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Coévolution homme maladie

Pr. Eric Crubézy, PASS


Evolution et microévolution
L’évolution : Le concept d’évolution postule que les espèces actuelles descendent
d’espèces antérieures par une suite de transformations ayant débuté avec l’apparition
de la vie il y a environ 3,5 milliards d’années.

La microévolution : produit de la diversité au sein d’une espèce et c’est d’elle dont il


s’agira dans ce cours. Certains phénomènes de microévolution peuvent être à l'origine
de nouvelles espèces, nous signalerons comment.

Le modèle de Hardy Weinberg appliqué à l’homme : modèle théorique qui, s’il existait,
impliquerait l'absence d’évolution. Ce sont les « violations » de ce modèle qui expliquent la
microévolution, voire la création de nouvelles espèces.
Evolution et microévolution
Une population humaine respectant les conditions de ce modèle présente les conditions
suivantes:

(1) être suffisamment grande pour que l’inverse de son effectif puisse être considéré
comme nul

(2) être fermée à l’immigration et à l’émigration de sujets dont la population parente


n’aurait pas les mêmes fréquences alléliques et être fermée aux introgressions ;

(3) être panmictique, c’est-à-dire sans choix conscient ou inconscient du génotype du


conjoint, lors des unions;

(4) ne pas être soumise à des pressions évolutives naturelles ou culturelles (la éliminé en
partie la sélection naturelle mais elle a fait évoluer l'environnement et créé d’autres
types d’environnements)

(5) les membres de tout couple procréateur doivent appartenir à la même génération.
Evolution et microévolution

Chez les vertébrés supérieurs : même espèce, sujets potentiellement


interféconds et dont la descendance est féconde.

Pour avoir une nouvelle espèce il faut l'isolement d’une population (dérive) ou
une pression de sélection forte (abouti plus souvent à la disparition qu’à la
création de nouvelles espèces).

Temps : pour des espèces comme l'homme estimé à un million d’années. Chez
Homo sapiens sapiens, 3,2 milliards de paires de nucléotides. Polymorphisme
maximum entre deux humains 0,1% ; nous nous ressemblons donc à 99,9%.

Temps d’une génération chez l'homme : environ 25 ans.


Evolution et microévolution
Bactéries la notion d’espèce est totalement différente, voire non comparable.
Ce que l’on appelle « espèces » ce sont des bactéries qui se ressemblent
morphologiquement ou qui ont des propriétés communes ou qui partagent des
séquences ou parties de séquences d’ARNr 16S communs. 5 à 48 heures pour une
génération de bactéries
Virus (ont besoin d’une cellule hôte pour se multiplier : sont-ils des êtres vivants ?).
Pas d’espèce.
Le génome du SARS-CoV-2 est constitué d’un ARN simple brin de plus de
29000 paires de bases. Milliers de mutations. Les vagues successives d'infections par
le SRAS-CoV-2 ont été caractérisées par l'évolution de variants (grand nombre de
mutations) et échappant partiellement à la réponse immunitaire adaptative (réponse
des hotes). Les mutations à ce niveau sont susceptibles de modifier la dynamique de
l'épidémie voire le rôle protecteur des vaccins basés sur ‘l'inhibition » de cette
protéine. Le variant omicron : combine des propriétés contradictoires qui peuvent
soit diminuer, soit augmenter la transmission de ce variant dans la population
humaine.
Facteurs de microévolution chez Homo sapiens
depuis son apparition il y a 200 000 à 300 000 ans
(Interactions entre facteurs)

Dérive et effets fondateurs (violation de 1/, 3/, 5/). Le rôle du hasard est important.

Eloignement par la distance géographique ou culturelle (langues, religions)

Guerres et massacres des hommes (Y restreint)

Maladies frappant au hasard : peste (effet fondateur par sélection des fréquences
alléliques les plus élevées)

Migrations et contacts entre « espèces » : néandertaliens, dénisoviens, espèces fantômes

Mélanges dans un premier temps (admixtures et introgressions)


Pourquoi des allèles subsistent et d’autres se généralisent ?

Sélection naturelle : rôle des pathogènes


Maladies et sélection naturelle

La maladie diminue nos fonctions. Parmi ces fonctions il y a les fonctions de


reproduction. Si une maladie touche directement ou indirectement nos
fonctions de reproduction, le sujet qui est malade va avoir moins de
possibilités d’avoir des enfants et son fitness, c’est-à-dire sa valeur sélective va
être diminuée.

La valeur sélective peut être mesurée par le nombre de descendants qui


atteignent la maturité sexuelle et qui vont donc transmettre son génotype.
Maladies et sélection naturelle

La sélection naturelle ne joue pas sur les maladies qui touchent les sujets en dehors de leur
vie reproductive future ou présente.

L’arthrose, diminution de hauteur du cartilage suivie de remaniements osseux à


l’origine d’une diminution des capacités physiques, pas sélectionnée, c’est la maladie
articulaire la plus fréquente chez l'homme et elle existait bien avant lui.

Une maladie comme la covid touche les enfants mais ne les tue pas et elle ne tue
guère les sujets inférieurs à 60 ans. Pas de pouvoir sélectif. Lorsque une majorité d’enfants et
d’adultes seront infectés, ceux qui vieilliront seront protégés et la maladie pourrait s’atténuer
voire disparaitre.
Maladies et sélection naturelle

Les maladies infectieuses qui tuent ou handicapent les enfants et les adultes jeunes,
important pouvoir de sélection, car ceux qui ont un fitness important par rapport à cette
maladie vont avoir plus d’enfants que les autres.

La fitness ou valeur sélective d'un individu est, une valeur qui indique sa capacité à
supporter la sélection naturelle.

Chez l’homme, la fitness est très influencée par la culture notamment depuis la révolution
jennérienne, l’amélioration des conditions de vie (hygiène), le développement des
prothèses (lunettes) et des médicaments, notamment des antibiotiques.
La sélection naturelle chez l’homme

Pressions environnementales et Facteurs de macro-environnement :

Exemple Altitude : différents types de sélection suivant les populations


(Ethiopiens, Indiens vivant en altitude dans les Andes, Tibétains). Chez les
Tibétains et les Ethiopiens, la voie conduisant à l'augmentation de
production des GR (nuisible chez 20% de la population après 40 à 50 ans car
elle augmente la viscosité sanguine) n’est pas activée. Ces deux populations
utilisent mieux leur oxygène.
Fréquence cumulée de la concentration d'hémoglobine dans 3 populations : résidents US vivant au
niveau de la mer, Tibétains et Boliviens Aymara vivant à 4000m.
Introgression : gène dénisovien chez les Tibétains.
Pas d’augmentation de l’Hémoglobine, meilleure
consommation de l’oxygène dissous.
Le poids à la naissance diminue avec l'altitude mais de façon plus importante chez les Hans que chez les
Tibétains. Cela est associé à une mortalité plus forte chez les Hans que chez les Tibétains.
A quoi est liée cette sélection naturelle ?

Chez les Ethiopiens et les Andins, elle semble liée à la seule


pression de l'environnement.

Chez les Tibétains elle est liée à le ’introgression d’un allèle


dénisovien qui n’est retrouvé, parmi les populations actuelles, que
chez eux.
La sélection naturelle chez l’homme

Pressions environnementales et Facteurs de méso-environnement :

Facteurs de méso-environnement : chasseurs-cueilleurs versus


agriculteurs

Certains chromosomes ont plus de gènes de l'autre population


qu’une simple distribution au hasard : après quelques centaines
d’années d’échanges géniques la sélection a joué.
Les chasseurs-cueilleurs ont reçu
plus de gènes sur leur chromosome
6 que la distribution au hasard ne le
laisserait supposer. Il s’agit du
chromosome qui abrite le système
HLA qui permet la lutte contre les
maladies infectieuses.
La sélection naturelle chez l’homme
Pressions environnementales et Facteurs de microenvironnement :
Difficiles à démontrer car les microenvironnement changent rapidement.
Pour que la sélection soit perceptible il faut (chez l'homme, cf. exemple de
Madagascar) au moins 25 générations.

C’est ce qui a été appelé de par le passé : le « darwinisme social ».


La sélection naturelle chez l’homme
Pressions environnementales et Facteurs de microenvironnement :
Sur le court terme, des différences sont enregistrées : espérance de vie de la
population aisée de Genève au 18e siècle supérieure à celle des populations
modestes en raison d’une plus faible mortalité infantile. Il en était déjà de
même dans certaines populations égyptiennes d’il y a 5 000 ans ou
l'espérance de vie était plus élevée chez les élites que chez les non-élites.

Pour autant rien ne prouve que leurs gènes se soient plus répandus sur le
long terme : pas de reproduction des élites démontrée sur des 10aines de
générations, et les différences de nombre d’enfants peuvent « compenser »
la mortalité infantile en ce qui concerne la distribution des gènes dans la
descendance.
La coévolution chez l’homme

Les exemples avérés intéressent les maladies :

- Qui touchent l’homme de façon chronique depuis longtemps (ceci


expliquant cela : c’est parce qu’il y a eu coévolution que ces maladies ont
persisté).

- Qui tuent des millions de personnes chaque année, jeunes ou en


âge de procréer.
La coévolution chez l’homme

Les causes de décès actuelles peuvent être regroupées en trois


catégories :

Maladies transmissibles (maladies infectieuses et parasitaires,


affections maternelles, périnatales et nutritionnelles),

Les maladies non transmissibles (chroniques), tuent essentiellement


des personnes âgées ayant dépassé l'âge de procréer.

Les traumatismes (accidents de la circulation) : tuent à tout âge mais


« au hasard » (en tous cas sans facteur de sélection évident).
La coévolution chez l’homme

Les maladies transmissibles (maladies infectieuses et parasitaires,


affections maternelles, périnatales et nutritionnelles). Très nombreuses
notamment dans les pays à faibles revenus. La dénutrition et les
mauvaises conditions sanitaires les aggravent tout comme les infections à
VIH.

Toutefois, deux étiologies sont très fréquentes : le paludisme (maladie


parasitaire) et la tuberculose (bactérie du type des mycobactéries). Les
enfants sont les premiers touchés.
La coévolution chez l’homme

Le paludisme : existe depuis des dizaines de milliers d’années, s’est répandue


avec l'homme moderne à travers le monde et a été amplifiée par les conditions
de vie au néolithique : démographie, irrigation, étables. Parasite : Plasmodium
(4 espèces)

Parasite transmis par les moustiques. Plus de 230 millions de personnes ont le
paludisme à travers le monde mais grande hétérogénéité entre sujets (certains
vont en mourir, d’autres font avoir des crises régulières, d’autres peu de signes.

Maladie qui peut tuer vite (quelques heures) mais évolue généralement vers
la chronicité. Le plus grand nombre de décès : enfants de moins de cinq ans.
La sélection naturelle contre P. vivax en Afrique, a fait disparaître du
patrimoine génétique des africains un récepteur membranaire
des GR, la glycoprotéine DARC (Duffy Antigen Receptor for
Chemokines), c'est la cible d'entrée de P. vivax.

Les personnes qui sont Duffy-négatives n'ont pas le récepteur utilisé


par le parasite du paludisme P. vivax pour envahir les globules rouges
et sont donc plus résistantes à ce type de paludisme
Madagascar

Son peuplement provient du mélange récent (1000 ans) de populations indonésiennes et africaines
Ascendance asiatique moyenne estimée sur 700 sujets malgaches, pour chaque position de chaque chromosome.

Introgression au sein de l’espèce Homo sapiens : entre


deux populations d’Homo sapiens !
85,6% des Malgaches sont Duffy-négatifs

MAIS à MADAGASCAR : P. vivax infecte des personnes négatives


à Duffy.

P. vivax a rompu sa dépendance à l'antigène Duffy pour établir


une infection
Coévolution : un changement évolutif d’un trait chez une espèce en réponse à
un trait chez une deuxième espèce, suivie d’une adaptation évolutive de cette
deuxième espèce.

Adaptation réciproque des hommes aux pathogènes et des pathogènes aux


hommes. Théorie de la reine rouge « on est obligé de courir tant qu’on peut
pour rester à la même place »

La persistance d’une espèce dans un environnement variable (comme le


système hôte-parasite) n’est possible que par un effort adaptatif permanent.
Dans ce système, il n’y a pas un protagoniste de mieux en mieux adapté à un
autre, mais bien coadaptation qui les pousse à se modifier réciproquement
pour rester, sur le plan adaptatif, à la même place. Il s'agit de l'hypothèse de la
reine rouge, (’Alice au pays des merveilles de Lewis Caroll).
En effet, si la sélection n'avait pas eu lieu, l'ascendance asiatique à
l'échelle du génome à Madagascar serait probablement de 45 à 50%,
contre 38% observés.

Cette sélection en faveur de l'ascendance africaine a diminué l'ascendance


asiatique non seulement au locus Duffy , mais aussi à l'échelle du génome

Les populations africaines venant à Madagascar auraient pu avoir un


avantage significatif sur les Asiatiques. il est possible que lorsque les deux
populations sont entrées en contact à Madagascar, les différences de fitness
ont joué un rôle dans l'histoire de la colonisation de Madagascar avant
même le mélange
La coévolution chez l’homme
La tuberculose : existe depuis des dizaines de milliers d’années, s’est répandue
avec l'homme moderne à travers le monde et a été amplifiée par les conditions de
vie au néolithique : démographie, contact avec les animaux (qui nous ont
réinfectés).

Un quart de la population mondiale présente une infection tuberculeuse latente :


les personnes ont été infectées par le bacille tuberculeux mais ne sont pas
(encore) malades et ne peuvent pas transmettre la maladie. Si aujourd’hui touche
les personnes plutôt âgées, pendant longtemps a touché les jeunes.

Parmi les sujets infectés par le bacille tuberculeux, le risque de développer la


maladie à un moment de la vie se situe entre 5 % et 15 %.
Maladie qui peut tuer vite (quelques semaines) mais évolue généralement sur
plusieurs années et tue essentiellement sujets de moins de 5 ans
Co-évolution entre l'homme et certaines lignées MTBC.

Les humains diffèrent dans leur susceptibilité génétique à la bc.

La diversité génétique des mycobactéries influence l'issue de


l'infection et de la maladie tuberculeuse.

Interactions entre la diversité génétique humaine et la diversité


bactérienne, renforçant l'idée qu'en plus des variables environnementales,
la sensibilité à la tuberculose varie en fonction à la fois du génotype humain
et du génotype des mycobactéries impliquées.

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