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Le parallèle est frappant avec la situation que nous vivons actuellement. Les
individus sont assignés à une place fixe, chez eux. Leurs mouvements sont
contrôlés par des laissez-passer. Les forces de l’ordre aussi bien par voie
terrestre (barrage de police) que par voie aérienne (les hélicoptères ou les
drones qui tournent au-dessus de nos têtes) viennent régulièrement nous
rappeler la présence et la puissance du dispositif de contrôle mis en place,
contre lesquelles peu de voix s’élèvent.
Mais pour Michel Foucault, peu importent finalement les critères, les
formes et les transformations que le programme disciplinaire peut
connaître. Il vise – par tous les moyens – à assurer l’agencement et l’ordre
des multiplicités humaines. Et c’est en s’inscrivant dans son analyse que l’on
peut voir dans les stratégies de déconfinement qui se déploient actuellement
la continuité d’un programme disciplinaire.
Peut-être que l’État n’a jamais au fond vraiment cru à ces masques –
chirurgicaux ou grand public – que l’on met et que l’on enlève, que l’on lave
mais que l’on peut aussi négliger. À une approche négociée des risques, une
approche disciplinaire a été préférée. Déjà les corps sont conduits et guidés
à l’extérieur de la sphère privée. Ils doivent se déplacer selon un sens de
circulation bien établi. Ils sont alignés, écartés les uns des autres.
Les élèves se voient assigner une place dans la cité qui correspond aux
stigmates et caractéristiques sociales de chacun. Se construisent une
exclusion et une individualisation spatiale : certains peuvent être à l’école,
d’autres doivent rester chez eux.
Sauf que – et c’est là que le bât blesse – si nous avons accepté jusqu’ici cette
société disciplinaire, nous ne croyons pas au pouvoir de ses ramifications
spatiales pour nous protéger du virus. La société disciplinaire dans laquelle
nous avions basculé à travers la politique du confinement nous rassurait.
Elle semblait nous mettre complètement et définitivement à l’abri de
l’ennemi extérieur.
Au final, ces deux solutions sont les deux faces d’une même société
disciplinaire qui nous gouverne et dont nous sommes devenus un rouage.
Cette approche disciplinaire de l’épidémie, en même temps qu’elle inquiète,
semble préférée pour mieux nous préserver des aléas et des « marginaux »
qui ne se plient pas aux mesures sanitaires.
Le mécanisme disciplinaire est ainsi maintenu, même s’il devient presque
invisible puisqu’il nous est présenté sous l’angle du libre choix. Refuser
cette société disciplinaire, c’est accepter de ne plus s’en remettre aux seules
fonctions pyramidales de contrôle et de surveillance pour se protéger du
virus.