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L’émergence des koglweogo dans le secteur de la sécurité au Burkina Faso

L’EMERGENCE DES KOGLWEOGO DANS LE SECTEUR DE LA SECURITE AU


BURKINA FASO

Par TRAORE Mamadou


Attaché de recherche en science politique
Institut des Sciences des Sociétés (INSS)/ CNRST

Résumé INTRODUCTION
Dans cet article, nous proposons de Les évolutions socio-politiques au
comprendre l’émergence des groupes Burkina Faso ces dernières années, ont
d’autodéfense « les koglwéogo ». conduit à de profonds bouleversements des
L’émergence de ces entités d’auto-défense formes de l’État, des politiques publiques
répond à une exigence dans un et des paradigmes fondant l’action
environnement où la multiplication des politique. Ces bouleversements ont conduit
attaques à main armée des vols d’animaux à l’élaboration de nombreuses réformes de
et d’autres formes de violences perpétrées l’État cherchant à refonder celui-ci. Les
contre les populations dans les milieux années 2015-2016 voient la coïncidence de
ruraux et péri-urbain dans le contexte modifications structurelles profondes dans
d’une gouvernance en pleine le domaine de la sécurité avec l’émergence
déliquescence, les communautés ont décidé de nouveaux acteurs. Cette multiplication
de s’organiser par elle-même, avec ses des acteurs tente de remettre en cause le
propres moyens matériels et humains et en rôle de l’État comme principal acteur dans
toute indépendance et autonomie vis- à- vis le domaine sécuritaire par ces nouveaux
de l’État, sous la forme de groupes acteurs aussi bien au niveau global que
d’autodéfense communautaires dont les local. La crise socio- politique réduit les
koglwéogo. Ces acteurs qui semblaient être ressources dont l’État dispose et la
une alternative à la sécurité, sont plus ou multiplication des domaines des politiques
moins perçus, de par les exactions de augmente ses difficultés à gérer des
certains de leurs membres comme une groupes et des intérêts issus des
source d’insécurité. En mettant la main sur revendications de plus en plus nombreux et
la chaine répressive dans son ensemble, les provoque ainsi un « constat désenchanté
Koglweogo s’arrogent le droit d’arrêter, de sur l’État et ses défaillances »1. Un constat
juger et de sanctionner, par des amendes, d’échec porté sur les politiques publiques
sévices corporels et humiliations, au terme sécuritaire. Depuis les années 2015-2016,
de tribunaux populaires expéditifs. Ils se les représentants politiques comme un
rendent ainsi coupables d’infractions au certain nombre de scientifiques évoquent
droit. Les défenseurs des droits humains et tour à tour la crise de l’Etat providence.
les représentant du système judiciaire tirent Pour le sociologue E. MORIN, le
la sonnette d’alarme et dénoncent un concept de crise se définit à partir de
groupe en pleine expansion qui pourrait quatre traits caractéristiques : « une ou
devenir difficilement maitrisable, jusqu’à plusieurs perturbations qui rendent un
mettre en péril les structures de l’Etat de système incapable d’apporter des solutions
droit et de la cohésion sociale. 1
MASSARDIER, (Gilles), Politiques et action
publiques, Paris, Armand Colin, 2003.

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aux problèmes qu’il résolvait jusque-là ; sécuritaires et la restructuration de l’État


un accroissement des désordres et des ont conduit à une complexification du
incertitudes que le système ne parvient champ de la sécurité. L’État n’est plus
plus à maîtriser ; une rigidification du nécessairement ni le seul, ni le principal
système qui ne parvient plus à s’adapter au acteur et il existe désormais des
défi lancé par son environnement et finit alternatives au seul traitement des
par tourner en rond sur lui-même ; le problèmes collectifs dans la sphère
déclenchement d’activités de recherche de publique3. La mobilisation citoyenne pour
solutions à la crise »2. Dans le champ de la la sécurité devient une réalité lorsque dans
sécurité, de nombreux éléments témoignent un climat délétère, des groupes
d’une telle situation de crise. Avec d’autodéfense dont les « koglweogo » se
l’arrivée du nouveau pouvoir en 2016, sont développés et s’imposent désormais
l’Etat se trouve dans l’incapacité pratique dans la lutte contre le grand banditisme
de remplir les fonctions traditionnelles de constaté dans les villages et les altères des
sécurité. L’opinion publique, relayée par la grandes villes du Burkina Faso. Les
presse, porte un regard plus que groupes d’autodéfense disent avoir pris en
défavorable sur le fonctionnement des main leur sécurité car le gouvernement ne
institutions régaliennes de l’Etat. Les voix protégeait pas de manière adéquate leurs
se conjuguent pour dénoncer une villages et leurs biens. En effet, ils
hégémonie étatique improductive, sinon apparaissent comme une réaction face au
contre-productive. Si le monopole de l’Etat développement de la délinquance, en
n’est pas remis en cause en matière s’emparant des fonctions régaliennes de
répressive, les observateurs soulignent l’Etat.
l’incapacité pratique du système pénal à Le constat des difficultés de l’État
endiguer l’expansion de l’insécurité. A combiné à cette montée des koglwéogo
travers cette mise en problème de la conduit à la remise en cause de la vision
question sécuritaire et les jeux entre traditionnelle de l’État et à des tentatives
acteurs, c’est la reconfiguration d’une de circonscription de son rôle et de sa
logique de politique publique en logique place dans la société. Elles sont sans doute
d’action publique que l’on observe. En caractéristiques d’une situation de
effet, l’incapacité de l’Etat à prendre en « décharge », terme proposé par Beatrice
charge la question de la sécurité a ouvert le Hibou, et emprunte à Max Weber, qui
champ à de nouveaux acteurs. traduit une modalité d’exercice du pouvoir
Dans un contexte de raréfaction des propre aux sociétés non bureaucratisées, ne
ressources publiques, une plus ample s’appuyant pas, ou s’appuyant peu, sur un
mobilisation des acteurs de la société civile appareil gestionnaire afin d’éviter le cout
est apparue comme le moyen de pallier les d’une logistique administrative
insuffisances de l’Etat providence et de importante . L’attitude de l’État fut
4

relayer efficacement l’action des


3
institutions publiques. Cette multiplication THOENIG, (J.C.), Politiques publiques et action
publique, Revue Internationale de Politique
des acteurs intervenant sur les questions Comparée, 5,2, 1998,
4
HIBOU, (Beatrice), « La “décharge”, nouvel
interventionnisme », Politique africaine, 73 (1),
2
MORIN, (E.), Introduction à la pensée complexe, 1999, p. 8, In : FOURCHARD, (Laurent), État de
Paris, E.S.F., 1994, p. 18 p. littérature. Le vigilantisme contemporain. violence

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L’émergence des koglweogo dans le secteur de la sécurité au Burkina Faso

longtemps de les occulter, tant il était avait amené l’Etat à condamner en


soucieux de préserver « les symboles de la septembre 2016 4 Koglwéogo à 6 mois
monopolisation du pouvoir de punir »5. A d’emprisonnement, et 26 autres à des
ce jour, on peut reconnaitre que si peines allant de 10 à 12 mois de prison
l’activisme des groupes d’auto-défense a avec sursis, peut-on lire dans le rapport »9.
permis de lutter contre la délinquance, Au regard de leurs agissements, ces
l’inquiétude demeure quant aux risques de nouveaux acteurs de la sécurité divisent
dérapages potentiels. Face aux nouvelles profondément les populations burkinabè.
pratiques du crime organisé, la question de Deux positions sont en présence dans ce
leur légitimité, ou de leur illégitimité, est débat national : celle du démantèlement
complexe. Si les [koglwéogo] sont bien d’une part, et celle de leur encadrement
une réponse citoyenne à la crise sécuritaire, d’autre part. Pour ce qui concerne le
ils ne rendent comptes à personne, et démantèlement, les magistrats, les
agissent de facto en dehors de toute associations et mouvements de défense des
légalité6. droits de l’homme et une partie de la
De nombreux cas de torture ont été population estiment qu’on ne peut tolérer
constatés au sein de certains groupes : de l’existence de telles structures dans un Etat
présumés voleurs sont ligotés au pied d’un moderne où la question de la sécurité des
arbre, fouettés avec des branches biens et des personnes est une des
enflammées de tamarinier, le tout en prérogatives régaliennes de l’Etat
public, et ce jusqu’à ce qu’ils avouent leur républicain, laïc et démocratique. Un
crime7, en tenant pas compte les droits de premier regard sur la situation permettra de
l’homme dans leurs formes de justice saisir la complexité d’un tel phénomène,
expéditive8. Le rapport annuel 2016-2017, notamment au travers de la question de
de l’Amnesty international révèle que « les leur légitimité. Des interrogations
Koglwéogo ont commis des exactions, fondamentales subsistent néanmoins :
telles que des passages à tabac et des Quelle est la position réelle du
enlèvements. Poussant ainsi des gouvernement face à cette situation qui
organisations de la société civile à divise les burkinabè avec la prolifération
reprocher à l’Etat de ne pas agir des groupes d’autodéfense dénommés «
suffisamment pour empêcher ces violences Koglweogo » ? En tant qu’alternative pour
et y remédier. Une levée de boucliers qui la sécurité des biens et des populations ne
va-t-ils pas produire des effets pervers,
et légitimité d’une activité policière bon marché, latents ou inattendus ?
Presses de Sciences Po, « Critique internationale », Au de la problématique développée
N° 78, 2018.
5
ROCHE, (S.), Sociologie politique de l’insécurité, plus haut et des constats empiriques,
Paris, PUF,1998. l’hypothèse qui sous-tend la présente
6
MARIJN, (T.), « Les groupes d’autodéfense civile recherche est que dans un contexte de
au Mexique : défenseurs légitimes, groupes
incontrôlables ou lanceurs d’alerte ? », Politique crise, l’Etat reconnaît et valorise un
étrangère, n°4, 2014, p. 113. ordonnancement différencié du pouvoir qui
7
DOUCE, (Sophie), Au Burkina Faso, les Peuls
substitue au dogme de l’universalisme
victimes d’une stigmatisation meurtrière, Journal,
Le monde Afrique, 04 février 2019 républicain distancié un principe de
8
SMITH, (Nicholas Rush), « Rejecting Rights:
Vigilantism and Violence in Post-Apartheid South
Africa », African Affairs, 114 (456), 2015, p. 341 9
Rapport d’Amnesty international 2016-2017.

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coproduction de l’action publique. Il se fait redéfinissant les équilibres » 10


.
pragmatique et adopte une nouvelle L’émergence est envisagée ici dans le
posture qui officialise la relativité de son cadre micro- comme macro social, elle est
hégémonie. En appelant à une participation assimilée au surgissement, à la montée en
des acteurs non- étatique dans le secteur puissance soudaine d’un groupe, d’une
sécuritaire, il reconnaît ses défaillances et nation au sein d’un univers jusqu’ici réglé
son incapacité à occuper tout le territoire par d’autres forces plus puissantes11. Dans
burkinabè. Il légitime l’existence d’un le cadre de notre article le terme émergent
réseau d’acteurs qui interagissent dans le est employé pour désigner une apparition
cours de l’action publique. Plutôt que de soudaine d'une organisation sociale dans le
dénier la pluralité des centres de pouvoirs, secteur de la sécurité d’où les koglwéogo,
l’Etat entend désormais s’appuyer sur ces dont l’origine de ce concept se trouve dans
acteurs pour la protection des biens et des la langue locale moorée qui veut dire «
populations. protéger la brousse »12.
L'examen attentif des différents Pour Ray Abrahams notamment,
comportements des koglwéogo permet de c’est « une tentative d’organisation d’un
confirmer qu’ils constituent une menace groupe de citoyens ordinaires de maintenir
pour la cohésion sociale. L’appréciation l’ordre et de faire appliquer des normes au
portée sur les résultats des activités des nom de leurs communautés (…) dans la
koglwéogo dans le domaine de la sécurité perception d’une absence d’actions
ne peut être que nuancée. Malgré quelques étatiques de la police ou de la justice »13.
exemples de collaboration réussis, qui Gilles Favarel-Garrigues et Laurent Gayer
démontrent que les coopérations sont font référence à « une gamme d’actions
possibles et bénéfiques, ils suscitent des collectives, mises en œuvre par des acteurs
inquiétudes quant à leur implication dans non étatiques dont la vocation proclamée
le massacre des membres de la est de maintenir l’ordre »14 sécuritaire. La
communauté peulh au motif qu’ils notion de sécurité renvoie à un sens
soutiendraient des islamistes ainsi que le
conflit qui a opposé les vigués à 10
MOREAU, (Defarges P), « Les émergences dans
karangasso vigué. L’accès facile aux armes l’histoire. Une compétition sans fin », In : RAMSES
2015. Le défi des émergents, Dunod, 2014, p.30,
à feu, y compris aux armes d’assaut In : Pierre Salama (dir.), dossier « Émergents : le
militaires, a contribué au développement et temps des désillusions », Revue Tiers Monde,
n° 219, juillet-septembre 2014.
à la militarisation des groupes 11
SALAMA, (Pierre) (dir.), dossier « Émergents :
d’autodéfense, rendant de plus en plus le temps des désillusions », Revue Tiers Monde,
meurtrières les tensions communautaires n° 219, juillet septembre 2014.
12
CUSSON, (M.), DOUMBIA, (N. Y.) &
existantes. YEBOUET, (B. H.), Mille homicides en Afrique de
Différents concepts fondamentaux l’Ouest. Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Niger et
seront utilisés et il s’avère nécessaire de les Sénégal, Montréal, Presses de l’Université de
Montréal, 2017.
définir. La notion d’émergence proposée 13
RAY, (Abrahams), « Some Thoughts on the
par de P. Moreau Defarges, dans RAMSES Comparative Study of Vigilantism », dans David
Pratten, Atreyee Sen, Global Vigilantes:
2015 : « Peut être qualifiée d’émergence Perspectives on Justice and Violence, Londres,
toute croissance brutale d’une entité Hurst, 2007, p. 423.
14
sociale ou politique, cette poussée FAVAREL-GARRIGUES, (Gilles), GAYER,
Laurent « Violer la loi pour maintenir l’ordre. Le
perturbant tout l’environnement et en vigilantisme en débat », Politix, 115 (3), 2016, p. 9.

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beaucoup plus large, mais nous retenons vision bottom up de l'action publique, qui
celle du Programme des Nations Unies se traduit notamment par l'hypothèse que
pour le Développement (PNUD), qui les services extérieurs de l'Etat, loin de se
conçoit la sécurité comme « la protection réduire au seul rôle de mise en œuvre plus
contre tout événement brutal susceptible de ou moins passive et conformiste,
perturber la vie quotidienne ou de porter participent de manière active, et en lui
préjudice à son organisation dans les imprimant leur propre logique, à la
foyers, sur le lieu de travail ou au sein de production des politiques publiques au
la communauté »15. La notion de la concret. Il s’agit de donner la possibilité
sécurité, contrairement16 aux approches (…) aux acteurs non- étatiques dans le
basées sur la sécurité nationale qui domaine de la sécurité, permettant aux
privilégient l’État reléguant ainsi l’individu « citoyens de développer leur propre
au second plan. A la sécurité classique, résistance face à des situations
centrée sur la défense militaire de la difficiles »20. La sécurité humaine réside «
population et du territoire, se sont ajoutées dans l’aptitude de chacun à agir de façon
des dimensions nouvelles : renouveau de la autonome, pour son propre compte mais
problématique terroriste, prolifération des aussi pour celui d’autrui »21. La « sécurité
armes, de grands banditismes etc. Peu à humaine » développe une conception de la
peu, des dispositifs, (…) se sont ainsi sécurité qui n’est plus nationale mais
construites de véritables politiques globale, qui n’est plus militaire mais civile,
publiques de sécurité qui concernent et qui a pour sujet l’être humain et ses
l'action de la police, de la justice ou encore besoins fondamentaux22. Pour reprendre
les politiques de la ville17. Axworthy, L'édification23 d'un État
Le rapport du millénaire du démocratique et efficace, qui reconnaît la
Secrétaire général de l’ONU indique que le valeur de sa population et protège les
monde se dirige vers un nouveau concept minorités, est un élément essentiel de la
de sécurité : « Il s’agit aujourd’hui de stratégie de promotion de la sécurité
protéger les communautés et les individus humaine dont relève les koglwéogo. Par
des actes de violence internes »18. Une19 ailleurs, l'amélioration de la sécurité
attention privilégiée sera donnée à une humaine de la population renforce la

15 20
PROGRAMME DES NATIONS UNIES POUR BASTY, (Florence), La sécurité humaine : un
LE DEVELOPPEMENT (PNUD), Les nouvelles renversement conceptuel pour les relations
dimensions de la sécurité humaine, Rapport internationales, Op. Cit. p. 4.
21
mondial sur le développement humain 1994, Paris, Commission sur la sécurité humaine, La sécurité
Editions, Economica, 1994, p.23-47. humaine maintenant, Paris, Presses de Sciences Po,
16
BASTY, (Florence), La sécurité humaine : un 2003.
22
renversement conceptuel pour les relations GERVAIS, (Myriam) et ROUSSEL, (Stéphane),
internationales, Presses de Sciences Po, n° 32,2008, « De la sécurité de l’État à celle de l’individu :
p. 25. l’évolution du concept de sécurité au Canada
17
BAUER, (Alain), SOULLEZ, (Christophe), Les (1990-1996) », Etudes Internationales, vol. XXIX,
politiques publiques de sécurité, Paris, PUF, 2011 mars 1998, p. 25. ; RIOUX, (Jean-François) (dir.),
18
Voir le rapport du millénaire du Secrétaire La sécurité humaine : une nouvelle conception des
général de l’ONU, 2002, Nous les peuples – Le rôle relations internationales, Paris, L’Harmattan, 2001.
23
des Nations Unies au XXIe siècle. AXWORTHY, (L.), « La sécurité humaine : la
http://www.un.org/french/millenaire/sg/report/ sécurité des individus dans un monde en
19
THOENIG, (Jean-Claude), La gestion systémique mutation », Politique étrangère, n°2 - 1999 -
de la sécurité publique, Revue française de 64ᵉannée. pp. 333-342;
sociologie, 1994, 35-3. doi : https://doi.org/10.3406/polit.1999.4857

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L’émergence des koglweogo dans le secteur de la sécurité au Burkina Faso

légitimité, la stabilité et la sécurité de s’ajustent au terrain auquel elles


l'État. s’appliquent, se moulent dans les routines
La grille d’analyse de notre étude et situations propres aux metteurs en
s’inspire de l’analyse séquentielle définie œuvre »28. Une fois réalisé, il est évalué
par C. O. JONES24. Ce dernier distingue (program evaluation). A cette occasion, il
cinq étapes successives. Un problème s’agit d’apprécier les effets de l’action
exigeant des solutions est identifié par les publique, leur conformité aux objectifs
autorités publiques avant d’être inscrit sur initialement dressés, leurs résultats
l’« agenda public » (program concrets, la satisfaction du public, etc. Ces
identification) . C’est l’étape au cours de
25
quatre étapes doivent normalement se
laquelle un décideur (parlementaire, élu, conclure par la terminaison du programme
gestionnaire), qualifie d'entrepreneur (program termination).
politique, s'implique activement dans la Dans le cadre de la rédaction de cet
promotion des intérêts qui se sont article, la recherche documentaire a été la
construits précédemment, et cela en vue de première activité entamée. Nous avons pu
convaincre de la pertinence politique de consulter des ouvrages, des articles, des
l'action de l ‘Etat en la matière. Cette revues de presse en ligne, des rapports
implication résulte bien souvent de la d’étude. Ce travail préliminaire a servi de
mobilisation d'acteurs, de ressources et de base à l’analyse de l’émergence des
stratégies variées. Par une transformation koglwéogo dans le domaine sécuritaire et
du problème en alternatives d’action, des asseoir notre cadre théorique. Tout au long
solutions sont formulées (program du travail, nous avons poursuivi la
development)26. recherche documentaire. Lors des
L'adoption d'une politique ou d'un entretiens de terrain, nous avons organisé 2
programme impliquent focus dont un groupe de femme et
1'operationnalisation et 1'appreciation de d’homme. Dans chaque groupe, nous
différentes possibilités envisageables pour avons choisi huit (08) personnes et ce fait
résoudre le problème a 1'origine d'une un total de 16 personnes, et à rassembler
intervention publique. Le programme est des victimes de koglwéogo dans la
ensuite mis en œuvre (program violence communautaire à Yirgou. Au-delà
implementation). Au cours de cette étape, des focus groups, nous avons réalisé des
il arrive que des adaptations et des entretiens individuels avec vingt (20)
ajustements soient nécessaires pour personnes dont : des leaders des
parvenir à concrétiser les intentions des koglwéogo dans la commune rurale de
décideurs27. A cette occasion, les « Saponé, et à Kaya et à Fada N’gourma ;
décisions s’accommodent à la réalité, des leaders des ethnies peulh à Yirgou et
des vigué à Karangasso vigué, des forces
24
MULLER, (P.), Les politiques publiques, Paris, de sécurité et de la justice ; Mouvement
P.U.F., coll. Que sais-je?, 1990, p. 4.
25
THOENIG, (J.-C.), Les politiques publiques, burkinabé pour les droits de l'homme et
Paris, P.U.F., 1985, p. 6. des peuples (MBDHP). Vingt-cinq (25)
26
THOENIG, (J.-C.), "L'analyse des politiques
victimes et les témoins ont été interrogés
publiques", in GRAWITZ M., LECA J., Traité de
science politique, vol. 4, 1985, p. 26
27
PRESSMAN, (J.L.) et WILDAVSKY, (A. ),
28
Implementation. 2e édition. Berkeley, CA : THOENIG, (J.-C.), "L'analyse des politiques
University of California Press, 1973. publiques", Op. Cit.,

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L’émergence des koglweogo dans le secteur de la sécurité au Burkina Faso

dans chaque commune rurale de Saponé, et qu’éprouvent les services de l’Etat (police,
à Kaya et à Fada N’gourma, de Karangasso gendarmerie, justice) à mettre un terme à
vigué. Les personnes interrogées ont été l’insécurité. Ils seraient nés dans un
identifiées avec l’aide d’individus et contexte d’insécurité (1) dû à la faillite de
d’organisations de la société civile. Les l’Etat (2).
entretiens ont été réalisés en français, en
fulfulde, la langue parlée par l’ethnie 1- Dans un contexte d’insécurité
peulh, en moorée et en dioula avec l’aide
d’interprètes. Depuis le début des années 1990, le
La première partie de cet article Burkina Faso connaît une criminalité
s’intéresse à la genèse des politiques marquée par la violence qui suscite une
publiques au travers d’un questionnement psychose collective et un sentiment de
sur les contextes sociaux, politiques ou révolte au sein des populations, aussi bien
administratifs qui conduisent aux décisions dans les villes que dans les campagnes. Les
constitutives des koglwéogo. La deuxième manifestations les plus courantes de cette
partie se doit d’étudier la reconnaissance criminalité enregistrées par les services de
des koglwéogo comme acteurs de la sécurité montrent qu’il s’agit très souvent
sécurité, les processus de décision, les d’attaques à main armée, de cambriolages
normes, les pratiques et les résultats de ces aussi bien dans les maisons de commerce
acteurs dudit champ. que dans les domiciles privés. De plus en
plus, le constat établi fait ressortir que ces
I- LA GENESE D’UNE attaques à main armées sont commises de
NOUVELLE REFERENTIELLE jour sur les axes routiers et de nuit dans les
D’ACTION centres urbains. En témoignent les
innombrables braquages sur les axes
A partir de 2013, des groupes « routiers, des cambriolages et des attaques
Koglweogo » ont vu le jour dans la armées, avec à la clé des pertes en vie
province du Bazèga (région du centre-sud), humaine, l’abus des drogues sont d’autant
sans reconnaissance juridique aucune et d’aspects de cette insécurité. Nombreux
souvent à l’insu de l’administration sont les citoyens des villes et des
publique, ce qui a commencé à attirer campagnes qui ont été victimes de ces
l’attention des autorités locales. Ces malfaiteurs.
groupes se sont constitués, par contagion Au regard des armes utilisées et de
de proximité, dans les régions l’ingéniosité avec laquelle ces braquages
administratives du centre-nord, du plateau sont effectués, des personnes interrogées
central, du centre-est, de l’est, du centre- estiment que la société ressent un malaise
ouest, du sud-ouest et plus récemment, profond non seulement, par la présence au
dans les régions du Sahel et du centre. sein des communautés des différentes
formes de crimes et délits, mais aussi par
A- L’EMERGENCE DES l’implication dans le phénomène les
KOGLWEOGO militaires ou les policiers radiés 2011. Si la
criminalité violente et non violente a des
C’est suite aux méfaits des bandits incidences directes beaucoup plus
sur les populations et aux difficultés importantes sur certains individus et

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L’émergence des koglweogo dans le secteur de la sécurité au Burkina Faso

segments de la société que d’autres, elle a continues, la protection de la population


aussi des incidences indirectes plus vastes par les FDS est considérée par les
sur la vie des citoyens. Cela peut aller burkinabè, comme le rôle premier de
jusqu’à « mettre en péril la paix sociale, l’État. Or actuellement, l’insécurité à
voire même les fondements démocratique laquelle nous sommes confrontés
d’un pays »29. Partant de cette assertion, quotidiennement ne permet pas aux
nous n’avons pas besoin d’être victime populations de sentir que leur sécurité est
d’agressions physique ou sexuelle pour assurée. Un problème de sécurité se pose
souffrir du climat d’insécurité qui règne dès lors que les forces de sécurité n’ont pas
dans une ville. les moyens ou les compétences voulus
D’une manière générale au Burkina pour s’acquitter efficacement de leur
Faso, l’insécurité et la criminalité mission, les risques de violences au sein de
menacent les droits et les valeurs dans le la communauté, de criminalité, de
cadre de systèmes démocratiques. Elles suspicion mutuelle, de violation des droits
freinent la mise en œuvre effective de de l’homme, de répression politique et que
certains droits tels les droits civils et chacun se fasse justice lui-même s’en
politiques. Enfin, la position géographique trouvent accrus d’autant. Dans cette
du Burkina Faso, expose le pays à perspective, les contextes de crise et de
l’utilisation de son territoire comme base scandale pèsent sur les acteurs politiques,
arrière par des éléments armés non sommés d’agir s’ils veulent préserver leur
étatiques d’un autre Etat. Les États légitimité et incarner ce qui justifie leur
déstructurés sont subséquemment associés position dominante, à savoir « leur capacité
à de graves bouleversements à définir ‘l’intérêt général’ et à œuvrer de
socioéconomiques et politiques, à la façon désintéressée au bénéfice de la
faiblesse des institutions publiques (y collectivité »31. Dans le même temps, il
compris concernant des fonctions convient d’envisager la capacité des élus et
essentielles, en particulier le respect de de leurs conseillers à transformer ces
l’État de droit), à un taux de criminalité contraintes en ressources politiques et, plus
élevé. La longue frontière poreuse avec les généralement, à se saisir d’une question
Etats voisins favorise les infiltrations de dont ils attendent une forme de rentabilité
protagonistes étrangers et la circulation politique32.
massive d’armes légères et de petit
calibre30. Les conséquences directes de 2- La faillite de l’Etat
cette situation sont la fragilisation des
institutions, une mise à mal du système de Le monopole de l’usage de la
défense et de sécurité. contrainte physique légale est un des
Par ailleurs, nombre d’individus éléments essentiels de tout État. S’inspirant
civils ont fait part de leur souci « dans un de Thucydide, Machiavel et Hobbes, l’Etat
contexte d’insécurité et de violence armée
31
LASCOUMES, (P.), « La production
29
VANDERSCHUEREN, (F.), Prévention de la oligarchique des normes anti-corruption »,
criminalité urbaine, Document de référence du Tumultes, vol. 2, n° 45, (2015), p. 13.
32
programme « villes plus sûres », 2000. MCLAUGHLIN, (P. A.), Pseudopaguristes, a
30
FAES, (Géraldine) et SMITH, (Stephen), « new and aberrant genus of hermit crabs (Anomura:
République centrafricaine : La solitude et le chaos » Paguridea: Diogenidae), Micronesica, 34(2),
in Politique internationale, n°88, été, 2000, p. 284. (2002).

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L’émergence des koglweogo dans le secteur de la sécurité au Burkina Faso

demeure l’acteur incontournable, maître du appréhendées), les acteurs (étatiques et non


monopole exclusif de l’usage légitime de étatiques), les dimensions (militaires et non
la violence. La conception politique de militaires) et les domaines d’intervention
l’Etat moderne et de son monopole de la (national, régional, global). Les dimensions
violence légitime prend sa source non militaires de la sécurité, notamment,
principalement dans la philosophie exigent une coopération accrue entre tous
contractualiste de Thomas Hobbes (1588- les acteurs36. L’émergence du concept de
1679) exposée dans son célèbre ouvrage « sécurité globale traduit ce déclin de
Le Léviathan »33. Il y fonde la légitimité de l’influence de l’Etat, mettant en doute sa
la centralisation de la violence dans les capacité à garantir la véritable sécurité :
mains du souverain sur l’acceptation par le celle des individus. L’Etat doit donc être
peuple d’une soumission nécessaire pour dépassé car il constitue une entrave à
échapper à l’insécurité de « l’état de nature l’émancipation des personnes37. Le
», sans quoi un état de paix serait processus hégémonique s’articule autour
impossible. Le maintien de la sécurité d’une domination et d’un clivage entre
devient donc une condition essentielle de dirigeants et dirigés. L’Etat « mou » quant
la légitimité de l’Etat moderne. Depuis à lui laisse apparaître un processus de «
quelques années, cette vision traditionnelle désécurisation » consécutif à la crise « néo
de la sécurité a été abandonnée au profit patrimoniale »38 de l’Etat, à son incapacité
d’une vision élargie qui met moins l’accent à remplir les fonctions régaliennes, par
sur les seules orientations militaires de la conséquent à fournir des prestations
sécurité34. sécuritaires, à fabriquer des politiques en
DELMAS souligne que : « la dehors de politiques coercitives.
première question de sécurité aujourd’hui Les plus riches font appel aux
ce ne sont pas les ambitions de puissance, services de sécurité privée tandis que les
c’est la panne des Etats »35. La protection plus défavorisés, dans l’incapacité de
des personnes et des biens n’est plus s’offrir de tels dispositifs et services, et
assurée et l’Etat moderne se voit plus méfiants envers les forces de l’ordre ,
concurrencé par le retour d’organisations se tournent plus volontiers vers les mesures
non‐étatiques. Ainsi redéfini, le champ de d’autodéfense et extrajudiciaires, à leur
la sécurité fait l’objet de recherches à la tour sources d’insécurité. Ceci consacre
fois sur les menaces (réelles ou l’avènement des acteurs sociaux dans la
production sécuritaire39. Ainsi l’émergence
33
HOBBES, (T.), Léviathan. Traité de la matière,
36
de la forme et du pouvoir de la république STRANGE, (S.), The Retreat of the State. The
ecclésiastique et civile (1651), traduction française diffusion of Power in the World Economy,
intégrale par Folliot P., Les classiques des sciences Cambridge, Cambridge University Press, 4e éd.
sociales, 2003. 1999, col. C.S.I.R., 218 p.
37
http://dx.doi.org/doi:10.1522/cla.hot.lev COX, (R.), SINCLAIR, (T.J.), (ed.), Approaches
34
DAVID, (D.), « Sécurité », in de MONTBRIAL, to World Order, Cambridge, Cambridge University
(Th.), KLEIN, (J.) (dir.), Dictionnaire de stratégie, Press, 1996, p.276.
Paris, P.U.F., 2000, p.500-502. In : MONTES, 38
MEDARD, (J-F.), « L’Etat néo-patrimonial en
(Jérôme), Les Etats européens face aux défis Afrique noire », In : Médard, J-F., (éd.), Etats
sécuritaires de l'ère bipolaire. Le cas franco- d’Afrique noire, formation, mécanismes et crise,
espagnol, Paris L'Harmattan, « Politique Paris, Karthala, 1991,
39
européenne, 2002/2 n° 6. BELOMO, (Essono Pélagie Chantal), Sécurité et
35
DELMAS, (P.), Le bel avenir de la guerre, ordre politique au Cameroun : entre dynamiques
Gallimard, 1995. internes et connexions internationales, CODESRIA,

239
L’émergence des koglweogo dans le secteur de la sécurité au Burkina Faso

des koglwéogo amènent progressivement D’une part, le renoncement de l’Etat à la


les populations à se substituer à celui de fonction sécuritaire, induit des dynamiques
sécurité militaire, remettant ainsi en d’organisation informelle sur le territoire.
question le monopole de la violence Elle implique un chevauchement entre les
légitime de l’Etat. Aussi, assurer la sécurité actions de l’Etat et celles des acteurs
des biens et des personnes conduit à sociaux. D’autre part, la sécurisation relève
s’interroger sur la réelle efficacité des d’une action citoyenne ayant pour objectif
forces de sécurité40. Les forces de sécurité la survie des populations laissées pour
ont-elle les moyens nécessaires pour lutter compte dans l’offre sécuritaire étatique.
contre l’insécurité ? Depuis l’indépendance, la question
A cette question, la gendarmerie de la « centralité de l’Etat » se pose avec
tout comme la police nationale, déplore acuité. Des espaces ou des groupes de
« le manque de ressource »41 humaine et personnes échappent, en tout ou partie, au
matérielle, qui semble caractériser contrôle de l’Etat. La faiblesse des
l’ensemble des forces de défense et de structures fragilise l’Etat dans son action
sécurité. Le maillage du territoire par les sur le territoire43. Pourtant, la criminalité se
forces de sécurité est un sérieux problème. nourrit des situations où l’État est absent
Il arrive qu’en milieu rural sur un rayon de ou à cause des dysfonctionnements du
plus de 50 kms on ne trouve la moindre système sécuritaire. Ainsi, en l’absence de
gendarmerie. Ceci traduit par l’incapacité mesures adéquates, l’insécurité s’érige
de l’Etat à assurer la sécurité, l’ordre rapidement en violence structurelle car elle
public et surtout la défense de sa affecte la vie des citadins et produits des
population42. Certains éléments des Forces désagréments, voire de la souffrance de
de défense et de sécurité expliquent cette manière diffuse par la peur qu’elle génère.
lenteur par le manque de moyens roulants Cette incapacité de l’Etat à faire respecter
et l’insuffisance de personnel. De leur avis, la loi et à maintenir l’ordre sur l’ensemble
il y a un grand déséquilibre entre la du territoire aboutit à un émiettement du
situation sécuritaire actuelle et les moyens pouvoir. Les seigneurs de guerre locaux se
mis à leur disposition : « Souvent les civils dotent de petites parcelles de pouvoir44.
viennent vous informer qu’il y a eu attaque Une45 catégorie particulière d’acteurs, les
dans telle localité. Vous trouverez que porteurs de cause agissant en tant qu’«
ladite localité est à 100 km du poste. Il n’y entrepreneurs politiques », joue un rôle
a pas de véhicule » souligne une autorité. central dans la construction des problèmes
publics, leur mise à l’agenda et les
Revue africaine des relations internationales, Vol.
12, Nos. 1 & 2, 2009, pp. 39–80
40 43
FOGUE TEDOM, (Alain), Enjeux HUGON, (Philippe), SALAMA (Pierre), (dir.),
géostratégiques et conflits politiques en Afrique Tiers-Monde dans la crise, Paris, Editions Armand
noire, Paris, Editions L’Harmattan, 2008, p. 83. Colin, janvier 2010, p. 29.
41
MARIJN, (Thibaud), Les groupes d'autodéfense 44
BOUQUET, (Christian), « L’Etat en Afrique.
civile au Mexique : défenseurs légitimes, groupes Géographie politique de la maîtrise des territoires »,
incontrôlables ou lanceurs d'alerte ? Institut français In : L’Espace politique, juillet 2009 [En ligne], mis
des relations internationales, « Politique étrangère en ligne le 20 août 2009, URL : http://www.social-
», n°4, 2014, p. 119. sciencesand- humanities.com/journal/?p=756.
42 45
MARIJN, (Thibaud), « Les groupes GARRAUD, (Philippe), « Agenda/Émergence »,
d’autodéfense civile au Mexique : défenseurs In : BOUSSAGUET, (Laurie) et al., Dictionnaire
légitimes, groupes incontrôlables ou lanceurs des politiques publiques, Presses de Sciences Po
d’alerte ? », Op. Cit., p. 113. (P.F.N.S.P.) « Références », 2014, (4e éd.), p. 60.

240
L’émergence des koglweogo dans le secteur de la sécurité au Burkina Faso

processus de mobilisation qui les sous- Koglwéogo. Une grande partie de la


tendent. Ils donnent sur le plan symbolique population les voient comme un palliatif
une forte légitimité à leur cause en la efficace, pour combler les manques de la
justifiant par la référence à des valeurs police pour sécuriser leur territoire. Dans
affirmées (intérêt général, justice, service ces moments, les idées jusque-là
public, solidarité, etc.) et constituent des dominantes et institutionnalisées
coalitions qui permettent aux problèmes commencent à être questionnées. La
qu’ils soulèvent de gagner en audience et question sécuritaire devient alors
en légitimité qui vas aboutir à la mise sur « l’affaire de tous » au sens où ses
agenda. concepteurs entendent impliquer et
mobiliser des populations autour de cet
B- LA MISE SUR AGENDA DES objectif.
KOGLWEOGO L’action publique n'est pas une
construction en vase clos : elle est sujette
La mise à l'agenda de la question aux changements externe et interne,
sécuritaire au Burkina Faso est grandement globale et locale. Ainsi, si l'Etat perd de
favorisée par le contexte d’insécurité dont plus en plus sa centralité au profit d'acteurs
les koglwéogo ont saisi cette opportunité émergents46, les koglwéogo comblent cette
pour promouvoir une solution alternative à perte de l’État. La campagne et les zones
la crise sécuritaire (1) favorisé avec périurbaines, dépourvues de commissariat
l’avènement du régime : une fenêtre de police ou de gendarmerie, sont les
d’opportunité pour les koglwéogo (2). terrains de prédilection pour le travail des
groupes d’autodéfense dont les membres
1- Les koglwéogo : une alternative sont souvent des habitants de ces zones. Ils
citoyenne à la crise sécuritaire se sont constitués de manière relativement
indépendante à petite échelle, à partir
Depuis quelque temps, le Burkina d’initiatives individuelles, avant d’être
Faso traverse des périodes d’insécurité généralement structurés par des
(grand banditisme, braquage, attaques à entrepreneurs politiques ou des membres
mains armées dans les lieux de travail et des élites locales. Le patronage des élites
d’habitation). Du fait des locales et des chefs coutumiers joue
dysfonctionnements de l’appareil de également un rôle en favorisant la
sécurité, à l’intérieur du pays, les constitution de réseaux d’interconnaissance
populations sont les cibles faciles d’une dans des quartiers ou des villages, ce qui
délinquance devenue presque endémique. facilite l’engagement des premiers
La méfiance s’installe donc entre les membres. L’enrôlement est présenté par
populations et les forces de l’ordre. Lasses les groupes comme une forme d’acte
de subir les attaques et braquages civique qui s’appuie sur le soutien
quotidiens, les populations désireuses de populaire. Ce nouveau courant de pensée
protéger leurs biens et leur bétail et
d’assurer eux-mêmes leur propre sécurité 46
EYEBIYI, (Elieth P.), « Patrick Hassenteufel,
en particulier dans les zones rurales et Sociologie politique : l'action publique », Lectures
périurbaines, se sont organisées pour créer [En ligne], Les comptes rendus, 2009, mis en ligne
le 28 septembre 2009, consulté le 16 mai 2019.
des groupes d’autodéfense, appelés URL : http://journals.openedition.org/lectures/795

241
L’émergence des koglweogo dans le secteur de la sécurité au Burkina Faso

considère que « l’Etat doit rendre à la monopolisation de l’historicité, elle


société civile ce qu’il n’a cessé de lui participe plutôt d’une quête de la sécurité
confisquer »47. Plusieurs expériences et d’une fonction de captation de
médiatiques accréditent alors cette possible ressources50. Cette alternative sécuritaire
gestion par la base. Souvent composés48 été prise par des acteurs non étatique qui se
d’anciens bandits, coupeurs de route sont emparés des fonctions de police et de
repentis ou d’agriculteurs. Ils s’illustrent justice face à ce qu’ils considéraient
surtout par des activités de surveillance ou comme l’inefficacité de l’Etat dans ce
de patrouille49 au niveau local, un individu domaine, séduit plus d’un.
peut facilement venir déposer une « plainte La conséquence est que certaines
» auprès du siège Koglwéogo et le voleur parties du pays, pour ne pas dire tout le
présumé est recherché dès lors que la territoire national, étaient devenues de
plainte est jugée sérieuse. véritables « Far-West » où les bandits de
Partant du constat que les têtes de tout acabit sévissaient de jour comme de
bétails représentent un lourd nuit contre les paisibles populations et ce,
investissement pour les agro-pasteurs qui dans bien des cas, en toute impunité. C’est
mettent parfois des années à les obtenir, ils pourquoi ils étaient nombreux, les
ne peuvent espérer une compensation de burkinabè qui ont applaudi à tout rompre
l’État ou d’une assurance en cas de vol. Au l’avènement des Koglwéogo. Mieux, ils les
contraire, les Koglweogo s’assurent que le ont adoptés et leur ont confié la gestion de
plaignant soit ensuite dédommagé par leur sécurité et celle de leurs biens.
l’agresseur une fois interpellé. Ils L’analyse de l’opinion publique notamment
soumettent les présumés bandits à un quand elle se fonde sur les données de
paiement d’amendes fixées de manière sondage ne peut être séparée d’une réflexion
arbitraire et les détiennent parfois dans des sur les conditions de production de la
prisons de fortune, alors même que, connaissance de l’opinion publique51. Une
juridiquement, seules les forces de sécurité étude a été menée en 2017 par l’Action
disposent des prérogatives pour interpeller pour la sécurité humaine en Afrique
ou garder à vue les présumés voleurs. (ASHA) auprès des populations des
Ainsi, les actions de la société civile dans régions de l’Est, des Hauts-Bassins, du
la production sécuritaire ne se présentent Centre-Ouest et du Centre, qui
pas totalement comme une recherche de apparaissent comme les zones où l’on note
définition, de contrôle et de une plus grande concentration de ces
groupes d’autodéfense. Cette étude relève
47
BARTHELEMY, (M.), Associations : un nouvel que « les populations du Centre sont celles
âge de la participation ?, Paris, Presses de Sciences
Po, 2000.
qui affirment le plus être en accord (92%)
48
« Le Burkina Faso serre la vis aux « Kogl-weogo avec la mise en place des Koglwéogo,
», les groupes d’autodéfense », RFI, 3 juin 2016, contre 79% au Centre-Ouest, 81% à l’Est
http://www.rfi.fr/afrique/20160613-le-burkina-faso-
serre-vis-koglweogo-groupes-autodefense ; «
Burkina Faso : comment les groupes d’autodéfense 50
BELOMO, (Essono Pélagie Chantal), Sécurité et
vont coopérer avec la police », RFI, 12 juillet 2016, ordre politique au Cameroun : entre dynamiques
http://www.rfi.fr/afrique/20160712-burkina-faso- internes et connexions internationales, CODESRIA,
Koglweogo-groupes-autodefense-police-securite Revue africaine des relations internationales, Vol.
49
LOADER, (Ian), « Plural Policing and 12, Nos. 1 & 2, 2009, pp. 39–80
Democratic Governance », Social and Legal 51
BLONDIAUX, (Loïc), La fabrique de l’opinion,
Studies, 9 (3), 2000, p. 323. Paris, Seuil, 1998.

242
L’émergence des koglweogo dans le secteur de la sécurité au Burkina Faso

et 81% dans les Hauts-Bassins »52. Un d’innovation sociale : « (...) En contestant


enquêté nous révèle que « les koglwéogo ou partageant dans la durée le monopole
ont une utilité qui est reconnue par toute la de l’Etat sur les moyens de coercition, de
population du Saponé ». Sans être dans la taxation et parfois de représentation, ces
légalité, ils jouissaient d’une popularité acteurs irréguliers s’affirment comme des
certaine, du moins à leur début et souverains de fait, contribuant à leur
subséquemment, peut-on dire, de manière à la mise en ordre de la société
légitimité. Ils sont plutôt perçus comme dans laquelle ils évoluent »55. Comme le
légitime par la grande majorité de la soulignent F. Jobard et J. de Maillard,
périphérie parce qu'ils sont capables « une des raisons de son succès est qu’ils
d'atteindre des objectifs dans la lutte contre arrivent à « accroitre le sentiment de
la délinquance. Comme53 le laisse penser sécurité de la population »56. Dans ce
cet exemple, l'imputabilité fondée sur les contexte, la relation entre opinion
résultats est un moyen important pour collective et politique publique peut aller
obtenir la légitimité. de la contrainte, l’opinion détermine
Des personnes ressources estiment l’action, à l’indifférence, opinion et action
que : « l’individu cède une partie de sa sont indépendantes, en passant par la
liberté afin que l’Etat garantisse sa pression, l’opinion influence l’action
sécurité. Si cette sécurité n’est pas publique57, en passant par des scénarios
convenablement, il appartient aux citoyens intermédiaires tels que le « consensus
de se substituer à l’autorité publique et permissif »58. Dans une optique plus
d’assurer, au besoin par la violence, le spécifique, la problématique de l’opinion
respect de ses intérêts. Selon un membre publique amène à s’intéresser à l’existence
des koglwéogo, malgré notre influence et de clientèles politiques et à leur impact sur
le soutien de la population, nous n’avons les décisions publiques59.
aucune intention de remplacer l’Etat dans Les autorités ont dû, par la force
ses missions régaliennes, mais plutôt de des choses, concéder une restructuration de
l’accompagner ». Le soutien de l’opinion leurs politiques publiques de la sécurité en
publique est recherché afin de faire acceptant un accompagnement des groupes
pression sur l’État et de légitimer des d’auto-défense. De nombreuses
revendications54. Pour reprendre Gayer,
55
ces acteurs ont un véritable potentiel GAYER, (L.), « Ni guerre, ni paix : guerres sans
fin(s) ou désordre ordonnés ? » In : BADIE, (B.) et
VIDAL, (D.) (dir.), Nouvelles guerres : L’Etat du
52
OUEDRAOGO, (Nicole), Burkina : 90% des Monde 2015, La Découverte, Paris, 2014.
populations de quatre régions favorables aux 56
JOBARD, (Fabien), DE MAILLARD, (Jacques),
groupes d’autodéfense, Le Journal, Le faso.net, 15 Sociologie de la police. Politiques, organisations,
Octobre 2018. Pour en savoir plus : réformes, Paris, Armand Colin, 2015.
57
https://lefaso.net/spip.php?article85896. CAROLL, (J.) et al., Public Opinion, Boulder,
53
MULLER, (Pierre), LECA, (Jean), MAJONE, Westview Press, (1999), In : 57 IRONDELLE,
(Giandomenico), THOENIG, (Jean-Claude), (Bastien), La politique de défense est-elle a-
DURAN, (Patrice), « Enjeux, controverses et politique ? – Mars 2007 http://www.ceri sciences-
tendances de l'analyse des politiques publiques », po.org
58
In: Revue française de science politique, 46ᵉ année, LA BALME, (Natalie), Partir en Guerre.
n°1, 1996. pp. 96-133. Décideurs et politiques face à l’opinion publique,
54
HASSENTEUFEL, (Patrick), Les processus de Paris, Autrement, 2002.
59
mise sur agenda : sélection et construction des IRONDELLE, (Bastien), La politique de défense
problèmes publics, Informations sociales n° 157, est-elle a- politique ? – Mars 2007 http://www.ceri
2010, p. 50. sciences-po.org

243
L’émergence des koglweogo dans le secteur de la sécurité au Burkina Faso

alternatives sont discutées, peaufinées, et Au fil des années, le discours des


se préparent à être proposées dès que le acteurs ; entrepreneures politiques ont pris
problème émergera ou le contexte politique une place de plus en plus importante dans
sera favorable. l’espace public pour soutenir les initiatives
des koglwéogo. Ces acteurs sont en effet
2- L’avènement du régime post- reconnus ou entendus du fait, de leur
insurrectionnel : une fenêtre capacité à représenter les autres ou de leur
d’opportunité pour les koglwéogo position hiérarchique dans le processus de
décision politique. Cette question devient
L’alternance politique et le retour un enjeu central des débats politiques au
d’une vie politique normale ont confirmé moment de la victoire du candidat de Roch
leur confiance aux koglwéogo. Si les Marc Christian KABORE à l’élection
activités des koglwéogo dans le champ de présidentielle du janvier 2016 qui marque
la sécurité remontent dans les années 1970, le retour à la vie politique normale et que
la version actuelle a connu un véritable les populations se focalisent davantage sur
essor en 2015. La transition vers la la sécurité. L’engagement politique en
démocratie et le développement d’un faveur de ces groupes d’auto-défense
climat politique moins répressif avec la s’explique dans une perspective réaliste.
chute du régime de Blaise COMPAORE et Au regard du contexte d’insécurité, les
au lendemain de l’insurrection populaire a acteurs politiques en concluent que les
alimenté une recrudescence des koglwéogo politiques traditionnelles de sécurité
parrainées par le Ministre de s’avèrent inadéquates pour résoudre le
l’Administration territoriale et de la problème de la sécurité dans les zones les
sécurité intérieure et d’autres entrepreneurs plus reculées.
politiques locaux. Bien que ces groupes Pour le gouvernement, ces
soient violents et s’octroient des manifestations de violence démontrent que
prérogatives a priori attribuées à l’État, ils l’Etat n’est plus en mesure de résoudre seul
continuent d’occuper une place importante les problèmes qui affectent les populations.
dans le paysage politique et social Il en appelle donc à l’innovation. Les
burkinabè et cherchent à s’étendre à groupes d’auto-défenses sont
l’ensemble du pays. Ces acteurs qui, pour progressivement conviés à relayer et à
différentes raisons, ont pu profiter de la soutenir l’Etat. Ils remettent en question
fenêtre d’opportunité60 ouverte par l’approche policière et pénale
l’élection d’un nouveau président et ont traditionnelle qui, d’après eux, affiche des
bénéficié d’un soutien de taille, en résultats mitigés. Au regard de sa
mobilisant des acteurs tant du côté de complexité, l’insécurité est désormais
l’Etat que du côté de la société civile et des pensée comme un enjeu qui ne relève plus
acteurs politiques à travers la de la seule compétence de l’Etat, mais la
multiplication des forums sur la question présence d’autres acteurs semble
de ces acteurs autour de la question de indispensable. L’Etat se fait pragmatique et
l’insécurité. reconnaît son incapacité à maîtriser
totalement les processus de production des
60
politiques qu’il élabore. Il légitime
KINGDON, (John W.), Agendas, alternatives and
public policies, Op. Cit., l’existence d’un réseau d’action informel et

244
L’émergence des koglweogo dans le secteur de la sécurité au Burkina Faso

complexe, aux contours flous, qui interagit durée, ces entrepreneurs doivent donc
dans la mise en œuvre de l’action publique. développer leurs idées et propositions à
Plutôt que de dénier la pluralité des centres l’avance afin de pouvoir agir dès
de pouvoirs et la fragmentation des l’ouverture de cette fenêtre et avant que
programmes de lutte contre l’insécurité, il celle-ci ne se referme.
entend désormais s’appuyer sur les Pour reprendre FERRET : «
ressources des acteurs non étatiques. l’entrée par le discours et sa construction
Le gouvernement de Roch Marc déboucherait sur une réflexion assez
Christian KABORE montre son intérêt féconde, tenant compte des deux axes, faits
pour la question de l'émergence des et idées, les faits influençant la
koglwéogo dans le domaine de la sécurité, construction d’un système de pensée qui
des acteurs politiques et administratifs se joue à son tour, sur la manière dont sont
mobilisent pour faire ressortir et publiciser lus les faits »63. Face aux députés de
l’intervention des koglwéogo dans le l’Assemblée nationale le 22 avril 2016,
domaine de la sécurité et en faire une Simon Compaoré souligne en ces termes :
priorité de l’agenda gouvernemental. Les « Ceux qui sont dans les bureaux, sous les
Koglweogo sont rapidement devenus un climatiseurs et qui déclarent de manière
enjeu politique et font régulièrement péremptoire, qu’il faut sortir un décret
l’objet d’un discours bienveillant du supprimant les Koglwéogo (...), ceux qui
gouvernement à travers l’ancien ministre pensent qu’on va prendre un décret et dire
de la Sécurité, Simon Compaoré. Il que telle structure d’initiative n’existe
procède ainsi à une série de sorties sur le plus, se trompent. Ce n’est pas nous qui
territoire burkinabè pour discuter avec les avons créé les Koglwéogo (...). Nous
représentants des Koglweogo et des acteurs avons plus de 8 900 villages, 45 provinces,
traditionnels de la sécurité. Il profite lors 13 régions, 358 communes urbaines et
de son passage à Kantchari pour souligner rurales. Quelle que soit notre bonne
que : « Depuis trois jours maintenant, volonté, on ne peut pas avoir en nombre
partout où nous sommes passés, les suffisant des gendarmes, des policiers pour
policiers, les gendarmes m’ont dit qu’ils assurer la sécurité des paysans (...). Ce
mènent le même combat avec les faisant, ces discours rendent possible,
Koglweogo »61. Cette mise en récit établit orientent et justifient l’action que les
ainsi un lien entre ce qui est aujourd’hui et pouvoirs publics adoptent ou doivent
ce qui devrait être demain, lien qui a pour adopter.
effet de circonscrire les actions et solutions Dans ce contexte d’incapacité de
pouvant être mises en œuvre62. Les l’Etat à répondre au besoin de sécurité des
fenêtres d’opportunité étant de courte populations et sur la nécessité de compter
sur les alliés locaux aussi bien à la
61
SAWADOGO, ( Tiga Cheick), Simon Compaoré campagne qu’en ville. Ces groupes
aux Koglweogo de Kantchari : « Même les chiens d’autodéfense ont en effet fait preuve
ont des papiers », Journal, Lefaso.net, 17 janvier d’utilité selon une partie de la population
2018.
62
RADAELLI, (Claudio M.), “Fenêtre
d’opportunité”, In : Dictionnaires des politiques 63
FERRET, (J.), "Y aura-t-il des élections cette
publiques, 3e édition, sous la direction de Laurie année ? Technologie des partenariats et oubli du
Boussaguet, Sophie Jacquot et Pauline Ravinet, politique", Les Cahiers de la sécurité intérieure,
Paris, Presses de Sciences Po, 2010. n°50, 2002.

245
L’émergence des koglweogo dans le secteur de la sécurité au Burkina Faso

vivant dans des zones où les forces de Ce nouveau modèle implique une
sécurité sont absentes ou bien ne sont pas reconnaissance des koglwéogo (1) et la
proactives. Les acteurs traditionnels de la subordination des koglwéogo aux
sécurité sont appelée à composer avec ces exigences de l’Etat (2) avec la
nouveaux acteurs. En contrepartie, les transformation conséquente des normes,
acteurs politiques de l’opposition et des règles et procédures guidant la mise au
organisations de la société civile suggèrent point des politiques publiques.
au gouvernement d’assainir le secteur en
définissant leurs champs d’action. Dans cet 1- Vers une reconnaissance des
ordre idée, l’Etat providence va mobiliser acteurs
des instruments juridiques pour délimiter
strictement leurs prérogatives et modes Nombre de représentants politiques
d’intervention, des koglwéogo. perçoivent le sentiment d’insécurité
comme la résultante d’un sentiment
II- VERS UNE LEGISLATION ET d’impuissance des individus face aux
UN ENCADREMENT DES phénomènes de délinquance, impuissance
KOGLWEOGO amplifiée par l’impression de ne pas être
entendus par les pouvoirs publics. Ils ont
Les protestations se font néanmoins donc vu dans l’organisation des koglwéogo
virulentes au sein de l’opinion publique, de un moyen de développer les occasions
la presse et de l’opposition dont tous d’échanges et de coopération. A partir des
réprouvent les dérives des milices informations détenues par les habitants et
patronales et s’inquiètent des risques en des attentes qu’ils formulent, ils espèrent
termes de libertés publiques. Suite aux apprécier plus finement les types de
inquiétudes, les pouvoirs publics ont programmes à engager et leurs impacts sur
souhaité réglementer ces koglwéogo pour le degré de satisfaction de la population.
qu’ils ne puissent plus agir au mépris des Au-delà, une collaboration des koglwéogo
libertés publiques, mais très vite, le est recherchée pour limiter, outre le
pouvoir politique sera confronté à la sentiment d’insécurité. Les pouvoirs
difficile mise en œuvre de la police de publics pensent que cette implication est
proximité (B). susceptible de produire une réduction des
taux de grand banditisme et générateurs de
A- LA DECISION POLITIQUE sécurité, en reconnaissant les acteurs non-
étatiques, de prendre en charge, pour
L’idée de monopole étatique partie, la sécurité des populations de leurs
suppose la suprématie d’une décision différentes localités. Lors de nos entretiens,
publique traversant le fil de la hiérarchie une autorité dans le domaine de la sécurité,
administrative pour être appliquée telle il souligne que : « comprendre la
quelle aux niveaux opérationnels résurgence des acteurs locaux comme la
d’intervention. Il insiste désormais sur ses manifestation de la crise de l’Etat est sans
efforts pour rassembler l’ensemble des doute peu satisfaisant ».
intervenants autour d’un projet d’action Il ne s’agit ni la faillite de l’Etat ni
concerté. Il affirme un nouveau modèle sa privatisation, mais plutôt sa
d’action publique fondé sur le partenariat. réorganisation permanent en n’impliquant

246
L’émergence des koglweogo dans le secteur de la sécurité au Burkina Faso

les acteurs locaux sans pour autant les tenir gouvernement se les approprie »67. De
a priori pour une atteinte à son autorité et à l’encadrement de ces associations d’auto-
sa souveraineté. Au fur et à mesure défense, le ministre en charge de la
qu’augmentent les vulnérabilités et les Sécurité a fait savoir que « le
menaces qui pèsent sur la quiétude des gouvernement compte, non seulement les
populations, une pression s’exerce sur les obliger à se faire reconnaître légalement,
États pour qu’ils prennent des mesures mais aussi les accompagner en termes de
dans un contexte où « l’Etat ne peut plus coordination et de suivi de leurs activités
tout faire »64, il est donc indispensable de de prévention de l’insécurité tout en
parvenir à la lutte contre l’insécurité sans formant leurs membres au respect des
l’accompagnement des acteurs non- droits humains »68. L’action publique ne
étatiques. En 2016, le Ministre Simon doit plus simplement être le résultat d’un
COMPAORE, effectue une tournée à la choix politique, de préférences ou de la
rencontre des koglwéogo où ils sont mise en œuvre d’intérêts de groupes
installés. A cette occasion et en présences minoritaires et puissants mais doit
des acteurs sécuritaires, le Ministre salue la s’appuyer sur des normes. Toujours dans
contribution de ces acteurs locaux dans la sa plaidoirie pour le maintien de ces
lutte contre l’insécurité et face aux députés, groupes d’auto-défense, il a révélé que :
il souligne que : « Les systèmes de sécurité « dans le cadre de la relecture du décret
et de justice mis en place par l’Etat dans sur les Comités locaux de sécurité, un
beaucoup de localités ne permettent pas projet prévoit la reconnaissance par l’Etat,
une protection des personnes et de leurs des structures communautaires de sécurité,
biens, laissant les populations à elles- nées de la volonté des populations à la
mêmes face aux délinquants. Ce qui donne base, dans les villages, secteurs, milieux
une certaine légitimité à ces groupes socio-professionnels pour la prévention de
d’auto-défense»65. Cet argument produit l’insécurité et leur encadrement par une
l’adhésion du gouvernement à ce groupe. Il coordination communale de sécurité
a par ailleurs indiqué que : « le dirigée par le maire. Mieux, il a estimé
gouvernement a privilégié la voie de la qu’une bonne mise en œuvre de ce
sensibilisation et de l’encadrement de ces mécanisme permettra de mettre un terme
associations d’auto-défense »66. aux actions désordonnées et aux dérives
Alors, « des solutions au problème des Koglwéogo, tout en leur accordant un
sont formulées, légitimées (par le biais crédit de légalité au même titre que les
d’un consentement politique) et le autres associations »69.
Désormais, les acteurs intervenant
traditionnellement sur les questions d’ordre
sécuritaire vont devoir collaborer avec les
64
BOURCART, (Léo), « The state can’t do
everything any more : understanding the evolution nouveaux acteurs. Cette décision
of civil defense policies in France », In :
Resilience : International Policies, Pratiques and 67
JACQUOT, (Sophie), « Approche séquentielle
Discours, vol3 n0 1, 2015, p. 44. (stages approach) », In : Laurie Boussaguet et al.,
65
TANKOANO, (Mamouda), Simon Compaoré à Dictionnaire des politiques publiques, Presses de
propos d’une éventuelle récupération politique des Sciences Po (P.F.N.S.P.) « Références », 2014 (4e
koglweogo : « Celui qui s’amuse, il va se brûler les éd.), p. 82-90.
doigts», Journal Le pays, 25 avril 2016. 68
Ibidem.
66 69
Ibid. Ibid.

247
L’émergence des koglweogo dans le secteur de la sécurité au Burkina Faso

« implique la prise en compte du contexte les discours servent les acteurs qui les
dans lequel elle s’inscrit et des contraintes véhiculent pour donner de la cohérence à
qui pèsent sur l’action publique : leurs propres actions, pour rationaliser
institutions »70. Celui-ci n’imposerait plus leurs propres choix, ils permettent aussi de
le changement social par le biais d’un droit « convaincre [et persuader] les autres
autoritaire mais fédèrerait les initiatives, acteurs politiques de la plausibilité et de la
initierait des coopérations, expérimenterait légitimité de leurs idées »73. A l’issu d’un
de nouvelles modalités d’action, forum national sur la sécurité, organisé à
informerait, conseillerait et coordonnerait Ouagadougou, le 18 octobre 2017, les
l’ensemble des interventions. L’État entend forces vives de la nation ont formulé une
conserver un rôle prépondérant dans la dizaine de recommandations en vue
définition des objectifs et des priorités d’améliorer l’offre de sécurité au Burkina
d’action publique71. Par ce biais, l’État Faso dont la a prise en compte des
concilie la nécessité de définir de grandes opinions des acteurs non étatiques tels que
orientations politiques nationales avec une les groupes d’auto-défense dans un
marge d’initiative indispensable des nouveau plan d’actions sécuritaire et
gouvernés72. Ces groupes seront désormais l’encadrement de ces groupes d’auto-
encadrés par l’Etat et se conformer à la défense suivant les textes en vigueur. Le
réglementation en matière de détention et processus d’élaboration des orientations de
de port d’armes à feu en vigueur au la sécurité souligne en effet la nature
Burkina Faso. À travers cette démarche, le restreinte du forum au sein duquel les
gouvernement burkinabé cherche à directives de prise en charge sont élaborées
contrôler plus fermement les groupes et le petit nombre d’acteurs qui y ont accès.
d’autodéfense tandis que des réflexions
sont en cours pour créer une police de 2- La subordination des koglwéogo
proximité qui pourra inclure toutes les aux exigences de l’État
initiatives locales de sécurité.
L’action publique sécuritaire L’État entend conserver un rôle
devient alors le produit d’une négociation prépondérant dans la définition des
entre l’Etat et des acteurs non étatiques. Il objectifs et des priorités d’action
insiste sur la nécessité d’avoir un publique74. Au travers d’un jeu subtil
récépissé : demander à avoir un papier aux intriquant pédagogie et injonction. Il ne
préfets, aux maires, aux hauts s’agit plus pour lui d’imposer le
commissaires (…), c’est très important. Si changement par le biais d’un droit
autoritaire, mais de fédérer des initiatives,
70
HALPERN, (Charlotte), « Décision », In : Laurie de susciter des coopérations et d’impulser
Boussaguet et al., Dictionnaire des politiques de nouvelles modalités d’action. Par ce
publiques, Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.) « biais, l’État concilie la nécessité de définir
Références », 2014 (4e éd.), p. 205.
71
PAPADOPOULOS, (Y.), Complexité sociale et
73
politiques publiques, Paris, Montchrestien, 1995. DIETMAR, (Braun) « Interests or Ideas? An
72
GLEIZAL, (J.-J.), L’élaboration des politiques de Overview of Ideational Concepts in Public Policy
sécurité en France (1982-2002), In : FROMENT, Research. » Dans D. Braun et A. Busch, dir. Public
(J.-C.), GLEIZAL, (J.-J.), KALUSZYNSKI, (M.) Policy and Political Ideas. Cheltenham: Edward
(dir.), Les États à l’épreuve de la sécurité, Elgar Publishing, 1999, p 14.
74
Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, PAPADOPOULOS, (Y.), Complexité sociale et
2003, p. 33. politiques publiques, Op. Cit.

248
L’émergence des koglweogo dans le secteur de la sécurité au Burkina Faso

de grandes orientations politiques application »80. Ce rôle d’initiateur, sans


nationales avec une marge d’initiative garantir une maîtrise absolue de la
indispensable des gouvernés75. Pour éviter démarche, confère aux autorités centrales
tout dérapage, l’Etat a progressivement un rôle de premier plan dans la discussion
réglementé le secteur privé de la sécurité76. des objectifs et la conduite de l’action81.
Ses attributs législatifs lui laissent toute Les personnes autorisées à exercer de telles
latitude pour encadrer strictement l’activité activités sont expressément référencées par
de ses partenaires, leurs prérogatives et les la loi. La production réglementaire vise en
conditions de leur exercice. En réponse à la premier lieu les initiatives de la société
crise sécuritaire la plus grave de l’histoire civile, marchande ou associative. Celle-ci
du Burkina Faso, un des actes majeurs pris définit les conditions d’accès à la
par le président Kaboré fut l’adoption de la profession, l’étendue des prérogatives des
réforme de la police de proximité le 14 agents comme leurs zones d’action. A ce
novembre 201677. La police de proximité, sujet, le décret 2016-1052 du 14 novembre
qui relève des politiques publiques de 2016 portant modalités de participation des
sécurité78, est depuis une vingtaine populations à la mise en œuvre de la police
d’années une option stratégique dans la de proximité inspiré de la « réorientation »
lutte contre l’insécurité. Selon la loi sur la de 2010. Les koglwéogo se sont vues
sécurité intérieure de 200379, la police de confier de nouvelles prérogatives
proximité « consiste à intégrer au mandat strictement encadrées. Ils ne disposent
opérationnel des forces de sécurité d’aucun attribut de puissance publique,
intérieure la participation des mais des seuls pouvoirs concédés à
communautés dans la gestion de la l’ensemble des citoyens : se défendre en
sécurité par la prévention de l’insécurité et cas de légitime défense et appréhender
de la criminalité à travers l’identification l’auteur d’un crime ou délit pour le
concertée des problématiques locales de conduire devant un officier de police
sécurité, la recherche de solution et leur judiciaire82. Par leur présence régulière sur
le terrain, ils se chargent de suivre
75
GLEIZAL, (J.-J.), L’élaboration des politiques l’évolution de la situation d’insécurité dans
de sécurité en France (1982-2002), Op. Cit. leurs localités respectives, élaborent des
76
CHEVALLIER-GOVERS, (C.), De la
coopération à l’intégration policière dans l’Union procédures d’alerte rapide et mènent des
européenne, Bruxelles, Bruylant, 1999, p. 174. activités de sensibilisation. Ils permettent à
77
SAIDOU, (Abdoul Karim), La mise sur agenda
l’Etat de mieux apprécier les difficultés et
de la réforme de la police de proximité au Burkina
Faso : entre continuité et déficit programmatique, besoins des populations résidantes,
Revue Béninoise de Science Po (RBSP), Volume 03 facilitent le travail des forces de défense et
Numéro 01, Janvier 2019.
78
CHIHAN, (Michael), « Military security», in de sécurité à travers des activités de
Alan Collins (eds), Contemporary security studies, sensibilisation et un dialogue actif avec les
Oxford, Oxford University Press, 2013, p. 185-200,
In : SAIDOU, (Abdoul Karim), La mise sur agenda
80
de la réforme de la police de proximité au Burkina Ibid.
81
Faso : entre continuité et déficit programmatique, GAUDIN, (J.-P.), Gouverner par contrat.
Revue Béninoise de Science Po (RBSP), Volume 03 L’action publique en question, Paris, Presses de
Numéro 01, Janvier 2019. sciences po, 1999.
79 82
SAIDOU, (Abdoul Karim), La mise sur agenda GAUTRON, Virginie, Les politiques publiques
de la réforme de la police de proximité au Burkina de lutte contre la délinquance, Thèse Droit pénal et
Faso : entre continuité et déficit programmatique, Sciences criminelles, Université de Nantes,
Op. Cit.,p. 100 soutenue le 7 décembre 2006.

249
L’émergence des koglweogo dans le secteur de la sécurité au Burkina Faso

forces de défense de sécurité et les nouvelles »83. Si les nouveaux registres


populations. d’action issus des koglwéogo, le parent
Selon l’article 3 du décret, « est pauvre des vertus de l’ouverture et de
considérée comme structure l’humilité, ils n’induisent pas une
communautaire locale de sécurité toute égalisation des rapports qu’il entretient
association légalement constituée et dont avec ses partenaires. Désormais, les
l’un au moins des objectifs est la politiques publiques de la sécurité,
participation à la lutte contre l’insécurité supposent le concours des acteurs non-
». Alors la participation des citoyens à la étatiques. Sur le plan politique, les élus
police de proximité doit s’effectuer dans le cherchent à démontrer à leurs administrés
cadre des structures communautaires leur volonté d’agir sur les problèmes
locales de sécurité (SCLS). L’article 05 du d’insécurité et leurs capacités d’action
décret précise que : « la structure stratégiques. En effet, à travers la loi sur la
communautaire locale de sécurité est un police de proximité, l’Etat cherche à
cadre de prévention de l’insécurité à renforcer son influence dans le domaine de
l’échelle du secteur ou du village. Elle se la sécurité, tout en le recadrant selon un
crée librement, conformément aux paradigme (« participation communautaire,
dispositions en vigueur sur la liberté approche multisectorielle, appropriation du
d’association et reçoit de la part de gouvernement ») qui s’insère parfaitement
l’administration publique compétente et à dans le cadre cognitif et normatif84.
sa demande, un récépissé aux fins de Les cadres cognitifs et normatifs
déclaration d’existence ». En aucun cas qu’elle propose sont composés de «
les koglwéogo ne sont libres de leurs valeurs et visions du monde [. . .],
interventions. A l’identique, des lois et principes métaphysiques permettant
règlements précisent les conditions d’appréhender et d’ordonner le monde » et
d’habilitation et déterminent strictement de « principes explicatifs du problème
les tâches des acteurs associatifs qui constit[uant] des liens de causalité et
interviennent dans le champ de la justice d’attribution du problème », qui forment
pénale. Pour éviter toute confusion avec les « éléments interprétatifs » du cadre.
ses propres services de police, l’Etat va S’ajoutent à ceux-là les « éléments
jusqu’à réglementer dans les moindres d’action » que constituent les « principes
détails les tenues (couleur des uniformes); d’action » « principes ou consignes
équipements. Ces différents exemples pratiques, guides et méthodes découlant
démontrent que l’ouverture des activités de des principes explicatifs du problème » et
sécurité au profit des acteurs non- étatiques les « instruments ». Même si les
ne signifie aucunement un désengagement
de l’Etat. 83
ARNAUD, (A.-J.), La régulation par le droit en
La police de proximité, peut être contexte globalisé, In : Commaille J., Jobert B.
(dir.), Les métamorphoses de la régulation
appréhendée comme « une manière de politique, Paris, LGDJ, Maison des Sciences de
récupérer son pouvoir, voire d’assurer son l’Homme, 1999, p. 150.
84
HARMAN, (Sophie), “The World Bank and
expansion selon des modalités health”. In Global health governance. Crisis,
institutions and political economy, sous la direction
d’Adrian Kay et Owain David Williams,
International political economy series. Basingtoke,
New York, Palgrave Macmillan, 2009.

250
L’émergence des koglweogo dans le secteur de la sécurité au Burkina Faso

associations se créent librement, elles se à d’autres acteurs non étatiques que dans le
doivent d’avoir un récépissé délivré par respect de la légalité, d’où le décret sur la
une autorité compétente. En usant de ses police de proximité. C’est dire aussi qu’un
normes, l’Etat tente de canaliser, d’orienter acteur non Etatique ne peut pas s’autoriser
et d’instrumentaliser ces acteurs pour d’exercer une telle mission sans avoir été
qu’ils contribuent à la restauration de son habilité par l’Etat. Au regard de ces
efficacité et de sa légitimité, en obligeant règlementations de leurs activités, les
les koglwéogo à se conformer aux lois de koglwéogo, se sont abstenus de se
la république et ne pas avoir une mission conformer à la loi qui détermine leurs
de souveraineté comme domaine d’activité modes d’intervention. Par conséquent, ces
d’où le refus des koglwéogo. Son ambition groupes ne peuvent avoir cette mission et
est d’éviter les dérives particularistes que ne peuvent se l’approprier et agissent dans
pourrait causer les koglwéogo. Malgré le un cadre non conforme à la loi sur la
décret portant la police de proximité, liberté d’association et non reconnu par les
l’Histoire s’est chargée de démontrer, que lois de la république. En son article 12, ces
les autorités étatiques n’ont pu maîtriser SCLS devront avoir une base légale,
totalement la mise en œuvre effective des respecter l’intégrité physique des présumés
politiques engagées. La hiérarchie peine à bandits, s’abstenir de prélever des « impôts
imposer sa rationalité à des exécutants qui ». Aly Son souligne que : « ce groupe a
ne poursuivent ni ne respectent l’ensemble fait de la sécurité publique un travail à
des consignes et objectifs qu’elle temps plein. Et s’ils ne veulent pas se
détermine. conformer à la loi, c’est parce que la
police de proximité telle que prévue et
B- LA DIFFICILE MISE EN organisée par la loi est une activité
ŒUVRE DE LA POLICE DE bénévole, qui ne peut nourrir son
PROXIMITE homme »85.
Lorsque l’idée de bénévolat est
A bien des égards, l’Etat n’est proposée aux koglwéogo, elle n’a pas fait
guère en mesure d’imposer unilatéralement pas l’unanimité au sein du groupe. Ainsi,
ses décisions à ses exécutants d’où la les acteurs à l’échelle nationale portent de
défiance de l’Etat par les koglwéogo à manière dominante un discours
l’égard de la loi sur la police de proximité s’inscrivant clairement dans le cadre la
(1) et les exactions commises par ceux-ci prise en charge, voire de réintroduire une
(2). participation financière des koglwéogo, Ce
type de condition pose donc un obstacle
1- La défiance de l’Etat par les très clair à toute tentative de de légalité de
koglwéogo à l’égard de la loi sur la ces groupes et l’absence de moyens
police de proximité contraignants et de capacités financières à

Les missions d’assurer la sécurité 85


SON Aly, De la problématique des Koglwéogo:
publique des Burkinabè ainsi que les Analyse de Aly Son, citoyen burkinabè, Journal,
missions de rendre justice sont de la Sidwaya, 17 janvier 2019. En savoir plus :
https://www.sidwaya.info/blog/2019/01/17/de-la-
compétence exclusive de l’Etat et ne
problematique-des-koglweogo-analyse-de-aly-son-
peuvent en aucune manière être déléguées citoyen-burkinabe/.

251
L’émergence des koglweogo dans le secteur de la sécurité au Burkina Faso

leur disposition les pousses également à sécurité intérieure… Il résulte de cette


utiliser des moyens qui vont à l’encontre disposition que relèvent du domaine de la
des textes régissant les associations. Or, souveraineté, les missions de rendre la
l’activité de koglwéogo à l’Etat actuel est justice et d’assurer la sécurité publique et
devenue un métier qui nourrit son homme ce domaine est assurée exclusivement par
relève Aly Son. Poursuivant : « Les l’Etat. Autrement dit, les missions
amendes illégales et perçues de force d’assurer la sécurité publique des
servent à nourrir les membres du groupe. Burkinabè ainsi que les missions de rendre
Certains ont pu s’acheter des justice sont de la compétence exclusive de
motocyclettes, construire des maisons et l’Etat et ne peuvent en aucune manière
ont acquis une certaine respectabilité »86. être déléguées à d’autres acteurs non
Ce groupe, s’étant accaparé le pouvoir étatiques que dans le respect de la légalité,
d’assurer la sécurité publique et de rendre d’où le décret sur la police de proximité.
la justice, s’illustre par l’arrestation illégale C’est dire aussi qu’un acteur non Etatique
et arbitraire, violente d’une part et de la ne peut pas s’autoriser d’exercer une telle
détention et du jugement de ces personnes mission sans avoir été habilité par l’Etat.
arrêtées d’autre part. Dans une position De ce fait, ce groupe « Koglwéogo » ne
défensive, les koglwéogo dénoncer les peut avoir cette mission et ne peut
limites du décret sur la police de proximité s’approprier cette mission dans notre
qui ne prend pas en compte la dimension république, sans se conformer à la loi. Et
pécuniaire et ne souhaitent pas se notre Etat ne devrait jamais tolérer
constituer comme une association. l’existence d’un groupe qui ne veut point
La plupart des koglwéogo se conformer aux besoins de la vie en
interrogés soulignent, à juste titre, république »87.
l’absence de financements spécifiques de Il revient seul à l’Etat, le monopole
l’Etat en faveur les pousse à agir ainsi. La de l’exercice de la violence légitime par
participation judiciaire est ainsi devenue un l’intermédiaire d’un ensemble
enjeu financier pour les koglwéogo. Pour d’institutions qui lui sont parfaitement
reprendre Son Aly « seules les forces de intégrées (la police, la justice,
défense et de sécurité ont le droit l’administration pénitentiaire).Il ne
d’interpeller et de garder d’autre pourrait y avoir de concession de
burkinabè et ce, dans le respect de leur compétences. Mais voilà, que : « ce groupe
dignité ». Pourtant « la loi n°10/98/AN du (…) se permet d’arrêter, de torturer, de
21 avril 1998 portant modalités tuer, de mutiler des burkinabè. Et pendant
d’intervention de l’Etat et répartition de ce temps, d’autres burkinabè sont
compétences entre l’Etat et les autres condamnés devant les tribunaux et privés
acteurs du développement dispose en son de leur liberté d’aller et venir »88. Le
article 03 que : dans le domaine de foisonnement et la diversification des
souveraineté, les missions exercés à titre acteurs qui interviennent dans le processus
exclusif par l’Etat sont : promouvoir et sont autant d’évolutions des configurations
rendre la justice, assurer la sécurité de l’action publique qui contribuent à
publique, assurer la défense nationale et la
87
SON Aly, De la problématique des Koglwéogo:
Analyse de Aly Son, citoyen burkinabè, Op. Cit.,
86 88
Ibid., Ibid.,

252
L’émergence des koglweogo dans le secteur de la sécurité au Burkina Faso

brouiller les repères existants entre les des relations trop étroites. En définitive,
rôles des acteurs, les échelles d’action pour l’administration juridique, les
publique et les étapes du processus koglwéogo n’existent pas comme
décisionnel89. « L’instabilité, la faible partenaire à part entière. L’intensité des
maîtrise et les ambiguïtés (voire les relations avec les forces de sécurité varie
contradictions) font souvent partie de en fonction des localités, et du degré de
l’action publique qui parfois s’apparente à présence de celles-ci. S’il n’est pas rare
un bricolage aléatoire d’activités que Koglweogo et forces de l’ordre
hétérogènes portées par des acteurs s’entendent et coopèrent sur certaines
multiples, fragmentés et fluctuants »90. Ce affaires, il arrive aussi que des Koglweogo
sont ces caractéristiques floues et soient arrêtés et mis en prison lorsque les
incertaines du processus de l’intervention autorités estiment que ces derniers vont
de koglwéogo dans le domaine de la trop loin. En outre, imprégnée de l’image
sécurité. fortement connotée des milices, l’opinion
Pour reprendre les termes de publique craint les dérives éventuelles d’un
l’analyse autour du concept de « travail contrôle social abusif.
institutionnel », ces nouveaux acteurs
pourraient entreprendre un travail de « 2- Des exactions commises par des
déstabilisation » des institutions existantes, koglwéogo
en opposition avec le travail de « maintien
» réalisé jusqu’à présent par les acteurs91 La brutalité des méthodes de ces
des forces de défense et de sécurité. Il groupes suscite de vives inquiétudes dans
s’agirait alors d’analyser les interactions la population et parmi les défenseurs des
entre acteurs. Les membres du parquet sont droits humains. « Si la quête ou le besoin
réticents à s’investir aux côtés du pouvoir de sécurité et de justice des populations est
politique considérés, face à la immense et pressant, cela ne devrait
multiplication des affaires politico- nullement faire le lit des pratiques
judiciaires. Pour ne pas freiner leur action illégales, attentatoires aux libertés et
en cas de poursuites éventuelles, ils droits fondamentaux », souligne un
redoutent et évitent d’entretenir avec eux enquêté. Leurs méthodes, parfois faites de
tortures, de traitements humiliants et
89
HASSENTEUFEL, (Patrick), et FONTAINE, dégradants, de séquestrations entraînant
(Joseph), “Quelle sociologie du changement dans
parfois des morts, sont dénoncées par les
l’action publique ? Retour au terrain et
"refroidissement" théorique”. In : To change or not défenseurs des droits de l’homme, à
to change ? Les changements de l’action publique à l’instar du Mouvement burkinabé des
l’épreuve du terrain, sous la direction de Patrick
Hassenteufel et Joseph Fontaine, 9–29. Res Publica, droits de l’homme et des peuples
Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2002. (MBDHP), contraignant les autorités à
90
HASSENTEUFEL, (Patrick), Sociologie réagir pour que la dignité de la personne et
politique : l’action publique, Paris, Armand Colin,
2011. la vie soit respecté. Lors d’une conférence
91
LAWRENCE, (Thomas B.), et SUDDABY, de presse, le 7 mars 2016, Simon
(Roy) “Institutions and institutional work”. In :
Compaoré, le ministre de l’Intérieur,
Handbook of organization studies, 2e édition, sous
la direction de Steward R. Clegg, Cynthia Hardy, soulignait que : « Ces groupes
Thomas B. Lawrence et Walter R. Nord, 215–254. d’autodéfense doivent s’exercer en toute
Londres, Thousand Oaks, New Dehli : Sage
Publications, 2006. légalité et commencer par se faire

253
L’émergence des koglweogo dans le secteur de la sécurité au Burkina Faso

reconnaître […] On ne peut pas penser un meurtres du chef de village ainsi que les
seul instant qu’il est possible pour l’État membres de sa famille qui seraient le fait
central d’installer des brigades de de groupes islamistes armés. Après ces
gendarmerie dans chaque village. Nos massacres, des ordres auraient été donné
moyens humains et matériels sont limités par des koglwéogo d’« exterminer tous les
»92. Alors ces acteurs apparaissent « ainsi hommes peuls » accusés d’avoir aidé les
comme l’érosion de la souveraineté de « terroristes » et à provoquer « un
l’Etat93 ou comme la manifestation d’une carnage »97.
souveraineté fragmentée »94. Des déplacés ont décrit ce qu’ils
Ce groupe aux contours encore considèrent comme étant des efforts
flous et dont l’existence même fait débat déployés de manière organisée par la
s’est illustré par des attaques meurtrières communauté adverse et sa milice pour
contre les populations dans plusieurs détruire leurs moyens de subsistance et, à
localités du pays. Parmi ces attaques on terme, les pousser à partir de leurs villages.
peut citer celles des membres de la Des Peuls, parmi lesquels des dirigeants,
communauté peulh de Yirgou dans la assurent que les groupes d’autodéfense ont
province du Sanmentaga. Dans cette utilisé la lutte contre les islamistes armés
localité, la communauté mossi vivant avec comme un prétexte pour expulser les Peuls
les peulh, les accuse d’être des des terres fertiles.
informateurs, des alliés des djihadistes, De nombreuses personnes ont
pourtant difficile à prouver. Le journal souligné lors du focus group que : « la
wakat sera relève que : « sur la base de communauté moaga, traditionnellement
simples suspicions et de fausses agricoles, et la communauté peulh,
accusations, les groupes d’auto-défense traditionnellement pastorales, ont depuis
Koglwéogo avec certains villageois de longtemps des désaccords concernant
Yirgou, « ont attaqué une vingtaine de l’accès aux terres et aux ressources en
villages et ont perpétré des massacres sur eau. Mais ces désaccords ont rarement
des membres de la communauté Peulh débouché sur des affrontements sanglants,
pendant trois jours (1er au 3 janvier 2019) mais avec l’ingérence des koglwéogo ont
»95 dont 210 personnes qui ont été tuées au débouché à ce massacre ». Dans
cours de cette barbarie et plus de 19 000 Franceinfo, le président du Mouvement
déplacés96. Ces massacres commis par des burkinabé pour les droits de l'homme et
koglwéogo semblent être pour venger des des peuples (MBDHP) Chrysogone
Zougmouré, révèle également que : « le
92
problème de cette montée de la justice
Ibid.
93
BLOM HANSEN, (T.), STEPPUTAT, (F.) (eds), privée, de ces gens qui font justice eux-
Sovereign Bodies. Citizens, Migrants and States in mêmes est une très grande menace pour le
the Postcolonial World, Princeton/Oxford, vivre ensemble et les rapports
Princeton University Press, 2005.
94
David PRATTEN, Atreyee Sen, Global
97
Vigilantes: Perspectives on Justice and Violence, DOUCE, (Sophie), Au Burkina Faso, les Peuls
Londres, Hurst, 2007, p. 423. victimes d’une stigmatisation meurtrière, Journal
95
BOUGOUM, (Bernard), Yirgou: « Le monde Afrique, du 04 février 2019. En savoir
L’extermination a été planifiée », selon le CISC, plus
Journal Wakat sera, 1 février 2019. https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/02/04/
96
DRABO, (Colette), Drame de Yirgou, Journal Le au-burkina-faso-les-peuls-victimes-d-une-
pays, 04 février 2019. stigmatisation-meurtriere_5418966_3212.html

254
L’émergence des koglweogo dans le secteur de la sécurité au Burkina Faso

communautaires", dénonçant une tentative ou du moins se comporter comme une


de "nettoyage ethnique" »98. Ces attaques armée pour défier l’autorité de l’Etat. Cela
sont intervenues dans un environnement amène représentant de la société civile à se
dominé par des luttes de pouvoir locales demander comment : « les koglwéogo ont
ainsi que dans un cycle de représailles et réussi à se procurer autant d’armes sans
de vengeances entre des acteurs qui que le gouvernement ne soit inquiété ».
s’affrontent pour des ressources naturelles La communauté peulh accuse l’Etat
très limitées dans la zone. La menace que de ne pas offrir une protection adaptée à
représentent les koglweogo a été très vite leurs membres. Les organisations de la
perçue par tous, notamment les hommes de société civile reprochent aux autorités
presse dans les débats. burkinabè de ne pas mener d’enquêtes
A l’Ouest du Burkina Faso, où adéquates pour l’arrestation des auteurs de
l’ethnie dioula est majoritaire, leur ces crimes. Des acteurs de la société civile
présence a été contestée. Pour Urbain et le collectif des avocats des victimes ont
Yameogo, l’une des causes profondes de fait part d’inquiétudes portant sur la lenteur
cette opposition est ethnique : ou l’absence de réponse des services
« Initialement, les koglweogo se sont judiciaire à la suite des attaques. Si le
développés sur le territoire des Mossi. La sentiment émerge parfois d’une désertion
population a de plus en plus tendance à de l’institution judiciaire dans le traitement
identifier ces groupes à cette ethnie. Leur de ce conflit communautaire, cela
implantation dans des zones où les Mossi s’explique, au refus des koglwéogo de
sont minoritaires donne à la population répondre aux convocations de la justice.
l’impression d’une forme de conquête, Les organisations de la société civile en
d’impérialisme. Les koglweogo sont en appellent à l’application de la loi. Cette
train d’ériger des régions contre des option se traduirait par un renforcement
régions, des ethnies contre des ethnies, et important des pouvoirs régaliens de l’Etat.
ça, c’est dangereux »99. Des auteurs Les institutions sont à la fois
abordent désormais frontalement la coproductrices de la sécurité et
question de la production des violences se coproductrices de l’insécurité. Comme
référant à une identité ethnique. Dans l’indique P. ROBERT, « l’important ce
l’imaginaire collectif, les koglwéogo n’est pas seulement que la vitre ait été
supplantent désormais, comme source cassée […] mais aussi qu’on tarde à la
potentielle de menace contre la changer »100. L’impuissance de l’Etat qui
cohabitation intra-communautaire. explique en grande partie la flambée de la
Comment dans une république, un groupe violence par les koglwéogo. Pour
d’individus peut se constituer une armée reprendre Lascoumes : « les élites
dirigeantes sont ainsi dans une situation
98
apparemment contradictoire qui est
https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/burkin
a-faso/cette-montee-de-la-justice-privee-est-une- révélatrice de leur position de pouvoir »101.
grande-menace-pour-le-vivre-ensemble-au-burkina-
faso-l-inquietant-essor-des-milices-d-autodefenses-
100
citoyennes_3484617.html ROBERT, (Philippe), Le citoyen, le crime et
99
LE CAM, (Morgane), Au Burkina Faso, les l’Etat, Genève, Librairie Droz, 1999, p.74.
milices d’autodéfense échappent peu à peu au 101
LASCOUMES, (P.), Témoignage sur un
contrôle des autorités, Journal, Le monde Afrique, parcours de recherche : légalistes et transgresseurs :
29 mai 2017. le rapport paradoxal des élites dirigeantes aux

255
L’émergence des koglweogo dans le secteur de la sécurité au Burkina Faso

CONCLUSION d’insubordination que pourrait occasionner


toute décision unilatérale de
L’intrusion des koglwéogo ne s’est
démantèlement systématique de ces
pas réalisée contre l’Etat, bien au contraire.
groupes d’autodéfense, a choisi de
Impuissant face à la progression de la
privilégier les voies de la sensibilisation et
délinquance, à la crise institutionnelle et à
de l’encadrement, par l’abandon des
la raréfaction des ressources sécuritaire, il
pratiques décriées, pour le respect des
s’est attelé à légitimer leurs participations.
droits humains dans les actes posés et pour
Sans ce puissant soutien, ces dernières
l’application des sanctions pénales prévues
n’auraient sans doute pas connu un tel
en cas d’infraction.
développement. Il y a lieu de noter
Dès lors, que le Ministre ait lancé
qu’aucune évaluation publique n’a été faite
dans une opération de qualification et
de l’impact de l’action des Koglweogo sur
d’inscription de (cette) question au sein
l’insécurité. Le constat qui est fait par
d’un espace de réflexion et de traitement
contre, est que les Koglweogo existent,
spécifique, il a été sans aucun doute
qu’ils se multiplient et qu’ils posent des
l'entrepreneur principal de ces acteurs dans
actions qui ont pour conséquence de
la circulation des idées et la constitution
diviser l’opinion publique. En effet : les
des réseaux sociaux102. L’idée principale
populations rurales ou semi-urbaines,
de ce modèle consiste à souligner que les
victimes des hauts faits des voleurs,
débats autour des politiques publiques se
encouragent l’action des Koglweogo et
développent sur une multiplicité de scènes,
surtout leurs méthodes qui permettent de
au sein de diverses instances, nommées «
parvenir à des aveux de délinquants et à
forums », qui sont régies par des enjeux et
retrouver soit les biens volés, soit leur
des règles qui leur sont spécifiques, suivant
équivalent en numéraires, extorqués le plus
une temporalité particulière et mettant en
souvent par la force, ce qui leur vaut d’être
scène des acteurs différents103 autour de la
populaires.
question des nouveaux types d’acteurs dont
À l’opposé, pour les populations
les koglwéogo. L’affirmation suivant
citadines, intellectuelles pour la plupart, les
laquelle l’Etat disposerait d’un monopole
koglwéogo ont démontré qu’ils ne peuvent
dans le champ de la lutte contre la
et ne pourront pas s’accommoder aux
délinquance ne résiste pas intégralement à
règles de la République suite à leurs
l’examen des faits.
dérives et des voix s’élèvent
quotidiennement pour inviter le
gouvernement à procéder à leur
démantèlement. Les récents affrontements
entre les communautés, viennent rappeler
que ces milices continuent à défier
l’autorité de l’Etat. Le gouvernement,
prenant en compte, les risques 102
BATHELT, (Harald) et SCHULDT, (Nina), «
d’importants troubles à l’ordre public et Temporary Face-to-Face Contact and the Ecologies
of Global and Virtual Buzz. » Spaces 6 (4), 2008.
103
BOUSSAGUET, (Laurie), Forum, In: Laurie
règles sociales. Criminologie, 49 (1), 2016. Boussaguet et al., Dictionnaire des politiques
https://doi.org/10.7202/1036192ar. publiques Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.),
2014, p. 285.

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