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L’approche linguistico-culturelle, socioculturelle, et interculturelle

L’approche linguistico-culturelle repose en partie sur une visée ethnolinguistique de la langue


que l’on peut définir par l’étude des relations entre langue, culture et société, et qui prend en
considération « la manière dont un individu donné parlant une langue donnée l’utilise et
l’actualise selon les différentes circonstances de la vie sociale » (Calame-Griaule, 1984 : 38). Il
s’agit de considérer la communication en tant que moyen d’expression d’une culture par
l’Homme. On peut désigner cette approche également par « approche ethnographique », mais la
première notion me paraît plus pertinente, car y est intégrée une dominante linguistique
comprenant la sémantique, la sémiologie ou l’analyse des interactions verbales (entre autres).
Ces disciplines connexes de la linguistique étant bien évidemment considérées sous un angle
culturel.
L’approche socioculturelle place l’individu au centre de l’organisation sociale et du système
culturel dans lesquels il évolue. Le rapport de l’individu à sa culture est multiple : il repose sur
l’imprégnation inconsciente de comportements, de mécanismes, de valeurs, de principes présents
dans sa culture maternelle et qui caractérisent son identité culturelle. Il repose également sur les
rapports que chaque individu entretient avec les différentes structures, manifestations et produits
sociaux. Cette approche est par conséquent sociologique et anthropologique. L’apprenant se
retrouve dans ce cas confronté à des pratiques et des faits culturels de la culture-cible, mais pas
nécessairement en milieu authentique. La dimension anthropologique joue un rôle essentiel dans
l’acquisition d’une culture étrangère, car elle reflète les caractéristiques d’une culture et dévoile
un large spectre de manifestations, de représentations et de valeurs partagées par les membres
d’une même communauté culturelle.
Cette approche est fondamentale pour la connaissance et la compréhension de la culture
étrangère, ainsi que pour l’acquisition d’une compétence de communication en milieu exolingue.
L’interculturel est une perspective humaniste, une frontière à l’hégémonie culturelle, une
orientation vers la socio diversité. L’approche interculturelle repose sur une pédagogie de la
relation entre les individus de cultures différentes dont l’enjeu vise la compréhension mutuelle.
La démarche est une démarche réflexive qui vise l’acceptation de l’Autre avec ses différences
et ses ressemblances. La connaissance et reconnaissance de l’Autre nécessitant la connaissance
de soi, la démarche tend vers l’ouverture à l’altérité, l’acceptation du caractère ethnocentrique
de toute culture, la relativisation du système de référence culturel.

Découvrir que d’autres individus perçoivent le monde d’une autre manière, possèdent d’autres normes et
critères permet de prendre conscience de ses propres priorités. Rencontrer l’étranger, c’est donc à la fois
apprendre sur soi et sur l’autre. (Pembroke, 1997 : 84)

Cette reconnaissance de soi et de l’Autre a lieu et se vérifie en situation de communication que


l’on désigne par la notion de communication interculturelle. C’est cette réalité interactive que de
nombreux chercheurs en didactique caractérisent sous le terme de compétence de communication
interculturelle pour désigner la compétence de communication à atteindre par les apprenants en
situation d’apprentissage d’une langue étrangère. Il s’agit d’une
capacité à mettre en relation des référents à construire des inter-relations, à partir de l’affirmation de ses
propres repères, conditions pour la construction du sens et pour l’ouverture à la compréhension d’autrui. Une
attention particulière est portée aux situations d’interaction et de prise de connaissance active de
l’environnement. (Collectif « Carrefour », 1995 : 56-57)
Je préfère parler de compétence interculturelle pour désigner la compétence finale des objectifs
de l’apprentissage culturel et interculturel étant donné que les autres approches culturelle sont
nécessairement sollicitées dans cette compétence. Par ailleurs, le contexte d’enseignement
hétéroglotte, à l’intérieur duquel les apprenants partagent la même langue et la même culture, fait
que le contact culturel repose sur une situation de bilatéralité inauthentique. J’entends par là, que
l’absence de représentants de la culture-cible empêche de pratiquer la communication
interculturelle. Il vaut donc mieux placer la compétence interculturelle en contexte authentique.

La compétence culturelle et les capacités d’apprentissage


La compétence culturelle est caractérisée par un certain nombre de capacités inhérentes aux
trois approches mentionnées supra.
La compétence culturelle se traduit par un ensemble de capacités, d’aptitudes, de savoir-faire pour repérer,
comprendre, interpréter, s’orienter, se comporter, se décentrer […]. Il s’agit d’introduire très vite à la
compréhension des réalités et des modes de comportement des Français. En ce sens, cette compétence n’est
qu’une dimension de communication globale. Dans la construction de cette compétence entrent en jeu les
référents et modes d’appréhension de l’apprenant par rapport à sa propre culture. (ibid. 56).

La compétence culturelle doit reposer sur un apprentissage actif et constructif basé sur
l’analyse, la réflexion, la découverte, l’action, la co-action, l’utilisation de stratégies visant à
comprendre, interpréter, produire, remettre en cause ses opinions et relativiser les
représentations culturelles. Cette démarche est préconisée par les didacticiens défenseurs de la
Didactique des Cultures qui n’hésitent pas à mettre l’accent sur l’apprentissage en tant que
processus :
En encourageant la recherche active des élèves ainsi que la pratique de la langue et en refusant le cours
magistral de civilisation (qui a le tort de ne faire parler que l’enseignant et de présenter la culture comme un
produit fini, achevé, objet d’étude et de discussion), on fait de cette culture un objet d’observation, d’analyse
et de réflexion. (Alimi, 1994 : 56)

Dans notre approche, l’apprenant ne peut faire abstraction de sa culture maternelle. Dans la
démarche interculturelle, l’apprenant effectue un retour sur soi obligatoire avant d’être
capable d’appréhender l’Autre. Dans les approches linguistico-culturelles et
socioculturelles, il devra constamment se reporter à des situations auxquelles il est
accoutumé et qui mettent en jeu des dimensions sociales et affectives ; il aura à tirer parti
de ses expériences issues de sa culture maternelle ; il sera amené à réfléchir sur le
fonctionnement ou l’interprétation de traits culturels ou communicatifs en les comparant
avec ceux de sa propre culture. Au contact d’une culture étrangère, il nous est impossible
d’échapper au comparatisme, qu’il soit volontaire ou involontaire. Il est corollairement
indispensable qu’une démarche intraculturelle soit prise en compte dans les trois approches
que nous avons citées. Nous ne pouvons cautionner un apprentissage qui relève du désir de
rechercher dans la culture étrangère des réalités similaires qui nous confinent dans un
sentiment sécurisant de réalité comparable à notre culture maternelle. Pour cette raison, je
préfère parler d’ «analyse contrastive » des cultures plutôt que de « comparaison » des
cultures. La comparaison conduit à un effet réductionniste qui va dans le sens inverse de la
construction culturelle.
Les recherches sur la dimension culturelle dans l’enseignement des langues ont donné lieu à
des publications qui répertorient les savoirs et savoir-faire à acquérir dans le but de développer
une compétence culturelle chez l’apprenant. Quelques-unes méritent d’être présentées.
Il est indéniable que la compétence culturelle ne peut se soustraire à la constitution d’un
savoir fermé de connaissances à acquérir, car elles constituent un moyen d’accès à la
découverte et à la compréhension d’une culture étrangère. Toutefois, considérant
l’apprentissage comme une démarche contrastive et réflexive, je préfère la notion de savoir-
faire, utilisée jusqu’alors pour désigner la capacité d’agir et de réagir de l’apprenant dans des
échanges communicatifs et dans la découverte de la culture étrangère. Les connaissances à
acquérir constituent des points de repère parmi une multitude de données socioculturelles et
langagières que l’apprenant aura à appréhender et à utiliser. « […] savoir-faire du thé à la
menthe n’implique pas la perception du rôle important que joue celui-ci dans la socialisation et
les échanges entre les tenants des cultures considérées. » (Abdallah-Pretceille, 1986 : 175).
Dans une situation d’apprentissage, les efforts de ces démarches personnelles exigent d’y être
préparé. Ces savoir- faire développent un ensemble de stratégies qui vont amener l’apprenant à
réaliser des activités visant à la fois un savoir-interpréter, un savoir-analyser, un savoir
comparer et un savoir-identifier. Sur le seul plan du contexte d’apprentissage, on peut ajouter
le savoir-apprendre qui oblige l’apprenant à développer des méthodes personnelles, afin de
mettre en oeuvre et de modifier des manières de faire. Il est davantage question, en somme, de
savoir-manoeuvrer un ensemble d’aptitudes plutôt que d’acquérir des savoirs, aptitudes qui
seront mises à l’épreuve dans des discours contextualisés. C’est la raison pour laquelle une
démarche d’apprentissage visant un nombre de données culturelles choisies en fonction de leur
pertinence sera utile à l’apprenant dans sa saisie du contexte culturel, lorsque celui-ci aura à
interpréter en quoi telle situation, par exemple, est représentative de la culture étrangère.
Question à laquelle l’apprenant aura moins de difficultés à répondre si les activités
d’apprentissage en classe lui auront apporté des éléments de réponse.
La compétence interculturelle ne peut être atteinte sans un apprentissage, elle caractérise le
résultat d’un processus d’apprentissage. Par conséquent, le savoir-être constitue la seconde
capacité à acquérir en vue de l’acquisition d’une compétence culturelle. L’altérité suppose
d’acquérir et de développer une attitude positive envers Autrui, mais aussi de compréhension
envers l’Autre et envers soi-même, ce qui oblige l’apprenant à révéler son identité. Cette
aptitude se révèle être absente en contexte d’apprentissage, puisque les membres de la culture
étrangère sont exclus de ce contexte. Il est donc essentiel d’offrir à l’apprenant un apprentissage
qui l’aide à se situer par rapport à l’Autre. Cette position intersubjective sera favorisée par la
démarche intraculturelle. Le savoir-être vise la capacité d’observation, d’interprétation,
d’action, mais aussi de conceptualisation. La démarche exige une réflexion métaculturelle qui
aide à saisir le processus interactif résidant entre le Moi et l’Autre :
la sensibilisation et la prise de conscience : faire ressortir des représentations
intraculturelles, rechercher l’origine ethnocentrique de son appartenance culturelle et de ses
représentations sur l’Autre.
la relativisation : analyser, confronter, interpréter la découverte de phénomènes étrangers à
sa culture qui génèrent la naissance de stéréotypes
L’apprenant sera invité à rechercher des informations, à faire des liens entre des éléments
passés et actuels, à comparer des jugements de valeurs qui demandent à être explicités, à les
conceptualiser pour comprendre leur fonctionnement.
Toutes ces capacités requièrent l’utilisation de stratégies d’apprentissage cognitives, sociales et
affectives, particulièrement en ce qui concerne l’approche interculturelle, mais font aussi appel
aux stratégies métacognitives.

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