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Notes de lecture et commentaires sur Théorie du champ de la conscience de Aron Gurwitsch

Author(s): Maurice Merleau-Ponty


Source: Revue de Métaphysique et de Morale, No. 3, Philosophies françaises (JUILLET-
SEPTEMBRE 1997), pp. 321-342
Published by: Presses Universitaires de France
Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40903552 .
Accessed: 16/06/2014 11:04

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Notes de lectureet commentaires
sur Théoriedu champde la conscience
de Aron Gurwitsch
Présentation

Les notesde lecturemanuscritesde Merleau-Pontysur l'ouvragede Gurwitsch,


Théorie du champ de la conscienceparu en 19571, sont tout à fait révélatrices
de la recherchede Merleau-Pontyentre l'année (printemps)1959 et l'automne
1960 (période où Merleau-Pontya entreprisla rédactiondu livre Le visible et
l'invisiblepublié par Claude Lefort en 1964).
Les commentairesqui accompagnentces notes de lecturesont souventplacés
entrecrochets,et le principalsujet de ses commentairescritiques,est l'intellec-
tualismede la phénoménologiehusserlienneen ce qu'elle fait des choses de purs
objets de perception,sans aucune réalitépropre1. Or si la chose est réduiteà
êtreobjet de perception,qu'est-ce qui en garantitl'identité(dans le sens d'identi-
fiable)? Qu'est-ce qui garantitqu'on en pense véritablementquelque chose et
qu'il ne s'agit pas d'une pure imputationnominalesans aucune objectivité,c'est-
à-direqui ne se baseraitet ne renverrait à aucune chose en particulier?Ces notes
de lectureposent le problème de l'unité de l'expériencedu côté de l'objet et
du côté du sujet et suscitentune discussionde la méthodeeidétiqued'une façon
trèsprécise. Elles dessinentla possibilitéd'une interrogationde l'unité de l'expé-
rienceperceptivetelleque Merleau-Pontyl'énonce dans L'œil et l'espritoù nulle
perceptionne soit appelée par la chose : comme la parole me parle, la chose
dans sa nature d'objet du monde, c'est-à-dired'unité spatiale, de corps dans
le monde, de chair du monde, suscitema perception.Ces notes s'inscriventdans
sa recherched'une philosophienon dualistetellequ'on la découvredans Le visible
et l'invisible.
Nous avons repéré différentsniveaux de lecturede ce texte. Merleau-Ponty
lit Gurwitschqui lit la phénoménologieet Merleau-Pontylui-même,qui élève
contredes points de la Phénoménologiede la perception3de Merleau-Pontydes
critiquesavec lesquelles son auteur se déclare parfois en accord et qui parfois

1. A. Gurwitsch, Théorie du champ de la conscience, Desclée de Brouwer, 1957.


2. Dans le résumé de cours de Tannée 1959-1960« Nature et logos », Merleau-Ponty
note « Par ailleurs(c'est la différenced'une phénoménologieet d'un idéalisme)la vie n'est
pas simple objet pour une conscience.» (RC, Paris, Gallimard, 1968, Tel, p. 176).
3. Paris, Gallimard, 1945.

Revue de Métaphysiqueet de Morale, N° 3/1997

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revendiqueles aspects de sa philosophie critiquéspar Gurwitsch.Ces notes de


lecturepermettentd'apprécierson reculpar rapportà certainesidées de la Phé-
noménologiede la perceptionet avec lesquelles il se trouveà la date de lecture
de cet ouvrage de Gurwitschen rupture.Merleau-Pontyexprimeexplicitement
à ce momentla nécessitéthéoriquede choisirune nouvelle orientationdans ses
recherches.
La lecturede Gurwitsch(qui cite les travauxde Merleau-Pontyet qui porte
un regard différentde celui de Merleau-Pontysur les apports et les impasses
de la phénoménologie), la critiquede la méthodeeidétiqueet le changement d'orien-
tationde ses recherchesentrele printemps1959 et l'automne 1960 nous semblent
liés. Ce texte de Gurwitschse présente comme un détonateurcritique et une
étape importantedans la recherchepar Merleau-Pontyd'une ontologie indi-
recte4.
On a pu remarquer,par exemple, que les critiquesde Merleau-Pontycontre
la Phénoménologiede la perceptionapparaissaientsouventà l'occasion de l'écri-
ture des plans pour son projet de livre (qu'il n'avait pas encore abandonné en
mai 1959), et que le philosophe renvoieplusieursfois dans ces plans à ses propres
notes de lecturesur Gurwitsch.
Merleau-Pontyse démarque de la méthode eidétique qui selon lui ne donne
que des noèmes ou des actes, c'est-à-direqui fait de l'être un eidos ou une pure
forme. Il met en question une philosophie qui ramène tous les problèmes à
l'essence,d'où sont gomméestoutesles résistances,où touteambiguïtéest verbale,
qui définitl'Ego commetransparence à soi, et l'êtrecommepurepositivité.Contre
l'opposition husserliennedualiste du noème et de la chose existante,Merleau-
Pontypropose une transcendancecomme cristallisation.Il écritdans une courte
note du dossierdu projet de livre: « La transcendance: l'idée queje suis creuse-
mentde l'horizon, l'être venantà lui-mêmeà partirde sa dispersion,- au lieu
de dire comme Husserl : le monde est mon ek-stase,est ma Sinngebung,centri-
fuge ». Il reprocheà la méthodeeidétiquede ne proposer que des systèmesintel-
lectuelset non du vécu, tandisque lui rechercheune philosophiequi donne accès
au monde.
Dans son livre, à de nombreusesreprises Gurwitschrenvoie au travail de
Merleau-Ponty, principalement à la Phénoménologiede la perception.Par exemple,
Gurwitschlui consacre le chapitre5 « L'organisation de la vie perceptive,selon
Merleau-Ponty»5. Ce derniera dû lire,p. 241, la critiqueque lui adresse Gur-
witsch:
« Si M. Merleau-Pontyen vientà maintenirune oppositionentrela chose elle-
même et le systèmedes apparences concordantes,c'est, croyons-nous,faute de
distinguerl'aspect noématique d'avec l'aspect noétique de la perception,et de
procéderà une analyse approfondiede l'aspect noématique. Cetteanalyse amène

4. Ce point fera Yobjet d'un travail ultérieur.


5. A. Gurwitsch, op. cit., p. 236-245.

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à dévoilerle statutnoématiquedes objets, quels qu'ils soient, incluantles choses


réellespercevables. Dans une orientationstrictement phénoménologique,il n'y
a aucun titrepour distinguerla chose elle-mêmed'avec un groupe systématique-
mentenchaîné de noèmesperceptifsqui renvoienttous intrinsèquement les uns
aux autres,et qui, en vertude ces renvoismutuels,se qualifientles uns les autres.»
Merleau-Pontyrevendiquel'aspect de sa philosophiecritiquépar Gurwitsch,c'est-
à-direqu'il conçoitl'identitéde la chose et de l'apparence,que la chose est actuel-
lement(et non possiblement)dans chaque visée intentionnelle.C'est précisément
ce qu'il examine dans toutes les notes de travail où il se penche sur ce qu'il
considère comme des impasses de la phénoménologie.
La questionde Gurwitsch,au début de son livre,est celle de l'unité de l'expé-
rienceou plus précisément,la philosophie de « l'empirismeradical » (James) lui
fournitune base pour illustrerla question: Qu'est-ce qui fait différerles con-
textes,les systèmes,et les ordres d'existenceles uns des autres? Qu'est-ce qui
constituela natureparticulièrede chacun d'eux? Est-ce que la différenceentre
des ordresd'existenceest seulementrelativeau typede conjonctionqui y prévaut?
Ainsi le problème que pose Gurwitsch,à partir d'une caractérisationde la vie
conscientepar la continuité,est celui de la conjonction entre états mentaux?
Le propos de Merleau-Pontydans ces notes est justementd'interrogerune telle
caractérisationde la vie consciente.Commentest possible l'unité d'un flux per-
ceptif?On voit,dans ces notes,qu'il élabore sa position en prenantses distances
par rapportau principe d'identité; il écrit que l'en-soi est résultatde la saisie
charnelleet non pas originede la cohésion. C'est dans un tel paysage philoso-
phique que Merleau-Pontyaccorde une prévalenceà la notion de champ défini
comme « horizonperceptif», et qu'il interrogela notion d'horizon. Il s'oppose
à l'idée husserliennede l'unitécomprisecomme momentfigurai,et propose l'idée
« d'expériencede champ ».
On sait que, pour James, la continuitéest vécue de façon immédiate.Alors
que Merleau-Pontyfait une place importanteà l'ambiguïtéqui, dit-il,n'est pas
conséquencede ce que la présence immédiateau monde est distanceà soi. Tout
le mouvementde pensée que va alors entreprendre Merleau-Pontyest la recherche
d'une ontologieautre que directe6.Cette quête d'une ontologieindirecteest per-
ceptibledans les différentesécrituresde son projet, encoreintituléÊtre et Monde,
après mai 1959. A la lecturedes manuscritsdes années 1958-1959,au moment
où il entreprendson vaste projet d'abord intituléÊtre et Monde nous avons
remarquéque les référencesà ce textede Gurwitschet à ses propres notes de
lecturesur ce texteétaientabondantes,et apparaissaientà l'occasion de modifi-
cations des « plans et écritures». Comme la référenceà la conférencede Man-
chesterl'indique,dans le corps du textemême,ces recherchesdatentdu printemps
1959; elles sont donc probablementcontemporainesde l'abandon des huit der-

6. voir dans les Résumésde cours, îîoo-isoy, p. 136, la questionde r impossibilited une
ontologie directe.

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nièrespages de son manuscritqui constituaientla suite de son textepublié en


annexe par Claude Lefort dans Le visible et l'invisible7.
Mais, on repèredes élémentsindiquantun travailde relecturede la Phénomé-
nologie de la perception,dès janvier 1959s dans une note de travail, où il
suggère à propos du cogito tacite qu'il remet en question la transparencede
soi à soi : « voilà commentj'ai raisonné dans Ph. P. [...] Ce que j'appelle le
cogito tacite est impossible». En février 19599, il écrit à propos du cogito
tacite: « En le dévoilantcommej'ai fait dans Phénoménologiede la perception,
je ne suis pas arrivéà une solution (mon chapitresur le cogito n'est pas rattaché
au chapitresur la parole) : j'ai au contraireposé un problème. » II écritaussi :
« Le tortde Husserl est d'avoir décritl'emboîtementà partird'un Präsenzfeld
considérécommesans épaisseur,comme conscienceimmanente». Claude Lefort,
en note du Visible et l'invisible10,
fait remarquerque Merleau-Ponty«parle déjà
du Präsenzfeldou du champ de présence dans la Phénoménologiede la percep-
tion, dans les chapitresconsacrésà l'Espace et à la Temporalité»". Donc, pour
ce qui concernela date de sa lecturede Gurwitsch,la référenceau champ de
présencen'estpas déterminante. Mais, commele préciseClaude Lefort,l'« analyse
dans la Phénoménologiede la perceptiondu champ de présence n'induisaitpas
alors à une critiquede Husserl ». Il n'est, par conséquent,pas impossibleque
Merleau-Pontyait porté ce regardcritiquesur Husserl avant de lire Gurwitsch.
Cependant,ce qui est nouveau en février1959, c'est que Merleau-Pontycondamne
la méthode eidétique en ce qu'elle oblitèrele problème de l'idéalisation et du
langage.
On pourrait objecter que Merleau-Pontyne se distinguepas vraimentde la
phénoménologiede Husserlpuisqu'il consacre le cours de 1959-1960à la traduc-
tion et au commentairede deux ouvragesde Husserl. Mais, dans ce cours, c'est
moins la méthodeeidétique12qui est en question que l'idéalisationde l'histoire
et du langage. Il est probable que si Merleau-Pontyrelit Husserl cette année
1959-1960, c'est afin de mieux s'en imprégneret par suite de mieux s'en
démarquer1*.Dans le résumédu cours correspondant« Husserl et la phénomé-
nologie »u, Merleau-Pontyécrit: « Le contact avec des textesest ici le meil-

7. Voir l'indicationde Claude Lefort à la premièrepage de l'avertissementdu Visible


et l'Invisible, Paris, Gallimard, 1964.
8. Le Visible et l'Invisible, Paris, Gallimard, 1964, Notes de travail, Tel, p. 224.
9. Ibid., p. 229.
10. K./., p. 227.
il. Ph. P.> p. 307, 475, 483-484, 492.
12. Il écritdans une note datant probablementde juin 1959 : « La méthode eidétique
telle que Husserl Ta définielaisse toujours entredeux propositions,deux essences. Et il
ne peut en être autrement: car même le non-essentielest figé en essence, et juxtaposé
à d'autres essences sans problème,parce que nous n'avons affairequ'à des essences, et
qu'entre essences, tout s'arrange toujours. Cette eidétique est l'antiphilosophie.»
13. C'est ce qui nous a fait laisser de coté ce textede la publicationdes Notes de cours
(1959-1961), Paris, Gallimard, 1996.
14. R.C., Tel, p. 159.

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leur des remèdes»15. //emploie dans le même texte l'expression « espace de


conscience»16. Merleau-Pontynote, dans la perspectived'une auto-interprétation
« [...] je suis sur de penser aujourd'hui la même idée que je pensais hierparce
que le sillage qu'elle a laissé est ou pourrait être exactementrecouvertpar un
nouvel acte de pensée productive,qui serait le seul véritableaccomplissement
de ma pensée remémorée[...] il y a empiétementdu passif sur l'actif et récipro-
quement.» (Ibid.) « Le sens vivants'étend bienplus loin que nos pensées expli-
cites, mais il n'est qu'ouvert et sans fin, il n'est pas infini.La sédimentation
qui fait que nous allons plus loin fait aussi que nous sommes menacéspar des
pensées creuses [...] » (Ibid.)
La critiquede la méthode eidétique le conduit notammentà revenirsur ce
qu'il avait admis dans la Phénoménologiede la perception,« l'ambivalencede
l'imaginaireet du réel » ou encore « l'ambiguïtédu perçu et de l'imaginaire» 17,
mais aussi à proposer, contre ce qu'il désigne comme l'établissementd'une
consciencefigée, conçue selon l'identitéoù domine l'idée de l'être encore subs-
tantialisteet du savoir comme savoir absolu (au sens où le completà venirest
encore un idéal de la philosophie)1*,une autre modalité de l'expériencenon
séparée d'un horizon. C'est alors que la notion de champ devientprincipale.
Quand Merleau-Pontya-t-il lu ce livre Théorie du champ de la conscience?
Sur une page d'agenda daté du 13 juin 1959 (placé par Merleau-Pontydans un
dossier «projet de livre»), il écrit19: « Voir Gurwitsch,Théorie du champ de
la conscience», ce qui nous inviteà penser qu'il savait déjà de quoi il traitait.
Ce qui est certainc'est qu'aucune mentionde ce textede Gurwitschni aucune
critiquefranche de la méthodeeidétique ne sont faites dans les manuscritsde
1958. Nous nous risqueronsseulement,dans l'état actuel de nos recherches,à
signalerque les références à Gurwitschapparaissentsouventà l'occasion de modi-
fications apportées à son projet pour Être et Monde, et à remarquerque ce
textede Gurwitschqu'il a pu lire durant l'hiver 1958-1959(hypothèsepeu pro-
bable eu égard au rapportqu'entretientMerleau-Pontyen 1958, à la philosophie
de Husserl, mais on est tenté de déceler des traces de cette lecture dans des
notes de travail du VI dès janvier 1959)20joue un rôle dans le changement
d'orientationque l'on repèredans les travauxde Merleau-Pontyà partirde juin
1959.

15. Ibid., p. 160.


16. Ibid., p. 164.
17. Mais « ambiguïté,note-t-il,qui n'est pas due [...] à ce que la présenceimmédiate
au monde est aussi distance à moi ».
18. Dans une note de juin 1959 Merleau-Pontyécrit: « La philosophie est savoir de
la promiscuité,non du 'pur' ».
19. Cette mentionécriteau bas de la page dans une couleur différentedu reste de la
note nous laisse penser que l'auteur a pu l'ajouter à une date ultérieure.
20. Il fautrappelerque Aron Gurwitschavait participéau recueilcommémoratif à l'occa-
sion du centenairede la naissance de Husserl. Il est probable que M. P. ait lu le texte
de Gurwitsch « Sur la conscienceconceptuelle» au printemps1959 avant que le volume
Edmund Husserl 1859-1959, La Haye, Nijhoff, ne paraisse en octobre 1959.

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Dans le résuméau « plan définitif» à la « critiquede l'analyse du son chez


Gurwitsch(notes,p. 7) » ou encoreen marged'une partiesur la notionde champ
et précisémentà propos du champ visuel comme Offenheit¿/Timwelt,Merleau-
Ponty renvoieaux notes de lecturedu livrede Gurwitsch.Dans ce mêmerésumé
au plan définitifde Être et Monde, on lit : « Critiquerla notiond'anticipation:
il faut enjambementcontre méthode eidétique: elle transforme/'Offenheiten
idéalité,elle masque la transcendance,c'est-à-direla cristallisationde l'indéfini
en quelque chose ». Contre la méthodeeidétique qu'il juge positivisteMerleau-
Ponty propose la notion d'horizon : « Absurditéd'une essence des perceptions
qui lesferaitouvertes», « L'image eidétiquemasque ce dontilfaut rendrecompte:
la possibilitéde principe de « faire un pas » », et, là encore, il renvoie à ses
notes de lecturesur Gurwitsch.Merleau-Pontys'y réfèreà nouveau à propos
de la notion d'ouvertureet d'in-achèvementqu'il qualifie de caricaturéepar la
méthodeeidétique(qui la convertiten négationet en possibilité).En avril 1960,
il cite encore ses notes de travailsur Gurwitsch,et elles figurentencore dans
son programmede travail de vacances de l'été 1960 à Aix.
Que s'est-ilpassé entre le printemps,l'été 1959 et l'automne 1960 (moment
où Merleau-Pontyreprendl'écrituredu Visible et l'invisible^? Merleau-Pontya
rédigé L'œil et l'esprit. //a revu des textesanciens pour Signes et en a écrit
la préface. Il a préparé deux cours l'un consacré au commentaireet à la lecture
de Husserl21,l'autre sur le corps, la vie22.Et il a préparéplusieursconférences,
notammentcelle de Manchesterle 1ermai 1959, celle sur Bergson23,le 19 mai
1959. Les écrits, rédactionspréparatoireset brouillons, du printemps1959 à
l'automne 1960, révèlent- non pas thématiquementmais par la rencontre
d'impasses théoriques,dont d'une certainefaçon il rend compte dans Le visible
et l'invisible- son parcours de recherchequi le conduità modifierla rédaction
de son projet de livrelors de sa repriseen octobre1960. C'est dans cettepériode,
entrejuin 1959 et octobre 1960, qu'il a abandonné la première version qui
composait la suite de son livredans sa premièrephase d'écriture,« L 'êtrepré-
objectif: le monde solipsiste», du Visible et l'invisible (publiée en annexe
par Claude Lefort)24.Ce texte a été remplacé par les deux rédactions, suc-
cessivement, d'octobre et de novembre, du chapitre « Interrogation et
intuition»25.

21. Ursprungder Geometrie,Husserliana VI, p. 364-386, Nijhoff,paru dans la Revue


internationalede Philosophie, janvier 1939 et Umsturzder kopernikanischenLehre : die
Erde als Ur-Archebewegtsich nicht,Philosophical Essays in Memoryof E. Husserl, pré-
senté par M. Faber, Cambridge, Massachusetts,Harvard UniversityPress, 1940.
22. Résumés de cours, p. 171, « Nature et Logos : le corps humain».
23. « Bergson se faisant», Bulletin de la société française de philosophie, 54e année,
janvier 1960, repris dans Signes, Paris, Gallimard, 1960, p. 229.
24. V.l., p. 207.
25. Celle d'octobre abandonnée par Pauteur est éditée dans Notes de cours (1959-1961),
Gallimard, 1996, p. 355, la seconde de novembrea trouvé place dans le corps du texte
Le Visible et VInvisibleétabli par Claude Lefort en 1964, p. 142.

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Notes de lectureet commentaires 327

Nous livronsdonc ces notes (petiteliasse de feuilletsmanuscrits)telles qu'on


les trouvedans les papiers de l'auteur. Nous avons parfois modifiéla ponctua-
tion. Les chiffresen gras dans le corps du textecorrespondentà la pagination
de l'auteur. Les termesillisiblessont indiqués ainsi [?] et sont parfois précédés
du mot supposé. Les notes de Merleau-Pontysont précédées d'une lettre.Les
notes editorialessont précédées d'un chiffrearabe.
Nous exprimonsnotregratitudeà Madame Merleau-Pontyqui a autorisécette
publication.
Stéphanie Ménasé

(1) Ce que je dis différent de l'empirisme radical de James26


(cf. Mach27) qui admet que « l'expérience pure » est « neutre» entre
psychiqueet physique; pour moi, il n'est pas questionde neutralité,mais
de critiqueradicale du « psychique» et du « physique». Jamesdifférent
de Mach parce que pour lui le contextequi déterminel'appartenance
« physique» ou « psychique» n'est pas le point de vue du sujet, mais
donné lui aussi avec l'expériencepure qui ne se présentejamais dans
la neutralitéoriginale.
Le « momentfigurai» qui faitqu'un fouillisd'étoiles ou une « foule »
nous apparaît est, dit Husserl, un iSióiepov rcpoçfluaç. Je dirais : c'est
une expériencede champ : la multiplicitésans colligationn'est possible
que par le champ. Pour Gurwitsch: impossibilitéd'une philosophieintui-
tionnistequi déferaitl'idéalisation : elle est incorporée,dit-il,au vécu
lui-même.Je fonde la cohésion de formesur le champ - mais mieux
définirle champ : un systèmediacritique? un systèmed'équivalences?
Tout cela, ce sont des équivalentsintellectuelset non du vécu. Il n'y
a d'autre définitiondu champ que la descriptionde l'horizon perceptif,
du systèmevivant du « monde vertical».
Les expériencesde Ternus28sur le mouvement stroboscopique de
figure(dans ces deux présentationscertainspoints objectivementidenti-
ques ne sont pas identifiés): (Gurwitsch,p. 104) = l'identitéperceptive
n'est pas identitéd'un élément,c'est identitéd'un tout, identitépour

26. W. James, The Principies of psychology,Londres, Macmillan, 1901.


27. E. Mach, Die Analyse der Empfindungenund das Verhältnissdes Physischenzum
Psychischen,léna, G. Fischer, 1906.
28. J. Ternus, « Experimentelle
Untersuchungenüber phänomenaleIdentität», « Unter-
suchungenzur Lehre von der Gestalt», éd. par Wertheimer,PsychologischeForschung,
VII, 1926.

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regardqui balaye l'ensembleet non pour consciencede synopsis,compo-


sant à partirdes points, identitéen avant de plan de l'en soi, identité
de transcendance: l'en soi, l'identique,l'identifiable= résultatde saisie
charnelledu toutdans son unitélatérale,dans sa cohésion,et non premier
par rapportà cettecohésion. De plus : généralitéde quelque chose (géné-
ralité qui lui est essentielle,qui n'est pas second ou dérivé: on voit la
croix bouger vers la droite,on ne voit pas deux croix d'où l'on tirerait
par synthèsela croix généralecommuneaux deux visions. Le « quelque
chose » est généralnon au sens de év ini tcoXXxòv, mais d'une généralité
première,originaire,avant la multiplicité29. C'est la généralitédu Wesen
(verbal, actif),de ce qui westet agit. Comme le monde, cettegénéralité
est avant l'un et le multiple.
Les notes d'une mélodie « les unes dans les autres» (Bergson).
Husserldistinguesignifications, Sachverhalt,choses,noèmesperceptifs, etc.
Toute cette descriptionbifurquéene fait guère comprendrela vie de la
conscience. Je ne vois que des différenceslégères entre chose, noème
perceptif(chose sous tel aspect), Sinnendung,Sachverhalt,etc.30.
Langage et matricesperceptives(Gurwitsch,p. 147) par opposition à
l'algorithme- Coupure noème-chose(p. 148, p. 149-150) - Non plus
la consciencecentrifuge,mais l'être centripète(151) - Ideation, varia-
tion eidétique,p. ex. cohérencede l'eiSoç - [le] son [est]idéal pour H.,
gestaltistepour moi (p. 157-159) - L'essence charnière(p. 160-161) -
II y a un leibhaftde l'essence (p. 158).
(2) Absurde n'est pas non-sens.Le « sens » définipar H. comme unité
propositionnelle(p. 161-162) (et l'antéprédicatif?).

Gurwitsch,comme tous les analytiques-rationalistes, analyse le Gestal-


thafteen « structuresnoématiques», la chose en « renvois à d'autres
perceptions» [Où sontces renvois?Il n'y en a pas : il y a esquissecomme
découpage sur (...) commeintégréeà un champ]p. 165. La méthodeeidé-
tique est responsablede l'intellectualismede H. : c'est elle qui fait que
le perspectivisme et l'infiniouvertde la chose, qui sont le contraired'une
véritéidéale, en deviennentune. Et que le problème« commentce qui
est ouvert peut-il être-là,cristallisé?» (problème de la transcendance)
est masqué (p. 166). Le possible fondé sur le Wesen au sens d'eiôoç,

29. E. Husserl, Erfahrungund Urteil,Hambourg, Claassen et Goverts,p. 414, Expé-


rience et jugement, Paris, PUF, 1970, p. 417 (trad. fr. D. Souche-Dagues).
30. Ce paragraphe est écrit en rouge.

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Notes de lectureet commentaires 329

- au lieu de l'être sur le Wesen verbal, p. 167. La notion de Weltmö-


glichkeitsera toutle contraire.Loi eidétiqueimposantà perceptionsd'être
incomplètes, donc ouvertes.Est-cel'essencequi leurimposecela : l'essence,
i. e. le principed'identité?I. e. la possibilitéposée par définitionnomi-
nale? (p. 169) En réalitél'essence est un in-variant,i. e. elle est une char-
nièreet non une quiddité.Elle est un « quelque chose » et non un positif,
donc, même quand il s'agit de l'essence de la chose, l'essence est écart
et non possessiond'un positif.L'incomplétudede la chose n'est pas une
signification positive,inclusedans une essencepositive,- elle est incom-
plétude.P. 170 : Fonde les « perceptionspossibles» évoquées sur la cohé-
sion sensibledu processus(170) et sur la « structuretypique» des modes
de variationspossibles- Gurwitschcomprendcela comme« continuité»
(un peu comme Bergson) [mais la continuitépar fusion n'aurait jamais
lieu sans transcendance].[La synthèsede transitionchez H., fondant
le possible implicitesur le « je peux » du corps, sur la cohésion vécue,
est présentéesous le patronage de la vision eidétique, - dont elle est
le contraire.Peut-on avoir vision eidétiqued'une essence qui est essence
de flux? Y a-t-il une essence du flux si le flux est pré-intentionnel?
L'essence n'est-ellepas ici à concevoircomme expériencede ce qui lui
résiste? Restera à rendrecompte de l'avènementde l'idéal (ce que je
feraipar le langage).] Puis de nouveau (p. 172), le fondementde l'unité
est noématique: c'est le noème qui fait que VEinseitigkeitde l'esquisse
est « à la fois vécue et surmontée» (p. 173). [= Un fond positifnoéma-
tique est supposé par H. comme conditionde la conscienced'incomplé-
tude - Positivisme- Je suis contre,conscience d'incomplétuden'est
pas consciencede complétude= c'est Offenheit.Concrètement, d'ailleurs,
impossible de composer la chose ainsi : esquisses + noème (aspect de
la chose à un instantou pour un sens) + la chose même. Les esquisses
ont déjà valeur de « quelque chose », la chose reste onirique. Dans un
quale, il y a autant de réalité que dans une « chose ».]
Les « renvois» à autresperceptionspossiblescompriscomme « antici-
pations ». H. dira plus tard Vorhabe. [H. ne voit pas que le monde
sensible est mouvementgelé, cristallisé,mais conservé dans l'épaisseur
du Gestalhafte.][Un organisme,c'est du temps en conserve.] Erreur
de H. : croireque l'identitéde la chose résultede VEinstimmigkeit des
apparences(cela est réflexif).Elle n'en résultepas, elle la précède.L'unité
de la chose n'est pas construitesur des apparences : elle est impliquée
dans chaque apparence partielle,qui serait autre si elle ne faisait pas
partie de la chose (p. ex. : un son comme être temporel).
Gurwitsch: « la tâche ultimede la philosophie: ... rendrecomptedes

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330 Maurice Merleau-Ponty

objets de toute sorte, et de l'objectivitédans tous les sens possibles, en


termesde subjectivité.» (p. 137) (Non).
(3) Infinitéouvertedu processusperceptif.Gurwitschla présentecomme
inachèvementici, - et en d'autres endroitsvoit qu'il n'y a pas d'inachè-
vementsans référenceà un termequ'il conçoitalors comme noématique.
[Il faut en effetun termepour qu'il y ait ouverture,mais un termequi
ne soit pas clôture: c'est l'horizon.] [Gurwitschne voit pas que, si la
« chose » devait être préparée par ce processus où actuel et inactuel
s'échangent,il n'y aurait jamais de « chose », la zone de l'actuel, du
sensible,ne pouvantelle-mêmecristalliserque par cettemêmeconscience
de « quelque chose » figuréqu'on veut en déduire.] Gurwitschadmet
que VEinstimmigkeit est plus que non-contradiction,est « continuation»
et Übergang.Et que la Gestalt a vu cela, - l'a vu mieux que Husserl.
C'est « croissance» du système « selon sa propre tendance» (177)
= « bonne continuation» des gestaltistes,« cohérencede Forme » (177).
La Gestalt,finalement, n'auraitpas vu que dans la perceptionde la chose
même cette cohérenceest « ouverte» et non « close » (177). « Chaque
noème perceptifindividuelréalise à sa façon le systèmenoématiquetout
entier.» (178) (Contre l'idéalisme et le dualisme de Husserl) La chose
est dans chaque noème,non possiblement,mais actuellement.Les « inten-
tions vides », possibles, autour du noyau noématique, sont
« contexte»31.
31. Digression écrite par M. P. sur ce feuillet,en rouge :
[Négations?] pour § III
[Peut être dans le Monde ou l'Être (3e § de la partie positive) faire un § sur l'essence,
la signification,- comme charnièresou pivots
[En noir M. P. poursuit:]
Dans l'analysede la transcendance,montrerqu'on falsifierait en faisantd'elle une « signi-
fication» = elle est incomplétudeet non essence ou significationd'incomplétude- Cri-
tique (sans la nommer) la méthode eidétique de Husserl appliquée à la présence.
Ce que je reprocheà Husserl : son dualisme (dualisme noème-choseexistante)et son
ignorancedu miracle de la transcendancecomme cristallisation(c'est-à-direde Yidentité
« chose »-apparences).
Poser dans le IIIe § sur l'Etre ou monde intégral,le problèmede Xóyoç et son rapport
au monde perçu. La logique p. ex. la définitiondes structurespar Bourbaki et par nous
(pour nous structure= transcendance).
Il faut discuterexpressémentnon seulementla philosophiequi voudraitfaire du Etwas
une Ding, - mais encore celle qui voudraitle concevoircomme significationpure (efôoç)
- Faire cettediscussionau § III de partiepositivede Etre et Monde, en montrantqu'une
philosophie qui s'installe dans la significationne peut pas voir ce que nous disons aux
§ I et II - dans cettemême partie,montrerque les 3 paragraphes: chose, autrui,monde
intersubjectif, ne sont pas 3 phases dans ordre de constitution,et que 6(ioO fjv navra.
Montrerdans le IIIe § que c'est la même chose de retrouverle pur sensible,le monde
« amorphe» du pré-être,de l'égocentrisme,du transitivisme, de Vlneinander,de YEin-
fühlung, de la « chair », - et de s'élever au champ de l'Etre ou philosophie

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Notes de lectureet commentaires 331

(4) Les Abschattungen« s'entrelacent» (180). Husserljuxtapose 1'« acte


donnantoriginaire» et adéquat, - et « l'ouverture» dont il a été ques-
tion ci-dessus,sans direcommentils s'accordent.Ils ne peuvents'accorder
que parce que l'ouvertureest conçue négativement(in-achèvement).
« Rendrecomptede l'objet en termesde subjectivité» (182) - Refuser
l'idée d'existence« présomptive» du monde fondésur possibilitéd'explo-
sion et de biffure: une telle explosion remplacele perçu par sa vérité,
laquelleest le noyaurésistantdu monde,qui n'estpas présomptif (douteux,
inexistencepossible) qui est facticité-rationalité32.
Le monde n'est pas seulementplausible, il est certainen fait, simple-
ment un doute est pensable, il y a « possibilitéde principede Nicht-
seins » (Gurwitsch, p. 184)33 [cela est lié au positivisme de la
« conscience»]. Parce que l'existenceseulementprésomptivedes choses
tientà ce que le processusperceptifest inépuisable,ouvert [l'ouverture
conçue négativement].Le processus infini peut cependant être conçu
comme idée au sens kantien. La chose est une telle idée. [La notion
même d'idée au sens kantien,- destinée à « fermer» l'ouverturede
la chose perçue,du monde,est chez Husserl Gegenabstraktion de l'ouver-
ture conçue négativement.Les deux notions sont destinéesà être dépas-
sées dans celle d'horizon.] [L'idée kantienne,comme « subjective», est
solidairede la pensée antinomiquefinitude« objective»-infinité« objec-
tive »34. Elle la dépasse apparemment,mais non vraiment,parce que le
« subjectif» sous-entendl'objectif.]
(5) Husserl précise sa conceptionpurementnégativede l'ouverture,en
introduisantla notion d'horizon : « la non-familiarité est un mode de
la familiarité» (195). Les « renvois» sont « prise de conscience[...] de
l'horizonintérieur» (196). L'horizon intérieurest ambigu,mais ceci n'est
pas indétermination pure : « le type lui-mêmen'est pas ambigu ».
La descriptionpure : difficile: le phénoménologuealtèrele phénomène
par « le seul faitqu'il pose des questions» sur lui (198). C'est le phéno-

(= philosophie= non-philosophie)
(*). La philosophieest déjà dans la compréhension
pleine
de Gestalthafte.]
(•) Husserl décrivantYUrempfindung par variationeidétique : c'est impossible: il faut être le temps
pour le décrire,puisqu'il n'est pas intentionnaliîé.
32. Gurwitschrenvoieà Husserl, Ideen zu einerreinenPhanomenologieund phanome-
nologischenPhilosophie, La Haye, Nijhoff, 1950, Idées directricespour une phénoméno-
logie et une philosophiephénoménologiquepures, trad. fr. P. Ricœur, Paris, Gallimard,
1950, p. 86 et 287 et à Merleau-Ponty, Phénoménologiede la perception,p. 343-344 et
395 sq.
33. E. Husserl, Ideen, p. 87.
34. M. P. écrit dans les deux syntagmes« objective».

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332 Maurice Merleau-Ponty

mène qu'il faut interroger,non soi-même - Donc : Befragung= re-


percevoir.L'horizon intérieur: les possibilitésqu'il ouvre ne comportent
pas privilègeen faveurde l'une d'elle : ce qui ne veut pas dire qu'elles
aient égales vraisemblance: il ne s'agit pas de vraisemblance: ce sont
ici des possibilitéspures,sans motifs.C'est là la différenceentre« possi-
bilité ouverte» et « possibilité problématique» (Husserl) Erf. und
Urteil15 (199) [- champ]. [Un champ : on ne sait quel rivage ce sera,
mais ce sera un rivage. On passerait du champ à l'être de la métaphy-
sique en disant : il y a un être dont la seule possibilitéest la réalité,
qui est entièrement déterminédès qu'on en énonce le cadre de possibi-
lité.] [La généralitédonc est essentielleà la structurechamp]. La « possi-
bilité ouverte» n'est pas rien. Il suffitpour en être sûr de penser à ce
qu'elle exclut [Cf. mon idée de l'histoirecomme excluantcertainessolu-
tions].
Le phénomèned'horizon existepour le côté noétique comme pour le
côté noématique(i. e. le corrélatifde l'horizon, la conscienced'horizon,
est « l'entrelacement » des Erlebnisse, p. ex. de ceux qui donnent le
temps). « On saisit un sens, ou, ce qui revientau même, on appréhende
un objet. » (216) Les signesn'ont pour rôle que de transmettre une signi-
ficationdont ils ne font pas partie [c'est contraireà définitionde la
poésie] [mon idée de la présence, ou du Monde figuré = il n'y a de
ce monde-là qu'une connaissancepoétique]. Pour Husserl, dans la per-
ception,les élémentshylétiquesne sont pas des signifiants[Je renverse:
les signifiants mêmesdu langage fonctionnent comme la hyléperceptive].
Les donnéeshylétiquesentrentdans la définitionde la chose mêmeparce
qu'elle n'est qu'enchaînementsystématiquedes noèmes. Husserl semble
attribuerà la noèse interprétante (théorie dualiste) l'horizon intérieur,
les données hylétiquesrestantles mêmesdans deux perceptionsambiguës
(mannequin-homme).
Absurde de vouloir analyserun horizonen termesde noèse et noème,
consciencede ... et objet. L'horizon0 n'est pas extensionde la zone de
vision claire où se réalisentces structures: il est le milieu de ces struc-
turescristallisées,leur Worinpré-intentionnel. Les Erlebnissese séparent
les uns des autreset se séparentde leurob-jetà partirde l'horizoncomme
concrétion de leur série explicite et des « noèmes » correspondants.
L'horizon est à mon ici maintenantce qu'est ma naissance ou ma mort
à ma vie : il est l'être total où puise la différenciation et où retombe

35. E. Husserl, Erfahrungund Urteil, p. 105, trad, fr., § 21, p. 113 sq.
a. [En marge:] L'être d'horizon : l'être avant que je m'y creuse ma place, avant que
je Yécarte pour m'y voir.

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Notes de lectureet commentaires 333

la dédifférenciation - Prendre au sérieux cette idée que le monde est


autour de moi, non devant moi. L'horizon intérieurest organisé: c'est
par exemplepour un mouvementsa « configurationtotale » [il faudrait
ajouter : marquée non pas vue enveloppante et extérieure,mais par
+ + points de jonction des lignes principales,soutiens ou pivots de
l'édifice.] L'horizon intérieur,qui fait l'unité du noème perceptif,est
cohésion de forme,réciprocitéde qualification.(6) La « limitation» du
noème perceptifactuel tientà son insertiondans horizonintérieur[donc
finalementla chose fondée sur conscience d'horizon].
Il faut réinterpréterPintentionnalité(228). Unbestimmtheit bedeutet...
Bestimmbarkeit fest vorgeschriebenen Stils (Ideen, p. 80)36.Emboîtement
(comme dans une plante) des perceptionsles unes dans les autres(226)
correspondantà la cohésion de formenoématique [mais la distinction
noesis-noeman'est pas compatibleavec cettecohésion vécue]. Toute per-
ception « se dépasse » (Husserl)37.
Le « style» commesolutionau-delà de l'impliciteet de l'explicite(228).
L'explicitationdit Gurwitschne change pas l'explicité. Si - Elle fait
passer d'une chose découpée dans l'Être (worin) à une chose constituée
par matière+ Auffassung,etc. Il fautréformerla notionmême de style
comme parole de l'être, et non constructionhumaine. Horizon = pos-
sibilité(228). Horizon et je peux (qui est [supérieurau]38 pouvoir de
fait)(229).
La réflexiondans le souvenir= une de ces possibilités« chaque appa-
rence particulièreréalise en son lieu le systèmetout entier» (230). Pour
constituerla chose même, il faut plus que VIneinander et la cohésion
de formedes Abschattungen: il faut de plus que les perceptionspar
lesquellesla chose se présentesoientconfigurations l'une de l'autre, rem-
plissementl'une de l'autre. Et, comme jamais le remplissementn'est
complet,c'est sur le remplissement accompli, effectifque repose toute
notrecertitudede la chose et de l'être, i. e. sur « la contingence» (232).
Problème de la substantiate perceptive.
39Husserl,« Per-ception» est « ex-ception» (Husserl, Ideen, p. 6240;
Erfahrungund Urteil § 24 et 74) traductionRicœur.

36. Idées, trad., p. 140 : « Par indétermination


il faut [...] entendrenécessairementla
possibilité de déterminerun style impérieusementtracé ».
37. Méditations cartésiennes,p. 40, E. u. U., p. 27 et 30-31.
38. M. P. note « > ».
39. Phrase écrite en rouge.
40. Trad. fr. p. 112.

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334 Maurice Merleau-Ponty

Le passage du présentau passé immédiatretenuconditionnepassage


d'un élément,de la position de thème,à celle d'élémentdu champ thé-
matique,- qui ajoute au Ie la cohésion des contenusmatériels,la conti-
nuité du contexte, un rapport de « relevance» - La temporalité
phénoménaleest condition nécessaireet non-suffisante de tout acte de
conscience.Ceci n'est pas contradictoireavec le fait que l'identitéd'une
phrase musicaleou d'un théorèmegéométrique(renvoyantà un contexte
musical ou à un systèmegéométrique)ne consiste nullementdans une
remémorationdes actes, que le contexten'est pas un phénomènetem-
porel : c'est un phénomènenoématique. Pas de contradictioncar, condi-
tion nécessaire,la temporalitén'est pas conditionsuffisantede l'acte de
conscienceoù apparaît le noème. La temporalitéd'un acte qui dure ne
faitpas l'unité de l'acte : elle vienttoute entièredu noème. La tempora-
lité des actes de conscienceet l'atemporalitédes noèmes et des contextes
sont corrélativeset non contradictoires.
Corrélatives?C'est notion relativiste: pas de noème sans temporalité
phénoménaleet réciproquement.Seulementcette analyse eidétique des
corrélationsreste profondémentinintelligible : car il y a noématisation
du flux dans la réflexionet il y a noèmes fluents(Zeit). Et l'expérience
des êtres temporels(sons), c'est l'expérienced'un temps qui n'est pas
mien,mais sien,primairement (7) sien,constitutifde l'unitédu « noème »
et indistinctd'elle, et réciproquementdans le son ma temporalitése sedi-
mente,je suis le son, cela est constitutif de l'entendre,de la sensorialité.
Avant la « corrélation» dévoilée par la conscienceeidétique,il y a donc
une inhérencequi la fonde, et qui est l'appartenancedes deux séries à
l'Être.
Cogito :
Note de musique" - Le im Griffehaben41émane de l'Ego (?)42 et il
en émane dans le maintenant.Pourtant,il n'est pas dirigésur ce Mainte-
nant, mais, à traverslui, sur la note tout entière,retenueet protenue,
les zones de pro- et de ré-tentionprésententune modification: noch im
Griffebehalten.Le corrélatifde ce im Griffehaben completest le thème
unique, la note. « Identitédu noème » (278). Par suite de cetteidentité,
le im Griffehaben avec ses protentionset rétentionsa l'unité d'un acte.
C'est à cet acte tout entierqu'appartientla formeCogito. Le im Griffe
behalten43est absolument distinctde la simple rétention: celle-ci ne

a. Cf. Erfahrungund Urteil, § 23a.


41. « Avoir sous son emprise».
42. Le point d'interrogationest de M. P.
43. « Maintenirsous son empnse ».

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Notes de lectureet commentaires 335

maintiendraitce qui vient de passer qu'une conscience marginale,sans


aucune activitéde l'Ego. Le tempsphénoménals'écoule selon lois rigides
indépendantesde l'Ego (le présentpasse au retenu,le retenuau retenu
de retenu,le retenude retenuau retenude retenude retenu,et pendant
ce temps l'avenir au présent). [Mais d'où vient cet eiSoç du temps?
Commentest-ilpossible? D'où savons-nousqu'il doit en être ainsi? Et
puisque ce flux phénoménalest selbsterscheinung, commentjuxtaposer
la consciencedu tempset la conscienceégologique? Ici la méthodeeidé-
tique se révèleun obstacle à la constitution,laquelle exige la connexion
des « couches ».] Pour Husserl, la zone de l'Ego est la zone thématique,
et la zone marginaleest sans Ego.
Pour Gurwitschon ne peut soutenirque l'Ego puisse,à lui seul, diriger
le im Griffebehalten,sans aucune aide venant de contenus matériels,
ce n'est pas l'Ego qui produitl'articulation.Champ thématique- zone
marginale,qui produitces deux dimensions.Gurwitschadmet thèse de
Sartresur conceptionnon Égologique de la conscienceet faitdu im Griffe
behalten et du im Griffehaben non pas des actes de l'Ego, mais les
corrélatsnoétiquesdu « thème» et du « champ thématique». Par contre
Gurwitschd'accord avec Husserl pour composer la zone marginalede
pure temporalitéphénoménale.
Cohérencede formeentreélémentsdu thème; unitéde contexte(unité
par « relevance») entre ceux-ci et le champ thématiqueou entre élé-
ments du champ thématique*.Conjonction purementtemporelleentre
le champ thématique(avec son thème)et la marge : simultanéitéou suc-
cessiondes actes. Idée que le thèmeest relativement indépendantdu champ
thématique,le théorèmede Pythagorede sa « position» comme conclu-
sion ou comme principeà l'égard d'autres propositions.[Le thème est
conçu comme une essence. En réalité,il n'y a pas de définitionqui soit
première.Elles sont toutes équivalentes.]
Gurwitschconsidère la structurefigureet fond comme « spécialisa-
tion » de « notions plus générales» de thème et de champ théma-
tique (283). [Ne voit pas que, en réalité,c'est l'inverse: qu'on ne peut
comprendrele contexteintellectuel,la limitationde la visée intellectuelle,
que par le phénomènede champ comme englobantthèmeet champ thé-
matique, par le phénomène de champ comme systèmesymbolique et
rapportà l'Être. Il ne voit pas du tout qu'il ne suffitpas de caractériser
le champ thématiquecomme implicitepour faire avancer d'un pas le
problème: implicitene veut riendire ou veut dire sédimentation,c'est-à-

b. [En marge :] Connexions noématiques.

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336 Maurice Merleau-Ponty

dire expression.]Gurwitschprétendque la figureest transférablecomme


une propositionpeut apparaîtredans contextesdifférents. [Absurde: c'est
le fond (comme niveau) qui rend possible la transposition.Le thèmen'a
pas de sens sans cetteorganisationde champ.] Gurwitschattribueà l'unité
par cohérencede formela solidité du thème et en fait la conditionde
l'unité par « relevance» (284). Le champ thématiquedonne un indice
de position au thème par perspectiveet orientation(287). Le thème
= noyau noématique central; le champ thématique (qui donne la
« lumière», « l'orientation», « l'indice de position») = caractèrenoé-
matique. [Oui, la proposition,le théorèmede Pythagoresontunifiésautre-
ment et plus que le Etwas perceptif.Mais non la pensée inventive,où
le Etwas est toujours transcendant.Gurwitschne voit pas que l'existence
même d'un champ eidétique,de pensée, impliqueusage de la sédimenta-
tion, pose problèmedu fondementde l'identificationet de l'emploi qu'il
fait des structuresspatio-temporellescomme analogie permanente.]
Gurwitschapplique à la penséeentrevoyant les conséquencesd'une pro-
positionla conscience« d'être librede faireun pas en avant ». Il analyse
cette conscience,noétiquement,comme celle d'une référencedu retenu
et du protenuau présentcomme leur mode originaire,comme celle d'une
propriétéde principequi fait de tout acte ou un cogito actuel, ou un
cogito possible, ou un thème actuel ou un thème possible. [Gurwitsch
ne se rend pas compte que « faireun pas », tout comme dans l'espace,
suppose dans la pensée toute une analyse : ce n'est pas un acte efficace
de liberténue, c'est un emploi du systèmed'équivalences linguistiques
sans lequel non seulement l'effectuation,mais même l'initiative du
« penser» ne se comprennentpas (comme l'initiationmotrice): il ne
s'agit pas d'abord d'identifier,il s'agit de déployerl'espace des consé-
quences. De plus : le mode originaireest-ille présent,et le présentcomme
thèmeou noème? N'y a-t-ilpas aussi une originaritédu retenucomme
retenu qui est irréductible?]
Sollicitationde l'Ego par les données, avec plus ou moins de force.
[Cette idée même, et celle du bruitqui empêche de penser,suppose un
champoù perceptionet penséesonten rivalité,une étroitessede la pensée.]
L'horizon,pour H. c'est simplement du présentpossible,des thèmespoten-
tiels [mais ceci manque l'essentiel: l'analyse de la réalitéde ce possible,
- de la sédimentation](292), le contour, possible cristallisé.
Le champest un « invariantformel» universel(299). (Pourquoi? Simple
fait? ou essence?) [D'ailleurs, si le champ est cela, cette descriptiondu
noème a contrecoupsur celle de la « conscience».] Le champ théma-
tique a des régions« lointaines». [Que peut vouloirdire une pensée loin-

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Notes de lectureet commentaires 337

taine?] (299) Le contextese continueindéfiniment, par exempleune pro-


position arithmétiquerenvoie au systèmeentierdes nombres. C'est là
ce qui fait une Einstellung(montage). Cet ensembleauquel (8) renvoie
un contexteest un « ordre d'existence» (301).
Le tempsobjectifest le principede « relevance» constitutif de la réalité
en général(302). « Le temps objectif a, comme le temps phénoménal,
une structured'horizon » (305). [Que peut être un horizon objectif?]
(Husserl,Erfahrung,§ 38). Nous pouvons« en principe» rouvrirles réten-
tions enchaînéeset rejoindrepar une suite continue un passé et notre
présent« si vide et obscur que puisse apparaîtrede primeabord l'inter-
valle temporel(...), nous en venons à enchaînertout segmentde notre
passé avec tout autre segment,et aussi avec le présenteffectif» (305).
Grâce à « la possibilitéde cette concaténation» il y a une histoirede
ma vie. [Que signifieen principe? De quelle possibilités'agit-il? C'est
dire trop et trop peu; trop : jamais cette continuitén'est réalisable, et
ce n'est pas là seulementimpossibilitéde fait,c'est impossibilitéde droit,
le présentlui-mêmeest lacunaire,transcendant;trop peu : la possibilité
en question est fondée sur structure,charnièreset montage de ma vie.
Les horizons(et le perspectivisme) ne sont pas des troupeauxde possibles
individuels.Le tempsest un systèmeopérant,et non une source de Zeit-
punkte à la fois invividuelset purs noèmes - Défaut de l'analyse eidé-
tique.]
GurwitschPintersubjectivité de mémoire: quelqu'un racontantsa vie,
le tempsobjectifoù la mienneest déjà inséréereçoitcettehistoire,s'élargit
et l'espace de notrevie en conséquences'élargitpour contenirles Umwelten
d'autrui même s'ils se placent dans « lieux » que nous n'avons jamais
vus. Pour Husserl, il n'y a relationspatiale entreobjets que s'ils coexis-
tentdans [le] tempsobjectif(Husserl,Erfahrungund Urteil,p. 182-183).
Ainsi par Pobjectivationdu temps on a un seul « ordre d'existence»
spatio-temporelle : le Lebenswelt(306). [1) L'espace objectifest-ildérivé
du tempsobjectif? Peut-ily avoir temporalitésans spatialité?Rétention
sans une Urstiftung de quelque chose qui est spatiale? 2) Y a-t-il lieu
de constituerle Lebensweltcomme produitde couches antérieures(temps
subjectif-temps objectif-espaceobjectif- Lebenswelt)! Ou bien l'analyse
et la réflexionne sont-ellesque moyen d'écarter (le temps subjectif,le
tempsobjectif,etc. tour à tour) pour voir commenttout cela tient?Dans
ce cas le Lebensweltn'est pas constitué.Pas de rapportsde prioritéeidé-
tique - reflexive entre les couches, ou entre le « subjectif» et
r« objectif» : il y a rayonnementde tout à la fois dans la Présence.]
Le tempsobjectif = die ersteund Grundform,die Form aller Formen,

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338 Maurice Merleau-Ponty

la présuppositionde toutes les relationsunifiantes= toutes les Erschei-


nungensont Zeit gebende, und zwar so, daß alle gegebenenZeiten sich
in eine Zeit einfügen(307)44. (Erfahrungund Urteil, p. 191) [= Sont
découpées sur un temps.] H. déclare que le temps objectifest die Form
jeder möglichen Welt objektiverErfahrung(ibid.)45. Qu'en sait-il? Ce
n'est pas parce que l'intuitioneidétique le donne comme invariancedu
monde et de l'expérienceque nous pouvons, au nom des essences, uni-
versaliser.Ceci serait simple définitionde nom : j'appelle monde un
ensemble structuréselon le temps. Si l'on veut plus que définitionde
nom et Wortbedeutung, il faut que l'on ajoute, c'est l'essentiel: « or,
le monde de fait dont (9) je formuleles invariantsest aussi modèle de
l'Être parce que tout être ne m'est accessible que par mon Erfahrung
et qu'il est opérant dans mon contact d'expérienceavec lui ». Or ceci,
le monde comme Être, l'expérienceet YIm der WeltSein comme fonde-
mentde l'idéalisation« monde », c'est le Lebenswelt,qui donc n'est pas
constitué,qui est la source de Yeidos monde. La question : la phénomé-
nologie comporte-t-elle le renversement de ce qui est premierpour nous
(Lebenswelt) à ce qui est premier en soi (dans les essences, à savoir :
la constitutiondu sens « monde »)? Ce serait la négation même de la
phénoménologie.Il n'y a pas de sens à constituerle Lebenswelt: c'est
le détruire.
Ordres d'existencesautonomes :
Par exemple, l'imaginaireet le réel : « les produitsde l'imagination
sont exclus de la réalité»^ (A. Gurwitsch,p. 307) : ils font « quasi-
monde » et « quasi-temps» [d'abord, pourquoi cette imitationdu réel
par l'imaginaires'il est autonome? Ensuite : les bords du réel et de l'oni-
rique sont-ilsnets, ou sont-ils« en haillons »?a Le temps de l'histoire
et du mytheest-il« réel » ou « imaginaire»? Le tempsd'autrui?]. Pour
Gurwitschles eïôr| étant obtenuespar variationlibre et imaginaire,sont
exclues de la réalité, elles formentdes systèmesindépendantsd'elle et
les unes des autres: « systèmedes couleurs,celui de sons musicaux, [...]
des nombres,[...] des multiplicitésmathématiques» (310) : ce sont des
« mondes » autonomes,qui à la différencedes imaginaires,sont « atem-
porels » - problèmesde l'idéation. [Le « systèmedes sons » avec ses
dimensionsfixes (comme le systèmede la grammaireuniverselledont

44. Trad. p. 196 : Les apparitions sont « donatricesdu temps, et cela de telle façon
que tous les temps donnés se composent en un temps unique. »
45. Trad. p. 1% : « La forme de tout monde possible d'expérienceobjective. »
46. E. u. t/., § 39-40.
a. [En marge:] Généraliserle « en haillons ».

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Notes de lectureet commentaires 339

Husserl parle dans les LU41) est en réalité produit culturel (preuve :
généralisationde la musique - Musique non occidentale - II n'y a
pas d'autonomie et d'atemporalitédes eïôîi - II y a une autre tempora-
lité. Ce que la philosophiedoit retrouver,
ce n'est pas un systèmeeidético-
réflexif,c'est le berceau de tout système: le son amorphe, contenant
toutes les possibilitésde Bildung, l'éternitéexistentielle,le wesen actif,
non pas commeun destinou une limiteà nos initiatives, mais au contraire
comme Yens realissimum,le son à' Offenheit,recueillanten lui Y Unend-
lichkeitde l'être cartésien.]
L'existence dit Gurwitschne se confond pas avec les relations de
contextequi ne sont pas le noème, mais seulementles « caractèresnoé-
matiques» [corrélationentre essentialismedu noème et conception de
l'existantcomme individuabsolu. L'être n'est pas un prédicat: Kant].
Néanmoins: Existenz eines Realen hat... nie und nimmereinen anderen
Sinn als Inexistenz,als Sein im Universum,im offenenHorizont der
^
Raum-zeitlichkeitb (323) « Le phénomènedu monde n'est [...] qu'une
extensionde la structure thème-champ thématiquesous la formeque cette
structurerevêt dans la perception» (Gurwitsch,p. 324)c [Oui et non.
Certainement non, si le champ thématiqueet le thèmesontconçus comme
des noèmes,l'implicitecomme de l'actuel en comprimé,les ordresd'exis-
tencecomme systèmeseidétiques.Mais chez Husserl, il y a Ylneinander,
YEinfiihlunggénéralisée,le psychiquecomme « autre côté » du corps.]
Gurwitschcite Goldstein49et son idée de l'existencebiologique comme
n'appartenantpas à tout ce qu'on peut produireou constaterdans le
corps, - à titred'exemple des ordres d'existencesautonomes, des sys-
tèmes eidétiques et noématiques clos. C'est une mauvaise (10) manière
de le comprendre: Goldsteinau contrairedonne ici exemple de ce que
peut êtrele Quersein,l'être transversalde la totalité,son être-spectacle,
sa transcendance,son être de pivot ou Zwischensein,non frontal,non
de figure,mais de champ (325). [La critiquede l'organismepar Ruyer50

47. E. Husserl, Logische Untersuchungen (1900-1901), B. II, Hambourg, Verlag, ori-


ginal, La Haye, Nijhoff,Rechercheslogiques, trad. fr. H. Elie, A. L. Kelkel et R. Schérer,
Paris, PUF, 1969.
b. [En maree :] Worin.
48. E. u U., p. 29, trad. fr. E. Escoubas, p. 39 : « L'existence d'un étant réel n'a [...]
d'autre significationque celle de Pin-existence,de l'être au sein de l'univers,dans l'horizon
ouvert de la spatio-temporalité [...] ».
c. [En marge:] La méthode eidétique pose le problème de l'idéation, lequel ne peut
être définitivement résolu que par théorie du langage (le dire à la fin de mon chapitre
Être et Monde).
49. K. Goldstein, Der Aufbau des Organismus,La Haye, 1934, p. 244-245.
50. Cf. R. Ruyer, Néo-flnalisme,Paris, PUF, 1952. Cet ouvrage comme celui de Gur-
witsch comprend des référencesà la philosophie de Merleau-Ponty.

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340 Maurice Merleau-Ponty

est méconnaissancede cet inter-être, être d'intermonde,êtrede Penvers.


L'accès à ce qui en ce sens appartientau Sein des Organismus(p. 326,
citédans Goldsteinp. 244), c'est aussi l'accès à la méthodedes « modèles»
des « symboles» (Gurwitsch,p. 326), que Gurwitscha seulementle tort
de confondreavec l'ordre des eïôv. La méthode des modèles ou des
symbolesexpliciteune Relevanz [les modèlessontles configurations fixées,
mais non pas « tuées » : le modèle sert à noter les écarts et n'est pas
inductionpositive- Cf. la théoriephysique]. [Le stupide opérationna-
lismefermele modèlesur lui-même.Comprendrela sciencecommepensée
par écart, pensée négative]. Réfléchir sur la Relevanz, la « perti-
nence» = non appartenanceà l'eiôoç mais appartenanceà un style,impli-
cation dans un tourbillon,référenceà un « niveau ».
Absurditéde la méthode eidétique-thématique-réflexive : un réel est
lié à l'espace-temps,une proposition,non [il y a un contenulatentdes
propositions,- où il ne faut pas projetertout ce que l'esprit absolu
en penserait,- mais qui la situe tout de même dans l'histoire de la
culture].Tenircomptecependantde la métahistoricité qu'introduitla sédi-
mentation.Gurwitsch: malgréla diversitédes ontologies,il y a tout de
même « unité par analogie » entre elles, cf. Aristote (Tricot, Aristote
Métaphysique,104851). Pour Aristotele principed'analogie est la subs-
tance, et tous les autres sens d'être sont dérivés: essence et accident,
véritéet fausseté,en puissance et en entelechie.Ceci, Gurwitschne le
soutientpas, mais il y a pour lui un problèmede (öv f| öv); de même,
il fautdistinguerle faitorganiqueet l'idée de l'organisme,l'existantintra-
mondainou étantet le monde. [La] Physique dans le vivantest à l'étant
ce que l'organismeest à l'être. Les prédicationsconcernantles dénomi-
nateurssont des Existenzialprädikationen (Husserl,Erfahrungund Urteil,
§ 74) par oppositionaux Wirklichkeitsprädikationen. Et ce genrede pré-
dications intervientnon seulementdans le monde « réel », mais aussi
dans le quasimonde imaginaire.A l'intérieurd'une fiction,d'une pièce
nouvelle, il y a des anticipationsdéçues, « biffées»fl. Dans le réel, le
bifféne devientpas imaginaire,mais autre réel possible donc existence
sur inexistence[est différent] de réalitésur fiction.[Et l'imaginairen'est
pas dans rapportsimple avec le « réel ».] Quand nous avons à faire à
[des] objets réels, nous ne les confrontons pas avec le concept de réalité
(Husserl, Erfarhung und Urteil, § 74a). De même quand nous vivons
dans l'imaginaire,les objets imaginairesne sont pas donnés comme tels.

10486,6 sq.
51. Métaphysique,
a. [En marge :] L'Être par delà la distinctionimaginaire-réel.

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Notes de lectureet commentaires 341

Imaginaireet réel ne sont phénoménalement présentsque par va et vient.


Sans cela, les indicesexistentielsdu réel et de l'imaginairerestent« impli-
cites », « muets» (330). [D'où]52 ontologiegénéraliséeoù réel et imagi-
naire sont deux provinces,et non dans le rapportdu positifau négatif,
de ce qui est et de ce qui est « seulementpensé » - (11) Ontologie du
Vorsein.Dans cette ontologie,c'est la « pièce » qui nous renseignesur
le « monde » et pas nécessairement le « monde » sur la « pièce » comme
sa « copie ». Comme la pièce, le « monde », c'est de l'invisiblesur por-
tants visibles. Simplement,dans le monde, la significationdescend tout
à fait dans le visible,il y a un principed'incarnation(les significations
susceptiblesd'incarnationsont en nombreillimité)et l'incarnationparaît
totale. La pièce par contremet à nu les existentiaux(que le monde, par
principe, tend à ignorer) et que le « négatif» fait encore partie du
« monde » - A ce titreelle nous montre,dans la transparencedu quasi,
la structuremêmedu monde. Et la philosophieest reconquêtedu monde
comme onirisme. La puissance de s' « irréaliser» dans l'imaginaire
suppose au moins qu'on peut vivre dans le symbolique (qui n'est pas
le non-être).Ne pas parlerd'une ambivalencedu réel et de l'imaginaire:
comprendre(ambiguïtévraie) qu'ils sonttous deux dans une seule étoffe:
l'étoffe du Vorsein, de l'être muet, syncrétique,égocentrique,préré-
flexif.
Gurwitsch: la temporalitévécue est « inarticulée» [mais pour lui cela
veut dire : référenceà la consciencethétiquecanonique, - et non pas
impossibilitéd'une synthèsedu temps]. Il y a d'autres sphèresinarticu-
lées : le corps [que Gurwitschdécritcomme consciencedu corps, sans
prévenirqu'il ne s'agit pas d'une consciencede faits,mais d'une conscience
généralepar écart].De là, Gurwitschconstituel'aperceptionde moi-même
comme existantdans le monde. Notre conscience de monde est entre-
lacée avec celle du corps, qui, lui, est dans le monde et qui attise
dans le temps objectif et l'espace objectif les actes de conscience, les
y intègre. La nature de la conscience « n'est nullementaffectée par
cetteparticipation» « Bewußtsein,in 'Reinheit' betrachtet,(hat) als ein
für sich geschlossenerSeinzusammenhangzu gelten... als ein Zusammen-
hang absoluten Seins, in den nichtshineindringen, und aus dem nichts
entschlüpfen kann » (Husserl, Ideen, § 49, p. 93) 53. [Cette auto-

52. M.P. note « - ».


53. Trad, fr., p. 163 : « la conscienceconsidéréedans sa *pureté' doit être tenue pour
un systèmed'être fermésur soi, pour un systèmed'être absolu dans lequel rien ne peut
pénétreret duquel rien ne peut échapper».

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342 Maurice Merleau-Ponty

position, insertiondans le temps objectif par aperceptionobjectivante,


cette subsomption de la conscience (constituante) sous elle-même,
cetteobjectivationpar elle absolumentincompréhensible. Il s'agit plutôt,
comme dans Ideen II, d'une coexistenceindivise du tout, d'une inhé-
rence à l'être.]

Maurice Merleau-Ponty

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