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Gastroentéropathies exsudatives

Introduction :

 C’est une perte anormale de protéines plasmatiques (notamment d’albumine) par voie
digestive, donnant des œdèmes, voire une anasarque et biologiquement une
hypoalbuminémie sans protéinurie.

Intérêt de la question :

 Fréquente en médecine
 Suspecté cliniquement devant les œdèmes et biologiquement devant
l’hypoalbuminémie
 Le diagnostic repose le plus souvent sur la mise en évidence d’une élévation de la
clairance fécale de l’alpha-1-antitrypsine.
 Les causes en sont nombreuses, dont elle peut cacher une pathologie maligne
 Le traitement de la cause est la meilleure option.
 Le traitement symptomatique repose sur l’administration d’albumine parfois sur un
régime pauvre en graisse et l’anticoagulation
 Le pronostic dépond de l’étiologie, et il y’a toujours la hantise d’une pathologie maligne.

Physiopathologie

 L’exsudation protéique peut être causée par deux mécanismes distincts :


 Une augmentation de la perméabilité de la barrière intestinale :
 Soit par perte de substance muqueuse avec ulcérations macroscopiques,
aboutissant à une fuite dans la lumière d’un exsudat de protéines à
prédominance inflammatoires
 Soit par des lésions muqueuses sans ulcérations macroscopiques
aboutissant à une fuite de protéines plasmatiques
 Une augmentation de la pression hydrostatique dans l’interstitium aboutissant à
une fuite de lymphe.
 La fuite protéique de la GEE se fait indépendamment de leur poids moléculaire.
 Au cours de la GEE : une hypoalbuminémie, associée à une baisse de la pression
oncotique et à un hyperaldostéronisme secondaire responsables d’un syndrome
œdémateux pouvant aller jusqu’à l’anasarque
 Une hypogammaglobulinémie touchant les sous-classes IgG-1, - 2 et -4, peut mimer un
déficit immunitaire primitif.
 Une réduction modérée des taux plasmatiques de fibrinogène, de pré-albumine, de
transferrine, d’IgM et d’IgA
 Les taux plasmatiques des protéines à demi-vie très courte ne sont pas affectés
(hormones polypeptidiques, facteurs de coagulation, IgE, etc.).
 Fuite lymphatique, une déperdition non compensée de lipoprotéines, de VLDL et de
lymphocytes circulants, qui peut se traduire par une hypocholestérolémie et une
lymphopénie.
 Le déficit lymphocytaire portera alors sur les lymphocytes T CD4+ et T CD45RA+ (naïfs)
qui peut mimer un déficit immunitaire primitif

Diagnostic positif :

1- Clinique :
 Une gastroentéropathie exsudative peut être suspectée et recherchée devant :
 Une hypoalbuminémie
 Une symptomatologie clinique évocatrice
 Une diarrhée chronique
 Affection prédisposant
 Un bilan d’infections récidivantes.
 Le spectre des manifestations cliniques de la GEE est extrêmement vaste et hétérogène :
 L’hypoalbuminémie fréquente
 Les œdèmes ne se rencontrent que dans les formes évoluées, secondaires à une
rétention hydrosodie
 Les épanchements (transudatifs versus chyleux)
 La diarrhée chronique est inconstante. Si elle est présente, Il est possible de
coexister une GEE et une malabsorption mise en évidence par la mesure de la
stéatorrhée ou de carences en micronutriments.
 La fuite d’immunoglobulines secondaire à l’augmentation de la perméabilité
intestinale et la lymphopénie secondaire à une fuite lymphatique, responsables
d’infections récidivantes et mimer un déficit immunitaire primitif.
 La survenue de complications thromboemboliques, favorisées par
l’hypoalbuminémie et le syndrome œdémateux
2- biologie
 Le signe biologique le plus fréquent est l’hypoalbuminémie.
 Le simple dosage de l’azote fécal n’a aucune valeur car l’essentiel des protéines
exsudées est digéré, fermenté et absorbé
 La confirmation de l’existence d’une entéropathie exsudative facile par la mesure de la
clairance fécale de l’alpha-1-antitrypsine.
 L’alpha-1-antitrypsine :
 C’est une anti-protéase physiologiquement présente dans le sang, excrétée en
petite quantité de manière non spécifique dans le tube digestif et résistant à la
digestion enzymatique et bactérienne.
 L’excrétion fécale d’alpha-1-antitrypsine est augmentée en cas de saignement
digestif ou d’exsudation sans saignement.
 La seule mesure de la concentration fécale de’alpha-1-antitrypsine n’est pas un
marqueur suffisamment fiable d’une gastroentéropathie exsudative, mais la
clairance fécale (au mieux réalisée avec un recueil fécal complet sur 3 j) est
fiable
 Physiologiquement inférieure à 24 ml/j.
 L’alpha-1-antitrypsine est détruite à pH acide, expliquant que sa clairance fécale
sous-estime les exsudations d’origine gastrique.
 La recherche et la quantification d’une perte intra-gastrique de protéines
peuvent être réalisées par mesure de la clairance fécale de l’alpha-1-
antitrypsine après suppression de l’acidité gastrique par un inhibiteur de la
pompe à protons
 La gastroscopie avec de biopsies systématiques est un examen simple pour affirmer et
caractériser une gastropathie.
 Les méthodes anciennes utilisant des traceurs isotopiques couplés à des protéines ou
des macromolécules, notamment l’albumine marquée par le 99mTc, supplantées par la
mesure de la clairance de l’alpha-1-antitrypsine
 La lymphangioscintigraphie peut très exceptionnellement avoir un intérêt pour localiser
un obstacle ou la fuite lymphatique

Diagnostic étiologique

1- Enquête étiologique :
A- Éléments cliniques :
 Rectorragies
 Adénopathies périphériques
 Fièvre
 Masse abdominale
 Insuffisance cardiaque
 Hypertension portale,
 œdèmes des extrémités
 Un terrain prédisposant associés à la GEE.
B- Les examens biologiques :
 première intention :
 FNS
 Ionogramme sanguin
 Calcémie, phosphorémie et magnésémie,
 VS, CRP
 TP
 Electrophorèse et dosage pondéral des immunoglobulines
 Cholestérol
 Anticorps anti-transglutaminase de type IgA
 Vitamines B9 et B12
 Ferritinémie et capacité de fixation de la transferrine.
 Malabsorption associée : un dosage de la stéatorrhée des 24 heures et des
dosages ciblés de micronutriments.
 D’hypoalbuminémie isolée : une protéinurie des 24 heures sera réalisée pour
éliminer une cause rénale.
 Diarrhée ou de contexte d’immunodépression : une coproculture avec recherche
de la toxine A/B de Clostridium difficile et un examen parasitologique des selles.
 Tout épanchement séreux doit être ponctionné. Le caractère chyleux d’un
épanchement peut être affirmé par un aspect lactescent, le caractère exsudatif
(taux de protides > 30 g/L) et riche en lymphocytes mais surtout par une
concentration en triglycérides élevée (au moins deux fois supérieure à celle du
plasma)
 Le bilan de deuxième intention en fonction du contexte et les résultats du bilan de 1 ière
intention
C- Examens endoscopiques
 Une endoscopie œsogastroduodénale et une iléo-coloscopie à la recherche de
lymphangiectasies (dilatations des canaux chylifères au niveau de l’intestin grêle sous la
forme de points blanchâtres, millimétriques, plans ou surélevés, souvent coalescents ou
d’aspect villositaire), d’ulcérations de la muqueuse digestive et d’éléments
endoscopiques pouvant guider le diagnostic étiologique
 L’ingestion de triglycérides à chaîne longue dans les heures précédant l’examen
endoscopique permet de sensibiliser le dépistage des lymphangiectasies.
 Des biopsies per-endoscopiques multiple et étagée pour une confirmation
histopathologique et dans le cadre du diagnostic étiologique.
 La normalité des examens endoscopiques n’exclut pas le diagnostic de lymphangiectasie
intestinale.
 Une vidéocapsule endoscopique de l’intestin grêle qui permet l’exploration de la totalité
de l’intestin grêle et une entéroscopie guidée pour la réalisation de biopsies
D- Examens radiologiques
 TAP : La recherche d’un obstacle lymphatique ou veineux central
 Entéro-scanner ou entéro-IRM : peu performante compte tenu d’un épaississement non
spécifique de la paroi digestive qui s’intègre dans le cadre du syndrome œdémateux.
 Une échocardiographie avec examen Doppler : éliminer une cause cardiaque.
 La lymphographie pédieuse bilatérale n’a pas d’intérêt direct
 Scintigraphies lymphatiques à l’albumine et au dextran marqués au 99mTc peut être
utile pour visualiser la fuite lymphatique sous réserve des limitations inhérentes à la
scintigraphie et d’une accessibilité limitée
 Une lymphographie-IRM permet également de visualiser les anomalies du système
lymphatique et apparaît comme une méthode d’avenir pour l’exploration des patients
atteints de GEE
E- Exploration chirurgicale
 Un abord cœlioscopique, peut être indiqué dans de rares cas pour des raisons
diagnostiques ou thérapeutiques.
2- Étiologies des gastro-entéropathies exsudatives
A- Exsudation protéique d’origine lymphatique :
 Les lymphangiectasies intestinales secondaires à un obstacle au drainage lymphatique :
 Primitives (maladie de Waldmann) et peuvent s’associer à des malformations
lymphatiques extra-intestinales.
 Secondaires se développent en amont d’un obstacle au drainage lymphatique
intra-abdominal ou du canal thoracique (péricardite constrictive chronique et
plus largement en cas d’insuffisance cardiaque droite quelle qu’en soit la cause)
 La maladie de Waldmann :
 Très rare
 Caractérisée par des anomalies des vaisseaux lymphatiques intestinaux ou
thoraco-abdominaux
 Diagnostic repose sur l’exclusion de toute autre cause de GEE
 Les premiers symptômes sont observés dans l’enfance et avant l’âge de 30 ans :
 La diarrhée est inconstante
 Un œdème au niveau des membres inférieurs et des lombes.
 Un lymphœdème et des épanchements séreux de nature chyleuse
 La présence d’une lymphopénie et d’une hypogammaglobulinémie est très
fréquente mais ne s’associe à des complications infectieuses sévères que dans 10
% des cas.
 De rares cas de lymphome B favorisés par l’immunodépression
 La survenue d’événements thromboemboliques peut également s’observer dans
10 % des cas
B- Rupture de la barrière épithéliale sans obstacle au drainage lymphatique
 Toute perte de substance épithéliale entraîne une exsudation protéique dans la lumière
digestive quelle qu’en soit la cause
 Les causes les plus fréquentes :
 La maladie cœliaque
 Les entérites allergiques
 La gastro-entérite à éosinophiles
 Les atteintes intestinales des maladies de système
 Une cause infectieuse est possible notamment en cas d’immunodépression.
 La maladie de Ménétrier et certaines gastropathie peuvent entraîner une
gastropathie exsudative.
C- GEE au cours des maladies systémiques
 Le mécanisme en est alors une rupture de la barrière épithéliale avec ou sans
ulcérations, d’origine ischémique ou infiltrative
 La fréquence des atteintes digestives des vascularites digestives peut être élevée (> 25 %
en cas de purpura rhumatoïde, de périartérite noueuse et du syndrome de Churg-
Strauss et > 10 % en cas de maladie de Takayasu, de maladie de Wegener ou de maladie
de Horton), l’existence une GEE associée est par contre exceptionnelle en cas d’atteinte
vasculaire non transmurale et chronique
 La maladie de Behçet : l’atteinte digestive est par contre fréquente peut prendre la
forme d’une GEE.
 La mastocytose systémique : la GEE est rare et secondaire à une infiltration de l’intestin
grêle par la prolifération mastocytaire
 En dehors de la sclérodermie systémique et du lupus, les atteintes digestives des
connectivites sont exceptionnelles

Traitement

 Le traitement étiologique est la première étape thérapeutique.


 En dehors du traitement étiologique :
 Un régime :
 Hypolipidique pour réduire la formation de chylomicrons et la pression
au sein de la circulation lymphatique splanchnique avec un
enrichissement en triglycérides à chaînes moyennes (Liprocil® 0,5 à 1,5
g/kg/jour) ne sont pas absorbés par le biais des chylomicrons et assurer
un apport lipidique correspondant aux apports nutritionnels
 Hyperprotidique.
 Son efficacité nécessite plusieurs semaines de traitement
 En l’absence de réponse au régime : une nouvelle évaluation diététique,
 En cas de résistance avérée, une assistance nutritive par voie entérale, et dans de
rares cas par voie parentérale est indiquée
 L’utilisation d’une héparinothérapie ou de fibrinolytiques permettrait
d’augmenter la perméabilité lymphatique et donc de réduire la pression
lymphatique splanchnique.
 L’octréotide via une vasoconstriction splanchnique et une réduction de
l’absorption des triglycérides.
 La prise en charge des œdèmes est essentielle.
 La perfusion d’albumine peut être proposée en cas d’anasarque ou
d’épanchement séreux localisé symptomatique ou en cas d’hypoalbuminémie
profonde.
 La prise en charge des lymphœdèmes se limite à des séances de drainage
lymphatique et à la contention.
 Le risque de thrombose veineuse profonde discuter une héparinothérapie à
dose prophylactique et une contention veineuse, pour une durée à évaluer au
cas par cas.

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