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Conduite à tenir devant une

protéinurie
I. La fonction rénale : rappels
Les reins exercent deux fonctions au plan métabolique, en
excrétant une urine de volume et de composition très variables :

 Fonction d'épuration sélective qui permet :


o l'élimination de déchets du métabolisme,
o la récupération de métabolites utiles (glucose ...).
 Fonction de régulation du volume d'eau de l'organisme.

L'urine normale contient en quantités variables des électrolytes


(Na, K, Mg, Ca ...) et certains constituants organiques (urée, acide
urique, créatinine ...).

La présence d'une protéinurie traduit une pathologie qu'il faudra


rechercher.

Il. Définition
Une protéinurie est définie comme l'élimination pathologique dans
les urines d'une quantité de protéines supérieure à 150 mg (soit
0,15 g) par 24 heures.

III. Circonstances de découverte


 au cours d'un dépistage systématique par un examen avec une
bandelette urinaire,
 au cours de l'exploration d'un syndrome oedémateux,
 au cours de la surveillance d'une grossesse,
 au cours d'un bilan d'une hypertension artérielle ou d'une maladie
générale.

IV. L'affirmation d'une protéinurie


1. Examen par test des bandelettes
(bandelette urinaire)
 basé sur la modification de coloration;

 la lecture se fait par comparaison, sur une échelle calorimétrique;

 l'examen doit être fait sur des urines fraichement émises,


recueillies après toilette génitale, dans un récipient
soigneusement rincé, afin d'éviter la contamination par un
détergent;

 les bandelettes doivent être conservées dans un récipient


hermétiquement clos, à température ambiante ;

 les bandelettes détectent des protéinuries supérieures à 50 mg/l


(0,05 g/l)

 les bandelettes peuvent réagir faussement (faux positifs) en cas de


:

o urines alcalines,
o sels d'ammonium dans le récipient (désinfectant type Cétavlon®,
Biocidan®).

2. Dosage de la protéinurie des 24 heures


Toute protéinurie dépistée lors d'un examen par bandelette
urinaire devrait être confirmée par un dosage de la protéinurie des
24 heures. Cet examen nécessite la présence d'un laboratoire.

 Le dosage de la protéinurie doit être fait sur les urines des 24


heures.

 La technique du recueil des urines des 24 heures doit être


expliquée au patient :

o vider la vessie le matin au lever, aux toilettes.


o à partir de ce moment, recueillir les urines de toutes les mictions
dans un récipient propre, soigneusement rincé.
o le lendemain matin, au lever, vider la vessie dans le récipient.
o apporter le récipient au laboratoire pour dosage de la protéinurie
des 24 heures (résultat exprimé en mg ou g/24 heures). Il existe
une protéinurie pathologique, si le dosage des protéines
est supérieur à 150 mg (ou 0,15 g) par 24 heures.

3. Après affirmation de la présence d'une


protéinurie
Il est nécessaire :

 d'examiner le patient ;
 de mesurer la pression artérielle
 d'examiner le sédiment urinaire (présence de leucocytes et/ou
d'hématies dans les urines) ;
 de pratiquer un examen cytobactériologique des urines (ECBU) ;
 de mesurer dans le sang, le sodium, le potassium, les protides, la
créatinine et l'urée.

V. Orientation diagnostique
1. Protéinuries de diagnostic facile
a) Protéinurie intermittente

 affections fébriles de l'enfant,


 protéinurie d'effort,
 protéinurie de l'insuffisance cardiaque,
 protéinurie associée à une hématurie macroscopique le plus
souvent d'origine urologique (bilharziose, lithiase urinaire, tumeur
de la vessie ou des voies urinaires excrétrices ... ).

Ces protéinuries disparaissent spontanément ou après le


traitement de leur cause.

b) Protéinurie contemporaine d'une infection urinaire

 infection urinaire basse (cystite) ou haute (pyélonéphrite) : l'ECBU


retrouve des leucocytes et des germes. Il faudra s'assurer de la
disparition de la protéinurie après le traitement de l'infection
urinaire.
 Cas particulier de la tuberculose urinaire : présence d'une
protéinurie et surtout d'une leucocyturie sans germes retrouvée à
l'ECBU.

c) Protéinurie orthostatique

 elle s'observe chez l'enfant et le jeune adulte,


 elle peut être abondante, mais n'entraîne jamais de signes
cliniques,
 elle ne s'accompagne d'aucune anomalie de la pression artérielle,
du sédiment urinaire ou de la fonction rénale,
 elle doit être confirmée par un dosage d'une protéinurie sur des
urines recueillies en position couchée après un repos en décubitus
strict de plusieurs heures (disparition de la protéinurie).

2. Protéinurie et hypertension artérielle


a) Chez le patient hypertendu ancien : la néphro-
angiosclérose
La néphro-angiosclérose est la conséquence d'une hypertension
artérielle ancienne non ou insuffisamment traitée. Elle se traduit
par :

 une protéinurie inférieure à 1 g/24 heures,


 des petits reins,
 l'absence d'anomalie sur le sédiment urinaire,
 la présence d'une discrète insuffisance rénale (augmentation de la
créatinine et de l'urée sanguines),

Le traitement est celui de l'hypertension artérielle.

b) Chez la femme enceinte : la toxémie gravidique


La constatation d'une protéinurie associée à une hypertension
artérielle chez la femme enceinte nécessite une prise en charge
urgente. Effectivement, en cas de toxémie gravidique, la vie de la
mère et de l'enfant sont en danger à très court terme. La prise en
charge comporte :

 repos en décubitus strict,


 traitement anti-hypertenseur,
 extraction en urgence de l'enfant par césarienne en cas absence
d'amélioration ou d'aggravation du tableau clinique.

3. Le syndrome néphrotique
a) Définition
Le syndrome néphrotique est défini par l'association :

 d'une protéinurie abondante, supérieure à 3 g par 24 heures,


 d'une hypoprotidémie, inférieure à 60 g/l,
 d'une hypoalbuminémie, inférieure à 30 g/l.

Il en résulte un syndrome oedémateux diffus et une prise de poids


anormale (prise de poids par rétention hydrosodée). Les oedèmes
sont déclives, mous, blancs, indolores et prennent le godet.

Le caractère pur du syndrome néphrotique est affirmé devant


l'absence :

 d'hypertension artérielle,
 d'hématurie,
 d'insuffisance rénale.

b) Traitement
Traitement symptomatique :

 régime sans sel strict,


 restriction hydrique (fonction de la gravité des oedèmes),
 apports protidiques suffisants pour maintenir un état nutritionnel
correct.

Traitement spécifique :

Corticothérapie : 2mg/kg/jour jusqu'à disparition de la protéinurie,


puis décroissance progressive, avec arrêt en 4 mois.

4. Le syndrome néphrotique post-infectieux


Il s'agit d'une atteinte rénale faisant suite à une infection
habituellement streptococcique (angine, scarlatine, infection
cutanée ... ), non ou insuffisamment traitée. Cette affection touche
en majorité les enfants entre 2 et 10 ans.

a) Le syndrome néphrotique se caractérise par


l'association

 d'un syndrome oedémateux (voir ci-dessus),


 d'une hématurie (macro ou microscopique),
 d'une hypertension artérielle,
 d'une protéinurie de 1 à 3 g/24 heures,
 d'une insuffisance rénale plus ou moins sévère.
b) Traitement

 Régime sans sel strict.


 Restriction hydrique (en fonction des oedèmes).
 Traitement de tous les foyers infectieux, notamment ORL
(angine ... ).
 Il n'y a pas d'indication à la corticothérapie dans le syndrome
néphritique post-streptococcique.

5. Les autres protéinuries


Elles nécessitent une prise en charge spécialisée. On peut citer :

 la néphropathie interstitielle chronique (d'origine infectieuse,


médicamenteuse ... ),
 les glomérulopathies s'intégrant dans le cadre de maladies
générales (cancer, maladies de système ... ),
 le syndrome néphrotique impur (présence d'une hypertension
artérielle, présence d'une insuffisance rénale, d'une hématurie),
 la protéinurie du myélome.

VI. Conclusion
La découverte d'une protéinurie doit conduire à une enquête
étiologique dont le but est de déterminer si cette protéinurie est en
relation avec une affection qui peut être prise en charge au centre
de santé ou s'il s'agit d'une protéinurie qui s'intègre dans le cadre
d'une maladie plus générale, nécessitant une prise en charge dans
un centre spécialisé. Un examen clinique soigneux et quelques
examens complémentaires faciles à réaliser, permettent dans la
majorité des cas d'orienter le diagnostic et de mettre en place le
traitement adapté.

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