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BARBERI (J.-F.), “Morale et droit des sociétés”, Les Petites Affiches, n° 68, 7 juin 1995, p. 13-18. Cet article
reprenait l’ntervention de l’auteur lors du colloque “Morale et droit des affaires” à Toulouse, le 12 mai 1995.
Même si le mot, d’étymologie grecque, est plus ancien, en fait, son utilisation dans le registre
qui nous intéresse aujourd’hui est plus récente que la morale. Jean-François Barbiéri, dans son
article précité, n’y voit du reste, pour le commun des mortels, qu’un « apport d’un peu
d’ésotérisme ».
L’éthique exprimerait les pratiques et coutumes, fruits de l’histoire et de la culture d’une
société humaine. En tout cas, l’éthique serait moins noble et, si elle utilise les mêmes
fondements du bien et du mal, elle correspondrait à une appréciation de ces deux concepts
dans des conditions données. Autrement dit, l’éthique ne serait alors qu’une version modeste,
restreinte ou relative de la morale. Elle ne serait que l’application de certains principes
moraux en un temps et dans des circonstances données.
Dans un article paru dans Le Nouvel Économiste2 consacré à l’éthique Alain Etchégoyen
exprimait son inquiétude face à la multiplication d’affiches, de déclarations, de chartes, de
codes ou autres supports à usage public concernant l’éthique « Avec la mode éthique, le
traitement des questions morales s’est, pour la plupart du temps, borné à des opérations de
communication » 3
Un colloque, précisément intitulé “Éthique et responsabilité dans votre entreprise”, n’eut pas
trop de deux journées pour déployer ces thèmes majeurs et alla même jusqu’à accrocher le
“chaland” par cette invite des plus markétique : « Sachez rédiger votre Charte d’Éthique
grâce à notre atelier ». Trois heures y suffirent... On croit rêver !
3- LA DÉONTOLOGIE...
Elle serait, quant à elle, la traduction éminemment professionnelle et corporatiste, dans le
cadre des activités d’entreprises, de règles codifiées et de sanctions disciplinaires.
Des observateurs y voient du reste le retour d’un fort courant corporatiste en France. Ces
codes de déontologie visent en effet la considération des professions qui s’en dotent ou s’en
sont dotées. La confraternité oblige à serrer les rangs devant de possibles adversaires ou
concurrents. Ces codes-là traduisent un certain retour du corporatisme auquel on assiste.
Des éditeurs se sont penchés sur les questions d’éthique et de droit. Leurs réflexions
rejoignaient celles directement attachées au monde de l’entreprise. Deux siècles après
l’interdiction des corporations, la déontologie professionnelle est une composante de l’éthique
et du droit. L’éthique est devenue une exigence sociale contemporaine. Traduit-elle une crise
des valeurs ? Les organisations professionnelles sont-elles devenues l’indispensable relais du
juge et du législateur ? La déontologie professionnelle apporte-t-elle un supplément d’âme, un
complément d’ordre, un rattrapage démocratique ? Sert-elle d’alibi à l’autoprotection
corporatiste et conforte-t-elle le désir d’échapper à la loi ?
Des trois concepts très rapidement analysés, c’est la déontologie qui serait aujourd’hui la plus
encline à devenir un effet de mode au regard de la période récente. De la sorte, on peut se
poser la question de savoir quels seront les lendemains de ces différents codes de déontologie
2
Le Nouvel Économiste, n° 963, 16 septembre 1994. L’enquête portait sur “Dix propositions pour réhabiliter
l’éthique dans l’entreprise”
3
Lire dans le même sens, COMBE (Pierre) et DESCHAMPS (Philippe) Éthique en toc, le management des valeurs
en entreprise, Les Presses du management, dont le bandeau annonçait « La morale, une idée neuve... ». Un des
analystes de ce livre ouvrait son commentaire par les mots : « Quand la morale se dégrade dans les faits, elle
fleurit dans les colloques » M.C., L’Expansion, 30 mai au 12 juin 1996, n° 526, p. 127
et autres chartes d’entreprise, ou de secteurs professionnels, plus ou moins récemment conçus
et sur la longévité desquels on pourra réfléchir.
Le secteur de la communication s’est intéressé à l’éthique et à la déontologie, que ce soit au
plan professionnel, ou que ce soit au niveau des entreprises elles-mêmes. C’est ce que nous
allons aborder maintenant dans une seconde partie en nous intéressant à la déontologie des
directeurs de communication, telle que conçue par l’association “Entreprises & Médias”, et à
la charte d’éthique d’une entreprise significative du secteur de la communication qui
appartient justement à Entreprises & Médias et, pour terminer, au code de déontologie d’une
profession du secteur de la communication, celle de l’affichage publicitaire.
Nous pourrons aussi nous interroger sur le rôle et l’influence du Bureau de vérification de la
publicité dans le domaine de la publicité et, plus généralement, de la communication.
II. – TROIS EXEMPLES D’ADAPTATION DE L’ÉTHIQUE ET DE LA DÉONTOLOGIE AU MONDE DE LA
COMMUNICATION
1. Les origines
Dans la compétition où s’affrontent les entreprises, leur image est devenue un atout
indispensable. Pour gérer les facteurs de plus en plus complexes qui composent cette image,
et pour établir des relations de confiance avec l’ensemble de ses publics, l’entreprise a
maintenant recours à des spécialistes de la communication. La communication d’une
entreprise ou d’une institution est une fonction dont la reconnaissance stratégique est récente.
C’est ainsi qu’est née la nécessité de formuler et de proposer à la profession les éléments
fondamentaux d’une déontologie dont la nécessité s’impose aujourd’hui à tous.
La fonction de la communication en entreprise est aujourd’hui un métier nouveau qui a pour
mission d’informer sur les orientations et les décisions de l’entreprise, de les expliquer et de
les faire comprendre. Les entreprises ont donc été conduites à élaborer de véritables stratégies
destinées à exploiter leur capital image pour accompagner leur développement économique.
Elles ont dû adapter leur politique de recrutement, la motivation de leurs collaborateurs, leurs
relations avec les consommateurs, les leaders d’opinion et, plus généralement, les médias.
L’exposé des motifs qui conduit à la rédaction du code de déontologie des directeurs de
communication passe par l’affirmation selon laquelle le capital image de l’entreprise est un
actif à part entière, somme de multiples composantes, et domaine privilégié de l’expression du
directeur de la communication qui intègre tous les modes de communication avec l’ensemble
des publics de l’entreprise, internes et externes.
Le directeur de la communication conçoit, élabore et propose la stratégie de communication
entre tous ceux qui contribuent à façonner l’image de l’entreprise.
Notre comportement quotidien doit être empreint d’une vigilance stricte, d’une discrétion
parfaite et d’une intégrité sans faille ».
C’est un code d’éthique du quotidien qui s’inspire de quatre principes de base destinés à
guider et à circonscrire l’activité professionnelle du groupe : la rigueur, la transparence, la
confidentialité et l’intérêt de l’entreprise. Dans la présentation du code, il est encore précisé
qu’il s’agit d’un regroupement en un seul document des différents principes et règles qui
existaient déjà dans les différentes composantes du groupe.
La rigueur est celle du respect des délégations et limitations de pouvoirs, sans
dépassement de prérogatives.
La transparence s’entend du respect des règles en vigueur dans la société et en parfait
accord avec sa hiérarchie. La confidentialité exige une parfaite séparation entre la vie
professionnelle et la vie personnelle, dans le respect d’une vigilance extrême dans la
circulation et la diffusion de l’information.
L’intérêt du groupe doit toujours prévaloir sur celui des tiers et des personnes concernés.
Pour rester dans les limites du présent article, on se bornera à commenter celles de ses
dispositions qui relèvent de la communication car bon nombre d’autres dispositions du code
d’éthique du groupe concernent des secteurs particulièrement sensibles. On imagine aisément
que l’éthique qui est exigée de cadres du secteur de l’armement ou de la commercialisation de
missiles est très spécifique et très éloignée, par exemple, de l’éthique des secteurs de la presse
et de la communication ou de l’audiovisuel.
Les dispositions relatives à la communication sont pour l’essentiel contenues dans le chapitre
“Confidentialité des informations” et concernent non seulement l’utilisation mais encore la
divulgation d’informations confidentielles concernant le groupe ou toute société du groupe.
L’une et l’autre sont généralement contraires à l’éthique et peuvent même être, dans certains
cas, contraires à la loi.
La circulation de l’information est en principe limitée aux seules personnes qui sont habilitées
par leurs fonctions à les connaître. Et encore, même dans ce cadre limitatif, la circulation de
l’information est limitée aux seuls responsables autorisés.
Lorsque des informations peuvent et doivent être diffusées à l’extérieur sur le groupe, en
particulier des informations financières susceptibles d’affecter le marché des titres cotés du
groupe, un certain nombre de règles sont à observer, notamment la règle générique suivante :
À la différence de nombreux codes d’éthique d’entreprise, trop récents pour n'être pas le
résultat d’une mode, ou trop récents parce qu’ils répondaient à des événements qui avaient
défrayé la chronique, celui ci-dessus analysé est très particulier en raison de la diversité des
métiers exercés dans ce groupe, allant de l’armement à l’audiovisuel, et qui emploie des
dizaines de milliers de collaborateurs.
Il ne doit pas sa naissance à tel ou tel événement qui aurait rendu sa conception salutaire ou
nécessaire. Encore une fois, il n’est que le regroupement de différents principes et règles qui,
historiquement, existaient déjà dans chaque entité du groupe, à la différence d’autres et très
récents codes d’éthique nés de la crise ou de la survenance d’événements politico-judiciaires.
À l’inverse de codes beaucoup plus récents, celui-ci n’a pas de prétentions morales et
éthiques. Il ne se veut que le reflet de pratiques loyales. S’il devait être conçu aujourd’hui,
peut-être franchirait-il le pas en se piquant d’éthique et de déontologie... Ce ne fut pas
nécessaire. En tout cas, ce n’est pas à l’ordre du jour.
Il ne s’intéresse pas au contenu des messages affichés, d’autres textes légaux et
réglementaires s’en chargeant d’abondance (code du commerce, code pénal, code de la
consommation, jurisprudence illimitée...).
Son seul but est de ne viser que le comportement des afficheurs au moment, simplement, où
ils louent ou vont louer (1) un ou des emplacement (s) d’affichage publicitaire. Une fois ces
emplacements loués, ce code de pratiques loyales s’applique aussi à l’exploitation technique
de l’emplacement (2).
Cette disposition prévoit que l’afficheur intéressé s’adresse à l’afficheur déjà en place et lui
demande la portée et l’étendue de son titre plutôt que de questionner le propriétaire dans des
conditions imprécises et susceptibles de créer des litiges. Les exemples de litiges entre
afficheurs sont, en effet, nombreux dans ce domaine.
En dehors de ces deux règles, qui constituent l’essentiel du code de pratiques loyales des
afficheurs, le code ne contient qu’un contrat type de location, ainsi que les règles de solution
des litiges entre afficheurs.
Au-delà de ces trois codes d’éthique, l’un s’appliquant à une profession (les directeurs de
communication), le second à un groupe (Lagardère Groupe), le troisième à une corporation
(celle des afficheurs), il convient de signaler et de rappeler le rôle du Bureau de vérification
de la publicité qui entend, par une démarche autodisciplinaire et interprofessionnelle,
promouvoir une expression publicitaire, saine, loyale et véridique. Il diffuse, à cette fin, des
recommandations interprofessionnelles de bonne pratique dont il assure la bonne exécution et
le suivi par tous les partenaires. Prises en considération par le pouvoir judiciaire, elles sont
devenues des valeurs de référence que la jurisprudence cite régulièrement à l’appui des
décisions rendues.
Ainsi s’est créé au fil du temps une démarche éthique professionnelle visant à la protection
des consommateurs, au respect d’une saine concurrence et au développement d’une publicité
qui séduise sans tricher dans le respect de chacun. Cette démarche publicitaire, à la fois
promue et entretenue par le Bureau de vérification de la publicité, s’est globalisée au plan
européen dans d’autres secteurs que le monde publicitaire.
Il proposait donc une large réflexion sur le secteur de la publicité et appelait de ses vœux la
création d’un Conseil national de la publicité, réunissant des annonceurs, des médias, des
consommateurs et des publicitaires. Ce Conseil serait chargé de l’élaboration d’un code de
déontologie de la profession publicitaire.
Ce fut sans lendemain. La loi Sapin, quant à elle, fut adoptée et appliquée.
CONCLUSION
Au cours de ces dernières années, le débat sur l’éthique et la déontologie a envahi les
colonnes, les écrans et les estrades des colloques. La communication, publicitaire ou de
presse, est devenue un enjeu majeur des grands groupes industriels qui se sont intéressés à ces
divers secteurs. Les médias de presse ont été l’objet de toutes les convoitises.
Dans un article remarqué intitulé “Pour une éthique globale des médias” (Le
Monde, 31 mai 1995), Bernard Spitz, chargé de mission auprès du président de Canal Plus,
évoquait le « carré magique » de l’espace médiatique comprenant : le divertissement,
l’information, la technologie et la propriété capitalistique. Toute réflexion sur la morale,
l’éthique et la déontologie dans la communication ne saurait s’exonérer d’une référence au
carré magique de Bernard Spitz.
Le divertissement et l’information reposent, par les thèmes qu’ils véhiculent lors de leur
expression, sur l’éthique et la déontologie. Puis ce fut la technologie qui conduisit à raisonner
en termes d’éthique et de déontologie au regard des nouvelles techniques de communication.
Ce fut, enfin, la propriété capitalistique des supports de messages ou concepteurs de messages
qui ont également conduit à réfléchir en termes d’éthique ou de déontologie, dès lors que
l’émission des messages n’était plus empreinte de l’objectivité nécessaire et attendue.
Le débat continue. S’il advenait que les chartes et codes de déontologie n’aient été qu’une
mode, on s’en apercevra assez vite et les errements d’hier réapparaîtront demain.
LAMARQUE (Patrick), Les désordes du sens, alerte sur les médias, les entreprises, la vie
publique, ESF Éditeur, 1993.
BIBLIOGRAPHIE