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Le risque de rupture

de barrage

D epuis très longtemps, l’homme, pour assurer l’irrigation des terres fertiles et
les protéger des crues des fleuves ainsi que, plus tard, pour satisfaire les
besoins en eau des villes, a constitué des réservoirs d’eau en barrant le lit des
rivières ou des fleuves par des ouvrages qu’il a conçus et construits. Toutefois,
jusqu’à une époque récente, leur nombre et leur importance restaient limités.
Depuis moins d’un siècle, les besoins, notamment en énergie électrique, ont
conduit à réaliser des ouvrages de dimensions considérables afin d’assurer la
meilleure utilisation des ressources en énergie hydraulique du pays.

Quels sont les différents types de La nature du risque et les accidents


barrage ? possibles
Le danger réside dans la rupture du barrage
ou sa submersion, par suite d’une crue
impor tante ou d’un gros éboulement tombant
dans la retenue.

Une enquête récente fait état de 164 ruptures


survenues dans le monde dont 42 depuis
1950. Elles se produisent principalement au
cours du premier remplissage et par submersion.
Parmi ces ruptures, celle du barrage de
Malpasset, intervenue le 2 décembre 1959,
lors de la première mise en eau, a provoqué
la mort de 421 personnes dans la région de
Le barrage de Notre Dame de Commiers Fréjus.
7 janvier 2004
© S. Gominet - IRMa Le risque de rupture est fonction :
Il existe deux grandes familles de barrages : - du type de barrage (barrage voûte, barrage
poids, barrage en remblai),
- les barrages en matériaux meubles ou
semi-rigides (Serre-Ponçon, Grand-Maison, etc.) ; - de la période de construction (l’évolution
des techniques de construction rend bien
- les barrages en maçonnerie ou béton
évidemment les barrages modernes
(Tignes, Monteynard, etc.).
beaucoup plus sûrs),
A l’échelon mondial, 85 % des barrages sont - de la phase d’exploitation de l’ouvrage (la
en matériaux meubles. phase de remplissage est en effet la plus
C’est surtout à partir de 1950 que de nombreux critique),
barrages furent réalisés. En effet, mondialement, - de la surveillance et de l’entretien des
le nombre des barrages de 15 mètres de ouvrages.
hauteur et plus passe de 5 200 en 1950 à 16
La rupture d’un barrage n’est pas en général
200 en 1983, Chine exclue (35 000, Chine
un phénomène brutal : un barrage en remblai
incluse).
se rompt progressivement par érosion externe
En France, de nos jours, il y a environ 450 ou interne laissant apparaître des fuites qui
ouvrages de plus de 15 mètres et dont la augmentent progressivement. Un barrage
plupart ont été construits après 1950. en béton a tendance à se rompre plus

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Le risque de rupture
de barrage

rapidement, mais il y a cependant toujours


des signes avant-coureurs détectés par les La prévention
systèmes de sur veillance mis en place
Elle repose sur :
obligatoirement sur les ouvrages.
La réglementation
Lors d’une rupture, on observe en aval une En France, la plupart des grands barrages ont
inondation catastrophique comparable à un pour rôle la production d’électricité. A ce titre,
raz-de-marée, précédée par le déferlement
ils sont placés sous le contrôle du ministère
d’une onde de submersion.
chargé de l’Industrie. L’exploitation de ces
barrages est concédée par l’Etat à des
La catastrophe de Malpasset exploitants publics (EDF) ou privés (CNR, etc.).
Le barrage de Malpasset s’est rompu le 2
décembre 1959, causant un grand nombre Qu’est-ce qu’un grand barrage ?
de victimes dans l’agglomération de Fréjus. Un grand barrage est un aménagement
hydraulique qui comporte à la fois un réservoir
La rupture de cet ouvrage (un barrage-voûte
d’une capacité égale ou supérieure à quinze
en béton) de 60 mètres de hauteur a
millions de mètres cubes et un barrage ou
stupéfait la communauté de techniciens
une digue d’une hauteur d’au moins vingt
spécialisés, car ce type d’ouvrage est
extrêmement sûr et aucune structure en mètres au-dessus du point le plus bas du
voûte n’avait jusqu’alors causé de sol naturel.
catastrophe comparable. (Décret n°92-997 du 15 septembre 1992)

La raison profonde de l’accident est apparue Les autres barrages sont soumis à autorisation
lors des enquêtes ultérieures et se trouvait délivrée au propriétaire par les ser vices
au niveau du rocher de fondation, lequel, chargés de la police des eaux (DDE, DDAF),
sur la rive gauche, se trouvait découpé par agissant sous l’autorité du ministère chargé
des fractures géologiques en un dièdre sur de l’Environnement.
lequel reposait une par tie du barrage
(incluant une culée stabilisatrice). Ce dièdre Pour les grands barrages qui relèvent de
rocheux fut déséquilibré par l’action la compétence du Ministère de l’Industrie,
conjointe de la poussée du barrage et de la celui-ci, depuis la catastrophe de Malpasset,
pression de l’eau infiltrée par les fractures s’est doté d’une organisation spécialisée
depuis la retenue, et cela lors du premier (décret du 13 juin 1966 et circulaire d’appli-
remplissage. cation 75-65 du 27 novembre 1975) : le
Cette catastrophe a donc révélé que comité technique permanent des grands
l’architecture du massif d’appui devait être barrages, qui réunit des techniciens de
vérifiée avec le plus grand soin et que les l’administration, des experts indépendants et
calculs de stabilité devaient s’étendre au un service technique : le bureau d’études
rocher de fondation et ne pas se limiter au techniques et de contrôle des grands barrages
barrage. (BETCGB). Ce sont ces organismes qui
étudient les demandes d’autorisation de
Elle a également rappelé que la surveillance construction et assurent le suivi des visites
et l'analyse des données lors de la phase périodiques, tout particulièrement la visite
de premier remplissage de la retenue était décennale. Le contrôle du respect des
essentielle car elles permettaient de vérifier dispositions de surveillance permanente et de
les calculs de conception de l'ouvrage.
leur exploitation qui sont de la responsabilité
La mécanique des roches s'est développée de l’exploitant, est assuré localement par la
en France à partir de cette catastrophe. DRIRE.

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Le risque de rupture
de barrage

La conception et la réalisation montée progressive du niveau avec des mesures


Les autorisations données par l’Etat résultent d’auscultation extrêmement nombreuses et
de l’examen, par les organismes cités précé- une surveillance visuelle quotidienne du barrage,
demment, d’un certain nombre d’études. de ses fondations, des versants de la retenue.
Toutes ces données d'auscultation et de
L’étude de site, qui précède la réalisation sur veillance sont analysées à chaque phase
d’un ouvrage, est complexe et prend en de la montée du plan d'eau.
compte la géologie, l’hydrogéologie (écoulement
de l’eau souterraine) et l’hydrologie (pluviométrie, Pendant la phase d’exploitation : l’exploitant
débit des rivières). doit assurer la surveillance de l’ouvrage et de
ses évacuations, ainsi que des versants de la
Le barrage fait corps avec le terrain qui lui retenue, lors de visites périodiques, par un
sert d’assise. Après les relevés topographiques examen visuel. Cet examen doit être fréquent
initiaux sont engagées des études ponctuelles pour faire une détection précoce de toute
(sondages, essais de résistance, mesures de anomalie. Des mesures d’auscultation sont
perméabilité, percement de galeries de recon- exécutées par le personnel d’exploitation et
naissance), qui permettent de connaître la par un personnel qualifié.
structure des terrains de fondation, leur stabilité
et leur fracturation éventuelle. Ce sont les mesures :
- de débit de fuite,
D’autre part, des études similaires sont également - de pression d’eau (niveaux piézométrique,
réalisées sur les rives du futur lac, afin de pressions interstitielles, etc.),
vérifier que les variations de niveau des eaux
- de déformation et de mouvement de l'ouvrage
ne seront pas susceptibles de déclencher des
(topographie, pendules, tassomètres),
éboulements ou des glissements de terrain.
- de déformation et d'ouverture des joints de
De même, la connaissance des débits construction.
qu’appor te la rivière est essentielle.
L'exploitant doit assurer tous les travaux
L’analyse des mesures de pluie et de débit
d'entretien nécessaires. Le respect de ces
permettent de déterminer la crue maximale
obligations est contrôlé par la DRIRE.
susceptible de se produire, et donc de prévoir
les aménagements pour évacuer l’eau si la Des vérifications sont effectuées par les services
retenue est pleine, sans dommage pour de l’Etat :
l’ouvrage et sans aggravation de la crue à - La visite annuelle se fait à retenue pleine.
l’aval. Les aménageurs prennent en compte Elle comporte un examen visuel des parties
des niveaux de crues ayant une très faible non noyées, un contrôle de l’état de fonc-
probabilité d’être atteints : fréquence millé- tionnement des drains, du bon état d’en-
nale (1 chance sur 1000 de survenir chaque tretien et de fonctionnement des organes
année) ou fréquence décamillénale (1 chance d’évacuation, de l’état des terrains et du
sur 10000 de survenir chaque année). bon fonctionnement des dispositifs d’aus-
Enfin, même dans les régions où l’activité cultation. La vérification des ouvrages de
sismique est faible, le risque sismique est vidange doit comporter un essai réel.
systématiquement pris en compte dans la - La visite décennale doit procéder à l’examen
conception de l'ouvrage. complet des par ties habituellement
noyées. Elle s’effectue soit après une
La surveillance du barrage vidange complète de la retenue, soit à
A la première mise en eau : une surveillance l'aide de robots subaquatiques équipés de
particulière pendant la première mise en eau caméras pour pouvoir examiner le parement
complète est mise en place par l’exploitant : amont.

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Le risque de rupture
de barrage

L’organisation des secours Ce sont les dispositions prises pour la


La zone située en aval d’un barrage est sur veillance permanente du barrage qui
découpée en : indiquent une évolution anormale de la
- Zone de proximité immédiate, définie situation pour l’ouvrage.
comme étant la zone dans laquelle les Le Plan Particulier d’Intervention définit trois
temps d'arrivée du flot en cas de rupture stades, dans le but de prévenir et sauvegarder
du barrage sont incompatibles avec les les populations situées en aval de l’ouvrage :
délais de diffusion de l'alerte auprès des - l’état de vigilance renforcée : pendant
populations par les pouvoirs publics. toute la mise en service de l'ouvrage,
- Zone d'inondation spécifique, situé à c'est-à-dire durant les essais, la première
l'aval de la précédente et s'arrêtant en un mise en eau ou la première utilisation ; en
point où l'élévation du niveau des eaux est cas de crue risquant d'être dangereuse
de l'ordre de celui des plus fortes crues pour la sûreté de l'ouvrage ; en cas de
connues. constatation de faits anormaux concernant
la tenue de l'ouvrage.
Dans la zone de proximité immédiate, l’alerte A ce stade, la sur veillance visuelle est
est donnée par l’exploitant à l’aide de moyens permanente, les autorités sont aver ties
(appels téléphoniques en masse, par exemple) et les liaisons exploitant/représentant
définis dans le Plan Particulier d’Intervention de l’Etat sont maintenues tant que
établi par la préfecture. nécessaires.

- l’état de préoccupations sérieuses : soit


lorsque les mesures techniques prises par
l’exploitant n'améliorent pas la tenue de
l'ouvrage et que le comportement de celui-ci
a tendance à s'aggraver ; soit lorsque la
probabilité de survenance d'un événement
extérieur - crue exceptionnelle ou glisse-
ment de terrain, par exemple - se confirme.
Dans l'une ou l'autre de ces situations, les
éléments d'information disponibles lais-
sent prévoir que dans un délai indéterminé
le barrage pourrait échapper au contrôle
de l'exploitant.
A ce stade, l’exploitant doit informer
immédiatement le Préfet de toute
évolution de la situation.

- l’état de péril imminent : lorsque


l’exploitant estime qu’il n’a plus le contrôle
Pour la zone d'inondation spécifique, l’alerte de l’ouvrage. A ce stade, l’exploitant doit
déclencher les moyens d’aler te des
est donnée :
populations et informer immédiatement le
- par l’ensemble des moyens disponibles Préfet.
pour diffuser les messages d’alerte et,
Les actions à mettre en œuvre par l’exploitant
- par les équipements publics d’alerte (réseau et par le Préfet pour chaque stade sont définies
national d’aler te) pour diffuser le signal dans le Plan Particulier d’Inter vention (PPI)
national d’alerte. de chaque grand barrage.

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Le risque de rupture
de barrage
en Isère
Localisation
De nombreux barrages ont été construits sur les principaux cours d'eau de l'Isère. Le tableau
ci-dessous en donne la liste.
Type de barrage Barrage Cours d'eau Capacité*
Digues
• En terre Le Verney Eau d'Olle 16
• Terre et enrochements Notre Dame de Commiers Drac 34
Grand Maison Eau d'Olle 137
Barrages poids Le Chambon Romanche 50
Sautet Drac 108
Voûte épaisse Monteynard Drac 275
Voûte mince St Pierre Cognet Drac 27
*en millions de mètres cubes d'eau

Le barrage du Chambon
février 2006
© S. Gominet - IRMa
148 communes du département sont concernées
par le risque de rupture d’un grand barrage.

Carte de localisation des grands barrages EDF en Isère


© EDF Branche Energie

D'autre part, cinq barrages situés dans des


départements voisins pourraient, en cas de rupture, Carte de localisation
avoir des conséquences sur des communes de de communes exposées
au risque de rupture de barrage
l'Isère. Ce sont les barrages suivants : © DDRM Isère - 1995
• Roselend (sur le Doron) en Savoie
• Tignes (sur l'Isère) en Savoie
• Génissiat (sur le Rhône) dans l’Ain
Quelques événements marquants
• Vouglans (sur l'Ain) dans le Jura Il n'y a pas eu à ce jour d'accident ou d'incident
• Bissor te (sur la Bissor te) en Savoie concernant l'un des barrages qui concernent le
• La Girotte (sur le Dorinet) en Savoie département de l’Isère.

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Les consignes en cas de
rupture de barrage

AVANT

CONNAÎTRE LES DISPOSITIFS D'ALERTE

CONNAÎTRE LES MASSIFS DE REGROUPEMENT, LES


MOYENS ET ITINÉRAIRES D'ÉVACUATION. CES INFORMATIONS
SONT DÉFINIES DANS LE PLAN PARTICULIER
D'INTERVENTION DU BARRAGE CONCERNÉ (DOCUMENT
CONSULTABLE EN MAIRIE DES COMMUNES CONCERNÉES
PAR LA RUPTURE DU BARRAGE)

PENDANT

GAGNER LE PLUS RAPIDEMENT POSSIBLE


LES POINTS HAUTS

R ECONNAÎTRE A DÉFAUT, GAGNER LES ÉTAGES


LE SIGNAL SUPÉRIEURS D'UN IMMEUBLE ÉLEVÉ
D'ALERTE

L'ALERTE :
EN FONCTION DE LA DISTANCE À LAQUELLE LA POPULATION SE TROUVE DU BARRAGE, LES MOYENS D'ALERTE SONT DIFFÉRENTS
DANS LA ZONE DE PROXIMITÉ IMMÉDIATE (ZONE DÉFINIE
DANS LA ZONE SITUÉE APRÈS LA ZONE DE PROXIMITÉ
PAR LE PPI DU BARRAGE), IL EXISTE :
IMMÉDIATE, IL EXISTE :
• UN DISPOSITIF D'ALERTE EXPLOITANT QUI PEUT ÊTRE UN
AUTOMATE D'APPEL QUI DIFFUSE UN MESSAGE D'ALERTE • LES DISPOSITIFS D'ALERTE DES POUVOIRS PUBLICS QUI
PEUVENT ÊTRE, PAR EXEMPLE :
• LE DISPOSITIF D'ALERTE PAR SIRÈNES EDF (DANS LA - LES HAUT-PARLEURS SUR VÉHICULES
ZONE DU QUART D'HEURE) SON SPÉCIFIQUE ALTERNATIF : - DES SYSTÈMES D'APPELS TÉLÉPHONIQUES EN MASSE
2S-3S-2S-3S… PENDANT 2 MINUTES (SON DE TYPE (AUTOMATE D'APPELS) MIS EN PLACE PAR LES
CORNE DE BRUME) COLLECTIVITÉS LOCALES

• LE RÉSEAU NATIONAL D'ALERTE (SIRÈNE RNA) • LE RÉSEAU NATIONAL D'ALERTE (SIRÈNE RNA) DIFFUSANT
DIFFUSANT LE SIGNAL NATIONAL D'ALERTE LE SIGNAL NATIONAL D'ALERTE

APRÈS
DÉSINFECTER À L'EAU DE JAVEL NE RÉTABLIR LE
COURANT ÉLECTRIQUE
QUE SI L'INSTALLATION
EST SÈCHE

AÉRER
CHAUFFER DÈS QUE POSSIBLE

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