noms de Proserpine.
marchait une statue représentant un homme Les liberalia étaient fixées au 17 mars; c'é
de quatre coudées, puis une très belle femme; tait alors que les jeunes gens quittaient la
enfin deux vases appelés thymiathères; après robe prétexte pour prendre la robe virile. Le
quoi venaient les auteurs, musiciens, dan dieu Liber était surtout le symbole de la
seurs. Sur un char arrivait une haute statue de reproduction : c'est ainsi qu'il est souvent re
Bacchus faisant une libation sous un berceau présenté sur beaucoup de vases étrusques.
de pampres, d'où pendaient des thyrscs, des Il est dieu Conjugalis, et reçoit la dénomina
guirlandes, des tambours , des bandelettes, tion de Pater. Les pythagoriciens, les plato
des masques tragiques et satiriques; sur le niciens, les stoïciens et les orphiques attri
même char étaient aussi des prêtres et des buaient à Bacchus les deux sexes, comme ils
prêtresses, des interprètes des mystères et les donnaient à la plupart des divinités; ils
Ency I. du XIX' siècle, t. IX. 20
BAC ( 402 ) BAC
concentraient ainsi dans le même être la force Porta. Il entra dans l'atelier de Cosimo Ro-
a.clive et la force passive. Ces idées, venues selli , où il fit de grands et rapides progrès ; ce
d Orient, n'ont été accréditées en Grèce que fut là qu'il se lia d'amitié avec Albertinelli,
dans les temps voisins du christianisme. Ce dont parfois les ouvrages peuvent être con
n'était pas du tout le caractère de la mytho fondus avec les siens de cette époque, qui
logie grecque et romaine. étaient alors très finis et minutieusement
Le savant M. Crcutzer a publié, en 1819, travaillés. La vue des chefs-d'œuvre de Léo
un volume in-4° sur Bacchus. Nous avons nard de Vinci changea entièrement la di
cité les ouvrages de MM. Gail et Kolle : il faut rection du talent de Baccio, et lui donna
recourir encore au Manuel de mythologie du cette puissance qui l'a placé au premier rang
célèbre Otfried Muller, aux Mémoires de la de l'école italienne. Il entreprit alors la célè
Société de Calcutta, etc., etc. Golbéry. bre fresque de l'hôpital de Santa-Maria-No-
BACGHYLIDE, poète lyrique dont nous vella, représentant le jugement dernier, fres
ne possédons plus que de très courts frag que qui fut achevée par Albertinelli, lorsque,
ments qui nous ont été conservés par Plutar- séduit par les prédications fanatiques de Sa-
que, Athénée, Stobée, Clément d'Alexandrie, vonarole , Baccio quitta son atelier pour le '
et les Scolies sur Apollonius de Rhodes. Il y suivre. Ce fut après un de ces fougueux dis
avait beaucoup d'élévation dans ses inspira cours que les sectateurs de Savonarole rassem
tions, et l'on n'a pas craint de le regarder blèrent en un monceau tout ce qu'ils purent
comme l'émule de Pindare. Né à Julis , dans réunir de sculptures et de tableaux présentant
l'île de Céos, il était neveu do Simonide. Sui des nudités, et en firent un auto-da-fé, incen
das dit qu'il avait pour aïeul un athlète aussi die dans lequel Baccio et Lorenzo Credi s'em
appelé Bacchylide , et que le nom de son père pressèrent de précipiter toutes leurs études
était Médon : toutefois il y a doute sur ce nom, de nu.
que d'autres \eulent lire Milon. Suivant la Lorsque Savonarole fut poursuivi par la
chronique d'Eusèbe il florissait vers la lxxxip justice, Baccio s'enferma avec lui et un
olympiade, 450 ans avant J.-C. C'est à lui grand nombre de ses partisans dans le cou
qu'Horace a emprunté l'idée de sa belle ode vent de Saint-Marc, où ils soutinrent un
Pattor cum traheret per fréta, etc. Il est siège dans les règles. Le peintre, plus habi
aussi mentionné pour la Lxxxvn' olympiade, tué à manier le pinceau que l'épée , fut tel
ce qui n'a rien d'incompatible, puisque la lement épouvanté qu'il fit vœu d'entrer en
différence n'est que de vingt-cinq ans. Bac religion s'il échappait à un si grand danger.
chylide vécut dans le Péloponnèse, et écrivit Fidèle à sa promesse , lorsque Savonarole
dans le dialecte dorique , ainsi que Simonide eut été pris et brûlé , Baccio prit l'habit , le
et Pindare, auquel Hiéron le préférait. Pindare 26 juillet 1500, à Saint-Dominique de Prato,
en marqua son mécontentement dans une de ainsi que l'attestent les chroniques de ce cou
ses odes pythiques. Ammien Marcellin nous ap vent. Plusieurs mois après, ses supérieurs
prend que l'empereur Julien faisait ses délices l'envoyèrent à Saint-Marc de Florence; mais
delalecture de Bacchylide. Voyez la Bibliothè il paraissait avoir abandonné la peinture
que de Fabriciut , les Poètes grecs de Vossius, pour se livrer entièrement à la dévotion. Ce
1 Onomasticon de Saxius. Les fragments de pendant , au bout de quatre ans , cédant aux
Bacchylide se trouvent imprimés dans diver sollicitations des moines eux-mêmes , il re
ses collections, dans quelques éditions de Pin prit la palette, et son premier ouvrage fut un
dare et dans les Analecta de Brunck. Il y eut Saint Bernard en contemplation , qu'il fit
un autre Bacchylide originaire d'Opunte, pour l'abbaye de Florence. Ce fut à cette épo
que le poète comique Platon rangeait parmi que , en 1504 , que Raphaël , jeune encore ,
les sophistes. vint à Florence pour étudier ; il se lia avec
BACCIO DELL A PORTA , plus connu le Frate, lui donna des leçons de perspective,
sous le nom de Fra Bartolomeo de lia Porta, et en reçut des conseils pour le coloris. Plus
do Fra Bartolomeo da San- Marco, ou sim tard , Baccio fit lui-même un voyage à Rome
plement du Frate, naquit en 1469 à Savi- pour admirer les ouvrages de Raphaël et de
gnano près de Prato , en Toscane. Il vint fort Michel-Ange ; et à son retour, encore plein
jeune à Florence, où il demeura chez des de ces sublimes souvenirs , il exécuta le fa
parents, près de la porte Santo-Pietro Gat- meux Saint Marc, son chef-d'œuvre , et l'un
tolino , d'où lui est venu le surnom de délia des plus beaux ornements du palais Pitli. Il
BAC ( 403) BAC
fit ensuite .son Saint Sébastien, et la belle ma Ces satires n'empêchèrent pas qu'il no fût
done quia donné le nom à la salle del Frate chargé de la construction de beaucoup d'au
de la galerie publique de Florence. tres palais, et choisi pour terminer la galeria
Aussi laborieux que désintéressé, il aban qui devait entourer la grande coupole da
donnait a son couvent le produit de son ta Santa-Maria di Fiore, et que Brunelleschi
lent, ne réservant que ce qui était indispen avait laissée imparfaite. Les dessins du grand
sable pour l'achat des objets nécessaires à son architecte étaient môme perdus, et Baccio
art. Malheureusement une fin prématurée dut en faire de nouveaux. L'ouvrage était
vint interrompre ses travaux en 1517; il commencé quand Michel-Ange, passant par
mourut d'une indigestion de figues, à l'âge Florence, attaqua vivement les projets da
de quarante-huit ans, et fut enterré dans l'é Baccio, qu'il trouvait mesquins, et présenta
glise de Saint-Marc. lui-même
flit que lesd'autres
travaux
plans.
furent
Il résulta
interrompus
de ce con-
et
La manière du Frate est large et noble;
ion coloris plein de richesse, de vigueur et n'ont jamais été repris. Baccio est aussi l'au
de ressort, peut être comparé à celui des teur du beau pavé de marbre de cette cathé
plus grands maîtres vénitiens; souvent il sait drale et du clocher de Santo-Spirito, qui na
allier le charme et la grâce de Raphaël au fut achevé qu'après sa mort, d'après sou
grandiose de Michel-Ange. Baccio fut le pre dessin.
mier, dit Vasari, qui fit usage de mannequins. Baccio laissa trois fils, dont l'aîné, Giuliano,
Le musée du Louvre possède deux beaux ta fut aussi architecte, et termina les travaux
bleaux de ce maitre : une Salution angélique commencés par son père. E. B—n.
et le Mariage de sainte Catherine de Sienne. BACCIO DA MONTELUPO naquit à
BACCIO D'AGNOLO architecte £. Breton.
floren Montelupo, bourg situé sur le bord de l'Arno,
à douze milles de Florence. Il étudia la sculp
tin, né en 14-60, et mort en 1543. Il s'adonna ture sous Lorenzo Ghiberti; mais dans sa jeu
d'abord à la sculpture en bois , art dans lequel nesse, adonné à tous les plaisirs, à toutes les
il se rendit justement célèbre en exécutant dissipations, il s'occupait fort peu de son art.
les belles st >lles et l'orgue de Sainte-Marie- Arrivé à l'âge mûr, il regretta le temps perdu,
Nouvelle, et beaucoup d'autres travaux ence et travailla à le réparer avec tant d'ardeur
genre. Dans un voyage qu'il fit à Rome, il qu'il réussit bientôt au-delà de toute espé
s'appliqua à étudier les principes de l'archi rance. Des armoiries de Léon X, sculptées
tecture. De retour à Florence, il ne tarda pas en marbre sur un angle du palais Pucci, et
à trouver l'occasion de développer son nou soutenues par deux charmantes figures d'en
veau talent; il fut chargé del 'érection de plu fant, commencèrent sa réputation, à laquelle
sieurs arcs de triomphe en bois pour l'entrée mit le sceau l'admirable statue de bronze da
de Léon X dans cette ville. saint Jean, qu'il exécuta pour l'église d'Or
De ce moment la réputation d'habile ar San-Michele, et que Vasari nous apprend lui
chitecte lui fut acquise, et il participa à tous avoir été payée 240 florins. Il fit ensuite un
les grands travaux exécutés de son temps. Il grand nombre de crucifix de bois de gran
fut l'un des architectes de la grande salle du deur naturelle, qui sont répandus dans toute
Palaù-Vieax. Mais le monument qui lui va l'Italie, mais dont le plus précieux est placé
lut le plus de critique, et par conséquent le au-dessus de l'entrée du chœur de Saint-Marc
plu.» de célébrité, fut le palais Bertolini, qu'il de Florence. Baccio se fixa ensuite à Luc-
érigea sur la place de la Trinité, et dans le ques, qu'il embellit de beaucoup de ses ou
quel il introduisit des innovations qui, admi vrages. 11 y mourut vers 1533, à l'âge de
ses depuis, ne pouvaient manquer alors de quatre-vingt-huit ans, et fut enterré dans
soulever tous les partisans des anciens erre l'église de San-Paolino, qu'il avait ornée et
ments. Le premier, dans ce monument, il construite, car il était aussi architecte. On
orna les fenêtres de fronton; le premier il cite parmi ses meilleures productions une
employa des colonnes à l'embellies nient des statue de Mars, singulièrement placée dans
portes. On lui reprochait surtout d'avoir fait l'église de Sanla-Maria Mater Domini à Ve
une église au lieu d'un palais, et chaque jour nise, sur le tombeau du général Benoît l'e-
on attachait à son édifice des guirlandes de saro.
feuillages, comme aux églises les jours de Raphaël de Montelupo, fils de Baccio, fut,
fêle. " / comme lui, sculpteur célèbre; il était Tau
BAC ( 404 ) BAC
leur de l'ange de marbre placé à Rome sur il fut nommé directeur de la musique de
le mausolée d'Adrien, et qui, ayant été plu Hambourg, où il mourut en 1788. Haydn
sieurs fois frappé par la foudre, a été rem admirait beaucoup ses ouvrages , et se plai
placé par une figure moderne de bronze, cou sait à en imiter le style. Jean-Chrétien fut
lée sur le modèle de Giordani. E. B—N. élevé à Milan, d'où il passa à Londres en
BACH. Nom d'une famille qui a produit 1763 , et y composa des opéras italiens ; il
plusieurs compositeurs de musique du plus fut nommé maître de musique de la reine,
éminent mérite, dont voici une biographie épouse de George III. S'étant associé avec
succincte. Abel , ils donnèrent par souscription de fort
J ohann-Sebastian Bach naquit à Eisenacli, beaux concerts, qui conservèrent la vogue
dans la Haute-Saxe, en 1G85. Son quatrième pendant plusieurs années. Il mourut en 1782.
aïeul , Veit Bach , meunier et boulanger de BACHE (horticulture). Cette construction
Presbourg, vivait au commencement du xvie sert dans les jardins à abriter les semis, les
siècle, et fut obligé de quitter la Hongrie boutures, les marcottes, et les plantes nou
pour cause de religion. Il jouait avec talent vellement transplantées ou greffées ; elle re
de la guitare, et communiqua son goût pour çoit aussi les végétaux délicats qui deman
la musique à ses deux fils, qui en ûrent leur dent pendant l'hiver protection contre les
profession et l'enseignèrent à leurs enfants ; variations de la température, et non contre
en sorte que l'amour de cet art et le talent l'abaissement de celle-ci. On emploie aussi
se propagea à tel point parmi ses descendants les bâches dans les jardins potagers pour for
jusqu'à la sixième génération , que vers le cer des légumes et quelques arbres à fruits..
milieu du dernier siècle on comptait cin Sous le nom de bâche, quelques personnes
quante-huit musiciens tous issus de Veit comprennent des constructions en planches;
Bach. Jean -Sébastian commença par être mais nous croyons devoir les placer parmi
enfant de chœur à l'église de Saint-Michel à les châssis. Nous dirons donc que les bâches
Lunebourg, où il se distingua par sa belle sont entourées de murs de pierres ou de bri
voix de soprano ; il passa de là à la cour de ques , et par conséquent établies à demeure.
Weimar et puis k Anstadt, où il fut nommé Il en est de simples et de doubles. Les pre
organiste de l'église neuve. En 1708, le duc mières ont le mur de devant moins élevé que
de Weimar lui offrit la place d'organiste de celui du fond, et les deux parois des extrémi-
la cour, qu'il accepta, et en 1717 il devint mités terminées k la partie supérieure par
directeur des concerts et maître de chapelle une pente , résultant de la hauteur des murs
de ce prince. On ne dit pas le motif qui lui antérieurs et postérieurs. Les bâches doubles
fit quitter Weimar ; mais quelques années ont les deux grandes murailles également
après nous le trouvons maître de chapelle du élevées , et celles des extrémités sont à deux
prince d'Anhalt-Cocthen, et puis directeur pentes et en forme que l'on nomme en archi
de l'école de musique de Saint-Thomas, place tecture pignon ; elles sont recouvertes d'un
qu'il conserva jusqu'à sa mort, qui arriva le châssis vitré. Toutes les bâches peuvent se
30 juillet 1750. Il était frappé depuis quelque rapporter à ces deux modèles, à quelque
temps de cécité, suite d'une opération faite usage qu'elles soient consacrées. Dans les
sans succès; mais, par un singulier phéno terrains perméables et secs , on les enlerrera
mène, il recouvra tout-à-coup la vue dix autant qu'on le pourra , et on obtiendra par
jours avant de mourir ; il fut atteint presque là une égalité plus grande de température.
immédiatement après d'une attaque d'apo On ne peut agir ainsi dans les sols argileux
plexie. Les principaux ouvrages de Bach et compactes ; il faut alors exhausser la bâche,
sont des fugues et beaucoup de musique re creuser tout autour d'elle un fossé que l'on
ligieuse. Bach avait un merveilleux talent remplit de pierres brisées grossièrement ; les
d'exécution sur l'orgue. eaux s'y rendent , en sortent par un canal
Son fils aîné, Friedmann Bach^ aimait à im recouvert, et vont se jeter sur les terres in
proviser, et n'a laissé après lui qu'un petit férieures. Les murs en moellons doivent avoir
nombre de fugues ; il est mort à Berlin en au moins 18 pouces, ceux en briques 8 à 10
1784. Le second , Charles-Philippe-Emma- pouces, et ceux en pierres de taille 6 pouces.
miel , est principalement connu comme pia Les premiers sont les meilleurs, parce qu'ils
niste. 11 entra en 1740 au service de Frédé- empêchent, par leur épaisseur, l'introduc
jric-le-Graud, y resta jusqu'en 1767; quand tion du froid.
BAC ( 405 ) BAC
La bâche, comme toutes les serres, doit vint de bonne heure conseiller-clerc au par
être revêtue à l'intérieur d'une couche de lement de Paris ; il figura dans le parti de la
plâtre ou de tout autre enduit, bien poli à la Fronde, et ce fut lui qui fît donner cette dé
truelle. Nous ne pouvons rien dire de la tem nomination à ce parti, ayant dit un jour que
pérature des bâches, puisqu'il en est où le le parlement imitait ces écoliers qui, s'amu-
thermomètre peut descendre à zéro , tandis sant à fronder dans les fossés de Paris, se sé
que dans d'autres il doit s'élever à 50 de parent dès qu'ils aperçoivent le lieutenant
grés. On peut utiliser le mur du fond de la civil, et se rassemblent de nouveau lorsqu'ils
bâche en pliant contre lui un cep de vigne ne le voient plus. Dès ce moment les enne
ou un autre arbre fruitier , qui produira de mis de Mazarin prirent pour signe de rallie
très bonne heure. Les châssis à scies ne sont ment les cordons de chapeau en forme de
autre chose quedes bâches froides. (Foy. Chas- fronde , ce qui les fit appeler frondeurs. A la
sis, Serres, Panneaux.) fin des troubles , Bachaumont se retira des
BACHAUMONT (Louis Petit de), né affaires pour se livrer aux plaisirs et les
à Paris vers la fin du xvne siècle, n'a em chanter quelquefois. Il lui est échappé plu
brassé aucune carrière ; mais la délicatesse sieurs bagatelles ingénieuses , dont quelques
de son esprit et l'enjouement de son carac unes se trouvent à la suite des poésies de
tère firent les délices des sociétés où il était Chapelle , 1 vol. in-18; Paris, 1755. L'âge le
admis. Sa conversation intéressante et variée fît changer de vie ; et il disait à ses amis, éton
offrait un charme qui captivait tous les suf nés de ce changement : « Un honnête homme
frages ; on peut s'en faire une idée par les doit vivre à la porte de l'église et mourir dans
Mémoires secrets pour servir à l'histoire de la la sacristie. » Il est mort en 1702.
république des lettres , dont il a composé les BACHELIER. Voy. Baccalauréat.
quatre premiers volumes et le commence BACHELIER (Nicolas;, sculpteur et ar
ment du cinquième. Cet ouvrage a été con chitecte distingué du xvie siècle , originaire
tinué et publié plusieurs fois en 36 vol. in-12. de Lucques, naquit à Toulouse, se rendit
On y trouve , depuis le 1" janvier 1767 jus fort jeune à Rome, où il eut le bonheur de
qu'au 1" janvier 1788, les analyses de toutes puiser à l'école de Michel -Ange l'idée du
les pièces de théâtre, les relations des assem beau et de l'éloignement pour le gothique
blées littéraires , les notices des livres nou mesquin de son pays. On n'apprécia que
veaux, clandestins, prohibés; les pièces fu long-temps après sa mort les ouvrages de
gitives , rares ou manuscrites en prose et en Bachelier, et déjà plusieurs étaient défigurés
vers ; les vaudevilles sur la cour , les anec par la dorure dont on les avait badigeonnés».
dotes et bons mots , les éloges des savants , L'époque précise de sa mort est inconnue ; R
des artistes, des hommes de lettres morts, etc. travaillait encore en 1553.
Ces mémoires piquants n'ont pas été à l'abri BACHELIER (Jacques), peintre français,
de la critique, notamment de la part de La né en 1724. Son talent très médiocre ne l'eût
Harpe, qui y avait été quelquefois maltraité. pas fait sortir de l'obscurité ; mais il fonda
C'est toutefois un recueil précieux à consul en 1763 une école gratuite de dessin pour les
ter pour quiconque voudra bien connaître artisans, et y consacra une fortune d'environ
la littérature légère et le ton do la société au CO.000 francs. Elle subsiste encore , et un
xvm* siècle. Les autres ouvrages de Baehau- grand nombre d ouvriers y reçoivent , sous
mont sont : 1° Essai sur la peinture, la sculp la protection du gouvernement, les premiers
ture et l'architecture, 1752, in-8° ; 2» Mémoi cléments du dessin en tout genre, près l'E
res sur le Louvre, l'Opéra, la place Louis X V, cole de médecine. Bachelier fut récompensé
Us salles de spectacle , la Bibliothèqlie du roi, par la direction de la manufacture de porce
1750 in-12 ; 3° Vers sur l'achèvement du laine de Sèvres ; inventa ou plutôt retrouva
Louvre, 1755; 4° la Vie de l'abbé Gédoyn, à l'encaustique pour préserver les statues de
la tête des Œuvres diverses de cet abbé, pu marbre de l'impression de l'air, et aida le
bliées par d'Olivet en 1745, in-8 ; 5° une édi comte de Caylus dans la recherche de la pein
tion de Quintilien de Gédoyn, 1752, 4 vol. ture encaustique ou à la cire dont se servaient
in-12. Bachaumont mourut le 28 avril 1771. les anciens, faute de connaître nos procédés.
Il y avait eu auparavant un autre Bachau Il mourut en 1805 à l'âge de quatre-vingt-un
mont ( François Le Coigneux de), né à Paris ans. Il a laissé le Conseil de famille, proverbe
en 162'». Fils d'un président à mortier, il de en un acte , 1774 ; un Mémoire hisloriqus d»
'
BAC ( 406 ) B.VC
l'origine et des progrès de la manufacture na la Bataille d' Aréole et la Veille d'Austtrlitx;
tionale de porcelaine de France , in- 2 , 1779 ; s'était adonné à la gouache, et mérite une
et un Mémoire sur l'éducation des filles , pré place distinguée parmi nos plus célèbres paysa
senté par l'auteur à l'Assemblée nationale gistes.
en 1789. BACON (François) , baron de Vérulan,
BACLER-D'ALBE (Louis-Albert-G his- vicomte de Saint-Alban et grand-chancelier
lain, baron), (ils d'un directeur de la poste aux d'Angleterre, naquit le 22 janvier 1561. Dans
lettres d'Amiens, naquit à Saint-Pol (Pas-de- François Bacon, qui se rendit si célèbre par
Calais ) le 22 octobre 1765 , se livra d'abord ses éminents emplois, par ses connaissances
à l'étude de la peinture et de l'histoire natu si variées et ses nombreux écrits, il existe
relle ; partit à l'âge de vingt ans pour l'Italie, deux personnages bien distincts : celui
et se fixa à Salanches au pied du Mont-Blanc, d'homme d Etat et de philosophe. Dans notre
où il composa plusieurs tableaux qui com notice nous suivrons cette division, pour ren
mencèrent sa réputation, et qui sont très re dre notre travail plus facile et plus intelligible.
cherchés en Suisse et en Allemagne. Il adopta Nous commencerons par la biographie de
avec enthousiasme les idées révolutionnaires, François Bacon, et nous examinerons ensuite
entra dans un bataillon de chasseurs de l'Ar- ses écrits philosophiques, qui servirent de
riège. )l passa par tous les degrés de la hié base au sensualisme du xvnr siècle.
rarchie, eut plusieurs emplois, et Napoléon François Bacon eut pour père Nicolas Ba
le fit général de brigade en 1813 et directeur con, garde des sceaux sous le règne d'Elisa
du dépôt de la guerre, lorsque sa santé déla beth, qui jouissait d'une haute réputation
brée ne lui permit plus de faire partie de l'ar comme jurisconsulte. Sa mère Anna Cooke
mée active. En 1815, la perte de sa place le lui donna le jour à Londres, dans IliOlcrl
rendit à ses pinceaux, que le tumulte des de York, sur le Strand. Il eut le bonheur de
camps ne lui fit jamais oublier entièrement. venir au monde dans un temps où les arts et
Il avait publié en 1803 les Ménales pittores les sciences étaient fort cultivés. Dès sa plu»
ques et historiques des paysagistes , collection tendre jeunesse Bacon donna des preuves d'un
de gravures au trait et à l'aqua-tinta, d'après génie précoce et pénétrant, et nous pourrions
les meilleurs ouvrages connus ou inédits des presque dire que sa renommée commença
peintres paysagistes de toutes les écoles, ac avec son enfance pour ne le quitter qu'au
compagnées de notes historiques et critiques tombeau. Il fut de bonne heure envoyé à l'U
sur la vie des peintres, le mérite de leurs ou niversité de Cambridge ; il étudia au collège
vrages et les principes de l'art; Paris, ih-4» de la Trinité sous le docteur Whitgrift, qui
de 36 planches ; un peu auparavant une belle plus tard devint archevêque de Cantorbéry.
Carte du théâtre de la guerre en Italie, 52 A cette époque, il avait alors douze ans (en
feuilles, considérée comme la meilleure qu'on 1573), le charme de sa conversation le faisait
ait sur cette contrée ; plus tard, Promenades rechercher des personnes instruites. La reine
pittoresques dans Paris et ses environs, 1 vol. Elisabeth aimait la droiture de son jugement,
in-fol., avec 48 planches lithographiées ; Sou la solidité de son raisonnement et la gravité
venirs pittoresques , ou vues lithographiées de de sa tenue. Souvent elle le nommait son
la Suisse, du Valais, etc., Paris, 1818, in-fol. ; jeune garde des sceaux {Lloyd's state wortkies,
Vues pittoresques du Haut-Faucigny , gra p. 829). Ses progrès au collège de la Trinité
vures coloriées; Souvenirs pittoresques conte furent rapides ; à l'âge de seize ans il avait
nant la campagne d'Espagne, suite d'estampes parcouru le cercle entier des sciences. Mais
lithographies; Paris, 1824, in-fol. Macé ce qui surprendra davantage, c'est qu'il s'aper
doine lithographique y ou suite de souvenirs çut bien ayant ce temps combien était vain et
pittoresques d'Europe; Paris, 1824, iu-fol. futile le système de philosophie alors en fa
On a encore du même d'excellents Mémoires veur, et il conçut le projet d'élever l'édifice
sur la gravure des cartes , dont on peut voir des connaissances utiles sur d'autres fonde
des extraits dans le Mémorial topographique. ments et de le construire avec des matériaux
Qflicier de la Légion-d'Honneur, chevalier autres que ceux qui étaient en usage de
de» ordres de Saint-Louis, de la Couronne de puis plusieurs siècles. ( Vie de Bacon par le
Fer et de Saint-Henri de Saxe, Bacler-d'Albe docteur Rawley, p. 3.) Il s'élevait, non pas
mourut à Sèvres le 12 septembre 1824. Il contre Aristote, auquel il accordait sa part
a.vait exposé au Musée deux grands tableaux, d'admiration, mais contre l'interprétation de
BAC (407) BAC
ces opinion», qui a rendu sa philosophie si jours repoussée, sur les instances de Robert
stérile. « Elle n'est bonne tout au plus, di- Cecil, ennemi personnel du comte, qui repré
» sait-il, qu'à entretenir des disputes et des sentait Bacon comme incapable de gérer les
» débats, mais elle est incapable de produire affaires contentieuses de la couronne. D'Es
» aucun résultat utile à l'homme, » et cette sex, voulant alors dédommager autant que
opinion de ses jeunes années, il la garda jus possible Bacon d'un refus dont il se croyait le
qu'à sa dernière heure. Son père, Nicolas motif, lui fit don d'une de ses terres. Quand
Bacon, s'apercevant des progrès prodigieux son malheureux bienfaiteur parut devant la
de son fils, résolut, pour achever son éduca haute-cour pour y être jugé comme conspi
tion, de le faire voyager. Ce fut vers Paris rateur, non seulement l'acte d'accusation fut
qu'il dirigea ses pas ; une lettre de M. Amias dressé par François Bacon, mais encore il ne
Povvlet, ambassadeur de la reine en France, refusa pas de le soutenir, et on le vit porter
datée de l'année 1577, en fait foi. 11 sut gagner la parole contre le comte d'Essex. (State
bientôt, par sa conduite et son esprit, la con Tryals., v. i, p. 205.) Il ne borna pas là en
fiance de cet ambassadeur. Celui-ci le char core sa conduite odieuse en pareille circon
gea peu après d'un message du plus haut stance, il écrivit un factum dans lequel il
intérêt auprès de la reine Elisabeth, et il s'ac approuva le jugement du comte d'Essex ,
quitta de cette mission avec tant de zèle et dont la condamnation avait excité une indi
de talent qu'il mérita pour lui-même et son gnation générale. [Déclaration ofthe treasons
ambassadeur la faveur royale. (Mémoires de of R. Earl of Essex, vol. iv, p. 386.) Jamais
la reine Elisabeth, p. 375.) Après son retour homme ne fut en but à une animad version
à Paris il parcourut diverses provinces; il plus générale que François Bacon, tant sa con
demeura quelque temps à Poitiers. Le pen duite fut jugée cruelle, ingrate et infâme
chant naturel de son esprit vers la réflexion dans celte circonstance ; il se vit contraint
et les recherches ne lui permit pas de s'adon à donner une apologie de sa conduite, qu'il
ner beaucoup à l'étude des langues; mais son adressa au comte de Devonshire , ami intime
génie investigateur interrogeait les lois, les du malheureux comte d'Essex. (Apology Ba
coutumes, les mœurs des peuples qu'il fréquen cons Workt, vol. iv.) Cette apologie fit peu
tait. Ce fut alors qu'il rédigea son premier d'effet sur le public; la haine populaire et la
ouvrage, De l'état de l'Europe, résultat de ses honte furent le partage de sa vie entière;
observations, et qui est un de ses meilleurs cette haine fut souvent poussée jusqu'à l'ex
écrits. Il devait avoir alors environ dix-neuf cès, car il fut commis sur sa personne plu
ans, car il dit lui-même dans cet ouvrage sieurs tentatives d'assassinat. François Ba
« que Henri III, roi de France, était âgé de con n'eût-il pas dû agir comme Henri Yelver-
» trente ans. » Ce roi avait vingt-quatre ans ton, qui, sous le règne suivant, ne craignit
quand il monta sur le trône en 1574. pas d'encourir la colère du roi et la perte de
Il paraît que François Bacon, commele plus son emploi plutôt que de prêter son ministère
jeune de ses frères, était le favori de son père ; pour soutenir l'accusation portée contre le
aussi celui-ci avait-il mis de côté une somme comte de Sommersct, qui lui avait fait obte
considérable pour lui acheter une charge pen nir la place de procureur-général ? (Aul. Ca-
dant son absence; mais étant mort subite ijni., p. 186.) Elisabeth ne survécut qu'une
ment sans pouvoir mettre son projet à exé année au comte d'Essex. Jacques VI d'E
cution, cet argent fut partagé entre les cinq cosse, qui lui succéda, accorda à François
enfants. François Bacon fut forcé de retour Bacon la plus haute dignité dans la magis
ner en Angleterre et de chercher un élut qui trature , celle de garde des sceaux. En IGOo ,
pût le faire vivre. (Stephen., Colleet. des let il publia son écrit sur \e progrès des sciences,
tres de Bacon.) Il choisit le barreau, et entra qui renferme le spécimen de son grand ouvra
dans la société de Gray's Inn, et bientôt il en ge. A cette époque ayant rendu de grands ser
fut l'ornement par la supériorité de sou ta vices à la couronne en omployant pour elle le
lent. Il devint son lecteur. En 1588, Elisa crédit et la faveur parlementaire que lui
beth le nomma avocat à son conseil extraor avaient acquis ses grands talents, il fut nommé
dinaire. Ici commence la vie politique de grand-chancelier. Bacon était d'un caractère
François Bacon. Robert Devercux, comte dépensier, aimant l'ostentation. Ses employés
d'Essex, réclama pour lui une place de pro et ses domestiques proGtèrent de son laisser-
cureur général , mais cette demande fut tou aller pour vendre tous les services qu'ils pou-
BAC ( 108 ) BAC
vaicnt rendre ; son valet de chambre même prend le progrès des sciences; la seconde par
faisait payer fort cher un moment d'audience tie, Novum organum, ou nouvelle méthode
de son maître. Le bruit sourd de sa vénalité se d'employer les facultés raisonnantes à la re
répandit dans ce public, qui n'avait pas oublié cherche de la vérité ; la troisième partie con
sa lâche conduite envers son protecteur. Cette tient la Sylva sylwrum, ou histoire de la na
attaque devint de jour en jour si vive que le ture ; la quatrième renferme le Scala intel-
gouvernement ne put fermer plus long-temps lectus, qui réunit une série de degrés parlés-
les yeux. Il fut traduit par ordre du roi devant quels la conception doit régulièrement passer
la chambre des lords, sous l'accusation de con dans ses recherches philosophiques; la cin
cussion et de corruption. Il montra dans ce quième partie est YAnticipationes philosophi-
moment une grande faiblesse de caractère, cœ, proposés comme idées ; dans la sixième
et ne produisit pour sa défense qu'une lettre partie les principes généraux des science»
contenant l'aveu de tout ce qui lui était repro naturelles, déduites de l'expérience, sont for
ché. Il fut condamné à 40,0001. st. d'amende, mulées dans un système régulier et complet.
à la prison, dont la durée fut laissée à la vo Bacon laisse aux travaux des philosophes fu
lonté royale, à la perte de ses emplois, et il turs le soin de terminer ce grand ouvrage, dont
fut de plus déclaré incapable d'occuper à l'a il avoue n'avoir jeté que les fondements.
venir aucune place ni dans le gouvernement, C'est à tort cependant que l'on appelle com
ni à la chambre des lords, ni à celle des com munément François Bacon le père do la phi
munes. losophie expérimentale, caria philosophie, de
Après avoir passé quelque temps en prison, son temps et avant lui,était toute d'expérience.
le roi lui rendit la liberté et lui fit remise de D'Alembert, dans la grande Encyclopédie,
l'amende à laquelle il avait été condamné. Plus écrit que Fr. Bacon était né dans le sein de la
tard il réclama du roi une grâce pleine et en nuit la plus profonde. 11 oubliait donc que Ro
tière, ce qui lui fut accordé (Cabala, p. 249), ger Bacon, Copernic, Tycho-Brahé, Keppler,
et conformément à ces lettres de grâce, il fut avaient déjà paru ; que Vietti, Fermât, Gré
envoyé comme représentant au premier par goire de Saint-Vincent, Bayle, Hook, Galilée,
lement du roi Charles. Il passa la partie de sa Descartes, Grégory, Borelli, Kircher, étaient
vie comprise entre sa condamnation et ce mo tous à peu près ses contemporains. Bradley
ment dans la retraite et l'étude. Ses travaux écrivit au sujet de cette nuit profonde, que
de recherches étaient si soutenus qu'il fut at Bacon lui-même annonçait danschaquepartie
teint, en 1626,deviolentsmaux detêteetd'es- de ses œuvres, une lettre où se trouve cette
tomacj la fièvre vint bientôt compliquer ses phrase : «Permettez-moi de vous le direfran-
souffrances, et après une semaine d'angoisses » chement,je ne puis comprendre vos plaintes.
il mourut le 9 avril de cette même année. Il ne » Jamais on ne vit plus d'ardeur pour le»
reste aucune trace de ses derniers moments ; » sciences que de nos jours. Vous reprocher
on a retrouvé seulement une lettre, la der » aux hommes de négliger les expérience»,
nière qu'il eût écrite, adressée au comte d'A- » et sur le globe entier on ne fait que des ex-
rundel , dans laquelle il se compare à Pline » pèriences.» {Epist. Thom. Bradiai ad Fran-
l'Ancien, dont la mort fut causée aussi par son ciscum Baconum, 19 février 1607. )
esprit de recherches , puisqu'il fut englouti Bacon prit une route opposée à celleque l'on
dans une éruption du Vésuve, en voulant exa- suivait habituellement; au lieu de s'adresser
minerson cratère. Il fut enterré sans pompe aux notions de l'entendement à l'aide de la dia
dans l'église de Saint-Michel, et le lieu de sa lectique, ce fut sur des expériences hasardées,
sépulture serait resté long-temps obscur et à l'aide de l'induction (méthode déjà prati
ignoré si la reconnaissance d'un de ses em quée par Telesio vers l'année 1504) qu'il pré
ployés, sir Thomas Meautys, n'était venu le tendit reconstruire l'édifice des connaissance!
décorer d'un monument. humaines (Cousin, Manuel dephilosophie, t. u,
François Bacon est un des génies les plus p. 61 ). Quoique souvent trop exclusifs, les
féconds, non seulement par le nombre de ses travaux de F. Bacon ont cependant rendu un
écrits, mais aussi par les investigations et les grand service par l'influence qu'ils ont exercée
remarques qui y abondent ; son esprit, prompt sur ses contemporains; et pour détromper ceux
à créer, patient dans ses recherches, lui fit qui ne verraientdans F.Bacon qu'un empirique
tracer le vaste plan de son Renouvellement vulgaire , il suffit, dit If. Cousin, de rappeler
des sciences, en six parties ; la première com- en quels termes il déclare son opinion sur la
BAC ( 100 ) BAC
science et sur l'objet de la philosophie. « La C'est à François Uacou que commence
• science, dit F. Bacon, n'est autre chose cette philosophie antithèiste qui est le ca
» qu'une image de la vérité, car la vérité ractère distinctif du xvni" siècle, qui ren
» dans la réalité des choses et la vérité dans ferme strictement Dieu dans la Bible. La
■ la connaissance ne sont qu'une seule et grand principe de Bacon, c'est que Dieu ne
» même vérité, et ne diffèrent pas entre elles, pouvant être comparé à rien, si l'on parle
» pas plus qu'un rayon de lumière direct et sans figure, et rien ne pouvant être communi
un rayon réfléchi. (Augm. scient., 1, col. 18.) qué que par comparaison, Dieu est absolument
» L'objet de la philosophie est triple : Dieu, inaccessible à la raison, et ne peut être, par
» la nature et l'homme; la nature s'offre à conséquent, aperçu dans l'univers, en sorte
» notre intelligence comme le rayon direct, que tout se réduit à la révélation. (Impet.
» tandis que c'est pour ainsi dire par un rayon philos, de interpr. nat. sent., xii opp., t. IX.)
» réfléchi que Dieu se manifeste à nous. » Ailleurs il présente le même principe sous
(Augm. icient., m, cap. 1.) Bacon n'a de pré une forme nouvelle en répétant que le spec
dilection pour aucune science , il prétend les tacle de la nature ne conduit pas l'homme à la
embrasser toutes et les asservir toutes égale religion. Si la raison humaine ne doit rien
ment. « Je ne me propose point d'éclairer tel chercher hors de la nature, l'homme ne pou
ou tel endroit du temple, je veux allumer un vant certainement comparer Dieu à aucun
» grand flambeau qui illumine tout l'édifice.» objet naturel, il s'ensuit réellement que nous
Aussi M. Cousin le compare-t-il, dans son Court ne pouvons avoir aucune idée de Dieu. Sou
£histoire, à une de ces statues qui, placées sur tenir qu'on n'a aucune idée de Dieu parce
les grandes routes , enseignent par où il faut qu'on n'en a pas une idée parfaite, et que
passer, mais qui restent immobiles. Toutefois, c'est absolument la même chose d'ignorer
il ne secoue pas la croyance aux deux âmes hu ou plutôt ne pas concevoir ce qu'il est ou s'il
maines, l'une sensitive, de la nature de celle des est, ce n'est pas seulement un blasphème con
brutes, l'autre raisonnable, venant du souffle tre Dieu même, c'est encore un blasphème
de Dieu; voici comment il en explique les facul contre le bon sens. Il en résulterait que nous
tés. L'imagination, par exemple, est, dit-il, la n'avons l'idée de rien, puisqu'il n'existe rien
sensation affaiblie par l'éloignement, l'absence dont l'essence nous soit parfaitement connue.
de son objet; elle se nomme mémoire en tant (Ex. de la phil. de Bacon, par Jh. de Maistre,
qu'elle peut renouveler une image effacée. Les 2, p. 17.) « Selon Bacon, le consentement des
principes rationnels de F.Bacon, l'antiquité les » hommes ne prouve rien, et serait plutôt une
avait déjà proclamés ; c'est la pensée hippocra- » preuve d'erreurs Le consentement, loin
tique, qui n'avait pas encore été entièrement » d'être une preuve légitime, fournit au con-
développée. L'on voit que sous certains rap » traire le plus sinistre préjugé contre la
ports Bacon se traîne encore sur les pas des » croyance qui s'appuie sur cette base. » ^Nov.
anciens, quoiqu'il ait projeté tant des vues org., lib. lxxvii.) En parlant de la mort, Ba
sur la détermination des phénomènes intel con dit : « Les hommes craignent la mort
lectuels et sur la philosophie de l'entende » comme les enfants craignent les ténèbres ,
ment humain, comme sur toutes les bran » et ce qui renforce l'analogie , les terreurs
ches de l'arbre encyclopédique. Combien donc » de la première espèce sont aussi augmentées
ne doivent pas être laborieux et lents les » dans les hommes fail s par ces contes effrayanis
progrès des sciences, puisque de tels hom » dont on les berce. (De la mort, t. su.; Rien
mes sont condamnés par leur nature à subir ne semble déplaire tantà Bacon que l'union de
eux-mêmes l'esclavage des préjugés! Fran la théologie et de la philosophie; il appelle
çois Bacon n'énonça point formellement son cette union un mauvais mariage, plus nuisible
opinion sur l'origine des idées ; mais en annon qu'une guerre ouverte entre deux puissances.
çant qu'il faut renouveler l'entendement et (Cogit. et Visa, opp., t. rx.p. 067.) La théolo
refaire toutes les notions, c'est assez dire gie, si l'on veut le croire, s'oppose à toute nou
que l'esprit forme lui-même ses idées. Rap velle découverte dans les sciences. « La chi-
peler la science aux lois de l'expérience et de » mieaétèsouitlce, ajoute -t-il, parles affinités
l'observation, c'est bien assez indiquer que » théologiques » {ibid., p. 30"), et il se montre
dans les impressions sensibles elle est le pre si furieux contre Paracelse, qui avait mêlé la
mier fondement des connaissances humaines. religion à la chimie, qu'il le nomme asino-
(Gerando, Générât, des connaiss. hum., 70.) rum adaptive. 11 se plaint de l'hiver moral
BAC ( 410 ) BAC
et dei cœur» glacèi de ion siècle, en qui la vres, plus on s'aperçoit qu'il lui manque
religion avait dévoré le génie. {Jtnpet, phil., la faculté d'imaginer nettement les formel,
p. 280.) Il se plaint également que dans l'an les situations et les mouvements; souvent il
tiquité les études des philosophes se soient n'atteint pas le but auquel il prétendait. Son
tournées en grande partie vers la morale, esprit avait plus de pénétration que d'étendue,
qui , selon lui , est comme une théologie plus de fécondité que de force, sinon par rap
païenne. (Cogitata et Visa, opp., t. IX.) port au but, du moins par rapport aux moyen*.
Il est peu de maxime plus fausse et plus dan Deux choses lui manquaient, selon M.Lasalle,
gereuse que celle qui tend à séparer la religion 1 intelligence et la réflexion , ou ce qu'il
de la science. * L'esprit, a dit Mallebranche, nomme lui-même la géométrique et le temps.
> devient plus pur, plus lumineux, plus fort ( Lasalle , OEuvres de Bacon.) Sa réputation
» et plus étendu à proportion que s'augmente est bien au-dessus de son mérite réel, car sa
» l'union qu'il a avec Dieu, parce que c'est philosophie se fourvoie souvent dans l'objet
> elle qui fait toute sa perfection. » {Recher et dans les moyens. François Bacon se trompe
che de la vérité, préface, p. vi.) dans les masses et les généralités en troublant
M. de Maistre se demande comment un l'ordre et la hiérarchie des sciences , en leur
homme, qui donne à chaque instant dans ses donnant des noms et des buts imaginaires ; il te
écrits des preuves d'une incrédulité anti- trompe dans ses détails, et il décrit une foule
chrétienne et d'une impiété fondamentale , d'expériences insignifiantes, une masse d'ob
présente en même temps assez de traits reli servations enfantines avec des expressions
gieux pour avoir fourni à l'abbé Emery le quelquefois ridicules; enfin il est sem blable aux
sujet d'un livre intéressant intitulé le Chris' enfants qui parlent beaucoup et disent peu.
tianismede Bacon. {J. de Maittre, Examen de On peut dire de Fr. Bacon qu'il a beaucoup
la philosophie de Bacon.) Est-ce chez lui do écrit et n'a presque rien produit. Ce jugement
l'hypocrisie? est-ce flatterie pour Jacques I", paraîtra bien téméraire à ceux qui regardent
roi pieux et théologien? N'est-ce pas plutôt Fr. Bacon comme le soleil qui vivifie tout, et
par la faiblesse humaine qu'il faut chercher à qui ont fait du chancelier on héros, une divi
expliquer toutes ses contradictions? Bacon nité à laquelle on ne peut toucher sans être ac
était un homme ; Sénèque a dit : « Magna cusé d'impiété. Mais pour juger Bacon,il faut
res est unum hominetn agere. » En effet, il n'y lire ses ouvrages et ne pas se contenter des
a rien de si difficile à l'homme que de n'être louanges qui lui ont été adressées par à'A-
qu'un. lembert, Voltaire, etc. Il faut lire et méditer
Bacon se contredit quelquefois sur divers 6es écrits et les comprendre; « car, dit M. La
points très importants dans les sciences ; par salle ( un des admirateurs de Fr. Bacon et le
exemple , dans le Novum organum , il dit en traducteur deses Œuvres), l'interprète, pour
parlant de la chaleur, que la chaleur n'est le rendre intelligible , doit traduire plutôt ce
qu'un mouvement (Nov. org., liv. n, n'xvm); qu'il a voulu dire que ce qu'il a dit ( Sagesse
et dans lo même livre du même ouvrage, il des anciens , tom. xv, art. 02) ; et malgré
nous assure que la chaleur agit, qu'elle pénètre toutes ces précautions, lorsqu'on s'est fatigué
les corps. (Hist. des vents , tom. xi.) Il en fait pour l'expliquer, il pounait bien se faire quo
une substance matérielle distincte et sépa le lecteur ne l'entendît pas mieux que Baco»
rée. Bacon avance souvent des faits controu- ne s'entend lui-même. ( Nov. org. , liv. n ,
vés. « En Europe, dit-il, les nuits sont le temps chap. 2, trad. de Lasalle. ) Au surplus, tout
où la chaleur se fait le plus sentir. (Ibid.) En lecteur qui ne l'a pas compris peut s'excusera
astronomie , ses idées sont assez singulières. ses propres yeux , en se disant qu'il n'est pas
Il suppose que cette espèce de voûte ou de obligé d'entendre des écrivains qui ne s'en
coupole bleue qui est comme posée sur notre tendent pas eux-mêmes. » {Philos, de Porm. et
horizon , dans un temps serein , est quelque Teles.y trad. de Lasalle, préf. ) La morale du
chose de solide ; et pour rendre raison des chancelier Bacon était une morale fort relâ
étoiles nébuleuses , il suppose que cette cou chée , et telle qu'on doit naturellement l'at
pole est criblée de trous, nebulosœ illœ Stella tendre d'un homme qui poussa l'ingratitude
sive foramina. {Descript. glob. intel., cap. vn, jusqu'à traîner sur l'échafaud son bienfaiteur,
Opp. lODI. IX. ) devint ensuite le flatteur le plus vil de Jac
François Bacon avait une infinité de vues ques Ier, et qui , pour complaire à ce prince,
grandes et utiles -t mais plus on Ut ses Œu grand admirateur do Henri VII, écrivit la vie
BAC (411 ) BAC
de ce roi, et trouva des réflexions louangeuses rieuse et assidue s'attachassent des protec
sur le meurtre de Stanley. ( Vie d'Henri VII, teurs ou des patrons qui les soutenaient , le*
t. ix , p. 473. ) Ne doit-on pas rejeter ses œu aidaient et les encourageaient pendant leur»
vres avec indignation, ne doit-on pas les ar travaux. Beaucoup d'Anglais se faisaient un
racher des mains de la jeunesse quand on est plaisir de suivre le jeune Bacon dans ses étu
parvenu aux conseils que Bacon adresse à des ; parmi ceux-ci se trouva Robert Groxi-
l'homme qui veut être l'artisan de sa propre t'head , qui fut plus tard évêque de Lincoln,
fortune. Nous citons un fragment pris au ha qui devint non seulement son patron, mais
sard : « Si vous avez encouru la disgrâce du encore son ami véritable. Pendant le temps
» prince, ne vous retirez pas de sa présence ; qu'il fréquenta l'académie de Paris, il ne s'at
» il ne faut pas se donner l'air d'étreiniensible tacha pas spécialement à une seule branche
» à l'indignation du prince, soit par une sorte des connaissances humaines, mais il s'efforça
» de stupidité, soit par une hauteur exces- d'acquérir des notions sur la généralité des
» sive. Il faut paraître affecté, c'est-à-dire sciences, non pas des notions purementsuper-
» composer son visage Evitez avec soin ficielles , mais-bien des notions exactes ; et il
» toutes les occasions, même les plus légères, parvint à son but en adoptant pour ses tra
» de rappeler au prince la chose qui a excité vaux une méthode à lui , et en faisant usage
» sa colère, et de toucher ainsi à la plaie.... d'une application constante. Quand il fut
» Saisissez avec soin toutes les occasions où parvenu au doctorat il retourna dans sa pa
» votre service peut être agréable au prince... trie, et prit en 1240, à l'âge de vingt six ans,
» Rejetez adroitement votre faute sur l'habit de l'ordre de Saint -François. Il y a
» les autres.» ( Diy. et accroiss. des scienc, des auteurs qui assurent qu'il prit l'habit mo
liv. vin , chap. 2. ) Comment un tel homme , nastique avant de quitter la France. ( Hitt.
qui n'avait ni religion, ni probité, ni morale, et antiq. Oxon. , p. 136. ) Après son retour à
ni même de connaissances fort approfondies Oxford, il fut envisagé par les plus grand»
ans les sciences , a-t-il pu usurper une aussi hommes de cette université comme l'homme
grande réputation, et comment est-il devenu le plus travailleur et le plus grand explora
de nos jours , pour une partie de notre so teur des sciences qui eût encore paru. Ils ne
ciété, une espèce de flambeau? bornèrent pas leur admiration pour lui à des
Ad. vicomte de Pontécoulant. marques de respect et d'estime ; mais s'aper-
BACON (Roger), parut dans le monde cevant que son génie investigateur avait be
savant au moment où la métaphysique ab- soin d'autres choses que des livres et des fa
streuse de l'école scolastiquc régnait en sou veurs, il lui ouvrirent généreusement leurs
veraine dans toutes les académies. Le génie bourses pour subvenir aux dépenses qu'occa
encyclopédique de cet homme devança l'ave sionnèrent ses expériences ; ce qui ne s'éleva
nir, et projeta violemment son siècle dans la pas à moins, à ce qu'il dit lui-même, dans l'es
voie des sciences naturelles et de la philoso pace de vingt années, de 2,000 livres sterling,
phie expérimentale , et il lui mérita le sur ce qui fait de nos jours, avec la variation do
nom de Doctor mirabilis. Roger Bacon naquit l'argent, environ 100,000 francs.
en 1214 en Angleterre à llchester, petite Si ses études approfondies et ses résultats
ville du comté de Sommerset, et qui est, se prodigieux faisaient l'admiration d'une grande
lon quelques auteurs , YIscali* de Ptolémée. partie de la société, ils excitèrent chez l'autre
Sa famille était fort ancienne et occupait un la jalousie, et ils offraient des prétextes plau
rang fort honorable. Roger Bacon commença sibles à la plus basse envie. On concevra
tes études à Oxford ; ses progrès furent si ra aisément que les diverses expériences qu'il
pides qu'il obtint bientôt la bienveillance et la faisait chaque jour, tant en physique qu'en
protei tion des hommes instruits. On ne sait pas mathématique, firent grand bruit dans ce
s'il appartenait au collège de Merton ou à temps d'ignorance, quand seulement deux ou
celui de Brazen. Etant arrivé à un âge où il trois hommes dans tout le pays étaient à
pouvait lui-même faire choix d'une académie, peine initiés à ces travaux , et que tous le»
il vint à celle de Paris , qui jouissait déjà prétendus savants couvraient leur ignorance
d'une fort haute considération dans le monde en opposant la religion aux recherches scien
intellectuel : ses progrès et ses travaux en tifiques. Ils déclaraient donc que les éludes
firent bientôt la gloire. Alors il était en usage mathématiques étaient unies d'une manière
que ceux qui se livraient à une étude sé inséparable avec la magie que 1 Eglise avait
BAC (412) 15 AC
condamnée , et alors ils rendirent suspects ment IV, lui rendit la liberté, et lui écrivit
ceux qui se livraient à cette science. Ce fut une lettre, dans laquelle il lui demandait
sous le poids d'un pareil soupçon que com l'envoi de tous ses écrits. ( Leu. Wadding.
mencèrent les premiers désagréments de Ro Ann. fratr. min., t. n, p. 294.)C'était en 1266.
ger Bacon, auquel on commença par inter Roger Bacon était encore dans la fleur de
dire les lectures qu'il faisait aux jeunes élèves l'âge ; il rassembla , pour complaire à Sa
de l'Université ; et enfin il fut enfermé dans Sainteté, tous ses ouvrages, les augmenta, les
sa cellule et surveillé avec un très grand rangea dans un certain ordre , les annota ,
soin, car les moines craignaient que ses et les envoya au pape par son disciple favori
écrits ne parvinssent au dehors. Ecoutons Jean de Paris. Cette collection, qui est la
Roger Bacon lui-même : ■ Prœlali enim et même que celle à laquelle il donna plus tard
» fratres, me jejuniis macérantes tuto custo- le nom d'Orus majus, existe encore. Mais la
» diebant, nec aliquem ad me ventre voluerant tranquillité de Bacon ne fut que de courte du
» veriti ne scripta mea, aliis , quam tummo rée ; Clément IV mourut deux ans après, en
» pontifia et libi ipsit pervenirent. » ( Epitl. 1268. Aussitôt après ce fatal événement, il fut
ad Clément. IV.) On peut croire , quoique cité devant le général de son ordre, Jérôme de
l'on mette en avant, pour justifier cet acte Eseulo , qui le condamna à être emprisonné.
de rigueur, ses travaux dans les sciences oc Ce général italien, nommé dans son pays
cultes , que ce ne fut là qu'un prétexte , et Jérôme di Ascoli, homme d'un caractère sé
que le vrai motif était le peu d'égard avec vère, ne condamna la doctrine de Roger Ba
lequel il avait traité les moines, auxquels il con que parce que ses écrits renfermaient
reprochait et leur ignorance et leur immora quelques nouveautés suspectes , qui le firent
lité. ( Vie de Bacon, par le docteur Broum.) On regarder comme prestidigitateur et magicien.
prétend aussi qu'une des causes de cette per Hoc anno, inquit, damnata est doctrina Roge-
sécution était sa liaison intime avec l'évéque rii Baconis Angli , propler aliquas novilatts
(îrouthead, qui, dans une lettre, osa censurer suspectas, quippe qui in omni doctrinœ, facul-
le pape Innocent IV, et qui avait, assure-t tatis, et scientiœ génère versatissimus, et ad mù
on, déclaré que dans son opinion le pape était raculum subtilis dum mathematicam etphilo-
l'Antéchrist. ( Malth. Paris, Hist. Angl., sophiam naturalem curiosius, quam par erat
p. 875.) Bacon, étant l'ami d'un tel homme, inquireret, vulgo habitus est prœstigator et
dut naturellement recevoir une partie de la magus. ( Annal. A. D. mcglxxviii. ) Mais
haine du clergé; mais ce qui le lui rendit d'autres auteurs, qui traitent plus particuliè
tout-à-fait défavorable, ce sont ses fréquentes rement de l'histoire des Franciscains en An
lettres au pape sur le besoin de réformer les gleterre, disent que le général condamna
abus. (M. S. Co ton. Tilier. , c. v, f. 3.) Il pa Roger Bacon à cause de divers traités com
rait que le principal motif qui engagea Roger posés par lui sur la nécromancie , les pronos
Bacon à embrasser la vie monastique , c'est tics par l'aspect des étoiles et de la vraie as
que celle vie lui laissait un plus grand es tronomie. (Collect. Anglo. minor., p. 116.) Le
pace de temps pour continuer ses études , et général de l'ordre , pour prévenir un appel
parce qu'il voulait que toutes ses découvertes de la sentence devant le pape Nicolas III , se
eussent pour but la propagation des connais procura sur-le-champ de Rome la confirma
sances uliles , qui , selon lui , étaient d'un tion de son arrêt. Il y a aussi des écrivains
grand intérêt pour l'honneur et la paix de qui prétendent que Roger Bacon fut empri
1 Eglise. Aussi prend-il grand soin dans tous sonné par Raymond Galfredus , qui était gé
ses écrils de le prouver, et de montrer que néral de l'ordre , à cause d'un traité d'alchi
répandre les connaissances physiques était le mie; mais que ce général le mit bientôt en
plus sûr moyen d'extirper la superstition et liberté , et qu'il fut un do ses élèves les plus
la magie. (Baconi opus majus , p. 29.) Malgré fervents. {Histor. antiquilat. Oxon., p. 138.)
la séquestration dont on faisait usage à son Nous n'avons pu découvrir à quelle source
égard , sa réputation continuait à s'étendre avaient puisé ces auteurs, et sur quels docu
au loin, et il trouva des protecteurs dans ments étaient basées leurs assertions. Cepen
quelques personnages éclairés. Le cardinal dant cette nouvelle détention dura fort long
Gui le GrosTulcodi , évéquede Sabina, et lé temps, car sa condamnation date de 1278, et
gat du pape en Angleterre, ayant été élevé ce ne fut que sous le pontificat de ce même
à lu chaire pontificale sous le nom de Clé général, Jérôme d'Eseulo, qui fut fait pape sous
BAC (413 ) BAC
le nom de Nicolas IV en 1288 , qu'eut lieu son Voltaire que Roger Bacon est de l'or encroûta
élargissement. A l'avènement de son ancien de toutes les ordures de son siècle.
supérieur à la tiare, Roger Bacon tâcha de se Après tout, Roger Bacon a été avec justice
disculper; pour pallier ses anciens torts et appelé un grand homme, et regardé comme
prouver son innocence ainsi que le fruit de ses un grand philosophe. Si la science est main
études, il lui adressa un traité fort curieux et tenant trop avancée pour qu'elle puisse pui
fort savan t sur les moyens d'éviter les infirmités ser dans ses écrits, néanmoins on ne peut as
dans la vieillesse. Ce moyen n'eut pas grand sez honorer la mémoire de celui qui sut plus
succès ; au contraire , quelques écrivains as que ses contemporains, et qui, dans un siècle
surent que cet ouvrage le fit renfermer avec de ténèbres, s'efforça d'y faire luire le flam
plus de rigueur. (Hist. et antiquitat. Oxon., beau de la science.
p. 138.) Cependant, à la sollicitation de quel Voici les principales éditions des ouvrages
ques personnes influentes, il obtintsa liberté, imprimés de Roger Bacon : Epistola fratris
et il revint à Oxford, où, surla demande de ses Rogeri Raconis de secretis operibus artis et
amis, et surtout pour être agréable à ceux qui naturae, Paris, 154-2, iu-4° ; Raconi (Rogeri)
avaient obtenu sa liberté, il composa, tout opus majus ad Clementem 1 V, nunc primum
vieux qu'il était, un Résumé de la théologie : ediditSam. Tebb, 1733, Lond., in-fol.; De la
ce t ou vrage semble avoir été son dernier écrit. pierre philosophale, traduit en français par
Il mourut dans le collège de son ordre le T. Girard de Tournus, Paris, 1529; le Mi
11 juin 1292, selon quelques écrivains ; mais roir d'Alquimie, traduit du latin en français,
le docteur Jebb donne la date de 129b, dans 1557, Lyon ; Thésaurus chemicus, Francfort,
la préface des Œuvres de Bacon. 1603. Ad. DE PONTÉCOULANT.
Roger Bacon excita une grande admira BACTRIANE, grande province d'Asie,
tion par ses connaissances dans les mathéma s'élendant le long de la rive méridionale do
tiques, la physique, la chimie et les langues, l'Oxus, qui la séparait de la Sogdiane. Quoi
par ses idées originales et ses inventions. Dé que les anciens n'en aient pas déterminé le»
mêlant avec une grande pénétration les vices limites avec précision, on voit qu'elle était
des études de son temps, il avait conçu le plan bornée au midi par les montagnes qui for
hardi de donner à la science une direction ment le prolongement du Paropamisus, et
plus franche, et de renverser l'ait des frivoles qui la séparaient de l'Inde. Ses autres fron
distinctions en s'attachant davantage à l'étude tières étaient : la Sogdiane , la Scythie, et le
de la nature. {Manuel de philosophie, Cousin, pays des Massagètes.
1. 1, p. 379.) Roger Bacon connaissait beau Le fleuve principal de la Bactriane était
coup de langues, et professait la latine,la grec l'Oxus, aujourd'hui le Djihoun, qui, dans un
que et l'hébraïque ; toutes les branches des cours dirigé vers le nord-est, va, après avoir
mathématiques lui étaient familières , et ses arrosé la ville de Bactra, et après avoir reçu
progrès en mécanique ainsi qu'en chimie ses affluents, leBactrus, le Bascatiset le bar-
avaient pour ainsi dire devancé les découver gomanes, se jeter dans les marais qu'Héro
tes des temps postérieurs. On lui attribue l'in dote place à l'est de la mer Caspienne, et qui,
vention de la poudre a canon; mais Plot as mieux connus aujourd'hui, portent le nom de
sure que Bacon a tiré ce qu'il dit à ce sujet lac Aral. Dans les lieux traversés par de»
d un auteur grec nommé Mare, dont l'ouvrage cours d'eau, le sol de la Bactriane était de la
intitulé De compositione igniwn, a été en An plus grande fertilité. Ses habitants élevaient
gleterre entre les mains du docteur Méad. En de nombreux troupeaux dans les pâturages
1267 il proposa à Clément IV la correction qui la paraient de leur verdure éclatante,
du calendrier. Il mit sur la voie de la décou tandis que dans les endroits privés d'eau on
verte des lunettes et des télescopes par ses ne trouvait que des sables, d'une étendue assez
idées sur. les réfractions. Cet écrivain donna considérable, et qui ne pouvaient quelquefois
des traités sur la grammaire, la géographie, être traversés sans danger. La capitale de la
la chronologie, la logique, la métaphysique, Bactriane était Bactra, appelée aussi Zarias-
la théologie, les mathématiques et la méde pa, aujourd'hui Balkii (voy. ce mot), terme
cine. Il est fâcheux qu'un si grand génie ait appellatif et générique qui, dans la langue de
été affecté des maladies de son temps, qu'il se ces peuples, désigne une ville importante, con
«oit adonné à la recherche de la pierre plii- sidérable. — Ptolémée compte parmi les peu
losophale et à l'astrologie^ ce qui fait dire à ples de la Bactriane, au nord les Salatarae et
BAC (414) BAD
le» Zaricupae, au sud les Chomarî, puis les Co- conquérant macédonien pour pénétrer dans
ni$, les Acinaeat, les Tambygi, la puissante celte contrée, qu'après avoir traversé la mon
nation des Tochasi , qui ont donné leur nom tagne il trouva sur son passage une ville
au Tokharistan actuel; les Marycaei , les nommée Drapsaca ou Darapsa, et, d'après la
Scordae, les Varni, enfin les Aradiae, les Or- disposition des lieux, une place dont Le nom
sippi et les Arnarispii. actuel est Banisan , se présente à l'issue des
Lesprincipales villes de la Bactriane étaient, gorges donnant entrée dans ce pays.
savoir : auprès du fleuve Oxus,Chatracharta, La Bactriane, sous les Séleucides, fut ad
Charispa, Chovana, Surogana, Phrate ou ministrée par des gouverneurs jusqu'au règne
Pharata-, auprès des autres fleuves :Alicliorda, d'Antiochus ïhéos. L'an 255 avant J.-C. ,
Chomara.Cuviandra, Cuaris, Astacana, Tos- Théodore, qui en était gouverneur, s'en em
muanassa, Menapra, Eucralidia, Bactra-Re- para à titre de souverain indépendant. La
gia , Ortobara , Maracanda , Maracodia. guerre survenue entre Antiochus et Ptolémée
S'il était permis de supposer quelque fond Philadelphe occasionna une diversion dont il
de vérité aux traditions héroïques que rap profita pour consolider son pouvoir naissant.
porte Diodore de Sicile sur Ninus, roi d'As Son fils, nommé aussi Théodore, lui succéda,
syrie, on pourrait croire qu'à cette époque et pour se mettre à l'abri de l'invasion des
reculée la Bactriane était occupée par une po Grecs, il s'allia avec les Partîtes. Ce prince re
pulation belliqueuse et puissante, car il nous cula de beaucoup les limites de la Bactriane.
apprend que lesBactriens se défendirent avec Parmi les rois qui montèrent après lui sur le
courage et avec succès contre les entreprises trône, il y en eut plusieurs qui portèrent leurs
du monarque assyrien. Diodore prétend, sur armes victorieuses assez avant dans la Scythie,
lafoideCtésias,son guide, que leroiOxyartes ainsi que dans l'Inde. La Bactriane était alors
était maître de la Bactriane au temps de Ni parvenue à un haut degré de puissance et de
nus. Eusèbe pense que Zoroastre y a régné splendeur; mais elle ne s'y maintint pas long
contemporaiti de Cyrus. Ce que l'on peut dé temps. Ses princes furent dépouillés de leurs
duire de ces récits, c'est que la Bactriane , conquêtes éloignées par les Parthes , environ
d'abord soumise aux Assyriens, passa ensuite l'an ikk avant l'ère vulgaire. Mithridate ,
sous la domination des Perses. Ce n'est qu'a filsde Phraates, leur roi, s'en empara, ets'a-
près les expéditions d'Alexandre en Asie, et vança jusqu'au royaume auquel Porus avait
lorsque les Grecs se furent établis dans la Bac jadis dicté des lois.
triane, que l'histoire de ce pays commence à La paix qui suivit ces Invasions ramena la
nous être connue d'une manière certaine. Les confiauce entre les Parthes, les peuples du
écrivains de l'antiquité classique nous pei Khorassan et de l'Inde; un commerce actif
gnent les Bactriens comme des montagnards régnait alors entre ces peuples.
féroces, et ayant pour la guerre la même ar Telle était la situation de la Bactriane lors*
deur et les mêmes dispositions que nous re que quelques nations qui habitaient à l'O
trouvons dans les Afghans, leurs modernes rient, sur les frontières occidentales de la
successeurs. Pline leur attribue la coutume Chine, obligés par un prince puissant d aller
atroce d'élever des chiens d'une très forte es chercher d'autres demeures, arrivèrent dans
pèce pour faire dévorer ceux de leurs parents ces provinces, y détruisirent le royaume des
ou de leurs amis que l'âge ou des infirmités Grecs, et se montrèrent très redoutables aux
mettaient dans l'impossibilité de pourvoir à Parthes. C'est ce peuple venu des frontières
leurs besoins. Cette coutume, quelque odieuse de la Chine que les Grecs désignent sous le
qu'elle nous paraisse, a pu exister chez ces nom de Scythes nomades, et les Chinois sous
peuples, puisque des voyageurs ont rencontré celui de Su. Dclaurier.
de notre temps des peuplades ayant également IIADAOZ, ville forte d'Espagne, rési
l'usage de donner la mort aux êtres qu'ils af dence d'un èvêquo, et chef-lieu de la capi
fectionnaient le plus, pour leur épargner les tainerie générale de 1 Estramadure. Elle ren
souffrances qu'amènent avec elles la vieillesse ferme environ 13,000 âmes. Son pont sur la
ou les maladies. Guadana , un des plus beaux de l'Europe, est
Après la chute de l'empire des Perses, la ce qu'elle offre de plus remarquable. Cette
Bactriane passa au pouvoir des Grecs. Alexan ville, célèbre par le traité de 180 1, qui porte
dre y pénétra en poursuivant Bessus, le meur son nom, a soutenu plusieurs siégns mémora
trier de Darius. Ou voit, dans la marche du bles eu 1658, en 1705 et eu 1812.
BAD ( 415) BAD
BADAKHCHAU (géog.). Grande villo lide. Cette variété demanda un peu moins de
d'Asie sur la rivière de la Kokcha. Elle était chaleur que les précédents et se cultive de
autrefois la résidence d'un khan, et son nom même. On le nomme badamier au vernie
est resté au khanat de Badakhcban, un des ( terminalia vernix, Perse ). J. M. de M.
plus riches et des plus puissants du Turkes- BADE (BADEN , LE GRAND-DUCHÉ DE), l'un
tan. Aujourd'hui le khan réside à Feïzabad, des pays les plus riches et les plus pittores
ville de médiocre étendue, située sur la même ques de l'Allemagne. Cette principauté, dont
rivière. la forme est irrégulière , a 65 lieues de long ;
BADAMIER. (ftof.), genre de végétaux sur plusieurs points, sa largeur n'est souvent
tous a tige ligneuse, de la famille des combre- que de quelques lieues. Le grand-duché de
tacèes ( péripétalie , R. Brown ) , caractérisé Bade s'étend sur la rive du Rhin , depuis le
par ce qui suit : fleurs polygames, monoïques; point où ce fleuve quitte le lac Constance
dans les mâles, calice à cinq divisions , à limbe jusqu'à l'endroit où le Necker y jette set
ouvert en étoile; dix étaminesaussi longues ou eaux. Il se compose en grande partie de plai
plus longues que le calice ; dans les herma nes fertiles et de collines couvertes de vigno
phrodites, calice et étamines comme dans les bles qu'arrosent les eaux du Rhin. Il est
mâles : un ovaire à style en alêne, terminé par borné au N. par le grand-duché de llesse-
un slygmate simple; un drupe comprimé, Darmstadt , au N.-E. par le royaume de Ba
ayant son bord en carène ou aminci , conte vière , à l'E. par le Wurtemberg et les prin
nant un noyau monosperme ; la graine , qui cipautés du Hohenzollern , au S.-E. par le
est pendante, se compose d'un épisperme qui lac Constance qui le sépare des cantons suis*
recouvre immédiatement l'embryon. Les prin ses, au S. par la Suisse, et à 10. par la France
cipales espèces de ce genre sont : i° le bada et le cercle bavarois du Rhin , que ce fleuve
mier du Malabar {terminalia catappa, Lam. ), seul sépare des frontières badoises. La super
arbre très grand des Indes-Orientales, mais ficie totale du grand-duché de Bade est de
de dix à quinze pieds dans nos serres , où il 75i lieues carrées. Son sol est sillonné par
ne doit jamais quitter la ramée ; sa forme est de nombreuses montagnes ; les forêts de 10-
pyramidale ; ses branches sont disposées par dcnwald et du Schwarzwald ( Forêt-Noire )
étages, et ses feuilles ovales, tomenteuses et en occupent une grande partie. Cette der
persistantes ; ses fleurs sont blanchâtres , pe nière notamment s'étend depuis l'extrémité
tites et nombreuses. Son fruit a quelque rap méridionale du territoire badois jusqu'à son
port avec nos amandes par sa grosseur et par extrémité septentrionale, en suivant une ligne
la bonté de la graine qu'il renferme ; aux An à peu près parallèle avec celle que trace le
tilles, cette considération a fait nommer le ba- cours du Rhin. Elle forme la limite orientale
damier amandier. En France on le multiplie du grand - duché. Le lac Constance est le
de graines venues de son pays natal, et diffi seul qu'on rencontre dans cette contrée ; on
cilement de boutons et de marcottes étouf y voit en revanche beaucoup d'étangs. Le»
fées : il demande une terre légère, substan fleuves les plus importants sont : le Rhin, le
tielle, arrosements modérés, et dépotage Necker , le MIein et le Danube , qui prend sa
annuel en juin ou septembre. 2° Le badamier source dans les montagnes du grand-duché
benjoin ( terminalia benzoe, Lam.; terminalia de Bade. Les autres rivières qui l'arrosent
anguttifolia , Jacq. ; croton benzoe, Linn.), sont : le Wiesen , le Treisan , le Murg , le
du même pays que le précédent, s'élève beau Kinzig, le Pftng , le Satl ou Salza, et le
coup moins ; sa tige est droite et ses rameaux Tauber. Tous ces fleuves et rivières sont très
ordinairement verticillés ; ses feuilles , per poissonneux ; en majeure partie navigables,
sistantes, lancéolées, étroites et pointues, ils contribuent grandement à la prospérité du
sont entières, cotonneuses en dessous et en pays en offrant de nombreuses voies de com
dessus, d'un vert pâle veiné de rouge. On le munication, et en ouvrant des débouchés fa
cultive comme le badamier du Malabar. On ciles aux productions du sol. Ce pays, si ri
a cru long-temps que le benjoin du commerce che en sites pittoresques , en possède surtout
était le suc résineux de ce végétal, mais il a deux vraiment dignes d'attirer l'attention
été prouvé par Dryades que cette matière des voyageurs : ce sont la Bergtlraste ( la
était due à un ityrax. En Chine et au Japon, chaussée des montagnes ) et la Murgihal ( la
on tire d'une variété du badamier benjoin un vallée de Murg). Le Renchthal est connu par
vernis transparent, très brillant et très so les cinq sources d'eau minérale qui, chaque
r
BAD ( 416 ) BAD
année, sont un point de réunion pour les ma l'Etat s'élèvent annuellement à 10,400,000 flo
lades de toutes les contrées de l'Europe, qui rins ; la dette nationale est de 13,300,000 flo
viennent y chercher à la fois un allégement rins.
à Uiurs douleurs physiques et un terme à l'en Le peuple badois descend des anciens Ger
nui qui les accable. mains et des Slaves. Il parle le haut allemand,
Le grand-duché de Bade est plutôt un pays mais avec une prononciation très dure.
agricole qu'industriel. Dans les environs de La population totale du grand - duché est de
la Bergslratse ( chaussée des montagnes on 1,980,000 habitants , dont la majeure partie
s'occupe surtout avec beaucoup de succès de est catholique , bien que la maison régnante
la culture des châtaigniers et des amandiers. professe la religion protestante. D n'existe
Partout les vignobles sont dans un état pro cependant pas de pays où les catholiques et
spère, auquel contribuent et la bonté du sol, les protestants vivent avec autant d'intimité
et les soins intelligents donnés à cette impor et de bon accord que dans le duché de Bade.
tante partie des productions agricoles. De Le clergé de chacune de ces deux églises est
tous les vins récoltés dans le grand-duché de représenté par un évêque, qui prend place
Bade, ceux de Affenthaltr, Wtrlhtim et Btrg- dans la première chambre des Etats. Les
itratttt, sont les plus renommés. Le Seewein membres de l'église protestante et de l'église
( vin du lac), qui se recueille sur les bords du réformée se sont réunis par un acte d'associa
lac Constance, est le plus commun et le moins tion le 28 octobre 1821. Cette fusion adonné
estimé. Dans l'intérieur des vallées , on cul lieu à une seule église, qui a pris la qualifica
tive avec soin et avec succès les céréales, le tion à'Evangéliqve.
lin , le chanvre , le tabac , la garance , et les Anciennement le grand-duché de Bade
arbres fruitiers de toute espèce. Les bords du possédait une représentation nationale per
Bliin sont longés par des belles et vertes sonnifiée dans une assemblée nommée les
prairies où s'engraissent de riches trou Etats du pays ( landstaende ). Aujourd'hui, la
peaux. constitution accordée par le grand-duc Char
Les montagnes du grand-duché de Bade les-Louis-Philippe ( le 22 août 1818) L'a rangé
renferment des mines d'argent, de cuivre, de parmi les Etats constitutionnels de la Confé
fer, de plomb , de cobalt, de calamine (zinc), dération germanique. La nation est repré
d'arsenic, d'alun , de charbon de terre, des sentée par deux chambres : la première so
carrières de gypse, d'albâtre, et de nom compose des princes de la famille régnante,
breux gisements de terre à pipe , de terre à de sept princes, trois comtes, des membres
porcelaine, d'ocre jaune et de soufre. Les ma de la noblesse dont la fortune s'élève à 300,000
gnifiques forêts qui couvrent surtout la partie florins, et des évéques protestants et catholi
septentrionale des montagnes du pays de Bade ques , en tout vingt-deux membres. La se
produisent des bois de toute espèce, jqui, au conde en compte soixante-trois.
moyen du flottage, s'exportent jusqu'en Hol Le grand-duché de Bade est divisé en qua
lande et en France. Ce commerce en grand est tre cercles (1832) : celui de Lac {Sec), le
presque entièrement exploité par de riches cercle du Haut-Rhin , celui du Rhin-Moyen,
associations. et celui du Bas-Rhin.
La fabrication des horloges de bois a pris Carlsruhe , ville neuve fondée en 1715, en
une grande extension, surtout dans la Forét- est la capitale. Les autres villes qui possèdent
Noire ; on n'y compte pas moins de sept cents des châteaux, et oùsouvent la famille régnante
fabriques , qui livrent annuellement au com établit momentanément sa résidence, sont :
merce au-delà de cent mille horloges. C'est Ludwigshust , Durlach, Rastadt et Ifntchsal.
également dans cette partie du grand-duché Néanmoins Mauheim, autrefois résidence du
que l'éducation des bestiaux , et notamment grand-duc, est la ville la plus grande et la plus
celle des brebis, a été portée à un point de belle du pays de Bade. Le duché possède deux
perfection peu ordinaire. universités : l'une à Freybourg , dont la ca
Le duché de Bade, faisant partie de la Con thédrale est un monument fort remarquable,
fédération germanique, occupe à la diète la l'autro à Heidelberg , ville de la Bergstrasse ,
septième place ; dans les affaires importantes et qui est , on le sait , une des plus célèbres
il dispose de trois voix , et doit , en cas de de l'Allemagne.
guerre, fournir pour la défense commune un La famille ducale descend de Gotlfried, duc
Contingent de 10,000 hommes. Les revenus do des Allemands, qui défendit long-temps avec
BAD ( 417. BAD
bravoure et succès le pays de Bade contre la succéder au grand-duché. Léopold, comte de
tyrannie des maires du palais. Parmi ses des Hochberg, né en 1790 , et marié depuis , en
cendants l'histoire mentionne surtout le duc 1819, avec la princesse Wilhelminc . fille du
Berthold de Zaehringen , qui fut un des prin roi de Suède exilé, Gustave-Adolphe IV, hé
ces les plus puissants de l'Allemagne. Valeu rita ainsi de cette belle principauté. Il con
reux , sage et intelligent , c'est , on peut le sacra consciencieusement tous ses efforts à
dire avec vérité, à lui qu'il faut faire remon travailler au bonheur de ses sujets, et surtout
ter l'illustration de la maison grand-ducale au développement sage et intelligent de l'in
de Bade. Il fonda Zaehringen dans le Breis- dustrie. Les fruits de cette direction éclairée
gau, et mourut en 1078. Son second fils, imprimée à l'essor de l'activité nationale se
Hermann, fut le premier qui prit le titre de montrent déjà dans un accroissement notable
margrave, et Hermann II , fils et successeur du chiffre des exportations. Bade a donné ré
de ce dernier, celui de margrave de Bade. La cemment son accession au système de douanes
famille régnante actuelle descend en ligne prussiennes. Aujourd'hui les Etats s'occupent
directe d'Hermann II. Ce prince fut l'ami de l'examen et de la discussion des projets do
des empereurs Conrad et Frédéric Hohens- construction de chemins de fer que leur a
taufen, auxquels il rendit des services émi- soumis le gouvernement.
nents. Hermann III, favori de l'empereur Bade. Ce nom est celui de trois endroits
Frédéric I", mourut à Antioche pendant une différents, tous célèbres, surtout par leurs
croisade. Depuis cette époque, le pays de eaux minérales.
Bade fut partagé, et cette circonstance donna Bade ou Baden, en Autriche (therma
lieu à de fâcheuses querelles , à des guerres Austriacœ), est une petite ville à quatre lieues
civiles et a tous les malheurs qui en sont la S.-O. de Vienne, dans une situation agréable,
suite déplorable. La maison de Bade-Durlach au pied des monts Celtiques. Ses sources mi
descend de Christophe I", mort en 1527, nérales, fort nombreuses, sont très fréquen
celle de Bade-Bade de Bernhard I", qui le tées durant la saison des bains. Leur tempé
premier introduisit dans ses Etats la religion rature varie entre 27° 4 et 48° centigrades.
protestante. Parmi les ducs de Bade on cite Elles sont un peu laiteuses ; leur odeur est
surtout Charles III, qui fonda Carlsruhej son hépatique; leur saveur salée, acidulée et dés
fils, Charles-Frédéric, qui, aidé des sages agréable. Elles appartiennent à la classe des
conseils de deux habiles ministres , Hahn et eaux minérales acidulés sulfureuses. Les ana
Edelsheim , sut conserver long-temps son lyses chimiques y signalent les principes sui
pouvoir au milieu de circonstances orageuses, vants t chlorure de magnésium , sulfate de
et porta le duché de Bade au rang qu'il occupe soude, de magnésie, de chaux ; carbonates de
encore aujourd'hui en Allemagne ; il mourut magnésie et de chaux; matières terreuses in
en 1811. Charles-Louis-Philippe, son suc solubles , le tout dans une proportion de plus
cesseur, avait épousé la fille adoptive de Na de treize grammes par livre de liquide.
poléon, la princesse Stéphanie. Comme tant Les eaux de Bade sont à juste titre consi
d'autres, les désastres qui vinrent frapper dérées comme les plus actives parmi les sour
rempire français lui firent oublier les liens de ces sulfureuses d'Allemagne. On les emploie
l'amitié et de la reconnaissance pour penser fréquemment en bains, et, sous cette forme,
à son salut. Il se détacha de la Confédération elles produisent une excitation marquée par
du Khin, et se rangea parmi les princes qui une diaphorèse abondante et le développe
combattaient alors pour l'anéantissement du ment d'une éruption particulière ( psydracia
conquérant qui les avait si long-temps fait thermalis). Prises à l'intérieur, elles sont re
trembler. C'est à ce prince que le grand-du gardées comme ayaut une action apéritive,
ché de Bade est redevable de sa constitution diaphonique, et même, suivant leurs par
actuelle. Il mourut sans descendance mâle tisans, spécifique sur la crase des humeurs.
en 1818, et eut pour successeur son oncle , On les prescrit particulièrement dans les rhu
Louis-Guillaume-Auguste, qui mourut éga matismes rebelles, contre les paralysies, sur
lement en 1830 sans enfant. Le grand-duc les
toutaffections
celles provenant
chroniques
d'influences
do la peau
saturnines,
et des -
Charles-Frédéric avait épousé une comtesse
Hochberg, née Louise Geyer de Geyersbere et membranes muqueuses, mais plus spéciale
dont il avait eu deux fils que les grandes nuis ment dans le catarrhe pulmonaire. Elles sont
ances avaient reconnus et dérlnrés apte? à contre-indiquées dans les cas d'extrême fai
blesse, comme dans ceux où il y a pléthore
EncgcL du XIX' siècle, t. IV.
27
BAD ( 4 13 ) BAD
disposition aux hémonîiagios passives, et chez ou delà température élevée des eaux de Bade .
les sujets atteints d'anévrysmes ou de suppu Nous penchons pour le premier avis.
rations internes. Bade ou Baden , en Suisse ( Thertnœ infe
Bade-Bade* (thertnœ inferiores), petite riores) , petite ville à quatre lieues N.-O. de
ville célèbre par ses eaux minérales ancien Zurich , six E. d'Arreau , sur les bords de la
nement du grand-duché de Bade. La vogue de Limmatz. Les sources minérales , au nombre
celles-ci est toujours la même dans le monde de onze , se trouvent situées à un quart de
élégant, et surtout diplomatique. Mais si près lieue de là. Dès l'époque à laquelle écrivait
de huit mille étrangers y affluent chaque été Tacite , Bade, s'il faut en croire cet histo
des différentes contrées de l'Europe, nous rien, commençait à déchoir de l'état de splen
pensons qu'il faut peut-être attribuer cet em deur où ses eaux ( aquœ Helveticœ ) l'avaient
pressement moins à leurs vertus efficaces qu'à élevée dès laplus haute antiquité. Les sources
certaine habitude longuement établie, et y sont si abondantes, que la plupart des mai
encore plus à leur situation dans une princi sons ont la leur ; les bains publics sont connus
pauté que son peu d'importance rend politi sous le nom de Bains de Sainte-Vérène. Ces
quement neutre, et à la position topographi eaux thermales, à une température si élevée
que du lieu fort à proximité des grandes que l'on est obligé de les laisser refroidir long
puissances pour les intrigues de leurs diffé temps avant qu'elles soient revenues à un
rents cabinets. degré de chaleur convenable pour être em
Les eaux de Bade-Baden sont claires et ployées, sont claires, transparentes, d'une
limpides, douées d'une odeur sulfureuse et odeur fétide sulfureuse, d'une saveur fade et
d'un goût légèrement acide et sale. Leur tem nauséeuse, et de plus onctueuses au toucher.
pérature varie de 45 à 69» centigrades, et Suivant l'analyse la plus récente, celle de
leur densité est d'environ 1,030. La quantité Pfugger, elles contiendraient des muriates do
d'eau fournie par les vingt-six sources ne s'é soude et de manganèse, des sulfates de soude,
lève pas à moins de 7,345,000 pouces cubes par de chaux et de magnésie , des carbonates do
heure, ce qui fart un total de plus de quatorze chaux, de magnésie et de fer, plus de l'acide
millions de pieds par jour. La présence des carbonique.
substances suivantes y a été signalée par dif Les eaux de Bade en Suisse sont recom
férentes analyses s'accordant assez bien entre mandées dans un si grand nombre d'affec
elles : chlorures de sodium, de magnésium et tions, qu'il serait trop long de les énumérer.
de calcium ; sulfate et carbonate de chaux, si Nous pensons avec Lollmann que leur haute
lice et fer dans la proportion de quatre grammes température les rend utiles dans la goutte et
et demie par livre, plus suivant quelques uns, les rhumatismes chroniques; nous partageons
seulement une faible quantité d'acide carbo encore l'opinion du même auteur sur leur ef
nique libre. Elles s'emploient surtout en bains ficacité dans les affections du système utérin
ordinaires; mais on en fait encore usage en dépendant de l'irrégularité des menstrues et
bains de vapeur et en douches ; leur dépôt contre la suppression du flux hémorrhoïdal.
boueux est également utilisé comme topique. Mais, à défaut de documents authentiques,
En boisson, on en prend jusqu'à huit ou dix nous nous bornerons au rôle de simple histo
verres par jour, pures ou rendues plus actives rien, en citant en outre la stérilité, les affec
par l'addition de quelque sel. Suivant les mé tions nerveuses, surtout la migraine, les
decins allemands qui ont écrit sur leurs ver asthmes et les toux opiniâtres , les accidents
tus médicales avec l'enthousiasme aveugle de provenant d'émanations métalliques, surtout
zélés compatriotes, ces eaux seraient indi saturnines et mercurielles. Ces eaux doivent
quées dans tous les cas où il convient d'exci encore modifier d'une manière avantageuse
ter les systèmes nerveux et sanguin, et se la vitalité de la peau dans les affections chro
seraient montrées efficaces contre les érup niques de cette membrane. On en fait usage
tions chroniques , les affections arthritiques , sous toutes les formes, mais particulièrement
rhumatismales et paralytiques; les obstruc en bains, dont la durée se prolonge fort long
tions des viscères abdominaux , les aménor temps, ordinairement d'une à trois heures.
rhées, etc. Nous sommes loin de soupçonner En boisson, la dose est de cinq à six verres.
.a bonne foi do leurs observations ; mais à Il existe encore plusieurs lieux qu'il est
quelle influence doit-on plutôt attribuer les aisé de confondre avec les villes précédentes =
guèrisons , ou de la composition minérale , 1° Badcn-Haussen, village thermal situé dans
BAD (419) BAD
le duché de Brunswick; 2° Badcn-Weiles, à vingt-six campagnes, conduit vingt-cinq
village également thermal, dépendant du du sièges et livré treize sanglantes batailles.
ché de Bade, est situé à environ sept lieues BADIA (Charles-François), né à Ancône
S. de Fribourg ( Aqua salis incertœ ). le 20 juin 1675, était destiné au barreau ,
BADE-BADE ; Louis-Guillaume I"), mais il tourna de préférence ses études vers
margrave de Bade-Bade , fut un des capitai l'éloquence de la chaire , et prit les ordres.
nes les plus distingués du siècle qui produisit Les succès brillants qu'obtinrent ses prédica
Eugène et Marlborough. Petit-neveu du mar tions le firent appeler dans les principales
grave Guillaume I", il naquit à Paris le 8 villes d'Italie, et même à Vienne en Autri
avril 1655 , et eut pour parrain Louis XIV. che. De retour à Turin en 1727, le roi de
La princesse de Carignan, sa mère, le voulait Sardaigne, Victor-Amédée II, le pourvut
faire élever à Paris ; mais son père, de con d'une abbaye, et bientôt lui confia la prési
cert avec son grand-père, l'enleva secrète dence de l'Académie de Turin, qu'il venait de
ment à l'âge de trois mois , pour lui faire rétablir. Badia mourut en 1751, honoré des
passer sa jeunesse au milieu du peuple sur distinctions les plus flatteuses, il a laissé, ou
lequel il était destiné à régner un jour. Le tre deux traductions d'ouvrages français , un
prince fit ses premières armes dans la campa recueil intitulé Predùche quaresimali, Turin
gne d'Alsace sous Montécuculli contre Tu- et Venise, 1740, in-4° ; Panegyrici, raggiona-
renne. Quand ce grand capitaine eut déposé mtnti ed orazoni diverse , Venise, 1750, in-4".
son commandement et fut remplacé par le BADIA ( Domingo ), plus généralement
duc de Lorraine , il servit sous les ordres de connu sous le nom d'ALi-BEY, naquit dans
ce dernier jusqu'à la paix de Nimègue, après une province méridionale de l'Espagne , en
laquelle il rentra dans son margraviat. Lors 1766. Dominé par la passion des voyages , il
que la guerre éclata entre la Turquie et en entreprit quelques uns dans l'intention
l'Autriche , et que les Turcs, par le siège de particulière d'observer les pays occupés par
Vienne , menacèrent toute la chrétienté , il les Musulmans. Ayant étudié leurs mœurs ,
vola, à la tête de toutes les troupes qu'il put leurs habitudes et la langue arabe, il se ren
réunir, au secours de la capitale. Le grand dit d'abord à Tanger, sous la protection du
Sobieski ayant battu les infidèles sous les murs gouvernement espagnol, et en 1806, s'étant
de Vienne, ce fut au margrave à achever fait passer comme appartenant à la famille
leur désastre. Il poursuivit les vaincus. Dans des Abassides, il parvint, à l'aide de son cos
la suite de cette guerre, il commanda sur le tume musulman , à s'introduire à la cour de
Danube et défit les Turcs à Nissa (24 septem Maroc, où il reçut un honorable accueil ;
bre 1689) et à Salankemen ( 16 août 1691 ). mais sa fraude fut découverte , alors il n'eut
En 1693 il reçut le commandement de l'ar que le temps de prendre la fuite, et gagna
mée de l'Empire contre les Français : il leur successivement Tripoli, l'île de Chypre, l'E
reprit Heidelberg, et se rendit ensuite en gypte et l'Arabie, il pénétra dans le temple de
Angleterre pour conférer avec le roi Guil la Mecque, dont il dessina les plans et donna en
laume sur la campagne qui allait s'ouvrir suite la description. Il visita aussi la mosquée
contre la France. 11 déploya une grande ac d'Omar à Jérusalem. Il retourna ensuite en
tivité dans cette guerre, malgré la goutte Espagne, où il trouva de l'emploi; puis , ré
qui le tourmentait. Après la mort du roi So fugié en France après la chute de Napoléon,
bieski, il prétendit à la couronne de Pologne ; il y publia la première partie de son voyage;
mais l'électeur Frédéric-Auguste l'emporta mais étant retourné en Turquie, il mourut
sur
mandalui. l'armée
Dans la guerre
de l'Empire.
do laSuccession,
Landau futilcom-
prise subitement à Alep; on croit qu'il fut empoi
sonné. La partie scientifique de la relation
par lui (1702), et l'établissement des grandes de son voyage n'a pas encore été publiée.
lignes qui s'étendent depuis la Forêt-Noire BADIANE, illicium (bot.). Genre de
jusqu'au Rhin sont son ouvrage. Mais dans plantes de la famille des magnoliacées, po
les dernières campagnes il fut moins heu lyandrie polyginie de Linné. Ce sont des ar
reux, ce qu'il faut attribuer sans doute à bres originaires de la Chine, du Japon, de
l'affaiblissement de sa santé , qui le rendait l'Inde et de la grande Tarlarie; du port d'un
plus circonspect et plus prudent, et au mau laurier, à éeoree aromatique, à fleurs axil-
vais état de l'armée de l'Empire. Il mourut à laires; calice de six feuillets, vingt-sept pé
llastadt le 4 janvier 1707, après avoir assisté 1 tales, plusieurs capsules à deux valves ino
BAD ( 420 ) BAD
nospermes, disposées en rond. On en connaît Les deux autres espèces de badiane, origi
trois espèces. naires des Florides, sont la badiane à grandes
La plus célèbre d'entre elles est la badiane fleurs rouges, illicium floridanum , et la ba
de la Chine et du Japon, illicium anitatum, diane à petites fleurs, /. parviflorum, connue
communément anis étoile, à cause de laforme en Europe depuis 1771. On trouve ces deux
qu'affecte son fruit. C'est un grand arbre espèces dans quelques jardins de France ;
orné d'un beau feuillage toujours vert, sem peut-être même toutes les trois pourraient-
blable à celui du laurier; de Heurs jaunes elles se naturaliser dans nos département!
odorantes, composées d'un si grand nombre du midi si l'on donnait plus de soin à leur
de pétales, d'étamines et de styles qu'on les culture. Lepecq de la Clôture.
croirait doubles. Toutes les parties de la BADIGEON ( techn. ). Sorte de peinture
plante sont aromatiques et exhalent une odeur en détrempe dont on se sert pour donner aux
d'anis; aussi son bois est-il désigné sous le plâtres neufs ou aux vieux murs l'apparence
nom de bois d'anit; mais c'est particulière de la pierre fraîchement taillée. On l'em
ment dans les fruits que cette odeur est le ploie aussi pour réparer les défauts des pier
plus agréable et le plus développée. Ces fruits res ou de leurs joints en y mêlant du plaire,
sont des capsules longues de k à 5 lignes , et pour donner aux bâtiments un ton égal de
comprimées, réunies et soudées en étoile, couleur. Il'est encore utile dans les lieux qui
îiu nombre de huit, s'ouvrant par la partie renferment une agglomération d'hommes ; il
supérieure au moyen d'une fente longitudi garantit les murs du mèphitisme, et ne craint
nale formée d'un péricarpe dur, coriace, point le salpêtre.
rugueux, d'un brun rougeàtre, et contenant, Pour composer le badigeon, on ajoute à un
dans une cavité simple, une seule graine seau de chaux éteinte un seau d'eau pour la
ovoïde, un peu comprimée, luisante, atta détremper et un demi-kilogr. d'alun. On
chée vers l'axe central. Leur saveur est un teinte ce lait de chaux avec de l'ocre, de la
peu acre, aromatique et sucrée ; celle des sciure de pierre, ou des éclats de pierre de
graines beaucoup plus faible. Cette odeur et Saint-Leu pulvérisés et tamisés. Il ne faut
cette saveur sont dues à une huile essentielle pas oublier quand on se sert d'ocre de rue,
qui donne à la badiane des propriétés très que la teinte devient un peu plus foncée par
énergiques. Elles sont les mêmes que pour son exposition à l'air. En général, on obtient
la plupart des autres substances stimulantes. une teinte jaunâtre plus agréable à l'oeil en
On administre l'auis étoilé, soit en infusion la rompant avec une pointe de laque ga
dans l'eau bouillante à la dose de deux gros rance.
pour une livre de liquide, soit après en avoir Le badigeon résiste assez bien à l'action de
fait fait macérer la même quantité dans une la pluie et de l'air. Il adhère plus fortement
égale proportion de vin. Cette dernière pré sur les murs un peu humides, que sur les
paration, qui est un puissant stomachique, murs entièrement secs. Il faut pour badi
se donne par cuillerées. On fait encore usage geonner ces derniers ajouter une plus grande
d'une eau distillée. Quant à la poudre et à quantité d'alun, tandis qu'à la rigueur on
l'huile essentielle, elles sont beaucoup moins pourrait ne pas en mettre lorsque les murs
employées. On prépare avec l'anis éloilé, sont humides, et qu'on présume qu'ils con
pour les usages de la table, plusieurs liqueurs serveront cette humidité.
estimées. C'est avec ce fruit que l'on donne Souvent, on ne met aucune peinture sur
à l'anisette de Bordeaux le parfum délicat les mur» construits en pierre de taille ; aussi
qui la fait rechercher. Les Chinois et les Ja ne tardent-ils pas à noircir , et on a recour»
pons regardent, dit-on, la badiane comme au grattage qui altère les sculptures , ou au
une plante sacrée. Ils en offrent dans les pa badigeon qui les empâte. Il est donc utile de
godes, en brûlent l'écorcc comme parfum sur recouvrir les murs en pierre de taille d'une
les autels, et placent les branches de 1 arbre peinture ou d'un enduit qui, résistant àl eau,
sur les tombeaux de leurs amis. Ces peuples soit assez adhérent à la pierre pour ne pas
en mangent après le repas pour précipiter la s'écailler, dont la consistance soit assez graude
digestion et se parfumer la bouche ; ils en pour boucher les pores de la pierre, et qui,
font une infusion qu'ils prennent comme du cependant , soit assez liquide pour s'étendre
thé, et en mêlent avec le café, les sorbets, sous la brosse , ne point émousser les arêles,
en un mot dans presque tous les aliments. ou remplir lec {milles des ornements et des
BAF (421 ) BAG
sculptures. Le badigeon conservateur, inventé est le double de celle de la mer Baltique. Ses
par Bachelier en 1755 , nous paraît remplir côtes sont en général élevées et garnies de
toutes ces conditions. Voici sa composition : rochers perpendiculaires , dont quelques uns
Chaux récemment éteinte et ont 500 et même 1,000 pieds de haut, et
tamisée 23 parties. derrière lesquels apparaissent des montagnes
Plâtre tamisé 7 gigantesques couronnées de neiges éternelles.
Céruse en poudre 6 On trouve quelques faibles traces de végéta
Fromage mou bien égoutté, tion dans les terrains bas. Les profonds ra
dit à la pie 9 vins se remplissent de neige, qui finit par
On mélange le tout, on le broie , puis on s'écouler dans la mer, où elle forme le noyau
le détrempe à l'eau avec un peu d'ocre. des énormes montagnes de glace que l'on
II serait bien à désirer, puisqu'on veut rencontre dans ces parages. Le centre de la
absolument blanchir l'intérieur de nos vieil baie de Baffin est entièrement dépourvu d'î
les églises gothiques, qu'on employât le badi les , et celles qui se trouvent le long des côtes
geon de Bachelier, qui , à la vérité , est un sont toutes très petites, avec la seule excep
peu plus cher, mais est bien loin de présenter tion de l'île de Disco. Partout où l'on a pu
les inconvénients du badigeon ordinaire. jeter la sonde, on a trouvé une mer très pro
BAFFIN (William), navigateur anglais fonde. Les rochers de la côte sont composés
du xvn" siècle. On ne connaît aucun détail de granit et de gneiss ; on y trouve beaucoup
sur ses premières années. En 1612 il accom de grenats, ainsi que du porphyre, de la chal-
pagna Hall dans son quatrième voyage de cédoine , du quartz , du feldspath , du jaspe
découvertes dans les mers du Nord-Ouest. Ce et une espèce de charbon de bois. La baio
voyage est remarquable en ce qu'il a été le abonde en baleines noires. Le capitaine Boss
premier où l'on ait employé une méthode a trouvé des habitants jusque sous le 77* pa
rationnelle pour déterminer la longitude par rallèle de latitude. Les Danois ont des éta
l'observation des corps célestes. L'année sui blissements dans les îles de Disco et du Ba-
vante, Baffin alla au Groenland, où il remar lesin.
qua la réfraction extraordinaire de l'atmo BAGAGE est un apprêt dans la fabrica
sphère, dont il fixe le maximum à 26', quand tion des sucres. Les bagaces sont , à propre
un corps céleste est à l'horizon. En 1615 il fit ment parler, les cannes, lorsqu'elles ont déjà
encore un voyage avec Bobert Bylot, et l'an subi l'épreuve du moulin et qu'on les conserve
née d'après un autre avec le même. C'est à dans des hangars nommés caffes , pour être
celui-là que l'on doit rapporter la décou séchées etensuite brûlées sous des poêles. Une
verte et le relèvement de la grande baie qui faut que trois jours de soleil pour les sécher.
porte le nom de Baffin. Le capitaine Boss Lorsqu'elles sortent des cylindres des mou
trouva, après plus de deux siècles, toutes les lins, on les met en paquets ; c'est l'ouvrage
positions et toutes les descriptions de Baffin des négresses, mais lorsque, dans la première
parfaitement exactes. En 1618, Baffin fit, en opération, elles ont été réduites de manière
qualité de contre-maître , un voyage de Su à ne pouvoir plus être converties en paquets,
rate a Moka; et enfin en 1621, ayant pris on les emploie à la nourriture des bestiaux.
part à une expédition anglo-persane dont Dans les endroits où le bois est commun , on
le but était de chasser les Portugais du golfe les met sous les premières chaudières, au lieu
Persique, il fut tué au siège de Kismis, petit de paille et de feuilles de cannes, et sous les
fort situé près d'Ormuz, pendant qu'il mesu dernières chaudières là où le bois est rare.
rait la distance à laquelle il fallait placer les BAGAGE, BAGAGES. Quelle est l'éty-
batteries. mologie déco mot? elle est douteuse; nos
BAFFIN (Baie de), vaste golfe situé sur arrière-descendants la sauront probablement,
la côte N.-E. de l'Amérique, entre la Terre- puisque l'Académie française s'occupe d'un
Ferme et la côte occidentale du Groenland ; dictionnaire étymologique dont elle élabore
il s'étend depuis le 68* jusqu'au 78e parallèle un mot toutes les trois semaines; laissons aux
de lat. N. , et depuis le 53e jusqu'au 82e mé arithméticiens à évaluer l'époque de la pu
ridien de longit. 0. de Paris; sa direction est blication de ce traité. On a dit bagaige avant
du S.-S.-E. au N.-N.-O. Il a environ 300 de dire bagage; le savant Ducange est per
lieues de long sur une largeur moyenne de suadé que ces mots dérivent du bas latin ,
plus de 100 lieues; de sorte que sa surface baga; mais ne viendraient-ils pas du pur la
BAG ( 122 ) D.VO
t'mbaslagium, qui signifiait le sac que portait un demi-siècle que l'infanterie autrichienne
à la guerre le soldat romain ; ou du féminin paquclait encore ainsi; mais le hayresac,
baslagia, qui signifiait fourniture administra long-temps en coutil chez les Français, avant
tive de vivres , et moyen de transport à l'u d'être à poil , à l'imitation des élrangers,
sage des troupes campées ou en campagne ? s'est porté ensuite en hotte et en forme de
La marine en a formé les mots : bastingue et boule. Il est de mode maintenant de le porter
bastingages. Ce qui autorise la supposition en boîte aplatie; ce furent les Hollandais de
de cette racine, c'est que le bastingaive by la garde napoléonienne qui apportèrent de
zantin ( baitagarius) était, comme le témoi La Haye à Versailles cette mode maintenant
gne le Dictionnaire de Trévoux , le préposé générale, mais plus agréable à l'œil que con
en chef au transport des bagages impériaux. venable à l'user. Les bagages de corps sont
Aux époques où l'armée française ne se com cet attirail ruineux, ce pêle-mêle de livresde
posait que de cavalerie ou de chevalerie, car comptabilité, de vaisselle, d'infirmerie, d'en
ces mots avaient le même sens, on appelait fants, de vivandières, de forges d'armuriers ,de
harnois, l'armure: elle était, ainsi que les tambours crevés, d'armes excédantes, de bal- i
bardes, le principal bagage; voilà pourquoi lots de compagnies, de valises d'olficiers, etc.,
le substantif harnois, harnai, est resté dans s'empilant sur des véhicules dont la dimension,
la langue des hommes de cheval , et n'a plus la forme et l'espèce ne sont nullement appro
signifié qu'équipage de cheval, quand l'ar priées à cet usage.Cette partie mécanique de la
mure et les bardes sont passées d'usage. Les science ou plutôt de l'ignorance militaire est
bagages militaires , leur transport , leur lé lahonte de la législation, puisque la question
gislation, appartiennent à une partie ou à si intime des bagages se rattache à quantité
une branche spéciale de la science des amies; de hautes questions non résolues du mélierdes
mais, en français, cette branche n'a pas de armes. Entre autres incertitudes sont celles-
nom, et il est à désirer et indispensable que ci : Le mariage sera-t-il restreint ou encou
des traités moins imparfaits que tout ce que ragé ? Les garnisons seront-elles sédentaires
nous avons lui donnent une dénomination. ou voyageuses suivant le caprice des commis?
Il y aurait à examiner les bagages comme Les bibliothèques de corps seront-elles en
bagages d'individus, bagages de corps, ba couragées, ou impossibles , faute de moyens
gages d'armée. Les bagages du soldat à pied d'encaissement ? Les casernes se transforme
rappellent le mulet de Marius. Les Romains ront-elles en dégoûtants hôpitaux? Le minis
désignaient ironiquement ainsi le long bâton tère, au lieu d'en décider, donne des gants
au bout duquel les légionnaires portaient en blancs aux conscrits. Les bagages d'armée
un paquet leurs ustensiles , comme on a vu sont le troisième et dernier objet de notre
plus tard les pèlerins porter leur gourde et leur article. Bonaparte a redit , ou ses Mémoires
rechange. Apparemment que Marius avait été lui ont fait redire, que les Romains appelaient
l'inventeur de ce moyen, ou en avait exigé embarras ( impedimenta ) leurs bagages.
l'emploi. On en retrouve l'image dans les Mais cette vérité qui traîne dans le superfi
sculptures de la colonne Trajane. Ce même ciel Végèce, cette vérité est, comme tant
nom de mulets de Marius avait passé de l'in d'autres, un mensonge, si l'on n'en précise
strument à l'homme ; on qualifiait de mulets l'époque. Ce n'est que depuis les empereurs ,
ses soldats, à raison du faix que ce général et surtout la multiplication des machines de
les obligeait à porter. Le harnois de la cava guerre, que Rome a eu des impedimenta.
lerie, le bagage ou butin de l'artillerie, car Jusque là, elle ne connaissait pas de bagages
l'idiome soldatesque a fait synonymes baga d'armée , elle n'avait que des bagages d'indi
ges et butin, sont commodément transportés, vidus, c'étaient les bastagium, bastagia,
c'est l'affaire des chevaux ou des affûts; ou les muli Mariani dont parle Frontin.
mais le bagage de l'infanterie a renouvelé les Loin d'êlre un embarras, les bagages des
mulets de Marius, et a nécessité ces ballots soldats ont, pendant plusieurs siècles, été
de compagnies où s'entasse la quantité des su- un admirable moyen d'entretien, d'avitail-
jierfluités que des règlements irréfléchis im lement, de campement. Mais l'enervement
posent aux hommes de pied. D'abord, ce commença , la discipline fut perdue quand
qu'on appelle fort improprement havresac, l'artillerie névro-balistique fit la seule force
c'est-à-dire sac à avoine, se portait, dans des armées, et quand Alexandre Sévère eut
toute l'Europe, eu carnassière; il n'y a pas attaché de vivants et vrais mulets aux co-
BAG (423 ) IUC
hortcs pour qui le casque même devint une long-temps. Or cette confédération était un
surcharge ; ce fut le triomphe des impedi pays de Bagaudes. Aussi Salvien, après avoir
menta, et l'agonie de Rome. La France, qui parlé delà dureté du gouvernement impérial,
n'a eu une armée ou des armées que depuis dit-il que chacun cherche à s'échapper des
Louis XIV, puisqu'auparavant elle ne con lieux où il subsiste encore, et se réfugie, soit
naissait que de tumultueuses levées de bou chez les Goths, soit chez les Bacaudes, soit
cliers, la France a commencé comme Rome partout ailleurs où les Barbares sont les maî
a fini. Le luxe des bagages apparut dès la tres On impute aux Bacaudes, continue-
régence d'Anne d'Autriche. Turenne, il est t—il, leur nom à titre d'injure! Mais ce
vrai, mangeait dans du fer battu , mais d'au sont des hommes que les exactions et les in
tres généraux traînaient à leur suite tout ce justices
de selesfaire
car Romains
des quasi-barbares,
magistrats
se conduisent
impériaux
quasi-barbari
de ont
telleforcés
ma
qu'il fallait pour des banquets de deux cents
personnes. Sous Louis XV,un personnel dra
matique, son orchestre, ses comparses, fai nière que tous ceux qui ne sont pas Bacau
saient partie des bagages d'armée ; les affi des aspirent à l'être.
ches de spectacle annonçaient relâche pour Le pays des Bagaudes, Bagaudia, pendant
cause de bataille. La guerre d'Amérique ne tout le cours du v° siècle, fut proprement
renouvela pas de pareils scandales, et les l'Armorique, ainsi que nous l'avons dit dans
commencements de la guerre de la révolu l'article que nous avons spécialement consa
tion furent, en fait de bagages , d'une austé cré à ce sujet. Mais ce nom était connu à une
rité antique; mais l'extravagance du luxe époque bien antérieure, et on l'appliquait a
avait reparu sous le régime impérial. Une toutes les insurrections qui se manifestaient
argenterie de 30,000 francs fut laissée aux parmi les populations celtiques ou gauloises,
guérillas par un général célèbre et presque quel que fût letieu où elles prenaient origine.
vice-roi. Les Cosaques ûrent en Russie une Nous citerons rapidement plusieurs des preu
curée encore plus riche, aux dépens d'un ves sur lesquelles reposent ces deux affirma
militaire célèbre comme diplomate. L'armée tions.
de Russie et de Saxe regorgeait de baga Sous Dioclétien et Constance Chlore, dans
ges. Il y entrait surtout deux funestes ingré le m' siècle, cette expression était déjà usi
dients, deux encombrants personnels : les tée pour désigner les rébellions purement na
bouches inutiles et les dames à carrosse. Les tionales des Gaules. On la trouve dans Eu
femmes, et surtout celles des administrateurs trope, dans Aurélius Victor, dans Eumène;
et des généraux, sont le signe caractéristi mais elle est surtout fréquemment répétée
que d'une armée sans vraie discipline. dans les chroniqueurs du \e siècle. Ainsi, en
Général Bardin. 408, c'est une armée de Bagaudes qui force
BAGAUDES. Ce nom était l'un de ceux le Goth Sarus et ses légions à capituler dans
par lesquels on désignait, dans le Ve siècle, les les Alpes et à acheter leur retraite. Vers W3,
populations des Gaules et de l'Espagne qui dit la Chronique do Prosper, la Gaule Ulté
s'étaient insurgées contre les Romains, et s'é rieure se révolta sous la conduite de Tibaton,
taient ili'rlarées indépendantes et de l'empire et alors omniapenè Galliarum servitia in Ba-
et des liai tiares. C'était d'ailleurs celui que se gaudiam conspiravere; mais, vers 437, Tiba
donnaient ces populations elles-mêmes, ainsi ton étant tombé au pouvoir des Romains, et
qu'on le lit dans l'historien Eutrope. Ce mot les autres chefs étant tués ou pris, Bagauda-
en effet vient du radical bagad, qui en gau rum commolio conquiescit.
lois signifie attroupement ou confédération. On remarquera que je me suis abstenu de
Il était cependant devenu dans la bouche traduire complètement les deux passages du
des Romains un terme d'injure, comme l'ont chroniqueur; mais ce n'est pas sans motif. Il
été dans les temps modernes quelques noms y a doute en effet sur le sens que l'on doit at
nationaux et quelques noms de partis politi tacher aux mots servitia et conquiescit. Le
ques. Salvien a parlé assez longuement des premier signifie-t-il les esclaves, comme l'ont
bagaudes ou bacaudes dans son ouvrage De interprété quelques historiens? Faut-il, au
gubernatione Dei. Il écrivait à Marseille vers contraire, préférer le sentiment de l'abbé
le milieu du v« siècle, c'est-à-dire à une épo Dubos et des Bénédictins, qui le traduisent
que où la confédération du traclus Armori- par le mtnu peuple ou la population des cam
tanus ( vo'j. Armorique ) subsistait depuis pagnes. Quant à moi, il me semble très pro
BAG ( 424 ) BAG
bable que Prosper entendait par là désigner EI-Mansour (Almansor). Cette ville s'éleva
les corps militaires chargés d'un service pu à un haut degré de prospérité et de splendeur
blic pour le compte de l'empire, c'est-à-dire sous le règne des Abbassides; mais ayant été
toutes ces garnisons connues sous les noms de prise en 1258 par les Mongols , et plus tard ,
Ripuaires, de Létes, etc., qui dans les temps en 1638, par Amurath II,ou mieux Mourad II)
ordinaires s'opposaient aux Bagaudes. Quant elle est aujourd'hui bien déchue. Elle ren
à l'expression conquiescil, il ne faut évidem ferme environ 100,000 habitants, dont 50,000
ment pas l'entendre dans un sens absolu ; car Arabes, 25,000 Turks, le reste se compose
les Bagaudes armoricains ne se soumirent de Kurdes, de chrétiens et de juifs. De hautes
point ; et dans le même temps en Espagne murailles en briques flanquées de tours et en
d'autres Bagaudes résistaient militairement tourées de fossés larges et profonds remplis
aux Barbares et aux Romains. La Chronique d'eau la défendent. Les constructions remar
d'Idace nous apprend à cet égard qu'après quables qu'elle possède sont le vaste palais
avoir tenu tête aux premiers ils ne reçurent du pascha, qui embellit le quartier de la cita
pas mieux les seconds. Cet écrivain fait deux delle; le tombeau du célèbre sophy Abdel-
fois mention d'engagements entre les légions Kader Ghilâny, que couronne la plus élé
romaines et les Bagaudes aracellitains et tar- gante coupole, et celui de Zobeïd, la femme
ragonais. de Haroun-El-Reschid. Un pont de bateaux
On peut reprocher en général aux histo d'une longueur de 264 mètres rattache à la
riens de notre > nationalité d'avoir négligé ville le faubourg situé à l'ouest du Tigre. Ce
trop complètement le point important d'his pont, qui s'appuie sur deux culées ou massifs
toire locale dont il est question ici. La plu en briques, de 20 mètres de long sur 8 de large,
part ont passé ces faits entièrement sous si est formé de vingt-cinq bateaux à quille
lence, quelques uns sans doute parce qu'ils plate, et supporte un plancher large de
ont considéré ces confédérations comme des k mètres. Les maisons de Bagdad, construites
émotions populaires sans but et sans résultat ; en briques, n'ont qu'un étage et rarement
et cependant Salvien nous dit qu'un grand deux, sans fenêtres sur les rues; celles des
nombre de Bagaudes n'étaient pas de petite riches sont ornées de croisées en glaces de
naissance ni sans éducation, non ob$curis na- Venise. Les rues boueuses, quoique pavées,
talibus editi et UbtraliUr inslituti. Les chro sont si étroites que deux cavaliers ont peine
niqueurs distinguent ordinairement ces ar à y passer de front. Les bains et les cafés de
mées confédérées de celles qui étaient com Bagdad sont sans cesse remplis de cette
mandées par des généraux barbares, ro foule oisive, dont le costume si pittoresque,
mains, ou par des prétendants à l'empire. Il les manières originales, rappellent les ta
y avait donc là quelque chose à observer et bleaux piquants des Mille et une Nuits. Objet
à noter; mais c'était un sujet de recherches de vénération pour les Turks schyytes, qui
obscures et difficiles; c'était une complica croient que le prophète Aly y a demeuré, ils
tion embarrassante dans la relation des évé ne manquent jamais de traverser son en
nements politiques du ve siècle. On a suivi ceinte sacrée lorsqu'ils accomplissent par
un système plus commode, et l'adoption que terre leur pèlerinage à la Mecque. Chaque
l'on a faite de celui de la conquête des Gaules pèlerin est obligé de payer 4 piastres au pas
par les Francs nous paraît autant l'effet de cha. Le commerce attire à Bagdad une foule
la paresse des écrivains que celui des préju non moins considérable , car elle est le foyer
gés qui régnaient de leur temps. L'abbé Du- du négoce le plus actif qui se fasse dans l'Asie
bos et les Bénédictins sont aussi les seuls occidentale. C'est le grand marché des pro
écrivains que l'on doive consulter sur ce su duits de l'Arabie, de l'Inde, delà Perse et des
jet. Bûchez. manufactures de l'Europe; dans les bazars
BAGDAD (géogr.). Grande ville de la Tur l'on voit briller toutes les marchandises
quie d'Asie, capitale du paschalik du même de ces pays, étalées dans plus de douze cents
nom, et située sur les deux rives du Tigre, magasins. Riche encore de son industrie, qui
mais principalement sur la rive gauche, consiste en cuirjaune très estimé, en soie, en
non loin des ruines de Séleucie et de Baby- grosses toiles de coton et en étoffes de laine,
lone. Ancien séjour des khalyfes et théâtre Bagdad fournit toute l'Asié-Mineure, la Sy
de tant de fictions orientales, Bagdad fut bâtie rie, une partie de l'Europe, de ses produits,
l'an de J.-C. 762 par le khalyfe Abou-Djafar- ainsi que des denrées de l'Inde, qui arrivent
BAC ( 423 ) BAC
à Basra, et que l'on importe de là sur le Tigre Baggesen le séjour du Dauemarek insuppor
jusque dans ses murs. Les habitants de cette table. Une mauvaise économie, jointe à ces
ville se distinguent par leur intelligence et circonstances, augmenta son aigreur; mais
par leurs manières élégantes, reste de cette le duc de Holstein vint à son secours. Cepen
politesse qui caractérisa la cour brillante des dant sa santé était perdue, et malgré les eaux
khalyfes. Distance, 175 lieues E.-S.-E. d'A- qu'il alla prendre à Carlsbad , il mourut le
lep, 20 N. N. E. des ruines de Babylone, et 3 octobre 1826. Ses poésies furent recueillies
85 S. S. E. de Mosul. Latitude N. 13»" 1^ 40", et publiées à Hambourg en 1803 ; ses Heidel-
longitude E. 42* 4' 3". —Bagdad, ou Irak- blutnen le furent en 1808. Enfin parurent son
Araby ( Babylonia et Chaldœa) est aussi le Parthenau, ou Voyage dans les Alpes, poème
nom du paschalik qui renferme la ville que champêtre, et son Faust. Ses chansons sont
nous venons de décrire ; il a 200 lieues de très populaires en Danemarck.
long sur 125 de large, et comprend 8,000 BAGLIVI ( Georges ), médecin célèbre
lieues carrées. Resserré en grande partie entre à la fin du xvii* siècle et au commencement
l'Euphrate et le Tigre, il s'étend entre 30» du xvm*. Il naquit en 1668 à Lecca , dans le
40' et 37° 30' de latitude N., et entre 37° royaume de Naples suivant Comène , à Ra-
50' et 44° de longitude E. Ses limites au nord guse selon Haller ; mais cette divergence d'o
sont les paschalik de Diarbekir, de Mosul et pinion se trouve expliquée dans la Biogra
de Schehrezour, à l'est la Perse, au sud-est phie
mentmédicale,
dans la où
seconde
l'on voit
de ces
que,villes,
né effeclive-
Baglivi
le paschalik de Basra, à l'ouest ceux de Da
mas et d'Orfa. Ce fut sur le sol occupé aujour fut dès sa plus tendre jeunesse transporté
d'hui par le paschalik de Bagdad que s'éle dans la première. Voué par goût à l'étude de
vèrent ces villes si fameuses dans l'antiquité la médecine , il s'y livra avec une ardeur
sous le nom de Babylone, de Ninive, de Sé- étonnante. Cependant quel était alors l'état
leusie, de Ctésiphon, qui furent les capitales de la science ? L'étude de la nature, la véri
de puissants royaumes. Ce paschalik se di table méthode d'observation tracée par les
vise aujourd'hui en vingt-deux sandjaks ou Grecs, avait successivement été abandonnée
districts. Les parties arrosées par le Tigre, par les Arabes, par les auteurs du moyen âge,
l'Euphrate et ses affluents sont d'une fertilité leurs imitateurs serviles, et surtout, vers l'é
inépuisable-, le reste ne se compose que de poque de la renaissance des lettres en Eu
sables brûlés par le soleil et stériles. rope, par les médecins fauteurs du galénisme
BAGGESEN ( Emmanuel ), célèbre poète et de l'alchimie. Partout dominaient sans
danois, naquit le 15 février 1764. Après avoir partage dans les écoles les doctrines chimi
fait de" solides études, il se voua tout entier ques de Paracelse et de Vanhelmont. Aussi
au culte des nuises. Ses premières chansons l'esprit philosophique de Baglivi ne tarda-t-il
présagèrent un talent peu commun. Il prit pas à se révolter contre ces hypothèses ab
pour modèles Klopslock dans la poésie sacrée, surdes et les futilités qui avaient envahi le
et Wieland dans ses œuvres comiques. C'é domaine de la science. Il sentit tout d'abord
taient alors les deux plus grands poètes de que les faits dont s'occupe la médecine re
l'Allemagne. Le duc d'Augustenbourg fut posent sur un autre corps de système que ce
pour lui un Mécène généreux , et lui fournit lui des réactions chimiques , et que pour
les moyens de faire un voyage en France en éviter de faire à ces faits toute application
1787. Dans un autre, qu'il entreprit en 1793, dogmatique fausse , il fallait commencer par
il visita Vienne et l'Italie. En Suisse , il fit les observer avec la plus scrupuleuse exacti
la connaissance de la petite- fille du célèbre tude Ce fut sur ces bases rationnelles qu'il
Haller, qu'il épousa. C'était l'époque des établit son plan d'éludés, premièrement à
malheurs intérieurs de la France et de ses l'université-de Padoue , puis à celle de Bolo
triomphes au dehors. Baggesen s'établit à Pa gne, où il reçut le bonnet de docteur, et que
ris en 1800, et y resta jusqu'à 1811. Alors il pour le compléter il parcourut ensuite toute
fut nommé professeur de littérature à Kiel, l'Italie, étudiant les maladies dans les hôpi
avec le titre de conseiller de justice. Il ne taux , observant la direction imprimée aux
tarda pas à être en opposition avec Ochlen- esprits dans les académies , et recherchant
schlaeger et la nouvelle école qu'il avait for surtout parmi les écrits offerts à son érudi
mée • cette dispute donna naissance à un dé tion ceux dont les auteurs, tels que Harvey,
luge de libelles et de satires qui rendit à Bellini, Borelli, Lower, Willis entre autres,
BAG ( 426 ) BAG
avaient cherché par la voie de l'expérience tifs d'élévation et d'abaissement du cas
et de l'analyse à rendre raison de l'action veau que nous savons aujourd'hui résulter
des différents organes de l'économie vivante, du choc mécanique imprimé à ce viscère
en remontant à un petit nombre de lois gé par le battement des artères réunies à sa base,
nérales. Arrivé à Rome, le pape Clément XI, il accorde gratuitement la force motrice à la
instruit de son rare mérite , lui confia, mal membrane qui revêt l'organe, faisant de cette
gré son jeune âge, la chaire de médecine membrane une sorte de muscle antagoniste
théorique, puis bientôt après, en 1693, du cœur, la regardant comme un centre du
celle d'anatomie et de chirurgie dans le col quel se propagent toutes les oscillations des
lège de la Sapience. Ce fut alors que la répu fibres, et où vient se confondre un double
tation de Baglivi lui attira un grand nombre mouvement qu'il suppose avoir lieu, d'une
de disciples, charmés de la nouveauté des part de la tête aux diverses parties du corps,
idées, appuyées chez le jeune professeur par et de l'autre de ces mêmes parties à la tête.
un jugement sain , une éloculion facile, une Voici du reste comme Baglivi lui-même ex
riche moisson de faits qu'une pratique très plique et résume son système : « J'attribue,
étendue mettait chaque jour à sa disposition, dit-il, les mouvements de la dure-mère à une
et par des connaissances variées tant en lit force qui lui a été départie dès le commence
térature ancienne qu'en physique et en his ment de sa formation [in principio genera-
toire naturelle. Contrairement aux opinions tionis ) , et la continuité de ces mouvements
reçues , il professa , dès lors , la plus haute h la réflexion des diverses parties sur la dure-
estime pour Hippocrate, dont la voix, disait- mère. C'est par ce mécanisme que toutes les
il dans son admiration, « était moins celle d'un parties, soit solides, soit liquides, entretien
homme que celle de la nature. » 11 fit une nent les mouvements du cœur, et lui don
véritable révolution en délaissant la méthode nent le pouvoir de vaincre la résistance
systématique des écoles pour s'efforcer de énorme de tous les solides et de tous les li
ramener krmédecine dans la route de l'ob quides. » Ce système, comme on le voit,
servation. Mais c'est plus particulièrement avait du moins le mérite de n'être pas exclu
dans son Traité sur la pratique que son esprit sif; et quelque importance que son auteur
se montre partisan le plus enthousiaste , le ait accordé à la fibre motrice, celle-ci a be
plus éclairé de cette méthode, et l'on ne soin de l'action des fluides pour perpétuer la
pourrait peut-être mieux indiquer aujour sienne. Baglivi essaya encore de faire revivre
d'hui qu'il ne le fit alors les causes auxquel la secte de Thémison et des méthodistes en
les doivent être attribués, et l'état station- réduisant les maladies en trois classes : 1° cel
naire de la médecine à une certaine époque, les qui dépendent d'une trop grande force des
et même la marche rétrograde de cette solides; 2° celles qui, au contraire, résultent
science. Cependant, malgré son mépris anti de leur faiblesse ; 3° enfin celles occasionnées
pathique pour les systèmes, Baglivi devait se par un état mixte. Il partagea encore avec
laisser entraîner lui-même a cette faibles.-e de beaucoup de praticiens de son siècle l'erreur
l'esprit humain, et admettre l'hypothèse d'une d'attribuer aux astres une grande influence
force syslallique de la dure-mère. Voici pour sur l'économie humaine.
quels motifs : les idées chimiques avaient l'ait Aucun médecin n'a, autant que Baglivi,
accorder aux parties fluides du corps humain insisté sur la différence qui sépare la théorie
une grande importance, et même une aclion de la pratique. Sa plume a tracé, et souvent
exclusive, dans les phénomènes de la santé sous la forme aphoristique, des règles sur le
et do la maladie. Baglivi , au contraire , pronostic et le traitement des maladies où
voyant que la thérapeutique d'Hippocrate rien n'est hypothétique, et où chaque pré
6e compose surtout de moyens externes agis cepte se trouve fondé sur l'expérience ou la
sant sur les solides , en conclut que ceux-ci plus stricte analogie. En examinant l'ensem
doivent jouer le rôle principal dans la pro ble de ses œuvres on n'y trouvera point un
duction des maladies. C'est cette doctrine système complet de pathologie; ce sont des
qu'il a émise dans son excellent Traité sur la documents généraux sur la pratique de la
fibre motrice, et qui en a fait le chef des so- médecine, auxquels il a joint l'étiologie de
lidistes modernes. Mais son esprit ne s'en quelques affections et un assez grand nombre
tient pas là ; et exagérant cette influence d'observations particulières. Parmi les épi
pour expliquer les mouvements alterna démies, entre autres il décrit fort rapide
BAG (427 ) B.\G
ment les apoplexies qui régnèrent à Rome en il avait suivi les leçons, et qui lui en adres
1694 et 1695, et la fièvre mésentérique de sèrent le reproche. Malgré ces circonstances,
Eaillou. Son opinion sur la morsure de la Baglivi a joui dans son siècle d'une réputa
tarentule et les moyens de la guérir à l'aide tion des plus brillantes, qu'il doit également
de la musique et de la danse a justement été conserver dans le nôtre.
combattue par Serrao. On sait du reste qu'il Baglivi était d'un tempérament nerveux
préconisait ces moyens contre une foule et mélancolique. Il avait reçu de la nature
d'autres affections. Dans ses écrits, notam cette sensibilité exquise qui empêche d'ou
ment dans ceux appartenant a la médecine blier les bienfaits, mais d'un autre côté ré
pratique, une certaine originalité se mêle à clame quelque effort sur soi-même pour ou
des conceptions élevées, à un sens profond, blier les injures. Il essayait de dissiper cette
à une touche mâle et à des combinaisons d'i mélancolie par la lecture habituelle de la
dées qui décèlent un homme de génie. Main Bible et des anciens philosophes, surtout de
tenant si on veut apprécier l'influence des Cicéron et de Sénèque. 11 mourut à Rome à
ouvrages de Baglivi sur le xvrae siècle, on l'âge de trente-huit ans, le 17 juin 1707,
reconnaîtra 1» qu'ils ont accrédité l'esprit épuisé par ses nombreux travaux théoriques
d'observation et rétabli la médecine hippo- et pratiques, avant que ses talents fussent
cratique ; 2° affranchi la science des théories parvenus à leur maturité. Il avait, en 1698,
galéniques fondées exclusivement sur la bile, été agrégé à la Société royale de Londres, et
l'alcalescence et les autres altérations des en 1699 à l'Académie impériale des Curieux
humeurs ; 3° qu'ils ont puissamment concouru de la nature. Ses ouvrages ont été rassemblés
à amener une classification méthodique des sous le titre de Opéra omnia medico-practica
maladies; 4° qu'ils ont ouvert les routes qui et anatomica. La meilleure édition est celle
plus tard ont conduit aux grandes décou donnée par Pinel avec des corrections, des
vertes en physiologie; c'est ainsi, par exem notes et une préface, et imprimée à Paris en
ple, que les travaux de Baglivi ont été le 1788, 2 vol. in-8". Lepecq he la Clôture.
prélude des expériences à 1 aide desquelles BAGNE. Ce mot, francisé d'après l'italien
Haller est arrivé à la connaissance de l'irrita bagno, bain, est aujourd'hui singulièrement
bilité; 5° ils ont donné l'exemple de l'alliance détourné de son sens primitif. Donné d'abord
de la physiologie avec la médecine pratique. par les vieux voyageurs français à un édifice
Ce trait est tout-à-fait caractéristique, et ce de Constantinople d'où dépendaient des bains
lui qui assigne davantage le rang que doit servis par des esclaves européens du grand
occuper notre auteur. C'est sous ce rapport seigneur, le nom de bagne s'est trouvé tout
que Baglivi a véritablement surpassé Syden- naturellement appliqué aux établissements
ham, qui eut pour l'observation tout autant formés dans nos ports pour utiliser les servi
de goût que lui, qui avait émis les mêmes ces des forçats à mesure que s'est détruit l'u
vœux et les mêmes aperçus sur la nécessité sage de les faire ramer sur les galères du
et la possibilité de classer les maladies, et roi. Voy. Travaux forcés.
qui fit preuve de plus de sagacité dans la pra Tous les règlements, toutes les ordonnan
tique de la médecine. ces qui depuis 1562 sont intervenus pour ré
Quant aux accusations de plagiat si forte gulariser la police des galères, tous aujour
ment lancées contre Baglivi, elles ne furent d'hui tombés de vétusté, ont insensiblement
peut-être pas toujours imméritées. Tandis, en amené la législation des bagnes, législation
effet, qu'il opérait sa réforme en Italie, Stahl, qui se compose de jurisprudence bien plus
en Allemagne, tendait depuis quelque temps que de textes formels. Il serait facile de les
déjà au même but, en suivant, pour ainsi coordonner et de les mettre en harmonie
dire, la même route, et tout porte à croire avec la pénalité de nos codes; mais c'est une
que le premier ne fit que suivre en partie institution qui s'écroule, et qui ne saurait
1 impulsion donnée. Il eut néanmoins la fai être reconstruite dans la prochaine réforme
blesse de dissimuler cette heureuse direction de nos institutions pénitentiaires.
et de donner son nouveau système comme Les bagnes seront probablement détruits
étant entièrement son ouvrage. On pourrait par une loi, et ils n'existent que par la force
encore le soupçonner de quelques emprunts de l'usage. Le Code pénal fait allusion à leur
déguisés faits sur divers points de physiolo existence et ne la consacre pas. C'est seule
gie à Valsalva, à Paccioui et à Malpighi, dont ment par induction tirée des termes de nos
JUG ( 428 ) BAG
lois qu'il est admis en principe que les con sensations du condamné. La circonstance la
damnés aux travaux forcés ne doivent pas plus minutieuse de son existence expiatoire
subir leur peine dans une prison ordinaire, n'a pas été négligée. Les tableaux pittores
et la mention expresse des travaux forcés ques, les tirades à effet, ont déplorablement
dans les ports et arsenaux ne se lit que dans pullulé, et la peine qui devait être la plus
le Code pénal abrogé de 1791; encore s'y terrible, la plus exemplaire après la peine de
trouve-t-elle mêlée aux travaux d'extraction mort, est devenue un lieu commun de rhéto
des mines et de dessèchement des marais, rique plus usé que tous les autres. La société
qui ne sont pas plus passés dans nos lois pé est restée atteinte et convaincue de fureur et
nales que les bagnes de terre si souvent pro d'atrocité, tandis que l'habitant des bagnes
posés en vain pour les routes et les fortifi devenait le héros du roman à la mode; et plus
cations. le régime intérieur des bagnes s'adoucissait,
11 a été d'abord statué que l'importance au risque d'affaiblir peut-être la répression
des travaux maritimes entrepris dans chaque du crime, plus la philanthropie grondait con
■ port réglerait la population proportionnelle
tre la férocité de la société.
des bagnes; on a établi ensuite des zones ou Aujourd'hui l'on discute dans les régions
ressorts territoriaux pour diminuer les frais du pouvoir si les travaux forcé» doivent en
de transport des condamnés. En 1828, une core s'exécuter dans nos arsenaux maritimes
ordonnance, contre-signée par M. Hyde de pour rester dans les termes des lois pénales,
Neuville, a classifié les bagnes d'après la du et l'expérience déclare qu'ils sont à la fuis
rée des peines, et intérieurement d'après la dispendieux et dangereux. La population des
nature des crimes ; mais cette mesure, favo ports demande à être délivrée d'un contarl
rablement accueillie par l'opinion publique, ignominieux et d'une concurrence funeste
n'a pas été confirmée par l'expérience, et les pour elle, sans avantage pour l'État; la ma
choses sont rentrées, depuis 1836, dans leur rine aspire à voir éloigner d'elle un véritable
premier état. fléau.
Aujourd'hui la population des bagnes, qui Depuis long-temps le bagne de Cherbourg
s'accroissait depuis vingt ans dans une ef n'existe plus; celui de Lorientaété supprime
frayante progression, décroit par l'atténua en 1830. La France n'en compte plus que
tion inconsidérée de nos lois pénales ; mais, trois, à Toulon, à Brest et à Rochefort. Leur
par un étrange bouleversement des faits et population décroissante atteint à peine au-
des principes, cet affaiblissement de la loi a I jourd'hui le nombre de 7,000 condamnés, et
entraîné une répression plus réelle. Une fausse 1 il est démontré que leur dépense s'élève par
philanthropie avait tant altéré le régime des tête à un tiers de plus que celle des maisons
bagnes que le double but de punition et centrales de détention, dont leur régime ne
d'exemple n'était plus atteint. L'échelle de diffère plus guère que par des avantages réels
progression pénale était tout-à-fait renversée, trop bien connus des malfaiteurs. Un des pu-
et le vieux renom d'infamie s'effaçant de jour blicistes qui ont le mieux apprécié les vices
en jour, les condamnés préfèrent aujourd'hui de nos institutions pénales, M. Léon Faucher,
aux maisons de correction et de réclusion les a dit : « La destruction du bagne sera l'affaire
bagnes, où l'on meurt moins vite et où l'on » d'une génération. » Il est peu probable
respire un air plus libre. qu'une aussi longue existence lui soit laissée.
Dans les derniers temps de l'antique mo Ernest de Blosseville.
narchie, Dupaty écrivait : « II y a peut-être BAGXERES (géog.). Plusieurs endroits
» deux millions d'hommes en France qui se- en France portent ce nom. 1° Bagnères dt
» raient heureux d'être aux galères s'ils n'y Bigorre, Bagnère-Adour (Viens Aquensitàes
» étaient pas condamnés » Les améliora Romains) est une ville charmante du dépar
tions introduites par la philanthropie se sont tement dos Hautes-Pyrénées, d'une popula
tant multipliées depuis cette époque, que Du tion de 6,000 âmes environ, à cent soixante-
paty, qui exagérait un peu alors, serait au dix-huit lieues S.-S.-O. de Paris, quatre
jourd'hui bien au-dessous de la réalité. S.-S.-E. de Tarbes et vingt-quatre do Tou
Les romanciers ne se sont pas moins que louse. Chef-lieu d'arrondissement, elle pos
les pseudo-moralistes emparés de la vie des sède une sous-préfecture, un tribunal de pre
bagnes. Ils ont soumis au scalpel, ils ont passé mière instance et un théâtre, ouvert seule
au creuset les moindres fibres, les moindres ment duraut la saison des eaux. Situé aux
BAG ( 429 ) BAG
confins de la belle plaine de Tarbcs et de la ferrugineuses n'exhalent aucune odeur ; mais
charmante vallée de Campan , Bagnères est tra les sources sulfureuses répandent à un degré
versé par l'Adour , dont les eaux , d'une limpi plus ou moins prononcé l'odeur d'œufs pour
dité parfaite, vont en tous sens porter une fraî ris. Les premières sont fades et légèrement
cheur sans cesse renouvelée. Cette circonstance, astringentes; la saveur des autres est fortement
ainsi que l'élévation de la ville à deux cent métallique. La source de la Bassère , la plus
quatre-vingt-dix toises au dessus du niveau de franchement sulfureuse , ne produit aucune im
ia mer , et l'abri que lui offrent des collines de pression sur le goût.
tous côtés, excepté contre le vent du nord , y ren L'analyse chimique a démontré dans les eaux
dent la chaleur modérée, quoique dans une la salines de Bagnères des hydrochlorates de ma
titude assez chaude. La température ne dépasse gnésie et de soude , des sulfates à mêmes bases ,
jamais 2-4° -f- 0 R. Nous y avons passé , deux des sous-carbonates de magnésie et de chaux ;
années, la belle saison; sa moyenne a été, pen plus une substance grasse , résineuse , une ma
dant ce temps, de 14" 1/2 -f- 0 du même ther tière extractive et de la silice; le tout dans la
momètre. Une végétation riche et vigoureuse proportion de plus de trois grammes par pinte
couvre le terrain et ajoute aux charmes des sites ou kilogramme de liquide pour les plus char
les plus variés et les plus pittoresques. S'il faut gées. Les sources ferrugineuses offrent la plus
en croire l'auteur d'un Essai historique sur cette grande analogie avec les précédentes , mais en
ville , son existence daterait de l'an 695 avant la out re une quantité variable de carbonate de fer.
fondation de Rome. Mais, sans garantir en rien Quant aux sulfureuses , l'une d'elles , dite de
l'authenticité de cette date reculée , on ne peut Pinac , n'en diffère que par un peu d'hydro
douter de l'existence de Bagnères lors de la con gène sulfuré, ce qui porterait à croire qu'elle ne
quête des Gaules par les Romains. Une émi- doit ce dernier principe qu'au terrain tourbeux
nence voisine de la ville porte encore le nom de du milieu duquel elle sourd. Les sources de la
Camp de César, et des fouilles y ont effective Bassère et d'Aronau ont une composition tout-
ment fait découvrir des débris de campemcns à-fait différente et analogue à celle des autres
militaires. sources sulfureuses des Pyrénées. Voici du reste
Bagnères de Bigorre flotte, pour ainsi dire, le résultat de leur dernière analyse : de l 'hydro
sur une mer d'eaux minérales à demi bouillan chlorate, de l'hydrosulfate et du carbonate de
tes. Il suffit en effet d'enfoncer un tube perpen soude ; de la glycérine dans la proportion totale
diculairement dans le sol , même à une profon de 6 grammes et 1/10 pour 25 kilogrammes de
deur peu considérable, pour en faire jaillir im liquide; plus 1/lG du volume d'acide hydrosul-
médiatement une source de cette nature ; aussi furique et une quantité inappréciable d'acide
les elablissemens de bains y sont-ils très-nom carbonique.
breux. La réputation de ces eaux est fort an Bagnères , par la variété de ses eaux , offre
cienne. Des inscriptions non équivoques et des beaucoup de ressources à la thérapeutique, puis
monumens caractéristiques indiquent le cas que l'on peut employer en même temps ou al
qu'en faisaient les Romains. Leur température ternativement les propriétés différentes des sour
varie depuis 11 degrés Réaumur jusqu'à .10. ces salines ferrugineuses ou sulfureuses. Comme
Dans le plus grand nombre d'entre elles, les toutes les sources minérales, celles-ci ont été re
principes minéraux de nature saline sont les commandées dans la plupart des maladies chro
mêmes absolument, et ne diffèrent que par niques. Mais jouissent-elles, comme on l'a dit,
leurs proportions variables , ce qui permet au d'une spécialité distincte , ou bien n'ont-elles
médecin de choisir , suivant le degré de sus que les vertus générales des eaux de différentes
ceptibilité du malade; mais quelques unes sont classes auxquelles elles appartiennent? Je suis
en outre ferrugineuses, et un plus petit nom de ce dernier avis. Les sources salines d'une
bre sulfurées. C'est donc à tort que la plupart température plus élevée s'emploient de toutes
des auteurs confondent en masse les eaux de les manières : en boisson, en bains, en dou
Bagnères , les regardant uniquement comme ches, et même en bains de vapeur. A l'intérieur,
salines, tandis qu'elles forment au contraire ces eaux produisent une légère purgation , ce
trois classes bien distinctes. Toutes sont claires qui les rend efficaces contre l'hypochondrie ,
et parfaitement limpides. Les sources salines et l'engorgement des entrailles et du foie , et sur
BAG ( 430 ) BAG
tout contre les hémorrhoïdes. Dans les maladies classe des eaux hydrosulfurées. Un phénomène
des nerfs, dans les tremblements, c'est de la important est la sublimation dans l'atmosphère
source de Salut que l'on fait préférablement d'une certaine quantité de soufre qui vient en
usage. Les sources ferrugineuses , principale suite se déposer sur les murs.
ment celle d'Angoulême, conviennent contre Comme toutes les eaux hydrosulfureuses ther
les pâles couleurs, les dysménorrhées, etc. Les males , celles-ci , excepté la source légèrement
eaux de Bagnères ont encore été préconisées saline de Ferras , déterminent une excitation
pour les affections de poitrine. La source sul générale très-vive lorsqu'on les administre à
fureuse de la Bassère , peu connue jusqu'ici , l'intérieur, et portent surtout à la peau, ou
me semble pouvoir rivaliser à cet égard avec elles provoquent des sueurs abondantes et quel
celle de Bonnes; je la crois même plus conve quefois des éruptions diverses. On en fait usage
nable pour l'exportation. sous toutes les formes et de toutes les manières:
La saison des eaux commence , à Bagnères en boisson , en bains entiers , en bains locaux ,
de Bigorre, le 1 5 mai , pour finir le 1 5 octobre. en collyres, en injections, en douches et en
Toutefois , il est vrai de dire que les étrangers bains de vapeur. Une longue expérience a dé
ne s'y rendent guère qu'après avoir visité les montré qu'elles sont avantageuses contre les
autres établissemens des Pyrénées, c'est-à-dire dartres, les engorgements glanduleux, et beau
vers les mois d'août et de septembre. coup d'autres accidents que l'on attribue vul
2° Bagnères de Luchon, ou tout simplement gairement et faussement chez les femmes à l'in
Luckon, est une petite ville située dans la vallée fluence d'un lait répandu. On en obtient en
de ce nom, dépendante autrefois du pays de core de bons résultats contre les douleurs rhu
Comminges aujourd'hui département de la matismales anciennes , les ophthalmies très
Haute-Garonne , à deux lieues à peine des fron invétérées , les caries des os ; mais c'est surtout
tières qui séparent la France de l'Espagne. Son contre les engorgements indolents et scrofuleux
climat est doux ; les chaleurs de l'été y sont des articulations , dans les tumeurs blanches,
tempérées par les vents du nord, auxquels la qu'il convient de les employer. Elles ont encore
direction de la vallée donne un libre cours , et réussi contre les vieux catarrhes de la poitrine,
par une élévation de trois cent treize toises au mais non contre la phthisie. On ne doit toute
dessus du niveau de la mer. Néanmoins, comme fois les administrer qu'à des personnes grasses
dans tous les établissemens des Pyrénées , le et peu sensibles ; car, pour peu que la suscep
temps s'y montre variable; mais les transitions tibilité nerveuse soit très développée, ou la fai
n'y sont jamais extrêmes, et les mouvemens at blesse prononcée , ces eaux , en raison de leur
mosphériques n'ont rien de défavorable à la excessive énergie , deviendraient funestes. La
santé. saison commence , à Bagnères de Luchon, vers
Les eaux minérales que renferme cette ville la fin de juin , pour finir en octobre.
datent d'une haute antiquité , comme le prou Lepecq dk la Clôture.
vent les restes d'un monument thermal construit BAGNOLES est un village d'un aspect pit
par les Romains. Il y a huit sources principa toresque, dans le département de l'Orne, à sept
les, dont la température varie depuis 1 7 degrés lieues d'AIençon et cinquante de Paris. Les
Réaumur jusqu'à 48 , et qui sont assez exacte eaux minérales qu'il renferme sortent d'une
ment minéralisées en proportion de leur chaleur énorme montagne ; elles sont thermales à 2G°
respective. Les eaux en sont claires et limpides, centigrades , claires et limpides , d'une saveur
excepté celle dite la Blanche , qui louchit par acidulé et un peu sulfureuse , de plus onctueu
fois ; elles laissent exhaler une odeur d'oeufs ses au toucher. Il se dégage à la source une très-
couvés. De toutes les eaux sulfureuses des Py grande quantité de gaz ; c'est un mélange d'a
rénées , celles-ci offrent la plus grande quantité cide carbonique et d'azote. Elles contiennent,
de principes minéralisateurs. Elles contiennent d'après MM. Vauquelin et Thierry , du sulfate
beaucoup de sulfure de sodium , un peu de sul et du muriate de chaux , ainsi que du muriate
fate de soude et de chaux , de muriate et de car de magnésie, en quantités excessivement faibles;
bonate de chaux, plus de la silice dans une pro il s'y trouve une plus forte proportion de sel
portion totale de plus de cinq grammes par marin. Leur odeur est légèrement hépatique,
piute de liquide. Elles appartiennent donc à la mais la proportion du principe sulfuré est ex
BAG (431 ) BÀG
cesslvemcnt faible {Bulletin de phartn. , t. VI , Ce mêmes eaux seraient nuisibles assurément
p. 71). Outre la source thermale, il y en a aux personnes irritables ou déjà irritées, aux
aussi une de nature ferrugineuse et froide. Les apoplectiques, aux phthisiques, ainsi qu'aux
eaux de Bagnoles sont toniques ; on les emploie épileptiques.
surtout dans le cas de dérangement des fonc BAGRATION ( Piebbe , prince de ) , naquit
tions de l'estomac et dans la chlorose ; on les en 1755. Il descendait de la famille des Ba-
recommande encore dans le traitement du rhu gratides, qui a donné une longue suite de rois à
matisme et des paralysies. la Géorgie et à l'Arménie. Lorsque sa patrie fut
BAGNOLS-LES-BAINS, village du dé entièrement soumise par Catherine II , il entra
partement de la Lozère, à 150 lieues S.-E. de au service de la Bussie , et , après avoir passé par
Paris, 3 de Mende et 4 du Pont-Saint-Esprit. tous les grades subalternes , il devint colonel en
II est assis sur le penchant d'une montagne ; l'air 1788. Il prit part aux événemens les plus im
y est pur et salubre, mais la température va portants de la guerre que la Russie soutenait
riable et souvent froide. La saison des bains alors. Passé à l'armée de Pologne , il se signala
ne dure que du 1er juillet au 1er septembre. particulièrement à l'assaut de Prague , et mérita
Les eaux de Bagnols sont abondantes et sor l'estime de Souwarow , qui le nommait son bras
tent , en plusieurs filets, de roches schisteuses. droit ; il accompagna ce général dans son expé
La source unique peut fournir 172 mètres cubes dition d'Italie, en 1799. Le 10 avril, il prit
environ par vingt-quatreheures. Leur couleurest Brescia ; cinq jours après , il battit le général
légèrement opaline ; elles répandent une odeur Serrurier; le lendemain, dans les plaines de
d'hydrogène sulfuré , et cependant on dit qu'à Marengo , il força Moreau à la retraite. II
la source même elles sont complètement inodo montra la même valeur dans l'état de Gènes ,
res. Leur saveur est désagréable. Elles sont onc puis en Suisse. Grièvement blessé au combat de
tueuses au toucher , thermales à 4 5° centigrades. Nefals, il retourna en Bussie, où il partagea la
La saveur disparaît complètement, dit-on, par disgrâce de Souwarow. A l'avènement d'A
le refroidissement. Ces eaux ont été analysées , lexandre, il reprit faveur, et fut chargé, en
mais à une époque déjà éloignée ; l'on y a signalé 1805, de commander l'avant-garde de l'armée
de l'hydrogène sulfuré, du sulfate de chaux, du envoyée au secours des Autrichiens sous les or
muriate de magnésie , un peu de fer et beaucoup dres de Kiutousof; mais les revers de cette ar
de matière animalisée combinée avec du carbo mée compromirent particulièrement l'avant-
nate de soude. Il est donc bien évident que les garde de Bagration dans sa retraite sur la Mo
connaissances que nous possédons sur les eaux ravie. Entouré et coupé sur tous les points , il
de Bagnols ne sont pas suffisantes pour nous résolut de s'ouvrir un passage à tout prix : il
donner une idée exacte de leur composition. soutint une lutte terrible dans laquelle il perdit
Contiennent-elles en effet du gaz hydrogène sul la moitié de son monde ; mais il parvint à re
furé , comme l'auteur de l'analyse que nous ve joindre à Wischnau le général en chef, qui le
nons de donner l'avait pensé? S'il est vrai que croyait sacrifié. Nommé lieutenant-général , il
l'eau soit réellement inodore à sa source , et que combattit à Austerlitz , où il se distingua encore
l'odeur hépatique ne devienne manifeste que plus en commandant l'arrière-garde dans la retraite.
tard , on devrait alors la considérer comme char Lorsque la guerre recommença, après la dé
gée d'hydrosulfates; mais alors comment con faite des Prussiens en 1 800 , Bagration dé
tiendrait-elle du fer , substance incompatible ploya le plus grand courage aux batailles d'Ey-
avec l'existence de ces sels ? Une nouvelle ana lau, deHeilsbergetdeFriedland. Après la paix
lyse peut seule éclairer la question. de Tilsitt , il fut envoyé contre la Suède. Le 9
Les eaux de Bagnols s'emploient en boisson , février 1808, il pénétra dans la Finlande, oc
en bains et en douches. Elles adoucissent les ma cupa tout le pays sur le golfe de Bothnie , et fit
ladies de la peau, facilitent l'expectoration et hâ son entrée dans Abo le 10 mars. Placé à la tête
tent la cicatrisation des plaies anciennes. On les de l'armée de Moldavie , il obtint d'abord quel
administre encore dans certains maux d'yeux , ques succès; mais un échec qu'il éprouva plus
surtout dans l'épiphora, ou larmoiement conti tard détermina son remplacement. Deux ans
nuel, ne dépendant ni du renversement des pau après, lors de l'invasion française, l'empereur
pières, ni de l'oblitération des points lacrymaux . Alexandre lui confia le commandement de la li
DAG ( 43-2 ) BÀG
gne immense qui se prolongeait des rives de la baguette quelque chose de magique , car on lit
Baltique jusqu'à la Gallicie. La valeur et l'ha dans Ezéchiel : Stetit enim rex Babylonis in
bileté de Bagration empêchèrent Napoléon de bivio, in capite duarum viarum , divinatio-
rompre cette ligne. Il parvint , à force de mar nem guœrens , commiscens sagittas; intetro-
ches et de contre-marches, à se réunir à la gavit idola, exsta consuluit. Les Chaldéens
grande armée derrière le Dniéper , précisément semblent avoir eu la coutume , quand ils vou
au moment de la bataille de Smolensk , à laquelle laient entreprendre quelque chose , d'écrire sur
il assista. A celle de la Moskowa , chargé de dé des baguettes , ou sur des flèches qu'ils mêlaient
fendre l'aile gauche , il soutint long-temps les dans un carquois , le nom des villes où ils vou
plus grands efforts de l'ennemi; mais, à la fin laient aller, ou des choses qu'ils voulaient en
de la journée , il reçut une blessure dont il mou treprendre; ils tiraient ensuite au hasard tes
rut à Sima , le 24 septembre 1812. flèches du carquois, et se déterminaient par ce
BAGUE. Voy. Anneau. qui se trouvait écrit sur la baguette qu'ils pre
BAGUENAUDIER ( bot. ). Genre de végé naient la première. Cet usage de deviner par les
taux frutiqueux de la tribu des papilionacées, baguettes remonte, dans l'Orient, à une très
de la famille des légumineuses (Jussieu, Péripé- haute antiquité. Les Scythes, selon Hérodote
talie). Ce genre , qui renferme un très-grand ( I. iv, c. 67) , et les Alains, d'après Ammien
nombre d'espèces, est caractérisé par un calice Marcelin (I. xxxi , cap. 2), devinaient par le
campanulé, à cinq divisions; un étendard re moyen de certaines branches de saule ou de
levé , quelquefois plus court que la carène ; un myrte. Les Arabes se servent encore mainte
légume grand , renflé , vésiculeux, membra nant de flèches mêlées dans un sac. Sur l'une
neux, contenant plusieurs graines. 1° Le ba- ils écrivent : Commandez - moi , Seigneur;
guenaudier ordinaire , faux séné {colutea ar- sur l'autre: Empêchez -moi, Seigneur, et ils
borescens , Wild.) est un arbuste indigène de n'écrivent rien sur la troisième. Si la flèche
dix a quinze pieds de hauteur; il a les feuilles que l'on tire du sac porte , empêchez , on n'en
ailées , à folioles rétuses, et porte pendant tout treprend pas la chose. (D'Herbelot, Bibliothè
l'été de nombreuses fleurs jaunes d'un assez bel que orientale.) On retrouve cette superstition
effet ; l'étendart, qui est bossu et raccourci , est chez les Chinois ; elle existait aussi chez les Mo
marqué de deux lignes rouges ; à la fleur suc des. Tacite la remarque chez les anciens Ger
cède un fruit vésiculeux , d'abord verdâtre et se mains , qui coupaient en plusieurs pièces une
desséchant ensuite. Cet arbuste se multiplie fa branche d'un arbre fruitier, et , marquant cha
cilement de graines ; il est très rustique et très que morceau de certains caractères , les jetaient
propre à faire le fond des massifs des jardins tous au hasard sur un drap blanc : alors le pere
paysagers. 2° Le baguenaudier d'Orient est de famille levait ces fragmens les uns après les
moins élevé , et, en juin et juillet, il donne des autres et en tirait des augures pour l'avenir,
fleurs d'un rouge safrané. On le cultive comme le selon les caractères qui s'y trouvaient traces.
précédent , mais on doit le semer en plate-bande (Tactti, Germ. cap. x.)
abritée et le couvrir pendant le premier hiver. Parmi les opérations magiques attribuées au
3° Le baguenaudier d'Alep, de quatre ou cinq pouvoir des divinités fabuleuses , il en est peu
pieds, a pendant tout l'été des fleurs jaunes où les poètes ne fassent intervenir les baguettes.
groupées deux à deux; il se cultive comme celui Si Pallas donne à Ulysse tantôt la forme d'un
d'Orient. 4° Le baguenaudier d'Ethiopie a jeune homme, et tantôt celle d'un vieillard,
trois ou quatre pieds de hauteur ; ses rameaux c'est en le touchant avec une baguette (Hom.,
sont duveteux , et ses feuilles cotonneuses et Odyss., 13 et 16). Mercure ne fait souffler les
persistantes ; il porte en été des fleurs rouges à vents , n'excite les tempêtes , n'envoie les âmes
ailes très-courtes. Il réussit dans les terrains aux enfers, ou ne les en retire que par la vertu
meubles et chauds ; ses graines mûrissent dans de la baguette d'or (Hom., Odyss. , 24, Vmo.,
l'année, et il peut être cultivé en pleine terre Aineid., 4). Si Circé change Picus en oiseau
comme plante annuelle. Si on veut le conserver, (Ovid., Met., lib. 14), transforme en pour
on doit le rentrer l'hiver en orangerie. J. M. M. ceaux les compagnons d'Ulysse et rend ensuite
BAGUETTE, houssine, bâton mince et a tous leur première forme , c'est également en
ployant. On attribua, dans l'antiquité, à la les touchant de la bngueHe enchantée (Viro.,
BAG ( 433 ) BAG
jEneid., lib. 7). Strabon dit aussi que. les de Saint-Martin , les religieux de Marmoutiers
brachmanes ne faisaient leurs imprécations, allaient processionnellement à l'église de Saint-
convocations ou divinations qu'en tenant à la Martin de Tours, portant des baguettes blan
main des baguettes (Straho , lib. 15). ches, qu'ils quittaient en entrant dans l'église
Les baguettes servaient encore à conserver le et qu'ils reprenaient à la sortie, en reconnais
souvenir des événemens remarquables. L'église sance de l'hospitalité que leur avaient accordée
de Notre-Dame de Paris en possédait jadis plu les religieux de Saint-Martin après la levée du
sieurs, dont la plus remarquable était celle dé siège de Tours par les barbares au ixe siècle.
posée par Louis VII. Ce roi , se rendant à Paris , BAGUETTE DIVINATOIRE, branche
fut surpris la nuit par un violent orage, qui le de coudrier fourchue par le moyen de laquelle
.força de souper et de coucher dans le village on prétendait découvrir les mines et les sources
de Créteil , aux dépens des habitans. Comme ce d'eau cachées sous la superficie du sol. Il y
village appartenait au chapitre de Notre-Dame, a cent ans, on écrivait beaucoup sur la ba
les chanoines , pour se venger de cette atteinte guette divinatoire. Jacques Aymar, paysan
aux propriétés de leur église , fermèrent les por de Saint-Véran , en Dauphiné , s'est rendu cé
tes de la cathédrale quand Louis VII s'y pré lèbre par l'usage de cette baguette , à l'aide
senta, et ne les lui ouvrirent que sur sa pro de laquelle on a cru qu'il découvrait les eaux
messe de restituer la dépense qu'il avait faite souterraines , les métaux enterrés, et même les
à Créteil. On porta même l'exigence jusqu'à assassins. A la foire de Beaucaire , en 1 692 , il
repousser la caution morale de l'évéque ; le roi distingua , soit par hasard , soit par des ren-
ne fut admis que lorsque ce prélat eut déposé seignemens , entre douze prisonniers , l'un des
deux chandeliers d'argent pour gage de la pro meurtriers qui avaient tué un cabaretier de Lyon
messe royale. Après avoir satisfait à tout ce qu'il avec sa femme. La réputation de la baguette
avait promis, Louis VII vint déposer solennel divinatoire de Jacques Aymar se répandit dans
lement sur le maitre-autel une baguette d'argent toute l'Europe; il n'y eut pas un pays où elle
sur laquelle était inscrit le double récit du délit ne fût en usage. Les Flandres , la Bohême , la
et de la réparation. Ces baguettes étaient quel Suède , la Hongrie , l'Angleterre , l'Italie , l'Es
quefois de bois , longues de six pouces , épaisses pagne, furent tour à tour sous l'empire de cette
de douze lignes , et taillées à quatre faces. Le tré pratique superstitieuse ( Journal des savants ,
sor de Notre-Dame en possédait également une année 1702, livre vu, chap. 2). Les opinions
de ce genre, dont l'inscription portait que deux ont été longtemps partagées sur la baguette di
serfs du chapitre , Ebrard et Hubert , s'étant vinatoire; les uns contestaient l'exactitude des
permis, sans l'autorisation des chanoines, de faits dont ils niaient la possibilité ; les autres
jouir d'une propriété que leur père avait ac les expliquaient par des raisons physiques et
quise , faisaient au chapitre cession de cet hé naturelles de mouvement et de transpiration ;
ritage paternel. ( Dissertation sur l'histoire d'autres, comme Mallebranche et Le Brun , les
ecclésiastique de Paris, par l'abbé Lebeuf.) attribuaient au démon ( Le Brun , Hist. crit.
On appelait Baguettes sacrées celles que des pratiques superstitieuses). Le P. Ménes-
donnaient les anciens Francs à leurs ambassa trier, dans la baguette divinatoire, considère
deurs près des puissances avec lesquelles ils trois choses : la baguette, la personne qui la
étaient en guerre, comme marque distinctive tient , les sujets sur lesquels se fait l'indication.
de leur mission et comme gage de leur sûreté. Ce qui lui persuade que la baguette n'a d'elle-
Anciennement il était en usage dans certai même aucune vertu naturelle de découvrir,
nes églises, comme à Lyon et à Rouen , et dans c'est que toute espèce de bois ou de métal
certains monastères , de porter à quelques pro peut être indifféremment employée à cet usage ,
cessions des baguettes blanches ou d'une autre et que, si la baguette avait cette vertu, elle
couleur. Cet usage venait sans doute de ce que produirait son effet dans la main de toute
jadis ces processions , surtout celles des Roga sorte de personnes, comme l'aimant. Atta
tions , étant souvent longues et fatigantes , le chée à la personne, cette vertu, selon lui,
les baguettes servaient à soutenir les fidèles. On aurait pour principe l'âme ou le corps. Si
lit dans le Voyage liturgique de Mauléon , elle était dans l'àme, on la trouverait dans
p. 131, que le 12 mai, jour de la subvention toutes les personnes, puisque toules les âmes
Euct/cloyédie du XIX' siècle, t. IV. 28
BAG ( 434 ) BAG
«ont de même nature. Si elle étatt dans le corps, de la physique corpusculaire, fait observer éga
il en faudrait chercher le principe fixe et cer lement qu'aucune explication naturelle ne peut
tain ou dans le tempérament, ou dans les or rendre raison des phénomènes de la baguette :
ganes, ou dans les esprits. Or, ce principe Ac proindè omnes ridendi sunt, qui virgulas
n'est pas commun à tous les hommes, et puis illas bifurcatas manibus apprehensas à tam
qu'il est propre à quelques-uns , il faut qu'il subiM hauituum vi concitari sibi posse imfi-
dépende d'une disposition particulière qui ne se ginantur. (Mund. subt. , lib. x , s. 2.)
trouve point dans les autres. Ce principe n'a La réputation que Jacques Aymar s'était ac
point été assigné jusqu'ici. Quelques philoso quise dans sa province étant parvenue à Paris,
phes , en l'attribuant aux astres, avouent par-là Henri de Bourbon , fils du grand Condé , le fit
même qu'il n'est pas naturel. venir dans son hôtel , où il le nourrit et l'hé
A l'égard des sujets sur lesquels se faisait bergea ; il lui fit faire plusieurs épreuves qui
l'indication de la baguettej Ménestrier distin furent infructueuses. Voici à ce sujet un extrait
gue deux espèces : les sujets inanimés , et les d'une lettre écrite au P. Chevigni, père de l'O
sujets sur lesquels les hommes ont laissé les ratoire : « Il est vrai que quand Jacques Aymar
traces de leurs actions libres et de leurs crimes. « et sa baguette arrivèrent à Paris , le prix des
Il se demande comment des traces se pour « deux flambeaux d'argent qui avaient étévolés
raient conserver si long-temps dans des su « deux ans auparavant fut rapporté. M. le
jets qui sont sans vie. Ce qui lui rend encore « Prince , qui doutait de la vertu attribuée à la
l'usage de la baguette divinatoire fort suspect, «baguette, m'ayant fait l'honneur de mede-
c'est qu'il fallait qu'elle fût dirigée par l'inten <■ mander ce que j'en pensais, je lui répondis
tion pour ne pas perdre la piste et ne pas pren « que pour en reconnaître le mérite , je mène-
dre le change. De plus , la baguette découvrait « rais Jacques Aymar et lui dans des lieux ou
des choses faites depuis long-temps et dont les « des vols et des meurtres avaient été commis.
traces devaient être effacées , ce qui n'est pas « J'eus donc l'honneur d'aller avec M. le Prince
naturel ; on prétendait même découvrir les « à la rue Saint-Denis , dans un lieu où un ar-
choses à faire et qui n'ont pu laisser de traces. « cher du guet avait été tué de quinze à seize
On interrogeait la baguette, et on lui demandait « coups d'épée par des mousquetaires. Jacques
à qui appartenait une terre, il y a plusieurs siè « Aimar passa et repassa deux ou trois fois sur
cles. On lui disait plusieurs noms , et elle tour « le lieu sans que la baguette tournât. Il nous
nait sur le nom de celui qui avait possédé la « dit pour excuse que la baguette ne tournait pas
terre. ( Ménestrier , Philosophie des images « pour des meurtres commis dans la colère ou
énigmatiques. ) Toutes ces raisons portent à « dans l'ivresse , mais seulement en cas d'as-
conclure que le talent de la baguette n'est pas « sassinat prémédité et de vols , et qu'elle n'a-
naturel. S'il est surnaturel, il vient ou de Dieu « vait jamais d'effet lorsque les coupables
ou du démon. Pour croire qu'il vient de Dieu, il « avaient avoué leur crime, bien qu'ils n'eus-
faudrait qu'il l'eût déclaré , comme il le déclara « sent pas encore été condamnés. Pour éprou-
autrefois des verges de Jacob , de Moïse, d'Aa- « ver de quelle considération devait être cette
ron. (Aoy. Vehges.) On ne peut pas dire que ce « excuse, je le menai rue de la Harpe, dans
soit une disposition secrète de la Providence « une maison où avait été commis un vol dénié
pour découvrir les crimes cachés. D'où il suit « constamment par l'auteur , bien que surpris
que si les faits étaient réels , on ne pourrait les « en flagrant délit et chargé de plusieurs dépo-
attribuer qu'au démon. Les juges ne prononcent « sitions. Sa baguette demeura aussi immobile
point sur de semblables témoignages. L'Église « qu'elle l'avait été en la rue Saint-Denis; de
a condamné les jugemens qui se faisaient au « de quoi il ne put alléguer aucune raison. »
trefois par l'eau et par le feu, et les magistrats [Journal des Savants, année 1693, p. 190).
de Lyon condamnèrent , comme meurtrier du La baguette de Jacques Aymar ne fut pas plus
cabaretier , un bossu accusé de ce crime , mal heureuse à Versailles et à Chantilly, où le
gré l'indication contraire de la baguette de mt me prince avait consenti à renouveler les
Jacques Aymar. Le père Kircher, qui a traité épreuves. Aymar fut renvoyé, et la baguette
d'une manière si profonde des sympathies et pc;dit presque entièrement sa considération.
du Magnétisme, ainsi que de tous les secrets Elle se trouve aujourd'hui reléguée dans les
BAG ( 435 ) BAH
mains des pâtres de la Basse-Bretagne et des les faisceaux portés devant les consuls n'étaient
bergers normands, qui, à son aide, rançonnent qu'un assemblage de baguettes. On déliait le
souvent encore la crédulité du peuple par de faisceau pour fustiger l'homme qu'une sen
prétendues découvertes de sources. « Une cause tence de ces magistrats livrait aux licteurs ; ce
« naturelle, dit M. Vallemont, doit toujours mot est devenu le synonyme de fouetter ; il
« agir de la même manière dans les mêmes cir- dérive de fustis , bâton , et fouetter, flageller,
« constances physiques , et son effet ne peut àeflagellum , fouet. Cette peine subsista long
« dépendre des vues différentes des hommes ; temps en France; elle est encore en usage en
« donc le tournoiement de la baguette n'est pas Allemagne et dans beaucoup d'autres États,
« l'effet d'une cause physique et naturelle ; il comme répression d'un délit grave n'entraînant
« ne peut être que l'effet d'une cause capable de pas peine de mort. On lit dans le Dictionnaire
« se contredire. Dieu l'ordonne ainsi, afin qu'on de la pénalité , de Saint-Edme , que Frédéric-
« puisse se détromper , et que le mensonge ne Guillaume, roi de Prusse, flatté de la haute
« prenne pas la consistance de la vérité , con- taille d'un gentilhomme franc-comtois, le fit
« formément à ce qui est écrit dans Isaïe : Ego enlever, sous prétexte de lui accorder à sa cour
« Dominus irrita faciens signa divinorum et la place de chambellan , et qu'au lieu de tenir
« ariolos infurorem vertens. » sa promesse, il en fit un soldat. Ce pauvre
BAGUETTE Ad. vicomte
{archit.).
de Pontécoulant.
On donne ordinai gentilhomme déserta. Ramené à la cour, le roi
lui fit couper le nez , puis les oreilles , et le fit
rement ce nom à une petite moulure d'une di passer trente-six fois par les baguettes.
mension moindre que l'astragale. Le condamné, nu jusqu'à la ceinture, passait
BAGUETTE ( art militaire ) , bâton fort au milieu d'une haie de soldats armés chacun
mince qui sert communément à chasser la pou d'une baguette dont ils frappaient le nombre de
dre et la bourre dans le tonnerre des fusils. coups indiqué par la sentence. Dans la cavale
Ces baguettes sont ordinairement en bois pliant rie , le soldat, au lieu d'être frappé avec une ba
ou en baleine. Pour les fusils de guerre , on guette, l'était avec une courroie. En France,
emploie l'acier à ressort , qui se trouve mis en avant la révolution de 1789 , ce châtiment était
baguette par le jeu du martineur. ( Voy. Fu infamant ; on l'infligeait au soldat convaincu de
sils.) Les artificiers font également usage d'un vol , qu'on faisait parfois périr sous les coups.
petit instrument en bois dur, de forme cylin ( Voir Bâton.) A. P.
drique, sur lequel on roule le papier destiné à MANAMA (îles) ou Iles Lucayes. Ce
contenir la poudre de la cartouche ou de toute groupe , qui se lie à l'archipel des Antilles , s'é
autre pièce d'artifice, et qui se nomme ba tend , sous la forme d'un croissant , entre 20»
guettes
guette d'artificier.
les morceaux — deOnbois
nomme
blancencore
et léger,
ba- 50' et 27° 50' de latitude N., et entre 73 et 83
de longitude 0. 11 se prolonge sur une ligne
de trois ou cinq mètres de long, à l'une des ex déplus de 600 milles géographiques, sans y
trémités desquels se trouvent liés le corps et la comprendre différents bancs de sable et rescifs
fusée volante ; cette baguette sert à maintenir détachés à une assez grande distance dans l'est.
dans sa course la direction donnée à la fusée au L'histoire de ces îles se lie à un fait géogra
moment de son départ. — On emploie égale phique d'une haute importance. L'une d'elles,
ment pour faire résonner le tambour deux petits Guanahani, Saint-Salvador, ou l'île du Chat
morceaux de bois fort durs de quatre à cinq dé des Anglais (Cat hland) , est la première terre
cimètres de long, que l'on nomme baguettes de américaine aperçue par Colomb, le 12 octobre
tambour. A. P. 1 192. Alors les Bahama étaient habitées par un
BAGUETTES {pénalité), tes Romains fai peuple doux et bienveillant. Les Espagnols en
saient subir le châtiment des baguettes ou ver levèrent ces pauvres Indiens jusqu'au dernier
ges à leurs soldats. Pour frapper les citoyens homme , et les jetèrent au fond des mines du
qui méritaient de passer par les verges , on se Mexique et du Pérou ou dans les pêcheries de
. servait à Rome de sarments de vigne. Les ba perles de Cumana. En moins de quarante an
guettes ou verges étaient aussi employées con nées, ces îles furent désertes, et comme on n'y
tre les alliés. Le châtiment des baguettes était tromait point d'or, on lés abandonna. Les An-
une des attributions de la puissance consulaire; fi'nis les occupèrent en 1C20 ; ils en furent chas
bah ( 430 ) ri a il
Ses par les Espagnols en 1641 ; ils y revinrent mation primitive ne s'y rencontre. On y a trouvé
en 16G6 et les gardèrent jusqu'en 1703. Puis, des pierres météoriques , sur lesquelles les In
une Hotte française et espagnole s'empara de la diens indigènes avaient grossièrement sculpté
Nouvelle-Providence , détruisit les plantations, des figures d'homme. Ce qui peut faire admet
et força les colons ruinés à s'expatrier. Quelques tre que ces îles se sont élevées du fond de la mer
uns d'entre eux , exaspérés par le malheur , se sur des piliers de corail, c'est que les petits lacs
firent pirates et se réunirent à d'autres écu- ou étangs qu'on y rencontre communiquent cer
meurs de mer. Bientôt l'île de la Providence tainement avec l'Océan : des poissons de mer vi
et les Iles voisines devinrent le repaire des bou vent dans ces étangs , qui sont tellement pro
caniers, des forbans, des flibustiers, dont l'au fonds qu'on ne peut les mesurer ; l'eau s'y élève
dace aventureuse et les sanglants exploits furent et y baisse selon le mouvement des marées. La
l'effroi du navigateur et des paisibles habitants mer qui environne cet archipel est d'une in
des ports américains jusqu'en 1718 , époque à croyable profondeur. Les Iles de Bahama sont
laquelle le capitaine Woodes Roger parvint à plates ; les parties les plus élevées dépassent à
les exterminer. Les Anglais occupèrent de nou- peine le niveau de l'Océan ; plusieurs d'entre
uveau quelques unes des lies Bahama; ils s'en elles , même celles qui sont sans habitants, pré
virent momentanément dépossédés par les Amé sentent à l'œil de belles et vastes prairies et la
ricains en 1776 , et par les Espagnols en 1781 . plus riche verdure. Elles jouissent d'une tempé
Elles leur furent rendues à la paix de 1783, et rature douce et délicieuse ; le thermomètre de
ils les ont toujours conservées depuis. Fahrenheit n'y varie que de 75 à 85 degrés;
Cet archipel, en partie groupé sur deux bancs l'air y est parfaitement sain. On y parvient à
de sable d'une étendue considérable , nommés une grande vieillesse. A Nassau, en 1826, il
le grand et le petit Bahama , se compose de n'y a eu qu'un décès sur quarante-cinq habi
plus de cinq cents iles, ilôts, rochers, etc., etc.; tants ; à l'ile Harbour (1,148 hab.) , on n'en a
il n'a guère plus d'une vingtaine d'îles remar pas compté un seul de juin à novembre. Voici
quables : la Nouvelle-Providence, la Grande- le chiffre de la population des Bahama en 1831 :
Bahama presque déserte , les iles Andros, l'Ile Blancs et hommes de couleur libres, 3,668;
Bose, les Biminis , l'île du Chat ou Guanahani , femmes, 3,863 ; esclaves hommes, 4,727 ; fem
qui n'a reçu d'habitants permanents que de mes, 4,830; total, 17,088. Les produits des
puis 1783, et sur laquelle s'élève une maison iles Bahama sont les mêmes que ceux des ré
de campagne près du port Howe , là où l'on gions tropicales. Les bois de construction y sont
suppose que Colomb débarqua ; les grandes et d'une excellente qualité ; on y trouve le tama
petites Isaacs , Éleuthera , Yuma ou l'île lon rinier, le cannellier, l'acajou , le gaïac, le brésil,
gue , les îles Berry , les Calques , la grande et le cèdre , le bois de fer, etc. , etc. On y élève
la petite Abaco, les îles Croo-ked et Acklin, beaucoup de gros et de menu bétail ; le coton y
la grande et la petite Exuma, l'île d'Henea- est récolté en petite quantité ; le café y vient
gua , importante par sa grande étendue et ses bien ; la canne à sucre n'y réussit pas. On y
salines, et les iles turques, dont les salines voit beaucoup de tortues, de crabes de terre,
font aussi la richesse. Pour donner une idée de de sangliers , de guanas , des oiseaux de tous
la culture de cet archipel , il suffit de faire re les plumages, des perroquets, des flamans, des
marquer que sur une superficie de 2,842,000 pélicans, des colibris, des canards et des pi
acres de terre, 408,486 seulement sont concé geons sauvages. Les mers voisines sont très
dés, et que 2,434,000 restent à la disposition poissonneuses ; il y a quelques cétacées, surtout
de la couronne. Toutes ces îles reposent sur des dauphins. On recueille de l'ambre gris et
un roc calcaire , composé de coraux , de co d'excellentes éponges sur les rivages. L'eau des
quilles de madrépores et de dépôts marins puits de la Nouvelle-Providence possède la pré
réunis en masse compacte par la main du cieuse qualité de se bien conserver à la mer.
temps. Ces dépôts semblent avoir été jetés par Les exportations des îles Bahama consistent en
couches régulières à diverses périodes. Leur une petite quantité de coton ; en bois de tein
surface , crevassée comme un rayon de miel , ture et d'ébénisterie; en tortues, fruits, bes
porte les marques évidentes d'un long séjour tiaux , volailles , etc. , etc. Ces exportations se
sous les eaux de l'Océan. Aucune trace de for sont élevées, en 1831 , à 74,658 liv. st.; les
BAH ( 437) Bah
importations dépassent ce chiffre, elles ont at pays une prospérité que n'ont pu interrompre
teint dans la même année , la somme de 91, 561 les vicissitudes politiques. L'agriculture, les
liv. st. manufactures et le commerce y ont toujours été
On sait que le gouvernement de toutes les dans un état florissant. On fait du salpêtre dans
Antilles anglaises est modelé sur celui de la certains districts et on fabrique partout des toi
Grande-Bretagne ; il en est ainsi dans les îles Ba- les de coton. L'exportation consiste principale
hama. La chambre des communes s'y compose ment en grains, sucre, indigo, huile, feuilles
de vingt à trente députés , envoyés par dif de bétel , eau et essence de roses, toiles de co
férentes Iles , d'une chambre haute ou conseil ton. Mais ce qui procure au pays les plus grands
de douze membres , et d'un gouverneur déposi avantages , c'est la culture du pavot et de l'o
taire du pouvoir royal. Tout électeur doit être de pium. Le gouvernement fait le monopole de
race blanche, avoir vingt-et-un ans accomplis , cette drogue qui est envoyée à Calcutta , où on
résider dans la colonie depuis un an , et être la vend aux enchères. Autrefois l'opium du Ba
depuis six mois propriétaire ou franc tenancier, har était extrêmement altéré par un mélange
ou payer 50 liv. st. de contributions indirectes. de différentes substances dans lesquelles domi
Tout représentant doit posséder 200 acres de nait un extrait tiré des feuilles et des tiges du
terres cultivées , ou une propriété de 2,000 liv. pavot. Il paraît que ces falsifications sont deve
st. Nassau, la capitale de la Nouvelle-Pro nues plus rares. Si l'introduction de l'opium en
vidence , l'est également de tout l'archipel. Chine vient à cesser , la province de Bahar fera
C'est le siège du gouvernement , le centre du des pertes très considérables.
commerce. Son port est spacieux et sûr ; elle Les habitants du Bahar font un usage très
est dominée par une forteresse où loge la garni immodéré des drogues narcotiques et enivran
son ; elle a des rues régulières , des édifices pu tes et mettent des graines de pavot dans un
blics bien bâtis ; elle est vivante , active , animée : grand nombre ae leurs ragoûts. Les déplorables
c'est une jolie résidence , et qui plaît au premier effets de cette passion se remarquent jusque
coup d'œil. dans les plus petits villages.
Les habitans des îles Bahama tirent bon parti Les voyageurs anglais assurent qu'on peut
des bancs de sable, des écueils, des rochers, des difficilement se faire une idée de la malpropreté
courants rapides , des passes étroites de leur ar des naturels sur leurs personnes et dans leurs
chipel. Ils guident les bâtiments engagés dans maisons.
ce dangereux labyrinthe , et ce pilotage est pour Bahar. District qui fait partie de la province
eux la meilleure industrie. Labenaudière. de ce nom. On y trouve les villes de Patna et
BAHAR. Province très - considérable de de Gaya. Les villages y sont presque tous com
l'Indoustan , s'étend entre 22° , 49 et 27 , 20 de posés de maisons de terre, tellement rappro
latitude nord; et 80°, 41 et 84, 54 de longitude chées les unes des autres que le passage devient
Est. Ses limites sont au nord , le Népal ; à l'est , souvent impossible pour les éléphants et les pa
le Bengale ; au sud et au sud-ouest , la province lanquins.
de Gandouana , et à l'ouest , celles d'Allahabad Au nombre des maladies qui affligent les ha
et d'Aoude. Sa longueur est de 1 05 lieues , sa bitants du district sont deux espèces de lèpre ,
largeur moyenne de 75 , et sa superficie de dont l'une rend quelques parties de la peau
7,200 lieues carrées. Ses principales rivières complètement insensibles. Le préjugé qui s'at
sont la Sone , le Gondok , le Dommoudah , le tache aux malheureux atteints de cette ef
Caramuasa, le Deouah et le Gange qui la coupe frayante maladie est tel que quelques-uns d'en
en deux parties inégales. Cette province est une tre eux , surtout dans les castes les plus basses,
des plus fertiles, des mieux cultivées et des se laissent mettre à mort lorsqu'ils en sont at
plus peuplées de l'Indoustan ; on y éprouve des taqués. Quand on a leur consentement , on les
froids assez vifs et de fortes chaleurs. Les An place dans un bateau et on leur attache au cou
glais s'en emparèrent en 1764. un vase plein de sable ; ils sont ensuite conduits
La position géographique du Bahar permet à au milieu du Gange et jetés dans le fleuve. Ils
ses habitans d'entretenir des relations aussi fa se prêtent facilement à cette espèce de suicide
ciles que suivies avec le Bengale et les provinces parce que tous leurs compatriotes les fuient et
du Haut-Indoustan. Ces avantages ont valu au qu'ils ne peuvent compter sur l'assit. lance de
BAH ( 438 ) BAI
personne, et parce qu'ils pensent d'ailleurs que tha et Erfurth , 1769-70,2 vol. in-8°; Traduc-
le péché, cause première de la lèpre, est com tion de Tacite, Halle, 1781, 2 vol. in- 8°; les
plètement effacé par la mort qu'ils trouvent Satires de Juvénal en vers, Dessau , 1781. Les
dans les eaux du fleuve sacré. Ils ont recours ouvrages de Bahrdt sont écrits avec chaleur et
à ce moyen d'expiation quand ils ne sont point talent , mais il y professe un déisme pur, et
assez riches pour recourir aux prières et aux son style est assez irrégulier.
cérémonies religieuses dont les gens riches seuls BAHREIIf. Nom que l'on donne à un
peuvent faire les frais. groupe de petites lies situées dans le golfe Persi-
On célèbre dans le district une fête annuelle que et appelées aussi Boual. Elles sont fertiles
pendant laquelle les pâtres attachent par le pied en dattiers , en figuiers , en vignes et en coton
un jeune porc et font passer sur son corps des niers. On y péchait en abondance l'avicule per-
taureaux et des vaches jusqu'à ce que l'animal lière ( avicula margaritifera ) , mollusque bi
soit mort , après quoi ils le font bouillir et le valve qui fournit la nacre de perles et les sécré
mangent. C'est la seule occasion dans laquelle tions calcaires connues sous le nom de perles ,
ils se nourrissent de chair de porc. qui forment des bancs épais de quinze à vingt
Bahar. Ville de la province et du district de pieds sous l'eau , et qui s'étendent à plus de
Bahar , aujourd'hui fort déchue de son ancienne vingt-cinq lieues. Cette pèche n'a plus lieu à
splendeur. On n'y voit plus guère qu'une lon Bahrein ; mais à Rasalkhaïma et à l'Ile de Kha-
gue rue étroite grossièrement pavée de briques rae. Les Anglais font aujourd'hui leurs achats
et de pierres. Au milieu de la ville sont les rui à Ceylan, et la pèche du golfe Persique a beau
nes d'un édifice massif, bâti de pierres et cou coup perdu de son activité.
vert d'un grand nombre de petits dômes. Bahar BAI ( hippiat. ). Par ce nom on désigne une
ne contient plus guère que 5,000 maisons. des couleurs les plus ordinaires de la robe du
BAHRDT ( Chables-Fbédébic ) , écrivain cheval , celle qui approche de la couleur de la
prolestant, né à Bischoffswerda Misnia , le 15 châtaigne, mais seulement lorsque les crins et
août 1741 , se distingua surtout par son talent les extrémités sont noirs. Le bai est plus ou
pour la prédication. Il publia plusieurs ouvrages moins foncé , et prend dans ces divers cas des
théologiques, notamment un Essai de système appellations différentes ; ainsi , on distingue le
dogmatique biblique, et un écrit anonyme in bai châtain, le bai doré, le bai clair, le bai
titulé : les Vœux du patriote muet. Ces deux brun, le bai miroité. Les chevaux bai brun
ouvrages , qui renfermaient de graves erreurs, sont dits marqués defeu lorsque les flancs, le
lui attirèrent beaucoup d'ennemis. Il professa bout du nez et les extrémités de la croupe sont
quelque temps la philosophie à Giessen , et di d'un roux éclatant ; si ce roux est blanchâtre , on
rigea ensuite une institution ; mais il fut obligé dit que le cheval a le nez, les flancs et les fesses
de renoncer à cette carrière. Ayant publié un lavées; le bai est un poil simple ou uniforme.
ouvrage intitulé : Nouvelles révélations, ou L'alezan diffère du bai en ce que les crins
Traduction du Nouveau-Testament, un arrêt et les extrémités sont de la même nuance que
de la cour impériale le dépouilla de son em le fond de la robe , ou blancs ; lorsqu'ils sont de
ploi et le condamna à se rétracter. Il jugea cette dernière couleur , on se sert de l'expres
plus à propos de se réfugier à Halle , en sion alezan poil de vache; Yalezan blond ou
Prusse. En 1779, il y publia sa Profession de doré est très clair, et Yalezan brûlé très bruh.
foi; puis il se retira à la campagne en 1787, ou BAIAXISME, BAIUS. Né en 1513 depa-
il tint cabaret. Il composa deux pamphlets qui rens obscurs, à Melin , dans le territoire d'Ath ,
le firent mettre en prison en 1788. Un autreécrit en Hainaut , Michel de Bay , plus connu sous le
satirique détermina sa condamnation à deux an nom de Baïus , vint étudier la philosophie et la
nées de détention dans la forteresse de Magde- théologie dans la célèbre Université de Louvain,
bourg , où il ne resta toutefois qu'un an. Re où ses brillans succès lui ouvrirent bientôt la
tournée sa campagne près de Halle , il y mourut porte des emplois et des dignités. Malheureu
le 4 avril 1792. Ses principaux ouvrages sont : sement les triomphes du jeune Baïus éveillèrent
Recueil de sermons sur les vérités fondamen- en lui et développèrent rapidement , avec le dé
talesdela religion, Leipzig, 1764, in-8°; Es sir de se distinguer, l'esprit d'innovation qui en
sai d'un système de dogmatique biblique , Go est souvent la suite. Cette disposition ne lui
BA! (430) BAI
permit pas de lire saus danger les livres protes- plusieurs couvents, principalement chez les
tans parus à cette époque. Tout en repoussant Cordellers. Pour arrêter les fâcheuses divisions
les erreurs les plus formelles et en prétendant qu'elles y causèrent , deux pères gardiens défé
même les combattre, il puisa dans ces livres le rèrent dix-huit propositions, renfermant la doc
mépris de la scolastique ainsi que des anciennes trine des novateurs, à la Faculté de théologie de
méthodes ; et , sous le spécieux prétexte de rap Paris, qui la première les flétrit de sa censure.
peler à la foi antique les esprits égarés , il se L'archevêque de Malines, le célèbre cardinal
rapprocha d'eux sur les points qui se prêtaient le de Granvelle , ministre de Charles-Quint , n'o
plus aux substilités d'une dialectique hardie. En sant , au milieu de la guerre civile, sévir contre
se jetant dans cette voie, liai us cédait à la fois à les deux auteurs bien connus de ces troubtes ,
son penchant pour la gloire humaine et à l'as essaya du moins de les gagner par des faveurs.
cendant d'un ami plus jeune que lui , mais non Cette condescendance les rendit en apparence
moins distingué par la science , et dont l'esprit dociles au bref par lequel Pie IV s'était efforcé
audacieux était doué en même temps dune d'imposer silence aux deux partis. Néanmoins,
grande opiniâtreté. C'était Hessels, appelé aussi durant cette trêve assez souvent violée d'ail
de Jean de Louvain , du nom de sa ville natale. leurs, Baïus composa quatre Traités sur le libre
La liaison des deux docteurs doubla les craintes arbitre, la justice , la justification et le sacrifice,
que chacun d'eux avait déjà inspirées aux es où il sut donner à ses opinions les couleurs les
prits clairvoyants , et ces craintes ne tardèrent plus propres à les faire goûter. Dans l'inter
pas à se réaliser. Yoici à quelle occasion. valle , et toujours par suite du système de
Pierre Soto , Dominicain et professeur de Granvelle , les deux novateurs furent envoyés
théologie à Dillingue , proposa (1550), en forme au concile de Trente (1563) , où , les délibéra
de doute, au chancelier de l'Université de Lou tions sur la justification étant terminées depuis
vain, plusieurs questions sur la grâce et le libre longtemps , ils n'eurent point l'occasion de met
arbitre. Il craignait entre autres choses que les tre leur doctrine en évidence.
théologiens d'Italie, de Paris, et généralement A son retour du concile , Baïus continua de
les docteurs catholiques qui s'étaient distingués publier des écrits sur le mérite des œuvres ,
par leurs écrits contre les hérétiques, n'eussent la première justice de l'homme , les vertus des
porté atteinte à la doctrine de saint Augustin impies , le péché originel , les indulgences , les
et des Pères du Ve siècle, en admettant qu'il y sacrements en général, la forme du baptême, la
a une grâce purement suffisante , et que cette prière pour les morts. C'était , on le voit aux
grâce est accordée à tous. Les réponses de seuls titres , rappeler sans cesse la dispute sur
Ruard Tapper furent aussi solides que con les questions controversées. Mais le docteur
cluantes; mais cette controverse, qui dura peu, Raveistein , car le chancelier Tapper était mort,
n'en fut pas moins le germe de la secte qui a veillait à la défense de l'ancienne doctrine. 11
tant fatigué l'Église pendant plus de deux siè dénonça secrètement ces écrits au roi d'Espa
cles, successivement perpétuée sous les noms gne, qui les fit condamner par les Universités
de balanisme, de jansénisme et de quesnel- de Salamanque et d'Alcala, et au pape Pie IV,
lisme, qui correspondent à ses trois phases qui n'eut pas le temps de remédier au mal.
principales. Baïus , en effet , et Hessels , se dé Le saint pape Pie Y s'occupa activement de
clarèrent vivement contre leur chancelier , qui cet objet. Il fit examiner avec le plus grand
les avait trop bien jugés , et prenant les senti- soin les ouvrages deBaïusetd'Hessels, et pro
mens du dominicain Soto pour hase de leur nonça enfin un jugement définitif et solennel
système, ils s'appliquèrent à combattre l'an le 1" octobre 15C7, dans la bulle Ex omni
cienne doctrine de l'Université. Pour le malheur bus. Dans cette célèbre constitution , le pape
de cette illustre Académie , ses deux plus fer expose une suitede propositions tirées des livres
mes appuis , le chancelier Tapper et le docteur de ces deux docteurs et de quelques autres ,
Ravestein , appelés au concile de Trente , lais sans nommer les auteurs, et , quoique plusieurs
sèrent le champ libre à Baius , qui occupait d'entre elles puissent, comme il le dit, se sou
alors la chaire d'Ecriture-Sainle. Les nouvelles tenir en quelque sens, néanmoins, prises dans
opinions furent bientôt en faveur dans la Fa leur acceptation rigoureuse et dans le sens des
culté , d'où elles se répandirent rapidement en auteurs, il les condamne respectivement comme
BAI ( 440 ) BAI
hérétiques, erronées, suspectes, téméraires, le système humain , c'est le péché originel lui-
scandaleuses et offensives des oreilles pieuses: même , dont la transmission n'a désormais plus
« Quas guident sentenCias stricto coram nobis rien de mystérieux. La doctrine baianiste, jus
« examine ponderatas, quanquam nonnullœ qu'ici assez liée , le parait moins pour l'état de
« aliquo facto sustineri possent , in rigore et nature réparée. Cependant en la méditant on y
• proprio verborum sensu ab assertoribus in- retrouve plus de logique qu'on ne le croirait du
« tento, hœreticas, erroneas.... respective.... premier abord , et que ne l'ont prétendu plu
« damnamus. » sieurs auteurs. Deux grâces ou bienfaits décou
Les baïanistes, pour amortir un coup si rude, lent de la rédemption , l'une qui répand le saint
ont prétendu que la virgule qui se voit après esprit, la charité dans 1 ame, et relève la volonté
sustineri possent y avait été ajoutée depuis par audessus des régions de la concupiscence ; l'au
leurs adversaires, et que le véritable sens serait : tre qui nous impute les mérites de Jésus-Christ
Quanquam nonnullœ aliquo paclo sustineri pour payer la dette du péché et nous donner
possent in rigore etproprio verborum sensu ab droit à la vie éternelle. Ce double principe posé,
assertoribus intento, etc. Mais outre qu'ils prou tout le système de l'homme à l'état de réparation
vent mal cette assertion, et qu'ils font tomber le s'explique assez naturellement. La charité de
pontife dans une grossière contradiction , les pa vient un contre-poids à la concupiscence. Nulle
pes Grégoire XIII et UrbainVIII ont mis ce point par elle-même en quelque sorte , et flottant en
hors de toute critique en reproduisant dans leurs tre ces deux forces, la volonté humaine est em
propres bulles le passage avec la virgule. Nous portée par celle qui domine. Elle obéit volontai
ne pouvons rapporter en détail les propositions rement, c'est-à-dire sans violence ni coaction,
condamnées que les théologiens portent, les uns et dès-lors librement, quoique nécessairement.
à soixante-seize, d'autres à soixante-dix-neuf, De même que tout ce que l'homme fait par le
et plusieurs à quatre-vingts, selon la distinction mouvement de la concupiscence est péché et di
qu'ils en ont faite ; mais c'est ici le lieu où se gne de l'enfer , ainsi tout ce qu'il fait par l'im
place naturellement l'exposition du système pulsion de la charité est une action bonne et
qui ressort de leur ensemble. mérite le ciel. C'est par charité qu'il obéit
Le baïanisme considère la nature humaine désormais à la loi , et cette obéissance le justi
dans les trois états d'innocence, de chute et de fie par elle-même. 11 rentre ainsi dans un état
réparation. D'après le système de Baïus, l'état analogue à celui de l'innocence primitive , avec
primitif et d'innocence nous présente la nature cette différence surtout que dans l'origine la
dans une parfaite intégrité, à laquelle appartien volonté avait en elle-même une force qui lui
nent de droit tous les dons célestes qui la divini était propre , le pouvoir de se déterminer entre
saient en quelque sorte ; l'immunité de la con le bien et le mal , et que sous l'empire de la
cupiscence, l'immortalité, la destination à la vi grâce , au lieu de cette puissance qui ne lui a
sion intuitive, la foi , l'espérance , la charité, point été rendue, elle ne rentre plus dans le bien
enfin toutes les grâces ou secours nécessaires à qu'en obéissant à une force intrinsèque, à l'ac
cette fin sublime. L'homme avait alors une li tion surnaturelle et victorieuse du Saint-Esprit.
berté complète; il pouvait choisir entre le bien De là il suivait , pour Baïus et ses disciples, qu'il
et le mal. Dans l'état de chute, la nature se n'est point d'actes moralement bons de l'ordre
trouve comme brisée et ensevelie dans les pen naturel ; que toutes les actions des infidèles sont
chants terrestres ou la concupiscence. Tout ce des péchés, les vertus des philosophes autant de
qu'elle a perdu de la condition primitive a été vices, et que Dieu commande l'impossible à
une brèche faite à son intégrité. L'immortalité, ceux même d'entre les fidèles à qui il ne donne
la destination à la vision intuitive, la vraie li pas la grâce. Mais n'oublions pas que, selon
berté, tout a été perdu par le péché. L'homme , cette doctrine , la justification produite par l'o
nécessairement entraîné par une cupidité déré béissance à la loi, par les bonnes œuvres, la
glée , n'a plus de puissance pour le bien ; il ne pénitence, la contrition, n'acquitte nullement
peut que pécher dès-lors , et il pèche librement la dette ou la peine du péché. Les mérites de
par un reste de liberté qui n'est plus que le vo Jésus-Christ , qui nous sont appliqués dans les
lontaire sous l'empire de la nécessité. Or, cette sacrements de baptême et de pénitence, peu
concupiscence qui enveloppe et corrompt tout vent seuls satisfaire pour nous. De là ces asser
BAI ( *« ) BAI
tions si étranges d'abord , que ces deux sacre Ravestein (1570), qui délivra Baïus d'un cen
ments ne remettent point la coulpe, mais la seur vigilant et d'un redoutable adversaire. L'au
peine seulement ; que la vraie charité peut être torité cependant triompha, et l'Université jouit
dans l'homme sans la rémission des péchés, ce d'un calme de plusieurs années. La guerre qui
qui s'entend toujours de la peine ; et que désolait la Belgique ne fut pas étrangère à ce
l'homme, par conséquent , peut avoir la charité, résultat; car à peine se fut-elle éloignée de Lou
la sainteté , et en même temps être sujet à la vain, que l'on vit Baius, créé chancelier dans
damnation éternelle. Les bonnes œuvres ne l'intervalle, et ses partisans, relever la tête. Leurs
sont pas plus efficaces pour la rémission des plaintes déterminèrent Grégoire XIII à donner
peines temporelles , qui doit être encore attri une nouvelle constitution (1579), qui confirma
buée aux mérites du Rédempteur. celle de son prédécesseur, et leva toutes les dif
Tel était le système de Baius à cette première ficultés. Le P. Tolet , jésuite , à qui il en confia
époque ; système où l'on ne trouve pas encore l'exécution, sut manier si adroitement les esprits,
formellement , mais où l'on entrevoit du moins qu'il obtint de tous les membres de la Faculté une
le fonds des erreurs si graves sur la prédes pleine soumission , et de Baius une rétractation
tination qui vinrent depuis le compléter ; sys souscrite de sa main . L'année suivante, un corps
tème lié et suivi dans toutes ses parties et imité de doctrine opposée aux propositions condam
de Luther et de Calvin , dont il adoucit toutefois nées fut dressé sur les instances de l'évêque de
les excès. Les décisions du concile de Trente , Verceil, Jean-François Bonhomme, que le pape
les constitutions dogmatiques qui l'ont successi avait été obligé de renvoyer à Louvain avec la
vement flétri nous dispensent de discuter ses qualité de nonce, pour y apaiser de nouveaux
divers articles , dont plusieurs d'ailleurs , no troubles. Ce formulaire fut souscrit par les deux
tamment ceux qui concernent la liberté humaine, Facultés de Louvain et de Douai, qui en jurè
la bonté de Dieu, sa providence, heurtent de rent l'observation.
front les sentiments les plus universellement re Une telle mesure semblait devoir mettre fin
çus. Nous devons ajouter, pour être justes, qu'un aux disputes : cependant Baïus et son parti
certain nombre de ces mêmes articles n'avaient surent les faire renaître. Lessius, célèbre pro
pas alors été éclairés par la discussion, ni for fesseur de théologie au collège des jésuites à
mellement condamnés comme ils l'ont été dans Louvain , leur en fournit une occasion qu'ils
la suite ; que même ils se rapprochent à quelques crurent favorable. Nous voulons parler des thè
égards de certaines opinions soutenues par de ses qu'il fit soutenir alors (1586), et où il éta
graves théologiens dont l'orthodoxie n'a jamais blissait la prédestination en conséquence de la
été suspecte. C'est d'après ces considérations prévision des mérites surnaturels , la volonté
qu'il faut juger sans doute Baius, auquel l'his générale de Dieu de sauver tous les hommes
toire ne refuse point les vertus de son état; et l'universalité de la rédemption, la grâce suf
l'humilité parut seule lui manquer, et c'est à fisante donnée à tous , et le libre arbitre exempt
l'absence de cette vertu fondamentale qu'il faut de nécessité sous l'empire de cette grâce. Elles
surtout attribuer ses écarts et son obstination passèrent d'abord sans contredit ; mais, lorsque
inexcusable. Mais rentrons dans les faits. le nouveau plan d'attaque fut monté, on cria au
La bulle de Pie V fut portée à Louvain par scandale. La Faculté, dévouée à son chancelier,
Morillon , vicaire-général de l'archevêque de entra vivement dans ses vues et ses intérêts ;
Malines, et tous les docteurs se soumirent. elle fit extraire , avec plus ou moins de partia
Il y avait un an que Jean Hessels, dont on eut lité , des écrits de Lessius et d'Hamélius son
pu redouter l'opiniâtreté, était mort. Son ami confrère, trente-quatre propositions qu'elle cen
Baius lit sa soumission ; mais il laissa croire sura. C'est dans cette censure même et dans
l'année suivante qu'elle était peu sincère. En quelques autres pièces qui sont venues s'y join
effet , au lieu de donner par écrit la rétractation dre, que nous devons chercher le complément
que Morillon était chargé de lui demander, il du baïanisme. On y enseigne que Dieu a résolu
rédigea, en style de novateur, et envoya au pape d'une volonté absolue, avant la prévision des
l'apologie de sa doctrine. PieV, en réponse, lui démérites, d'exclure du royaume des deux tel
enjoignit par un bref un silence absolu , qui ne homme en particulier, en d'autres termes tous
fut pas plus observé , surtout après la mort de les non prédestinés ; que la suffisance de la ré
BAI ( 4 2 ) BAI
demption pour la généralité des hommes con lui-même dans son sein les élémens d'une nou.
siste dans le prix même du sang de Jésus-Christ, velle guerre, qui éclata dans la suite, plus lon
et non dans un secours donné à tous. Soutenir gue et plus dangereuse que celle qui l'avait
cette doctrine, ce serait admettre dans l'homme précédée, et qui eut du moins pour résultat de
la grâce purement suffisante, et dans ie libre provoquer la condamnation plus formelle et
arbitre le pouvoir de résister à cette grâce, c'est- plus complète des erreurs de Baius et de ses
à-dire , l'erreur même des semi-pélagiens. Ces partisans. {Voy. Jansénisme.) L'abbé Blanc.
assertions désolantes , présentées comme la pure BAIE (botan.). Ce fut Linnée qui donna ce
doctrine de saint Augustin , et dont plusieurs nom général à toute espèce de fruits charnus
rentraient dans les propositions condamnées, à pulpe molle et succulente , tels que le raisin,
complètent en effet le système de Raius , que la groseille, etc. , etc. ; mais depuis on a restreint
deux idées résument en entier : 1° l'homme, ce nom de baies aux espèces simples seulement.
tombé de l'état d'intégrité naturelle dans une Les fruits charnus composés, tels que l'ananas,
impuissance absolue, ne peut plus opérer le bien la fraise , la figue, sont rangés dans les classes
qu'avec le secours de grâces efficaces et irré syncarpe , sorose et sycone. Les baies sont tan
sistibles ; 2° Dieu ne donne ce secours qu'aux tôt arrondies, tantôt allongées; quelquefois elles
prédestinés, au petit nombre des élus, sans au succèdent à un ovaire supère, quelquefois aussi
tre raison que son bon plaisir. à un ovaire infère. Les graines sont quelquefois
Après avoir dressé leur censure , les Lova- éparses dans la pulpe , comme dans le raisin ;
nistes se donnèrent , pour la répandre , beau le plus souvent elles sont renfermées dans des
coup de mouvements , qui n'eurent toutefois compartiments différents.
d'autre résultat que d'exciter un orage passager BAIE ( géogr. ). C'est ainsi que l'on nomme
contre les jésuites , sans préserver les premiers les petits enfoncements de la mer dans les terres
d'une nouvelle humiliation. Les esprits, d'abord qu elle environne. Quand ces déchirures, cau
prévenus , revinrent promptement à l'enseigne sées par l'empiétement des eaux, sont d'une
ment commun des universités catholiques. La étendue considérable , on les appelle Golfes
Faculté comprit elle-même la fausseté de sa (voy. ce mot ) ; cependant on donne quelque
démarche , et voulut supprimer son propre ou fois le nom de baies à de très grandes étendues
vrage ; mais les jésuites en avaient appelé au d'eau , telles que la baie d'Hudson et la baie de
pape. Sixte-Quint occupait alors la chaire de Raffin , situées dans l'Amérique du Nord. La
saint Pierre. Il fit examiner les sentiments de Romains n'avaient qu'un seul terme pour dési
Lessius , déclara qu'ils étaient d'une saine doc gner soit les anses, soit les baies, soit les golfes,
trine, et chargea l'évôque de Colazzo, son nonce que Varcnnius appelait affections de la terre;
à Cologne , de se rendre sur les lieux pour met le mot sinus s'appliquait à tout ce qui était en
tre fin aux contestations. Conformément aux foncement de la côte. Les géographes modernes
ordres du pontife, le nonce rendit à Louvain un donnent aujourd'hui le nom de baie à un enfon
décret (1588) par lequel, sans rien préjuger sur le cement profond de l'Océan dans l'intérieur
fond des opinions, il défendait à chacun des par des terres , qui, plus large en son milieu , pré
tis de s'attaquer sur ces divers articles, et de no sente à son entrée une ouverture plus étroite ;
ter les sentiments contraires d'aucune qualifi différent en cela du golfe, qui , au contraire,
cation flétrissante. C'était en réalité condamner offre aux yeux la forme d'un triangle plus large
non la doctrine de la censure , mais la censure à sa base qu'à toute autre partie.
elle-même comme jugement. Les deux facultés Un range les baies en deux classes ; dans
de Flandre se soumirent ; et si celle de Douai , l'une , les baies sont considérées dans leur rap
qui avait été entraînée par l'université de Lou port avec les eaux qui les avoisinent; dans l'au
vain sa mère, laissa paraître quelque temps des tre classe, elles sont envisagées sous le rapport
symptômes d'opposition , du moins sa soumis de la forme qu'elles ont adoptée. La première
sion une fois faite demeura inébranlable. classe se subdivise en deux sous-classes; la pre
Baïus ne survécut pas long-temps. Il mourut mière renferme celles qui versent leurs eaux di
l'année suivante, au milieu de la paix rendue à rectement dans l'Océan , et la seconde celles qui .
son école , trop longtemps agitée par ses inno manquant de débouchés immédiats, ne peuvent
vations et son opiniâtreté. Mais ce ca! me recelait y parvenir que par des intermédiaires. Celte
BAI ( 443 ) BAI
dernière classe se subdivise également en deux dez-vous de tous les riches débauchés de Rome.
sections, dont l'une se compose des baies ou Aussi le voluptueux Horace s'écrie-t-il :
vertes , comme la baie d'Honduras ; et l'autre Nullus in orbe locus Baiis prœlucet amœms;
des baies fermées, comme celles de Boston, de tandis que le grave Sénèque l'appelle deverso-
Cadix. En traitant le mot Meb , nous recher rium vitiorum; et que Properce, dans sa ja
cherons si c'est à l'Océan seul que l'on doit les lousie, dit à Cinthie:
diverses échancrures du rivage , ou si elles ne Tu modo quàm primùm comptas desere Baias,
sont pas aussi causées par d'autres efforts , tels Muftis ista dabunt iittora dissidium ,
que ceux des eaux intérieures et des grands Liitora quœ fuerant castis inimica puellis.
courants. L. D. ■Ah ! pereont Baiœ crimcn amoris aqiiœ !
BAIERIXE {miner.). Substance qui a été Cicéron, pour avoir passé quelques jours dans
souvent confondue avec le tantalile, le colum- cette ville corrompue, encourut les plus violents
bile , et qui est d'un noir brunâtre , offrant un reproches de Claudius.
éclat légèrement métallique. Ce métal a pris le A Baies se trouvait la maison de Jules-César,
nom allemand baiern, qui signifie bavure, parce où Marcellus mourut empoisonné par Livie.
que jusqu'à ce jour il n'a été rencontré que dans Varron fait mention de la villa d'Hirtius , et
cet état , dans le pays de Bodenmais. La baie- Tacite de celle de Pison , où se forma la conju
rine renferme , disséminé en petites masses , le ration contre Néron. Cet auteur cite encore celle
tantale , qui est un des corps les plus simples de Domitie , tante de Néron , que ce tyran fit
et les plus rares; elle contient aussi des cristaux empoisonner pour s'emparer de ses biens. Pom
bien déterminés en prismes rectangulaires. Ce pée et.Marius avaient aussi des maisons à
minéral raie le verre. Soumis seul à l'action du Baies. Enfin le palais de Julia Mammaea , mère
feu le plus intense, il est infusible; combiné d'Alexandre Sévère , surpassait tous les autres
avec le carbonate de soude et le sel de phos en magnificence. Dès le temps d'Horace , les
villas se pressaient en si grand nombre sur les
phore, il offre les réactions caractéristiques des
bords du golfe , que , la terre devenant trop
oxides de fer et de manganèse. Composée de
tantale, de fer et de manganèse, la baierine offre étroite
même des, onflots.
fut réduit à construire au milieu
encore à l'analyse de l'oxide d'étain. Voici le Tu seconda marmora
résultat d'une des analyses auxquelles on a sou Locas svb ipsum funus ; et sepulchri
mis ce métal : Immemor slruis domos ;
Marisque Baiis obstrepentis urges
Acide tantalique 0,75 Submovere Iittora,
Protoxide de fer 0,17 Parùm locuples continente ripa.
Protoxide de manganèse. . 0,05 Hob. , 1. il , od. 15.
Oxide d'étain 0,01 Aujourd'hui, de tant de magnificence , il ne
reste plus qu'un nom. Abandonnée de ses habi
0,98 tants , ravagée par les Lombards et les Sarra
On voit par ce résultat que la quantité d'oxi- sins, Baies n'est qu'un monceau de ruines in
gène d'acide tantalique est double de celle qui formes , de débris à peine élevés au dessus du
est contenue dans les deux bases. Si on admet sol. Le rivage de Baies présente cependant en
que ces deux corps isomorphes remplissent cha core les restes de trois temples , qui durent se
cun le même rôle dans la baieri-ie, on pourra trouver dans un des faubourgs de la ville.
représenter sa composition par la formule sui Le premier de ces temples est celui de Diane
vante : (fe, mn) T a'. Lucifere , dont il ne reste que la moitié de la
BAIES [géogr.). Le nom de cette ville, se coupole , soutenue par une partie de la Cella ,
lon Lycophron et Strabon, vient de Baïus , l'une et l'autre fort endommagées. L'intérieur
compagnon et pilote d'Ulysse. Sa charmante est de forme hexagone, et, vu à une certaine
position sur le bord du délicieux golfe de Pouz- distance , offre un aspect assez pittoresque.
zol, à peu de distance de Naples, le plus admi Le second édifice, désigné sous le nom de
rable et le plus fécond des climats, des eaux temple de Mercure , est une vaste rotonde de
thermales dont les anciens faisaient tant de cas 146 pieds de diamètre, qui reçoit le jour par
{voy. Bains de Nébon) , en avaient fait le ren une large ouverture pratiquée au milieu de la
BAI ( 444 ) BAI
coupole , comme le Panthéon de Rome. Le lui les progrès , par ses vers mesurés à la ma
nom vulgaire de Truglio , sous lequel le peu nière des Grecs et des Latins. Il eut les défauts
ple le connaît, tire son étymologie du mot de son siècle ; alors le goût n'était pas encore
latin trullus, rond. On remarque dans ce tem formé, et l'on sacrifiait tout à une érudition
ple deux effets d'acoustique singuliers. Lors souvent indigeste. En 1560, il obtint du roi
qu'on parle haut , l'écho répète toutes les pa Charles IX des lettres-patentes pour l'érection
roles distinctement, et après un temps très d'une académie de poésie et de musique ; mais
marqué. Deux personnes appuyées contre le les temps étaient si peu favorables , que cet
mur aux deux extrémités s'entendent parfaite établissement ne put prendre aucune consis
ment en parlant à voix basse , sans qu'une per tance. Baïf mourut pauvre à Paris, le 19 sep
sonne placée entre les deux interlocuteurs puisse tembre 1 589. Ses principaux ouvrages ont pour
saisir une seule parole. Ce temple était revêtu titre : œuvres de Jean-Antoine de Baïf, secré
de marbres. taire de la chambre du roi, Paris, 1562-73,
H ne reste du troisième édifice , voisin de ce 2 vol. in- 8°; Êtrènes de poésie françoèse, en
dernier et désigné sous le nom de temple de vers mesurés; les Besognes et jours d'Hé
Vénus Génitrix , que sa partie circulaire , qui siode, etc. Paris, 1574, in-4°, par Baïf, du
est très vaste et très haute. La voussure est Bellay et Denizot, Paris, 1557, in-8°. Anti-
construite en briques et la voûte en tuf ; mais gone, tragédie en vers de cinq pieds, traduite
les ornements intérieurs et extérieurs ont dis du grec de Sophocle, Paris, 1573, in-8°, etc.
paru. On voit encore quelques morceaux de BAIL. Ce mot désigne un contrat par lequel
revêtement en marbre, garnis de leurs attaches une des parties s'oblige de faire jouir l'autre
de bronze. Plusieurs antiquaires prétenefent que d'une chose pendant un certain temps et moyen
ce temple fut érigé par Jules- César. D'autres nant un certain prix que celle-ci s'oblige de lui
ne veulent voir dans les trois temples dont nous payer.
venons de parler que des restas de thermes. La naissance de ce contrat remonte à l'ori
Toutefois, d'après l'inspection des lieux , cette gine des sociétés humaines. Le jour où un
opinion nous semble inadmissible. homme fut propriétaire d'une étendue de terres
Derrière le temple de Vénus , sont trois salles plus considérable qu'il ne pouvait en cultiver
appelées les bains de Vénus. Tout annonce que lui-même aidé de sa famille , et qu'un autre
ce lieu servait d'habitation aux femmes qui tra se trouva sans propriété ou possesseur de biens
fiquaient de leurs charmes , et qu'on nommait dont la culture n'absorbait pas toute son in
ambubajœ. Suétone en parle dans la vie de dustrie, le bail dut naître de leur situation res
Néron. Les voûtes sont couvertes des bas-reliefs pective; le premier loua au second un héritage
les plus obscènes exécutés en stuc, mais telle qui serait demeuré oisif, et qui fut ainsi livré au
ment noircis par la fumée des torches qu'il est travail et à la production. Selon les temps, la
presque impossible de les distinguer. redevance que le locataire paya au propriétaire
Aujourd'hui, la forteresse de Baies, qui com fut ou une part des fruits , ou une somme d'ar
mande le golfe , est la seule partie habitable. gent équivalente : ce dernier mode est d'une
Le port présente encore un ancrage sûr et à date moins ancienne; l'autre fut seul connu
l'abri des vents. En 1828 , les flottes française dans cette enfance des relations humaines , ou
et anglaise y séjournèrent en revenant de Na l'échange était l'unique moyen du commerce.
varin. E. Breton. Toutes les nations, en adoptant le bail, ont
BAIF (Jean -Antoine de), poète, naquit à montré qu'il était d'une utilité générale. Il est
Venise en 1 532. Il avait à peine vingt-cinq ans , rangé dans la classe des contrats du droit des
lorsqu'il publia un volume de poésies diverses gens. Aucune transaction n'est d'un plus fn-
à la louange de deux dames auxquelles il donne quent usage. Le bail met eu rapport le proprié
les noms de Méline et de Francine. Le succès taire foncier et l'industriel , l'homme qui vit de
de ce recueil accrut son goût pour la poésie , ses revenus et le laborieux habitant de nos cam
mais l'empêcha de tirer parti de sa naissance pagnes ; le bourgeois à qui appartiennent les
et de ses talents pour s'avancer dans le monde. maisons de nos villes, et le prolétaire qui a be
Bien qu'il se proposât d'enrichir la langue fran soin d'un toit pour abriter sa famille.
çaise, personne peut-être n'en retarda plus que Avant la révolution, les actes contenaient
BAI ( 445 ) ÎUt
souvent deux espèces de baux , dont l'une est louage. Le Code civil a tracé les règles du bail
rejetée de la législation nouvelle, et dont l'autre relatives aux biens des particuliers; les baux
est d'un usage qui devient chaque jour plus des biens du domaine de l'État, des communes
rare : nous parlons du bail à rente et du bail et des établissements publics, sont soumis à
emphytéotique. Le bail à rente consistait en la des réglemens spéciaux.
concession d'un héritage, sous la réserve d'une Trois éléments composent la substance d'un
rente annuelle, laquelle s'appelait rente fon bail : la chose louée, le prix en argent ou en
cière , et constituait non une simple créance af fruit, et le consentement. On les trouve aussi
fectée sur ce fonds, mais un droit réel, jus in dans l'essence de la vente [voy. au mot Vente).
re. Le preneur ne pouvait s'en libérer que par le Mais la vente constitue un droit de propriété ,
déguerpissement. Le bail emphytéotique était un droit réel, au lieu que le fermier n'a qu'une
sous l'ancien droit un contrat par lequel le pro créance personnelle, née de l'obligation de faire
priétaire d'un fonds en cédait à un autre la pro jouir, contractée par le bailleur; il n'est investi
priété , soit à perpétuité, soit pour un temps , à d'aucun droit dans la chose : son titre est seule
la charge que le preneur bâtirait ou améliorerait, ment une cause temporaire de jouissance. De
et qu'il paierait une redevance annuelle. Mais là, la conséquence que le bailleur aurait pu se
dans la législation actuelle, si le bail emphytéo dispenser d'exécuter le contrat, sauf à payer des
tique n'avait pas une durée limitée à un certain dommages-intérêts , et que le tiers-acquéreur
temps, on ne pourrait le considérer que comme aurait été étranger au bail souscrit par son ven
une vente ordinaire ; alors la substance empor deur, si le Code civil n'eût introduit des dispo
terait le nom. L'esprit de mobilité imprimé sitions réclamées par la bonne foi et l'avantage
nouvellement à la propriété immobilière en de l'agriculture.
France, est opposé à ce contrat; sa rareté peut La capacité de consentir un bail est moins
s'expliquer encore , comparée à sa fréquence circonscrite que celle de vendre : un acte de
passée, par la mise en culture successive d'une simple administration a des suites moins graves
immense quantité de terres incultes il y a cin qu'un acte d'aliénation ; et , d'un autre côté, il
quante ans. L'emphytéose avait pour objet or est plus à la portée d'une personne privée de
dinaire le défrichement ou les constructions sur l'expérience des affaires. Ainsi , outre les indi
des propriétés laissées dans un abandon à peu vidus capables d'aliéner, et nécessairement d'ad
près complet. ministrer, le Code civil reconnaît pour capables
Le mot bail, ne se dit que du louage des de consentir des baux les mineurs émancipés,
choses. On appelle bail à loyer le louage des les femmes mariées sous le régime de la sépa
maisons et celui des meubles ; — bail à ferme, ration des biens et les femmes mariées sous le
celui des héritages ruraux; — bail à cheptel, régime dotal, à l'égard de leurs biens parapher-
celui des animaux dont le profit se partage en naux. Les maris administrateurs du bien de leurs
tre le propriétaire et celui à qui il les confie. femmes, les tuteurs, les usufruitiers, ont égale
Cod. civ. 1711. ment la capacité de donner des baux. Néan
En général, toutes choses, meubles ou im moins, par prudence, le législateur a restreint
meubles, peuvent être louées , même celles qui en général la durée des baux consentis par ce
n'ont qu'une existence intellectuelle, comme lui qui n'est pas propriétaire ou qui n'a pas
une créance ; mais elles doivent être suscepti la faculté d'aliéner, à neufans.
bles d'une propriété privée. Il ne faut pas croire I. Règles communes aux baux des maisons
cependant qu'il soit possible de louer tout ce et des biens ruraux. — On peut louer par écrit
qu'on peut vendre, ni de vendre tout ce qu'on ou verbalement , car le louage est parfait par
peut louer. Les denrées peuvent être vendues ; le seul consentement des parties dès qu'elles
elles ne peuvent faire l'objet du contrat de sont d'accord sur la chose et sur le prix (art.
louage, car il est de l'essence du louage que l'on 1714). Quand on veut employer l'écriture pour
rende la chose après en avoir joui , et cette con constater le bail , on a le choix de la forme au
dition n'est pas réalisable , puisque les denrées thentique ou de la forme privée; dans ce
se consomment par le premier usage. Au con dernier cas , comme la convention est bila
traire, le fonds dotal dont l'aliénation est défen térale, il faut avoir soin de faire deux ori
due est tous les jours l'objet des contrats de ginaux , conformément à l'art. 1325 du Code
BAÏ ( 446 ) BAI
civil. Quoique le bail n'ait pas besoin de l'inter à défaut de convention, permettent de pré
vention de l'écriture , il est d'une sage précau sumer; autrement le bailleur pourrait faire
tion de l'écrire dans l'intérêt du preneur : si le résilier le bail, si le préjudice avait de la gra
bail est verbal et que l'exécution n'en ait pas vité; il est obligé de rendre la chose en bon
commencé, l'art. 1715 s'oppose à ce que le état, ou suivant l'état des lieux, s'il en a été
preneur le puisse prouver autrement qu'en dé fait ; 2° de payer le prix du bail aux termes
férant le serment décisoire au bailleur. Lorsque convenus. Il a le droit de sous-louer et même
la contestation s'élève sur le prix du bail verbal de céder son bail à un autre , si cette faculté ne
dont l'exécution a commencé et qu'il n'existe lui a pas été interdite ; elle peut l'être , et alors
point de quittance , le propriétaire en sera cru cette clause d'interdiction est toujours de ri
sur son serment , si mieux n'aime le locataire gueur , ce qui s'accorde avec le droit actuel ,
demander l'estimation par experts ; auquel cas dont une des maximes est de ne considérer au
les frais de l'expertise restent à sa charge, si l'esti cune disposition comme comminatoire. Il ré
mation excède le prix qu'il a déclaré (art. 1716). pond pendant sa jouissance des dégradations ou
Par ces dispositions exceptionnelles le législa des pertes, à moins qu'il ne prouve qu'elles
teur a voulu prévenir une multitude de petits ont eu lieu sans sa faute, ni celle des personnes
procès et de difficultés qui auraient surgi de de sa maison ou de ses cessionnaires et sous-lo
tous côtés s'il eût admis en cette matière la cataires ( art. 1732, 1733, 1735 ). Il répond de
preuve testimoniale. Il était indispensable de l'incendie, à moins qu'il ne prouve que l'in
trancher. En présence de cette situation , la loi cendie est arrivé par cas fortuit ou de force
s'est rangée en faveur du propriétaire , dont le majeure , ou par vice de construction , ou que
droit est certain , contre le locataire qui avance le feu a été communiqué par une maison voi
une simple allégation. La décision serait en sine. S'il y a plusieurs locataires , tous sont
core la même , y eût-il un commencement de solidairement responsables de l'incendie, à
preuve par écrit. Mais la preuve testimoniale moins qu'ils ne prouvent qu'il a commencé dans
est admise au profit du locataire qui veut prou l'habitation de l'un d'eux , auquel cas celui-là
ver le commencement d'exécution du bail seul en est tenu ; ou que quelques uns ne prou
verbal. vent que l'incendie n'a pu commencer chez eux,
Le bail étant un contrat synallagmatique , il auquel cas ceux-là n'en sont pastenus (art. 1733,
en résulte des droits et des devoirs pour cha 1734 ). Cette rigoureuse présomption qu'établit
cune des parties vis-à-vis de l'autre. Indépen la loi de la faute du preneur était demandée par
damment de toute obligation conventionnelle , la sûreté publique autant que par l'intérêt du
le bailleur est tenu, par la nature du contrat, de propriétaire : ainsi , le preneur est présumé
délivrer et de maintenir pendant le bail la chose avoir , par sa faute , occasionné le désastre jus
louée en bon état et propre à l'usage pour le qu'à ce qu'il se soit justifié du soupçon légal par
quel elle a été louée ; il garantit le preneur des la preuve contraire ; les locataires sont rendus
vices qui l'empêchent d'en user , et il doit l'in solidairement responsables comme habitant en
demniser des pertes occasionnées par ces vices semble le théâtre du sinistre. Mais la loi cesse
(art. 1721). Les réparations locatives sont seules de présumer la faute si le propriétaire habitait la
au compte du preneur; le bailleur est chargé de maison , parce qu'il était là pour exercer sa sur
faire les autres réparations qui peuvent devenir veillance ; elle ne la présume pas entre voisins
nécessaires. Le preneur doit les souffrir ; mais ni entre locataires. On rentre alors dans le droit
si elles durent plus de quarante jours , le prix commun : celui qui allègue doit prouver son al
du bail sera diminué à proportion du temps et légation.
de la partie de la chose dont il aura été privé ; Enfin le bail finit selon les termes de la con
il pourra même provoquer la résiliation du bail vention ou judiciairement. Dans le premier
si les réparations le privent du logement né c:is , il finit à l'expiration du terme fixé ; alors
cessaire à lui et à sa famille ( art. 1724 ). Le la cessation s'opère de plein droit, si le bail
preneur est tenu de deux obligations princi a eu lieu par écrit (art. 1737 ); si le bail était
pales : lu d'user de la chose louée en bon père verbal et qu'il s'agît de maisons, il serait néces
de famille et suivant la destination qui lui a saire de signifier un congé au preneur. Le bail
été donnée par le bail ou que les circonstances, verbal de biens ruraux cesse de plein droit sans
BAI ( 447 ) BAI
congé. La résiliation du bail est encore pro ne peut avoir cette faculté ; car ce bail est une
duite de plein droit par la vente de la chose sorte de société entre lui et le bailleur , que ce
louée , si la convention a prévu cet événement dernier a formée en considération des connais
(art. 1744). Le bail finit judiciairement parle sances agricoles et de la probité du preneur
défaut respectif du bailleur et du preneur de (art. 1763, 1861). Dans un bail à ferme, re
remplir leurs engagements; il se termine encore nonciation de la contenance du fonds , moindre
par la perte de la chose louée et par une résilia ou plus grande que la réalité, autorise une aug
tion amiable. mentation ou une diminution du prix de ferme,
II. Règles particulières aux baux à loyer. suivant les règles exprimées au titre de la vente :
— Après avoir traité des baux à un point de le motif est identique. Le preneur est tenu de
vue commun , le législateur s'est occupé d'éta plusieurs obligations spéciales ; il doit cultiver
blir les dispositions particulières au bail à loyer. en bon père de famille, et garnir la ferme des
Il oblige le locataire, à peine d'expulsion, de bestiaux et ustensiles nécessaires à son exploi
garnir la maison louée de meubles sul'fisans , ou tation ; il doit engranger dans les lieux à ce
de donner des sûretés capables de répondre du destinés ; il doit enfin avertir le propriétaire ,
loyer. Cette mesure, favorable au bailleur, est en un court délai , des usurpations qui peuvent
sanctionnée par un autre article , qui crée à son être commises sur les fonds. La principale obli
profit un privilège pour le paiement du loyer sur gation du preneur est de payerle prix de ferme;
les meubles garnissant la maison. L'habitation mais ne pouvant acquitter les fermages qu'aux
des lieux occupés parle locataire et sa famille dépens des fruits obtenus par son travail , si un
est une cause de dégâts peu considérables , à la cas fortuit les lui enlève , il se trouve dans l'im
réparation desquels.il était juste de soumettre le possibilité de remplir son engagement. La loi
locataire ; on nomme ces réparations locatives. vient le tirer de cette situation désespérante ;
Elles sont déterminées par la coutume locale ; elle ne veut pas qu'à la fois il perde le produit
l'art. 1 754 en contient au surplus l'énumération. de ses sueurs , et soit tenu de fournir au pro
Il arrive souvent qu'une personne entre à titre priétaire à titre de fermage des fruits qu'il
de locataire dans une maison , et que la durée n'a pas retirés. Mais il faut que le cas fortuit lui
du bail n'ait pas été fixée entre les parties ; ait enlevé la moitié de la récolte au moins , et
l'art. 1758 supplée à cet oubli : il dispose que qu'il n'ait pas été indemnisé par les récoltes pré
le bail d'un appartement meublé est censé fait à cédentes : une perte moins considérable ne l'au
l'année , quand il a été fait à tant par an ; au toriserait pas à demander une remise du prix.
mois , s'il a été fait à tant par mois; au jour, s'il Si le bail a une ou plusieurs années à courir en
a été fait à tant par jour. Si rien ne constate que core , on doit attendre son expiration avant
la location soit faite à tant par an , par mois ou d'accorder l'indemnité , pour voir si les années
par jour, elle est censée faite suivant l'usage du suivantes n'auront pas compensé la perte. Ce
pays. De même, à l'expiration d'un bail écrit, si pendant le juge peut provisoirement dispenser
le locataire continue sa jouissance , et que les le preneur de payer une partie du prix , en rai
conditions n'en soient pas réglées par une con son de la perte essuyée (art. 1769). Une stipu
vention nouvelle, il est censé demeurer aux lation expresse peut charger le preneur des cas
mêmes conditions ; mais il ne pourra ni sortir fortuits prévus et imprévus (art. 1772,1773).
ni être expulsé qu'après un congé donné suivant — A défaut de convention sur la durée du bail
l'usage des lieux (art. 175!)). — Le bail des sans écrit d'un fonds rural , il est censé fait pour
meubles , non limité , est censé fait pour la du le temps qui est nécessaire au preneur afin de
rée ordinaire des baux des maisons , boutiques, recueillir tous les fruits de l'héritage affermé;
ou autres appartements que les meubles sont si les terres se divisent par soles ou saisons , il
destinés à garnir (art. 1757). est censé fait pour autant d'années qu'il y a de
III. Règles particulières aux baux à ferme. soles. Ce temps expiré, le bail sans écrit finit de
— Bien qu'en l'absence d'une clause prohibitive plein droit, a moins que le preneur ne soit laissé
insérée dans le bail , le preneur ait la faculté en possession , auquel cas un nouveau bail s'o
de sous-louer et de céder son bail à un autre , il père par tacite réconduction , et sa durée se dé
est évident que le fermier à colonie partiaire, termine de la même manière que pour le pre
c'est-à-dire moyennant un partage des fruits , mier bail (art. 1774, 1775).
BÀI ( 448 ) BAI
IV. Du bail à cheptel. — C'est un contrat balja, baia , sont les noms hollandais , danois,
par lequel l'une des parties donne à l'autre un suédois et italien de notre baille; les Anglais
fonds de bétail pour le garder, le nourrir et le l'appellent a hal/tub (demi-cuve). A. Jal.
soigner sous les conditions convenues entre BAILLEMENT (physiologie), mot qu'on
elles. Le mot cheptel désigne en général un a fait dériver de balare, bêler, sans doute à
troupeau de bétail, c'est-à-dire une universalité cause du bruit qui accompagne ordinairement
d'individus; il désigne aussi quelquefois le con l'action de bâiller. Le bâillement consiste dans
trat. Il y a plusieurs sortes de cheptels : le bail une grande et longue inspiration qui se fait len
à cheptel simple est un contrat par lequel on tement et avec écartement des mâchoires , et
donne à un autre des bestiaux à garder, nourrir qui est suivie d'une expiration prolongée ac
et soigner, à condition que le preneur profitera compagnée d'un bruit sourd. Ce phénomène
de la moitié du croit, et qu'il supportera aussi est physiquement expliqué par la nécessité
la moitié de la perte. Le cheptel à moitié est d'une pénétration actuelle d'air plus considé
une société dans laquelle chacun des contrac rable dans la poitrine , nécessité que provoque
tants fournit la moitié des bestiaux qui demeu une trop grande abondance de sang dans les
rent communs pour le profit et pour la perte. poumons et le séjour dans un lieu mal aéré ;
Le cheptel donné au fermier (appelé aussi toutes les circonstances dans lesquelles se pro
cheptel de fer, pour faire entendre qu'il est duit le bâillement, militent en faveur de cette
comme enchaîné à la ferme et que les obli explication. Dans le vide, sous le récipient de
gations du preneur y sont plus étroites ) , la machine pneumatique, les animaux cherchent
est celui par lequel le propriétaire d'une métai par le bâillement à suppléer à la minime por-
rie la donne à ferme, à la charge qu'à l'expira ion d'oxigène qui pénètre à chaque inspiration
tion du bail le fermier laissera des bestiaux dans leur économie. Le même phénomène pré
d'une valeur égale au prix de l'estimation de cède également les asphyxies. On bâille aux ap
ceux qu'il aura reçus. Enfin le cheptel impro proches du sommeil , parce que les mouvements
prement nommé a lieu lorsque plusieurs va respiratoires sont déjà ralentis, que ceux de la
ches sont données pour les loger et les nourrir. circulation persistent encore avec la même fré
On peut donner à cheptel toute espèce d'ani quence, et que le poumon continue alors à rece
maux susceptibles de croît ou de profit pour l'a voir la même quantité de sang noir, auquel cor
griculture ou le commerce. A défaut de con respond, dans un temps donné, par le fait de la
vention, le Code régit les effets de ces différents diminution du nombre des inspirations, une
contrats. La loi n'abandonne pas néanmoins ces quantité moindre d'air pour opérer la transfor
conventions au pur arbitre des parties; crai mation du sang noir en sang rouge ; de là les
gnant la dureté du bailleur et la faiblesse du bâillements propres à rétablir l'équilibre , jus
cheptelier, qui est ordinairement d'une condi qu'à ce que les mouvements circulatoires soient
tion pauvre , elle déclare nulles les clauses qui en harmonie avec ceux delà respiration. Cette
tendent à priver le cheptelier de la juste et mo explication rend encore compte du même phé
deste récompense de ses soins. nomène au moment du réveil. C'est égale
BAILLE (mariné). C'est un baquet propre ment ce besoin de respirer qui fait que le bâil
à différents usages; souvent c'est la moitié d'un lement précède et accompagne l'indisposilion
tonneau scié à sa plus grande largeur. Les ma qui marque le début des maladies. Mais ce qui
telots se servent des bailles pour laver leur n'est plus aussi facile à expliquer, c'est cette
linge , faire détremper le poisson et la viande contagion du bâillement qui fait qu'en voyant
salés, etc. A côté de chaque canon , il y a une bailler, on bâille soi-même. Ici on a recours à
baille pleine d'eau où le premier servant de une influence nerveuse, qui sans doute existe,
droite trempe son écouvillon pour rafraîchir le mais qui n'est point une explication , puisque
canon de temps à autre. C'est dans cette baille nous ignorons le mécanisme de cette influence.
que se pique le boute-feu allumé. Quand on a On cite le fait d'une jeune personne dont la ma
sondé, on met écouter la ligne de sonde dans ladie consistait en bâillements répétés à chaque
une baille dont le fond est percé de trous. On instant ; deux vomitifs guérirent cette affection
cueille les drisses dans une auge ronde appelée con vulsive, qui doit être rapportée aux maladies
quelquefois baille à drisses. — Baalje, balje, nerveuses. (Voy. Respiration.) A.
BAI (449) RAI
BAILLET (Adrien) naquit à La Neuville- mas Gage dans la Nouvelle-Espagne , traduite
au-Hez, village situé à 4 lieues de Beauvais. de l'anglais par Huet Oneil, 1676, 2 vol. in-8* ;
Sa famille était pauvre ; mais comme il annon 1699, 2 vol. in-12.
çait d'heureuses dispositions, \\e curé de sa pa BAILLEUL ou BAILLOLE (Jean) , né
roisse se fit un plaisir de les cultiver, et après àcosse,
Héliscourt
vacant en
après
Vimeu
la mort
, disputa
d'Alexandre
le trôneIHd'E
,à
lui avoir appris les premiers éléments de la lan
gue latine, il le plaça au collège de Beauvais. Là Robert Bruce et Hastings , seigneurs écossais.
Baillet montra un goût prématuré pour l'érudi Edouard Ier, roi d'Angleterre , choisi pour ar
tion ; car il avait à peine terminé son cours d'é bitre de ce grand différend, adjugea le trône à
tudes , qu'il avait déjà dévoré toutes les diffi Jean Bailleul , comme descendant par sa mère
cultés de la langue hébraïque. Il prit les ordres de David Hungtington , seul rejeton du sang
en 1676, et accepta un vicariat de campagne, royal. Jean de Bailleul fut solennellement cou
dont le chétif revenu de 300 fr. suffisait à ses ronné à Scône où les Écossais lui prêtèrent ser
besoins ; il y trouvait même de quoi subvenir à ment de fidélité. Il régnait encore en 1 298 ,
ceux de sa famille. Baillet devint plus tard bi comme le prouve une charte que possède M. Du-
bliothécaire de l 'avocat-général Lamoignon , et sével, d'Amiens. Mais peu de temps après,
mourut le 21 juin 1706. 11 a laissé de nombreux ayant voulu s'affranchir de l'état de dépen
ouvrages, qui prouvent la pureté de son goût et dance dans lequel Edouard affectait de le tenir,
l'étendue de ses connaissances. Yoici les titres une guerre sanglante éclata entre eux. La vic
des principaux: 1* Jugement des savants sur toire parut d'abord favoriser le roi d'Ecosse;
les principaux ouvrages des auteurs, 1685 et ses soldats coulèrent bas dix-huit gros vais
1686, 9 vol. in-12. Bien que cette composition seaux de la flotted'Édouard et s'emparèrent de la
soit incomplète , elle a néanmoins le mérite d'a province d'Yorck ; mais ces succès furent bien
voir servi de modèle à ceux qui depuis ont par tôt effacés par de cruels revers. Edouard, qu'ani
couru la même carrière ; elle a aussi donné lieu mait le désir de la vengeance , commença en
à de nombreuses critiques. 2° Des enfants qui homme habile à semer la division parmi les
sont devenus célèbres par leurs études et par Écossais. Sachant qu'une partie de ces derniers
leurs écrits, 1688, in-12. 3° Des Satires per tenait encore pour Bruce , le rival de Jean de
sonnelles , traité historique et critique de Bailleul, il lui promit la couronne, et l'attira
celles qui portent le titre d'anti, 1689, 12 vol. par cette offre séduisante sous ses drapeaux
in-4°. 4° Auteurs déguisés sous des noms étran ainsi que ses nombreux partisans. Ensuite il
gers, empruntés, supposés, faits à plaisir, vint fondre sur l'Ecosse à la tête d'une armée
chiffrés, renversés, retournés ou changés d'une formidable , s'empara de Berwick , dont il
langue en une autre, 1690, in-12; ce n'est que égorgea tous les habitants, défit Jean de Bailleul
la préface d'un grand ouvrage qu'il n'a pas à Dumbar, malgré la valeur des Écossais , qui
achevé. 5° Fie de Descartes, 1 691 , 2 vol. in-4°, restèrent au nombre de plus de vingt mille sur
dont il publia un abrégé in-12 en 1693. 6° His le champ de bataille, et se rendit maître d'Edim
toire de Hollande, depuis la trêve de 1 609, où bourg et des autres villes considérables de l'E
finit Grotius, jusqu'à notre temps, 1693, cosse. Dans cette situation extrême, l'infortuné
4 vol. in-12. 7° Les Vies des saints, 1701, monarque, trahi par la fortune, fut obligé de se
3 vol. in-fol. ou 12 vol. in-12. 8° Histoire des soumettre à Edouard, qui le reçut avec hauteur,
fêtes mobiles, les vies des saints de l'Ancien- et le fit enfermer dans la Tour de Londres.
Testament, la chronologie et la topographie Philippe le Bel et Boniface YIII ayant obtenu
des saints, 1703, in-fol. ou 5 vol. in-8°; ces sa liberté, il se retira dans son pays natal , où il
deux ouvrages ont été réimprimés à Paris, continua de porter le titre de roi d'Ecosse , et
1704,4 vol. in-fol., et 1739, 10 vol. in-4°. mourut en 1314. Son fils, Edouard de Bail
9° Vie d'Edmond Richer, 1714, in-12. leul, épousa Isabelle de France en 1395, et par
10° Histoire du démêlé du Pape Boniface VIII tagea la captivité de son père dans la Tour de
avec Philippe-le-Bel, roi de France, 1717-18, Londres. 11 était revenu dans le Vimeu avec ce
in-12. 1 1 • Relation curieuse et nouvelle deMos- dernier et y vivait heureux, lorsqu'un émissaire
covie, 1698, in-12. 12° On lui attribue aussi la d'Edouard le détermina à passer en Ecosse pour
Nouvelle relation contenant les voyages de Tho* chasser du trône David Bruce qui l'avait oc-
Encyclopédie du XIX' siècle, t. IV. 29
BAI ( 450 ) BAI
cape après Jean de Baillcul. La valeur que ce nord ce que, dans celles du midi, étaient les sé
jeune prince déploya à la tête de six mille An néchaux. Ils se faisaient représenter dans les
glais qu'Edouard avait mis à sa disposition, à son lieux dont ils s'absentaient par des lientenants
arrivée ea Ecosse, le rendit maître en moins à résidence. Quatre grands baillis de judicature
d'un an de ce royaume. Mais alors Edouard fuient créés par saint Louis. Dans maintes ba-
se montra exigeant envers lui; il l'obligea à lui ronies , des baillis continuèrent à être les chefs
abandonner la plupart des places fortes de l'É- directs de l'arrière-ban. Philippe de Valois re
', cosse et à lui prêter un servit hommage. Les fusait, en 1342, aux baillis royaux, le droit de
Écossais indignés voulurent l'expulser du trône; se faire appeler gouverneurs. Il s'est vu jus
mais il résista pendant long-temps à leurs ef qu'au xvie siècle des baillis à la fois chefs de
forts, avec le secours du monarque anglais. Ce guerre et officiers civils de justice; mais en 1 560,
ne fut qu'en 1356 qu'il consentit à abdiquer, le chancelier de L'Hospital provoqua la décla
moyennant une pension que ses sujets lui pro ration qui ne les considérait que comme de robe
mirent. H. Dusevel. courte, ou susceptibles de porter les armes; et qui
BAILLI. L'origine de ce mot est mal con ne regardait que comme de robe longue, ou ma
nue. Vient-il du bas-latin balivirus ou ballirius, gistrats non armés, les lieutenants des baillis et
comme quelques-uns le prétendent? Cette asser des sénéchaux. Il n'y a plus que des baillis de
tion est douteuse, puisqu'il a eu bajule pour robe longue depuis l'abolition du ban et arrière-
synonyme. Le latin barbare n'aurait -il pas ban, et la révolution de 1789 a effacé de nos
plutôt fait , d'un substantif plus ancien , le sub usages et leurs fonctions et leur dénomination.
stantif ballivus, qu'on retrouve dans l'orthogra Voy. Bailliage. Le gén. Babdin.
phe primitive du français baillif? Quoi qu'il BAILLIAGE (jurispr. ). Dénomination
en soit, les baillis ont été des personnages commune à plusieurs juridictions qui exis
féodaux exerçant à la guerre des fonctions ana taient autrefois en France et qui dans l'origine
logues à celles d'officiers supérieurs ou géné avaient à leur tête les officiers appelés baillis. Le
raux; ils marchaient comme suppléants ou lieu mot bailliage se prenait , du reste , dans qua
tenants du seigneur feudataire dont ils rele* tre acceptions différentes. Il désignait 1° l'of
vaient, et se faisaient alorsappeler grands-baillis. fice du bailli; 2° le tribunal composé de juges
D'autres baillis ont été les hommes du roi ou ses rendant la justice avec le bailli ou en son nom ;
lieutenants-généraux sous le titre de missus do- 3° le lieu des séances de ce tribunal ; 4° le ressort
minicus. Des baillis de ce rang ont présidé les ou l'étendue de son territoire.
justices royales , et ont eu sous leurs ordres le C'est se placer à un point de vue historique
roi des ribauds. assez curieux que d'examiner la naissance et les
S'il faut en croire Fauchet, les gouverneurs progrès des bailliages qui occupaient une posi
de villes étaient des baillis. Le Dictionnaire de tion importante dans notre ancien édifice judi
Trévoux mentionne les baillis comme ayant été, ciaire, quoiqu'ils se trouvassent à sa base. Leur
en pays coutumier, des juges d'épée. Depuis création avait encore été un des résultats de
l'affaiblissement de la féodalité, les baillis, qui cette lutte incessante pendant tant d'années en
avaient des attributions civiles et militaires , tre l'autorité royale et la féodalité.
comme tous les hauts fonctionnaires du moyen Le droit de justice souveraine dans leurs ter
âge, ont cessé de tenir l'épée, de passer des re res et sur leurs vassaux était un de ceux que les
vues ou montres , de convoquer et d'assembler soigneurs avaient conquis sous les deux pre
les clients du ban féodal , et n'ont plus été que des mières races, et dont ils se montraient avec rai
administrateurs ou des magistrats à robe noire, son le plus jaloux. Ce fut cette prérogative si
comparables aux personnages que, suivant les gênante pour la couronne que toute l'habileté
coutumes des différentes provinces, on a appe des successeurs de Hugues Capet s'appliqua à
lés mayeurs ou maires, prévôts ou sénéchaux. leur enlever. Les missi dominici, ou délégués
Les baillis d'abbayes ou de monastères en étaient du souverain pour l'administration de la justice,
les chefs de troupes, et se sont appelés vidâmes quoique revêtus degrandesattributions, avaient
et avoués. échoué dans cette entreprise. Quatre officiers
Depuis 1190, les baillis royaux, les baillis nommés grands-baillis les remplacèrent, avec
d'épée étaient dans les provinces françaises du mission ostensible de rendre seulement la justice
BAI ( 451 ) BAI
au nom du roi dans ses domaines, mais dans la ses auxiliaires. Ceux-ci finirent même par l'ab
réalité pour attirer à eux, autant que possible, sorber tout entière. Ainsi, par un jeu bizarre des
la juridiction des autres localités qui relevaient événements, tandisque les bailliages se formaient
directement des seigneurs. et queces juridictions, de nomadeset temporaires
Ils y réussirent insensiblement, d'abord par quelles étaient naguère, devenaient fixes et per
l'invention des cas royaux des seigneurs, c'est- pétuelles ; tandis que leur compétence, leur or
à-dire, par la détermination d'une foule de cau ganisation se perfectionnaient, les officiers dont
ses considérées comme rentrant par exception elles tenaient jusqu'à leur nom, réduits à un
dans la compétence du juge royal, et qui furent vain titre, à des prérogatives purement honori
ainsi soustraites à la justice des seigneurs. Tels fiques, s'effaçaient de plus en plus et disparais
étaient les crimes de lèse-majesté humaine et saient presque entièrement de la scène politique.
divine, puis ceux qui troublaient la paix publi Ils étaient, à la vérité, restés chefs de juridic
que ou la paix du roi ; ce qui embrassait les as tion ; ils conservaient le droit de présider à tous
sassinats, empoisonnements, parricides, homi- les jugements, soit à l'audience, soit à la cham
des, infanticides , viols , rapts de séduction, ra bre du conseil ; mais ils n'avaient plus voix
pines, incendies, rassemblements tumultueux , délibérative. A la vérité encore , la justice se
en un mot presque tous les faits de nature à rendait en leur nom ; mais la plupart du temps
porter atteinte à la sûreté de l'État ou des par sans leur coopération effective, et même quand
ticuliers. En même temps , dans chaque ville ils étaient présents, le lieutenant-général ou tout
que le roi réunissait au domaine , la justice de autre officier, exerçant à sa place la présidence
ce domaine devenait celle du roi , et on y éta réelle, s'exprimait ainsi au nom du véritable
blissait de nouveaux baillis sous prétexte du chef, condamné à un mutisme presque absolu :
changement qui venait de s'opérer, et sans égard « M. le bailli ou M. le sénéchal dit et ordonne, »
à la justice antérieure du seigneur. Mais les Et le baill i ou le sénéchal n'avait pas dit un mot.
grands baillis eux-mêmes devinrent bientôt sus Enfin le grand bail li ou baillid'épée, car ce dernier
pects, par cela seul qu'ils étaient puissants. titre prévalut par la suite , avait le droit de sié
Choisis , en effet , sous ce titre ou sous celui de ger en habit court, en bottes et l'épée au côté ;
sénéchal , parmi les grands, ils joignaient à cette stérile et dérisoire avantage toutefois, et qui ne
magistrature le commandement du ban et de semblait lui avoir été laissé que pour faire res
l'arrière-ban du district féodal ; ils conduisaient sortir encore plus la force de l'adage : Cédant
à la guerre les vassaux de la couronne en même arma togœ!
temps que lesleurs ; ils portaientla bannièrede la Si cette annihilation des grands baillis ou
province. On craignit l'accumulation de tous ces baillis d'épée contribua encore plus que la vé
moyens d'influence dans les mêmes mains, et on nalité des charges , qui s'étendit aussi à leurs
s'occupa de les annuler. L'occasion se présenta offices , à en faire de véritables inutilités dans
favorable, lorsqu'à l'exemple des premières juri la hiérarchie judiciaire , il n'en fut pas de
dictions lestribunaux inférieurs devinrent séden même des petits baillis ou baillis seigneuriaux,
taires. Les grands baillis, ne se montrant pas plus seuls débris , peu imposants du reste , des
empressés à tenir eux-mêmes leurs assises dans vieilles justices féodales. Ces officiers, quoique
leur ressort que les grands vassaux ne l'étaient à circonscrits dans un cercle d'attributions fort
assister aux séances du parlement, et s'étant dé restreint , n'exerçaient pas du moins des fonc
chargés sur leurs lieutenants du soin de les rem tions purement nominales dans leurs petits siè
placer, ceux-ci les évincèrent à peu près comme ges; elles étaient au contraire d'autant plus
les clercs prirent au parlement la place des sei réelles , que presque partout ils composaient à
gneurs pour le jugement des procès. Dans les eux seuls le tribunal du seigneur. Mais le ju
bailliages aussi les lieutenants du bailli royal gement de quelques contraventions , l'arbitrage
s'entourèrent d'hommes instruits dans la science de modiques intérêts , ne pouvaient entourer de
du droit , des usages et des coutumes. La cour beaucoup de considération ceux qui étaient re
seconda de tout son pouvoir une résolution qui vêtus de ces magistratures subalternes. C'est ce
tendait à affaiblir l'autorité d'un magistrat uni qui explique peut-être comment les baillis de
que ou principal, par cela seul qu'elle se divisait ■s illage sonttraités avec si peu de cérémonie sur
et se répartissait entre plusieurs autres devenus notre ancien théâtre.
S
lut (452 ) BAÎ
Quant aux bail linaes royaux, que nous venons cet usage s'appelait bâillon. S'il faut en croire
de voir se dégager du chaos des premiers éta Voltaire, on usa de cette rigueur à l'égard de
blissements judiciaires, pour devenir perma Lally - Tollendal , gouverneur de Pondichéri.
nents comme les parlements, ils avaient gagné « On lui mit, dit-il, dans la bouche un bâillon
en pouvoir et en attributions tout ce que les « qui débordait sur les lèvres ; c'est ainsi qu'il
autres avaient perdu. Le nombre en était consi « fut conduit à la Grève dans un tombereau.
dérable , soit parce qu'ainsi que nous l'avons « Les hommes sont si légers , que ce spectacle
dit , on en avait créé dans chaque ville un peu « hideux attira plus la compassion que son sup-
importante par sa population , lorsqu'elle re « plice ( Siècle de Louis XV ) . »
connaissait l'autorité du roi, soit parce que, L'usage du bâillon s'est conservé dans la ma
dans plusieurs provinces , les bailliages royaux rine, pour empêcher le matelot mis aux fers sur
d'une certaine étendue se subdivisaient en plu le pont d'insulter ses supérieurs.
sieurs sièges , dont l'un était le principal , et Les tribunaux espagnols prenaient la même
les autres une sorte d'émanation ou de démem mesure dans certaines circonstances. On rap
brement du premier. Ainsi , dans l'Orléanais , porte que, dans l'auto-da-fé solennel qui eut lieu
le bailliage d'Orléans était le principal , et il y en présence de Charles II , douze des vingt-et-un
avait , en outre , dans son ressort , six sièges condamnés qu'on y brûla avaient des bâillons.
particuliers , savoir : Beaugency , Janville , Yè- Le bâillon est également en usage en Chine,
vre-le-Châtel , Bois-commun, Neuville et Vitry- ainsi
toire générale
que le rapporte
des Voyages.
La Harpe
Les dans
Issinois
son con
//«-
aux Loges. Les grands bailliages se composaient
ordinairement de deux lieutenans - généraux duisent aussi les condamnés sur la place publi
civil et criminel , et de deux lieutenants parti que les mains liées et un bâillon à la bouche
culiers chefs de juridiction. Le nombre des con ( Constant Dorville , Histoire des différents
seillers ou juges variait suivant les localités. Le peuples). L. D.
ministère public y était aussi représenté par BILLOU ( Guillaume de ) , surnommé
deux ou trois membres , selon les besoins du en latin Ballonius , médecin français , de qui
service. Quanta leur compétence, elle embras date la renaissance de la médecine d'observa
sait au civil toutes les causes dont l'appel se tion. Né à Paris en 1538, il eut pour père Ni
portait au parlement ; mais elle s'élevait en colas Baillou, architecte distingué. Livré dès
dernier ressort jusqu'à concurrence de 40 livres ses plus jeunes ans à l'étude des langues latine
de principal. Ils jugeaient aussi en matière et grecque , il les posséda bientôt à fond , et
criminelle. Seulement pour les Cas pbévotaux s'adonna tout entier , encouragé par ses pre
(voy. ce mot) , ils étaient obligés de s'adjoindre miers succès , à la culture des belles-lettres et
le prévôt , et ne pouvaient prononcer qu'au nom de la philosophie , qu'il enseigna même avec
bre de sept juges au moins. Enfin ils étaient juges éclat au collège de Montaigu. Entrainé cepen
d'appel des petites juridictions civiles ou crimi dant par un goût irrésistible pour la médecine ,
nelles de leur ressort. Une modification impor fort du secours que lui donnaient les lumières
tante eut lieu en 1551 dans les bailliages , par qu'il avait puisées dans ses études préliminaires,
l'édit de cette année portant création des Pbési- il entra dans cette nouvelle carrière , environné
diaux [voy. ce mot). L'Assemblée constituante, de tout ce qui peut en assurer le succès. Reçu
en remplaçant, en 1790, l'ancienne organisation bachelier en 1568, il prit, deux ans après, le
judiciaire par des tribunaux formés d'après un bonnet de docteur, et acquit une réputation si
système tout-à-fait nouveau , mit un terme à la honorable , que dix ans après il fut élu à l'una
longue existence des bailliages, tant royaux que nimité doyen de la Faculté de médecine à Paris.
seigneuriaux. B. de P. La peste qui à cette époque désola la capitale
. BAILLON [jurisprudence). Avant 1789, du royaume, lui offrit l'occasion de servir tout
les tribunaux en France ordonnaient parfois à la fois la science et son pays. Loin de cher
qu'on appliquât sur la bouche des condamnés cher comme tant d'autres son salut dans la fuite,
un objet quelconque, le plus souvent un mor inaccesible à la crainte et pénétré de ses devoirs,
ceau de bois, pour les empêcher d'exciter l'in il resta à son poste , observa l'épidémie , cher
térêt ou la rumeur publique par leurs cris ou cha à en reconnaître la nature , et prescrivit les
par leurs discours. L'instrument qui sériait à précautions les plus sages pour en arrêter les
BAI ( 453 ) BAI
funestes effets. Choisi plus tard pour aller à proché d'Hippocrate. Sydenham , il est vrai ,
Saint-Denis offrir à Henri IV les hommages de l'a surpassé depuis, mais il lui reste encore la
la Faculté de médecine , il fut nommé peu de gloire d'avoir offert le premier modèle dans ce
temps après (en 1601) par ce prince premier genre de travail. Ses livres de consultations
médecin du dauphin ; mais il préféra la vie mo sont une mine inépuisable de faits précieux et
deste et laborieuse du savant, au faste et à d'observations toujours judicieuses ; on y re
l'éclat de la cour. Il mourut en 1616, âgé de trouve une foule de choses annoncées depuis
soixante-dix-huit ans , laissant à ses deux ne comme nouvelles; ainsi , par exemple, la cin
veux Simon Leclerc et Jacques Thévart , mé quante-quatrième consultation renferme des no
decins comme lui , le soin de publier ses ou tions exactes sur le croup, qu'on a regardé
vrages. dans ces derniers temps comme une maladie
Élève de Houllier , de Fernel et de Duret , inconnue. A. Duponchel.
savant commentateur d'Hippocrate , il puisa BAILLY (Jean-Sylvain) , naquit à Paris
dans leurs leçons le goût de la médecine grec en 1735. Ses premiers travaux furent dirigés
que. Ce fut en méditant ensuite les écrits vers les belles-lettres, avec une ardeur telle
d'Hippocrate , qu'il arriva à exercer une si qu'a l'âge de seize ans il avait composé deux
grande influence sur la médecine de son temps, tragédies; mais Bailly conserva ses ouvrages
encore courbée sous lejoug des doctrines arabes dramatiques en portefeuille , et ne les présenta
et du galénisme. Cette influence fut encore aug pas à la Comédie-Française. Sa liaison avec le
mentée par son talent de discussion , et par célèbre Lacaille détermina sa vocation en fa
une force et une rapidité d'argumentation telles, veur de l'astronomie. Il avait eu pour maître
qu'il fut surnommé lefléau des bacheliers. Si de mathématiques Moncarville, et ensuite Clai-
Baillou n'eut pas la gloire d'être entré le pre rault. Le premier travail de Bailly dans la
mier dans la carrière de la réformation médi science astronomique eut pour objet la comète
cale, il marcha d'un pas ferme dans cette de 1759. Vinrent ensuite plusieurs autres ou
route qu'avaient à peine tracée quelques uns de vrages, qui attirèrent sur lui l'attention des sa
ses prédécesseurs , et il travailla avec une rare vants. Il présenta à l'Académie des observa
constance à terminer un travail à peine ébauché. tions lunaires qui lui valurent l'honneur d'être
C'est de lui en effet que date réellement la mé admis au nombre de ses membres , et il concou
decine d'observation qui ne s'étudie qu'au lit rut bientôt après avec Condorcet pour la place de
du malade. Baillou partagea quelques-unes des secrétaire. Il publia ensuite un mémoire sur les
erreurs de son temps ; il exagéra l'influence des étoiles zodiacales ; mais le premier ouvrage vrai
astres ; mais ses erreurs mêmes ne furent pas ment remarquable de Bailly fut son Essai sur
sans profit pour la science , puisqu'il chercha à les satellites de Jupiter, avec des tables de
trouver dans les conditions atmosphériques des leurs mouvements, qui parut en 1766. Les
rapports évidents ou occultes avec les maladies masses de ces astres secondaires semblent telle
régnantes. ment inaccessibles aux calculs de la physique,
Les ouvrages de Baillou, composés en latin, l'étonnante variété de leurs mouvements sert si
sont nombreux et estimés ; réunis par les soins mal l'astronomie qui veut déterminer leurs iné
de J. Thévart sous le titre de Ballonii opéra galités, que , jusqu'au milieu du dernier siècle,
medica omnia, ils ont été réimprimés plusieurs personne n'avait encore osé appliquer la loi
fois ; la dernière édition en a a été donnée à de Newton aux attractions mutuelles de ces
Genève , en 1 762 , par Tronchin qui la fit pré planètes. Aidé de la théorie de Clairault et d'une
céder d'une préface. Baillou attachait une im méthode ingénieuse de Ponchi sur l'emploi du
portance particulière à son traité des Maladies télescope , Bailly calcula avec un rare succès
des femmes et des vierges , traité que le grand les perturbations de ces satellites et détermina
Boerhaave lui-même préférait encore à tous les leur diamètre, ainsi que la durée de leurs émer-
écrits publiés depuis sur le même sujet. Baillou sions. Ce travail immense , qui donna lieu à
recueillit dans les Ephémérides les constitutions trois mémoires, l'occupa pendant neuf ans; car
épidémiques de 1570 à 1579 , et c'est peut-être ce ne fut qu'en 1771 que parut le dernier mé
dans cet ouvrage qu'il a déployé le plus grand moire sur la lumière des satellites de Jupiter.
talent d'observation, et qu'il s'est le plus rap Cet écrit, plein de vues profondes, le classa au
S
BAI ( 454 ) BAI
nombre des astronomes les plus distingués. Il auteur : il proposait quatre hôpitaux différens.
voulut alors connaître à fond toutes les décou Le projet avait été accepté , lorsque la révolu
vertes anciennes et modernes des différent? tion française vint en éloigner l'exécution.
peuples;- telle fut l'origine de son histoire de Le 26 avril 1789 , Bailly fut élu secrétaire de
l'Astronomie ancienne et moderne , qui parut l'assemblée électorale chargée de nommer des
en 1784, et qui fut bientôt suivie de l'Astrono députés aux états-généraux. Ensuite , député du
mie indienne et orientale. Ces deux ouvrages tiers-état , il devint président de cet ordre ; et
présentent une foule de recherches savantes , quand cette chambre se constitua en assemblée
mais aussi de nombreuses erreurs. Bailly avait nationale , la présidence lui fut continuée. Le
envoyé à Voltaire son livre , dans lequel , en 6 juin, après avoir complimenté le roi, Bailly
donnant au monde une antiquité prodigieuse, il se plaignit des retards que la noblesse apportait
plaçait dans les contrées du nord l'origine des au commencement des travaux. Le 20 , voyant
sciences et de la civilisation. Le philosophe les portes de l'assemblée fermées par ordre du
de Ferney fut frappé d'un paradoxe qui ten roi avec défense de s'y assembler, il réunit tous
dait à anéantir ses brames; et en le remer les députés et les conduisit au jeu de paume à
ciant de son envoi, il lui fit des objections, ce Versailles, où il présida cette fameuse séance qui
qui donna lieu à une correspondance dont les se termina par le serment de ne se séparer
Lettres sur l'origine des sciences et sur l'Atlan qu'après avoir obtenu une constitution sur des
tide furent le résultat. Le style de Bailly n'est bases solides. Après la prise de la Bastille,
défiguré par aucun excès ; il est naturel , élé il fut nommé maire de Paris par le comité per
gant, correct. Il se délassait de ses travaux manent. Le 17 juillet, il reçut le roi à l'Hô-
scientifiques par la littérature; il remporta l'ac tel-de-Ville, et lui présenta la cocarde natio
cessit à l'Académie française pour ses Eloges de nale. Lorsqu'après la fuite du roi les partis
Charles V et de Molière; à Rouen , il fut cou achevèrent de se diviser , l'un d eux voulut que
ronné pour celui de Corneille, et Berlin lui l'on profitât de cette occasion pour prononcer
décerna la même récompense pour l'Éloge de la déchéance de Louis XVI. Bailly s'opposa aux
Leibnilz. Depuis l'origine des sociétés littérai mouvements excités dans Paris en faveur du
res, Fontenelle et Bailly furent les premiers parti de la déchéance. Le 17 juillet 1791 , il fit
qui appartinrent en même temps à l'Académie proclamer la loi martiale contre une foule im
française , à celle des sciences et à celle des in mense qui s'était assemblée au Champ-de-Man
scriptions , tant il est rare de joindre à l'esprit pour y rédiger une adresse en faveur de la dé
géométrique le goût de l'érudition , et d'embel chéance, et il la fit disperser par la force armée.
lir l'un et l'autre par les charmes du style. En L'assemblée nationale approuva sa conduite.
1784 , le magnétisme animal , prôné par Mes Voyant sa popularité décliner et son crédit bais
mer , occasionna dans tout Paris une agitation ser, il résigna ses fonctions entre les mains du
extrême. Le roi nomma des médecins, et l'Aca corps municipal, motivant cette démission sur le
démie des physiciens , pour éclairer les esprits délabrement de sa santé. Pendant l'année 1791
sur ce prétendu phénomène. Bailly fut un des et une partie de l'année suivante, il voyagea, et
commissaires nommés par l'Académie ; il fut revint ensuite à Melun. C'est là que, livré en
chargé de la rédaction du rapport. C'était un tièrement au goût des lettres, il écrivit des mé
fait important à consigner dans l'histoire des moires sur les événemens qu'il connaissait si
erreurs de l'esprit humain et une grande expé bien et dans lesquels il avait été un des prin
rience à constater sur le pouvoir de l'imagina cipaux acteurs. Au lieu de quitter la France,
tion. Bailly fut longtemps occupé de ce tra comme ses amis le lui conseillaient, il aima
vail ; enfin il parut , et la vérité reçut un hom mieux affronter le jugement de ses conci
mage qui fit disparaître toutes les illusions toyens; le 31 mai il fut inscrit sur les listes
de la crédulité. Bailly fut encore nommé rap sanglantes du tribunal révolutionnaire. Dé
porteur d'une commission chargée par l'Aca noncé par un démagogue obscur , il fut ar
démie de l'examen du projet d'un nouvel rêté par ordre de Robespierre , et transféré à
Hôtel-Dieu. Ce rapport est un ouvrage aussi Paris dans la prison des Madelonettes , pois
précieux pour la physique , qu'intéressant par à la Conciergerie. Le 10 novembre, il parut
les sentimens d'humanité qui dirigeaient son devant le tribunal révolutionnaire et fut con
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damné à mort. Le lendemain , la fatale char qu'une grande force de raison serve de contre
rette conduisait Bailly vers le lieu de son poids à cette sorte d'entraînement.
supplice ; on portait derrière lui ce drapeau Pendant sa magistrature , Bailly sacrifia sa
rouge qu'il avait fait déployer en publiant la loi fortune au soulagement des malheureux, et
martiale , lors de l'assemblée du Champ-de- quand il quitta l'Hôtel-de-Ville, il la trouva fort
Mars. Il n'est sorte d'insulte qui lui ait été épar diminuée. On a encore de Bailly , outre les
gné, et durant cette longue marche, on lui jeta ouvrages que nous avons cités, l'Origine des
de la boue et on l'accabla de coups tellement fables et un Journal de sa conduite. A. P.
violents que les bourreaux le protégaient, dans la BAILLY (Louis) , né à Bligny , près de
crainte de n'avoir qu'un cadavre à exécuter. Beaune. Il embrassa l'état ecclésiastique et fut
Le Champ-de-Mars, où il avait ordonné de principal du collège de Dijon et promoteur gé
tirer sur la populace , avait été choisi pour néral du diocèse. Lors de la révolution, n'ayant
le lieu du supplice ; arrivé en cet endroit , on pas voulu prêter le serment imposé aux ecclésias
brûla le drapeau et on le lui passa tout en tiques, il fut contraint de s'expatrier, et se réfu
flammé sur le visage. Une pluie froide inondait gia en Suisse. Bentré en France à l'époque du
son corps déjà affaibli par les privations ; l'hu concordat , on lui offrit une place de grand-vi
midité faisait trembler tous ses membres ; ses caire; mais, voulant se consacrer exclusivement
dents claquaient les unes contre les autres. Un au service des pauvres, il n'accepta que le mo
bourreau lui dit d'un air moqueur : Bailly, tu deste emploi de desservant de l'hospice de
as peur! — Non , répondit le patient ,j'ai Beaune, où il mourut en 1808. Il a composé
froid. Enfin, l'instrument de mort, monté et quelques ouvrages de théologie dont voici les
démonté plusieurs fois devant lui, fut fixé sur titres: 1° Tractatusdeverâreligioneadusum
un tas de fumier : il y courut, et termina ainsi seminariorum, 2 vol. in-8 ; 2° Tractatus de Ec-
une longue et cruelle agonie. Bailly, appelé clesiâ, 1771, 1776, 2 vol. in-8; 3° Theologia.
comme témoin au procès de la reine , avait dogmatica et moralis, 1789, 8 vol. in-8 ; 2«
eu le courage de déclarer faux et controuvé édit., Lyon, 1804 , 8 vol. in-12 ; 4° les Prin
l'acte d'accusation dressé contre Marie-Antoi cipes de la foi catholique. L'auteur a publié
nette. pendant son exil ce dernier ouvrage, qui eut le
Comme homme public, Bailly contribua puis plus grand succès , et dont l'édition fut promp-
samment à ébranler la monarchie. C'est lui qui tement épuisée.
donna le signal de la révolution , en présidant BAIN (Chevaliers du). Ordre militaire an
cette fameuse séance du jeu de paume , qui , de glais, institué en 1399 , à l'époque du couron
conséquence en conséquence, aboutit au 2 1 jan nement de Henri IV, qui nomma quarante-six
vier. Mais il n'apercevait pas alors toute l'éten membres en cette occasion. Il parait que , dans
due du mal dont il préparait l'accomplissement ; beaucoup d'autres ordres de chevalerie, l'usage
ainsi que Lafayette, il rêvait le maintien du de se baigner, la veille de l'installation , était
trône livré par lui à tout l'effort des passions dès-lors adopté ; mais celui-ci est le seul pour
anarchiques. Quand cette illusion fut dissipée, lequel cette cérémonie ait été spécialement or
Bailly voulut s'arrêter sur la pente fatale où il donnée. Les premiers chevaliers du Bain por
avait lui-même entraîné le pays; mais il était taient de longs habits à manches étroites, dou
trop tard. Il n'eut pas comme obstacle la puis blés de menu-vair, comme les prélats , avec des
sance qu'il avait eue comme instrument; la ré dentelles blanches pendantes sur les épaules.
volution l'emporta dans la course. Suivant l'exemple donné par Henri IV , les rois
La carrière scientifique de Bailly fut plus d'Angleterre prirent l'habitude de nommer tou
brillante que féconde en résultats positifs. Doué jours un certain nombre de chevaliers de cet or
d'une imagination ardente , il dédaigna les réa dre avant leur couronnement, à l'inauguration
lités, pour se jeter dans le domaine des hypo d'un prince de Galles, à leur propre mariage ou à
thèses. S'il se livra à des travaux et à des re celui des membres de leur famille, comme aussi
cherches immenses , ce fut trop souvent pour dans quelques autres occasions solennelles.
donner quelque apparence spécieuse à de vaines Ainsi Henri V, en 1416 , créa seize chevaliers
et fausses théories. La hardiesse des vues peut du Bain pour célébrer la prise de Calais. Char
profiter à la science, mais il faut pour cela les II en ût soixante-huit à son couronnement ;
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mais après cela, l'ordre fut discontinué jusqu'en par des muriates de soude , de chaux et de ma
1725. George I" le rétablit alors par une or gnésie.
donnance, sous le ministère de sir Robert Wal- Les eaux de Bains sont incolores et inodores
pole. Par cette nouvelle organisation , l'ordre quand elles sont froides ; chaudes , elles déga
devait consister en un grand-maître et trente-six gent une très légère odeur de foie de soufre;
chevaliers , plus un aumônier , un archiviste , leur saveur est fade et un peu salée.
un roi d'armes , un généalogiste , un secrétaire, Leurs propriétés médicales sont à peu près
un huissier et un messager. Les insignes de les mêmes que celles des eaux de Plombières,
vaient être une rose , un chardon et un trèfle , dont le voisinage porte un notable préjudice
issant d'un sceptre entre trois couronnes impé à leur vogue. On les regarde pourtant comme
riales entourées de la devise : Tria juncta in moins actives. Morand , qui s'est occupé de ces
uno , et suspendus à un ruban rouge porté en eaux, leur attribue une propriété laxan've que
sautoir. En 1815, le prince régent, en commé n'ont pas celles de Plombières. Mais, chargées
moration de la paix qui avait terminé la longue de très peu de principes salins , c'est principale
lutte dans laquelle l'Angleterre était engagée ment par leur température qu'elles doivent agir.
depuis un quart de siècle , ordonna que l'ordre On conçoit en effet que l'ingestion d'une grande
se composerait à l'avenir de trois classes de che quantité de liquide chaud , que des bains ordi
valiers ; savoir , les grand'croix , les comman naires ou de vapeurs , des douches , etc., à une
deurs et les simples chevaliers. Le nombre des température plus ou moins élevée, puissent
grand'croix fut fixé à soixante-douze, indépen exercer une heureuse influence , aidés surtout
damment des princes du sang royal. Sur ce des différentes circonstances hygiéniques em
nombre , soixante décorations ont été réservées ployées d'ordinaire aux eaux thermales. M. le
à l'armée et à la marine ; les douze autres peu docteur Thirat , dans son Essai sur les proprié
vent être accordées pour des services civils ou tés de ces eaux , dit qu'elles guérissent radicale
militaires. Les croix de commandeur , au nom ment les affections du bas-ventre désignées sous
bre de cent quatre-vingt , ne peuvent être don le nom d'obstructions , les hénaorrhodies, l'ic
nées qu'à des généraux-majors ou à des contre- tère, l'inappétence, la faiblesse et les fièvres
amiraux. Le nombre des simples chevaliers est intermittentes qui les accompagnent. Elles se
indéfini. Pour obtenir cette décoration , il faut raient encore prescrites avec avantage, suivant
être officier , et avoir obtenu précédemment une le même auteur, dans la chlorose, les affections
médaille d'honneur. Les simples chevaliers hypochondriaques et vaporeuses, les rhumatis
n'ont pas le droit de faire précéder leur nom du mes, etc. , dans le traitement du catarrhe vésical
titre de Sir , et leurs épouses ne reçoivent pas et des affections des reins, dans la leucorrhée el
celui de Milady. La manière dont les décora ^autres maladies du système utérin , par consé
tions se portent est semblable à celle qui est quent dans les cas de stérilité, pour lesquelselies
adoptée dans les autres pays d'Europe. sont en réputation particulière. On emploie ces
BAINS, petite ville d'une population de eaux de toutes les manières ; en boisson, la dose
2,000 âmes , dans le département des Vosges , peut sans inconvénient en être portée très loin.La
à six lieues d'Épinal et quatre de Plombières. saison commence à Bains le 1 5 juin , pour finir
Elle est située dans un vallon assez agréable, en le 1 5 septembre.
touré de promenades charmantes. On y trouve Il y a encore , dans le département des Pyré
dix sources minérales , dont la plus chaude nées-Orientales, un autre bourg du même nom
(grosse source) est à 50° centigrades , et la où l'on trouve également des eaux minérales.
moins chaude (la tempérée) à 35°, 50. Ces eaux, Lbpecq de la Clôtubk.
qui alimentent deux établissements séparés, sont BAINS (hygiène). Le bain , en latin bal-
assez abondantes et permettraient de donner neum , palavûov en grec , est en général 1 in>
jusqu'à quatre ou cinq cents bains par jour. On mersion du corps dans l'eau. Dès les premiers
en distingue trois principales : la ferrugineuse, temps, les hommes sentirent le besoin desela'W
qui, malgré son nom, ne contient pas un atome le corps , de le nétoyer. Les religions de l'n
de fer, la romaine, et la savonneuse , qui , à quité faisaient de cet usage, l'objet d'un précepte
aucun égard, ne peut mériter cette dénomi absolu, et les purifications précédaient toujours
nation. Toutes sont faiblement minéralisées les autres cérémonies des temples. Elles sÊ
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saient , sous le beau ciel de l'Orient , dans les dès que le Gymnase {voy. ce mot) eut été fondé,
fleuves , les lacs et les fontaines. C'est dans ces les bains en devinrent une dépendance. Cette
réservoirs naturels que les peuples de ces con partie du gymnase grec, attenant au reste de l'é
trées vinrent d'abord se plonger, se rafraîchir difice , était composé de sept pièces différentes
et se dérober aux ardeurs d'un climat brûlant. dont Lucien , dans VHippias, tom.V de la tra-
Mais, indépendamment des soins que réclamait duct.de l'abbé Massieu; Vitruve, Mercurialis
la propreté , les effets remarquables du bain , de arte gymnastica , lib. I; Burette, Mém. de
si propre à reposer les membres fatigués , du l'Acad. des Inscript, et Belles-lettres, t. I",
rent être principalement appréciés à une épo donnent la description et indiquent l'usage.
que de travail manuel , alors que la lutte de Les Romains, qui , après la conquête de la
l'homme contre la nature était générale. Peut- Grèce, furent dominés par les usages des vain
être les sources naturelles d'eaux thermales cus , imitèrent ceux-ci dans la construction de
inspirèrent - elles l'idée des bains chauds, leurs bains. Après s'être long-temps lavés dans
dont l'invention fut attribuée à la magicienne le Tibre , lorsqu'on eut commencé à amener les
Médée, que la fable nous représente comme eaux nécessaires aux besoins de la ville, au moyen
faisant bouillir les malheureux que le sort des aqueducs dont le premier date de la censure
mettait entre ses mains. Mais il est plus pré- d'Appius Claudius, an 441 de la fondation de
sumable que les Grecs reçurent des Orientaux Rome , ils établirent quelques bains , balnearia.
l'usage des bains chauds. Toujours est-il que Ces premiers essais , ainsi qu'on peut en juger
leur plus ancien poète , Homère , indique déjà par la description que Sénèque a laissée des
positivement cet usage dans une foule de passa bains de Scipion l'Africain , auprès de Lin-
ges de l'Odyssée , entre autres dans le livre x , ternum , étaient loin du degré de perfec
où Ulysse raconte que, pendant son séjour dans tion, de magnificence et de développement
le palais de Circé , une nymphe apporta de que ces mêmes établissements prirent plus tard
l'eau, alluma du feu et disposa tout pour le sous les empereurs. Us devinrent des monu-
bain. « J'y entrai, ajoute-t-il, quand tout fut mens, des palais même, appelés thermes, et
prêt ; on -versa l'eau chaude sur ma tête , sur dont les restes attestent encore la grandeur. En
mes épaules; onme parfuma d'essences exquises; sorte qu'après avoir formé une simple dépen
et lorsque je ne me ressentis plus de la lassitude dance des gymnases , chez les Grecs , les bains
de tant de peines et demaux que j'avais soufferts, en devinrent la partie principale, en Italie et
et que je voulus sortir du bain , on me couvrit dans les autres provinces romaines, et leur va
d'une belle tunique et d'un manteau magnifi lurent même le nom de thermes. En Grèce, les
que. » Le climat de la Grèce , déjà beaucoup particuliers possédaient rarement des salles de
moins favorable que celui des autres régions plus bains; aussi Hippocrate déplore- 1- il l'impos
méridionales , exigeait l'élévation artificielle de sibilité où il se trouve pour cette raison , de les
la température des eaux qui servaient aux bains. employer dans des maladies où ils pourraient
Bien que les sources thermales fussent nom être utiles. Dans l'Odyssée, àla vérité, il est sou
breuses dans ce pays , elles ne pouvaient suffire vent question de bains, mais ce sont des rois qui
à des nécessités toujours croissantes. Elles sont en scène. L'aristocratie romaine , au con
étaient très vénérées (sacerrimœ ). On les traire , après la conquête, étant devenue beau
dédiait à Hercule , parce que les athlètes coup plus opulente que ne l'étaient les roitelets
croyaient y réparer les forces qu'ils avaient per des petits états helléniques , possédait de ma
dues et en puiser de nouvelles. De même les gnifiques bains particuliers, dont Pline nous a
bains chauds furent dédiés à ce dieu, sans doute laissé uneidée exacte, en décrivant {Hist. natur. ,
à cause de leurs effets réparateurs. Couverts de liv. 34, chap. 8) sa maison de campagne. Mais
sueur et de poussière, accablés de fatigues, c'est principalement sur les thermes publics, sur
après s'être exercés aux jeux du cirque , les ceux qu'élevèrent les empereurs romains , et
athlètes de la Grèce devaient apprécier les né dans lesquels , pour un prix extrêmement mo
cessités du bain. Aussi , dès que les institutions dique, à peine la valeur d'un liard de notre
civiles eurent régularisé chez ce peuple les exer monnaie , affluait le peuple , que nous possé
cices gymnastiques, et qu'elles leur eurent des dons des documens authentiques. Non seule-
tiné des établissements particuliers ; en un mot , m"cnt ces établissemens différaient peu entre
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eux, mais encore ils ressemblaient, par la dis dans le Gymnaitique de Mercurlallg , 11b i.
tribution des salles et la manière de se baigner, C'était une espèce d'étrillé ou de frottoir en fer
à ceux des Grecs ; les plus grands changements (Martial, 51, liv. xiv), en airain ( Mercurialis),
ne portèrent que sur les proportions. en ivoire ou en corne. Auprès de la baignoire
Un bain complet, chez les anciens, se com ou du labrum , appelé aussi oceanum, mais au
posait de l'apodytère , àjtoJuTijpiov , espèce de dessous , se trouvait un autre bassin encore plus
garde-robe où l'on déposait les vêtements; de grand, entouré d'unebalustrade, où sansdoutese
l'onctuaire , ou elaitheriutn , èWrlpiov des rendaient les baigneurs après s'être lavés dans
Grecs, où se conservaient les huiles et où se fai le lavacrum. Autour de ce bassin on voit , si on
saient les frictions; du sphéristère, lieu des exer s'en rapporte à la planche publiée par Mercu
cices; du bain d'eau chaude [calida lavatio); de rialis, plusieursvases de formes et de dimensions
l'étuve chaude ou bain de vapeur (concamerata différentes, appelés urceolum, cacabus, trulla,
sudatio ) , d'un tépidaire ou bain d'eau tiède balnearia, qui servaient probablement aux per
(tepidarium) et du frigidaire ou bain froid (fri- sonnes qui venaient prendre le bain. La salle du
gida lavatio, HouTpwvdes Grecs). Il y avait aussi bain chaud était la plus grande et la plus fré
la fournaise (hypocaustum) et différentes salles quentée; c'est là qu'affluait et demeurait le pins
destinées aux festins et à la conversation. long-temps la foule des baigneurs. A coté du
Touslesbainsne possédaient pas d'apodytère. bain chaud se trouvait le bain de vapeur , étuve
Pline est le seul qui mentionne cette pièce. Elle sèche , calidaire ou laconicum, composé d'une
n'existait pas dans le gymnase grec; d'après salle voûtée, ainsi que l'indique le nom de con
Lucien , le frigidaire en tenait lieu. C'est donc camerata sudatio, par lequel on désignait cette
dans cette pièce, lefrigidaire, à défaut de l'a- pièce; elle recevait la lumière par le haut ; ses di
podytère , que la personne qui se rendait au mensions étaient égales dans tous les sens pour
bain entrait d'abord. Elle y déposait ses vête qu'elle fût également chauffée par la vapeur qui
ments, sur lesquels, dans les bains publics de tournait et se répandait dans toute la cavité;
Rome, veil laient des gardiens appelés capsaires. à l'ouverture , située au sommet de la voûte, et
Une fois déshabillée, elle passait dans l'onc- par laquelle pénétrait la lumière, était suspendu
tuaire; là elle s'oignait elle-même le corps avec un bouclier d'airain, qui en se haussant et se
une huile grossière (Pline , liv. xv, chap. 7), ou baissant à volonté permettait d'augmenter et de
se faisait frotter par des esclaves appelés aleptes diminuer l'intensité de la chaleur. Du calidaire
ou onctuarii. La salle de l'onctuaire était con on passait dans le tépidaire, étuve humide,
struite de manière à recevoir la chaleur de l'hy- salle dont l'atmosphère était à une température
pocaustum ou de la fournaise placée dessous ; modérée, tiède, ainsi que l'indique son nom;
on y conservait aussi des essences et des par on le traversait à pas lents avant de s'exposer à
fums. Le corps oint d'huile, la personne pas l'air froid du frigidaire; on évitait ainsi les dan
sait dans la salle des exercices, le sphéristère , gers du passage trop brusque d'une haute tem
espèce de jeu de paume , où elle jouait à diffé pérature à une température trop basse. Ces bains
rents jeux , et surtout à la balle. Le sphéristère étaient alimentés par un vaste réservoir, l'aqua
<était composé d'une pièce fort grande, exposée rium, placé au centre de l'édifice. A côté de ce
au soleil de l'après-midi , ou bien chauffée à réservoir était une pièce particulière , le vasa-
l'aide de la fournaise ; la température y était très rium , renfermant trois grands vases d'airain ,
élevée (Lucien, Pline). Après l'exercice on se appelés milliaria, du nombre de mesures d'eau
rendait à la salle du bain chaud , qui était con- qu'ils pouvaient contenir; ils étaient remplis sé
tiguë au sphéristère. Là était une immense bai parément d'eau froide , tiède et chaude. Le va-
gnoire , le lavacrum ou labrum, pouvant con sarium communiquait par des canaux avec l'a
tenir au moins une douzaine de baigneurs, et quarium et les autres salles de bain que nous
dans laquelle on s'asseyait et on se lavait. Le avons indiquées, et qui étaient toutesconstruites,
banc était placé au dessous de la surface de ainsi que le vasarium, au-dessus de l'hypocaus-
l'eau ; des esclaves versaient l'eau chaude sur tutn, immense four voûté qu'on chauffait avee
la tête et les épaules; on s'y ratissait, on se bros du bois et des plantes sèches. Il était défendu ,
sait avec un instrument appelé strigil , dont on suivant Plutarque [Prob. lib. ni), de se servir
voit la description, accompagnée d'une figure , d'ivraie et de bois d'olivier. Des esclaves, for-
J
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nacatores , étaient chargés d'entretenir le feu. sur laquelle on passait alors de nouveau le strU
Ils devaient y jeter de temps en temps des gil. Après cette opération, le corps était encore
globes de métal enduits de térébenthine. Le essuyé une fois.
plancher du fourneau formait un plan incliné, Les baignoires placées dans ces bains étaient
de manière que le globe enflammé lancé dans les unes fixes, les autres mobiles. Quelques unes
le fond revenait sur lui-même et vers l'entrée , de ces dernières pouvaient même être suspen
appelée propnigeum (Vitruve, liv. v). On espé dues , de sorte qu'au plaisir de se baigner on
rait ainsi que la flamme , parcourant sans cesse joignait celui d'être balancé et comme bercé.
la voûte de Vhypocaustum , déterminerait sur Ces baignoires étaient de marbre ou d'airain ,
tous les points une égale répartition de chaleur. aussi bien que les autres vases qui servaient à
De nombreux tuyaux partant du fourneau et se différents usages dans ces établissements. Les
distribuant dans les murs des salles d'étuves sè salles étaient souvent décorées avec un luxe et
ches et humides , y portaient des torrents de une magnificence inouis , non seulement dans
chaleur. Ces salles étant placées immédiatement les thermes publics des empereurs , mais encore
au-dessus de Vhypocaustum, leur température dans les bains des particuliers, où les glaces ,
eût été intolérable si elles n'eussent été cons les marbres et les métaux les plus précieux
truites de manière à ce que leur plancher fût sé étaient prodigués , ainsi que l'attestent des pas
paré de la voûte de cette pièce par un espace sages de Sénèque, de Pline, de Martial , etc.
libre qui laissait échapper une partie de la cha Elles étaient également garnies des meubles
leur. En outre le tépidaire , appelé aussi vapo- les plus précieux. Du reste , ce luxe déployé
rarium , contenait des vases pleins d'eau placés dans les bains est tout spécial aux Romains ;
directement sur la voûte de la fournaise. les thermes d'Auguste , ceux d'Agrippa son
Revenu au frigidaire , le baigneur en sortait gendre, ceux dans lesquels Néron fit venir les
pour passer ordinairement dans la seconde di eaux de la mer , afin que l'on pût se baigner
vision des bains , le bain froid [frigida lavatio) . à volonté dans l'eau douce et dans l'eau salée ,
Le bain froid se composait d'un immense bas les thermes de Caracalla , deDioclétien , étaient
sin , la piscine , piscina, assez grand pour qu'on tous des monuments de premier ordre. Tel était
pût s'y livrer à l'exercice de la natation ; aussi alors le goût du peuple romain pour les bains, que
l'appelait-on piscina natatilis. A côté de ce chaque empereur croyait devoir , dans le but
bassin était une grande baignoire d'airain ou de d'augmenter sa popularité , en élever de nou
marbre , le baptisterium , sans doute analogue veaux , et souvent le maître du monde s'y bai
pour ses usages au lavacrum des bains chauds. gna publiquement avec ses sujets. Nous avons vu
En sortant du bain froid, d'autres aleptes, qu'on quelle faible rétribution était exigée pour chaque
appelait reunctores, frottaient de nouveau les baigneur, ce qui n'empêchait pas l'autorité d'ac
baigneurs d'huile ou d'essences parfumées , et corder l'entrée gratuite les jours de réjouissan
l'on rentrait enfin dans Vapodytère, et à son ces ; c'était une des largesses impériales les plus
défaut dans le frigidaire, où l'on reprenait goûtées. A Rome, on se rendait au bain avant le
ses vêtements. D'après Paotheus , auteur qui a repas du soir, depuisdeux heures de l'après-midi
écrit sur les bains des anciens , on se frottait jusqu'à la brune ; avant ou après, on était réduit
d'huile avant de se rendre à la piscine , de sorte au bain froid ; les malades seuls conservaient le
qu'un bain complet était accompagné de trois privilège de pouvoir faire usage du bain chaud.
onctions : l'une qui précédait le bain chaud , la Le son d'une cloche annonçait à la foule réunie
seconde prise avant le bain froid et la troisième aux jeux du sphéristère que les bains étaient
en sortant de ce dernier. Il paraît aussi que les préparés. Des règlements publics régularisaient
valétudinaires s'abstenaient ordinairement du la police de l'établissement. Chez les Grecs, les
bain froid. D'après Siccus de Crémone , chaque femmes ne pouvaient aller au bain ; chez les Ro
fois que le baigneur sortait de l'eau , on l'enve mains, au contraire , les thermes , ouverts sur
loppait d'une espèce de couverture nommée sin- deux péristyles séparés, donnent à croire qu'el
don, on commençait par faire sécher la tète , et les pouvaient s'y rendre. Varron dit, en par
on essuyait ensuite le reste du corps avec des lant de l'origine des bains et de l'établisse
éponges et du linge ; puis une couche d'huile ment des bains publics à Rome, qu'il y a deux
dou tou de beurre était étendue sur la peau , sortes d'appartements, les uns destinés aux
H lîAÏ ( 4G0 ) BAI
hommes et les autres aux femmes; et ce que ciens thermes. Ces étuves étaient nombreuses à
Martial et Cyprien écrivent des bains où les Paris ; le nom de plusieurs rues atteste encore
femmes et les hommes se baignent pèle-mêle , leur emplacement dans cette capitale. Les unes
n'est point contraire à Varron ; car ils n'attri étaient consacrées spécialement aux femmes ,
buent cette indécence qu'à des femmes déréglées. les autres aux hommes. Le bain de vapeur se
Dans les premiers temps, chez les Romains , le prenait dans ces étuves , tel à peu près qu'on le
père ne pouvait se baigner avec ses fils, ni même prenait dans le Calidarium romain. Du temps
avec ses gendres ( Ciceron , De offic. ).Les deux de saint Louis , le nombre des individus exploi
sexes , d'après Aulu-Gelle , ne pouvaient se bai - tant cette, industrie était encore assez grand
gner ensemble, quoique les appartements des pour former un corps de métier sous le nom
hommes et des femmes fussent contigus; néan d'estuveurs ou d'estuviers ( voy. Établissement
moins, à partir du règne de Domitien, cette des métiers, d'Ét. Boileau, manuscrit de la
coutume fut tolérée jusqu'à l'époque d'Adrien. Bibliothèque royale, n° 259 ). Les baigneurs
Marc-Aurèle la défendit de nouveau , et Alexan ( ceux qui s'estuvaient ) devaient payer deux
dre Sévère fut encore obligé de rendre des édits deniers parisis ; ceux qui se baignaient après
pour l'abolir: le dérèglement des mœurs sous s'être étuvés devaient payer quatre deniers. On
l'empire rendant de plus en plus nécessaire la voit que les uns se bornaient à prendre un sim
vigilance de l'autorité. ple bain de vapeur , qui n'était pour les autres
Les Romains naturalisèrent leurs mœurs dans qu'une préparation au bain d'eau chaude, pra
lesdifférentes contrées de leur vaste empire. Dans tique qui est encore usitée dans les bains publics
la Gaule, on vit des aqueducs conduire, comme de l'Orient. Du reste, dans les xme et xiv* siè
à Rome, des eaux abondantes dans l'intérieur cles, on se bai priait avant le repas; les nobles et les
des villes. Le superflu de ces eaux fut employé à riches avaient chez eux des salles de bains dont
alimenter des bains publics et les bains particu on sortait pour se rendre dans celles du festin.
liers du palais des empereurs ou de leurs repré Les étuves publiques devaient favoriser , ainsi
sentons. Ainsi , le plus ancien monument romain qu'on peut le concevoir , la propagation des ma
de Paris, les Thermes de Julien , qui faisaient ladies contagieuses; aussi voyons-nous le prévôt
partie du palais de ce prince, sont encore de nos de Paris ordonner leur fermeture du 1 6 novem
jours une preuve manifeste du goût des Romains bre 1510, époque à laquelle régnait une maladie
pour les bains et de la grandeur des monuments contagieuse, jusqu'aux jours qui suivent la fête
qu'ils destinaient à cet usage. de Noël ( Dalamarre , Traité de lapolice ) . Même
L'usage des bains publics se maintint dans les mesure est prise dans les mêmes circonstances
Gaules après l'établissement du christianisme; le 13 septembre 1533. Dans l'intérieur de leurs
car Grégoire de Tours ( Uist., liv. x ) rapporte établissements , les esluviers coupaient les che
que des religieuses de Poitiers quittèrent leur veux et les ongles, et faisaient la barbe ; de là des
couvent, alléguant parmi leurs griefs que leur rapports et des démêlés avec la corporation des
abbesse avait permis que des étrangers se bai H vu m eus ( voy. ce mot ), dont ils restèrent ce
gnassent dans les bains de la maison. Lors des pendant séparés jusqu'à la fin du xn* siècle.
croisades , avant d'être armé chevalier, on pre Plus tard ils furent réunis à cette corporation, et
nait ordinairement des bains administrés avec leur nombre augmenta beaucoup ; mais la con
certaines formalités. Dans Yordre des chevaliers currence , les impôts dont ils furent grevés et le
du Bain en particulier , dont l'institution sub luxe toujours croissant dans les différentes clas
siste encore aujourd'hui en Angleterre, le réci ses de la société , déterminèrent la chute de la
piendaire restait plongé dans un bain magnifi plupart de leurs établissements , dont très peu
quement orné pendant qu'on lui communiquait se soutinrent à Paris dans le siècle dernier. Us
les instructions et les pratiques de l'ordre. Dans étaient fréquentés par la classe riche , pour qui
le xne siècle , au retour des guerres d'Orient , le bain pris chez l'étuviste restait encore comme
les croisés rapportèrent de la Palestine l'habi un complément des jouissances du luxe , ainsi
tude des bains de vapeur, dont l'usage devint que l'indique Voltaire dans sa pièce intitulée le
alors beaucoup plus fréquent parmi nous. On les Mondain:
prenait à prix d'argent dansdes étuves publiques Il court au bain; les parfums les plus doux
( en latin stuffœ ) qui avaient remplacé les an Rendent sa peau plus fraiclie et plus polie.
BAI (461 ) BAI
Quant au peuple, il ne pouvait plus approcher bains pouvaient sans inconvénient être réduites
de ces rares et riches établissements ; il fut ré à de simples cellules. Cette réduction dans la di
duit aux bains froids, pris à la rivière, dans la mension simplifiait beaucoup et rendait moins
saison chaude. A cette époque de l'année , les dispendieuses les constructions à faire pour les
baigneurs se réunissaient dans de grands ba nouveaux établissements. On les distribua donc
teaux appelés toues, auxquels une toile à voile de la même manière que les bâtiments de bains
servait de toiture. sur bateau ; et depuis lors jusqu'à présent on
Le bas prix de ces bains, en appelant la foule, s'est rarement écarté de ce système de distribu
éloignait par là même la classe moyenne. Un tion des chambres de bains. Mais aussi, depuis,
nommé Poithevin , baigneur étuviste, imagina, le bain est réduit à de simples lotions ou ablu
dès 1760, de faire construire deux bateaux tions, et à l'immersion dans l'eau ; plus de bains
d'environ 47 mètres de longueur sur 8 de lar de vapeurs, d'onctions , de frictions, etc., si ce
geur. Sur chacun de ces bateaux il éleva un corps n'est dans deux ou trois établissements que la
de bâtiment en charpente, séparé par une ga médecine et le luxe ont conservés ou introduits.
lerie sur laquelle venaient s'ouvrir de chaque C'étaient des baigneurs étuvistes qui avaient
côté douze à quinze chambres de bain, éclairées formé les bains du Vauxhall et du Temple; mais
par une fenêtre donnant sur la rivière. Un de la corporation une fois détruite par les lois de
ces bâtiments présentait même deux étages. Il l'Assemblée constituante , la libre concurrence
était amarré au Pont-Royal; l'autre n'avait point provoqua de nouveaux établissements. Il serait
de lieu fixe. Le lieutenant de police, le prévôt trop long de les énumérer ; seulement le nom
des marchands, l'Académie des Sciences et la bre des baignoires publiques, qui n'était, en
Faculté de médecine, applaudirent à l'entreprise 1789, que de 300, s'élevait à 500 en 1816, et
de Poithevin, qui obtint un privilège en 1761. à 2,374 en 1832. Ce nombre s'est accru depuis.
Du reste, l'abondance de l'eau dont il disposait, Cet immense développement dans le nombre
permettant au propriétaire de ces bains d'en des bains publics doit être attribué aux change
assurer la salubrité par des lavages répétés, con ments qui se sont opérés dans les mœurs pour ce
tribua au succès de ce nouvel établissement qui concerne la propreté , à l'aisance plus gé
qui dépassa toute espérance. Il a servi de mo néralement répandue dans les différentes clas
dèle à tous ceux de même nature qu'on a formés ses de la société , à l'influence des nouvelles
depuis sur la Seine ; l'un d'entre eux a même opinions des médecins, qui se sont de plus en
conservé le nom de Poithevin, quoique les pre plus prononcés pour les bons effets des bains
miers bateaux qu'il fit construire soient depuis dans une foule de maladies où on ne les em
long-temps démolis et remplacés par d'autres ployait point auparavant. II faut encore l'attri
(Girard , Annal, d'hyg. et de médec. lég. , buer, comme je l'ai dit, aux réductions qu'on a
t. VU). La vogue des nouveau bains contribua pu opérer dans la construction de ces établisse
encore à faire tomber ceux tenus par les anciens ments , aux facilités que la distribution des
baigneurs étuvistes, qu'on voit réduits au nom eaux et l'établissement du canal de l'Ourcq ont
bre de huit à dix en 1780 , de sorte qu'à cette fournies pour leur alimentation , et qui , en ré
époque, en y comprenant les bains Poithevin , duisant d'un septième le prix des fournitures de
on ne comptait à Paris que deux cent cinquante l'eau, ont certainement contribué par le bon
baignoires publiques. Mais le succès du dernier marché à rendre l'usage des bains de plus en
établissement , et l'abandon dans lequel était plus général. Le prix moyen d'un bain est au
tombé l'usage des étuves , donnèrent l'idée de jourd'hui de 60 à 70 centimes. Une autre amé
formerde nouveaux bains dans l'intérieur même lioration , particulièrement utile aux malades ,
de la capitale, ce que rendait facile la distribu est l'établissement de baignoires mobiles ,
tion des eaux , élevées de la Seine par les ma que la plupart des entrepreneurs de bains
chines à feu de Chaillot et du Gros-Caillou. entretiennent pour être transportées à domi
Une conduite placée le long des boulevards en cile avec l'eau chaude qui sert à les remplir.
1786 donna lieu à la fondation des bains publics Leur nombre était, en 1832, de 1,059, nom
du Vauxhall, dans l'enclos du Temple. Ils fu bre à peu près égal à la moitié de celui des
rent construits sur les plans des bateaux Poi baignoires fixes. A ces bains il faudrait en
thevin, qui avaient montré que les chambres de core ajouter 5 établissements de bains sur La
BAI ( 462) B\I
teau, comprenant 335 baignoires, qu'il faut pendant par les expériences de Fordia, qui, après
réunir aux 3,768 baignoires des 78 maisons avoir séjourné dans des étuves fortement chauf
de bains ouvertes dans Paris. D'un autre côté, fées, ne s'aperçut pas immédiatement après sa
indépendamment des bains qui sont administrés sortieque l'air fût froid, et par cette considération
dans les hôpitaux et aux malades de l'intérieur, que les fluides, portés du centreàla circonférence
à l'hôpital Saint-Louis, 72 baignoires sont con du corps, parcourent les vaisseaux, même ceux
sacrées aux indigents du dehors. des parties extérieures, avec une vitesse double,
Telle est l'énumération actuelle des bains de sorte que le froid extérieur ne peut faire au
chauds publics. Pour la compléter, on doit cune impression pendant quelque temps. Du
ajouter qu'il existe au moins 22 emplacements reste, il parait que ces bains sont pour les Bus
couverts , situés dans la rivière et destinés aux ses un des premiers besoins; il y ena dans chaque
bains froids; 16 sont à l'usage des hommes village, et toutes les classes en font un fréquent
et 6 à l'usage des femmes. Il faut y joindre trois usage. (Sanchès, Mém. delà Soc. de méd.,
écoles de natation, contenant ensemble 7 à t. III.) Les bains finlandais ressemblent beau
800 cabinets. Tous ces renseignements sont ex coup aux bains Busses ; mais leurs étuves sè
traits d'un Mémoire présenté à l'Académie de ches et humides sont encore plus fortement
médecine en 1832. chauffées. D'après le missionnaire Loskiel, les
Le bain russe , dont on fait tant de bruit , sauvages de l'Amérique du iNord font usage de
et qu'on a voulu placer au-dessus des bains bains assez analogues , mais beaucoup plus sim
romains, ne consiste cependant qu'en une seule ples. Ils se glissent dans des trous pratiqués sous
et unique salle , construite en bois , dans la terre, qu'ils échauffent au moyen de pierres
quelle se trouve un large fourneau de fonte rougies au feu ; ils jettent de l'eau dessus, et se
adossé au mur et chargé de cailloux de rivière, procurent ainsi un bain de vapeur. Les bains de
rougis et presque embrasés par le feu du four vapeur étaient autrefois très communs chez les
neau. Autour de la salle sont rangées des ban Allemands, qui se réunissaient dans des étuves
quettes où se placent et se couchent, après sèches pour y suer de compagnie ; ils ont aban
s'être déshabillés , les baigneurs , qui doivent à donné cet usage. Chez nous aujourd'hui ^quel
l'habitude de pouvoir supporter une tempéra ques exceptions près , le bain de vapeur n'est
ture aussi élevée. Alors on verse de l'eau froide plus employé que comme moyen thérapeutique.
sur les cailloux rougis, et cette étuve sèche de Le bain des Turcs se rapproche du laconicum,
vient une étuve humide. Une vapeur ardente ou étuve sèche desanciens. L'édifice est composé
enveloppe les baigneurs et détermine une sueur de plusieurs pièces pavées en marbre, et chauffées
abondante. On entretient la vapeur en versant au moyen de tuyaux qui parcourent leurs parois.
de cinq minutes en cinq minutes de l'eau froide Après s'être déshabillé dans une pièce particu
sur les cailloux échauffés : le thermomètre lière, le baigneur turc s'enveloppe d'une serviette
monte à 56° centigrades environ. Sur la fin de coton, chausse des sandales de bois propres à
du bain , le baigneur se fait fouetter de verges le garantir de la chaleur du pavé, et il entre dans
de bouleau amollies dans l'eau, ce qui augmente la salle de bain. Bientôt la sueur ruisselle , et
la rougeur de la peau ; il se fait frotter avec du alors il est lavé , essuyé , peigné, et longtemps
savon, ce qui diminue la sueur ; ensuite il est frotté avec un morceau de camelot , qui débar
lavé à l'eau tiède, et puis à l'eau froide que l'on rasse la peau des débris de l'épiderme. Ensuite
verse à seaux sur sa tête. A défaut d'eau froide on passe sur tout le corps du savon et des cos
dans l'intérieur du bain , le baigneur court se métiques. Après ce bain, qui dure une demi-
plonger dans la neige, ou dans le ruisseau ou heure en hiver, un quart d'heure en été, le bai
l'étang voisins. Après cette opération , le sei gneur se repose sur un lit où il prend du café ,
gneur russe prend une boisson fortifiante et se re- des sorbets, etc. Les femmes se baignent de la
posesur un lit; l'hommedu peuple sort de la neige même manière, et plus souvent que les hommes.
pour reprendre ses travaux , après avoir avalé Chaque village turc qui a une mosquée possède
toutefoisun ou deux verresd'eau-de-vie degrains. un bain public ; les particuliers riches en possè
On a beaucoup admiré ce passage sans inconvé dent de magnifiques, décorés de tout le luxe
nient, du baigneur russe, d'une très haute tem oriental. Dans les bains se trouvent aussi des
pérature à un froid intense. Le fait s'explique ce baignoires pour les baias d'eau chaude ; on sait
BAI ( 463 ) BAI
que les lavages et les ablations sont l'objet d'un gères et médicamenteuses, bains d'eaux miné
des préceptes du Coran. rales, bains médicamenteux, bains de mer ;
Le bain indien diffère du bain turc en ce qu'il à l'application de substances autres que l'eau
est suivi d'une opération particulière. Un gar sur la surface ou une partie de la surface du
çon de bain étend le baigneur sur une planche, corps, bains de sable , de marc de raisin, de
l'arrose d'eau chaude, et presse ensuite avec art tripes, etc. En général, les bains influencent l'é
le corps qu'il tire de manière à en faire craquer conomie animale par la pression de l'eau, par le
toutes les jointures. (Voy. Massage.) La même contact d'un plus grand nombre de molécules qui
opération accompagne le bain égyptien. Après rend plus prompte l'addition ou la soustraction
être entré dans une rotonde élégante où il se du calorique , par la sensation de température
déshabille, le baigneur, ceint d'une serviette et qu'ils font éprouver, par l'absorption de l'eau,
chaussé de sandales de bois, enfile un corridor chargée ou non de substances étrangères , qui
étroit où la chaleur commence à se faire sentir. amollit, imbibe et nettoie la peau. De là une
La chaleur augmente dans un second corridor, foule de phénomènes variés qu'il serait impos-
séparé du premier par une porte et le croisant sile d'analyser ici dans toute leur étendue ,
à angle droit. Le baigneur arrive enfin dans une mais qui varient nécessairement d'importance
grande salle de marbre, où il séjourne plus ou d'après la nature , la température et les autres
moins longtemps. Il pénètre ensuite dans la conditions du liquide ou des autres agents du
salle du bain, où la vapeur sans cesse renais bain ; car ce sont les conditions particulières du
sante d'une fontaine et d'un bassin plein d'eau bain plutôt que le bain lui-même qui détermi
chaude se mêle aux parfums qu'on y fait brû nent son action. En effet, si dans les bains,
ler. Il y prend le bain de vapeur étendu sur un quels qu'ils soient, on fait abstraction de l'eau
drap et la tête appuyée sur un coussin ; un es qui ramollit et entraîne le détritus épidermique et
clave vient alors le masser doucement et le frot les matières étrangères qui recouvrent la peau ,
ter avec un gant d'étoffe. De là, le baigneur est et qui favorise toujours ainsi les phénomènes
conduit dans un cabinet, où on lui verse sur la de transpiration, ce n'est que par leurs qualités
tête de l'eau de savon parfumée. Il s'y lave lui- de température, froide ou tiède, qu'ils sont
même à deux fontaines, l'une d'eau chaude, toniques ou adoucissants ; ce n'est que par la
l'autre d'eau froide. Un esclave lui applique en nature des substances médicamenteuses qui les
suite une pommade épilatoire , qui fait tomber chargent , qu'ils jouissent de propriétés théra
sans douleur le poil , partout où on l'applique. peutiques spéciales. On voit maintenant l'im
Le baigneur rentre enfin dans la salle du bain , possibilité de résumer d'une manière générale
qu'il traverse immédiatement , pour passer les propriétés des bains , et la nécessité de dé
dans la salle de marbre qui la précède et sortir terminer à l'avance la qualité particulière qui
par des détours assez longs , dans lesquels la caractérise chacun d'eux pour en déduire les
chaleur décroit progressivement jusqu'à l'en effets propres.
droit où ont été déposés les vêtements. Là, le Sous le rapport de la température , on a di
baigneur trouve un lit tout préparé où il est visé les bains simples ainsi qu'il suit :
essuyé et massé de nouveau ; l'épiderme épais 1° Bains simples froids. Ils sont, en géné
de la plante des pieds est raclé , et la pipe et ral, au-dessous de 10° Réaumur. Leur prin
le café moka terminent la série des cérémonies. cipale action étant de resserrer , de contracter
Du bain considéré du point de vue hygié les tissus les plus externes en rapport avec
nique et médical. Tout en définissant commu l'eau, il en résulte une congestion ou refoule
nément le bain , l'immersion du corps ou d'une ment des fluides circulatoires à l'intérieur, d'où
partie du corps dans l'eau , ce qui constitue les surviennent la gêne des fonctions et les douleurs
bains simples, généraux etparlte&,onaétendu viscérales que certaines personnes accusent. On
'a signification de ce mot en l'appliquant, comme comprend comment ces effets du bain très-froid,
nous l'avons vu , à l'immersion du corps dans neutralisant ceux tout opposés que détermine
•eau vaporeuse, bains de vapeurs, et dans l'air l'étuve des Russes et des Finlandais qui porte
fortement échauffé (étuves), bains de chaleur. à la périphérie les fluides organiques, peuvent ,
On l'a également appliqué à l'immersion du dans2° ce
Bain
cas,froid,
exercerdeune
10 heureuse
à 15° R. influence.
Il produit,
corps dans l'eau chargée de substances étran
DAl ( 464 ) BAI
mais d'une manière beaucoup plus modérée , 5" Bain chaud ou tiède de 25 à 30» R. Sa
les mêmes effets que le précédent. Un frisson température s'élève déjà au-dessus de celle de
intense se manifeste également au moment de la peau. Les médecins qui prennent la tempé
l'immersion du corps dans l'eau ; mais soit rature du sang pour point de comparaison ,
qu'on s'habitue à cette température , soit que appellent bain chaud le bain à 31 ou 32°. Tou
la réaction de l'organisme s'établisse au bout jours est-il qu'à 25» le bain produit ordinaire
d'un certain temps , le malaise occasionné par ment une sensation de chaleur agréable. Sous
le refoulement des liquides de la circonférence son influence la peau se ramollit , se gonfle ; une
au centre, ne tarde pas à cesser, et à faire certaine quantité d'eau pénètre dans l'économie
place à un état de bien-être sensible. Néan à travers la peau 5 il y a absence de soif ; la cir
moins la pâleur, la lividité de la face conti culation , surtout quand le bain est prolongé , se
nuent , et la peau reste froide et pâle. Ce bain calme ; le pouls diminue de fréquence , ainsi
fortifie la constitution et donne de l'énergie aux que les mouvements respiratoires. Ce bain est
mouvements ; il est indiqué en thérapeutique relâchant et calmant; il diminue l'action de
pour rendre aux tissus le ton et la force qui presque toutes les fonctions , enlève comme par
leur manquent. Pour obtenir ce résultat chez enchantement les fatigues physiques et intellec
les individus trop faibles, il ne serait pas pru tuelles ; enfin , ses propriétés sont tellement fa
dent de recourir au bain simplefroid, son éner vorables, qu'il est peu de maladies contre les
gie dépassant le but , et l'organisme n'offrant quelles il ne puisse être d'un utile secours.
pas alors les conditions requises pour une réac 6° Au-dessus de 30-j-0 R. , c'est le bain très
tion salutaire. chaud. Il n'est employé que médicalement pour
3° Bain frais de 15 à 20° R. C'est la tem combattre des affections herpétiques ou rhuma
pérature des bains de rivière dans la belle tismales chroniques. Chose assez remarquable,
saison , sous notre climat. L'exercice de la na des observateurs prétendent qu'à 30 et quelques
tation à laquelle on se livre ne laisse pas à l'at degrés , ils ont ressenti une horripilation sem
tention le moment de ressentir la légère horripi- blable à celle qu'ils éprouvaient dans les bains
lation qui suit encore l'immersion dans l'eau. froids, horripilation qui cesse promptement,
Ce bain , peut-être le plus salutaire, calme la pour être suivie d'une sensation de chaleur vive
soif, tempère la chaleur et fortifie les constitu et générale. Le pouls s'élève; il devient fré
tions délicates et nerveuses. M. Esquirol le quent; la peau, chaude et rouge ; la face rougit
prescrit souvent dans les affections mentales, et les yeux s'injectent et deviennent saillants ;
ainsi que le bain suivant. les artères carotides battent avec force ; l'intel
4" Bain tempéré , de 20 à 25° R. A ce degré, ligence s'obscurcit ; une congestion cérébrale
le corps en général ne ressent ni sensation de semble imminente , et les affusions d'eau froide
chaud ni sensation de froid. Ce bain n'est ni deviennent alors absolument nécessaires. Ces ef
tonique ni débilitant. C'est celui qui est géné fets d'un bain chaud sont d'autant plus prompts
ralement en usage dans les soins domestiques. et plus manifestes qu'il esta une température plus
A cet égard , il est d'une utilité journalière , élevée au-dessus de 30-|-u. Après 25 minutes
et très propre à prévenir, par le rétablissement de séjour dans un bain à 45-f-O R. , un obser
et l'entretien des fonctions perspiratoires de la vateur perdit viDgt onces de son poids par tran
peau , les maladies herpétiques (dartres) si com spiration; ses muscles étaient engourdis , et il
munes , ainsi qu'à favoriser la souplesse des éprouvait une lassitude insurmontable. Ce bain
tissus et les différentes fonctions musculaires est donc très propre à provoquer des sueurs co
dont il fait disparaître les fatigues. Il convient à pieuses; il est ordinairement suivi d'une fai
toutes les personnes qui , jouissant d'une bonne blesse très-grande ; on cite de fréquents acci-
santé , n'ont à demander aux bains ni action dens à la suite des bains chauds prolongés, sur
tonique ni qualité débilitante. Du reste, ce tout chez les personnes déjà âgées et disposées
bain calme la circulation , tempère l'ardeur des aux hémorrhagies.
sens et l'activité cérébrale. Comme son usage Dans cette division des différentes espèces de
fréquent rend la peau très impressionnable , il bains , considérées du point de vue de leur tem
est bon au sortir de l'eau de prendre des pré pérature , on sent tout ce qu'a d'arbitraire la
cautions contre l'intempérie de l'atmosphère. détermination d'un chiffre fixe; le bain chaud
BAI ( 4G5 ) BAt
pour une personne, est tiède pour une antre, etc. taires que la peau y est mieux préparée. Chez
Les différentes manières de sentir donnent ici nous , l'étuve n'est plus employée généralement
une différence réelle dans la mesure ; aussi les que comme moyen médical. Ce sont surtout
divisions que nous avons adoptées ne doivent- dans les affections herpétiques et rhumatisma
elles être considérées que comme approxima les que sont employés les bains de vapeurs hu
tives. mides; pour l'étuve sèche elle est aujourd'hui
Bains de vapeur. Leurs effets varient sui entièrement abandonnée. On sent qu'il est facile
vant que l'étuve est sèche ou humide. Dans le de charger la vapeur d'eau de matières médica
premier cas , le bain est pris dans une chambre menteuses, ou de lui substituer diverses éma
exactement close où la chaleur est éievée au- nations, dont les effets s'ajoutent alors a ceux de
dessus de la chaleur humaine. Dans le second l'étuve. C'est ainsi que le vin , le vinaigre, les
cas , on fait vaporiser dans cette chambre une plantes aromatiques , le benjoin, l'asa-fœtida,
grande quantité d'eau. Un phénomène remar le camphre , le soufre , les préparations mercu-
quable, et qui sera examiné plus particulière rielles, principalement le cinabre , réduits en
ment à l'article chaleur animale, c'est la pro vapeur par le calorique , ont pu déterminer sur
priété que possède le corps de maintenir sa cha l'organisme des modifications avantageuses en
leur naturelle de 30°, dans divers les milieux où rapport avec leurs propriétés spéciales, (f .
il se trouve placé ; ce qui explique comment des les articles relatifs à ces différentes substances.)
personnes ont pu rester 10 et 15' dans des fours Les fumigations sont également un mode d'ap
dont la température était à 1 06° -f- 0 R. , et 5' plication de la vapeur, qui peut ainsi être uti
dans des fours où elle s'élevait à 1 30° -f- 0. lisée localement. Aujourd'hui ce dernier mode
Dans des étuves de 50 à 70° R. , l'homme sans d'application est fréquemment employé. On ren
vêtements éprouve des cuissons à la peau , aux ferme à cet effet le corps, à l'exception de la tête,
yeux ; les veines cutanées se gonflent ; la peau ou seulement une partie du corps , dans une es
rougit et se couvre de sueur; la circulation pèce de boîte ou de baignoire qui reçoit la va
augmente et la respiration est gênée ; l'air ex peur aqueuse ou médicamenteuse. Comme celle
piré est froid et fait baisser le thermomètve. des étuves , la température de ces boîtes ou pe
Bientôt la face se gonfle , les yeux rougissent , tites étuves doit rarement dépasser 35 à 40° R.
la céphalalgie , le tintement d'oreilles, enfin les Bains médicamenteux. — Ils comprennent
signes d'une congestion cérébrale se dévelop d'abord les bains d'eaux minérales , dont les
pent, et l'expérience deviendrait funeste si on effets sont ceux des bains ordinaires , suivant la
la prolongeait. L'effet de l'étuve sèche est exci température à laquelle ils sont pris , plus les
tant dans le moment où on y est soumis , et dé effets particuliers produits par les substances
bilitant ensuite, à cause de la transpiration salines qu'ils contiennent , et qui varient d'a
qu'elle détermine. Aussi n'élève-t-on pas la près la nature de ces mêmes substances. ( Foy.
température au-dessus de 30 à 40° -j- 0. Eaux minérales.) A cette classe peuvent se
Dans Vétuve humide, des effets analogues rattacher les bains de mer , qui jouissent des
sont produits; seulement on n'y supporte pas propriétés toniques du bain froid , puisqu'on le»
une chaleur aussi élevée , ce qu'il faut peut-être prend ordinairement à la température de 15 à
attribuer à ce que les transpirations sont moins 20 -(- 0 R. Seulement leur action tonique est
abondantes par le fait de la première vapeur , augmentée par la présence de sels nombreux
qui rend la raréfaction de l'air moins considé tenus en dissolution et qui déterminent une
rable. Quoi qu'il en soit, aussitôt que la chaleur légère irritation à la peau , de même que par la
de l'étuve dépasse la chaleur du corps , l'épi- percussion qu'exercent sur le corps les mouve
derme s'amollit , se soulève , la transpiration ments des flots et les mouvements que le bai
s'établit, le pouls s'accélère ; les fatigues, di gneur exécute lui-même. Les bains d'huile , de
sent les voyageurs, se calment, ainsi que les lait, dont on faisait autrefois usage , sont relâ
douleurs et les tiraillements des membres. En chants , adoucissants, ainsi que tous ceux qui
général , ces bains d'étuves , chez les peuples sont faits avec des décoctions de plantes émol-
qui en font usage , sont habituellement suivis lientes, des dissolutions de gélatine. De ce nom
de l'immersion du corps dans des bains ordi bre est aussi le bain de tripe , que les chirur
naires , dont les effets sont d'autant plus salu- giens emploient encore quelquefois. Sont toni-
Encyclopédie du XIX' lUcle. t. IV. 30
BAI ( 466 ) BAI
ques les bains dans lesquels on emploie des plan rappeler quelques règles générales. Ainsi , un
tes aromatiques, des dissolutions d'alcool , de léger exercice est favorable avant le bain froid,
camphre. Les bains de marc de raisin, de fu seulement il ne doit pas être porté au point de
mier chaud, dans lesquels on enterre les corps, provoquer la sueur : il est bon aussi , dans ce
ont été préconisés contre les rhumatismes. Ce bain, de mouiller d'abord la tête, pour prévenir
lui de sable chaud paraît avoir réussi dans cer les congestions cérébrales qu'il est susceptible
taines affections rachitiques; il est très propre de déterminer, et de se retirer de l'eau au
à entretenir la chaleur des membres dont on deuxième frisson. II est bon aussi de s'essuyer
Vient de lier l'artère principale. Chaque jour on promptement et de reprendre de l'exercice. Il
fait usage de bains sulfureux (2 à 4 onces de foie ne faut pas non plus entrer au bain pendant
de soufre par bain ) , de bains mercuriels, de le travail de la digestion. Les mêmes précau
ba ins alcalins (4 ou 8 onces de sous-carbonate de tions, sans être aussi impératives, sont égale
soude ou de potasse par bain ), de bains iodés, ment nécessaires pour le bain tiède et chaud.
chlorurés , etc., contre les maladies où ces re Ce dernier réclame seulement le soin de se met
mèdes sont utiles. La peau , en s'imbibant, laisse tre, en sortant, à l'abri du froid.
pénétrer l'eau chargée du médicament dans l'or Ccuxqui voudraient plus de renseignements sur
ganisme. C'est sur cette possibilité de l'absorp les bains peuvent consulter , indépendamment
tion de l'eau à travers l'enveloppe cutanée que , des ouvrages cités, De balneis omnia quœ ex-
dans les paralysies de l'œsophage et quelques stant apudgrœcos, latinos et arabos scriptores,
gastrites chroniques, on a prescrit des bains quihanetnateriam tractaverunt, Venise, 1 S5S,
de bouillon, de lait, pour nourrir le malade. in-fol.; Joubert, De balneis Romanorum ei
Voyez , pour l'action de chaque bain médica Grœcorum, Francfort, 1645 ; l'ouvrage de l'al
menteux en particulier , l'article consacré à la lemand Marcard , traduit en français par Mi
substance médicamenteuse elle-même. chel, 1801 , in-8°; Timony, Dissert, sur la
Bains partiels. — Il sont ordinairement em bains des Orientaux, Vienne, 17G2.
ployés dans un but médical ; ils jouissent des ÂBCHAMBA.CLT.
mêmes propriétés que les bains généraux, seu BAINS (Chim.). Dans un certain nombre
lement les propriétés n'ont d'effet que sur la d'opérations chimiques, on se sert d'un intermé
partie immergée. Néanmoins, quand une sub diaire pour élever la température desappareils, en
stance médicamenteuse énergique est tenue plongeant ceux-ci plus ou moins complètement
en dissolution dans l'eau, comme elle peut être dans un liquide ou au sein d'une matière en
absorbée en quantité assez grande, surtout lors poudre : par ce moyen on parvient facilement
que la peau en rapport avec le bain est dénudée, à maintenir la température plus constante que
il peut en résulter des effets généraux sur l'or si les vases eussent été chauffés directement,
ganisme ; aussi faut-il avoir toujours présents à Dans quelques circonstances où les appareils
l'esprit ces résultats possibles quand on prescrit sont sujets à se briser , ce procédé offre encore
des bains de siège ou autre dans la composition de l'avantage en ce qu'il prévient des accidens
desquels se trouvent des substances énergiques. plus ou moins graves.
Bans les bains partiels rentrent les bains de Les anciens chimistes faisaient un fréquent
pieds ou de mains, Pédiluves, Manuluves usage de divers bains. Si ce procédé a été né
(voy. ces mots) , dont l'action révulsive tient gligé , même par quelques savans de nos jours,
à d'autres conditions. il n'en mérite pas moins d'être suivi , et chaque
Je ne pourrais , sans dépasser les bornes qui jour en prouve l'utilité.
me sont accordées, indiquer dans cet article tous Beaucoup d'opérations qui ne sont que la
les cas dans lesquels les bains sont utiles ; car répétition sur de grandes masses des travaui
il me faudrait passer en revue , non-seulement de laboratoire , sont souvent très utilement pra
la foule des maladies, mais encore les différentes tiquées au moyen de quelques bains.
circonstances d'âge, de sexe, de constitution qui On distingue par des noms particuliers les
réclament plus ou moins l'emploi des bains. bains dans lesquels on plonge les appareils. L«
D'ailleurs, on trouvera à beaucoup d'autres mots anciens avaient donné aux bains d'eau, le nom
les conditions particulières de l'organisme dans de Bains Marins, de Balneum Maris, parce
lesquelles ils sont favorables. Je ne puis ici que qu'ils les faisaient souvent avec l'eau de la mer.
BAI ( 467 ) BAI
On donne le nom de bain de sable à celui qui élevée au point convenable , se maintient fort
consiste à placer au sein d'une masse de sable long-temps , et exige par conséquent beaucoup
le vase à chauffer. Le sable grossier ne vau moins de soins pour la continuité de la réaction,
drait rien , parce que les grains dont il se com mais le combustible est en même temps mieux
pose ne toucheraient les vases que sur un certain utilisé, conditions qui offrent toutes de l'avan
nombre de points , et qu'il distribuerait inégale tage.
ment la température ; on se sert avec avantage Au moyen du Régulateur du feu de Ron-
de grès écrasé. Les bains d'huile sont devenus nemain, ou mieux de l'appareil Jorel, destiné
d'une grande utilité dans beaucoup d'opéra au même but , on obtient une température fixe
tions , et surtout dans certaines recherches sur pendant plusieurs jours, avec une telle facilité,
les substances organiques , parce qu'ils per qu'il est surprenant qu'on ne fasse pas plus fré
mettent de chauffer les corps à des tempéra quemment usage de ces appareils. (Voy. Régu
tures assez élevées que l'on détermine facile lateur du feu.) H. Gaultier de Glaubry.
ment au moyen d'un thermomètre. BAINS DE NÉRON {géogr.). Ces bains
Les bains métalliques offrent encore des sont situés à peu de distance des ruines de Baies,
avantages particuliers à cause de la tempéra sur le bord du golfe de Pouzzol , près du lac Lu-
ture beaucoup plus élevée à laquelle on peut les crin , et sur le penchant d'un rocher. Le nom
porter ; c'est seulement pour la trempe de l'acier vulgaire d'Étuves de Tritoli leur est venu par
et pour la détermination de la densité de cer corruption du mot italien Tritole , qui signfle
taines vapeurs, qu'on les a employés utilement. endroit où l'on frotte. Au pied de la montagne ,
L'eau pure a son point d'ébullition , pour presque au niveau du rivage, sont deux grandes
une hauteur donnée au-dessus du niveau de salles où l'on voit plusieurs baignoires en pierre
la mer, à une température invariable, pourvu fort dégradées. L'eau qui y séjourne est très
qu'elle soit librement en contact avec l'air. chaude , et la vapeur qui s'en exhale couvre les
Cette température est désignée pour 100° pour murailles d'alun. On voit sur la voûte les traces
le thermomètre centigrade , 80° pour celui de des ornements de stuc dont elle était revêtue.
Réaumur, 212° pour l'échelle de Farenheit. Des niches contenaient , dit-on , des statues qui
Quand l'eau renferme des sels en dissolution, indiquaient de la main les noms des maladies
son point d'ébullition s'élève dans certains cas , dont les eaux guérissaient. Denys de Samos rap
d'une manière extrêmement marquée , tandis porte que trois médecins de Salerne , furieux
que certains sels ne la modifient que peu sen de ce que ces bains, par leur efficacité , leur en
siblement. L'acétate plombique est dans ce levaient tous leurs malades, vinrent une nuit
dernier cas ; le sel marin , le chlorure calcique débarquer à Baïes et les détruisirent de fond en
sont dans le premier; une dissolution saturée comble ; mais que , par une juste punition du
de sel marin ne bout qu'à 108», celle de chlo ciel, ils firent naufrage à leur retour, et péri
rure de calcium qu'à plus de 120°. rent, près de Capri.
Dans la préparation des huiles essentielles , En gravissant la montagne, on se trouve en
on tire parti de cette propriété en se servant face des étuves supérieures , qui consistent en
d'eau salée. six corridors très étroits et très bas. Le plus
Le chlorure zincique bout avec facilité ; on long de ces corridors a 224 pieds, et descend par
s'en sert quelquefois dans des expériences de une pente rapide et glissante jusqu'au niveau de
chimie pour obtenir une température qui peut la mer; on y trouve une source tellement brû
aller graduellement jusqu'au rouge naissant. lante, qu'il est impossible d'y tenir la main. Les
Lorsqu'on se sert de ce dernier sel ou de bains ciceroni pénètrent presque nus dans un des
métalliques , comme les corps se solidifient corridors, puisent dans un petit sceau de bois
en refroidissant, il est nécessaire de retirer les l'eau de la source, y mettent des œufs, et re
vases pendant que le bain est très chaud; on viennent en courant , tout en nage et la figure
risquerait sans cela de les briser. aussi enflammée qne s'ils sortaient d'un four ;
Quelques opérations importantes dans les les œufs se trouvent cuits. Les personnes qui
arts sont faites avec beaucoup d'avantage au ne sont pas habituées à la chaleur de ces étu-
moyen d'un bain de liquide ou d'un bain de \es parviennent rarement à descendre jusqu'à
sable ; non seulement la température, une fois j la source ; la plupart de ceux qui s'y hasardent
r
RAI ( 468 ) BAI
sont, après une vingtaine de pas, forcés de la saison le permet , les rues sont remplies de
revenir pour éviter d'être suffoqués. gens qui se rendent à pas graves dans les pro
Cette source alimentait les bains délicieux de menades, pour fumer, prendre du café, causer,
Néron , qui ont été décrits fastueusement par les et respirer l'air.
historiens anciens. Pendant le kourban baïram , au retour de la
La montagne contient un si grand feu inté mosquée, après l'office, chaque père de famille
rieur , que la chaleur se fait sentir à plusieurs immole au milieu de la cour de sa maison une
toises en mer , et que le sable, bien que conti victime, dont il fait rôtir un morceau qu'il
nuellement rafraîchi par la vague, est encore mange avec les siens, et dont il distribue le reste
chaud au toucher , et devient brûlant dès qu'on aux pauvres. Les grands et les personnes riches
y enfonce la main. immolent, plusieurs agneaux , moutons ou boucs;
C'est à ces débris qu'est réduit aujourd'hui mais quelquefois ils se font remplacer dans les
le fameux palais de Néron. Quelques ruines fonctions de sacrificateurs. Le sultan immole
suspendues menacent à chaque instant de s'é toujours lui-même dans l'intérieur du sérail un
crouler et d'aller rejoindre leurs fondations, ou deux agneaux, et après avoir fait rôtir un
que la mer couvre maintenant , comme si elle morceau de ces victimes , il en goûte , et donne
ne pouvait assez laver les crimes qui y furent le reste aux pauvres avec de grandes aumônes.
projetés ou dont il fut le théâtre. C'est là que L. Dubeux.
Néron fit venir sa mère, qu'il avait reléguée a BAIROUT ou BEIROUT (Berytus) , ville
Autium , et qu'avec tous les signes de la plus de la Turquie d'Asie (Syrie), située à vingt-
affectueuse tendresse il la reconduisit au ri cinq lieues N.-N.-E. d'Acre , dans une plaine,
vage , pour l'embarquer sur la perfide galère au bord de la mer et à l'embouchure du Bahr-
où elle devait trouver la mort. E. Bheto.\. Baïrout. Cette ville est le siège d'un évêque
BAÏRAM. Les Turcs ont deux fêtes de ce grec et d'un évêque maronite. Plusieurs consuls
nom. La première a lieu le premier jour de la européens y sont également établis. Les rues en
lune de Schawvval , après le ramazan , et s'ap sont étroites et disposées irrégulièrement. De
pelle aussi idfitre, fêle de la rupture dujeûne. hautes murailles flanquées de distance en dis
La seconde, nommée kourban bairam, c'est- tance de tours grossières et lourdes en font une
à-dire fêle du sacrifice, arrive soixante-et-dix place assez forte. Les faubourgs sont d'une vaste
jours plus tard, le dix de la lune de zou' Ihiddja. étendue , aussi renferment-ils un grand nombre
L'année des musulmans étant lunaire, ces deux de jardins disposés avec assez de goût ; on y
fêtes se trouvent parcourir en trente-trois ans cultive principalement l'olivier et le figuier.
toutes les saisons de l'année. Le premier baïram Parmi les monuments les plus remarquables, il
ne devrait être que d'un jour ; mais on le pro faut citer un monastère, plusieurs mosquées et
longe d'ordinaire jusqu'à trois. Le second , ou quelques églises ; on y voit aussi un quai fort
kourban
Le sultan
bairam
reçoit
, dure
à l'occasion
quatre jours.
des deux baï- commode, de belles fontaines et quelques places
d'armes construites vers l'an 1775, parDjezzar-
rams les félicitations et les hommages de tous Ahmed (le Boucher) , pacha d'Aire et de Saïde.
les corps de l'État; puis il se rend à la mosquée Cette ville renferme des fabriques de toiles de
pour célébrer la fête. Si le baïram tombe un ven coton et de poterie. La soie écrue , les coton
dredi , le sultan retourne une seconde fois à la nades et le coton filé sont les principales bran
mosquée pour la prière, publique particulière à ches de son industrie commerciale. Elle ren
ce jour. Ce n'est que pendant les baîrams que ferme environ 12,000 habitants. Les environs,
le peuple se livre à des divertissements pu soigneusement cultivés, sont très fertiles ; ils
blics. Alors on ferme les boutiques et les mar produisent en abondance plusieurs sortes de
chés; tout trafic, tout travail manuel est dé grains et de fruits. On voit , hors des murs de
fendu ; chacun se pare de ses plus beaux habits; Baïrout, les restes d'un canal taillé dans le
les parents et les amis se rendent mutuellement roc , et des ruines qui attestent l'élégance d un
visite et se font des souhaits de bonne fête. château de plaisance , bâti par les ordres de
C'est là presque la seule occasion où les Turcs l'émir Fakhr-Eddyn , prince des Druses, vers
se touchent la main, s'embrassent et se donnent l'an 1632. !'•
des marques extérieures d'affection. Quand BAISE-MAIN. Sorte de laDgagc muet qui
BAI ( 469 ) BAI
exprime très vivement les sentiments de l'âme, son essence ou dans son objet. La morale pros
quand il est sincère. Il a toujours eu quelque crit tout ce qui tend à en altérer la pureté , et
chose de religieux et de sacré , qui en a fait un l'on sait quelle flétrissure s'attache au souvenir
puissant moyen de persuasion , soit qu'il s'agît du baiser de Judas, devenu le type de toutes
d'exprimer le dévouement, la soumission et le les trahisons.
respect , soit qu'on l'employât pour obtenir quel Comme témoignage de ferveur religieuse, le
que grâce ou quelque faveur, ou pour fléchir un baiser a reçu une consécration presque univer-
ennemi puissant. Le baise-main faisait une par seile. Chez les nations païennes , le principal
tie essentielle du culte idolâtrique ; les simples hommage rendu par le peuple aux faux dieux
baise-mains étaient même autrefois toute la reli consistait la plupart du temps en un baiser que
gion des pauvres, selon Lucien , et Pline dit que chacun appliquait respectueusement sur sa pro
de son temps le baise-main exprimait l'adora pre main. (Voyez Baise-main.) Les prêtres de
tion : In adorando dexteram ad osculum re/e- vaient encore , dans les cérémonies , baiser, en
rimus. Job se défend d'avoir adressé aux astres signe de vénération , quelques-uns des objets
cet hommage superstitieux : « Si vidi solem... destinés au service du culte. Cet usage a été
• aut osculatus sum manum meam ore mco.» sanctifié par le christianisme. Ainsi, selon les
Baal recevait le même témoignage de respect. divers rites adoptés dans l'église catholique, le
Pline dit que cette coutume est de celles dont prêtre baise plusieurs des ornements sacerdo
on ignore l'origine. Le vieux Priam ne par taux avant de s'en revêtir, tels que l'amict, l'é-
vint à fléchir le fier Achille , qu'en couvrant de tole et la chasuble ; pendant la messe il baise le
baisers la main qui venait d'immoler Hector. A livre d'évangile et la patène, ainsi que la pierre
Rome, les tribuns, les consuls, les dictateurs, scellée au milieu de l'autel et destinée à recou
donnaient leur main à baiser à leurs inférieurs : vrir les ossements des martyrs. Les fidèles ado
c'est ce qu'on appelait accedere ad manum. rent la croix et vénèrent les reliques des saints
Sous les empereurs, les grands et les dignitaires par un baiser ; ils baisent encore le pavé des
seuls étaient admis à l'honneur de baiser la main temples en signe de pénitence et d'humilité;
du prince, tandis que le reste du peuple, ou l'anneau pastoral des évêques et les pieds du
touchait seulement son manteau, ou même sa pape, en signe de respect et d'obéissance filiale.
luait de loin en portant la main à la bouche. Mais c'est surtout comme symbole de frater
Dans toutes les cours d'Europe, on a introduit nité et de communion entre les chrétiens, que
l'usage de baiser la main du souverain dans de cette vive manifestation de l'âme a été acceptée
grandes occasions ; la même coutume régnait par l'Église. Le baiser de paix que se don
en Afrique parmi les nègres, et Fernand Cortez naient réciproquement les fidèles pendant la
la trouva établie au Mexique. célébration des saints mystères , est un usage
BAISER. La parole n'est pas le seul moyen qui remonte aux premiers siècles de l'ère chré
de persuasion dont les lèvres humaines possè tienne, et qui s'est conservé en se modifiant
dent le secret; un instinct universel en fait en jusqu'à nos jours. Ce n'est point avant l'obla-
core l'organe de cette autre sorte de langage tion , comme dans l'Église grecque, mais avant
qu'on nomme à juste titre le langage du cœur la communion, que se donne parmi nous le baiser
par excellence. Tous les sentiments affectueux, de paix. On se sert quelquefois , à cet effet , d'un
a quelque nuance qu'ils appartiennent, trou objet symbolique, portant l'effigie de la croix ,
vent en effet dans le baiser leur expression la sur laquelle le prêtre d'abord , puis les ministres
plus naturelle et la plus éloquente : témoignage qui l'assistent et toutes les personnes admises
d'amour, de respect, d'amitié, de reconnais dans le chœur de l'église, appliquent tour à tour
sance , de paix ou de charité, ce geste, irrésis un baiser. Le reste des fidèles ne participe qu'en
tible entre tous, participe en quelque chose de esprit à cette cérémonie. Dans quelques ordres
la nature du serment. Il en a presque la sain monastiques , notamment chez les bénédictins,
teté et l'inviolabilité, aux yeux de quiconque la règle ordonne que les fidèles qui visitent la
garde des mœurs pures et le respect de la foi communauté reçoivent le baiser de paix. C'est
donnée. Trahir les engagements et les promes là que cette coutume s'est plus particulièrement
ses qu'il a scellés, le faire servir d'interprète conservée. Dans les ordres militaires, qui avaient
aux passions coupables , c'est le profaner dans toujours autrefois un caractère religieux , uno
BAJ ( 470 ) BAJ
sorte de baiser de paix était donné aux membres du pays ou Bajazet n'osa pas le suivre. Mais
nouvellement reçus, après leur installation. C'é Alaeddyn, redoutant la puissance et l'heureuse
tait encore , sous le régime féodal , un acces étoile de son ennemi, demanda la paix qu'il ob
soire obligé de la prestation du serment de foi tint en renonçant toutefois à une partie de ses
et hommage. En France, cette pratique est tom états.
bée en désuétude. L'Accolade {voyez ce mot) Bajazet , ayant organisé l'administration dans
donnée aux membres de l'ordre royal de la lé les contrées nouvellement conquises , repassa le
gion-d'honneur le jour de la réception , et au Bosphore, mit en état de défense le détroit de
président de la chambre des députés par le Gallipoli, qui était la clef de ses provinces d'Eu
doyen d'âge au moment de son installation , rope, et y fit creuser pour ses galères un port sur
sont à peu près les seuls usages qui en perpé et commode qu'il fortifia. Ces mesures prises ,
tuent le souvenir parmi nous. H. M. il somma l'empereur de Constantinople de con
BAISSE. Yoy. Coubs et Bouhse. duire à son camp les troupes que celui-ci devait
BAJAZET., ou, suivant la prononciation fournir à l'armée ottomane suivant le dernier
des Turcs Bayézid , premier du nom , sultan traité, et d'aller en personne déposer à ses pieds
des Ottomans, naquit l'an 761 de l'hégire (1300 le tribut auquel il l'avait soumis. Bajazet tourna
de J.-C). Quand il fut en âge d'être marié, le ensuite ses armes vers l'île de Chio , qu'il rédui
sultan Amurat 1er, son père, demanda pour lui sit ainsi que l'Eubée et une partie de l'Attique.
la fille du prince de Kermian , laquelle avait en L'empereur Jean Paléologue ayant songé à met
dot plusieurs villes importantes. Amurat ayant tre sa capitale en état de défense, Bajazet lui en
été tué à la bataille de Kossova, l'an 791 de voya l'ordre de raser immédiatement les nou
l'hégire (1389 de J.-C.) , Bajazet, qui avait velles fortifications, le menaçant , s'il n'obéissait
donné dans cette journée les preuves de la plus pas, de faire crever les yeux à son fils Emma
grande bravoure, fut nommé sultan par les sol nuel qu'il avait en sa puissance. Le vieux mo
dats témoins de ses exploits. narque céda et mourut de chagrin. Emmanuel ,
Redoutant l'influence de son frère Yakoub instruit de ces différents événements , s'enfuit
sur les troupes, il le lit étrangler. Les soldats de Brousse et se rendit à Constantinople. Aus
lui donnèrent, à l'occasion de ce meurtre, le sitôt Bajazet se mit à la poursuite du fugitif,
surnom A'Ildérim ou Ildirim, qui en turc veut passa en Europe , dévasta les environs de Con
dire l'éclair et aussi la foudre, pour indiquer stantinople et investit cette capitale. Puis, ayant
la violence et la promptitude de sa colère et de laissé une partie de son armée pour continuer le
sa vengeance. blocus, il s'avança avec le reste dans la Bulgarie
Après avoir fait notifier aux princes de l'Asie et la Valachie, qui firent leur soumission. Baja
son avènement au trône, Bajazet continua la zet tenta aussi de pénétrer dans la Bosnie et la
guerre commencée par Amurat contre la Servie. Hongrie , mais il fut repoussé.
Ses généraux entrèrent dans la Bosnie et s'a Pendant que Bajazet était en Europe, occupé
vancèrent jusqu'à Widdin. Peu de temps après, à ces différentes guerres, le souverain de la Ca
Etienne , despote de Servie , ût sa soumission , ramanie Alaeddyn se révolta et obtint quelques
et s'obligea à fournir à Bajazet des troupes et succès sur les troupes ottomanes. A peine in
à les commander lui-même pendant la guerre, struit de ces nouvelles , Bajazet se rendit à
à lui donner sa sœur en mariage , et à payer un Brousse. Alaeddyn , effrayé de la promptitude
tribut annuel sur toutes les mines d'argent de avec laquelle le prince ottoman avait réuni
ses états. son armée , demanda la paix , mais ce fut inu
La paix étant conclue avec Etienne , Bajazet tilement. Vaincu et fait prisonnier, il fut pendu
marcha sur Constantinople , et , en 1 890 , força par ordre d'un officier de Bajazet , qui , sans
Jean Paléologue à signer un traité par lequel avoir consulté son maître , connaissait tou
cet empereur était tenu de lui payer un tribut , tefois ses intentions. Aussi Bajazet, quoique
de lui fournir des troupes et de lui rendre feignant d'abord d'être irrité de cet acte arbi
l'hommage dû par un vassal à son suzerain. traire auquel il n'avait pas donné son consente
La même année, il attaqua sans aucun pré ment , le lui pardonna-t-il ensuite. Les villes de
texte Àlaeddyn , souverain de la Caramanie. A Konia , d'Akseraï et de Larenda tombèrent au
son approche , celui-ci se retira dans les gorges pouvoir des Ottomans et furent réunies à l'em
BAJ (47i ) BAJ
pire avec tout le reste des possessions d'Alaed- cuyers et six mille mercenaires. Ces troupes
dyn , et plusieurs autres provinces de l'Asie-Mi- étaient conduites par le jeune comte de Nevers,
neure. si connu plus tard sous le nom de Jean-sans-
Ivre de tant de victoires, Bajazet commença à Peur. L'armée confédérée, forte de soixante
négliger les affaires de l'état pour se livrer à ses mille hommes, s'étant mise en marche , attaqua
plaisirs. Le premier des princes ottomans, il la ville de Nicopolis défendue par Toganbeg qui
viola le précepte de Mahomet qui défend de la gouvernait au nom de Bajazet. Ce général
boire du vin et se livra à des débauches infâmes soutint vaillamment toutes les attaques et arrêta
formellement défendues par le Coran. Toutefois l'armée assiégeante , donnant ainsi à Bajazet le
ce prince si corrompu sut conserver dans son temps de prendre toutes les dispositions néces
armée une discipline sévère et même cruelle, saires pour agir , lorsque des circonstances fa
que la promptitude du châtiment rendait encore vorables se présenteraient. Ce prince, par une
plus terrible ; trop souvent même au lieu de faire marche rapide, était arrivé à six lieues du camp
justice , il exerçait contre les coupables des re des Chrétiens sans que ceux-ci fussent avertis
présailles soudaines , semblables à des vengean de son approche , qu'ils apprirent par des ma
ces , et hors de proportion avec les délits qu'il raudeurs que les Turcs avaient mis en fuite. Les
voulait punir et arrêter. Malgré cette excessive éclaireurs de Bajazet commençaient à se répan
sévérité , les juges se rendaient souvent coupa dre dans la plaine, lorsque les chevaliers français
bles de prévarication. Bajazet comprit enfin que coururent aux armes, chargèrent et culbutèrent
la rigueur ne pouvait pas prévenir le mal. Il l'avant-garde des Ottomans. Les Janissaires eux-
céda aux conseils de son visir Ali-Pacha et assi mêmes furent enfoncés et mis en fuite. Dix
gna des appointements aux juges qui ne jouis mille cadavres des Turcs jonchaient déjà le
saient d'aucun traitement fixe. Cette sage me champ de bataille , quand les Français se je
sure fit disparaître une des principales causes de tant sur un corps de sipahis qui n'avaient point
la vénalité des magistrats. encore donné , les mettent en déroute et tuent
Animé par un sentiment de repentir et vou cinq mille hommes. La victoire était assurée aux
lant effacer autant qu'il était en lui les effets des Chrétiens si , d'après le conseil du sire de Coucy
mauvais exemples qu'il avait donnés à ses su et de l'amiral Jean de Vienne, les chevaliers
jets , il fit construire à Brousse deux superbes avaient laissé à leurs chevaux le temps de re
mosquées. Ce fut vers cette époque qu'il de prendre haleine et s'étaient remis en ordre en
manda à Barkouk , calife d'Egypte , la permis attendant l'arrivée de l'infanterie hongroise.
sion de porter le titre de sultan de Roum. ( Les Mais, entraînés par leur ardeur ils poursuivirent
géographes arabes, persans et turcs , désignent les sipahis jusque sur le sommet d'une colline
sous le nom de Roum , toute l'Asie mineure et où quarante mille lances se baissèrent tout à
la partie de l'Europe qui était soumise aux em coup contre eux. C'était l'élite des troupes de
pereurs de Constantinople. ) Bajazet. Les chevaliers effrayés essayèrent de
Pendant que Bajazet faisait pousser le siège prendre la fuite , mais la cavalerie turque qui
de Constantinople, la ville de Thessalonique venait de se rallier leur coupa la retraite et les
tombait en son pouvoir , et le roi de Bulgarie massacra tous , à l'exception du comte de Ne-
lui livrait sa personne et ses états. Sigismond , vers et de vingt-quatre de ses principaux com
roi de Hongrie , effrayé des progrès des troupes pagnons d'armes qui furent faits prisonniers.
ottomanes , envoya des ambassadeurs à Bajazet La défaite de ce corps entraîna celle de toute
(an 1394), afin de savoir de lui cruels étaient ses l'armée. Aussitôt deux chefs chrétiens, ennemis
projets ultérieurs. Pour toute réponse le sultan de Sigismond , se retirèrent sans combattre , et
leur montra des arcs et des flèches suspendus l'arrivée du roi de Servie , allié de Bajazet , dé
aux murs de la salle. Sigismond, voyant alors cida la victoire. Sigismond, heureux d'avoir pu
que la guerre était devenue inévitable, chercha sauver sa tête, se jeta dans une barque sur le
des alliés chez tous les princes chrétiens , même Danube et parvint ainsi à échapper aux Turcs.
les plus éloignés de son royaume. Il fit notam Après ia victoire , Bajazet établit son camp
ment demander du secours en France à Char auprès de Nicopolis et alla ensuite visiter le
les VI, qui lui envoya l'année suivante un corps champ de bataille. A la vue des cadavres des
de mille chevaliers avec un nombre égal d'é- siens qui couvraient la plaine (selon quelques
BÀJ ( 472 ) BAJ
historiens, les Turcs perdirent plus de soixante où, dit l'historien Ducas, il laissait écouler sa
mille hommes ) , des larmes de rage tombè vie au milieu d'esclaves des deux sexes, s'aban-
rent de ses yeux, et il jura de tirer une ven donnant à des voluptés coupables. Cependant,
geance éclatante de la mort de ces musul actif par nature , il repassa en Europe la même
mans tués par les infidèles. Le lendemain , il année et se disposait à mettre le siège devant
ordonna que tous les prisonniers, au nombre de Constantinople lorsque la nouvelle des conquê
plus de dix mille , lui fussent amenés la corde tes de Tamerlan le força de retourner en Asie,
au cou et les mains liées sur le dos , puis il les où il réunit autant de troupes qu'il put pour at
livra aux bourreaux qui décapitèrent les uns et taquer son ennemi. Mais le mécoutentement qui
assommèrent les autres à coups de massue. régnait dans l'armée ottomane et qui prenait sa
Cette horrible exécution dura depuis la pointe source dans l'extrême sévérité de Bajazet et dans
du jour jusqu'à quatre heures de l'après-midi. l'irrégularité avec laquelle les soldats touchaient
Enfin les grands de l'empire demandèrent grâce leur solde , fit passer dans le camp de Tamerlan
pour quelques prisonniers qui restaient encore. un grand nombre de Tartares. Toutefois , Ba
Bajazet les distribua à ceux qui les avaient pris, jazet , aveuglé par le bonheur constant qui jus
après avoir toutefois prélevé son cinquième. Le que-là avait accompagné ses armes et sourd à
comte de Nevers et ses compagnons d'armes toutes les représentations que purent lui faire
avaient été contraints d'assister au massacre des ses généraux , se mit en marche avec cent vingt
prisonniers chrétiens. Mais Bajazet , sûr qu'ils mille hommes contre Tamerlan qui comman
paieraient de grosses sommes d'argent pour dait à des forces beaucoup plus considérables
obtenir la liberté, leur accorda la vie. Le comte (suivant Chalcondylas et Arabscba, cette armée
da Nevers ayant fourni sa rançon , Bajazet lui était d'environ huit cent mille hommes). Malgré
dit : « Je te remets ton serment de ne plus por- cette circonstance , le souverain tartare aurait
« ter les armes contre moi ; si tu as de l'hon- voulu éviter la guerre et peu de temps aupara
« neur, je te conjure au contraire de les repren- vant il avait dit à des ambassadeurs de Bajazet,
« dre le plus tôt possible et de réunir contre moi en les congédiant : « Dites à Bajazet que, malgré
« toutes les forces de la chrétienté; tu ne sau- « tous les griefs que j'ai contre lui , je consentirai
« rais m'ètre plus agréable qu'en me procurant « à lui pardonner s'il veut rendre la liberté aux
« de nouvelles occasions d'acquérir de la gloire. » « sujets du prince Taherten qu'il retient pri-
Avant de renvoyer ces prisonniers chrétiens, « sonniers et m'envoyer un de ses fils que je
Bajazet, chasseur passionné, leur donna le « traiterai comme le mien. A ces conditions
spectacle d'une chasse au faucon , pour laquelle « l'empire qu'il possède lui restera sans contes-
il avait réuni sept mille fauconniers et six mille « tation et ses sujets n'auront rien à redouter de
hommes dont l'emploi était de garder les chiens, « ma colère. » Bajazet n'ayant pas voulu entrer
les tigres dressés pour la chasse , les furets et les en accommodement
rent l'une contre l'autre,
, les deux
et searmées
rencontrèrent
marebé-
cigognes. Les chiens portaient des housses de
satin et les tigres des colliers de diamants. dans la plaine de Tschiboukabad , située au
Bajazet fit annoncer aux princes de l'Asie la nord-est d'Angora. Du côté des Ottomans et
victoire qu'il avait remportée sur les Chrétiens. des Tartares les souverains et leurs fils com
Puis, ayant placé sur le trône de Constant inople mandaient en personne. A six heures du matin
Jean Paléologue , il força ce prince à convertir les armées s'ébranlèrent et la bataille dura
une église en mosquée, à installer un cadi et un jusqu'à la nuit. Bajazet combattit avec le plus
iman dans la ville , à céder un des faubourgs à grand courage à la tète de dix mille janissaires,
des familles turcomanes et à lui payer un tribut qui tombèrent presque tous d'inanition et de fa
annuel de dix mille ducats. tigue ou frappes par les Tartares. A l'approche
Timourtasch , lieutenant de Bajazet , chargé de la nuit Bajazet se décida à fuir; mais son che
d'étendre en Asie les frontières de l'empire, val ayant fait une chute, il fut pris par les enne
poussa ses conquêtes jusqu'aux bords de l'Eu- mis avec un de ses fils , le 1 9 de zou'lhiddja de
phrate, tandis que le sultan se rendait maître l'an 804 de l'hégire (20 juillet i402deJ--C)
par lui-même de plusieurs parties de la Grèce. Tamerlan accueillit Bajazet avec tous les
Après tant de victoires Bajazet se retira à égards dus au malheur. Le voyant accable de
Brousse (année soo de l'hégire, 1397 de J.-C.\ fatigue et couvert de poussière , il le fit asseoir,
BAJ ( 473 DAK
lui parla avec bienveillance et lui donna pour tandis qu'entrant en personne dans la Morée ,
demeure trois tentes magnifiques, l'assurant il prenait Lépante, Modon et plusieurs autres
qu'il n'avait rien à craindre pour sa vie. Malgré villes. Indépendamment de ces guerres étran
ces bons traitements, auxquels il n'avait aucun gères , Bajazet eut à lutter contre plusieurs
droit de prétendre , Bajazet essaya de s'évader. commotions intestines occasionnées par la ré
Tamerlan , irrité de cette tentative , le fit sur volte de son fils Sélim. Ces troubles se terminè
veiller et ordonna même qu'on l'enchaînât pen rent par l'abdication de Bajazet , qui s'éloignait
dant la nuit. Peu de temps après, Bajazet tomba de Constantinople , lorsqu'il mourut avant d'a
dans une mélancolie profonde qui hâta sa fin. voir atteint la retraite où il voulait finir ses
Il mourut à Akschehr, le 14 de schaban de l'an jours. On suppose , et non sans raison , que
née 805 de l'hégire (8 mars 1403). la mort soudaine du sultan fut le résultat du
Il est faux que Tamerlan soit jamais monté poison, que lui donna un médecin juif. Baja
sur le dos de Bajazet, comme sur un marche zet mourut en 1512, après un règne de trente-
pied, pour se placer à cheval. L'histoire de la deux aimées lunaires. Ce prince était actif et
cage de fer dans laquelle , suivant quelques au vigoureux de corps et d'esprit. Il protégeait
teurs , le souverain tartare retenait son prison les savants , aimait les lettres et était versé
nier, est également dénuée d'exactitude. Il pa dans la philosophie. Observateur scrupuleux des
rait que Bajazet voulant éviter la vue des Tar- préceptes de la religion musulmane, on peut
tares , avait demandé à être transporté dans une cependant lui reprocher son ivrognerie et sa
litière fermée et garnie de jalousies comme cel cruauté. Il fit construire dans différentes parties
les où voyageaient les femmes. Ces litières de. l'empire des édifices remarquables, qui té
étaient appelées en persan et en turc kafes, mot moignent de sou goût par l'architecture. D.-x.
arabe qui signifie proprement une cage à oi BAJULE. C'est ainsi que se nommait, dans
seaux. De là vient , à ce que l'on croit, l'origine l'empire grec , celui qui se trouvait chargé de
de ce conte. Il faut consulter sur Bajazet l'ex l'éducation du prince. Ce mot s'introduisit en
cellente Histoire de l'empire ottoman de M. le France , car on lit dans la Vie de Louis-le-Dé-
baron de Hammer et la traduction très-exacte bonnaire, par Himmer , que Arnoul fut donné
que M. Hellert a donnée de cet ouvrage. pour bajule à ce prince. Ou croit que le mot
L. Dubeux. bailli dérive aussi de bajule , parce que ce nom
BAJAZET II, sultan des Turcs, né l'an de était anciennement donné en Angleterre à plu
l'hégire 851 (de J.-C. 1447), succéda à son père sieurs officiers civils qui exerçaient des fonc
Mahomet II , en 1481. S'étant brouillé avec son tions analogues à celles des baillis. [Himmer,
frère Djem ou Zizim ( voyez cet article ) , qui t. II, p. 186 et 187.)
était son rival , il s'engagea , comme ses prédé BAKEWEL (Bobert). L'époque et le
cesseurs dans différentes guerres , étendit ses lieu de sa naissance sont inconnus. Cet ha
conquêtes dans la Moldavie et la Caramanie, et bile agronome, après avoir étudié avec soin
soutint une lutte sanglante contre les sultans l'organisation des divers animaux domestiques,
mamloucs d'Egypte. Il fit bientôt connaître sa rejetant toutes les idées que l'on s'était faites
férocité naturelle, en ordonnant qu'on mit à jusque-là sur la beauté de leur forme, et ne la
mort, dans le palais, à la fin d'un repas, Gué- faisant dépendre que du profit que Ion pouvait
dik-Ahmed , un de ses généraux , qui lui avait en tirer , améliora à un haut point tous ces êtres
donné quelques sujets de plainte. utiles. « Il fut, dit sir John Sinclair, le père du
En 1487, Boabdil, ou, plus correctement, système amélioré de l'éducation du bétail; c'é
Abou-Abdalla, roi de Grenade, pressé par les lait un homme doué d'une grande force d'esprit
armes victorieuses de Ferdinand et d'Isabelle , et un excellent juge du bétail. » Il arriva au but
fit denmnder du secours à Bajazet. Ce prince qu'il s'était proposé en n'accouplant jamais que
envoya dans la Méditerranée une flotte qui ra les mâles et les femelles qui lui semblaient réu
vagea les côtes de l'Espagne. Il réduisit ensuite nir les qualités nécessaires; il accrut ainsi la
la Croatie et la Bosnie. A la requête des agents chair et la graisse , diminuant les os et tout ce
de INaples , de Florence et de Milan , il déclara que l'on nomme issues. Par ces soins, le sys
la guerre aux Vénitiens, fit envahir et piller le tème osseux des bestiaux fut diminué de pics de
Frioul et la Cariuthie par un de ses lieutenants, moitié, et il augmenta du double le poids brut
f
BÀK 471 ) BAK
des animaux de boucherie. Bakewel fut deux sont pleins de vérité, ses vagues sont trans
fois ruiné par ses essais dispendieux ; mais cha parentes,
faite connaissance
et ses bâtiments
de la construction
attestent unemari
par-
que fois le parlement , cet excellent appréciateur
des besoins de l'Angleterre, vint à son secours, time. E. B....K.
lui accordant de très-grandes sommes , avec les BAKOU ou BADKOU, ville capitale du
quelles il put continuer ses améliorations. Enfin, district qui porte ce nom , dans la province de
ses travaux furent couronnés de succès , et de Schirvan , sur les bords de la mer Caspienne.
grands bénéfices en résultèrent pour lui. En C'est une place très-forte, entourée de fossés et
1789, il reçut 1,200 guinées ( 30,000 fr. )pour d'une double enceinte de murailles. Bakou a des
le loyer de trois béliers pendant la monte, et rues étroites ; les maisons y sont construites d'ar
2,000 guinées ( 50,000 fr. ) par septain. Pen gile et de moellons, et couvertes de toits plats.
dant plusieurs années, il ne retira jamais moins On trouve dans cette ville plusieurs mosquées
de 3,000 guinées ( 75,000 fr. ) pour la location d'une assez belle architecture, un grand bazar,
de ses béliers. Il était fermier à Dishley, Leiees- des caravanserais et une église arménienne. Mais
tershire. La raceamélioréedes moutons a longue l'édifice le plus curieux est sans contredit le pa
laine lisse qu'il a créée , porte le nom de Dish lais bâti par Ibrahim-Khalil-Oulla-Faroukli-
ley. Bakewel mourut dans sa ferme en 1795 , Yessar-Ogli, en l'an 1491 de l'ère chrétienne,
et on lui fît de magnifiques obsèques. palais qui , bien qu'en ruines aujourd'hui, mé
BAKHUYSEIV ( Ludolphe ) , peintre de rite cependant de fixer l'attention. Le port de
marine, né à Embden ( Hanovre ) , en 1631.. Bakou , formé par une baie que protègent des
Après avoir été jusqu'à l'âge de dix-huit ans em fortifications en bon état, est le port commercial
ployé dans les bureaux de son père , secrétaire le plus important des Busses sur la côte occi
des États , il entra dans une maison de commerce dentale de la mer Caspienne. Le bassin spacieux
d'Amsterdam. Là il s'amusait à dessiner à la et profond de cinq à six et même sept brasses ,
plume les vaisseaux qui entraient dans le port , offre aux navires un ancrage sûr et commode.
et tel fut le succès qu'obtinrent ses premiers es La ville s'élève au-dessus du port en forme d'am
sais, qu'il résolut de se livrer entièrement à la phithéâtre. Bakou , situé dans la partie la plus
peinture, et entra dans l'atelier de Van-Ever- chaude et la plus stérile du Schirvan , présente
dingen. Ses progrès furent rapides ; mais , plus un aspect triste. Les environs ne produisent ni
encore qu'aux leçons de son maître, il les dut à arbres ni herbes; mais on y trouve en grande
son amour courageux de la nature qui lui faisait abondance du sel , du safran et du naphte , que
sur une barque affronter la tempête pour en les habitants exportent, et qui sont pour eux des
mieux saisir les effets. Bientôt sa réputation de sources de richesses. Il y a des routes qui con
vint européenne ; tous les souverains voulurent duisent de Bakou à Tiflis , à Erivan et à Tauris.
avoir de ses ouvrages , et Pierre-le-Grand reçut La population se compose de Persans , de Tar-
de ses leçons. Au milieu de sa plus grande fa tares, d'Arméniens , de Juifs et d'une garnison
veur, il ne négligea jamais un talent pour le russe.
quel , dès l'enfance , il avait montré des dispo Au nord de la ville de Bakou , dans un en
sitions extraordinaires , celui de l'écriture, art droit stérile et désert, se trouve le célèbre feu
qu'il continua à professer et dont il composa perpétuel. La nuit, on aperçoit de loin quatre
plusieurs méthodes. Lié avec tous les hommes grands jets de flamme qui éclairent tout le terri
célèbres de son temps , qu'il savait attirer à lui toire environnant; et, à mesure qu'on appro
par un caractère toujours gai et égal , il poussa che, on découvre des jets moins considérables
sa carrière jusqu'en 1707. Le Musée du Louvre qui sortent de la terre. Les quatre gros jets se
possède cinq tableaux de ce maître ; le plus re trouvent au milieu d'un enclos fermé de murs ,
marquable est une grande marine dont les et s'élèvent à uneassezgrandehauteur, au moyen
bourgmestres d'Amsterdam firent présent à de tuyaux quiservent de conducteursàlaflamme.
Louis XIV en 1665. Quelques Indiens, adorateurs du feu, habitent
Bakhuysen occupe le premier rang parmi les cette enceinte et y occupent des cellules adossées
peintres de marine de l'école hollandaise; il ex aux murs. Le feu perpétuel de Bakou est pro
cellait surtout à rendre les tempêtes qu'il avait duit par un gaz qui s'échappe du sol rempli de
si bien étudiées ; les mouvements de ses eaux crevasses. L. Dubeux.
BAL ( 475 ) BAL
BAL [hist.), assemblée, réunion pour dan d'aller maudire Israël , les ambassadeurs se re
ser, du latin ballare. Ce mot, qui se retrouve tirèrent et rapportèrent ce qui s'était passe à
chez les Italiens, les Espagnols et les Portugais , Balac , qui envoya à Balaam de nouveaux am
est formé du grec paMiçem, sauter, danser, qui bassadeurs, en plus grand nombre et de plus
dérive lui-même de fSaMsiv , jeter , envoyer. On haute qualité,' avec des présents plus considéra
lit dans le concile de Laodicée : S-i où Sa yj,t- bles. L'avarice du devin fut tentée, et, au lieu
(rriâi/ou; «tç youoù; ànepjjopfvou; ÇiaWiriiv rtopyjï- de répondre que Dieu lui avait défendu de mau
o&« ; et dans le synode romain tenu sous Lo- dire Israël , il engagea aussi ces ambassadeurs
thaire et Louis, ch. 35 : Ut sacerdotes admo- a passer la nuit dans sa maison jusqu'à ce qu'il
neantviros et mulieres, ne ballando^ turpia eût de nouveau consulté le Seigneur. Cette fois ,
verba decantando choros teneant et ducant. Dieu , l'abandonnant à son avarice , lui permit
Le mot fsaMïçuï se trouve dans Athénée, l.vm, de suivre les ambassadeurs de Balac , mais à
chap. 16. condition toutefois de ne faire que ce qui lui se
Les bals sont fort anciens; on en trouve des rait commandé. Cependant , comme les inten
représentations sur les bas-reliefs de l'époque la tions de Balaam n'étaient pas droites, lorsqu'il
plus reculée de l'histoire égyptienne. Socrate fut fut parti pour se rendre auprès de Balac , l'ange
loué chez les Grecs pour avoir dansé dans les du Seigneur, une épée nue à la main , se plaça de
bals , et l'on blâma Platon d'avoir refusé d'en vant l'dnessc qu'il montait, et l'animal effrayé se
faire autant au bal donné par le roi de Syracuse. jeta hors du chemin. Balaam la frappa et la ra
Les bals étaient en France en très-grande faveur mena sur la route; mais l'ange se mettant dans
dès les temps les plus anciens de la monarchie. un passage très étroit , où il n'y avait pas moyen
Ce fut Louis XIV qui introduisit dans ces fêtes de se détourner ni à droite ni à gauche, l'ânesse
une magnificence que, depuis son règne , on a s'abattit, et Balaam la frappa avec son bâton plus
vainement tenté de surpasser. Les bals mas fort qu'auparavant. « Alors, dit l'Écriture , le
qués étaient aussi connus des Romains ; ils Seigneur ouvrit la bouche de l'ânesse , qui se
étaient fort à la mode en France au temps plaignit du traitement injuste que son maître lui
d'Henri IV. ( Voyez Danse, Ballet, Masca- faisait éprouver ; et les yeux de Balaam s'étant
hade. ) Le bal est défendu par les lois de ouverts en même temps, il vit l'ange, qui lui
l'Eglise, parce qu'il est presque toujours accom reprocha la corruption de son cœur , ajoutant
pagné de circonstances qui finissent par le ren qu'il l'aurait tué si l'ânesse ne s'était détournée,
dre immoral. Conradus Clingius, de l'ordre de et lui enjoignit de se conformer aux ordres du
Saint-François, dit que le bal où l'on danse est Seigneur. » Balaam s'étant ensuite rendu auprès
un cercle dont le diable fait le centre et les autres de Balac , lui annonça qu'il ne pourrait dire quo
démons la circonférence : Chorœa mondana est les paroles que Dieu lui mettrait dans la bouche.
circulus, cujus centrum est diabolus etcircum- Le lendemain matin , Balac mena Balaam sui
ferentia angeli ejus circumstantes. ( Conradus de hauts lieux consacrés à Baal, et lui fit voir
Clingius, Catéch. cathol., l.iv, c. 14.) A. P. l'armée d'Israël afin qu'il la maudît; mais au
BAL A A 51 , fils de Béor, de la ville de Pé- lieu des malédictions que Balac attendait , Ba
tlior, sur l'Euphrate, devin très célèbre , ou , laam ne prononça que des bénédictions. Enfin,
comme parait le croire saint Jérôme, prophète Balac conduisit successivement Balaam sur la
du vrai Dieu , mais fort corrompu. Nous voyons montagne de Phasga et sur la montagne de
dans le Livre des Nombres que Balac , roi de Phogor ; mais le devin combla de nouveau Is
Moab, effrayé a la vue du camp des Israélites, raël de bénédictions qui irritèrent Balac. Cepen
auxquels il craignait de ne pouvoir pas résister , dant Balaam , craignantde perdre la récompense
envoya des ambassadeurs à Balaam pour l'en qu'il attendait de ce roi , l'engagea à envoyer des
gager à se rendre dans le pays de Moab et à filles moabites et madianites, qui, allant dans
maudire Israël ; « car, disait Balac , je sais que le camp des Hébreux et les faisant tomber dans
• celui que vous bénirez sera béni , et que celui l'impureté et l'idolâtrie, leur feraient perdre le
« sur qui vous aurez jeté la malédiction sera secours de leur Dieu , sans lequel ils ne seraient
* maudit. « Balaam dit aux ambassadeurs d'at plus a craindre. Ce conseil détestable fut suivi ,
tendre jusqu'au lendemain que le Seigneur lui et les enfans d'Israël , séduits par les filles de
fit connaître sa volonté. Dieu lui ayant défendu Moab et de Madian , adorèrent Béelphégor.
BAL ( 470 ) BAL
Suivant les traditions rabbiniques , Balaam das, lîv. iv , tit. 6) et dépouillés de tout droit
était un des conseillers de Pharaon. S'étant ré civil. Quant aux femmes qui se livraient à cet
volté contre ce prince , il se retira en Ethiopie , état, la même loi, par une étrange disposi
dans une ville qu'il espérait rendre imprenable tion, les privait de l'honneur d'être admises
par les secrets de la magie , que lui avaient dé pour concubines (barraganas) par les hommes
voilés les deux démons Asa et Âsaël. MaisMoïse d'une haute noblesse.... {Voyez Bateleub,
rendit inutiles tous ses enchantements, et s'em .Tongleub et Saltimbanque. ) Les baladins
para de la ville. Alors Balaam se retira en Ara faisaient jadis partie de la confrérie des mènes-
ble. L.Dubeux. triers; ils étaient gouvernés par un chef qu'ils
BALADAN. Ce nom est composé de bel ou appelaient roi , et par le prévôt de saint Julien
baal et de adan , et signifie en chaldéen , ce des ménestriers. A. P.
lui dont Bel est le seigneur, adorateur de Bel. BALADOIKE {danse) , danse et fête de vil
Selon quelques chronologistes, Baladan est le lage. On lit dans Voiture : «Elle ne me pouvait
même que Nabonassar, qui fonda le nouveau rien promettre qui mefitplus aise que la danse
royaume de Babylone, l'an 747 avant J.-C. baladoire, que vous dites qu'elle veut insti
Cette opinion s'appuie sur ce que , dans le tuer à mon retour (Voiture , lettre lvi). Riche-
quatrième livre des Rois , Mérodach , roi de let , dans son Dictionnaire , affirme que c'est
Babylone , qui envoya des ambassadeurs à Ézé- fête baladoire qu'il faut dire. Les danses pu
chias, l'an 174 avant J.-C, est appelé fils de bliques, appelées/éto baladoires, furentsuppri-
Baladan, et sur ce que, cette dénomination mées par un arrêt du parlement du 3 septembre
supposant que Baladan fut un prince illustre, 1G07, avec défense à tous seigneurs haut-jus
on ne peut le prendre pour un de ceux qui ré ticiers et à leurs officiers de les permettre.
gnèrent entre ces deux princes. On ne doit pas {Voy. Danse.) Il paraît que ce furent les gestes
attacher la moindre importance à l'opinion des et les pas les plus indécents qui motivèrent la
auteurs qui ont prétendu que Mérodach était le suppression de ces fêtes , qui avaient ordinaire
môme que Baladan. D.—x. ment lieu le premier jour de l'an et le premier
BALADIN. Ce mot, qui signifie danseur jour de mai.
de théâtre , vient du latin barbare ballare , qui BALAFRE , vestige très apparent d'uue
lui-même dérive du verbe grec psâ/i/etv, dan estafilade ou d'une blessure de guerre reçue
ser. Les baladins furent les premiers mimes , et dans la figure. Autrefois , une balafre donnait
introduisirent même sur le théâtre le ballet mo l'idée de la trace d'un coup d'arme blanche.
dernes. Les baladins descendent directement Telle était celle de Guise-le-Balafré. La lan
des Tbouvèbes {voyez ce mot) , dont un grand gue médicale ne faisant point usage de ce mot
nombre se répandit au XIIe siècle dans la soldatesque , il reste douteux si une blessure
Provence et en Espagne. M. Yiardot , dans d'arme à feu serait une balafre. Des étymo-
ses Études sur l'Espagne, rapporte que, dans logistes ont cherché la racine de ce mot dans le
la Chronica général de Espana , il est dit latin malafracta, jouebrisée.
que quelques troubadours , jongleurs ou ba BALAI (techn.). Cet utile instrument, que
ladins, assistèrent aux noces des iilles du Cid , tout le monde connaît, se fait avec une foule
vers l'an 1090. Ces poètes voyageurs qui por de matériaux différents et adopte les formes les
taient dans les châteaux les seuls divertissements plus dissemblables. Commençant par les plus
connus, après avoir chanté d'abord , se réu répandus, nous dirons que le balai commun se
nirent ensuite pour offrir à leurs hôtes des es crée en réunissant en poignées ou petites bottes
pèces de représentations où se trouvaient mê les brins flexibles du bouleau , les racines de
lées la poésie, la musique et la danse ; les ba paille de riz, les racines de chiendent, les ra
ladins étaient chargés de cette dernière partie meaux de bruyères , le jonc étalé , le crin , les
du programme. Les baladins ne dansaient pas plumes fortes et longues , les sommets des ro
seulement dans les châteaux , mais aussi dans seaux coupés pendant la floraison, les panicules
les rues et carrefours , moyennant quelques au du sorgho débarrassés des grains , les genêts ,
mônes , pour l'amusement de la populace. Ces l'ajonc , le fragon , les rameaux flexibles de
bouffons ou baladins des rues sont, dans une loi chêne, de hêtre , de charme , de micocoulier,
espagnole , déclarés infâmes (Cod. des Parti- la paille de seigle, etc., etc. Après ces balais
BAL (477 ) Ml
les plus communs et les plus répandus, nous place le zéro de cette graduation. C'est lorsque
parlerons de ceux en l'orme de brosses longues. l'aiguille est sur le zéro que le fléau est horizon
Ils sont faits par les brossiers, qui percent à tal. Lorsque dans ses oscillations l'aiguille s'é
demi des morceaux de bois de forme convena carte également à droite et à gauche de ce point,
ble, versent dans ces creux de la résine fondue, on peut dès ce moment regarder la pesée comme
et y placent par petits paquets ou bottes le faite et affirmer que dans les deux bassins il y
crin , les racines de riz et de chiendent , les des poids égaux.
soies de sanglier, etc. Les racines de riz sont on Les premiers éléments de la mécanique suffi
dulées, longues, jaunes ; elles se tirent de l'Ita sent pour donner ia théorie de la balance. Soient
lie, et nous arrivent en poignées encore chargées M. le poids inconnu du corps qu'on met dans
de terre. Les balais de rameaux ligneux convien un des bassins , et P le nombre de grammes et
nent pour les cours , les écuries , les planchers fractions de gramme qu'on met dans l'autre
qui ne sont ni frottés ni laves; on emploie pour pour lui faire équilibre. Le fléau étant dans une
les tapis les balais de chiendent et de riz , et position horizontale , appelons p et p' les dis
pour les parquets cirés et frottés ceux de crin tances égales ou inégales des points de suspen
ou de soies de sanglier. sion de la balance; ces points doivent, autant
On fait avec les plumes de dinde des balais que possible , être à la même hauteur , c'est
plus soignés qui se nomment plumeaux. Les pour cela qu'on donne aux bras des formes sy
petits balais de cheminée doivent être ornés métriques. Appelons aussi q et </' les distances
suivant le degré de richesse ou d'élégance des au même plan des centres de gravité des bras de
jippartements auxquels ils sont destinés : ils la balance, en comprenant dans leur poids celui
sont en palissandre , en acajou , dorés , etc. ; des plateaux qu'ils supportent, comme si toute
on peut les classer dans la brosserie fine. leur matière s'était concentrée aux points de
Les Anglais emploient , dans quelques fabri suspension. Ces poids seront désignés par Q et
ques, des machines cylindriques et rotatives , Q'. Les forces M et Q tendent à faire tourner
garnies de brosses en crins , en soies de sanglier la balance dans un sens, P et Q' en sens con
ou en racines de riz , qui balaient exactement traire. La somme des moments des premières ,
la place par où on les fait passer. Des essais ont pris par rapport à l'axe de suspension, sont
aussi été tentés en France, et M. A. Gros a pro M. p _|- Q gy et pour la somme des moments des
posé à la préfecture de police une machine très autres, on aP/+Q' q'. Pour qu'il y ait équi
simple à laide de laquelle on peut balayer de libre on doit avoir, d'après la théorie des mo
la manière la plus précise et avec une grande ments ,
économie les rues et les places publiques. On a Mp + Qsr = Pj>' + Q ?'(!)•
fait fonctionner le modèle de cette machine , et Cette équation ne peut avoir lieu pour toutes
les résultats ont été on ne peut plus satifai- les valeurs égales de M. et de P que tout autant
sans. J. M. de M.
BALANCE (méc). La balance est un levier qu'on aura :
droit du premier genre à braségaux. Aux deux p=p',Qq=zQ'f.
extrémités de ce levier, qu'on appelle le fléau , La première équation exprime que les bras
sont suspendus deux plateaux ou bassins. On se du la balance doivent être égaux , et la seconde
sert de la balance pour déterminer le poids d'un qu'elle doit être en équilibre lorsqu'il n'y a rien
corps ; on le place dans un des bassins ; on met dans les bassins.
des poids connus dans l'autre jusqu'à ce que le Cette dernière condition pourrait avoir lieu
fléau se tienne dans une position horizontale. sans que p fût égal np'; la condition d'équili
Ces derniers poids donnent alors celui du corps bre (I) se réduirait alors à Mp = Pp\ et sui
qu'on veut peser. vant qu'on aurait p > ou </>', on aurait aussi
Pour reconnaître si le fléau est horizontal , P > ou < M ; les poids mis dans un des bas
on lui adapte une aiguille perpendiculaire à sa sins ne représenteraient plus alors celui du corps
direction , dirigée ordinairement vers le bas et dans l'autre. La balance indiquerait un poids
tournant dans le même plan que lui. Son extré trop grand si le corps était dans le bassin qui
mité parcourt un arc divisé en parties égales à répond au bras le plus grand , et un poids trop
iroite et à gauche du point le plus bas , où i'on petit dans le cas contraire. Si l'on change de
BAL ( 478 ) BAL
bassin les poids M et P, on n'aura pas P gaux ; au plus petit des deux est suspendu nu
p =: Mp', et la balance trébuchera. Ainsi pour bassin dans lequel on met le corps qu'on veut
reconnaître qu'une balance , qui d'ailleurs se peser. Sur le plus long glisse , au moyeu d'un
tient en équilibre lorsque les bassins sont vides, anneau ou d'un crochet, un poids détermine
est exacte, il faut, après avoir déterminé l'é qu'on appelle le^eson. On éloigne le peson de
quilibre en mettant des objets quelconques dans l'axe de suspension jusqu'à ce qu'il fasse équi
les deux bassins , permuter ensuite ces objets ; libre au corps qu'on pèse. On lit alors , sur une
si l'équilibre existe encore , on peut compter sur gradation que porte le bras du peson , le poids
l'exactitude de la balance ; s'il en est autrement , du corps.
elle est fausse. La théorie de la romaine se déduit de l'équa
La sensibilité d'une balance , qui consiste en tion trouvée plus haut. M est le poids inconnu
ce qu'un poids très faible mis dans un des bas du corps qu'on pèse , P le poids invariable du
sins suffit pour rompre l'équilibre lorsqu'il peson, p la distance du point de suspension du
existe, dépend du soin qu'a apporté l'artiste à bassin à l'axe, p' la distance variable du peson ;
diminuer les frottements dans les points de sus nous mettons ici x à la place de p', Q et Q' les
pension. poids des bras de la romaine en comprenant
Une autre condition nécessaire pour qu'une dans Q le poids du bassin et de ses supports,
balance remplisse bien son objet, condition qui q et q' les distances de leurs centres de gravité a
ne se trouve pas renfermée dans l'équation (1), l'axe. En supposant que toutes ces grandeurs
c'est que son centre de gravité soit au-dessous soient rapportées à leurs unités , et prenant la
de l'axe de suspension. Lorsque cette condition valeur dep' ou x, on aura :
est remplie , la balance est dans le même cas
qu'un Penoule composé (voy. ce mot), et après
plusieurs oscillations , elle prend une position
ou bien en posant :
d'équilibre stable.
Si le centre de gravité coïncidait avec l'axe , — a,' et P- — a,' x=a +
P T dM.
et que l'équilibre existât , il existerait encore
dans quelque position qu'on mît le fléau ; mais Si dans cette équation on fait M~o, on aura
le moindre petit poids ajouté d'un côté ou de x — a. C'est à cette distance de l'axe que doit
l'autre ferait chavirer la balance. se trouver le peson pour qu'il fasse équilibre
Enfin si le centre de gravité était au-dessus au bassin vide. Si l'on fait successivement
de l'axe de suspension, la balance serait encore Mzzl, 2, 3....,onauraa::=:a-|-0, a + 20,
en équilibre , si ce centre était précisément sur a -f- 3 b , .... ; ainsi en prenant sur le bras du
une verticale passant par l'axe; mais cet équi peson , à partir du point qui répond à xzz. a,
libre serait instable, et pour peu que la ba où l'on place le zéro de graduation, une suite de
lance fût écartée de cette position , la pesanteur longueurs égales à b , le nombre qui marquera
l'en écarterait encore davantage. L'usage d'une le rang de celle où l'on aura été obligé d'amener
telle balance serait impraticable ; on l'appelle le peson pour faire équilibre à un corps , dési
balance folle. gnera son poids. En divisant chaque longueur
! Pour éviter , dans la détermination du poids b en parties égales, en quatre, par exemple,
d'un corps , les erreurs provenant de l'inexacti chacune d'elles correspondra à un quart d'unité
tude de la balance, on emploie la méthode dite de poids.
des doubles pesées. Après avoir mis dans un Il est bien facile de trouver mécaniquement
des bassins le corps qu'on veut peser , on met ces longueurs b. Après avoir construit la ro
dans l'autre des objets quelconques jusqu'à ce maine de manière que, le peson enlevé, elle
,que l'équilibre ait lieu. On retire alors le corps trébuche du côté du bassin , on remet le peson
et l'on met à sa place, jusqu'à ce que l'équilibre et on le rapproche de l'axe jusqu'à ce qu'il fasse
existe de nouveau, des grammes et fractions de équilibre au bassin vide. On marque le point où
gramme qui représenteront évidemment le poids il s'arrête. On éloigne ensuite le peson jusqu'à
du corps. ce qu'il fasse équilibre à un poids connu M;
La balance appelée romaine est aussi un le on marque encore le point ou il s'arr#e- On
vier droit du premier genre, mais a bras iné divise en M parties égales l'intervalle entre ces
BAL ( 479 ) BAL
deux points, et l'on continue les divisions jus toutes les positions qu'on lui donnerait ; si le
qu'à l'extrémité du bras de la romaine. centre de gravité était au-dessus de l'axe, la ba
Lentheric. lance , amenée à sa position normale , y serait
BALANCE ( techn.). Instrument destiné à bien en équilibre; mais cet équilibre serait in
déterminer le poids des corps. Divers appareils stable; on dit dans ce cas que la balance est
sont employés à cet usage ; ce sont , outre les folle, et elle ne peut être employée.
balances proprement dites, les bascules, les ro La bonne marche d'une balance ne dépend
maines, les pesons, les ponts à bascule, et quel pas seulement des deux conditions précédem
quefois les Dynamomètres et les Aéromèthes ment citées; il faut en outre que les frotte
{voyez ces différents mots). La balance est le ments des axes du fléau et des plateaux soient
plus simple de tous ces instruments ; aussi est- les moindres possibles ; que le fléau ne soit pas
elle connue depuis la plus haute antiquité. déformé par les charges auxquelles il est sou
La balance se compose : 1° d'une barre, mo mis , et que la longueur du fléau et la position
bile autour d'un axe horizontal placé au milieu relative des trois axes qu'il porte rendent la ba
de sa longueur, et portant le nom de fléau; lance sensible, c'est-à-dire rendent le plus visi
i* de deux plateaux ou bassins, suspendus, par ble possible l'effet d'une petite différence entre
des fils ou des chaînes, à deux axes placés aux les poids des corps déposés sur les plateaux.
extrémités du fléau ; ils peuvent se mouvoir li Il serait superflu de nous étendre sur l'utilité
brement autour de leurs axes de suspension qui de diminuer autant que possible les frottements
sont parallèles à celui du fléau , et qui en sont des axes, et de donner une rigidité suffisante au
en outre équidistants. fléau ; nous démontrerons seulement les in
Pour peser un corps au moyen d'une balance, fluences exercées sur la sensibilité de la balance,
on le pose sur un des plateaux, mais on met, par la longueur des bras dufléau etparlesposi-
sur l'autre plateau , des poids, dont la valeur tionsrelatives données aux troisaxes qu'il porte.
est connue, en quantité telle qu'ils fassent équi
Fig. 1.
libre au poids des corps ; on reconnaît que l'on
a atteint ce point lorsque le fléau est amené à B
A et
Soit
axe.
C les
un axes
fléaudes
BC.deux
la position horizontale , et qu'il y reste ; le poids
cherché est alors égal à la somme de ceux dé
posés sur le second plateau. p plateaux.
Les conditions auxquelles la balance doit sa g le centre de gravité du fléau.
tisfaire pour donner des résultats exacts, sont : P et P' les poids, égaux d'ailleurs, des deux
1° que le fléau, chargé seulement de ses pla plateaux et de leur charge.
teaux, soit amené, par l'action seule de la pe Nous pourrons, dans toutes les positions du
santeur, à la position horizontale , et y reste en fléau , supposer P et P' appliqués en B et C; le
équilibre stable ; 2° que, dans cette position, les centre de gravité de ces poids sera sur la ligne
bras de leviers des plateaux soient égaux ; ce BCet en son milieu, puisque P~ P'; il sera
qui implique la condition que les axes de sus par conséquent sur la droite kg, qui coupe BG
pension de ces plateaux soient sur une ligne ho en deux parties égales; le centre de gravité gé
rizontale. néral sera situé entre le point d'intersection des
La première condition n'est remplie que lors lignes BG et kg, et le point g, et il sera d'au
que , dans la position horizontale du fléau , le tant plus près de BC , que P -\- P' seront plus
centre de gravité de la balance se trouve dans le grands. Le point g peut être au-dessous de la
plan vertical passant par l'axe du fléau et au- ligne BG, sur cette ligne ou au-dessus; s'il est
dessous de cet axe ; alors, si le fléau est dérangé au-dessous, le centre de gravité général remon
de sa position normale, l'action de la pesanteur tera à mesure que la charge des plateaux aug
l'y fait rentrer par suite d'oscillations pendu mentera; s'il est au-dessus, ce centre descendra
laires dans lesquelles le centre de gravité passe dans les mêmes circonstances. Nous avons déjà
tantôt d'un côté , tantôt de l'autre du plan ver- vu que le centre devait toujours rester au-des
tiwl indiqué. sous de l'axe du fléau ; cherchons quelle est l'in
Si W centre de gravité était sur l'axe même fluence de sa hauteur relativement à cet axe,
du fléau , cOiii-ci resterait indifféremment dans sur la marche de la balance.
ÏUL ( 4S0 ) voirBAL
fausser par un emploi
Faisons abstraction du frottement , et pre tout danger de la
nons le cas où les trois axes sont en ligne droite, abusif.
comme étant le plus simple. On emploie presque exclusivement le fer, l'a
Soit Fig.
P, 2.
le poids cier ou le laiton pour la construction des fléaux;
leurs deux branches sont symétriques, et ou
"Tô?-
Bdu fléau. leur donne une force telle que leur limite de
L = AB = AC charge ne soit que le dixième des charges de
"i gl le centre.de gra-
,'tl!P vité général du sys-
rupture. Le fléau porte au-dessus ou au-dessous
f i tème. de son axe un indicateur ou aiguille qui lui est
kg, = /. perpendiculaire , et qui, lorsqu'il est vertical,
Si on ajoute un petit poids p à la charge d'un indique que le fléau est dans sa position nor
des plateaux, l'équilibre sera rompu, et ce pla male ; on fait cette aiguille d'autant plus lon
teau s'abaissera ; en même temps le centre de gue qu'elle doit donner des indications plus
gravité général sortira du plan vertical , passant exactes.
par l'axe du plan , et les poids 2P -f P, tendront Il est extrêmement difficile, dans la pratique,
à l'y faire rentrer; après plusieurs oscillations de donner une longueur égale aux deux bras du
du fléau, il s'arrêtera suivant une inclinaison fléau ; aussi se ménage-t-on , dans la construc
telle que les forces p et 2P -f P, se feront équi tion de quelques balances de précision , la possi
libre. bilité de faire varier la position de ces axes.
Soit a l'angle compris entre la nouvelle posi Dans toutes les bonnes balances, l'axe du
tion du fléau et sa position horizontale , pour fléau est fait en acier trempé dur ; il traverse le
lue le nouvel équilibre existe, il faudra que fléau , et porte, à ses deux extrémités, sur deux
pL cos « rr (2P + P,) sin a , coussinets, par l'arête d'un angle dièdre ouvert
a- • sina . />L ordinairement à 60°,
d ou ou tang a — - . La forme des extrémités des deux bouts de
COS a * /(2P + PJ
l'axe lui fait donner le nom de couteau.
Donc l'inclinaison du fléau , sous l'influence Les coussinets sont faits aussi en acier trempé
d'une différence de charge des plateaux , et dur, et quelquefois, mais seulement pour les ba
toutes choses égales d'ailleurs , augmentera à lances de précision , en agate ou en pierres du
peu près en raison directe de la longueur du res; la face sur laquelle les couteaux agissent
bras du fléau, et en raison inverse de la distance est ordinairement concave , quelquefois plane.
de l'axe du fléau au centre de gravité général , Ils supportent , ainsi que les couteaux , toute
c'est-à-dire que la sensibilité de la balance aug la charge des deux plateaux et le poids de la ba
mentera avec la longueur du fléau , et à mesure lance ; tantôt ils sont supportés par des colonnes
que le centre de gravité général sera plus rap ou supports droits , tantôt ils sont fixés dans
proché de l'axe de son fléau. Ce serait rigoureu une chappe en fer, suspendue elle-même à un
sement la tangente de l'angle, mesurant cette point fixe supérieur.
inclinaison , qui augmenterait suivant ces rap Les axes de suspension des plateaux sont
ports. quelquefois disposés comme celui du fléau , mais
On met habituellement l'axe du fléau sur la leurs couteaux sont alors renversés ; d'autres
ligne des axes de suspension des plateaux ou fois, les extrémités du fléau sont traversées par
au-dessous de cette ligne; cette dernière dispo des tourillons cylindriques ou percés d'une es
sition , en augmentant la sensibilité de la ba pèce de mortaise, dans laquelle s'engage un
lance à mesure que les plateaux sont plus char crochetqui porte sur une arête formant couteau.
gés, compense en partie la résistance due à Ce crochet reçoit lui-même les extrémités des
l'augmentation du frottement occasionné par cordons ou chaînes qui soutiennent les pla
cette charge ; mais il faut éviter que la balance teaux.
puisse devenir folle, par l'élévation successive Les matériaux employés à la construction des
du centre de gravité général , avant qu'elle ait plateaux et la forme qu'on leur donne varier*
atteint sa limite de charge ; on peut même ainsi beaucoup, selon la nature des pesages aux<uc's
limiter rigoureusement la charge maximum qu'il les balances sont destinées; nous Joauerons
est possible de peser avec une balance et éviter quelques indir-»Uo»» à ce suj<*j en décrivant
BAL ( 481 ) BAL
quelques unes des balances le plus générale ets très lourds , les dragonnes remplissent un
ment employées ; mais nous devons présenter autre but encore; sans elles, on serait obligé, à
auparavant quelques considérations générales chaque pesée , de décharger presque entière
sur l'emploi des balances. ment le plateau des poids, afin de faire descen
Les caractères des bonnes balances sont de dre l'autre et d'en faciliter le chargement ; une
trébucher sous l'action des poids les plus fai dragonne qui maintient le plateau des poids
bles; de reprendre, lorsqu'on les met en mou dans une position élevée et le remet ensuite en
vement, leur position normale par une suite charge directe , économise à la fois une main
d'oscillations ayant la même amplitude de cha d'oeuvre considérable , et empêche la prompte
que côté de cette position ; de permettre, lors altération des balances et des poids.
qu'elles sont chargées de deux corps qui s'équi Nous donnons, fig. 3, le dessin d'une ba
librent, de changer ces corps de plateau, sans lance qui peut peser jusqu'à l ,500 kilogrammes,
que l'équilibre soit détruit , ce qui ne pourrait it b est le fléau; la dragonne est ici un levier
avoir lieu si les bras de la balance n'étaient pas cd suspendu en e, auprès du plateau du poids-
égaux. pour le mettre en action , on engage son extré
On a imaginé un moyen ingénieux de peser mité dans un œil ménagé au bas du crochet de
exactement les corps, au moyen d'une balance suspension du plateau , puis on l'abat et on l'ar
à bras inégaux; on dépose le corps indifférem rête en prenant une des cordes de suspension du
ment sur l'un ou l'autre des plateaux, et on l'é plateau dans un crochet qu'elle porte latérale
quilibre exactement, en chargeant l'autre pla ment en/. La figure représente la balance dans
teau de sable ou d'antres substances analogues, cette position.
puis on retire le corps à peser, et on le rem Fig. 3.
place par des poids dont la quantité, lorsqu'elle
rétablira exactement l'équilibre comme le corps
lui-même, donnera le poids cherché ; cette mé
thode, qui porte le nom de double pesée, an
nule toutes les causes d'erreur, autres que celles
des frottements ; elle n'est appliquée que quand
on doit agir avec une grande précision , ou que
l'on veut se mettre à l'abri de la fausseté des
balances dont on dispose.
Les couteaux de suspension du fléau et des
plateaux sont très exposés à se détériorer, au
tant à cause de leur forme et de la nature du
métal employé à leur construction, que par
suite des chocs nombreux auxquels ils sont ex
posés et qui les égrènent ; en effet , chaque fois ïuute la charge du plateau est alors suppor
que l'on opère un pesage , les couteaux reçoi tée par l'axe e de la dragonne. Quelquefois cette
vent autant de chocs qu'il y a d'additions ou dragonne agit sur un œil qui termine le fléau ;
d'enlèvements de poids et de charge sur les pla mais cette disposition ne préserve pas le cou-
teaux , à moins que l'on ne prenne des précau tean du plateau. Pour dragonner de fortes ba
tions particulières. On dispose souvent un mé lances, on emploie dans quelques villes des
canisme spécial , destiné à soustraire, quand on tabourets ou petits traîneaux de bois que l'on
le veut , le fléau à la charge des plateaux , ou à engage, après chaque pesée, sous le plateau
empêcher le contact des couteaux et de leurs des poids.
coussinets ; on dit alors que l'on dragonne la Les plateaux des balances de grandes dimen
balance. On place d'ordinaire les balances , de sions sont habituellement carrés et faits en bois ;
manière que leurs plateaux viennent toucher le ils sont suspendus par leurs quatre angles. On
plan qui les supporte , dès que les oscillations remplace souvent , dans les balances spéciale
du fléau ont une certaine étendue. ment destinées au pesage des fers en barres,
Dans les balances de grandes dimensions un des plateaux par une sorte de griffe en fer.
qui doivent servir à des pesages multipliés d'ob- Quand on doit peser un grand nombre de bar-
Encyclnpédie du XIX' siècle, t. IV. 31
r
BAL ( 482 ) BAL
riques d'un poids élevé , on substitue avanta forme de pédale. Les supports a et b limitent
geusement au plateau une ëlingue en fer, au alors la course du fléau.
moyen de laquelle on peut saisir et soulever fa Il faut , dans cette balance, comme dans tou-f
cilement les barriques. Nous nous bornerons à tes celles qui sont supportées par une colonne,'
citer ces deux exemples de transformation de veiller attentivement à ce que cette colonne soit
l'un des plateaux en une pièce mieux appro verticale , car sans cela , toutes les indications
priée à recevoir l'objet à peser : on trouve dans des aiguilles seraient fausses.
le commerce et dans les usines, nombre de dis On donne le nom de balances de précision à
positions simples et commodes, ayant toutes celles qui, devant mesurer le poids des corps
pour but de rendre plus facile^ placer sur la avec la plus grande exactitude , sont faites avec
balance la marchandise que ljon pèse habituel toutes les précautions commandées par la théo
lement. rie ; elles ne sont guère employées que dans les
Les balances de grandes dimensions sont et laboratoires et cabinets des chimistes et des phy
doivent toujours être suspendues à des points siciens, et elles ne doivent être mises en œuvre
fixes supérieurs ; quelquefois on les suspend à que par des observateurs expérimentés.
des espèces de chèvres à trois pieds , faciles à Toutes ces balances sont munies d'appareils
transporter, et que l'on monte partout où l'on au moyen desquels on peut arrêter le mouve
veut. ment du fléau; toutes aussi sont renfermées
Fig.4. dans des cages de verre, dans lesquelles on dé
pose des sels déliquescents afin de maintenir
toutes les parties construites en acier à l'abri de
la rouille ; ces cages servent en outre à préserver
les balances des mouvements que l'air leur com
muniquerait.
On construit des balances de précision qui,
chargées d'un kilogramme , trébuchent à un
milligramme.
Nous donnerons seulement la figure de la ba
lance de M. Berzélius comme exemple. Voici sa
sa description :
A , colonne en cuivre, au bas de laquelle il existe
deux entailles destinées à y loger un excen
trique B, mu par vis ; à sa partie supérieure
se trouve une console C , qui reçoit une pictf
en cuivre D , sur laquelle sont entaillés les
coussinets en pierre.
F, balancier en cuivre terminé par des parties
en acier, dont l'une peut varier au moyen
d'une petite vis qui l'a fait mouvoir ; de l'au
tre côté , il y a une vis pour l'équilibrer ; an
milieu il y a deux écrous qui peuvent varier
de hauteur sur la vis.
G, virole entourant la colonne A, et sur laquelle
est fixée une traverse H , qui est destina a
La figure représente une balance de moyenne lever le fléau ; cette virole est fixée à une au
dimension ; lorsqu'elle ne sert pas, le fléau est tre de même diamètre , au moyen dune tige.
posé dans les fourchettes c et d; pour la mettre I , virole en cuivre , fixée à la virole G, et qui
en action , on élève le couteau du fléau , au peut être mue par l'excentrique B; de sorte
moyen d'une crémaillère contenue dans la co qu'en montant ou en descendant la virole I,
lonne qui support?, la balance. Souvent cette on monte la virole G , «i par suite la tra
crémaillère est remplacée , dans les balances verse H , qui relève le fléau et le met dans
moyennes ou de précision , par un levier en un repos.
BAL ( 483 ) BAL
Les trois couteaux se trouvent en ligne droite. Le fléau est en cuivre ; il est terminé, à cha
Cette balance a l'avantage de dispenser de la
que extrémité, par une plaque unie et recour
double pesée , elle peut servir pour peser des bée en acier trempé, qui porte le crochet de sus
poids jusqu'à 3 kilogrammes, et elle est sensi
pension des plateaux ; l'écartement de chacun
ble à l milligramme.
de ces crochets au fléau, et par conséquent la
La balance de Berzélius est principalement longueur des bras du levier, se règle par une
employée pour les analyses des substances inor
petite vis horizontale engagée dans le fléau ; on
ganiques. peut ainsi rétablir cet écartement dès qu'il est
Le prix de cette balance est à Berlin de 1 50 fr. dérangé.
A Paris, 300 fr.
JùskiÂ.
M. Bockolz a inventé une balance d'essai ; ajoutant au corps la quantité de poids néces
très économique de construction , qui donne des saire ; le poids cherché sera égal à la différence
résultats analogues à ceux obtenus par la dou entre cette quantité et celle primitivement em
ble pesée; elle n'a qu'un seul plateau, le second ployée ; cette dernière quantité est , comme
est remplacé par un poids constant fixé au fléau. on le voit , la limite de charge de la balance.
Pour se servir de cette balance , on détermine Ce genre de construction épargne un cou
exactement Je poids , qui , placé dans le pla teau , et surtout fait éviter la difficulté de don
teau , l'amènera dons sa position normale ; ou ner une longueur égale aux deux bras de levier
place ensuite le corps à peser sur le plateau , et des plateaux.
on ramène le fléau à sa position horizeutale, en Les balances de précision sont toujours fort
BAL ( ÀSA ) BAL
chères , à cause des soins tout particuliers Nous donnons la disposition d'une de ces ba
qu'exige leur construction. lances, fig. 6. Elle ressemble, au premier as
Nous n'avons parlé que des balances à bras pect , à une romaine , mais elle en diffère en ce
égaux ; on en fait quelquefois à bras inégaux , que le poids cherché y est déterminé par le nom
mais rarement et seulement pour le pesage de bre de poids à mettre sur un plateau fixe, tandis .
fardeaux considérables ; on y trouve l'avantage que dans les romaines , le poids cherché est in
de ne pas avoir besoin d'une aussi grande quan diqué par la position que l'on doit donner à un
tité de poids. A cet effet, on suspend toujours le poids mobile.
plateau des poids au bras le plus long du fléau.
Fig.
X
BAL ( 498 ) BAL
rieure de Balboa doit nous empêcher d'admet blanches; la poitrine porte des taches brunesou
tre , fut cependant suivie d'une condamnation fauve clair, les premières pennes sont d'un brun
à mort. Toute la colonie et les juges eux-mêmes noirâtre; la bec est noir, ainsi que les ongles;
sollicitèrent vivement la grâce de Balboa. Le la cire et les pieds bleus. La longueur totale du
gouverneur fut inexorable, et l'arrêt reçut son mâle ( depuis le bout du bec jusqu'à l'extrémité
exécution (1517). Balboa était âgé de quarante- de la queue ) est d'un pied dix pouces , celle de
deux ans. la femelle de deux pieds ( Gervais , Dict. d'Hist.
On peut consulter sur Balboa Bobertson naturelle). Le balbuzard , décrit dans Buffon,
(Histoire d'Amérique) et les auteurs cités dans est à peu près la seule espèce dont se compose
' cet historien. le genre.
j BALBUS (Lucics Cornélius), d'une fa On le trouve fréquemment en Asie , en Afri
mille distinguée dans l'Espagne, naquit à Cadix, que , en Amérique et en Europe , où on le ren
et s'attacha à César , sous la protection duquel contre sur la lisière des forêts , sur les rochers et
il parvint aux honneurs et à la fortune. Pro près des rivières , lacs, etc.
consul vers la fin de l'an de Rome 733, la dé Horsfield a adjoint à ce genre un oiseau dé
faite des Garamantes et la conquête entière du crit par lui dans le catalogue des oiseaux de
pays de ce peuple africain, jusqu'alors inconnu proie , et nommé Pandion ichthyaetus ; il est
aux Romains, lui valurent les honneurs du appelé par les insulaires Jokowuru.
triomphe. Il construisit à ses frais un théâtre C'est à la puissance du vol que le balbuzard
qui porta son nom , et , près de Cadix , une ville doit d'être répandu sur toute la surface de la
plus considérable avec un arsenal pour la ma terre , sans variation bien sensible dans la cou
rine, selon Strabon , et légua par testament 25 leur du plumage. On a débité bien des histoires
deniers ( plus de 8 sous ) par tête au peuple sur les balbuzards. Les anciens auteurs ont dit,
romain. entre autres erreurs répétées depuis Albert-le-
BALBUZARD (ornithologie). Cet oiseau Grand jusqu'à Buffon, que tandis que le bal
nommé par Linnée Falco haliaetus , a été re buzard nage du pied gauche, il saisit sa proie
gardé par quelques savants comme le type de la du pied droit, lequel est fort et armé d'ongles
famille des faucons. Voici la description qu'en comme celui d'un épervier, l'autre étant large
donne M. Savigny : Bec presque droit à sa base et palmé comme celui d'un canard ; ce qui peut
à dos renflé ; la cire velue et lobée au-dessus sembler extraordinaire , c'est que Linné n'a
des narines , lesquelles sont lunulées et obliques;point échappé à cette erreur, et qu'en décrivant
les doigts dénués de membranes à l'intérieur , cet oiseau , il a dit positivement : Pcs sinister
excédant à peine les latéraux , et à l'extérieur subpalmalus; et cependant , comme on pouvait
versatiles, c'est-à-dire susceptibles de se dirigers'en assurer , il n'exista jamais de différence
en arrière et en avant ; les ongles arrondis et entre le pied droit et le pied gauche de cet oi
lisses en dessous ; la queue composée de rectrices seau. L. D.
égales , et la troisième penne des ailes plus lon BALCON (archit.) On appelle ainsi une
gypte
gue que et de
les Syrie).
autres Ces
( Système
oiseauxdesvivent
oiseaux
solitaires
d'E
saillie praticable placée sur la façade extérieure
d'un bâtiment , et portée par des colonnes , des
le long des rivages , près des lacs , et de tous les cariatides ou des consoles ; elle est garnie d'un
lieux qui renferment des poissons , dont ils font appui de pierre ou Balustbaoe (voyez ce mot),
leur unique nourriture. Le balbuzard saisit sa ou d'un garde-fou en fer, aussi appelé balcon.
proie avec ses serres à la surface de l'eau , et L'usage des balcons ne parait pas remonter à une
souvent même il plonge pour s'en rendre maître. époque très reculée, et généralement ils sont
Il attaque rarement les oiseaux aquatiques , d'un assez mauvais effet , si ce n'est pourtant
même les plus petits. Il niche dans les rochers ou lorsqu'ils sont placés au premier étage , au-des
sur le sommet des arbres élevés, dans l'intérieur sus de la porté principale. D'après les règles de
des forêts. Sa ponte est de quatre œufs d'un blanc l'architecture , les balcons ne doivent compren
salemarquédelargestachesrougeâtrespointillées dre qu'une ou trois fenêtres ; ce n'est que par
d'une couleur plus vive ; le plumage est brun , une innovation réclamée par nos usages , qu'on
la tête plus ou moins variée de blanc ; le bord en est venu à ceindre d'un balcon continu un
des plumes est blanc ; les parties inférieures sont édifice entier. Le principal défaut des balcons
BÀL ( 499 ) BAL
est de convertir les fenêtres en portes , et par Spirito de Florence. En France nous en avons
conséquent de leur donner une forme allongée de fort beaux aux Invalides et au Val-de-Grâce.
et de mauvaise proportion. En Italie , en Sicile , BALDE ( Jacques ) , jésuite, naquit à Ei-
on voit souvent des balcons vitrés qui permet sesheim en 1 603. Il se fit d'abord un nom comme
tent de voir sans être vu ; on les nomme mi- prédicateur ; mais il se livra bientôt exclusive
gnant. E. B....N. ment à son goût pour la poésie latine , dans la-
BALDAQUIN {archit.) , de l'italien bal- quelleil obtint beaucoup de succès. On le compte
dacchino. On appelle ainsi une sorte de dais qui parmi les plus élégants poètes latins du xvn« siè
surmonte un trône ou un lit de parade. Par cle. Son poème intitulé : Vrania Victori , im
analogie , on a donné le même nom à un dais primé à Munich en 1663, in-8°, lui valut une
soutenu par des colonnes qui recouvre le maître- médaille d'or de la part du pape Alexandre VII.
autel des églises. Le baldaquin a remplacé les an Mais la gloire poétique de Balde s'éclipsa lors
ciens Ciboires (voy. ce mot), petites coupoles qu'il voulut composer dans sa langue mater
sur quatre colonnes , et qu'on retrouve encore nelle. Ses productions , qui étaient au-dessous
dans plusieurs anciennes églises. L'architecture du médiocre , furent bientôt oubliées. Il mourut
moderne, en adoptant la forme des baldaquins, à Neubourg le 9 août 1668. Le recueil de ses
s'est tellement éloignée, par la bizarrerie de ses poésies latines , imprimé à Cologne , en 1 660 ,
compositions , de la disposition des ciboires , 2 vol. in- 12 , se compose de quatre livres d'o
qu'on a souvent de la peine à reconnaître cette des, d'un autre livre d'odes, d'un de sylves, de
origine. poésies héroïques , de satires , de poésies diver
Le plus célèbre baldaquin est celui de Saint- ses. Une édition des œuvres de Balde a été pu
Pierre de Rome ; mais on gémit quand on se bliée avec des notes à Turin , en 1 805 , in-8°, par
rappelle qu'il a été fait avec le bronze arraché J.-C. Orellius.
du portique du Panthéon par Urbain VIII , BALDE DE UBALDIS ( Piebbe) , juris
Barberini. consulte fameux du xiv° siècle, disciple et rival
Qttod n#n fecerunt barbari , fecerunt Barberini. du célèbre Barthole , naquit à Pérouse. Il ensei
Il fut exécuté, en 1633 , sur les dessins du gna le droit dans cette ville, où il eut pour dis
chevalier Bernin ; il est tout en bronze doré , et ciple Pierre de Beaufort , depuis Grégoire XI ,
soutenu par quatre colonnes torses d'ordre com ainsi qu'à Padoue , puis à Pavie , où l'ap
posite, de la hauteur de trente-quatre pieds. pela Galeas Visconti. Son extérieur n'était pas
Sur ces colonnes pose un entablement , aux an avantageux , et la première fois qu'il parut en
gles duquel sont quatre anges debout , et d'où public, on s'écria: Minuit prœsentia famam.
s'élèvent quatre consoles renversées, qui, se Balde répondit avec plus de présence d'esprit que
réunissant dans le milieu , supportent un globe de modestie : Augebit cœtera virtus, et ses ta
sur lequel est placée une croix. La hauteur to lents firent bientôt oublier sa figure. Ses riches
tale de ce superbe baldaquin est de quatre-vingt- ses égalèrent sa réputation, et il mourut le 28
six pieds. Croirait-on qu'il est plus élevé de vingt- avril 1400 , âgé de soixante-seize ans, des suites
quatre pieds que le fronton de la colonnade du de la morsure d'un animal enragé. Il fut inhumé
Louvre? Le poids du métal qu'on a employé est à Pavie , où l'on voit son tombeau. Ses ouvrages,
de 185,300 livres; la dorure et la main-d'œu recueillis en 3 vol. in-fol., ne méritent point
vre, sans le métal, qui malheureusement ne toute la gloire qu'obtint l'auteur. Deux frères de
coûta rien, montèrent à la somme alors énorme Balde , Pierre et Ange Degli Vbaldi , et ses deux
de 535,000 fr. fils, dont l'aîné, Zenobius, fut évêquede Ti-
A Saint-Jean-de-Latran , comme , avant l'in pherne , se sont aussi fait un nom dans le droit.
cendie , à Saint-Paul hors les murs , le balda BALDER était fils d'Odin etdeFrigga, l'une
quin gothique sert de reliquaire. Le baldaquin des déesses du Valhalla. Il est surnommé Bon
de Sainte-Marie-Majeure , fait par Benoît XIV dans les sagas du Nord. On peut le comparer
sur les dessins dn chevalier Fuga, est soutenu à YApollon des Romains. Il fut , dans le ciel ,
par quatre colonnes corinthiennes de porphyre l'objet de l'amour de son père et de sa mère.
entourées de palmes dorées. On cite encore Le même sentiment , qu'il inspirait dans leVal-
parmi les plus remarquables ceux de Saint- halla et sur la terre, lui attira la jalousie de
Laurent hors les murs de Rome et de Santo- Loke , le dieu du mal, qui résolut de le perdre ,
BAL (, 500 BAL
et se servit, pour exécuter son dessein, d'un érudition la connaissance des langues modernes;
desases ou demi-dieux, nommé Hoeder. Celui- il apprit en très peu de temps l'allemand et le
ci était aveugle , et Loke le pria de tirer de français , et son ardeur lui fit dévorer aussi les
l'arc. Il lui guida la main et dirigea le trait sur difficultés des langues orientales. Retourné dans
Balder sans en être aperçu. Le dieu fut atteint son pays , il s'adonna particulièrement aux ma
au bras et tomba mort à l'instant. Nanna , son thématiques , sans toutefois négliger les belles-
épouse , épuisée , succombant à sa douleur, ne lettres. Ferdinand II de Gonzague, duc de Guas-
lui survécut pas longtemps, bien que Frigga talla , parvint à se l'attacher , et Baldi se prépa
mît tout en œuvre pour l'arracher à la mort. rait à le suivre en Espagne, lorsqu'il tomba ma
Balder descendit dans les demeures souterraines lade à Milan. Après sa guérison , il revint à
de Hel , fille de Loke et déesse de Niffelhem , qui Guastalla, dont le duc lui conféra l'abbaye, de
promit à Frigga de lui rendre son fils s'il obte venue vacante en 1 586 ; il prit alors l'habit ec
nait une larme de chacun des habitans du ciel clésiastique, et se livra tout entier à l'étude des
et des ases. Mais ceux-ci pleurèrent en vain la Pères , de l'histoire des conciles , du droit ca
perte de Balder , car la sorcière Thock ne vou non , du chaldcen et de l'hébreu. Sa vie fut celle
lut pas, malgré toutes les prières, lui accorder d'un digne ecclésiastique. En 1 6 1 2 , il se démit
une larme. Ainsi Balder, suivant l'ancienne my de son abbaye , et se retira de nouveau dans son
thologie du Nord , devait rester chez Hel jus pays, où il s'attacha au duc d'Urbain. Il mou
qu'à la fin du monde. F. de L. rut le 1 2 octobre 1 61 2. Ses connaissances étaient
BALDERIG ou Baudbi, né à Noyon , fut aussi étendues et aussi variées que celles du cé
élu évêque de cette ville en 1098 ; il était aussi lèbre Pic de la Mirandole; il avait embrassé
évêque de Tournai. Il s'appliqua principalement comme lui l'universalité des sciences humaines.
à protéger les églises et les monastères , en fa Outre les langues dont on a parlé , il savait en
veur desquels il rédigea de nombreuses chartes core l'espagnol, l'esclavon, le turc, le hongrois,
qu'on a conservées et quatre lettres que M. Ba- l'ancien provençal , et tout ce qu'on pouvait sa
luze donne dans le tome cinquième de ses Mis- voir alors des anciennes langues étrusque et si
cellanea. Il mourut au commencement du cilienne. Voici les titres de ceux de ses princi
xne siècle. On a souvent confondu cet évèque paux ouvrages qui ont été publiés : La Corona
avec un autre Baudri qui était chantre de Té- dell'anno , Vicence , 1589 , in-4°. C'est un re
rouane et qui a laissé également quelques écrits cueil de cent six sonnets relatifs à un même
sur les maisons d'ordres religieux. nombre de fêtes de saints. Versi e prose , Ve
Dans le viie siècle de l'ère chrétienne , vécut nise, 1590, in-4". Il Lauro, scherzo giovanile,
un saint du même nom , frère de sainte Beuve, Pavie , 2" édit. , 1 600 , in-12 ; ce sont des poé
qui fonda, dans le diocèse de Beims , le monas sies de sa première jeunesse. La Deifobe, overo
tère de Montfaucon pour les hommes , et quel gli oracoli délia sibilla Cumea , monodie qui
ques années après, un autre, dans l'un des fau contient en abrégé toute l'histoire romaine, Ve
bourgs de la ville de Beims , pour les femmes. nise, 1604 , in-4". // Diluvio universale. can-
Sainte Beuve, sa sœur, prit la direction de tato con nuova maniera di versi, Pavie, 160-1,
cette dernière communauté en 673. Quelques in-4°. Concetti morali, Parme, 1609, in-!î.
auteurs prétendent qu'il était de sang royal et Carmina latina, Parme, 1609, in-12. Di Tke-
parent du roi Dagobert. Humbert. rone Alcssandrino de gli automoti, ovvero ma
BALDI (Bebnabdin) , naquit à Urbain , le chine se muoventi , libri due; traduits du grec
6 janvier 1553, d'une famille noble. Doué d'une avec des notes et un discours du traducteur sur
mémoire heureuse et d'un esprit vif, les progrès le même sujet, Venise, 1589 et 1601, in-4".
qu'il fit dans ses études furent si rapides, qu'é Scamilli impares Vitruvianinovâratione ex-
tant encore au collège , il traduisit du grec en plicati rev., Augsbourg , 1612 , in-4°. De ver-
vers italiens les Phénomènes oVAratus. En borum vitruvianorum signifteatione, siveper-
1 573 , il fit sa philosophie à l'université de Pa- petuus in Vilruvium Pollionem commenta-
vie , où toutefois son goût pour les belles-lettres rius, avec une vie de Vitruve, Augsbourg,
ne l'abandonna point ; car il s'exerçait alors à 1612 , in-4". In tabulant œneam Engubinam
traduire en vers latins des morceaux d'Homère linguâ etmscâ veteri proscriptam divinatio ,
et d'autres poètes grecs. Il voulut joindre à son Augsbourg, 1613 , in-4". Neronis ClesibdiBe
BAL ( 501 ) BAL
lopoeca, seu telifactiva grœca et Mina, Augs- Francesco-Saverio Baldinucci, qui avait hérité
bourg, 1G1G, in-4°. In Mechanica Aristotelis de ses connaissances, mit la dernière main à ses
problemata exercitationest, Mayence, 1621. ouvrages.
revus et annotés,
Us ont été
en 20
réimprimés
ou 21 vol.plusieurs
in-8% 1702-
fois, ;.
Cron ica de' matematici, ovvero epitomedell'is-
toria délie vite loro, Urbain, 1707, in-4". Vita 1728.
di Federigo Commandiar, insérée dans le vol. 1JALE {ville et canton). Sous la domination
XIX du Giornale de' Letterati d'Ilalia. romaine, et peut-être plus anciennement encore,
BALDINI (Baccio), orfèvre et graveur, vi il existait sur le lieu où est aujourd'hui la ville
vait au xv* siècle , à Florence. Contemporain de Utile, une aglomération d'habitations con
de Maso Finiguerra , auquel on attribue l'in struites par des pêcheurs. Il y eut ensuite un
vention de la gravure , ou plutôt de l'impri petit fort nommé Basilia; puis il y en eut un
merie en taille-douce, il s'empara bientôt de autre appelé Bobur, enfin le voisinage comptait
cette précieuse découverte , et , aidé de Sandro encore une autre bourgade, Arialbinum. La réu
Botticelli , ne tarda pas à surpasser l'inventeur. nion de leurs habitants, après la destruction de
Une édition du Dante, Florence, 1481, est la colonie voisine d'Augusta Bauracorum, a fait
ornée de deux vignettes attribuées à Baldini. naître la ville de Bâle. Basilia n'est pas nommée
BALDINI (Jean-Fhançois), savant littéra dans l'Itinéraire d'Antonin non plus que dans
teur de la congrégation des Soraasques, chez la Table théodosienne ; Ammien Marcell in ne
lesquels il avait fait ses études, et successive s'en occupe pas davantage. La première men
ment professeur de rhétorique et de philoso tion qu'on en rencontre est dans la Notice de la
phie, naquit à Brescia le 4 février 1 677, et mou Gaule, où elle figure comme la quatrième ville
rut à Tivoli en 1765, après avoir été élevé par de la province dite Maxima Sequanorum. Elle
différents papes à toutes les dignités de son or est aussi qualifiée de castrum rauracense. Sa
dre et à plusieurs emplois de la cour romaine. population s'accrut rapidement. Dans le partage
On remarque qu'il fut un des premiers à préfé des états de Lothaire , Bâle échut à Louis-le-
rer dans l'enseignement la méthode, alors nou Germanique avec le duché d'Alsace. Elle fut en
velle, de Descartes, à celle d'Aristote. Il a laissé suite limite et portion du second royaume de
des lettres et des dissertations sur plusieurs Bourgogne fondé par Bodolphe, et devint ville
points de physique, sur les aurores boréales et immédiate de l'empire; des évêques y exercè
l'antiquité , et a augmenté de près de moitié les rent des droits de souveraineté, en leur qua
Numismata imperatorum romanorum de Le lité de comtes ( comités ) ; mais les franchises
Vaillant, 3 vol. in-4°, Borne, 1743. municipales ne se firent pas attendre. Quatre
BALDIXUCCI (Philippe), l'un des bons seigneurs de l'ordre des chevaliers et deux fois
écrivains italiens du xvn" siècle, né à Florence autant de bourgeois délibéraient sur les affaires
vers 1624, d'une famille aisée , acquit de gran publiques; ce sénat, doublé par les corporations,
des connaissances dans la peinture et la sculp était nommé annuellement par huit électeurs
ture, par l'étude des grands maîtres. H fut ho que l'évêque choisissait, ainsi que le grand tri
noré de la protection du cardinal Léopold de bun ou chef des tribus. Plusieurs événements
Médicis , de la reine Christine de Suède et du militaires survinrent à cette époque, et de ce
grand-duc Cosme III, qui lui laissa toujours nombre fut le siège soutenu contre Bodolphe de
la direction de la belle série de dessins du car Habsbourg, pendant lequel ce grand guerrier
dinal. Ce fut dans la classification de ces des apprit la nouvelle de son élévation à l'empire.
sins qu'il puisa la matière de son Histoire des Ce n'est pas ici le lieu de présenter une histoire
peintres qu'il divisa en siècles et en décennales, complète de cette eité ; il nous suffira de dire
depuis 1260 jusqu'en 1670; la mort l'empêcha qu'elle avait d'étroites liaisons avec la Suisse
d'exécuter son projet en entier. Trois volumes avant son admission dans la ligue et qu'à la ba
parurent de son vivant. Il a encore laissé un taille de Saint-Jacques elle montra suffisam
Traité de la gravure sur cuivre, avec la Vie ment sa sympathie pour les guerriers de ce
des principaux graveurs, Florence, 1686, in- pays. Elle entra, en 1501, dans la fédération,
4°. Il portait à l'académie de dessin et à celle de où elle occupe le onzième rang.
la Crusca le nom de Lustrato. Il mourut, en Le canton a pour limites à l'est l'Argovie et
1696, à l'âge de soixante-douze ans. Son fils Soleure, qui fait aussi «a frontière méridionale ;
t\h 502 j BAL
à l'ouest le canton de Berne et la France ; au Toutes les collections , tous les établissements
septentrion le duché de Baden. Il a huit lieues publics ont été partagés. La souveraineté réside
de long sur six de large , est en général très dans l'assemblée des citoyens, qui ne reconnaît
fertile et possède de riches prairies et de belles aucun privilège de naissance ou de famille;
forêts. Les habitants sont au nombre d'environ tous sont égaux devant la loi et éligibles aux
50,000, dont 6,000 catholiques dans le district emplois ; nul ne peut être enlevé à ses juges na
appelé Birseck , démembrement de l'ancien évê- turels. Le service étranger est interdit; on a
ché. Voici quelle était , avant l'insurrection proclamé le droit de pétition et la liberté de la
sanglante qui détacha Bâle-Campagne du can presse, ainsique la tolérance religieuse, quoique
ton primitif, l'organisation politique et admi la religion réformée soit celle de l'état. On re
nistrative de ce pays. Il y avait six districts : nouvelle périodiquement les membres du grand
Bâle, Liestall, le district inférieur, Sissach, et du petit conseil , mais les tribunaux sont per-
"Waldenbourg et Birseck. Chaque district avait manens. Le grand conseil, composé de cent dix-
ses tribus ou collèges électoraux, desquels n'é neuf membres, est élu par les citoyens répartis
taient exclus que les mineurs, les interdits et en tribus ; le petit n'est composé que de quinze
les faillis; le grand conseil, composé de cent qui sont en même temps membres du grand;
cinquante membres, était le pouvoir législatif tous les dix ans une commission nommée par
et nommait les députés à la diète, votait les im ce dernier délibère sur les changemens à intro
pôts , recevait les comptes , etc. Dans la règle il duire dans la constitution.
s'assemblait tous les deux mois : soixante de Bâle-Campagne a poussé plus loin l'applica
ses membres étaient élus par le peuple , et ils tion du principe de la souveraineté du peuple;
s'en adjoignaient quatre-vingt-dix. Pour être là, si, dans les quinze jours de la publication
éligible il fallait être âgé de vingt-quatre ans et d'une Joi faite par le conseil, les deux tiers
posséder une fortune de 5,000 francs de Suisse des citoyens protestent, elle demeure sans ef
(7,500 francs de France). Le petit conseil était fet. Les communes ont des droits très éten
chargé du pouvoir exécutif et comptait vingt- dus. Toute autorité agit au nom du peuple
cinq membres , tous du grand conseil et conti souverain et sous la réserve de l'appel à ce peu
nuant à y siéger. Il était tribunal supérieur et ple. Les fonctions ne sont que temporaires ; mais
conseil d'état, et il se rassemblait toutes les fois dans les limites de leur durée , on ne peut en
que le bien du service l'exigeait. La présidence être privé que par un jugement. Un landralh,
des conseils appartenait alternativement à deux ou conseil du pays, composé de cinquante-huit
bourgmestres élus par le grand dans le sein du membres, exerce le pouvoir législatif. Ils sont
petit. II y avait en outre un tribunal d'appel nommés pour six ans , et cinq citoyens forment
composé de douze membres du grand conseil. le conseil du gouvernement : le landrath les
Tout citoyen et même tout étranger domicilié nomme en choisissant indistinctement parmi
était tenu au service militaire , et le contingent tous les citoyens actifs. La constitution doit être
du canton était de 91 8 hommes et 23,958 francs révisée tous les six ans par un conseil législatif
de Suisse. Ces chiffres ont changé après la ré investi, à cet effet, d'un mandat spécial. Les
volution de 1832. Les fabriques de ruban sont quatre districts de Bâle-Campagne sont : Wal
les plus considérables de toute la Suisse, et denbourg, Sissach, Liestall et Arlesheim. Il y
* composent plus de deux mille cinq cents mé a en tout soixante - quatorze communes, sans
tiers. En général, l'aisance est grande à Baie- compter celles qui appartiennent encore à la
Campagne; autrefois on voyait, d'une part, ville , pour laquelle elles forment un district
une ville privilégiée et de l'autre des paysans extra muros.
sujets. Aujourd'hui que le canton est partagé , Le Bhin partage la ville en deux portions iné
chaque fraction possède à la diète un demi- gales , réunies par un beau pont où l'on jouit
suffrage. Désormais Baie -Ville fournit à la fé d'une vue admirable : d'une part, c'est Hunin-
dération 14,145 francs, Bâle-Campagne 8,805 ; gue, la France et le grand-duché de Baden, de
la ville une compagnie d'artillerie et quatre l'autre c'est la Suisse. Le petit Bâle ou quartier
pièces, avec une compagnie d'infanterie; la de la rive droite est en plaine, tandis que la
campagne trente-deux cavaliers, cinq compa ville proprement dite s'élève |par des rues tou
gnies d'infanterie et l'état-major du bataillon. jours ascendantes jusqu'à l'esplanade de la ca
BAL ( 503 ) BAL
thédrale. La ville a de magnifiques hôtels ; mais tint quarante-cinq sessions, pendant une du
lesilencele plus absolu attriste le voyageur dans rée d'environ douze ans.
ses rues désertes, il n'y a guère de mouvement La mission que les pères de Bâle se propo
que sur le pont. Il n'est pas un étranger qui n'ait saient d'accomplir était digne du zèle ardent qui
accordé quelque attention au Lalli, figure gri ne cessa de les animer , mais dont l'Église eut
maçante, qui, du haut de la tour de ce pont, malheureusement à déplorer les excès. Il ne s'a
tire et retire sa langue rouge à chaque oscilla gissait de rien moins , en effet , que d'opérer la
tion du balancier de l'horloge. C'était, dit-on, réforme générale des abus, la réunion des Grecs
une provocation aux habitants du petit Baie, à schismatiques et la soumission des hérétiques
une époque où la rive droite avait d'autres mai de Bohème. Le concile n'atteignit complète
gres; l'histoire ajoute que ceux-ci pour s'en ven ment que ce dernier but; ses autres travaux
ger, élevèrent à l'extrémité du pont une autre furent en grande partie frappés de stérilité par
image fort peu décente. des démêlés presque continuels avec la cour de
Dans la cathédrale sont les tombes d'OEco- Borne et à la fin par une lutte ouverte contre le
lampade , de Bernouilti, d'Érasme, qui avait pape Eugène IV, lutte qui fut poussée jusqu'aux
choisi Bâle pour seconde patrie. On y admire dernières extrémités, et qui fit perdre toute au
son profil et le portrait de Luther, par Holbein. torité au concile.
La célèbre Danse des Morts ou Danse Macabre, La crainte que Bâle ne fût un lieu mal choisi
chef-d'œuvre qui n'existe plus, a été attribué à pour négocier avec l'Église grecque , détermina
ce célèbre artiste , mais elle était de Glauber. le pape à prononcer , dès la seconde session , la
L'arsenal possède la cuirasse de Charles-le-Té- dissolution de l'assemblée. Cette mesure , aux
méraire ; FHôtel-de-Ville est très bizarre et est yeux des pères , sembla indiquer un parti pris
chargé de peintures de l'époque de la réforma de repousser les réformes projetées par le con
tion ; on y voit des papes et des évoques préci cile ; elle n'arrêta point le cours des délibéra
pités dans les flammes de l'enfer. La Bibliothèque tions, et les décrets rendus dans les sessions
renferme beaucoup de manuscrits et de corres suivantes eurent pour but de mettre l'autorité
pondances des premiers réformateurs. Les costu du concile à l'abri des attaques dont on le sup
mes du canton ne sont pas aussi jolis que ceux des posait menacé. Une correspondance s'établit à
très parties de la Suisse. Les femmes se distin ce sujet entre le cardinal du Julien et le pape ,
guent par une toilette assez soignée , elles tres qui envoya même à deux reprises différentes des
sent leurs cheveux, et les jeunes filles laissent députés à Bâle; mais les négociations ne firent
flotter les leurs. qu'aigrir les esprits. Le pape fut sommé de ré
Les ruines d'Augusta Rauracorum sont in voquer la bulle de dissolution , et un délai lui
contestablement les plus belles que l'antiquité fut accordé, passé lequel on se proposait de pro
romaine nous ait laissées. En certains endroits, céder contre lui par contumace. Cet ajournement
les murailles d'enceinte sont encore entières , renouvelé plusieurs fois, permit aux princes
mais il n'en reste qu'un seul côté. Le théâtre est chrétiens d'intervenir officieusement dans la
d'une grande beauté. On peut lire la description querelle. Grâce à cette intercession , le pape ,
de tous ces monumens dans un petit ouvrage de après avoir toutefois cassé de son autorité les
M. Parent Béai. On visite avec plaisir les beaux décrets portés contre lui , contre les cardinaux
jardins d'Arlesheim et le vieux château d'An- et contre le Saint-Siège, finit, pour le bien de
genstein, dans la vallée de la Birse. Dans ce châ la paix , par révoquer la bulle de dissolution et
teau, qui, à l'extérieur, offre toutes les appa autoriser la continuation du concile.
rences de la dégradation, un riche propriétaire Cependant les pères ne négligeaient pas la
a établi des appartements fort élégants où il de question du rétablissement de la foi en Bohème.
meure avec sa famille.... Bâle est la patrie du Munis d'un sauf-conduit , les députés des hus-
célèbre mathématicien Euler. P. de Golbéhy. sites étaient venus à Bâle et avaient été admis à
BALE (concile de). Cette assemblée, ou discuter librement les principaux articles de
verte le 23 juillet 1431 sous le pontificat d'Eu leur créance. Mais, comme toujours, les disputes
gène IV , fut présidée d'abord par le cardinal n'amenaient aucun résultat , et les députés al
de Saint-Ange , plus connu sous le nom de car léguaient , pour ajourner toute conclusion , les
dinal Julien , puis par le cardinal d'Arles , et limites de leurs pouvoirs; il fut donc décidé
BAL ( 504 ) BAL
qu'ils retourneraient à Prague accompagnés de de faciliter la tenue du concile à Avignon , di
quelques délégués du concile. Ceux-ci firent verses indulgences , et autorisé à cette occasion
pendant longtemps dans cette ville d'inutiles ef la perception d'une sorte d'impôt. Le pape , à
forts pour terminer le différend à l'amiable. l'avis duquel se rangèrent les Grecs, demandait
D'activés négociations se poursuivaient à cet ef qu'on s'assemblât dans une ville d'Italie. Des
fet , lorsque la guerre éclata de nouveau en Bo galères furent expédiées à Constantinople , la
hème. Les hussites furent vaincus, et c'est à la unes par Eugène IV et les autres par le concile.
suite de leur défaite que se tint , en 1436 , l'as L'empereur Jean Paléologue , le patriarche et
semblée d'Iglaw,où les Bohémiens, en présence leur suite s'embarquèrent sur les galères du
de l'empereur Sigismond , conclurent avec les pape.
délégués du concile , un traité aux termes du On accusa à Bàle les envoyés du pape d'avoir
quel les fidèles de Moravie et de Bohème furent usé de supercherie pour obtenir ce résultat , el
autorisés à recevoir la communion sous les deux l'irritation du concile ne tarda pas à se manifes
espèces, moyennant certaines conditions qui ter. Dans la vingt- sixième session, un acte
laissaient la foi sauve. Cet arrangement mit fin d'accusation fut dressé contre Eugène IV , que
aux troubles religieux et civils , qui désolaient l'on cita à comparaître dans un délai de soixante
lepaysdepuisvingt-deuxans. (Voy. Hussites.) jours. Le pape répondit à cette citation , par une
Des tentatives furent également faites par le bulle qui transférait le concile à Ferrare. Ces
concile de Bàle pour la réforme de l'Église. deux actes furent le point de départ d'une scis
Quatre décrets furent rendus sur ce sujet dans sion violente entre la cour de Borne et le concile.
la vingtième session : le premier renferme des L'assemblée de Ferrare fut frappée par les pères
mesures sévères contre les ecclésiastiques vi de Bâle d'un décret qui la déclarait illégitime;
vant dans le désordre ; le second précise les ef Eugène IV, accusé et poursuivi par contumace,
fets de l'excommunication , quant au commerce fut déposé ; on créa, pour procéder à la nomina
qu'il est défendu d'entretenir avec les personnes tion d'un autre pape, des électeurs qui fixèrent
frappées de cette peine ecclésiastique ; le troi leur choix sur Amédée de Savoie , et celui-ci,
sième règle les cas où un interdit peut être lancé après quelques difficultés , accepta la mission
contre une ville tout entière ; enfin le quatrième qui lui était offerte, prêta serment et prit le nom
proscrit les appels interjetés devant une juridic de Félix V. De son côté, Eugène IV rendit un
tion supérieure , avant la décision des premiers décret contre tous les actes du concile, dent il
juges. Dans la session suivante furent rendus : prononça la nullité, et contre les personnes qui
un décret sur la possession des bénéfices ; plu avaient pris part à ses récentes délibérations,
sieurs autres sur la célébration de l'office divin , et qui toutes furent excommuniées. Aux termes
et le célèbre décret qui supprimait les Annates de la bulle de translation , Eugène IV maintint
(voy. ce mot) , et qui souleva une vive opposi en même temps le concile à Ferrare, puis à Flo
tion de la part des légats du pape. Diverses pro rence, où il l'avait de nouveau transféré.
positions extraites d'un livre d'Augustin de Ces divisions ne tardèrent pas à affaiblir l'au
Roma , archevêque de Nazareth, contenant de torité morale du petit nombre des évéques qui
graves erreurs sur les conséquences de l'union restaient à Bâle. Le cardinal Julien avait quitté
des deux natures dans la personne de J.-C, cette ville , et beaucoup de pères s'étaient éga
furent condamnées dans la vingt-deuxième ses lement retirés. Une maladie contagieuse qui
sion. Celle qui suivit fut consacrée à régler le sévit alors, contribua à augmenter les défec
mode d'élection des papes, le nombre des mem- tions. Il faut ajouter qu'à partir du moment où
mbres du sacré collège , les conditions requises l'on avait procédé contre le pape, les princes
pour être élevé au cardinalat , et enfin la nomi chrétiens , les corps enseignants et les Eglises
nation aux bénéfices. particulières qui avaient soutenu le plus ouverte
Pendant ces travaux du concile, des négo ment les premiers efforts du concile, s'en étaient
ciations avaient été suivies avec les Grecs pour détachés peu à peu ; en sorte qu'il n'était plus
déterminer le lieu où il serait traité solennelle considéré que comme une assemblée schismati-
ment de la réunion des deux Églises. Les pères que. Félix V ne put obtenir assez de crédit pour
voulaient que ce fût à Bàle, à Avignon ou en contrebalancer sérieusement l'autorité dEu-
Savoie ; ils avaient même accordé , dans le but gènelV. Toutes ces circonstances contribuèrent
BAL ( 505 ) BAL
à amortir l'ardeur des plus exaltés, qui finirent le-Grand. Ils eurent un gouvernement indépen
par consentir à la convocation d'un concile, dant. L'Espagne étant tombée dans les mains
dans un autre lieu. Le pape Eugène venait en des Vandales et des Huns , ces îles suivirent
core de transférer à Rome le concile de Flo son sort , comme elles le firent aussi plus tard ,
rence ; les pères de Bâle transférèrent leur as lors de la conquête des Maures. Vers la fin du
semblée à Lyon ou à Lausanne, et cessèrent de xme siècle , elles furent annexées à la couronne
se réunir. Les seuls décrets importants et étran d'Aragon. L'île de Minorque fut prise deux fois
gers au schisme , qui aient été rendus pendant par les Anglais dans le cours du xvme siècle,
le cours de ces divisions, sont 1° le décret de la mais toujours rendue à l'Espagne à la conclu
trente-sixième session sur l'immaculée concep sion de la paix. Ces îles sont montueuses , sur
tion de la Sainte Vierge ; 2» et celui de la qua tout celle de Majorque. On y trouve du marbre ,
rante-troisième , qui établit la fête de la Visi du granit , du jaspe , du porphyre , de l'ardoise
tation. et de la houille. Le sol en est généralement
Telle est en résumé l'ensemble des travaux du bon , et produit du vin , des olives , des fruits
concile de Bàle qui est considéré comme œcu et un peu de blé , mais pas en quantité suffi
ménique jusqu'à la dixième session , selon les sante pour la consommation des habitants , qui
uns , jusqu'à la vingt-sixième, selon les autres. sont obligés de tirer de l'étranger leurs grains
Mais il est constant que les décrets rendus dans et leurs bestiaux, en échange de vins, d'eaux-
les sessions suivantes n'ont par eux-mêmes au de-vie de qualité inférieure , d'étoffes grossières
cune espèce d'autorité. H. M. de laine et de fruits secs. On y fabrique de la
BALÉARES (îles). Ce sont cinq iles, dont poterie estimée. Quoique la côte soit très escar
trois assez grandes, nommées Majorque, Minor- pée , on y trouve des ports excellents. La capi
que et Ivice, et deux autres beaucoup plus pe tale des îles Baléares est Palma , située dans
tites , nommées Formentera et Cabrera. Elles file de Majorque. Cette ville possède une uni
sont situées dans la direction du N.-O. au S.-O., versité et passe pour avoir 34,000 habitants.
et occupent «in espace de soixante-quatre lieues Dans l'île de Minorque on remarque Mahon,
de long sur douze lieues de large, dans la ré ville forte et commerçante , avec un des plus
gion occidentale de la Méditerranée , et sur la beaux ports de l'Europe. J. ConEN.
côte orientale du royaume d'Espagne , auquel BALECIIOU (Jean-Jacques), naquit à
elles appartiennent. Ivice , qui est la plus rap Arles en 1715. Après avoir reçu à Avignon les
prochée de la terre ferme, se trouve à vingt premiers élémens de la gravure , il se rendit à
lieues du cap Nao. Majorque est à soixante-dix- Paris pour se perfectionner dans son art. Il fut
sept lieues N.-R. d'Ivice, et Minorque est sé chargé de graver leportraiten pied d'Auguste, roi
parée de Majorque par un détroit qui a dix de Pologne. Cette composition fit honneur à son
lieues de large. Le nom de Baléares vient, talent ; mais comme on l'accusa d'en avoir dis
dit-on , du grec biXï.a , lancer ; les Aborigènes trait quelques premières épreuves à son profit ,
se servant de la fronde avec une adresse dont il se justifia mal de cette infidélité , et éprouva
ils donnèrent de nombreuses preuves pendant en conséquence des désagréments qui le con
qu'ils servaient dans les armées de Rome et de traignirent de retourner à Avignon. Là il exé
Carthage. Les Carthaginois, conduits par Ilan- cuta ses trois estampes, les Baigneuses , le
non , se rendirent maîtres de ces îles et y fon (Mme et la Tempête, d'après Vernet , et sa
dèrent les Mlles de Mapo (Mahon) et de Jamnon Sainte Geneviève, d'après Carie Vanloo. Il
(Ciudndela). Quand les Carthaginois furent chas mourut le 10 août 17C5. Peu de graveurs lui
sés d'Espagne, ces insulaires recouvrèrent leur sont comparables sous le rapport de la pureté
liberté, et ils l'employèrent à faire le métier de du burin ; on lui reproche toutefois d'avoir
pirates , qu'ils continuèrent jusqu'à ce qu'ils trop sacrifié la nature à l'art. Il excella dans
furent soumis par les Romains , sous le consul les sujets qui ne demandent que de la force
Q. Métellus, qui fonda les villes de Palma et de et de la grandeur; mais il n'est plus le même
Pollintia . dans l'Ile de Majorque, et prit le sur dans ce qui n'exige que du goût et de la légè
nom de Baléarique. Ils firent partie après cela reté. C.
de la province tarragonaise depuis le règne de il VLEE (jean) , moine anglais , fut un des
Constautiu-le-Grand jusqu'à celui de Théodose- plus fanatiques disciples de Wiclef. Poussant
IUL ( 506 ) BAL
jusqu'à leurs dernières conséquences les erreurs tête et de son corps. Les cachalots sont les seuls
de sou maître, il remplit l'Angleterre de trou cétacés qui ressemblent aux baleines sous ee
bles et de désordres. A la tète d'une foule de rapport. Ce qui caractérise proprement le genre
fanatiques , il massacra plusieurs hauts fonc baleine est 1° l'absence complète des dents;
tionnaires du royaume, et força même le gou 2" une tête moins renflée en avant que chez les
vernement à traiter avec lui. Mais une réaction cachalots ; 3° une mâchoire supérieure eu forme
salutaire , due en grande partie aux efforts des de carène ou de toit renversé , garnie , sur cha
membres du clergé anglais, ayant enlevé au que côté , de lames cornées transverses , min
sanglant réformateur la plus grande partie de ces, serrées, effilées à leur bord, pour retenir
ses fanatiques adhérens, Balée fut pris en 1 381 , les petits animaux dont la baleine se nourrit;
et eut la tête tranchée. A. B. ces lames , à présent connues sous le nom de
BALEINE (sool.). Genre de cétacés ordi fanons , remplacent les dents de cette mâ
naires ou proprement dits , qui sont tout-à-fait choire ; 4° une mâchoire inférieure , dépounue
édentés. (Voy. Cétacés.) de fanons et de dents, et soutenue par deux arcs
Les caractères de la baleine sont : un corps osseux costiformes, recourbés en haut; cette
pisciforme, une queue horizontale, une peau mâchoire qui renferme une langue charnue très
sans poil , doublée d'un pauicule graisseux très épaisse , cache pendant l'occlusion de la bouche
épais , des narines ouvertes sur le front et deux toute la partie interne de la màchoiresupérieure
membres seulement , ce qui s'observcégalement et les fanons ; 5* des narines mieux organisées
dans tous les autres animaux mammifères , qui que cellesdes dauphins. Ces narines offrent quel
vivent constammentdans l'eau. Elle se distingue ques lames ethmoïdales et reçoivent des iilets
de tous ces animaux par le volume énorme de sa nerveux olfactifs ; 8° un caecum court.
Les espèces de baleines sont établies d'après trouve fréquemment sur la peau des baleines
l'absence ou la présence d'une nageoire dorsale franches , des mollusques de la famille des bal*
et d'après l'état lisse ou plissé de la peau du nes qui , après s'être attachés à la surface du
ventre. corps de ces animaux, pénètrent dans l'épaisseur
La première espèce est connue sous le nom de du derme et se multiplient comme sur un corps
baleine franche (Bal. mysticetus, Lin., «pstXzïva brut sous-marin.
d'Aristote et d'^Elien ). C'est la seule qui soit Un groupe d'espèces de baleines est caracté
dépourvue de nageoire sur le dos. Sa taille est risé par une nageoire dorsale. Ce sont les balé
d'environ 70 pieds. Elle se nourrit de très petits noptères (Lacép.). Ce groupe se subdivise en
mollusques. Ses excrémens sont, ditG.Cuvier, balénoptères à ventre lisse et en balénoptères à
d'un beau rouge qui teint assez bien la toile. On ventre plissé.
BAL ( r»o- ) BAL
L'espèce à ventre lisse qui se rappoche le plus bords , ajoute que les marchands asiatiques en
de la baleine franche est le Gibbab des Basques avaient recherché la graisse , pour en frotter
(Balœna pli v sains, Lin.), qui est très commun leurs chameaux afin de les préserver de la pi
dans nos parages. Ce cétacé, aussi long mais qûre des mouches. Si Pline avait su que l'on
moins épais que la baleine franche, est évité par tirât de la dépouille de ces poissons quelque
les pêcheurs , parce qu'on en retire peu de lard, autre avantage , il n'aurait pas manqué d'en
parce qu'on le prend difficilement et que la vio faire mention. (Pline, lib. xxn, c. 32.)
lence de ses mouvemens, lorsqu'on l'attaque , le Il parait que les Biscaïens du cap Breton ,
rend dangereux aux petites embarcations. près de Bayonne, et les Normands , furent les
Les balénoptères à ventre plissé sont aussi premiers qui s'aventurèrent à la pèche péril
appelés Rorquals ou baleines à tuyau, à cause de leuse de la baleine. Ils s'y livrèrent d'abord
ces plis. C'est la peau du dessous de la gorge et presque sans aucun but d'intérêt. Peu à peu
de la poitrine qui offre ces plis longitudinaux , ils apprirent à utiliser leur proie; mais bientôt
sous forme de rides très profondes. Cette par les baleines , ainsi poursuivies , abandonnèrent
ticularité d'organisation à l'extérieur , rend ces parages, et leur nombre diminua sensible
cette région du corps des Rorquals susceptible ment.
d'une grande dilatation pour un usage encore Les premières pêches des Biscaïens furent
inconnu. bien différentes de celles que l'on a faites dans la
On connaît deux espèces de balénoptères à suite, et qui se pratiquent encore aujourd'hui.
ventre plissé , savoir : la jubarte des Basques Alors on attirait la baleine par des appâts fixés
(Bal. boops, Lin.), qui est plus longue que la à des hameçons , et des outres attachées à l'autre
baleine franche et aussi dépourvue de lard et extrémité de la ligne indiquaient la route que
aussi dangereuse que le Gibbab ; et le Rorqual l'animal prenait pour se soustraire aux poursui
de la Méditerranée (Bal. musculus, Lin.), qui tes des pécheurs. Quand l'animal reparaissait à
diffère très peu de la jubarte. Lt. la surface de l'eau, on l'attaquait avec des ja
BALEINE (Pèche de la). Il paraît pres velots à deux pointes, lancés de barques légères
que certain que les peuples anciens ne firent embossées autour de lui, jusqu'à ce qu'enfin
point la pèche de la baleine ; les Hébreux , d'a il expirât.
près ce passage de Job : An extrahere poteris Les baleines étant devenues rares vers les
Leviathan hatno , et /une ligabis iinguatn cotes de la Gascogne et de la Bretagne, les
ejus?.... , auraient regardé comme impossible Basques jugèrent qu'elles devaient avoir des
la capture des poissons monstrueux. Les Grecs retraites lointaines , d'où elles sortaient tous les
en avaient peur dans leurs voyages maritimes , ans, et résolurent d'aller les y attaquer. Ils ar
et Néarchos dans son expédition , loin de cher mèrent donc des vaisseaux pour une longue
cher à prendre les baleines, les effraya, au expédition et se dirigèrent vers les mers incon
contraire , par le son bruyant de sa musique nues de l'Amérique. Quelques écrivains pré
militaire. tendent qu'ils arrivèrent aux lies de Terre-
Les Romains ne furent ni plus hardis ni plus Neuve et à la terre ferme du Canada, et qu'en
industrieux que les Hébreux et les Grecs. Linné l'année 1492, ils firent des rapports à Christo
rapporte , comme une merveille , le spectacle phe Colomb sur le résultat de leur voyage, ce
que l'empereur Claude donna au peuple romain qui engagea ce marin à tenter la découverte du
d'une sorte de combat contre un monstre marin nouveau monde. Mais d'autres auteurs, ne vou
échoué au port d'Ostie. lant pas laisser à la France une si grande part
Il n'est pas étonnant que les anciens aient dans la découverte de l'Amérique , assurent
négligé cette pèche, devenue plus tard une que la première pèche des Biscaïens dans les
branche si productive de l'industrie; car ils ne parages de Terre-Neuve, est postérieure à l'an
connaissaient pas l'utilité de la baleine. Juba , 1 192 , et n'a eu lieu qu'en 1504.
roi de Mauritanie, écrivant au jeune prince Quoiqu'il en soit, il est certain que les pé
Caîus César, flls d'Auguste, qu'on avait vu en cheurs français qui pénétrèrent jusqu'à l'Océan
Arabie des baleines de 600 pieds de long et de boréal et jusqu'au Groenland , donnèrent une
360 pieds de large, qui , remontant, de la mer, nouvelle impulsion à la marine de toutes les
un fleuve d'Arcadie, avaient échoué sur ses puissances qui armèrent peu après pour la pêche
BAL ( 508 ) BAL
de la baleine. Les Anglais profitèrent surtout fanons, un total de 2,495,020 florins, tandis
du déclin de la marine basque , pour s'établir que le produit général des pêches exécutées dans
en rois dans les mers du pôle. Ils chassèrent la mer du Groenland, par les divers peuples
même les Hollandais du Spitzberg, que ceux-ci du nord de l'Europe ne montait qu'à 3,784,490
venaient de découvrir dans une de leurs expé florins.
ditions ; mais grâce aux efforts de la Hollande , Les Américains, de leur côté, se sont livrés
ils furent bientôt forcés de conclure une conven avec beaucoup de succès à la pêche de la ba
tion amiable. Ce fut alors que les Danois, les leine , et ils sont parvenus aujourd'hui à sur
Suédois, et les populations de la Baltique, pri passer les Anglais. On avait déjà signalé des
rent part à la grande exploitation. On se parta baleines vers les régions équatoriales , vers le
gea les stations et les baies où les baleines se re pôle antarctique, le détroit de Magellan, les
tiraient le plus fréquemment. Mais comme on Malouines, et même dans les mers du Sud ; ce
reconnut que les morues y étaient encore plus furent les Américains qui suivirent les baleines
abondantes que les baleines , on se livra plus et les cachalots du nord au sud , des côtes du
particulièrement à la pêche de ce dernier pois Massachussets dans les eaux du cap Vert, des
son. Les Biscaïens ruinés dans leur marine , ne iles Açores, sur la côte sud-ouest de l'Afrique,
s'entendirent plus entre eux ; quelques uns le long des côtes du Brésil et auprès des iles
avaient quitté les côtes du Groenland, pour Falkland.
aller pêcher plus tranquillement vers l'Ile de Enfin, la découverte des terres australes et
Finlande sur les plages de Sarde, où ils trou les relations plus fréquentes avec les mers des
vèrent cette sorte de baleine qui a pris depuis Indes ayant fait connaître l'existence de la ba
le nom de nord-coper ou de sarda, qui est de leine dans les diverses parties de l'Océan aus
même taille que la baleine franche , mais à mu tral , la pêche s'établit à la baie de Sainte-Hé
seau plus effilé, à formes plus sveltes et plus lène , au cap de Bonne-Espérance : les baleiuiers
agile dans ses mouvemens. Bebutés encore des divers peuples de la terre, sillonnèrent la
dans ces contrées par les dangers trop grands mer en tous sens, contribuant ensemble aux
qu'ils y couraient , ces Biscaïens allèrent établir nombreuses découvertes qui eurent lieu , et aux
leur pêche dans le détroit de Davis, vers l'Ile importants perfectionnements qui se firent dans
d'Insao, où abondaient encore la serda et les la marine.
grandes-baies. Depuis les brillantes entreprises des Bas
Le reste des marins Biseayens ou Basques se ques , la France avait cessé de figurer avec éclat
mit à ia solde des Anglais et des Hollandais, dans les pêches de la baleine, sans cependant
qui, d'abord se les disputèrent et les prirent, l'abandonner entièrement. Sous Louis XIV,
pour ainsi dire, aux enchères. On pénétra aussi Bayonne, Saint-Jean-de-Luz, le Havre et Dieppe
avant qu'on le put dans la mer du Groenland, fournirent quinze ou vingt vaisseaux baleiniers,
et l'on rejoignit en même temps les pécheurs dont le succès inspira aux armateurs le désir
du détroit de Davis. Toutes les nations, rivali de faire de plus forts armements.
sant d'émulation et d'efforts, tentèrent de nom Maintenant Nantes et le Havre exploitent
breuses expéditions. Les pêches étaient alors avec assez d'ardeur et de prospérité la pêche de
abondantes et les baleines d'une grosseur qui la baleine, et l'on peut espérer que le baleinier
nous parait aujourd'hui extraordinaire; mais les français reprendra peu à peu un rang distingué
Hollandais , bien servis par les marins gascons parmi les pêcheurs des mers du Sud.
et bretons , acquirent et conservèrent dans Depuis le xi" siècle, où l'on employait la ligne
cette exploitation, une prééminence que les pour la pêche de la baleine, les divers moyens
Anglais avaient obtenue longtemps aupara mis en usage par les pêcheurs ont subi plu
vant. Ce fut surtout pendant l'année 1697 sieurs modifications , mais non pas peut-être en
qu'ils se distinguèrent ; ils avaient envoyé sur aussi grand nombre qu'on pourrait le penser.
les côtes du Groenland, 129 vaisseaux, qui Les Groënlandais, à défaut de longues ligne*
prirent 1225 baleines, et, ces baleines four et de bâtiments capables de résister par leur
nirent 41,334 tonneaux d'huile, 25,100 quin masse et la force de leurs voiles aux efforts
taux de fanons , ce qui rapporta , à 30 florins le de la baleine , imaginèrent un expédient dont
tonneau d'huile et à 50 florins le quintal de les Romains avaient eu quelque idée; ils atta«
BAL ( 509 ) BAL
chèrent des outres de peau de phoque à des se débarrasser des harpons , la baleine n'eût
harpons et suppléèrent par le nombre à la force plus de force pour plonger. Toutes les bar
des machines ; on les vit parés de leurs habits ques s'en approchaient , et on achevait de
de fête , hommes , femmes , enfants , sur leurs la tuer à coups de lance que l'on dirigeait au
légers kajacks, s avancer jusqu'en pleine mer, tant que possible entre ses côtes. Lorsqu'on
et là , sans crainte d'être submergés , assaillir la était assuré de sa mort , on la remorquait et on
baleine d'une grêle de harpons balonnés qui l'amarrait sur un des côtés du navire pour la
d'abord gênaient les mouvemens de l'animal et dépecer.
les rendaient enfin impossibles. Quelques hom Le harponnage à la main présentait de si
mes se jetaient ensuite à la nage, et, soutenus grands dangers qu'on chercha à les éviter au
par leurs vêtements de peaux imperméables, tant que possible. On employa d'abord pour
ils commençaient, au milieu des flots, le dépè lancer le lim-pon une sorte de mousquet au
cement qu'ils terminaient ensuite sur le rivage. moyen duquel il était projeté plus loin. Les
Sur d'autres points des côtes américaines, les Anglais essayèrent de le lancer avec le canon ,
naturels cernaient ces animaux avec leurs in mais après tous les essais praticables on en re
nombrables canots d'éeorce, les effrayaient par vint au lancement du harpon à la main; seule
leurs cris, leur musique discordante, le bruit ment les barques s'éloignèrent moins du navire,
de leurs rames , et parvenaient ainsi à les faire et sitôt que le harpon était lancé , l'on faisait
échouer sur le rivage ou sur les banes. D'au force de rames pour rejoindre le bâtiment , en
tres, plus intrépides, se jetaient à la nage, laissant glisser librement la ligne sur l'étrave ,
gagnaient la baleine, lui enfonçaient à coups de jusqu'à ce qu'on pût l'amarrer au cabestan, au
maillet une forte cheville dans l'un des évents, au risque de casser la ligne et de perdre le har
plongeaient avec elle, et lorsqu'elle reparais pon avec la proie. Lorsque la baleine reparais
sait, répétaient la même manœuvre sur l'autre sait, on la poursuivait à coups de fusil ou de
évent; la baleine, suffoquée par le défaut d'air, pierres. Telle est à peu près la méthode que l'on
ouvrait la gueule pour respirer et engloutissait emploie encore aujourd'hui pour les deux es
une immense quantité d'eau , tant à lu lin qu'elle pèces de pêches qui ont lieu, l'une dans les ré
expirait asphyxiée. gions boréales, pendant la courte saison, alors
Quant aux nations européennes, toutes ont que la fonte des glaces permet aux navires de
fait à peu près de la même manière la grande fréquenter les côtes du Groenland , du Spitz-
pêche. Lorsqu'une baleine était aperçue par la berg , le détroit de Davis et la baie de Raffin ;
vigie, on mettait en mer les chaloupes, dont l'autre, celle du sud, qui est beaucoup plus
chacune était montée par six hommes d'équi suivie, parce qu'elle offre moins de dangers, et
page, et l'on forçait de rames sur l'animal. Un qui se fait sur la côte 0. d'Afrique à partir du
des plus forts et des plus habiles marins , monté vingt-septième degré de latitude S. jusqu'au
sur l'avant de la barque, tenait un épieu long seizième degré de longitude, en mai, juin,
de sept a huit pieds , et armé d'un harpon atta juillet, août, époques auxquelles les baleines
ché à une ligne, et le lançait avec force sur la viennent mettre bas sur les bas-fonds sablon
baleine, en évitant de frapper sur les parties neux de ces parages.
osseuses de la tête. La baleine se sentant bles Vers la fin de septembre, les baleiniers se
sée, fuyait sous l'eau , entraînant la ligne avec portent à l'ouest du cap de Bonne-Espérance;
elle; on la laissait ainsi dériver, raboutant suc la pêche y dure trois mois; les baleines qu'on y
cessivement les lignes filées à bord et disposées pêche sont très-grosses et donnent jusqu'à 70 et
de manière à les pouvoir larguer sans encom 80 barils d'huile. Sur les côtes de Patagonie , la
bre; elle fuyait ainsi souvent de toute la lon pêche se fait depuis le trente-quatrième degré
gueur de cinq à six lignes ; mais obligée de re de latitude S. jusqu'à quarante-huit et quarante-
monter à la surface pour respirer , le navire neuf degrés, à la hauteur des îles Falkland ; la
signalait son arrivée, au moyen d'un gaillar- mer dans ces parages est dure à tenir; le froid
det, à la barque la plus voisine du point où elle y est rigoureux et la navigation difficile et dan
reparaissait, et on tâchait alors de lui lancer gereuse, mais les baleines y donnent jusqu'à
un second harpon. On répétait cette manœuvre 100 barils ; il suffit de trente captures pour une
jusqu'à ce crue, se consumant en efforts pour cargaison complète. L. D.
BAL ( SIO ) BAL
férieure
entre
sons.
le verseau
HALEINE
le
Laverseau
dutête
et
taureau
l'atelier
deet
{astron.).
lal'éridan
,baleine
etdu
la queue
sculpteur.
, Constellation
au-dessous
touche
se termine
laCette
partie in- |ji par Persée, et ensuite placé au ciel par Nep
dessituée
entre
pois-
con
tune. D'autres racontent que Laomédon, roi
des Troyens, s'étant fait aider par Neptune pour
bâtir la ville de Troie , et lui ayant refusé la ré
compense qu'il lui avait promise , ce dieu en
stellation a une étendue d'environ 52 degrés, et voya une baleine d'une grosseur extraordinaire
met par conséquent près de trois heures et demie qui souleva les eaux de la mer, et inonda les
à passer au méridien. Elle contient environ une campagnes. Laomédon, pour apaiser Neptune,
centaine d'étoiles comprises entre la seconde et consulta l'oracle, qui lui ordonna d'exposer et
la septième grandeur ; mais il y en a peu de de sacrifiera la baleine sa fille Hésione, qu'il
belles. Deuxseulement a et {5 sont de seconde ou aimait beaucoup; mais Hercule délivra la prin
troisième grandeur. Il y en a une qu'on nomme cesse , en se jetant tout armé dans la gueule du
périodique, et qui présente un phénomène des monstre, où il fut englouti, et d'où il sortit au
plus remarquables; c'est l'étoile o (omicron), bout de trois jours , après l'avoir tué. L'image
ou la 68e de la baleine, d'après Flamsteed. Elle de ce monstre fut placée dans le ciel par Nep
fut signalée pour la première fois a l'attention tune , et forma la constellation de la baleine.
des astronomes par David Fabricius, en 1596. Il est possible que cette partie de la fable re
Elle se montre environ douze fois dans l'espace lative au séjour d'Hercule dans le ventre de la
de onze ans , ou , pour parler plus exactement , baleine ait été empruntée à l'histoire de Jonas
elle a une période de 334 jours. Elle parait dans par les Grecs, qui ont pu en entendre parler
tout son éclat pendant 15 jours, et elle est alors dans le cours de leurs fréquentes relations avec
à peu près égale à une étoile de seconde gran les peuples du littoral de l'Egypte. L. D.
deur. Elle va ensuite en diminuant pendant BALEINIER (marine). Nom de l'homme
trois mois, ou à peu près, jusqu'à ce qu'elle de et du navire qui vont faire la pêche de la ba
vienne tout-à-fait invisible , et elle reste cinq leine. Le sceau de la ville de Fontarabie, qui
mois dans cette situation. Elle redevient en fait partie de la riche collection de sceaux ap
suite visible , et sa lumière augmente d'inten partenant à M. Depaulis , graveur en médailles,
sité pendant les trois autres mois de sa période. fait voir des baleiniers dans une pirogue aux
Il est à remarquer cependant qu'elle ne répand deux caps très relevés ; ils harponnent une ba
pas toujours le même éclat, et ne suit pas tou leine. La charte à laquelle pendait le sceau dont
jours exactement la même loi d'augmentation je fais mention ici était de 1335 , et l'on peut
ou de diminution : ainsi , elle augmente tantôt croire que la gravure de ce siy Muni fonte ar-
plus vite et tantôt plus lentement qu'elle ne di rabie, comme le porte l'empreinte que j'en ai
minue. Hévélius rapporte même qu'elle est res sous les yeux ( Fuente rabia , traité manuscrit
tée sans reparaître , depuis le mois d'octobre entre l'Espagne et la France , qui se trouve
1672 jusqu'au mois de décembre 1676. dans le volume côté 5956 A, des manuscrits de
La baleine était appelée en latin celus, leo, la Bibliothèque royale , provenant de la biblio
draco , ursus marinus, canis tritonis, mons- thèque de Colbert; ce traité est du xivc siècle),
trum marinum , pistris ; en grec, of<j>o;, xîjtoç, est d'un siècle antérieur. Ce monument n'est
yztaïv»; en arabe, kaitos, alkaitos, elketos. pas sans intérêt pour l'histoire des grandes pè
L'Urnnographie de Bayer remplace la baleine ches entreprises par les Basques et les Espagnols
par un dragon. Cet astronome prétendait que la pendant le moyen âge ; il montre, au reste, que
situation des étoiles exigeait cette substitution ; les choses se passaient à peu près au xme siècle,
mais la forme de la baleine a généralement quant à la poursuite du cétacé et à son harpon
prévalu. nement, comme elles se passent aujourd'hui.
L'origine de la baleine est tout-à-fait mytho La baleinière, la disposition des nageurs, la
logique, comme celle de la plupart des constella place du piqueur, la manière de gouverner du
tions. Les poètes donnent à cet égard deux ver chef de la pirogue, sont analogues à ce qui est
sions différentes : ilsdiscnt d'abord que Neptune, à présent. A. Jal.
s'étant pris d'amour pour Andromède , qui re BALÈS (pierre) , célèbre maître d'écriture
fusa d'accéder à ses vœux, envoya une baleine anglais, mort en 1600; on le dit inventeur de
pour la dévorer; mais que ce monstre fut tué la Tachygràphie (voyez ce mot).
BAL ( 511 ) BAL
BALESDENS (Jean), avocat au parlement tubuleux inférieurement, à limbe partagé pro
de Paris, secrétaire du chancelier de France, fondément en six divisions lancéolées et irrégu
protonotaire apostolique de Saint-Germain d'Al- lières , dont cinq redressées et la sixième réflé
laye , aumônier du roi , et enfin , membre de chie; étamine à filament élargi, pétaliforme,
l'Académie française, n'est guère connu que à deux lobes , dont le supérieur porte l'anthère :
parce qu'il eut l'honneur de concourir pour ovaire surmonté d'un style ensiforme, péta-
cette dernière place avec le grand Corneille. Or, loïde , muni en son bout supérieur d'un stigmate
comme Balesdeus était bien en cour et protégé linéaire : capsule à trois loges, contenant plu
du chancelier Séguier, et que Corneille, qui ne sieurs graines globuleuses.
fut jamais bon courtisan , n'avait guère que son Les principales espèces et variétés de ce genre
talent pour recommandation, l'académie fut sur sont les suivantes : l ° Le balisier canne d'Inde,
le point de choisir le premier, et l'eût peut-être qui se trouve dans l'Amérique méridionale et
fait , si son concurrent , se rendant justice avec l'Inde. Il a une racine tubéreuse comme tous
un tact qui lui évita les railleries de la postérité ses congénères, et assez semblable à celle de la
et lui valut les applaudissements de ses contem canne à sucre ; de là son nom de canna. Ces
porains, n'eût lui-même sollicité les suffrages racines sont spongieuses , et employées pour
pour l'auteur du Cid et de Polyeucte , qui fut faire des cataplasmes émolliens ; elles servent
nommé en effet. Deux ans après , la mort de même à la nourriture. Les feuilles sont en
Malleville laissa vide un fauteuil que vint rem gainantes, larges, glabres et nerveuses, et
plir Balesdens. marquées au bord d'un filet blanc ; une hampe
Outre quelques autres ouvrages médiocres, feuillce de trois pieds de hauteur qui est termi
Balesdens publia une traduction des Fables née en été par un épi de fleurs moyennes,
d'Ésope , avec des maximes morales et politi presque sessiles , d'un très beau rouge : il existe
ques , composées pour servir à l'instruction du une variété à fleurs rouges et jaunes. Les se
jeune roi Louis XIV. Il mourut en 1675. A. B. mences de la canne d'Inde mûrissent facilement
BALISE (marine). Aujourd'hui c'est une et servent à la reproduire; elles sont pisiformes,
marque placée sur un écueil pour l'indiquer de très-dures, et servent de balle de fusil. On en
loin au navigateur; autrefois c'était une Bouée retire une belle couleur rouge, et on en fait
(voy. ce mot). On balise les rivières, les entrées aussi des chapelets. Elles donnent de l'amer
des ports avec des tonneaux flottants , des cais tume à la chair des pigeons qui s'en nourris
ses , des bouées ou des perches plantées sur les sent. On cultive quelquefois ce végétal en serre,
endroits dangereux que l'ou veut signaler. Le mais à grands frais, et sans obtenir de très
droit de balise avait sa source dans les dépenses bons résultats. Voici le mode de culture le plus
que faisait l'administration pour établir et entre avantageux : on relève les racines avant les
tenir ces indicateurs des voies certaines. Le mot gelées et on les conserve comme celles des
balise n'est pas très anciennement usité ; on di dahlias ; au printemps , aussitôt que les ge
sait balyngue, baleingue ou balingue. Voici ce lées ne sont plus à craindre, on les replante
qu'on lit, art. 16 des Rooles d'Oleron : « Ets'ilz dans une bonne terre douce, bien abritée, que
sont tut en ung haven qui aseiche, ils sont tenuz l'on arrose abondamment , et on voit bientôt
a mettre baleingues as ancores qu'il apiergent lestages se développer et s'élever à 3 ou 4 pieds :
au plein » (et s'ils sont dans un havre où, à la alors elles se couvrent de feuilles et de fleurs
marée basse, les navires sont à sec, ils sont fort jolies; on peut aussi mettre le balisier
tenus à mettre sur leurs ancres des balises ou canne d'Inde en pots sur couche, le dépoter
bouées, afin que l'endroit de leur mouillage soit en juin et le placer dans une plate-bande au
apparent quand la mer sera pleine). A. Jal. midi. 2° Le balisier flasque , indigène de la
BALISIER, canna (botan.). Genre de Caroline : ses feuilles, d'un vert glauque, sont
plantes herbacées , de la famille des Amomées lancéolées; ses fleurs, peu nombreuses, mais
ou de celle des Cannées de Brown , élevé au les plus belles du genre, sont très grandes, et
rang de famille, celle des balisiers, par quel ses fruits mûrissent bien. On le cultive comme
ques botanistes. II est caractérisé ainsi qu'il le précédent : il craint moins le froid, mais il
suit : calice extérieur de trois folioles lancéo est un peu plus délicat.
lées , persistantes : calice intérieur monophylle, On a également donué le nom de balisier h
BAL ( 512 ) BAL
d'autres végétaux et même au banauler. C'est genre destinée à lancer des bombes sans le se*
probablement à ce dernier végétal qu'il faut cours de la poudre. L. D.
rapporter ce que dit le père Labat , qu'on peut BALISTE (ichtyol.). Genre de poissons dé
retirer plusieurs pintes d'eau de son tronc, ce signés par Astédi , sous ce nom dérivé de l'ita-
que font les chasseurs pour se désaltérer, en talien pesce halestra (arbalète) , à cause du
perçant sa tige. Citons encore le balisier gi rayon épineux et mobile de leur nageoire dor-
gantesque, fort beau , à fleurs jaune pâle , la sole. Ce genre, qui comprend maintenant plus
vées et tachetées de rouge ; même culture ; de cinquante espèces , avait été placé par Linné
Yécarlate, plus petit que les précédents, mais dans l'ordre des branchiostéges. Cuvierl'a rangé
se cultivant de la même manière. J. de M. M. dans la famille des Sclébodehmes , ordre des
BALISTAIRE. On nommait ainsi le soldat Plectognathes ( Voyez ces mots).
qui servait les Bahstes. Il y avait deux sor BALISTIQUE. Science du mouvement des
tes de balistaires : les uns jetaient des pierres corps pesans lancés en l'air suivant une direc
ou des javelots avec les mains; on les nommait tion quelconque. Cette science aujourd'hui n'a
mamibalistarii , ou simplement manubalista? ; plus seulement pour objet , comme chez les an
les autres faisaient usage de machines pour lan ciens, le jeu des machines de guerre; elle s'ap
cer leurs projectiles, et s'appelaient arrobalistœ; plique surtout aux armes pyrobalistiques de l'ar
quelques écrivains distinguent encore une troi tillerie et de l'infanterie, et sert à calculer les
sième classe , celle des arcubalislarii , dont il lignes de trajectoires , le tir des bouches à feu,
n'est guère question avant le règne de Constan l'effet des projectiles , etc.
tin. Les balistaires étaient rangés parmi les Il ne suffit pas que les corps lancés par les
troupes légères ( Végèce 1.2 ). [Voy. Abbalé- armes à feu parviennent au but. Quand un bou
tbiebs.) let touche un homme , à moins de cas extraor
BALISTE. Machine de guerre des anciens dinaire, il le tue ou le met hors de combat; mais
qui servait à lancer de grosses pierres. Ce mot dans une infinité de cas, pendant les sièges, par
vient du latin balista, dérivé lui-même du grec exemple , et en rase campagne , quand il s'agit
piïïttv , lancer. Selon Végèce , la balistc avait d'atteindre la défense d'un pont, d'un défilé ou
une telle puissance , que les objets lancés par les barraqueset maisons derrière lesquelles l'en
elle brisaient tout sur leur passage. Si nous nemi s'est embusqué , la force avec laquelle un
en croyons Vitruvc, cette machine n'était boulet frappe le but ne peut être indifférente.
qu'une arbalète d'une très-forte dimension, Pour obtenir à cet égard un résultat satisfai
dont la corde de renvoi était tendue à l'aide d'un sant, on procéda d'abord à l'épreuve des pièces
cabestan. Il y en avait qui lançaient à la dis par les portées ; mais ces épreuves furent insuf
tance de plus de 125 pas des masses de pierre fisantes, et firent même quelquefois prendre
pesant 300 livres. Josèphe assure qu'à l'aide de pour un effet simple ce qui était le résultat de
cette machine on abattait les créneaux , on dé plusieurs causes différentes. En 1740, M. de
truisait les angles des tours. Une pierre vint un Vallière cherchant à déterminer quelles étaient
jour enlever la tête d'^n homme placé à côté de les charges les plus avantageuses pour les piè
cet historien ; la baliste qui l'avait lancée se ces de 24 , en fit tirer une , le 31 août , avec des
trouvait à plus de 375 pas de distance. Pline charges augmentées successivement d'une livre
(vu, 56) attribue l'invention de la baliste aux depuis 8 jusqu'à 24 livres ; la pièce était assu
Phéniciens, d'autres l'attribuent aux Syriens. rée et pointée d'une manière fixe sous l'angle de
Tite-Live dit qu'au siège de Cartbage il y 45", tous les boulets bien calibrés, etc., etc.
avait trente-trois grandes balistes, et cinquante- La plus grande portée fut produite par la charge
deux de moindres dimensions. — Josèphe l'his de 1 6 livres ; celles qui en approchèrent le plus
torien écrit que lorsque l'armée romaine assié furent la charge de 15 livres, ensuite celle de
gea Jérusalem , il y avait quarante balistes. 1 3, puis celle de 1 4 ; enfin celle de 1 1 livres ob
L'usage des balistes se conserva jusqu'à la tint la plus faible portée. On en conclut que
découverte de la poudre. Guillaume de Poitou la charge de 16 livres était la plus avanta
(pag. 201) dit qu'on s'en servit à la bataille de geuse. Mais l'expérience fut renouvelée le lende
Hastings. Perrault, dans ses notes sur Vitruve, main dans des circonstances parfaitement sem
donne la description d'une machine du même blables, et les charges de 24, 13 et 9 livres
BAL (5 13 )De toutes les forces agissantes
BAL ou résistantes
donnèrent trois portées égales, de 2,500 toises,
vraisemblablement les plus fortes que jamais dont le concours produit les portées des bou
pièce de 24 ait fournies ; la plus forte portée fut ches à feu, la direction à donner aux projectiles
ensuite produite par la charge de 18 livres; et la vitesse à leur imprimer dépendent de nous,
vinrent ensuite la charge de 10 livres, et celle au moins en grande partie ; les autres sont hors
de 8 , la plus faible de toutes. Obligé d'aban de notre portée. Loin de pouvoir les maîtriser,
donner ses conclusions précédentes, M. de Val- nous ne les connaissons seulement pas : mais
Hère regarda comme démontré qu'il est indiffé nous sommes sûrs que, toutes choses égales
rent de charger une pièce de 24 avec 9 , 1 3 ou d'ailleurs, le boulet qui portera avec la plus
24 livres de poudre et que la vitesse est la grande vitesse aura aussi la plus grande portée,
j même , ce qui est une erreur ( d'Abcy , Théorie et conservera
les de la pièce;le plus
qu'ildeproduira
vitesse à le
distances
plus grand
égae
de l'artillerie). On voit donc que les épreuves
par les portées ne conduisent à aucune conclu effet parce qu'il aura la plus grande .quantité
sion positive. de mouvement; c'est donc à l'étude de la vi
Les portées sont le résultat de la force impri tesse que reçoivent les projectiles et à la recher
mée au boulet par la poudre, de l'angle que che des moyens propres à la modifier selon les
forme avec l'horizon la direction dans laquelle besoins, que l'on s'est surtout appliqué ; aussi
il part et des différentes résistances qu'il doit voyons-nous que depuis longtemps, les hom
vaincre pour suivre son mouvement. A ces trois mes instruits qui ont étudié l'effet des bouches
causes de variation dans les portées il faut en à feu, Robius, d'Arcy, Bezont, Lombard,
core en ajouter une autre, inconnue jusqu'à Borda, ont dirigé leurs vues exclusivement de
présent et par conséquent incalculable , mais ce côté; ils ont reculé les bornes de la balisti
dont les effets , observés depuis longtemps , ont que , et cette science a reçu un nouveau degré
été soumis par Lombard à des mesures précises; de précision par les travaux si précieux de Le-
c'est celle des déviations des boulets, dévia gendre, de Lagrange, de Poisson, etc., etc.
tions de la Tbàjectoibe ( voir ce mot ). Cette Pour déterminer la vitesse initiale, on a cher
force , pouvant agir sur les projectiles pour les ché à trouver quelle est la longueur de la bou
déranger de leur direction dans le sens vertical, che à feu la plus favorable pour une charge don
aussi bien que dans le sens horizontal , ajoute à née; on a reconnu que pour obtenir la plus
l'incertitude provenant de l'angle du départ, et, grande vitesse initiale, il faut que le rapport
à en juger par les effets prodigieux qu'elle pro de la longueur de la charge à la longueur du
duit quelquefois dans le sens horizontal , effets canon soit celui de 1 : 1,72 ; c'est ce qui a fait
qui ont été mis au grand jour par les expérien abandonner les pièces allongées. On a trouvé
ces faites à La Fère en 1771 et 1790, et par ensuite, en expérimentant sur des canons de
celles de II ut ton, on doit croire qu'elle peut en longueur convenable, que les vitesses initiales
produire de très considérables sur la longueur sont entre elles en raison directe des racines
des portées. Ces différentes causes peuvent tan carrées des quantités de poudre , et en raison
tôt se réunir pour produire un effet commun, inverse des racines carrées du poids des bou
tantôt se détruire en se contrariant les unes les lets ; ce dernier résultat n'est réel que dans cer
autres ; comme il est impossible de rien établir taines limites ; il faut encore expérimenter pour
de positif, on fut obligé de chercher un moyen chaque qualité de poudre la vitesse imprimée à
plus sûr que celui employé jusqu'alors. un boulet d'un poids connu par une charge éga
Galilée fut le premier qui s'occupa de la chute lement déterminée ; alors il est facile de calcu
des corps. Blondel, Bélidor, Maupertuis l'ont ler les vitesses initiales pour d'autres charges
suivi dans la carrière ; Newton trouva que la et pour d'autres boulets.
courbe d'un projectile lancé dans un milieu ré Ce fut Tartaglia, géomètre italien, qui le pre
sistant s'éloigne de la parabole ; Robius calcula mier rechercha la nature de la route décrite
la résistance de l'air sur le mouvement des par le boulet; il essaya de démontrer que ce
; corps lancés dans l'espace; mais les progrès les devait était nécessairement une ligne courbe ,
1 plus marquants de la science de la balistique hormis le cas où le boulet est lancé verticale
sont dus aux savantes recherches de Bernouilli, ment. Galilée fit l'application de ce problème à
développées plus tard par Euler. ses propres découvertes sur l'accélération des
Encyclopédie du XIX' siècle, t. IV, 33
BAL (814) BAL
graves et sur la composition des forces ; on sup serve légale d'un certain nombre de baliveaux.
posa longtemps que la résistance de l'air était Aux termes de l'ordonnance du 1" août 1827,
trop faible pour porter quelque altération au rendue pour l'exécution du Code forestier, cette
mouvement parabolique de la trajectoire. Mais réserve est fixée (art, 70) à cinquante baliveaux
Newton , ayant reconnu que la résistance au de l'âge de la coupe par hectare, à moins d'im
mouvement de la part d'un fluide est propor possibilité constatée aux procès -verbaux des
tionnelle à la densité de ce fluide et au carré de agens forestiers , chargés de désigner ces bali
la vitesse du mobile, il se proposa, et après veaux en les marquant de l'empreinte du mar
lui, les plus grands géomètres, de calculer, teau royal à ce destiné. Les opérations et règles
d'après cette hypothèse , la route du projec du balivage seront, au reste, traitées plus en
tile , qui , dans la supposition d'un milieu ré détail au mot Bois. J. de M. M.
sistant, prend le nom de courbe balistique. BALKAN ou Emitteh-dag (l'ancien Hœ-
Mais il est impossible de résoudre en toute mus), chaîne de montagnes de la Turquie d'Eu
rigueur le problème de la courbe balistique rope , située entre le 42e et le 43e parallèle de
dans l'hypothèse de Newton , on n'y arrive latitude N. , et entre les méridiens de 18» 54',
qu'approximativement. Ch. Hutton est parvenu et de 25° 33' 15" à HE. de Paris, et qui divise
à faire concorder le résultat de ses expériences les plaines du Bas -Danube des rivières qui
avec la solution du problème , en ajoutant à coulent vers l'Archipel au midi. Cette chaîne
l'expression de la résistance donnée par New commence sur les eûtes de la mer Adriatique
ton un terme proportionnel à la première puis- à la péninsule rocheuse de Sabioncello, vis-à-
puissance de la vitesse. (Voyez pour les expé vis de l'île de Curzola, et prend un caractère
riences de Baliste le mot Pendule.) très sauvage en entrant dans le pays habité
Les lecteurs qui voudraient avoir des notions par les Monténégrins. Son élévation augmente
plus étendues de la balistique, pourront con entre les provinces de Servie et d'Albanie,
sulter avec succès les ouvrages de Tartaglia et atteint son maximum dans les districts où
( Délia nova scienza ) , du père Mersenne , de elle prend les noms de Gliubotin , d'Argentaro
Bourne (Invention et secrets d'art militaire), et d'Egrisou. Le mont Orbélus ou Egrisou, situé
de Robert Anderson , de Blondel (Art de jeter près de la ville de Sophia , s'élève à plus de
les bombes) , de Newton (Principes) , de Huy- 8,000 pieds au-dessus du niveau de la mer. La
gens (Discours de la cause de la pesanteur), chaîne baisse ensuite graduellement , et se ter
de Bernouilli , de Bobius ( New principles of mine enfin sur les bords de la mer Noire, près du
gunnery), de Hutton (Nouvelles expériences cap Eminéh ; cette dernière partie s'appelle plus
d'artillerie) , de Martillière, de Montalembert spécialement le mont Balkan ou Eminéh-Dagh.
(Mémoires de l'Académie, 1755), de Legen- La chaîne du Balkan s'unit aux montagnes de
dre, de Lagrange et de Poisson , et les mémoires l'Europe centrale par deux chaînes secondaires:
de M. Piobert. L. D. les Alpes Dinariques , qui , séparant la Basse-
BALIVEAU (écon. forest.). Jeune arbre Hongrie de la mer Adriatique , vont se joindre
que l'on réserve lors de la coupe d'un taillis : il aux Alpes , et les montagnes de la Bulgarie ,
n'a que l'âge de celui-ci. On doit le choisir qui n'ont pas reçu de nom particulier, et qui se
d'une bonne essence, bien droit, mais assez rattachent aux monts Carpathes. Trois vastes
gros pour ne pas ployer sous le poids des nei chaînes secondaires se détachent du versant mé
ges : il est meilleur lorsqu'il provient d'une ridional des monts Balkans. La plus orientale,
graine que quand il est venu sur une vieille sou les monts Srrandschea, eu sort à 40 lieues envi
che. On doit conserver un nombre suffisant de ron du cap Eminéh et court vers le Pont-Euxin,
baliveaux , mais cependant ne jamais en exa sur les rives duquel elle forme les rochers du
gérer la quantité dans un espace donné; car, détroit de Constantinople. Le seconde quitte la
par cet excès , on nuirait à la pousse du recrû. chaîne principale, près des sources de la Maritza
Les baliveaux sont quelquefois réservés comme (l'Hèbre des anciens) ; celle-ci porte le nom de
porte-graines : alors le choix se trouve res Despoto-Dagh ; la plus occidentale enfin , qui est
treint , et on prend seulement le mieux , sans la plus considérable, sépare l'Albanie delaMacé-
s'attacher au parfait. On sait d'ailleurs que lors doiue et de la Thessalie ; elle se termine dans le
de l'exploitation des taillis, il y a lieu à la ré golfe de Lépante et au cap Surinam. Le pays si
BAL ( 515 ) BAL
tué entre les montagnes d'Albanie et la mer BALKIS. (Voyez Sjlbk.)
Adriatique , est sans contredit la région la plus BALLADE. Ce nom , donné à l'une de
montueuse de l'Europe. Il ne s'y trouve rien nos compositions poétiques les plus en vogue
qui ressemble à une plaine , et les vallées ysont jusques et y compris le xvi° siècle, vient d'un
fort étroites et fort tortueuses. vieux mot perdu baller, qui signifiait danser
Les richesses minérales des monts Balkans en s'accompagnant d'exclamations et de chants.
sont peu connues. Les mines d'or et d'argent De baller vint d'abord le mot bal, qui signifie
célébrées par les anciens sont aujourd'hui aban danse au son des instruments de musique, puis
données. On en exploite encore quelques-unes ballade. La ballade était à peu près ce qu'est
près de Kostendil ; il y a de riches mines de cui de nos jours la complainte. On la chantait sur
vre près de Schumla. On trouve aussi dans ces les places , dans les rues et les carrefours. Pri
montagnes du fer, du plomb, du sel gemme et mitivement elle se composait de refrains qui re
du marbre. J. Cohen. venaient après plusieurs strophes, à intervalles
BALKH , ville du royaume de Bokhara, à mesurés , et c'est en chantant ces refrains que
dix lieues environ de la rive méridionale de les chanteurs exécutaient leurs danses et leurs
l'Oxus, et à 1,700 pieds au-dessus du niveau de gambades. L'origine de la ballade se perd dans
la mer. Cette ville, construite sur une pente la nuit des temps. Un trouvère français en fut-
douce qui descend vers la rivière , est bien dé il l'inventeur, ou bien ne s'établit-elle chez nous
chue de son antique splendeur. Les restes de que par le fait d'une importation? C'est ce que
sa magnificence couvrent un espace d'environ les recherches de M. Baymond et de tous ceux
huit lieues de circonférence; ils consistent en qui se sont occupés d'antiquité poétique , n'ont
ruines de mosquées et de tombeaux bâtis en bri pu encore établir d'une manière positive. Tou
ques séchées au soleil ; aucun d'eux ne remonte tefois on peut présumer, avec de grandes chances
au-delà du temps de Mahomet. Les habitants de probabilité, qu'elle a paru pour la première
es environs donnent à Balkh le surnom de Mère fois dans le Languedoc, ou dans les pays mé
des villes , et prétendent qu'elle a été bâtie par ridionaux circonvoisins. Ce qu'il y a de certain,
Caioumors, fondateur de la monarchie des Per c'est que. la vieille langue française avait pris au
ses. Cette opinion , du reste, est fort ancienne. patois occitanique le mot ballar dont elle avait
Après la conquête d'AIexandre-le-Grand , Balkh fait baller , que nous venons d'expliquer.
fleurit sous le nom de Zariaspa ou de Bac- La forme de la ballade et même sa pensée ont
tra , et sous une dynastie de rois grecs. Dans subi de fréquentes modifications. Primitive
le me siècle de l'ère chrétienne, Artaxerxès fit ment, comme nous l'avons dit, la ballade se
reconnaître son autorité dans une grande as composait de plusieurs couplets qu'interrom
semblée tenue à Balkh , qui demeura soumise pait un seul refrain. Le nombre des couplets, le
à l'empire persan et fut la résidence du chef nombre des vers qui entraient dans chaque cou
des mages jusqu'à l'époque où les sectateurs de plet, tout le rhythme, en un mot, était aban
Zoroastre furent renversés par les califes. Balkh donné au caprice du poète. La pensée de la bal
passa ensuite successivement sous la domina lade était circonscrite dans un cercle assez res
tion de Genghiskan, de Timur, d'Aurengzeb, treint de sujets. Elle servait d'épithalame, et
de Nadir, des Afghans, et elle est enfin tombée, escortait les flambeaux portés devant les jeunes
il y a seize ans , au pouvoir du roi de Bokhara, époux; elle rimait une vieille coutume supersti
qui la possède aujourd'hui. Le nombre de ses tieuse, ou bien elle relatait, comme de nos
habitants était réduit à 2,000, presque tous Af jours la complainte, et perpétuait dans les sou
ghans. Les environs de Balkh sont très fertiles ; venirs quelque drame sanglant et terrible.
les fruits y sont excellents, surtout les abri Plus tard, la ballade se renferma dans des
cots, qui y deviennent gros comme des pom ivgles plus précises et en même temps plus sé-
mes, et ne coûtent que 25 sous le mille; le ^ ères ; elle se composa de trois strophes et d'un
blé et les chevaux sont aussi fort renommés; envoi. La poétique de la nouvelle composition
mais malgré cela le roi de Bokhara ne retire exigeait que les strophesou couplets fussent faits
aucun revenu de la possession de cette ville. sur trois rimes, et finissent par les mêmes vers.
Elle est à 36° 48' de latitude nord et 64° 51' de Peu importait que les strophes fussent de huit,
longitude est. J. Cohen. dix, ou douze vers, que les vers fussent de huit,
BAL (6 iC> ) CAL
dix, ou douze syllabes; mais il fallait que 1rs ]!t ijiii de cour 1,1 hantise désire,
Strophes qui suivaient la première fussent tout- 11 n'est qu'un fui et fust-ce Parceval :
à-fait semblables à celle-ci , et pour le nombre Car on le toit souvent , dont j'ai grand ire ,
et pour la mesure des vers. L'importance de Très bien monté, puis soudain sans cheval.
l'envoi qui termine la ballade s'explique par le Averti suis que. tout bien y accourt ,
Et que d'argent on y trouve a suffire;
nom qu'il porte ; ce n'est qu'une espèce de dédi Mais je sais bien qu'il déflue et décourt ,
cace composée de quatre vers si les strophes Comme argent vif sur pieux de porphire.
sont de huit , de cinq lorsqu'elles sont de neuf, Argent ne craint son maître découdre ,
ou de dix et de six quand elles ont douze vers. Mais sYs jouit d'aller par mont et val
Le domaine de la ballade s'agrandit bientôt; En le rendant , pour en deuil le confire ,
elle attaqua toutes sortes de sujets et prit une Très bien monte , puis soudain sans cheval.
voix haute et flère. A la cour, à la ville, on ré Celui qui a l'entendement trop lourd
péta la ballade en renom ; François I" et Mar N'y réussit fors à souffrir martyre,
Et qui l'esprit a trop gai , prompt et gourd ,
guerite de Valois la prirent sous leur protection,
Y perd son temps ; malheur à lui se tire.
et le premier la fit asseoir avec lui sur le trône. Esprit moyen chevauche à lui retire :
Gaieté, tristesse, douleur, amour, la ballade Mais le danger est de ruer aval ,
servit d'interprète à tous les sentimens. Ce vaste Car la cour rend le mignon qu'elle attire
empire lui fut abandonné jusqu'au règne de Très bien monté, puis soudain sans cheval.
Louis XIV. ENVOI.
Dans une ballade à quatre rimes, le poète Prince , vrai est , on ne m'en pent dédire ;
Charles d'Orléans déplore ainsi la mort de sa Que la cour sert ses gens de bien et mal ,
dame : Et qu'elle rend l'homme, sans contredire.
Très bien monté, puis soudain sans cheval.
Las ! Mort , qui le fait si hardie
De prendre la noble princesse Clément Marot dans ses ballades, aiguise
Qui était mon confort, ma vie, souvent une épigramme vive et acérée. Voici le
Mon bien, mon plaisir, ma richesse; portrait qu'il trace d'un homme qui avait eu le
Puisque lu as prins ma maîtresse, malheur de lui déplaire.
Prends moi aussi , son serviteur :
Car j'aime mieux prochainement Pour courir en poste à la ville
Mourir que languir en tourment, Vingt fois , cent fois , ne sçai combien ,
En pasme, souci et douleur. Pour faire quelque chose vile ,
Frère Lubin le fera bien ;
las ! je suis seul , sans compagnie ; Mais d'avoir honeste entretien
Adieu , ma dame , ma lyesse , Ou mener vie salutaire ,
Où est notre amour départie; C'est à faire à un bon chrétien ,
Mais pourtant je vous fais promesse Frère Lubin ne le peut faire.
Que de prières et largesse
Pour mettre comme un homme habile
Morte, vous servirai de cœur,
Sans oublier aucunement , Le bien d'autrui avec le sien
Et vous regretterai souvent Et vous laisser sans croix ne grile,
En pasme, souci et douleur. Frère Lubin le fera bien.
On a beau dire : je le tien ,
ENVOI. Et le presse de satisfaire ,
Dieu ! sur tous souverain seigneur. Jamais il ne vous rendra rien,
Ordonnez par grâce et douleur Frère Lubin ne le peut faire.
De l'aine d'elle tellement ENVOI.
Qu'elle ne soit pas longuement
Pour faire plus tost mal que bien ,
En pasme , souci et douleur.
Frère Lubin le fera bien;
La ballade a quelquefois pour objet le déve Mais si c'est quelque bonne affaire ,
loppement d'une pensée philosophique et mo Frère Lubin ne peut la faire.
rale , comme dans celle-ci de Jean Bouchet, qu i On voit par les diverses citations que nous
vivait vers le milieu du xv« siècle : venons de faire , que dans ce petit poème la pen
Quand j'ois parler d'un prince et de sa cour, sée était entièrement sacrifiée à la forme. Le
Et qu'on me dit: fréquentez -y, beau sire; poète en entassant une certaine quantité de ri
Lors je réponds : mon argent est trop court ' " mes , s'inquiétait moins du sens qu'elles devaient
J'y dépendrais, sans cause, miel et cire, -•• '» produire, que de l'harmonie qui devait résulter
BAL ( 517 ) BAL
de leur concours ; il n'exécutait qu'un tour de quel ils envoient la balle, chacun à son tour,
force. Aussi les grands écrivains du siècle de en la saisissant à la volée ou au rebond ; tantôt
Louis XIV frappèrent-ils l'ancienne ballade de ils se divisent en deux partis , qui se lancent et
proscription et la chassèrent-ils du domaine la se relancent alternativement la balle, d'après
poésie. des règles qui varient suivant les temps et les
El romance des Espagnols, est à peu de chose lieux. La balle à deux murs se joue de la
près notre ballade. Elle a un caractère essentiel même manière sous une galerie ; la balle em
lement historique ; elle célèbre une action d'é poisonnée , avec laquelle les adversaires cher
clat , la bravoure d'un guerrier ; elle fait revivre chent à s'atteindre tour à tour, a été prohibée
un nom illustre, comme dans la romance du comme dangereuse. Les balles dont on se sert
roi Rodrigue, ou celle du Cid. La ballade alle dans les jeux de paume sont de petites balles
mande est essentiellement fantastique, elle fort dures et fort élastiques que les joueurs
place ses héros dans un monde imaginaire, ses se renvoient avec des raquettes. Elles forment
récits s'alimentent du merveilleux, comme dans l'objet de la principale industrie de Saint-An
la Lénora de Burger , où le funèbre refrain : drew, ville d'Ecosse, qui, dit Malte-Brun,
hurra ! la lune éclaire et les morts vont vite, en expédie jusqu'à 9,000 ballots par année.
retentit sans cesse à nos oreilles , et encore la Le jeu de la balle remonte à la plus haute an
grande revue, où le poète Sedlilz nous montre tiquité, et faisait, chez les Grecs, partie de la
Napoléon passant aux Champs-Elysées l'ins gymnastique. Les Indiens de l'Amérique sep
pection des soldats morts dans les longues et tentrionale l'aiment avec passion , et l'on en a
sanglantes guerres qu'il a soutenues. En lin , la vu quelquefois jusqu'à six cents jouer dans une
ballade anglaise est un poème populaire, si nous plaine pendant fort longtemps sans jamais lais
pouvons nous exprimer ainsi; elle perpétue ser tomber la balle. C'est d'ailleurs un exercice
dans les cabanes les vieilles chroniques , les salutaire, propre à donner de la force et de l'a
traditions des temps passés, les coutumes pater gilité aux membres. Victoh Ratieb.
nelles. Faite pour le peuple, elle ne sortait pas BALLE [tech.). Tampon de laine recouvert
du peuple, et c'est là que Shakespeare a trouvé d'une peau, et adapté à un manche de bois,
le sujet, la pensée première de ses plus beaux , dont les imprimeurs se servaient autrefois pour
de ses meilleurs drames. appliquer l'encre sur les caractères. Les balles,
L'ancienne ballade française, comme nous remplacées aujourd'hui par des rouleaux en gé
l'avons déjà dit , a été tout-à-fait abandonnée latine et en mélasse , qui ont l'avantage d'en
au commencement du xvn" siècle. Toutefois, crer plus vite et plus régulièrement, ne sont
notre époque , qui semble avoir pris à tâche plus employées aujourd'hui que dans un très
de réhabiliter les écrivains de la renaissance , petit nombre de maisons pour faire des épreu
a été signalée par quelques efforts en faveur ves d'essai.—Enfin , on appelle encore balle un
de la ballade. On n'a réussi qu'à demi à la faire gros paquet de marchandises enveloppé et cordé
revivre; ce que les modernes appellent de ce pour être transporté d'un endroit dans un autre.
nom, se rapproche pour le fond et pour la forme On dit dans ce sens une balle de café, une balle
des ballades anglaises. C'est une espèce de de coton. Victob Ratieb.
chronique en récit, avec un nombre indéter BALLE IVARME A FEU. Ce mot, dont
miné de strophes , coupées par un refrain régu l'origine grecque est bien connue , puisqu'on en
lier; il ne manque à la ballade moderne fran retrouve la racine dans les mots batiste et ba
çaise qu'un seul point de ressemblance avec la listique, a d'abord signifié projectile, soit de
ballade anglaise , c'est d'être populaire. petite, soit de grande dimension ; voilà pourquoi
A. Le Clerc. l'on dit encore : canon de tant de livres de bal
BALLE {à jouer). Tout le monde connaît les, quoiqu'on ne dise plus balle de canon.
ces petites pelotes rondes, faites de chiffons, Depuis l'abolition des arquebuses et des mous
de fils de laine ou de gomme élastique, et re quets, balle signifie positivement, globule de
couvertes de peau, qui servent aux plaisirs des métal , et ordinairement de plomb , qui se lance
petits enfants et des jeunes écoliers. Tantôt les à l'aide d'un pistolet, d'un fusil, d'une cara
joueurs, la main nue ou recouverte d'un gant, bine. 11 s'est fait des balles en fer fondu ; c'é
se rangent en ligue devant un mur coutre le taient celles des flibustiers et des braconniers ;
BAL ( 518 ) BAL
il s'en est fait d'étain , c'étaient celles des chas employant le mot paillettes ( paillette supérieure,
seurs à la grande bête, en Amérique. Il s'est paillette inférieure) pour désigner les deux en
fait des balles d'or pour tuer des monarques; veloppes florales immédiates , et celui de glu-
l'histoire de François Ier le témoigne. Il s'est mes ( glume supérieure, glume inférieure )
fait, eu Italie et en Espagne, des balles empoi pour les enveloppes situées au-dessous. Richard
sonnées , ou qu'on croyait l'être ; car si l'inten les appelait paléoles ( d'autres écailles ) ; la réu
tion des fabricants était de les rendre vénéneu nion des deux paléoles formait sa glumelle, qui
ses , il n'est pas avéré que l'effet répondit à était la ladicule de P. de Beauvois. Selon quel
l'intention. Une convention conclue dans la ques autres, cettedénomiuation de paillettes est
guerre de 1 74 1 , entre l'armée française d'Alle donnée àdeux petits corps hétéromorphes ayant
magne et l'armée autrichienne , sous le nom de souvent l'apparence glanduleuse, et situés à la
cartel de bonne guerre, stipulait qu'on ne tue base de l'ovaire, etc. Comme le lecteur pourra
rait ni hommes ni chevaux avec des balles d'é en juger, la science attend encore un nouveau
tain ou autres balles empoisonnées. La dimen Linnée pour trancher cette question, en préci
sion des balles de fusil n'est pas la même dans sant les termes.
toutes les armées; celles des Anglais sont plus Quoi qu'il en soit , le mot balle est généra-
fortes que celles des Français, qui ont été suc ment employé dans le langage usuel pour dé
cessivement de 24, 23, 21 , 18 à la livre, et signer l'espèce de pellicule en forme de calice,
qui sont , depuis 1830, de 19. Les schrapnels, qui renferme les organes sexuels des grami
invention moderne du siècle actuel, sont des nées, et qui se détache dans l'opération du
espèces de bombes vomissant des balles. Nous battage. On la donne aux bestiaux ou on l'em
avons vu des balles d'insurgés italiens , portant ploie à couvrir certaines plantes pour les pré
avec elles une spirale en fil de fer, pour rendre server de la gelée. Les chirurgiens préfèrent
le coup plus dangereux , plus déchirant, et em la balle d'avoine à toutes les autres substances
pêcher l'extraction de la balle. Le gén. Babdin. pour remplir les coussinets qu'ils placent an
BALLE ou Bale [bot. phan.). Tous les au dessous des parties malades, entre le lit et les
teurs qui ont écrit sur les Gbaminées {voyez autres pièces de pansement. Elle sert encore à
ce mot, ainsi que l'art. Fleur, botanique), faire des coussins pour les petits enfants et à
ont, chacun à leur tour , employé des tenues emballer les objets fragiles.
différents pour désigner les enveloppes florales BALLERINI. Il y eut deux frères de ce
de ces plantes, et ont pour cette raison jeté une nom. L'atné ( Pierre ) naquit à Vérone le 1 sep
grande confusion dans cette partie de la phyto- tembre 1698. Après avoir étudié chez les jésui
logie. On appelle balle, selon les uns, une sorte tes , il fut ordonné prêtre et professa les beHes-
d'involucre placé à la base de l'épillet, et ren lettres , puis la théologie dogmatique et morale.
fermant une ou plusieurs fleurs , composées En 1748 , il fut choisi pour faire partie, en
ordinairement de deux pièces de grandeur iné qualité de théologien archiviste, de la commis
gale, toujours placéesluneau-dcssusdclautrc; sion envoyée à Rome parla république deVenise,
pour Linnée, cette sorte, d'involucre était un dans l'affaire du patriarcat d'Aquilée. Il prit
calice; pour Palisot de Beauvois et d'autres, les une grande part aux discussions théologiques
deux pièces qui le composent étaient la glume sur le probabilisme et sur l'usure. 11 mourut
extérieure ou calicinale ; Richard leur donnait vers l'an 1764. Ses principaux ouvrages sont :
le nom de lepicène. La balle, selon Desvaux , 1° Il metodo di S. Agostino negli stitdj. ( Vé
est l'espèce de périgone qui enveloppe immédia rone, 1724, Rome, 1757 ,in-12, traduiten
tement les organes floraux des graminées; il français par Nicolle de la Croix , Paris , 1 760 ,
l'appelait glumelle, par opposition à la glume , in-12 ) ; 2° une histoire du probabilisme, sous
qui était pour lui la réunion des deux pièces in le titre de : Saggio délia storia del probabilis-
férieures que nous venons de citer. La glume simo nella descrizione del cangiamenio di
était pour Linnée une corolle , pour d'autres , la set insigni probabilisti in probabilioristi, etc.
glume interne, le périgone, etc. P. de Beauvois ( Vérone, 1736, in-8° ): 8° Sancti Zrnonis
lui donnait le nom particulier de stragvle. Ras- episcopi Vcronensis sermones, nunc prirnnm
pail, qui s'est beaucoup occupé des graminées, a quapareratdiligentia editi ( ibid. 1759, in-4*);
cependant encore embrouillé cette question, en 4" Sancti Antonini archiepiscopi florentinl
BAL BAL les montagnes de
( 510tète) d'une division dans
ordinis prœdicatorum svmma theologia(ibid,
1740 et 1741, 2 vol. in-fol. ); 5° Santi Ray- Bonda, où il se maintint, sans se faire remar
mundi de Pennafort , ordinis prœdicatorum quer par aucune action d'éclat.
summa(ibid. 1744, in-fol.); 6° Sancti Leonis Ferdinand ayant repris possession de son
magni R. pontificis opéra post Paschasii trône, Ballesteros fut nommé ministre de la
QuesneUii recensionem ad complures etprœs- guerre. Il quitta bientôt le pouvoir et se retira à
lantissimos manuscriptos codices ai Mo non Valladolid. En 1820 , il refusa de marcher con
consultos exacta , etc. (Venise, 1755 et 1756, tre Biego et Quiroga. Plus tard il prit part, en
2 vol. in-fol. ) ; 7° plusieurs traités contre l'usure qualité de vice-président , aux actes du gouver
et surtout 2 vol. in-4°, l'un intitulé : De jure nement provisoire. En 1822, il comprima un
divino et naturali circa usuram libri sex, etc. , mouvement insurrectionnel dans la garde
et l'autre : Vindiciœ juris divini et natura- royale. Quand l'armée française franchit les
lis , etc. (Bologne, 1747, in-4°). Pyrénées, en 1823, il prit le commandement
Jérôme, frère puiné de Pierre , naquit aussi des troupes destinées à défendre la Navarre et
à Vérone le 29 janvier 1702. Il embrassa égale l'Aragon , qui se montaient à 20,000 hommes ;
ment l'état ecclésiastique. Vivant dans la plus il ne put résister aux savantes manœuvres de
parfaite intimité, les deux frères entreprirent Molitor, et abandonna la ligue de l'Ëbre , pour
ensemble les éditions des ouvrages suivans : se retirer dans le midi , où il occupa une forte
1° Henrici Norisii Veronensis Augustiniani S. position sur les montagnes de Campillo et d'A-
R. E.presbyteri cardinalis opéra omnia pri ronas, dans le royaume de Grenade. Attaqué le
ment collecta et ordinata (Vérone, 1 732, 4 vol. 28 juillet, il fut obligé de battre en retraite
in-fol. ); 2» Joan Matthœi Giberti, episcopi après une résistance opiniâtre. Le 4 août, il ca
Veronensis, opéra nuncprimùm collecta, etc. pitula et remit à l'armée française toutes les
( ibid. 1732, in-4° ). Les éditions données par places fortes dont il était maître. Ferdinand
son frère, auxquelles il coopéra le plus , sont ayant annulé plus tard tout ce qui avait été fait
celles des Sermons de saint Zenon, de la sous le régime constitutionnel , Ballesteros pro
Somme de saint Antonin et des Œuvres de testa et dut chercher un asile en France. Il mou
saint Léon. Voici de quelle manière les deux rut à Paris, le 29 juin 1832. J. F. deL.
frères se distribuaient le travail : ce qui appar BALLET C'est ainsi qu'onappelle un genre
tenait plus particulièrement à la théologie et au de spectacle ayant pour principal élément , tan
droit canonique était du ressort de Pierre ; Jé tôt la danse pure , et alors le ballet s'intercale
rôme s'occupait de ce qui tenait le plus à la cri avec plus ou moins d'à-propos dans le cours
tique et à l'histoire. d'un drame lyrique , tantôt la danse combinée
BALLESTEROS, don Francisco, général avec le geste, et dansée cas , le ballet devient
espagnol, né à Sarragosseen 1770. Il entra de par lui-même un drame représentant une action
bonne heure au service militaire , et prit part complète , sans le secours de la parole ni du
aux premières campagnes contre la république chant. Outre ces deux formes de ballet, il y avait
française , en 1793. Après avoir perdu le grade encore autrefois la comédie-ballet, comme le
de capitaine, par suite d'une dénonciation, il Mariage forcé ou les Fâcheux de Molière , l'o-
obtint un emploi dans les douanes , dans les As- péra-ballet, comme YEurope galante de La-
turies. Lors de la guerre de l'indépendance, motte; mais la mode en est passée depuis long
Ballesteros fut placé à la tête du corps fourni temps , et nous ne connaissons plus que le ballet
par cette province. Battu en 1 81 0, par les Fran proprement dit et le ballet d'action, ou ballet-
çais, à Rouquillos, et en 1811 à Castillaja , il pantomime.
prit sa revanche aux journées de Cartama et Quant à l'étymologie du mot, les uns la trou-,
d'Ossuna. Plus tard, poursuivi par des forces vent dans le verbe français huiler , ou dans l'i
supérieures, il dut se réfugier sous les canons talien ballare, qui signifient danser. D'autres,
de Gibraltar. Lorsque les troupes espagnoles et parmi eux des savans tels que Ménage et Du-
furent placées sous les ordres du duc de Wel cange, la cherchent dans deux verbes grecs ;
lington , Ballesteros ; alors lieutenant-général , d'autres, enfin, prétendent que le mot ballet
refusa d'obéir à un étranger, il fut arrêté et vient de celui de balle, parce qu'originairement
exilé à Ceuta. Bientôt il fut rappelé et placé à la ou dansait en jouant à la paume.
--
BAL ( 520 ) BAL
t ' Ce qu'il y a de certain , c'est que la danse re « étale l'éclat des plus vives couleurs. L'amour
monte presqu'à l'origine du monde, et que le bal « frappé de ce brillant spectacle, après l'avoir
let date de la plus haute antiquité. Les Égyptiens • considéré , se décide pour le gris de lin, comme
lui imprimèrent un caractère religieux et hiéro « la couleur la plus douce et la plus parfaite; il
glyphique : leurs danses étaient le symbole du « veut qu'à l'avenir cette couleur soit le symbole
mouvement des astres et de l'harmonie de l'u « de l'amour sansfin. Il ordonne que les cam-
nivers. Les Grecs imitèrent les Égyptiens , en « pagnes en ornent les fleurs , qu'elle brille dans
introduisant le ballet dans leurs pièces de théâ « les pierres les plus précieuses , que les oiseaux
tre. Bathylle d'Alexandrie passe pour avoir créé « les plus beaux en parent leur plumage et
chez eux le ballet comique , et Pylade le ballet « qu'elle serve d'ornement aux habits les plus
sérieux. Du reste, on voit dans Athénée, qui a « galants des mortels. »
rapporté les sujets d'un grand nombre de ballets, Le second ballet avait pour sujet: la Vé
qu'on ne les employait jamais que comme inter rité, ennemie de l'Apparence, rétablie par le
mèdes. Les Romains suivirent l'exemple des Temps :
Grecs jusqu'au règne de Trajan , qui abolit les « Au lever de la toile, on voit un chœur de
danses théâtrales. Plus tard , les ballets repa « faux bruits et de soupçons qui précèdent l'Ap-
rurent, mais enrichis d'un tel luxe d'obscéni « parence et le Mensonge. Le fond du théâtre
tés , que les papes renouvelèrent la défense de « s'ouvre : sur un grand nuage porté par les
l'empereur. Vers la fin du xve siècle, l'Italie « vents, on voit l'Apparence vêtue d'un habit
se reprit d'amour pour les ballets à l'occasion « de couleurs changeantes et parsemé de glaces
d'une fête magnifique donnée par Bergouzo « de miroir , avec des ailes et une queue de
di Botta au duc de Milan, Galeazzo, et à « paon : elle parait comme dans une espèce de
Isabelle d'Aragon , sa nouvelle épouse. Dans le « nid d'où sortent en foule les mensonges per-
siècle suivant, Baltazarini, surnommé Beau- « nicieux , les fraudes , les tromperies , les men-
joyeux , composa en France pour les noces du « songes agréables, les flatteries, les intrigues,
duc de Joyeuse ce fameux ballet qui ne coûta « les mensonges bouffons, les plaisanteries, les
pas moins d'un million et deux cent mille écus. « jolis petits contes. Ces personnages forment
Dès-lors , le ballet fut mis au nombre des di « les diverses entrées, après lesquelles le Temps
vertissements royaux , et il n'y eut plus de fête, » paraît. Il chasse l'Apparence et fait ouvrir le
plus d'hymen , de naissance dans les cours de « nuage sur lequel elle s'était montrée. On voit
l'Europe , sans que le ballet ne servit à les cé « alors une grande horloge à sable, de laquelle
lébrer. « sortent laVérité et les Heures. Ces personna-
Sans doute il serait curieux de suivre pas à « ges, après différents récits analogues au su-
pas l'histoire du ballet et de l'étudier dans ses « jet , forment les dernières entrées , qu'on
diverses phases 5 mais il faudrait faire un livre, « nomme le grand ballet. »
ou plutôt copier les livres qui ont été faits , car Voilà un échantillon du ballet allégorique ,
le ballet a aussi sa bibliographie. Lucien a écrit tel qu'on le concevait au xvne siècle, sanspré-
un traité sur la danse , et le père Ménétrier en judicedu ballet historique, fabuleux etpoétique,
a consacré un aux ballets. C'est dans l'ouvrage et d'une foule de ballets de fantaisie , tels que le
de ce jésuite qu'on trouve l'analyse de deux bal ballet de la nuit, des saisons , des temps , des
lets allégoriques représentés à la cour de Chré âges, des cris de Paris, de la foire Saint-Ger-
tienne de France , duchesse de Savoie. Le sujet main , de Bicêtre. Nulle carrière n'était fermée
du premier était le Gris de lin , couleur de la au ballet; nul sujet ne lui était interdit, et
duchesse; en voici le programme : souvent les rois se faisaient gloire d'y figurer
« Au lever de la toile, l'amour déchire son comme acteurs. On sait que Louis XIV, au
« bandeau : il appelle la lumière et l'engage par temps de sa jeunesse, fit exécuter plusieurs
« ses chants à se répandre sur les astres , le ciel, ballets dans lesquels il dansa lui-même avec
« la terre et l'eau , afin qu'en leur donnant par toute sa cour. Les plus célèbres sont le ballet
« la variété des couleurs mille beautés différen- des Prospérités des armes de la France, donné
« tes, il puisse choisir la plus agréable. Junon peu de temps après la majorité du jeune roi ;
« entend les vœux de l'amour et les remplit ; celui d'Hercule amoureux, exécuté pour son
« Iris vole par ses ordres dans les aire, elle y | mariage ; celui des Saisons, dansé à Fontaine"
BAL ( 521 ) BAL
bleau le 23 juillet 1661 , et celui des Amours moins. On cite comme chefs-d'œuvre du genre
déguisés en 16G4. les partitions de Psyché , de la Dansomanie,
Beoserade avait eu le monopole des ballets de Nina , de la Somnambule et de la Sylphide.
de l'ancienne cour : il composait des rondeaux Si la pantomime n'était un langage muet
pour les récits , et il avait l'art d'en approprier souvent fort expressif, on aurait peine à con
les paroles au caractère , à la situation des per cevoir comment il se fait que dans un drame
sonnes chargées de les dire. Quand l'opéra s'in quelconque , où il s'agit d'exprimer des idées ,
troduisit en France , le ballet changea de forme : de peindre des sentiments , on se prive volon
Quinault imagina un genre mixte., dans lequel tairement de la parole , pour se réduire à la
les récits dominèrent, et la danse n'eut plus seule éloquence du regard et du geste. Dans
qu'un rôle inférieur. Les Fêtes de Bacchus et l'opéra, il est convenu que tout le monde
de l'Amour furent représentées à Paris, en chante , et dans le ballet que personne ne parle.
1671, et cette nouveauté réussit beaucoup. En Le ballet est le drame de la pantomime et de la
1781, Quinault et Lulli donnèrentà Saint-Ger danse , comme l'opéra est celui de la voix. Sans
main le Triomphe de l'Amour. A compter de doute il y a dans la vie publique ou privée ,
cette époque , le grand ballet disparut sans re dans la fable ou dans l'histoire , quelques traits
tour, et fut relégué dans les collèges. La danse qui gagnent à être montrés plutôt que racontés ;
ne servit plus que comme intermède , ainsi mais le nombre en est fort restreint; aussi les su
qu'elle l'avait fait jadis chez les Grecs et chez les jets de ballet sont-ils extrêmement rares. « Tout
Romains. Lamotte changea la forme adoptée par « ballet , a dit Noverre dans ses Lettres sur la
Quinault , et donna dans l'Europe galante le <■ Danse, qui ne me tracera pas avec netteté et
modèle d'un ballet qui fut regardé longtemps « sans embarras l'action qu'il représente, dont
comme le nec plus ultra de l'invention et de « je ne pourrai deviner l'intrigue ; tout ballet
l'art : il consistait en trois ou quatre entrées « dont je ne sentirai pas le plan , et qui ne m'of-
précédées d'un prologue. Le prologue et cha « frira pas une exposition , un nœud , un dé-
cune des entrées formaient des actions séparées « nouement , ne sera plus qu'un simple diver-
avec un ou deux divertissements mêlés de « tissement de danse. »
chants et de danses. Mais la danse n'en était Dans son Dictionnaire de Musique, J.-J.
pas au terme de ses révolutions. Asservie au Rousseau a écrit sur le mot ballet quelques
chant , elle devait tendre à reconquérir son in pages, où l'on trouve ces lignes remarquables :
dépendance , et elle y est enfin parvenue avec « La musique d'un ballet doit avoir plus de ca-
l'aide de quelques artistes supérieurs , les No- « dence et d'accent que la musique vocale ,
verre, les Dauberval , les Vigano et les Gardel. « parce qu'elle est chargée de signifier plus de
Aujourd'hui, le ballet se compose de trois « choses ; que c'est à elle seule d'inspirer au
parties distinctes , la pantomime , la danse et la <■ danseur la chaleur et l'expression que le chan-
musique. Sur un sujet donné , sur des scènes « teur peut tirer des paroles , et qu'il faut de
indiquées , le compositeur écrit des morceaux , « plus qu'elle supplée , dans le langage de l'âme
et sur ces morceaux le chorégraphe règle le jeu « et des passions , à tout ce que la danse ne
de ses personnages , arrange des scènes , des « peut dire aux yeux du spectateur. »
sine des pas. Quelquefois le compositeur n'em ÉnOUÂBD Monnais.
ploie que des airs connus, dont le sens pro BALLIÈRE, BAi.LiF.uiA (bot.). Genre de
verbial se retrace vivement à la mémoire des plantes appartenant à la famille des Sytanthk-
spectateurs et leur facilite l'intelligence des bées (voyez ce mot), et fondé par Aublet dans
situations ; quelquefois il n'admet que des mo son Histoire des plantes de la Guyane, où il en
tifs de son invention. Le plus souvent, et c'est décrit deux espèces , qu'il désigne sous les
la meilleure méthode , il marie ses inspirations noms de ballieria aspera et sylvestris; encore
à ses souvenirs. Une partition de ballet n'est la seconde n'est-elle probablement qu'une va
pas chose facile à faire : d'abord le compositeur riété à feuilles plus étroites de la première. Ce
ne travaille que sur des données assez vagues, genre a éprouvé bien des vicissitudes dans sa
et puis il lui faut se soumettre à la volonté du nomenclature ; il avait été d'abord adopté par
chorégraphe , qui demande un certain nombre le célèbre synanthérographe Cassini , qui lui
de mesures, pas une de plus, pas une de trouvait des rapports avec \e parlhenium et le
BAL ( 522 ) BAL
rangeait près de celui-ci dans sa tribu des né- longée. Une des principales espèces est la bail-
lianthées. Lessing et Sprengel l'avaient égale lière rude (baillieria aspera, Aubl., clibadium
ment adopté et lui avaient adjoint plusieurs asperum , Linn.) , nommée par les habitans de
espèces. Dans l'état actuel de la science il a été la Guyane conamifranc ou herbe à enivrer les
réuni au clibadium de Linnée , qui renferme poissons, parce qu'en effet ses fleurs jouissent
encore les genres oswalda, baillieria de Cas- de cette singulière propriété et fournissent ainsi
sini et de Lessing et le tixris de Swartz et de à ces peuples une pêche aussi abondante que fa
Persoon. On le divise en trois sections : la cile. L'autre espèce décrite par Aublet , et qui
première, Veuclibadium (clibadium, Linn.), porte le nom de ballieria sylvestris, ou conami
caractérisée par ses akènes drupacées, rem bâtard, ne jouit pas de la même propriété. La
plies d'un suc visqueux , celles du rayon , dis balliere est une plante vivace, à tiges droites,
posées en une seule série, elle renferme une rameuses , articulées , qui s'élèvent à cinq ou
seule espèce; la deuxième, oswalda: akènes six pieds de hauteur et sont garnies à chaque
sèches , velues , celles du rayon unisériées , entre-nœud de deux feuilles ovales, dentées,
ob-comprimées , ovales, convexes sur le dos, rudes, et opposées alternativement en croix.
celles du disque grêles , linéaires , hispides , Les fleurs sont blanches et les capitules qui les
paillettes nulles , neuf espèces ; la troisième , portent forment une panicule terminale. Cette
trixidium : akènes du rayon sèches , velues plante est commune dans tous les endroits secs
au sommet , bisériées , à demi enveloppées et incultes de Caïenne et de la Guyane.
extérieurement de squames externes et de pail C. Lehaibe.
lettes internes, tout- à- fait semblables aux BALLES (claude), orfèvre distingué du siè
squames , celles du disque abortives et sans cle de Louis XIV. Il essaya de marier le genre
paillettes , cinq espèces , dont quatre douteuses. moderne au genre antique , et réussit souvent
Voici les caractères du genre clibadium (bail dans cette tâche difficile. A l'âge de dix-neuf
lieria) , tels qu'ils sont circonscrits dans le ans , il avait déjà obtenu une réputation assez
prodrome de De Candolle, : capitules monoï bien établie pour que le cardinal de Riche
ques, pluriflores , discoïdes; fleurs du rayon lieu lui confiât l'exécution de plusieurs pièces
peu nombreuses, tubulées, quinquéfldes, her importantes soit pour la couronne , soit pour
maphrodites , stériles ; involucre ovale , à squa lui-même. Le cardinal Mazarin lui continua la
mes conniventes, ovales, concaves, dont les faveur dont son prédécesseur l'avait honoré.
intérieures enveloppent à demi dans la partie Ballin sut même attirer l'attention de Louis XIV.
creuse les akènes du rayon ; réceptacle plan , Ce prince, protecteur des arts , et qui était alors
tout-à-fait épaléacé dans le disque et portant les à l'apogée de sa fortune , lui fit exécuter pour
paillettes ou les squames intérieures de I'invo- ses appartements des Tuileries et de Versailles
lucre dans le rayon quelquefois bisérié. Styles une foule de meubles précieux , véritables chefs-
de celui-ci bifides , à divisions divariquées, rou d'œuvre de ciselure , et dont il regretta, dit-on,
lées en dessous , glabriuscules , un peu obtuses ; la perte plus que celle d'une province, lorsque
styles du disque (d'après Cassini) indivis , ou à les longues et désastreuses guerres de la succes
peine subfides , un peu hispides et terminés en sion d'Espagne le forcèrent à les faire fondre
massue ; akènes du rayon grosses , obovales , pour solder ses troupes , dont l'entretien avait
comprimées intérieurement , convexes extérieu épuisé les coffres de l'état. Ballin mourut ea
rement , non aigrettées , couvertes au sommet 1 678 , à un âge peu avancé.
de poils articulés ; celles du disque abortives , BALLON. ( Voyez Aébostat.)
grêles , linéaires , très-velues au sommet. BALLONNEMENT (méd.). On design*
Les ballières sont des herbes ou des arbris ainsi une distension de l'abdomen causée par
seaux particuliers à l'Amérique, à rameaux des gaz accumulés dans les intestins ou entre les
grêles et ordinairement assez velus ; les feuilles deux feuillets du péritoine; le ballonnement est
en sont opposées , pétiolées , ovales ou lancéo presque toujours un symptôme, soit de phleg-
lées, dentées au bord et le plus souvent rudes ; masie des viscères abdominaux, soit de quel
les fleurs, assez insignifiantes, sont réunies en que affection nerveuse. Les deux mots métro-
capitules ovés, blanchâtres, petits, disposés risme et mêtéorisation ont la même signifi-
ordinairement en une panicule corymboïde al' ] cation; cependant on les a plus particulière'
BAL ( 523 ) BAL
ment appliqués à la désignation d'une affection il fût procédé à une dernière épreuve qu'on
qui se présente assez fréquemment chez les ru nomme scrutin de ballottage. Tous les suf
minants , quand ils ont avalé avec trop d'avidité frages doivent alors se porter sur l'un ou sur
une grande quantité d'herbe fraîche; les gaz l'autre des deux candidats qui ont réuni le plus
abondants qui , en se développant , distendent grand nombre de voix ; ils sont seuls en lutte ,
alors le tube intestinal, sont ordinairement du les autres concurrents sont écartés de plein
gaz acide carbonique ou du gaz hydrogène car droit. Des deux noms ainsi ballottés dans l'urne
boné; dans le premier cas , on a recours aux al électorale , on proclame celui qui obtient la ma
calis ou à l'ammoniaque très étendus d'eau; jorité relative. S'il y a de part et d'autre un
dans le second , on a proposé l'emploi du chlo nombre égal de suffrages, c'est au plus âgé des
rure de soude. On est quelquefois obligé de re candidats que la loi donne ordinairement la
courir à la ponction. Le ballonnement ou mé- préférence.
téorisme n'est que le premier degré de la Tym- liALLOTE, ballota (bot. phan.). Genre
PAMTE (voy. ce mot). A. D. déplantes dicotylédones, appartenant à la fa
BALLOT (technol.). Ce mot, presque sy- mille des Labiées (voyez ce mot). Il a été
nonime de Balle , désigne un paquet de mar fondé par Tournefort, qui lui imposa le nom
chandises destiné à être transporté d'un lieu qu'il porte, après l'avoir emprunté , ou plutôt
dans un autre. Régulièrement il ne devrait se exhumé du grec de Dioscoride , qui , sous ce
dire que des paquets d'un médiocre volume; nom, décrit d'une manière très vague une
mais, en fait, il s'applique indifféremment à plante dans laquelle nos anciens botanistes ar
ceux de toutes dimensions. Dans le commerce, chéologues ont prétendu reconnaître le marrube
on l'emploie de préférence pour certains arti noir. Quoi qu'il en soit, ce nom et ce genre ont
cles; ainsi, on dira : une balle de café, un été adoptés par tous les botanistes postérieurs
ballot, de livres. Les objets dont on veut faire à Tournefort. Les caractères de ce genre sont les
un ballot étant recouverts de papier, et réu suivants : Périanthe double , l'externe tubulé ,
nis, on les entoure d'abord de paille et de évasé , strié , à gorge nue , et terminé par cinq
foin ; puis on les enveloppe avec une toile d'em dents aiguës, égales et divergentes ; l'interne à
ballage, tissu grossier à larges mailles, que l'on peine saillant, garni intérieurement de poils
coud avec un carrelet et de la ficelle, en ména annelés , fendu en deux lèvres , dont la supé
geant à chaque coin une sorte d'oreille qui en rieure voûtée, crénelée, velue et l'inférieure tri
facilite le maniement. Il ne reste plus ensuite lobée ; les deux lobes latéraux comme échan-
qu'à inscrire dessus, avec un pinceau trempé crés , et le médian cordiforme-renversé ; quatre
dans de la couleur, la nature du contenu, et étamines ascendantes et situées sous la lèvre
l'adresse du destinataire. supérieure du périanthe interne ,les deux infé
BALLOTADE (équit.). On appelle de ce rieures plus longues, à anthères saillantes,
nom un saut dans lequel le. cheval s'enlève en conuiventes; ovaires ovaies-oblongs, dilatés et
pliant les genoux et les jarrets , et en montrant arrondis au sommet.
ses fers, mais sans ruer complètement. On n'en Les espèces du genre ballote sont assez peu
doit demander l'exécution qu'à des chevaux nombreuses et cosmopolites, bien qu'une ou
très robustes; ceux qui sont faibles seraient deux seulement croissent en France ; leurs
bientôt usés. fleurs sont disposées en verticilles axillaires et
BALLOTAGE (scrutin de). Dans les élec accompagnées de bractées sétacces ou linéaires,
tions , il arrive souvent qu'au premier tour de dont la réunion forme une sorte d'involucre. La
scrutin les voix se répartissent sur un certain plus commune est la Ballote fétide (ballota
nombre de candidats dont aucun n'atteint le nigra, Lin.), vulgairement connue sous le nom
chiffre fixé pour la majorité absolue. Comme de marrube noir, plante vivace à tiges tétra-
cette division des suffrages , en cas d'obstina gones, rameuses, roides, devenant noirâtres
tion de la part des électeurs , rendrait tout ré après la fécondation (d'où son nom), garnies
sultat impossible, et qu'il importe cependant de feuilles opposées, ovales-aiguës, pétiolées,
que les fonctions publiques soumises au prin presque eordiformes à la base , inégalement
cipe de l'élection ne restent pas vacantes , la dentées sur les bords, d'un vert obscur; à
loi a voulu qu'après deux votes infructueux , fleurs rougcûtres portées sur des pédoncules
CAL ( 524 ) BAL
courts, fasciculés, et formant de demi-verti- que ou de Giléad , est produite par le balsamier
cilles unilatéraux. Cette plante, extrêmement de Giléad, atnyris gileadensis, indigeue de
commune en France et dans toute l'Europe, l'Abyssinie, où il croit naturellement sur le lit
croit dans les lieux incultes et stériles, sur les toral de la mer Rouge. f730 ans avant la nais
bords des chemins , des routes , sur les décom sance de J.-C. , cet arbre fut transporté de son
bres, où elle fleurit tout l'été et répand une lieu d'origine dans les environs de Giléad, ville
odeur aromatique, mais forte et désagréable. de Judée, qui lui a donné son nom. Cetarbre,
Comme presque toutes ses congénères , elle est ou plutôt cet arbuste , ressemble un peu à notre
douée de quelques propriétés médicales ; on pommier greffé, au moins par son port; l'é
l'emploie notamment dans l'hystérie et autres corce est lisse, d'un blanc bleuâtre ; les feuilles
maladies nerveuses. L'espèce de ballote la plus sont âpres, petites, composées, d'une couleur
commune après celle-ci, porte le nom de Bal verte très-brillante ; les fleurs sont blanches, et
lote laineuse (ballota lanata). Elle est par paraissent trois à trois ; mais ordinairement une
ticulière à la Sibérie, et remarquable par ses seule est fertile ; le fruit est une capsule quadri-
fleurs blanches et ses longs poils de même cou valve, renfermant une noix polie. Afin d'obtenir
leur. Employée, d'après Pallas (Voyage, t. III), le baume, on entame l'écorce de l'arbre avec
contre les céphalalgies, elle est aussi adminis une hachette légère , mais seulement lors du
trée comme diurétique dans les hydropisies, à plus grand mouvement de la sève, c'est-à-dire
dose de deux onces, en infusion, pour un litre en juillet et août.
d'eau bouillante. Nous ne ferons que nommer quelques balsa
BALSAMIER, amykis ( bot. et comm. ). miers cultivés dans quelques serres de jardins
Genre de végétaux de la tribu des amyridées publics : Balsamierpolygame du Chili, à feuil
et de la famille des Térébinthackes de Jussieu. les odorantes , demande l'orangerie et la terre
Ses caractères sont : calice persistant , à quatre douce; on le multiplie de boutures, et il peut
dents; quatre pétales ouverts; huit étamines; passer l'hiver en pleine terre dans le midi de la
un style épais, à stigmate en tète; un drupe France ; balsamier maritime nain, même cul
sec, arrondi, contenant un noyau globuleux , ture ; balsamier des Antilles de 20 pieds, exige
luisant, monosperme. Les balsamiers sont peu la serre chaude. J. de M. M.
cultivés dans nos serres et dans nos jardins; BALSAMINE , Balsamina (bot. et fort.).
mais ils fournissent au commerce et à la con Genre de plantes de la pentandrie monogvnie,
sommation des produits d'une assez grande im du système de Linné, que M. A.-L. de Jus
portance. Ce sont la résine élémi et celle que sieu avait d'abord placé dans la famille des
l'on nomme baume de la Mecque ou de Gilèad. Géraniées , et dont MM. A. Richard et De
( Voij. Résine et Baume.) Candolle font aujourd'hui le type d'une nou
La première est donnée par un arbre encore velle famille , sous le nom de Balsamisées. le
peu connu , qui croît dans la Caroline , dans dernier de ces auteurs compte dix-huit espè
quelques autres parties de l'Amérique et dans ces du seul genre Balsamina , séparé de celui
l'Inde. Catesby dit qu'il n'atteint pas à une des Impatiens auquel Linné l'avait réuni, et
grande hauteur, et que son tronc, qui est mince, toutes sont indigènes des Indes ou des contrées
est recouvert d'une écorce grise : les feuilles chaudes de l'ancien continent. Nous ne parle
sont opposées, pétiolées, ternées et quelquefois rons ici que de la balsamine des jardins , baha
pennées, avec des folioles aiguës, épaisses, d'un mina hortensis, De Cand., impatiens balsa-
vert brillant, luisantes en dessus et velues en mina, Lin., plante annuelle, introduite dans
dessous ; les fleurs sont disposées en eorymbes nos jardins depuis la fin du xvr5 siècle. Sa tige
terminaux ; elles sont petites , blanches , inflé est épaisse , charnue , haute d'un pied et demi à
chies au sommet; le fruit est de la grosseur et trois pieds , divisée presque dès sa base en ra
de la forme d'une olive. La résine élémi s'ob meaux opposés, redressés, disposés en «M
tient au moyen d'incisions faites sur l'écorce sorte de buisson pyramidal et garnis de feuilles
par un temps sec , et on la laisse sécher au so lancéolées, glabres, opposées dans le bas des
leil à mesure qu'elle exsude. tiges et alternes dans le haut. Les fleurs sont
La seconde espèce de résine fournie par les axillaires, pédonculées, ordinairement plusieurs
balsamiers, et que l'on nomme baume de la Mec ensemble , assez grandes ; variant pour la coo
BAL ( 525 ) fiAL
leur, depuis le blanc et le rose jusqu'au rouge sions, ils étaient armés d'une hallebarde dont
foncé et au violet , souvent aussi panachées de le fer , dans la partie inférieure , présentait la
différentes nuances. forme d'une hache ; de là vient le nom de bal-
On sème la graine de balsamine au prin tadji qui eu turc signifie porte-hache.
temps sur couche, afin de la faire lever plus Aux funérailles des sultans et des membres
promptement ; et lorsque le plant est assez fort , de la famille impériale , les baltadjis suivent le
«m repique chaque pied, à six pouces l'un de convoi et portent le cercueil en se relayant l'un
l'autre, dans une terre bien labourée et ameu l'autre. Le baltadjiler-kehayasi chef des bal
blie avec du terreau. Ces plants peuvent rester tadjis , après le kizlar-agasi , remplit les fonc
ainsi en pépinière jusqu'à ce qu'ils soient prêts tions de messager d'état et porte ordinairement
A fleurir; alors vers la fin de juillet, plus tôt ou au grand-vizir les ordres du sultan.
plus tard , on relève chaque pied en motte pour 11 y a encore des baltadjis appelés zulujlu-
le placer dans les parterres. 1 4s balsamines font baltadjis. Ceux-ci forment une compagnie de
l'ornement des jardins depuis le moment où 1 20 hommes et sont attachés au service des of
elles fleurissent jusqu'en automne. Il leur faut ficiers de la chambre du Grand-Seigneur. Ils
beaucoup d'eau et l'exposition au grand soleil. ont à leurs bonnets deux tresses de laine qui
Elles sont très sensibles au froid , et elles sont tombent sur les deux joues. Ces tresses , ap
au nombledes plantes que les gelées frappent les pelées en turc zuluf , ont fait donner à ceux
premières. Il faut , quand on récolte la graine , qui les portent l'épithète de zuluflu , c'est-a-
avoir soin de ne recueillir que celle des plus dire ornés de tresses. D—x.
belles fleurs doubles, et malgré cette attention, BALTES. Nom d'une ancienne et illustre
les semis produiront toujours quelques pieds à famille qui donna des rois aux Visigoths, entre
fleurs simples. J. M. de M. autres le célèbre Alaric Iei. Une branche de
BALSAMIQUE {mat. méd.), qui tient de cette famille subsista longtemps après l'extinc
la nature des baumes (vôy. ce mot). On ap tion du royaume des Visigoths dans la Septima-
pelle pilules balsamiques des pilules formulées nie ou le Languedoc , et fut connue sous la dé
par Morton, célèbre médecin anglais du xvn" nomination de Baux. Les seigneurs de Baux ,
siècle, et dans la composition desquelles en près d'Arles , et les terres qui relevaient d'eux
traient la poudre de cloportes et quelques sub étaient indépendants des comtes de Provence.
stances balsamiques. A. D. Comme plusieurs membres de cette famille s'é
BALSAMITE (botaniq.), Balsamita sua- taient fait remarquer par leur intrépidité , quel
veolens. Cette plante de la famille des synan- ques auteurs ont prétendu que leur nom déri
thérées, tribu des corymbifères, est désignée vait de Bold, qui , en anglais , signifie hardi ,
vulgairement sous le nom de grand baume, de valeureux.
menthe Notre-Dame ; elle croît spontanément BALTEUS ou pr/ecinctio (ant.). Dans
dans le midi de la France. Ses feuilles, froissées les théâtres ou amphithéûtres antiques , on
entre lesdoigts , exhalent une odeur balsamique donnait ce nom à un gradin plus large que les
forte et cependant agréable ; sa saveur chaude autres , où les spectateurs ne s'asseyaient pas ,
a quelque analogie avec celle des menthes. mais qui servait à la circulation. Il y avait or
C'est un puissant stimulant. A. D. dinairement une prœcinction par sept gradins.
BALTADJI. Nom que portent à Constan- A l'amphithéâtre de Vérone, le balteus, au lieu
tinople certains gardes du palais du Grand- d'être plus large, est plus étroit que les gra
Seigneur. Les baltadjis, au nombre de 400 hom dins. Au théâtre d'Herculanum , il n'y en a
mes, sont spécialement chargés de la garde des point , à proprement parler ; on voit seule
princes et des princesses du sang, et du sérail ment un espace assez large au-dessous des
impérial. Ils ont plusieurs officiers qui les trois gradins supérieurs; mais on doit remar
commandent sous l'autorité du kizlar-agasi, quer que, cet édifice étant de médiocre dimen
chef des eunuques noirs. Quand le sultan em sion , les praecinctions étaient bien moins né
menait dans ses expéditions quelques dames du cc-ssaires que dans les immenses amphithéâtres,
harem , les baltadjis accompagnaient les voitu tels que le Colysée. E. B—w.
res où les femmes étaient enfermées et cam BALTHASAB, ou, suivant la véritable
paient autour de leurs tentes. Dans ces occa prononciation chaldéennc, Belschatsab ; c'est
BAL ( 526 ) BAL
à-dire , prince favorisé de Bel. Balthasar était Nébo ou Nabu ,"nom que donnaient les Chat-
fils d'Evilmérodach , et petit-fils de Nabucho- déens à la planète de Mercure. L. Ddbedx.
donosor. L'an 538 avant Jésus-Christ, ce prince BALTIMORE, grande ville des États-Unis
donna un grand festin à mille des plus grands ( Maryland ) , assise sur les bords du Patapsco,
seigneurs de sa cour. Étant plein de vin , il à cinq lieues de l'embouchure de cette rivière,
commanda qu'on apportât les vases d'or et d'ar- dans la baie de Chesapeake; lat. N. 39° 17';
gent que Nabuehodonosor avait pris dans le long. 0. 76° 36'. Cette belle cité n'est pas an
temple de Jérusalem, et il but dans ces vases, cienne. On ne voyait en 1 7 50, sur l'emplacement
ainsi que ses femmes , ses concubines et les qu'elle occupe, qu'un village de sept maisons.
grands de Babylone , en célébrant les louanges Elle a vite grandi ; elle s'est développée comme
de ses faux dieux. Au même instant on vit pa par enchantement : aujourd'hui, c'est une ville
raître comme la main d'un homme qui écrivait de plus de 92,000 habitants, à la fois régulière
sur le mur de la salle du festin. Alors Bal et pittoresque ; la rue qui porte son nom aun tiers
thasar , saisi d'un grand trouble , ordonna de lieue de l'est a l'ouest, sur 86 pieds de large.
qu'on fit venir les mages et les devins, et il leur Les autres ont de 40 à 50 pieds de large. Avec
dit : Quiconque lira cette écriture et me l'inter ses grandes divisions régulières, Baltimore n'a
prétera , sera revêtu de pourpre , aura un col pas l'aspect monotone de Philadelphie ; les on
lier d'or au cou et sera la troisième personne de dulations de son site donnent à quelques-uns de
mon royaume. Aucun des mages n'ayant pu ses quartiers un caractère pittoresque. On aper
parvenir à lire ces caractères , Balthazar, par çoit de plusieurs points élevés l'ensemble de ses
le conseil de la reine-mère, veuve de Nabueho tours, de ses églises, de ses dômes, de ses édi
donosor, fit venir Daniel , auquel il renouvela fices publics, et les eaux brillantes de la Chesa
les promesses qu'on avait déjà faites aux mages. peake et les sombres forêts qui s'étendent au
Daniel refusa tout , mais il s'engagea en même loin. Baltimore est le siège d'un archevêché
temps à lire les caractères miraculeux et à dire dont relèvent tous les évéques catholiques de
ce qu'ils signifiaient. Il commença par repro l'Union ; son port, bordé de quais magniiiques ,
cher à Balthazar la profanation dont il venait de l'un des meilleurs de l'Amérique du nord, est
se rendre coupable en buvant dans les vases rempli de vaisseaux; les navires de 500 ton
consacrés au Seigneur, puis il ajouta : Voici neaux s'arrêtent au quartier de Fell'spoint. Son
ce qui est écrit : Mené, fhekel, perès. Mené commerce, qui avait pris tant d'extension pen
(compte) : Dieu a compté les jours de votre rè dant la période de la guerre européenne, est
gne , et il en a marqué la fin. Thekel ( poids) : toujours considérable; il le deviendra plut en
Vous avez été pesé dans la balance , et vous avez core quand les grandes lignes de chemins de fer
été trouvé trop léger. Perès (division) : Votre qui doivent mettre cette place en communica
royaume a été divisé , et il a été donné aux tion avec les villes situées sur l'Ohioet surie
Mèdes et aux Perses (1). Alors Daniel reçut la Susquehanna seront terminées. Balnmoreestun
réeompense que le roi .avait promise à celui qui des plus grands marchés de farine du monde ;
pénétrerait le sens des mots miraculeux. Cette c'est la cinquième ville de l'Union dans l'ordre
même nuit-là, Balthasar fut tué; et Darius le de l'importance commerciale. Ses manufactures
Mède , alors âgé de soixante-deux ans , monta de coton , ses ver reries , ses fabriques de bleu
sur le trône. de Prusse, de vitriol, ses distilleries, ses chan
Balthasar est appelé Labynètc par Hérodote, tiers de construction , attestent une active in
et Nabonnède par Bérose. Le premier de ces dustrie. Baltimore est la ville des monuments;
noms n'est évidemment qu'une altération du on y remarque la cathédrale catholique, dont la
second , dans lequel il est facile de reconnaître coupole ressembleà celle du Panthéon de Rome,
et dont l'intérieur élégant est orné de bons ta
(i) L'emploi du passé pour le futur, qu'on remar bleaux, parmi lesquels se distingue une des
que dans cette prophétie, est très-fréquent dans les cente de croix de Paulin Guérin; c'est un ca
langues sémitiques et dans le persan moderne. Cette deau de Louis XVIII. Ilya trente autres églises,
manière de s'exprimer indique que la chose dont il
s'agit est tellement certaine, qu'on doit la regarder dont cinq catholiques , cinq épiscopaliennes, cinq
comme faite , et que rien ne saurait en arrêter l'ac méthodistes, trois baptistes, deux presbyté
complissement. riennes , etc. L'église des unitaires est un chef
BAL (527 ) BAL
d'oeuvre d'élégance. On doit citer encore YEx pour ainsi dire plus courtes et plus serrées ;
change , dont la douane et la bourse font partie, mais elle éprouve des crues irrégulières qui
l'École de médecine, l'Athénée, le nouveau élèvent ses flots jusqu'à trois pieds. Ce phéno
théâtre, etsurtoutle monument de Washington, mène maritime, non encore expliqué, a lieu
colonne de marbre blanc de 163 pieds anglais particulièrement en automne. L'affollement de
de hauteur, avec des bas-reliefs en bronze, re l'aiguille a lieu dans la mer Baltique près de
présentant plusieurs scènes de la vie de ce Jussari , île gisant à douze lieues du cap Hangœ.
grand homme , et surmontée de sa statue colos La pêche y est très abondante , et son commerce
sale. Un autre monument est élevé à la mémoire tellement important, que, outre les vaisseaux
des citoyens morts le 3 septembre 1814, en de guerre, on peut évaluer à 4,500 par année
combattant les Anglais. La fontaine publique , le nombre de ceux qui la sillonnent Aussi
au milieu d'une grande place qui sert de prome trois grandes capitales se sont-elles assises non
nade, mérite aussi des éloges. Dans cette ville , loin de ses bords : Saint-Pétersbourg , Stock
où les intérêts matériels n'absorbent pas toutes holm et Copenhague; sans compter des villes
les facultés de l'homme , les établissements commerciales, telles que Riga, Kœnigsberg,
scientifiques et littéraires ont une véritable im Dantzig , Stralsund , Stettin , Rostock , Lù-
portance ; le premier de tous est l'Université de beck , etc. Les courants les plus dangereux sont
Maryland , qui comprend aussi l'École de mé du N.-N.-E. au S.-S.-O.
decine et un vaste hôpital ; puis viennent le col Outre les îles danoises , on rencontre dans
lège de Sainte-Marie, le collège de Baltimore, cette mer celles de Gotland et d'Oeland , appar
deux académies ou collèges inférieurs , la biblio tenant à la Suède ; l'archipel Aland, à la Russie,
thèque , l'une des plus riches des États-Unis, et et l'île de Rugen, à la Prusse. L.—d.
le Musée avec ses grandes collections d'histoire BALTUS ( Jban-Fbançois ) , né à Metz le
naturelle et d'instruments de nations sauvages. 8 juin 1657, se fit jésuite en 1682, professa
Nous ne devons pas oublier un nombre très con d'abord les belles-lettres à Dijon et à Pont-à-
sidérable d'écoles élémentaires bien entretenues Mousson , puis l'écriture sainte à Strasbourg.
et toutes convenablement dotées, qui attestent Appelé à Rome en 1 7 1 7 comme examinateur des
la sollicitude des citoyens deBaltimore pour tout livres composés par les membres de sa société ,
ce qui contribue à l'éducation religieuse et mo il y séjourna quelque temps , et revint en
rale du peuple. LABENAUniÈRE. France , où il reprit l'exercice du professorat.
BALTIQUE (meb) {(jéogr.). Cette mer qu'on Nommé enfin bibliothécaire du collège de Reims,
pourrait presque regarder comme un golfe de la il mourut dans cette ville le 10 mars 1745. Ses
xner du Nord, s'étend entre53° 55' et65° 50' de principaux ouvrages sont sa Réponse à l'His
latitude nord, et entre 7° 25' et 28° de longitude toire des oracles de Fontenelle (Strasbourg,
est. Sa longueur est de 325 lieues environ du 1707 et 1700 , in-8°) , et sa Défense des saints
N.-N.-E. au S.-S.-O. Sa largeur est très-va pères accusés de platonisme (Paris, 1711,
riable. On lui donne ordinairement une super in-4°), livres pleins d'érudition et justement
ficie de 20,300 lieues communes, et une pro estimés. Ses autres écrits sont : 1° Jugement
fondeur moyenne de 15 à 20 brasses. Elle com des saints pères sur la morale des philosophes
munique avec le Catégat par le détroit du païens (Strasbourg, 1710, in-4°); 2" La reli
Sund, et par le grand et le petit Belt. Elle bai gion chrétienne prouvée par l'accomplisse
gne les côtes de l'Allemagne, de la Livonie, de ment desprophéties (Paris, 1728, in-4°); 3° Dé-
la Finlande , de la Suède et des iles danoises. fenseàe l'ouvrage précédent [ibid., 1737, 3 vol.
Elle a trois grands golfes : ceux de Riga , de in-12); 4° les Actes de saint Barlaam, tirés
Finlande et de Bothnie. Les plus grands fleuves d'un manuscrit grec, avec deux discours, l'un
qu'elle reçoit sont l'Oder , la Vistule, la Duna, de saint Basile , l'autre de saint Jean-Chrysos-
le Dala-elf , le Tornea et l'Urnea. Le lac de Me- tôme, le tout en français (Dijon, 1720, in-12) ;
laren fournit aussi à la Baltique le tribut de ses 5» Sentiment du père Battus sur le traité de la
eaux. Cette mer ne reçoit que d'une manière in faiblesse de l'esprit humain , de Huet , dans les
sensible le mouvement du flux et du reflux de Mémoires du père Desmolets.
celle du Nord. Les eaux en sont moins salées , DALLE (Jear), naquit en 1421, au bourg
les vagues plus brusques, plus précipitées, et d'Angle en Poitou , ou à Poitiers même, suivant
BAL ( 528 j BAL
les uns, à Verdun, suivant les autres. De la conseilla à Louis XI de ne point se réconcilier
plus basse condition il sut s'élever aux plus avec lui , et en même temps il écrivit au prince
hautes dignités de l'Eglise et de l'État. Après de se méfier de son frère , qui ne cherchait à
avoir terminé ses études , il s'attacha à Juvénal l'éloigner du duc de Bourgogne, que pour l'ac
des Ursins, évêque de Poitiers, dont il gagna cabler plus facilement. Les lettres furent inter
la confiance, et qui le nomma son exécuteur ceptées, et le cardinal fut aussitôt arrêté, ainsi
testamentaire, puis àl'évêque d'Angers, Jean que l'évêque de Verdun, qui avait pris part à la
de Beauveau, qui le fit grand vicaire et cha trahison. On accusa Balue d'avoir fait trafic des
noine. Ce dernier ayant été envoyé à Rome en secrets de l'état, et il avoua, dit-on , la plupart
mission par Charles VII , Balue l'y accompagna des faits qui lui étaient imputés. Louis XI vou
et trouva ainsi l'occasion de faire apprécier lait le faire juger en France par des commis
toutes les ressources de son esprit par les per saires nommés par le pape ; mais comme on lui
sonnages les plus influents auprès' du Saint opposa les privilèges du sacré collège , en vertu
Siège. De retour en France, il fut présenté par desquels un cardinal ne pouvait être jugé que
Charles de Melun à la cour de Louis XI , où par les autres cardinaux assemblés en consis
son esprit souple et insinuant lui concilia la fa toire, et que le pape proposa un moyen ternie
veur du roi , qui aimait à retrouver en lui dont le roi ne fut pas satisfait, on n'instruisit
quelques traits de son propre caractère. Il fut pas le procès. Les accusés toutefois n'en furent
successivement nommé conseiller au parlement, pas moins punis par une longue et douloureuse
régent du collège de Navarre et administrateur détention. Balue , au rapport de Commines, fut
des aumôneries et des hôpitaux ; il fut ensuite enfermé dans une sorte de cage de fer de son
chargé de la dispensation des bénéfices et du invention , disposée de manière à interdire au
trésor de l'épargne ; puis il devint secrétaire d'é patient toute situation commode. Il y resta onze
tat, et reçut l'investiture des plus belles ab ans , pendant lesquels la cour de Rome fit inu
bayes , et enfin celle du siège d'Évreux. Plus tilement des démarches pour obtenir qu'il fût
tard il devint évêque d'Angers, et obtint le cha mis en liberté ou en jugement. Louis XI ne céda
peau de cardinal , en récompense des soins qu'ils qu'en 1480 , pendant une maladie qui le dispo
s'était donnés pour déterminer Louis XI à pro sait à considérer sa vengeance comme satisfaite.
noncer l'abolition de la pragmatique-sanction. Le cardinal fut remis au légat Julien de la Ro-
Pour arriver à ce degré d'élévation , Jean Ba vère, qui avait obtenu son élargissement, et qui
lue montra plus d'habilité et de ruse que de l'emmena en Italie.
scrupule de conscience. Ainsi , on l'accuse d'a Soit qu'à Rome on se défiât des accusations
voir détourné à son profit une partie de la suc portées par Louis XI , soit que la captivité de
cession de Juvénal des Ursins ; on lui reproche Balue parût être un châtiment suffisant pour ef
f'en outre de s'être porté accusateur de Jean de facer des imputations qui n'avaient pas été judi
Beauveau , dont il n'obtint le siège qu'après l'a ciairement constatées, le cardinal fut reçu avec
voir fait déposer, et d'avoir contribué à la dis bonté. Plus tard, après la mort de Louis XI, il
grâce et à la mort de Jean de Melun ; tous trois, put même revenir en France avec le titre de lé
comme nous l'avons dit , avaient été ses protec gat. Des difficultés de forme relatives à l'examen
teurs. Devenu ministre , il voulut aussi em de ses lettres de crédit, l'empêchèrent d'abord
ployer la ruse et l'intrigue pour se maintenir. d'exercer ses fonctions ; mais il y fut autorisé
Sa principale tactique consistait à faire naître dans la suite. A la mort de Sixte IV, il retourna
ou à perpétuer les difficultés pour rendre son à Rome, où il obtint d'Innocent VUIl'évèché
intervention nécessaire, et empêcher son crédit d'Albano, et quelque temps après la légation de
de baisser; mais il était difficile de tromper la marche d'Ancône. Il mourut en 1479, à l'âge
longtemps Louis XI, et le cardinal Balue finit de soixante-et-douzeans, et fut enterré dans l'é
par se prendre à ses propres pièges. L'entrevue glise de Sainte-Proxède.
de Péronne, conseillée par le cardinal , avait eu BALUSTRADE {archit.). Appui formé de
lieu , et Louis XI faisait tous ses efforts pour balustres {voy. ce mot ) et couvert d'une ta
détacher le duc de Berri son frère, du duc de blette. Il sert de garde-fou à une terrasse, à un
Bourgogne. Balue, craignant que le duc de balcon , à un escalier; il défend l'approche d'un
Berri , ne lui ravit les bonnes grâces du roi , autel , d'un trône, d'un lit de parade. On l'em
BAL ( 529 ) BAL
ploie encore comme amortissement d'un édifice; BALUZE ( Etienne ) , naquit le 24 décem
mais presque toujours cet ornement hétérogène bre 1030, à Tulle, d'une famille qui depuis
nuit aux proportions du monument qu'il sur longtemps comptait dans son sein de savants
monte en donnant trop de hauteur à l'entable jurisconsultes. Quand il eut fait sa philosophie
ment et en écrasant l'ordre qui le supporte. « Si à Toulouse , il étudia la science du droit pour
l'édifice doit avoir un comble, dit Laugier , il obéir à son père , malgré un goût inné qui l'en
faut bien se garder de construire une balustrade traînait vers l'étude de l'histoire ecclésiastique.
au-dessus de l'entablement , comme on le voit De Montchal, archevêque de Toulouse, eut
au palais du Luxembourg. La balustrade sup bientôt occasion de connaître le goût du jeune
pose toujours un édifice en terrasse et sans toit, Baluze et le mit à même de le satisfaire en lui
j C'est donc un contre-sens de joindre la balus donnant entrée dans sa bibliothèque. Le suc
trade au toit. » Selon Blondel , les balustrades cesseur de Montchal , De Marca , le conduisit à
d'appui doivent avoir la hauteur propre à leur Paris en 1656 , l'associa à ses travaux , et en
destination; celles qui surmontent un édifice mourant, lui laissa ses manuscrits ( 1662 ). Ce
doivent être d'un sixième plus hautes que l'en fut alors que plusieurs prélats firent tous
tablement. On n'a aucun exemple de balustra leurs efforts pour s'attacher le jeune savant ;
des dans les monuments antiques. B. n. mais celui-ci préféra l'archevêque d'Auch , La-
BALUSTRE (archit.), du latin balaustrum , mothe-Houdancourt, qu'il quitta quelque temps
qui vient lui-même du grec patavçtov , fleur de après pour entrer chez Colbert comme biblio
grenadier sauvage, à laquelle on prétend que thécaire. Il ne faut attribuer qu'aux soins et à
ressemble la forme moderne du balustre. Il est l'activité de Baluze l'accroissement rapide que
certain qu'on ne peut trouver l'origine du ba prit la bibliothèque de ce ministre. Aussi les fils
lustre que dans les fantaisies du tourneur ou du de ce dernier le gardèrent-ils chez eux jusqu'en
menuisier. Les plus anciens balustres avaient 1700, époque à laquelle il alla chercher une re
la forme de petites colonnes ; mais peu à peu on traite dans une maison dépendante de la maison
en est venu à leur donner celle d'une espèce de des Écossais. En 1670 , le roi Louis XIV avait,
vase, surmonté d'une sorte de chapiteau. Ce enfaveur de Baluze , fondé au Collège royal une
•vase, tout en conservant le même galbe, est chaire de droit canonique , que celui-ci quitta
quelquefois quadrangulaire. Chaque balustre, vers 1 707 pour la charge d'inspecteur du même
selon Blondel, est composé de trois parties prin collège, laissée vacante par l'abbé Gallois. Ce
cipales, la base ou piédouche, la tige ou vase, pendant il ne tarda pas à se voir disgracié, lors
et le chapiteau. Le vase est composé lui-même qu'il eut prouvé , en publiant un ancien cartu-
de deux parties, la panse et le col. Yoici quelles laire et un obituaire de Brioude, que la famille
doivent en être les proportions. On divise la des Bouillon remontait en droite ligne aux ducs
hauteur totale en cinq parties , et on en prend de Guyenne. Louis XIV, voulant mortifier le
une pour le piédouche. On divise les quatre au cardinal de Bouillon dans la personne de l'histo
tres en cinq , et on en consacre une au chapi rien de sa maison , exila celui-ci à Bouen , puis
teau. On partage encore les quatre autres en à Blois , à Tours , à Orléans , et ne lui accorda
cinq, trois pour la panse , deux pour le col. Le son rappel qu'en 1713, après la paix d'Utrecht.
piédouche se divise en trois , dont une pour la Toutefois , il ne lui rendit ni sa place au Collège
plinthe. Le chapiteau se divise en trois, une royal, ni son traitement. Baluze mourut quel
pour le tailloir. ques années après et fut enterré à Saint-Sulpice,
Dans les escaliers où les limons rampants sont le 28 juillet 1718 : il avait près de quatre-vingt-
inévitables, certains architectes veulent faire huit ans. Sa bibliothèque, composée de dix
suivre ce rampant à tous les membres du ba mille sept cent quatre-vingt-dix-neuf volumes
lustre ; quant à nous, nous préférons conserver de toutes sortes et de plus de quinze cents ma
à la panse , au col et au chapiteau la direction nuscrits, fut vendue, sauf ces derniers , qui
horizontale, et n'incliner que la partie inférieure furent portés à la Bibliothèque royale. Simple
de la plinthe et le sommet du tailloir. Cette opi tonsuré, Baluze avait un canonicat à Reims et
nion est celle de Blondel et du Bemin , qui en a quelques autres bénéfices. C'est un des hom
donné l'application dans le bel escalier du Va mes qui ont rendu le plus de services aux lettres
tican. par la recherche active des manuscrits des bons
Encyclopédie du XIX' siècle. T. IV. 34
x"
BAL ( 530 ) BAL
auteurs , par leur comparaison avec les éditions débauché qu'il fût, était homme de coeur; se
qui en étaient données, et enfin par les notes serait-il avili jusqu'à la calomnie, et, s'il l'a
pleines d'érudition qu'il y ajoutait. Voici la liste fait, n'était-il pas nécessaire de le prouver, ou
de quelques-uns de ses ouvrages : 1° Regum du moins d'opposer un démenti à sa parole? La
Francorum capitularia ( 2 vol. in-fol., 1677 ), lettre de Théophile demeure donc comme pièce
auxquels sontjointes des notes et des remarques au procès. Elle constate d'abord le ressentiment
précieuses; 2° Epistolœ Innocentis papœ III violent d'un ami délaissé ; elle élève de graves
(2 vol. in-fol., 1682); 3° Conciliorum nova soupçons sur la délicatesse de Balzac, et donne
collectio ( i vol. in-fol., 1683 ) ; 4* les fies des de tristes motifs à son célibat et à l'altération de
Papes d'Avignon (2 vol. in-4°, 1693 ), ouvrage sa santé, qui ne se rétablit jamais.
qui lui valut une pension de Louis XIV; 5° His- Les premiers écrits de Balzac lui suscitèrent
toria tutelensis( 2 vol. in-4°, 1717); 6° des de nombreux adversaires. Comme il avait atta
Miscellanea ( 7 vol. in-8° ). Après sa mort , en qué les moines par une épigramme assez mor
1 7 1 0 , on publia plusieurs pièces manuscrites de dante, le père Goulu , général des feuillants , mit
ce savant sous le titre de Bibliotheca Balu- d'abord en campagne dom André , qui engagea
ziana. F.deL — d. la lutte par un libelle médiocre , publié sans suc
BALZAC (Jean-Louts-Cuez), né à Angou- cès. Alors le général paya de sa personne. Le
lême en 1594 , est le Malherbe de la prose fran père Goulu avait commencé par être avocat ;
çaise. C'est lui qui , le premier, a su maintenir, sifflé au barreau , il se fit prédicateur ; mais il
sans interruption , la clarté, l'élégance et la no demeura court dans la chaire. Ce double échec le
blesse du langage , qualités qui ne se rencon rélégua dans un couvent. C'est de là qu'il atta
trent chez ses devanciers que par intervalles; qua Balzac sous le nom de Phyllarque. Il pré
c'est lui qni a façonné cet instrument énergique tendit prouver que l'adversaire des moines était
et souple , qui s'est prêté si heureusement à la un ignorant et malhonnête homme. Fouillant
dialectique railleuse de Pascal, et à la sublime dans sa vie privée, il fit d'une querelle littéraire
éloquence de Bossuet. On voudrait effacer de une guerre de personnes , et le traita dans sa
la vie de cet écrivain le souvenir de quelques colère, d'infâme, de profane, d'épicurien, de
péchés de sa jeunesse , et des querelles enveni Néron et de Sardanapale. Cette fois , Balzac ré
mées auxquelles il fut mêlé dans le cours de sa pondit, et le fit avec une dignité et une douleur
carrière, pour ne voir en lui que le fondateur éloquente qui ramenèrent à lui l'opinion éga
de la véritable éloquence. Mais la vérité veut rée. L'apologie de Balzac fut publiée sous le nom
que nous disions que Balzac, à l'âge de dix-huit d'Ogier le prédicateur. Ce savant homme en
ans , après avoir terminé ses études , et pour avait préparé les matériaux , que Balzac mit en
compléter son éducation de gentilhomme , fit œuvre avec un art admirable. Les entretiens
pour son malheur un voyage de plaisir en Hol adressés à Maynard , son ami , sous le nom de
lande avec Théophile. Ces deux jeunes étourdis Ménandre, sont des modèles achevés de polé
menèrent joyeuse vie , et se firent quelques mique. Ils ne furent publiés que dix-sept ans
mauvaises affaires, dans lesquelles Théophile après , de sorte que Balzac n'intervint pas di
paya de sa personne, et se montra protecteur rectement pendant le cours des débats.
dévoué de son ami, plus jeune que lui de deux Balzac était coupable d'un autre crime. Pre
années. Depuis , lorsque Théophile , menant nant toujours les moines à partie , il avait osé
toujours la même vie, eut des démêlés avec la dire, dans sa lettre à Hydaspe, que, hors le ser
justice, Balzac , loin de lui prêter l'appui de son vice de l'église et la nécessité du commerce, le
Crédit, se déclara contre lui. On ignore les mo pape et le roi leur devraient défendre le latin et
tifs de cette conduite, et on ne pourrait guère le français, dont ils voulaient faire deux langues
en supposer de plausibles ; quoi qu'il en soit , barbares ; dans son zèle de puriste, il avait été
Théophile, en sortant de prison , adressa à Bal jusqu'à regretter qu'on n'eût pas institué, pour
zac une lettre fort vive, qui contient de graves réprimer leur hérésie contre la langue , une in
assertions et des insinuations plus graves en quisition littéraire , un tribunal impitoyable
core. Balzac ne répondit pas. Le silence ne envers les délits de ce genre. L'académie n'exis
prouve rien ; il peut partir de la conscience du tait pas encore. Balzac expliqua plus tard son
bien comme de celle du mal. Théophile, tout intolérance par sa jeunesse et par la rigueur des
BAL ( 531 ) BAL
principes qu'il avait puisés dans les leçons de éloges , car il sacrifie Richelieu à Mazarin , et
Malherbe, grammairien inexorable pour le fran Mazarin au prince de Condé, suivant les chances
çais, et de Nicolas Bourbon, ardent apôtre de la de la fortune. La reine de Suède, Christine, qui
latinité de Cicéron et de Virgile. Cet aveu est fut à cette époque l'héroïne de nos écrivains ,
précieux, en ce qu'il nous montre Malherbe comme plus tard la grande Catherine et le grand
formant de ses conseils, et pour ainsi dire de ses Frédéric, Christine faillit perdre, sur le bruit
propres mains, le réformateur de la prose fran de quelques méchants mots qu'on lui imputait ,
çaise. La querelle de Balzac et du père Goulu, les éloges qu'elle reçoit dans l'Aristippe. Les
qui du reste fit preuve de talent et de savoir, si épigrammes démenties, l'apothéose subsista.
non de bon goût et de savoir-vivre, partagea Désabusé de ses prétentions à l'épiscopat ,
tous les esprits, et retentit jusque dans les cours fatigué du métier de courtisan , pour lequel
do Nord. Le roi de Danemark fit débattre le il manquait d'aptitude, puisqu'il n'avait ni
procès devant lui par des juges compétents, et l'àme assez vulgaire ni le corps assez actif
se prononça en faveur de Balzac. M. d'Avaux et pour y réussir, Balzac , du fond de sa retraite,
Ogier le Danois, frère de l'apologiste de Balzac, composa sa vie comme une œuvre d'art, et
faisaient partie de cet aréopage. Pendant le dé on peut dire que le rôle qu'il se donna et la ma
bat, un avocat de Saintes , nommé Javresac, nière dont il le remplit est un chef-d'œuvre
s'avisa de prendre parti contre les deux adver d'habileté. En s'éloignant du théâtre des intri
saires. Balzac voulut se venger comme ût autre gues et du centre des affaires, il mit d'abord sa
fois Malherbe, pour avoir raison de la parodie personne en sûreté. Par son silence prudent, il
de Berthelot; mais Javresac, plus habile à ma rejeta dans un passé lointain les torts de sa jeu
nier l'épée que la plume, fit rebrousser chemin, nesse divulgués par Théophile ; l'homme dispa
plus vite que le pas, au champion de son adver rut dans la renommée de l'écrivain ; cette re
saire. nommée s'accrut par l'absence de l'homme :
Après son voyage de Hollande , voyage ma Major è longinquo reverentia. Le château de
lencontreux, Balzac passa quelques années à Balzac devint comme un sanctaire d'où partaient
Rome, comme agent d'affaires du cardinal La- de temps en temps les oracles du dieu. Quel
valette; ensuite il fut attaché comme secrétaire ques amis dévots y faisaient de rares pèlerina
au duc d'Épernon , au nom duquel il écrivit ges, et rapportaient dans le monde une ad
deux lettres fameuses à la reine régente Marie miration vivifiée par la faveur qu'ils avaient
de Médicis, lettres dont il lui envia l'honneur, obtenue. Des lettres adressées à Chapelain , à
en les publiant dans son premier recueil. Balzac Costar, à Voiture, qui étaient alors les courtiers
était jaloux de ses productions à un tel point , de la gloire, ne laissaient pas languir la ferveur
qu'il ne déguisa point la part qu'il avait prise à des adeptes, et, du fond de sa province, Balzac
son apologie , où il se décernait les éloges les régnait en paix sur le monde des auteurs. Après
plus fastueux , pensant sans doute qu'on ne sau cela, il ne lui restait plus qu'à mourir sainte
rait trop se louer quand on se loue soi-même. ment; lorsqu'il sentit l'heure approcher, il de
Plus tard , notre écrivain brigua la faveur de Ri manda à recevoir les sacrements, fit venir à
chelieu , dont il n'obtint guère que le titre d'his son lit de mort Javresac, autrefois menacé du
toriographe de France. Balzac visait plus haut; bâton par son ordre, se réconcilia avec lui, et,
il voulait un évéché. En désespoir de cause, il terminant cette scène héroïque par un acte de
se serait contenté d'une riche abbaye ; mais il foi , il mourut sur son séant, les bras croisés sur
n'obtint ni l'un ni l'autre. sa poitrine et les yeux levés vers le ciel. Tous
Peu favorisé de Richelieu, harcelé par ses en les témoins furent édifiés, et l'un d'entre eux
nemis, Balzac se retira dans son château , près en rédigea le procès-verbal , qu'il est difficile de
d'Angoulème; c'est là qu'il passa la meilleure lire sans émotion.
partie de sa vie, toujours en correspondance Cette retraite, si calme , si désintéressée en
avec les savants et les grands , mais cessant de apparence, était cependant tourmentée de pas
poursuivre la fortune qui le fuyait. Toutefois, il sions mondaines. L'amour - propre de Balzac
eut encore des éloges pour Mazarin , pour le s'était encore exalté dans la solitude. Des amis
prince de Condéet pour Anne d'Autriche; con complaisants mettaient leur nom et leur plume
stant daus sa manie de louer, mais non dans ses au service de leur idole. La personnalité de Bal
BAL ( 532 ) tîAL
zac, aussi forte, mais moins haute que celle de d'un prince qui a mérité peu d'estime : son Mi
Malherbe, s'abaissa à la jalousie. Les succès de nistre est écrit dans les mêmes sentiments.
Voiture troublèrent la sécurité de son orgueil. Si Balzac interdit aux sujets toute pensée
Il engagea Girac à écrire contre lui; ce factum, d'indépendance politique, on conçoit qu'il devait
écrit en latin, provoqua une réponse de Costar, avec plus de raison se déclarer contre le libre
où ce perfide ami lançait quelques traits détour examen dans les matières religieuses : « Bon
nés contre Balzac, tout en paraissant le louer; Dieu ! s'écrie-t-il, qu'Aristote et sa dialectique
de sorte que l'artifice de Balzac tourna contre ont gâté de têtes ! Qu'il y a dans le monde de
lui-même. Si Girac servait la jalousie de son fous sérieux; de fous qui se fondent en raison ;
maître, Girard, archidiacre d'Angoulême, fai de fous qui sont déguisés en sages ! Omon Dieu!
sait les affaires de sa vanité. C'est lui qui signa que le silence du sanctuaire est bien meilleur
une lettre à Conrart, dans laquelle Balzac exa que le babil des académies , et qu'il vaut bien
gérait les avances que la régente et sa cour lui mieux marcher dans la simplicité de vos voies,
avaient faites, à leur passage à Angoulême, que de s'égarer dans le labyrinthe d'Aristote. »
pendant le voyage à Bordeaux qui eut lieu à l'é Et ailleurs : « J'aime bien mieux cette raison,
poque des troubles de la Fronde. Cette lettre, prisonnière de la foi et sacrifiée par l'humilité ;
conservée par Tallemant des Beaux , est un mo cette raison , abattue et endormie , voire même
nument d'incroyable vanité. Outre cette jalousie morte et enterrée aux pieds des autels, que cette
contre Voiture , il faut encore reprocher à Bal autre raison juge de la foi ; animée d'orgueil et
zac de n'avoir pas épargné Malherbe son maî de vanité ; si vive et si remuante dans les écoles,
tre, qu'il nous représente dans le Socrate chré qui fait tant la maîtresse et la souveraine ; qui
tien comme le pédadogue de la cour, tyran des ne parle que de régner et de vaincre partout où
mots et des syllabes , traitant l'affaire des par elle est. » En vertu de ces principes, Balzac,
ticipes et des gérondifs comme si c'était celle aussi bien que Malherbe, est intraitable à l'é
de deux peuples voisins , jaloux de leurs fron gard du protestantisme , et d'un seul mot, il
tières. Ce n'était pas avec cette irrévérence rail repousse les prétentions de la réforme. « Quelle
leuse que l'élève devait traiter celui qui lui avait apparence y aurait-il , que depuis le commence
frayé la route , en ennoblissant la langue poéti ment du monde , la vérité eût attendu Martin
que, et qui , dans sa lettre à la princesse de Luther pour se venir découvrir à lui à la ta
Conti , avait donné le premier modèle de la verne , et sortir par une bouche qui a plus vomi
prose constamment harmonieuse. qu'elle n'a parlé. » L'image et l'expression sont
Maintenant , pour pénétrer plus avant dans passablement grossières pour un homme qui a
les idées de Balzac, nous allons l'interroger sui donné cours au mot urbanité, mais l'argument
tes hautes questions de la politique , de la reli n'en a pas moins quelque valeur.
gion et de la morale. Ses réponses à notre in Au reste , la soumission de Balzac à la foi es-
terrogatoire auront le double avantage de nous tholique ne s'est pas faite sans profit; elle Ini a
éclairer sur ses sentiments, et de nous montrer inspiré de grandes idées et de belles pages. Il
combien il est habile artisan de paroles. Le cha touche au sublime, lorsqu'il trace à grands traits
pitre de la politique ne sera pas long : le respect la venue du Christ et les prodiges accomplis
du passé , et l'obéissance aveugle aux autorités par un enfant : « Une étable, une crèche, un
établies, voilà toute la pensée de notre auteur, bœuf et un âne ! Quel palais , bon Dieu , et quel
et il la résume en quelques mots : « Nous ne équipage ! Cela ne s'appelle pas naître d«ns la
sommes pas venus au monde pour faire des lois, pourpre , et il n'y a rien qui sente la grandeur
mais pour obéir à celles que nous avons trou de l'empire de Constantinople.
vées , et nous contenter de la sagesse de nos « Ne soyons point honteux de l'objet de notre
pères comme de leur terre et de leur soleil. » adoration ; nous adorons un enfant ; mais cet
Avec ces maximes, Balzac ne pouvait pas être enfant est plus ancien que le temps. Il se trouva
homme de résistance et d'opposition : aussi, à la naissance des choses : il eut part à la struc
tout ce qu'il écrivit sur les matières d'état a-t-il ture de l'univers; et rien ne fut fait sans lui,
le caractère de la soumission et de la flatterie. depuis le premier trait de l'ébauchementd'un si
Son Prince n'est qu'une longue apothéose du grand dessin , jusqu'à la dernière pièce de sa la-
pouvoir absolu, et une intrépide flagornerie brique.
BAL ( 533 ) BAL
« Cet enfant fit taire les oracles , avant qu'il mener à Constantinople ; peut-être que la mer
commençât à parler. Il ferma la bouche aux dé emporte
lande. Sises
nous
bornes
faisons
et noie
venirquelque
les malheurs
ville dedeZé-
si
mons étant encore entre les bras de sa mère.
Son berceau a été fatal aux temples et aux au loin , il ne se passera heure du jour qu'il ne
tels ; a ébranlé les fondements de l'idolâtrie ; a nous arrive du déplaisir ; si nous tenons tous
renversé le trône du prince du monde. Cet les hommes pour nos parents , faisons état de
homme promis à la nature , demandé par les porter le deuil tout le temps de notre vie. »
prophètes , attendu des nations, cet homme, en Balzac n'a garde de faire venir les malheurs de
fin , descendu ciel , a chassé , a exterminé les loin, il aime mieux écarter par l'insensibilité
dieux de la terre. ceux qui le touchent de près ; lorsque son père
» Avant lui , on se doutait bien de quelque meurt, il se contente d'écrire négligemment :
chose. On donnait de légères atteintes à la vé « Depuis ma dernière lettre , j'ai perdu mon
rité : on avait quelques soupçons et quelques bonhomme de père. » D'après ce langage, il n'y
conjectures de ce qui est. Mais les plus intelli a pas apparence qu'il en porte longtemps le
gents étaient les plus retenus et les plus timides deuil , au moins dans son cœur. Avec cette sé
à se faire entendre ; ils n'osaient se déclarer sur cheresse d'âme, il n'est pas étonnant que Bal
quoi que ce soit ; ils ne parlaient qu'en trem zac ait décliné la responsabilité de chef de fa
blant et en hésitant des affaires de l'autre vie : mille, et qu'il ait passé sa vie dans un isolement
ils consultaient et délibéraient toujours, sans ja superbe. Je ne suis guère édifié de la délicatesse
mais se résoudre ni prendre parti. C'est ce Jé de Balzac en amour, ni de sa galanterie ; il est
sus-Christ qui a fait cesser les doutes et les irré guindé et gourmé dans l'expression des senti
solutions de l'Académie ; qui a même assuré le ments tendres; il est cruel dans ses railleries
pyrrhonisme. Il est venu arrêter les pensées va sur le plus grand malheur des femmes, la vieil
gues de l'esprit humain , et fixer ses raisonne lesse. N'y a-t-il pas de l'inhumanité dans ce
ments en l'air. Après plusieurs siècles d'agita trait contre une coquette qui faisait mine de
tion et de trouble, il est venu faire prendre terre tourner à la dévotion : « Elle est aussi éloignée
à la philosophie , et donner des ancres et des de sa conversion que de sa jeunesse. » Balzac
ports à cette mer, qui n'avait ni fond ni rive. » se complaît à désenchanter la jeunesse et la
Je sais bien que si l'on remonte jusqu'aux beauté , qu'il poursuit par la perspective de l'i
pères de l'Église, et que l'on descende à Bossuet , névitable laideur.
on trouvera chez les uns le germe puissant de Quoique j'éprouve peu de sympathie pour
ces beautés, et chez l'autre de plus riches déve l'homme, j'aime à rendre hommage aux grandes
loppements, mais ce n'est pas un médiocre mé qualités de l'écrivain , et je n'hésite pas même
rite que d'être le disciple fidèle des premiers in à soutenir, contre l'opinion commune , qu'il est
terprètes de la foi et comme le précurseur de homme de goût. Je passe condamnation sur les
leur dernier rival. habitudes hyperboliques de son langage et la
Esclave du pouvoir politique et soumis par monotonie des formes, quoiqu'on puisse dire à
conviction à l'autorité de la foi , Balzac retrouve sa décharge que , voulant donner le ton de la
son indépendance en se tournant vers l'huma haute éloquence, il a dû , comme un coryphée
nité et la société. D'abord , la philanthropie (ce intelligent , le forcer un peu ; mais j'alléguerai ,
mot l'aurait fait frémir pour le fond et pour la à l'appui de mon assertion, quelques jugements
forme) n'a point de place en son cœur, où il rè et quelques maximes qui attestent un critique
gne seul, en idole. Pourquoi se mettrait-il en judicieux. On sait que dans la querelle du Cid
peine des misères du genre humain ? ■■ Certes , il se rangea du côté du public et de Corneille ;
disait-il , nous n'aurions jamais fait si nous vou voici maintenant comment il apprécie la comé
lions prendre à cœur les affaires du monde , et die de son temps, qui n'était rien moins que le
avoir de la passion pour le public , dont nous tableau de la vie réelle : « Nos comédies ne
ne faisons qu'une petite partie : peut-être qu'à montrent que des hommes artificiels , des pas
l'heure qu'il est, la grande flotte des Indes fait sions empruntées, des actions contraintes et
naufrage à deux lieues de terre ; peut-être que un monde qui n'est pas le nôtre. » Il combat
l'armée du Turc prend une province sur les avec non moins de bon sens la manie de l'ar
chrétiens et enlève vingt mille âmes pour les chaïsme et du néologisme si naturelle aux
BAL ( 534 ) BAL
jeunes écrivains à toutes les époque de transi cours sur l'Histoire universelle. Nulle part, l'ac
tion. tion de la Providence sur les destinées de l'hu
Le sentiment des beautés simples et sublimes manité, son intervention dans les affaires de la
de la Bible le porte aussi à attaquer les para- terre, n'a été marquée avec plus de précision ,
phrastes maladroits qui dénaturent le style des annoncée avec plus d'éloquence : « Il n'y a rien
prophètes en le chargeant de faux ornements. que de divin dans les maladies qui travaillent
Quoiqu'on lui reproche , et avec raison , la les états. Ces dispositions et ces humeurs, cette
pompe continue de son langage, il blâme dans fièvre chaude de rébellion , cette léthargie de
les autres le défaut qu'il n'a pas toujours évité : servitude, viennent de plus haut qu'on ne s'ima
« Rien, dit-il, n'est si voisin du haut style que gine. Dieu est le poète , et les hommes ne sont
le galimatias. » Il relève du péché de noblesse que les acteurs. Ces grandes pièces qui se joueDt
non interrompue, les orateurs qui ne savent pas sur la terre, ont été composées dans le ciel , et
s'abaisser à propos ni mesurer l'élévation des c'est souvent un faquin qui en doit être l'Atree
mots à celle des idées, et il les instruit par ou l'Agamemnon. Quand la Providence a quel
l'exemple de l'orateur antique : « Périclès n'é que dessein , il ne lui importe guère de quels
tait pas toujours orateur, et il ne tonnait pas instruments et de quels moyens elle se serve.
devant le peuple quand il n'était question que Entre ses mains tout est foudre , tout est tem
de nétoyer les rues de la ville, ou de relever un pête, tout est déluge, tout est Alexandre, tout
pan de muraille qui était tombé , ou de taxer la est César : elle peut faire par un enfant , par un
viande de boucherie. » nain , par un eunuque, ce qu'elle a fait par les
Il me tarde de montrer Balzac dans une de géants et par les héros, par les hommes extraor
ces rencontres , assez rares à la vérité , où la dinaires.
grandeur des idées s'accorde avec la majesté « Dieu dit lui-même de ces gens-là, qu'il les
des paroles. Voici un passage que Pascal a ré envoie en sa colère , et qu'ils sont les verpes de
manié , et dont la chaire chrétienne a souvent sa fureur. Mais ne prenez pas ici l'un pour l'au
reproduit le sens, mais qu'elle n'a point sur tre. Les verges ne piquent , ni ne mordent
passé. Il s'agit du miracle de l'établissement d'elles-mêmes; ne frappent ni ne blessent toutes
chrétien : « Il ne paraît rien ici de l'homme ; seules. C'est l'envoi , c'est la colère, c'est la fu
rien qui porte sa marque et qui soit de sa façon. reur qui rendent les verges terribles et redou
Je ne vois rien qui ne me semble plus que na tables. Cette main invisible, ce bras qui ne pa
turel dans la naissance , et le progrès de cette rait pas, donnent les coups que le monde sent.
doctrine. Les ignorants l'ont persuadée aux phi Il y a bien je ne sais quelle hardiesse qui me
losophes. De pauvres pêcheurs ont été érigés nace de la part de l'homme, mais la force, qui
en éducateurs des rois et des nations ; en pro accable, est toute de Dieu. » Après deux siècles,
fesseurs de la science du ciel. Ils ont pris ce passage conserve toute sa beauté, tout son
dans leurs filets, les orateurs et les poètes, les éclat , et l'on ne voit pas par où il pourrait vieil
jurisconsultes et les mathématiciens. Cette ré lir et se ternir, tant est énergique la vitalité du
publique naissante s'est multipliée par la chas beau langage et des grandes idées.
teté et la mort , bien que ce soient deux choses Il serait difficile de décider si les défauts de
stériles et contraires au dessein de multiplier. Balzac, comme écrivain et comme penseur, sont
Ce peuple choisi , s'est accru par les pertes et des vices de son génie, ou des torts de sa desti
par les défaites : il a combattu, il a vaincu étant née. L'émotion du sentiment, la tendresse du
désarmé; le. monde en apparence avait ruiné coeur manquent absolument à ses ouvrages, et
l'Église, mais elle a accablé le monde sous les c'est pour cela qu'ils attachent peu , quoiqu'ils
ruines ; la force des tyrans s'est rendue au cou plaisent souvent. Mais, faut-il en accuser la sé
rage des condamnés. La patience de nos pères cheresse naturelle de son cœur, ou cet isolement
a lassé toutes les mains , toutes les machines , qui rompit toutes les relations de famille et de
toutes les inventions de la cruauté. » société qui auraient remué l'ûmede l'homme,
Allons encore plus loin , et montrons , dans du citoyen et du chrétien. J'incline à croire que
quelques pages de Balzac , les premiers linéa- cette retraire qui fut viagèrement un excellent
meutsde la philosophie de l'histoire, et le germe calcul de vanité, eut sur l'âme de Balzac, elpar
fécond que Bossuet a développé par son d'*-' contre- coup sur son talent, une funeste in
BAL ( 535 ) DAM
fluence. Elle endurcit son cœur en exaltant son cueillie par ce grand homme, qui répondit avec
amour-propre , elle apprauvrit ses Idées en l'é aigreur. Balzac, qui l'avait bien traité, s'étonna
loignant de la pratique des hommes et des cho de ce procédé ; mais il aurait dû se rappeler que
ses. Cette forte intelligence fut par-là réduite à la critique, même la plus bienveillante, effleure
vivre sur le fonds de sa première expérience. Si toujours l'irritable amour-propre du poète, et
l'on excepte quelques hautes considérations his que d'ailleurs Heinsius était l'ami du docteur
toriques ou religieuses, Balzac est demeure par Baudius, dont le gendre avait, dit-on , de gra
tout en-decà des promesses de son début, bril ves reproches à faire au jeune compagnon de
lante floraison qui semblait annoncer la plus voyage de Théophile.
riche moisson. Les fruits de la maturité u'ont Après une étude sérieuse de la vie et des œu
pas eu la vigueur promise. On peut croire que vres de Balzac , j'avouerai sans détour que son
si Balzac ne se fût pas retiré prématurément de caractère ne m'inspire aucune sympathie. Ja
la vie active ; que s'il se fût mêlé aux affaires et mais homme ne fut plus exclusivement occupé
aux grands intérêts de la société ; que si Riche de lui-même : sa vanité trouvait bons tous les
lieu l'eût appelé aux grandes dignités de l'Eglise moyens de se satisfaire : il se louait sans relâ
on de l'Etat, il fût devenu un grand écrivain che (1 ) et se faisait louer à outrance. On trouve
politique ou un orateur éminent. Certes, il à citer dans sa vie la fondation du prix d'élo
n'aurait pas composé un prince de fantaisie, un quence que l'Académie décerne annuellement ,
ministre chimérique , une cour imaginaire ; il et son testament , par lequel il lègue tout son
n'aurait pas écrit de dissertations à vide sur le bien aux hôpitaux ; or, je le dis sans crainte de
Romain , des lieux communs touchant Fabrice, décourager ni la vertu ni la vanité, qui ne se
Auguste et Mécenas ; il ne se serait pas amusé laissent pas abattre si facilement, dans ces deux
à discuter gravement que les dons du corps et traits si vantés, la part du démon de l'orgueil
de l'esprit ne sont ni de la puissance ni de la pourrait bien être la plus forte. Je ne saurais
juridiction de la fortune; il aurait laissé aux estimer l'adulateur banal de toutes les puis
prises les Uranistes et les Jobelins, sans se porter sances, le déserteur de toutes les disgrâces,
juge du camp , et moins encore eût-il disserté le disciple ingrat et l'ami infidèle; mais si je
sur l'attelage de Vénus. considère l'écrivain , je dois avouer les immen
Balzac a beaucoup écrit. 11 ajouta une tren ses services qu'il a rendus à la langue, et recon
taine de livres de lettres aux quatre premiers naître que Balzac était véritablement né pour
qui avaient commencé sa réputation ; mais il ne l'éloquence. Ce qui lui a manqué surtout, ce
s'éleva pas dans ce genre au-dessus de son coup sont des circonstances favorables à l'essor de
d'essai. 11 faut ajouter à cette vaste correspon son génie, et un théâtre où il pût le développer.
dance , le Prince , composé en l'honneur de Balzac, daus la chaire chrétienne, aurait été le
Louis XIII, et qui serait une excellente leçon , digne précurseur de Bossuet ; mais dans le si
s'il n'était une insigne flatterie ; l'Aristippe ou lence du cabinet il n'a montré que la moitié de
le Ministre, qui devait être le complément du ses forces, et on peut lui appliquer, en le modi
Prince, et que Balzac n'a point publié parce fiant , le mot par lequel il a réduit à sa juste
qu'il eut à se plaindre de Mazarin aussi bien valeur le mérite de Ronsard : « C'est le com
que de Richelieu ; le Socrate chrétien , sans con mencement et la matière d'un orateur. » Balzac
tredit son plus bel ouvrage , et qui contient le est mort en 1554 , âgé de soixante ans.
germe de deux chefs-d'œuvre de Bossuet , l'His GÉRTJZEZ.
toire universelle et l'Exposé de la doctrine BAMBARRA, nom d'une vaste étendue de
chrétienne; le Barbon, satire ou plutôt charge pays située dans l'intérieur de l'Afrique septen
assez ingénieuse, dirigée, non pas contre Mont- trionale, et dont les limites exactes ne sont pas
maur, comme on l'a cru, mais contre l'arche connues. Du côté du couchant , il s'étend jus
vêque de Rouen , François de Harlay ; enfin , qu'au V méridien , et sa largeur est , selon les
une foule d'entretiens et de dissertations sur des probabilités, d'environ 5' de longitude. Sa lon-
sujets littéraires et religieux , sans compter un
(1) Le spirituel Bautru répondait à Richelieu , en
nombre considérable de vers latins. La meil pr.rlant de Balzac : « Comment roulez- vous qu'il se
leure de ces dissertations, celle qui roule sur porte bien, il ne parle que de lui-même, et chaque
X'Herodes infanticida de Heinsius, fut mal ac fois il se découvre : tout cela l'enrhume. »
BAM ( 536 ) BAM
gueur du nord au sud peut être estimée à envi le pays; il échange ces objets contre du sel, du
ron 7° de latitude , c'est-à-dire depuis le grand tabac et des marchandises d'Europe. Le gouver
désert de Zahara jusque vers le 9* parallèle. La nement est dans les mains d'un grand nombre
partie orientale du pays des Bambarras est de petits chefs indépendants qui sont perpétuel
unie, basse et marécageuse; la partie occiden lement en guerre les uns contre les autres.
tale s'élève considérablement et fait partie des BAMBERG , (Géogr.) capitale d'un état du
montagnes de Kong. Le climat est extrêmement même nom , jadis indépendant et obéissant à
chaud et lourd dans les plaines, mais, comme un éveque , et qui aujourd'hui appartient à la
de raison, beaucoup plus frais dans la partie Bavière , et se trouve enclavé dans le cercle du
montueuse du pays. La saison des pluies com Mein-Supérieur. Bamberg est située sur le Reg-
mence en juin et se prolongejusqu'en novembre; nitz, qui se jette dans le Mein , un peu au-des
pendant le reste de l'année le vent du nord-est sous de cette ville. Celle-ci se distingue par la
souffle; il est sec et chaud, mais accompagné beauté de ses édifices , la fertilité et la belle cul
d'un brouillard épais. ture de ses jardins potagers. Les anciennes mu
Le principal fleuve du Bamharra est le Niger ; railles et les fossés qui la défendaient autrefois
que les habitants appellent le Djoliba , nom qui existent encore. La splendeur du palais épisco-
signifie la grande eau. On n'en connaît pas les pal rappelle la puissance de ses anciens mai très.
sources. Le cours en est interrompu par plu Il est aujourd'hui la résidence d'un évêque ré
sieurs cataractes près de Bammakou ; plus loin duit au pouvoir spirituel. Bamberg renferme
ses bords sont animés par de nombreux villages seize églises et quelques couvents; la cathédrale
et même par quelques villes considérables , tel- surtout est remarquable par la hardiesse de
lesqueSego, Saneanding, Silla et Dje uni. Ayant construction de ses quatre tours. Indépendam
traversé le grand lac de Debo , il arrose Tom- ment d'un lycée, on trouve à Bamberg une
bouctou , et dans cette partie de son cours il est bibliothèque de quatorze mille volumes, ren
navigable pour des bâtiments de soixante à fermant plusieurs manuscrits assez rares , une
quatre-vingts tonneaux. galerie de tableaux et une école de médecine.
Les richesses minérales de cette contrée sont Au nombre des institutions de bienfaisance que
peu connues ; il est probable que les montagnes possède cette ville, il faut citer un lazareth , un
contiennent de l'or, et il s'y trouve certainement hôpital et une maison de mendicité. L'industrie
du fer. Les végétaux que l'on y cultive sont le y montre une certaine activité ; plusieurs manu
riz , le mais , le millet , les ignames , le coton, le factures de toiles indiennes et de toiles de coton
melon d'eau , le haricot vert et l'ognon. Dans la imprimées y occupent ordinairement plusieurs
saison pluvieuse on y récolte aussi des choux, centaines d'ouvriers. La population de Bam
des carottes et des navets. Le tabac se plante berg est de 7,000 habitans. F. de L.
dans quelques districts, et dans quelques autres BAMBOCHE , peintre , né en 1613 au vil
l'indigo croit spontanément. Les arbres fruitiers lage de Laar près de Naarden , en Hollande.
sont fort rares , sauf le pistachier ; les produc Son véritable nom est Pierre de Laar. Les Ita
tions les plus remarquables du pays sont l'arbre liens l'ont surnommé Bamboccio à cause de sa
à beurre et le gigantesque baobab. Les pâturages petite taille et de sa tournure grotesque.
étant excellents , les animaux domestiques sont Pierre , dès l'enfance , montra une véritable
nombreux ; il en est de même de la volaille et du passion pour l'art dans lequel il devait exceller.
poisson d'eau douce. Le miel y est très abon Bien qu'il eût été formé, dit-on, à l'école de
dant. Jean del Campo , il ne dut qu'à son génie l'o
Le Bamharra est habité principalement par riginalité qui le distingua. Il résolut de bonne
une tribu de nègres qui ont fait donner au pays heure de visiter l'Italie, et traversa la France
le nom de Nigritie ; on y trouve aussi des Man- pour se rendre à Rome, où il demeura seize ans.
dingues et des Foulahs , qui , ayant embrassé La douceur et la gaîte de son caractère lui va
l'islamisme , sont plus policés que les naturels lurent l'amitié des personnages et des artistes
du pays ; enfin les villes renferment aussi un distingués de son temps, et contribuèrent beau
assez grand nombre de Maures. Bambarra fait coup à ses succès. Il vivait surtout dans la plus
un commerceconsidérableenor, ivoire, esclaves grande familiarité avec Le Poussin , Claude le
et étoffes de coton grossières, fabriquées dans Lorrain et Sandrart , qu'il divertissait par ses
BAM (537 ) BAM
plaisanteries de tout genre , poussant quelque une moelle spongieuse d'une saveur agréable et
fois la bonne humeur jusqu'à se déguiser en sucrée, que les Indiens aiment beaucoup. Lors
vieux singe. qu'elles ont acquis plus de consistance , il dé
Cédant aux instances de ses parens et de ses coule naturellement de leurs nœuds une liqueur
amis , il quitta Rome en 1639 et revint d'abord sucrée qui se coagule par la cbaleurdu soleil.
à Amsterdam, puis à Harlem, où pendant long Les Indiens emploient les tiges de bambou,
temps il ne perdit rien de sa réputation d'artiste quand elles ont acquis tout leur accroissement ,
et de son enjouement. Mats la vieillesse , jointe pour la construction de leurs maisons, pour en
à une oppression de poitrine , étouffèrent à la faire des palissades; ils les fendent en laniè
fin sa gaité, et il tomba dans la plus noire mé res plus ou moins menues dont ils font des cor
; lancolie. Suivant les uns , il succomba au cha beilles, des paniers , des nattes et divers usten
grin de se voir surpassé par Wouwermans ; se siles de ménage. L. D.
lon les autres, ne pouvant plus supporter ni ses BAMBOUK , contrée d'Afrique située entre
maux ni la misère dans laquelle ses prodigalités les 12e et 14» parallèles de latitude et les 10« et
l'avaient jeté , il se précipita dans un puits : on 12e méridiens de longitude ouest. Elle occupe
a même prétendu que cet acte de désespoir avait un des versans des montagnes de King , celui
pour cause les remords qu'il éprouvait au sou qui va rejoindre vers le nord le grand désert
venir d'un assassinat commis dans sa jeunesse , de Zahara. Elle est très montagneuse, et ce
en compagnie de trois ou quatre de ses amis , n'est que vers l'extrémité occidentale , le long
sur la personne d'un prêtre qui leur reprochait du bord de la rivière de Ba-Fing, que les val
une infraction aux lois de l'Église sur l'absti lées se changent en plaines d'une étendue mé
nence. Tous ensemble ils lavaient saisi et jeté diocre. Le pays n'est pourtant pas stérile. Les
en riant dans le Tibre, pour tempérer, disaient- montagnes offrent d'excellents pâturages, et
ils , l'ardeur de son zèle. Le pauvre prêtre s'é les vallées produisent en abondance du riz et
tait noyé. du maïs. Les mines fournissent de l'argent et
Le genre qu'affectionnait Bamboche vise au du fer de fort bonne qualité , ainsi qu'une
grotesque ; aussi appelle-t-on bambochades les grande quantité d'or. Le pays de Bambouk a
productions qui s'y rattachent. Il n'a jamais été appelé avec raison le Pérou de l'Afrique.
traité que de petits sujets , chasses, marines, Les principales mines d'or sont situées dans
attaques de voleurs, intérieurs déménages, etc. les environs de la ville de Bambouk, mais on en
Le Louvre et le Palais-Royal possèdent plu retire bien plus encore du sable aurifère , que
sieurs de ses œuvres. Bucbet de Cublize. charrient les rivières. A cet effet, on creuse,
BAMBOU ? Bahbuza ( bot. ) , genre de pendant la saison sèche , dans le sol alluvial, des
plantes de l'hexandrie monogynie de Linnée, trous de vingt à vingt-cinq pieds de profon
et de la famille naturelle des graminées. Avant deur , et l'on y trouve des particules d'or mê
de connaître les fleurs du bambou , on en avait lées avec un sable rougeâtre tacheté de noir.
fait une espèce de roseau ; mais depuis qu'on On recueille ce sable dans des paniers , et des
a pu s'assurer de leurs véritables caractères femmes le lavent dans des calebasses ; en d'au
et du nombre (six) des étamines , il a été évi tres endroits, on trouve des cailloux. Une par
dent que cette plante devait former un genre tie de l'or que l'on recueille ainsi est convertie
différent , dans lequel on compte aujourd'hui en bijoux pour les dames du pays ; mais une
au moins trois espèces qui appartiennent toutes partie beaucoup plus considérable est enlevée
aux Indes-Orientales. La plus connue est le bam par les marchands maures , qui le portent à
bou roseau, bambusa arundinacea, dont les ti Tombouctou, d'où il s'expédie pour les côtes
ges sont des chaumes articulés à la manière des septentrionales de l'Afrique, pour l'Egypte et
graminées, mais dout la grosseur, la solidité et pour l'Asie. Il s'échange principalement contre
la hauteur,quiestquelquefoisdeplusde soixante du sel , qui se vend à des prix très élevés. Un
pieds , les rapprochent en quelque sorte des ar morceau de sel d'environ 27 pouces de long ,
bres , et particulièrement des palmiers. Les 13 de large et 2 d'épaisseur, vaut quelquefois
fleurs sont disposées au sommet des tiges en jusqu'à 62 francs , et rapporte toujours cou
longues paniculcs , rameuses et étalées. ramment de 45 à 50 fr.
Les jeunes pousses du bambou contiennent On trouve dans le Bambouk des lions , des
BAN ( l 8 ) BAN
léopards et des éléphants. Le Ba-Flng, qui ar se faisant pirate. Ban de tambour et de trom
rose ce pays, est un des plus grands tributaires pette, retrace le ban considéré comme publica
du Sénégal , peut-être même devrait-on le re tion. Battre ou sonner un ban, c'est comme si
garder comme le bras principal de ce fleuve l'on disait aux assistants que ce signal rassemble:
lui-même. Les voyageurs ne sont pas d'accord Écoutez. Il y a eu des bans-à-cloque, ou bans
sur le caractère des habitants de la contrée ; de vendange. Une cloque, une cloche, an
Mungo-Park vante leur industrie, leur sagacité nonçait aux paysans qu'il était permis de cueil
et leur intégrité, tandis que Caillé les peint sous lir le raisin. Il y a eu, sous la féodalité, des
des couleurs beaucoup moins favorables. bans de pillage; c'était le signal qui donnait
BAMBOURS (entom.). C'est ainsi qu'on la volée aux gastadours , aux varlets , aux
nomme à Ceylan une espèce d'abeilles plus coustiliers , impatients de se porter au sac
grandes que les nôtres, qui placent leurs nids d'une place ou au ravage d'un pays. Il y avait
au haut des arbres , et qui déposent dans leurs des bans de prise de possession. En 1270 , saint
rayons un miel très limpide. D. Louis en avait dicté un lui-même à son aulmos-
BAN. Mot que la langue des Francs avait nier. Cet aumônier, après sonneries préala
introduit dans le latin barbare. Il est aussi bles , fit à Tunis , le cri public ; il commen
vieux que la monarchie, s'est reproduit en teu çait par ces mots : « Je vous dis le ban de Jé
ton abrégé , n'a pas cessé d'être en usage, et a sus-Christ, et de Louis , roi de France, son
signifié proclamation de l'autorité, conscrip sergent, etc. » Le gén. Babdih.
tion, déclaration de guerre, et même semonce BAN DE MARIAGE ( Théologie et droit
ou punition d'exil, comme le substantif banni civil). Les proclamations légales qui précèdent
le témoigne. Les mots bannet bannum, que la célébration du mariage ont conservé ce nom ,
prononçaient Clovis et Charlemagne , se re dont l'origine a été suffisamment indiquée à
trouvaient, sauf quelques lettres, dans la bou l'article Ban. C'est un moyen de publicité pres
che de Napoléeon, quand il promulguait les crit à la fois par l'Eglise et par l'État , dans le
trois bans de l'empire, qu'il transformait le but de prévenir les unions clandestines, de pro
pays en un vaste camp, où il distribuait la voquer la révélation des empechemens , et de
garde nationale en jeune avant-garde, corps mettre les parties intéressées en demeure de
d'armée d'âge mûr, et réserve de vieillards. Le former, s'il y a lieu , des oppositions.
ban était royal jusqu'à Charlemagne, et signi L'usage d'annoncer en public les projets de
fiait armée ou host du souverain ; sous les suc- mariage arrêtés entre les chrétiens semble avoir
seurs de ce prince, c'était la troupe d'un su été adopté dès les premiers siècles de l'Église :
zerain , l'host d'un bauneret. L'acception du de graves auteurs interprètent en ce sens une
terme s'est modifiée au temps des sous-infeuda- expression deTertullien : Trinundina promul-
tions par l'adjonction du mot arrière, et l'on a gatio (lib. n, ad uxorem). Ce qu'il y a de
dit : arrière-ban ; cette dernière expression don certain , c'est que cette coutume était réguliè-
nait idée de la mobilisation générale des forces ment établie en divers pays , et surtout en
du ban royal, des bans de bannerets, des bans France , long-temps avant qu'un décret de l'É
inférieurs de ténures ou de sous-fiefs , et même glise l'eût rendue universellement obligatoire.
des milices communales successivement créées C'est le quatrième concile de Latran , tenu en
à partir du règne de Louis-le-Gros. C'est du 1215, sous le pontificat d'Innocent EU , qui , le
moins ce que paraît démontrer l'examen atten premier, a converti en loi générale un usage qui
tif des documents historiques ; car il n'y a au n'avait été pratiqué jusqu'alors qu'à titre d'ob
cun accord parmi les écrivains à l'égard du ban, servance particulière (cap. cùm inhibitio, de
de l'arrière-ban et des armées royales ; nul d'en clandest. desponsat.). Plus tard, le concile de
tre eux n'a donné sur ces questions de satisfai Trente (sess. 24 , cap. l, de reformat.) renou
santes et claires solutions ; ils ont mis au jour, vela cette prescription , en précisant davantage
touchant l'étymologie du mot actuel , les opi la forme et les conditions diverses de la publica
nions les plus contradictoires et les moins ra tion des bans. L'État, en France, s'associa bien
tionnelles. Les acceptions diverses que le terme tôt à l'esprit de la législation ecclésiastique.
a prises ont laissé , s'il s'agit de l'exil, les sub- L'ordonnance de Blois , art. 40 , l'édit de Hen
stantifs/or&anni ou forban , c'est-à-dire banni , ri IV (1606) et l'ordonnance de Louis XIII
BAN ( 530 ) han
(1639) confirmèrent successivement la règle Les bans doivent être publiés au prône des
établie par les conciles, et l'appliquèrent au messes paroissiales , trois jours consécutifs de
mariage considéré quant à ses effets civils. dimanche ou de fête d'obligation , au domicile
Alors , et tant que dura cet état de choses , il de chacune des parties contractantes , c'est-à-
en fut des bans publiés , comme des mariages dire, dans la paroisse où chacune d'elles compte
célébrés à l'église : pour les catholiques , ils six mois d'habitation. Les mineurs sont obligés
remplirent à la fois le double vœu de l'autorité en outre de faire publier leurs bans au domicile
spirituelle et du pouvoir temporel ; et quant à de leurs parens , ou de leurs tuteurs, ou de
ceux qui professaient une autre religion , depuis toutes personnes sous la puissance desquelles ils
l'éditde 1787, ils devaient faire publier leurs se trouvent placés ; les militaires , dans les gar
bans ou par les curés, comme les catholiques, nisons ou autres lieux où ils vivent; les vaga
ou par les officiers de justice. Ces publications bonds et les étrangers , suivant l'usage le plus
se faisaient à la porte de l'église , a l'issue des généralement établi , au lieu de leur naissance
messes paroissiales, et on en dressait un acte, qui ou de leur plus long séjour. C'est le curé de la
devait être affiché par extrait à la porte de l'é paroisse ou ses vicaires qui doivent procéder a
glise. Lors de la révolution de 1789 , le mariage la publication des bans.
civil ayant été séparé du mariage religieux , Le but que l'Église s'est proposée en prescri
des publications spéciales , distinctes des bans vant ce moyen de publicité, montre suffisam
ecclésiastiques, ont été exigées de tous les Fran ment quelle en doit être la forme. Il faut indi
çais , quelle que soit leur religion. Nous avons quer les noms et prénoms , le lieu de la nais
donc à traiter ici et des bans ecclésiastiques et sance , la profession et la condition des parties
des bans civils. contractantes , en ayant soin toutefois de sup
Les décrets de l'Église sur cette matière pres primer les énonciations qui tendraient a leur
crivent trois publications de bans avant la cé imprimer quelque flétrissure ; de telle sorte que
lébration du mariage. Ce précepte oblige tous le public soit réellement averti du mariage pro
les fidèles , quels que soient leur état , leur qua jeté , que les empêchemens , s'il en existe ,
lité et leur condition ; les membres des familles puissent être découverts , et que les oppositions
souveraines étant seuls exceptés , à cause de la puissent être formées. A chaque publication , on
notoriété qui environne tout ce qui se rattache doit annoncer qu'elle est ou la première , ou la
à leur existence. L'omission de cette solennité seconde , ou la troisième. Si des dispenses de
constituerait donc , de la part du prêtre qui au baus ont été accordées, il faut en faire une men
rait célébré le mariage et des parties contrac tion expresse , ainsi que des autres dispenses
tantes , une transgression en matière grave ; que les futurs conjoints se proposeraient d'ob
mais elle n'entrainerait pas par elle-même la tenir.
nullité du sacrement. Telle est du moins l'opi Un certain intervalle doit s'écouler entre la
nion presque universelle des théologiens , fon publication du dernier ban et la célébration du
dée sur ce principe que les nullités ne se pré mariage; on exige le plus ordinairement un jour
sument pas et sur ce que les décrets des conciles franc. De nouvelles publications doivent être
se 6ont abstenus de prononcer la peine de nul faites si le mariage est différé trop long-temps
lité en faisant une loi de la publication des baus. après l'accomplissement de cette solennité ; le
Le précepte n'est même pas tellement rigou délai fixé pour la réitération des bans est pres
reux que les évéques ne puissent, de droit com que partout de deux ou trois mois.
mun, dispenser de son observation; cette fa C'est à partir de la publication des bans que
culté leur a été laissée par le concile de Trente, naît pour les fidèles l'obligation de révéler les
qui a prévu le cas où la proclamation publique empêchemns qui s'opposent à ce que le ma
d'un futur mariage pourrait occasioner du scan riage projeté puisse s'accomplir. A moins d'un
dale ou causer un grave préjudice , soit maté motif extrêmement grave , le silence , en pareil
riel , soit moral , aux parties contractantes. On cas, serait la violation d'une loi formelle de
peut donc obtenir dispense d'un ou deux bans , l'Église , violation qui entraîne , dans la plu
et quelquefois même de trois lorsque les cir part des diocèses , la peine d'excommunica
constances sont impérieuses et les motifs d'une tion. (Voyez, pour les notions théologiques
haute gravité. qui doivent former le complément de cet ar
BAN ( 540 ) BAN
ticle, les mots Mariage , Empêchement, etc. ) pense est accordée par le ministère public , au
La loi civile ne prescrit que deux publications nom du roi, à charge d'en rendre compte au
de bans , faites à huit jours d'intervalle , par ministre de la justice. Mais lorsqu'aueune dis
l'officier de l'état civil , un jour de dimanche , pense n'a été obtenue , l'omission des deux pu
devant la porte de la maison commune , au do blications prescrites par la loi rend l'officier
micile de chacune des parties contractantes et public qui a procédé au mariage passible d'une
d's personnes sous la puissance desquelles elles amende de 300 francs, au plus, et les parties
se trouvent relativement au mariage. Ces publi contractantes , ainsi que ceux sous la puissance
cations doivent énoncer les prénoms , noms , desquels elles ont agi , d'une amende propor
professions et domiciles des futurs époux , leur tionnée à leur fortune. Ces peines étant les
qualité de majeurs ou de mineurs , et les pré seules qui aient été prononcées en cas de trans
noms, noms, professions et domiciles de leurs gression de la loi, la majorité des jurisconsultes
pères et mères. Un registre , tenu ad hoc , est est d'avis que le défaut de publications ne suf
destiné à contenir les actes de publication , qui fit pas par lui-même pour rendre un mariage
doivent , aux énonciations dont nous venons de nul ; il faudrait , pour que la nullité dût être
parler, joindre celles des jours, lieux et heures prononcée , que le mariage n'eut pas eu d'ail
où les bans ont été publiés. Un extrait de l'acte leurs les conditions de publicité requises par
doit rester affiché à la porte de la mairie pen l'art. 191 du Code civil. Il en serait autrement
dant les huit jours d'intervalle qui séparent la s'il s'agissait d'un mariage contracté en pays
première de la seconde publication. Le mariage étranger par un Français qui a conservé son
ne peut être célébré avant le troisième jour de domiciie en France; ce mariage n'est valable
puis et non compris celui du dernier ban. De qu'autant qu'il a été précédé en France des pu
nouveaux bans deviennent nécessaires lorsque blications légales (voy. Code civil, liv. 1, tit. 5,
le mariage n'est pas célébré dans l'année à chap. 3, ettit. 5, ch. 2). H. M.
compter de l'expiration du délai des publica BAN DE VENDANGE. C'est le droit
tions. C'est au domicile réel des parties que les qui appartient à la police de fixer l'époque
bans doivent être publiés. Néanmoins , le domi à laquelle doit commencer la vendange. • Si
cile civil , quant au mariage , peut s'acquérir ce droit n'existait pas , comme il existe dans
par six mois d'habitation continue dans la même presque tous les pays de vignobles , a dit
commune; alors les publications doivent être M. Merlin , l'avantage public semblerait l'in
fuites et au domicile réel , et au lieu de la rési troduire. >• (Répertoire de jurisprudence , au
dence de six mois. Un an d'habitation continue mot sus-indiqué.) Il est, en effet, destiné à em
dans la même commune dispense de la publica pêcher que les propriétaires de vigne , en ven
tion des bans à l'ancien domicile. Les militaires dangeant à leur volonté, ne nuisent au public,
sont tenus de faire publier leurs bans au lieu de à leurs voisins et à eux-mêmes : au public, en
leur dernier domicile , et les publications doi lui vendant du vin, auquel une récolte, faite
vent être mises , vingt-cinq jours avant la célé avant que le raisin n'eût atteint son degré de
bration du mariage , à l'ordre du jour du corps , maturité, n'aurait pas fait acquérir une bonne
pour les individus qui tiennent à un corps, et à qualité; aux voisins, en laissant leurs vignes
celui de l'armée ou du corps d'armée, pour les exposées au larcin et aux dégâts; à eux-mêmes,
officiers sans troupe et les employés. en les préservant, soit de leur inexpérience,
Après les publications, lorsqu'elles ont été soit de calculs pernicieux, qui auraient pour ré
faites dans plusieurs communes, les parties doi sultat de décrier leurs vins et d'en diminuer la
vent remettre à l'officier de l'état civil un certi valeur.
ficat qui constate qu'il n'est pas survenu d'op Autrefois ce droit, en usage dans la plupart
positions. des coutumes, était exercé par les officiers de
Comme la loi ecclésiastique, la loi civile a police, tels que les juges des seigneurs hauts-
prévu le cas où les publications de bans seraient justiciers et les lieutenants-généraux de police,
de nature à entraîner des inconvéniens graves ; sur le rapport de plusieurs notables vignerons
et un arrêté du 20 prairial an xi a décidé qu'on spécialement délégués, et au moyen d'une or
pouvait alors obtenir dispense de la seconde pu donnance , en forme de procès-verbal , rendue
blication , mais non de la première. Cette dis publique à la diligence du procureur fiscal , et
ÏUN ( 541 ) R\N
dans laquelle il était prescrit de s'y conformer, rend au Ban de la roche par le val de Ville et
avec défense d'y contrevenir à peine d'amende : par Honcourt , ou bien on gravit les mystérieu
les contraventions étaient constatées par les ses enceintes de Sainte-Odile et on traverse le
messiers, officiers préposés à la garde des fruits champ du feu, vaste pâturage sur l'emplace
de la terre. ment duquel il y avait vraisemblablement des
Le ban de vendange , considéré comme droit forêts qui ont été depuis la proie des flammes ;
seigneurial, a été aboli par la loi du 28 septem mais le souvenir de cet événement ne s'est pas
bre 1791 , sur la police rurale. Mais telle en conservé dans le nom allemand Hochfeld (haut
était l'évidente utilité , que cette loi l'a rétabli champ ) . On y voyait encore il y a peu d'an
aussitôt , en lui donnant la fixité et l'uniformité nées , un petit lac dont la profondeur était pré
qu'il n'avait pas auparavant. « Chaque proprié sumée incommensurable ; aujourd'hui il n'y a
taire, porte cette loi, art. 1er, titre 1er, sect. 5, que des marais entrecoupés de fleurs des cou
sera libre de faire sa récolte de quelque nature leurs les plus variées. La route de la vallée de la
qu'elle soit, avec tout instrument qu'il lui con Bruache est l'une des plus praticables, mais elle
viendra, pourvu qu'il ne cause aucun dommage devient fort pénible lorsqu'on approche du châ
aux propriétaires voisins. Cependant dans les teau. Dès le commencement du xive siècle , on
pays où le ban de vendange est en usage , il voit ce fief possédé par l'illustre famille de Ba-
pourra être fait à cet égard un règlement cha thsamhausen, dont trois chevaliers périrent
que année par le conseil général de la commune à la bataille de Sempach en combattant â coté
(aujourd'hui par le conseil municipal) , mais du duc Léopold d'Autriche pour asservir les
seulement pour les vignes non closes : les ré Suisses. Un autre fut élu évéque de Bâle ;
clamations qui pourraient être faites contre le mais un Gérothée de cette famille , auquel
règlement , seront portées au directoire du dé échut en 1467 le château de la Boche, y reçut
partement , qui y statuera sur l'avis du direc une troupe de brigands qui infesta durant plu
toire du district. » sieurs années les routes du pays. Pour mettre
Ce règlement ainsi fait, doit être publié et af un terme à ses désordres, la ville de Strasbourg,
fiché par l'autorité municipale dans chaque son évéque et le comte de Salm , dont la sei
commune. Il est alors obligatoire , et les con gneurie était voisine de celle de Bathsamhau-
trevenants sont punis par le juge de paix d'une sen, assiégèrent le château de la Boche et le pri
amende de 6 à lo francs (art. 475 , n° 1er du rent , ce qui n'empêcha pas Gérothée de rece
Code pénal de 1810). La jurisprudence a même voir dans la suite plusieurs investitures. Il re
décidé que dans les pays où les bans de ven pose dans l'église de Fouday où l'on peut lire
dange sont en usage, la prohibition de vendan encore son épitaphe. Une ancienne peinture de
ger avant le jour fixé par le règlement annuel, la même église représentait trois demoiselles de
existait de plein droit, et que la peine établie la même famille qui avaient pris part à ces bri
contre les contrevenants par l'art. 475 , était gandages ; néanmoins il existe des divergences
applicable à ceux qui , dans ces pays , vendan sur ce fait et surtout sur sa date. En 1584, le
geaient avant la publication du ban (arrêt de Ban de la roche fut vendu aux comtes de Vel-
cassation du 25 février 1836). B. B. denz , puis il passa par les femmes à la maison
BAN DE LA ROCHE (en allemand Stein- de Deux-Ponts , mais Louis XV décida que c'é
th ai.). C'est un territoire situé au sommet des tait un fief masculin , et le conféra au sieur
Vosges et composé de cinq communes apparte d'Angervilliers, intendant d'Alsace; de nou
nant au département des Vosges , sur les con velles inféodations le transmirent d'abord à
fins de celui du Bas-Rhin. Ces cinq villages sont M. de Paulmy , fondateur de la bibliothèque de
Fouday , Belmont , Bellefosse , Solbach et Wal- l'Arsenal à Paris , puis aux barons de Dietrich.
bach ou Waldersbach qui en est le chef-lieu et L'indigence et l'isolement avaient longtemps re
la paroisse. Autrefois Rothau , dans la vallée de tenu les pâtres de ces montagnes dans un état
la Bruache, était aussi comprise dans le Ban de voisin de la barbarie; aujourd'hui la population
la roche. Il doit son nom au vieux château de du Ban de la roche se distingue par une civili
Stein ou de la Roche , dont les ruines sont en sation bien plus avancée que ne l'est communé
core éparses parmi les sapins qui garnissent la ment celle des classes inférieures de la société.
crête de ces âpres rochers. Ordinairement on se La culture a envahi les lieux les plus déserts ,
BAN ( 542 ) BAN
les ravins les plus rocailleux; les mères con cipales obligations qu'il produisait entre le sei
naissent et transmettent à leurs enfants les élé gneur et les baniers. 5° Quand et par quelles
ments de l'histoire et de la géographie. Ce lois ce droit a été aboli.
prodige a été opéré par deux pasteurs (la re 1* Définition elétymologiedu mot banalité.
ligion du Ban de la roche est protestante ) , le —■ La banalité peut être définie le droit qui ap
premier, M. Stuber, le second, M. Oberlin, partenait à un seigneur d'obliger ses sujets à se
dont la réputation est devenue européenne. Ce servir d'une chose dont il était propriétaire, enlui
dernier a donné aux habitants des notions de payant pour raison de cet usage une redevance
toutes les connaissances usuelles, de Golbéby. en argent ou en denrées. L'envisageant sous un
BANALITÉ. Un des chapitres de l'Esprit autre pointde vue, le président Bouhier considé
des Lois qui traite de la féodalité chez les rait la banalité comme le droit d'interdire à ceux
Francs se termine par la réflexion qui suit : qui y étaient sujets, la faculté de faire certaines
«Transporter dans des siècles reculés toutes les choses autrement que de la manière qui leur était
« les idées du siècle où l'on vit , c'est des sour- prescrite, sous les peines portées par la loi, les
« ces de l'erreur celle qui est la plus féconde. conventions ou les coutumes.
« A ces gens qui veulent rendre modernes Si nous recherchons l'étymologie de ce mot
« tous les siècles anciens , je dirai ce que les banalité, nous trouverons qu'il dérive de fan,
« prêtres d'Egypte dirent à Solon : 0 Athé- en latin bannum, lequel, comme le remarque
« niens ! vous n'êtes que des enfants 1 » Ducange dans son Glossaire , a plusieurs signi
Les paroles de Montesquieu énoncent un fications; mais le ban du seigneur, bannum
principe que les hommes ne devraient jamais dominicum, est, dans les titres anciens, l'a
perdre de vue, lorsqu'ils étudient les temps mende due au seigneur pour avoir enfreint ses
anciens , lorsqu'ils jugent les événements, les ordonnances. Dans plusieurs coutumes , on di
lois , les mœurs, les usages d'époques différentes sait les sujets du ban d'un moulin, pour dire les
de celles où ils vivent. Et cependant il est bien sujets d'un moulin banal.
rare que nous dépouillions entièrement dans ces Origine de ce droit. —Quelle est l'origine de
occasions notre point de vue moderne : faut-il ce droit? Les uns veulent qu'il ait sa source dans
donc s'étonner si tant de jugemens erronés sont la violence et dans l'abus que les seigneurs fai
portés chaque jour par des hommes même de saient de la puissance par eux exercée sur leurs
bonne foi , mais dont le tort est de prononcer vassaux ; d'autres n'y voient que l'effet d'une
avec les idées de notre époque, sur des faits convention libre et volontaire des vassaux avec
accomplis dans un ordre de choses tout dif le seigneur, celui-ci consentant à construire et
férent. entretenir le four, le moulin, le pressoir néces
La manière trop absolue, et par là même saires aux seconds , à la condition que ceux-ci
bien souvent fautive , dont on juge chaque jour lui paieraient certaines redevances pour l'emploi
la féodalité et tout ce qui s'y rattache, nous a qu'ils s'engageaient à faire de choses fondées à
suggéré ces observations, en commençant un leur usage. Plusieurs enfin regardent la banalité
article où nous devons faire connaître une des comme une condition de l'affranchissement ac
institutions auxquelles elle a donné naissance. cordé par les seigneurs. On trouve, en effet,
Mais nous ne devons pas oublier que la banalité, dans Sauvai ( Antiquités de Paris ), que, lors
engloutie à jamais dans le grand naufrage de93, que l'abbé de Saint-Germain-des-Prés affran
avec tous les autres droits féodaux , ne doit être chit les serfs de l'abbaye, ce fut moyennant
considérée ici que sous le point de vue de la ju 200 livres par tête, et de plus « à la condition
risprudence historique. Aussi, laissant de coté « qu'ils viendraient cuire à son four banal et
toutes les questions secondaires qui peuvent se -< pressurer leur raisin à son pressoir. » Noos
rattacher à ce sujet , nous nous proposons de re pensons qu'il estpossibled'accordercesdiverses
chercher : opinions en disant que ces trois causes ont du
1 ° La définition et l'étymologie du mot bana coopérer, selon les lieux , les circonstances et
lité, l'origine de ce droit, ses diverses espèces. les personnes, à fonder la banalité.
2° A qui il appartenait, et sur quelles personnes Dès le xr* siècle, on aperçoit des tracesdece
1 s'exerçait. 3° Comment il s'acquérait , et com- droitsingulier ; une charte de l'abbaye de Saint-
nent il se perdait. 4° Quelles étaient les prin Quentin, de l'année 1034 , en faisait mention ;
BAN ( 543banalité
) BAN
un droit inhérent à la seigneurie : c'é
mais il y a peu d'apparence qu'il remonte beau
coup au-delà. Fulbert, évêquede Chartres, qui tait le moindre nombre; on n'en comptait que
« vivait vers la même époque, se plaignait à Ri- onze sur près de trois cents ; on se servait à leur
I chard, duc de Normandie, de l'introduction de égard du mot banalités légales , pour indiquer
' ce droit, comme d'une servitude nouvelle ac que, dans ces provinces, elles étaient établies
cablante pour le pauvre : l'agent du prince vou par la loi même , et on les opposait ainsi aux
lait obliger les vassaux du seigneur évèque à banalités conventionnelles. Dans les coutumes
porter leur blé à un moulin éloigné de cinq où subsistaient celles-ci, l'ancien droit avait été
lieues « Nostris bominibus novam ungariam successivement modiiié; on s'était peu à peu
« indixit ( dit le texte de sa lettre, qui nous a accoutumé à regarder les banalités avec moins
« été conservée ) banni endu ut irent ad molen- de faveur , tellement qu'on en était venu à les
« dinum Sancti Audoeni quinque leucis ut fer- mettre dans la classe des servitudes ; mais ce
« tur, ab eorum hospitiis remotum. » ( Recueil changement, comme tous ceux qui s'opèrent
des lettres de Saint-Fulbert , lettre 1 4e ) . dans les mœurs et les usages des peuples , ne
Mais le nouvel usage, malgré les réclamations s'était réalisé qu'à la longue; sa marche avait
de Fulbert , ne tarda sans doute pointa s'étendre été lente et graduelle ; nous n'en suivrons point
et à se développer ; car en parcourant les écrits les degrés divers , ces recherches nous entraîne
où sont consignées nos anciennes coutumes, on raient trop loin. Le droit de banalité , quoiqu'on
a lieu de penser que la banalité était devenue un le trouvât admis en principe dans presque toutes
droit commun à toutes les seigneuries , et que les provinces de la France, n'était pourtant
chaque seigneur avait le droit d'obliger ses cen- énoncé dans le texte que d'un très-petit nombre
sitairesà se servir exclusivement de son moulin. de coutumes. Parmi les deux cent quatre-vingts
On trouve, en effet, dans les Établissements coutumes qui régissaient le royaume , trente
de saint Louis, chap. 110, l'énoncé de ce prin seulement en faisaient mention. On s'explique ,
cipe; nous en rapportons le texte : «Se aucuns par ce silence d'une portion aussi considérable
« bers est qui ait son vavassor en sa chastelle- des lois locales , comment il règne tant de di
« rie, et le vavassor n'ait point de moulin, tuit vergence dans les opinions émises par les au
« si hommes coustumiers moudront au moulin teurs, les jurisconsultes et les publicistes sur la
« au baron , pourquoi il soit dedans la ban- nature du droit de banalité , sur les exemptions
■ lieue, et se il en estait hors, ils n'i moudraient auxquelles pouvaient prétendre certaines per
« pas ( se eus vouloient ) et li bers leur ferait sonnes etsur plusieurs autres questions.
« amender leurs dommages à leurs preuves si Diverses espèces de banalités. — Il existait
« comme il est dessus dit. Et se aucun des va- bien des espèces diverses de banalités. Les plus
« vassors fesait moulin en sa chastellerie, n'en communes étaient celles qui obligeaient les vas
« eust-il oncques point eu , tuit si hommes mou- saux d'un seigneur à suivre (nous conservons le
« droient à son moulin , mes se eus estaient hors mot consacré) le moulin, le four ou le pressoir
« de sa chastellerie , ils n'i moudraient pas, tout de celui-ci, pour faire moudre leur grain, cuire
« fussent-ils daus la banlieue, ne li bers n'en leur pain et pressurer leur vendange. Dans quel
« perdrait pas sa droiture. » Ainsi donc, toutes ques endroits, les censitaires devaient porter leur
les fois qu'un moulin était établi par un sei drap au moulin du fief dominant, pour le faire
gneur dans la banlieue de sa résidence , tous les fouler ; ils devaient également se servir des
habitans qui en relevaient et qui ne tenaient ni moulins à tan, des mailleries à chanvre et à
au clergé ni à la noblesse , ce qu'indique le mot écorce de figuier, et faire aiguiser leurs ferre
coustumiers, étaient obligés de venir y porter ments à la forge. Quelquefois enfin le seigneur
leur blé. La somme rurale de Bouteiller atteste avait le droit d'un taureau ou d'un verrat banal
que
où elle
telle
futétait
écrite
encore
: or,laBouteiller
jurisprudenceétaitdu
contem
temps pour la propagation des animaux de la même es
pèce dans toute l'étendue de sa juridiction.
porain de Charles VI. 2" A gui appartenait ce droit, et sur quelles
Cet ancien droit, ce droit primitif et peut- personnes il s'exerçait. — Quoique la banalité
être universel, suivant l'expression d'Henrion légale et formant attribut de fief n'existât, ainsi
de Pensey ( Dissertations féodales ) , s'était que nous l'avons vu , que dans un petit nombre
conservé dans les coutumes qui faisaient de la de coutumes, ce droit ne pouvait, en général.
S
BAN ( 544 ) BAN
appartenir qu*au seigneur, c'est-à-dire que les Les règles d'exemption de la banalité étaient
possesseurs du fief avaient seuls le droit d'en fort différentes suivant les diverses provinces,
jouir, ainsi que le fait remarquer Pothier dans et les jurisconsultes n'étaient pas moins opposés
son introduction à la Coutume d'Orléans ; car la dans les décisions à cet égard. Les personnes
maxime que les banalités étaient des servitudes qui, en raison de leur position ou de leur carac
seigneuriales dérivait de ces deux faits énoncés tère, pouvaient faire valoir des prétentions à la
plus haut, savoir, qu'elles furent dans le prin dispense d'assujettissement, étaient principale
cipe des droits seigneuriaux, et que depuis on ment les nobles, les gens d'église et aussi la
les a placées dans la catégorie des servitudes. classe des boulangers; mais ces prétentions sont
De cette maxime, ajoute le savant Henrion de loin d'avoir toujours été admises. Nous n'entre
Pansey, est née la conséquence que ni les parti rons pas dans le détail de toutes ces distinc
culiers ni les communautés n'auraient pu se tions , nous dirons seulement que l'intérêt public
soumettre à la banalité, soit au profit de l'un porta plus d'une fois le pouvoir à favoriser les
d'eux , soit au profit d'un étranger, sans le con boulangers. Nous lisons dans Sauvai (Antiquités
sentement du seigneur. Si une convention, dans de Paris) que sous Philippe-Auguste, le prévôt
ce sens , avait eu lieu sans cette condition , elle de Paris ayant voulu faire abattre le four des
aurait bien pu être obligatoire à certains égards boulangers, le roi rendit en 1225 une ordon
entre les parties, et recevoir son exécution; nance qui leur permettait d'en avoir chacun un,
mais alors ce n'eût pas été une banalité propre d'y cuire, et même de se servir de ceux des au
ment dite, et les effets en fussent restés unique tres, le tout comme payant tous les ans au roi une
ment ceux d'un contrat ordinaire. redevance de neuf sous six deniers. Chopin et
Du moment qu'il est admis que les banalités Bordeau vont plus loin : ils prétendent que Phi-
sont des servitudes, il faut leur appliquer la lippele-Bel avait aboli à Paris , en 1 305, la bana
règle qu'il n'est pas permis de les étendre; par lité des fours , permettant aux bourgeois d'en
conséquent, si la coutume et les titres particu avoir dans leurs maisons, pour y cuire leur pain
liers ne donnaient au seigneur que la banalité comme ils l'entendraient. Quoi qu'il en soit de
du four, il ne devait point prétendre à celle du cette circonstance, toujours est-il que le parle
pressoir; de même il ne pouvait revendiquer la ment de Paris avait, dans toute l'étendue de sa
banalité des moulins à tan , par exemple, si ceux juridiction, établi cette règle qui s'était mainte
à blé et à foulon étaient seuls déclarés baniers. nue jusqu'à ces derniers temps, à savoir, que les
Les banalités étaient-elles réelles ou person boulangers n'étaient assujétis à la banalité que
nelles? Ce fut là une des questions les plus pour les grains achetés dans la seigneurie, et
controversées auxquelles ait donné lieu cette pour le pain qui s'y vendait ; mais que pour le
nature de droit. L'une et l'autre opinion avaient blé qu'ils achetaient et le pain qu'ils vendaient
en sa faveur et des auteurs et des arrêts. Bas- au dehors, ils ne devaient rien au seigneur dans
nage et quelques autres , embrassant un terme le fief duquel ils résidaient.
moyen, voulaient que la banalité fût considérée 3" Comment ce droit s'acquérait et comment
comme une servitude mixte. M. Henrion de il se perdait. — Nous avons dit que dans certai
Ponsey, l'un des derniers qui ait discuté cette nes coutumes la banalité était considérée comme
question, établissait {dissertations féodales) un attribut du fief. Une seule chose devenait
que les banalités réservées in tradilione fundi nécessaire aux propriétaires de cette nature de
étaient réelles ; que celles qui ne devaient leur fiefs, pour prouver leur droit de banalité, c'é
existence qu'à la convention, étaient personnel tait d'établir leur qualité de seigneurs ; ils n'a
les. Et comme en général, ajoutait cet habile in vaient aucun autre titre à faire valoir. Mais
terprète, toutes les banalités sont présumées con hors des provinces régies par ces coutumes,
ventionnelles, il faut dire que dans le doute, et cette qualité de seigneur se trouvait insuffi
jusqu'à la preuve du contraire, toutes doivent sante ; il fallait que celui-ci justifiât de titres
être regardées comme personnelles. C'est assez particuliers. Il était cependant des localités
d'avoir signalé cette grave controverse; il se dont les coutumes, supposant le droit établi
rait hors de propos de rentrer ici dans les rai par les titres , se contentaient d'en régler
sons sur lesquelles s'appuyaient les opinions l'exercice. Mais dans les autres, et c'était le
opposées. plus grand nombre , ta loi locale ne contenant
ÎUN ( 545 ) BAN
aucune disposition sur la matière , et restant pâte ou leurs raisins. Hors ces cas de chômage ,
absolument muette, l'article 71 de la Cou les assujétis ne pouvaient se dispenser de suivre
tume de Paris était devenu le droit commun. la banalité sous les peines d'amende et de con
Ajouté en 1580, époque de la réformation de fiscation qui variaient suivant les diverses cou
' la Coutume , cet article établissait la nécessité tumes; celles-ci avaient aussi des règles diffé
d'un titre pour jouir du droit de banalité, et il rentes pour la fixation des droits dus à raison
fixait la nature et les conditions du titre d'ac du fournage , de la mouture et du pressurage,
quisition. Aussi cet article 71 avait -il une lorsque le titre d'établissement ne les détermi
grande importance dans toutes les questions nait point : quelquefois ils se payaient en ar
qui tenaient à cet objet ; il donna lieu à de nom gent, mais le plus souvent en nature. Ildevai
breux commentaires interprétatifs, sur lesquels exister, et il existait en effet une réciprocité
i il est inutile de fixer aujourd'hui l'attention. entre les fiefs voisins; si le meunier d'un mou
L'ordonnance de 1629 l'avait pris pour point lin banal avait seul le droit d'aller chercher les
de départ dans son article 207, qui défendait grains et reporter les farines dans toute l'éten
aux seigneurs et gentilshommes « d'assujétir due de sa banalité , il devait respecter le même
« leurs vassaux et tenanciers à leurs moulins, droit dans les autres banalités et ne point aller
« fours ou pressoirs , s'ils ne sont fondés en quêter ou chasser ( c'est-à-dire courir à la re
« titre, à peine de confiscation desdits fours et cherche des grains) hors de la seigneurie sur
« moulins et de la perte de tous les autres droits laquelle il se trouvait établi.
« qu'ils pourraient prétendre sur eux. » 5° Quand et par quelles lois il a été aboli.
Quant à la perte des servitudes de banalité , —Les banalités ne subsistent plus aujourd'hui ;
il n'existait pas de règle générale; certaines elles ont été comprises dans la proscription qui
coutumes en consacraient l'imprescriptibilité à frappait à l'époque de la révolution tout ce qui
l'égard des seigneurs , d'autres admettaient se rattachait à la féodalité : plusieurs lois ont
leur extinction par l'effet des prescriptions. été successivement portées sur cette matière,
Mais relativement à l'aliénation volontaire, nous en présenterons l'analyse pour clore cet
la nature des banalités déterminait la règle , en article.
telle sorte que les banalités légales faisant, Celle du 1 6 mars 1 790 portait (titre 2 , art.
pour ainsi dire, corps avec le fief, ne pouvaient 23 ) : « tous les droits de banalité de fours ,
être aliénées qu'en même temps que celui-ci l'é « moulins, pressoirs, boucheries, taureaux,
tait ; s'il s'agissait au contraire de banalités fon « verrats , forges et autres , ensemble les suje-
dées par l'effet des conventions , rien n'empê « tions qui y sont accessoires qu'ils soient
chait que le seigneur auquel elles appartenaient, « fondés sur la coutume ou sur un titre , ac-
n'en fit l'aliénation tout en conservant sa sei « quis par prescription, ou confirmés par des
gneurie. « jugements, sont abolis sans indemnité, sous
4° Obligations respectives qu'il produisait. « les seules exceptions ci-après. » Ces exceptions
—Les lois avaient établi une sanction pour assu comprenaient : d'abord les banalités qu'on prou
rer l'exécution de leurs dispositions concernant vait avoir été établies par une convention entre
les obligations respectives résultant de la bana une communauté et un particulier non seigneur.
lité ; car les seigneurs , en échange des droits (Nous avons vu dans le cours de notre article
dont ils jouissaient , étaient tenus à certaines que ces sortes de conventions ne donnaient pas
obligations , sous peine de dommages-intérêts. naissance à des banalités proprement dites,
Si donc par suite de leur négligence , par dé dans le sens attaché à ce mot par la langue féo
faut des réparations convenables, faites aux dale et coutumière , à moins de consentement
fours et moulins banaux , les assujétis éprou spécial du seigneur).
vaient du retard et du dommage , la responsa La seconde exception portait sur les banali
bilité en pesait sur les seigneurs ; si la force tés qu'on prouvait avoir été établies par une
majeure ou quelque cas fortuit se trouvait être convention souscrite entre une communauté
la seule cause du chômage , ils n'étaient tenus d'habitants et son seigneur, et par laquelle ce
à rien , mais alors les baniers rentraient dans lui-ci aurait fait à la communauté quelque avan
leur liberté d'agir pendant ce temps comme ils tage de plus que de s'obliger à tenir perpétuelle
l'entendaient, en portant ailleurs leur blé, leur ment en état les moulins , fours et autres
35 objets
Encyclopédie du XIX' siècle, t. IV. ,
BAN ( 546 ) BAN
banaux. Enfin étaient comprises aussi dans l'ex BANANIER, musa (bot.). Genrede grands
ception, les banalités qui seraient prouvées végétaux herbacés de la famille des Mu saches
avoir eu pour cause une concession faite par de Jussieu , caractérisé ainsi qu'il suit : Spathe
le seigneur à la communauté d'habitants, de partielle, multiflore; calice inégal, à deux di
droit d'usage dans ses bois ou près, ou de com visions profondes , dont la supérieure externe
munes en propriétés. Ces trois sortes de bana et à cinq dents, l'inférieure interne, entière,
lités étaient conservées , mais déclarées rache- concave ; six étamines , dont cinq avorteut
tables. dans les fleurs placées à la base de l'axe
Les deuxième et troisième exceptions, énon commun , et dont cinq sont fertiles dans les
cées dans la loi de 1 790 , ne se maintinrent pas fleurs terminales ; un ovaire oblong , à style cy
ongtemps après le naufrage général. D'abord lindrique , terminé par un stigmate à trois ou à
restreintes par la loi du 25 août 1792 , au cas six rayons ; une baie oblongue , triangulaire , a
où il serait justifié que les banalités avaient trois loges polyspermes. Le bananier se ren
pour cause une concession primitive de fonds , contre dans toutes les régions intertropicales,
« laquelle cause ne pourrait être établie qu'au- dont il est, pour ainsi dire , un des caractères.
« tant qu'elle se trouverait clairement énoncée On le trouve aussi dans quelques autres con
« dans l'acte primordial... » ; elles furent tout- trées chaudes du globe. Cette plante magnifique
à-fait abrogées par la loi du 1 7 juillet 1793, dont peut être regardée comme le plus grand des vé
l'article 1er supprimait sam indemnité tous gétaux herbacés.
droits féodaux , censueh , fixes et casuels , Voici quelles sont les principales espèces :
même ceux conservés par le décret du 25 l 0 le bananier à gros fruit ( musaparadisiaca ) ,
août 1792. que les Espagnols appellent plantano , et les
Ainsi la première exception , celle qui a pour Tahitiens pisang. Son appellation latine lui a
objet aux termes du décret du 15 mars 1790, été donnée , parce qu'on a supposé qu'il avait
cette espèce de banalité résultant d'une conven fourni ses feuilles immenses à l'habillement de
tion entre une communauté et un particulier nos premiers parents , lorsque ceux - ci furent
non seigneur , a seule, en définitive , été recon expulsés du paradis terrestre. Sa racine est une
nue, seule elle a continué de subsister. Un ar espèce de grosse bulbe oblongue , garnie à sa
rêt de la Cour de cassation du 7 frimaire an xm, base de parties fibreuses blanches , et en forme
et un avis du conseil d'état du a juillet 1808 de petites cordes. Du centre s'élève une tige
l'ont décidé l'un et l'autre. herbacée de douze à dix-huit pieds, simple,
Mais cette sorte de banalité, on le conclura ronde, droite, d'un vert jaunâtre, formée par
facilement de ce qui précède, rentre dans la la réunion des pétioles des feuilles , se recou
classe des conventions ; c'est un de ces contrats vrant les unes les autres. Le diamètre de cette
qu'on appelle en droit do ou facio ut facias; tige est de six à huit pouces ; elle est terminée
elle ne doit pas être considérée comme une ser par un faisceau de grandes feuilles ovales , ob
vitude personnelle. Donc, les règles relatives tuses , de six à huit pieds de longueur, sur dix-
aux contrats doivent être seules invoquées, et huit à vingt pouces de largeur; elles sont très
recevoir ici leur application. Ainsi, par sa na lisses et portées sur un fort pétiole qui se pro
ture, une pareille obligation ne peut s'établir longe jusqu'à l'extrémité de la feuille, et en
sans titre et par la seule possession , quelque voie à droite et à gauche une grande quantité de
longue qu'on la suppose ; mais il n'en est pas de petites nervures , qui rayant agréablement cette
même eu ce qui touche la libération. D'après surface mince et lisse, font ressembler les feuil
cette grande maxime que tout ce qui tombe en les à des banderolles enrubanées , agitées par le
convention tombe en prescription , quiconque vent. Au bout de neuf mois à deux ans , dans son
est assujéti à quelqu'un de ces droits peut s'en pays natal , le bananier produit au centre des
affranchir par la prescription. Le nombre de feuilles une hampe terminée par un régime in
cette espèce particulière de banalités est aujour cliné, garni de nombreuses fleurs étagées : les
d'hui extrêmement limité , mais il suffit qu'il fleurs mâles situées à l'extrémité de la tige per
en existe encore pour que nous ayons dû dire à sistent, et les femelles sont remplacées par des
ce sujet quelques mots en terminant cet article. fruits obiongs, polygones et souvent trigones,
Jules Jaquemet. de six à sept pouces de longueur. Ces baies ou
BAN (547 ) BAN
ruits , nommés bananes , sont recouverts par pientium ) , croît à côté de la première espèce et
une peau épaisse d'une ligne , verte avant la n'en diffère que par ses fruits plus courts , mais
maturité du fruit , et d'un beau jaune quand il aussi gros et plus nombreux , d'un goût exquis
est mùr , au moins dans le type : le spadice et très nourrissants : on les nomme figues ba
chargé de fruits s'appelle régime; c'est une nanes. Il fleurit dans la serre plus tôt que le
énorme grappe qui pèse de dix à trente livres , précédent ; il fructifie quelquefois au bout de
et dont le poids va même jusqu'à soixante. 11 y quinze à dix-huit mois lorsqu'il est en pleine
en a ordinairement trois ou quatre sur chaque terre , sous le verre et bien chauffé. Même cul-
bananier. culture. Le bananier écarlate vient de la
Ces fruits se renouvellent continuellement , et Chine, a son régime érigé et se distingue par ses
mûrissent par intervalles pendant toute
l'année.
La banane est un des aliments les plus
en usage dans les régions intertropicales.
Elle offre une nourriture saine , agréable
et fort abondante, comme on vient de le
voir, puisque chaque bananier porte à la
fois environ deux cents fruits , c'est-à-
dire, de quoi nourrir une famille pendant
un mois. On la mange ordinairement lors
qu'elle est arrivée à sa maturité; mais
on peut l'employer avant cette époque,
en la faisant cuire et en l'assaisonnant
avec du sucre et du jus d'orange. On la
fait aussi sécher pour la conserver. En
fin , on l'emploie pour faire des compo
tes , des confitures, des beignets et une.
sorte de pâte dont les nègres se nourrissent spathes serrées, très-grandes, d un écarlate fort
quand ils sont en voyage. brillant, jaunes au sommet. Il est très beau ,
Le bananier se multiplie facilement de re fleurit à trois ou quatre pieds de hauteur et se
jetons qu'on enlève du pied de la souche, ou cultive de même que les précédents : on pré
de ceux qui repoussent après l'ablation de celle- tend seulement qu'il redoute la tannée. Le ba
ci : dans ce dernier cas , les nouveaux bana nanier rosacé , à spathes roses , de six à sept
niers non transplantés donnent des fruits au pieds de hauteur , a ses feuilles violettes dans
bout de six à sept mois. On peut aussi semer leur jeunesse et seulement ensuite sur la nervure
le bananier ; mais ce mode de propagation , médiane. Les fleurs sortent du centre des feuil
beaucoup plus lent , moins sûr que celui que les et sontportées surune hampe roideet droite;
nous venons d'indiquer , est rarement employé. les spathes sont d'un rose un peu violet, se dé
Dans nos serres , le bananier doit être tenu très tachent après la floraison et font un charmant
chaudement , ne pas quitter la tannée et rece effet. Ce bananier se cultive et se multiplie
voir beaucoup d'eau. On le met quelquefois en comme les autres. J. de M. M.
pleine terre dans la serre , et il fructifie alors BANC. Long siège sur lequel peuvent se
plus promptement, mais rarement avant quatre placer plusieurs personnes à la fois. Le mot
ou cinq ans. On doit donner au bananier une banc , selon quelques auteurs , emprunté à la
terre substantielle, légère, de très grands vases, langue allemande; dérivé, selon quelques au
et , comme nous l'avons déjà dit , beaucoup de tres, de l'italien banco, qui vient lui-même du
chaleur , sans laquelle il ne peut fructifier : elle buncus ou bancum des Latins du Bas -Empire,
est tellement nécessaire que l'on ne peut compter désignait, dans son acception primitive, la table
que sur les fruits noués avant mars. L'espèce autour de laquelle se rangent les juges pour
que nous venons de décrire compte quelques va rendre leurs sentences, ou les banquiers pour
riétés obtenues par la culture. îvsjler leurs comptes. Un tribunal anglais a
Le bananier à petits fruits , figuier (musa sa- retenu le nom de cour du banc du roi , et l'é
IUN ( 548 ) BAN
tymologic du mot banquier semble évidente. matelots français qui mangeaient autrefois à la
Dans les repas , le banc a remplacé autrefois gamelle et s'asseyaient sur le pont autour du
le lit des Romains , jusqu'à ce qu'on ait fait plat où chacun puisait à son tour , ont mainte
Usage de sièges particuliers de diverses formes , nant un couvert mis sur une table, aux deux
pour la commodité des convives et la plus côtés de laquelle ils se placent sur des bancs
grande facilité du service. Aujourd'hui , à la dont la retraite , après le repas , est au plancher
chambre élective, les députés siègent sur des de la batterie ( dans les bâtiments à batte
bancs arrondis et disposée les uns au-dessus des ries ) entre les barreaux. Le banc le plus
autres en forme d'amphithéâtre. C'est encore célèbre était autrefois le banc de quart, siège
sur des bancs que les fidèles prennent place, pour le capitaine et l'officier de manœuvre, placé
dans un grand nombre d'églises, pour assister au milieu du navire, près du mât d'artimon.
à l'office divin, ainsi que les élèves, dans la Maintenant on fait en abord, sur le gaillard d'ar
plupart de nos écoles , pour écouter les leçons rière , des petits marche-pieds qui servent de
des professeurs. Dans les lieux publics et dans banc à l'officier de quart et prennent le nom de
les parcs et jardins particuliers , des bancs sont bancs de quart. Les embarcations sont traver
disposés de distance en distance pour que les sées dans leur longueur par un certain nombre
visiteurs ou les promeneurs puissent prendre de bancs sur lesquels siègent les rameurs. Au
quelques instants de repos. Le banc , dans nos tour des chambres des canots et chaloupes , il y
campagnes, est encore le siège de table le plus a un banc dont les places sont occupées par les
universellement adopté par la classe laborieuse passagers , suivant leurs grades , leurs rangs ou
et peu aisée. Les divans, les canapés, les cau leur importance. La place d'honneur esta l'an
seuses ne sont en réalité que des bancs auxquels gle droit en arrière , la seconde à l'angle gauche,
l'art ingénieux du tapissier a su ajouter les or et ainsi de suite. La question de l'emplacement
nements et les commodités que réclament l'élé des bancs sur les navires à rames de l'antiquité
gance et le luxe de nos ameublements. H. M. est jusqu'à présent restée sans solution raison
BANC {marine ). Que ce mot désigne un nable , bien qu'elle ait occupé depuis trois siè
siège ou une levée de terre au fond de la mer, il cles un grand nombre de critiques très savans.
vient également du saxon ancien qui a donné Il est permis de douter qu'avec les termes con
bank à l'allemand , au hollandais et à l'anglais. nus du problème on le résolve jamais ; on fait
L'anglais , pour marquer la différence entre le dire très-probablement aux mots grecs, sur les
siège et le banc élevé sous l'eau, a nommé le quels on s'appuie dans la discussion, tout autre
premier beenhet l'autre bank. Cependant , il a chose qu'ils ne disaient dans les temps antiques.
gardé bank pour signifier une banque , un comp Croire, avec Athénée et Plutarque aux quarante
toir, un banc où les marchands montrent leurs rangées de bancs superposés de la galère de
marchandises. Un banc de sable , de coquillage, Ptolémée Philopator, c'est se montrer trop fa
de vase , de roches , est le sommet d'une mon cile. Les marins ne conçoivent même pas trois
tagne sous-marine quelquefois à fleur d'eau , ordres de bancs l'un sur l'autre ; quant à deux
quelquefois à quelques brasses au-dessous du étages ayant des bancs l'un au-dessus d'un infé
niveau de la mer : la vague qui brise toujours rieur , ils sont concevables , et d'ailleurs le texte
sur les bancs les font reconnaître aux naviga des Tactiques deLéon est trop positif pour qu'on
teurs. Les bancs les plus importants sont mar puisse révoquer en doute un ordre de choses qui
qués sur les cartes marines et signalés comme s'accorde avec les données de la construction
des dangers à éviter. Les bancs de sable , près navale. Winesalf, dans son poétique journal du
de l'embouchure des rivières , sont souvent mo Voyage à Jérusafem du roi Richard, constate
biles, ce qui rend le pilotage de ces affluents qu'il y avait de son temps des galères ou dro-
assez difficile et la navigation périlleuse. En mons à deux rangs de bancs , semblables à cel
prenant le mot bank dans le sens d'élévation , les du ixe siècle. Un arrangement de bancs et
comme l'entendent les Anglais , on a nommé de rames indiqué par des documents précieux
bancs de glace les masses flottantes de glace et dont la critique ne s'était pas encoreoccupée,
qu'on rencontre près des pôles ( voirBanquise^ . c'est celui qui admettait plusieurs rames sur
Il y a à bord d'un navire des bancs qu'on dis un même banc , ce qui faisait des galères à 100
tingue par l'usage auquel ils sont destinés. Les et 1 20 rames n'ayant qu'un étage. Dans uu Me-
BAN ( 549 ) IÎAN
moire sur les bàtimens à rames du moyen âge, faire juger. En conséquence, le roi Jean , par le
qui fait partie de nos travaux sur 1"'archéologie onzième chapitre de la Grande Charte , établit
navale , nous avons examiné cette question et une nouvelle cour, dite des plaids communs
proposé un plan de la vogue des galères à sen- (communia placita), dont la résidence fut fixée
zille ou à plusieurs rames par bancs. Les gros à Westminster, et qui fut chargée de juger
ses galères employées par Venise , Gènes, Pise , toutes les causes civiles des sujets entre eux. La
Ancône , Barcelonne , pendant les xme , xive , cour du banc du roi ne conserva que ce que l'on
xve et xvie siècles pour les relations commer appelle les plaids de la couronne , lesquels com
ciales avec la Flandre et l'Angleterre , avaient prennent tous les crimes ou délits qui sont pour
dans leurs longueurs de 26 à 28 bancs. Les ga suivis au nom du roi , dans l'intérêt public.
lères ordinaires , appelées subtiles ( légères et Il ne faut pas croire pourtant que la cour du
fines d'oeuvres vives ) , n'avaient que 26 bancs banc du roi soit exclusivement un tribunal cri
au plus, et en général 25. Les capitanes, réa- minel. Le mode de procédure particulier à l'An
les, patrones, ducales, etc., avaient de 26 à gleterre a considérablement étendu sa juridic
32 bancs. Cependant, la Réale d'Espagne , au tion. Ainsi , elle connaît de toutes les injures
xvie siècle , en avait 36 , aussi bien que la Capi- commises vi et armis, des faux et des fraudes ;
tane montée par Ucchiali , dans la campagne en un mot , de toutes les affaires où le défendeur
qui suivit la défaite des Turcs à Lépante. Les peut se trouver dans le cas de payer une amende
coffres contenant les harnois , les armes , les au roi. Ainsi encore, toutes les fois qu'un indi
marchandises précieuses dont les nefs et les vidu est en prison pour un délit quelconque , il
galèresdu moyen âge étaient munies dans leurs tombe sous la juridiction de cette cour, ce qui
chambres , sont appelés banchi ( bancs ) par les a donné lieu à un singulier usage : quand le de
statuts de Gazaric et de Venise : c'étaient des mandeur préfère attaquer son adversaire devant
bancs de l'espèce des comptoirs appelés encore la cour du banc du roi , il suppose , dans l'as
banques dans le midi de la France. Ils servaient signation , que celui-ci est actuellement en pri
d'armoires , de sièges et de lits , au besoin. son, pour un délit imaginaire , et comme le dé
A. Jal. fendeur n'est pas admis à nier ce point , la cour
BANC DU BOI (cour du), ainsi appelée, du banc du roi se trouve saisie de plein droit. Le
parce que le roi y présidait autrefois en per but de cette fiction est de diminuer les frais de
sonne. C'est le tribunal suprême du royaume procès , en sauvant une instance ; la cour du
d'Angleterre, jugeant d'après la loi commune. banc du roi étant dans tous les cas un tribunal
Il se compose d'un grand juge et de trois asses d'appel. De cette cour, on appelle encore , selon
seurs. D'après l'ancienne constitution saxonne, la nature du cas, soit à la chambre des pairs ,
il n'y avait qu'un seul tribunal supérieur dans soit à la chambre de l'Échiquier. La cour du
le royaume : c'était le wittenagemote , ou con banc du roi a en outre le droit d'évoquer à elle
seil général , qui s'assemblait , partout où le roi toutes les procédures entamées devant les tribu
se trouvait , aux fêtes de Noël , de Pâques ou de naux inférieurs ; elle ordonne aux magistrats et
la Pentecôte , tant pour rendre la justice aux autres de faire leur devoir, dans tous les cas que
sujets que pour donner son avis sur les affaires la loi n'a point spécialement prévus. On remar
publiques. Guillaume-le-Conquérant, trouvant que enfin que la cour du banc du roi est en An
les attributions de ces assemblées trop vastes , gleterre le seul tribunal qui puisse juger légale
sépara leur pouvoir ministériel de leurs fonc ment les questions de sa compétence : les juges
tions judiciaires , et établit dans son propre ambulants ou des assises ne sont en quelque sorte
palais une cour de justice constante qui fut que des délégués de cette cour. Aussi , toutes les
appelée aula regia ou régis. Elle se composa causes des espèces susdites, dans quelque pro
des grands dignitaires de l'état , des grands vince de l'Angleterre qu'elles s'élèvent, sont
barons du parlement et de certains juriscon portées sur les rôles de la cour du banc du roi ,
sultes appelés les justiciers du roi. Cependant, pour être jugées par elle tel jour, à moins
ce tribunal étant obligé de suivre le roi dans qu'auparavant [nisi priùs) les juges des assises
tous ses voyages et dans toutes ses expédi ne se rendent dans la province, ce qui a toujours
tions, ses déplacements devenaient fort oné lieu ; et c'est pourquoi les cours d'assises s'ap
reux aux particuliers qui avaient des causes à pellent des cours de nisi prias. J. Coiil.v.
BAN ( 550 ) BAN
BANCA , une des îles de la Sonde , au nord- d'hyménoptères établi par Fabricius et dont le
est de Sumatra, dont elle est séparée par un caractère essentiel, qui ie dislingue des ichneu-
détroit qui porte aussi le nom de Banca. La mons , suivant Latreille , est d'avoir le dernier
longueur de l'ile est d'environ 135 milles an article des palpes maxillaires court et dilaté.
glais , et sa plus grande largeur de 9 lieues. La Suivant M. Duméril, les hanches diffèrent des
population, qui n'excède guère 13,000 âmes , foènes et des évanies , en ce que leurs antennes
est composée d'indigènes , de Malais et de Chi ne sont pas filiformes mais en soie; des ichneu'
nois. Ces derniers sont presque tous employés mons , en ce que leur abdomen n'est pas cylin
à l'exploitation des mines d'étain, qui se trou drique , mais comprimé; des opinons, enfin,
vent en grande quantité dans l'ile. L'étain est en ce qu'il est pointu et comme sessile , et non
envoyé à la Chine et aux Indes. En 1813, le en massue , à long pétiole. On sait très peu de
sultan de Banca abandonna la propriété du ter choses de la manière de vivre de ces insectes.
ritoire et des mines au gouvernement britanni Il est très probable que leurs larves se nourris
que, qui céda ses droits au roi des Pays-Bas en sent aux dépens du corps des autres insectes ,
1817. La capitale de Banca , appelée Miutou, comme celles des Ichiveumons ( voy. ee mot).
contenait en 1819 environ 2,000 habitants. D. Nous ne citerons ici que deux espèces indigènes:
BANCAL ( Henbi ) , appelé ordinairement 1° Banche chasseub, banchus venator. D'un
Bancal des Issarts , était né en Auvergne , et noir brun; abdomen en faucille, rouge à la
exerçait à Paris les fonctions de notaire, lors base , du côté du ventre ; pattes d'un jaune
que la révolution de 1 780 éclata. II s'associa au brun. On le trouve assez communément dans les
mouvement populaire qui se manifestait alors, bois; 2° Banche peint , banchus pictus. Il est
et fut nommé plus tard député du Puy-de- d'un noir mélangé de jaune ; son écusson avance
Dôme à la Convention ; il lutta presque toujours un peu en pointe. Il vole dans les luzernes.
avec énergie contre les mesures sanglantes dé Duponchel père.
crétées par cette assemblée. Il vota , il est BANCS {géol.). On donne ce nom aux as
vrai, pour l'abolition du gouvernement mo sises ou couches secondaires dans lesquelles se
narchique ; mais lorsque Louis XVI fut mis en subdivisent les couches proprement dites d'un
jugement, il contesta au terrible tribunal le terrain, surtout lorsque la roche qui le compose
droit de juger le royal accusé, et demanda est solide et pierreuse. C'est au mot Stratifi
qu'on se contentât de le garder en prison jus cation que nous indiquerons plus exactement
qu'à la paix, et qu'on le bannit à ce moment. ce que l'on doit entendre en géologie par cou
Plus tard il heurta de front la sombre et san ches, bancs, lits, etc.
glante folie de Marat , et demanda même un En géographie, on désigne par cette dénomi
jour qu'il fut expulsé du sein de la Convention. nation des amas de sable, de gravier et de co
Bancal fut l'un trois commissaires envoyés à quilles qui se trouvent au fond de la mer, des
l'armée du nord , et qui , voulant faire arrêter lacs et des rivières, et qui sont produites par un
Dumouriez au milieu de son état-major, se vi mouvement constant dans la masse des eaux,
rent arrêtés eux-mêmes par l'ordre de ce géné semblable à celui qui forme les attérissemeuts
ral, secrètement d'accord avec les chefs des et les alluvions ordinaires. Les bancs de sable
armées alliées, et livrés aux Autrichiens. Il changent quelquefois de place, lorsque les cou
fut échangé , ainsi que ses compagnons de cap rants viennent à varier dans leur direction; ils
tivité , contre Madame , fille de Louis XVI , sont plus ou moins dangereux pour la naviga
depuis duchesse d'Angoulême, qui, après la tion, selon qu'ils se trouvent à une plus ou
mort de son père, était détenue au Temple. Il moins grande profondeur au-dessous du niveau
entra au conseil des Cinq-Cents, puis au Corps- des eaux. Leur présence est toujours annoncée
Législatif, dont il sortit bientôt pour aller vivre par l'écume que produisent les flots qui se bri
dans une retraite paisible, en Auvergne, où il sent à leur surface. Dans les régions polaires,
se livra tout entier à l'étude des sciences et de on nomme bancs de glace des espaces d'eau
la Religion. Le résultat de ses travaux fut un glacée qui ont plus d'un demi-mille de diamètre.
ouvrage qu'il publia sous ce titre : Du nouvel Dans les autres parties de l'Océan, on appelle
Ordre social fondé sur la Religion. A. B. bancs de poissons ces immenses associations
BANC11E9 Bakcuus (entomologie). Genre que forment les idividus de certaines espèces
BAN ( 551 ) BAL
qui vivent en société et qui voyagent par trou navigation ; mais le cadre de cet article ne com.
pes, tels que les thons, les harengs, les maque porte pas les développements qu'exigerait la
reaux. Quelques voyageurs prétendent en avoir description de ces innombrables écueils semés
recontré qui avaient près d'une lieue d'éten dans l'Océan ; nous devons nous borner à quel
due. G. Del. ques détails sur les principaux bancs , sur ceux
BANCS (géogr. phys.). On vient de voir qui , visités par des migrations de poissons , ou
qu'on donne ce nom à des amas de sable , de peuplés par l'huitre à perle , sont devenus de
vase ou de coquillages qui se trouvent au fond grands rendez-vous de pêche et une des sources
de la mer et dans le lit des fleuves, surtout près de la richesse des nations.
de leur embouchure. Avant d'exposer les dé La formation de ces bancs est due à l'inces
tails qui concernent les bancs sabloneux et ar sante action des marées et des courants de l'O
gileux, nous devons dire un mot des bancs de céan. Les marées transportent au loin des ma
roches et de corail , dont la formation est due tières enlevées par elles sur les côtes. Elles cha-
à des causes toutes particulières. rient et amoncellent leurs dépôts à certaines
Le fond de la mer est sillonné par diverses places, et forment, selon la nature des matières
chaînes de montagnes dont les sommets, tantôt transportées, un banc de sable ou de vase. Il
voisins de la surface, tantôt s'élevant au-dessus en est de même pour les courants marins; on
des flots , forment de longues lignes d'écueils. sait qu'ils atteignent leur plus grande rapidité
On donne le nom de bancs de roches à ces dan là où les eaux sont peu profondes, près des caps
gereux parages que la cartographie maritime a et dans les bras de mer resserrés. Leur puis
soin de signaler aux navigateurs. On conçoit sance accélérée leur permet de détacher, dans
que la composition géologique de ces roches ces parages, des matières qu'ils rouleront pour
varie selon la nature des chaînes dont elles dé les déposer ensuite et former des bancs sous les
pendent. mêmes influences que pour les marées.
Quant aux bancs de coraux , longtemps on a Dans l'océan Atlantique , le grand banc de
supposé qu'ils étaient le produit de polypes Terre-Neuve, ce chef-lieu des pêcheries de mo
saxigènes. MM. Quoy et Gaimard ont démontré rues , que le traité d'Utrecht a reconnu à l'An
l'exagération de cette opinion. Pendant l'expé gleterre, en nous y conservant un droit de pê
dition de M. Freycinet , ces deux savants étu che , est formé , ainsi que les petits bancs qui
dièrent très soigneusement les îles et récifs de l'environnent, par l'action de trois courants,
corail , et leurs observations les ont convaincus le gui/ Stream , un autre courant venant des
que les polypes saxigèues, loin de pouvoir éle mers polaires et traversant le détroit de Davis et
ver de fortes masses, à partir d'une grande pro la baie d'Hudson , enfin par le courant fluvial
fondeur , ne produisaient leurs incrustations de Saint-Laurent. Les dépôts de ces trois cou
qu'à quelques brasses d'épaisseur. Les ouvrages rants sont déterminés par l'effet même de leur
qu'on attribue aux polypes ne leur appartien rencontre. Le grand banc de Terre-Neuve est à
nent donc pas; ils ne forment que de petits 100 kilomètres de l'Ile de ce nom; entièrement
Ilots , encore faut-ils qu'ils soient protégés par caché sous l'eau , il a environ G00 kilomètres
la rencontre d'un amoncellement de terre sur de longueur, et 200 kilomètres dans sa plus
lequel ils construisent leurs habitations jus grande largeur.
qu'au niveau de l'eau. Dans les ramifications Le grand banc des Aiguilles part du cap de
parvenues à la surface , s'arrêtent et s'agglomè Bonne-Espérance, entoure à l'est toute la côte
rent des sables et d'autres matériaux ; alors la méridionale de l'Afrique, jusqu'à la côte de Na
consolidation s'établit. Ainsi se forment ces sé tal , et s'étend jusqu'au 37e degré de latitude
ries d'ilôts appelées bancs de corail, et dont sud. A en juger par les matériaux dont il se
les plus remarquables se rencontrent dans l'o compose, il s'est formé des débris du continent. !
céan Pacifique, la mer des Indes et sur les Le grand courant équatorial, qui vient de l'o
côtes de la Jamaïque. céan Indien, longe d'abord la côte de Natal; de
Les bancs de sable, de vase et de coquillages là il vient baigner le bord extérieur du banc des
s'élèvent en nombre immense dans la vaste Aiguilles. C'est sur la côte de ce banc que la mer
étendue des mers. La connaissance topographi a la plus grande profondeur. La sonde tombe
que de ces bancs intéresse au plus haut point la tout à coup de 60 à 80, 1 00 et même 200 brasses.
BAN ( 552 ) BAN
Ici une des influences qui déterminent le dé côtes N. de l'Amérique, se précipite, parles
pôt, est le ralentissement de force dans le cours baies de Baffin et d'Hudson , dans l'Atlantique.
du grand fleuve marin ; on se souvient que la Les contre-courants du golfe du Mexique, et
rapidité des courants diminue en raison de la les courants des côtes de Saint-Domingue et de
profondeur des eaux.— La surface du banc des Cuba, forment les bancs de Bahama et de lii-
Aiguilles, comme celle des bancs de Terre- vora.— Dans le golfe Persique, le banc de Ben-
Neuve, se compose d'un sable fin et blanc à son rein, où se fait la grande pèche des perles, est
extrémité méridionale , de rochers et de frag dû à plusieurs causes : au courant fluvial de
ments de grès du côté qui fait face au conti l'Euphrate, accéléré par les cours du Laristan
nent, et de vase à l'ouest. Clarke y trouva et du Farsistan ; à la configuration de la côte,
aussi , jusqu'à une profondeur considérable, des près de laquelle il repose ; enfin , à un courant
/ débris de coquilles et un grand nombre de tubes périodique dont la révolution est fort extraordi
J calcaires et cylindriques semblables à des os naire. De mai à octobre , ce courant entre dans
blanchis. Ces tubes se ramifient à l'infini, et le golfe Persique, et il en sort d'octobre à mai
semblent être des incrustations de zestères que pour se jeter dans la mer Bouge, qu'il aban
les courants et les vents du S.-O. y accumu donne après six mois pour revenir au golfe.
lent en masses. Tout le long des côtes qui tou II y a un autre grand banc de sable et de co
chent à ce banc de sable , les brisants sont très quillage où l'on pêche aussi des perles; il est
violents; ils rendent le cabotage très dange situé dans le golfe ouvert de Manaar, entre Cey-
reux , et ont été de tout temps un obstacle in lan et la côte de l'Hindostan. Ce banc est formé
surmontable à la culture de ce littoral, si riche par le passage du courant périodique qui flue et
ment doté par la nature. La pêche du banc des reflue du golfe Persique à la mer Bouge.
Aiguilles offre des analogues avec celle de Terre- La température de la mer sur les bancs de
Neuve. sable est beaucoup plus basse que dans les lieux
Dans la mer du Nord se trouvent un grand profonds. Ce phénomène , dont on a cherché à
nombre de bancs de sable. L'un d'eux se dirige donner plusieurs explications, pourrait servir à
vers le N.-E. , à partir du Firth de Forth , et déterminer les bas-fonds par le thermomètre.
son étendue est de 120 kilomètres. Un autre M. de Humboltd attribue la basse température
banc, le Dogger-banc, s'étend, N. et S., sur des eaux sur les bancs , au mélange qui a lieu
une longueur de près de 480 kilomètres. entre les eaux inférieures et les eaux supérieu
Suivant Stevenson, la surface de ces divers res, les premières étant toujours plus froides
bancs est égale à la cinquième partie de la mer que les autres.
qui les renferme ; ils doivent leur existence à un Nous avons dit qu'il y avait un grand nom
courant marin continu qui sort de la Baltique bre de bancs de sable et de vase dans le lit des
par le Sund et le Cattegat, et se rend dans la rivières , et surtout aux environs de leurs em
mer du Nord. Ils sont composés de sable quart- bouchures ; dans ces derniers parages, les bancs
zeux à grains de diverses grosseurs , et mêlés sont formés par l'action de la marée , qui , ren
de nombreux débris de coquilles et de fragments contrant le courant fluvial , l'oblige à déposer
de coraux. les matériaux qu'il charie. En remontant le
Après les bancs de Terre-Neuve, les bancs cours des fleuves et des rivières , là où la marée
voisins de l'Irlande et des îles Orcades et Schet- ne se fait plus sentir, les bancs sont produits
land , sont les plus abondants en morues. A par l'inégalité de la pente des eaux. Ici le cou
40 kilomètres ouest de Foula se trouve le plus rant est rapide et enlève à ses bords des matiè
considérable de ces bans; son étendue est d'en res qu'il roule; se calmant un peu plus loin,
viron 140 milles anglais, sur une largeur va il les dépose en bancs , et parfois ses agglomé
riable entre 18 et 45 milles. Ce banc semble rations s'élèvent tellement, qu'elles barrent le
être contigu avec un autre grand banc voisin lit du fleuve et le contraignent à changer son
des Iles Faeroe. Ces bancs sont composés de cours.
sable mêlé de coquillages, et ont quelques par BANDAGE (chirurg.). On appelle ainsi un
ties rocheuses. Il est très probable qu'ils sont appareil essentiellement composé de compresses
formés par le courant septentrional qui , tra et de bandes , et employé dans un but coarctif,
versant le détroit de Behring, et longeant les soit qu'il s'agisse par son application méthodi
BAN ( 553 ) BAN
que de mettre des médicaments en rapport avec cas des réunions vicieuses , de remplir des vides ,
certaines parties du corps, soit qu'il faille ra d'expulser des matières contenues dans des
mener ou maintenir ces mêmes parties dans foyers, les bandages , dis-je , ont été divisés,
leur situation naturelle. On a donné , par ex selon leurs différents usages , en bandages con-
tension, le nom de bandages à des appareils tentifs, compressifs , unissants, divisifs, ex-
infiniment compliqués , tels que ceux qui sont pulsifs, etc. On leur a donné également diffé
employés pour la réduction des Fbactubes (voy. rents noms , selon la forme qu'ils présentent , ou
ce mot) , ou à de véritables instruments méca d'après les chirurgiens qui les ont inventés. Le
niques, comme le Bbayeb, le Gabot, le Toub- bandage roulé est le plus simple de tous ceux
mquet (voy. ces différents mots) , les machines qu'on applique avec des bandes ; il est ou égal
employées à corriger les difformités , etc. Nous ou circulaire , si tous les tours de bande sont
ne nous occupons ici que des bandages propre apposés les uns sur les autres ; il est inégal si
ment dits. les tours ne se recouvrent qu'en partie ; il est à
Les bandages sont essentiellement composés renversée lorsque le membre ou la partie chan
de bandes et de compresses ; les bandes le plus geant de volume , on renverse ou on retourne ,
généralement en usage en France , sont en toile afin d'éviter les godets , la bande dont le bord
de lin ou de chanvre un peu usée , afin d'être supérieur devient alors inférieur; la bande est
plus souple ; elles sont toujours de droit fil , sans appliquée en spica ou en épi lorsque les tours
ourlet ni lisière; leur longueur est déterminée appliqués les uns sur les autres se croisent en
par l'usage auquel on les destine ; il ne faut pas manière de V, en laissant chaque fois à dé
cependant qu'elle dépasse six ou sept aunes ; il couvert un tiers de sa largeur. Le bandage
en est de même de la largeur, qui néanmoins en T se fait avec une bande plus ou moins
n'excède jamais quatre doigts ; les deux extré longue, au centre de laquelle on coud à angle
mités se nomment chefs; la portion comprise droit l'extrémité d'une autre bande. Le bandage
entre les chefs est le plein ; une bande roulée triangulaire est composé d'une pièce de linge
sur elle-même forme un globe; si elle est rou en triangle , portant à l'un de ses côtés une
lée par ses deux extrémités en deux cylindres bande d'une longueur déterminée , et percée à
qui doivent être égaux , elle est à deux globes. son sommet d'une boutonnière. Le bandage de
Percy avait imaginé de faire tisser au métier Galien estune pièce de linge longue d'unedemi-
des bandes bouclées; mais elles avaient l'incon aune et large d'un quart, fendue en trois chefs
vénient de se rétrécir tellement après quatre ou de chaque côté, jusqu'à trois ou quatre travers
cinq lavages, qu'elles ne pouvaient plus servir. de doigt de son milieu ; ce bandage est l'un des
Les compresses sont des linges simples ou plies plus simples et des plus solides que l'on puisse
en un ou plusieurs doubles : elles sont carrées employer dans les cas de lésion du crâne. Le
ou longues ( le mot adopté est longuettes) ; la bandage de Scultet, ou à bandelettes séparées,
croix de Malte est une compresse carrée, fen se compose d'une certaine quantité de bandelet
due aux quatre angles; la fronde est une com tes larges de trois travers de doigt , assez lon
presse longuette , fendue à ses deux extrémités ; gues pour faire au moins une fois et demie le
la compresse graduée est pliée en plusieurs tour du membre , et assez nombreuses pour le
doubles d'une largeur successivement décrois recouvrir dans toute sa longueur, en le couvrant
sante sur les deux côtés ou sur un seulement. successivement de haut en bas de la moitié ou
Un bandage est bien appliqué quand il ne des deux tiers de leur largeur : ce bandage est
gène aucune partie et qu'il ne fait aucun pli ir- surtout employé dans les cas de fracture des
régulicr qui puisse froisser les organes ; les ban membres inférieurs. Le bandage de Pott et le
dages destinés à maintenir de la charpie ou des bandage à dix-huit chefs ne sont que des mo
substances médicamenteuses doivent être en difications du bandage de Scultet.
général peu serrés. ( Voy. Pansement.) Certains bandages ont reçu des noms indiquant
Les bandages ayant pour but de maintenir les parties sur lesquelles on les applique ordi
les différentes pièces d'un pansement , de con nairement, comme la capeline, le couvre-chef,
tenir les parties déplacées , d'en ramener d'au le bandeau, le masque , le monocle , le cheves-
tres à leurs dimensions naturelles, de rapprocher tre , employé dans les fractures de la mâchoire
les bords d'une plaie , d'empêcher dans certains inférieure , ïécharpe, le scapulaire, etc.
DAN f 554 ) BAN
Un chirurgien distingué de Lausanne , l'évêché de Vlseu, fut un poète populaire dont
,M. Mayor , dont nous rapportons textuellement les couplets ont joué , en Portugal , à peu prés
j les expressions , a proposé récemment de rem le même rôle que les centuries de Nostradamus
placer les bandes par des linges pliés , de pro en France, et cela presque à la même époque.
téger avec le coton les surfaces dénudées d'épi- C'était un pauvre artisan , sans éducation, qui
derme, et de simplifier ainsi le matériel et le s'amusait àcomposerdes vers. Grâce à l'emphase
manuel des pansements. « Une seule et même mystérieuse de ses poésies, qui ne manquent,
pièce, dit-il, qui se trouve facilement partout, du reste, ni de verve ni d'originalité, et aux
qui ne requiert ni ciseaux , ni aiguille , ni arran quelles il donna lui-même le nom de redon
gement ultérieur ou préalable pour son appli dilles, les Portugais ne tardèrent pas à attribuer
cation immédiate et sur toutes les parties du à Bandarra un caractère prophétique, dont quel
corps, le mouchoir, enfin, sert de base à son ques persécutions vinrent augmenter le prestige,
nouveau système de déligation : il existe trois Bandarra, dans six couplets ou trovas , avait
modifications ou dérivés déligatoires du mou annoncé au Portugal une ruine prochaine, bien
choir, le carré long , le triangle, la cravate , tôt suivie d'une glorieuse résurrection. Mécon-
avec lesquels on peut remplacer très-bien et tens des rois de la maison de Béja, qui les gou
sur-le-champ la plupart des bandages et des ap vernaient alors , les Portugais acceptèrent l'au
pareils même les plus compliqués et les plus gure et répétèrent les trovas. La cour prit
difficiles ; le mouchoir n'offre d'ailleurs aucun l'alarme ; et Bandarra, dénoncé comme coupa
des inconvénients qu'on peut justement repro ble de judaïsme et de libertinage ( la dernière
cher aux bandes, et il présente au contraire des accusation seule était fondée) , figura dans un
avantages précieux qu'on cherche en vain dans autodafé sur la place de Ribeira , le 23 octobre
tous les moyens ordinaires de déligation ; on de l'année 1541. L'opinion publique vint bien
peut ajouter cette autre considération impor tôt en aide à Bandarra, qui fut mis en liberté.
tante en sa faveur; c'est que les bandages com Plus tard, les Espagnols, s'étant emparés du
posés d'une seule pièce sont plus compactes , Portugal , on y répéta tout bas les trovas, qui,
plus solides, et constituent mieux un tout et un après avoir annoncé la catastrophe , prédisaient
ensemble que ceux qui sont construits avec des le triomphe. Les nouveaux maîtres firent dé
bandes étroites. » En attendant que le temps et fendre , sous les peines les plus sévères , la lec
l'expérience aient prononcé sur les nouveaux ture , la détention même des redondilles, et en
procédés de M. Mayor , il faut rendre justice firent livrer un grand nombre d'exemplaires
aux vues ingénieuses de l'auteur et au service aux flammes. Mais don Juan de Castro en fit
éminent qu'il rend à la chirurgie et à l'humanité faire une édition à Paris , et la fit répandre dans
en simplifiant et en popularisant les moyens dé son pays. Enfin l'intronisation de la maison de
ligatoires. Bragance , en 1 640 , en replaçant le Portugal au
Parmi les anciens , Galien et Oribase ont fait rang des nations, acheva de consacrer aux yeux
chacun un livre des bandages. Les chirurgiens du peuple portugais le caractère prophétique
français qui ont fait des livres spéciaux sur cette du livre de Bandarra. D a même existé, et il
partie de l'art de guérir sont : Démarque, dont existe encore, dit-on, en Portugal, une sorte de
le livre parut en 1618; Samuel Formey , en confrérie secrète de politiques rêveurs qui , sur
1653; Fournier, en 1671; Didier, en 1741 ; la foi des redondilles, croient au retour du roi
Sue, en 1746; Lombard, en 1797; Thillaye , Sébastien.
en 1798 et 1815; Gerdy, en 1826 et 1838 ; On a fait plusieurs éditions des œuvres de
Mayor, en 1832 et 1838. A. Duponchel. Bandarra, deux, entre autres, en France : l'une
BANDAGE herniaire ( chirurg. ). Ces à Paris, en 1605 , l'autre à Nantes, en 1646.
bandages sont de différentes sortes , suivant les Cependant ce livre curieux est à peu près ifl-
hernies qu'ils doivent maintenir réduites ; on connu parmi nous ; et, malgré nos recherches,
nomme brayers ceux qui sont employés pour nous n'avons pu le découvrir à la bibliothèque
les hernies inguinales et crurales. ( Voy. Br ayer royale de Paris.
et Hernie. ) A. D. On ne connaît pas la date de la naissance de
BANDARRA ( Gonçalo - Annes ) , né à Bandarra. Il mourut dans les premières années
Traneoso, bourg de la province de Ikïra, dans de la seconde moitié du xve siècle , mais non
BAN ( 555 ) BAN
en 1551 , comme l'ont écrit Macedo et Vascon- de Henri IV faisaient encore mention des ban
cellos , puisque l'auteur des trovas a dédié son des et établissaient une distinction entre les
livre à don Juan de Portugal , évêque de vieilles bandes, créées au xvie siècle, les six
Guarda, et que ce ne fut qu'en 1556 que ce der petits vieux corps dont la création ne remon
nier reçut du pape Paul IV la dignité épiscopale. tait qu'au xviie siècle , et les corps que le soldat
Bandarra fut enterré, non pas, comme on le appelait les bâtards , parce qu'ils étaient d'in
dit ordinairement, dans l'église de Saint-Pierre stitution plus moderne. La France a eu, sui
de Trancoso, mais sous le portique orné de vant les temps, pour auxiliaires ou pour anta
colonnes (Alpendre, ditBarbosa) qui règne à gonistes les fameuses bandes noires. Elle a en
l'entrée de cette église. tretenu dans ses armées de hauts fonctionnaires
une
un
militaire
En
monument
épitaphe
1 66de
1 , Alvaro
laqui
province
funéraire,
commence
de
« Cy-git
Abranches
de sur
Beira
ainsi
lequel
, :, lui
gouverneur
fit élever
on grava désignés par les titres de sergent des bandes ,
maréchal des bandes , prévôt des bandes. L'ad- j
ministration des armées, la chirurgie de cam
pagne, l'art du tailleur ou du buffletier des ré
giments , les postes aux lettres du quartier-gé
GONÇALO
prophétisa le qui ANNES
retour
dans
deson BANDARBA,
notre
temps
roi (Jean IV). » néral, ont donné au mot bande diverses autres
significations qui n'ont pas besoin d'être expli
quées. On dit, par exemple, bandes d'équipe
BANDE (hist. milit.). Ce mot
Adolphe a eu des ac
Boucher. ment , bandes de toile ou de drap, bandes croi
sées , bandes de pansement. Le gén. Iîarwn.
ceptions diverses. Sous les premières races, HWDE(marine). Ce mot a plusieurs ac
alors que les usages de Byzance servaient de ceptions dans le langage des marins, comme
règle en France , il était synonyme de bandon dans la langue vulgaire. Presque toutes ces ac
et signifiait enseigne de troupe. Il avait aussi ceptions dérivent du sens primitif du mot du
quelque analogie avec le mot ban , né lui-même nord band , signifiant cordon , attache , ruban ,
de l'usage alors établi de publier les bans à l'om et par extension écharpe, bandière, bande
bre d'une enseigne, d'un bandutn. Au temps role, etc. Dans une voile dont on aura besoin
de la chevalerie, bande signifiait écharpe. A de diminuer la surface , si le vent devient trop
cette époque , l'écharpe d'un suzerain devenait fort , si l'on veut faire moins de route , on perce
au besoin la draperie de la bannière, comme des trous parallèlement à la vergue, en ligne
l'écharpe du porte-oriflamme devenait la voile horizontale ; on en perce une , deux ou trois ran
de l'oriflamme. Quand on a formé des corps gées. Dans ces trous on place des espèces de
d'infanterie régulière , la bande ou le drapeau tresses, appelées garcettes, qui servent à plier,
qui servait à les distinguer les uns des autres a à plisser la voile comprise entre la vergue et les
donné à ces corps eux-mêmes le nom de bandes, trous en question, et a l'attacher à une vergue.
parce que, suivant un usage fort ancien, on Ces files de trous feraient déchirer la voile , si
donnait aux guerriers ou aux troupes le nom la toile n'était renforcée à cet endroit ; on dou
du signe caractéristique qui leur était affecté. ble donc la voile d'une certaine largeur de
On disait une salade, une coite de mailles, toile qui prend le nom de bande des ris. Les
pour désigner un militaire revêtu de ces diverses galères nommaient autrefois bandes de ter-
sortes d'armures; on disait également une ban ccrol ou terzarol les bandes de ris de leurs voi
nière de chevaux, une enseigne , une bande les latines. Le côté du navire considéré dans sa
de pied, pour spécifier certaines compagnies , longueur a été appelé la bande du navire. La
certains corps. Sous le règne de Charles VI , marine des galères disait dans ce sens : la bande
les désordres auxquels se livrèrent les bandes , de destre , la bande de senestre , pour dire le
eurent pour résultat de déconsidérer dans l'i côté droit (tribord) , le côté gauche (bâbord). Si
diome vulgaire leur dénomination dont on lit le bâbord et tribord ont prévalu dans le vocabu
mot bandit ; néanmoins, dans l'idiome solda laire maritime de l'Océan, le mot bande n'a
tesque et dans le style des ordonnances, on vit, point été rejeté tout-à-fait pour cela; il a été
à raison du long usage, se maintenir le mot conservé dans ces locutions : tout le monde à la
bande jusqu'à ce qu'il eut fait place au terme bande! mettre, un bâtiment à la bande , don
régiment. Ainsi les règlements de Henri 111 et ner à la bande. Un navire donne à la bande.
BAN ( 556 ) BAN
alors qu'il s'incline sur le côté. Lorsque le veut éviter la dépense. Les bandeaux se distin
temps est beau et qu'il n'a pas une voilure guent des chambranles , en ce qu'ils n'ont pour
exagérée, si un vaisseau donne à la bande, c'est tout ornement qu'un talon , un quart de roud
qu'il manque de la stabilité sans laquelle il est ou une feuillure.
exposé aux plus grands malheurs. Quand on a On appelle aussi bandeau une plate-bande
une réparation à faire à un côté d'un vaisseau , qui sépare deux étages et qui rompt l'unifor
quand on veut le nettoyer, ou, comme on dit, mité d'une construction.
l'espalmer, on le couche sur un de ses lianes, BANDELETTES {antiquité), sorte d'or
on le met à la bande, en passant des poids d'un nement fort en usage chez les anciens , qui en
côté à l'autre; on l'incline jusqu'à ce que la avaient fait un symbole de pureté , et l'em
partie de la carène qu'on veut visiter soit suffi ployaient , soit dans les cérémonies religieuses,
samment découverte. Si l'on incline le bâti soit même à quelques usages profanes.
ment jusqu'à voir sa quille, on lui donne une Les bandelettes étaient employées chez la
bande entière, c'est-à-dire que tout un de ses Israélites à garnir le pan des vêtements , pour
côtés est immergé ; si on ne le couche qu'à moi les empêcher de s'ouvrir ; elles étaient de laine,
tié , on ne lui donne qu'une demi-bande. Les sa- et la couleur en était blanche ( Nombres, xv).
luts à la voix, les hurraf les vive le roi! qui On peut également donner ce nom à ces rubans
sont réglementaires dans certaines occasions, de cuir noir qui servaient chez les Hébreux à
se font à la bande. Pour cela l'équipage passe retenir les Tiffmngs [voyez ce mot).
sur un des côtés du navire , monte dans le grée- Chez les païens, l'usage des bandelettes était
ment et là, à un signal donné, fait des salves par beaucoup plus répandu. Elles étaient le plus
deux, cinq ou sept cris, suivant la personne à souvent en laine rouge , tressée de lame blan
qui il s'agit de faire honneur (Ord. surle service che , et parfois de cette dernière couleur seule
à bord des bâtiments de la tnar. roy., p. 197). ment. Leurs dimensions variaient selon l'âge
L'expression largué en bande, dont l'origine ou le rang de la personne qui les portait.
paraît avoir échappé à Romme ( Dict. de ma Une large bandelette , qui reçut le nom de
rine, 1788) et à d'autres auteurs, se dit d'un diadema , formait l'accessoire obligé de la coif
cordage que l'on halait et qu'on lâche tout d'un fure de Bacchus. Ou regarde même ce dieu
coup, au lieu de le filer doucement de main en comme l'inventeur de ce genre d'ornement:
main ; en effet , le cordage est alors abandonné Idem diadema, regium insigne, et trium-
in abandum (wurDucANGE , voce Abandum), phum invenit (Pline, Hist. nat. , vu). Selon
abbandonato (ital.). On voit que bande vient Diodore de Sicile, il se ceignit ainsi la tète d'un
ici de bandum ou bannum et non de band bandeau, pour prévenir les maux causés par
comme dans les cas spécifiés ci-dessus. A bord , l'intempérance. On nommait également cette
on se sert pour certaines liaisons de bandes ou coiffure mitra. Surles bas-reliefs antiques, cette
lates de fer. Les haubans des galères (sartis) large bandelette caractérise particulièrement la
étaient retenus à la bande du navire par des divinité et les génies bachiques; plus tard, elle
crocs rivés à une bande de fer appelée bande fut adoptée par les princes, et prit le nom de
de sartis. On disait d'un gros cordage comme Diadème (voyez ce mot).
sartis, qu'on le bandait, quand on le raidis La bandelette était un ornement du sacer
sait. Ici, bander était pris dans l'acception doce , auquel les prêtres joignaient quelquefois
où on le prenait quand on parlait de la tension une couronne de laurier. C'était également la
à donner à la corde d'un arc. Bander dans ce coiffure des sybilles.
cas n'avait aucun rapport avec le band du nord, La plupart des statues des dieux étaient
ni avec le bannum, c'était le pandere latin, aussi ornées de bandelettes, ainsi que les autels.
signifiant tendre. A. Jal. Dans la célébration des mystères de la bonne
BANDE (chirurg.). Pièce de linge, dont la déesse , on couronnait même de bandelettes le
longueur est plus considérable que la largeur, seuil du temple.
et qui entre dans la composition des différents Dévia puniceœ vclabont limina villa.
bandages ou appareils. ( foy. Bandages. ) ( Propert. , it. )
BANDEAU (archit.). Plate-bande unie dont Le fameux tapis qui couvrait le trépied de
on entoure les croisées ou arcades , lorsqu'on l'oracle d'Apollon à Delphes , était composé
BAN ( 557 ) IUN
de réseaux formés par des bandelettes. On meure conjugale, elle répandait de l'huile sur
voit même le thyrse des satyres , les flûtes de les gonds de la porte, et les ornait de bande
Pan dans la main des faunes et les tambourins lettes (Catul., lxi). Les bandelettes ainsi dis
dans celles des bacchantes , ornés de bande posées étaient celles que la fiancée mettait le
lettes (Description des Vases grecs, 1. 1). jour des épousailles.
Le feu fut mis, selon un historien ancien , au C'est encore avec une bandelette que de
grand temple de Junon d'Argos, par l'impru petits génies conduisent Cupidon et Psyché,
dence du grand prêtre Chryséis, qui oublia une dans le beau camée de Tryphon , représentant
de ses bandelettes près d'une des lampes (Pau- leur pompe nuptiale. Dans la seconde pein
sanias, lib. il, 17). ture des vases d'Hamilton , une femme présente
Les victimes que l'on offrait en sacrifices à une jeune mariée une bandelette semblable.
étaient ornées de bandelettes , qui servaient M. Italenski pense que les mères ceignaient
à les conduire aux sacrificateurs. On en voit d'une bandelette les cheveux de leurs filles lors
qui sont très bien conservées sur le beau iau- qu'elles les conduisaient au lit nuptial ( Ita
robole découvert à Lyon , sur la montagne de lenski, Vases grecs). Je crois plutôt que c'était
Fourvière, en 1703, et ce sont ces bandelettes, la bandelette appelée fascia mamilliaris , que
nouées d'espace en espace, que le père Mont- la mère attachait, et que l'époux seul avait
faucon a prises pour une suite de globules ou droit de dénouer; mais cet usage, tout ro
de perles. main, ne pouvait convenir à un vase grec. Vé
Les personnes qui priaient , qui suppliaient nus donna une bandelette en présent de noces
ou invoquaient les dieux portaient des ban à Andromaque ( Hom., lliad. ) , et Leucothée
delettes dans leurs mains et sur leurs têtes. sauva Ulysse du naufrage en lui jetant sa ban
Dans les fêtes funèbres, les bandelettes ser delette de tête (Hom. , Odys.).
vaient à orner les autels , les tombeaux , etc. La bandelette ornait souvent le front des
Les Egyptiens s'en servaient même pour en vainqueurs dans les jeux sacrés de la Grèce.
tourer leurs morts (Roselini). Les bandelettes l'uniceis ibant evincli tempora tœniis.
étaient aussi la coiffure des rois; alors elles (Virg. , jEneiil., v, 2f>9.)
étaient de couleur pourpre. La bandelette servait eniln à fixer à la jambe
Le philosophes grecs portaient des bande les sandales.
lettes blanches, de même que les poètes. C'est On trouve la bandelette comme ornement dans
ainsi qu'on les trouve représentés sur les fres l'archigalle de la colonne trajane. On la ren
ques d'HercuIanum. Mais cet ornement était contre également sur un grand nombre de mé
principalement regardé comme l'attribut des dailles antiques , entre autres sur une mé
femmes , comme un signe de mollesse et d'effé- daille de Magnésie sur le Méandre, où l'on voit
mination. Junon , pour ridiculiser devant Ju Apollon tenant une branche de laurier ornée
piter le fils qu'il a eu de Sémélé , dit qu'il est d'une bandelette. La bandelette accompagne
ceint d'une bandelette , qu'il est mêlé parmi les presque toujours, dans les ornements anciens ,
femmes , et semble plus efféminé qu'elles ( Lu la couronne de branchage, soit de laurier, soit
cien , i , 247 ). Ulysse, déguisé en marchand , de chêne. Ad. V. de Pontécoblant.
présenta, pour reconnaître Achille déguisé, IÎAXDELLO (Matthieu), dominicain et
entre autres ornements de femmes, des bande- littérateur, naquit à Castelnuovo di Scrivia,
elettes (Statius). Les femmes s'en servaient le dans le Tortonnais, en 1480. Après avoir fait
plus habituellement pour lier leur chevelure. Il ses études à Naples et à Rome, il s'appliqua
existait une différence entre les bandelettes presque exclusivement aux belles-lettres. 11 se
portées par les femmes et celles réservées aux fixa d'abord à Mantoue, où il fut chargé de l'é
jeunes filles : les premières étaient plus larges, ducation littéraire de la célèbre Lucrèce Gon- t
et même les femmes pouvaient en porter deux à zague, et plus tard à Milan , où les princes et
la fois (Propert., iv). Pour les jeunes filles, la les grands seigneurs , qui gouvernaient alors
bandelette était un signe de pudicité. les principales villes de la Lombardie, le char
Sed , si crimen abest , tu nostrœ pignora vittœ gèrent de diverses missions. Après la bataille de
He dabii (Ovide, FasI 4.) Pavie, en 1525, les Espagnols, maîtres de Mi
Lorsque la jeune fiancée était arrivée à la de lan, confisquèrent les biens de sa famille, dé-
BAN ( 558 ) BAN
vouée à la France, et brûlèrent même sa maison deroles vertes à l'extrémité de la penne des an
paternelle ; il erra alors quelque temps de ville tennes. Le corps d'armée commandé par Juan
en ville , puis il s'attacha à César Frégose , gé d'Autriche était distingué par les banderoles
néral vénitien , passé au service de la France , bleues que les galères hissaient au sommet ou
et le suivit dans ce dernier pays. Frégose ayant calcet des mâts : « con vanderolas azules en el
été assassiné en 1541, par ordre du gouverneur « garces. » La corne gauche , qui obéissait au
de Milan , en revenant de Turquie , où il avait provéditeur de Venise Augustin Barbarigo,
été envoyé comme ambassadeur de François I", avait aussi sa couleur particulière ; chacune de
Bandello resta iidiie à la famille de ce général , ses galères portait , aux ostes ou bras de la
et continua à demeurer à Agen , auprès de sa penne , des banderoles d'un jaune clair : « con
veuve et de ses enfans. Nommé évoque de cette « vanderolas amarillas en las ostas. » L'arrière-
ville , en 1 550 , il laissa presqu'aussitôt l'admi garde , sous les ordres du marquis de Saiita-
nistration de son diocèse à l'évèque de Grasse , Cruz, avait des banderoles blanches élevées au
Jean Valerio, pour composer ou arranger ses dessus du fanal de poupe : « con vanderolas
Nouvelles; il avait alors soixante-dix ans : il « blancas en cima del fanal.» Le vieil auteur de
continua ce travail jusqu'en 1554. Les trois la Constrvction d'vne gallaire (Paris, 1622
premières parties de son recueil furent impri ne nomme pas les banderoles , mais il appelle
mées à Lucques, 3 vol. in-4°; la quatrième à ces ornements du nom de bandière, alors usité
Lyon , en 1573 , in-8". Les meilleures éditions dans la marine française de la Méditerranée.
sont celles de Londres, 1740, 4 vol. in-4°, et « Pour les paremens , ils sont de damas , taffe-
de Livourne , sous le titre de Londres ,1791-93, « tas, ou boucassin , le plus souvent rouges, et
9 vol. in-8°. Son premier ouvrage a pour titre : « de diuerses formes et grandeurs , dont ceui
Canti XI délie lodi délia S. Lucretia Gon- « qui se mettent au dessus des arbres , soit de
zaga di Gazuolo, e del vero amore, col tem- « Maistre,ou de Trinquet, s'appelent bandières,
piodi pudicitia , Agen, 1545, in-8°. Le même « dans lesquelles sont les armes du souuerain :
volume contient aussi le Treparche. On ne « et en leur lieu se mettent quelquefois les gail-
connaît pas l'époque précise de la mort de Ban « lardets, qui sont beaucoup plus grands, et
dello; il vivait eucore en 1561. Ses nouvelles « descendent plus bas, pour paroistre dauau-
sont pleines d'intérêt; elles abondent en faits « tage , mais beaucoup moins que les fiâmes
historiques; le style en est harmonieux , la nar « qui sont au bout des entennes , et descendent
ration rapide, simple et naturelle. Les ouvrages « presque jusques sur la gallaire, attachées à
de Bandello ont moins d'analogie avec sa pro « des cordes , afin que le vent s'en joue plus li-
fession qu'avec la vie toute séculière qu'il me « brement. Au derrière de la pouppe , y a
nait; c'est ce qui lit dire à Apostolo Zenoque la « trois bandières , et de chacun costé le long
liberté avec laquelle étaient écrites quelques « de l'aposty quinze , toutes soustenues de leurs
unes de ses nouvelles , ne faisait pas plus d'hon « bastons, comme aussi est Yestendart, qui se
neur au moine qui les avait composées , qu'à « met sur l'espalle du costé droict joignant la
l'évèque qui les avait publiées. « poupe , et ne se porte que sur la réale ou prin-
BANDEROLE (marine). Espèce de ban « cipale Gallaire (p. 57). » La poésieseule
nière , de flamme ou pavillon , qui servait à la admet encore le mot : banderole ; à bord des bâ
décoration des navires avec les autres éten- timents français, on ne connaît pins d'autres
darts, bannières, pavillons et flammes. Ban noms d'enseignes que : pavillon , cornette, gui
derole est la traduction française du mot ita don et flamme. A. Jal.
lien bandaruola. L'espagnol disait vandero/a. BANDES DE JUPITER iastr.). La pla
Dans l'organisation que Vander-Hammen donne nète connue sous le nom de Jupiter est tra
( pag. 1 70 , Don Ivan de Avstria ) de la flotte versée dans une certaine direction par des ban
chrétienne, disposée pour livrer aux Turcs des ou zones , remarquées pour la première fois
cette bataille navale qui a pris le nom de Lé- a Naples par les jésuites Zuppi et Bartoli , plus
pante , le chroniqueur dit que les galères com tard, en 1633, par Fontana, qui en compte
posant l'aile droite commandée par ,T. André trois, et ensuite par les PP. Bheita, Rioeioli et
Doria « lleuen todas vanderolas verdes en la truisit
Grimaldi.
à Rome
En 1664,
de fortJos.
bonnes
Campani,
lunettesquipour
e005"
ce
« punta de la pena » portaient toutes des ban
BAN ( 559 ) BAN
temps-là , en vit quatre obscures et deux blan que, et qu'elles s'effacent insensiblement avant
ches. Ces zones n'ont pas toujours la même d'y atteindre.
largeur et la même position sur le disque de la Parmi les variations accidentelles qui ont été
planète ; mais elles ne varient jamais dans leur observées dans les bandes de Jupiter, les plus
direction générale. On les a vues quelquefois se remarquables sont celles que D. Cassini a con
rompre et se disperser, ou former des embran statées vers la fin de 1690. Le 14 décembre de
chements et des subdivisions ; il y a des temps cette année, à 4h 28™ du soir, on ne voyait que
où on les distingue à peine. Ordinairement on deux bandes obscures, situées l'une au midi et
n'en compte que deux , l'une plus large , l'au l'autre au nord, et peu éloignées du centre.
tre plus étroite , qui ceignent la planète en en Cette dernière était la plus large, et Cassini
tier. Les autres s'éloignent davantage du centre l'avait toujours observée sans y remarquer de
et éprouvent de grandes variations. changement : la bande méridionale était la plus
En 1691 , on a observé jusqu'à huit bandes étroite. Quelque temps après, Cassini y aperçut
obscures et fort rapprochées les unes des autres. une ile claire et blanche au milieu ; il vit eu
Lalande dit que William Herschel lui a assuré même temps le vestige d'une zone plus septen
en avoir remarqué quarante. Ce qu'il y a de trionale, étroite et rapprochée de la plus large, à
certain, c'est qu'en 1773, on en voyait un une distance un peu moindre que son épaisseur.
nombre très considérable ; cela tenait à la po Il parut aussi au bord oriental de Jupiter et dans
sition de Jupiter, qui était alors à son périhélie sa partie méridionale , qui était fort claire , une
et à son périgée , c'est-à-dire au point de sa quatrième bande qui s'avançait peu à peu vers le
courbe le plus près à la fois du soleil et de la bord occidental ; de sorte qu'au bout d'une heure
terre. et demie elle s'étendait d'un bord à l'autre du
On voit quelquefois sur ces bandes des taches disque. Jupiter avait alors quatre bandes paral
noires semblables à des colonnes de nuages très lèles entre elles. Cassini dit avoir vu souvent de
denses qui circulent. L'observation de ces phé nouvelles bandes se former en une ou deux
nomènes a conduit les astronomes à déterminer heures ; d'autres fois il en a vu disparaître au
le temps de rotation de la planète. On a trouvé bord oriental et sortir peu à peu dans leur en
que Jupiter (voir ce mot) tournait sur un axe tier au bord occidental ; ce qui prouve qu'il y
perpendiculaire à la direction des zones en a dans Jupiter des bandes interrompues qui en
9l S5m 50' de temps sidéral. trent et sortent de son disque apparent par sa
Hevelius , dans sa Sélénographie , remarqua révolution sur son axe.
le premier que ces bandes étaient sensiblement Le 16 décembre de la même année, à 6H du
parallèles à l'écliptique. Cassini, au contraire, soir, la même bande méridionale circula de la
reconnut qu'elles étaient plutôt parallèles à l'é- même manière , et il en parut encore une nou
quateur de la planète ; mais ils avaient raison velle qui passait entre celle-ci et la zone méri
tous deux, car l'équateur de Jupiter est à très dionale la plus proche du centre. Au-delà des
peu de chose près parallèle à l'écliptique. deux bandes septentrionales, Cassini en re
Le parallélisme des zones à l'équateur de Ju marqua bientôt une troisième ; de sorte que Ju
piter, leurs variations accidentelles et les diffé piter montrait alors six zones obscures toutes
rents aspects des taches qu'on y aperçoit , ren parallèles entre elles. Mais ce qu'il y eut de
dent très probable, sinon certaine, cette opinion plus curieux , c'est que, dans l'intervalle assez
que les bandes ont leur siège dans l'atmosphère large compris entre les bandes septentrionales
de la planète où elles forment des couches d'air et les méridionales , il parut le même jour, à
extrêmement transparentes , qui sont détermi 6U 38" , une bande oblique qui passait par le
nées par des courants analogues à nos vents centre de Jupiter, et ne. se voyait que dans la
alises, mais d'un caractère beaucoup plus tran partie occidentale , déclinant beaucoup vers le
ché, comme cela doit être eu égard à la vitesse midi : c'est la première qui ait été observée par
prodigieuse de la rotation de Jupiter. Ce qui Cassini avec une obliquité aussi sensible.
surtout ne permet pas de douter que ce ne soit Si toutes les bandes de Jupiter étaient aussi
le corps obscur de la planète que l'on aperçoit variables , dit Cassini , on pourrait supposer
dans les bandes, c'est qu'elles ne s'avancent qu'elles sont dans l'atmosphère de la planète;
pas dans toute leur force jusqu'au bord du dis mais la bande méridionale, qui est la plus pro
BAN ( r>f,o ) BAN
che du centre et la plus large , puisque sa lar sage de l'ordre mince, un camp n'est plus et ne
geur occupe une étendue d'environ 2,626 lieues peut plus être fermé de fossés , et l'étendue des
de la surface terrestre , se voyant toujours dans champs de bataille n'est plus délimitée que par
Jupiter, sans jamais être interrompue, donne le placement des sentinelles , à partir des grand'-
lieu de supposer qu'elle est plutôt analogue à gardes jusqu'à la ligne où l'on place le drapeau
une mer qui parait dans le globe de la planète de chaque bataillon qui y flotte déployé ou y re
qu'à un nuage nageant dans son atmosphère. pose sur des piquets , suivant le temps qu'il fait
Cette opiiùon de Cassini n'a pas été admise. On et l'ordre qui en est donné. Cette ligne a retenu
conçoit très bien qu'il puisse y avoir une mer le nom de front de bandière , seule locution de
immense sur Jupiter; mais onne voit pas qu'elle l'armée de terre où le mot bandière soit encore
puisse avoir un aspect aussi obscur que celui employé. Le gén. Bardix.
que présente la bande, surtout à travers l'at BANDINELLI (Baccio ), célèbre sculpteur
mosphère de la planète. Bouvabt. florentin , né en 1487. Il était fils d'un orfèvre
BANDES DE SATURNE [astron.). On a très habile , mais qui , au dire de Cellini , n'a
remarqué sur Saturne des bandes analogues à vait lui-même pour père qu'un charbonnier ; ce
celles de Jupiter, mais qui sont beaucoup plus qui plus tard n'empêcha pas le chevalier Baccio
larges et plus claires. Il est à croire qu'elles Bandinelli d'avoir la prétention de descendre de
sont dues également à la même cause. Ces zones la noble famille des Bandinelli de Sienne. Des
sont parallèles au plan des anneaux qui entou son enfance , Baccio montra de grandes dispo
rent la planète ; ce qui permet de penser que sitions pour la sculpture ; une figure colossale
l'axe de rotation de Saturne est perpendiculaire qu'il modela avec de la neige fit pressentir ce
au plan des anneaux , opinion qui est bien vé qu'il serait un jour. Son père , après lui avoir
rifiée aujourd'hui et qui est d'ailleurs justifiée donné les premiers élémens du dessin , le fit en
par l'apparition accidentelle de grandes taches trer dans l'atelier de Gian. Franc. Bustici , l'un
noires, semblables à celles qu'on observe sur des plus fameux sculpteurs de cette époque. Les
Jupiter. William Herschel a très bien vu ces leçons dece maître , et surtout la vue du fameux
bandes de saturne dès 1775 , et il les attrtbue à carton exécuté par Michel-Ange , en concurrence
l'atmosphère de la planète : quelquefois elles avec Léonard de Vinci , firent faire à Baccio des
sont un peu inclinées à l'anneau; mais elles progrès rapides. Mais loin d'être reconnaissant
lui sont en général parallèles. B. des inspirations qu'il avait puisées dans le chef-
BANDIERE. Ce mot , emprunté à la langue d'œuvre de Buonarotti , Bandinelli conçut con
italienne , était , dans l'origine , synonyme de tre ce grand homme une envie , une haine qui
bannière. Il est aujourd'hui sans emploi dans la durèrent autant que sa vie ; et lorsque dans une
marine , où il était synomyme d'enseigne , et émeute qui éclata à Florence en 1 51 2 , le carton
depuis plusieurs siècles il a aussi presque cessé de Michel-Ange fut mis en pièces , il fut accusé
d'être en usage dans l'armée de terre , où il si de n'avoir pas été étranger à cette espèce de
gnifiait d'abord drapeau d'infanterie et troupe sacrilège. Le désir d'égaler , de vaincre même
d'infanterie. On l'appliqua plus tard à la castra- Michel-Ange, dans tous les genres , lui fit pren
métation; on appela/hm< de bandière, ou plu dre le pinceau ; mais ses essais ne furent pas
tôt de bandières, la ligne avancée sur laquelle le heureux. Le Musée du Louvre possède son por
maréchal-de-camp, autrefois nommé arrayour, trait peint par lui-même ; tableau remarquable,
faisait aligner et planter le drapeau de chaque après tout , par la pureté du dessin.
corps, pour indiquer l'emplacement qu'ils de Baccio découragé abandonna définitivement
vaient occuper au camp. Lorsque chaque com la palette pour le ciseau. Il exécuta successi
pagnie avait son enseigne , le front de bandière vement un Mercure qui fut envoyé à Fran
offrait l'aspect le plus varié ; cette ligne était en çois I" ; un saint Pierre pour Santa Maria
nvant des premières tentes, et en arrière du di Fiore; l'Orphée du palais Pitti; l'Apollon et
terrain qu'on appelait champ de bataille, ter Cérès du jardin de Boboli ; les tombeaux de
rain fermé par le fossé de la tête du camp et as Léon X et de Clément VII ; la Minerva à
sez vaste pour contenir l'armée en bataille sur Borne ; l'Adam et Eve du Palazzo vecchio. Il
vingt , sur douze et sur dix rangs , suivant les travailla aussi avec tous les artistes célèbres de
époques diverses de l'ordre profond. Depuis l'u son temps au revêtissement de la Santa Casa
BAN ( 561 ) BAN
de Lorette; il décora de nombreux bas-reliefs le tomie. Deux petits amours soulevant un rideau
chœur et le maître-autel du dôme de Florence. dont il a décoré sa demeure , aujourd'hui pa
Ces sculptures, d'un beau style, ont été gravées lais Ginori , sont probablement celui de ses ou
par R. Morghen. Dans un coin de la place vrages qui s'éloigne le plus de son faire roide et
Saint-Laurent, à Florence, est un piédestal sévère. Plusieurs compositions dessinées par
orné d'un célèbre bas-relief de Bandinelli. Ce Baccio, telles que le martyre de saint Laurent ,
piédestal devait recevoir la statue de Jean de le massacre des Innocents, etc. , ont été gra
Médicis, surnommé pendant sa vie le grand vées par Marc-Antoine, Marc de Ravenne et
Diable. Les divers excès de la licence et de la Agostino Veneziano ; elles pèchent en général
rapine militaire qu'exprime énergiquement le par trop d'embarras. Clément, son fils, annon
bas-relief, convenaient au monument d'un tel çait un grand talent ; mais il fut enlevé par une
capitaine. mort prématurée. Michel-Ange Bandinelli , ne
François I" ayant demandé au pape une co veu de Baccio, fut un peintre assez habile. Plu
pie du Laocoon , Bandinelli en fut chargé , et se sieurs de ses tableaux se voient à Sainte-Marie-
vanta de surpasser l'original ; mais il ne réussit Nouvelle de Florence. E. Breton.
qu'à produire un groupe maniéré qui lui attira BANDINI (Angb-Mahib), se fit un nom
une caricature du Titien, exécutée en bois par célèbre dans la littérature italienne, au xvm'
Nicolas Boldini. On voit encore ce groupe à la siècle. Né à Florence, en 1726, il perdit ses
galerie de Florence, où il a été fort endommagé parens dès le plus bas âge et trouva un guide
par l'incendie qui, en 1762, dévora une partie et un appui dans son frère aine , Joseph Ban-
de ce musée. L'ouvrage le plus important de ce dini, déjà connu avantageusement comme ju
sculpteur est le groupe colossal d'Hercule tuant risconsulte. La vivacité de son imagination le
Cacus, devant le Palais-Vieux, sur la place du porta d'abord vers la poésie; mais comme ses
Grand-Duc, en face du David de Michel-Ange. vers étaient peu goûtés , il se livra bientôt tout
Jamais œuvre n'attira à son auteur des criti entier à l'étude de l'histoire de la littérature , et
ques plus acharnées. Ce groupe est cependant composa un livre intitulé : Spécimen littera-
d'un dessin et d'une exécution grandioses, quoi lurœ florentinœ , dont il fit hommage à l'empe
que un peu outré. L'attache du col de Cacus fut reur d'Autriche. Il s'était fixé à Rome, où H
trouvée admirable même par Michel-Ange. Le avait embrassé l'état ecclésiastique; mais le
dernier ouvrage de Bandinelli fut un Christ au mauvais état de sa santé le força de retourner à
tombeau , qu'il plaça à l'église de l'Annunziata, Florence, où il fut placé à la tête de labiblothè-
dans une chapelle qui lui appartenait , et où lui- que que François Marucelli avait fondée et lé
même transporta les restes de son père. Dans ce guée pour être ouverte au public. Plus tard , le
groupe , l'artiste s'est représenté dans le per neveu du fondateur lui confia l'exécution du
sonnage de Nicodème. Il mourut peu de temps testament par lequel il disposait lui-même de
après, en 1559 , à l'âge de soixante-douze ans, tous ses biens en faveur de cette bibliothèque.
laissant à ses enfants de grandes richesses ac Bandini mourut dans ce poste, en 1800. Outre
quises par son talent. 11 fut mieux apprécié l'ouvrage que nous venons de mentionner et
après sa mort que de son vivant. Son caractère divers autres, il a laissé, 1° un travail qui
hautain et envieux l'avait fait détester, et son a pour titre : De Obelisco Augusti Cœsaris è
orgueil n'avait plus connu de bornes du jour où campi Mardi ruderibus nupereruto, Rome,
Charles-Quint l'avait décoré de l'ordre de Saint- 1780 ; 2° un autre intitulé : Vita e Lettere di
Jacques. Nous avons déjà parlé de sa haine con Amerigo Vespucci , Florence, 1795 ; 3° un ca
tre Michel -Ange; il était également l'ennemi talogue en 8 vol. in-fol. des manuscrits de la
juré de Benvenuto Cellini , qui ne cesse dans ses bibliothèque Laurentine. L.
mémoires de le poursuivre de ses injures. Dans BANDINS (marine) , de l'italien bandini.
son Trattato soprà la scultura, Cellini l'appelle J. Hobier, dans sa Construction d'vne gai-
néanmoins eccellentissimo artefice, digne d'être laire , dit , pag. 32 : « Sur ces panneaux »
placé à côté de Donatello et de Michel-Ange. ( qui garnissaient la poupe de la galère) « et leg
Les œuvres de Bandinelli manquent de sou <( pièces qui les lient se mettent les bandins ,
plesse et de grâce ; mais on ne peut lui refuser « sur lesquels on s'appuye estant jlebout dans
une grande connaissance du dessin et de l'aua- « la pouppe , qui sortent outre la longueur du
Encyclopêdit du XIX' siècle, t. IV. 36
BAN ( 562 ) BAN
«corps, d'enuiron huit pans, pour soustenir bre, la plus fameuse et la plus redoutable.
« auee les grandes consoles, vne espèce de banq Ferdinand , à son retour sur le trône des Deux-
« formé par dehors de petits balustres qu'ils Siciles , eut la honte de voir son gouvernement
« nomment jalousie de messe pouppe , et traiter de puissance à puissance avec cet auda
« d'vne pièce figurée à jour qu'ils nomment le cieux chef de brigands. Un autre bandit entra
« couronnement. » Au-dessus des bandins s'é en 1818 au service de ce roi, en qualité
levaient , en se courbant à l'extérieur, des ver de capitaine , et entreprit de poursuivre et de
ges de fer, grosses environ d'un pouce , pour saisir lui-même ses compagnons de meurtre
recevoir d'autres petits bandins appelés bandi- et de pillage. Il règne ordinairement parmi ces
nets. Les bandinets servaient de bases et de hommes une sorte d'honneur chevaleresque :
supports aux arceaux de bois ou guérite, dont ils sont souvent esclaves d'une parole donnée,
la réunion formait le carrosse, couvert d'un et on a vu des cantons entiers, qui s'étaient sou
tendelet ou petite tente. Il est presque inutile mis à la protection d'une bande , en recevoir
de dire que bandinet , diminutif de bandin , un appui efficace contre les autres. On cite un
vient comme celui-ci de banda, italien, signi bourg au pied du Mont-Cenis , dont presque
fiant en même temps : bande et eôté. L'espa tous les habitants étaient des bandits , au com
gnol disait : vandines de popa. A. Jal. mencement de ce siècle , et qu'un ecclésiastique
BANDIT, en italien, bandito. Ce mot, qui est parvenu à ramener par ses exhortations à des
servit d'abord à désigner un banni , plus tard habitudes dévie régulière, après avoir obtenu
un meurtrier à gages, est aujourd'hui le syno pour eux de l'autorité publique l'impunité et le
nyme de voleur de grand chemin. C'est dans les pardon. Aucun gouvernement en Italie n'est en
annales de l'Italie que les bandits semblent core parvenu, depuis 1814, à extirper complè
avoir laissé le plus de souvenirs. La faiblesse tement cette plaie honteuse des états civilisés.
des gouvernements et les accidents du sol , émi Des maîtres de postes aux environs des villes,
nemment propres , dans certaines contrées , à chez lesquels les voyageurs ont l'habitude de
favoriser ces sortes d'entreprises audacieuses, s'arrêter quand la nuit les surprend, sont quel
avaient permis aux malfaiteurs de s'y créer en quefois encore obligés de payer des tributs à
quelque sorte une organisation régulière. Quel des troupes de bandits pour faire respecter leurs
ques troupes de bandits se composaient de vaga maisons.
bonds réunis, sans autre asile que les montagnes Les conversions ne sont pas rares parmi les
et les forêts ; d'autres sortaient des populations bandits. Elles sont ordinairement la récom
agricoles , se réunissaient à un signal donné à pense du zèle pieux et dévoué des curés des
un lieu convenu , pour une expédition détermi campagnes. Les bandits sont, du reste, d'une
née , puis rentraient dans leurs villages , et se intrépidité à toute épreuve , et montrent sou
livraient aux travaux habituels de la campagne. vent un courage et une intelligence dignes d'un
Rarement ils attaquaient les habitations ; les meilleur usage. Savagnek père.
habitants des lieux où ils demeuraient , et BANDOUILLÈRE , ou plutôt bakdoc-
ceux où ils séjournaient pour quelque temps lièbe , selon l'orthographe usitée dans la plu
étaient aussi en général à l'abri de leurs pil part des règlements militaires, plus conformes
lages. Leurs victimes ordinaires étaient les en cela aux exigences de l'étymologie, dérive
voyageurs italiens ou étrangers , qu'ils atta du mot italien bandoliera , d'où les écrivains
quaient à force ouverte. Les bandits formaient les plus anciens avaient fait bandolière. Cette
une véritable société dans la société ; ils étaient expression servit d'abord à désigner la bande
soumis à des lois très sévères , faites par eux ou bretelle de peau qui supportait l'archière,
et pour eux; ils étaient en hostilité constante, c'est-à-dire le carquois des archers. La ban-
tantôt ouverte , tantôt cachée, contre la société douillère était réservée à la partie de l'infante
légale, au milieu de laquelle ils vivaient. rie non armée, ou plutôt non couverte d'armes
Quand l'administration française a été impo défensives ; les piquiers n'en portaient pas.
sée à l'Italie, les bandits furent à peu près ex Dans la cavalerie, elle n'était en usage que pour
tirpés de ce beau pays. Il en restait cependant l'équipement des corps armés à la légère; on
quelques bandes dans les états romains et napo n'en donnait pas aux lanciers. Pris en général
litains , entre autres celle de Pierre de Cala- le mot bandouillère désignait une bande portée
BAN ( 563 ) BAN
taDtôt de droite à gauche , et tantôt de gauche titre :Imperium orientale , 2 vol. In-fol. Paris,
à droite , et servant souvent de soutien sur le tine.
1711,Son
et qui
second
fait ouvrage
partie deparut
la Collection
égalementbyzan
à Pa
buste d'un guerrier, soit à une arme projectile,
soit à une arme blanche , soit à une pièce de ris sous le titre de Numismata imperatorum
fourniment. Quand on substitua à l'arc engaîné romanorum à Trajano Decio ad Paleologos
dans un étui , l'arbalète et l'arquebuse , ces ar Âugustos, 1718 , 2 vol. in-fol. Ses travaux lui
mes furent suspendues à l'aide d'une bandouil- valurent l'honneur d'être admis à l'Académie
lère. C'était de la même manière qu'étaient des inscriptions en 1715. Il devint bibliothécaire
soutenues l'arme de jet de la milice des commu du duc d'Orléans en 1724. En proie, depuis
nes, l'arquebuse à rouet des hommes de cheval long-temps , aux douleurs de la goutte , il y suc
et l'arme à feu nommée pétrinal , dont faisaient comba en 1743 , sans avoir vu publier son tra
usage les bandouliers des Pyrénées. Nous ne vail sur Nicéphore et Théodore de Mopsueste ,
doutons pas que ces derniers ne doivent leur formant la matière de 4 vol. in-fol. L.
nom à l'habitude qu'ils avaient contractée de BANGUE (bot.). Nom vulgaire d'une es
s'équiper de la sorte ; mais des étymologistes pèce de chanvre qui ne paraît pas très-différent
peu versés dans la connaissance des vieux usa du nôtre, et avec les feuilles duquel les Indiens
ges , ont pris pour la cause ce que nous prenons font une liqueur enivrante et stupéfiante, ap
pour l'effet. Les soldats de la maréchaussée ont pelée Banghie. Les mêmes peuples mâchent
«onservé jusqu'à la fin de l'existence du corps et fument pareillement les feuilles de ce végétal
la bandouillère qui rappelait le temps où ils mêlées à celles de diverses autres plantes ;
étaient archers de police, archers de la prévôté. usage qui remplace pour eux celui de l'opium
Les mousquetaires à cheval l'avaient conservée chez les Orientaux. A.
de même , et elle rappelait le temps où ils étaient BANIANS. Ce mot est une corruption du
au nombre des troupes légères. Leur bandouil terme sanskrit banij ou banik, qui signifie
lère ne supportait plus rien; c'était un simple or marchand ou commerçant : on s'en sert pour
nement de buffle, garni de galons et recouvert de désigner les Hindous qui visitent les pays étran
soie, dont la couleur servait à distinguer les com gers pour faire le commerce. Marc Paul cite les
pagnies. Les gardes-du-corps de Louis XVIII Hindous parmi les marchands étrangers qui
appelaient bandouillère la buffleterie actuelle fréquentaient la foire de Tabriz et le port d'A-
ment nommée banderole et qui supporte la gi den. Il parait aussi que des Indiens étaient dès-
berne. L'ordonnance de service de 1768 voulait lors établis sur les côtes orientales de l'Afrique.
que , pendant la fermeture des portes , les 3oldats Vasco de Gama , lors de son premier voyage ,
qui manœuvraient le pont-levis eussent l'arme en vit plusieurs bâtiments de cette nation dans le
bandouillère ; c'était une expression de routine port de Melinde. Dans plusieurs des principales
devenue fausse , puisqu'ils avaient au contraire villes de la Perse et de l'Arabie , les Banians
le fusil à la grenadière. Le règlement de police ont formé, à différentes époques, des classes
de l'infanterie , donné en 1792 , voulait que les considérables de la société et y ont joui d'une
officiers de service eussent l'épée en bandouil grande influence. On en trouve aujourd'hui jus
lère ; c'est la dernière fois que ce mot apparaît que dans les environs d'Astracan. Les Banians
dans les ordonnances militaires , autres que cel ne forment pas et n'ont même jamais formé de
les qui ont eu trait à la dernière maison du roi. classe ou de caste distincte dans l'Inde. Taver-
Le gén. Bahdin. nier et quelques autres voyageurs ont employé
BANDURI ( Anselme ) , savant distingué , à tort le terme de banian comme synonyme de
naquit à Raguse , de parens nobles , en 1670. Il Faisya , nom de la caste qui comprend les mar
fit ses premières études à Naples , se rendit de chands, les laboureurs et lesouvriers.^J. Cohen.
là à Florence , entra , fort jeune encore , dans BANIER ou. BANER ( Jean ) , l'un des
l'ordre de saint Benoît , et fut ensuite nommé meilleurs capitaines sortis de l'école de Gus
professeur d'histoire ecclésiastique à Pise. En tave-Adolphe , naquit en 1596. Issu d'une des
voyé à l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, à plus illustres famillesdu royaume, il était encore
Paris , il épura son goût au milieu des savants en bas âge quand il perdit son père , qui tomba
qui peuplaient alors cette retraite. Il publia à Pa victime des guerres civiles et fut décapité. Dès
ris son ouvrage le plus remarquable, qui a pour son enfance , il annonça un caractère et un cou
BAN ( 564 ) IUN
rfige extraordinaires. Ses réponses frappaient l'intervalle il avait perdu son père. Son goût
d'admiration jusqu'au roi lui-même , qui avait pour la botanique se développa. Il embrassa
sacrifié son père. Il entra au service en 1615 et aussi toutes les autres branches de l'histoire na
fut initié à la stratégie de Gustave-Adolphe dans turelle, et ne tarda pas à se faire à l'Université
les campagnes de Russieetde Pologne. En 1030, une réputation méritée. Il quitta Oxford en
il fut nommé général d'infanterie et sénateur. Il 1763. Trois ans après, il fut élu membre de la
suivit Gustave dans la lutte que ce roi commen Société royale, et la même année il fit un voyage
çait contre l'Autriche , lutte soutenue par les à Terre-Neuve avec son ami M. Phipps , lieute
grands généraux autrichiens Tilly et Wallens- nant dans la marine royale. Après son retonr,
tein. Il fut grièvement blessé à l'attaque du il se lia avec le docteur Solander, suédois, élève
camp fortifié de ce dernier, à Nuremberg. Ce de Linnée , nommé récemment sous-bibliothé
fut lui qui, après la mort du roi , son maître, caire du Musée britannique. Lors du premier
conduisit les opérations de la guerre. A Witt- voyage de Cook , MM. Banks et Solander ac
stock, il remporta une grande victoire sur les compagnèrent l'expédition en qualité de nata-
Saxons (163C), et il pénétra jusqu'au fond de la ralistes. Lorsqu'il revint en Angleterre, il fut
Saxe. Trahi plus tard par la fortune, on le particulièrement distingué par le roi George III,
crut perdu; mais il parvint à s'échapper, et se qui ne cessa de l'honorer de sa bienveillance.
réfugia en Poméranie, en passant l'Oder par un Quelques difficultés l'empêchèrent de faire par
gué inconnu. Après avoir reçu des renforts, il tie du second voyage de Cook ; mais il fit à ses
attaqua et battit de nouveau l'armée saxone à frais , avec son ami Solander, un voyage en Is
Chemnitz ( 4 avril 1639 ) , envahit la Bohême et lande, dans le cours duquel il visita les Hébri
s'y soutint jusqu'en 1640. Dans l'hiver de 1641, des et découvrit le premier la fameuse île basal
il se porta sur Ratisbonne; mais ayant échoué , tique de Staffa. En 1778, M. Banks fut nommé
il fut obligé de se retirer, et ce fut dans cette président de la Société royale et trois ans après
retraite qu'il mourut à Halberstadt le 10 mai il fut créé baronet. De graves dissensions s'éle
1641 , empoisonné, selon les uns, victime, se vèrent entre Banks et quelques membres de la
lon les autres , des fatigues de la guerre et de Société. On l'accusait de vouloir s'arroger ledroit
l'amour des plaisirs. Il réussit mieux dans les exclusif d'y introduire des membres nouveaux
batailles que dans les sièges. Il fut marié trois et de remplir la Société de personnes ignorantes
fois, et ne laissa qu'un seul fils. J.-F. de L. qui ne se distinguaient que par leur opulence,
BANKS (sir Joseph) , naturaliste célèbre , tandis que celles qui avaient fait des inventions
naquit à Londres le 4 janvier 1743 , d'une an ingénieuses dans les arts, des découvertes utiles
cienne famille du Yorkshire, et fit ses premières dans les sciences étaient écartées avec mépris.
études au collège d'Éton. Quoique d'un carac Toutefois , sir Joseph conservait de nombreui
tère doux et aimable, il aimait le jeu avec un amis dans la Société royale, et, Ie8 janvier
tel excès, qu'il était impossible de fixer son es 1784, elle déclara à une grand majorité qu'elle
prit à aucune étude sérieuse. Une circonstance était parfaitement satisfaite de sir Joseph Banks,
singulière détermina sa vocation. Un soir en et désirait le conserver pour président. En
sortant d'un bain pris à la rivière avec plu 1795, Banks fut nommé chevalier du Bain et
sieurs de ses camarades, il traversa seul un sen en 1797 membre du conseil privé. En 1802,
tier dont les bords étaient émaillés de fleurs. l'Institut de France le plaça au nombre de ses
Charmé de ce spectacle, il prit sur-le-champ la correspondants. Dans les dernières années de
résolution de se livrer , dans ses heures de loi sa vie, sir Joseph , doué jusqu'alors d'une santé
sir , à l'étude de la botanique. Faute de maîtres excellente et d'une très forte constitution, fut
compétents, il demandait des renseignements sujet à de violents accès de goutte , qu'il sup
aux femmes qui venaient cueillir des simples porta avec beaucoup de patience et une grand*
pour les apothicaires et les herboristes , et son résignation. Il mourut a sa maison de campagne
bonheur fut au comble quand à l'époque des va de Spring good , le 19 juin 1820, sanslaisser
cances , il trouva chez sa mère un vieux herbier d'enfants.
tout déchiré. Comme il achevait sa dix-huitième Tous les voyages de découvertes faits pen
année , il quitta le collège d'Éton pour l'Uni dant les trente dernières années de sa vie furent
versité d'Oxford, où il resta deux ans. Dans entrepris à son instigation ou du moins avec
BAN ( 565 ) BAN
son approbation. La Société africaine lui dut primines des ovures se soudent en une cloison
son origine ; il protégea Ledyard, Lucas, Hough- ligneuse , libre et s'ouvrant en deux valves ; les
ton et l'infortuné Mungo Park. A lui est dû le deux semences qui leur succèdent sont attachées
transport aux Indes-Occidentales de l'arbre à de chaque côté de la base de la cloison ( dans une
pain d'Otaîti et de la mangue du Bengale, ainsi sorte de niche ) et terminées en une membrane
que de divers fruits de la Perse et de Ceylan. ailée cunéiforme.
Le projet de la colonie de Botany-Bay fut aussi Les banksies sont des arbrisseaux ou des ar
suggéré par lui. bres de moyenne hauteur, assez communs dans
Banks , grâce à son immense fortune , à sa la partie extratropicale de la Nouvelle-Hollande
haute position , à ses voyages , à ses relations et fort rares sur les rivages intertropicaux. On
avec les savants des différentes contrées étran les distingue aisément à leurs rameaux comme
gères, put amaseer une des plus riches collec ombelles , garnis de feuilles éparses , rarement
tions d'histoire naturelle. Sa bibliothèque était verticillées , entières , dentées ou incisées-pin-
nombreuse et bien fournie. Ces trésors étaient natifides, variant souvent sur le même pied, et
généreusement ouverts aux hommes d'étude dont la face inférieure est parsemée de petites
et de savoir. glandes à fleurs disposées en chatons solitai
Pendant la longue guerre entre l'Angleterre res ou terminaux , rarement latéraux , cylin-
et la France , il fit tous ses efforts pour que dracés ou quelquefois assez courts , accompa
les intérêts de la science n'en souffrissent pas. gnés à la base de quelques bractées courtes et
A dix reprises différentes il fit restituer au Jar- étroites; les bractées florales sont persistantes ,
din-des-Plantes de Paris des collections captu les plus grandes solitaires , les plus petites gé
rées par les croiseurs anglais. Enfin, pour minées , collatérales et internes ; le rachis du
que rien ne manquât à sa renommée scientifi chaton fructifère est le plus souvent renflé et
que, il eut la gloire d'avoir pour biographe soudé avec la base des follicules. Le célèbre Bo-
l'illustre Cuvier, qui prononça son éloge à l'In bert Brown s'est beaucoup occupé de ce genre,
stitut. Sir Joseph Banks composa un grand dont il a décrit et fait connaître un grand nom
nombre de mémoires pour les Sociétés savantes bre d'espèces ; il le divise en deux sections : le
dont il était membre, mais il n'a point publié banksia proprement dit, et Visostylis. Les ser
d'ouvrages de longue haleine. J. Cohen. res des amateurs contiennent plusieurs espèces
BANKSIE, banksia ( bot.phan. ). Magni de ce genre qui en font l'ornement par leur port
fique et singulier genre de plantes exogènes ( di pittoresque, leur feuillage élégant, qui persiste
cotylédones), de la famille des Pbotéacées de malgré nos froids ; ce sont principalement les
Jussieu. Le lils de l'illustre botaniste suédois banksia grandis , littoralis, speciosa, macros-
Linné dédia ce genre à sir Joseph Banks , pour tachya, microstachya , etc. ; le plus ordinaire ,
rappeler aux phytologues la mémoire d'un mais non le moins remarquable, est le banksie
homme qui consacra son immense fortune tout denté, banksia serrata, arbrisseau de huit à dix
entière à l'avancement de l'histoire naturelle, pieds de hauteur, à rameaux cotonneux, garnis
et en particulier de la botauique. Voici comme de longues feuilles linéaires-lancéolées , large
aujourd'hui (Endlich. gênera.) sont circon ment dentées sur leurs bords, comme tronquées
scrits les caractères du banksia : Fleurs dis au sommet, terminé par une petite pointe, à
posées en un chaton dépourvu d'involucre , fleurs jaunâtres formant des cônes (chatons) as
chacune accompagnée de trois bractées sem sez gros. On connaît environ quarante espèces
blables ; périgone partagé en quatre ou cinq de ce genre, appartenant toutes à l'Australasie :
lobes ; quatre étamines cachées sous le sommet elles demandent chez nous la serre froide, bien
concave des lobes périgonaux ; quatre squa- éclairée , et une terre de bruyère riche en hu
mules hypogynes entourant un ovaire unilo- mus. C. Lemaibb.
culaire qui contient deux ovules collatéraux , BANLIEUE , portion de terrain environnant
fixés sur la partie moyenne de la paroi interne, une ville dans le rayon d'une lieue , et compre
et dont le côté extérieur de la primine , fendu nant l'étendue de juridiction dans les limites de
longitudinalement , laisse \enucleus à nu; style laquelle se faisait autrefois la publication du
filiforme terminé par un stigmate en massue. Le ban. Aujourd'hui, cette expression sert à dési
fruit est un follicule ligneux , biloculaire ; les gner les bourgs et villages attenant aux fau
BAN ( 5CG ) BAN
bourgs d'une grande ville, et que cette proximité les antiquités nationales, nous avons déter
n'empêche pas d'avoir une existence propre et miné la place et l'importance des bannes du
une juridiction particulière. Pour être située à xme siècle. ( Voyez notre Archéologie navale,
peu de distance de Paris , par exemple , une tom. II, pag. 363.) A. Jal.
agglomération quelconque d'habitations parti BANNERET. Du celtique ban , du teuton
culières n'en a pas moins sa municipalité , ainsi bann, et du latin bannum sont venus les mots
que les autres institutions qui constituent ce romans et français, ban, bande, bandière,
qu'on appelle la commune. La banlieue n'a plus bandon et bannière , qui à leur tour ont servi
en ce moment avec la ville dont elle est limi à former les substantifs banderet et banneret,
trophe , que des rapports de convenance admi quelquefois employés comme adjectifs. Il y avait
nistrative, destinés à régulariser la prompte des fiefs banderets, des chevaliers bannerets.
exécution des divers services de la garde natio Un banneret était un chef de guerre et de ter
nale ou des postes, mais qui n'impliquent pas ritoire : qui terre a, guerre a. Sa bande ou
l'idée d'une dépendance réelle. bannière, placée sur le donjon du manoir ou sur
BANNE. On donne ce nom à une grande le pavillon du camp, dominait toujours les pen-
toile tendue pour abriter du soleil la devanture nons des sous-fiefs, et servait même de signal
d'un magasin , et pour recouvrir des marchan lorsqu'il s'agissait de marcher soit à la guerre
dises, des voitures chargées, des bateaux, ou nationale , soit aux guerres privées. Une sorte
le tillac d'un navire. d'ordre du jour brutal , qui consistait en cette
Dans l'est et le centre de la France, on ap seule phrase sacramentelle : venez ou vous brû
pelle aussi banne une longue manne , faite en lerai/, servait ordinairement de commentaire à
branchages , qui se place sur un train de voi cette convocation. Dans les pays où les volontés
ture , et qui sert à transporter le charbon de particulières modifiaient incessamment toutes
bois. Ces immenses paniers s'ouvrent quelque les institutions, les barons, bannerets et vas
fois en dessous au moyen d'une trappe. Ils sont saux échappaient à toute règle, et ce fut en vain
alors plus faciles à vider. Ceux qui ne sont pas que les assises de Jérusalem et les eslablisse-
ainsi faits se renversent à grands renforts de ments de Loys neufvième furent opposés par
bras. Il y a encore des tombereaux qui, se vidant l'autorité souveraine à cet état de choses. Il y
en dessous , ont reçu le nom de banne. avait des bannerets d'armes et d'autres qui ne
BANNE (marine). C'est une tente dont on l'étaient que de nom , des bannerets sans ban
couvre un bateau. C'était un petit abri de plan nière, des bannerets par conquest civil, des
ches , fait à l'arrière ou l'avant , quelquefois à bannerets par héritage, des bannerets par avan
l'avant et à l'arrière des bateaux de pêche, des cement à la guerre, des bannerets chefs et porte-
petits caboteurs , etc. Autrefois , c'est-à-dire drapeau de certaines villes; des bannerets qui
au xvi* et au xvne siècle, la banne était un n'étaient que pennoniers, bacheliers ou écuyers.
logement d'une certaine importance, pratiqué Il y en avait aussi du rang d'avoyers, de vicom
dans les étages élevés des grands navires. La tes , de sénéchaux , de prévôts , de baillis. Ce
ISautica Mediterranea de Bartholomeo Cres- serait une longue et fastidieuse histoire que celle
centio (Home, 1607), p. 66, donne les di de ces divers chefs , à partir des viguiers des
mensions des banni — ou vanni, par cette cor première et seconde race , des dignitaires alle
ruption dont j'ai parlé à l'article Balahciue, — mands nommés banner-herr , et des gonfalo-
sur les naves ou galions. Le Contractas navi- niers d'Italie. On comptait à Azineourt cent
gii de Venise , rapporté fort infidèlement par vingt bannerets français , et vingt-deux seule
Leibnitz , et par tous les collecteurs de pièces di ment à Bouvines , ce qui prouve combien l'im
plomatiques , prescrit le nombre de bannes que portance du titre avait décru ; aussi les banne
chaque nef offerte par Venise à saint Louis, rets du roi ont-ils été dans la nécessité de carac
devait avoir selon sa grandeur. Nos dunettes tériser leur dignité par les titres de grand ban
modernes répondent aux anciennes bannes. neret, grand prévôt , grand bailli , alors que la
Dans un Mémoire sur les vaisseaux ronds simple dénomination de banneret avait perdu son
de saint Louis, auquel, en 1837 , l'Académie primitif cachet féodal. Sous Philippe-le-Hardy,
des inscriptions décerna une des médailles la solde royale d'un chevalier banneret était de
d'or qu'elle accorde aux meilleurs travaux sur vingt sous , somme équivalente à plus de cin-
DAN (5 67rouze
) , selon l'expression
BAN technique, s'était ef
quante francs des temps actuels. Un règlement
du dernier avril 1351 doublait cette paie. Les facé, et qu'on se contentait, comme enseigne
droits , le pouvoir militaire , le grade des ban- principale et souveraine, d'une écharpe bénie ,
nerets furent déterminés en Angleterre avant de qui se portait attachée à une lance recouverte de
l'être en France. En 1426, le banneret com cuivre doré. Aussi longtemps qu'il n'exista pas
mandait un nombre donné de bacheliers, et de troupes permanentes, et que la bannière féo
comme la bacèle ou bacbelenie d'alors peut être dale ou paroissiale appela aux armes, cet insi
comparée à un escadron de nos jours , le corps gne conserva son double caractère ; mais quand
de troupes réuni sous les ordres du banneret l'armée fut maintenue à demeure, quand la
était à peu près analogue à un régiment de trois féodalité commença à décroître, les corps tels
cents chevaux divisé en quatre ou cinq esca que les Écossais de la garde, les six mille Suisses
drons. Le gén. Babdin. et les aventuriers , gardèrent, en leurs propres
BANNES (Dominique), natif de Valladolid, mains , leurs étendards , et les bannières pro
entra dans l'ordre des frères prêcheurs, après prement dites ne sortirent plus des églises, si ce
avoir terminé ses études à l'université de Sala- n'est à la tête des milices communales. Cette
manque , où il était venu à l'âge de quinze ans. révolution arriva sous Louis XI. Jusque-là , il
Il eut pour maîtres, en théologie le célèbre Mel- n'y avait guère que des étendards en usage
chior Cano et Pierre Sotomayor, dominicains. dans la cavalerie, qui formait alors presque
Bannes professa avec distinction pendant plus toute l'armée. On donnait toutefois le nom d'en
de trente ans la théologie à Avila , à Alcala seignes aux étendards dont se servait la miséra
de Henarez, à Valladolid et à Salamanque. Il ble infanterie française de ces époques; mais
mourut à Médina del Carnpo, le 1er novembre étendards , enseignes , pennons , avaient mar
1 604 , à l'âge de soixante-dix-sept ans. Ses ou ché subordonnés aux bannières. Sous les suc
vrages sont : 1° De gencratione et corruptione, cesseurs de Louis XI il y eut des drapeaux dont
sive in Aristotelis eos libros commentaria et on rapporta d'Italie la mode et le nom , et ces
guœstiones , Salamanque, 1565; 2° Commen drapeaux, dès que les troupes d'hommes de
taria scholastica in primam partent Summœ pied prirent du poids et de l'importance , n'eu
S. Thomœ, neenon in secundam secundœ , rent plus rien de commun avec les anciennes
Venise , 1602 , 3 vol. in-fol. L. bannières ecclésiastiques , ni avec les bannières
BANNIERE, sorte d'enseigne, dont le nom féodales; ils marchèrent subordonnés seulement
est la pure traduction du bas latin bannera, à l'étendard royal. Quant aux gens de cheval ,
banneria, signe ou manifestation d'un ban ils conservèrent leurs étendards , leurs cornet
conscriptif. Les bannières furent d'abord un tes, leurs guidons, également indépendants des
étendard purement militaire ou féodal. Elles bannières féodales ou ecclésiastiques.
étaient en usage bien avant l'établissement du Les bannièbes dont on se sert dans les céré
christianisme. Plus tard, la bénédiction sacer monies de l'Église sont portées en tête des pro
dotale devint la consécration obligée du drapeau cessions , et deviennent un signe de ralliement
princier. Les chefs de l'Eglise décorèrent alors pour les fidèles, lorsque la dévotion appelle plu
sa draperie de l'image du patron choisi parmi les sieurs paroisses sur un même point. On les dis
saints reconnus par l'Église. Le sanctuaire fut , tingue par l'image du patron , peinte ou brodée
excepté en temps de guerre, le lieu de dépôt de sur une des faces. Dans la même paroisse , s'il
cette effigie ou émergée ou en panneton de clef. y a plusieurs confréries ou associations pieuses,
Telle fut l'origine de la chape ou bannière de chacune d'elles a aussi sa bannière , autour de
Saint-Martin de Tours, et de l'oriflamme de laquelle les membres de la même congrégation
Saint-Denis près Paris. Si la bannière de Tours viennent se ranger.
s'est appelée chape ou chapelle, c'est que l'usage BANNISSEMENT (jurisprud.) , de ban-
français, allemand, italien a été, pendant plu nire, in bannum mittere , parce que c'était
sieurs siècles , d'arborer pour la guerre l'éten sous la forme d'un ban ou écrit public qu'au
dard national sur un immense char érigé en moyen -Age le bannissement était prononcé.
chapelle; si la bannière de Saint-Denis s'est Cette peine , qui consiste à obliger celui qui est
nommée oriflamme , c'est que l'usage si incom condamné à sortir pour toujours ou pour un
mode , si peu militaire du char sacré ou du car- certain temps d'une ville, d'une province ou
BAN ( 568 ) BAN
même d'un royaume, est donc fort ancienne. plus. C'est la peine usitée pour la répression des
Mais il ne faut pas la confondre avec d'autres actes des ministres , arbitraires ou attentatoires
qui , malgré certaines analogies , en diffèrent à la liberté individuelle, aux droits civiques ou
cependant sous des rapports essentiels , tels que aux constitutions de l'état. Les autres fonction
I'Exil et l'OsTBACisiiB (voyez ces mots). Celles- naires publics , ou même les simples particuliers
ci étaient des peines purement politiques, et qui empêchent , par des mesures concertées,
dès-lors aucune flétrissure ne pouvait y être at l'exécution des lois ou les ordres du gouverne
tachée. Il est, enfin , de ces mesures prises con ment, sont passibles du même châtiment. On
tre certains individus ou certaines familles, que l'applique aussi aux ministres du culte provo
des raisons d'état font exclure d'un pays , mais quant publiquement à la désobéissance aux lois,
qui ne constituent cependant ni l'exil, ni l'os ou qui souffleraient le feu de la guerre civile, et
tracisme, ni le bannissement proprement dits, à l'auteur de toute instruction pastorale qui cri
quoiqu'elles participent à la fois de toutes ces tique ou censure la puissance temporelle. Cette
peines. On voit que nous faisons allusion à ces dernière disposition de la loi ne mérite-t-elle
décrets dont l'histoire de tous les peuples est pas le reproche d'avoir dépassé le but en vou
remplie, et portés soit par un parti vainqueur lant l'atteindre ? Il en est de même de celles par
contre le parti vaincu , soit par une dynastie qui lesquelles elle a puni du bannissement, 1* les
s'élève contre la dynastie qu'elle remplace. Et , officiers publics qui délivrent sciemment des
sans sortir de nos annales , nous y trouvons passeports sous des noms supposés; 2° les mé
comme exemples de ces actes d'expulsion les decins ou chirurgiens qui donnent par corrup
lois révolutionnaires contre les émigrés, celles tion des certificats à l'effet de dispenser d'un
de 1816 contre les régicides et la famille de Na service public. Le bannissement, comme nous
poléon Buonaparte , et enfin la loi du mois d'a l'avons vu , et tel que le définit le Code actuel,
vril 1832, qui interdit le territoire français à est la transportation, par ordre du gouverne
Charles X et à tous les membres de sa branche. ment , hors du royaume. Il est cependant des
Ce n'est pas ici le lieu de juger historiquement cas où c'est seulement d'un lieu de l'intérieur
toutes ces rigueurs , tristes monuments des vi du territoire que le coupable est condamné a
cissitudes politiques, dont on n'a su trouver l'ex s'éloigner. Tel est celui où un individu a frappé
cuse ou plutôt le prétexte que dans la nécessité. un magistrat. Outre l'emprisonnement , cet in
Nous nous bornerons à remarquer que, dans des dividu peut être, de plus, forcé de s'éloigner de
cas semblables , l'interdiction du territoire a l'endroit où siège le magistrat , de cinq à dix
toujours été prononcée par le pouvoir législatif, ans. Cette peine, accessoire et facultative de la
qui , cumulant alors l'office déjuge, a immédia part des tribunaux , se change en bannissement
tement appliqué la loi qu'il venait de rendre. du royaume lorsque le condamné enfreint l'or
Mais le bannissement dont nous avons à nous dre d'éloignement. Une mesure applicable a
occuper ici spécialement , est une peine réservée tous les bannis en général les soumet à la dé
à certains crimes ordinaires classés et définis tention pendant un temps au moins égal à celui
d'avance par le législateur. Elle est, du reste, qui restait à courir jusqu'à l'expiration du ban
toujours infamante, et ce grave caractère y nissement, lorsqu'avant ce terme ils rentrent
était déjà attaché sous l'ancienne législation. sur le territoire français. L'ancien Code pénal
D'après l'ordonnance de 1670, le bannissement prononçait dans ce cas la déportation, peine
venait , dans l'échelle des pénalités , immédia beaucoup trop rigoureuse pour ce genre d'in
tement après les galères perpétuelles. Néan fraction , et sagement adoucie lors de la révision
moins , il n'emportait la mort civile qu'en tant de ce Code. B. d. P.
qu'il était prononcé pour la vie. La législation BANQUE, BANQUIER. Suivant le Dic
intermédiaire abolit le bannissement à temps. tionnaire de l'Académie, on entend par Banque
Mais le Code (1810) le rétablit, tout en laissant le « commerce qui consiste à ouvrir des cré-
subsister la déportation , qui est bien aussi une « dits, à recevoir des fonds à intérêt; à échan-
sorte de bannissement , mais de beaucoup ag « ger des effets , ou à les escompter avec des
gravée par le mode d'exécution. La durée du « espèces , moyennant une prime ou bénéfice
bannissement , tel qu'il est appliqué aujour « que l'on nomme change , dans le premier cas,
d'hui , est de cinq ans au moins et dix ans au « et agio, dans le second. >
BAN ( 569 ) BAN
Cette définition du livre officiel en matière La naissance du crédit remonte à l'établisse
de langage demande à être expliquée. Elle in ment des lettres-de-change, qui étaient com
dique la forme plutôt que le fond des opérations plètement inconnues aux anciens , et dont on
de banque. En réalité , le but du commerce de ne trouve pas de trace dans la législation ro
la banque est de suppléer à l'insuffisance de la maine, ni dans les historiens grecs. Nous avons
monnaie métallique , pour la circulation et l'é trop peu de documents, et la science historique
change des produits de l'industrie humaine. est encore trop imparfaite pour que nous puis
En effet ,.si l'on considère les progrès de l'indus sions remonter au-delà de ces périodes histori
trie et du commerce , on observe que le pre ques , et rechercher si l'Inde ou la Chine n'of
mier mode de circulation des produits a été l'é frent pas , dans une haute antiquité , des insti
change en nature , alors que les hommes, dans tutions de crédit analogues au commerce de la
la première enfance des sociétés , échangeaient banque. Les anciens donc , qui ne connaissaient
directement un produit contre un autre, sans pas les ressources de l'association et la puis
intermédiaire : ce procédé ne pouvait conve sance du crédit , opéraient sur la monnaie mé
nir qu'à des relations très - restreintes , et à tallique , et le commerce de l'or et de l'argent ,
mesure que de nouveaux besoins se sont créés, auquel se livraient les seuls négociants qu'on
il fallut avoir recours à une mesure commune puisse assimiler aux banquiers de nos jours ,
de la valeur des objets échangés. Cette com avait pris chez eux une grande importance. Ce
mune mesure a beaucoup varié chez les diffé- n'est que dans le monde moderne que l'on voit
rens peuples ; elle a pris pour terme les pro apparaître la lettre-de-change , premier instru
duits dont le besoin était le plus universel et ment du crédit , et matière principale du com
la valeur la plus constante, des brebis, des merce de la banque.
peaux de bêtes , du blé , etc. Mais toutes ces «Le temps et l'origine des inventeurs du
marchandises , embarrassantes , d'une détério change qui se fait de place en place ( dit Du-
ration prompte et facile, n'étaient pas d'ail puis de la Serra dans son Traité de l'art des
leurs assez facilement divisibles pour satisfaire à Lettres de change ) , lorsqu'une personne donne
tous les besoins de la circulation. Ce n'est que de l'argent dans une ville pour avoir une let
l'emploi des métaux précieux, sous la forme tre en vertu de laquelle elle en perçoive ou en
de monnaie , qui a permis à la circulation des fasse recevoir dans une autre ville le paiement ,
produits d'acquérir une certaine rapidité. Ces sont fort incertains. Quelques-uns l'attribuent
métaux offrent l'avantage de renfermer une très au bannissement des juifs du royaume, or
grande valeur sous uu petit volume; leur dété donné pendant les règnes de Dagobert I", en
rioration est à peine sensible ; et, en outre , les 640 ; de Philippe-Auguste , en 1 1 81 , et de Phi-
difficultés de l'extraction assurent la société lippe-le-Long , en 1316 ; et disent que , s'étant
contre tout encombrement de ce produit , et retirés en Lombardic , pour avoir de l'argent
par suite, contre toute brusque variation dans qu'ils avaient déposé entre les mains de leurs
sa valeur. Néanmoins , ce procédé était encore amis , ils se servirent du ministère des voya
trop imparfait pour satisfaire à l'activité hu geurs et de lettres en style concis et de peu de
maine qui obéit à une loi incessante de progrès paroles.
et de mouvement. Mais telle est la marche de « De Rubis , dans son Histoire de la ville
1 esprit humain , qu'il va toujours, dans la suc de Lyon, page 289, l'attribue aux Florentins,
cession de ses conceptions , du plus composé au qui , chassés de leur patrie par les Gibelins , se
plus simple ; et il a fallu des siècles nombreux retirèrent en France , où ils commencèrent le
avant qu'on arrivât à substituer au mode in commerce de change , pour tirer de leur pays ,
complet d'échange et de circulation à l'aide de soit le principal , soit les revenus de leurs
la monnaie , un mode beaucoup plus simple et biens.
plus fécond , qu'on s'étonne de ne pas voir en pra « Cette dernière opinion semble la plus pro
tique parmi les anciens : la circulation à l'aide bable, parce que, d'un côté fia première pro
du crédit. Encore ce nouveau procédé s'établit si duit une incertitude de plus de 600 ans, savoir,
lentement, que l'on est incertain sur sa première si le change a été inventé en 640 ou en 1316 ;
°rigine, et qu'il est loin d'avoir acquis les déve et , d'autre côté , le bannissement des juifs étant
loppements d'application dont il est susceptible. la punition de leurs passions et de leurs mal
BAN ( 570 ) BAN
versai ions, qui leur avalent attiré la haine de intervenu autrement que comme mesure, ou
tout le monde , l'on ne peut pas présumer que désignation de la valeur.
personne ait voulu se charger de leur argent Compliquez maintenant l'opération , qui sera
eu dépôt , les assister et avoir commerce avec rarement aussi simple , parce que les relations
eux , au préjudice des ordonnances. » ne sont pas directes entre les industriels qui
Le fait une fois établi , la loi , qui ne vient ont besoin de leurs produits réciproques , vous
jamais utilement qu'après le fait , s'en occupa ; comprendrez le rôle des banquiers et le com
et le premier acte législatif sur cette matière merce de la banque. Je vends du vin pour l'An
est une ordonnance de Louis XI , du mois de gleterre ; je tire en même temps une lettre de
mars 1442. C'est à cette époque qu'on peut change sur l'acheteur. Je la remets au banquier
donc faire authentiquement remonter l'origine de Bordeaux pour en recevoir le montant. Les
du commerce fondé sur le crédit , et son instal négocians anglais ont expédié des marchandises
lation officielle dans le monde industriel. en France et tiré des lettres de change sur les
Voici comment le crédit , à l'aide de la lcttre- acheteurs français , puis remis ces lettres de
de-changc , a facilité la circulation des produits change aux banquiers anglais. Les banquiers an
de ville à ville , de province à province , de na glais sont en correspondance avec les banquiers
tion à nation. Un industriel anglais vend de la français ; ils échangent les lettres de change
houille à un fabricant de Bordeaux. Supposons dont ils sont porteurs. Ces lettres sont respec
que le produit que Bordeaux peut offrir en tivement payées aux échéances , et les opéra
échange soit du vin ; il faudra , en cas d'em tions de vente et d'achat sont ainsi soldée»,
ploi exclusif de la monnaie métallique, trans sans déplacement de numéraire de ville a ville
porter en Angleterre le prix de la houille en ou de pays à pays.
espèces ; à Bordeaux , le prix du vin en espèces Mais entre l'époque où la lettre de change
aussi. Les opérations commerciales seront char est émise et celle où elle doit être payée, d'au
gées des frais considérables de ce double trans tres opérations de même nature ont été offertes
port de numéraire ; et on ne pourra faire d'é aux banquiers, qui, au lieu d'argent, ont re
change que dans la proportion de la quantité mis la lettre de change à des tiers en l'endos
du numéraire actuellement disponible. La lettre sant. Dès-lors , pendant tout ce temps , la lettre
de change obvie à cette augmentation de frais, de change va circuler de main en main, de
à ce travail improductif qui consiste à voiturer ville en ville , de pays en pays , comme une
de la monnaie , et lève cette barrière opposée monnaie commune et légale. Cette monnaie
au développement commercial. En effet, le né- nouvelle n'aura de valeur de circulation qu'au
négociant anglais , au lieu de faire venir l'ar tant que la solvabilité du tiré sera bien con
gent de Bordeaux pour se payer de la houille , nue. Là se fait encore sentir l'utilité des ban
écrit au négociant de Bordeaux pour le prier quiers ; ces négociants , qui font journellement
de payer, à son compte, la somme de..., prix des opérations ensemble , connaissent leur sol
de la houille. Il remet, ou plutôt il vend cette vabilité réciproque ; ils sont , dans chaque lo
lettre contre des espèces aux personnes qui ont calité , en relations habituelles avec les négo
reçu du vin du négociant de Bordeaux , et qui se ciants des autres branches de commerce, et
trouvent ainsi dispensées d'envoyer du numé connaissent la solvabilité de ces négociants.
raire en France. Les acheteurs de vin envoient Lors donc qu'un banquier d'une ville voit sur
la lettre de change au négociant de Bordeaux , une lettre de change créée par un négociant à lui
qui la met dans son portefeuille et se trouve ainsi inconnu d'un autre pays, la signature d'un
avoir payé en vin la valeur de la houille. Voilà banquier qu'il connaît , il accepte cette garantie
l'opération simple. Supposez d'un autre côté de la solidité de la lettre de change , il n'hésite
que le négociant de Bordeaux ait écrit à ses pas à donner, par sa signature , la même ga
acheteurs , en envoyant le vin , d'en payer le rantie au négociant de son propre pays , auquel
prix chez le fournisseur de houille , ou , ce crai il transmet la même lettre de change.
est la même chose , qu'il ait écrit au fournis Les banquiers opèreDt de la même manière à
seur de houille de toucher le montant de sa fac l'égard des billets ou promesses de payer, qui
ture entre les mains des acheteurs de vins ; l'o sont créés par les industriels au moment on ils
pération aura été soldée sans que l'argent soit commencent un travail dont ils espèrent payer
BAN (571 ) BAN
la dépense quand ils en auront vendu le pro Pour augmenter ce fonds , ils reçoivent souvent
duit. Les banquiers donnent cours à ces billets à titre de dépôt des sommes d'argent ; ils en
en les endossant , ou ils les reçoivent directe paient l'intérêt à un taux plus faible que celui
ment et en avancent le montant, ce qu'on ap qu'ils perçoivent en les mettant en circulation ,
pelle escompter. et ils gagnent encore des droits de commis
Pour ces diverses opérations , les banquiers sion. Quelquefois ces dépôts ont pour objet de
font payer leur utile intervention, au moyen garantir auprès des banquiers le crédit des
d'un léger prélèvement qui reçoit le nom de clients dont ils cautionnent le papier par leur si
commission. gnature. La même somme d'argent circule ainsi
Les banquiers jouent donc le rôle de certifi en même temps de deux manières et sous deux
caten<rs des valeurs commerciales; et le com formes : eu nature , en se trouvant mêlée dans les
merce de la banque consiste dans l'échange de opérations générales du banquier ; en valeurs de
ces valeurs, qui tiennent lieu d'argent. crédit qui sont remises au déposant. Toutes les
Si nous avons suffisamment expliqué le mé opérations de banque tendent donc à augmenter
canisme , fort simple en lui-même , de la fonc la somme et à/avoriser la circulation du capi
tion des banquiers , on doit comprendre leur tal employé aux travaux de l'industrie.
importance dans les relations industrielles. Dé C'est aussi l'objet des banques publiques ,
sormais, grâce au crédit, les travailleurs in que l'on désigne ainsi parce qu'elles sont fondées
dustriels n'ont plus à s'inquiéter de la quantité sous le patronage , avec l'autorisation ou sous la
de numéraire existante pour représenter leur direction immédiate des gouvernements.
travail; il suffit que les produits soient assurés Ces banques se livrent à deux sortes d'opéra
de trouver des consommateurs ou les produits tions qui sont souvent confondues aujourd'hui
d'un autre travail contre lesquels ils puissent dans les mêmes établissements , mais qui , dis
s'échanger , pour que les producteurs obtien tinctes à l'origine , ont fait donner aux banques
nent le capital nécessaire à leur industrie. En le nom de Banques de dépôt ou de virement et
effet , à côté de chaque produit il se crée une celui de Banques de circulation.
monnaie de circulation chargée de le représen Les banques de dépôt ont d'abord été fondées
ter ; c'est la signature du banquier qui donne dans des villes qui se livraient à un grand com
cours à cette valeur. Ainsi les banquiers sont merce avec les états étrangers ; Venise , Gènes,
les dispensateurs du crédit; leur fonction vé Amsterdam , Hambourg. Les transactions qui
ritable consiste à répartir cette immense va s'y opéraient avec un grand nombre de pays y
leur entre les travailleurs dans la mesure du faisaient affluer toutes sortes de monnaies de
travail réellement productif, c'est-à-dire ac titre, de poids et de valeurs différentes, ce qui
tuellement consommable , auquel ceux-ci peu rendait les paiements difficiles et compliquait les
vent se livrer. C'est ce qui explique comment échanges. On imagina de former des établisse
les banquiers doués d'une haute intelligence , ments où toutes ces monnaies étaient reçues en
placés par leur capacité ou par les circonstances dépôt, suivant la valeur réelle du métal consi
dans une position telle qu'ils puissent apprécier déré comme lingot; chaque négociant qui faisait
d'un coup d'oeil juste de vastes relations , ac un dépôt avait un compte ouvert à la banque, et
quièrent une influence considérable et une puis quand les déposants avaient entre eux quelque
sance qui égale quelquefois , si elle ne surpasse paiement à faire , ce paiement s'opérait par un
pas, celle des rois et des gouvernements; carie simple transfert d'un compte à un autre sur les
nerf des gouvernements c'est l'argent ; aujour livres de la banque; de là le nom de Banque de
d'hui l'argent c'est le crédit ; et les banquiers virement. Ceux qui n'avaient pas de compte à
dispensent le crédit comme ils le veulent. la banque se servaient de l'intermédiaire de ces
Quelque effacé que soit le rôle du numéraire correspondans. On payait aussi en faisant circu
dans le système d'opération qui repose sur le ler les certificats de dépôt qui étaient délivrés à
crédit, il n'est pas entièrement nul. La diffé chaquecorrespondant.
rence entre les valeurs échangées doit , en fin Le résultat de cette combinaison fut d'abord
de compte , se solder par de la monnaie ; aussi d'assurer à la monnaiedebanque etaux certificats
les banquiers doivent-ils disposer d'un fond rou de dépôt une supériorité marquée sur l'argent
lant proportionné a l'étendue de leurs affaires. monnayé, à cause de leur valeur constamment
BAN ( 572 ) BAN
. certaine et de la facilité de la circulation et des billets. Alors les demandes de remboursement
comptes. Les lettres de change stipulées paya en numéraire peuvent affluer, et la banque et les
bles en monnaie de banque se négociaient plus fonds en caisse être insuffisants pour satisfaire
facilement que les autres , et le cours du change immédiatement aux demandes ; car on se rap
s'établit à un taux constamment favorable aux pelle que la valeur des billets émis est triple du
places qui possédaient des banques de dépôt. capital en espèces. Mais ces cris.es sont rares et
Ainsi s'explique la grande fortune commerciale passagères ; la valeur des billets de banque est
de Venise , de Gènes , d'Amsterdam et de Ham d'ailleurs garantie toujours par de bons billets
bourg. Les banques s'enrichissaient d'ailleurs de commerce, et il suffiraitd'attendre l'échéance
au moyen du droit de transfert d'un compte à de ces billets pour que la totalité des billets de
l'autre, fort minime pour chaque opération, banque pussent être remboursés aux porteurs.
mais très fréquemment répété. Des paniques de cette sorte ont , en plusieurs cir
Quelque facilité qu'offrissent au commerce les constances , frappé la Banque de Londres, dite
banques de dépôt , elles ne pouvaient opérer que Banque d'Angleterre, sans atteindre sérieuse
sur les quantités de monnaie déposées ; elles n'a ment son crédit et sa solidité , grâce aux expé
joutaient rien à la masse des moyens de circu dients de ses directeurs , au concours intelligent
lation. Mais leur existence conduisit à la forma des principaux négociants et aux mesures habi
tion des banques d'escompte ou de circulation. les du gouvernement.
Celles-là ne se contentèrent plus d'ouvrir des Au reste, quand les statuts sont bien combi
comptes courants garantis par un dépôt, et d'é nés, quand les garanties exigées pour assurer la
mettre des certificats égaux en valeur aux som valeur réelle des effets reçus à l'escompte sont
mes déposées ; elles reçurent aussi , comme ga suffisantes , quand l'administration estsurveillée
rantie , des lettres de change , des billets de com de manière qu'elle ne dépasse pas la somme de
merce, qui obtenaient la confiance publique , billets qu'elle peut raisonnablement émettre;
bien qu'ils ne fussent payables qu'à terme. Elles quand , d'un autre côté , le gouvernement ne met
prirent ces effets à Yescompte, c'est-à-dire pas la main sur la banque pour la forcer de venir
qu'elles retinrent l'intérêt de la somme du jour au secours du trésor et d'associer ainsi sa fortune
du dépôt à celui de l'échéance , et un droit de aux chances politiques, comme cela est arrivé
commission; en échange, elles donnèrent de en Angleterre en 1 797 , et à la Banque deFrance
leurs propres billets , remboursables à vue et à sous l'empire ; quand toutes ces conditions sont
toute réquisition. Ces billets étant garantis par observées, la fortune des banques est à l'abri de
les dépôts d'argent et par les valeurs commer touteatteinte. Les abus ne sont malheureusement
ciales à échéance , circulèrent comme de la mon pas inévitables , et ils ont entraîné dans les pays
naie qu'ils purent exactement remplacer , puis où l'établissement des banques est trop affranchi
qu'ils pouvaient à tout instant être échangés sans de surveillance, en Amérique et en Angleterre,
frais. La confiance qu'ils inspiraient étant telle des conséquences désastreuses. Il est arrivé dans
1 qu'on ne se pressait pas d'en demander le rem plusieurs circonstances que les crises commer
boursement, on reconnut que la Banque pouvait ciales ont forcé les banques particulières de pro
émettre un nombre de billets supérieur à la va vince à suspendre leurs paiements et même a
leur déposée dans les caves en argent et en lin tomber en faillite ; elles ont alors accru le sinistre
gots. La proportion calculée est généralement commercial de toute la valeur du crédit exagéré
le triple. Ainsi les banques ont réellement, dans sur lequel elles avaient fondé leurs opérations.
le lieu de leur établissement, triplé la masse des En France, la législation a voulu prévenir la
moyens de circulation, c'est-à-dire des instru possibilité de ces abus par des restrictions , trop
ments du travail. Par là elles ont augmenté les sévères peut-être, que nous expliquerons au
ressources de l'industrie et la masse de la ri mot Banque de Fhaince.
chesse. Dans l'ordre chronologique , la première ban
Le seul inconvénient qui résulte de cette com que publique a été fondée à Venise en U 71.
binaison , c'est la gêne de la banque si une crise L'histoire nous a conservé peu de détails sur
industrielle ou sociale , ou toute autre cause , son organisation. Elle s'éleva à un grand deçre
venait jeter dans le public un sentiment de de prospérité ; la confiance inspirée par ses cer
défiance sar sa solidité et sur la valeur de ses tificats de dépôt fut telle qu'elle exporta, s.ub
BAN (573) BAN
altérer son crédit , la presque totalité du numé associés de s'occuper d'opérations de banque.
raire qui leur servait de garantie. Elle périt eu Les banques d'escompte qui ne sont pas sou
1797 , avec la république de Venise. mises à cette restriction, ont toujours joui
Les autres banques célèbres ont été celles de d'une prospérité plus soutenue.
Gènes fondée en 1407 , banque de dépôt dont C'est aux États-Unis que l'institution des ban
Je premier fonds a été composé de propriétés ques a pris le plus grand développement ; mais
domaniales ; la banque d'Amsterdam , aussi comme ce développement a été dû à l'excessive
banque de dépôt, fondée le 15 janvier 1609, liberté inhérente aux institutions politiques de
dont l'immense crédit résultait du respect at ce pays , il a été souvent accompagné de sinis
tribué à ses directeurs pour les sommes dépo tres. Parmi ce peuple tout commerçant et in
sées ; mais en 1794 , lors de l'invasion des Fran dustriel , l'histoire des banques est en quelque
çais, on découvrit un déficit de 10 millions prê sorte l'histoire politique ; et on sait que la plus
tés par les directeurs à l'insu des propriétaires. grande crise politique éprouvée dans ces der
Cet événement amena une grande dépréciation nières années par les États-Unis, a été le ré
dans le papier de la banque d'Amsterdam, et sultat d'une mesure prise par le président Jak-
fut le prélude de sa ruine. La banque de Ham son pour arrêter l'essor de la banque nationale,
bourg, fondée en 1619, est aussi une banque dont l'accroissement et la puissance étaient vus
de dépôt , dont le succès repose sur la respon d'un œil jaloux par les ombrageux républicains
sabilité des dépôts prise par la ville, qui contrôle de l'Amérique. La banque nationale a suc
les actes de la banque. combé dans cette lutte, au moins en apparence,
Nous n'entrerons pas dans les détails de l'or et sa charte, qui expirait le 3 mars 1836, n'a
ganisation des diverses banques ; ce ne peut être point été renouvelée. Mais cette banque, qui
l'objet que d'un livre spécial ; nous indiquerons siège à Philadelphie, a obtenu de l'État de Pen-
seulement les principales. sylvanie une charte nouvelle qui l'a transfor
La banque de Londres, dénommée banque mée en banque locale. Toutefois les adversaires
d'Angleterre , qui a été longtemps la première de ce qu'on appelle en Amérique le monopole ,
banque d'escompte et de circulation des trois reprochent à la banque de Pensylvanie de con
royaumes et de l'Europe , a été fondée en 1 694. tinuer, sous ce titre, les opérations auxquelles
Cet établissement a subi de nombreuses vicis elle se livrait sous le titre de banque nationale.
situdes , et reçu une grande influence des évé Ce reproche doit être fondé , car un établisse
nements politiques, parce qu'elle fait surtout ment aussi puissant ne perd pas ses relations et
avec le gouvernement des opérations financiè son crédit , et n'annule pas du jour au lendemain
res. Son privilège a été plusieurs fois renouvelé; ses opérations, parce qu'il a changé de nom.
le dernier renouvellement a eu lieu en 1833. A Nous pouvons donc toujours considérer la ban
cette époque elle avait en circulation pour 19 que de Pensylvanie, comme la principale des
millions et demi sterling de billets (487,500,000 États-Unis, et la distinguer des banques locales,
francs) , ayant cours légal. qui étaient en 1835, suivant M. Michel Cheva
La Banque d'Ecosse, fondée en 1695, est la lier dans ses lettres sur l'Amérique, au nombre
première qui ait établi des succursales et qui de 547 , non compris 121 succursales.
ait reçu des dépôts portant iutérêt. Elle a ainsi Pour bien faire comprendre l'importance des
donné un grand accroissement à la puissance banques dans les relations des trois principales
des banques. nations commerçantes du monde, les États-
La Banque d'Irlande, fondée en 1783, est Unis , l'Angleterre et la France, nous compare
établie sur les mêmes bases que celle d'Angle rons la situation des banques des trois pays , en
terre. Elle a quelquefois poussé à un excès fu nous appuyant principalement sur les docu
neste l'émission de, son papier. Il existe en outre ments fournis par l'ouvrage précité de M. Mi
dans la Grande-Bretagne de nombreuses ban chel Chevalier , le plus récent et le plus authen
ques de province dont la prospérité a subi de tique sur la matière.
grandes variations, à cause de leurs opérations La banque des États-Unis a été fondée d'a
exagérées, et principalement, suivant M. Henri bord en 1791 avec un capital de 10 millions de
Paruell, à cause de l'interdiction prononcée dollars (53 millions de francs). Le gouverne
contre toute compagnie composée de plus de six ment fédéral y était intéressé pour un cin
BAN ( 574 ) BAN
quième. La banque actuelle a duré, sous le ti d'autres valeurs; elle trafique surlesmétauipré-
tre de banque nationale des Etats-Unis , depuis cieux ; elle négocie les effets publics. La Ban
t8l6 jusqu'en 1836. Maintenant elle porte, que de France escompte au taux de 4 pour loo,
comme nous l'avons dit , Je titre de banque de les effets du commerce à trois signatures et a
Pensylvanie; elle n'est autorisée que par un moins de. trois mois d'échéance ; elle permet de
seul état, et elle continue ses opérations libre remplacer une signature par un dépôt de ses
ment dans tous les états. propres actions en garantie ; elle prête les qua
La banque des États-Unis a 25 succursales ; tre cinquièmes de la valeur des effets publics re
celle d'Angleterre en a 1 1 ; la banque de Paris , mis en dépôt; elle prête aussi sur dépôts de lin
dite banque de France, a le droit d'en établir ; gots et monnaies étrangères, moyennant une
mais elle a jusqu'ici rarement usé de ce droit commission de 1 /8 pour 100 pour 45 jours. La
qui ne lui a pas été très profitable. Ses statuts condition de trois signatures est beaucoup trop
et l'esprit de ses actionnaires restreignent trop rigoureuse : elle restreint les escomptes , empê
ses opérations , et elle n'a pas su habituer les che les services que la banque pourrait rendre
citoyens à se servir de son papier qui ne circule au commerce , et surtout l'établissemeut des
que très difficilement hors Paris. Deux comp succursales, qui serait pour elle le seul moyen
toirs établis par elle, il y a 27 ans , n'ont eu de mériter son nom de banque de France. La
qu'une existence de quelques années. Depuis Banque d'Angleterre opère peu pour le com
1830 elle a tenté d'en établir dans plusieurs vil merce. Le taux de ses escomptes , pour effets
les qui sont : Saint-Étienne et Reims (1836), qui doivent porter trois signatures , a varié de
Saint-Quentin (1837), Montpellier (1838). Ces 3 à 5 pour 100, taux actuel, beaucoup trop
comptoirs n'ont point encore une assez longue élevé pour l'Angleterre. Aussi le papier n'y af
durée pour qu'on puisse juger de leur influence flue pas. Elle ne fait pas d'avance sur dépots
et de leur succès. A Rouen, Lyon, Lille et Mar d'effets publics. Elle opère surtout avec le gou
seille, les comptoirs d'abord créés ont été rem vernement.
placés par des banques. La somme des billets en circulation de la
Le capital de la Banque des États-Unis est Banque des États-Unis a varié de 10 à 20 mil
de 35 millions de dollars ou 187 millions de lions de dollars , soit 53 à 107 millions de francs.
francs , partagés en 350,000 actions de l oo dol La Banque d'Angleterre fait circuler de 450 à
lars. Celui de la Banque d'Angleterre, de 30 500 millions de billets ; en 1826, elleeneutpour
millions à l'origine , en 1694 , élevé à 294 mil 7G0 millions. La Banque de France en a ordi
lions en 1782, à 367 en 1816, a été réduit à nairement depuis 1830 pour 200 millions. Cette
275 millions par la charte de 1883. Les actions différence n'indique pas une plus grande circu
sont de 100 liv. sterling/ou 2,500 fr. Le ca lation de papiers en France et en Angleterre
pital de la Banque de France, d'abord de 30 qu'aux États-Unis. Au contraire, dans ce der
millions, a été élevé successivement à 45 , puis nier pays , on se sert peu de monnaie de métal.
à 90 millions, divisés en actions d'une valeur Les 500 à 600 banques locales pourvoient à la
nominale de 1000 francs, dont plus de 22,000 circulation par une immense quantité de billets
ont été rachetées par la banque elle-même. dont la valeur descend jusqu'à 3 dollars, envi
Avant la guerre déclarée par le président ron 15 francs, et dont la sommes'élevaitenl835
Jackson à la Banque des États-Unis, ses ac à plus de 553 millions de francs. Ces billets
tions se vendaient à 25 ou 30 [wur 100 de n'ont guère cours que dans chaque état ou même
prime. Celles de la Banque d'Angleterre se dans chaque ville où ils sont émis , et cette co
,\endentde 110 à 120 pour 100. En 1817, elles existence de plus de cinq cent papiers-monnaies
sont montées à 194 de prime. Les actions de la différents, n'est pas le moindre vice du système
banque de France varient de 100 à 160 pour financier de l'Union. C'est pour rejeter dans la
100 de prime. Au 30 juillet 1838, le cours était circulation une plus grande quantité de numé
à 2607, soit 160, 7 pour 100. raire, et en arrêter l'exportation , que le général
La Banque des Etats-Unis escompte le pa Jakson a entrepris la réforme des banques qui se
pier du commerce à deux signatures, au taux poursuit dans ce pays. La création , en Angle
de 6 pour 100, faible pour les États-Unis; elle terre , d'un grand nombre de banques particu
fait des avances sur dépôt d'effets publics et lières par actions {Join-slock-banks) , émet*
BÀN (575) BAN
tant des billets, tend à renouveler la confusion caissent par la banque. En 1834, elle a encaissé
qui avait jeté en 1825 et 1826 le trouble dans ce 909 millions pour les comptes courants. En An
pays (1). On cherche à y remédier aux États- gleterre les encaissements se font au moyen d'un
Unis en limitant le minimum des billets. La me établissement central ; aux États-Unis, tous les
sure ne sera complète, et la sécurité entière, que négocians ont leurs bureaux dans le même quar
lorsque les États Axeront la proportion entre le tier, porte à porte, en sorte que les encaisse
capital numéraire déposé et les billets émis , et ments sont très-faciles. Le nombre des comptes
quand ils surveilleront exactement l'exécution courants admis par les banques aux États-Unis,
des chartes. est indéfini. En Amérique, comme en Ecosse , la
La Banque des États-Unis a ordinairement plupart des citoyens ont un compte courant avec
40 à ô0 millions en numéraire , plus de la moi une banque ; ils se dispensent ainsi d'avoir des
tié de son capital de circulation . La Banque d'An valeurs chez eux. A peine garde-t-on la somme
gleterre opère pour en conserver 200 à 250 mil nécessaire aux besoins du ménage pendant
lions ; néanmoins elle descend quelquefois à quelques jours. Quand on a un paiementà effec
150 millions, le 1/3 de ses billets en circula tuer , on donne un mandat à vue sur la banque ;
tion. La Banque de France, dont la circulation les banques sont ainsi les caisses de tout le
se restreint à Paris, a constamment plus de monde. On conçoit que personne ne peut tirer
îoo raillions, et souvent plus de 200 millions; sur une banque au-delà des sommes portées
en 1832 elle a eu jusqu'à 281 millions en numé à son crédit ; sauf les cas dans lesquels les
raire, c'est-à-dire une valeur égaleou supérieure banques ouvrent un crédit à découvert; l'abus
à celle de son papier de circulation. C'est l'excès de ces crédits a été signalé en Amérique comme
contraire du procédé des banques locales des l'une des causes les plus efficaces du désor
États-Unis. Aussi la Banque de France ne rend- dre financier qui l'a affligée dans ces derniers
elle qu'un médiocre service à l'industrie. temps. Cette concentration des fonds, entre les
Les banques des États-Unis , d'Angleterre et mains des banques , leur permet d'étendre leurs
de France, ne paient aucun intérêt pour les opérations ; c'est une association véritable des
fonds déposés. Nous avons déjà signalé à cet capitaux, qui donne de l'activité et de la valeur
égard les avantages du système écossais. Mais aux sommes qui resteraient oisives si elles étaient
la Banque de France paie les mandats, sans disséminées.
frais , pour le compte des déposans, et se charge , Les trois banques des États-Unis , d'Angle
également sans rétribution, de l'encaissement terre et de France, ont toujours été une source
de leurs effets à l'échéance. On estime que la de fortune pour leurs actionnaires. Les divi
moitié des effets de commerce, à Paris, s'en- dendes de la première se sont maintenus régu
lièrement à 7 pour 100. Ceux de la banque de
(1) En Angleterre , les banquiers , privat-Lanker , Fiance varient de 8 à 10 pour 100, outre une
ont le droit d'émettre des billets au porteur, privi somme qui accroît au fonds de réserve ; elle a de
lège qui est réservé en France aux banques publi plus distribué en deux fois extraordinairement
que». Cette circulation s'élève à environ 215 millions.
plus de 23 millions. Les dividendes de la ban
Les joint-stoks-banks ne sont soumis à aucune au
torisation ni à aucun contrôle public. Le conlrc-pniils que d'Angleterre ont varié de 7 à 10 pour 100 ;
«le celle liberté est dans la responsabilité personnelle ils sont maintenant à 8. Il faut compter de plus
et illimitée de tons les associés, même simples emn- comme bénéfices une somme de 529 millions
MndiUires , responsabilité qui n'existe ni en France composée soit d'accroissement du capital , soit
»i en Amérique. Dans les temps de crise , l'exagéra des remboursements faits à diverses époques.
tion des émissions des joint-sloks-lanks les a condui
tes à la banqueroute ou à la suspension lie paiements , Ces bénéfices proviennent en grande partie des
notamment en 1793, 1816 et 1826. En 1816, 240 opérations faites avec les gouvernements. La
banques locales se sont trouvées dans ce cas de si Italique des États-unis, avant la nouvelle charte
nistre. Leurs émissions de papier- monnaie étaient, et le coup d'état financier qui l'a précédée, était
en 1809, de 600 millions; en 1822, de 200 millions; chargée du dépôt et du mouvement des fonds
en 1825, de 350 millions. Depuis la suppression des
billets de moins de 5 livres (25 francs), ces émissions
du trésor. Mais elle ne pouvait faire de prêts au
ont été beaucoup réduites. En 1836, elles ne dépas gouvernement fédéral que jusqu'à concurrence
saient pas 90 millions; mais depuis lors le nombre de 'le 500,000 dollars, et aux états particuliers
°M banques augmente rapidement. (jue jusqu'à 50,000 dollars. Au reste, legouver
BAN ( 576 ) BAN
nement des États-Unis n'a pas depuis longtemps refuge pour les capitalistes justement effrayés
besoin de ce secours , ses recettes dépassant cha des désordres de l'industrie irrégulière. La so
que année ses dépenses. Sous ce rapport elle dif ciété générale de Belgique a complété son insti
fère essentiellement des banques de France et tution en s'affiliant à la banque foncière, caisse
d'Angleterre, qui font et qui ont surtout fait dans hypothécaire créée, en 1835, au capital de U
le cours de leur existence , des avances énormes millions. Elle embrasse ainsi tout le mouvement
aux trésors des deux pays. Nous avons vu que financier du pays , le recouvrement de l'impôt ,
c'est la principale fonction de la banque d'Angle la circulation des capitaux, leur distribution a
terre , dont le fonds tout entier a été prêté à l'État l'industrie, les prêts hypothécaires. Aussi, pour
à raison de 3 pour 100. En outre, les banques balancer une influence qui peut être décisive en
d'Angleterre et de France prennent, l'une les bil certains casurgens , le gouvernement belge a-t-il
lets de l'échiquier, l'autre les bons du trésor, qui favorisé en 1825 l'établissement de la banque de
portent un modique intérêt. Ces opérations se ra- Belgique dont le capital est de 20 millions. Cet
lentissenten France, parceque les bons du trésor établissement n'a point prospéré. Mêlée incon
sont très-recherchés à 2 pour cent, et que l'accu sidérément à des entreprises industrielles , la
mulation des fonds des caisses d'épargne et de banque de Belgique a dû suspendre ses paie
l'amortissement fournit au trésor une bonne ments.
ressource. Aussi la banque de France a-t-elle Il est pénible de dire qu'en France , où nous
cherché à étendre ses opérations commerciales, avons la moderne prétention de nous occuper
à établir des comptoirs dans les départements beaucoup du développement de ce qu'on appelle,
mais nous avons expliqué que , dans sa consti je ne sais trop pourquoi , les intérêts matériels,
tution actuelle ce développement ne peut pas nous sommes bien en arrière sous le rapportdes
être considérable. institutions financières. Nous avons la banque
En Belgique, le système des banques est gé de France, caisse particulière de quelques né
néralement bien organisé. La société générale , gociants privilégiés à Paris, faisant de timides
créée en 1822, sous le roi Guillaume, a établi et mesquins efforts pour s'étendre dans les dé
des agences dans toutes les villes importantes , partements. Nous n'avons, en outre, quesii
en sorte que son papier a cours dans tout le pays. banque locales à Bouen, Bordeaux, Nantes,
Son capital nominal est de 50 millions de florins Lyon, Marseille, Lille, dont le papier ne cir
( 106 millions ). Elle émet des billets de 25 à cule pas au-delà de leurs circonscriptions réci
1,000 florins, environ 50 à 2,000 francs. Elle proques et qui n'ont ensemble qu'un capital de
fait des prêts et des escomptes ; elle remplitpour 14 millions.
le gouvernement, moyennant commission de Nous savons qu'à défaut de l'intervention des
1 /4 pour 100, l'office que font chez nous les re pouvoirs publics, il se fait, de diverses paris,
ceveurs généraux et particuliers. Elle fait aussi des efforts individuels pour constituer de nou
les fonctions de caisse générale d'épargne. On veaux et meilleurs établissements decrédit. Mais
voit que cette institution est bien supérieure à ce sont là des projets ou des institutions à peine
celles que nous avons examinées. Il faut ajouter naissants dont nous n'avons point à nous occu
qu'elle a fondé sous le nom de société du com per. Malet.
merce , une autre compagnie, qui dépend d'elle BANQUE DE FRANCE. Dans l'article
etquico)nmanditel'industrie.Elleestamsuuté- qui précède , nous avons expliqué la nature des
resséedans les établissementsles plus florissants opérations de banque, les principes sur lesquels
du pays , et avec un capital de 1 0 millions seule repose l'institution des banques publiques, et la
ment, elle fait d'immenses opérations. Sous ce comparaison que nous avons faite de la banque
dernier rapport, la société générale est un mo des États-Unis avec celles d'Angleterre et de
dèle à offrir aux autres pays ; si cet exemple était France, nous a permis d'entrer déjà dans quel
suivi, notamment en France , une banque com ques détails sur cet établissement.
manditaire de l'industrie , sérieusement consti La banque de France a succédé à la caisse des
tuée par des hommes honorables , et sous la pro comptes courants, créée en 1796, et à la caisse
tection éclairée delà loi ou du gouvernement, d'escompte du commerce, fondée en 1793, tou
serait le plus puissant levier de l'industrie na tes deux établies au moment où la dépréciation
tionale qui attend des capitaux, et le meilleur des assignats et la rareté du numéraire entra
BAN ( 5"7 ) IîAîSî
vaient les échanges commerciaux. Le service de inaliénables sans autorisation. La banque se
la banque a commencé le 20 février 1800. voyant ainsi privée de la libre disposition d'une
Ce n'était alors qu'une compagnie particu partie importante de son capital, Napoléon lui
lière. En 1 803 , elle est devenue une institution en enleva encore une autre en la forçant à le
publique, son organisation étant réglée parla loi, prêter au gouvernement en échange de déléga
ses statuts particuliers soumis à l'approbation tions sur les receveurs-généraux. Laconséquence
du gouvernement, et la principale de ses opé de ce remplacement forcé du numéraire par du.
rations, l'émission de billets au porteur rem- papier non réalisable , fut l'impossibilité pour la
boursablesà vue, lui étant dévolue par privilège banque de rembourser ses billets, suivant les
exclusif. C'est la loi des 24 germinal , 4 floréal demandes. Elle fut contrainte de suspendre ses
an xi ( 14-24 avril 1803 ), qui a consacré ce paiements.
privilège. La loi du 22 avril 1806 fut rendue pour porter
La même loi a stipulé une restriction devenue remède à ce funeste état et pour en prévenir le
fatale au développement des institutions finan retour. Le privilège fut prorogé jusqu'au mois
cières en France. Elle a décidé qu'aucune ban de septembre 1823. Lecapital fut doubléet porté
que ne pourrait se former dans les départements à 90 millions. L'emploi de la réserve fut laissé à
que sous l'autorisation du gouvernement, qui la discrétion de l'administration de la banque.
peut seul accorder le privilège et fixer la somme Mais l'accumulation de ce fonds de réserve de
d'émission des billets. La loi ajoute que les billets vint obligée par la limite posée à la répartition
ne pourront être fabriqués qu'à Paris , et que la des bénéfices , répartition qui ne peut dépasser
moindre coupure sera de 250 francs. Il est par 6 pour 100 d'abord, puis les deux tiers de l'ex
faitement conforme aux usages d'une sage ad- cédant. En outre , l'administration était viciée
mi i iLst ration de ne pas laisser aux établissements dans sa source par l'introduction d'un gouver
part icul iers la latitude de dépasser d'une manière neur et de deux sous-gouverneurs à la nomina
exagérée, dans la somme des billets émis, le ca tion du gouvernement. Ainsi Napoléon se réser
pital de garantie, et d'empêcher les coupures vait , d'une part , la haute-main sur l'adminis
trop minimes qui facilitent la fraude et arrêtent, tration de la banque, et d'un autre côté, il
comme eu Amérique , la circulation du numé s'assurait qu'elle conserverait un capital dont il
raire, base essentielle aujourd'hui de l'institu ferait plus tard une ressource pour le trésor ;
tion des banques. Mais de simples mesures de c'est ce qui est en effet arrivé et ce qui a contri
surveillance suffisent pour atteindre à ce ré bué à détourner la banque d'étendre ses opéra
sultat. Or, dans notre législation, la surveil tions commerciales.
lance est peut-être insuffisante , et à coup sûr Si l'accumulation du capital résultant des
la nécessité d'une autorisation conférant privi bénéfices avait eu pour objet d'augmenter sans
lège , a empêché la spéculation de se tourner cesse le fonds servant de garantie aux billets
vers cette industrie fécondante, et arrêté l'essor émis , et si elle était accompagnée d'une émis
du travail en France. sion de billets proportionnelle , ce serait un mode
Napoléon, dont le vaste génie savait distin favorable au commerce et à la circulation. Mais
guer partout les éléments de la puissance, avait nous avons vu au mot Banque, que les émis
compris toute l'importance de la banque , et il sions de billets de la banque de France n'ont ja
tenta de s'emparer, au profit de l'état, de cet mais beaucoup dépassé le capital. Cela tient aux
instrument financier. Mais il gêna ainsi les mou conditions rigoureuses de ses escomptes , qui en
vements d'une institution qui ne peut vivre que éloignent beaucoup de papier, et à la circon
dans une atmosphère d'indépendance, et il faillit scription restreinte dans laquelle elle agit, ne
détruire l'instrument. Ainsi la loi de germinal faisant que peu ou point d'affaires avec la pro
an xi, qui laissait à l'administration de la ban vince.
que une apparente liberté en chargeant de sa Les statuts de la banque, approuvés par dé
direction un conseil élu par les actionnaires , la cret du 16 janvier 1808, règlent son organisa
gênait dans ses opérations, en limitant le divi tion intérieure, et le mode de ses opérations.
dende répartissable chaque année , eten exigeant Son capital (aujourd'hui 67,900,000 fr.) est di
que le fonds de réserve , composé de bénéfices visé en actions de mille francs, nominatives et
excédants, fût employé
Encyclopédie du XIX'ensiècle,
rentest. IV.
sur l'état, transférables sur lesquelles ilne peut
37 être fait au
BAN (578 ) BAN
cun appel de fonds. La banque possède en outre au porteur, s'étend à toutes les villes où elle a
une réserve de 500,000 fr. de rentes S p. 100, des comptoirs , jusqu'ici peu nombreux. La
son hôtel et le mobilier qu'il renferme. moindre coupure de ces billets est , comme pour
L'assemblée générale de la banque se com les banques départementales, de 250 francs.
pose des 200 actionnaires qui ont le plus grand Les fonds et les billets des comptoirs sont
nombre d'actions depuis les six mois qui précé fournis par la banque. C'est le gouvernement
dent la convocation. Cette assemblée, qui re qui , dans les départements , détermine le taux
présente l'universalité des actionnaires , choisit de l'escompte. Les comptoirs ne peuvent faire
entre tous 15 régents, auxquels l'administration entre eux aucune affaire , sans une autorisation
est confiée, et 3 censeurs chargés de surveiller expresse de l'administration centrale.
les opérations. Les régents et les censeurs doi Ces comptoirs sont régis par un directeur à
vent posséder chacun 30 actions qui , pendant la nomination du gouvernement, par des admi
la durée de leurs fonctions, sont inaliénables. nistrateurs dont le nombre peut varier de 6 à
Trois des régents doivent être choisis parmi les 16, et par 3 censeurs. Les censeurs sont nom
receveurs généraux des finances. més par le conseil général de la banque , et les
Le gouverneur et les deux sous-gouverneurs administrateurs par le gouverneur, sur une liste
nommés par le roi, doivent justifier de la pro double, qui lui est présentée par l'assemblée des
priété d'actions inaliénables (le gouverneur 100 50 plus forts actionnaires de la localité daus
et chaque sous-gouverneur 50). La direction laquelle le comptoir est établi , ou par le con
supérieure de la banque leur est attribuée. Mais seil général.
:il ne l'exercent que d'une façon négative, au Les opérations des comptoirs sont surveillées
moyen d'un droit de veto fort étendu. La direc par des inspecteurs que nomme le gouverneur
tion effective appartient au conseil général de de la banque.
la banque , composé du gouverneur, des sous- Les opérations de la banque et de ses comp
gouverneurs , des régents et des censeurs. On toirs consistent : 1° à escompter à toutes person
■voit que les délégués ou agents directs du gou nes des lettres de change, et autres effets de
vernement n'y ont que 6 voix sur 21 . commerce à ordre, à échéances déterminées qui
Les 15 régents et les 3 censeurs sont répartis ne peuvent excéder trois mois, et souscrits par
en 5 comités : comité d'escompte; comité des des commerçants et autres personnes notoire
billets; comité des livres et portefeuilles; co ment solvables ; 2° à se charger, pour le compte
mité des caisses ; comité des relations avec le des particuliers et des établissements publics, du
trésor et les receveurs généraux. Ce dernier co recouvrement des effets qui lui sont rerais; 3' à
mité doit comprendre au moins 2 receveurs gé recevoir , en compte courant , les sommes qui
néraux régents. lui sont versées par des particuliers et des éta
Il y a en outre un conseil d'escompte, com blissements publics , et à payer les dispositions
posé de 1 2 membres pris parmi les actionnaires faites sur elle et les engagements pris à son domi
exerçant le commerce à Paris. Ces 1 2 membres cile , jusqu'à la concurrence des sommes encais
sont nommés par les 3 censeurs , sur une liste sées; 4° à tenir une caisse de dépôt volontaire
triple de candidats présentée par le conseil gé pour tous titres , lingots et monnaies d'or et d'ar
néral , et approuvée par le gouverneur. gent de toute espèce.
Le conseil général détermine le temps de l'es La banque, soit à Paris, soit dans les com
compte, les sommes à y employer, et les échéan ptoirs et succursales , n'admet à l'escompte que
ces hors desquelles les effets ne sont point admis. des effets de commerce à ordre, timbrés, et
Les émissions de billets sont sous la surveil garantis par trois signatures au moins, notoire
lance spéciale des censeurs. S'ils s'opposent ment solvables. Cette obligation du timbre a
unanimement à une nouvelle création, elle ne pendant longtemps écarté de la banque une
peut avoir lieu. La moindre coupure des billets grande somme de papiers , la plupart des négo
est de 500 francs. ciants solides opérant sur papier libre, à cause
La banque peut établir des comptoirs d'es de l'élévation du droit de timbre. Aujourd'hui
compte dans les départements ; mais seulement que ce droit a été réduit, les escomptes de la
avec l'autorisation du gouvernement. Son pri banque doivent s'en ressentir. (Voy. »n m
vilège exclusif pour l'émission des billets à vue Timbre.)
BAN ( 579 ) BAN
La banque peut faire des avances sur effets aucun n'a prévalu. Il est fâcheux que, dans la
publics ou sur les dépôts. Elle fournit des récé crainte d'altérer une institution puissante, on
pissés des dépôts 5 mais ces récépissés ne sont n'ait pas osé essayer de l'améliorer. Malet.
pas négociables, ce qui est une entrave sans BANQUEROUTE. La loi donne le nom de
raison à la circulation. Nous avons vu au mot banqueroute à tous les torts par lesquels un
Banque, que la circulation des certificats de commerçant se met dans l'impuissance de faire
dépôt avait été une grande source de prospérité honneur à ses engagements. Indulgente, ou plu
pour certaines banques. tôt juste pour le malheur, elle a voulu punir
Malgré la peine extraordinaire portée contre l'imprudence, la négligence , l'inconduite et le
les contrefacteurs, autrefois la mort, mainte crime. Ce nom est par lui-même une flétrissure;
nant les travaux forcés à perpétuité , les billets et peut-être y a-t-il lieu de regretter que nos
de banque de France n'ont pas cours légal. Un lois n'aient que le même mot pour qualifier des
avis du conseil d'état du 12 frimaire an xn a actes que sépare tout l'intervalle d'un crime à un
décidé qu'on ne pouvait être forcé de les recevoir délit. Elles ont bien essayé d'en tempérer la ru
en paiement. La conséquence, c'est que la ban desse par une distinction ; mais , si la science la
que, malgré son privilège, n'est pas tenue de comprend , l'imagination ne la saisit pas. La
rembourser les billets faux. banqueroute simple et la banqueroute fraudu
Les fonds de la banque sont déposés dans des leuse , si différentes pour le jurisconsulte , n'of
caves ; des précautions infinies sont prises pour frent que des nuances imperceptibles aux yeux
les mettre en sûreté. On ne pénètre dans les de la foule, qui les confond. Le timide correctif
caves que par un seul escalier en spirale , et de la loi s'efface devant l'énergie d'un mot au
dont la porte en fer est fermée à trois clés. Les quel on a toujours attaché la plus avilissante
espèces , contenues dans des barils , et rangées idée , dans un pays où la probité serait peut-être
dans des caveaux fermés de plusieurs portes , ne un calcul de la vanité , si elle n'était une vertu
sont extraites qu'avec des formalités qui ren d'instinct. C'est une preuve nouvelle que s'il est
dent les soustractions presque impossibles. aisé de modifier la législation d'un peuple , il
En 1 8 1 4 , lors de l'invasion étrangère , M. La- n'est point aussi facile de changer ses mœurs et
fltte fit combler cet escalier avec de la terre , ce de lui ôter ses préjugés.
qui suffisait pour en interdire l'entrée pendant Cette distinction est , en effet , nouvelle dans
24 heures. La banque s'entend parfaitement à la législation ; c'est une des raisons pour les
conserver ses fonds; et sous ce rapport elle quelles elle n'a point encore suffisamment pé
jouit d'une confiance méritée. La prudence ex nétré dans les formules universellement accep
trême de ses opérations donne à ses billets une tées du langage usuel. A l'époque où fut pro
grande solidité. Mais sans sortir des règles de mulguée la première des ordonnances relatives
la prudence , elle pourrait étendre le cercle de aux faillites et aux banqueroutes , le commerce
ses opérations , et joindre à la confiance la re était encore , pour ainsi dire , à son berceau ;
connaissance du pays. Elle justifierait ainsi la les mœurs des négociants étaient généralement
faveur inouïe que viennent de lui accorder le pures ; l'amour du gain stimulait l'activité et
gouvernement et les chambres , en votant une s'élevait rarement jusqu'à l'ambition. La légis
loi qui proroge son privilège jusqu'en 1867. lation eut nécessairement cette simplicité qui
Cette prolongation a eu lieu sans condition. suffit aux institutions naissantes et que la civi
C'est une faute grave qui a sans doute pour lisation envie souvent aux sociétés moins avan
cause la trop grande influence des banquiers. cées. Elle ne connut que le malheur ou le crime ;
La banque de France est énerp'quement con elle présumait l'innocence ; il fallait prouver la
stituée. Il serait imprudent de briser un instru fraude , et le créancier en était chargé à ses frais.
ment de crédit éprouvé ; mais on aurait dû le C'est assez dire qu'elle restait le plus souvent
rendre d'une utilité, d'un intérêt plus général , impunie; car naturellement les créanciers s'at
en lui faisant payer à l'état le privilège qui est tachaient beaucoup plus à reconquérir leur pro
pour les actionnaires une source de bénéfices priété qu'à provoquer la vengeance des lois.
importants ; en la chargeant de quelques servi Aussi , malgré leur sévérité , rien n'a été plus
ces publics, comme le paiement des rentes, etc. rare que leur application. L'examen de cette lé
Plusieurs systèmes ont été proposés à cet égard , gislation, depuis longtemps abrogée, serait au
ÏÎAN ( 580 ) BAN
joual'lui sans importance. La pénalité seuie chandises faits par le failli pour les revendrean-
offre peut-être quelque intérêt à la curiosité. dessous du cours ; des circulations d'effets éta
Les anciennes ordonnances prononçaient la blies, des emprunts ruineux contractés dans
peine de mort contre les banqueroutiers ; mais , l'intention d'ajourner sa faillite; le paiement
dans la pratique , les tribunaux , tempérant la d'une créanee au préjudice de la masse: tels
rigueur des lois, les condamnaient presque tou sont les faits qui constituent un commerçant
jours à l'amende honorable, au pilori , au ban failli en état de banqueroute simple. Quand ils
nissement, aux galères a temps ou ù perpétuité, sont judiciairement constatés, les tribunaux cor
suivant les circonstances plus ou moins graves rectionnels sont dans la nécessité de déclarer la
de la banqueroute. Les recueils d'arrêts citent , banqueroute et d'appliquer la loi qui la punit.
entre autres , un jugement souverain du 2 mai L'expérience de plus d'un quart de siècle a
1C09, qui condamna un bourgeois de Paris, confirmé l'excellence de ces dispositions, que le
convaincu de banqueroute , à faire amende ho pouvoir législatif de 1838 a de nouveau sanc
norable à genoux , tête et pieds nus , en chemise, tionnées. Les anciennes ordonnances, si sévères,
la corde au cou , et tenant à la main une torche si impitoyables pour la fraude , laissèrent les
ardente. Il devait déclarer sur les degrés du Pa tribunaux désarmés devant l'immoralité. Il y
lais qu'il avait frauduleusement diverti ses effets avait là une grande lacune dans la législation.
et crier merci à Dieu , au roi et à la justice ; puis Le commerce français compte heureusement peu
être conduit par le bourreau à la place des halles d'hommes qui fassent entrer le crime dans les
et au pilori , pour y renouveler cette amende calculs de leur fortune et dans les chances de
honorable. Le jugement le condamnait en outre leur élévation; mais combien n'y en a-t-il pas
aux galères à perpétuité , et confisquait ses biens qui traitent les affaires avec une coupable légè
au proiit de l'état. reté , qui affichent un luxe immodéré , qui ne
Au commencement du siècle actuel, l'accrois balancent pas à prolonger , par tous les moyens,
sement du commerce avait enfanté de grands l'agonie de leur crédit, pour retarder de quel
abus. La révolution semblait avoir ouvert une ques jours une catastrophe inévitable et qui n'en
arrière illimitée aux calculs de la cupidité et aux sera que plus ruineuse? On oublie trop souvent
spéculations de la mauvaise foi; des faillites que , dans le commerce , l'habileté des combi
scandaleuses devenaient une source féconde de naisons ne supplée ni à l'économie ni à l'ordre.
fortune, dont on prenait à peine le soin de cacher La loi n'a point à s'occuper de l'inconduitedes
l'impureté devant l'impuissance d'une législa simples particuliers, dont les excès ne compro
tion vieillie , qui n'offrait qu'une protection in mettent qu'eux-mêmes ; mais le commerçant a,
suffisante aux créanciers, et un frein sans vigueur pour ainsi dire , un caractère public qui attire le
contre l'improbité. La loi de 1807 fut destinéeà crédit; d'autres fortunes sont enchaînées à la
donner une sécurité plus réelle au commerce et sienne , et sa chute peut entraîner celle de plu
des garanties plus solides à l'ordre public; elle sieurs familles. Sa négligence devient donc une
est aujourd'hui complétée par celle du 28 mai espèce d'abus de confiance; ses spéculations té
1838, le dernier monument législatif auquel méraires prennent le caractère de I indélicatesse,
nous devons nous arrêter. et ses dissipations celui de l'improbité. La loi
La loi distingue deux espèces de banquerou doit les punir, dans l'intérêt de la morale, de
tes : la banqueroute simple, et la banqueroute l'honneur du commerce et de la conservation
frauduleuse. La première est undélit; laseconde du crédit public.
un crime. Aussi le ministère public a-t-il le droit Elle s'est montrée plus indulgente pour d'au
d'intervenir dans les opérations de la faillite , tres actes , dont elle a laissé l'appréciation à la
d'assister au bilan et à l'inventaire, pour recher sagesse des tribunaux. Des engagements con
cher s'il n'existe pas de présomptions ou d'in tractés pour le compte d'autrui , sans échange
dices de banqueroute. Son action n'est pas même de valeurs , et jugés trop considérables ; l'inexé
subordonnée à la déclaration de la faillite. cution des obligations imposées par un concordat
Banqueroute simple. — Des dépenses ju antérieur ; le défaut d'accomplissement des for
gées excessives ; la perte de sommes notables , mai i ces voulues par la loi, dans le cas d'un ma
soit a des opérations de pur hasard , soit à des riage sous le régime dotal ou d'une séparation
opérations fictives débourse ; des achats de mar de biens ; l'omission de la déclaration que le
BAN ( 581 ) BAN
failli doit faire au greffe dans les trois jours de ne doit pas. Elle a préféré avec raison cette dé
la cessation des paiements; la non-comparu finition générale à la nomenclature incomplète
tion devant les syndics, dans les cas et dans les du Code de commerce, qu'il était souvent dif
délais fixés; enfin, le manque de livres, l'irré ficile de rattacher aux espèces dont les tribu
gularité de leur tenue , l'inexactitude de l'inven naux étaient saisis.
taire
damnation
, sont d'un
des faits
commerçant
qui peuvent
comme
motiver
banquerou
la cou- La simple indication des faits constitutifs de
la banqueroute frauduleuse en montre toute la
tier simple; tandis que lorsqu'il s'agit des pre gravite. C'est le fléau le plus funeste du com
miers que nous avons éuumérés , les tribunaux merce ; aussi la loi la punit-elle comme un crime.
enchaînés par le texte précis et formel de la loi, Elle est poursuivie d'office devant les cours d'as
sont dans la nécessité d'en appliquer les disposi sises par le procureur du roi , sur la notoriété
tions. Le Code de commerce avait rendu la pour publique ou sur la dénonciation des syndics ou
suite facultative ; le ministère public était de d'un créancier. Dans aucun cas , les frais de
cette sorte investi d'une autorité que la loi nou poursuite ne tombent à la charge de la masse de
velle a judicieusement repoussée comme exorbi la faillite. Lorsque le jury prononce un verdict
tante. Nous croyons qu'elle a montré la même d'acquittement , ils sont supportés par ceux des
sagesse, en ôtant à la cour d'assises la faculté de créanciers qui se sont constitués parties civiles
punir comme d'un crime le failli qai n'aurait pas en leur nom personnel.
tenu de livres ou qui n'aurait pas répondu à l'ap Les banqueroutiers frauduleux sont punis de
pel de la justice , après l'obtention d'un sauf- la peine des travaux forcés à temps ( Cod. pén.,
conduit. Un commerçant tombe sans doute dans art. 402 ).
une faute grave lorsqu'il néglige de tenir des li En matière de banqueroute simple , la loi ne
vres qui peuvent seuls jeter de la lumière sur la reconnaît ni tentative ni complicité , tandis qu'en
marche de ses affaires ; mais l'expérience dé matière de banqueroute frauduleuse, la tentative
montre que le commerce est souvent exercé par est assimilée au fait lui-même. Les complices
des personnes illétrées , et qu'il y aurait une sont punis comme l'auteur principal. La loi
excessive rigueur à punir cette négligence ou considère comme complices du banquerou
cette faute comme un crime, lorsqu'il ne s'y tier frauduleux et frappe des mêmes peines :
mêle aucune intention de fraude. 1° les individus convaincus d'avoir, dans l'inté
Les poursuites en banqueroute simple peuvent rêt du failli , soustrait , recelé ou dissimulé tout
être intentées par le ministère public , par un ou partie de ses biens , meubles ou immeubles ;
créancier ou par les syndics de la faillite au nom 2° ceux qui ont frauduleusement présenté dans
de la masse; mais il faut, dans ce dernier cas , la faillite et affirmé , soit en leur nom , soit par
qu'ils soient autorisés par une délibération interposition de personnes , des créances suppo
prise à la majorité individuelle des créanciers sées. Il y a de plus cette différence entre le ban
présents. En cas de condamnation, les frais sont queroutier simpleetlebanqueroutierfrauduleux,
toujours à la charge du trésor public, sauf son que le premier peut être admis à la réhabilitation
recours contre le failli. En cas d'acquittement , quand il a subi sa peine, et que le second ne peut
ils sont supportés par le trésor , si c'est le minis jamais laver la souillure que lui imprime la con
tère public qui poursuit ; dans les autres circon damnation.
stances , ils le sont par la masse de la faillite ou Telle est , en résumé , la loi qui régit actuel
par le créancier poursuivant. lement la banqueroute en France. Si la sévérité
La banqueroute simple est un délit de la com de ses dispositions , plus préservatives encore
pétence des tribunaux correctionnels. Elle est crue rigoureuses , n'empêche pas toutes les frau
punie d'un emprisonnement qui ne peut être des , elle en diminue du moins considérablement
moindre d'un mois ni excéder deux ans. ( Cocl. le nombre ; la société ne peut exiger plus de la
pén., art. 409. ) législation. J. Lanolais.
Bamqueboute fbauouleuse. — La loi de BANQUET. On donne ce nom à une réu
1838 déclare banqueroutier frauduleux le com nion d'individus assemblés pour manger, boire
merçant failli qui soustrait ses livres , détourne et se livrer à des conversations soit enjouées ,
ou dissimule une partie de son actif , et se recon soit sérieuses. Les banquets étaient très en vo
naît frauduleusement débiteur de sommes qu'il gue chez les auciens ; ils devaient , disait Var
BAN BAO
ron, être composés d'hommes choisis, avoir lieu nouiller pour regarder au dehors. Banquette est
dans un endroit et dans un temps commodes ; aussi le nom du balcon qui pose sur cet appui ;
les tables devaient y être servies sans luxe et le nom de balcon ne se donnant au propre qu'a
sans parcimonie. Par hommes choisis on en celui qui occupe toute la hauteur depuis le ni
tendait ceux qui ne parlaient qu'à propos; l'en veau du parquet jusqu'au sommet de l'appui.
tretien devait rouler sur des sujets agréables et Dans le jardinage , on donne ce nom à des
jamais sur des matières assez sérieuses pour palissades d'ifs, de buis ou de charmilles, qui
rembrunir les visages et troubler la digestion. n'excèdent point la hauteur d'appui, c'est-à-dire
Les anciens ne voulaient pas que les convives trois ou quatre pieds, afin de n'interrompre
excédassent le nombre de neuf; à Rome, les point le coup d'œil. E. B—>.
lois Somptu aibes (voy . ce mot) réglaient les dis BANQUISE (marine). On devrait écrire
positions des banquets , et punissaient les indi bankys, bankice ou bankeis; car ce mot, signi
vidus qui, dans ces occasions, outrepassaient la fiant banc de glace , est formé des mots bank
dépense dont elles déterminaient le maximum. (angl., holl., fia. et allem.) , et ys (fia., holl.),
Ces restrictions n'existent aujourd'hui nulle ice (angl.), ou eis (allem.). Une chose assez
part ; on célèbre des banquets de toute espèce ; singulière , c'est que le mot banquise , composé
mais les plus renommés sont les banquets poli par nos compatriotes du nord, avec les éléments
tiques , où vers la fin du repas plusieurs convi de la langue ilamande ou anglaise, n'ait été
ves portent des toasts ordinairement suivis d'al adopté ni par les Anglais ni par les Hollandais.
locutions analogues au sentiment qui a déter Au reste , cette bizarrerie n'est pas la seule de
miné la réunion. ce genre que nous pourrions signaler, et, sans
Les anciens ont composé plusieurs ouvrages compter hauban ou mieux hoband, nous cite
célèbres sous le titre de Banquet. Il en existe rions bien des mots conformés comme bankis
un de Platon et un de Xénophon. Plutarque a qui sont restés en fiançais et ont disparu du vo
aussi donné le Banquet des sept Sages , et les cabulaire des peuples auxquels furent emprun
savants regrettent un écrit semblable d'Épi- quise
tés lesest
éléments
un bancdeflottant
leur conformation.—La
de glaces amoncelées,
ban-
cure.
BANQUETTE (archit.). On appelle ainsi quelquefois très long, très compacte, très haut.
une espèce de soubassement en pierres de taille, Les navires qui vont dans les mers voisines des
faisant saillie tout autour d'un édifice, mais pôles , ceux qui vont à la pèche au b;inc de
ayant si peu de hauteur au-dessus du sol et si Terre-Neuve trouvent des banquises par les
peu de largeur qu'on peut s'y asseoir comme quelles ils sont arrêtés des semaines entières. La
sur un banc , et qu'un seul homme pourrait y banquise n'est pas toujours formée d'une masse
marcher , à l'opposé des trottoirs où plusieurs serrée et impénétrable; elle ouvre souvent un
peuvent passer de front. Les Romains appe passage aux bâtiments qui trouvent dans des es
laient decursores toute espèce de banquettes , pèces de rades intérieures une mer facile et
quoique ce nom ne convint qu'à ces petits trot douce , mais un séjour dangereux , car l'île ca
toirs très étroits qui régnaient le long des routes pricieuse referme parfois son issue en quelques
ou des rues de ville. L'intérieur des aqueducs instants, et ne laisse pas au navigateur hasar
est ordinairement garni d'une ou de deux ban deux le temps de se dégager des étreintes par
quettes qui permettent de les parcourir sans lesquelles il est impitoyablement écrasé. M. Du-
marcher dans le canal. L'aquéduc d'Arceuil mont-Durville a raconté , dans un langage très
réunit l'une et l'autre de ces dispositions ; toute simple et très pittoresque tout à la fois, la navi
la partie portée par les arcades présente une gation des deux corvettes qu'il commande (1838)
banquette de chaque côté , tandis que la partie au milieu des glaces du sud , et ses appréhen
souterraine n'en a plus qu'une seule. On donne sions dans la bauquise où il pénétra pour y cher
ordinairement dix-huit pouces de large à ces cher un chemin vers le pôle. Ce récit est plein
sortes de banquettes. d'émotion et donne une idée des périls que cou
On appelle encore banquette un appui en ma rent les bâtiments qui naviguent dans ces lati
çonnerie élevé habituellement de quatorze pou tudes élevées lorsqu'ils rencontrent les banqui
ces qui réunit par le bas les tableaux d'une fe ses. A. Jal.
nêtre , et sur lequel on peut s'asseoir ou s'age BAOBAB. (Voyez Adansoma.)
BAP 583 BAP
BAPAUME ( en latin Bapalma), -ville de veau dans la langue maritime française, car il ne
France ( Pas-de-Calais ) , a quatre ou cinq lieues se trouve ni dans le Dictionnaire des termes
d'Arras, et à pareille distance de Cambrai. propres de marine par Desroches (1687), ni
C'est une place forte de troisième classe ; elle dans celui d'Aubin (1702). On trouverait peut-
est assez ancienne , et a été jadis fortifiée selon être dans l'histoire politique et militaire de la
la méthode du chevalier Laville. Bapaume n'é ville de Bapaume quelque fait ayant donné
tait , dans le principe (1090) , qu'un château qui lieu au dicton qui peut très bien avoir été ap
servait de refuge à un brigand redoutable, du porté dans la marine par les navigateurs pi
nom de Béranger. Sous les comtes de Flandres cards. A. Jal.
et d'Artois, ce château, purgé de ses premiers BAPHOMET. On a donné ce nom à des
habitants , vit peu à peu se grouper autour de idoles que l'on accusait les templiers d'adorer
lui nombre de riches et paisibles habitations ; si d'un culte secret, et fondé sur des doctrines
bien qu'en 1335 , Eudes, duc de Bourgogne , analogues à celles que professaient les sectes
comte d'Artois , fit fermer ce bourg de mu mystiques connues sous la dénomination de
railles et le décora du titre de ville. Lorsque , gnostiques , de manichéens , sectes qui se mon
par la suite , l'Artois vint à être enclavé dans le trèrent en si grand nombre dans les premiers
domaine de la maison d'Autriche , Bapaume , siècles de notre ère. On a prétendu dériver le
en raison de sa nouvelle position à l'égard de la nom de Baphomet de deux mots grecs , $a.yi> ,
France , attira l'attention de Charles V, qui ré immersion, baptême, et de («frit, sagesse,
solut de l'opposer à Péronne , notre boulevart raison, esprit, comme qui dirait baptême de
sur la frontière de Picardie. Les principaux tra l'esprit, peut-être pour faire allusion au bap
vaux de fortification par lesquels cette ville se tême de feu des anciens gnostiques , à ce qu'ils
recommande encore aujourd'hui , furent alors appelaient illumination de l'esprit , comme
exécutés. Cependant , sous Louis XIII , Ba nous l'apprend saint Justin. Mais plusieurs
paume tomba au pouvoir de nos armes; et, sous graves auteurs, parmi lesquels se trouvent Syl
Louis XIV, en vertu du traité des Pyrénées vestre de Sacy et Raynouard , ont pensé que le
(1659) , elle se trouvra reprise par la limite de mot Baphomet était une corruption du nom de
la France à l'est. Vauban mit cette ville en état Mahomet, et un grand nombre de pièces où
de ne plus appréhender désormais la domina Mahomet est appelé Bafomet et Bafumet , vien
tion de l'Autriche. nent donner un grand poids à cette opinion.
Bapaume est une assez jolie ville , bâtie ré Suivant M. le baron de Hammer, qui adopte la
gulièrement ; mais elle n'est alimentée que par première étymologie , et dont nous allons ex
une seule fontaine, et l'on ne trouve pas d'eau poser le système, la Mété est représentée sur des
à quatre lieues à la ronde. Toutefois cette cir idoles baphométiques , dans un rapport étroit
constance , malheureuse en temps de paix , est avec les doctrines des ophites , branche de la
une des sûretés de la ville en temps de guerre. grande famille gnostique ; elle a une figure hu
Bapaume possède un bel hôpital. De plus, elle maine et réunit les attributs des deux sexes.
est le centre d'un grand nombre de fabriques , La croix ansée , ou la clef de la vie et du Nil ,
dont les produits consistent en étoffes de laine , dont la forme se rapproche de celle de la lettre
de coton , de calicots, de percales , et en iils re T, est dans sa main ; on sait quel rôle impor
tors pour confection de la batiste. I. J. tant remplissait cet instrument symbolique dans
BAPAUME (marine). On dit d'un navire la théologie égyptienne, qui le place dans la
qu'il est en bapaume lorsque, par une raison main de toutes les divinités ; il était l'emblème
quelconque, étant à la mer, il ne peut plus di de leur bienfaisante toute-puissance. Sur les
riger sa route ni gouverner. Le calme plat, des baphomets, l'on voit en outre une peinture
avaries majeures arrivées dans la voilure, la de l'initiation par le baptême de feu , ainsi que
mâture ou le gréement , un grand désordre ac des symboles maçonniques , tels que le soleil ,
cidentel, sont les causes de l'état qu'on a désigné la lune , les étoiles , le tablier, la chaîne , le
par l'expression adverbiale en bapaume. D'où chandelier à sept branches.
vient le mot bapaume? il ne m'a pas été pos Les aveux obtenus de la bouche des tem
sible de le déterminer. Ce mot est sans analogue pliers sur cette idole par les inquisiteurs repré
dans les langues étrangères, et il est assez nou sentent le baphomet comme étant de Jiguri
BAP ( 584 BAP
horrible et qui ressemble au diable. Un des nans, productrice. On trouve ensuite une men
témoins entendus à Florence assura qu'en lui tion du chiffre 8 avec une expression très ob
• montrant l'idole , on lui dit : Voilà votre dieu scène.
et votre Mahomet. Suivant M. Nicolaï {Essai Voici la traduction de M. de Hammer : « Om-
sur les Secrets des Templiers ) , le baphomet « nipotens Mete germinans^ stirps nostra ego
était l'image du dieu suprême dans l'état de « et septem fuere, tu es mens renegantium,
quiétude que lui attribuaient les gnostiques, et « reditus , ropsuToç fit. » Cette inscription se lit
cette figure devait son nom à un hiéroglyphe sur un vase dont la partie supérieure est ornée
pris des pythagoriciens, dont on avait emprunté de sculptures représentant une orgie ophitique.
le nom grec de (3a<p;À fHjreo;. M. Anton pense La Mété y figure avec des cornes , une grande
» que le baphomet désigné par quelques templiers barbe , une poitrine de femme , et réunit ainsi
comme ayant quatre pieds, était le sphynx les signes caractéristiques des deux sexes. Une
égyptien, symbole du mystère. Herder croit de ses mains est étendue vers l'inscription, tan
au contraire que c'était un trophée ou une ar dis que l'autre supporte la croix ansée. Un peu
mure. Enfin, le savant évêque de Sélande, plus loin , la Mété apparaît avec des attributs
M. Munter, dans une dissertation publiée en différents : elle est sans barbe , des rinceaux
1801, sur les accusations portées contres les couronnent sa tête , et des deux mains elle élève
templiers, a voulu établir que le baphomet était la chaîne des Eons. Mais quel est dans le culte
une châsse faite en forme de tête , et renfer- baphométique le rôle qui est attribué à cette
mantdes reliques. Depuis ces premiers travaux , divinité , qui a reçu le nom de Mété ? D'après
le célèbre orientaliste M. de Hammer, qui s'est M. de Hammer, il parait que c'est le même
livré à l'étude des monuments des templiers, qui , chez diverses sectes gnostiques , était at
a publié dans le recueil qui porte le nom de tribué aux êtres mystiqnes appelés Sophia,
Mines de l'Orient, une dissertation qui a pour Prunicos,Mêté
pelaient Barbelo,
la Prudence;
Akhamoth.Jupiter
LesGrecsap-
l'épousa;
titre : Mysterium baphometi revelatum. L'il
lustre savant de Vienne , qui a visité toutes les mais prévoyant qu'elle mettrait au jour un
ruines des anciennes maisons appartenant à fils qui serait le souverain de l'univers , il l'a
l'ordre du temple, et dont les ruines existent en vala. C'est de ce mythe que les Ophites tirè
si grand nombre en Autriche , s'est attaché sur rent leur Mété ; ils en changèrent le sens et
tout à examiner les bas-reliefs qu'elles renfer en firent une divinité androgyne, en lui attri
ment; quoique ses explications n'aient pas été buant , comme les Cypriotes à leur Vénus , une
toutes généralement adoptées, cependant les grande barbe. Proclus dit que Mété était un
rapprochements que lui a suggérés son immense des noms du dieu androgyne des Ophites, et
érudition, sont aussi remarquables que lumi celui d'Érei-xap7raïo;, qu'il lui donne pareillement,
neux. Parmi les monuments recueillis par M. de répond assez bien au mot Nasch , germinam,
Hammer, il se trouve vingt-quatre figures en de l'inscription précitée ; la partie de cette in
pierre qui paraissent réunir tous les caractères scription où il est question du nombre 8 se rap
des baphomets : dix-huit de ces figures font par porte à l'ogdoade inférieure des gnostiques,
tie du cabinet de Vienne. La plupart représen dernier terme de la progression des êtres qui
tent des hommes à grande barbe , d'autres des forment par des émanations successives le sys
femmes; quelques-unes ont la poitrine d'une tème entier du plérôme.
femme et la barbe d'un homme; presque toutes C'est surtout sur une sorte de vase ou cra
ont les signes mystiques ou astrologiques dont tère que l'on a cru remarquer avec le plus de
nous avons parlé plus haut ; des inscriptions la fréquence les symboles baphométiques. Dans
tines dont elles sont ornées ne contiennent que les initiations , une place importante était ac
des noms propres, et sont inintelligibles : celles cordée au vase cosmogonique.
qui portent des inscriptions arabes offrent plus Rien de plus célèbre dans l'antiquité que la
d'intérêt, puisque l'on est parvenu à les déchif coupe mystique; la mythologie la plus an
frer. L'une de ces dernières inscriptions donne cienne nous la montre depuis l'Inde jusqu'à
à la Mêté le nom de Taala , titre que les Ara l'Egypte comme le symbole de la force généra
bes attribuaient à Dieu, et qui signifie Très trice, comme l'emblème du mélange d'où dé
haut; elle est aussi appelée Nasch, germi- pend la procréation ; c'est ce que les Grecs
BAP ( 585 ) BAP
nommaient Crasis, Crdse, Crama, et qui si plus anciennes. ( Voy. les mots Templiers,
gnifie dans le sens mystique la formation du Saint -Graal, etc.) ISicolaï, Essai sur les
monde. Templiers. Berlin, 1782. Dans les Mines de
Ce sont principalement les sculptures qui or l'Orient, t.VI, le mémoire précité de M. Ham
naient les églises de l'ordre du Temple, qui mer ; l'Histoire des Assassins , par le même ,
sont riches en signes baphométiques ; l'église de 1818. De Sacy, Magasin encyclopédique,
Schongraben , située près des villes de Dietris- 1810, 1. VI, p. 145, 175. Memorie istoriche
chdorf et Sitzendorf , connue pour avoir servi de délie sacre teste de' santi apostoli, par Can-
résidence aux templiers, renferme les repré cellieri. Rome, 1806 , in-4°. Ed. Dulaubirr.
sentations les plus remarquables. Les ruines de BAPTÊME. Ce mot, du grec (W»>, $%-
la maison du chapitre offrent trois bas-reliefs où 7rr£ç<a, plonger dans l'eau , signifie littéralement
l'on voit des templiers en habit de l'ordre , d'une immersion, et , dans un sens plus général, l'ac
main tenant l'épée , de l'autre la croix ansée , tion de laver. Il sert à désigner le premier sacre
c'est-à-dire , la clef gnostique ou le signe du ment de l'Eglise, que les théologiens définissent :
baphomet. le sacrement de la régénération par l'eau ,
A Wuetendorf en Autriche , dans un bas-re avec l'invocation formelle de la sainte Tri
lief provenant de l'église des templiers, M. de nité. C'est la définition un peu développée du
Humilier a remarque la figure d'un homme en catéchisme du concile de Trente. Avant de par
robe longue qui porte d'une main une torche ler directement de cette institution fondamen
ardente ou une épée flamboyante, et qui s'appuie tale du christianisme, nous jetterons un coup
de l'autre sur un bâton en forme de béquille, d'œil sur les rits analogues que nous offrent les
et dans lequel M.de Hammer croit voir un signe cultes divers des peuples et le judaïsme. Nous
baphométique. On voit à Berchtolsdorf, à deux arriverons de là au baptême de saint Jean, puis
lieues de Vienne, les ruines d'un couvent et à celui de Jésus-Christ , dont nous exposerons
d'une église des templiers ; l'église est sans successivement l'essence , qui est d'institution
sculptures , mais dans le chœur se trouve un divine, et les cérémonies, que l'Église y a sage
énorme signe baphométique formé par deux ment ajoutées pour en faire mieux ressortir la
pierres , dont l'une est perpendiculaire et l'au nature, et rendre plus solennelle son admini
tre transversale. L'église de Saint- Wenceslas stration.
à Prague , quoique ayant appartenu aux tem § Ier. Rits analogues au baptême chez les
pliers, n'a point offert désignes semblables; gentils et chez les juifs. — Les analogies plus
celle d'Égra est ornée de sculptures dont le ou moins éclatantes qui existent entre les usages
signe est évidemment gnostique. M. de Ham religieux des différents peuples et les institutions
mer range dans la même classe d'autres édi chrétiennes, ont été pour quelques écrivains
fices de l'Allemagne et quelques-uns qui se aussi superficielles en philosophie qu'ils sont
trouvent dans notre Poitou. Du reste, toutes hostiles en religion , un grief énorme , un grand
les explications que l'on a données jusqu'ici point d'attaque, tandis que plusieurs défenseurs
du baphomet peuvent être regardées comme de la vérité se sont scandalisés de ces mêmes
très ingénieuses , mais non comme entière analogies mal comprises. De là les uns ont cher
ment satisfaisantes. Nous ne savons rien ou ché à les exagérer, les autres à les atténuer et
presque rien de la doctrine secrète que pro à les combattre. Comme elles se font remarquer
fessaient les templiers. Les statuts de l'ordre surtout pour le baptême, il importe de détruire
retrouvés, écrits en langue provençale, par ce moyen d'hostilité , cette pierre d'achoppe
M. Muuter dans la bibliothèque Corsini à Rome, ment , en montrant brièvement les raisons pro
et publiée par lui en 1794 en allemand, ne ré fondes de ces analogies. Enlacées dans le sys
gissaient peut-être que le vulgaire des cheva tème même du monde, elles relèvent magnifi
liers, tandis qu'un enseignement ésotérique au quement celui de la religion chrétienne , loin
rait été transmis par l'initiation aux chefs de de lui porter la moindre atteinte.
l'ordre; cette doctrine serait venue, selon M. de Saint Paul semble nous révéler la grande loi
Hummer, des ismaéliens, qui avaient de nom de ce système, lorsqu'il nous dit que lafoi nous
breux rapports avec les templiers, et qui ti apprend que Dieu a créé ce mondepar sa pa
raient leur origine des sectes gnostiques les role, pour rendre visibles les choses invisibles.
DAP ( 580 ) B\P
Fide
transmisintelligitnus aptataparents
de nos premiers esse sœcula, ut ex
à leur posté- semblerait
rité, et nousque en
les verrons
baptêmessortir
et ablutions
spontanément
prati-
invisibilibus visibilia fièrent (Hœbr., xi, 3). cette autre croyance également générale que
Il y aurait donc une relation intime et mysté l'enfant a besoin d'expiation dès son entrée
rieuse entre l'ordre moral et l'ordre physique. dans la vie. L'eau sacrée s'offrait d'elle-même,
L'un ne serait que l'expression sensible de l'au et tous les peuples se trouvèrent presque una
tre. C'est là , nous le croyons, une vérité incon nimes dans l'usage de soumettre l'enfant à quel
testable, et l'une des plus fécondes de toutes que ablution purifiante. S'il y eut des excep
' celles que la philosophie est appelée à consta tions, elles s'expliquent d'elles-mêmes. Plusieurs
ter. Les arts , les sciences, la littérature, tous nations , trouvant dans l'objet principal de leur
les idiomes lui rendent hommage à l'envi : il culte , un élément également propre , dans leurs
n'est pas une métaphore, une comparaison qui idées, à devenir le symbole de la pureté inté
n'atteste ces éternelles analogies du monde des rieure , durent y arrêter leur attention. Le feu
esprits et du monde des corps. Or, ces analogies surtout a paru tel, et les Sabéens, qui l'ado
qui nous sont connues , puisqu'elles forment le raient , prétendaient purifier par la flamme leurs
tissu du langage , mais dont le secret nous nouveau-nés. D'autres ont joint les deux rits,
échappe trop souvent, le divin auteur du chris faisant passer successivement l'enfant par l'eau
tianisme , auquel elles ne pouvaient être ca et par le feu.
chées , les a eues constamment en vue dans ses Telles étaient les idées antiques , univer
admirables institutions. Déjà la nature des cho sellement répandues, sur la régénération de
ses , expliquée d'ailleurs par la tradition vivante l'homme , et sur le double baptême d'eau et de
des premiers jours , avait inspiré ces rits reli feu qui en a été le symbole et le rit extérieur.
gieux dont on retrouve le fond chez tous les Nous les retrouvons , mais modifiés, dans le ju
peuples, et quetous avaient plus ou moins alté daïsme. On sait combien la loi mosaïque a mul
rés; mais il appartenait au Créateur lui-même tiplié les ablutions mystiques. Toutefois , nous ne
de rétablir l'harmonie dans son ouvrage, en voyons nulle part qu'il y soit fait mention d'au
relevant et sanctifiant les rits anciens , et en cune purification de ce genre pour l'enfant. La
fondant de nouvelles institutions d'un ordre cérémonie de la circoncision explique ce vide
plus parfait. Ne pouvant nous arrêter sur ces apparent. Quoique l'on ne soit pas d'accord
considérations générales , qui sont néanmoins sur son efficacité, elle était néanmoins une con
la clef du système chrétien , nous en ferons du sécration du nouveau- né, qui devenait ainsi
moins l'application à l'objet spécial de cet ar l'héritage du Seigneur, et faisait partie de son
ticle , au baptême. peuple. Il n'y avait dès-lors plus lieu de penser
L'action de laver le corps , de le purifier par à un autre mode de régénération. Les juifs en
l'eau , est le symbole de la purification de l'àme. usent autrement à l'égard de leurs prosélytes.
Les peuples l'ont tous entendu ainsi, et les Ceux-ci, après avoir été circoncis , reçoivent le
idiomes en font foi , en nous offrant des termes baptême par une seule immersion , en présence
identiques pour les purifications intérieures ou des trois juges ou rabbins qui les ont préparés.
mystiques, et extérieures. De là ces ablutions C'est à ce baptême même que les juifs attri
de tous genres, ces sortes de baptêmes que l'on buent les effets les plus extraordinaires. Selon
renouvelait chaque fois que l'on entrait dans les eux, le prosélyte reçoit du ciel une autre âme,
temples et que l'on offrait des sacrifices ; cette une nouvelle forme substantielle ; il devient ainsi
eau lustrale des Grecs et des Romains , dont on un autre homme , pour qui tout est changé. Ses
aspergeait le peuple, et que l'on conservait aussi parents, ses esclaves, ne sont plus rien pour
dans des vases à la porte des édifices sacrés , et lui : les enfants même qu'il avait eus avant sa
même dans certaines places publiques. Et ces régénération n'ont plus droit à son héritage.
lustrations, ces ablutions , nous les retrouvons Tel est le baptême des prosélytes. Maimonide
jusque chez les Tartares et sur les bords du en fait remonter l'usage jusqu'à Moïse ; d'autres
Gange, qui semblait n'être lui-même qu'un le font postérieur au christianisme. L'opinion
vaste bain sacré pour les Indiens. Ajoutons à la plus probable l'attribue aux pharisiens, et le
cette croyance si naturelle et si universelle , la met au nombre des observances qu'ils ajoutè
tradition non moins répandue du péché originel rent à la loi après la captivité de Babylone. Il
HAÏ> .,*? ) w
qués chez les gentils sur les nouveau-nés , et tisés par le concile de Trente , sess. 7 , n'ont
accompagnés d'idées religieuses analogues à pu égaler le baptême de Jean à celui de la nou
celles que les juifs attachaient à leurs nombreu velle loi, qu'après avoir bouleversé les vraies
ses purifications légales, auraient été pour ceux- notions de nos sacrements. Ce qui a le plus il
ci l'occasion d'introduire ce rit dans l'initiation lustré le ministère du saint précurseur, c'est
des prosélytes sortis du sein même de la genti- que celui qu'il annonçait aux juifs est venu
lité. Il faudrait dire alors que dans le plan de la s'humilier lui-même sous sa main , et sanctifier
Providence, les juifs auraient pris aux nations son baptême de pénitence en le recevant. Mais
le baptême pour le purifier des superstitions le ciel ouvert , le Saint-Esprit descendant sur
païennes, le rappeler aux idées saines et primi lui en forme de colombe, la voix du Père, qui
tives , et le rendre ainsi plus propre à figurer le proclame son fils , toutes ces merveilles absor
baptême chrétien. Il est certain du moins que baient le baptême lui-même , et ouvraient l'or
le baptême donné en rémission des péchés , et dre de choses qui devait l'abroger.
même aux juifs naturels, n'avait rien d'extraor § III. Institution du baptême. — Matière et
dinaire à leurs yeux , lorsque saint Jean parut forme. — Il est de foi divine que le baptême a
sur les bords du Jourdain , prêchant la péni été institué par J.-C; mais les théologiens ne
tence et baptisant ceux qui voulaient changer sont pas d'accord sur l'époque de cette institu
de vie. tion. L'opinion la plus suivie et la plus proba
§ II. Baptême de saint Jean- Baptiste. — ble la rapporte au moment où le Sauveur, bap
Si le rit du baptême usité chez les gentils fut tisé par saint Jean , sanctifia ainsi les eaux du
déjà élevé à des idées plus pures, en passant Jourdain , et consacra dès -lors cet élément au
chez les juifs, le baptême de saint Jean se pré rit de la régénération.
sente encore avec une plus haute perfeotion. Il Le mot de baptême ayant constamment si
était , dit saint Jean Chrysostôme , comme un gnifié chez les juifs une purification par l'eau,
pont qui conduisait du baptême des juifs à celui une ablution, un bain sanctifiant , et J.-C. ayant
de J.-C. La pénitence , la conversion intérieure, dit tout simplement à ses disciples : Allez et
la réforme des mœurs; en un mot, l'élément instruisez les nations, les baptisant au nom
spirituel y paraissait bien plus que dans les pu du Père, etc. , il était difficile de se méprendre
rifications légales. Ce n'était plus seulement un sur la matière du baptême. Cependant, plu
symbole, une figure, mais une préparation in sieurs hérétiques ont rejeté l'eau , au mépris de
time, une disposition prochaine au baptême la tradition et de l'usage constant de l'Église.
parfait et vraiment régénérateur. Celui qui se Leurs erreurs en ce point reviennent surtout à
présentait au baptême de Jean recevait d'abord celles des manichéens, qui repoussaient cet élé
ses instructions , et se montrait docile à les sui ment comme l'ouvrage du mauvais principe, et
vre. A la douleur intérieure de ses péchés, dont à l'opinion de ceux qui, prenant à la lettre les
il faisait une confession distincte et particu paroles de saint Jean : II vous baptisera dan»
lière, selon l'usage qu'en avaient déjà les juifs, le Saint-Esprit et dans le feu (Math. , m), sub
il devait joindre de dignes fruits de pénitence. stituèrent en effet à l'eau le feu , qu'ils appli
On a toujours entendu par ces fruits de péni quaient de diverses manières. On attribue cette
tence , le changement de vie , la résistance aux erreur à Valentin , aux jacobites et aux Éthio
passions et les œuvres de mortification corpo piens. D'autres hérétiques, et même dans quel
relle, inséparables d'une vraie conversion. Quoi ques régions du Nord, plusieurs catholiques
que reçu avec de telles dispositions, le bap ignorants ne regardaient pas l'eau comme ma
tême de Jean n'avait pas néanmoins , disent les tière tellement nécessaire , qu'on ne puisse sup
Pères, la vertu de remettre les péchés. Il était pléer à son défaut par quelque autre liquide. Ils
comme le gage de cette rémission ; il la pro employaient alors le vin , le lait; les Norwé-
mettait , l'annonçait : Celui qui vient après giens se servaient de bière. Luther et Calvin ',
moi, disait le saint précurseur, vous baptisera qui ont corrompu même les dogmes les plus
dans le Saint-Esprit; mais il ne la donnait pas. simples, étaient dans cette opinion. Plusieurs
Ce baptême n'était donc pas un vrai sacrement : enfin ont cru devoir joindre les deux éléments,
il n'en avait pas surtout la fécondité , et les ajoutant le feu à l'eau dans l'administration du
prétendus réformés, Luther, Calvin, anathéma- baptême. Le concile de Trente, fidèle à la tradi-
DAP ( 588 ) BAP
; tlon , a condamné toutes ces erreurs, en défi le même jour, puis 5,000 un autre jour; que
nissant que l'eau et l'eau seule était la matière saint Paul baptisa la nuit le geôlier de sa prison
du sacrement (Sess. 7 ). Les Pères du concile avec sa famille, et que dans la suite les chré
disent : Aquam veram et naluralem; l'eau vé tiens, obliges de se dérober aux persécuteurs,
ritable, naturelle, excluant par-la toute eau al ne pouvaient donner le baptême que daus l'in
térée dans sa substance par quelque mélange. térieur de leurs maisons, on a lieu de croire
Ainsi les tisanes ne sont pas une matière valide; qu'ils ne pratiquaient point l'immersion. Nous
mais on peut se servir de l'eau salée , chaude, trouvons même un fait positif, saint Laurent
froide, de l'eau de neige ; parte que c'est tou versant l'eau d'une urne sur un soldat romain
jours de l'eau proprement dite. On peut deman pour le baptiser. Ce n'était la néanmoins que
der pourquoi J . -C. a préféré l'eau aux autres élé des cas exceptionnels, et l'on ne doit point s'é
ments. Les Pères en ont donné plusieurs raisons, tonner si plusieurs auteurs , Valafride et surtout
dont la plus remarquable comme la plus com Alcuin, sous l'impression de l'antiquité et de
mune est celle que nous avons vu ressortir de l'universalité d'un rit aussi considérable que la
la nature des choses, et sanctionnée par la tra triple immersion, se sont élevés contre les ca
dition universelle ; nous voulons dire l'analogie tholiques d'Espagne, lorsqu'au ixe siècle, et à
même qui existe entre l'action de purilier, de cause de l'abus que les Visigoths ariens faisaient
laver l'âme et celle de laver le corps. des trois immersions pour diviser les personnes
L'eau , considérée eu elle-même, est , dans le divines, ils voulurent s'en tenir à une seule.
langage théologique, la matière éloignée du On pouvait peut-être réclamer d'abord contre
baptême. La matière prochaine est le mode une Eglise particulière, en faveur d'un usage
même d'application de cette matière éloignée , aussi constant ; mais on comprend difficilement
c'est-à-dire les manières diverses de faire cette comment les Grecs, plusieurs du moins, ont osé
ablution , cette purification physique. Or, ces faire un crime à tout l'Occident d'avoir adopté
manières reviennent toutes a trois : l'immer le baptême par infusion , et mettre ce change
sion , en plongeant le corps dans l'eau ; Y infu ment parmi les causes de leur schisme. Qu'ils
sion, en versant de l'eau sur le baptisé ; enfin , aient préféré retenir l'ancien rit, l'Église latine
Yaspersion par jet , en forme de pluie. Jusqu'au ne l'a point trouvé mauvais ; et même longtemps
xin* siècle, dans l'Église latine, comme chez encore chez elle on voit des traces du baptême
les Grecs, on a conféré le baptême par la triple par immersion ; le rituel de Paul V l'autorise
immersion. C'était en effet le mode le plus si comme celui par infusion , daus les lieux où l'un
gnificatif : il figurait plus sensiblement la mort en conservait l'usage , comme dans l'église de
et la sépulture mystiques que nous marque le Milan , et le concile de Bénéveut en parle en
baptême , d'après la doctrine de saint Paul , core à la lin du xvne siècle ; mais du moins de
que nous avons été ensevelis avec J.-C. par le vaient-ils respecter la même liberté chez les La
baptême pour mourir au péché (Rom., vi, 4), tins.
et la trinité des immersions était une profession Ce que l'Église d'Occident a fait de son auto
bien solennelle de celle des trois personnes di rité , elle ne l'a pas fait néanmoins sans raison.
vines. Toutefois , on tenait pour valide le bap Malgré les plus sévères précautions , l'immer
tême donné par infusion ou par aspersion. C'é sion ne laissait pas que d'exposer, sous le rap
tait ainsi qu'on baptisait les malades alités. On port de la modestie, à des inconvénients qui ont
les appelait cliniques, du grec x>iv>i ; et comme paru davantage , à mesure qu'on a vu s'affai
ceux qui différaient ainsi leur baptême n'étaient blir la ferveur et la simplicité des premiers siè
que trop justement soupçonnés de ne l'avoir fait cles. Elle n'était pas d'ailleurs sans danger pour
que pour conserver plus longtemps une coupa le baptisé. La rigueur surtout des climats sep
ble liberté, une sorte de défaveur pesait sur ces tentrionaux a dû contribuer à l'abrogation de
cliniques ; on les élevait plus difficilement aux ce rit , le bain n'y étant point praticable pendant
ordres, mais on ne les rebaptisait pas. L'his la plus grande partie de l'année. Cette diffé
toire ecclésiastique fait mention d'autres circon rence de température peut encore aider à expli
stances, où il est probable qu'on a eu recours quer la persévérance des Grecs dans l'ancien
au baptême par aspersion ou par infusion. Ainsi, usage. Du reste, l'Église latine, dans la triple
lorsque les apôtres baptisèrent 3,000 convertis infusion en forme de croix , accompagnée cha
P.AP ( 589 ) BAP
(■une de l'invocation d'une personne divine, a plus répandu , et dans la forme la plus simple ;
conservé tout ce que les trois immersions avaient mais il a voulu de plus que tout homme capable
de plus significatif pour le mystère de la Trinité d'un acte humain pût l'administrer validement.
et les effets du baptême. Mais une seule infu Ainsi , et c'est la doctrine constante de l'Église,
sion suffit néanmoins absolument pour la vali les simples fidèles laïques , les femmes, les hé
dité du baptême. rétiques, les infidèles, tous peuvent donner le
De même que l'essentiel de la matière du baptême , à la seule condition d'observer ce qui
baptême consiste dans l'ablution , dans le con est prescrit de nécessité pour la matière et la
tact de l'homme avec l'eau, de même l'essentiel forme , avec l'intention au moins implicite de
de la forme du même sacrement repose dans faire ce que fait l'Église en le conférant. La di
l'invocation simultanée et formelle des trois gnité du sacrement semble ici fléchir devant sa
personnes divines, en même temps qu'on ex nécessité et la volonté que Dieu a de sauver
prime l'action du ministre qui baptise. Toute tous les hommes. Aussi , hors le cas de néces
formule qui remplit suffisamment ces deux con sité , les évêques et , sous leur dépendance , les
ditions, est valide. Voici celle des Grecs : Un prêtres ont seuls le droit d'administrer le bap
tel N. , serviteur de Dieu , est baptisé au nom tême : et comme ils ont ce droit en vertu même
du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Bap- de leur ordination , ils sont les ministres ordi
tisatur servus , vel serra Dei , N. in nomine naires de ce sacrement. Les diacres peuvent
Palris, etc. Dans l'Église latine, les paroles l'exercer aussi , mais par délégation , et comme
expriment plus nettement l'action du ministre ministres extraordinaires. Tel est l'enseigne
de ce sacrement : N. je te baptise au nom du ment et l'usage des Grecs comme des Latins ; et
Père et du Fils et du Saint-Esprit , ainsi soit- toutefois cet accord en un point d'ailleurs si
il. N. ego te baptiso in nomine Palris , etc. simple et si pratique , n'a point empêché l'hé
Ces deux formules sont à peu près d'une égale résie de donner dans les excès les plus opposés.
antiquité. La nécessité de l'invocation expresse Tandis que plusieurs anciens ont concédé même
de la Trinité n'a jamais été mise en doute : mais aux femmes le droit d'administrer le baptême
au xiie siècle , Hugues de Saint-Victor, Pierre solennel , Calvin et d'autres modernes ont osé
Lombard et plusieurs autres prétendirent que dire que, même dans le cas de nécessité , il va
les paroles je te baptise, qui expriment l'action lait mieux se contenter de recourir à Dieu par
du ministre , n'étaient point nécessaires pour la la prière , plutôt qu'à leur ministère. La tradi
validité du sacrement. Alexandre III mit fin à tion était, et depuis longtemps, trop claire au
la controverse en condamnant formellement xvic siècle, pour être impunément attaquée sur
cette opinion dans sa constitution que les Anna ce point ; mais elle souffrit un moment d'éclipsé
les de Citeaux rapportent à l'an 1176. Sur la dans l'Église d'Afrique et dans une partie des
forme du baptême , il s'est encore élevé une dif Églises d'Orient relativement à la validité du
ficulté. Plusieurs pères et théologiens , frappés baptême conféré par les hérétiques. Ce fut vers
de ce qu'on lit en plusieurs endroits des actes, le milieu du m* siècle que s'éleva cette célèbre
qne les fidèles étaient baptisés au nom de J.-C, dispute. Saint Cyprien, évêquede Cartbage, et
et trompés par un texte mal entendu de saint Firmilien, évêque de Césarée, à la tête d'un cer
Ambroise , ont cru ou paru croire que le bap tain nombre d'évêques qui partageaient leur
tême conféré ainsi était valide. Ce sentiment est opinion , soutenaient la nullité de ce baptême et
depuis longtemps abandonné ; mais sur la ques la nécessité de le renouveler pour ceux qui l'a
tion incidente , si les apôtres ont baptisé effec vaient reçu. Et cette nécessité, ils ne la fon
tivement au seul nom de J.-C, il y a partage daient pas sur les vices qui auraient invalidé la
d'opinions : les uns le nient absolument, les matière ou la forme, personne ne les contestait,
autres soutiennent qu'ils ont donné ainsi le bap mais sur ce que les hérétiques manquant de la
tême , en vertu des pleins pouvoirs qu'ils te foi véritable , n'étaient plus à leurs yeux qu'une
naient de J.-C. lui-même. source corrompue, un tronc stérile, et leurs
§ IV. Ministre du baptême. — Le baptême Églises, que des épouses adultères, impuissan
étant la porte du christianisme, J.-C. l'a rendu tes à enfanter à l'Église de vrais fidèles. Le pape
accessible à tous. Non seulement il a mis son saint Etienne n'opposa à leurs subtilités qu'un
essence dans une matière dont l'élément est le seul mot , la règle sacrée de la tradition, nihil
BAP ( 590 ) BAP
innovelur, nisi id quod traditum est; et cette l'Église et de ce renouvellement intérieur qui est
parole , solennellement consacrée depuis par un l'ouvrage de la grâce. Ainsi marqué du sceau
concile général dont parle saint Augustin et de J.-C. , on peut se dégrader, abuser des dons
qu'on croit plus vraisemblablement être celui de qu'on a reçus, devenir pécheur, hérétique, in
Nicée , en 325 , arrêta dès-lors cette erreur, qui fidèle ; mais non redevenir simplement ce qu'on
ne tarda pas à s'éteindre. était auparavant. Or, ce sceau de J.-C. im
§ V. Effets du baptême. — Caractère. — primé dans l'âme du baptisé , est ce qu'on ap
Accessible à tous, le baptême n*en est pas moins pelle le caractère du baptême ; et comme il sur
fécond en richesses spirituelles. Il donne la vit à toutes les prévarications du chrétien infi
grâce sanctifiante, efface le péché originel , les dèle, qu'il est indélébile en un mot, immortel
péchés actuels dans les adultes, et enfin il remet comnie lui , il suit de là que le baptême ne peut
toute la peine due au péché; tellement, dit le se réitérer, et que la pénitence est le seul-
concile de Florence [in decrelo ad Armen.), moyen d'expiation qui demeure à ceux qui ont
que rien ne pourrait empêcher le chrétien mou été une fois régénérés.
rant après son baptême, d'entrer immédiatement § VI. Sujet du baptême , ou , personnes ca
dans le royaume des cieux. Le concile de Trente pables de recevoir ce sacrement. ■— Baptême
(sess. 5 , can. 5) anathématise aussi tous ceux des enfants, — des morts. — Dispositions au
qui oseraient dire que le baptême n'efface pas le baptême. — Catéchuménat. — Tout être hu
péché et tout ce qui tient à la nature du péché. main vivant est appelé à recevoir le baptême.
Mais c'est de la bouche même du Sauveur et des Ce point n'a jamais souffert de difficulté pour
apôtres que nous devons apprendre les effets ad les adultes ; mais le baptême des enfants a été
mirables du baptême. J.-C. l'appelle une régé combattu par plusieurs hérétiques anciens et
nération , une nouvelle naissance qui répare les modernes. Parmi ces derniers, on connaît sur
vices et les malheurs de la première. En consé tout les anabaptistes, qui soutiennent que les
quence et d'après l'enseignement apostolique, le enfants baptisés doivent l'être de nouveau,
baptisé est un homme nouveau , une transfor lorsqu'ils ont atteint l'âge de raison. En cela,
mation du vieil homme dans le nouvel Adam ; ils ne font que tirer les conséquences de la re
il devient l'enfant de Dieu , héritier du royaume forme. Nous ne voyons pas en effet comment les
céleste, et l'enfant de l'Église, ayant droit à ses luthériens et les calvinistes prouveraient par le
sacrements et à tous ses biens spirituels. Cepen texte seul de l'Écriture , que le baptême peut
dant la concupiscence reste, ce triste monu être conféré aux enfants, surtouten prétendant,
ment de la chute du premier homme, et le comme ils font , que les sacrements n'opèrent
même concile de Trente , après avoir vengé les que par la foi de ceux qui les reçoivent. Nous ne
effets réels et tout divins du baptême contre les parlons pas des sociniens : leur indifférence
erreurs anciennes , et surtout contre le dogme dogmatique explique suffisamment l'insouciance
de la non-imputation , par lequel les réformés avec laquelle ils traitent le baptême des enfants.
prétendent que le péché demeure dans le bap Pour en venir au dogme lui-même, il repose
tisé comme caché et couvert , comme une souil sur la base antique de la tradition que le con
lure voilée , le même concile, disons-nous, a cile de Trente , sess. 7 , c. 1 3 , a consacrée sans
également condamné ces mêmes hérétiques pour retour par sa définition solennelle. Si nous vou
avoir fait du baptême une institution subversive lons consulter les monuments eux-mêmes, nous
de la morale et enseigné que celui qui est bap trouverons il est vrai, peu de faits décisifs dans
tisé n'a besoin que de croire pour être sauvé, les trois premiers siècles, ce qui tient au carac
qu'il est dispensé de ses vœux et de l'observation tère de l'époque ou d'ailleurs la controverse ne
des lois divines et humaines, qu'enfin le sou fut point soulevée. Le plus remarquable est un
venir seul de son baptême suffit pour le justifier concile de Carthage , de soixante-six évêques,
de tous les péchés commis après l'avoir reçu présidés par saint Cyprien , où il fut décidé que
(chap. 6 , 7 , 8 , 9 et 10 de la sess. 7e). les enfants devaient être baptisés. C'était, il est
Ces effets si précieux du baptême sont atta vrai, au milieu du me siècle, en 253 ; mais saint
chés à la qualité de chrétien. Ce n'est donc Augustin , Africain lui-même et si bien instruit
point là un \ain nom ; c'est l'expression même de la croyance catholique, atteste positivement
de tous les privilèges des enfants de Dieu et de dans une lettre à saint Jérôme, que ce décret
BAP ( 591 ) BAP
de Carthage ne fit que sanctionner la tradition trement toutes les fois que ces deux graves in
et l'usage universel. Dès cette époque les té convénients ne seraient pas ou ne seraient que
moignages abondent, et les pélagiens , au com très peu à craindre. Ainsi il est permis de bap
mencement du y' siècle , tout en niant le péché tiser les enfants des infidèles , dans un danger
originel , n'osèrent attaquer le baptême des en évident de mort, comme le pratiquent nos mis
fants. Il ne faut pas confondre avec l'erreur des sionnaires , ou lorsque séparés de leurs parents,
anabaptistes , le sentiment de plusieurs pères , ils est probable qu'ils ne leur seront jamais ren
entre autres deTertullien et de saint Grégoire de dus , ou enfin dans les lieux où les lois de l'es
Nazianze, qui pensaient que, hors le cas de né clavage seraient encore légalement en vigueur.
cessité, il fallait différer le baptême des enfants En dehors de ces positions accidentelles, le con
jusqu'à l'âge de trois ans, ou en général jusqu'à sentement de l'un des parents, du père ou de la
l'âge où ils peuvent comprendre ce qu'ils reçoi mère suffit, ainsi que l'ont décidé Grégoire IX,
vent et les obligations qu'ils contractent. Cette Grégoire XIII et plusieurs conciles. Il faut se
opinion ne met pas en doute la validité du bap souvenir qu'il n'est question ici que des enfants;
tême donné aux enfants : néanmoins elle ne pour les adultes , c'est leur propre volonté qui
pourrait plus se soutenir , ayant été également décide : s'ils demandent le baptême , ils usent
condamnée par le concile de Trente , treize siè d'un droit sacré auquel l'autorité paternelle ne
cles après la décision des évêques d'Afrique peut toucher.
qu'elle avait déjà provoquée. Du reste , le droit Un texte de saint Paul a donné lieu à une
naturel , le droit divin et le droit ecclésiastique, grande controverse , trop peu importante en
font aux enfants ainsi baptisés une triple obliga elle-même pour trouver place ici. Si les morts
tion de ratifier les promesses faites en leur nom, ne ressuscitent point, dit l'apôtre, que font
lorsqu'ils en sont capables par eux-mêmes. ceux qui sont baptisés pour les morts ? On peut
Ici se présente une autre question qui tient voir dans la Bible d'Avignon-, t. xv, les nom
aux principes mêmes du droit naturel. Est-il breuses interprétations de ces paroles, qui ont
permis de baptiser les enfants sans le consente été peut-être l'occasion de la pratique supersti
ment et contre le gré de leurs parents V Pour y tieuse de baptiser les morts eux-mêmes, pratique
répondre convenablement, il faut distinguer les qu'on trouve dans quelques sectes anciennes,
catégories diverses auxquelles ces parents peu et que plusieurs catholiques ignorants avaient
vent appartenir. S'ils sont chrétiens , il ne peut adoptée.
y avoir de difficulté : soumis de droit à la juri Un point plus grave est celui des dispositions
diction de l'Église , ils ne sont fondés en aucune mêmes que les personnes capables de recevoir
manière à faire une telle opposition. S'ils sont le baptême, doivent y apporter. L'Église supplée
hérétiques , c'est la même réponse en principe : pour les enfants ; elle les représente en quelque
l'état de révolte où ils sont n'efface ni le droit sorte comme les parents représentent leurs en
de l'Eglise ni leur devoir de s'y soumettre. Mais fants pour tous les actes dont ils sont encore
il est un cas exceptionnel qui modifie singuliè incapables par eux-mêmes. Il eu est autrement
rement cette décision dans la pratique, c'est des adultes : leur volonté doit coopérer à cette
celui où les enfants seraient exposés à profaner préparation par dés actes positifs. Avant de
leur bnptêrae. Or, c'est la position ordinaire de s'engager et de sanctionner par les promesses
ces malheureux enfants : instruits, élevés au les plus solennelles, un contrat qui leur impose
sein d'une secte, ils sont conduits à une apos de graves obligations, ils doivent s'instruire suf
tasie inévitable. L'application du principe est fisamment ; il faut qu'une démarche qui doit
donc bien restreinte ; elle se réduit à peu près être morale au plus haut degré , soit libre et
au seul cas où les enfants seraient justement éclairée. D'ailleurs , ils reçoivent en retour de
soustraits à l'autorité paternelle. Enfin si les pa grandes faveurs, le pardon de leurs péchés, le
rents sont étrangers à l'Église , juifs , mahomé- droit de participer à tous les biens de l'Église.
tans, idolâtres, infidèles en un mot, le senti Comment leur volonté serait-elle en harmonie
ment commun aujourd'hui est qu'on ne peut avec ces résultats , si elle ne se portait à Dieu
baptiser malgré eux leurs enfants , sans blesser par le repentir et la conversion. Aussi, malgré
le droit paternel , et aussi sans exposer le bap son désir immense d'attirer à elle tous les hom
tême lui-même à la profanation, 11 en serait au mes, et de les enfanter à J.-C. , i'Église a, dans
P.AP ( 592 ) BAP
tous les temps, apporte les plus grands soins tendu que les enfants des fidèles étaient sanc
pour éclairer et éprouver les néophytes , avant tifiés par la foi des parents, et que dès-lors le
de les admettre dans son sein ; et , comme dans baptême n'était plus pour eux qu'un signe ex
les premiers siècles, le baptême était donné sur térieur de leur entrée dans l'Église. Les soci-
tout aux adultes sortis de cette société païenne, niens n'eurent qu'un pas de plus à faire pour
que l'histoire nous montre si corrompue , elle renverser toute la doctrine du baptême. Ils
dut régulariser cette préparation et en faire n'ont vu dans ce sacrement qu'un rit sensible,
S une institution publique. De là les épreuves des vide et indifférent , qu'une pratique arbitraire
Catéchumènes {voyez ce mot). Ces épreuves soumise aux circonstances, ou plutôt aux ca
montrent l'idée que les fidèles avaient alors prices des hommes. Le concile de Trente les a
du baptême et de leur vocation; elles expli frappés d'anathème , en promulguant de nou
quent la sainteté de ces fervents chrétiens et veau la foi des siècles chrétiens. (Sess. vu, c. 5.)
la constance des martyrs. Aujourd'hui et de Dieu ayant fait du baptême la première
puis que le bnptême des adultes n'offre plus condition de notre salut, et voulant d'ailleurs
que des cas individuels, les épreuves, indivi- sincèrement que tous les hommes soient sauvés,
. duelles elles-mêmes, ont cessé naturellement de ne s'est pas contenté de rendre ce sacrement ac
former une institution ; elles demeurent toute cessible à tous , comme nous l'avons vu ; il a
fois les mêmes au fond, étant- fondées sur les voulu encore que , dans les circonstances où il
mêmes raisons , et devant conduire au même ne pourrait être reçu en effet , les adultes sur
résultat. tout, trop souvent coupables de péchés actuels,
§ VII. Nécessité du baptême. — Baptêmes eussent quelque moyen d'y suppléer. Or nous
(supplémentaires) de sang, de désir.—Enfants reconnaissons deux moyens de ce genre , que
morts sans baptême. — C'est un des dogmes les nous appelons baptêmes supplémentaires , le
plus constants de l'Église catholique, que le bap martyre ou baptême de sang , et le baptême
tême est nécessaire d'une nécessité de moyen , de désir. On a fait peu de difficultés sur le pre
comme dit la théologie, c'est-à-dire d'une né mier, même parmi les hérétiques. Entre les or
cessité si absolue , que , hors les cas où il est thodoxes , le cardinal Jacques de Vitry et quel
suppléé par le martyre ou par la charité parfaite, ques autres ont prétendu seulement que ce pri
nul ne sera sauvé , s'il n'a reçu ce sacrement , vilège du martyre de suppléer au baptême d'eau ,
quelque involontaire d'ailleurs que puisse être la ne s'étendait pas aux enfants. Il n'en est pas de
cause qui l'en aurait privé. Cette nécessité se même du baptême de désir, qui a été l'objet de
fonde
conque,et sur
dit-illa ,parole
n'est régénéré
expresse par
de J.l'eau
-C. , et
gui-
le plusieurs controverses. Les théologiens le font
consister dans la contrition parfaite, laquelle,
Saint-Esprit , nepeut entrer dans le royaume jointe au désir du baptême, efface le péché, sans
des deux ( Joan. , in, 5) , et sur le dogme du toutefois remettre toute la peine temporelle.
péché originel. De là cette liaison intime qui ne C'est cette efficacité même que plusieurs ont
permet de séparer ces deux dogmes en aucune contestée, entre autres saint Grégoire de Ka-
manière sans dénaturer étrangement les idées zianze, au ive siècle, et saint Fulgence, an vi*;
chrétiennes. Les manichéens l'ont néanmoins et cette opinion , on la retrouve encore au temps
tenté dans un sens, rejetant le baptême et rete de saint Bernard. Quoi qu'il en soit de ce senti
nant le dogme du péché originel , et les péla- ment d'un très petit nombre, celui de l'Église
giens, dans le sens contraire. Ceux-ci , d'un ca n'est pas douteux. Depuis le vr> siècle, la tradi
ractère beaucoup moins absurde que les pre tion est claire : elle est certaine aussi , quoique
miers, furent toutefois poussés par saint Augus moins évidente, dans les siècles antérieurs; et
tin à cette distinction arbitraire , inouïe dans l'on a toujours bien espéré du salut des catéchu
l'Eglise, du royaume des cieux d'où les enfants mènes surpris par la mort avant leur baptême.
non baptisés seraient exclus , et de la vie éter Mais quel doit être ce désir, explicite ou seule
nelle où ils seraient admis. Parmi les modernes ment implicite? Le sentiment commun décide
hérétiques, Calvin et ses sectateurs ont prouvé en faveur de ce dernier, après saint Thomas.
que l'interprétation privée mettra toujours les En conséquence , tout homme qui , fidèle à la
textes les plus clairs à la merci des systèmes et loi naturelle, et connaissant les vérités du salut
des passions. Cet hérésiarque, en effet, a pré autant que Dieu le juge nécessaire, fait un acte
IUP ( 593 ) BAP
de foi et d'amour de Dieu , avec la volonté d'ac en soit , on ne peut contester que ce ne soit tou
complir d'ailleurs tout ce qu'il lui demandera , jours un grand malheur pour ces infortunés
selon les moyens qu'il en aura reçus ; celui-là d'être exclus du royaume des cieux ; et des pa
aurait le désir implicite et suffisant du baptême, rents chrétiens qui, par une coupable négli
et en recevrait les effets. Et comme Dieu ne re gence, auraient laissé mourir un de leurs enfants
fuse à aucun les premiers secours du moins , il sans baptême, doivent y trouver matière à une
est vrai de dire qu'aucun adulte ne sera privé inconsolable douleur.
de la grâce du baptême, que par sa faute. Il § VIII. Cérémonies du baptême. — L'es
n'en est pas de même des enfants qui meurent sence du baptême consiste dans la matière et la
avant d'avoir été baptisés. N'ayant été aggrégés forme que nous avons fait connaître. Mais l'É
à l'Eglise en aucune manière, il est de foi qu'ils glise a entouré l'administration de ce sacrement
ne seront pas sauvés. C'est un accident, un de plusieurs cérémonies pleines de sens et de
malheur qui les prive d'un don gratuit que mystères. On en trouvera dans les catéchismes,
Dieu ne devait à personne , mais qu'il leur des et principalement dans celui de Trente, avec les
tinait et leur avait préparé , comme à tous les détails, les raisons mystiques, que déjà les Pères
hommes. Il était bien maître sans doute de le avaient données. Les monuments historiques de
subordonner à certaines conditions, à quelques ces diverses cérémonies sont rares dans les trois
lois générales que notre faible intelligence ne premiers siècles. Au milieu des persécutions
peut embrasser dans le système universel de la toujours imminentes , et en présence de la so
création , mais que nous devons croire dictées ciété païenne , elles se tenaient cachées et
par sa sagesse à laquelle il n'a pas moins d'é comme retirées dans l'intérieur du culte chré
gard , dans ses œuvres, qu'à sa bonté. tien. C'est au iv# et au v" siècle qu'elles se
Tout ce qui peut faire une question à cet mettent en évidence , et que les Pères en par
égard , c'est le sort même de ces jeunes victi lent librement. On les retrouve toutes men
mes , entachées du seul péché originel auquel tionnées et décrites dans leurs ouvrages , ainsi
leur propre volonté fut étrangère. Ici encore le que dans les plus anciens sacramentaires , non
dessein de Dieu nous est caché, et la révélation comme des rits récents , mais comme des usa
ne nous apprend rien sur le sort de ces enfants ges antiques et universels dont l'origine se
ainsi exclus du ciel. Les opinions n'en ont eu cache dans les temps apostoliques. Plusieurs
que plus de champ , et nous les voyons toutes d'entre les moins importants de ces usages
s'empreindre naturellement de la couleur des ont été abrogés avec le temps , comme le
erreurs ou des systèmes de ceux qui les ont émi baiser de paix , que le ministre du baptême
ses. Saint Augustin, qui semble l'auteur du donnait au nouveau baptisé en signe de charité
sentiment le plus rigide parmi les catholiques , fraternelle ; et le lait et le miel , symboles de l'en
pense que ces enfants, tout en subissant des fance spirituelle où il entrait par sa régénéra
peines afilictives, ne les éprouvent qu'à un fai tion. D'autres usages ont été seulement modifiés
ble degré. Il n'ose même prononcer que, dans par les circonstances. Ainsi , vu la rareté des
cet état , l'existence ne soit encore pour eux un baptêmes d'adultes , le catéchuménat semble
bienfait. Ainsi , dans cette opinion même , la avoir disparu ; mais on en retrouve tout le fonds
bonté de Dieu n'est pas difficile à justifier. Mais dans les cérémonies du baptême des enfants ,
des théologiens respectables vont plus loin : ils que l'on fait encore catéchumènes immédiate
ne soumettent les enfants morts sans baptême ment avant de leur donner le baptême solennel.
qu'à la peine du dam , et encore plusieurs , tels L'institution du catéchuménat avait introduit
que Gonet , etc. , ajoutent que cette peine , l'usage de n'administrer le baptême , hors le cas
c est-à-dire cette privation de la vision intui de nécessité, qu'à certaines fêtes de l'année. Pâ
tive de Dieu, ne leur cause aucune tristesse, ques et la Pentecôte furent les deux plus univer
pour que Dieu leur laisse ignorer que telle sellement observées, et la liturgie en a conservé
était leur destination. Ces sentiments ne sont de nombreuses traces dans l'office. Les circon
pas certains, il est vrai ; mais ils suffisent pour stances qui ont fait abroger cette institution ,
«ter tout embarras à ceux qui verraient des dif ont également fait disparaître les époques ré
ficultés réelles dans les opinions plus sévères, servées au baptême solennel. Le local où s'ad
qu'ils sont très libres de repousser. Quoi qu'il ministrait le sacrement de baptême a dû se mo-
Encyclopédie du XIX' siècle, t. IV. 38
BAP ( 594 ) BAP
difier lui-même selon les circonstances. Ainsi , un peu plus que nos philosophes modernes, qui
dès le jour où le baptême par infusion fut sub les connaissent si peu , nous ajouterons, disons- ,
stitué au baptême d'immersion , le baptistère nous, que les Pères eux-mêmes ne faisaient
antique, si imposant , céda la place à nos sim point mystère de ces analogies; ils s'en ser
ples fonts baptismaux (voyez Baptistère). vaient tout naturellement pour expliquer aux
Parmi les usages encore vivants, il en est un fidèles les idées chrétiennes , comme nous em
entre autres qui parait aussi ancien que le bap pruntons chaque jour à l'ordre physique les
tême lui-même : c'est celui d'être présenté par comparaisons qui peuvent éclairer l'ordre mo
des parrains et des marraines, que plusieurs ral. Nous n'en citerons qu'un exemple, tiré de
auteurs néanmoins croient n'avoir été introduit saint Ambroise. Il compare à l'athlète le nou
que pour les enfants (voyez Pabbain). Enfin , veau baptisé , et le fait souvenir que , comme
ce fut toujours au baptême que les enfants re lui , il a été , par l'onction , préparé au combat,
çurent leurs noms; mais il ne parait pas, dit mais à un combat tout spirituel : Vnctuses,
Fleury, que les adultes en prissent de nouveaux, dit-il, quasi athleta Chrisli,quasi luctam hujus
même lorsqu'ils portaient les noms de quelques- sœculi luctaturus, professus es luctaminis lui
unes de leurs fausses divinités , comme Denis luctamina ( lib. i , de Sacrant. , c. 11, n° 4).
(Dionysius), etc. Voilà l'idée commune, naturelle, la force signi
Ainsi les usages et cérémonies qui constituent fiée par l'onction. Les Grecs l'appliquèrent à
encore de nos jours l'administration solennelle leurs nouveau-nés , qu'ils oignaient après les
du baptême, remontent tous aux premiers siè avoir lavés. Pourquoi l'Église, ou plutôt pour
cles, nonobstant les variantes accidentelles com quoi l'Esprit divin , le Créateur , le principe
mandées par les circonstances diverses , et très même de toutes les vérités cachées dans son ou
concevables en des points de pure discipline. vrage, n'aurait-il pas fait servir à exprimer cette
On se demande après cela avec étonnement même idée de force dans l'ordre moral chrétien,
comment le protestantisme a pu les méconnaî le rit symbolique qui l'enveloppe ? Nous pour
tre, tout en voulant paraître ne vanter que l'an rions multiplier les exemples, et toujours une
tiquité chrétienne. C'est peut-être là une des philosophie égarée nous répéterait que l'Église a
plus inconcevables aberrations où l'ait jeté la copié les Grecs, les Romains, le paganisme, là
haine de l'Église romaine. Et qu'a-t-il fait pour où la philosophie chrétienne ne voit que la na
se justifier? Il n'a pas craint de calomnier l'an ture sanctifiée. Mais n'oublions pas que si la
tiquité elle-même, et de prêter des armes aux vraie religion nous révèle le système du monde,
ennemis de la Religion. Mosheim, le plus éru- le baptême est la porte de cette même religion,
àk peut-être de toute la secte luthérienne , n'a et qu'ainsi , en nous ouvrant le ciel , il initie en
vu dans un grand nombre de cérémonies, que même temps aux secrets de la sagesse et de la
des emprunts faits à la philosophie platoni véritable philosophie , ceux qui demeurent fi
cienne , ou aux usages des juifs et des gentils. dèles à sa grâce. L'abbé Blanc.
Ce serait, selon hii, par une sage condescendance BAPTÊME (marine). Il y a deux cérémo
que l'Eglise les aurait adoptés dans ses commen nies qui prennent ce nom ; l'une, toute reli
cements , afin de ménager la faiblesse des néo gieuse, l'autre toute bouffonne. Celle-ci, mal
phytes. Partant des mêmes faits aussi mal ob gré le ridicule de ses pratiques , se perpétue à
servés , nos philosophes n'ont vu dans le chris boni des navires de presque toutes les nations,
tianisme qu'une transformation des cultes juif parce que les matelots y trouvent un petit in
et païen. Nos réflexions préliminaires réfutent térêt pécuniaire , et l'occasion précieuse d'wi
suffisamment ces allégations d'une philosophie divertissement. La première de ces cérémonies
superficielle, qui n'a vu que le fait historique est le baptême du vaisseau ; la seconde, le bap
des analogies que nous avons signalées , sans tême des marins et des passagers qui se trou
voir dans l'unité des lois et des divers ordres de vent pour la première fois dans certains para
la création , c'est-à-dire dans la nature même ges, sous de certaines latitudes. Consacrées par
des choses, leur cause fondamentale. Nous ajou une antique tradition navale , on trouve des
terons seulement ici que les Pères, nous disons traces de l'une et de l'autre chez les nations
les plus autorisés dans l'Église, initiés, nous païennes. Une cérémonie appelée lustratio était
semble-t-il , au véritable esprit de ses institutions, pratiquée par les marins de la Grèce et de
BAP ( 595 ) BAP
Rome sur leurs navires , dans le but de placer contre les Turcs , se seraient confessés et au
le bâtiment sous la protection du ciel. Les an raient communié... Une procession générale fut
ciens sacrifiaient toujours avant de se mettre en ordonnée , à laquelle assistèrent tous les chefs
mer ; ils interrogeaient le vol des oiseaux , et s'ils de l'armée et de la flotte... Du haut du maître-
Je trouvaient heureux et de bonne augure, ils autel , le légat , vêtu pontificalement , octroya
procédaient à la purification du navire. Cicéron les indulgences que l'Eglise était dans l'habi
n'hésite pas à dire que P. Claudius , fils d'Ap tude d'accorder aux chevaliers qui allaient à la
puis Caecus, etL. Junius, son collègue , perdi conquête du saint Sépulcre. Don Juan envoya à
rent de grandes flottes pour avoir fait voile en bord de tous les navires, des capucins , des do
dépit des auspices fâcheux qu'on avait recueillis minicains , des franciscains et des jésuites ,
avant leur départ : quum vitio navigâsscnt , pour faire aux troupes de saintes exhortations.
dit-il, parag. xm, livre 1er de Divinatione. La Défense fut faite d'embarquer des femmes ;
purification par l'eau lustrale, usitée dès les avertissement fut donné que le blasphème serait
temps les plus reculés, était pratiquée ainsi, au puni de mort... Le 17, au matin, on fit à terre ,
rapport d'Appien : « On élevait sur le rivage derrière la poupe de la galère royale de son al
des autels dont les pieds étaient baignés par le tesse, un autel sous une riche tente. La messe
flot de la mer ; les navires montés par tous y fut célébrée avec une grande solennité. A l'é
leurs équipages , se rangeaient le plus près pos lévation de l'hostie , toute l'armée poussa des
sible de ces autels ; un silence respectueux ré cris de joie auxquels se mêlaient les noms
gnait sur les vaisseaux ; les sacrificateurs , les saints de Jésus et de Marie , implorés par ces
pieds dans la mer , immolaient de blanches pieux chrétiens. Le bruit de l'artillerie et les
victimes; bientôt après, montés dans des es décharges des arquebuses, les éclats des in
quifs, ils faisaient trois fois le tour de la flotte, struments de musique dont chaque navire était
portant les entrailles des victimes lustrales ; les pourvu , ajoutés au bruit que faisaient ces cla
chefs des navires les suivaient dans une embar meurs, auraient pu faire croire que le jour du ju
cation, priant les dieux que l'effet de cette cé gement suprême était arrivé, et que Dieu allait
rémonie fût de garantir les vaisseaux de tous juger les hommes. Après le saint sacrifice, don
les périls qui frappent les navigateurs impies. Geronimo Manrique, inquisiteur et vicaire-gé
Les prêtres jetaient ensuite dans la mer une néral du pape , descendit de l'autel , et alla de
partie des entrailles consacrées , en invoquant nom eau bénir la flotte ( bolvio de nuevo a be-
Apollon et Neptune , et ils déposaient l'autre nedesir la armada). » — Dans les petits ports
partie sur les autels où elles se consumaient en où se construisent les navires du commerce ,
présence de la multitude qui tirait d'heureux l'usage de la bénédiction des vaisseaux sub
présages de ces sacrifices. » siste encore. La cérémonie y est simple, tou
Le christianisme a consacré cette coutume. chante , et consiste daus quelques prières réci»
Parmi les documents historiques qui ont con tées par le curé du lieu , et répétées avec ferveur
servé le souvenir des cérémonies religieuses au par tous les assistants intéressés au sort du na
trefois en usage dans les ports européens, nous vire, que le prêtre nomme et bénit avant qu'il
choisirons de préférence le passage suivant , tra ne descende du chantier dans la mer.
duit de don LorenzoVander Hammon, l'auteur Il serait difficile de dire à quelle époque re
de Don Juan de Austria, publié à Madrid , en monte l'usage du baptême des navigateurs no
1627 (il s'agit du départ de la flotte chrétienne vices , dans de certains parages. 11 est probable
qui allait faire voile de Messine pour aller livrer que lorsque les anciens doublaient un cap dange
la bataille de Lépante) : « Odescalchi, évoque de reux , traversaient un détroit difficile, entraient
Pena, donna à tous les soldats des reliques, des dans une des mers célèbres par quelques cata
chapelets bénits, à la possession desquels étaient strophes , ils offraient un sacrifice d'actions de
attachées beaucoup d'indulgences. Son altesse grâce , ou que , du haut de la poupe , ils répan
reçut, entre autres présents du légat, un aynus daient du vin daus la mer pour se rendre Thétis
Dci d'une admirable beauté et d'une grandeur et Neptune favorables. Probablement aussi il y
extraordinaire. On publia un jubilé , par le avait une initiation pour les jeunes naulœ, qui
quel Sa Sainteté remettait tous leurs péchés à faisaient les frais des sacrifices offerts aux dieux
tous ceux qui , faisant partie de l'expédition marins, dans les passages périlleux. Le baptême,
BAP ( 596 ) BAP
encore aujourd'hui pratiqué sows la ligne et aux un frison de vin à chaque gamelle. » — An
tropiques, ne saurait avoir d'autre origine. Au xvne siècle, en France et en Angleterre, le
xvie siècle , l'antique fête était célébrée par les baptême consistait en une véritable cale. On
marins dieppois , avec un cérémonial qui leur montait le néophyte au bout d'une vergue, et on
était particulier, je pense ; car je ne l'ai vu men le plongeait dans la mer de cette hauteur.—
tionné nulle part que dans le journal écrit à Quand un vaisseau fait son premier voyage , ii
bord de la Pensée, navire que montait Jean est baptisé comme les hommes sous les tropi
Parmentier, en 1529. Le rédacteur de ce jour ques et sous la ligne. Le capitaine rachète tou
nal , que je crois être l'astrologue de la Pensée, jours le baptême par quelque argent, et par
s'exprime ainsi : « Le 1 1 , au matin , furent faits une distribution de vin; sans ce rachat, les ma
chevaliers environ cinquante de nos gens , et telots auraient le droit d'aller à coups de hache
eurent chacun l'accolée en passant sous l'é- attaquer et défigurer l'éperon du bâtiment. Ce
quateur, et fut chantée la messe de : Salve , droit ressemble au droit de charivari , et à quel
sancta parens, à notes, pour la solennité du ques autres vieux privilèges du peuple qui lut
jour ; et prinsmes un grand poisson nommé tent aussi contre la civilisation dans ces mêmes
albatori , et des bonites , dont fut lait caudière localités , et qui , venus d'origines raisonnables
pour le souper en solcmnisant laféte de cheva et religieuses , ont dégénéré et sont mainte
lerie. » Maintenant on ne fait plus de chevaliers nant, par leur cynisme, tout-à-fait en dehors
delà mer; onjoue sur le pont du navire une farce des mœurs de nos villes les plus policées. Le
grossière, moitié chrétienne, moitié païenne , charivari a été supprimé à bord des bâtiments
qui aboutit à l'immersion dans de grands ba de guerre français ; le baptême y subsistera
quets , de tous les néophytes dont la bourse ré probablement encore longtemps; il consacre un
calcitrante ne s'ouvre pas à l'avare appétit du jour de saturnales dont les matelots sont très
bonhomme Tropique. Quelques pièces de mon jaloux , et qu'on autorise pour distraire un peu
naie rachètent de ce baptême appelé ducking les équipages de leurs travaux si continuelle
(plongemeut) par les Anglais, qui le pratiquent ment pénibles. A. Jal.
sous la ligne et les tropiques , et au détroit deGi- BAPTES ( hist. anc. myth. ). Prêtres athé
braltar, ces colonnes d'Hercule, que les anciens niens impudiques et voluptueux, qui se dé
ne durent pas franchir sans sacrifier à Apollon, vouaient au culte de Cotys ou Cotytto , déesse
à Neptune , à Nérée et aux autres déités mari de la lubricité , et dont tous les rites paraissent
times. Tout le monde sait maintenant comment avoir consisté en danses obscènes qui s'exécu
se fait la cérémonie du baptême sous la ligne ; taient la nuit. On les appelait Baptes, parce
plusieurs écrivains en ont donné les détails {voir qu'ils se baignaient et plongeaient dans l'eau
Aubin , page 64 , Scènes de la vie. maritime , pour se purifier sans doute de leurs souillures
1er vol. pag. 295 ; la France maritime , etc.). nocturnes.
Dans la marine suédoise , le baptême (dopning) Eupolis ayant composé sa comédie des Baples
fut supprimé par le Code de Charles XI, publié pour les railler , ils se vengèrent de lui eu le je
en 1667. Le chapitre xx de ce Gode maritime tant à la mer, et ils tirent subir, dit-on, plus
défend expressément au capitaine d'un navire tard , le même sort à Cratinus , autre poèteathé-
qui passera le Kollen, ou quelque autre cap ou nien qui avait composé , dans un but sembla
lieu où l'on avait la coutume de baptiser, de ble , une comédie sous le même titre.
souffrir que ce baptême ait lieu. Mais, par com Juvénal décrit les baptes en deux vers :
pensation aux droits que perdent les matelots , Talia secretà colucrunt orijia tœdà,
de rançonner les passagers , le capitaine doit Cecrnpiam sotM Baptœ lassare Cotytto.
donner un pot de vin par chaque homme qui Parmi les pratiques auxquelles se livraient
n'a pas encore fait le voyage qui donnait lieu au les baptes , on remarque celles de se peindre le
baptême. Il y avait une disposition analogue à corps de diverses couleurs, particulièrement les
celle-là dans les statuts de la compagnie des sourcils, et de se déguiser en femmes dans
Indes orientales, en vigueur vers 1 670 en Hol leurs cérémonies. P. H.
lande : « L'extravagance , si continue du bap BAPTISTA le Vebcellais, dont l'auteur
tême , y est-il dit , est retranchée ; mais au lieu de l'histoire littéraire du Vercellais a en vain
de cela, on permet que l'équipage se fasse payer cherché le nom de famille , obtint quelque ce
BAP ( 597 ) BAP
lébrité comme médecin et comme chirurgien ils ne purent résister aux tourments , et ils fu
au xvie siècle. Il fut l'ami et le confident du rent par leurs aveux convaincus d'attentat con
cardinal Alphonse Pétrucci Borghèse, fils de tre la vie du pape (1517), et condamnés à être
Pandolfe Borghèse. Les historiens Guieciar- frainés par toute la ville , tenaillés , et ensuite
dini, Giovio, Bellini, Bapon et Sismondi, ont étranglés et écartelés dans le château Saint-
raconté la procédure et la mort cruelle infligée Ange.
à ce malheureux chirurgien ; mais ils n'ont pas L'historien Bellini Vereellais croit que le chi
connu la médaille qui avait été frappée en son rurgien Baptiste fut sacrifié par l'envie de ses
honneur, avec cette légende du coté du por collègues , et le savant Sismondi , qui embrasse
trait : Baptista vercellcnsis medicinœ parens, la même opinion , fait observer que le célèbre
et de l'autre, languentiumfides, spes et cari- Baptiste n'avait jamais été à Borne avant cette
tas , avec les effigies dites des trois vertus , au accusation, et que les recommandations d'Al
milieu. Cette médaille , qui est conservée aux phonse Borghèse étaient étrangères aux démêlés
archives de la cour à Turin, appartenait au de celui-ci avec le pape. Il est, en effet, diffi
baron Vernazza, qui a eu la complaisance de cile de supposer que Léon X, dont la clair
la prêter à l'historien du Vercellais, par qui voyance était notoire , pût avoir l'idée de se
elle a été publiée à la page 262 , tome II de confier à un chirurgien qu'il savait être confi
son ouvrage. Ce document prouve quelle était dent du cardinal Alphonse son ennemi. Le chi
la renommée du chirurgien Baptiste, qui fut rurgien Baptiste a été fréquemment désigné sous
appelé le père de la médecine. Il dut probable le nom de Vcrcelli , qui cependant ne fut pas
ment l'honneur de cette médaille au cardinal le nom de sa famille. G. G. V.
Alphonse , qui voulait le mettre en crédit au BAPTISTÈRE {lilurg.). On appelle ainsi
près du pape. La guerre d'Urbin n'était pas en le local destiné à l'administration du baptême.
core finie lorsque la cour de Borne fit la dé Dans les premiers siècles , les rivières , les fon
couverte d'une conspiration contre les jours de taines, toutes le* masses d'eau où l'on pouvait
Léon X ; conspiration dont le chef était Al pratiquer l'immersion, servaient de baptistères.
phonse Pétrueci , frère de celui qui avait agi Du temps de» persécutions , on eut sans doute
avec tanj d'ardeur pour l'élection du pape. Al dans les maisons privées, dans les lieux de re
phonse , irrité contre le pape , qui l'avait fait traite des chrétiens , des préparations très sim
chasser de Sienne , et qui avait confisqué ses ples pour cette cérémonie. Mais lorsque l'Eglise
biens, disait souvent dans sa fureur qu'il était se vit libre , et que de beaux édifices s'élevèrent
tenté de se jeter quelque jour sur le pape avec pour le culte , on en destina un au baptême;
un stylet en plein consistoire. Ces imprudents séparé de la basilique, il renfermait dans sa
propos l'avaient obligé à s'éloigner de Borne ; on vaste enceinte , outre le réservoir , des autels où
saisit ses lettres et on prétendit que son projet les nouveaux baptisés recevaient la confirma
était de faire venir de Florence le chirurgien tion et l'eucharistie , et tous les objets servant à
Baptiste le Vercellais pour soigner Léon X, et l'administration de ces sacrements. Le bassin,
en même temps pour faire empoisonner par lui vaste lui-même , vu le grand nombre des caté
la fistule dont ce pape était tourmenté. Pendant chumènes réservés au baptême solennel, était,
que l'on instruirait la procédure, Alphonse, au moyen d'une cloison prise à sa base, divisé
muni d'un passeport de l'ambassadeur d'Espa dans toute sa largeur en deux parties , l'une
gne , devait rentrer à Borne ; mais ces préten destinée aux hommes et l'autre aux femmes.
dus projets ayant été découverts, comme nous Celles-ci étaient assistées par des diaconnesses
l'avons dit, Alphonse fut arrêté et mis dans le éprouvées , et un grand voile étendu les séparait
château Saint-Ange avec le cardinal de Sanli de l'évèque qui prononçait les paroles sacra
Bandinello Genevois. On envoya de suite l'ordre mentelles. Fleury (Mœurs des chrét., n° 36 )
à Florence d'arrêter le chirurgien Baptiste , et nous a laissé une description détaillée de cet
quelques autres que l'on regardait comme ayant édifice. Ce fut vers la fin du vie siècle que le
trempé dans la conspiration. baptistère devint partie intégrante de l'église
Le procès fut instruit dans le plus grand se ou basilique. On trouve dans les siècles suivants
cret et avec sévérité. Les prisonniers furent une église en chaque région , dans les villes
séparément interrogés ; soumis à la question , comme dans les campagnes , consacrée à la ce
BAP ( 508 ) BAQ
réraonie du baptême. Ces églises baptismales même forme qu'aujourd'hui, et était aussi décoré
dont parlent plusieurs conciles, se désignaient , de colonnes de porphyre ; il a été restauré par
dans le langage du temps, par le mot plèbes , Grégoire XIII et Urbain VIII. Les fonts baptis
églises pour le peuple, pour tous les fidèles^ maux sont formés par une urne antique de ba
l'évêque les consacrait à cet usage, et il y avait salte ; ils sont au milieu d'un emplacement cir
défense de baptiser dans les autres. Ces mêmes culaire pavé de beaux marbres , et où l'on des
églises étaient peut-être déjà ou devinrent tout cend par trois degrés. Cet emplacement est en
naturellement les églises paroissiales, qu'on touré d'une balustrade octangulaire , et couvert
pourrait appeler encore aujourd'hui les églises d'une coupole soutenue par deux rangs de co
du peuple, des fidèles, plèbes , pour les distin lonnes superposées. Les huit premières colon
guer des églises conventuelles, collégiales et nes, qui sont de porphyre, portent un entable
autres de fondation particulière (voy. Ducange, ment antique , sur lequel posent les huit autres
verbo plèbes) . Ou trouve dans Pline (lib. 11, qui sont de marbre blanc.
Epist. xvn ), le mot de baptistère, baptiste- Nous croyons aussi qu'on ne peut voir autre
rium , employé pour signifier le bassin où l'on chose qu'un baptistère dans la chapelle circu
prend le bain; les chrétiens n'eurent pas de laire de Sainte-Constance, près de Sainte-Agnès
raison de chercher un autre terme pour expri hors-les murs.
mer une destination analogue , mais toute sanc Le baptistère de Florence passe à tort pour
tifiée. Depuis, le mot et la chose ont été modi avoir été un temple de Mars ; l'origine de cet
fiés. L'usage de baptiser par infusion dans l'é édifice octogone remonte au temps de la domi
glise latine ayant simplifié l'administration du nation lombarde. 11 est surtout célèbre par ses
baptême, le baptistère a dû se simplifier lui- trois portes de bronze, dont l'une , de Lorenzo
même. 11 n'a plus été qu'une grande cuvette ou Ghibcrti , était, au dire de Michel-Auge, digne
bénitier placé vers l'entrée de l'église parois de fermer le paradis.
siale, dans un lieu ordinairement fermé par une Le baptistère de Pise fut bâti de 1 1 52 à 1 160,
grille. Ce sont nos fonts baptismaux. On a par Dioti Salvi. Il est de forme circulaire; au
donné autrefois et on donne encore aujourd'hui centre est la grande cuve octogone de marbre ,
dans un sens devenu vulgaire , le nom de bap divisée en cinq cavités. La chaire est le chef-
tistère au registre où sont inscrits les bap d'œuvre de Nicolo Pisano ; elle est d'un mar
têmes. L'abbé B. bre presque transparent, et soutenue par neuf
BAPTISTÈRE (arch.). On vient de voir petites colonnes de granit oriental , posées sur
que, dans les premiers temps du christianisme, des lions; ses bas-reliefs représentent le juge
on avait coutume de construire des édifices spé ment dernier. Nous citerons encore le baptis
cialement destinés à l'administration du bap tère de Pistoja ; il est hexagone , revêtu de mar
tême , et que pour cette raison on nomma baptis bres blancs et noirs ; sa partie supérieure est en
tères. Cet usage se perpétua même après qu'on tourée d'une rangée de colonnettes ; les angles
eût commencé à placer quelquefois les fonts sont surmontés de clochetons, et la coupole
baptismaux dans le vestibule extérieur des égli hexagone se termine par une élégante campa-
ses ; on l'a conservé dans les villes épiscopales nille. E. B—n.
de Toscane , et dans quelques autres villes de BAPTISTIN (Jean-Baptiste Stkcck , dit),
l'Italie , telles que Ravenne et Rome. Les bap né à Florence, bon musicien et compositeur
tistères étaient généralement ronds ou octogo distingué. Il fit jouer trois ouvrages à l'Opéra de
nes ; au centre était un enfoncement où l'on des Paris , où il exécutait à l'orchestre la partie de
cendaitpar quelques marches, pour entrer dans violoncelle, instrument dont il jouait d'une ma
l'eau , lorsque le baptême s'administrait par im nière admirable, et qu'il fit connaître le premier
mersion. Plus tard, ce même lieu reçut l'urne en France. Il mourut en 1760.
où se conservait l'eau du baptême. BAQUET, petit cuvier rond, évasé par le
Le plus ancien baptistère qui soit parvenu haut, et pourvu dans sa partie supérieure de
jusqu'à nous est celui de Saint-Jean-de-Latran deux oreilles ou poignées. Les tonneliers qui
à Rome, qu'on prétend avoir été construit par fabriquent ces ustensiles emploient ordinaire
Constantiu-le-Grand , en 32S. Il est certain qu'il ment à cet effet de vieilles douves reblanchies,
existait déjà au V siècle, et qu'au ixB il avait la et se servent des mêmes instruments et proce
BAR ( 599 ) BAR
dés que pour les autres objets de leur commerce. s'étendait pas au-delà de quarante-cinq lieues;
Les baquets sont d'un usage journalier dans les il ne présentait guère plus de douze a quinze
ménages et dans les ateliers. Certaines mar lieues en largeur. La Meuse le partageait en
chandises, telles que le beurre salé, le miel , la deux portions bien distinctes, d'où vint d'abord
colle de peau ou de pâte , etc. , se vendent dans le nom de Barrois français et de Barrois lorrain ,
des baquets, qui changent de nom suivant leur et plus tard, de Barrois mouvant de France et
grandeur ou leur forme. de Barrois mouvant de Lorraine ou «on mou
Le mot baquet désigne encore plusieurs sortes vant. Du sud-ouest au nord-est , le duché de
de vases employés dans différentes industries , Bar s'appuyait sur l'évêché de Toul , la Lor
tels que la pierre creuse où les imprimeurs pla raine ; du nord-ouest au nord-est , il confinait
cent leurs formes pour nétoyer les caractères ; à la Champagne, au Clermontois, auVerdunois,
la caisse dont les graveurs se servent pour faire au Luxembourg ; la Champagne seule le bornait
mordre l'eau forte sur le cuivre ; le grand vais à l'ouest , comme à l'est , la Lorraine.
seau de métal rempli de cendres chaudes que On retrouve dans les ruines de quelques villes
les doreurs emploient pour faire sécher la do du Barrois, la trace d'une ancienne civilisation
rure. Les chaudronniers donnent aussi ce nom par les Romains. Compris dans la Gaule belgi-
à un vase de cuivre non terminé, et les carriers que, le Barrois a dû être habité par les Vendu-
à une civière creuse dont ils se servent habi nenses, les Lecceci et les Medorematrici. Au
tuellement. y siècle, il se trouva sur le chemin des barba
On sait que le célèbre Mesmer se servait pour res, et paraît avoir été alors une des barrières
ses expériences magnétiques d'un baquet au de la Gaule les plus énergiquement défendues
tour duquel il a vu les personnages les plus dis contre les peuples du nord; peut-être même
tingués de son temps venir successivement se est-ce là l'étymologie de la désignation Aepagus
ranger. ( Voyez Magnétisme.) Barrensis, sous laquelle il fut compris dans
BAQUETURES. Généralement on appelle l'ancien Leucois. Le monosyllabe bab , qui , de
ainsi le vin qui tombe dans le baquet placé sous ce côté de la France, vers le V siècle , se trouve
la pièce lorsqu'on la met en bouteilles; Iesdébi- joint au nom d'un grand nombre de forteresses,
tans confondent encore sous ce nom tout ce qui semble au reste révéler tout un système de ré
versé en trop dans la mesure est reçu dans la sistance organisé, dans le nord-est de la Gaule.
cuvette de leur comptoir d'étain. Dans les mai Toutefois, les Huns finirent par se rendre maî
sons particulières , les baquetures sont passées tres du pays , et plusieurs de leurs hordes s'y
à la chausse et bues avant les autres bouteilles ; fixèrent. Un dur esclavage pesa dès-lors sur ses
la partie épaisse est employée à récurage de la habitants, jusqu'au moment où le Barrois fut
batterie de cuisine. Dans le commerce , on s'en enclavé dans le royaume d'Austrasie.
sert pour remplir les pièces en vidange , ou bien Ce fut à Thionville, sur la lisière du Barrois ,
on les vend au vinaigrier. Lorsqu'elles ne sont et peut-être alors dans le Barrois même , que
pas trop éventées, celui-ci, après les avoir fil s'effectua le second partage de l'empire carlo-
trées , les revend aux cabaretiers les plus infimes. vingien entre les trois fils de Louis-lc-Débon-
Dans le cas contraire , il fait du vinaigre avec naire : Lothaire, Louis-le-Germanique, Charles-
la partie la plus claire , et de la moutarde avec le-Chauve (843). U est notoire qu'en vertu de
la lie. ce partage, Charles obtint tout le pays compris
BAR, BARROIS. C'est sous le nom de entre la mer Britannique et la Meuse, et Lo
Babbois, ou de comté, puis de duché de Bah, thaire, toutes les terre d'entre l'Escaut, le Rhin
qu'on a désigné , pendant quatre siècles envi et la Meuse. A cette époque, le Barrois se trouva
ron, la portion de notre territoire qui comprend donc divisé en deux parties, qui durent se con
aujourd'hui, non-seulement le département de sidérer comme étrangères l'une à l'autre. Une
la Meuse, mais encore la lisière orientale du dé seule de ces parties, et non tout le Barrois,
partement de la Marne, et une bonne partie du comme on l'assure communément, dut con
département de la Meurthe. Verdun , qui se courir à former ce qu'on appela d'abord en
trouve au centre du département de la Meuse, langue tudesque la Lotherreich , et plus tard ,
formait une petite principauté séparée. en langue romane la Lohierreyue, et par abré
Le Barrois, dans sa plus grande longueur, ne viation , Lorraine, Pendant longtemps , les
CAR ( 600 ) CAR
comtes de Bar s'inquiétèrent peu de leur vassa fit prisonnier le vassal rebelle, et ne lui rendit sa
lité à l'égard du roi de France ; mais Philippe- liberté qu'après avoir obtenu de lui l'hommage
le-Hardi les rappela plus tard à la soumission. et une forte rançon (1113). Pendant les vingt
Ce n'est guère qu'à partir du milieu du x° siè années qui suivent, Benaud emploie toute son
cle que les comtes de Bar, contemporains de nos énergie à réduire les Verdunois. Enfin , épuisé
premières origines franques , et jusque-là con par une lutte sans résultat, il se désiste et aban
nus seulement sous le nom de comtes de Pont- donne tous ses droits prétendus, en échange de
à-Mousson , peuvent mériter d'appeler l'atten Clermont en Argone, de Ham et de Sainte-Mé-
tion de l'histoire. néhould. Ce Benaud suivit Louis VII dans sa
La succession de la maison de Bar comprend , croisade en Orient , et revint mourir ensuite à
de 954 à 1419, seize comtes et quatre ducs, Pont-à-Mousson.
dont le dernier fut Bené d'Anjou , depuis roi de Hugues, Benaud II, Henri I", portèrent
Sicile et comte de Provence. Il était neveu de aussi en Palestine la bannière des comtes de
Louis, cardinal , évêque de Châloris , qui l'in Bar. Le dernier, surtout , par des prodiges de
stitua héritier de son duché de Barrois et de ses valeur, lui conquit , à la suite de Philippe-Au
autres états et seigneuries, par lettres données guste, le plus viféclat dont elle ait jamais brillé.
à Saint- Michel, le 13 août 1419. Voici quel Par lui la maison de Bar eut son héros chré
ques détails sur les principaux d'entre eux. tien. Thibaut Ier figure dans la croisade des Al
Ferri , le premier comte de Bar, dont le nom bigeois. Voici le portrait que le moine Alberin
énergique vaut tout une biographie, peut être nous a tracé de Henri II : Virjuvenis œtale,
considéré comme le héros fondateur de cette animo senex, virtute et forma venustus; mais
maison. Il purgea le pays des derniers reje il ne faut pas s'y fier, et Henri II nous parait
tons de la race des Huns , dégénérés en bri avoir été un rude compagnon , comme ses pré
gands, et rasa un très grand nombre de forte décesseurs. Dans une seule excursion en Lor
resses qui leur servaient encore de repaire. raine , il incendia pour sa part soixante-et-dii
Ferri avait reçu l'investiture du comté de Bar, villages. Parmi les bonnes et fortes épées qui
d'Othon , roi de Germanie , en faveur de son fondèrent à jamais à Bouvines notre nationalité
mariage avec Béatrix, nièce de ce prince et française, nous devons dire qu'il faut distinguer
sœur de Hugues Capet. En 955, le comté de la sienne entre toutes. Henri fit aussi son pèle
Bar, tout en conservant son existence propre , rinage de la terre-sainte , en 1239. L'année de
se trouva réuni au duché de Haute-Lorraine, son départ , il périt à la suite d'un combat entre
dont Ferri fut créé duc bénéficier par Brunau, Joppé et Jérusalem.
archevêque de Cologne et son beau-frère. On C'est pendant cette période d'un siècle et
fait honneur à Ferri de la construction du châ demi environ, que le peuple du Barrois, ina
teau de Bar (964). Ce château devait protéger perçu jusqu'ici , commence à apparaître dans
les habitants du Barrois contre les fréquentes l'histoire de ce petit état. Encouragés par des
incursions des Champenois. franchises, les habitants les plus aisés viennent
A l'avènement de la comtesse Sophie , le s'établir autour du château; partout, sur les
comté de Bar fut détaché du duché de Lorraine, coteaux environnants, les forêts font place aux
auquel nous ne devons le trouver de nouveau habitations. On fonde la ville haute , probable
réuni que quatre siècles après. Par son mariage ment sur le même emplacement d'une autre
avec Louis, comte de Pont-à-Mousson et de ville de Bar, qu'un ancien texte nous montre
Montbelliard , Sophie réunit au Barrois, les existant déjà sous Childéric , au ve siècle. La
comtés de ce nom. Thierri II agrandit pour sa ville haute de Pont-à-Mousson dut sa naissance
part l'héritage maternel du comté de Verdun , à Henri II, et sous Thibaut II, successeur de
qui lui fut conféré par l'évêque de la ville de ce celui-ci, on la voit s'augmenter de la ville
nom; mais sous Benaud I", ce fief fut détaché neuve.
de l'apanage de la maison de Bar, par Bicher, Bien qu'en droit le Barrois d'en deçà de la
évêque de Verdun , qui le donna au comte de Meuse fût sous la dépendance des rois de
Luxembourg. Benaud, voulant recouvrer ce fief, France, les comtes de Bar prétendaient que
déclara la guerre à son ancien suzerain. L'empe leurs terres ne relevaient que d'elles-mêmes. Eu
reur Henri V, accouru au secours de l'évêque , 1301 , le comte Henri in ayant pris parti pour
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Edouard I", roi d'Angleterre, contre Philippe- neterie , etc. ; on y fait un grand commerce de
le-Hardi , la reine Jeanne de Navarre se porta à fers, de planches, et le transport de toutes ces
sa rencontre dans la Champagne, qu'il venait marchandises donne à son petit port beaucoup
d'envahir, le battit complètement , le fit prison d'activité ; ses confitures de groseilles sont très
nier, et l'enferma à Bruges. Il ne recouvra sa renommées. Les vins de Bar sont aussi généra
liberté qu'en signant dans sa prison un traité lement estimés.
dans lequel il rend formellement hommage au Bar-le-Duc possède un collège, une biblio
roi de Frauce du comté de Bar avec sa chitel- thèque, une salle de spectacle, une société d'a
lenie et tout ce qu'il y tenait en franc-alleu griculture et des arts. Ses environs, qui sont
par-deçà la Meuse: de plus, la connaissance très pittoresques , abondent en eaux minérales ,
des appels des jugements rendus par les bail forges et fossiles curieux. Cette ville est à 62
liages de Bar et de Bassigny appartint désormais lieues E. de Paris, 12 lieues 0. de Toul et 1G
aux rois de France. Ces derniers remirent plus n'eues 0. de Nancy.
tard cette juridiction au parlement de Paris. BAR-SUR-AUBE {gêogr.) , sous -préfec
En 1354 , sous Bobert, frère d'Edouard II , ture , tribunal de première instance. Cette ville
le comté de Bar fut érigé en duché par le roi est située au bas d'une colline à 8 lieues N. E.
Jean-Ie-Bon. L'année précédente, la seigneurie de Bar-sur-Seine, 58 lieues E. de Paris. Un
de Pont-à-Mousson avait été élevée par Char combat sanglant fut livré dans ses environs, en
les IV au rang de marquisat. Enfin , en 1431 , 1814, entre les Français et les armées coalisées.
cet apanage , cédé par le cardinal Louis à son L'on retrouve encore autour de cette ville quel
petit-neveu René d'Anjou , beau-fils de Char ques restes des épaisses murailles qui furent
les U, est annexé à la Lorraine, et il partage autrefois détruites par les hordes d'Attila. Sa
désormais les destinées de ce pays. population est d'environ 4,000 habitants. On y
A Bar, à Saint-Mihiel , à Clermont en Argone, fait le commerce des céréales et des vins du
à Étain , les comtes de Bar frappèrent monnaie. pays. On y fabrique des poteries, des tuiles,
Sur celles de ces pièces que l'on retrouve en de la verrerie.
core, on remarque deux bars (espèce de poisson BAR-SUR-SEIIVE (géogr.), chef-lieu de
d'eau douce ) ou barbeaux adossés. Les armes sous-préfecture , siège d'un tribunal de première
mêmes de Bar sont ainsi blasonnées ; ces der instance. Cette petite ville est moins peuplée et
nières étaient partie d'azur, semées de croix mieux bâtie que Bar-sur-Aube ; elle possède de
croisettées au pied fiché d'or. jolies promenades et un beau pont en pierre.
Plus penser que dire, telle était la devise des L'industrie et le commerce y sont à peu près les
ducs de Bar. C'est en restant fidèles à ce prin mêmes qu'à Bar-sur-Aube. On y exploite en
cipe qu'ils purent pendant près de quatre siècles outre des carrières de marbres jaunes très va
(954-1431) maintenir intact un héritage perpé riés. 2,050 habitants.
tuellement convoité par les comtes de Champa BAR ( ichth. ). Sous-genre de poissons de la
gne et de Lorraine. Is. .Tassogne. famille des Pebcoïdes ( voy. ce mot ), dans la
BAR-LE-DUC (gêogr.), chef-lieu du dé classification de G. Cuvier , en prenant pour type
partement de la Meuse , siège de tribunaux de une espèce désignée sous ce nom vulgaire par
première instance et de commerce. Cette ville les pêcheurs des côtes de France voisines de la
est située en partie sur le penchant d'une col- Loire et de la Garonne , tandis que les pêcheurs
liue dont le pied est arrosé par l'Ornain , d'où du littoral méditerranéen de la France le nom
lui vient le nom de Bar-sur-Ornain. Cette situa- ment loup ( lupus ) . Cette espèce , qui est le bar
lion l'a fait aussi diviser en haute et basse ville. commun d'Europe dont nous donnons ici la fi
Elle s'appelait autrefois Bar -le -Duc, parce gure , était déjà connue d'Aristote et d'Appien
qu'elle était la capitale d'un duché dont le ter sous l'appellation de labrax , et les Romains, sui
ritoire formait la petite contrée du Barrois. vant Pline , lui donnaient le nom de loup ( lu
La population de Bar-le-Duc est aujourd'hui pus ), d'où sont dérivés ceux de loups de mer ,
de 14,200 Ames. Son industrie est très active : de loubine en France , de lupo en Espagne , de
ses nombreuses filatures livrent au commerce Louvazzo à Gênes. Sonnini l'a décrit d'après
P'us de 500,000 kilogrammes de coton; on y Lacépède sous le nom de centropome loup. On
fabrique des siamoises, des calicots, de la bon trouve dans l'histoire naturelle de cet auteur
BAR ( 602 ) BAR
beaucoup d'autres noms donnés au bar commun. delet sont la tendreté et la saveur plus agréable
Nous croyons devoir les passer sous silence et de la chair des loups , qui se nourrissent bien
nous borner à faire remarquer que G. Cuvier a mieux dans une eau saumâtre que dans des eaux
rectifié beaucoup d'erreurs commises par les très salées. Mais il reste à déterminer dans ce
ichthyologistes au sujet de ce poisson. cas , si la meilleure qualité de la chair de ce
poisson est due à la variété, à l'abondance et à
l'espèce des aliments , ce qu'il serait facile de
vérifier dans ces localités.
La pêche du bar commun se fait soit à la
ligne , soit avec plusieurs sortes de filets , pen
dant toute l'année, et surtout vers la fin de l'été.
A cette espèce de bar si généralement connue,
G. Cuvier en ajoute cinq autres , savoir : le bar
Les caractères du bar commun d'Europe allongé ( charusch des pêcheurs de Damiette ,
(pcrco labrax , L., labrax lupus, Cuv. ) sont : carousse des matelots marseillais ), le bar rayé
1 0 nageoire caudale eu croissant ; 2° mâchoires des États-Unis , un autre petit bar d'Amérique,
armées de dents courtes et pointues , l'inférieure le bar de Waigiou ( Less. etGarnot ) , et leésr
un peu plus avancée que la supérieure ; deux japonique.
orifices à chaque narine ; bouche ample ; 3° li C'est avec ces six espèces que G. Cuvier con
gne latérale droite ; couleur du corps argentée,, stitue le sous-genre bab , auquel , pour le distin
avec des reflets d'un bleu céleste sur le dos ; les guer des perches , il assigne les caractères sui
deux nageoires dorsales d'un rose tendre , les vants : 1° des opercules écaillés, terminés par
pectorales jaunâtres et les ventrales d'une teinte deux pointes épineuses; 2" une langue couverte
de paille ; une tache noire sur la pointe posté d'âpretés ; 3° un corps plus allongé et argenté.
rieure des opercules. G. Cuvier a fait connaître Le bar rayé ( labrax lineatus , Cuv. ) est très
qu'on distingue très-bien les femelles des mâles commun sur les côtes de New-York , et il est
du bar commun , au moyen de taches dissémi aussi estimé aux États-Unis que le bar commun
nées sur le corps dans les premières , tandis en Europe. L t.
que les mâles n'en offrent jamais , même dans BARAC, fils d'Abinoëm , de la ville de Cé
le jeune âge. dés, dans la tribu de Nephthali , fut appelé au
Mœurs. Ce poisson recherche l'embouchure nom du Seigneur par la prophétesse Déboni,
des fleuves et nage près de la surface de l'eau. pour délivrer les enfants d'Israël que Jabin, roi
11 fraie et dépose ses oeufs deux fois par an et des Chananéens, opprimait depuis vingt ans.
près des rivages. Il est très hardi , très vorace, Débora dit à Rarac : Le Seigneur, le Dieu d'Is
et sè nourrit de petits poissons. C"est probable raël, vous donne cet ordre : Allez, prenez avec
ment cette voracité qui lui a fait donner par les vous dix mille combattants des enfants de Neph
anciens le nom de loup. Sa taille , dans les plus thali et de Zabulou , et menez-les sur la monta
grands individus , est de trois pieds environ , et gne de ïhabor. Quand vous serez au torrent de
il pèse alors près de trente livres. Cison , je vous amènerai Sisara , général de
Sa chair est très recherchée. D'après Athénée, l'armée de Jabin , avec tous ses chariots de
les Grecs l'estimaient beaucoup , surtout quand guerre et toutes ses troupes , et je vous le livre
le loup avait été pris autour de Milet. Ce poisson rai entre les mains. Rarac répondit à Débora:
figurait aussi sur les tables des anciens Romains, Si vous venez avec moi , j'irai. Si vous ue vou
dans les grands festins. Pline rapporte que les lez point venir avec moi, je n'irai point. Dé
loups pris dans le Tibre , entre les deux ponts , bora lui dit : Je veux bien aller avec vous. Mais
étaient réputésles meilleurs. Ceux qui habitaient la victoire, pour cette fois, ne vous sera point
le voisinage de l'embouchure des fleuves ou les attribuée : parce que Sisara sera livré entre lis
étangs salés des plages de la Méditerranée étaient mains d'une femme. Débora partit aussitôt , et
encore préférés aux loups pris dans d'autres lo s'en alla à Cédés avec Rarac , qui , ayant fait
calités. C'est à Rondelet qu'on doit cette obser venir ceux de Zabulon et de Nephthali, se nul
vation. Nous sommes portés à croire que les mo en marche à la tête de dix mille combattant?.
tifs de cette préférence indiquée par Pline et Ron Sisara , averti que Rarac s'était avancé sur la
BAR ( 603 ) DAR
montagne de Thabor, se rendit avec son armée gne , et prenant modèle sur les camps des Nas
au torrent de Cison. Alors Débora dit à Barac : sau. Quelquefois, quand les camps de séjour se
Hâtez-vous ; car voici le jour auquel le Seigneur prolongeaient, on recouvrait d'une ramée cer
a livré Sisara entre vos mains. Voilà le Seigneur taines tentes, ou bien, quand il y avait danger
lui-même qui vous conduit. Barac descendit ou inquiétude , on se tenait momentanément au
donc de la montagne de Thabor avec son ai bivouac, ce qui signifiait en hollandais, être
mée. En même temps, Dieu frappa de terreur auprès de la grand'garde , ou être en plein air,
Sisara et ses troupes , qui furent taillées en comme la grand'garde. Dans l'histoire des guer
pièces, sans qu'il en restât un seul homme. res deFlandre , on citeles occasions ou Louis XIV
Sisara se jeta à bas de son char, et se réfugia se montra au bivouuc. La guerre de la révolu
dans la tente de Jahel , femme de Haber Ci- tion allait éclater que, jamais encore, aucune
néen , laquelle le tua en lui enfonçant un clou ordonnance militaire n'avait mentionné le terme
dans la tète. Barac, poursuivant Sisara , arriva baraque ; ce n'était qu'un dicton populaire, pris
devant la tente de Jahel , qui lui dit : Venez , je sous l'acception de misérable demeure, lin règle-
vous montrerai l'homme que vous cherchez. mentde 1792 défendit de brûler les baraques du
Barac entra ; et il vit Sisara étendu mort, ayant camp qu'une armée quittait ; ce genre de camp
la tempe percée d'un clou. Après la victoire, était encore en tentes de toiles, auprès desquelles
Barac se joignit à la prophétesse Débora; et se voyaient des baraques de cantiniers. Mais
ils chantèrent ce cantique admirable qu'on lit tout l'ancien système de campement allait deve
au 5e chapitre du livre des Juges. La défaite de nir impossible faute de temps , de tentes, de che
l'armée de Sisara eut lieu l'an du monde 2719, vaux de bât , et le baraquement fut une néces
avant J.-C 1241. D—x. sité ; avant que la loi eût parlé de baraques , un
BARAGUAY (Thomas-Pierre) fut l'un règlement du 15 brumaire an xn en fit mention
des architectes qui réparèrent le palais du le premier , mais d'une manière aussi obscure
Luxembourg à la fin du siècle dernier. C'est à qu'incomplète ; il y était question de baraques
lui que nous devons en outre la grande avenue de seize hommes ou de tentes , mais l'alternative
de l'Observatoire et l'isolement du palais du était assez ridicule ; il n'y avait plus de tentes.
côté de l'ouest. Il restaura pareillement le théâ Le fameux camp de Boulogne s'éleva en bara
tre de l'Odéon tel que nous le voyons mainte ques de quarante hommes, c'est-à-dire en cases
nant. Baraguay mourut en 1 820. A. B. construites en planches par les soins , non du
BARAGUAY d'Hiluers (Louis), général soldat , mais du génie. Le camp de Tilsitt , or
de division sous l'empire , fut un officier supé donné par divisions d'armées, semblait une ré
rieur distingué , surtout comme général de ca publique de bourgades. L'ordonnance du 3 niai
valerie. Il mourut à Berlin , au retour de la dé 1832 s'occupait, mais superficiellement encore,
sastreuse campagne de Bussie. Il était né à de baraques , et , en fait de règles à poser quant
Paris en 1734. au baraquement , on peut dire que tout est en
BARAQUE (art militaire). Ce mot est mo core à faire. Le gén. Bardin.
derne ; il nous vient des Espagnols , par l'inter BARATHRE. L'histoire grecque fait sou
médiaire des Gascons , et signifie, pris dans sa vent mention de ce gouffre de l'Attique où l'on
racine , hutte de pêcheur. Le siège de Veyes par précipitait les criminels condamnés à mort. C'é
•es Romains fut , ainsi que le siège de Troie , un tait une excavation naturelle en forme de puits,
baraquement de dix ans, et les Arabes Scénites dont on avait hérissé les parois et le fond de
"e s'appellent ainsi que parce que les Latins ap nombreuses pointes de fer, disposées en sens
pelaient scena ce que nous nommons baraque. inverse les unes des autres. Un mot d'Aristide l'a
Dans le siècle dernier , le mot baraque était à surtout rendu célèbre. Frappé du mal que cau
peine militaire et signifiait cabane de vivandier; saient à l'état ses querelles avec Thémistocle ,
voila pourquoi les Italiens appellent encore ba- le vertueux Athénien dit un jour qu'on ne pou
rachiere un cantinier, comme on dirait un vait rien faire de plus utile pour la république
homme baraqué, un commerçant en baraque. que de les précipiter tous deux dans le barathre.
Sous Louis XIV , il y avait deshuttes : c'étaient Ce nom , fréquemment employé dans le langage
des baraques de cavalerie ; il y avait des tentes : figuré, a fini par entrer dans la langue générale,
c'etaieut les logements de l'infanterie en campa avec l'acception de gouffre. Les Latins l'em-
BAR ( 604 ) BAH
. pointèrent aux Grecs r et Rome eut aussi son plus étroite de la baratte. Le couvercle est légè
barathre. Chez les poètes et chez quelques au rement concave en dessus , afin que la crème qui
teurs ecclésiastiques , barathre est pris dans le rejaillit par l'ouverture puisse rentrer dans le
sens d'enfer. Les anciens donnaient encore le vase. Cette baratte , très connue , est fort bonne,
même nom à un marais situé en Egypte sur les peu chère , et d'un entretien facile : on peut la
frontières de la Célé-Syrie. Peu large, mais très placer dans un baquet plein d'eau chaude en hi
profond , ce marais , long de 200 stades , était ver et d'eau froide en été. Pour l'employer, on
fort dangereux , parce que les vents soulevaient y verse la crème et on la frappe au moyen du
jusqu'à sa surface des masses de sable qui le bat-beurre jusqu'à ce que l'on sente que le beurre
faisaient confondre avec la terre. est formé. On la nomme , suivant les localités,
BARATIER (Jean -Philippe) naquit à battoir, beurrière, serêne, etc.
Schwabach, dans le pays d'Ansbach, le 19 La baratte de M. de Valcourt est préféreblea
janvier 1721. Doué d'une immense mémoire, celle que nous venons de décrire.
d'un esprit vif et ardent, il fut, dans son enfance Elle se compose d'un petit baril en cylindre ,
même, un prodige d'érudition. A onze ans , il d'une contenance variable , en fer-blanc bien
avait composé un dictionnaire des mots hébreux étamé ou en zinc , et traversé dans sa longueur
les plus difficiles ; cet ouvrage est resté manu par un axe auquel sont adaptées deux ailes en
scrit. Il publia ensuite un ouvrage intitulé : bois de hêtre , percées d'un grand nombre de
Anti-Artemonius , sen Initium S. Joannis ex trous de deux à deux et demi centimètres d'ou
antiquitate ecclesiasticâ , adversùs Artemo- verture : ces ailes tournent au moyen d'une ma
niuw, vindicatum atque illustratum , Nurem nivelle placée à l'une des extrémités de l'axe, et
berg, 1737. La Bibliothèque germanique con passent à quatre lignes ( un cent. ) des parois du
tient de lui de nombreuses dissertations qui cylindre. Une porte ou couvercle s'ajuste à la
attestent l'étendue de son savoir. A la fin , il se partie supérieure du cylindre qui est posé sur
voua à l'étude de l'astronomie; il avait le pro des tasseaux , de forme appropriée à celle de la
jet de découvrir les longitudes fondées sur la baratte. Le couvercle , plus étroit en dessous
déclinaison et l'inclinaison de l'aiguille aiman qu'en dessus, ferme complètement l'ouverture
tée. Il proposa , dans ce but , à l'Académie de et se trouve maintenu , lorsqu'il est placé , par
Berlin , une boussole de son invention, en 1 738, de petits crochets de fer. La baratte est munie
et communiqua ses travaux à l'Académie des d'anses, d'une ouverture établie au bas du cy
Sciences de Paris , en même temps que trois lindre pour l'écoulement du lait de beurre , et
propositions sur les réfractions , sur l'obliquité d'un trou dans le couvercle pour laisser sortir
de l'écliptique et sur la meilleure forme des les gaz qui se produisent pendant la préparation
tables astronomiques. Ces mémoires furent bien du beurre : ces diverses ouvertures se ferment
accueillis par l'Académie, qui ne cessa d'encou au moyen de bouchons de bois blanc ou de
rager l'auteur jusqu'à sa mort , arrivée en 1 740. faussets. On place la baratte dans un cuveauou
' Baratier, quand il succomba , n'était âgé que de dans une caisse rectangulaire que l'on doit pour
dix-neuf ans. F. de Lundblad. plus de sûreté doubler en fer-blanc ou en zinc.
BARATTE {agric. ). Ustensile employé Le cuveau ou la caisse reçoit l'eau chaude ou
pour la fabrication du beurre. Il varie de forme froide qui sert à mettre la crème dans un milieu
et de matière dans les diverses contrées. d'une température toujours à peu près égale.
La baratte la plus commune en France est for Dans les jours de chaleur moyenne , en prin
mée de douves ordinairement en sapin et quel temps et en été , on peut ne rien verser dans le
quefois en chêne. Elle est plus large au fond qu'à cuveau , qui alors ne s'emploie que pour fixer
l'ouverture , qui se trouve placée à la partie su la baratte.
périeure, et sa hauteur est au moins de quatre Voici le dessin d'une autre baratte Valcourt ,
fois sa largeur moyenne ; on la revêt de cercles qui diffère peu de la précédente. Elle est tout
en bois ou en fer ; on la ferme d'un couvercle qui entière en métal , zinc ou fer-blanc, à l'exception
entre à frottement et dans le milieu duquel passe des deux ronds , bases du cylindre , qui sont en
le bâton du bat-beurre. Ce bâton porte à son bois de hêtre , ainsi que les ailes. Celles-ci sont
extrémité inférieure une petite planchette ronde divisées en languettes et non percées de trous.
percée de trous et moins large que la partie la Les mêmes lettres indiquent les mêmes choses
BAR ( 605 ) BAR
dans les trois figures : A , cylindre ; B , cuveau sion de mouvement ; F , grande roue dentée sur
ou caisse rectangulaire en métal ou doublé en laquelle est placée la manivelle H et qui com
métal; C, couvercle en métal qui entre en glis mande le pignon ou petite roue G montée sur
sant entre deux rainures: D, tourniquet qui l'axe de la baratte. Tout ce que nous avons dit
passe sur l'embase de l'axe et empêche celui-ci de l'emploi de la baratte Valcourt ordinaire peut
de sortir ; E , moraillons ou ferremens qui ser très-bien s'appliquer à celle dont nous donnons
vent à lixer la baratte dans la caisse ; V, baguette la figure.
en fer qui passe dans les pitons et empêche les
moraillons de s'ouvrir; 0, ailes.
6
7 5 -S-
-4- 5
_5_ TT
N" 7. Septième dominante ou de première :t
espèce.
État direct. 1" renvers. 2' renvers. 3' renv.
7 6 I *i
On met un bécarre devant les renversements
— $— de cet accord, afin de les distinguer de ceux
—»— t=i=
—&—. de l'accord précédent.
—s 1
Élat direct. l'Trnvers. 2' îeuvcrs. 3' ri'HT. N° 12. Septième sensible.
Si la Tonalité générale [voy. cemot) ne rend 7
pas naturellement majeure la tierce de cet ac -5-
«-a
— _■:
cord , on fait précéder le chiffre 3 du signe acci
dentel nécessaire. Remarquez aussi que l'on
sous-entend l'intervalle de sixte, qui n'est pas (Mêmes renversements et mêmes chiffres
représenté par un chiffre dans les 2* et 3' ren que la septième de troisième espèce (N* 10).
versements de la 7 ' dominante. Cet accord ne diffère de celui n° 10, que par
BÀS ( 726 ) BAS
sa résolution qui a lieu sur la tonique majeure , BASSE DE VIOLE [musique). Cet ancien
tandis que ce dernier se résoud sur la domi instrument qu'on appellait aussi la viola di bar-
nante du ton mineur, avant de conclure à la done ou baryton, avait à peu près la forme du
tonique du même ton, sur la 2e note duquel on Violoncelle moderne (voyez ce mot). Il se
le pose. jouait avec l'archet et se tenait également entre
N° 13. Septième diminuée. les jambes. Ses sept cordes à boyau étaient
tendues sur un chevalet, au-dessous duquel pas
saient vingt autres cordes de métal accordées à
1 4 H l'intervalle de seconde. Il ne reste aucune mé
■ « ii h f* thode de cet instrument qui, accorde par quartes
gg © ?—H et tierces supérieures, devait être très difficile a
H
État direct. 1" renvers. 2e renvers. 3e reiiv. jouer. Le son de la basse de viole était doux et
mélancolique.
N° 14. Neuvième majeure. BASSE DE VIOLON (musique). Cet in
strument qui est le même que celui nommé viola
-!*- di spala (viole d'épaule), servait surtout à ac
compagner les voix. On le suspendait à l'épaule
droite au moyen d'un large ruban , et c'est ce
(Wofa.) Il y a certains tons qui exigent l'em qui lui a fait donner son nom générique. On
ploi du dièse, au lieu du bécarre; mais l'effet ignore aujourd'hui comment s'accordait la basse
est le même. de viole; d'après la position droite de cet instru
N° 15. Neuvième mineure. ment, il est permis de croire que l'archet était
mû par la main gauche de l'exécutant, contrai
rement à ce qui se pratique sur tous les autres
4 instruments qui forment la grande famille dont
la viole est le type admirable. A. E.
BASSE-COUR (Agric.) C'est, dans une
Par l'examen réfléchi du tableau précédent, habitation rurale , le lieu qui reçoit les oiseaux
on a dû s'apercevoir que rien n'est plus facile que dits de basse-cour, renferme leurs divers loge
d'accompagner une basse bien chiffrée, et que ments et souvent aussi les éeuries , étables ,
même, toute personne ayant du goût et de l'o toits à porcs, etc. On y place assez ordinaire
reille, pourrait y parvenir en peu de temps , sans ment les fumiers. Laissant de côté les construc
le secours d'aucun maître. Il n'en est pas de tions destinées à recevoir les bêtes ovines et
même lorsque l'on veut écrire l'harmonie exi bovines , les porcs et les chevaux , nous traite
gée par une basse chiffrée ; parce qu'alors , il y rons seulement ici de la basse-cour par rapport
a certaines règles à suivre qui sont du domaine aux oiseaux domestiques , faisant observer ce
de l'art du Contre-point (voy. ce mot). Lors pendant que les écuries ou étables ne communi
que le mot tasto solo est écrit sur une basse quent jamais avec la basse-cour sans dangers
chiffrée , il signifie que l'accompagnateur doit pour les chevaux ou bœufs ; car la volaille par
exécuter cette même basse , sans faire aucune court les râteliers , les mangeoires , et salit les
harmonie à la main droite ; et , quand après un aliments par ses excréments ou par ses plumes.
chiffre, ce trait — est posé horizontalement sur Nous allons décrire une basse-cour complète
une suite de notes , il indique que l'harmonie et bien entendue , n'indiquant que ce qui a été
supérieure ne change pas, parce que les notes pratiqué et a reçu la sanction de l'expérience.
surlignées sont ou de passage ou intégrantes à La basse-cour sera entourée d'une clôture en
l'harmonie précédemment indiquée. murs ou en palissades , assez élevée pour qu'elle
La manière de chiffrer n'est pas exempte de ne puisse être franchie par les oiseaux , et assez
quelques reproches, car plusieurs renverse forte pour en interdire l'accès aux autres ani
ments d'accords sont indiqués par les mêmes maux du dehors. On peut diminuer un peu la
chiffres. C'est ordinairement la résolution dif hauteur de cette défense; mais il faut alors con-
férente de chacun d'eux , qui détermine leur per à la volaille quelques plumes des ailes:»
véritable nom. A. Elwart. ne peut, au reste, lui donner moins de huit pieds.
BAS ( 727 ) BAS
La basse-cour doit être vaste et aérée , plantée don ni du paon , qui rentrent rarement au pou
d'un plus ou moins grand nombre d'arbres , qui lailler et préfèrent se percher au dehors , ni du
mettront la volaille à l'abri d'un soleil vif et des faisan, qui demande à être logé seul.
vents violents. Il est utile d'avoir parmi ces ar Le bâtiment se composera d'une canardière
bres quelques mûriers et des sureaux, dont les pour les oies et les canards , d'un poulailler
fruits engraissent très promptement la volaille. pour les coqs , poules et pintades , d'un colom
On établira dans la basse-cour deux bassins bier pour les pigeons , enfin , de six loges pla
qui seront toujours remplis d'eau , afin que les cées par trois, de chaque côté du bâtiment
oiseaux aquatiques, tels que canards, oies, etc., principal , et destinées à recevoir les couveuses
puissent se baigner. Quelques auges peu pro et les oiseaux à l'engrais. Voici quelle sera la
fondes et placées à un demi-pouce au-dessus du distribution de ces divers logements : au rez-de-
sol , seront disposées sur différents points de la chaussée, deux canardières de 7 pieds de lar
cour, pour que la volaille trouve facilement à geur sur 27 pieds de longueur; on entrera dans
boire. L'endroit le plus creux de ces auges chacune d'elles par des portes placées dans le
n'aura que deux pouces de profondeur, en sorte corridor qui les sépare et qui aura 4 pieds de
que les petits poulets ne puissent s'y noyer. Il largeur. Deux fenêtres grillées à petites mailles
est encore un meilleur mode de donner l'eau et placées à chaque extrémité de l'une et de
nécessaire à la boisson des oiseaux de basse- l'autre canardière les aéreront; deux petites
cour : il consiste dans l'emploi de baquets cou ouvertures établies à 1 pouce au-dessus du sol
verts, et percés sur les parois latérales d'ouver et au-dessous des fenêtres de la façade , servi
tures assez grandes pour laisser passer la tète ront d'entrée pour les oiseaux : elles seront
des animaux qui veulent boire ; en se servant de calculées , l'une , sur la plus grande taille pos
ces baquets , l'eau s'échauffe moins pendant sible du canard , l'autre, sur celle de l'oie : elles
l'été et ne peut se salir. se fermeront par un châssis à coulisses. Le rez-
On devra disposer dans la basse-cour une de-chaussée n'aura que 6 pieds de hauteur sous
pièce de gazon qui fournira de l'herbe à tous les poutre. Au fond du corridor qui séparera les
oiseaux , précaution que nous regardons comme canardières , une porte s'ouvrira sur un escalier
un puissant moyen d'hygiène. On placera aussi dont les marches auront 2 pieds 1 /2 de longueur
dans un ou plusieurs endroits de l'enclos des et qui servira pour monter au poulailler et au
amas de cendre ou de sable, dans lesquels la colombier.
volaille aime , si l'on peut parler ainsi, à se A droite et à gauche, mais sans communica
vautrer; elle trouve dans cet exercice un moyen tion avec les canardières et en forme d'appentis,
de se débarrasser de la vermine qui la persé se trouveront six loges de 8 pieds carrés. Elles
cute , et de gratter les parties piquées par ces ne communiqueront point entre elles et seront
insectes. précédées chacune d'une cour entourée d'un
Lorsqu'on renferme plusieurs espèces d'oi grillage assez serré dans le bas pour empêcher
seaux dans la même cour, et que l'élève de la la sortie des poussins , dindonneaux , etc. , et
volaille se fait en grand , il est presque toujours dans le haut, pour que les gros oiseaux de la
nécessaire d'établir de petits enclos , dans les basse-cour ne puissent la traverser; un gril
quels on élève les jeunes bêtes jusqu'à ce qu'elles lage à larges mailles , posé horizontalement ,
n'aient plus rien à craindre des adultes. recouvrira ces cours. Dans toutes , on placera
Nous avons acquis , par de nombreux essais , deux baquets couverts et percés , au-dessus de
l'assurance que de grands avantages résultent la ligne d'eau , de trous par lesquels les oiseaux
de la réunion sous un même toit de toutes ou de boiront. Les vases seront d'inégales grandeurs,
presque toutes les races d'oiseaux domestiques. ainsi que les ouvertures : l'une servira aux mè
Partant de cette donnée, nous allons d'abord dé res et l'autre aux petits. Dans une de ces cours
crire l'ensemble de la construction unique ou au se trouvera un bassin assez profond et assez
moins principale. Supposons que celle-ci doive large pour que les petits oisons ou cannetons
renfermer 150 coqs et poules, quelques pinta puissent s'y baigner.
des , SO ou 40 canards , autant d'oies, 50 paires Au premier étage se trouvera le poulailler ,
de pigeons de volière ou un nombre indéterminé qui contiendra facilement 150 coqs, poules ou
de pigeons fuyards. Nous uc parlons pas du din pintades. Sa longue m- sera de 27 pieds et sa lar
IUS ( "28 ) BAS
gcur de 18. Il sera garni à c pouces au-dessus [ Le colombier , établi au second étage, reçoit
du plancher et dans tout son pourtour , de nids l'air et le jourau moyen de fenêtres assezbasses,
pour les pondeuses. « Ces nids , dit madame A. espèces de mezzotim.es , placées perpendiculai
Adanson , sont des espèces de boîtes en bois de rement au-dessus de celles du poulailler ; Iran
peuplier : l'ouverture est de 1 pied carré , ainsi seuils seront à trois pieds au-dessus du plan
que la profondeur; le dessus vient en pente cher ; celui de la fenêtre du milieu fera saillie
comme un toit d'appentis. Sur le devant , il y a d'au moins 10 pouces ou 1 pied, et cette fenê
un petit rebord de 2 pouces , qui retient la paille tre servira de porte de sortie pour les pigeons ;
et les œufs ; le haut de la planche de derrière est en été , on l'ouvrira tout entière , mais en hiver,
percé d'un trou de 1 pouce ; on scelledans le mur il ne faudra donner passage aux pigeons qu'au
de grosses patères crochues, pour y accrocher moyen d'une ouverture de 8 pouces sur 6. On
ces nids tout près les uns des autres. Il ne faut rendra mobile pour cet usage uu des carreaui
en mettre qu'un rang...» Ces nids sont ceux qui de vitre du bas de la fenêtre. Les deux autres
m'ontle mieux réussi. Au-dessus l'on doit placer fenêtres de la façade antérieure et les deuï de
une espèce de toit composé de deux planches , celle postérieure seront grillées. Si l'on élevait
toit qui dépassera le devant des nids et les met des pigeons domestiques ou de volière, le co
tra à l'abri des ordures qui pourraient y tomber. lombier devrait être divisé en deux parties.
Au niveau du plancher,deux ouvertures don L'une serait la pièce dite proprement le colom
neront accès aux poules , qui y monteront au bier , et l'autre une espèce d'infirmerie ou de re
moyen de deux échelles placées contre les loges serve dans laquel le on accouplerai t sousdes mua
du rez-de-chaussée. Ces ouvertures seront fer les pigeons qui ne seraient point encore assortis.
mées par de petites portes à coulisses que l'on Les colombiers de pigeons fuyards sont ordi
relèvera ou que l'on abaissera depuis le bas. nairement garnis de boulins ou nids pratiqués
On percera trois fenêtres sur la façade du pou dans l'épaisseur du mur; dans ce cas, il faut
lailler et on les garnira de grillages pour pou en placer autant que la superficie des murs le
voir donner de l'air, sans que les vollailes permet. Ils doivent avoir au moins de 1 0 pouces
s'échappent. Deux autres fenêtres seront éta à 1 pied carré. Dans les colombiers destinés a
blies sur la façade opposée et de chaque côté du la variété domestique , les nids sont presque tou
poulailler; mais elles seront garnies de volets jours mobiles, et il en résulte beaucoup de facilite
pleins , qui ne s'ouvriront qu'en l'absence des pour les nettoyer. On fait ces nids mobiles en
poules , lorsque l'on voudra ventiler puissam planches ou en terre cuite : ces derniers, d'un pied
ment le poulailler. On communiquera avec l'es de largeur sur 8 pouces de profondeur, peuvent
calier par une porte placée entre les deux der être nettoyés et lavés plus facilement et plos
nières fenêtres. Des deux côtés du poulailler parfaitement que tous les autres. On les dispose
seront placés deux juchoirs en forme d'échelle, par des rayons également mobiles et portant
très inclinés et à échelons très espacés : on dis au-devant un rebord de 3 pouces , destiné à re
posera ceux-ci de façon que les animaux placés tenir les nids. On doit aussi placer entre chaque
sur l'échelon supérieur ne puissent salir de leur nid, une planchette ou séparation de n pouce
fiente ceux qui seront placés au-dessous. Cha de hauteur, assembléeavec le rebord etlc rayon,
cune des perches aura 2 pouces de largeur et elle sert à empêcher les pigeons de se battre et
sera plate ; car la poule n'a pas la patte disposée de se déranger. Les parois des nids en terre
de manière à embrasser un corps rond, et elle cuite auront une épaisseur d'au moins 8 lignes;
ne peut que la poser à plat. Les supports des ils en seront plus solides et leur poids empêchera
perches seront assez rapprochés pour que le qu'ils ne soient culbutés. On peut sans incon
poids des poules ne puisse les faire plier ou cas vénients placer plusieurs nids les uns au-dessus
ser. On les disposera de manière que l'on puisse des autres; il est bon aussi de disposer quelques
les démonter facilement , pour les nétoyer et rayons vides dans l'intérieur, pour que les pi
les râeler complètement. Nous conseillons de geons s'y promènent.
recouvrir le plancher d'une couche d'asphalte La hauteur du poulailler sera de 9 pieds et
ou de ciment romain : le nettoyage sera ainsi celle du colombier de 7. Chacune des loges des
plus facile et les planches ne pourriront pas, ce tinées aux couveuses ou à l'engrais , aura une
qui arrive souvent. porte de 2 pieds de largeur et de 6 pieds de hau
BAS ( 729 ) BAS
teur. Les quatre loges qui seront aux angles Les loges destinées aux couveuses seront gar
auront des fenêtres percées dans les murs qui nies de caisses en bois blanc, de 18 pouces en
font partie des deux façades principales de la tout sens pour les poules et les cannes, de 20
construction. Elles seront garnies de grillages a pouces pour les pintades, et de 22 pour les din
mailles serrées. Les deux loges qui n'auront pas des. Si l'on manquait d'espace on pourrait don
de fenêtres dans les murs de côté serviront à ner moins de largeur dans un sens. On y pla
l'engraissement , et y seront d'autant plus pro cera , comme dans les nids , une couche de
pres que la plus grande obscurité y régnera. paille ou de foin bien doux , épaisse d'au moins
Dans le poulailler, le colombier, les canar- 6 pouces : on relèvera ce lit un peu plus sur les
diers et les loges d'élève , seront placés des ba bords, afin que les œufs, placés au milieu, ne
quets contenant de l'eau propre , eau que l'on puissent rouler et échapper ainsi à l'incubation.
devra souvent renouveler, c'est-à-dire au moins Dans une des parois de ces caisses , on rendra
une fois chaque jour. Ces baquets seront dispo mobile la partie supérieure, sur une hauteur de
sés comme ceux que nous avons déjà décrits, et 6 pouces , afin d'en rendre l'accès facile aux
préférés aux vases en terre , qui présentent de jeunes élèves : cette portion mobile se fixera
nombreux inconvénients. On s'est servi de plu ou se fermera , si l'on veut, par de petits cro
sieurs sortes de vases, afin de donner le grain chets , et se placera en plan incliné pour aider
aux oiseaux , en rendant la perte aussi minime les poussins à grimper dans les caisses qui se
que possible. L'un d'eux consiste en une longue ront couvertes d'une claire voie pour que les
trémie en planche , qui porte à sa partie infé mauvaises couveuses ne puissent venir troubler
rieure deux petites auges qui ne se remplissent les bonnes.
qu'au fur et à mesure de la consommation. Ce Le dindon et le paon , comme nous l'avons
moyen est bon et simple. En Angleterre , on se déjà dit , n'aiment point à être renfermés, et on
sert aussi d'une boîte pyramidale, placée sur sa doit leur donner le moyen de se percher au de
pointe, et versant dans des auges. Jusqu'ici elle hors. Dans quelques petites fermes on se con
ne diffère en rien de celle que nous venons de tente de placer une vieille roue sur un poteau ,
décrire ; mais voici quelle est sa particularité : et les oiseaux vont s'y loger; mais partout où
une espèce de planchette est en avant de chaque l'élève des dindons se fait en grand , il sera né
ouverture , et la poule doit nécessairement se cessaire d'établir un ou plusieurs perchoirs. Il
placer sur elle, en béquetant le grain ; or , en vaudra mieux , dans tous les cas , leur donner
pressant de son poids la planchette , elle fait moins de hauteur et les multiplier. Le perchoir
lever une espèce de trappe qui recouvre l'auge. est une solive ou perche d'au moins 5 à 6 pouces
Cette machine assez compliquée peut se déran de diamètre dans le bas, et qui porte des éche
ger, et nous lui préférons la première , plus lons placés perpendiculairement les uns à l 'égard
simple et d'un usage plus facile. des autres, parallèlement au sol. Le premier
Les volailles que l'on veut engraisser se ren échelon est établi à 5 pieds de terre , et les au
ferment dans des espèces de cages nommées tres de 18 pouces en 18 pouces : ils n'auront
chaponnières , épinettes ou caloges. Un bâti en que 15 pouces de chaque côté de la perche
bois supporte une caisse haute de 15 à 18 pou qu'ils traverseront, et celle-ci sera terminée ou
ces , large de 1 5 , et d'une longueur variable , plutôt surmontée par une espèce de chapeau ou
suivant le nombre d'individus que l'on veut y toit qui aura au moins de 6 à 8 pieds de diamè
renfermer. L'espace réservé à chacun d'eux , tre. Ce toit est généralement employé dans les
dans la longueur, est de 8 à 10 pouces. On con basses-cours soignées ; nous croyons pourtant
naît cet appareil ; chacun sait qu'une auge pour qu'il ne peut mettre à l'abri que les derniers
la nourriture est placée sur le devant, que dans échelons, la pluie ou la neige tombant rare
la cloison antérieure se trouvent des ouvertures ment verticalement. Il vaudrait beaucoup mieux
par lesquelles l'oiseau prend ses aliments , que placer les perchoirs sous un hangar qui aurait
le plancher est à claire voie , au moins dans la 22 pieds de hauteur au milieu , et dont le toit
partie postérieure , et que les portes sont à cou descendrait à 12 ou 15 pieds du sol. Ce
lisse et disposées sur le dessus. Nous recom hangar mettrait non seulement les dindons et
manderons seulement de placer dans l'auge une les paons à l'abri , mais il servirait aussi ,
petite cuvette qui contiendra toujours de l'eau. pendant la journée, de refuge, contre le mau
BAS ( 730 ) BAS
vais temps , à tous les oiseaux de la basse-cour. mées sur le devant par un grillage , dans lequel
Les faisanderies ne servent guère que de s'ouvrira une porte, également en fil de fer treil
moyens d'éducation pour les jeunes faisandeaux, lage : elle sera très étroite et peu élevée. Sur la
qu'on lâche dans les bois aussitôt qu'ils sont par cour sera aussi établi un treillage , au-dessous
venus â l'âge adulte : dans ce cas, la faisande duquel , à 1 pied environ, sera tendu, mais mol
rie n'est point placée dans la basse cour. Cepen lement , un filet à mailles étroites : cette der
dant quelques personnes élèventdes faisans sans nière condition est de rigueur , car souvent le
les lâcher, et se procurent ainsi une chair fort faisan s'enlevant verticalement , sa tête s'enga
délicate et différente de celle des autres oiseaux gerait dans les mailles trop larges du filet et il
domestiques. Nous citerons , comme exemple , s'étranglerait.
la faisanderie de MM. Chevet, placée dans leur Les aliments et la boisson se présentent aux
magnifique jardin de la rue de Charonne. faisans de la même manière qu'aux autres oi
Voici comment nous conseillons de disposer seaux domestiques et dans des vases semblables.
ce genre d'établissement : A l'exposition du midi Dans toutes les faisanderies , on doit avoir un
et dans la partie la plus tranquille de la basse- filet monté sur un cercle en fer emmanché an
cour, à l'ombre de quelques arbres , on établit, bout d'une perche légère de 4 à 5 pieds de lon
au niveau du sol , une série de cases en bois de gueur. Ce filet , qui ressemble beaucoup à celui
2 pieds de largeur, 3 pieds de hauteur et 2 pieds avec lequel on prend les papillons, et qui n'en
de profondeur. Dans leur intérieur se trouve diffère même que par plus de solidité , sert a
un perchoir garni de deux échelons , et sur le prendre les faisans sans leur faire aucun mal.
devant, une ouverture de 10 pouces de haut sur Le faisan est sauvage et veut beaucoup de tran
8 pouces de large, ouverture que l'on ferme au quillité : on doit donc , comme je l'ai déjà dit ,
moyen d'une porte à coulisse. On peut placer le mettre loin du bruit et des lieux de passage ,
deux et même trois étages de ces cases , les uns et il faudra, toutes les fois que l'on pourra crain
au-dessus des autres , ayant soin de mettre au dre de le voir dérangé par ce qui l'avoisinerait,
niveau de leur plancher inférieur et sur le de place» contre les grillages des toiles ou des pail
vant , une espèce de rayon de 1 pied de largeur, lassons.
sur lequel les faisans viendront s'abattre. Au- Nous croyons devoir compléter les détails
dessous de ces boîtes ou casiers, régnera un qui précèdent, en disant quelques mots des qua
toit qui les débordera au moins de 2 à 3 pieds. lités que doit réunir la file de basse-cour^
Le nombre de ces loges ne doit pas dépasser ce comme agent spécial de l'élève et de la conser
lui des femelles que l'on peut donner au mâle ; vation de la volaille. C'est sans contredit une
mais dans les divisions où se renferment les des personnes les plus importantes dans une ex
jeunes faisandeaux, elles peuvent être aussi ploitation rurale : sa responsabilité est presque
nombreuses qu'on le juge convenable. La fai aussi grande que celle du berger et ses qualités
sanderie peut être divisée en trois cours : celle doivent être semblables. Elle sera forte, labo
du milieu , de 10 à 12 pieds de largeur, renfer rieuse , active et probe. Elle aura assez de mé
mera les faisandeaux et tous les faisans que l'on moire pour ne point oublier les soins de tous les
destinera à la table : elle sera garnie sur les trois instants qu'elle doit aux animaux dont elle est
côtés de cases ou loges semblables à celles que chargée. Elle devra avoir beaucoup de patience
nous avons décrites. Les deux autres cours, de 8 et d'adresse, ne point mentir, mais réparer de
à 1 0 pieds , placées sur les côtés , renfermeront suite les fautes commises. Elle mettra tous ses
chacune 1 o à 1 2 faisanes et un coq faisau : les soins à connaître les oiseaux qu'elle soigne et à
cases seront toutes placées au fond de la cour. s'en faire aimer, venant souvent à la basse-cour
Derrière chacune de ces boites, s'ouvrira, dans et y offrant à ses élèves quelques aliments de
le mur, une petite porte par laquelle on prendra choix. Elle donnera avec exactitude la nourri
les œufs, au fur et à mesure qu'ils seront pondus : ture aux mêmes heures, et ouvrira la porte du
sans cette précaution , on en perdrait beaucoup; poulailler aussitôt que le soleil sera levé, parce
au-dessus de cette porte on peut disposer un qu'alors les volailles se réveillent, se tracassent
carreau de vitre , au moyen duquel on s'assu et se battent. La fille de basse-cour exercera
rera de la fin de la ponte, et cela sans effrayer ou une surveillance continuelle pour s'assurer de la
déranger la poule faisane. Les cours seront fer santé des oiseaux qui lui sont confies, pour re*
BAS ( 731 ) BAS
lever les œufs des pondeuses et pour connaître sonnelles entre les sujets du seigneur Jusqu'à
l'instant précis où l'on devra mettre les femelles reillement
la somme dede 60
la police
sous parlsis.
du dégât
Il connaissait
fait par les ani
$&-
à couver. Elle saura soigner toutes les espèces
de volailles dans leurs maladies, les chaponner, maux , des injures légères et autres délits dont
les eugraisser, les gouverner pendant l'incuba l'amende n'excédait pas 10 sous parlsis. Si le
tion et dans leur jeune âge. J. de M. M. délit méritait une amende plus forte, le juge de
BASSE-FOSSE , sorte de souterrain où vait en avertir le haut justicier; et en ce cas il
l'on renfermait autrefois les criminels, et même prenait sur l'amende qui était adjugée 6 sous
ceux que l'on voulait faire passer pour tels. Des parisis. Il pouvait faire arrêter dans son district
documents antérieurs à 1789 attestent que le tous les délinquants, et pour cet effet, avoir
lieutenant de police de Paris menaçait parfois sergent et prison ; mais il devait faire conduire
les vagabonds et les filles publiques de les faire le prisonnier au haut justicier avec l'informa
mettre dans un cul-de-basse-fosse. Un cachot , tion , et ne pouvait pas décréter. Il connaissait
pour recevoir cette qualification , doit être con des censives du seigneur, et de l'amende de cens
struit en contre-bas du sol. Son entrée se ferme non payé. Il pouvait, du consentement des par
avec une trappe ou une pierre , et il offre beau ties, faire faire mesurage et bornage entre elles.
coup d'analogie avec une fosse d'aisance., ou bien Dans quelques coutumes, on distinguait deux
encore avec une citerne sans margelle. La fosse sortes de basses justices; l'une qui était géné
aux lions où le prophète Daniel fut jeté était rale ou personnelle pour connaître de toutes les
une véritable basse-fosse , ce qui prouve l'anti causes civiles ou criminelles entre les sujets du
quité de cette construction souterraine, laquelle seigneur , jusqu'à concurrence de ce qui vient
servait alors à renfermer les animaux féroces. d'être dit; l'autre qu'on appelait simplement
On sait que les vestales qui avaient manqué au juridiction basse , particulière ou foncière, la
vœu de chasteté étaient enterrées vivantes dans quelle ne regardait que la connaissance du fonds
ces terribles lieux pour y mourir de faim, après qui relevait du fief ou de l'étroitfonds, comme
avoir consommé la nourriture que l'on y dépo dit la coutume de Poitou , c'est-à-dire des cau
sait en même temps qu'elles. Les Indiens sui ses réelles qui regardaient le fonds du fief et les
vent encore cet infernal usage , et enterrent droits qui en pouvaient venir au seigneur ,
avec le mort la veuve qui lui survit. Mais les comme le paiement des lods et ventes, la notifi
souterrains dans lesquels ils déposent ainsi les cation et exhibition des contrats et autres cau
morts et les vivants sont souvent si spacieux ses concernant son fief.
que le nom de basse -fosse ne semble plus Le bas justicier ne devait se qualifier seigneur
pouvoir leur appartenir; car cette expression que du fiefseulement où sa justice était exercée ,
emporte généralement avec elle l'idée de sou et non du village où le fief existait.
terrain resserré dans toutes ses dimensions. L'appel de la basse justice ressortissait à la
Lorsque l'infortuné Charles VI eut perdu son haute justice. Les basses justices ont été suppri
royaume, et qu'il ne lui resta plus que Bour mées comme les moyennes et les hautes par les
ges , l'Anglais Henri VI rendit en mai 1425, lois des 4 août 1789 , 7 septembre i 790 , et 13
pendant les quelques mois qu'il fut roi de Pa avril 1791.
ris, une ordonnance qui établit le tarifdes droits BASSE-LISSE (technol.). On donne ce
que les prisonniers de la geôle de Paris devaient nom à une espèce de tapisserie dont la chaîne est
payer au geôlier , selon la prison où ils étaient tendue horizontalement sur le métier. Ce tissu
placés et le rang qu'ils occupaient dans la so est de laine ou de soie , souvent rehaussé d'or,
ciété. Celui qui était placé dans la fosse devait et représentant des sujets divers. ( Voyez Ta-
payer un denier. Victor Levasseub. pissebies.)
BASSE JUSTICE. C'était une justice sei BASSE-TEBRE (la) , petite ville située
gneuriale qui n'avait que le dernier degré de sur la côte sud-ouest de la partie occiden
juridiction. On l'appelait aussi justicefoncière tale de la Guadeloupe, et capitale de cette ile ;
ou censière ou censuelle , parce que le bas jus elle est la résidence du gouverneur, de la cour
ticier connaissait des cens et rentes et autres royale et du tribunal de 1" instance. Sa popu
droits dus au seigneur. Le juge qui exerçait la lation est de 9,ooo habitants. D. 6.
basse justice connaissait aussi des matières per- | BASSES-VOILES (marine). On appelle
f
BAS ( 732 , BAS
de ce nom les voiles des bâtiments carrés (vais La bassesse ne suppose pas toujours la mé
seau, frégate, corvette, brick, pinasse, etc.), qui chanceté, mais elle est inséparable de la fai
sont hissées à la tète des bas-mâts , les mâts qui blesse. La misère y précipite ; la corruption des
traversent les ponts du navire et s'appuient par mœurs y plonge sans retour. En général , c'est
leurs pieds sur la carlingue. La misaine et la surtout le mépris que la bassesse a le droit d'ex
grand'voile sont les basses-voiles. Le mât d'ar citer , et quelle excite. Il peut se mêler quel
timon ne porte point ordinairement de basse- quefois à ce sentiment un mouvement de pitié.
voile; quelquefois cependant on envergue à La haine s'adresse à des passions moins abjec
la vergue sèche ou barrée uue voile de fortune. tes , à des actions qui , bien que mauvaises ,
La vergue barrée comme la grande vergue, et conservent quelque chose de fort et presque de
la vergue de misaine sont les basses vergues d'un généreux.
navire. Sans vouloir tomber dans le ridicule des com
BASSESSE. La bassesse est une disposi pliments patriotiques , nous pouvons dire que
tion de l'âme qui porte à commettre sans répu le caractère français répugne à la bassesse. Il
gnance des actions honteuses, pourvu qu'on les est d'ordinaire trop ouvert , trop imprudent
croie sans danger. L'usage s'est établi de don même , pour être facilement obséquieux et hy
ner le même nom à cette disposition et à ce pocrite. Néanmoins , la bassesse est un fruit de
qu'elle produit. On dit une bassesse pour dési tous les climats ; et, si nous pouvons invoquer
gner une action que la bassesse inspire. Ces ex l'observation générale en faveur de la France,
pressions sont énergiques et vraies. L'âme qui pays d'honneur et de loyauté, nous savons qu'on
obéit à un mobile abject et méprisable est en ef raisonneur subtil nous écraserait aisément sous
fet aussi éloignée que possible de sa sublime les exemples particuliers, et sous les preuves
origine ; elle rampe au lieu de déployer ses bril civiles ou politiques de la bassesse individuelle.
lantes ailes ; elle se place aussi bas, par le mal BASSETTE. Jeu de cartes fort commun
heureux usage de sa liberté, qu'elle devait mon au commencement du siècle dernier. C'est
ter haut par la vocation de sa nature. une espèce de pharaon. Quelques années après
Il y a de la bassesse à renier sa foi , à trahir l'introduction de ce jeu en France , un mathé
un ami , à flatter ceux qu'on craint ou qu'on maticien du nom de Sauveur lit , par les règles
méprise. Le mensonge est un acte de bassesse ; de l'algèbre, une supputation et une table où il
la dénonciation en est un autre , flétri par les montrait , non pas qu'il y eût des coups sûrs pour
consciences mêmes les plus indulgentes. C'est les joueurs, mais bien des coups moins des
une passion basse que l'égoîsme ou la jalousie , avantageux les uns que les autres. La bassette
ou la gourmandise , parce qu'on y reconnaît un fut interdite par les arrêts et ordonnances de
caractère de lâcheté réfléchie. police ; alors, pour éluder ces défenses , on dé
La plupart des actes de bassesse commis dans guisa la bassette sous le nom détour et contre,
le monde ont rapport soit à la réputation, soit à ce qui attira de nouveaux arrêts. On prétend
l'argent. Celui qui , pour se frayer une voie à que ce jeu fut inventé par un noble vénitien ,
' quelque emploi , à quelque distinction, déprécie qui pour cela fut banni de Venise. Il fut intro
en particulier ses concurrents qu'il salue affec duit en France par M. Justiniani , ambassadeur
tueusement en public , agit avec bassesse. Il de la république en 1674.
veut faire tort , et se cache du tort qu'il fait. BASSI, architecte milanais qui florissait
L'amour de l'argent, bien plus fréquemment au xvi* siècle. Lorsque le Pellegrini , aban
que l'ambition , inspire des actes privés de tout donnant le style gothique suivi depuis deux
caractère généreux. On dit proverbialement , et siècles dans la fameuse cathédrale de Milan ,
avec assez de justesse, quoique d'une manière voulut décorer cet édifice d'un portail de carac
trop générale : Il n'y a point de bassesse qu'on tère grec , le Bassi s'opposa de tout son pouvoir
ne fasse pour de l'argent. L'avare , qui rend un à cette funeste innovation ; il en appela au ju
culte à l'argent, fera cent bassesses par jour ; le gement de Palladio, de Vasari , de Bertano, qui
prodigue méritera aussi souvent ce blâme, mais tous trois désapprouvèrent hautement le projet
rarement pour les mêmes causes, excepté quand de Pellegrini. Bassi publia à cette occasion un
la soif de dépenser lui impose la nécessité d'ac ouvrage intitulé : Dispareri in materia d'ar-
quérir à tout prix. chitettura e di prospettiva.
BAS ( "33 ) RAS
BASSIE {bot. ). Genre de plantes de la fa Bassigni était enclavé dans le diocèse de Toul.
mille des Sapotées ou Sapotiliebs {voyez ce Plus tard , ses limites s'agrandirent pour em
mot pour les caractères botaniques ) . Il renferme brasser la meilleure partie du diocèse de Lan-
des arbres originaires des Indes vulgairement gres. L'ancienne partie du Bassigni, celle qui se
appelés illipé, dont le fruit est une drupe à trouvait dans le diocèse de Toul, appartenait au
chair laiteuse qui, dans le bassia butyracea, duc de Lorraine; le reste dépendait de la Cham
fournit une sorte de beurre ou d'huile solide pagne. Vaucouleurs appartenait au Bassigni
que l'on emploie comme aliment, et que l'on champenois, et c'était le lieu le plus célèbre de
fait aussi brûler. Dans l'intérieur de l'Afrique, toutle pays. C'est là que les empereurs et les rois
le beurre ou huile figée exprimée des baies du de France avaienteoutume de se rendre pour con
bassia butyracea, est appelé beurre de Galam, férer ensemble des intérêts des deux nations. Le
parce qu'il arrive de ce pays, en pains envelop territoire de Vaucouleurs, situé sur les bords de
pés de larges feuilles. Ce produit est blanc , la Meuse, étant censé sur la limite commune de
onctueux , ayant un peu l'odeur et la saveur du France et d'Allemagne ; mais la véritable célé
beurre de cacao. Il sert à tous les usages domes brité de ce petit point de la France est, comme
tiques, comme notre beurre. Les nègres lui attri on sait, d'avoirdonné naissance à la femme forte
buent en outre de grandes propriétés contre les par qui la France devait être miraculeusement
douleurs. On en fait des frictions sur tout le arrachée à la domination anglaise , à Jeanne
corps dans le rhumatisme, la gale, la goutte. d'Arc , surnommée l'héroïne de Vaucouleurs.
Le même produit végétal sert à faire du savon. Chaumont était la priucipale ville du Bassi
Il ne faut pas confondre le beurre du Butyracea gni; Langres, Mussi-l'Évéque, Bourbonne-les-
avec le beurre de bambou ou de palme, qui Bains, etc., venaient ensuite. On voit par-là
est rougeâtre et qui provient d'une espèce de pal que le Bassigni correspond à notre département
mier (Elais Guinéensis, L.) , ni avec le beurre de la Haute-Marne. I. J.
de chiquea , qui est verdàtre et provient égale BASSIIV {géographie pays.). L'eau cou
ment d'une espèce de palmier. Dans les bonnes vre les trois quarts de la surface du globe. Ces
années, le B. butyracea, ou arbre à beurre, masses d'eau se divisent en mer, lacs, glaciers
porte jusqu'à deux et trois cents livres de fleurs, et neiges perpétuelles, ruisseaux, rivières et
qui sont comestibles et servent à aciduler les fleuves, qui forment autant de bassins. Il existe
aliments, quand une fois on les a fait rôtir ou à la surface du globe un océan avec ses golfes
bouillir ; elles fournissent également, par la fer et ses méditerranées , qui recouvre plus des
mentation , une espèce d'alcool. On connaît en deux tiers de la croûte solide de la terre, et qui
core d'autres bassies , le B. latifolia , qui jouit environne les continents de toutes parts.
à peu près des mêmes propriétés que le précé La masse des eaux marines est immense;
dent , et le B. longifolia , dont les rameaux car, d'après les observations les plus exactes des
servent de flambeaux ; ses fleurs donnent en navigateurs et des voyageurs, la profondeur
infusion une boisson agréable et rafraîchissante ; moyenne de l'Océan est d'environ mille mètres.
ses fruits fournissent une huile excellente pour Voilà le plus grand des bassins.
brûler et faire du savon. A. Viennent ensuite ces amas d'eau qui n'ont
BASSIGNI, nom d'une des anciennes di aucune communication avec la mer. Ce ne sont
visions de la Champagne. Il s'entendait de la que d'immenses lacs, et c'est improprement
partie la plus méridionale de cette province , de que la plupart des géologues et des géographes
celle qu'on voit surles cartes s'avancer en forme disent la mer Caspienne, la mer d'Aral et la
de coin, entre la Lorraine, la Franche-Comté et mer Morte; il serait convenable de donner le
la Bourgogne. C'est de cette situation dans la nom de caspiennes à ces grands amas d'eaux ,
partie la plus inférieure de la Champagne, que et de donner celui de lacs à toutes les eaux dor
le Bassigni, selon divers auteurs, aurait tiré son mantes inférieures à celles-ci, et autres que
nom. Il serait cependant plus simple de le faire l'Océan. C'est dans cette division qu'il faut pla
venir de l'ancienne désignation latinepagus Ba- cer le lac de Genève, le lac de Constance , etc.
ciniacensis, ou de celle de Basiniacum , sous Les lacs sont presque toujours salés , quand ils
lesquelles ce pays figure dans le partage du ne reçoivent aucun courant ; leurs eaux sont
royaume de Lothaire en 870. A cette époque, le douces , quand il en sort quelque rivière. Les
BAS ( 734 ) BAS
marais ne diffèrent des laes qu'en ce que leurs l'Ob ou Obi, grossi par le puissant fleuve Irtych,
eaux sont moins profondes ; mais quelques-uns considéré faussement comme son affluent, mais
sont tellement étendus, qu'ils donnent naissance qui en est plutôt la branche principale; du
à de grands fleuves, tels que la Dwina et le Bo- lenissei (c'est le fleuve de l'ancien continent),
rysthène , sortis d'un vaste pays marécageux qui, d'après nos calculs, a le cours le plus long;
dont la Lithuanie est couverte. de la Lena, du Kiang (le fleuve par excellence);
Les courants ont des eaux douces , et pro du Sakhalian (le noir) ou Amour; du Houang-
viennent primitivement de l'atmosphère, c'est- Jlo, en chinois (fleuve jaune), en mongol , Kara-
à-dire des pluies. Les torrents sont des courants Moura (fleuve noir) ; du May-Kaoung , du Sa-
plus rapides qui doivent leur naissance à de louen, de Plrrouaddi, du Gange, du Brahmâ-
grandes chutes d'eaux ou à la foute subite des poutra, du Sindh ou Indus, de l Euphrate et
neiges et des glaces. du Tigre, qui forment par leur réunion le Chat-
Les glaciers et les neiges éternelles ne sont el-Arab; l'Oural qui sépare l'Europe de l'A
que la condensation de l'eau en neige ou l'eau sie, etc., etc.
solide, et s'expliquent facilement par l'attraction Les principaux de l'Afrique sont ceux da
que le sommet des monts exerce sur les nuages, Nil , du Sénégal et de la Gambie , du Djoliba ou
et par le froid qui règne continuellement sur les Kouara (Niger) , du Kouango ou Zaïre , de l'O
grandes élévations du globe. range, du Zambèse ou Kouara , du Loffih , do
Les ruisseaux , les rivières et les fleuves doi Mother, de l'Outando, du Zébi , de l'Veou , da
vent leur naissance à des sources ; ces sources Chari, etc.
sont formées par l'eau tombée de l'atmosphère , Ceux de {'Amérique sont formés par les plus
et qui , lorsqu'elle ne se rend pas à la mer à tra grandsfleuves du monde. Les principaux d'entre
vers le sein de la terre, reparait à sa surface, ceux-ci aboutissent à l'Océan Atlantique et a
et forme ces sources. ses enfoncements, sauf le Saint-Laurent, à sa
Les chaînes de montagnes, déterminant, par voir : l'Orénoque et ses affluents; le Maranoa,
la position de leur versant , les reliefs qui cir dit communément l'Amazone; le Tocantin, dît
conscrivent plus ou moins un bassin quelcon Para, dans la partie inférieure de son cours et
que , tracent entre celui-ci et les bassins voisins dont la branche principale estleRio-Grande aa
une limite moyenne qui a reçu le nom de ligne Uraguay (tout le bassin de ce fleuve appartient
du partage des eaux. Les eaux qu'elles ren au Brésil) ; le San-Francisco ; le rio de la Plata,
ferment dans une direction quelconque, for large courant formé par la réunion du Paranaet
ment les limites des bassins des rivières ou des de l'Uraguay; le Mississipi et le Missouri, sa
fleuves. Ces bassins renferment aussi, entre les branche principale et non son affluent, ainsi
rivières ou les fleuves , tous les courants qui se qu'on le dit généralement ; car ses véritables et
joignent à eux depuis leur source jusqu'à leur principaux affluents sont : l'Arkansas et la ri
embouchure. L'étendue du bassin est donc en vière Rouge à la droite et l'Ohio à la gauche ; le
rapport avec la longueur du lit du cours d'eau rio del Norte, autrefois rio Bravo; l'Orégon
dont il dépend. ou Colombia , la Magdalena , le Nelson , le
Les principaux fleuves de l'Europe, ceux qui Mackenzie et l'immense Saint-Laurent, etc.
donnent leur nom aux bassins fluviatiles, sont Remarquons, en passant, que le bassin de Saint-
au nombre de vingt-huit , dont voici les princi Laurent renferme les lacs Huron , Érié, Ontario,
paux : 1° le Volga, le plus grand fleuve euro Saint-Clair, Michigan, Supérieur, quis'écouleot
péen, qui arrose une immense partie de la Rus par ce fleuve et qui forment ce que nous appe
sie européenne, où il a sa source, et qui se jette lons la mer d'eau douce ou du Canada, la plus
dans la grande Caspienne , à la limite S.-E. de vaste masse d'eau douce qui existe sur la sur
l'Europe ; 2° le Don ; 3° le Dniepr ; 4° le face du globe; puisque le seul lac Supérieur dé
Dniestr; 5° le Danube; 6° la grande Dwina; passe tous les lacs d'eau douce de notre pla
7° la petite Dwina; 8° la Vistule; 9° l'Oder; nète. Le Saint-Jean et autres dans le Canada,
10» l'Elbe; 11° leWéser; 12° le Rhin; 13" la le Champlain, etc., dans les États-Unis, appar
Meuse; 14* l'Escaut; 15° la Tamise; 16° la tiennent à ce même bassin.
Seine, rÈbre, l'Arno, le Tibre, le Pô, etc. L'Océanie , composée de myriades d'Iles, et
Les principaux bassins de l'Asie sont ceux de ne possédant que le plus petit des continent».
BAS ( 735 ) RAS
n'a aucun bassin qui puisse être comparé à ceux minérale de la terre ; dans la seconde , il désigne
formés par les grands fleuves des quatre autres seulement un ensemble de pentes ou de surfaces
parties du globe. L'Australie elle-même , conti inclinées , d'où découlent les ruisseaux et les ri
nent austral, n'en compte que de médiocres. Les vières qui alimentent un fleuve. Ainsi , dans un
principaux sont : le Brisbane, le Hawkesbury , cas , la dénomination dont il s'agit se rapporte
le Clarence; leRichmond; le Murray ; la rivière à la structure intérieure , et dans l'autre , à la
des Cygnes , le Derwent et le Tamar dans la configuration superficielle du globe. Il importe
Tasmanie; dans la nouvelle Zélande, Ika-na- donc de ne pas confondre les bassins hydrogra
Maoui en l'île septentrionale, le Choukianga phiques avec les bassins géologiques.
et le Waï-Pa ( longue rivière ) ; le Bendjar- Un bassin géologique est un ensemble de cou
Massing, dont l'auteur de cet article a décou ches qui remplissent une cavité ou dépression
vert la source dans le lac Kiny-Ballou. dans un sol inférieur de nature différente , et
Dans la grande ile de Kalémantan, impro qui sont disposées de manière à être plus rele
prement nommée Bornéo , on doit compter le vées vers les bords que vers le milieu de la ca
Pontianak ; le Varouni ; le Siak ; l'Indragiri et vité. Si l'onjette les yeux sur la carte géologique
le Palembang ; le Singkel dans celle de Sou- d'un vaste pays, on reconnaîtra bientôt que les
madra; le Solo ou Beng-Awan; le Kediri dans terrains stratifiés ou neptuniens constituent des
l'ile de Java; le Pelanghi dans l'île de Main- espèces d'enclaves entre des chaînes de monta
danao; le Tajo et le Passig dans celle de Lou- gnes dont l'axe est formé par les roches dites
coii ; la Chinrana dans l'île magnifique de massives ou plutoniques. Chacun de ces grands
Célèbes , etc. massifs de couches offre tous les caractères de
Les montagnes de la France s'inclinent en ce qu'on appelle un bassin géologique. Le centre
trois versants ; le principal est l'Océanique, ar est occupé par les couches les plus modernes ,
rosé par la Garonne , la Loire et la Seine , et et elles s'y présentent dans une position parfai
qui déverse ses eaux dans l'Océan ; le deuxième tement horizontale. Si l'on part de ce centre pour
est le versant rhénan ; le troisième est le versant aller vers l'extérieur dans une direction quelcon
méditerranéen. que , on trouve de tous côtés la même série de
Le territoire de la France peut être divisé en couches , disposées dans le même ordre, et sor
quinze bassins : je ne parlerai que de celui de la tant successivement les unes de dessous les au
Seine au cours sinueux , de cette espèce de grande tres, en se relevant vers les bords du bassin,
rue de Paris , qui prend sa source au bas d'un l'ordre dans lequel les couches qui affleurent à la
coteau du plateau de Langres, reçoit la Marne, surface du sol se succèdent les unes aux autres,
l'Oise, l'Yonne et l'Eure, et a sa large embou n'est autre que l'ordre chronologique de leur
chure dans l'Océan. Il est formé par le prolonge formation successive. Paris est le centre d'un
ment de la chaîne armorique, qui , au sud , sé grand bassin géologique qui se termine du côté
pare ce fleuve de la Loire, et va se rattacher aux de l'est à la chaîne des Vosges, et du côté de
montagnes du Morvan , au nord , par les monts l'ouest aux montagnes de la Bretagne, de la
Faucilles et les Ardennes, qui continuent en Basse-Normandie, et à celles du pays de Galles
quelque sorte les collines de craie qui suivent le en Angleterre ; car le terrain de craie qui forme
cours du fleuve jusqu'à son embouchure , et à les falaises de la Normandie se continue au-delà
l'est , il est formé par les monts Tusselet et Mo- du détroit, où il est suivi comme en France par
resol , par le plateau de Langres et par celui les terrains jurassiques; d'où l'on voit que les
qui sépare la Meuse de l'Aisne. limites des bassins géologiques peuvent être
C'est au célèbre géographe Buache qu'est due très différentes de celles des bassins hydrogra
la première idée du système des bassins, agran phiques.
die et perfectionnée récemment par quelques- Les grands bassins géologiques, semblables à
uns de ses successeurs. G.-L.-D. de Rienzi. celui que nous venons de mentionner , se divi
BASSIN ( géol. ). Ce mot est pris dans des sent souvent en bassins partiels; à peu près
acceptions différentes en géologie et en géogra comme, en géographie , on distingue plusieurs
phie physique : dans la première de ces sciences, bassins de rivières dans le bassin général d'un
il rappelle à l'esprit une certaine disposition très grand fleuve. On emploie même quelquefois le
remarquable des couches qui composent l'écorce mot bassin dans un sens moins rigoureux , pour
BAS ■'( Ï30 ) 1US
désigner tout simplement un certain massif de Pour éviter les inconvénients qui peuvent ré
couches , une réunion de terrains qui détermi sulter de la mise à l'eau d'un vaisseau , souvent
nent le caractère d'une contrée , sans qu'il soit cassé après le lancement , on construit quelque
prouvé qu'ils existent dans une dépression sé fois les navires dans un bassin où l'eau peut
parée, et qu'ils présentent dans leur ensemble entrer et d'où elle peut être aisément retirée ;
une courbure concave. C'est ainsi qu'on dit le ce bassin de construction , dont la figure est à
bassin de Paris , pour désigner le massif tertiaire peu près celle d'un ovale , est nommé forme. Il
sur lequel la capitale est située. y en a dans lesquels peuvent entrer deux vais
Les grands bassius géologiques sont séparés seaux. Dans les ports où il y a des formes , ou
les uns des autres par des chaînes de montagnes n'abat pas les vaisseaux en carène, et pour les
comme les bassins hydrographiques le sont par radouber on ne les place pas sur un gril ; on les
des arêtes ou lignes de partage des eaux. Ces li fait entrer au bassin , à la marée haute ; puis ,
gnes de démarcation des bassins hydrographi à la marée basse , l'eau s'étant retirée, on ferme
ques se confondent assez souvent avec les crêtes les portes , et ensuite avec des pompes on épuise
des grandes chaînes : mais ce serait une erreur ce qui reste d'eau au bassin, dans lequel on éta
de croire qu'il doit toujours exister entre deux blit sur des béquilles le navire qu'on veut répa
fleuves , ou deux rivières , une chaîne de mon rer. Le radoub fini , on introduit l'eau dans la
tagnes , et une chaîne d'autant plus considérable forme ; on ôte au navire les étançons à mesure
que le cours d'eau est plus grand. Les observa que ces appuis lui deviennent inutiles , et quand
tions des géologues modernes ont fait reconnaître le bâtiment flotte, on le fait sortir du bassin.
combien était faux et erroné le système de cer BASSIN (optique). Le bassin est l'outil prin
tains géographes ou dessinateurs de cartes, qui cipal des opticiens; il est, pour ainsi dire, aussi
poussant jusqu'à l'exagération les conséquences indispensable que le verre lui-même. L'outil qui
des principes posés par Philippe Buache , se sont porte ce nom consiste en un disque de cuivre
plu à environner de chaines imaginaires les bas jaune fondu, façonné ou creusé en sphère de di
sins naturels de tous les grands fleuves. C'est vers rayons ; de manière à présenter un segment
ainsi qu'ils ont couvert de montagnes les plaines sphérique de révolution , soit en creux , soit en
de la Beauce , entre Paris et Orléans , et beau relief, auquel est adapté un appendice, à pas de
coup d'autres en Espagne, dans le Brande vis , qui sert tantôt de manche pour lui impri
bourg, etc. Il est bien positivement établi au mer divers mouvements à la main , tantôt de
jourd'hui que les lignes de partage entre les bas tige pour le fixer solidement, au moyen de son
sins hydrographiques ne forment point toujours pas de vis, sur un support vertical.
les points les plus élevés d'une contrée , et que Les bassins, comme on l'a compris de suite,
les cours d'eau n'indiquent pas toujours la pente sont la contre-partie de la surface des verres
générale du sol. L'observation a prouvé qu'ils d'optique. Ils sont constammant façonnés en
parcourent quelquefois des contrées dont le sol sphère , parce que cette courbe se prête on ne
est généralement plus élevé que celui des lieux peut mieux au calcul, et qu'ensuite c'est la seule
où ils ont pris naissance. Il existe des chaînes qui s'engendre d'elle-même, par le rodaged'une
de montagnes dont les deux versants sont tra pièce en relief avec une pièce en creux. Pour
versés par le même cours d'eau , et des plaines éviter et réparer la déformation des bassins, il
qui versent leurs eaux à des bassins hydrogra est indispensable d'en avoir au moins une paire
phiques différents. Del. pour chaque courbure, l'un en relief et l'autre
BASSIN (marine). Enceinte de maçonne en creux , c'est-à-dire s'emboîtant parfaitement
rie , hermétiquement fermée par des portes so l'un dans l'autre ; de sorte que l'atelier d'un op
lides ou par des vannes. Elle sert à abriter des ticien renferme généralement une série de cou
accidents de la mer et de l'effet des vents les ples de ce genre, dont le rayon de courbure est
bâtiments qu'on veut tenir à flot, parce que compris entre un millimètre et dix mètres:
leur construction trop fine aurait à souffrir de les petits bassins servant à la taille des lentilles
l'échouage pendant le reflux, et on l'appelle de microscope simple, et les grands bassins à la
alors bassin àjlot; c'est l'ancien paradis ou taille des objectifs de grands télescopes.
chambre, qu'on appelle encore dans les ports Pour construire des bassins, il suffit de met
italiens darsa et darsina. tre sur un tour en l'air un disque en fonte de
BAS ( 737 ) Bas
cuivre, ayant l'épaisseur exigée par le segment vailler à l'eau ou à sec; le feutre et le drap se
sphérique en bois , qui est destiné à servir de collent au bassin, au moyen du mastic déjà cité,
guide; puis oh taille un burin, en vérifiant de en régularisant leur surface extérieure avec
temps en temps avec le guide ; dès qu'on est ar l'autre bassin, quand le mastic est encore fluide.
rivé aussi près que possible de la courbure , on Le papier, qui ne permet qu'un travail à sec, se
imprègne la surface courbe du guide , d'émeril colle au bassin au moyen d'empois. Avec ledrap
délayé à l'eau, puis on la presse légèrement con et le feutre on polit au rouge (peroxide de fer ),
tre la surface du bassin , en déplaçant de temps et avec le papier on polit au tripoli (silice), ou à
en temps le guide, jusqu'à ce que le contact soit la potée d'étain (deutoxide d'étain). Ce dernier
parfait, évitant de prolonger l'opération, crainte travail s'exécute comme le douci, c'est-à-dire en
d'altérer ou d'agrandir la courbure. On en fait inclinant en tous sens la pièce de verre pendant
autant pour le bassin correspondant, puis on que le bassin pivote.
les rode l'un sur l'autre à la main avec de l'éme- Lorsqu'il s'agitde verres simples, dont la cour
ril de plus en plus fin. bure a un rayon de un à deux décimètres, tels que
Pour tailler les verres d'optique avec les bas les verres de lunettes, il n'est pas nécessaire de
sins (des objectifs simples, de lorgnette, par les tailler un à un ; aussi en taille-t-on trente ou
exemple ) , on découpe au diamant des morceaux quarante à la fois , sur un même bassin , après
de glace, puis on coule sur l'une des faces un les avoir dégrossis et saisis tous ensemble, avec
peu de mastic, composé de bitume ou poix allié du mastic, pendant qu'ils sont posés sur la sur
à la gomme laque, que l'on pétrit, pendant qu'il face du bassin.
est encore chaud , en une sorte de manche fa Nous entrerons dans de plus grands détails à
cile à saisir avec les doigts de la main gauche , cet égard au mot Optique, traitant de la nature,
puis on use la surface nue, avec de l'émeril, sur de l'assemblage et de la disposition des verres.
le bassinqui pivote rapidement au sommet d'un DASSIN (archit.). On appelle ainsi une ca
axe vertical mu au moyen d'une courroie qui vité destinée à recevoir et à contenir l'eau. C'est
s'enroule sur la roue à gorge d'un autre arbre un objet d'utilité ou d'agrément , selon sa des
vertical, mis en mouvement par la main droite. tination. Les anciens les faisaient en maçonnerie
Quand la première surface est dégrossie, on y de blocage , revêtue , à l'intérieur, d'un enduit
colle le mastic et on opère de même sur la nou de pouzzolane ou d'une couche de ciment. Ces
velle surface nue. Cela fait, on procède au enduits , d'environ un pouce d'épaisseur , ont
douci, c'est-à-dire qu'on fait disparaître de la acquis , avec le temps , une dureté supérieure à
surface dégrossie toutes les raies et les creux celle même de la pierre. On avait soin (et nous
grossiers, pour y substituer une surface homo devons suivre cet exemple ) d'effacer les angles
gène , régulière et douce au toucher, composée par des arrondissements , afin de fortifier les
de cavités infiniment petites. Pour réussir dans endroits où l'eau agit avec le plus de force, et
cette opération, qui est la plus difficile et la plus de faire les fonds un peu concaves , afin que la
délicate de toutes , parce que c'est celle qui dé plus grande profondeur soit au milieu, et que
termine la surface du verre, il faut d'abord ro les parois latérales éprouvent une moindre pres
der les bassins l'un sur l'autre, puis y travailler sion. L'Italie moderne a conservé les procédés
le verre avec des émerils de plus en plus fins , anciens , qui réussissent comme autrefois.
jusqu'à ce que l'on arrive à la potée d'émeril, En France, on les construit souvent en Bé
que l'on use jusqu'au bout, en tenant constam ton ( voy. ce mot). Pour assurer, dans ce cas,
ment le bassin moite par un jet non interrompu la solidité , il faut que l'épaisseur du béton ,
de salive, et en ayant soin de passer fréquem qui forme le mur de circuit, soit environ la
ment avec une éponge moite sur les bords du douzième partie du diamètre intérieur , et que
bassin et ceux du verre. le massif qui forme le fond ait les deux tiers
Après le douci vient le poli. Cette dernière de l'épaisseur du mur. La stabilité du sol est
opération s'exécute encore avec les bassins; une des conditions indispensables ; si ce fond
mais cette fois on établit un intermédiaire entre est en sables mouvants ou en terres rappor
la surface du bassin et celle du verre; c'est-à- tées, on devra le consolider par un gros gril
dire qu'on revêt la surface du bassin de feutre, lage de poutrelles, rempli en moellons et ciment.
de drap ou de papier, suivant que l'on doit tra- Pour construire un bassin en béton, on fait en
Encyclopédio du XIX' siècle. T. IV. 47
BAS ( 738 ) BAS
terre une fouille ayant le même diamètre que le de ces os à un bassin : son disciple Colombus,
bassin , plus l'épaisseur des murs. On étend au et, depuis , tous les autres anatomistes jusqu'à
fond une couche de béton, puis sans désempa nos jours, ont adopté cette dénomination.
rer , on établit une cloison circulaire d'un dia Le bassin présente une forme très irrégulière-
mètre égal à celui du bassin , et on remplit de dont il est bien difficile de donner une descrip
béton l'intervalle qui reste entre cette cloison et tion exacte; il est plus large latéralement que
les parois de la fouille. Quand le béton est pris , d'avant en arrière, et sa hauteur est plus con
on enlève la cloison qui a servi de moule. On sidérable en arrière et sur les côtés qu'en avart;
recouvre ensuite les parois intérieures d'un en on le divise en grand et petit bassin , qui sont
duit de ciment. séparés par ce qu'on appelle le détroit supé
A Paris, et dans plusieurs autres endroits, on rieur; la ligne saillante qui forme ce détroit se
construit les bassins en maçonnerie de moellons, nomme marge du bassin, et circonscrit une
revêtu, à l'intérieur, d'un fort enduit de ciment, ouverture de forme elliptique, dont le grand
qu'on appelle une chemise de ciment. diamètre est transversal. Le grand bassin est
Pour éviter les infiltrations , on construit circonscrit supérieurement par un bord appelé
quelquefois autour du bassin deux murs concen aussi base du bassin. Ce bord dont l'evasement
triques , dont l'intervalle est rempli de glaise et constitue les hanches, présente enavant une vaste
de terre franche. Souvent on revêt les petits bas échancrure que remplissent les muscles abdo
sins de feuilles de plomb, ou de dalles jointes minaux. Le détroit inférieur circonscrit infé
par du mastic gras. Lorsqu'on veut pratiquer rieurement le petit bassin , et est formé par la
une décharge pour mettre le bassin à sec , il est partie la plus inférieure du coccix, par les liga
bon de la mettre au milieu , pour éviter que ments qui s'étendent du sacrum aux ischions,
tout l'effort de l'eau ne se porte sur celui des par les branches ascendantes de ces derniers
deux bords où cette décharge se trouverait os, et par les branches descendantes des pubis ;
placée. Quant à la décharge de superficie, ou il offre trois grandes arcades, deux latérales
trop-plein, on peut, sans inconvénient, la pla situées entre le coccix et les tubérosités ischia-
cer à l'endroit le plus commode. tiques, et une antérieure plus grande, désignée
Les bassins sont un des plus beaux ornements sous le nom à'arcade pubienne. La surface ev
des jardins ; on peut les décorer de jets d'eau , terne du bassin présente d'avant en arrière la
de cascades , de statues , de vases , etc. Le parc symphyse du pubis, les trous obturateurs, les
de Versailles présente les plus beaux modèles en cavités cotyloïdes, les symphyses sacro-Uia-
ce genre. La profondeur ordinaire des bassins ques, les apophyses épineuses du sacrum et les
d'agrément , est de 2 pieds à 2 pieds 6 pouces. trous sacrés postérieurs. La surface interne est
On les fait un peu plus profonds quand on veut divisée , comme nous l'avons dit , en deux par
y nourrir des poissons ou s'y promener en ba ties : la première , ou grand bassin , est fort
teaux. E. B—n. évasée; elle offre, de chaque côté du sacrum,
BASSIN (anatomie). On donne ce nom à une gouttière qui est en partie remplie par le
«ne cavité osseuse qui termine le tronc inférieu- muscle psoas, puis en-dehors les symphyses sa
rement, et est formée par la réunion de plu cro-iliaques, et enfin les fosses iliaques inter
sieurs os : le sacrum et le coccix en arrière , nes recouvertes par les muscles du même nom.
»et les deux os des îles, appelés aussi innominés Le petit bassin présente intérieurement les sym
ou coxaux, sur les côtés ou en avant; chacun physes pubienne et sacro-iliaque , les trout
des os des îles peut lui-même être considéré obturateurs et les trous sacrés antérieurs.
comme formé de trois pièces : t° Vilion , qui en L'axe du bassin ne suit pas la même direction
est la portion la plus considérable , et qui oc que celui du corps; l'angle qu'il forme avec loi
cupe la région postérieure et un peu Supérieure varie même dans son étendue, et est plus ouvert
du bassin; 2" le pubis, situé antérieurement, en haut qu'en bas, de sorte qu'on peut l'évaluer
3* enfin Yischion, placé inférieurement et un à trente degrés environ dans sa partiesupérieure,
peu postérieurement. Ces trois parties de l'os vingt-et-un au milieu, et dix-huit dans sa partit
des iles se réunissent vers le fond de la cavité inférieure.
cotyloïde qui reçoit la tête du fémur. Vasèle fut Le sexe et l'âge apportent de grandes diffé
le premier anatomiate qui compara l'assemblaga rences dans la forme générale du bassin : niais
DAS ( 739 ) BAS
de plus amples détails à cet égard rentrent dans ordinaire : l'ostéite, la nécrose, la carie, les
le domaine dus ouvrages spéciaux. tumeurs osseuses, seront combattues et traitées
Le bassin, dans l'espèce humaine, sert de comme on le fait habituellement , seulement on
base de sustentation au reste du tronc, et se agira avec plus de soin et d'énergie.
trouve lui-même supporté par les membres in Une considération d'une haute importance
férieurs ; il contient et protège des viscères im dans la pathologie du bassin, ce sont les résul
portants. Il peut, comme toutes les autres par tats funestes qu'entraînent le développement de
ties du corps , présenter des difformités congé- tumeurs osseuses à l'intérieur même de la ca
niales ou acquises, qui intéressent les os ou vité, et les déformations organiques de cette
leurs connexions , et qui sont utiles à étudier, ceinture. La cavité du bassin rétréci e et viciée,
eu raison de l'influence fâcheuse qu'elles peu les organes contenus sont nécessairement com
vent exercer sur d'autres organes. primés, et leurs fonctions rendues difficiles et
L'étude du bassin de l'homme comparé au même impossibles. A cette cause on doit rap
bassin des autres vertébrés, doit être faite au porter souvent le déplacement de l'utérus (an-
mot Squelette. A. D. te version et rétroversion), et l'histoire des dé
BASSIN {pathol.). Considéré du point de formations du bassin se lie encore à l'histoire
vue pathologique , le bassin est d'une haute des déviations organiques, aux vices de la taille,
importance médicale , et surtout chirurgicale. qui souvent résultent de désordre dans les os
Cette ceiuture osseuse , revêtue de muscles épais, de cette ceinture osseuse. ( Voy. Obthopédie.)
renferme les organes les plus immédiatement BASSINE , sorte de bassin très large et peu
nécessaires à l'entretien et à la conservation de profond , que l'on emploie dans un grand nom
l'individu et de l'espèce. Elle livre passage à de bre de professions pour faire fondre et chauffer
gros troncs vasculaires, aux conduits extérieurs diverses substances. Les chimistes, les pharma
des appareils de la digestion et de la repro ciens, les confiseurs, les ciriers, se servent de
duction. Aussi les maladies qui l'affectent ti bassines. Ces vases sont généralement en cuivre
rent-elles un caractère particulier de gravité, rouge, non étamé , sans quoi ils donneraient à
du voisinage des organes contenus. Les luxa certaines préparations une couleur violacée ; le
tions, les fractures des os du bassin, la carie de fond en est plat et assez mince, pour favoriser
ces mêmes parties , sont par ces mêmes raisons l'ébullition rapide et simultanée des matières
plus dangereures ; elles réclament , pendant le qui ne doivent pas être soumises longtemps à
traitement, une surveillance journalière, pour l'action de la chaleur. V. R.
prévenir une extension funeste du travail pa BASSINET. On appelle ainsi la partie de
thologique. L'épauchement du pus dans la ca la platine dune arme à feu dans laquelle on met
vité du bassin est d'autant plus à craindre, que l'amorce , et qui est recouverte par la batterie.
plusieurs points de cette enveloppe osseuse sont Cette pièce dépasse le corps de la batterie d'un
plus profondement cachés dans la profondeur peu plus d'un demi-pouce. Plate par- dessus,
des parties molles, circonstance qui rend sou elle est de forme ronde par-dessous ; sur sa face
vent encore le diagnostic d'une extrême diffi supérieure, une petite cavité, à laquelle elle doit
culté. Du reste, les os qui entrent dans sa com son nom , communique directement avec la lu
position, sont sujet à toutes les maladies pro mière du canon. Pour empêcher les armes à feu
pres au tissu osseux, et réclament le traitement de partir accidentellement et pour préserver l'a
qui leur est propre. Les luxations et les fractures morce de toute humidité, M. Régnier, ancien
sont ici plus difficiles à reconnaître par la diffi conservateur du Musée d'artillerie de Paris,
culté et le danger d'imprimer, aux os disjoints avait imaginé un mécanisme aussi simple qu'in
ou brisés, des mouvements qui pourraient com génieux , connu sous le nom de bassinet de sû
promettre l'intégrité des organes internes. Dans reté. C'était un demi-cylindre creux , semblable
tous les eas, l'immobilité du bassin, et un trai à ceux dans lesquels sont renfermées ces petites
tement énergique propre à prévenir l'extension vierges d'ivoire qu'on vend dans nos campa
de l'inflammation , sont les premières conditions gnes , et qui , suivant le sens dans lequel il était
de guérison ( vo>/. Fbacti!kes et Luxatioss). tourné, cachait la poudre ou la mettait à décou
Losiuilres maladies des os du bassin ne récla vert. Aujourd'hui que le système de percussion,
ment pus d'autre traitement que le traitement déjà adopté depuis longtemps pour les armes de
BAS ( 740 )
chasse, l'est en grande partie pour les armes de de jeunes libertins que Henri IV appelait en
guerre, le bassinet est remplacé par une sorte de plaisantant , les dangereux , et figura dans tou
marteau sur lequel on pose l'amorce fulmi tes les fêtes données alors à Paris. Il n'en fit
nante. — On emploie encore le mot bassinet, pas moins avec distinction ses premières armes
dans l'art hydraulique, pour désigner un petit en 1602 , contre le duc de Savoie ; l'année sui
retranchement pratiqué dans les parois inté vante, il se signala en Hongrie, où il servit con
rieures d'une cuvette destinée à mesurer la tre les Ottomans. Il revint en France, après
quantité d'eau fournie par une source. Enfin, cette expédition, et son mérite et sa naissance
l'on appelait ainsi autrefois l'espèce de calotte lui permirent d'aspirer à la main de mademoi
de ferque portaient les hommes d'armes. V. R. selle de Montmorency , une des plus belles per
BASSINOIRE (écon. dom.), bassin de sonnes de la cour, et fille du connétable du
métal dont on se sert pour chauffer les lits des même nom. Celui-ci voyait avec joie ce mariage,
personnes malades ou délicates. Les unes sont qui allait se conclure , lorsque Henri IV , qui
en cuivre, à manche fixe et à couvercle percé de avait conçu pour mademoiselle de Montmorency
trous ; on les emplit de braise ou de cendres une passion violente , dit à Bassompierre : « Je
chaudes. Elles ont l'inconvénient de s'éteindre « te veux parler en ami 5 je suis devenu , non-
facilement lorsqu'on les passe entre les draps , « seulement amoureux , mais fol et outré de
par suite du défaut d'air ; de laisser échapper « mademoisellede Montmorency; si tu l'épouses,
une chaleur peu favorable à la santé, et d'expo « et qu'elle t'aime , je te haïrai : si elle m'aimait,
ser ceux qui s'en servent à mettre le feu , lors « tu me haïrais; il vaut mieux que ce ne soit
qu'on les laisse trop longtemps à la même place, « point cause de rompre notre bonne intellt-
ou qu'on les remplit de charbons trop ardents. « genec ; car je t'aime d'affection >• . Bassom
Les autres portent le nom de moines, et sont en pierre renonça à cette alliance, autant par dé
terre cuite ou enétain cylindrique. Dans quel vouement pour son ami, que par soumission
ques contrées, on leur donne le nom et la forme à son maître. Henri l'embrassa en pleurant de
grossière d'un crapaud. On les remplit d'eau joie. Mademoiselle de Montmorency devint prin
bouillante, et on les dépose dans le lit, le plus cesse de Condé , et l'on ne peut guère pardonner
souvent au pied. Elles ont le défaut de ne com à Henri IV d'avoir forcé Bassompierre d'être
muniquer que partiellement la chaleur. Les An témoin de ce mariage.
glais ont imaginé un instrument qui réunit tous A la mort du roi , Bassompierre qui le re
les avantages des deux précédents , et qui n'a gretta sincèrement , resta fidèlement attaché à
aucun de leurs inconvénients. C'est un vase sa veuve et à son fils. Louis XIII le fit maré
d'étain de la forme d'une lentille, d'environ chal de France en 1 622. La faveur du roi tour
quinze pouces de diamètre , et auquel peuvent menta de Luynes , favori en titre , qui engagea
s'adapter à volonté un manche et un bouchon. Bassompierre à quitter la cour en lui offrant
On remplit le bassin d'eau bouillante, et , après un gouvernement. « Je vous aime , lui dit-il, et
y avoir mis le manche , on le promène dans Je « je vous estime; mais le penchant du roi pour
lit , auquel il communique dans toutes ses par « vous me cause de l'ombrage. Je suis enfin
ties une chaleur moite, sans qu'on ait à craindre « comme un mari qui craint d'être trompé et
le feu , puis on remplace le manche par le » qui ne souffre pas avec plaisir un homme ai-
bouchon , et on laisse la lentille aux pieds du ma •< mahle auprès de sa femme » . Après quelque
lade. Cette bassinoire s'emploie encore comme hésitation, Bassompierre accepta l'ambassade
chaufferette en voyage et en voiture. V. R. d'Espagne. En 1625, il fut envoyé en Suisse,
BASSOMPIERRE (Fiunçois de) , maré puis en Angleterre.
chal de France , fut un des hommes les plus Luynes mourut, et le règne du cardinal de
brillants de son époque. Il naquit en Lorraine, Richelieu commença. L'indépendance du carac
en 1579 , et descendait d'une des branches de la tère du maréchal , ses liaisons avec la maison
maison de Clèves. Après avoir fait quelques de Lorraine, inquiétèrent le despote qui gouver
■voyages , il parut à la cour de Henri IV , séjour nait la France , et dont la politique constante
des plaisirs, où ses avantages personnels, son était l'abaissement de l'aristocratie. Bassom
goût pour le faste , le jeu et la galanterie , le fi pierre entra dans plusieurs intrigues qui furent
rent rechercher. Il se joignit bientôt au groupe déjouées par le cardinal ; celui-ci ne manqua ja
BAS ( 741 ) BAS
mais de les punir, et Bassompierre fut arrêté le colique encore peut-être plus incisive que ceux
23 février 1631. La princesse de Conti , Louise de la Chanteeelle ( voyez ce mot) du violon
de Lorraine,dont il avaitété l'amant etqu'ilavait celle.
fini par épouser secrètement , mourut de dou L'étendue du basson est donc de trois octaves
leur en apprenant son arrestation. Averti du et demie, à partir du contre si bémol (troisième
danger qu'il courait, il avait, dit-il dans ses touche noire de la première octave d'un piano),
Mémoires , brûlé plus de 6,000 lettres d'amour jusqu'au contre ré naturel ( vingt-septième tou
qui auraient compromis les plus grandes dames che blanche du même instrument).
de la cour. Le basson , qui , par la forme de son anche
Lorsqu'il sortit de la Bastille, après douze et sa qualité de son un peu nazillarde , a beau
ans de captivité, Louis XIII lui ayant demandé coup d'analogie avec le Hautbois et le Cou an
son âge, il ne se donna que cinquante-deux ans, glais [voyez ces mots), est , en effet, la basse
quoiqu'il en eût soixante-quatre. Le roi expri naturelle de ces deux instruments si précieux
mant sa surprise : » Sire, répondit Bassompierre, dans nos orchestres. Dans les quatuors d'instru
« je retranche douze années passées à la Bas- ments à vent , c'est lui qui fait la partie la plus
« tille , parce que je ne les ai pas employées au grave ; et si dans l'orchestre il est , le plus sou
« service de votre majesté. » Il mourut d'apo vent , accompagné d'un second basson , il ac
plexie, chez le duc de Vitry, le 12 novembre quiert par cette adjonction une grande puissance
1 646 , à l'âge de soixante-sept ans. 11 avait étu de sonoréité , et y double avec effet les parties
dié avec succès dans sa jeunesse , et pendant sa de violoncelle et de contrebasse. Quoique le
captivité il écrivit quelques ouvrages qui n'ont basson s'emploie dans toute espèce de musique,
pas laissé de jeter un grand jour sur les événe quel que soit son genre et son caractère particu
ments de son temps. lier, cet instrument est beaucoup mieux à sa
BASSON [musique). Instrument à vent en place dans les compositions qui se distinguent
bois , long de près de deux mètres , ayant une par un style grave et sévère.
circonférence de cinq ou six pouces à partir de Doublant la flûte à deux octaves inférieures,
sa buse , et présentant vers son extrémité supé le basson produit un effet ravissant, surtout si
rieure un tube d'un pouce et demi de rondeur. la phrase qu'on lui assigne est d'une longueur
La base et le tube s'emboîtent l'un dans l'autre, raisonnable et pas trop surchargée de dièses ou
et à ce dernier est ajouté un petit tuyau mo de bémols; car le système acoustique dans le
bile, recourbé, en cuivre, que l'on nomme le quel cet instrument est encore construit de nos
bocal, long de douze pouces, et au bout duquel jours, ne permet pas au virtuose, à cause du
s'adapte une Anche ( voyez ce mot), composée maniement assez difficile des clefs, de faire
de deux petites lames en roseau fixées autour toute espèce de notes altérées par les deux signes
d'un petit tuyau de cuivre ou de fer, au moyen accidentels précités.
d'une corde à violon. Il y a encore à peine vingt ans qu'on ne pou
De plus , le basson , tel qu'il est employé de vait faire sur le basson le contre si naturel
nos jours , a plusieurs Clefs [voyez ce mot) de grave. Au moyen d'une clef ajoutée à l'instru
cuivre, au moyen desquelles l'exécutant modifie ment par le facteur Buffet , cette impossi
la justesse de certains sons , ou en produit cer bilité a disparu. Enfin, le basson, dont l'origine
tains autres , que l'instrument , avec les seuls date , comme celle du hautbois , d'un temps im
huit trous acoustiques dont il est percé, ne mémorial , est un instrument de la plus grande
pourrait faire entendre. utilité. Dans nos orchestres, s'il ne brille pas
Le basson est, de tous les instruments à vent seul comme dans un concerto , il fatigue moins
en bois, excepté l'orgue, celui dont le diapason aussi les auditeurs , et par l'expression si
a la plus grande étendue ; et sa qualité de son , mélancolique qui lui est propre , il remplace
qui se modifie d'octave en octave , lui donne avec avantage , dans le remplissage de l'harmo
beaucoup d'analogie avec la voix de basse ou nie, certains instruments de cuivre , trop
le violoncelle dans leurs régions inférieures , bruyants pour être employés sans relâche par
et avec .a voix de ténor et de la clarinette un compositeur habile et homme de goût. A. E.
dans leur médium. Quant aux sons élevés ou BASSORA. ( Voyez Basra. )
aigus du basson , ils ont une expression mélan BASSOIUNE {bot.). Principe immédiat de
BAS ( ™2 ) RAS
végétaux, analogue aux gommes. Elle constitue a niel). » On lit plus loin dans le même écri
presque en entier la gomme de Bassora ; on l'a vain : « Les mieux montés allèrent assez vite
trouvée également dans l'assa-fœtida, la fève de « pour atteindre la basterne , qu'ils investirent;
saint Ignace , l'euphorbe , le sagapenum , etc. « mais ilsn'y trouvèrent plus Clotilde, etilsap-
La bassorine est azotée , insoluble dans l'alcool « prirent qu'elle était déjà en lieu d'assurance.
et l'éther, soluble dans l'eau aiguisée d'acide ni « Ils ne laissèrent pas de se saisir de la bas-
trique; traitée par l'acide nitrique , la bassorine « terne, etc., etc. ( Père Daniel ). »
ne donne pas d'acide oxalique. Ce résultat néga BASTIA (Mantinum), ville située sur la
tif est son principal caractère. Elle n'est point côte nord-est de l'Ile de Corse , dont elle était
employée. A. M. autrefois la capitale. Elle compte dix mille
BASTERNE, basterna. Espèce de voiture habitants; elle est construite sur une colline
dont se servaient les dames romaines ; elle suc en forme d'amphithéâtre ; du reste , elle est
céda à la litière , si nous en croyons Saumaise, et assez mal bâtie ; ses rues sont étroites. Elle a
ellecndifféraitpeu ; mais Casaubon prétend que une forte citadelle qui donne sur la mer. Elle
la basterne vint immédiatement après la voiture possède aussi un port très étendu , mais propre
nommée carpenlus , aussi honorable que celle seulement aux petits navires. Son commercecon
que l'on appelait pilentum. La basterne était siste principalement en cuirs , vins , huiles , fi
portée par des mulets ou des chevaux ; nous gues et légumes. Bastia fut fondée en 1 380 par
en trouvons la description dans une vieille épi- le Génois Leone I Lomellino. Elle tomba en 1745
gramme : au pouvoir des Anglais ; mais l'année suivante,
Aurea matronas claudis basterna pvdicas elle fut rendue aux Génois. Ce fut en vain que les
Quœ radians patulum gestat utrumgue latus. Autrichiens et les Piémontais en firent le siège
Hune geminus portât duplici sub robore burdo , en 1748. Après que l'île fut réunie à la France,
Protthit et modice pendula septa gradu. en 1 768 , Bastia fut prise par les Anglais , qui la
Isidore ( Orig., lib. xx, ch. 12 ) en fait la gardèrent peu de temps.
même description. Le père Daniel dit que c'était BASTILLE. Au moyen-âge, on donnait
une espèce de chariot , et que cette voiture était ce nom à un petit château fortifié de tours ou
tirée par des bœufs pour aller plus doucement. de tourelles , placé en avant d'une ville pour la
Grégoire de Tours ( Hist. de France , lib. in , protéger contre les attaques de l'ennemi; on l'a
c. 24) écrit que « Deuterie, femme de Théode- aussi donné à de petits forts dont on entou
« bert, roi de Metz, voyant sa fille nubile et crai- rait les places que l'on assiégeait , pour former
« gnant que le roi n'en devint amoureux et ne une circonvallation. Les Anglais avaient ainsi
« l'enlevât , la mit dans une basterne et y fit at- entouré Orléans , quand Jeanne-d'Arc leur en
« telerdeux taureaux indomptés qui la précipitè- fitlever le siège. Au commencement duxvm'siè-
« rent du haut du pont deVerdun. » Le dedans de cle, le nom de bastille n'était plus donné qu'à
cette voiture s'appelait cavea , c'est-à-dire cage une forteresse située à Paris , à laquelle cet ar
{Acta, S. Claudii, cap. 2) ; elle était garnie de ticle est principalement consacré. Elle doit être
coussins (lecti), ou lits de la basterne. Les deux envisagée sous deux rapports : comme place
côtés étaient ornés de pierres transparentes , forte et comme prison d'état.
comme le rapportent Pline (lib. xxxvi, cap. 22) La bastille comme place forte. — Lorsque
et Sénèque dans son livre de la Providence; aussi la guerre recommença entre Charles V, roi de
ces ouvertures , que l'on nommait specvlaria France, etÉdouard III, roi d'Angleterre, Charles
( Juven., sat. iv, 21 ), n'étaient point fermées sentit vivement le besoin d'augmenter les forti
d'une étoffe transparente, comme l'ontprétendu fications de la capitale , afin de la mettre à l'a
quelques auteurs , entre autres l'abbé Villeloin, bri d'une invasion étrangère. La famille royale
traducteur de Juvénal. avait alors sa demeure à l'extrémité orientale de
La basterne passa d'Italie dans les Gaules ; on Paris , entre la rive droite de la Seine et un che
la voit figurer au mariage de Clotilde avec CIo- min qui forme de nosjouis la rue Saint-Antoine.
vis. <> Gondebaud la fit partir dans une espèce Il n'existait , pour défendre l'entrée de la ville
« de chariot que l'on nommait basterne , escor- sur ce point et l'accès de la demeure royale, que
n tée de quantité de Français qui se trouvaient deux tours isolées et éloignées. Le roi eut re
« alors à la cour de Bourgogne ( le Père Da- cours à Hugues Aubriot, prévôt des marchands,
BAS ( 743 ) BAS
homme éclairé, actif, ayant un grand ascen d'armures précieuses ; à cette porte était un
dant sur le peuple: il lui remit les fonds néces corps-de-garde, plaçant constamment deux sen
saires aux dépenses. Hugues Aubriot présenla tinelles pour sa sûreté. Après avoir pénétré par
le plan de deux nouvelles tours ; il en posa la cette première entrée , on se trouvait dans une
première pierre , le 22 avril 1369; elles furent cour où il y avait une caserne pour la garnison,
ensuite réunies par une forte muraille. Quelques les écuries et les remises du gouverneur et une
années plus tard , on éleva deux autres tours, porte de communication avec la cour de l'Orme,
en face des deux premières, et celles-ci servi dépendante de l'Arsenal. Cette première cour
rent spécialement de défense à la porte de la était séparée d'une seconde par un fossé et un
ville, qui fut percée dans le mur par lequel elles pont-levis , et dans cette seconde cour était
étaient unies , le chemin public passait entre ces l'hôtel du gouverneur. Vis-à-vis cet hôtel était
quatre tours. En 1383, sous le règne de Char une avenue de 30 mètres de long , bordée d'un
les VI, on ajouta les quatre autres tours, ou les côté de bâtiments où étaient les cuisines, et une
joignit toutes par de gros murs , on perça une salle de bains. A l'extrémité de cette avenue se
seconde porte du côté de la ville , et, dès-lors trouvait un pont-levis , sur le côté opposé d'un
cette forteresse prit le nom de Château de la fossé, par lequel on arrivait sous une voûte ,
Bastille. Pendant longtemps encore et peut- percée dans le gros mur, joignant deux des huit
être jusqu'au règne de Henri II, elle servit de tours de la forteresse; au bout de cette voûte
portede ville ducôtédu faubourg Saint-Antoine: était une grille gardée par une sentinelle, ayant
sans pouvoir préciser l'époque à laquelle elle pour consigne de n'en laisser approcher aucun
cessa de remplir cette destination , on peut prisonnier à plus de trois pas. Là on était dans
croire que ce fut en 1553. Alors Henri II s'oc la grande cour, de 33 mètres de long sur un peu
cupa sérieusement d'augmenter les fortifications moins de 12 de large : elle était environnée des
de Paris , et Ton construisit , du 1 1 août 1 553 tours de la Liberté, de la Bertaudière , de la
jusqu'en 1 559, un bastion à orillons sur la con Bassinière , de celle de la Comté, de celle de la
trescarpe des fossés de la Bastille, du côté du Chapelle (ainsi nommée parce que jusqu'au
faubourg, et que l'on voyait encore en 1789; xvie siècle, il s'y était trouvé une chapelle), et de
les habitants de Paris furent taxés de 85 livres celle du Trésor (ainsi nommée parce qu'en 1 602,
chacun pour frais de ces travaux ; le roi lui- le roi Henri IV y avait enfermé son trésor , se
même se fit imposer pour les parcs et châ montant à 15,870,000 livres de ce temps-là).
teaux qu'il possédait à Paris. Alors aussi fut Entre ces deux dernières tours se trouvait, lors
construit un autre bastion , de l'autre côté du deleurconstruction,la porte de la ville; en 1789,
chemin qui formait la prolongation de la rue on y voyait encore les feuillures destinées à re
Saint-Antoine vers le faubourg et qui , en flan cevoir la herse.
quant celui de la Bastille , contribuait à la dé Au fond de la grande cour se trouvait un fort
fense de cette forteresse. Ce sytème de défense beau bâtiment moderne, renfermant la salle du
fut achevé au moyen de revêtements dont fut conseil, de beaux logements pour les officiers et
pourvu le large fossé , servant aujourd'hui de pour les prisonniers d'état d'une haute distinc
gare au canal Saint-Martin. Au centre de ces tion : il avait été construit sous le règne de
revêtements , du côté de la ville , ou éleva un Louis XV. Sur la façade de cet édifice se trou
bastion , dont les derniers vestiges disparurent vait le cadran d'une horloge, qui avait des or
en 1 82 1 , et qui concourait à la fois à la défense nements décrits par l'avocat Linguet (prison
de la Bastille et à celle de l'Arsenal. nier d'état dans la forteresse, en 1780), dans les
Tel fut l'état de la Bastille en l'année 1559. termes suivants : « Des fers parfaitement scul-
Soyons comment la trouvèrent ceux qui la dé « ptés lui servent d'ornements. Il a pour sup-
truisirent 230 ans plus tard. « ports (le cadran), deux figures enchaînées par
Alors son entrée était à l'extrémité actuelle « le col, par les mains, par les pieds, parle m i-
de la rue Saint-Antoi ne, à côté de la rue deLes- « lieu du corps : les deux bouts de ces ingé-
diguière, en face de celle des Tournelles. Au- « nieuses guirlandes, après avoir couru tout au-
dessus de la porte qui la fermait , il y avait de « tour du cartel, reviennent sur le devant for-
vastes salles d'armes qui contenaient souvent « merun nœud énorme; et, pourprouverqu 'elles
jusqu'à 40 mille fusils et beaucoup d'armes et , , « menacent également les deux sexes , l'artiste
BAS ( "ii ) BAS
« guidé par le génie du lieu ou par des ordres Louis XIV, Louis XV et Louis XVI, d'un gou
« précis, a voulu modeler un homme et une verneur, qui prenait le titre de capitaine du
« femme : voilà le spectacle dont les yeux d'un Château de la Bastille, charge fort briguée, fort
« prisonnier qui se promène sont récréés. » lucrative, qui ne s'accordait qu'à titre de haute
Après la mise en liberté de M. Linguet, M. de faveur; d'un lieutenant de roi, ayant rang d'of
Breteuil, alors ministre au département de Pa ficier supérieur ; d'un major de place ; d'un ma
ris , demanda à voir les figures décrites par ce jor en survivance ; d'un officier du génie; d'un
prisonnier et, ayant reconnu l'exactitude de la médecin qui était en même temps médecin du
description, le ministre ordonna que sous deux roi; d'un chirurgien et apothicaire; de plusieurs
heures les figures fussent débarrassées de leurs ecclésiastiques; d'un garde des archives; d'un
chaînes , ce qui fut exécuté sur-le-champ. Aux commissaire de police, spécialement attaché à la
murs de cette tour, dont l'enceinte bornait les forteresse ; d'un concierge ; d'une maîtresse
promenades des prisonniers, pendaient encore sage-femme , et enfin de huit porte-clefs.
les crampons de fer qui avaient servi de sup Le gouverneur de la Bastille ne recevait des
ports à l'échafaud de Biron. ordres que du roi, qui signait la consigne gé
Une porte grillée conduisait sous ce bâtiment, nérale de la forteresse, contre-signée par le
dans une seconde cour, longue de 24 mètres et ministre ayant le département de Paris, à l'ex
profonde de 7 1/2. Là étaient les tours dites clusion de celui de U guerre. Pour les détails
du Puits (parce qu'il y avait un puits tout au du service, le gouverneur correspondait avec k
près), et du Coin ; dans cette partie étaient les ministre ayant le département de Paris et le
cuisines et les logements des hommes attachés lieutenant - général de police. Nulle personne
au service de l'administration. étrangère au service de la forteresse ne pouvait
La hauteur des tours était de 23 mètres 710 y entrer sans un ordre du ministère : ces per
millimètres; celle des murs qui les liaient entre missions s'obtenaient fort difficilement. Quand
elles, de 23 mètres 380 millimètres , ils avaient le czar Pierre 1" vint à Paris, il témoigna vi
2 mètres 923 millimètres d'épaisseur ; ceux des vement le désir de visiter l'intérieur de la Bas
tours étaient épais de 4 mètres 872 millimètres tille ; il ne fut admis qu'à voir la salle d'armes,
à 5 mètres 196 millimètres. Les fossés avaient située au dessus de la première porte d'entrée.
12 mètres 993 millimètres de large, ils étaient Nous avons dit que la charge de gouverneur de
à sec une grande partie de l'année et ne rece cette place ne s'accordait qu'à une haute faveur:
vaient de l'eau qu'à l'époque où celles de la Seine Sully l'a occupée, sans doute à cause de sa qua
atteignaient leur plus grand accroissement. Sur lité de grand-maltre de l'artillerie, qui fixait sa
la contre-escarpe des quatre fossés régnait un demeure à l'Arsenal, contigu à la forteresse; mais
mur de 1 9 mètres 490 millimètres de haut, à aussi parce que Henri IV , son roi et son ami ,
partir du fossé, dont il dérobait .la vue aux ha y renfermait son trésor. A la mort de son royal
bitants de la forteresse ; autour de ce mur régnait ami, Sully se démit de la place de capitaine de
une galerie, faisant face vers l'intérieur, sur la la Bastille, et reçut de Louis XIII, en échange
quelle des sentinelles veillaient nuit et jour. Ce de cette démission , une indemnité de soixante
murn'avaitaucuneouverture au-dehors, excepté mille livres. Marie deMédicis, reine de France,
une seule pour donner accès sur le chemin de se fit gouvernante de cette forteresse en 1611,
ronde, qui régnait tout autour et par lequel on et en confia le commandement à Châteauvieux,
parvenait au bastion tourné vers le faubourg son chevalier d'honneur.
Saint-Antoine. LaBastille fut plusieurs fois attaquée et prise.
Les huit tours étaient armées de treize canons En 1381, Hugues Aubriot , celui-là même qui
en batteries sur les plates-formes. Dans toutes en avait fourni le plan , et qui en avait posé la
les occasions solennelles , on tirait le canon sur première pierre, y ayant été renfermé, et de
les tours de la Bastille, comme on l'a tiré au là transféré dans la prison de fÉvêehé , il fut
commencement de la révolution sur le terre- délivré par le peuple armé de maillots de plomb,
plein du Pont-Neuf, etdepuis aux Invalides. La ce qui avait fait donner le nom de maillotins i
garnison de la place était fixée à 100 invalides; ces insurgés, qui s'étaient emparés de la Bastille.
rarement cependant leur effectif excédait 60 En 1 4 1 8 , on arrêta le comte d'Armagnac. Tout
hommes. L'état-major se composait, sous les rois les conseillers du roi , dit Jean Lefebvre , et an
DAS ( 745 ) BAS
très tenant le parti du comte furent pillés , pris nés par la justice ordinaire. Au xve siècle,
ou tues cruellement. Le peuple , poussé par les quand Paris était occupé par les Anglais , ceux-
agents du duc de Bourgogne , se plaignit bien ci renfermèrent dans la Bastille des officiers de
tôt après de ce que les partisans des d'Arma l'armée de Charles VII tombés en leur pouvoir :
gnac enfermés à la Bastille étaient relâchés; il ce n'étaient que des prisonniers de guerre. H
vint mettre le siège devant ce fort ; à coups de parait que cette forteresse ne devint prison d'état
pierre, de flèches et de boulets de canon, il que sous Louis XI ; et, en effet , le cardinal La
parvint à s'en rendre maitre , et tous les prison- Balue, premier ministre de ce roi, y fut renfermé
sonniers furent égorgés. En 1420, les Anglais, dans une cage de fer, en 1469, et y demeura
maîtres de Paris , s'en emparèrent. Quand , en douze ans; ce roi fit faire à la Bastille cette fa
1 436 , le connétable de Bichemond les chassa de meuse cage de bois qui servit à renfermer Haran-
Paris, ils se réfugièrent en si grand nombre court, évéque de Verdun , ami de La Balue.
dans cette forteresse , qu'ils y éprouvèrent la Cette cage, construite en 1475, composée de
plus grande gène, par le manque d'espace et de très grands madriers, liés entre eux par des at
vivres, et furent contraints à capituler. En 1 588, taches en fer, était si lourde qu'il fallut recon
le duc de Guise s'en empara , et le commande struire et consolider la voûte destinée à la sup
ment en fut donné à Bussy-Leclerc , procureur porter. Beaucoup d'autres prisonniers d'état
et ligueur ardent. Six ans après , en 1 594 , furent envoyés à la Bastille pendant le règne
Henri IV la reprit. Les frondeurs l'investirent de Louis XI. Elle fut peu peuplée sous les règnes
le 1 1 janvier 1649; après avoir essuyé quelques de Charles VIII et de Louis XII ; mais Fran
coups de canon , elle se rendit à eux le 1 3 , et ne çois I6', défenseur zélé de la foi catholique,
fut définitivement rendue au roi que le 21 oc y fit renfermer un grand nombre de protes
tobre 1651 . Ce fut dans le cours de cette même tants. Il en fut de même sous Henri II , non
année que mademoiselle de Montpensicr, fille moins ardent à sévir contre les luthériens.
de Gaston d'Orléans, fit tirer le canon de la Par ordre dece roi , Anne Dubourg , conseiller
Bastille pour protéger la retraite du grand Condé au Parlement de Paris, y vint, en 1 559 , occu
à la tête des frondeurs. Enfin cette redoutable per la même cage qu'avait occupée l'évêque de
forteress.e succomba le 14 juillet 1789 sous l'at Verdun sous Louis XL La reine-mère , gouver
taque du peuple de Paris , et fut détruite de nant au nom de François II, Catherine de Mé-
fond en comble par les vainqueurs , après une dicis , continua à envoyer de nombreux prison
existence de plus de quatre siècles. Les pierres niers d'état à la Bastille. Sous Charles IX, sous
provenant de la démolition furent employées à Henri III , les ligueurs commandaient en maî
l'achèvement du pont Louis XVI , commencé tres dans la capitale du royaume ; ils envoyèrent,
en 1787. Une représentation du monument dé sans forme de procès, sans jugement, un grand
truit fut sculptée avec des pierres en provenant ; nombre de leurs adversaires politiques à la Bas
on en envoya un exemplaire à chaque chef-lieu tille, où fut, par leur ordre, renfermé le Par
d'administration départementale , où ces petits lement de Paris en masse, en 1589. Sous le
monuments furent conservés. règne de Henri IV, cette forteresse reçut beau
La Bastille comme prison d'état. —■ Il est coup moins de prisonniers d'état ; mais une
difficile d'établir positivement à quelle époque page sanglante de l'histoire du bon roi y fut
la Bastille fut employée comme prison d'état. écrite : le maréchal de Biron y fut décapité. Le
Nous y avons bien vu entrer en 1 382 Hugues cardinal-ministre qui régna sous le nom de
Aubriot ; mais il n'était pas prisonnier d'état. Louis XIII, Bichelieu, peupla la Bastille des
Un tribunal ecclésiastique, en possession de victimes de sa politique ou de sa haine person
fait d'une juridiction contestée , l'avait con nelle; gentilshommes, prêtres, bourgeois, ca
damné avec des formes judiciaires pour impiété. tholiques, protestants juifs y furent entassés
Alors la Bastille servait de porte à la ville , et sans distinction.
dans ce temps-là toutes les portes des cités ser SousLouisXIV,avantcomme après la révoca
vaient de prison ; ce ne fut donc qu'à titre de tion de l'édit de Nantes, la politique et la religion
prison ordinaire que la Bastille renferma celui contribuèrent à remplir la Bastille de prisonniers
qui l'avait fait édifier. Quelques années après , d'état ; sous ce règne, le nombre des victimes
on y vit encore renfermer des hommes condam qu'elle reçut et de celles qui y succombèrent fut
BAS ( 7*6 ) BAS
considérable, et parmi elles nous ne devons heurs de tant de prisonniers divers , excite tour
point oublier l'homme mystérieux au Masque- à tour la crainte et l'attendrissement. Nous
dc-Fer. Sous le successeur du grand roi , le voyons Mazère de Latude , tromper la vigi
nombre des hôtes de la Bastille ne diminua pas; lance de ses gardiens et du sommet des donjons
comme sous le règne précédent , la politique et les plus élevés , confier sa vie à la fragilité d'une
la religion ne les y envoyaient pas tous; on y échelle longue de 180 pieds et tissue du fil de
enfermait aussi les coupables de crimes ordi ses chemises et de la soie de ses bas ; puis Cré-
naires , que pour l'honneur des familles puis billon, donner sans répugnance à mangera un
santes et privilégiées, on voulait soustraire à la énorme rat, et faire de cet animal immonde qui
vindicte de la justice ; on y enfermait égale lui avait causé tant d'effroi , son commensal et
ment, par forme de correction et sur lettres son ami ; c'est aussi madame de Staal de Lau-
de cachet, les personnes des deux sexes dont la nay, amie de la duchesse du Maine, qui n'a pour
conduite scandaleuse ou déréglée affligeait ces se distraire dans sa sombre prison que les tours
mêmes familles. et les gambades de son chat. Faut-il enfin rap
L'élévation du rang, l'éclat de la naissance peler ici l'araignée apprivoisée de Pélisson,
ou des services , la faiblesse de l'âge ou du sexe, dont la fin cruelle fut chantée par Delille :
ne mettaient point à l'abri des rigueurs de la
Bastille ; elle renferma de pieux ecclésiasti Un geôlier, au coeur dur, au visage sinistre,
ques, d'illustres guerriers, des gens de lettres Indigné du plaisir que goûte un malheureux,
célèbres. Foule au pied son amie et l'écrase à ses veux.
L'insecte était sensible et l'homme fut barbare.
C'est Laporte, valet de chambre d'Anne d'Au
( Delille , Imagination , poème. )
triche, renfermé par les ordres du cardinal de Bi-
chelieu, pour avoir servi fidèlement la femme de Régime intérieur de la Bastille. — Le mys
Louis XIII. C'est M. de Lally faisant sonner le toc tère le plus impénétrable sur ce qui se passait
sin dans tout le château, parce qu'il refuse de ren à l'intérieur de la Bastille était la règle souve
dre un rasoir dont il s'est emparé. C'est La Bour- raine de sa discipline ; le mystère était porté
donnaye expiant par deux ans de prison la gloire jusqu'à laisser du doute , non-seulement sur la
qu'il a conquise dans l'Inde sur les Anglais. C'est résidence , mais sur la vie des prisonniers. In
le grand Coudé courbant sous les guichets cette officier de la Bastille voyait-il chaque jour un
tète vénérable chargée des lauriers de Lens et prisonnier, il soutenait cependant à ceux qui
de Bocroy. C'est Dumourier, arrêté en 1773, lui en demandaient des nouvelles, qu'il ne le
sous Louis XV , et emprisonné plusieurs mois connaissait point. Quand un détenu sortait, il
pour avoir obéi au roi à l'insu de son ministre, était tenu de prêter, en présence de letat-ma-
le duc d'Aiguillon. C'est Voltaire qui vient y jor de la place et du lieutenant-général de po
composer les premiers chants de la Henriade. lice, le serment : qu'ilnerévéleraitjamaisrien,
C'est Marmontel , accusé d'être l'auteur d'une ni directement ni indirectement, de ce qu'il
satire contre le duc d'Aumont. C'est Linguet avait pu y apprendre ou y souffrir. Le lieu
qui y médite sur son invention télégraphique. tenant-général de police seul prescrivait le ré
C'est le prince de Bohan et l'aventurier célèbre gime auquel chaque prisonnier devait être as
Cagliostro , renfermés pour l'histoire du collier. treint, pour les choses les plus insignifiantes de
C'est enfin Béveillon , fabricant de papier peint la vie, qui acquéraient une haute ^importance
du faubourg Saint-Antoine, dont la maison ve dans ce lieu. Un détenu voulait-il lire une ga
nait d'être saccagée par le peuple , qui réclame zette, un livre, changer de linge, se faire
comme faveur , d'être admis dans la Bastille et raser; était-il malade et voulait-il voir vn
qui y trouve , en effet, un asile contre la colère médecin ou un confesseur , la permission du
de ses ennemis. lieutenant-général de police devait être préa
Un registre d'entrée, trouvé à la Bastille, lablement obtenue sur un rapport que lui adres
prouve que, dans un espace de quarante-sixans, sait le major de la place. L'accès de la chapelle
on y reçut 2,000 prisonniers. Le 14 juillet, était une faveur rarement accordée aux déteuus:
quand le peuple s'en empara , il ne s'y trouvait cette chapelle était petite, et divisée en un très
que sept détenus. petit nombre de cages étroites en forme de tri
Ce qu'on sait du sort , du caractère , des mal bunes ; uu seul homme pouvait y tenir ; une
LAS ( 747 ) BAS
double porte y conduisait , elle était soigneuse détenus, autres que ceux des cachots, pouvaient
ment refermée sur celui que Ton y menait pour se promener pendant un quart-d'heure, dans
entendre la messe; cette cage était muuie d'une la grande cour de la forteresse. Là, ils ne pou
fenêtre garnie d'une double grille; un rideau la vaient être vus ni par un autre détenu , ni par
masquait ; au moment de la consécration ce les domestiques de l'intérieur, ni par aucun vi
rideau s'ouvrait à l'aide d'un cordon placé dans siteur étranger. Les prisonniers ne pouvaient
la chapelle , il se refermait après l'élévation; la manger qu'en présence d'un porte-clef; ils n'a
fenêtre se trouvait disposée de telle sorte que vaient point de couteau , le serviteur de la pri
le prisonnier ne pouvait voir que le célébrant son coupait leurs mets. Chaque détenu était
à l'autel. visité trois fois par jour par un porte-clef et
Les sacrements n'étaient administrés aux une fois par chacun des officiers de la Bastille.
prisonniers mourants qu'avec les plus minu Chaque tour était close par plusieurs portes,
tieuses précautions pour éviter toute communi chaque chambre ou cachot en avait trois. Nous
cation avec le dehors, et seulement en vertu avons dû consigner ici ces détails et ceux qui
d'un permis du lieutenant-général de police , suivent , à cause de la publicité qu'on leur a
dont l'autorisation était encore rigoureusement donnée ; mais il ne faut pas oublier que les pré
indispensable pour l'inhumation d'un détenu cautions prises pour obtenir le silence des per
mort; ce magistrat indiquait le nom sous le sonnes qui entraient à la Bastille , et le défaut
quel le curé de Saint-Paul devait inscrire le de relations assez impartiales , jettent beau
défunt , car tous les prisonniers n'étaient pas coup d'incertitude sur tout ce que l'on a écrit
connus sous leur véritable nom. Les enterre relativement à cette prison d'état.
ments n'avaient lieu que la nuit , rarement ils La nourriture était ordinairement bonne.
avaient d'autres témoins que deux porte-clefs Quelques prisonniers , particulièrement recom
de la Bastille. mandés , étaient servis comme l'était la table de
Certains prisonniers étaient renfermés dans l'état-major ou celle du gouverneur ; celui-ci
des cachots humides , dont le sol était au-des avait l'entreprise à forfait pour fournir les meu
sous de celui des fossés; des murs, dont nous bles et la nourriture aux détenus ; il y avait À
avons déjà fait connaître l'épaisseur, n'y lais cet effet un tarif gradué selon la position sociale
saient pénétrer qu'un très faible jour, à travers des personnes ; on accordait par jour : pour un
une étroite barbacane, obscurcie par des grilles prince, 50 liv. ; pour un maréchal de Frauce ,
à ses extrémités et au milieu ; pendant les gran 30 liv.; pour un lieutenant-général ou maréchal-
des élévations de la Seine , l'eau pénétrait dans de-camp, 16 liv.; pour un conseiller au parle
ces cachots, dont les habitants gisaient très sou ment , 15 liv. ; pour un juge inférieur ou pour
vent enchaînés sur une paille infecte et presque un prêtre, 10 liv. ; pour un avocat ou un pro
sans vêtements. Dans les étages supérieurs , il cureur, 5 liv. ; pour un bourgeois, 4 liv.; eniin,
y avait des chambres fort élevées à double pla pour un valet, un colporteur, un homme d'un
fond ; elles recevaieut peu de jour par des fe bas étage, il était accordé 3 livres par jour :
nêtres trois fois grillées, percées dans l'épaisseur c'était le minimum. On a dit et écrit que la
prodigieuse des murs; ces chambres avaient nourriture était à peu de chose près la même
une grande cheminée, elles étaient garnies d'un pour tous et ne coûtait pour les premières clas
mauvais lit , d'une table et d'une chaise. D.;ns ses pas plus que pour les dernières , au gouver
chaque tour, des chambres placées au cinquième neur, gratifié du privilège de faire entrer
étage , immédiatement sous la plate -' forme exemptes de taxes, 200 barriques de vin , pri
étaient appelées calottes, parce que leur \ vilège qu'il vendait moyennant une forte somme
fond voûté sur des murs octogones avait la fonne d'argent.
d'une calotte. En hiver, le froid y était d'une La Bastille n'excluait pas la bonne chère; lors
excessive rigueur, pendant l'été , la chaleur des qu'elle renfermait un grand seigneur ou même
rayons concentrés du soleil y entretenait une un simple écrivain, il n'avait souvent à regretter
température étouffante. Il y avait des prison que la perte de la liberté. On y faisait bonne
niers renfermés seuls, d'autres étaient réunis à vie aux frais du roi , sauf l'éclat et le scandale.
plusieurs de leurs compagnons d'infortune. Mnvmontel. qui y fut onze jours pensionnaire de
Quand le temps le permettait, la plupart îles j l'état, fait grand éloge d'un diner qu'on lui
( 748 ) BAS
vit , et qui cependant n'était pas le sien , mais fer inventé pour retenir un homme par toute les
bien celui de son domestique ; le repas qui lui articulations et le réduire à une éternelle im
était destiné vint ensuite ; il était composé d'un mobilité; puis, dans ces Mémoires de Dussault,
excellent potage, d'une tranche de bœuf, d'une on lit : <> On indiqua une terre grise extraite de
cuisse de chapon , d'un plat d'artichauts frits , « latrines sèches que l'on avait vidées, l'on nous
d'un plat d'épinards, d'une poire avec du raisin « y fit remarquer une grande quantité d'osse-
frais , une bouteille de vin vieux de Bourgogne « ments la plupart brisés ou en dissolution, mais
et du café moka. « en cherchant, nous y trouvâmes un tibia bien
Tous les prisonniers n'étaient peut être pas « conservé. » Ou trouva a la chapelle , un ta
aussi bien traités ; mais , outre les causes d'in bleau représentant saint Pierre-aux-liens. Ce
certitude que nous avons déjà signalées , il tableau fut apporté le 15 juillet 1789 dans la
faut se garder d'ajouter toute croyance aux ré salle des électeurs de Paris, à l'Hôtel-de-Ville.
cits des écrivains passionnés du xvme siècle. et le public y voyait une chose inventée pour
Jamais aucun habitant forcé de la Bastille ne tourmenter l'esprit des prisonniers.
recevait la moindre nouvelle du dehors; pour Les ouvrages de la librairie que l'autorité
lui les événements les moins importants étaient faisait confisquer , étaient déposés à la Bastille.
un mystère; et, s'il avait une femme, des en Chaque année , une partie de ces ouvrages était
fants, un père, une mère, des parents, des amis, livrée au pilon, d'autres étaient vendus par
jamais il ne recevait de leurs nouvelles. lots, et le libraire privilégié du Parlement
Des écrivains ont parlé de tortures de toute avait toujours un assortiment complet de livres
espèce auxquelles auraient été livrés, à diffé prohibés à la disposition des amateurs. Les ar
rentes époques , les prisonniers de la Bastille ; chives de la Bastille recelaient, outre les de*-
on a parlé de morts violentes et clandestines siers de ses détenus , tous les actes qui se rat
que plusieurs y auraient rencontrées. Bien de tachaient à la police de Paris , les grandes pro
positif n'était cependant parvenu à la connais cédures pour crimes d'état, jugés par le Parle
sance du public, sur ces faits , avant le 14 juil ment, le Chàtelet et la chambre royale de l'Ar
let 1789. L'existence de la cage de fer, de celle senal.
de bois, introduites sous Louis XI, était no Nous ne terminerons pas cet article sans in
toire ; cependant , lors de la démolition de la diquer les sources, du reste peu certaines,
forteresse, on n'en trouva aucun vestige. Des comme nous l'avons dit, auxquelles nous avons
témoins de la prise et de la destruction de la dû puiser pour ce qui concerne la Basfili"
Bastille ont rapporté les faits suivants, dont commeprison d'état etpour le régim e intérim
l'authenticité serait plus certaine s'ils remon de la Bastille; ce sont : YHistoire de l'inqui
taient à une époque moins empreinte d'exal sition française , par Constantin de Renne-
tation politique. Selon eux , on a trouvé dans ville ; les Mémoires de Linguet ; ceux de Dus
les souterrains , un cachot fangeux et fétide ; sault; et enfin la Bastille dévoilée, ouvrages
là , du centre d'une énorme pierre placée au contemporains où l'on cite quelques documents
milieu de ce cachot partait une grosse chaîne trouvés aux archives de la Bastille aux 14 et
propre non-seulement à retenir un homme, lô juillet 1789 ; \' Histoire des prisons de te
mais tel monstre que l'on puisse imaginer; Seine, Meurice, 1840. Sav agisse père.
les électeurs de Paris firent arracher cette BASTINGAGE (marine), espèce de rem
chaîne. On a découvert dans l'une des fosses part établi autour du navire de guerre, au des«b
attenantes aux cachots, un squelette parfai du pont supérieur, pour mettre les combattants
tement conservé , encore enchaîné. Dans des à l'abri. Ce parapet , composé autrefois des sacs
fosses inconnues aux porte-clefs , on a trouvé des matelots , de leurs couvertures et de leurs
deux autres cadavres avec un ou deux boulets matelas placés dans un iilet suspendu à des ba-
de 36 , ce qui indiquerait que ces malheureux tnyoles, est maintenant remplacé par une haut?
auraient été écrasés dans ces oubliettes. Les muraille de bois, reproduction de l'ancienne
trois squelettes reçurent les honneurs de la bretèche et de la pavesade , qui se faisait av-e
sépulture au cimetière de la paroisse Saint-Paul . les boucliers ou pavois rangés sur le bord du
Dussault raconte dans ses Mémoires , qu'il a vaisseau. Onnedisait pas bastingage au iyii* siè
vu et touché à la Bastille un vieux corselet de cle , mais bastingure , bastiugue ou basliugutre;
BAS f "M9 ) BAS
on disait aussi pavcsade, paviers et pavois. Les Charles-Quint, 1500 ou 1520; on les nommait
hunes sont bastinguées comme le plat-bord. alors boulevarts. Le 6 juillet 1 566, le roi Char
Bastingue et ses dérivés nous semblent venus de les IX posa la première pierre d'un bastion qui
l'espagnol bastros, signifiant munir, fournir, fut élevé à l'extrémité du jardin des Tuileries,
garnir, etc., ou de bastare, être suffisant. La vers la place Louis XV, et qui y demeura fort
bastida , tour faite pour la défense , était fournie long-temps.
de tout ce qui lui était nécessaire ; elle avait des La grandeur des angles d'un bastion et la
provisions et des vivres a bastania. Il en est à longueur de ses côtés ne sont pas arbitraires,
peu près de même du bastingage , parapet bourré mais fondées sur cette maxime de la fortifica
de vieilles voiles, de cordages, de matelas et de tion, qu'il ne doit y avoir aucune partie de
sacs. Que bastida ait fait bastigua , puis bastin l'enceinte d'une place qui ne soit en vue et
gue et bastingage, rien ne nous paraît plus pro défendue de quelque autre. Voici les mesures
bable, disons même plus certain. (Voy. notre ordinairement employées, dans la fortification
Archéologie navale , t. II, p. 139.) A. Jal. permanente, par Cormontagne; c'est d'après
BASTION (fortif.). C'est une grosse ce système de fortification , que sont construites
masse de terre, revêtue de gazon , de briques la plupart des places fortes de la France :
ou de pierres, qui s'avance en dehors d'une Longueur des
des faces
flancsdu bastion. 1 40",68l
16", 4 20
ligne ou d'une place pour la fortifier. Un bas
tion est composé de deux faces qui forment un
Dans Vauban , cette longueur est la corde de
angle saillant et de deux flancs qui l'attachent
l'arc droit des extrémités des faces entre les
aux Couhtines (voyez ce mot), avec une gorge
lignes de défense. Dans Cormontagne , le flanc
par où l'on y entre. L'union des deux faces qui
est perpendiculaire à la ligne de défense.
fait angle saillant est appelée angle flanqué ;
l'union des deux faces aux deux flancs , qui fait Les courtines 102",910
les angles des côtés , est appelée épaule, et ces Les lignes de défense . . . 238",710
angles se nomment aussi angles d'épaule; Pour la fortification passagère , on base ainsi
l'union de l'autre extrémité des flancs avec les à peu près les proportions du tracé : la ligne de
courtines forme l'angle des flancs. Il y a des bas défense == 171", 687 ; (on entend par ligne de
tions pleins et des bastions vides : les uns sont défense celle qui doit être défendue par une au
remplis de terre; on y peut combattre et se retran tre ) le flanc du bastion = 33,884 ; — la cour
cher ; les autres ne sont qu'une simple enceinte tine — 85,751 ; l'angle de tenaille — 143° — 7'
d'un rempart avec un parapet. On appelle bas — 50*; l'angle flanqué =: 143° — 7' — 50*;
tions doubles ceux qui sont établis l'un sur l'au l'angle d'épaulejr: 126° —52' — 10"; l'an
tre, comme les bastions construits sur une col gle de flanc = 108° — 26' — 5". L'angle de
line. Un bastion plat est posé au milieu d'une l'épaule se trouve déterminé par l'angle flan
courtine, quand celle-ci est trop longue pour qué et par l'angle de flanc. L'angle de flanc doit
être défendue par les bastions construits à ses être un peu obtus, pour que le soldat découvre
extrémités. Le bastion composé est celui dans devant lui la face et le fossé du bastion qu'il
lequel les deux côtés du polygone intérieur sont doit défendre. Le feu que peut fournir un F no % t
inégaux, ce qui rend pareillement les gorges (voyez ce mot) étant toujours relatif à son dé
inégales. Le bastion irrégulier, ou difforme , veloppement, si l'on en dirige trop vers une
n'a point ces demi-gorges, parce qu'un des flancs partie, une autre en sera dégarnie ; c'est le dé
est trop court. Le bastion régulier a ses faces, faut des lignes bastionnées , qui portent tout
ses flancs et ses gorges construits dans les pro leur feu du côté de la courtine ; un second in
portions régulières. Le bastion coupé a un angle convénient a pour cause le Fossé (voyez ce
rentrant tracé à la pointe , et fait en Tenaille mot) , qui , étant parallèle, donne un couvert à
(voyez ce mot). On appelle aussi bastion coupé l'ennemi dans la partie qui est vis-à-vis le flanc.
celui qui est retranché de la place par quelque Pour remédier au premier défaut , qui est le
fossé. Les bastions détachés dans les fortifica plus grand , on suit le tracé suivant : front
tions d'une place sont appelés Ravelins (voyez — 232'", 88 ; perpendiculaire tirée intérieure
** mot). On n'a commencé à se servir de bas ment rr 46m,77; faces ri 68m,2l ; les flancs
tions que vers le temps de François 1e' et de perpendiculaires aux lignes de défense. Pour
BAS ( 750 ) BAS
remédier au second défaut , celui du fossé , on portait point d'infamie ; toutefois on ne l'appli
rabat sur la largeur du fossé la partie nuisible quait qu'aux petites gens {cives tenuiores). Ni
de la Conthescahpe [voyez ce mot) , jusqu'à pour le citoyen , ni pour le soldat, le nombre des
trois pieds du fond , en forme de Glacis (voyez coups n'était déterminé ; il dépendait de l'équité
ce mot ) renversé que l'on dirigera de manière ou du caprice de l'ordonnateur.
qu'il soit rasé par la ligne tirée du sommet du La bastonnade ou pan-tsee est , depuis un
parapet , au point droit où doit se terminer le temps immémorial , une punition très fréquente
recoupement. (Voy. Fortification.) en Chine : elle n'a non plus rien de honteux dans
H AS 1 OW Aili;. De tous les châtiments ce pays et s'y administre pour la plus minet
corporels , celui-ci est probablement le plus an peccadille et sur un simple commandement ver
cien. Dès les premiers temps de l'histoire et chez bal. il n'est pas rare que des magistrats fassent
la plupart des peuples, nous voyons les hommes bâtonner en pleine audience leurs justiciables ou
investis du commandement punir leurs infé leurs subordonnés ; et l'on a vu l'empereur lui-
rieurs à coups de bâton. Ulysse, offensé par même faire administrer aux plus hauts person
Thersite dans un conseil tenu sous les murs de nages une correction de ce genre et les admetir?
Troie , frappe de son sceptre d'or le guerrier aussitôt après à lui présenter leurs respects. Le
trop hardi , dont les épaules nues sont bientôt nombre des coups, qui n'est jamais moindre de
couvertes de sang. On a trouvé la représenta dix , ne peut aller à plus de cent. Si la consti
tion 'de ce supplice peinte et gravée dans plu tution trop faible du condamné lui rend les chan
sieurs monuments égyptiens d'une date très ces par trop défavorables , il est admis à se faire
reculée. Moïse consacra la bastonnade dans les remplacer par un parent ou même par un étran
lois qu'il donna aux Hébreux ; la peine ne pou ger moyennant salaire. La loi définit aussi 1rs
vait être prononcée que par l'assemblée des cas et. les individus qui pourront se racheter a«
juges, et le nombre des coups, proportionné au prix d'une certaine quantité d'onces d'or soi
délit , ne devait jamais excéder quarante ; l'u gneusement réglée par un tarif minutieux.
sage et la tradition le réduisirent même à trente- Chez les Musulmans , la bastonnade est un
neuf : chose digne de remarque , ni le roi ni les supplice de tous les jours ; les hommes libre> la
prêtres n'en étaient exempts. En Perse, les reçoivent de la main des esclaves sans autre
grands , honorés de la bastonnade par ordre du formalité qu'un ordre verbal. Comme chez les
souverain , allaient le remercier de ce que le Hébreux , le nombre des coups est fixé à trente-
grand roi avait bien voulu se souvenir d'eux. neuf; comme chez les Chinois , le condamne
Dans l'Indoustan , le code antique attribué à peut se rédimer à prix d'argent ou se faire sub
Manou et encore observé aujourd'hui , ordonne stituer. Dans les autres pays, c'est sur le dos
non-seulement que les voleurs soient punis par que s'administre la correction ; dans ceux qui
des coups d'une massue de bois ou d'un bâton sont soumis à la loi de Mahomet , c'est sous la
de fer, mais encore il autorise le chef de la fa plante des pieds.
mille à châtier ses inférieurs avec une baguette Les barbares qui envahirent l'empire usaient.
de bambou. comme les Romains , de la bastonnade ; comme
Tarquin-le-Superbe inventa ou plutôt importa eux , comme les Égyptiens et comme les Chi
la bastonnade à Borne. Aux termes de la loi des nois , ils l'appliquaient à nu ; la dose variait de
Douze-Tables, l'accusé convaincu du délit d'in puis soixante jusqu'à trois cents coups. La loi
jures par écrit public devait être bâtonné jus salique détermina la grosseur du bâton pénal.
qu'à la mort. La bastonnade dite fustuarium La diffusion du droit romain aux xuie et xivsif-
supplicium était un châtiment infamant , et qui des donna
cration eu Europe
en quelque
au sorte
supplice
une du
nouvelle
bâton.cem-
Mai*
le plus souvent entraînait mort d'homme. Dès
qu'un tribun avait touché le condamné de son en France , il fut peu à peu remplacé par celui
bâton , les soldats tombaient sur lui à coups de du fouet et des verges. Pourtant, on en re
bâton et de pierres jusqu'à ce qu'il fût terrassé. trouve des traces jusqu'à la fin du xvm* siècle,
Sous le gouvernement des empereurs, les ci où quelques grands seigneurs s'avisaient cwo"'
toyens furent soumis au régime du bâton; Jus- d'en menacer leurs laquais et leurs créanciers.
tinien osa même y soumettre les ecclésiastiques. En Russie, le knout est aujourd'hui en vigueur
Alors cette punition, quoique humiliante, n'em i !n place de la bastonnade , qui y était pan i«"
BAT ( 751 ) BAT
fligée sous le nom de battogues et qui a disparu. hardouin désigne sous les noms de première, de
Mais celle-ci se retrouve encore dans le code seconde bataille, une première, une seconde
militaire de plusieurs états du nord , et notam ligne; ce qui, chez cet auteur, donne l'idée
ment dans celui de l'Angleterre. d'un ordre mince ; car il appliquait le mot ba
Le bâton était employé également dans les taille aux hommes de cheval , et il n'y avait
colonies. Lorsque le fameux Toussaint-Louver- pas encore d'escadrons. Les Suisses , dépour
ture , le premier des noirs , comme il s'appelait vus de cavalerie , appliquèrent aux hommes
lui-même, administrait à sa manière Saint- de pied le mot bataille , qui devint synonyme
Domingue , devenue partie intégrante de la ré d'armée disposée en carré à centre plein. Au
publique française, une et indivisible, il décréta temps de Philippe-le-Bel, une bataille était un
qu'à l'avenir le bâton servant à châtier les ci camp de guerre. Le grand-maitre des arbalé
toyens paresseux serait tricolore. V. Ratier. triers commandait les hommes de pied en la
BAT, du grec fWroç, c'est une espèce de bataille, c'est-à-drre les disposait dans l'arran
selle de boisgarniedecuir, destinéeaux bêtes de gement du camp. De là vient que la locution
somme, et qui aide à leur faire porter des far ordre de bataille , est indépendante d'un état de
deaux; chaque côté du bât est armé de deux guerre ou d'un temps d'hostilités , et qu'elle est
crochets qui servent à supporter, soit des pa usitée fréquemment eu cas de paix.
niers, soit des ballots (voyez Selle et Sel La langue italienne, appliquée aux armes
lerie). long-temps avant la langue française , désigna
BATAILLE, mot dont le sens est bien plus par le mot bataille la partie principale , ou le
compliqué qu'on ne le supposerait au premier bataillon d'une armée, l'agent ou la brigade
abord. Dire qu'une bataille est une action hos d'une action générale : c'était la portion com
tile, un combat d'appareil, c'est n'envisager mandée par le roi ou par le général , ou par le
que la face actuelle du sujet ; mais le terme , personnage qualifié du titre de duc de bataille.
avant d'en venir la , a eu bien d'autres accep Mais dans le langage des écrivains du temps ,
tions. Le mot bataille, signifiant unetroupe, une une bataille était aussi bien un rassemblement
armée , un host , est aussi ancien que la langue de cent hommes que de vingt mille. Le règlement
française 5 signifiant rencontre de deux armées français de 1351 appelle ainsi une aggloméra
qui en viennent aux mains , il n'a pas trois siè tion momentanée de compagnies qu'alors on
cles d'existence; aussi il n'est pas certain qu'il dénommait routs ou routes. En 1437, le jour où
vienne directement de battre. Court de Gébelin Charles Vil, vainqueur des Anglais, faisait son
a prétendu qu'il était analogue au mot baston , entrée dans Paris, Duuois menait la bataille du
bâton ; mais il est a remarquer qu'on a origi roi ; elle était de huit cents archers. On lit, dans
nairement écrit et prononcé baston, tandis que YArbre des batailles , œuvre d'un de nos plus
la lettre S n'est jamais entrée dans le mot ba vieux auteurs, imprimée en 1481 : « pour le
taille. Le bas latin et l'italien ont appelé batua- temps présent, toutes les manières de les nom
lia, butaglia, ou batalia , le lieu où des gladia mer ( les légions, les compagnies, les cinquan
teurs, des duellistes, balualores, s'exerçaient taines ) , sont , du tout , délaissées ; car on les
au combat ; on a appliqué plus tard ce mot aux appelle tous communément batailles. » Livrer
personnages concourant à l'action , et à l'action bataille, c'était donc présenter une troupe à
elle-même. Ainsi les Espagnols ont appelé ba l'ennemi. De là, aussi, les expressions en par
talia , l'escrime , et les Français , comme on le tie oubliées, en partie maintenues : bataille
voit dans Joinville, ont nommé bataille , une rangée; mener on guïer la bataille; offrir, re
troupe , un ensemble d'hommes ameutes fuser la bataille. Sous Louis XI , tout en con
(c'était l'ancienne expression). Une ordonnance servant son sens ancien et en continuant à
de 1260 appelle bataille un duel , un combat de être synonyme de troupe et de duel , le mot
jugement. On a appelé ensuite, en parlant de bataille commençait à signifier combat géné
1 infanterie ou de la cavalerie , bataillon , une ral. Les locutions : il y a, il y aura bataille,
grosse bataille et même une armée. Les sub donnaient à entendre deux choses , savoir :
stantifs batailler, bataillereux et autres, signi que les troupes seraient rangées comme pour
fiaient, au moyen-âge, guerrier, combattant, eu-. le combat , et , par extension , qu'un engage
Telle est l'origine de notre mot batailleur. Villc- ment en serait probablement la conséquence.
BAT ( ) IUT
Sous François I" , l'acception ancienne du mot bataille à poudre que les Français aient gagnée
bataille , aujourd'hui presque effacée , se con- sur leur territoire, contre une armée étran
servait encore. On lit, dansl'ordonnancede 1558, gère, fut la bataille de Rocroy. L'ordonnance de
ces mots : « Qu'il y ait un prédicateur en la ba 1672 est le premier document officiel qui se soit
taille, un autre à l'avant-garde. » Maintenant le occupé du mécanisme des batailles. Elle enjoi
terme bataille est le superlatif de combat ; il ré gnait aux troupes d'essuyer le premier feu .'Cette
pond au mot latin pugna, puisque suivant la symétrie un peu trop obséquieuse se trouva à
définition des humanistes , Pugna pars est Fontenoy, où les gardes françaises et les gardes
belli, sicutprœliumpars estpugnœ. Brantôme, suisses réclamèrent des Anglais l'honneur d'être
qui écrivait à la fin du xvie siècle , le définit passés par les armes , avant de faire feu. Depuis
ainsi : « Là où l'artillerie joue , là où les deux la savante tactique de Frédéric II, on a distin
grands chefs souverains y sont en présence et gué en obliques et en parallèles les batailles, et
en armes , là où l'on combat si bien que l'une l'ordre oblique est devenu le nœud d'une vive
des avant-gardes est defaicte et en route (en dé polémique. Ce n'est point, a dit Frédéric, à
route), cela se peut dire bataille. » Feuquières coups de fusils qu'on gagne les batailles, mais
s'est occupé de la même définition dans les ter en menant , les armes portées , une ligne dé
mes quj suivent : « Choc exécuté ou du moins ployée d'infanterie à l'ennemi. Le maréchal de
possible de deux armées déployées. » Cette in Saxe partageait cette opinion. Mais il n'y a pas
terprétation serait aujourd'hui dépourvue de de précepte absolu à prescrire , et plus d'une
justesse , puisqu'il s'est donné maintes batailles bataille a été gagnée ou par l'infanterie en co
sans que toute l'armée fut développée et pût lonne, ou par l'artillerie ouvrant les voies à la ca
choquer de front la ligne de bataille de l'en valerie. Le général Lamarque a appelé batailles
nemi. Le maréchal Gouvion Saint-Cyrse plaint, stratégiques celles qu'un plan habilement dressé
dans ses Mémoires, de ce que le sens du mot à l'avance, prépare et livre sur un point donné,
bataille est encore à expliquer ; et dans l'image sur un point que les théoriciens modernes ont
qu'il cherche à en tracer, il copie à peu près appelé objectif. Telles furent, suivant lui , les
Brantôme. Il serait plus exact, plus complet, batailles de Marengo et d'Austerlitz. Son opi
d'établir que la présence du général d'armée , nion est plus juste à l'égard de cette dernière
l'importance de l'action , les mesures prépara action que de l'autre, qui fut un engagement au
toires qu'elle exige , le concours concerté de tou quel le hasard prit grande part. Si l'on recher
tes ou presque toutes les armes, impliquent l'idée che la proportion du chiffre des batailles et dn
d'une bataille, d'une grande bataille, d'une ba chiffre des sièges, le rapport de ceux-ci aux
taille rangée, où deux généraux en chef se dis batailles a été , de 1741 à 1783, ce que 67 est
putent la victoire. La plus ancienne bataille à îoo ; il a été , dans les premières affaires de
dont l'histoire nous ait transmis un récit dé la guerre de la révolution , ce que 26 est à 100;
taillé, est celle de Thymbrée. Une bataille était, il a été, pendant le consulat , ce que 23 est à 1 00;
dans les temps anciens, le but principal et quel et sous le régime impérial , ce que 1 6 est à
quefois l'objet unique de toute une guerre. Il l oo. Il est curieux de remarquer que, tandisque
n'en a plus été de môme dans les temps moder cette décroissance se manifestait dans le nombre
nes , puisque telle bataille de Bonaparte , celle des sièges, le personnel du génie allait, au con
d'Ébersberg, a duré vingt jours. Au moyen- traire , s'exagérant en sens inverse ; et que
âge, une bataille participait des formes d'un l'homme des batailles, le fantassin, allait se
duel ; elle s'annonçait par le ministère des hé débilitant au point de marasme où il est tombé.
rauts d'armes qui en déterminaient le jour, le Des ordonnances anciennes, de celle de 1 792,
lieu , l'heure. La stratégie moderne s'accommo des principes qui ont été mis au jour par les
derait mal d'une précision si rigoureuse. La professeurs militaires , on peut déduire que le
plus ancienne bataille française dont une de général qui va livrer bataille doit s'assurer que
scription étendue, intelligible soit venue à nous, le disponible de son armée est concentré sur le
est celle de Bouvines. Les batailles qui termi théâtre des opérations; il ordonne des inspections
nèrent le système des actions à fer émoulu , au d'armes , veille à ce qu'on fasse prendre de la
quel succédèrent les actions à poudre, se livrè nourriture aux hommes, à ce qu'on fasse repaître
rent à Granson , à Morat, à Nancy. La première les chevaux. Les projets d'opérations de lajour-
BAT ( "53 ) DAT
née sont communiqués aux militaires de haut les garanties de la victoire dans des dogmes ab
grade et énoncés de grade en grade , si cette me solus , dans des théories convenues. Rarement
sure est jugée nécessaire. On indique aux trou les terrains se ressemblent; toujours les dispo
pes les points de station des ambulances et des sitions diffèrent, et l'étude des batailles écrites
caissons à cartouches ; on leur désigne , au be et de la stratégie de cabinet , n'est qu'un faible
soin , les rendez-vous , les points de ralliement, moyen d'enseignement; il faut redire, avec Cé
en cas de retraite. Ces précautions, qui sont ti sar , que les lauriers doivent se partager entre
rées du libellé des ordonnances , pourraient les soldats , le général et le hasard. Le gén. B.
paraître un peu timides aux militaires qui se BATAILLON (art. milit.). Mot qui a été
souviendraient combien de graves engagements une traduction de l'augmentatif italien signi
se sont entamés sans préparations et à jeun ; la fiant grosse bataille ; cardans le principe bataille
guerre de la révolution n'avait pas le temps signifiait troupe rangée en ordre de combat , et
d'être si méthodique. Une fois le champ de ba quelque fût le genre d'armes qui composait cette
taille désigné , reconnu , le général assure ses troupe ; ainsi, il y avait des bataillons à cheval
communications avec la base d'opérations , aussi bien qu'à pied. Par une raison analogue ,
range l'armée sur deux lignes , établit ses ré des écrivains du moyen-âge ontappelé bataillon
serves, approprie à la nature du terrain les ar des troupes d'hommes de cheval que depuis
mes diverses ; fait tourner à son avantage les longtemps la langue moderne ne désigne plus
commandements, les élévations ; appuie ses que sous le nom d'escadron.
flancs , décide du numéro du calibre des pièces La phalange grecque, la cohorte romaine, les
qui joueront sur les divers points ; déploie ses dronges, les turmes des barbares, les échelles
tirailleurs, fait seconder de tirailleurs à cheval françaises du moyen-âge, ont eu plus ou moins
l'infanterie légère ; il engage la canonnade pour de rapports avec les aggrégations nominalement
décider l'adversaire à déployer ses masses , à désignées aujourd'hui par bataillon ou esca
mettre en évidence ses forces , à laisser voir dron. Un bataillon ne se composait dans l'origine
quelle direction il a l'intention de leur donner; que de divers rangs ou piquiers, formant sur
il cherche à en reconnaître les lacunes , le point le terrain à peu près le plan d'un carré.
faible ; il y marche à la charge , y précipite la Ces rangs se sont successivement entrecoupés
cavalerie et y fait concourir, si besoin est , ses d'hommes combattant avec la pique seule ,
réserves. Mais combien de combinaisons que le mais se servant de petites armes de jet qui ,
génie devine et qui ne sauraient être réduites en suivant les temps, leur ont valu la dénomina
préceptes ! Ainsi il importe de n'attaquer qu'a tion d'arquebusiers, d'arbalétriers, de pistoliers,
vec des forces qui l'emportent sur celles du de fusiliers. Cette association d'armes diverses
point opposé , ou par le nombre, ou par la vi a changé la forme du bataillon. De carré qu'il
gueur, ou par la tactique plus habile. Il faut était, il est devenu oblong, et au lieu de rester
donner de la jalousie par des démonstrations composé de rangs plus ou moins semblables
trompeuses ; saisir l'instant où les mouvements entre eux, îl s'est composé de compagnies plus
de l'ennemi sont hasardeux ou désunis , le pu ou moins différemment armées. Tel a été le
nir de ses flottements , deviner par ses manœu passage insensible de l'ordre profond à l'ordre
vres ce qu'il prémédite , se défier des masques, mince.
des rideaux , et prendre de préférence l'offen Maintenant un bataillon est un ensemble de
sive dans la chaleur de l'action. Il importe de fantassins répartis en compagnie sous les ordres
veiller à la conservation des intervalles , à la sé d'un chef.
curité des ailes , à la succession des feux ; de Un bataillon est ordinairement une des frac
n'en jamais dégarnir toutes les armes à la fois ; tions intégrantes d'un régiment d'infanterie.
de réparer, aux dépens de la cavalerie ou de la Son chef n'est dans ce cas qu'un officier supé
seconde ligne, les trouées qui pourraient désa- rieur; mais il s'est vu en maintes circonstances
juster le front; de mettre à propos en jeu les trou qu'un bataillon était un corps régimentaire. Son
pes fraîches ; de payer au besoin de sa personne chef prend, en ce cas, l'autorité et les fonctions
et d'obtenir la simultanéité , la convergence des de colonel.
attaques, la vigueur des charges, la prompti- Le nombre des compagnies formant un ba
tudedes ralliements. Mais en vainchercherait-on taillon a varié de un à dix ou douze.
Encyclopédie du XIX' siècle, t. IV. 4S
BAT ( 754 ) BÂT
Le nombre des bataillons formant un régi ) à confectionner différentes pièces de leurs vête ,
ment, a varié de un à douze et vingt. rnents. V. H.
La force des bataillons a varie décent à mille BATABA (ornithol.). Genre d'oiseaux
et deux mille hommes ; ainsi quand l'histoire formé par des ornithologistes aux dépens du
rapporte que telle armée se compose de tant de grand genre des Meblf.s (Turdus de Linné),
bataillons, on voit combien reste incertaine l'é dont ils offrent tous les caractères anatomiques,
valuation numérique. à l'exception de quelques différences de couleur,
Ce qui vient d'être dit , prouve combien il de grandeur, etc. Le genre batara appartient
a existé de genres de bataillons. Carré et batail à l'ordre des Passebeaux , famille des Denti-
lon ont été d'abord synonymes ; mais il y en a bosthes, de la méthode de Cuvier (voyez ces
eu de ronds et de toutes les formes géométriques mots) . Il ne renferme que des espèces exotiques,
imaginables. Il y en a eu servant à part ; s'ad- dont le plus grand nombre habite l'Amérique
ministranteux-mémes. Leur administration dé méridionale, et le reste, l'Afrique. Les moeurs
pend ordinairement du régiment dont ils font et les habitudes des bataras sont peu connues ; il
partie , et s'y centralise. Le gén. Bardin. parait qu'on ne les rencontre que dans des four
BATALE . batalus. Ce mot signifiait , chez rés obscurs, où ils vivent isolés avec une seule
les anciens, les hommes efféminés, les hommes compagne. Ils en sortent soiret matin pour aller
livrés à toutes les douceurs de la vie. Ce fut au à la recherche des insectes qui servent à leur
nom d'un certain Batalus, joueur de flûte, que nourriture. Les bataras ne chantent que dans
cette épithète dut son origine , parce que ce la saison des amours ; alors ils font entendre un
joueur de flûte exerçait son art avec mollesse, cri analogue à la syllabe tu, vivement répétée.
et s'abandonnait à la vie la plus dissolue. Bata Ces oiseaux cachent leur nid dans l'épaisseur
lus est le premier qui ait chaussé une sandale des buissons; pondent deux outrais œufs, blancs
de femme sur le théâtre. Antiphane fit une co ou rayés , et tachés de brun et de rouge, selon
médie sur ce jouer de flûte. On lit dans Liba- les espèces auxquelles ils appartiennent.
nius et Héséchius que les ennemis ou les envieux Les espèces connues du genre batara sont déjà
de Démosthènes le surnommèrent Batalus. nombreuses; il est inutile de les énumérertoutes.
Vossius parle encore d'un autre Batale, poète On les a partagées en deux groupes, d'après I»
grec. Le temps où il a vécu nous est resté ignoré. forme du bec. Le premier groupe , caractérisé
Selon Thomas Magister, il était comédien , et par un bec robuste plus ou moins renflé en-des
selon Libanius il était jouer d'instrument : c'est sous , renferme sept espèces , batara bleuâtre,
peut-être le même que le précédent. b. doré, grand batara, etc. Dans le second
BATALHA {géog.). Bourg de Portugal, groupe, dont le caractère est un bec grêle, se
province d'Estramadure , arrondissement de trouvent une vingtaine d'espèces ; batara alapi,
Leiria, 1550 habitants. On y remarque un su b. grisin , b. à front rond, b. varié, etc. A. M.
perbe couvent d'architecture gothique, fondé BATABD (jurisp.). C'est le nom générique
par le roi don Jean I", en commémoration de de tous les enfants nés hors mariage.
la bataille d'AIjubarrota, gagnée sur les Cas Il y a trois sortes de bâtards : 1° le bâtard
tillans, le 14 août 1385. Le corps du fondateur simple, c'est-à-dire issu de personnes libres ;
et celui de la reine sa femme reposent dans 2° f adultérin, c'est-à-dire né de personnes dont
l'église du couvent. Les environs de Batalha l'une au moins est engagée dans les liens du ma
sont très fertiles en vins, grains, huiles et pro riage; 3° V incestueux , c'est-à-dire celui dont le
duisent d'excellents fruits. On y trouve aussi père et la mère étaient parents ou alliés à un de
du bétail et du gibier. gré où la loi prohibe le mariage.
BATAXOMES. Espèce de toiles de coton . Autrefois il y avait une seconde espèce de
grossières qui se fabriquent et se vendent en bâtards incestueux : c'étaient ceux nés de per
Egypte. C'est particulièrement au Caire qu'il sonnes consacrées à Dieu. La loi civile actuelle
se fait un commerce considérable de ce tissu ne reconnaît pas cette sorte d'inceste.
pour la Syrie et pour l'intérieur de l'Afrique, Une histoire complète des lois politiques ou
où les caravanes le remportent en échange civiles , relative aux bâtards , chez les différents
des esclaves, de la gomme et de leurs autres peuples , serait d'un grand intérêt pour le mo
marchandises , et où les indigènes l'emploient raliste et même pour le jurisconsulte; mais les
BAT ( 755 ) BAT
limites de cet article sont trop restreintes pour ple, par testament, la moitié de leurs biens,
que nous puissions l'entreprendre; nous n'eu dans le cas où il n'y avait pas d'enfants légitimes.
donnerons qu'une esquisse rapide avant de fixer L'empereur Justinien alla même plus loin; il "
la position des bâtards sous notre droit actuel. accorda au bâtard qui demeurait avec sa mère
Chez les Grecs, on commença d'abord par dans la maison paternelle, la sixième partie de
assimiler les bâtards au\ légitimés ; presque la succession , même dans le cas de décès ab
tous les demi-dieux et les héros étaient des bâ intestat de la part du père.
tards des dieux ; témoin Hercule , Thésée , Quant aux autres que les simples bâtards , ce
Achille, Pyrrhus, etc., etc. même empereur ne leur accordait pas même
Dans l'époque historique, les bâtards furent le droit de demander des aliments.
réputés infâmes et incapables de succéder. Les bâtards simples pouvaient être légitimés
Enfin , dans la troisième période , celle qui soit par le mariage subséquent de leur père et
nous est le plus connue par les monuments en mère, soit par le mode appelé oblatio cu-
core existants de sa législation, la condition riœ, soit par l'adoption, soit par testament, soit
des bâtards ne fut pas améliorée : ils continuè par rescrit du prinee , soit par la reconnaissance
rent à être frappés de réprobation par la loi du père.
politique et la loi civile ; on les excluait de toute Toutes ces différentes légitimations , à l'ex
fonction publique et on ne leur reconnaissait ception de ceWeper oblationetn euriœ , réhabi
aucun droit de parenté. litaient complètement l'enfant et le confondaient
Chez les Romains , on distinguait entre les avec les légitimes, quant au droit de succéder.
enfants nés d'un commerce défendu et ceux nés La succession du bâtard, s'il était légitimé,
d'un commerce toléré. se réglait comme celle de tous les autres citoyens;
Aux premières époques delà république, toute s'il n'était pas légitimé, elle subissait les mêmes
personne pouvait avoir Hne concubine dans sa règles qui lui étaient imposées à lui-même pour
maison ; un tel commerce était reconnu par la l'héritage de ses auteurs.
loi , qui l'appelait licita consuetudo. Il se per Comment le droit canonique traite-t-il les
pétua jusqu'à Constantin , qui l'interdit aux bâtards ?
gens mariés. 1° Par rapport à leur naissance, les distinc
L'empereur Léon-le-Philosophe défendit le tions sont les mêmes que celles indiquées plus
concubinage à toutes sortes de personnes. haut; 2° par rapport à l'Église, les bâtards ne
Même dans les temps précédents où le con peuvent aspirer aux dignités sans une dispense
cubinage était admis , la loi ne permettait pas du pape ; 3° par rapport à la famille , le droit
à toutes les femmes d'être concubines. Il y canonique exclut le bâtard non légitimé de la
en avait d'incapables, soit à cause de leur succession du père et même de la mère ; mais il
conduite , comme les prostituées , meretrices; accorde à tous les bâtards , sans distinction , le
soit à cause de leur condition , comme les in droit de demander des aliments. Le bâtard lé
génues et les femmes de naissance illustre, gitimé est assimilé à l'enfant légitime par la loi
ingenuœ et illustres; soit à cause de leur état , canonique ; mais il ne permet de légitimation
comme les femmes mariées ou engagées par que pour le bâtard simple.
des vœux solennels; soit à cause de leur parenté Disons aussi un mot sur l'état des bâtards ,
à un degré prohibé pour le mariage. De ces diffé d'après les ordonnances et les coutumes.
rentes distinctions provenaient diverses espèces Quatre époques doivent être distinguées avec
de bâtards, traités inégalement par le législateur. soin :
Le bâtard né de personnes libres n'était pas Dans la première, qui comprend les deux
noté d'infamie; il pouvait être revêtu de toutes premières races de nos rois, le bâtard n'était
les dignités et de toutes les magistratures; la loi pas noté d'infamie ; il semble même qu'on ne
politique ne prononçait contre lui aucune ex faisait aucune différence d'eux et des légitimes;
clusion. en effet , un bâtard de Clovis Ier, Thierry, par
Il n'en était pas de même dans la famille ; le tage le royaume avec Clodomir, Childebert et
bâtard non légitimé était sans droit de succes Clotnire, tous trois enfants légitimes ; Sigebert,
sion, si le père ou la mère mourait ab intestat; bâtard deDagobertl", partage aussi avec Clo
mais ceux-ci pouvaient donner au bâtard sim vis son frère légitime. Bien plus, Louis et Car*
T.AT ( roG ) HAT
loman, bâtards de Louis-lc-Bègue , sont cou accordait dans celle de la mère, surtout pour le
ronnés rois, à l'exclusion de Charles-le-Simple cas où il n'existait pas d'enfants légitimes. On
enfant légitime. défendait aussi, soit au père, soit à la mère, les
Toutefois , cette égalité des bâtards avec les dispositions universelles au profit des bâtards
autres enfants, n'existait que dans la famille des par testament; on tolérait la donation ou le
rois, des princes ou des seigneurs qu'elles legs particulier pourvu qu'ils ne fussent ni im
avaient reconnus , et par cela même légitimés ; modérés ni immenses; mais destinés à les nour
dans les familles ordinaires , tous les bâtards rir et alimenter, suivant leur état.
étaient serfs ou gens de main-morte. Quant à la faculté de disposer , les coutumes
Sous la troisième race , la condition des bâ n'étaient pas uniformes : les unes ne permet
tards de rois , de princes ou de seigneurs , per- taient aucune disposition ; les autres en per
ditdeses privilèges; une ordonnance de Hugues- mettaient de partielles; les troisièmes, de géné
Capet exclut
cession au trône,
formellement
défend lesdebâtards
les reconnaître
de la sue- rales; les quatrièmes étaient muettes.
Quoiqu'on ne reconnût pas de parenté légale
dans la famille royale et leur interdit de porter entre les bâtards et leurs pères et mères, ce
les armes de France, si ce n'est avec une barre. pendant on n'imposait pas moins à ceux-ci
Ceux des princes et seigneurs se virent aussi l'obligation naturelle de nourrir et d'élever leurs
enlever les droits de succession, mais leur dé enfants ; aussi les hôpitaux avaient-ils le droit
gradation ne fut pas complète ; on vit souvent de refuser l'admission des bâtards, si le père ou
des bâtards, revêtus des plus grandes dignités, la mère avaient les moyens suffisants pour les
se donner publiquement le nom de bâtard de nourrir ; on trouve dans les recueils un arrêt
telle maison, témoin Dunois, pour les temps du parlement de Nancy, rendu en ce sens, le
anciens , et le maréchal de Saxe pour les temps 23 février 1779 :
modernes. Il est certain que jusqu'à l'ordon « H est contre tout principe de justice et d'hu-
nance de Henri IV, rendue en 1600, les bâtards « manité, disait le procureur général , lors de
des grandes maisons participaient aux honneurs « cet arrêt, que les enfants naturels connus pour
de l'ancienne chevalerie et à ceux de l'état. « être le fruit de la séduction et du libertinage
L'histoire des anciennes guerres , les actes des « de pères solvables , soient à la charge de l'hô-
états-généraux , les mémoires de la chambre « pital; déjà blâmables du refus qu'ils font de
des comptes et les registres du parlement, four « donner un état à leurs enfants par le mariage,
nissent sur ce point de nombreuses preuves. « il ne peut leur être permis de reporter impu-
Cette ordonnance de 1600 ôta aux bâtards « uément sur l'hôpital l'obligation de les nour-
leurs privilèges. Louis XIII confirma toutes ces <> rir. La nourriture et l'entretien des enfants
dispositions par son ordonnance de 162U. <• reportés ainsi sur l'hôpital est un larcin de la
Malgré ces lois, les bâtards reconnus des rois « chose publique. »
ou des princes continuèrent à être tenus pour Plus ordinairement , on attribuait l'éducation
gentilshommes ; mais les bâtards des simples de l'enfant bâtard à la mère , d'après cette
gentilshommes furent réputés roturiers. vieille maxime du droit romain, que l'enfant
On sait l'histoire des bâtards de Louis XIV, illégitime suit la condition de sa mère. Toute
leur scandaleuse légitimation, et quels événe fois , quand ni le père ni la mère du bâtard ne
ments en furent la conséquence. semblaient offrir de suffisantes garanties pour
Une des grandes incapacités des bâtards, c'é l'éducation, comme l'intérêt de l'enfant est le
tait de nepouvoir défendre la mémoire de leurs motif suprême , on ordonnait qu'il serait placé
pères ou poursuivre leurs meurtriers; cepen dans un couvent jusqu'à un certain âge; c'est
dant s'ils sollicitaient une telle autorisation, ce que décida un arrêt du 27 juillet 1 758 pour
elle leur était ordinairement accordée. C'est en l'éducation d'un bâtard né d'un nommé Person,
vertu de lettres-patentes de cette nature qu'eut acteur de l'Opéra , et d'une concubine.
lieu le fameux procès du comte de Lally. Voilà l'ancien droit sur les bâtards. Ce long
Dans le dernier état de la législation qui état de servage et de main-morte devait offenser
précéda la révolution de 178!) , l'unanimité des le sentiment d'égalité des législateurs de 93, ou
coutumes enlevait aux bâtards tous droits dans blesser vivement leur sensibilité : « Il ne doit
la succession du père , et la majorité leur en « pas y avoir un seul pauvre ni un seul mal*
BAT ( 757 ) RAT
« heureux sur le sol de la république , s'écriait diminuait dans une effrayante proportion. La
« Saint-Just; » aussi les bâtards apparurent-ils convention s'en était épouvantée, et dès l'an iv,
comme les victimes d'un préjugé barbare , et elle avait prononcé une première abrogation
les enfants légitimes comme une espèce de sei partielle de la loi de l'an n. Ce remède était trop
gneurs féodaux qu'il fallait se hâter de rappeler faible pour l'abus; enfin le Code fut promulgué
à l'égalité. en 1804. Le mal était à son comble et l'expé
De là, la loi du 4 juin 1793. La convention rience complète; l'ancienne législation sur l'iné
décréta « que les enfants nés hors mariage galité des bâtards fut en grande partie rétablie,
a succéderaient à leurs père et mère. » toutefoisavec les modifications qu'exigeaient les
Mais ce droit de successibilité était seulement institutions nouvelles sur l'état des personnes ;
proclamé en principe. Il restait à le définir on s'appliqua surtout à respecter à la fois les
et à le mettre en activité ; ce fut l'œuvre de la droits de la nature et ceux plus puissants en
célèbre loi du 12 brumaire an n. core de la morale et de la société.
« Les enfants actuellement existants , nés Disons avant tout que , quant aux droits po
« hors du mariage , dit-elle, seront admis aux litiques, il n'y a aucune distinction entre les en
« successions de leurs père et mère , ouvertes fants bâtards et les enfants légitimes; tous, sans
« depuis le 14 juillet 1787. exception , sont égaux devant la loi , tous sont
« Ils le seront également à celles qui s'ouvri- aptes de même aux fonctions publiques.
« ront à l'avenir, sous la réserve portée à l'ar- Le premier et le troisième livre du Code civil
« ticle x , ci-après. contiennent surtout des articles relatifs aux en
« Art. n. Leurs droits de successibilité sont fants nés hors mariage.
'« les mêmes que ceux des autres enfants. Ils statuent sur leur reconnaissance , sur la
« Art. x. A l'égard des enfants nés hors du recherche de la paternité et de la maternité,
« mariage dont les père et mère seront existants sur leur entretien, leur éducation , la puissance
« lors de la promulgation du Code civil , leur paternelle et la tutelle en ce qui les concerne,
<• état et leurs droits seront en tout point réglés sur leur mariage, leurs droits héréditaires, leur
■> par le Code. » capacité de recevoir par donation ou par tes
Ainsi , la convention elle-même , réhabilitait tament. Nous allons résumer rapidement ces
la bâtardise d'une main timide et hésitante ; en dispositions.
proclamant une égalité rétroactive pour le passé Les bâtards simples peuvent seuls être recon
depuis 1 789, elle n'osait la reconnaître d'avance nus par leurs père et mère. Les adultérins et
dans l'avenir, et elle réservait au Code civil les incestueux ne le peuvent pas.
toute liberté. La reconnaissance sera faite par un acte au
Il faut dire même , que dès à présent, elle thentique lorsqu'elle ne l'aura pas été dans l'acte
traitait inégalement les différentes espèces de de naissance.
bâtards; ainsi sa pudeur s'arrêtait devant les La recherche de la paternité est interdite.
enfants de l'adultère; à ceux-là, l'article xm de La recherche de la maternité est admise ;
la loi du 1 2 brumaire an n , refusait formelle mais l'enfant qui réclame sa mère est tenu de
ment le droit de succéder, il n'accordait que de prouver (mil est identiquement le même que ce
simples aliments; quant aux bâtards incestueux, lui dont elle est accouchée, et il n'est reçu à
la loi de brumaire an n ne les nomme même cette preuve qu'autant qu'il a un commence
pas. Quatre autres décrets des 25 nivôse an ni, ment de preuve par écrit émané de la mère qu'il
3 vendémiaire an iv, 26 du même mois, 1 5 ther réclame.
midor an iv, un arrêté du 12 ventôse an v, et Tous les bâtards, même adultérins ou inces
une loi du 2 ventôse an vi , composent toute la tueux, ont droit à des aliments ; par réciprocité,
législation
Le Code intermédiaire.
civil annoncé comme on l'a vu dans ils en doivent à leurs père et mère.
Tous les droits résultants des art. 376, 377,
article 10 de la loi du 12 brumaire an n, se 379, sur la puissance paternelle, quand il s'agit
fit longtemps attendre, et les conséquences de des enfants légitimes sont communs aux père et
cette loi eurent le temps de se développer. Sous mère des enfants naturels légalement reconnus.
le principe d'égalité, le nombre des bâtards Quand le père et la mère ont également re
s'accroissait sans mesure, et celui des mariages connu un enfant naturel , la tutelle n'appartient
BAT ( 758 ) BAT
à la mère qu'à défaut du père. Après leur mort, Dans le cas où les père et mère seraient pré-
la tutelle est toujours dative , parce que les en décédés, les biens que l'enfant naturel reconnu
fants nés hors mariage n'ont point de famille. aurait reçus de ses père et mère ou les actions
Le mariage est formellement prohibé par la en reprises, s'il en existe, ou les prix , s'il en est
loi en ligne directe, entre tous les ascendants lé dû , passent à ses frères et sœurs légitimes ;
gitimes ou naturels. tous les autres biens passent aux frères et sœurs
En ligne collatérale, le mariage est également naturels ou à leurs descendants.
prohibé au degré de frère et de sœur. Tel est l'ensemble des principales dispositions
Les règles pour le consentement des père et du Code civil sur les enfants naturels; inégalité,
mere aux mariages d'enfants légitimes , sont réprobation légale, voilà l'esprit de la législa
applicables aux mariages des enfants naturels tion nouvelle ; c'est le même qui inspirait l'an
reconnus. , cienne, mais à un moindre degré.
Les bâtards n'héritent pas; la loi leur enlève Si on veut faire de cette inégalité et de cette
formellement la qualité d'héritiers ; seulement , réprobation une pure question de sentiment, on
s'ils sont reconnus, elle leur accorde un droit les condamnera , sans aucun doute ; mais ce
sur la succession de leurs père et mère , elle ne n'est pas par des sentiments qu'il faut juger les
leur accorde rien sur la succession des parents institutions.
de leur père ou mère. Le malheur et même le sacrifice de l'individu
Si l'enfant naturel reconnu vient en concur sont de peu de considération devant les néces
rence avec des descendants légitimes , ce droit sités de l'ordre social. De l'aveu de tous, la loi
est d'un tiers de la portion qu'il aurait eue s'il a le droit de demander au citoyen sa propriété,
eût été légitime; s'il vient en concurrence avec sa vie même, pour la défense et le service pu
des ascendants ou des frères et sœurs, ce droit blics. C'est à ce haut prix que la société existe
est de la moitié ; enfin , il est des trois quarts si et quelle peut opérer le bien-être général; il faut
le père et la mère n'ont laissés ni descendants ni savoir s'y soumettre. Fon taise.
ascendants ni frères ni sœurs. BATARD (marine). Cordage servant à lier
Dans le cas où la succession s'ouvre sans une vergue au mât qui la porte. Il traverse or
qu'il y ait de parents au degré successible, l'en dinairement un certain nombre de pommes faites
fant naturel reconnu l'appréhende en totalité. en bois blanc, et nommées aujourd'hui pommes
S'il est prédécédé, ses enfants ou descendants de racage. On les appelait autrefois raques et
peuvent réclamer les mêmes droits qu'il aurait caracolets. Le bâtard, outre les pommes qu'il
eus lui-même. traverse, passe aussi au travers de morceaux
Dans le cas où , du vivant des père et mère , de bois plats appelés bigots. L'ensemble des bi
l'enfant naturel reconnu aurait reçu d'eux la gots et des pommes, fait pour faciliter les mou
moitié de ce qui lui est attribué en vertu des vements d'ascension et de descente des bâtards,
droits indiqués plus haut, énoncés avec déclara prend le nom de racage. 11 n'est pas facile de
tion qu'on entend le réduire à cette moitié , il deviner par quelle raison les premiers qui pen
ne peut rien exiger de la succession. sèrent à attacher la vergue au mât par unecorde,
Les enfants adultérins ou incestueux n'ont appliquèrent à cette manœuvre, le nom deW-
pas plus a prétendre sur l'héritage de leurs père tardou plutôt de baslard, de raques, ainsi qu'on
et mère que de leur vivant ; ils sont toujours l'écrivait jadis. On ne devine pas davantage
réduits à de simples aliments. comment, dans la marine, bâtard a pu devenir
Et même si le père ou la mère lui ont fait ap synonyme de semblable. De deux canots égaux
prendre un art mécanique ou que l'un d'eux lui dans leurs dimensions, pareils dans leurs for
ait assuré des aliments , l'enfant n'a rien a de mes, on dit généralement qu'ils sont bâtards;
mander sur la succession. on dit la même chose de deux mâts , de deux
Mais que devient à son tour la succession de vergues, etc. Bâtard a aussi la signification de
l'enfant naturel ? Elle va d'abord à ses enfants ; moyen. Ainsi, de trois canots, celui qui, par sa
s'il n'en a pas, elle est dévolue en totalité au taille, est entre le plus grand et le plus porit, on
père ou a la mère qui l'ont reconnu, ou par dit qu'il est bâtard. Les marées appelées bâtardes
moitié à chacun , s'il a été reconnu par tous les sont celles qui ont lieu pendant les quadratures;
deux. elles sont inférieures à celles des syrigies, c'est-
BAT (759) BAT
à-dlre qu'elles s'élèvent moins , descendent rience,
rait attaqué
à laquelle
et les lematériaux
parementqui
du batardeau
le composent
se-
moins, et ont des eaux moins rapides. La bâtarde
était, au xvi" siècle et au commencement entraînés. Dès que la hauteur des eaux à main
du xvn', la plus grande voile de la galère : tenir est considérable, ou dès que leur vitesse at
« Bastardo è una vêla alla batina, la maggior, teint la limite à'affouillement de la terre et de
« che si usi nelle galee. » (Pautero-Pautera , la glaise , une simple digue établie , comme nous
vocabolario nautico.) « La bustarde la plus venons de le dire, n'est plus exécutable. On est
« grande de toutes, pour recueillir le plus de alors obligé de faire des parements résistants à
« vent lorsqu'il y en a le moins sur mer. » cettedigue , au moyen de palplanches. Deuxiiles
(J. Hobier, Construction d'vnegallaire, p. 38.) de palplanches sont battues parallèlement et à
Bâtarde était le nom dune pièce d'artillerie, in distance, et enfoncées dans le sol de la longueur
férieure par la taille et le calibre au coursier de nécessaire à leur stabilité ; c'est dans l'intervalle
la galère, et qu'on plaçait à côté du coursier, compris entre ces deux paroisde madriers que l'on
sous la rembate. Là y avait aux galères de fait la digue en terre ou en glaise , en ayant soin
France, en 1622, deux bâtardes. Les bâtardes de bien tasser ces matières. Les palplanches de
s'appelaient aussi alors moyennes; elles étaient chaque file sont reliées à leur tête par une moise
seulement, selon Hobier, de 5 à 6 livres de bal double boulonnée de distance en distance : cha
le, quand le coursier était de 33 à 34 livres. que double moise est elle-même fixée par des
Au milieu du xvn' siècle , il y avait deux bâ boulons fixés à des pieux assez espacés entre
tardes et deux moyennes ; les bâtardes du cali eux et battus au-devant des palplanches sur les
bre de 8 , les moyennes de celui de 6. Le cour deux parements du batardeau. Les pieux enfon
sier était alors du calibre de 36. A. Jal. cés d'un côté du batardeau correspondent cha
BATAHDEAU. On appelle ainsi l'euceinte cun à un pieu situé de l'autre côté , et ces pieux
ou la digue formée de matériaux étanches que en regard sont réunis par des liens simples as
l'on emploie dans les travaux hydrauliques pour semblés à entaille sur les moises et chevillés sur
parvenir à mettre et à maintenir à sec une por les pieux. Cette construction, pour remplir son
tion de sol noyée , sur laquelle on veut con objet , doit être bien enracinée dans le sol etétre
struire ou travailler momentanément à l'abri assise ell e-même sur un terrain qui ne laissepoint
du contact de l'eau. Le choix du mode de con filtrer l'eau ; c'est pourquoi on est dans la néces
struction à adopter pour un batardeau dépend sité de draguer dans l'intervalle des deux files
de la hauteur des eaux que l'on a à contenir, de palplanches avant d'y battre le corroi, quand
du plus ou moins d'intensité de l'action corro- le sol se compose de gravier ou de gros sable.
sive produite par la vitesse des cours d'eau Dans tous les cas , il est utile de nétoyer le sol
ambiants, et enfin de la nature du sol sur le alin que la digue s'y applique bien et ne laisse
quel on doit asseoir le batardeau. Quand la pas jour à des sources.
hauteur des eaux qu'on veut maintenir est Il n'est pas toujours possible d'employer ainsi
au-dessous de 1,60 met., le batardeau est sim des palplanches à la construction d'un batar
plement une digue en glaise corroyée ou en deau ; par exemple , quand le sol est du roc
terre franche, élevée au-devant du terrain à met ou qu'il est assez résistant pour ne point se
tre à sec , si les eaux n'affluent que d'un côté et laisser pénétrer par la pointe des palplanches ,
qu'il soit protégé des autres par le terrain natu on recourt à un autre expédient. La charpente
rel ou bien établi au pourtour de ce terrain ; si du batardeau se compose alors d'une série de
celui-ci est au milieu d'uneourant d'eau, on n'em cadres ou châssis en bois que l'on pose verti
ploie la terre à la formation du batardeau qu'a calement sur le sol ; chaque châssis est formé
près l'avoir bien dépouillée des pierrailles , des de deux montants verticaux reliés à fleur d'eau
branchages ou des racines qui pourraient s'y par une moise et à leur sommet par une entre
trouver mélangés , parce que ces matières étran toise. Ces châssis espacés les uns des autres de
gères , ne faisant point corps avec elle , donne 1 met. à 1,50 mèt.,constituentlacarcassed'une
raient lieu à des infiltrations. Pour que cette caisse dont les parois verticales sont formées de
construction soit solide, il faut aussi que la vi madriers horizontaux appliqués à l'intérieur de
tesse de l'eau qui entoure le batardeau ne dé la caisse centre les montants. Les moises et les
passe point la limite, déterminée par l'expé entretoiscs permettent de remplir la «lisse du
S J BAT ( 760 ) ÎÏAT *
Corroi sans craindre que les montants s'écartent située entre des bas-fonds , baignée en face par
les uns des autres par leur base. On peut sub l'Océan , et de tous les autres côtés par le Rhin.
stituer aux entretoises en bois , pour empêcher Ce fleuve, dit Tacite, jusque-là retenu dans un
I'écartement des montants , des tirants en fer seul canal , à peine entrecoupé de quelques iles,
que l'on doit toujours placer au pied même des semble, à l'entrée du pays des Bataves, se par
montants. Pour que ces tirants ne servent pas tager en deux fleuves. Celui qui borde la Ger
de conducteurs aux infdtrations , il est bon de manie conserve le nom et l'impétuosité du Rhin',
les faire en fer plat que l'on fixe sous le pied du jusqu'à ce qu'il tombe dans l'Océan. L'autre ,
montant, en ayant soin de retourner le fer sur qui arrose les frontières des Gaules, plus large
chant pendant son passage dans l'intérieur du et plus tranquil le, prend le nom de Wahal , quela
batardeau. Meuse lui fait perdre ensuite. C'est sous ce der
Quand on n'a pas de terre convenable pour nier nom qu'il se décharge dans ce même Océan
faire le remblai du batardeau , on peut y em par une vaste embouchure. Suivant le même
ployer du sable fin et très pur, qui présente une historien , les Bataves , devenus les alliés des
masse aussi imperméable que la glaise ; mais si Romains , ne furent point opprimés , comme on
on est obligé de recourir à ce moyen, il faut l'est dans la société d'une nation plus puissante.
prendre les plus grandes précautions contre les Ils ne fournissaient à l'empire que des armes et
liltrations d'eau au pied du batardeau : les pa des soldats. Longtemps exercés par les guerres
rois de ce dernier doivent aussi offrir plus de de Germanie, ils accrurent encore leur réputa
solidité que si l'on employait de la terre ; et tion en Angleterre , où l'on avait fait passer
surtout les planches qui forment les parois de leurs cohortes, de tout temps commandées par
la caisse doivent être assez bien jointes entre leurs plus nobles chefs. On les avait vus à Phar-
elles pour ne pas laisser passer le sable, parce sale, instruments de la victoire de César sur
qu'il a la faculté de couler à un très haut degré. Pompée , recevoir le titre glorieux d'amis et de
On exécute quelquefois les remblais de ba frères du peuple romain ; on les vit de même
tardeau avec du béton ; c'est le plus sûr moyen dans la Grande-Bretagne mériter de nouvelles
d'obtenir un batardeau étanche; mais, vu le prix distinctions en aidant à la conquête d'Agricola,
de revient de ce mode de construction, on ne et forcer l'ennemi à la paix par la terreur que
peut guère s'en servir que dans la circonstance lui inspiraient des hommes qui savaient à la fois
où la masse de maçonnerie à exécuter est assez nager et gouverner eux, leurs armes et leurs
grande pour pouvoir englober le massif de bé chevaux. Quand les Bataves , non plus traités
ton, ainsi construit. comme alliés, mais comme esclaves, par les
On donne habituellement aux batardeaux une lieutenants envoyés de Borne, furent en proie
épaisseur égale à la hauteur des eaux qu'ils ont aux insultes , aux enlèvements et aux brigan
à maintenir. Cette règle donne dans la généra dages, un descendant de leurs anciens rois,
lité des cas une solidité suffisante à ce genre Claudius Civilis , conçut le dessein de rendre
d'ouvrage. l'indépendance à sa patrie. Deux fois prisonnier
A la construction du batardeau succèdent les des Bomains , il avait été mis aux fers, conduit
travaux d'épuisement pour mettre à sec le ter d'abord à Néron, absous par Galba, puis expose
rain sur lequel on veut construire. Les moyens à de nouveaux périls sous Vitellius. L'attache
d'épuisement, fort variables suivant les circon ment qu'il prétexta pour Vespasien lui fit re
stances, seront décrits au mot Épuisement, couvrer sa liberté. Il résolut de s'en servir afin
auquel nous renyoyons. L. et Th. d'opérer une révolution parmi les Bataves. Un
BATAVES. La Hollande , si célèbre dans premier avantage leur donna des armes et des
les temps modernes , était déjà fameuse dans vaisseaux dont ils manquaient, et une crawle
l'antiquité sous le nom de Batavie, que rapelle renommée dans les Gaules et la Germanie. Ci
encore aujourd'hui celui de Betuwe, petit pays vilis était à la veille de se faire un royaume de
de la Gueldre, entre le Rhin et le Leck. Les ces puissantes et riches provinces. Déjà il s'était
Bataves faisaient partie de la nation germanique coupé cette longue chevelure blonde que, it
des Cattes, lorsque, chassés par une sédition puis le commencement des hostilités, il atait
domestique, ils vinrent occuper l'extrémité de laissé croître par un de ces vœux ordinaires à
la côte des Gaules, alors inhabitées, et une Ile sa nation. Après plusieurs succès entremélésde
BAT ( 761 ) BAT
revers, vaincu enfin par Céréalis, lieutenant avoir terminé les affaires du jour, se retirent
de Vespnsien , le héros batave fut contraint de dans la nouvelle ville , située sur un terrain
se retirer dans ses marais , et promit de rester élevé ; et l'ancienne Batavia n'est plus guère
fidèle aux traités avec les Romains , si la liberté pour les négociants européens. qu'une espèce
de ses compatriotes était désormais respectée. d'entrepôt où ils placent leurs marchandises.
,Du temps de Tacite, les Bataves jouissaient en Malgré l'insalubrité du climat, la population
core de tous les honneurs et de tous les privi augmente toujours à Batavia. Cette ville qui ,
lèges d'un ancien allié. Exempts de corvées et en 1815, n'avait que 47,200 âmes , sans comp
de contributions , ils n'étaient ni avilis par les ter la garnison, renfermait en 1824, 53,800
tributs ni écrasés par les traitants. Ils ne ser habitants, ainsi partagés : environ 3,000 Eu
vaient que dans les combats; on les tenait en ré ropéens, ou descendants d'Européens; 23,000
serve uniquement pour la guerre. C'était de tous naturels; près de 15,000 Chinois, et un peu
les peuples germaniques le plus distingué par sa plus de 12,000 esclaves. Depuis cette époque ,
bravoure. Il contribua ensuite principalement à la population a encore augmenté, et on la
la victoire que Julien-1'A postât remporta près de porte aujourd'hui à 60,000 âmes, sans la gar
Strasbourg, rendit des services signalés à l'em nison , qui est considérable , et en grande par
pereur Théodose , et tomba sous la domination tie composée d'Européens. Les principaux né
des Francs. Les Bataves furent gouvernés par gociants de Batavia sont hollandais , anglais,
Charlemagne et par ses descendants , jusqu'à américains, français et allemands. L'insalu
la décadence de la maison carlovingienne, épo brité de Batavia, devenue proverbiale, ne tient
que à laquelle les grands officiers de la couronne pas autant à la chaleur du climat qu'à la situa
profitèrent de la faiblesse des monarques pour tion de l'ancienne ville, et à plusieurs disposi
rendre le gouvernement héréditaire dans leur tions mal entendues , qu'on a fait disparaître
famille. Un orateur du m" siècle, Eumène , depuis plusieurs années.
natif d'Autun , fait du pays des Bataves la Les premiers colons hollandais, sans tenir
peinture suivante : « Cette terre n'est point , à aucun compte de la différence du climat, éle
proprement parler, une terre. Elle est tellement vèrent Batavia sur le plan de leurs villes d'Eu
imbibée d'eau , que non-seulement les parties rope. Chaque rue avait son canal , dont les bords
manifestement marécageuses cèdent sous les étaient plantés d'arbres verts. Ces canaux , ré
pieds qui les pressent, et les fait plonger, mais ceptacles de toutes les immondices de la ville,
que les endroits même qui paraissent plus fer avaient un courant très faible , que le moindre
mes , tremblent et chancèlent sous les pas » . Un obstacle arrêtait. Batavia est d'ailleurs entou
pays si singulier semblait-il fait pour être un rée de rizières pleines d'eaux stagnantes, et la
jour peuplé de villes florissantes, et pour de baie, qui a un fond de vase couvert d'herbes
venir ensuite l'entrepôt du commerce de l'uni marines en putréfaction, exhale des miasmes
vers? Tv. délétères. Si , à toutes ces causes d'infection ,
BATAVIA, grande ville de l'Ile de Java, on joint les habitudes d'intempérance des an
bâtie en 1G19 par Jean Pieterson Coen , capitale ciens colons hollandais , on comprendra facile
des possessions hollandaises dans l'archipel ment que le séjour de Batavia ait passé pour le
indien, latitude Sud 6,8; longitude Est 10G, plus malsain du globe. Pendant l'occupation
54. On ne retrouve que peu de traces de cette anglaise, qui dura de 1811 jusqu'en 1816, le
grandeur et de cette magnificence qui firent don gouvernement britannique fit pratiquer diffé
ner à Batavia le surnom de reine de l'Orient. Au rents travaux d'assainissement qui , joints à la
jourd'hui un grand nombre de maisons de l'an sage précaution de placer la demeure des Eu
cienne ville tombent en ruines. Les canaux sont ropéens dans la partie la plus élevée des envi
presque tous comblés. La grande église, bâtie rons, diminuèrent considérablement la morta
en 1760, est détruite, et toutes les communions lité. Le gouverneur hollandais, baron Van der
protestantes célèbrent l'office divin dans un pe Capellen, suivit le plan commencé par les An
tit temple de peu d'apparence. Les chrétiens du glais , et aujourd'hui l'ancienne Batavia est
pays sont presque tous catholiques ; ils ont une devenue beaucoup moins malsaine. Le port,
église particulière appelée église drs Portugais. dans lequel les vaisseaux trouvent un bon mouil
Tous les riches habitants de Batavia, après lage, est défendu par une rangée circulaire de
BAT ( 762 ) BAT
petites fies. Quelques-unes de ces iles sont for « et hauts de quatre pans , au trauers desqoeli
tifiées, et renferment des magasins, des hôpi « et en parallèle de l'aposti , se mettent les deux
taux, et Un arsenal pour la marine. «fillarets d'enuiron mesme grosseur que le»
Les Chinois exercent à Batavia la profession « batayolles , qui seruent à ce qu'on dit aux
de tanneurs, de distillateurs, de fabricants de « ponts, garde-fous, et lorsqu'on vient au com-
chaux, et d'ouvriers. C'est encore parmi eux « bat , se met tout du long, comme aussi sut
que le gouvernement hollandais prend les fer « les rambades , et qu'ils nomment pauesadt
miers chargés du recouvrement des taxes et des « qui est ou d'aiz , ou une grande pièce de drap,
impôts. Le quartier qu'ils habitent contient « ordinairement rouge, qui couure les soldats
1,500 maisons occupées par environ 15,000 « et la chiurme des mousquetades ou harqne-
personnes, et, ce qui paraîtra incroyable, par « busades, et leur sert de parapet (p. 23).» Sur
400,000 porcs. les batayoles se mettaient d'autres petits sup
On trouve dans les environs de Batavia des ports faits pour hausser la tente de la galère;
plantations de cannes à sucre et des jardins qui l'Espagnol les appelait simplement batallolas;
fournissent abondamment la ville de fruits de les Italiens les nommaient battagliolette. (foy.
toute espèce, et surtout d'ananas. Pantero-Pantera , Armata navale.) A. Jai.
Batavia fait un très grand commerce d'é BATEAU. Nom générique de tous les petits
change. Les articles d'exportation consistent en bâtiments de mer , ainsi que des navires de tou
riz, café, sucre, poivre et rack. Tous les ans les tes les grandeurs qui servent au transport des
Hollandais expédient de cette ville un vaisseau hommes et des marchandises sur les rivières.
chargé de marchandises pour le Japon. D—x. Toutes les embarcations d'un vaisseau sont
BATAYOLES et battayoles , comme on le communément appelées des bateaux. On donne
voit écrit dans le manuscrit n" 662 du dépôt de aussi ce nom aux nav ires de guerre , sans im
la marine , intitulé Traité de Marine, par Dor- portance , aux bâtiments plus grands , mais qui
tiéres. Les batayoles sont des montants en fer ont peu de qualités , et qui ne sont pas bien ar
ou en bois , qui soutiennent les garde-fous éta més pour le combat. La plupart des bateaux
blis dans un vaisseau. Balayole est un mot de tirent leurs noms du service auquel ils sont em
cette langue qu'on a appelée lévantine. Son ori ployés; ainsi : bateau de passage, bateau de
gine latine ne peut être révoquée en doute. Les pèche, bateau-pilote, bateau-pompe, bateau à
batailliœ (du latin batuere, battre) étaient des lest , bateau à eau , bateau-porte. Ces derniers
travaux de défense, des espèces de remparts sont des espèces de coffres , ayant la forme d'uu
dont on garnissait pour le combat, pour la ba bateau , camards à leurs extrémités, et disposes
taille , les villes, les camps , les tours et même de telle façon qu'ils puissent entrer dans les
les églises, comme on le voit par les textes cités coulisses verticales pratiquées aux ouvertures
dans le glossaire de Ou Cange. Les navires qui, des bassins auxquels ces bateaux servent de
au moyen-âge , admettaient les bretèches admi portes. Les bâtiments à vapeur , dont le rôle
rent aussi les batailles , et par cette phrase de maritime a commencé avec éclat depuis quel
la vie de saint Régnier : « Sicque lluctus mitte- ques années, et qui sont destinés à un avenir
« batur desuper in agyalim (espèce de pelit na- probablement très brillant, sont appelésdnns les
« vire), ut usque ad genua marinus fluctus es- ports comme sur les rivières : bateaux à vapeur,
« set in solario , quod batalia dicuntur, » par ou par une ellipse toute anglaise : vapeurs,
cette phrase, on voit que le pont prit le nom de mot que remplacera sans doute bientôt le mot
la bataille dont il était entouré. Desroches et anglais steamer, qui a déjà une sorte de droit
Aubin n'ont pas fait mention des batailloles ou de bourgeoisie. Un petit triangle en bois qui est
batayoles , bien qu'au xvir5 siècle ce mot fût attaché à l'extrémité du loch, et qui , jeté à la
en usage dans la marine française, ainsi que le mer, au moment où l'on file la ligne ou corde
prouvent le manuscrit de Dortières, et ce pas lette qui , servant à mesurer la route du navire,
sage de la construction d'une gallaire , par J. conserve la position verticale, ce triangle ou
Hobier : « Outre laquelle pesanteur s'attache porteur a le nom de bateau de loch. Autrefois
« perpendiculairement par le dedans, et aux on l'appelait le petit navire. Le transport par
« bacalas 13 batayolles de chacun costé, qui bateaux est désigné par le mot batelage. £'«-
« sont gros bastons carrez d'environ 4 pouces, fefer, c'est conduire un bateau. A. Jal.
BAT (763) BAT
BATEAUX A VAPEUR {arts mécani struisit un bateau qu'il munit d'une machine à
ques). L'emploi des machines à vapeur pour vapeur. Le marquis de Jouffroy, en 1788, en
imprimer le mouvement aux navires est de- construisit aussi un à Beaume-les-Dames, qui
nue l'application la plus utile de ce précieux lui donna des résultats assez remarquables pour
moteur que l'homme doit à son génie. Il y a le décider à établir, trois ans plus tard , sur la
à peine trente aDS que la réussite du premier Saône, un second bateau qui n'avait pas moins
bateau à vapeur a montré tout le parti que l'on de 36 mètres de longueur sur 4 , 50 de largeur,
pouvait tirer de ce nouveau mode de communi marchant au moyen d'une machine de plu
cation , et déjà il est tellement répandu qu'on sieurs chevaux et de roues à palettes. La révo
pourrait croire qu'il compte une longue exis lution l'empêcha malheureusement de donner
tence ; son état d'imperfection n'a pu empêcher suite à son entreprise. En 1803, l'Américain
qu'il ne se propageât avec une prodigieuse rapi Fulton , qui avait assisté aux expériences de
dité, tant son importance s'est fait sentir avec Périer et de M. de Jouffroy, tenta à Paris avec
force dans ce siècle ou toutes les idées sont diri Li vingston de nouveaux essais qui lui inspirèrent
gées sur les améliorations matérielles. Rendre assez de confiance pour proposer à l'empereur de
en moyenne trois fois moindre la durée des construire, pour la marine de l'état, des navires
voyages maritimes, n'avoir plus à craindre ni à vapeur. Les ministres et les savants chargés
les temps de calme ni les vents contraires, pou d'examiner son projet n'osèrent croire à la pos
voir presque délier les tempêtes devenues im sibilité du succès; Fulton retourna alors dans
puisantes pour vous jeter contre les écueils , sa patrie, et construisit à New-York (1808),
tels sont les avantages que présente la vapeur un bateau sur lequel il plaça une machine de
à la navigation sur mer. Pour la navigation in 20 chevaux qu'il lit venir d'Angleterre , et au
térieure, sou usage est aussi d'une grande utilité. moyen duquel il parvint à effectuer, en 30
Les fleuves les plus rapides sont remontés avec heures , le trajet de New-York à Albany ,
facilité; la célérité et l'agrément se trouvent dont la longueur est de 150 milles. Ce ne fut
réunis pour le transport des voyageurs, la régu qn'en 1812, que l'Europe posséda son premier
larité et le bon marché pour celui des marchan bateau à vapeur qui navigua sur la Clyde en
dises. C'est surtout l'Amérique qui a su profiter Angleterre pour un service detransportde voya
des avantages de la navigation fluviale à la va geurs et de marchandises. L'année suivante, un
peur. Les améliorations que l'on apporte au lit second fut lancé à la mer, et fit la traversée de
peu profond de nos rivières, et l'art de faire des Yarmouth à Norwich. Acette époque, les fleuves
bateaux plus légers qui, chaque jour se perfec d'Amérique en portaient déjà un grand nombre.
tionne, auront sans doute pour effet de le ré La France, après avoir, pourainsi dire, donné
pandre beaucoup plus, avant peu d'années, dans le jour aux bateaux à vapeur, ne profita que
notre pays. fort tard de cette invention. En 1833 , elle n'en
Les Anglais et les Américains prétendent possédait environ que 79. Depuis, il est vrai,
chacun de leur côté à la gloire de l'invention leur nombre s'est beaucoup accru : il était de 160
des bateaux à vapeur. Il résulte des recherches en 1838 , représentant une force de 7,500 che
de M. Arago que la France peut réclamer avec vaux ; mais c'est encore bien peu comparative
justice la plus grande part dans cette féconde ment au nombre de ceux qui existent en Angle
découverte. Déjà en 1695, notre compatriote terre , où l'on en comptait à la même époque
Denis Papin, dans un ouvrage intitulé, Recueil 906 d'une force totale de 74,100 chevaux. Le
de diverses pièces touchant quelques nouvelles succès complet récemment obtenu dans ce pays,
machines, décrit un bateau recevant l'impulsion dans l'emploi des steamers aux voyages trans
de roues à palettes mises en mouvement par la atlantiques , vient de donner parmi nous un vif
force de la vapeur ; et, à la même époque, Du- élan. Pour ne pas rester en arrière dans l'éta
guet faisait des expériences dans le but de blissement des immenses paquebots nécessaires
moutrer que les palettes devaient remplacer à la navigation de long cours, le gouverne
avec avantage l'emploi des rames pour faire ment a ordonné la construction de 20 navires
avancer les bateaux. Les premiers essais de à vapeur, dont 14 porteront des machines
bateaux à vapeur sur une grande échelle ap de 450 chevaux , force encore moindre que
partiennent à la France; en 1775, Périer con celles des navires anglais destinés au même
BAT ( 764 ) BAT
usage, ctdont plusieurs sont munis de machines suite une diminution dans la force de la ma
de 550 chevaux ; il s'en construit un dans ce chine, ou plus de rapidité dans la marche du
moment à Liverpool de la puissance énorme de bateau par la même force.
1,000 chevaux. Ces vingt navires seront dis Tous les bateaux ont une tendance à se dé
posés de manière à pouvoir, en cas de guerre , former dans le sens de leur longueur; plusieurs
porter des bouches à feu ; car la vapeur n'est circonstances contribuent dans les bateaux à
pas moins formidable dans la guerre qu'elle vapeur à augmenter cette déformation. Le poids
est utile dans la paix : la rapidité de sa mar des machines et les vibrations qu'elles produi
che, la précision et la facilité de ses mouve sent, la chaleur qu'elles occasionnent, sont au
ments, la certitude de sa direction en dépit des tant de causes qui se réunissent à l'humidité
vents , doivent changer la tactique des guerres pour fatiguer leur coque dans son milieu : «
maritimes et donner un grand avantage à la na résultat, qui semble ne pouvoir être complète
tion la mieux pourvue de ce puissant auxiliaire. ment évité , a les effets les plus fâcheux pour
Pour apporter quelque ordre dans les déve les bateaux naviguant sur les rivières peu pro
loppements auxquels nous croyons utile de nous fondes, dont le tirant d'eau ne peut pas aug
livrer au sujet de l'art des bateaux à vapeur, menter sans arrêter leur marche.
nous parlerons d'abord de la construction de leur Le bois n'est pas la seule matière employée
coque ; nous étudierons ensuite les moyens les pour la construction des bateaux : le fer l'est
plus propres pour leur donner l'impulsion; enfin également , aussi bien pour la membrure que
nous reviendrons rapidement sur les machines pour-la coque. C'est une heureuse idée que l'ap
dont ils empruntent la puissance, quoique nous plication de ce métal à cet usage : elle permet de
les ayons déjà décrites à l'article Vapeur. faire des bateaux plus légers et en même temps
Construction des bateaux à vapeur. A part plus solides, que leur plus grande durée et leur
la plus grande solidité qu'il est nécessaire de valeur quand ils sont hors de service font re
leur donner, les coques des bateaux à vapeur venir moins cher que ceux en bois. La coque
pour rivières diffèrent peu de celles des bateaux est formée de feuilles de tôle réunies par in
ordinaires; mais pour celles des steatnersû faut seur
rivets,
de à2 laà manière
3 millimètres
des chaudières;
est suffisante
uneépa;s-
pourles
prendre des précautions particulières. Les na-
viresàvoiles reçoivent leur impulsion de la puis bateaux de rivières. On obtient la solidité né
sance du vent dont l'action se fait sentir à une cessaire en mettant de distance en distance as
grande hauteur , tandis que dans ceux à vapeur cornières en fer qui remplacent les côtes ou
la force se développe presque au niveau de l'eau. varangues des bateaux en bois ; ces cornicr'j
Cette circonstance oblige de se rapprocher ont 6 à 7 millimètres d'épaisseur, et leur cote
dans le tracé de leur gabari de la forme des ga ne dépasse pas 5 à 6 centimètres ; on en place
lères des anciens. D'un autre côté, le choc des de plus fortes dans le sens longitudinal. Déjà
lames se fait sentir bien plus fortement dans un des navires en tôle naviguent sur mer; l'expé
steamer que dans un navire à voiles, qui, poussé rience a prouvé que l'action de l'eau salée est
parle vent, se meut toujours dans une direction moins nuisible à Jeur durée qu'on ne l'avait
peu différente de celle des vagues, tandis que d'abord supposé : aussi , dans ce moment, on ne
le premier se précipite souvent avec violence par craint pas d'en établir en Angleterre plusieurs
la force de sa machine contre les vagues qui d'un très fort tonnage destinés à la navigation
viennent en sens contraire , et reçoit par consé de long cours. Aux avantages que nous avons
quent des secousses qui le fatiguent incompa signalés, nous devons ajouter celui d'être mieux
rablement plus. Deux systèmes opposés sont à l'abri du feu, si dangereux dans les paquebots
en présence pour parvenir à la solidité néces à vapeur.
saire : l'un consiste à employer des bois d'un L'expérience et la théorie indiquent que lors
plus gros échantillon , offrant une grande rigi qu'un corpsavance dans l'eau, la résistance qu il
dité; l'autre, à faire au contraire une coque lé éprouve à se mouvoir est proportionnelle à la
gère, douée d'une certaine flexibilité, au moyen plus grande section de sa partie plongée, prise
de bois de faibles dimensions, mais combinés perpendiculairement à sa direction (dans les
avec art. Ce dernier système semble préférable; bateaux, cette plus grande section porte le nom
car il procure une plus grande légèreté , et par de maître-couple), et que cette résistance aug
RAT ( 7GS ) RAT
mente
résulte comme
que le travail
ic carre
nécessaire
de sa vitesse. D'oùdeil . tesses , un steamer de 500 tonneaux , entière
ou la force
ment chargé de charbon à son départ:
la machine pour faire mouvoir un bateau croit VlteiH Force Tr»j-t
par second* de la machine en licuei
comme le cube de sa vitesse ; car pour avoir le en mètres. en rlievaux. dt 4ooo mi'tres.
roue, et des diverses positions qu'elle est obligée j L'on a cherché jusqu'à présent avec peu *
de prendre résulte le mouvement des palettes j succès un moyen simple de rapprocher et cloi-
FUT < 709 ) BAT
afin
gner que
à volonté
lorsque
leslepalettes
tirant
Fig. 2.d'eau
du centre
du bateau
des roues,
aug- ties, et de mettre une seule roue au milieu ; il ett
est résulté plus de surface touchée par l'eau et
par suite plus de poids et plus de frottement
contre l'eau. En outre , il est très difficile de
réunir les deux demi-bateaux d'une manière
invariable comme l'exige le jeu de la machine ;
et ce système , d'abord très vanté , semble éga
lement abandonné. i
Ordinairement l'arbre des roues à palettes re
pose par ses deux extrémités sur des coussinets
que supporte hors du bateau une charpente en
tourant les roues. Il est très difficile de donner
une grande solidité à cette charpente, et pour
peu qu'elle fléchisse, l'arbre ne conserve plus la
position qu'il doit avoir ; aussi le voit-on sou-
veut éprouver une secousse au palier des ma
nivelles. Les fig. 3 et 4 représentent en éléva
tion et en plan une disposition qui rend soli
daire l'arbre et les machines, les six coussinets
de l'arbre étant fixés sur un même cadre m m,
relié lui-même aux machines par des colonnes
en fer. Les roues quoique placées en porte à
faux, sont assez solides à cause de la grandeur
du diamètre qu'il faut donner à l'arbre pour
qu'il résiste à la torsion. Le système de ma
chines à vapeur que représentent ces dessins
est le même que celui décrit plus loin ( fig. 5 et
C ) ; toutefois cette disposition n'en peut pas
moins être adoptée avec tout autre système de
machines , et principalement avec le système
à cylindres oscillants.
L'emploi des roues à palettes présente quand
la mer est agitée, comme cela arrive presque
constamment, un grave inconvénient :1e na
vire ne conservant pas sa position verticale,
l'une des roues se trouve noyée et l'autre hors
de l'eau, de sorte que la majeure partie du
mente ou diminue , elles s'enfoncent toujours travail de la machine n'est pas utilisée.
dans l'eau de la quantité convenable. Il serait Un second inconvénient de ce mode d'impul
aussi désirable qu'on put les supprimer complè sion consiste en ce que les dimensions des roues
tement, avec promptitude et sans danger, afin sont limitées ; dès que l'on dépasse 300 che
d'avoir la liberté de ne se servir que de la force vaux, il n'est plus possible de les faire assez
du vent quand il est favorable : aucune solution larges pour absorber la puissance du moteur ,
satisfaisante de ces problèmes , qui paraissent d'où il résulte une perte considérable d'effet.
cependant faciles , n'a encore été trouvée. Enfin , dans la navigation sur les rivières , il
Dans quelques bateaux sur rivières, au lieu communique à l'eau une agitation telle , que les
de deux roues , l'on n'en a placé qu'une en ar berges des rivières étroites sont endommagées.
rière : cette disposition ne jouit d'aucun avan Beaucoup de moyens ont été proposés et
tage et complique le mécanisme ; aussi elle essayés pour remplacer les roues à palettes:
est abandonnée. On a aussi essayé , principale presque tous consistent en mécanismes agis
ment dans le but de se servir de la vapeur sur sant sous l'eau. Plusieurs d'entre eux ont été
les canaux, de diviser les bateaux en deux par- imités des nageoires des poissons. Jusqu'à pré-
EncyclojMit du XIX' tiède. I. IV. 4»
BAT ( 770 B\T
sent aucun d'eux n'a réussi. L'un de «s moyens gleterre on l'a appliqué à un grand navire, appelé
Cependant donne en ce moment des espérances l'Archimède, d'une puissance de 90 à 100 che-
de succès ; il consiste en une vis placée à l'ar vaux qui , depuis un an, a l'ait plusieurs \oyaga
rière du bateau et tournant avec rapidité ; les sur mer. La manœuvre de ce navire est facile
hélices en frappant l'eau obliquement reçoivent même lorsque les vagues agissent sur lui avec
d'elle une réaction qui force la vis , et par con violence , et sa marche ne semble pas avoir été
séquent le bateau, a avancer. C'est en France moins rapide que s'il eût porté des roues à pa
qu'ont été laits les premiers essais de ce mode lettes. Quoique théoriquement la vis utilise mo'.is
d'impulsion , mais sur une petite échelle; en An- bien la force de la machiue que les roues, oo
BAT (771) BVT
conçoit qu'elle puisse en mer donner de meil ies bateaux d'une puissance peu considérable.
leure résultats que celles-ci, parce qu'étant en Le plus souvent le poids des roues est suffisant
tièrement plongée sous l'eau, son action est con pour qu'elles servent elles-mêmes de volant,
stante, quelle que soit la position du bâtiment. et faudrait-il l'augmenter dans ce but qu'on ga
C'est surtout sur les bâtiments de guerre que son gnerait encore en légèreté par la suppression
emploi serait précieux , car en ayant soin d'en d'une machine. On voit en France des bateaux
tourer les machines et les chaudières des maga de 40 chevaux munis d'une seule machine ; en
sins à charbon , tout le mécanisme des steamers Amérique, il y en a d'une force bien plus grande
se trouverait à l'abri des boulets. Mais une dif qui ne portent aussi qu'une machine. Tout au
ficulté nouvelle se présente : comment, en cas moins, en employant deux machines , convien
d'accident en mer, réparer lavis placée sous drait-il de chercher à les disposer de manière à
l'eau ? Bientôt l'expérience nous aura montré ce qu'elles eussent plusieurs pièces communes,
les avantages et les inconvénients de ce sys tel que le condenseur , par exemple ; mais il en
tème , et sans doute aussi la théorie indiquera résulte des difficultés que peu de constructeurs
les formes de vis propres à donner les plus sont parvenus à vaincre.
grands effets. Dans la plupart des bateaux , en Europe , on
Les roues à palettes, les vis et tous les autres trouve deux machines à balanciers inférieurs,
modes d'impulsion prenant comme eux leur pareilles à celles dont nous avons donné le
point d'appui sur l'eau , ne peuvent jamais uti dessin au mot Machines a vapeuh ; chacune
liser qu'une partie de la force motrice à faire repose entièrement sur un socle en fonte fixé
avancer les bateaux. Ils sont donc imparfaits lui-même sur de fortes pièces de bois appelées
et on doit chercher à les remplacer par un autre carlingues. Cette forme de machines, où la force
moyen exigeant moins de dépense de force. est transmise en même temps par deux balan
Bien avant que l'on connût les machines à va ciers, demande beaucoup de précision dans l'exé
peur , l'Académie avait décerné un prix à Da cution et dans la pose, et laisse de plus la crainte
niel Beraouilly, pour un système consistant à que les balanciers, que l'on fait ordinairement en
remplacer les rames par des pompes élevant fonte, ne viennent à se rompre; c'est surtout
sur le bateau de l'eau qu'on laisse écouler à avec les grandes puissances que ces inconvé
l'arrière : en négligeant la force perdue par le nients se font sentir. On doit autant que possible
frottement des pompes , la réaction de l'eau exclure l'emploi de la fonte dans la construction
doit reproduire, pour l'avancement du bateau, des machines de bateaux pour lui substituer le fer
toute la puissance des machines. L'emploi ana qui présente moins de chances de rupture ; l'ar
logue de la force vive de l'eau dans les turbines bre des roues et les manivelles sont toujours en
montre la possibilité du succès de ce système. fer forgé.
Essayé deux fois, il n'a pas réussi. Nous attri Parmi le grand nombre de formes nouvelles
buons ce résultat à la trop grande vitesse avec la données aux machines dont nous parlons , nous
quelle on refoulait l'eau en arrière , et nous n'en sommes obligé de nous restreindre a n'en
restons pas moins persuadé que la réaction de décrire qu'une seule ; nous choisirons celle in
l'eau deviendra un jour le meilleur mode d'im ventée par MM. Maudslay et Field, habiles
pulsion des navires , surtout sur mer. constructeurs de Londres. La vapeur agit à
Force motrice. Habituellement on met deux la fois sur deux pistons b b parfaitement égaux
machines à vapeur dans un bateau : elles ( fig. 5 et 6 ) dont les tiges sont unies par deux
agissent directement sur l'arbre des roues à traverses d qui entraînent dans leur mouve
palettes , au moyen de deux manivelles faisant ment la pièce / glissant entre les deux cylin
entre elles un angle droit, afin que lorsque le dres, lesquels la guident dans sa direction :
piston de l'une des machines se trouve à l'ex la bielle est attachée à cette pièce/ et transmet
trémité de sa course, au point mort , l'autre ainsi presque directement l'effort des pistons
piston soit au milieu de la sienne. Cette dispo aux manivelles i; un petit balancier ;; fait
sition rend la mise en train plus facile , et le mouvoir le piston de la pompe à air n; le
mouvement de l'arbre plus régulier; mais elle est condenseur sert lui-même de plaque de fonda
compliquée, et nous croyons qu'il serait pré tion aux deux cylindres. Les paliers des mani
férable de n'employer qu'une machine, poul velles sont fixés sur un cadre ou châssis gé*
ISAT ( 772 ) BAT
néral
relientmm
auxsupporté
cylindres
Fig.par
et
S et
àdes
6.
la colonnes
plaque de;' fonda-
qui lepense les plus grandes dimensions que l'emploi
de la détente oblige de donner aux pièces qui
transmettent la force. La détermination de la
pression sous laquelle on doit former la
vapeur est un point important -, généra
lement on préfère une pression peu éle
vée , atteignant au plus un tiers d'at
mosphère , afin de pouvoir donner aux
chaudières une forme rectangulaire qui
rende leur placement dans le navire plus
facile , et surtout afin de pouvoir em
ployer des surfaces planes pour les foyers
et conduites de fumée, {foy. Chxudiè-
bes à vapeur. )
Il n'y a que sur les rivières que l'on
trouve la haute pression employée , et
souvent alors la machine n'est pas à con
densation. Ce système ne teudpasàse
propager.
L'usage du condensateur agissant par
refroidissement extérieur, qui doune la
facilité d'alimenter toujours les chaudiè
res avec de l'eau distillée, commence à
se répandre en Angleterre. Malgré les
avantages que présente ce condensateur
d'éviter les dépôts si abondants que forme
l'eau salée, et de diminuer un peu la
quantité de combustible brûlé, il n'est
encore employé sur aucun de nos navi
res. C'est aux ingénieurs de notre ma
rine qu'il faut demander compte de ce
retard; nous devons dire ici , que , loin
de provoquer des perfectionnements ,
ils ont l'habitude de n'admettre jamais
que très tard ceux dont l'expérience a
tion : ce même châssis occupe toute la largeur démontré la certitude.
du bateau et porte entièrement l'arbre des La flg. 7 , ci-après, représente la coupe d'un
roues ( voir flg. 3 et 4 ) , de manière que le mé navire à vapeur et à voile comme on les fait le
canisme complet ne forme qu'un seul ensemble plus habituellement. La vapeur est formée dans
indépendant de toutes les déformations que la chaudière e, et fait mouvoir deux machina
peut subir le bâtiment. Ce mode de construc à basse pression d, transmettant la force aux
tion semble surtout devoir être utile pour les manivelles par des balanciers, placés en contre
très fortes puissances ; il a l'avantage d'occuper bas ; c est une des deux roues à palettes qui
peu d'espace dans le navire et d'offrir une font avancer le navire.
grande solidité. Les voyageurs de la seconde classe sont réu
L'expérience a prouvé que les machines à nis dans la chambre a , et ceux qui paient le
détente et à condensation sont les plus légères , plus cher dans le salon/, sur l'arrière ; i est un
précisément parce qu'elles exigent le moins de petit salon spécial , le plus ordinairement des
combustible pour leur service ; le poids des tiné aux dames , qui désirent ne pas se tenir
•chaudières entrant pour beaucoup dans le poids dans les autres salles occupées par le commun
total de l'appareil , la diminution qu'on peut desLes voyageurs.
marchandises se placent en b et h.
leur faire subir dans cette circonstance com
BAT ( 773 ) BAT
Cette distribution est pareillement adoptée | Poids total dn charbon .... 750 ton. 750 ton.
sur les bateaux à vapeur destinés à la naviga- | Poids de la cargaison 500 ion. 750 (on.
Fig. 7.
10 HPMUCS
qu'une baguette, d'un diamètre à peu près égal " Les chantres portaient également des bâtons ;
dans toute sa longueur, et maniable dans toute mais le cardinal Bona remarque , dans sod
ses parties. Traité de Liturgie , qu'autrefois ceux qui avaient
« Avez-vous des animaux à gouverner , dit un bâton dans l'église, même pour se soutenir,
quelque part M. A. V. Arnaultdans ses Loisirs étaient obligés de le quitter pendant la lecture
d'un proscrit ? Armez-vous d'un morceau de de l'Évangile.
bois ainsi confectionné , et vous voilà pasteur, Le bâton des augures était aussi un bâton
général, roi ou tambour- major, suivant l'es à crosse ; il était gardé avec beaucoup de soin
pèce que vous avez à conduire , suivant que dans le Capitole. On le perdit à la prise de Rome;
vous serez à la tête d'une troupe ou à la queue mais on le retrouva , dit Cicéron, dans un petit
d'un troupeau. » temple sur le mont Palatin.
Dans les temps les plus anciens, toutes les per Les chanteurs qui parcouraient la Grèce en
sonnes considérables, telles que les princes, les répétant les vers d'Homère furent appelés
pères de famille , les juges , les généraux , por Paij/wtfoe , parce qu'ils portaient un bâton rou^e
taient, pour marque distinctive , un bâton fait en chantant l'Iliade , et un bâton jaune en chan
en forme de Sckptbe {voyez ce mot). Chez les tant l'Odyssée.
Babyloniens , nul ne sortait qu'il n'eut à la main Le bâton et la besace devinrent les attributs
un bâton très bien façonné surmonté à l'un de distinctifs des philosophes grecs et romains , et
ses bouts d'un ornement , marque apparente et particulièrement des cyniques; ce qui les fit
distinctive. Cet usage , très expressément rap nommer Baclroperates.
porté dans l'Écriture-Saintc, était établi chez Dans l'ancienne république romaine, on usait
tous les anciens peuples. Homère ne parle ni de souvent du bâton ; car comme à Rome la loi
couronne, ni de diadème ; mais il n'oublie pas le défendait de paraître armé dans les assemblées
bâton de distinction. publiques, il décida plus d'une fois entre les
Quand un souverain ou un peuple établissait plébéiens et les patriciens.
un magistrat ou un officier pour le représenter, Le bâton, comme le fouet, fut un instrument
soit dans l'administration de la justice , soit dans de pénalité en usage chez tous ies peuples (voy.
une ambassade, soit à l'armée, cet établisse Bastonnade). Il y a de la fustigation à la flagel
ment se faisait par la transmission d'un bâton , lation la différence du bois au cuir, d'une canne
qui devenait la marque de sa dignité. à une lanière , ou de la schlague au knout.
Les Lacédémoniens donnaient aux bâtons En Chine , tout le monde , excepté l'empe
portés par les généraux le nom de skitale; le reur, est soumis à la loi du bâton , do plus
bâton d'un ambassadeur s'appelait caducée , petit au plus grand. En Turquie, l'homme est
nom que l'on a depuis consacré pour désigner sujet du bâton de la tête aux pieds , la par
celui dont Mercure était muni. tie intermédiaire y comprise , car le pal n'est
Les principaux magistrats romains portaient autre chose, qu'un bâton pointu. On ne bàtonne
partout des bâtons; celui d'un consul était d'i pas un parent de Mahomet, distingué parmi
voire, celui d'un préteur était d'or. turban vert ; mais quand il mérite cette puni
Les anciens monarques français portaient tion , on lui ôte très respectueusement sa coif
autrefois le sceptre d'une main et le bâton de fure, on lui applique alors la correction voulue,
l'autre. Ce bâton , de la hauteur d'un homme, et on lui remet aussitôt après sou turban avec
était trevétu d'une lame d'or, à laquelle on sub les mêmes marques de respect.
stitua la main de justice, au commencement La loi des Frisons ne donne qu'un derai-sol
du xiv' siècle. de composition à celui qui a reçu des coups de
Le pedum, bâton à crosse, était celui qui bâton. Par la loi Salique, si un ingénu donnait
était affecté aux bergers, aux divinités cham trois coups de bâton à un ingénu , il payait
pêtres ; les évèques et les abbés prirent égale trois sous; s'il avait fait couler le sang, alors
ment ce même genre de bâton comme pasteurs la peine se mesurait par la gravité des bles
ou gardiens du troupeau qui leur est confié par sures.
Jésus-Christ. Le bâton pastoral est très ancien ; La constitution de Charlemagne, insérée dans
mais il n'est pas fait mention de la crosse avant la loi des Lombards , veut que ceux à qui elle
le xie siècle. permet le duel combattent avec le bâton.
BAT ( 781 ) BAT
Le capitulaire de Louis-le-Débonnaire donne ton au figuré. Ainsi elle dit : « Espérez- vous
le choix de combattre avec le bâton ou avec les trouver du secours dans ce bâton de roseau
armes. Dans la suite, il n'y eut que les serfs qui (4. Reg. , xviii, 2) ? Les méchants sont comme
combattirent avec le bâton ; de là il s'ensuivit un bâton dans les mains de Dieu ; il s'en sert
qnele bâton était , comme à Rome , un instru souvent pour éprouver les bons (lsaïe, S).
ment d'outrage , parce qu'un homme qui en a Mon fils était le bâton de ma vieillesse (Tob. ,
été battu a été traité comme un vilain. v. 23 ). Dieu menace Moab de briser le bâton
Louis, duc d'Orléans, ennemi du duc Jean de sa gloire (Jérém., xlviii, 17). »
de Bourgogne, portait pour devise dans la baii- Le mot bâton prend place dans une foule de
derolle un bâton épineux et noueux avec ces locutions familières qu'il suffira de mention
mots : si l'envie , par lequel il voulait dire que ner. Venir ou partir le bâton blanc à la main,
où il frapperait, la peau y lèverait. Le duc de c'est arriver ou s'en aller assez pauvre. On
Bourgogne, pour y répondre, fit pendre un ra saute le bâton , quand on fait une chose avec
bot dans ses bannières, voulant dire qu'il ra hésitation ou malgré soi. Celui qui bat l'eau
boterait et aplanirait le bâton noueux du duc avec un bâton perd sa peine. Un travail l'ait à
d'Orléans bâton rompu , c'est-à-dire, à diverses reprises,
Le poète Boy, ayant fait une épigramme san manque presque toujours d'ensemble. Tirer au
glante contre Moncrif , auteur d'une histoire court bâton avec quelqu'un , disputer sans se
des chats , celui-ci perdit patience , et il fit payer relâcher sur rien, aboutità ne pouvoir vivre avec
au dos du satirique les torts de sa langue; mais personne. Jeter des bâtons dans les roues , sus
il le châtia sans le corriger, car, en recevant pai citer des obstacles aux gens, est le fait d'un es
siblement ses coups, Boy se contenta de lui prit vindicatif ou tracassier. L. D.
crier de temps en temps : Pale de velours, BATON (marine). Le mât qui prolonge le
minet , pate de velours. Le même poète exerça beaupré, son bout-dehors sur lequel se déploie
également sa rime satirique contre l'abbé Chau- et se reploie le grand foc , reçoit quelquefois le
velin , remarquable par l'exiguité de sa taille et nom de bâton de foc , qu'on donne aussi à son
par sa difformité. Je lui donnerai cent coups prolongement qui sert au déploiement du clin-
de bâton , disait l'abbé ; Roy lui répondit en foc. Le mâtereau, ou gaule qui portait l'enseigne
le toisant : Voulez-vous donc me casser les ou pavillon sur l'arrière d'un navire ou sur le
jambes ? bout du beaupré, était appelé bâton de pavillon.
L'Académie française exigeait de Molière, La flèche du mât de perroquet ou un mâtereau
pour le recevoir dans son sein , qu'il renonçât , qui la remplaçait, était appelée bâton de com
sinon au théâtre, du moins aux rôles où il rece mandement, parce, qu'elle portait la marque
vait des coups de bâton. On sait qu'il n'accepta distinctivede l'officier général embarqué à bord.
pas cette condition. Le bâton ou vergue de cornette et de flamme est
Parmi les bâtons antiques célèbres, on doit un morceau de bois arrondi qui entre dans la
citer celui de Peregrinus Protée , philosophe gaine de toile cousue à l'étamine de la flamme
cynique, qui fut vendu un talent (4,800 fr.), et ou de la cornette. Le bâton de la pompe, à l'ex
celui de Diogène. Parmi les bâtons modernes , trémité duquel est la herse, sert à mouvoir le
on cite la canne du Grand-Frédéric, celle de piston; à sa téte est liée la bringuebale, levier
J.-J. Rousseau, et celle de Voltaire; ces trois mis en mouvement par un martinet composé
bâtons ont été l'objet d'un commerce très lucra d'un certain nombre de bouts de cordes garnis
tif, et chacun d'eux a été vendu à un très grand de nœuds , sur lesquels agissent les hommes
nombre d'exemplaires. Nous avons encore à ci quand ils veulent pomper. Le bâton astronomi
ter le fameux bec à corbin de Louis XIV, ainsi que , le bâton de Jacob étaient des instruments
que la canne à musique de Napoléon , qui a été propres à observer la latitude à la mer; ils sont
vendue a Londres au prix de neuf cent quatre- complétementabandonnésdepuislexvm* siècle.
vingts francs. N'oublions pas non plus dans On nommait bâton ou baston, les hastes lon
cette nomenclature le bâton de bois de pommier gues, comme piques, javelines, hallebardes, et
sauvage que Franklin légua par testament à bâton à feu , les arquebuses et autres armes à
Washington. feu de la même espèce. A. Jal.
L'Écriture-Sainte emploie souvent le mot bâ BATON de Jacob (gèomét.) , ancien in
BAT ( 782 ) BAT
strument propre à prendre les hauteurs ou les position du nom vulgaire de quelques végétain ,
distances par le moyen des angles. Il était dont les fleurs sont disposées en une sorte d'épi
composé de deux règles divisées en plusieurs plus ou moins serré, long et cylindrique.
parties égales , qui se coupaient à angles droits , Bâton de Jacob, voy. asphodèle luteus, L;
et qui étaient mobiles dans une boîte à char Bâton db Saint Jean , polyjonum orientale,
nières qui les contenait fermes. Aux extré L.; Bâton d'ob, clien an tus cÂeirt,a fleurs
mités il y avait des pannules pour faire les doubles; Bâton boyal, asphodèle blanc, L.
observations justes. Il était ainsi appelé parce BATON (TouBDii).On appelle ainsi les
que les divisions du montant ressemblaient assez profits illicites qu'on fait secrètement dans une
aux degrés de l'échelle que Jacob eut en vision. charge ou dans une commission . D'où vient celle
On le nommait aussi radiomètre, rayon astro expression? Les uns prétendent qu'elle vient des
nomique. C'est avec un bâton de Jacob que susceptibilités que les charlatans attribuent à la
l'on trouve souvent représentés les anciens as vertu de leur petit bâton ; d'autres pensent, et
tronomes dans les vieilles gravures. Belenghen est de cet avis, que ce mot vient
BATON de mesure (musique). C'est un de ce qu'on se parle à l'oreille et de bas ton ,
bâton fort court dont les chefs d'orchestre se lorsqu'on fait des offres à quelque domestique
servent parfois aujourd'hui pour battre la me ou à tout autre pour le corrompre; d'autres en
sure, et qui a remplacé l'emploi des pieds, core croient qu'il vient des maîtres d'hôtels, qui
pour le même usage. Celui qui était chargé de portaient un bâton comme marque de leur
battre la mesure chez les anciens Grecs se nom charge. Pots -de- vin , épingles sont souvent
mait , xoputpaio; , coryphée , parce qu'il était synonymes de tours de bâton. Grâce au tour
placé au milieu de l'orchestre ; et comme alors du bâton , on a vu des gens doubler, tripler
on battait communément la mesure avec le pied , même , leurs appointements. L. D.
ces coryphées étaient appelés aussi no5oxTU7rot BATONI (Pompeo). Cet habile artiste est
et itooo^owh ; les Romains , qui avaient adopté regardé comme le restaurateur de l'école ro
cet usage grec, les appelaient pedorii, podarii maine moderne. Né à Lucques en 1708, il passi
et pedicularii. Pour rendre la percussion rhyth- sa vie d'artiste à Rome. Le chevalier Boni, dans
roique pi us éclatante, ils garnissaient leurs pieds son Elogio di Pompeo Batoni , le compare a
de certaines sandales de fer , nommées en grec Raphaël Mengs, son contemporain, appelant
xpoujrsçia, xpov7r>.a, xpoujrra , et en latiu pedi- celui-ci le peintre de la philosophie, et Batoni,
cula, scabella ouscabilla, parce qu'elles res le peintre de la nature : « l'un, dit-il, était arrive
semblaient à de petites escabelles. Les Grecs au beau par la réflexion et l'étude, Batoni par
battaient la mesure non-seulement du pied, le secours des grâces qui l'avaient favorisé de
mais encore de la main, et ils employaient aussi leurs dons. » Batoni a peint le portrait à l'huile
à cet usage des coquilles d'huîtres , des osse avec un grand talent; la miniature l'avait aussi
ments d'animaux en les frappant les uns contre occupé. Beaucoup d'églises d'Italie possèdent
les autres. Quelques nations ont des manières des tableaux de ce maître; ceux des martyrs de
particulières pour battre la mesure : les Chi saint Barthélémy et de sainte Catherine, places
nois emploient des tambours; les Portugais la à Lucques et à Sienne, sont fort estimés. Parmi
marquent avec les doigts, les Espagnols avec ceux qui existent à Rome, Mengs donnait la
des castagnettes. Dans les églises d'Italie , les préférence au saint Celse , de l'église de ce nom.
maîtres de chapelle se servent d'un rouleau de Le style de Batoni est pur, plein de grâce, de
papier , dont le bruit est souvent fort désagréa vérité. Il doit surtout ces précieuses qualités a
ble pour les auditeurs. Maintenant les chefs l'habitude qu'il avait de ne jamais peindre que
d'orchestre semblent vouloir renoncer au bâton d'après la nature.
de mesure et adopter l'archet du violon , dont BATONNIER. Les avocats forment un or
le mouvement conduit l'orchestre ; s'ils s'aper dre, dont le bâtonnier est le chef. On ne trouve
çoivent qu'il y a défaut de mesure soit dans pas ce nom dans les annales judiciaires avant
l'orchestre, soit sur la scène , ils peuvent faci la fin du seizième siècle. Jusqu'à cette epoqw,
lement ramener les artistes égarés , dans In les fonctions du bâtonnier furent exercées par
bonne voie, à l'aide de leur instrument. le doyen des avocats. Les registres du parlement
BATON {bot.). Mot qui entre dans la com de Paris offrent de nombreux exemples de re>
BAT ( 783 ) BAT
présentations faites dans la grand' chambre par mai , dans la chambre de la Tournelle, et quel*
Je plus ancien des membres du barreau, parlant quefoisdans la grand' chambre, pour choisir le
au nom et dans l'intérêt desescollègues. Un des bâtonnier de l'année. Après avoir entendu un
ptusjemarquables nous a été transmis par Bre- discours du bâtonnier sortant, l'assemblée pro
tonnier, dans la préface de ses Questions. Du cédait à l'élection. Les avocats étaient appelés à
moulin avait été insulté à l'audience par le pré voter les premiers. Le président recueillait les
sident de Thou, qui s'oublia, dans un mouve suffrages , et proclamait le nom de l'élu , qui
ment de colère, jusqu'à le traiter d'ignorant. Le devait toujours être un avocat. L'ancien bâton
barreau indigné décida que le doyen, accompa nier cédait sa place au nouveau. Celui-ci prenait
gné d'une députation des anciens de l'ordre, immédiatement possession, en frappant de la
irait publiquement porter ses plaintes au pre main sur le pupitre placé devant lui. Il est cu
mier président. François de la Porte, le plus rieux de retrouver jusque dans les solennités
■vieux des avocats d'alors, se rendit le lendemain des légistes, qui ont fini par dépouiller la loi de
à l'audience, à la tête de la députation ; et, s'a- toute sa poésie , les vestiges de ces vieilles céré
dressantau président de Thou, il lui dit avec monies symboliques, que Justinien appelait déjà
toute la gravité du temps : « lœsisti hominem les comédies du droit , jurit antiqui fabulas.
doctiorem quàm unquatn eris. » — Cela est Le bâtonnier était le représentant de l'ordre,
vrai, répondit modestement le premier prési et son organe officiel au parlement. Il dressait
dent ; j'ai eu tort. Je ne connaissais pas tout le tous les ans, de concert avec les anciens bâton
mérite de Me Charles Dumoulin. » niers et les députés de chaque banc, le tableau
En 1 564, on voit encore le doyen des avocats où tous les membres du barreau devaient être
investi par un arrêt du droit d'exercer les fonc inscrits, suivant des ordonnances qui remon
tions de lieutenant du bailli du Palais , quand tent jusqu'au xiv* siècle. Il avait pour mission
celui-ci serait absent ou empêché. C'est vers ce de veiller au maintien de la discipline , à l'inté
temps que le doyen fut remplacé par un chef grité des prérogatives , à la perpétuité des tra
annuellement élu , auquel on donna le nom de ditions, et surtout à l'honneur et à la dignité de
bâtonnier. L'origine de ce titre est expliquée l'ordre. Ces nobles fonctions , qui suffisent à
partout. Les procureurs au parlement avaient l'illustration de toute une carrière , étaient une
fondé une confrérie, sous le patronage de saint charge sérieuse , dans ces âges primitifs de la
Nicolas. Cette congrégation, contemporaine de magistrature, où le barreau avait si souvent à
la permanence du parlement , et confirmée par lutter contre l'altière puissance des parlements.
des lettres -patentes de Pbilippe-de-Valois, tint Quelques-uns en déclinaient le redoutable hon
longtemps ses réunions dans l'église de Sainte- neur.
Croix. Les avocats commencèrent à en faire L'autorité du bâtonnier a toujours été tem
partie , lorsqu'elle fut transférée dans la cha pérée par un conseil composé des personnages
pelle de saint Nicolas au palais. Elle eut alors les plus éminents de l'ordre. Les annales de
pour chef un avocat , qu'on appela bâtonnier, l'ancien barreau offrent plus d'un exemple
parce qu'il portait le bâton de saint Nicolas d'abus de pouvoir réprimés avec énergie. Le
dans les cérémonies, et que la garde lui en était plus vieux bâtonnier dont l'histoire judiciaire a
confiée. Au bâtonnier échut naturellement la conservé le nom, est Denis Doujat, qui en
présidence de la communauté des avocats et des exerçait les fonctions en 1617. La plupart de
procureurs, et peu à peu celle des assemblées ses successeurs sont inconnus, jusqu'à Pousset
de l'ordre seul des avocats, dont il devint insen de Montauban , qui fut bâtonnier en 1681. Il
siblement le représentant. mourut conseiller d'état. Dès le xme siècle, la
Les procureurs n'ont cessé qu'en 1782 de royauté allait ainsi choisir, au sein du barreau,
concourir à l'élection du bâtonnier. Boucher des hommes blanchis dans le travail et la bonne
d'Argis a décrit, dans son histoire des avocats, renommée, pour les élever aux dignités de la
Jusqu'aux plus minutieuses formalités du vieux magistrature et les introduire dans ses conseils.
cérémonial de ces élections. Les bâtonniers ho A partir du 2 septembre 1790, où l'ordre des
noraires et les plus anciens avocats, égaux en avocats fut enveloppé dans la proscription légis
nombre aux procureurs de communauté, se lative qui frappa toutes les corporations de
réunissaient tous les ans , le neuvième jour de l'ancien régime, il faut traverser toute la pé«
BAT ( 78 i ) B\T
riode révolutionnaire, et ne s'arrêter qu'en IS04, « celle profession , et perpétuait dans son sein
pour retrouver quelques débris de l'organisation « l'invariable tradition de ses prérogatives et de
du barreau. La loi de ventôse, qui rétablit le « ses devoirs. » Jamais préambule plus empha
titre d'avocat , remplacé depuis 1790 par celui tique ne fut en contradiction plus flagrante avec
de défenseur officieux, annonça qu'il serait les dispositions législatives qu'il annonçait; et
pourvu par des règlements d'administration pu la plus vive critique de l'ordonnance du 20 no
blique , c'est-à-dire par des décrets rendus en vembre 1822 est peut-être le rapport destiné à
conseil d'état , à la formation du tableau des la justifier.
avocats et à la discipline du barreau. C'était le Loin de rétablir les avocats dans la plénitude
temps où , par un étrange contraste avec les du droit électoral , tel qu'ils l'avaient exercé de
assemblées législatives de la révolution qui toute antiquité , elle leur ôta même la faculté
avaient tout attiré à elles, le législateur se dé d'élire de simple candidats, que le décrétée 1810
pouillait chaque jour de quelque attribution es leur avait concédée. Les avocats inscrits au ta
sentielle pour en investir le pouvoir réglemen bleau furent répartis en colonnes ou sections.
taire. Ce décret ne fut promulgué que six ans Le conseil de discipline se composa des anciens
plus tard, le 14 décembre 1810. Les avocats bâtonniers , des deux plus anciens avocats de
protestèrent immédiatement contre les mesures chaque colonne, en suivant l'ordre du tableau,
blessantes et les précautions excessives que le et d'un secrétaire. Le bâtonnier était nommé
gouvernement d'alors crut devoir mêler à des par le conseil de discipline, à la majorité absolue
dispositions utiles. On s'indigna de voir la vo des suffrages.
lonté des procureurs-généraux substituée, pour La publication de cette ordonnance excita
la composition du conseil de l'ordre, à cette dé dans les barreaux de France un grand mécon
signation si respectable et si naturelle , qui, tentement. Un simple stagiaire , devenu depuis
sous l'empire des vieux usages, résultait de un jurisconsulte distingué, M. Daviel, l'attaqua
l'ancienneté. Tous les souvenirs furent offensés le premier , dans un écrit plein de verve et de
à l'aspect de cette législation artificieuse , qui vigueur, où la plus fine ironie s'allie partout a
ne semblait restituer au barreau quelques-uns uneérudition sobre et sans pédantisme. Le jeune
de ses privilèges que pour le dépouiller avec avocat avait pris pour épigraphe ces paroles de
moins de pudeur du plus antique et du plus res Laurent Bouchel , qui, deux siècles auparavant,
pectable, du droit d'élire son représentant et son défendit l'ordre en des circonstances presque
chef. Aux termes de ce décret, l'ordre s'assem identiques : « Si l'on trouve étrange que j'aie
blait chaque année pour l'élection du bâtonnier « osé entreprendre de défendre la cause de tous
et des membres du conseil de discipline, ou « les avocats , je répondrai que je n'ai fait que
plutôt pour la formation d'une liste double de « servir de secrétaire à mes anciens. » La chan
candidats, sur laquelle le bâtonnier et les mem cellerie fut encombrée de protestations.
bres du conseil étaient choisis par le procureur- A la chute du ministère, en 1 828, une attaque
général : car on n'avait reconnu l'existence de plus précise fut dirigée contre l'ordonnance par
l'ordre qu'à condition de rester sous la tutelle le barreau de Paris. Dans une requête adressée
des procureurs-généraux. Les prérogatives du à M. le comte Portalis, cent vingt-trois avocats
bâtonnier se bornaient au droit de convoquer, réclamèrent pour l'ordre, entre autres préroga
avec l'agrément du procureur-général, l'assem tives, l'élection directe de son conseil et de son
blée des avocats pour la nomination du conseil bâtonnier. « Cette demande, disaient-ils, ne
de discipline, et à la présider. Telles furent les « parait susceptible d'aucune difficulté. C'est à
précautionsombrageusessouslesquelless'opéra, « l'ordre à régler lui-même sa discipline ioté-
en 1 8 1 0, ce qu'on voulut bien appeler la restau « rieure , et c'est à l'élection à manifester les
ration de l'ordre des avocats. « vœux de l'ordre. Elle seule, d'ailleurs, peut
A la chute de l'empire , on parut enclin à « donner la sanction nécessaire à une autorite
restituer au barreau ses anciennes libertés. Dans « toute morale, toute d'opinion. » Cette récla
un rapport au roi, M. de Peyronnet annonça mation demeura, comme les autres, enfouie dans
que « le gouvernement voulait rendre aux avo- les cartons de la chancellerie.
« cats la plénitude du droit de discipline, qui L'ordonnance du 7 août 1830 vint enfin res
« jadis élevait au plus haut degré l'honneur de tituer au barreau la plénitude du droit électoral,
BAT ( 785 ) BAT
pour lequel il combattait depuis la réorganisa conquête de tous les pays septentrionaux de
tion des tribunaux. Les conseils de discipline et l'Europe. Les Mogols commandés par Batou en
le bâtonnier sont aujourd'hui choisis directe vahirent successivement la Russie, la Pologne,
ment par l'assemblée de l'ordre, composée de la Hongrie et la Bulgarie. Après avoir passé dix
tous les avocats inscrits au tableau. L'élection ans à ravager ces différentes contrées , le petit-
a lieu par scrutin de liste et à la majorité rela fils de Gengis retourna triomphant dans le Capt
tive de tous les membres présents. schac. Ce fut alorsqu'il bâtit sur leVolga la ville
Le bâtonnier est chef de l'ordre. Il préside le de Saraï , qui devint plus tard fort importante.
conseil de discipline, les conférences établies Ne voulant plus quitter ses états, Batou envoya
pour l'instruction des avocats stagiaires, et les sous différents chefs des armées contre les pays
séances du bureau gratuit de consultation en qu'il avait déjà parcourus en vainqueur. Un de
faveur des indigents. ces essaims de Mogols pénétra même jusque sur
L'élection du bâtonnier doit être renouvelée le territoire de Constantinople; mais Batou ne
tous les ans ; mais le même avocat peut être in jouit pas longtemps de ce dernier succès rem
vesti de cette fonction durant plusieurs années. porté par ses troupes, et il mourut bientôt après,
Il est d'usage à la cour royale de Paris, que le l'an 1255 de notre ère.
bâtonnier conserve ses fonctions deux années Batou professait le déisme , comme tous les
de suite. L'élection a lieu dans le mois de juillet princes de la famille de Gengis-Kan, ses ancê
ou d'août ; mais le bâtonnier ne prend possession tres; ce fut en 1258, que Béréké, frère et suc
de sa charge qu'au commencement de l'année cesseur de Batou , embrassa le mahométisme et
judiciaire , c'est-à-dire au mois de novembre. força les Mogols à s\iiVre son exemple. L. D—x.
C'est l'époque de l'ouverture solennelle de la BATRACHOMYOMACHIE. Long mot
onférence des avocats. Le bâtonnier la préside pour un poème de trois cents vers. Ce poëme
et prononce un discours. est-il ou n'est-il pas d'Homère? Question indé
La dignité de bâtonnier est devenue la source cise et aussi épineuse qu'inutile. Cependant l'o
de la plus louable émulation , depuis qu'elle est pinion d'Hérodote, celui qui a écrit la vie d'Ho
conférée par de libres suffrages. Quelle distinc mère et qui n'est pas l'historien , de Martial, de
tion vaut, en effet, ce gage éclatant d'estime, Statius Papinius, de Fulgence, qui attribuent le
cet honneur de famille déféré par des égaux ! poëme burlesque de la Batrachomyomachie à
J. Langl.vis. l'auteur de l'Iliade et de l'Odyssée, a prévalu , et
BATOU ou BATI , kan mogol du Capt- les éditeurs d'Homère la comprennent parmi les
schac , était fils de Touschi et petit-fils de Gen- œuvres de ce grand poète. — On a voulu trou
gis-Kan. Touschi étant mort avant Gengis-Kan, ver bien des allusions , soit politiques, soit mo
ce dernier envoya dans le Captschac un prince rales , dans la Batrachomyomachie. C'est une
de sa famille pour conférer à Batou le titre de satire contre les dissensions civiles, dit l'un;
kan, que son père avait porté . Les fils de Touschi , c'est une leçon de tempérance, dit un autre.
s'étant réunis à l'envoyé de Gengis-Kan , pleu Nous croyons que c'est tout simplement un jeu
rèrent la mort de leur père pendant trois jours, d'esprit , facile , ingénieux , le premier modèle
après lesquels ils firent des réjouissances pour d'un genre dont le Lutrin fut plus tard un des
célébrer l'avènement de Batou à la couronne. chefs-d'œuvre.—Voici lacontexture de ce poëme
Les fêtes étaientàpeine terminées, lorsque Batou singulier : Psicharpax, rat de bonne famille, se
reçut la nouvelle de la mort de son aïeul Gengis- désaltérait un jour en buvant de l'eau d'un ma
Kan (an 1227 de notre ère). Il partit aussitôt rais, lorsque Physignathe, roi des grenouilles,
avec ses frères pour Caracorom , où toute la lui adresse la parole. Tous deux, comme des
nation mogole devait se réunir pour l'élection héros de l'Iliade, se racontent leur origine. En
du nouveau grand kan successeur de Gengis. fin Physignathe détermine le rat à monter sur
Oktaï ayant été élevé à cette dignité, entreprit son dos, pour venir jouir des douceurs de l'hos
aussitôt contre la Chine une expédition , dans pitalité. Malheureusement, une hydre parait;
laquelle il se fit suivre par Batou. Très satisfait le roi des grenouilles plonge pour éviter le péril ,
du zèle que ce prince avait montré pour son et l'infortuné Psicharpax, délaissé par son hôte,
service, il le renvoya dans le Captschac à la tête meurt en appelant sur lui et sur ses sujets la ma
d'une nombreuse armée, avec ordre de faire la lédiction des rats. Un de ses compagnons a vu
Encyclnpcdie du XIX' siècle. T. IV. su
BVT ( 786 )
ftu bord lu douloureuse cataitrophe; )! rouil la avec beaucoup da raison des reptile» , tt tn
rapporter au père de Psleharpax. Les fais s'as forme, sous le nom d'AurniBiENS (i'oy«ce
semblent ; Mars lui-même prend soin rie les ar mot), une classe nouvelle intermédiaire aux rep
mer. Ils portent des cosses de fèves pour chaus tiles et aux poissons.
sures, de la peau de chat tendue sur de petites Dans la nouvelle nomenclature adoptée par
baguettes pour cuirasses , une longue aiguille ce professeur, le nom de batraciens est exclusi
pour lance, et pour casque une coquille de noix. vement réservé aux animaux de la classe, ayant
Les grenouilles de leur côté , au bruit du dan pour type le genre grenouille (batrachos), dont
ger qui les menace, tiennent conseil. Un héraut, il forme son premier ordre. Se fondant ensuite
envoyé par les rats , leur annonce la guerre. sur la nature du milieu dans lesquels les œufs
Physignathe se justifie de la mort de Psiehar- se développent, il les subdivise en dorsipares
pax, mais il pousse à son tour le cri de guerre, et ou pipas et en aquipares, comprenant les gre
arme ses sujets. Les grenouilles se chaussent de nouilles, les rainettes et les crapauds.
feuilles de mauve , se coiffent de coquillages , et L'ordre des batraciens , tel qu'il a été proposé
saisissent pour lances des joncs aigus. Jupiter par M. de Blainville, correspond exactement au
voit en souriant ces préparatifs. 11 demande sous-ordre des batraciens anoures de M. Du
à Minerve si elle se propose deseconder les rats, méril , qui les caractérise ainsi : Corps très peu
et la déesse , refusant de se mêler à cette grande large , déprimé , sans queue ; anus arrondi ,
lutte , invite les immortels à se divertir en re pattes de devant plus courtes que les postérieu
gardant du haut du ciel le spectacle qui va leur res. Ce professeur a donné dans son eoursdE'r-
être donné. La mêlée s'engage; et le poëte in pétologie (1834), le tableau synoptique suivant
vente des coups et des blessures avec autant de de la classification des batraciens proprement
verve que s'il faisait combattre ensemble les dits , d'après la 2e édition du Règne animal de
Grecs et les Troyens. Le terrible Méridarpax G. Cuvier :
exterminerait les grenouilles, si Jupiter n'avait BATRACIENS ANOURES.
pitié d'elles. Il presse Minerve de les secourir ; A pal tes postérieures plus longues que II corps.
ce secours est insuffisant ; le maître des dieux Corps effilé à peau lisse; pieds de der
lance sa foudre. L'arme qui a vaincu les Titans rière plus ou moins palmés Gdexociui.
ne peut faire lâcher prise aux rats. Enfin Jupi Sourcils prolongés en forme de cornes ;
tête large CéuTorucTi.
ter envoie aux grenouilles les cancres pour Les trois doigts internes des pattes pos
auxiliaires ; et ceux-ci , à force de queues et de térieures connue engainés dans un
bras coupés, épouvantent et mettent en fuite étui de corne ; langue au fond de la
les rats tout à l'heure victorieux. — Tel est ce gorge BiciTiint.
poétique badinage , dont La Fontaine a profité Extrémité des doigts élargie en pelote. Rinitrm.
dans sa Guerre des rats et des belettes. La Ba- A pattes postérieures de la largeur du corps.
trachomyomachie a été imprimée pour la pre Pas de dents CtincD.
mière fois à Venise , en 1 486. Théry. A tympan caché sons la peau. ..... Bomiiutai.
A museau pointu en avant Kumi.it.
BATRACHOSPERME (bot.) Mot em A crête sus-ciliaire étendue presque sur
ployé par quelques botanistes pour désigner des la parotide Omorer.
conferves muqueuses; on trouvera à l'article Sans tympan ni parotide visibles. . . . Bïevicek.
Cowfebve tout ce qui concerne ces végétaux tympan caché sons la peau , sans pa
singuliers. rotide; pas de langue, corps plat. . Pm.
BATRACIENS [erpétologie). Sous le nom Tous les batraciens , a l'exception peut-étro
de Batraciens , la plupart des naturalistes com des pipas , sortent de l'oeuf à l'état de têtards
prennent tous les reptiles à peau nue , qu'ils di à cette époque de leur vie , ils sont pisciforme .
visent , avec M. Duméril, en deux sous-ordres : ont une grosse tête, point de membres , et un
l'un caractérisé par l'absenee de queue , batra bec corné. Ils respirent alors par des branchi< s
ciens «nouera, l'autre caractérisé par la présence que recouvre un opercule membraneux. Mai*
d'une queue , batraciens urodèles. bientôt l'animal , d'abord herbivore, subit da: <
Mais M. de BlamviHe, se fondant sur des con sa bouche et dans ses organes digestifs,
sidérations tirées del'ensemble de l'organisation changements qui le rendent insectivore. Ilpe;
des animaux vertébrés nudipellifères, les sépare son bec corné; son tube digestif, d'abord ttfs
BAT ( 787) BAT
long, décroît proportionnellement beaucoup ; fesseur d'histoire naturelle à l'université de
en même temps, on voit s'effacer de plus en plus cette ville, en 1786, professeur de médecine
les organes qui faisaient du têtard un animal en 1787, professeur de philosophie en 1792, et
aquatique, et se développer de nouveaux appa enfin directeur de la Société des sciences natu
reils qui permettront la locomotion terrestre, et relles , que lui-même y avait fondée. Batsch
le rendront propre à respirer l'air en nature. Les mourut le 29 septembre 1802. Dans le cours
branchies disparaissent progressivement; l'a d'une existence aussi courte , Batsch avait com
nimal perd aussi sa queue ; mais en revanche il posé un nombre étonnant d'ouvrages ; quelques-
acquiert deux paires de membres dont les pos uns sont des pièces de théâtre, des poésies, mais
térieurs apparaissent les premiers. la plupart appartiennent à l'histoire naturelle.
BATRACOIDES {ichthijologie). Genre de La botanique lui doit des travaux importants; le
poissons , de l'ordre des Acanthoptérygiens , plus intéressant est un Tableau des affinités du
de la famille des Pectorales pédiculées {voyez règne végétal, en latin, Veimar, 1802. Faisant
ce mot pour les détails anatomiques) de la rétrograder la science de cent ans en arrière ,
méthode de Cuvier. Les batracoides , dont le c'est-à-dire à l'époque de Tournefort , l'auteur
nom formé du grec Barpi^oç, grenouille, à cause établit que les classes pouvaient être fondées sur
de leur tête élargie qui rappelle celle de ces rep la forme extérieure et sur le nombre des parties
tiles , mais en l'exagérant encore, car leur tète de la corolle. Il établit ainsi huit classes ; les
aplatie horizontalement est plus large que le deux dernières sont les seules qui soient vrai
corps , sont des poissons extrêmement voraces. ment naturelles , ce sont les composées et les
Ils se cachent dans la vase pour tendre des pièges cryptogames. L'ouvrage de Batsch fut un véri
aux poissons dont ils font leur pâture. Leurs table anachronisme, quand on pense qu'il parut
mœurs , sous ce rapport , sont celles des Bau- treize ans après la publication du Gênera plan-
dboies , qui forment du reste un genre voisin tarum de Jussicu. Batsch, néanmoins, donna
dans la même famille. La piqûre des batracoides une heureuse impulsion à la science , en bra
passe pour dangereuse , ce qui n'empêche pas vant en quelque sorte l'influence linnéenne,
plusieurs espèces d'être excellentes à manger. alors toute-puissante en Allemagne, et en ayant
Telles sont le grogniard (balrachius grunniens, le courage, car c'en était un alors, d'oser admet
Bloch) , qui habite les mers de l'Inde et de l'Amé tre la théorie des familles naturelles. C'est en
rique, et qui fait entendre une espèce de grogne l'honneur de Batsch , considéré comme natu
ment, comme l'indique son nom. Une autre es raliste, que le genre baschia , de la famille des
pèce, la grenouillière (B. raminus), laisse échap borraginées, a été établi par Michaux. Batsch a
per de tout son corps une mucosité abondante, laissé de nombreux écrits sur la minéralogie et
n'est pas bonne à manger, et habite les lacs de la géologie; ils sont tous écrits en allemand,
la Suède. Enfin, une espèce des côtes de la Ca ainsi que ceux qu'il publia sur la zoologie , en
roline , le tau (B. tau , Bloch) , présente sur sa tre autres , une Monographie très intéressante
large tête , entre les yeux et jusque sur la nu et très estimée sur le ténia , imprimée à Halles
que , une tache dont la forme rappelle le t des en 1786 , avec planches. A.
Grecs. A. M. BATTAGE. On désigne , en agriculture ,
BATRACUS , célèbre architecte de l'anti par le mot battage , l'opération qui a pour effet
quité, né à Sparte. Pline nous apprend que de de séparer les grains de leurs gousses ou enve
concert avec Saurus, il éleva divers édifices à loppes. C'est une des plus importantes de l'é
Rome , et entre autres le temple de Jupiter et de conomie rurale; mais elle se pratique généra
Junon , près du portique de Metellus. Ils y écri lement d'une manière très imparfaite.
virent leurs noms , en sculptant sur les chapi Dans la plupart des départements, en France,
teaux une grenouille, {Jarpâ^oç, et un lézard, on se sert du fléau , c'est-à-dire, de deux mor
oaûpo;. Une de ces colonnes se voit encore à ceaux de bois ronds, de longueur et de grosseur
Snint-Laurcnt , hors les murs ; elle est d'ordre inégales , réunis à leur extrémité par une la
ionique , et l'œil est occupé, au lieu de rosette, nière en cuir : un homme saisit dans ses deux
par un lézard et une grenouille. mains le plus long et frappe avec l'autre sur les
BATSCH (Aitguste-Jean-Georges-Chab- gerbes que l'on a préalablement déliées et dis-
les ) , né à Icna , le 38 octobre 1761, fut pro | disposées en couches sur une aire. Cette opé«
«AT ( '/88 ) RAT
ration , à part les nombreux inconvénients barres batteurs placées horizontalement. Le
qu'elle présente, occasione au cultivateur une tout est renfermé dans un cadre en bois , dont
perte considérable de grains , que de bons ob les parties latérales sont percées d'un trou dans
servateurs ont évaluée à 1 /20e de la récolte. Ce lequel roule un pivot de fer fixé dans le centre
chiffre ne paraîtra pas exagéré aux personnes latéral de l'axe. On pratique l'opération de la
qui ont suivi avec attention les détails du bat manière suivante :
tage ; car dans la plupart des localités, le salaire On établit dans le voisinage des bâtiments une
des ouvriers batteurs étant fixé d'avance à tant aire de 34 mètres de diamètre. On creuse au
en argent par hectolitre de grain ensaché , ceux- centre un trou dans lequel vient s'ajuster un
ci ont intérêt à ne pas prodiguer leur force lors carré en pierre destiné à recevoir un pivot en
qu'ils arrivent aux derniers grains dont les bois. On décrit une ligne circulaire à 5 mètres
balles sont plus adhérentes à l'épi. du pivot; on en décrit une autre à 16 ou 18
Dans certaines provinces, on a substitué au mètres. Entre les deux circonférences, qu'on a
fléau , la gaule ou branche dépouillée de ses soin de creuser à 1 pouce de profondeur, on étend
feuilles. Cette méthode ajoute à tous les incon une épaisseur de 8 à 10 pouces de gerbes; il
vénients du battage au fléau une perte plus peut en contenir six à sept cents du poids de 15
considérable encore sur la quantité de grains ; à 18 livres, dont le produit en grain peut être
on peut l'évaluer à 1/15». évalué (le chaume étant laissé dans le midi très
Le battage au tonneau ou chaubage se pra haut ) à 22 ou 24 hectolitres. Au pivot du cen
tique dans quelques pays où l'on se propose tre , vient s'attacher une corde dont l'autre ex
par cette méthode de conserver à la paille une trémité est fixée à la bride du cheval de la main.
consistance qui la rende propre à la fabrication Au-dessus de l'avant-train du rouleau est établi
des chaises , nattes et chapeaux , ou à la cou un siège sur lequel se place l'homme chargé de
verture des granges ou maisons, ainsi qu'à faire conduire les deux chevaux. Le point de départ
des liens pour botteler les récoltes. A cet effet, a lieu à l'extrémité du rayon de la circonfé
le batteur saisit dans ses deux mains une cer rence ; à mesure que les chevaux la parcourent,
taine quantité d'épis et les frappe près de la tête la corde s'amoncelle autour du pivot qu'on re
contre un tonneau couché. Après cette opéra- tourne sens dessus dessous dès que le rouleau
lion vient celle du peignage entre les dents d'un est arrivé au pied de la deuxième circonférence.
râteau. Lorsqu'on a détaché tous les grains, on Par ce moyen les chevaux déroulent la corde et
forme des bottes, en ayant soin d'égaliser les reviennent à leur point de départ. Après deux
têtes ou épis qu'on tranche en les frappant avec heures de travail, on dételle les chevaux, et pen
une hache sur un billot. dant qu'ils se reposent à l'écurie , les hommes
Le battage par le piétinement des chevaux retournent la paille de manière à présenter im
ou dépiquage est fréquemment usité dans nos médiatement à l'action du rouleau, celle qui
provinces méridionales. C'est de tous les systè précédemment se trouvait dessous. On ramène
mes le plus défectueux : il consiste à faire courir les chevaux et on continue jusqu'à ce que l'o
des chevaux déferrés sur les gerbes disposées pération du battage proprement dit se trouve
en couche épaisse ; les frais sont considérables, terminée. Six heures de travail suffisent pour
et il reste beaucoup de grains dans les épis. cela. On enlève ensuite la paille avec des four
Le battage au rouleau, importé de l'Égypte ches, on réunit en tas les grains , balles et me
dans nos provinces méridionales, il y a en nues pailles. S'il fait du vent, on vanne, et voici
viron un demi-siècle, fut le premier pas vers comment se pratique cette opération : on fouille
l'introduction des machines , et doit être con dans le tas avec des pelles, on projette au loin
sidéré comme ayant rendu de grands services sous le vent, et le grain seul étant assez lourJ
à l'agriculture. A son apparition, les cultiva pour résister , tombe perpendiculairement, tan
teurs comprirent qu'on pouvait arriver à la dé dis que les balles et menues pailles, sont empor
couverte de procédés plus ingénieux que ceux tées au loin. On crible le graiD , on l'ensache
dont ils se servaient. Les rouleaux qu'on ren et on le porte au grenier.
contre le plus généralement ont 3 pieds 6 pou Avec le rouleau attelé de deux chevaux,
ces de diamètre et 3 pieds C pouces de longueur, fournissant par jour un travail de six heures,
et ils portent sur la partie extérieure huit et cinq hommes, y compris celui qui est sur le
BAT ( 789 ) BAT
siège, un cultivateur peut battre et rentrer sa partie extérieure quatre barres batteurs en
dans ses greniers environ 3CO à 380 hectolitres bois de chêne, de trois pouces d'épaisseur, revê
de blé en quinze jours. On conçoit , d'ailleurs, tues d'une lame de fer, sur la partie de la barre
qu'on peut proportionner le nombre des rou- qui froisse les épis , pour empêcher qu'elle ne
laux et par suite l'étendue ou le nombre des s'use. Le tambour batteur a 3 pieds de diamè
aires, à la récolte qu'on doit battre. J'ai ren tre; les intervalles entre chaque barre batteur
contré aussi dans le Midi des rouleaux en pierres doivent être fermés avec des planches , afin que
traînés par des bœufs. la paille ne s'entrelace pas dans les barres où elle
L'absence de granges, l'intervalle qui sépare se briserait et tomberait en menues pailles avec
la moisson, faite ordinairement à la Saint-Jean, le grain, ce qui rendrait l'opération du ué-
des travaux de semaille qui peuvent être retar toyageplus longue. Les deux extrémités du tam
dés jusqu'aux premiers jours de novembre, jus bour batteur doivent être maintenues très solide
tifient en quelque sorte l'engouement méridio ment par deux cercles en fer. On ne saurait trop
nal pour le battage au rouleau; il permet en prendre de précautions pour la construction de
effet au cultivateur de soustraire par un prompt ce cylindre destiné à supporter une grande fati
battage la récolte aux ravages des souris , qui gue. Au-dessous du tambour batteur se trouve
peuvent causer en peu de temps les plus grands une surface concave contre laquelle la paille qui
préjudices. vient de passer entre les cylindres reçoit l'action
Le battage à la machine a été substitué, de des barres batteurs. Comme il est indispensable
puis près d'un demi-siècle aux modes de bat que rien ne vienne arrêter la vitesse du tambour,
tage dont je viens de parler. on a senti la nécessité de laisser cette surface
L'agriculture est redevable de ce procédé à concave mobile , de manière qu'elle puisse s'é
un Écossais nommé Andrew Meikle. Longtemps loigner, suivant l'épaisseur de paille que lais
borné à l'Ecosse , il s'est propagé rapidement , sent échapper les cylindres alimentaires ; car si
depuis une dixaine d'années, en France et dans la surface concave était fixe , il en résulterait un
plusieurs autres parties du continent européen. frottement continuel qui fatiguerait considéra
Comme tous les instruments que possède l'agri blement les chevaux et amènerait de fréquents
culture, la machine à battre devra sans doute au accidents dans la machine. La séparation des
temps et à l'expérience bien des modifications. grains de leur enveloppe a lieu pluMt par le choc
Mais dans son état actuel ou peut la considérer que reçoivent les épis contre les barres batteurs,
comme infiniment supérieure à tous les procé que par la froissement lent et énergique, tel que
dés mis en usage pour séparer le grain de ses l'avaient jugé indispensable quelques construc
balles ou enveloppes. Elle se compose d'une table teurs.
alimentaire dont le bord antérieur se trouve Le mouvement est d'abord transmis au cylin
placé à quelques lignes de distance du point de dre inférieur qui le communique au cylindre
réunion de deux cylindres alimentaires. Ces supérieur. Ce mouvement de rotation a été com
deux cylindres sont en fonte, cannelés, s'en- biné de manière à ce que la paille ne glisse que
grenant l'un dans l'autre, et ont ordinaire lentement, afin que les épis, en sortant des cy
ment de G à 7 pouces de diamètre au point de lindres alimentaires , reçoivent des barres bat
contact. Leur vitesse est de 30 à 35 tours par mi teurs un certain nombre de coups indispensables
nute. Leur poids réuni est de 180 à 190 kilo au parfait égrenage. Aussi la vitesse du tambour
grammes. Leurs dimensions sont semblables. batteur est-elle de 260 à 280 tours par minute,
Le mouvement de rotation est communiqué au tandis que celle des cylindres alimentaires est
cylindre inférieur qui le transmet à l'autre, soit de 30 à 35.
par les cannelures lorsque la machine fonc La surface concave étant mobile, il fallait
tionne à vide , soit par la pression de la couche éviter l'inconvénient que présenterait une ten
de paille destinée à être soumise à l'action des dance à céder aux efforts de la paille. Il fallait
- tambours batteurs. A quelques lignes de di aussi contraindre l'épi à se tenir en contact avec
stance, un peu en avant des cylindres alimen le tambour batteur sur le plateau , en bois de
taires, se trouve un cylindre en bois, de dimen chêne très épais, offrant, à sa partie la plus rap
sions beaucoup plus grandes. On lui a donné le prochée des cylindres alimentaires, une pres
nom de cylindre batteur, lin effet , il porte sur sion verticale d'environ 20 à 22 kilogrammes ,
BAT ( 790 ) BYT
et auquel sont fixés des madriers quî forment la On se sert pour l'égrehagè dn màît , datai
surface concave. On a établi, à cet effet, un le quelques localités, du fléau. Dans nos provinces
vier formant bascule , servant à faire équili méridionales, l'opération a lieu pendant les soi
bre à la pression, à l'aide d'un poids qui se meut rées d'hiver, de la manière suivante : Des femmes
à volonté sur la plus longue branche du levier , prennent sur leurs genoax des espèces de cor
comme sur la queue d'une romaine. Au sortir beilles, au-dessus desquelles , avec un mau
du cylindre batteur, la paille et le grain sont vais couteau ou un coin de bois , elles égren-
jetés contre les ailes d'un râteau ou volant com nent le maïs ; d'autres se servent d'une vieille
posé de six bras en planches, garnis à leur ex lame de faux fixée à la partie supérieure d'un
trémité de dents de fer d'environ trois pouces banc , de manière que le dos de la lame dépasse
de longueur, qui sont inclinées en arrière et ac environ d'un demi-pouce. C'est en frottant les
crochent la paille. Le râteau a environ 5 pieds épis contre cette partie du fer, qu'on parvient
de diamètre et fait 1 1 tours par minute. à les égrener facilement. Une femme habile
Au dessous du râteau circulaire, se trouve un peut faire les trois quarts d'un hectolitre dans
grillage formé par des rouleaux de bois de dix une heure.
huit lignes de diamètre, et espacés entre eux de Le battage du colza et de la navette s'exé
six lignes. Ce grillage entoure la moitié du râ cute très bien à la machine. On l'emploie aussi
teau circulaire. La paille entraînée par les dents très utilement pour l'opération désignée en
du râteau , glisse sur la partie antérieure de la agriculture sous le nom de chaubage ou battage
machine, où elle est ramassée et mise en bottes. au tonneau. Pour cela, il suffit de démonter le
Les grains, balles et menues pailles passent au cylindre alimentaire supérieur, et de présenter
travers du grillage , et tombent sur deux plans à l'action des barres batteurs, pendant quelques
inclinés, placés au-dessous en forme d'enton secondes , la paille qu'on tient fortement dans
noir. En sortant de là, ils tombent sur un la main près des épis. En formant les bottes ou
deuxième plan incliné, formant, avec l'ouverture les liens , on écarte les épis trop courts , qui
des deux premiers, un angle obtus. Là, ils ren n'auraient pas été saisis par les barres batteurs.
contrent un fort courant d'air imprimé par les De cette manière , l'opération du chaubage et
quatre ailes d'un ventilateur renfermé dans un du battage marche si rapidement , que trois ou
tambour. Les deux extrémités du tambour sont quatre hommes actifs font une besogne à la
ouvertes; une troisième ouverture pratiquée quelle ne suffiraient pas vingt ouvriers par la
horizontalement sur la partie du tambour qui méthode ordinaire, ou battage au tonneau.
regarde le plan incliné , laisse passer le courant On peut aussi se servir de la machine à bat
d'air. Tout ce qui tombe du grillage est donc tre pour nétoyer les foins vaseux , surpris par
soumis à l'action du vent, qui chasse les balles des inondations ou atteints de la moisissure par
et menues pailles, ainsi que quelques mauvais suite de trop grandes pluies qui auraient mif
grains. Le bon grain seul , assez lourd pour ré obstacle à la rentrée en temps convenable.
sister, tombe sur un terrain tenu très-propre, Les avantages du battage à la machine, sur
sur lequel on peut placer un sac tout disposé à le battage au fléau , sont les suivants :
le recevoir. Là il n'a plus besoin que d'un petit Économie de 50 p. 100 sur les frais, parle
nétoyage au travers du crible , pour pouvoir salaire ou la perte de récolte; faculté d'utiliser le
être porté sur les marchés. travail des hommes et des chevaux pendant les
Le battage , tel que je viens de le décrire , est journées trop fréquentes où les fortes gelées, les
ce qu'on nomme battage en-dessus, c'est-à-dire neiges ou les grandes pluies , ne permettent pas
celui qui s'exécute en faisant passer la paille par d'entrerdans les champs; affranchissement pour
dessus le tambour batteur. C'est aujourd'hui le le. cultivateur des soins inséparables du battage
système préféré, comme présentant le plus d'a au fléau , opération dans laquelle la surveillance
vantages. la plus attentive ne peut prévenir la dilapidation
On peut battre avec la machine la majeure par et les imprudences qui occasionnent si fréquem
tie des plantes qui sont du domaine de l'agri ment des incendies , partout où on ne veut pas
culture. Parmi celles qu'il faut excepter, on doit s'assujétir à ne consacrer au battage que le pe
placer en première ligne le maïs , dont l'ésre- tit Lorsque
nombre la
d'heures
machinedesejour
trouve
queplacée
donnedans
l'hiver.
les
nage ne pourra jamais s'opérer par ce système.
BAT (791 ) BAT
conditions matérielles et relatives convenables,nom de batterie ce que l'on appelle Platii**
cinq hommes et quatre chevaux peuvent battre, {voyez ce mot), dont la batterie n'est qu'une des
dans un travail de 1 0 heures , 50 à 60 hectoli pièces. Cette fausse désignation de la platine se
tres de blé ou 90 a 100 hectolitres d'avoine. Unreproduisant, d'une manière naturelle, chaque
homme conduit les gerbes ; un second les dé fois qu'une personne qui n'est pas avertie de son
lie et les place sur la table alimentaire ; un troi
vrai nom veut la désigner , on doit en conclure
sième les présente aux cylindres; un quatrième qu'il serait plus convenable d'appeler batterie
bottelle la paille chassée par les ailes du râteau ;
ce que l'on appelle platine, et platine, la pla
enfin : un cinquième , qui doit être de tous le que que l'on nomme corps de platine. La bat
plus intelligent , surveille le travail, remplace
terie ne conserverait que le nom de couvre-
les sacs qui se trouvent pleins, et répand l'huile
feu, qu'on lui donne généralement; mais ce
sur les coussinets. A. Cohnu. changement , qui a été proposé il y a quelque
BATTERIE (technol.) Ce mot est uu de temps, n'a pas encore été adopté.
ceux qui ont le plus grand nombre d'accep La batterie, comme le fait voir la figure, a la
tions : au figuré, on l'emploie pour désigner forme d'une équerre dont l'angle est un peu
l'action de différentes machines ; on en fait obtus; la partie A est destinée à recevoir le
usage dans l'artillerie et dans la marine; ou lechoc de la pierre de silex qui est fixée au chien,
retrouve en physique; enfin, il a des accep et par là produire des étincelles qui communi
tions propres à l'art de l'armurier, à celui du quent le feu à l'amorce placée dans le bassinet
forgeron et à celui du chapelier. qui recouvre l'autre partie B de la batterie ,
Parmi les armes, le fusil est d'une trop mais qui le découvre par l'effet du choc , la per
grande importance pour qu'il ne soit pas con cussion étant assez grande pour faire tourner la
venable d'entrer dans quelques détails sur la batterie autour de sa vis; la partie B se ter
batterie, l'une de ses pièces principales. La fimine par deux branches, dont l'une D, qui est
gure suivante fait voir l'extérieur d'une platine
constamment pressée par le ressort de la batte
de fusil de guerre. rie, maintient la batterie appliquée sur le bassi
net, et tend à s'opposer à son mouvement de
rotation , avec une résistance proportionnée à
la force du ressort, et d'une autre C appelée ta
lon , qui , en venant s'appliquer sur le ressort
de batterie, limite l'arc décrit par la batterie au
tour de sa vis.
La force du ressort de batterie ne doit être ni
trop faible ni trop forte, et de plus elle doit être
en harmonie avec celle du grand ressort ; car si
elle était trop faible, la batterie se mouverait
avec trop de facilité, et le choc de la pierre ne
G,
F,
A,
E, vis
F,
B, ressort
de
C, batterie.
ressort
D, batterie
de batterie.
de batterie.
ou couvre-feu. produirait pas des étincelles en suffisance pour
enflammer l'amorce ; si au contraire elle était
trop forte, la batterie s'arrêterait dans sa course,
et , ne découvrant pas convenablement le bas
I,
P, chien.
H, corps
bassinet.
de platine. sinet, les étincelles ne pourraient arriver à l'a
morce.
La batterie est , de toutes les pièces du fusil ,
M,
L,
N,
K , Pierre
vis
mâchoire
de de
chien.
silex.
supérieure
inférieure du
du chien.
chien. une des plus difficilesà forger, à ajusteret même à
tremper. Devant être tenace dans toutes ses par
ties, et de plus très dure où elle reçoit le choc de
la pierre , on la fait en fer , et sur la face de la
O, vis de noix. partie A qui reçoit le choc , on soude une feuille
On peut dire, que sauf les personnes qui ont d'acier, opération qu'un ouvrier bien exercé
fait une étude des noms des différentes pièces peut seul exécuter. Si le forgeage est difficile, on
qui composent un fusil, toutes désignent par le peut dire que l'ajustage , tel qu'il convient de le
BAT ( ™2 ) DAT
faire , n'a pas encore été obtenu : en effet , lors faisait pas sans difficultés. Sous le consulat, les
que l'amorce est placée dans le bassinet, rien fusils d'honneur accordés, comme récompense,
ne la préserve des corps étrangers , que la bat aux militaires , étaient de ce modèle.
terie , et comme les matières les plus à craindre La batterie n'a pas subi de changement sen
sont les liquides , le contact de la batterie sur sible dans les derniers modèles adoptés comme
le bassinet et contre le canon doit donc être fusils de guerre; seulement, dans celui de 1824,
assez parfait pour s'opposer au suintement de elle a été légèrement redressée par le haut,
la pluie à laquelle le fusil est souvent exposé ; comme l'indique la figure, aûn que l'homme
mais la batterie s'ojustant à la lime , il est im ne se blesse pas en ouvrant le bassinet.
possible d'obtenir un contact parfait à ce point, La découverte de la poudre fulminante a pro
seulement il suffit pour empêcher que l'amorce duit une révolution complète dans l'arme à feu,
ne se perde. Ces difficultés d'exécution ne sont en permettant de supprimer la batterie, le res
pas les seuls inconvénients de la batterie : ainsi sort de batterie et le bassinet, et en donnant
il arrive souvent qu'elle est soulevée de dessus naissance au fusil à piston , dans lequel le chien
le bassinet par une branche ou tout autre ob n'est qu'un petit marteau dont la tête est légère
stacle qu'elle rencontre , et qu'elle laisse perdre ment évidée , afin de préserver l'homme des
l'amorce qu'il faut remplacer; de plus, l'a éclats de la capsule qui renferme la poudre
morce ne s'enflamme jamais instantanément , fulminante, et qui se place sur la cheminée
et le fusil fait toujours plus ou moins long-feu; percée d'un petit trou communiquant jus
assez souvent même, l'amorce ne s'en flamme qu'à la charge. Par cette disposition , le fusil
pas, et quand il pleut, il est presque impos ne fait pas long feu et ne rate jamais, si les
sible de se servir d'un tel fusil ; la batterie exige capsules sont bien préparées et s'adaptent bien
l'emploi de la pierre de silex qui se brise sou sur la cheminée ; de plus , l'influence de la
vent, et dont le remplacement cause beaucoup pluie est presque nulle pour le service du fusil.
d'embarras; enfin, un dernier inconvénient, Tous ces avantages ont été si bien appréciés
c'est que , malgré la composition de la batterie, par les chasseurs , qu'en quelques années tous
elle exige encore une bonne trempe en paquet. les fusils à pierre ont été transformés en fusils
( Voy. Tbempe.) à piston ; et on a raison de s'étonner du peu
On a cherché à préserver l'amorce de l'humi d'empressement qu'a mis le comité d'artille
dité, quand elle est placée dans le bassinet, par rie à adopter un changement offrant autant d'a
différents moyens, dont un, dû à Régnier, vantages incontestables ; mais enfin les guer
a donné des résultats satisfaisants ; l'amorce res d'Algérie ont vaincu ses derniers scrupules,
n'était pas mouillée, après avoir trempé la pla et une somme assez considérable vient d'être
tine à plusieurs reprises dans l'eau , et le feu ne votée pour la transformation de fusils à pierre
s'y communiquait pas en enflammant de la pou en fusils .à piston ; eu outre , une commande
dre placée sur le bassinet. L'efficacité de ce de 70,000 fusils à piston vient d'être faite à la
moyen tenait à la construction du bassinet, qui manufacture royale de Saint-Étienne. La pre
était composé de deux cylindres creux , dont mière application du piston , comme arme de
l'un enveloppait complètement l'autre qui était guerre , a été faite à la carabine à canon rayé de
fixé invariablement au corps de platine. Chacun M. Delvigne, dont sont armés les chasseurs
de ces cylindres portait une ouverture rectan dits de Vineennes,qui se font remarquer en
gulaire parallèle à son axe, de manière que, le Afrique , surtout par la justesse et la prompti
cylindre extérieur pouvant se mouvoir autour du tude de leur tir; et nul doute qu'à mesure que le
premier, pour amorcer le fusil il suffisaitde faire fusil à piston se répandra dans l'armée, on n'en
correspondre les ouvertures des deux cylindres, reconnaisse mieux les avantages et que bientôt
et,eufaisanttouruerlecylindreenveloppant,I'a- toute la troupe ne soit armée de ce fusil. Une ap
inorce était hermétiquement emprisonnée; mais plication non moins belle de la poudre fulmi
quoique l'on put tourner le cylindre mobile sans nante consiste à la substituer à cette mèche si
toucher à la batterie , on conçoit l'inconvénient embarrassante dans l'artillerie et offrant même
de cette manœuvre pour le service de l'arme. quelques dangers, et si cela n'a pas eu lieu en
L'assemblage parfait des deux cylindres, l'uu core , c'est que les pièces d'artillerie ne sont pas
sur l'autre, s'obtenait par un rodage qui ne se à la portée du grand nombre de personnes qui
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cherchent à perfectionner comme le peuvent seau a une belle batterie. La seconde batterie
être les fusils ; mais nul doute que cette inno est au-dessus de la batterie basse , la troisième
vation n'ait lieu tôt ou tard. au-dessus de la seconde, la batterie barbette ou
Dans l'art du forgeron , on appelle batletie des gaillards tout-à-fait en haut. On désigne
une petite forge destinée spécialement au tra quelquefois les batteries par le calibre des bou
vail de la tôle. ches à feu dont elles sont armées : la batterie
Dans l'art du chapelier, les ouvriers chargés de 3G, la batterie de 30 , la batterie de 24 ,
du foulage des chapeaux , sont placés autour la batterie de 18, etc. Dans l'ordre de choses
d'une grande cuve remplie du liquide eonvena- actuel , le vaisseau de premier rang ou à trois
hlc au foulage et chauffée par un foyer inté ponts, a 32 canons longs de 36 dans sa batterie
rieur; l'ensemble de cet appareil prend le nom basse, 34 canons de 24 dans sa seconde batte
de batterie. rie, 34 canons de 18 dans sa batterie haute,
BATTERIE (arlill.). Les régiments d'ar enfin 20 caronnadesde 36 sur ses gaillards. Le
tillerie sont divisés en batteries, composées cha vaisseau de deuxième rang à 100 bouches à feu
cune d'un certain nombre de pièces. On appelle en 2 batteries , a 32 canons longs de 20 dans sa
aussi batterie , l'ensemble d'un plus ou moins première batterie , 34 canons courts de 30 dans
grand nombre de bouches à feu, disposées pour sa deuxième batterie , 30 caronnades de 30 et
la défense d'un point : ces batteries prennent 4 canons longs de 18 sur ses gaillards. Levais-
le nom des pièces qui les composent ; ainsi il y seau de 90 bouches à feu (troisième rang) a 30
a les batteries de canons, de mortiers, d'obu- canons longs de 30 dans sa batterie basse , 32
siers , de pierriers. Le lieu où sont établies les canons courts de 30 dans sa seconde batterie,
bouches à feu prend aussi le nom de batterie. 24 caronnades de 30 et 4 canons de 18 sur ses
( Voyez Abtillekie , Fobtification , Stba- gaillards. Le vaisseau de 86 canons (aussi de
xégib, etc.) troisième rang) a 30 canons longs de 30 dans
BATTERIE {marine). L'armement du pont sa batterie basse, 32 canons de 24 dans sa
d'un navire de guerre se compose débouches â deuxième batterie , 20 caronnades de 34 et 4
feu , garnissant les sabords ou embrasures per canons de 1 8 sur ses gaillards. Le vaisseau de 82
cées à tribord et bâbord dans la muraille du bâ (quatrième rang) a 28 canons longs de 36 eu
timent. On compte les vaisseaux de ligne par le bas, 30 canons de 18 dans sa seconde batterie ,
nombre de leurs batteries couvertes : les vais 20 caronnades de 36 et 4 canons longs de 16 sur
seaux à trois ponts ont trois de ces batteries; les ses gaillards. Le vaisseau de80 (quatrième rang)
vaisseaux à deux ponts n'en ont que deux ; les a 24 canons longs de 30 et 4 obusiers de 80 dans
frégates et les grandes corvettes n'ont qu'une sa première batterie , 30 canons courts de 30
batterie couverte. Outre les batteries couvertes, à sa deuxième batterie, 1 8 caronnades de 30 et
les bâtiments de guerre d'une certaine impor 4 obusiers de 30 sur ses gaillards. —■ Le mot
tance ont une batterie découverte ou à barbet , batterie , dans le langage ordinaire des marins,
communément appelée batterie barbette. Ainsi désigne aussi bien un étage du navire qu'une
un vaisseau à trois ponts a , en réalité , quatre portion de son armement en guerre : on vu dans
batteries; un vaisseau de 100 canons à deux telle batterie , on loge dans telle batterie , etc.
batteries, a réellement trois batteries, aussi bien —La platine adaptée au canon pour le tir, s'ap
qu'un vaisseau de 90, 80 ou 74 ; une frégate ou pelle batterie. — Certains bâtiments rasés ou
une corvette à batterie couverte a deux batteries. construits exprès à fonds plats et armés de ca
Les bâtiments de guerre inférieurs à ceux que nons , pour la défense d'une localité où ils res
nous venons de nommer, ont une batterie à bar tent amarrés , comme des pontons, sont appelés
bette seulement. La batterie la plus rapprochée batteries flottantes. Le dernier Bucenlaure de
du niveau de la mer s'appelle la première bat Venise fut transformé par les Français en une
terie ou la batterie basse. Quand elle en est tel batterie llottante; on l'arma de 7 gros canons
lement rapprochée qu'on ne peut la tenir ou sur pivot, on lui donna le nom A'Hydra à cause
verte par un temps ordinaire , et qu'on est forcé de ces sept gueules enflammées, et on le mouilla
d'en fermer les sabords, on dit qu'elle est noyée; à l'entrée du Lido , pour protéger les lagunes.
au contraire, quand elle est haute sur l'eau Le Bucenlaure finit comme les palais des riches
d'environ cinq pieds et demi, on dit que le vais patriciens de Venise , où les haillons de la mi
BAT ( 794) BAT
sère s'étalent aux fenêtres que décoraient ja travers un corps mauvais conducteur , il est
dis le velours , les riches tentures , les soieries percé ou déchiré, et s'il résiste, il s'échauffe
éclatantes! A. Jal. quelquefois au point de rougir , fondre ou brû
BATTERIE ÉLECTRIQUE. On appelle ler , suivant sa nature , et même si le corps qui
batterie électrique, la réunion d"un certain nom reçoit la décharge est petit , quoique bon con
bre de bouteilles de Leyde ou de jarres , dispo ducteur, il s'échauffe quelquefois au point de
sées de manière à pouvoir être déchargées toutes rougir s'il est métallique.
à la fois à travers le même corps destiné à re BATTEUR D'OR. L'artisan dont le mé
cevoir la décharge, et par-là produire, pour une tier consiste à convertir, en feuilles plus ou
même charge, des commotions proportionnelles moins minces, l'or, l'argent et le cuivre qu'em
au nombre de bouteilles. ploient les doreurs, s'appelle batteur d'or. Son
Pouf former une batterie électrique, on dis premier soin doit être de choisir le métal le
pose les bouteilles les unes à côté des autres plus pur possible , l'expérience ayant demoDtré
sur un plateau métallique qui établit la com que tout métal perd de sa malléabilité lorsqu'on
munication entre les armures extérieures , ou le combine avec un autre. Le lingot choisi et
simplement sur un plateau en bois, en faisant fondu est d'abord forgé à chaud sur une en
ensuite communiquer entre elles les armures clume d'acier, jusqu'à ce qu'il n'ait plus que
extérieures par des fils métalliques , de même deux lignes d'épaisseur. On le soumet ensuite
que les intérieures. Pour les cabinets de physi à l'action répétée du laminoir, sous lequel il se
que , les bouteilles sont placées dans une caisse métamorphose en un ruban épais au plus d'une
en bois doublée intérieurement d'une feuille demi -ligne et large d'un pouce. Alors com
d'étain. Quelle que soit la disposition, une pré mence l'opération du battage , qui donne son
caution à prendre , c'est de faire communiquer nom à la profession. On coupe le ruban métal
entre elles les armures extérieures, d'une part, lique par morceaux de dix-huit lignes de long
et les armures intérieures , de l'autre ; après qu'on appelle quartiers , on réunit ces quartiers
avoir chargé la batterie , en établissant la com par petits paquets , et on les forge jusqu'à ce
munication entre les deux systèmes de fils com- qu'ils soient tous réduits à la moitié de leur
municateurs par le corps bon conducteur qui épaisseur. Ainsi travaillés , l'ouvrier les inter
doit recevoir la commotion , la décharge se pro cale, dans des proportions données, entre des
duit dune manière instantanée. feuilles de parchemin et de vélin , carrées, de
La batterie électrique n'est quelquefois com quatre pouces de côté , et en forme un fais
posée que de lames de verre superposées et sé ceau nommé caucher, qu'il introduit dans un
parées par des feuilles d'étain qui ne les affleu double, fourreau de parchemin , et qu'il bat en
rent pas. On laisse 4 ou 5 centimètres tout suite avec un gros marteau , sur un bloc de
autour; on a soin de commencer et de terminer marbre noir et poil , frappant tantôt sur une
la superposition par une feuille d'étain ; on fait face et tantôt sur l'autre, et chassant toujours
ensuite communiquer , par des fils métalliques, du centre à la circonférence. Quand tous les
toutes les feuilles d'étain de rang pair , d'un quartiers ont acquis une grandeur égale à celle
même côté de la pile, et toutes les feuilles de des vélins intercalaires, le premier battage est
rang impair, de l'autre côté; alors les deux fini. Avant de procéder au second , on coupe en
systèmes de fils permettent de produire la dé quatre les quartiers du premier caucher, et , de
charge comme dans le cas précédent. ces morceaux , on forme un deuxième caucher
Une batterie électrique se charge comme une qui est soumis à la même opération que le pré
simple bouteille de Leyde , c'est-à-dire que l'on cédent. Vient enfin le troisième battage. Cha
fait communiquer une armure , généralement que quartier est encore coupé en quatre, et in
l'armure extérieure, avec le sol , et l'autre avec tercalé entre des feuillets de baudruche, on
la source d'électricité qui est une machine élec membrane péiitonéale du cœeum de bœuf pré
trique quelconque. Avec de puissantes batteries paré par les boyaudiers. Ce dernier caucher
on reproduit les effets de la foudre. Ainsi les s'appelle chaudret; il se bat pendant deux heu
animaux de la plus grande taille sont tués en res. Cette opération accomplie , on divise une
leur faisant recevoir la décharge d'une puis quatrième fois les quartiers en quatre parties
sante batterie; eu produisant la comm.ition ù égales, et l'on en forme autant de chaudrets
BAT ( 795 ) BAT
nouveaux, nommés moules, qui contiennent sorti de sa plume ; on n'a peut être rien écrit de
chacun environ mille feuilles d'or de cinq pou mieux sur ce sujet. L'abbé Batteux consacra plus
ces de côté. Ces moules sont battus pendant plu tarda l'application des maximes littéraires qui
sieurs heures avec le marteau à dégrossir et le y sont exposées un autre ouvrage , pareillement
marteau à achever, alternativement. Quand fort recommandable et qui a pour titre : Cours
les feuilles d'or désaffleurent les baudruches , le de belles -lettres ou principes de littérature,
travail est terminé. Les bons quartiers sont pla 5 vol. Nous avons encore de lui : 1° Les quatre
cés par vingt-cinq dans les quarterons ou li poétiques d'Aristote, d'Horace, de Vida et de
vrets, dont les feuillets sont d'un papier orangé Boileau, avec traduction des trois premières ; les
rougeàtre , et livrés ainsi au commerce. Les notes qui accompagnent ce recueil , sont pleines
quartiers défectueux ou bactrioles, servent avec d'érudition et très justementestimées; 2° L'His
les lavures et rognures recueillies dans le cours toire des causes premières , ou exposition som
des diverses opérations, à faire l'or en coquille maire des pensées des philosophes sur les prin
qu'emploient les peintres. Telle est l'excessive cipes des êtres , 2 vol. in-8° , 1759 , hommage
ténuité à laquelle le batteur parvient à réduire rendu par le savant académicien aux saines
le métal , qu'avec un lingot d'or du poids d'une doctrines philosophiques et morales; 3" une
pièce de quarante francs, il obtient quatre mille Traduction d'Horace , avec notes , 2 vol.
quatre-vingt-seize quartiers pouvant couvrir in-12; 4° la Morale d'Épicure, tirée de ses pro
une surface de quarante mètres carrés. pres écrits, 1 vol. in-8» ; 5° Dissertât io de
La profession de batteur d'or offre des dan gustu veterum in studiis litterarum rctinendo;
gers, et exige des précautions dont il sera 6° une ode In civitatem Rhemensem et un
parlé à l'art. Hygiène. V. Ratier. Discours sur la naissance du duc de Bour
BATTEUX ( Charles ) naquit à Allen- gogne; 7° les Traductions d'Ocellus Luca-
d'huy, diocèse de Reims, le 7 mai 1713. Sa nus et de Timée de Locres.
carrière fut principalement consacrée a l'étude L'abbé Batteux, du reste, ne se distingua
et à l'enseignement des belles-lettres. Après pas seulement par ses lumières. La noblesse de
avoir professé avec distinction la rhétorique au son caractère , la gravité douce de ses moeurs ,
collège de Reims , où il avait fait ses études, il le charme de sa conversation , lui concilièrent
vint à Paris en 1 740 , et enseigna les humanités l'estime et l'affection des élèves qu'il eut à for
et la rhétorique dans les collèges de Lisieux et mer, comme de tous ceux avec lesquels son dou
Navarre. Plus tard, il fut nommé à la chaire de ble titre de professeur et d'académicien le mit en
philosophie grecque et latine du collège royal. rapport. Il mourut, à Paris, universellement
Plusieurs des ouvrages qu'il a laissés avaient regretté, le 14 septembre 1780. H. M.
été publiés dans cet intervalle et attestaient à BATTOLOGIE. Redondance de mots; ré
la fois l'étendue de son érudition , la pureté de pétition de paroles inutiles. On dit que ce mot
son goût , et la sûreté de ses principes littéraires. vient du nom d'un certain Battus , roi des Cy-
L'académie des inscriptions et belles-lettres l'ad rénéens, qui était bègue, et qui répétait plu
mit au nombre de ses membres, en 1754 , et , sieurs fois la mêmesyllabeen parlant. LesGrecs
six ans plus tard , le même honneur lui fut moqueurs tirèrent de ce nom un mot qui dési
acordé par l'Académie française. gne un des plus graves défauts du style. D'au
Savant distingué, écrivain correct et élégant, tres étymologistes, prétendent que Battus était
littérateur judicieux et plein d'admiration pour le nom d'un poète ennuyeux ; mais les mauvais
les grands maîtres dont l'étude avait rempli sa poètes ont bien d'autres moyens d'ennuyer que
vie, l'abbé Batteux n'est point au dessous de la la redondance des paroles, et on aurait fait
renommée classique dont il est en possession. trop d'honneur à un poète ennuyeux en l'im
Les préceptes qu'il avait mis en honneur dans mortalisant pour ce seul défaut.
ses leçons et qu'il développa dans ses écrits , ne On peut citer, comme un exemple remarqua
sauraient être médités avec trop de soin par la ble de Batlologie , cette phrase vide et sonore
jeunesse , si prompte à se laisser entraîner dans de l'avocat Target, celui qui eut le malheur et
des voies inconnues. C'est le livre des Beaux- la honte de refuser la défense de Louis XVI :
arts réduits à un même principe, qui est con » L'assemblée ne veut que la paix et la concorde
sidéré avec raison comme le meilleur ouvrage suivies du calme et de la tranquillité. » Théry.
BAT f 796 ) BAT
BATTORI ou mieux BATHORI (Etienne Pologne. Il n'avait pas eu d'enfants de son ma
comte de) , prince de Transylvanie , puis roi riage avec la princesse Anne, et ce fut un neveu
de Pologne, s'est rendu doublement célèbre, de cette dernière, Sigismond III, qui lui suc
comme guerrier et comme souverain. Né en céda sur le trône de Pologne.
1532, son éducation, selon l'usage du temps Deux autres Bathobi , Sigismond et Ga
et du pays, fut très négligée; car il existe briel , parents d'Étienne, furent après sa mort
une pièce authentique, signée, pour lui, par son princes de Transylvanie. Sigismond céda et re
neveu George, lequel déclare expressément que prit plusieurs fois sa principauté, et fut enfin
Bathori ne sait pas écrire. Il s'était déjà fait obligé de la livrer une dernière fois à l'empereur
une grande réputation parmi ses concitoyens Rodolphe; il mourut à Prague en 1613, pauvre
lorsque Jean Sigismond mourut en 1571 ; aussi et oublié. Gabriel fut chassé par ses sujets ré
fut-il choisi à l'unanimité pour lui succéder, en voltés, et périt , en la même année que son frère
qualité de vvaiwode ou prince (waiwode vient Sigismond, assassiné par les Turcs qui s'étaient
de deux mots slaves qui signifient chef de la déclarés pour son compétiteur, et auxquels il
guerre). Bathori fut obligé de payer tribut à avait voulu aller lui-même proposer un arran
Sélim II, empereur desTurcs, pour obtenir l'in gement. A. B.
vestiture et la paisible possession de sa wai- BATTOBIEj nom donné aux comptoirs
wodie. A la mort de Sigismond II, dernier prince ou établissements que les villes anséatiques fon
de la famille des Jagellons, les Polonais avaient daient pour l'utilité de leur commerce, dans les
choisi pour leur roi , le duc d'Anjou , depuis lieux qui , par position , étaient le centre de
Henri III ; lorsque celui-ci , appelé au trône de leurs affaires avec les autres puissances. (Voyc
France par la mort de son frère Charles IX , se Anséatiques.)
fut enfui de Pologne, une faction à la tète de BATTUE (vénerie). Ce mot s'emploie pour
laquelle était l'archevêque de Gnesne, proclama désigner une espèce de chasse , qui consiste a
roi l'empereur Maximilien II; mais la majorité faire battre les bois , les champs et les brous
des nobles polonais élurent Bathori , qui vint sailles par des rabatteurs , pour en faire sortir
prendre possession de sa couronne disputée, et le gibier et le diriger vers les chasseurs placés
épousa la princesse Anne, sœur de Sigismond. dans un endroit convenu. ( Voyez Chasse.)
L'empereur d'Allemagne mourut avant d'avoir BATTUECAS (ijéogr.), habitants d'un
pu troubler son compétiteur dans la possession petit district de la province espagnole l'Estra-
de sa nouvelle souveraineté. Bathori, du reste, madoure , à environ quatorze lieues de Sala-
ne manqua pas d'ennemis de plusieurs autres manque, et huit de Ciudad-Rodrigo. Cette peu
côtés. Il lui fallut à la fois, soumettre Dautzick plade se compose de quelques familles qui
qui ne l'avait pas reconnu, et tenir tête aux habitent le vallon de Batluecas, couvert d'un
Suédois et aux Moscovites. Bathori sut faire face côté par des montagnes presque inaccessibles,
à tout. Dantzick fut obligé de se rendre à ses de l'autre par le torrent de Tormes et par (les
armes. Les Suédois devinrent ses alliés, et les rochers arides. D'après les vieilles traditions,
Russes, après avoir subi plusieurs défaites et la religion, la langue, les mœurs des Espagnols
avoir vu une armée deTartares, alliés de Bathori, étaient inconnus des Battuecas. Pendant tics
incendier Moscou , leur ville sainte , et mas siècles entiers, l'entrée de cette vallée fut rendue
sacrer plus de cinquante mille personnes, furent inaccessible par suite d'une nouvelle direction
obligés de demander la paix et de l'acheter par que prit tout à coup, en 1009, le torrent de
la cession de la Courlande et d'une partie de la Tormès qui en ferma la seule entrée pratica
Livonie. Bathori, tranquille enfin , se voua au ble; au bout de deux ou trois siècles un trem
bonheur de ses sujets ; il opéra d'importantes blement de terre changea la direction du tor
améliorations dans l'administration intérieure rent , et l'entrée de la vallée se trouva un peu
de son royaume , fit des lois utiles, disciplina dégagée. Les habitants se hasardaient parfois
l'armée, et parvint à civiliser et attacher à la sur les cimes de leurs domaines; leurs feux
couronne les Cosaques, jusqu'alors errants et furent aperçus, leurs chants entendus par les
sauvages. Après un règne de dix années, Étienne pâtres des environs ou les voyageurs égarés,
Bathori mourut à Grodno le 1 3 décembre 1586. qui exagérèrent leurs visions et les embellirent
Sa mémoire est encore eu vénération dans la de tout le merveilleux usité à cette époque, par
BAT ( 797 ) n\T
tous les romanciers de la Péninsule. On fit alors BATTURE
BATTUS. L'histoire
(marine).et (Voyez
la mythologie
Bas-fond.
grec
de la demeure des Battuecas, la retraite des
démons (Dict. de Moreri); ils fournirent un ques nous offrent chacune un individu de nom.
aliment de plus à l'imagination des Espagnols. L'un était fils de Polymneste , et descendant
Le hasard fit connaître la vérité, et cela n'eut d'Euphème , un des Argonautes qui avaient
lieu qu'au xvi* siècle. Le duc d'Albe un jour, pris part à la conquête de la toison d'or. Il
égaré avec une suite peu nombreuse , pénétra quitta Théra sa patrie , d'après l'oracle de Del
dans cette vallée. Il admira la fertilité du sol , phes , et alla fonder sur la côte libyenne une
et rencontra un assez grand nombre de cabanes ville qu'il nomma Cyrène , en l'honneur d'un
de feuillage , habitées par des hommes doux , fils d'Apollon et de Cyrène qui était né au
timides, parlant un langage inconnu, et aux même endroit. L'autre était un berger arca-
quels son aspect inspira beaucoup plus de crainte dien qui se rendit célèbre par la circonstance
que de curiosité. Leurs vêtements se compo suivante : Apollon chassé de l'Olympe , pour
saient de peaux. Le duc d'Albe envoya parmi s'être attiré le mécontentement de Jupiter,
eux des ecclésiastiques pour y prêcher le chris gardait les troupeaux d'Admète. Mercure ,
tianisme. Ceux-ci finirent par s'y établir : ils alors aussi chassé de l'Olympe, s'avisa de le
y bâtirent un couvent, et devinrent dès-lors voler. Battus fut témoin de ce vol , et fit ache
les uniques prêtres , législateurs et médecins ter son silence à Mercure , moyennant le don
de la vallée. Au nombre de ces prêtres , il de la plus belle des vaches volées.
faut citer le pèreFeijoo, auquel le peuple est Mais le fils de Maïa , après avoir payé son
redevable de sa civilisation. Le canton des Bat complice , voulut en éprouver la fidélité. Il fei
tuecas se compose de deux vallées , d'une lieue gnit donc de se retirer et revint immédiatement,
chacune de longueur , qui sont si étroites et si sous la figure d'un paysan arcadien , lui offrir
hermétiquement fermées de tous côtés , que le un bœuf et une vache s'il voulait déclarer où
soleil doit avoir de la peine à y pénétrer en hi était le troupeau volé et quiétait le voleur. Notre
ver. Selon M. Fr. Bourgoing, qui y fit un homme voyant qu'on ne lui avait payé pour se
voyage , en 1 789 , ce petit pays est remarquable taire que la moitié de ce qu'on lui offrait pour
par les groupes de rochers bizarrement taillés , qu'il parlât, déclara qu'il était prêt à tout dire ,
par la variété des arbres, les sinuosités de la et dit tout en effet.
petiterivière qui l'arrose, par les excavations des Indigné de cette trahison , ou plutôt de ce
montagnes qui les forment , par la quantité d'a qu'un mortel osât vouloir faire sa dupe d'un
nimaux de tout genre auxquels elles servent de dieu , Mercure frappa Battus de son caducée, et
repaire. « La seule habitation humaine , ajoute- le transforma en pierre de touche. On sait que
t-il, qui mérite d'être remarquée, est un cou la pierre de touche sert à indiquer de quelle
vent de carmes déchaussés , dont les cellules nature est un métal . Adolphe Bouches .
sont comme ensevelies sous les roches escarpées BATZ. Monnaie de cuivre, saucée d'argent,
qui les menacent, et les arbres qui les ombra en usage dans l'Allemagne méridionale et dans
gent {Tableau de VEspagne moderne). » L'eau toute la Suisse. En Allemagne, le batz vaut
qui coule dans ces vallées est claire et limpide ; quatre creutzers ou seize fennings.
les ruisseaux abondent en truites ; on y trouve En Suisse, le batz, qui se divise en dix reppes,
aussi quelques grains d'or mêlés au milieu du équivaut à quinze centimes de France, en sorte
sable. Les habitants de ces vallées ne sont pas que le franc suisse, qui se compose de dix batz,
incommodés de goitres, ainsi que ceux de quel vaut un franc cinquante centimes de notre mon
ques vallées voisines qui sont à peu près dans la naie. Cette différence de valeur pour des mon
même situation. naies qui portent le même nom, occasionne
Quelques écrivains supposent que ce petit des méprises continuelles delà part desFrançais.
peuple provient d'une colonie de Goths, qui se Les batz n'ont pas la même valeur dans tous
sera réfugiée dans ces rochers, fuyant la tyran les cantons de la Suisse, et en général ne sont
nie des Maures; d'autres pensent que c'est une pas reçus dans les cantons voisins de ceux où ils
peuplade d'anciens Cantabres ou Ibères, qui se ont été frappés. Les voyageurs sont donc forcés
relira dans ce vallon , au temps de l'invasion de changer continuellement leurs espèces, sou
des Goths. A. P. vent avec une forte perte. Les batz de Baie, de
BAT ( 798 ) BAU
Sohaffousc, deSaint-GalI sont les meilleurs de BAT (marine). Les baux sont des poutres
tous; ceux de Berna, de Fribourg et de Lu- ou fortes solives dont la fonction est double:
cerue sont les plus faibles de titre ; neuf des ils maintiennent, contre toute tendance à l'é-
premiers valent dix des autres. Il est au reste cartementouau rapprochement, les deux flancs
facile de les distinguer , car ils portent tous les du navire; ils portent les bordages qui forment
armoiries des cantons qui les ont émis. Sous le les ponts. La largeur d'un navire , ce que les
règne de Napoléon, on fabriquait à Neufchâtel Italiens appelaient et appellent encore la bocca,
des batz et des divisions de batz au nom du ce qu'on nommait en France le bouchai», est
prince Bertbier. Cette monnaie toute historique mesurée par la longueur du principal de ces
est la seule qui ait été frappée par un des hauts baux, appelé le maitre-bau. Le root bau, trans
barons du moderne Charlemagne. Elle porte formation de bal , est breton . Suivant Buller
d'un côté les armes du prince de l'empire avec (Mémoires sur la langue celtique), il signifie
la légende : Alexandre, pbince de Neufcha arbre, bois, pieu. C'est le même que balk,
tel , et au revers, l'indication de la valeur, au anglais, flamand, hollandais et allemand, qui
milieu d'une couronne de feuillages. Le batz signifie poutre, solive. L'espagnol a pris le bau,
est, en Suisse, la monnaie de compte pour tou franco-celte, et en a fait bao , que le portugais
tes les petites transactions. Ad. de L. à transformé en vao. A. Jal.
BATZ (Piehbe-Louis, baron de), né en UAUBI (vénerie). Espèce de chien anglais
1755, était grand-sénéchal du duché d'Albret, que l'on emploie à la chasse du gibier à odeur
et fut envoyé aux états-généraux en 1789 , en forte, comme le renard , le sanglier, etc. Le
qualité de député de la noblesse de sou pays. Il baubi a le nez dur, il est à demi-poil, comme le
prit part aux travaux de l'assemblée consti barbet, il est plus long et plus bas sur pattes
tuante, où il siégea constamment au coté droit. que les chiens ordinaires (voyez Chien).
Le seul fait éclatant de sa vie consiste dans l'ef BAUDOUIN Ier, roi de Jérusalem et frère
fort qu'il tenta, le2t janvier 1793, pour délivrer de Godefroy de Bouillon , naquit , comme ce
le roi Louis XVI pendant qu'il marchait à l'é- lui-ci , au château de Bézy près de Nivelle. Par
chafaud. Abandonné de la plupart de ceux qui sa mère , Ide de Lorraine, fille de Godefroy-le-
avaient pris part à son projet, il s'élança, suivi Barbu , il descendait de Charlemagne, dont il
seulement de trois de ses compagnons , vers la était digne par le courage. Quand Pierre l'Her-
charrette dans laquelle le roi était placé; mais mite prêcha la croisade en 1095, Baudouin prit
il fut facilement repoussé par les troupes du les armes et partit pour l'Asie avec son frère.
cortège. Il parvint à s'échapper avec son secré La valeur qu'il déploya sous les murs de Nieée,
taire ; les deux autres furent tués sur la place. le fit investir d'un commandement , et bientôt
Plus tard Batz essaya , avec le concours de l'épi après on l'envoya vers laCilicieavecTancrède,
cier Cortey et du municipal Michonis, d'enlever pour recevoir la soumission des peuples et des
la famille royale de la prison du Temple. Le villes qui se trouvaient sur leur passage. La
peu de succès de cette nouvelle tentative ne le grande armée des Croisés venait de traverser
rebuta pas, et il songea, tout aussi vainement, la Pisidie, l'Isauric , la Cilicie et de planter ses
à faire évader la reine Marie-Antoinette de la tentes sous les murs d'Antioche où elle fut dé
Conciergerie. Enfermé au Plessis après les évé cimée par les Turcs et la famine la plus cruelle.
nements du 5 octobre 1795, il s'échappa et Durant ces temps de misère, Baudouin se repo
passa à l'étranger, pour ne rentrer en France sait dans la Mésopotamie qui lui était soumise.
que
réchal-de-camp.
sous le consulat.
11 mourut
La restauration
en 1822. Actif, in C'est alors que le prince d'Édesse l'appela pour
le fit ma-
qu'il le secourût. Il entra dans Édesse accom
génieux et dévoué, le baron de Batz n'avait pas pagné seulement de cent cavaliers. Il fut reçu
ces ressources puissantes de l'esprit et du carac parla population avec enthousiasme, et le prince
tère qui élèvent l'homme de parti au-dessus de d'Édesse après l'avoir adopté pour tils, le dési
la foule des intrigants. Il a laissé quelques gna comme son successeur. Mais bientôt après
écrits relatifs aux événements dont il fut té éclata une sédition , pendant laquelle ce mal
moin , et une Histoire de la maison de France heureux prince périt. Quelques historiens ont
et de son origine, du royaume et de la prin accuse Baudouin de ce meurtre, uniquement
cipauté deNeustrie. Paris, 1815, in-8". sans doute parce que celui-ci succéda au prince
BAU 1 799 ) BAU
«t fonda cette belle principauté , qui resta plus l'obligèrent de prendre les armes ; il les com
d'un demi-siècle entre les mains des Croisés. battit plusieurs fois vaillamment et revint à
Après la prise de Jérusalem et la mort de Jérusalem, ou il apprit que Jossclin deCour-
Godefroy, de grandes contestations s'étaut éle tenay, prince d'Edesse, avait été fait prisonnier
vées pour le choix de son successeur, Garnier, par les Infidèles. Aussitôt il assemble ses barons
comte de Gray, proche parent de Godefroy, pour voler au secours de son ami, se dirige
prit possession de la tour de David et de tous vers le Jourdain qu'il traverse, et rencontre les
les lieux fortifiés de la ville au nom de Bau ennemis. Ayant eu l'imprudence de vouloir lui-
douin, comte d'Édesse, qui se mit bientôt en même reconnaître leur camp , il se trouva tout
marche pour Jérusalem , à la tète de quatre à coup enveloppé par un gros de Turcs qui se
cent cavaliers et de mille fantassins. Tous saisirent de lui malgré sa grande valeur, et le
manquèrent de périr dans le déiile de Bé- conduisirent dans la forteresse de Kharpout ,
ryte où s'étaient embusqués les émirs de Da dans la direction de l'Euphrate. Cette nou
mas et d'Émesse, mais la valeur chrétienne velle désastreuse parvint bientôt à Jérusalem,
triompha de tous les obstacles. qu'elle plongea dans la plus vive douleur. Les
Baudouin, après s'être fait proclamer roi , alla Turcomans et les Sarrasins firent aussitôt
mettre le siège devant Ascalon, dispersa les tri cause commune pour attaquer les chrétiens.
bus mrabes qui infestaient le désert dans la direc Cependant, Josselin de Courtenay, aidé par
tion de l'Egypte; prit Plolémals ou Saint-Jean- cinquante Arméniens , parvient à s'échapper
d'Acre , Béryte , Sidon et presque toutes les ci de sa prison; il accourt à Jérusalem ou il dé
tés de la cote de Phénicie. Il lit la guerre durant pose ses chaînes , et appelle les chrétiens aux
ses dix-huit années de règne. Les conquêtes armes, tandis que Ponce, comte de Tripoli, et le
I enorgueillissaient , mais les revers ne l'abat doge de Venise, s'emparent de Tyr. Cette con
taient pas ; ii restait inébranlable au milieu de quête permit a Baudouin de traiter de sa rançon
la plus mauvaise fortune. C'était un grand et il revint à Jérusalem. A peine de retour dans
homme de guerre. Les historiens des croisades sa capitale, il lui fallut recommencer la guerre
rendent hommage, en outre, à son humanité. contre les émirs de la Syrie, les kalifes de Bag
Un jour , qu'il revenait d'une excursion au-delà dad et du Kaire, le prince de Damas et l'émir
du Jourdain , il entend des cris plaintifs ; il de Moussoul. Il racheta tous ses ôtages par des
s'approche et voit une malheureuse musulmane victoires.
dans les douleurs de l'enfantement ; aussitôt il Quelque temps après, Foulques , comte d'An
la fait placer sur des coussins , la couvre de son jou, fils de Foulques- le-Réchin, étant venu
manteau , met près d'elle des fruits , de l'eau et faire un pèlerinage en Terre-Sainte, Baudouin II
fait amener la femelle d'un chameau pour allai qui n'avait point d'enfant mâle, lui offrit en
ter le nouveau né. Ensuite il la fit reconduire à mariage sa fille Mélisende, et lui promit de le
son époux, qui se trouvait être un émir saira- faire reconnaître pour son successeur. Foulques
sin. Cet homme, touché d'une action si géné accepta cette proposition avec joie, et ù la mort
reuse, sauva la vie de Baudouin à Bamla où il de Baudouin II , en f 131, il lui succéda. Bau
s'était réfugié , après le combat d'Ascalon , dans douin , sincèrement religieux , avait un esprit
lequel périrent le comte de Blois et le duc de droit, une âme élevée mais une capacité fort
Bourgogne. Baudouin qui profitait des pèleri au-dessous de la hauteur de son caractère. Il
nages incessants des chrétiens pour agrandir passa dix-huit ans sur le trône d'Edesse et
son royaume , songeait à entreprendre le siège douze sur celui de Jérusalem. Deux fois il tomba
de la ville de Tyr qui l'avait repoussé vingt au pouvoir des Infidèles, qui le retinrent captif
ans auparavant, quand il fut enlevé en quel durant sept années. Sa mort affligea profondé
ques jours par une dysenterie v iolente. L. de L. ment tous les chrétiens d'Orient. On remarque
BAUDOUIN II (du Boubg), après avoir que ce fut sous son glorieux règne que les or
succédé à son cousin au comte d'Édesse, le rem dres militaires de Saint-Jean et du Temple fu
plaça sur le trône de Jérusalem. C'était aussi un rent approuvés par le pape , et commencèrent
guerrier célèbre et d'une grande bonté, ce qui à jeter un vif éclat. L. de L.
détermina son élection. A peine fut-il monté sur BAUDOUIN III succéda à Foulques, roi
le trône, que les Turcs menacèrent Antioche et de Jérusalem, son père, en 1 142. Les états
nui ( 800 ) IUU
chrétiens étaient alors en décadence ; Baudouin tentions de cet homme , celles des autres barons
n'avait que douze ans, et la faiblesse d'un enfant et du clergé suscitèrent bientôt mille embarras
était loin de convenir en ces conjonctures. Mal à l'infortuné Baudouin. Ajoutons que ce fut
gré sa valeur personnelle , et l'occupation du val alors que parut Saladin. Il venait de quitterl'E-
de Moïse, la principauté d'Édesse fut envahie gypte , et s'avançait dans la Palestine , à la tête
par Zenghi , sultan d'Alep ; deux fois prise et re d'une puissante armée. Baudouin, malgré ses
prise, la belle et malheureuse cité fut détruite et infirmités, courut à sa rencontre, l'atteignit
le farouche Nourrhédin acheva l'extermination au-delà d'Ascalon, anéantit complètement son
des habitants, commencée par Zenghi. Ce désas armée, et le rejeta jusqu'au désert arabique.
tre donna lieu à la seconde croisade. Le roi de Ce succès prodigieux ranima les chrétiens;
France Louis VII et ConradIII, empereurd'Al mais Saladin , honteux de sa défaite , leva une
lemagne , prirent la croix , et à la voix de saint nouvelle armée, et prit une terrible revanche
Bernard, desarmées formidables se précipitèrent sur les bords du Jourdain, au gvé de Jacob.
de nouveau sur l'Asie. La plus grande partie des Baudouin IV demanda une trêve et l'obtint à
troupes de Conrad fut massacrée dans l'Asie- cause d'une famine qui sévissait alors. Peu de
Mineure par les Turcs , trahie, disent les histo temps après, Saladin rompit la trêve et ravagea
riens, par les Grecs du Bas-Empire. Louis VII , la Palestine. Baudouin s'affaiblissait de plus en
plus heureux, parvint à Jérusalem après quel plus; il se vit forcé d'abandonner le comman
ques victoires. L'arrivée des deux monarques dement de son armée à son beau-frère Guy de
releva le courage des chrétiens de la Palestine ; Lusignan, qu'il avaitnommérégentdu royaume.
on les reçut comme des libérateurs, et Baudouin Il était devenu aveugle. L'incapacité et la bra
les conduisit au siège de la ville de Damas , qui voure douteuse de Lusignan , qui négligea d'a
leur résista. Les deux monarques reprirent le néantir l'armée musulmane quand il le pouvait,
chemin de l'Occident, abandonnant ainsi l'infor firent éclater tant de reproches , que Baudouin
tuné Baudouin à des ennemis de toute sorte. Mais le remplaça par Raymond de Tripoli , malgré
l'adversité ne le brisa point, il combattit Nour sa haine pour celui-ci. Dans de si fâcheuses cir
rhédin , et après des luttes sans cesse renaissan constances, les chrétiens d'Orient envoyèrent
tes, après de longues et sanglantes guerres, mê en Europe le patriarche Héraclius et les grands-
lées de succès et de revers , il prit Ascalon , jus maîtres de l'Hôpital et du Temple , pour solli
qu'alors réputée invincible. Il mourut empoi citer de nouveaux secours. Philippe-Auguste, à
sonné par Barak , médecin syrien , disent les peine sur le trône de France, s'excusa. Henri II,
chroniqueurs, le 23 février 1163, à l'âge de roi d'Angleterre , refusa durement, et s'enten
trente-trois ans ; il en avait régné vingt. Comme dit reprocher par Héraclius le meurtre de saint
il n'avait point de postérité, le royaume de Jéru Thomas de Cantorbéry. Alors , l'âme désolée,
salem fut livré aux factions. Ce ne fut qu'après le patriarche reprit le chemin de Jérusalem
de longs débats , après de nombreuses assem qu'il trouva en proie aux factions. Baudouin IV
blées du clergé et des grands barons de la Pales mourut sur ces entrefaites, en 1 186, désignant
tine , qu'Amaury succéda à Baudouin. L. de L. pour son successeur Baudouin V, fils de sa sœur
BAUDOUIN IV avait treize ans quand son Sibylle et du brillant marquis de Montferrat.
père mourut, lui laissant le trône de Jérusa Les fêtes du couronnement de cet enfant furent
lem. C'était un enfant malade, couvert de lè les dernières dont les chrétiens furent témoins.
pre, et il eût fallu un nouveau Godefroy de Il mourut sept mois après, empoisonné, dit-on,
Bouillon pour relever la grande colonie chré par le comte de Tripoli ou par sa mère, qui,
tienne. Raymond , comte de Tripoli , et Milon ayant épousé en secondes noces Guy de Lusi
de Plansy, seigneur de Carac et de Mont-Royal , gnan , voulait lui assurer le royaume de Pales
se disputèrent la régence ; Milon l'obtint, mais tine. Un an s'était à peine écoulé depuis cet
ayant été assassiné à Ptolémaïs, le farouche événement, que Saladin s'était emparé de Jé
Raymond , son meurtrier, lui succéda. Les pré rusalem. L. de L
DU TOME QUATRIÈME,
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