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lement lorsque les élèves possèdent leur propre ouvrage, pour les
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équilibrer. Seule votre solidarité permet la réussite de cette expé-
rience éditoriale.
- par respect de notre investissement qui nous demande plus de
450 h de travail pour un ouvrage de 176 pages.
- parce que nous respectons nous mêmes les lois et règlementa-
tions sur les droits d’auteur quitte à payer des droits de reproduc-
tion.
- parce que l’achat d’un livre imprimé en offset revient moins cher
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L’équipe de rédaction
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Conception/Réalisation
Stéphane Coté
Bernard Ragazzini

Correctrices
Marie-France Baeza
Anne Marie Coté
Marie Rose Ormasti
Isabelle Rossignol
Merci des conseils de Sabrina Desrosiers-Faby et de Hélène Guillon

Les ouvrages spécifiques au programme d’Histoire 7e des classes européennes n’existent


pas. C’est pourquoi les professeurs des différentes écoles du réseau européen ont décidé
de se réunir pour composer un manuel regroupant l’ensemble des documents et des cours
nécessaires à la réussite des élèves. Cet ouvrage fonctionnel ne propose pas une approche
officielle et définitive du programme. Il désire mettre à disposition des collègues le maté-
riel pédagogique nécessaire à la construction de séquences de cours originales et donner les
bases de travail et de révision pour les élèves.
L’équipe éditoriale
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Sommaire
Chapitre 1 L’après guerre (1925-1947) 5
I. Un bilan désastreux 6
II. Terminer la guerre 10
Cours 15
ÉTUDE DE CAS : L’organisation des Nations Unies 15

Chapitre 2 Guerre froide et relations internationales 25


I. La bipolarisation du monde 26
II. La coexistence pacifique 31
III. La détente 37
ÉTUDE DE CAS : Les révoltes arabes de 2011 44
Cours 45

Chapitre 3 De la fin de la guerre froide à nos jours 55


I. De la guerre fraîche à la disparition de l’URSS 56
II. Le nouveau cadre des relations internationales 64
III. Le conflit israélo-palestinien 69
Cours 75

Chapitre 4 Décolonisation et indépendances depuis 1945 85


I. Les facteurs de la décolonisation 86
II. Le continent précurseur : l’Asie 88
III. La seconde vague : l’Afrique 92
IV. Le tiers-monde, un nouvel acteur international 98
Cours 103

Chapitre 5 Europe de l’Est, Europe de l’Ouest 111


I. Deux Europes face-à-face 112
II. L’Europe entre unité et divisions 118

Avant propos III. La contestation des modèles idéologiques


Cours 129
124

Chapitre 6 De la dictature à la démocratie (1974-1995) 141


Toute l’année, vous allez utiliser cet
I. La fin des dictatures en Europe du Sud 142
ouvrage qui sera votre support de
II. La fin des démocraties populaires en Europe de l’Est 146
travail. Les codes couleurs vous
III. Les enjeux des nouvelles démocraties 149
aideront à vous retrouver dans les
Cours 153
exercices et les cours.
Les exercices sont en bleu. Chapitre 7 La construction européenne depuis 1957 161
I. L’Europe entre élargissements et approfondissements 162
Les cours sont en rouge.
II. L’accélération de la construction européenne et ses défis 165
Les mots-clés fondamentaux sont en Cours 169
bleu gras ; les mots importants sont
en gras.
Chapitre 8 La Chine depuis 1949 175
I. La Chine de Mao 176
Pour les tests longs, vous aurez à
II. La Chine nouvelle entre modernisme et dictature 180
apprendre les prises de notes des
Cours 183
exercices et les cours rédigés dans
le livre. Chapitre 9 Les États-Unis d’Amérique depuis 1945 189
Index I. Les crises et la persistance du modèle politique américain 190
II. La société américaine au temps des Trente Glorieuses 192
Si vous cherchez un mot, reportez-
III. La société américaine après la crise des années 70 196
vous à l’index. Il présente la liste al-
Cours 199
phabétique du vocabulaire et renvoi
à sa page. INDEX 206
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Programme et sommaire
concordance des programmes histoire 2 et 4
Pour des questions de cohérence chronologique et de contrainte éditoriale, le plan de l’ouvrage s’écarte
parfois de l’ordre du programme. Le tableau de concordance suivant vous permet de retrouver facilement les
chapitres du livre en fonction du programme officiel. Les thèmes spécifiques en histoire 4 (rouge clair) sont
ajoutés après les thèmes d’histoire 2 (vert clair).

Thèmes Pages Mots clés/références Historiques/problématiques


6 à 10 Quel bilan humain, social, économique et politique pour l’Europe ? les personnes déplacées, la reconstruc-
L’Europe au lende-
tion, la ligne Oder-Neisse, la guerre civile grecque (1946-1949), les traités de Paris (1947), la reconstruction.
main de la Seconde
10 La capitulation allemande (8 mai 1945), la Libération, l’épuration, la dénazification.
Guerre mondiale
11 et 12 Les conférences de Yalta et de Potsdam (1945).
(1945-1949)
13 Le procès de Nuremberg (1945-1946).
Thème obligatoire
26,114 Le rideau de fer, l’atlantisme, les blocs, l’endiguement, l’annonce du plan Marshall (1947).
Histoire 2
116 La création du Kominform (1947), la soviétisation, la guerre froide.
6 périodes
28 Le coup de Prague (1948).
Histoire 4
29 Le blocus de Berlin (1948-1949), la création de la R.F.A. et de la R.D.A. (1949).
9 périodes
120 Le «schisme» yougoslave (1948).
112 Le capitalisme, l‘économie de marché, l‘État-providence, l‘économie sociale de marché, le «miracle
Europe de l’Est, ­économique».
Europe de l’Ouest 113, 117 L‘économie planifiée, le C.A.E.M (1949).
(1949-1973) 29 La création de la R.F.A. et de la R.D.A.
114 L’O.E.C.E.
Thème obligatoire 121, 122 La C.E.C.A. (1951), les traités de Rome (1957).
170 La création de l’AELE.
Histoire 2 34 Le mur de Berlin (1961).
6 périodes 125 Le Printemps de Prague (1968), la doctrine Brejnev.
127, 128 Mai 68, le mouvement étudiant allemand, les soixante-huitards, l‘opposition extra-parlementaire.
56 Le premier choc pétrolier (1973).
Histoire 4 26 Le plan Marshall.
12 périodes 124 Gomulka.
120 Le titisme.
113, 127 Société de consommation Est et Ouest.
126 Une forme de protestation à l’ouest, l’ostpolitik.
143 La Turquie envahit Chypre (1974), fondation de la démocratie parlementaire en Grèce (1974), La Grèce
L’Europe de la dicta-
dans la CEE (1981).
ture à la démocratie
144 La révolution des OEillets (1974).
(1974 - 1995)
145, 149 La mort de Franco (1975), l’Espagne et le Portugal dans la CEE (1986).
146 La Charte 77 (1977), l’état de siège en Pologne (1981), les différents modes de vie.
Thème obligatoire
147 L’effondrement du communisme (1989).
Histoire 2
148 L’indépendance de la Lituanie (1990), l’indépendance de la Lettonie et de l’Estonie (1991).
6 périodes
149 Une constitution, les droits fondamentaux, le divorce de Velours (1993), la libéralisation, la démocratie sociale.
Histoire 4
150, 151 La balkanisation, début des guerres civiles en Yougoslavie (1991), les accords de Dayton (1995).
12 périodes
152 Le TPI pour l’ex-Yougoslavie (1993), la loi mémorielle en Espagne (2007), les crimes de guerre.
114, 115 L’O.E.C.E. (1948), le Conseil de l’Europe (1949).
La construction
121 Le plan Schuman (9 mai 1950), la C.E.C.A. (1951), l’échec de la C.E.D. (1954).
européenne de 1945
122, 123 Le traité de Rome et la C.E.E. (1957).
à nos jours
162, 163 Quelles sont les principales étapes de la construction européenne entre 1945 et 1973 ?
Thème obligatoire
164, 165 L’Europe de la coopération, l’Europe supranationale, Quels sont les domaines choisis pour approfondir la
Histoire 2
construction européenne ?.
6 périodes
164 L’Acte Unique Européen (1986), le traité de Maastricht (1992).
Histoire 4
166 La constitution européenne, le traité de Lisbonne (2007).
12 périodes
167 à 168 Quelles sont les perspectives et les défis contemporains ?
176 La fondation la République Populaire de Chine (1949), Taïwan, le totalitarisme.
La Chine depuis 1949
177 Le communisme, le maoïsme, la planification.
178 Le Grand bond en avant (1958-1962).
Histoire 2
179 La révolution culturelle (1966-1969), la mobilisation des masses, le culte de la personnalité.
Thème au choix
180 La mort de Mao (1976), l’«économie socialiste de marché».
10 périodes
181 Tian An Men (1989).
182 L’ouverture de la bourse de Shanghai (1990), l’adhésion de la Chine à l’OMC (2001), les Jeux Olympiques
de Pékin (2008), un régime totalitaire.
Histoire 4
Thème obligatoire 177 L’U.R.S.S., une économie planifiée, l’industrie lourde, le premier plan quinquennal (1953-1957).
15 périodes 180 Deng Xiaoping, les premières zones économiques spéciales (1979).
Source : 2013-01-D-35-fr-5, www.eursc.eu/Syllabuses
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Thèmes Pages Mots clés/références Historiques/problématiques


11, 12 Yalta (1945), Potsdam (1945).
26, 27 Le rideau de fer, la politique de sécurité, les pays satellites, la doctrine Truman, la doctrine des deux
camps, l’endiguement, la plan Marshall, l’O.T.A.N., le pacte de Varsovie.
30 La guerre de Corée (1950-53).
Histoire 2 31, 32 La coexistence pacifique.
33, 35 La révolution hongroise (1956), la crise de Suez (1956), la crise des missiles de Cuba (1962).
La Guerre froide 36 Comment s’affrontent-les grandes puissances ?
37 La Détente, le téléphone rouge.
Thème au choix 38, 39 Les accords SALT 1, la course aux armements, la destruction mutuelle assurée, les accords d’Helsinki (1975).
10 périodes 40, 41 La guerre du Vietnam, la théorie des dominos.
56 Le fondamentalisme religieux, le nationalisme.
57 La doctrine Brejnev, l’invasion de l’Afghanistan par l’U.R.S.S. (1979), les jeux olympiques de Moscou (1980).
58, 59 «America is Back», la programme I.D.S.
60, 61 La glasnost, la perestroika, Gorbatchev.
63, 64 Les révolutions en Europe de l’Est, la chute du mur de Berlin (1989), la fin de l’URSS.
65 à 68 En quoi le monde est-il bouleversé par la fin de la Guerre froide ?
Histoire 4 14, 24 La conférence de San Francisco (1945), L’O.N.U.
Guerre froide et rela- 69 à 74 Naissance de l’état d’Israël (1948), guerre des Six Jours (1967), guerre du Kippour (1973).
tions internationales 56 La révolution islamique en Iran (1979).
depuis 1945 42, 43 En quoi la logique de Guerre froide influe-t-elle sur des conflits régionaux ?
Thème obligatoire 150-151 Les accords de Dayton (1995).
15 périodes 67, 68 Les attentats du 11 septembre 2001, la seconde guerre du Golfe (2003-2011), le fondamentalisme religieux.
Histoire 2 86, 87 Comment expliquer le mouvement de décolonisation ?
La décolonisation 88, 89 L’indépendance de l’Inde (1947).
après 1945 90 à 95 Quelles voies possibles vers l’indépendance ?
Thème au choix 96, 97 La guerre d’indépendance de l’Algérie (1954-1962).
10 périodes 98 La conférence de Bandoung (1955).
Histoire 4 99 à 102 Quelles sont les évolutions internes des nouveaux pays indépendants jusqu’à nos jours ?
Décolonisation et 44 les révolutions arabes (2011).
indépendances 94, 95 L’indépendance du Congo belge (1960), l’indépendance de l’Angola et du Mozambique (1975).
depuis 1945 98, 101 Le tiers-monde, le non-alignement.
Thème obligatoire 100, 102 Le sous-développement, les pays émergents, le néocolonialisme.
15 périodes
69 Sionisme, diaspora, nation, islamisme.
Histoire 2 70 Le plan de partage de l’O.N.U. (1947), la naissance de l’état d’Israël (1948).
Le conflit israélo- 71 La 1ère guerre israélo-arabe (1948-1949), la crise de Suez (1956), la guerre des Six-Jours (1967), la
arabe depuis 1947 guerre du Kippour (1973), le panarabisme.
72 Les réfugiés, droit au retour, les accords de Camp David (1978).
Thème au choix 73 La création de l’O.L.P. (1964), Hamas.
10 périodes 74 La 1ère intifada (1987), les accords d’Oslo (1993), le début de la construction de la barrière de séparation
israélienne (2002), les colonies.
190 La démocratie libérale, un régime présidentiel, le Congrès, l’élection de Barack Obama (2008).
Histoire 2 191 Le maccarthysme, le capitalisme, la ségrégation, la crise du Watergate (1972-74).
Les États-Unis 192, 193 Qu’est-ce que l’American way of life ? L’État providence (welfare state), la contreculture.
d’Amérique depuis 194 L’arrêt de la Cour suprême contre la ségrégation scolaire (1954), les droits civiques, les minorités, le
1945 multiculturalisme, marche pour la Liberté (1963).
197, 58 Le néolibéralisme, le néoconservatisme, l’élection de Ronald Reagan (1980).
Thème au choix 40, 41 L’engagement massif des troupes américaines au Vietnam (1964).
10 périodes 67 Les attentats du 11 septembre (2001).
198 Les défis que rencontrent les États-Unis.
14 Les droits de l’homme, le système de Bretton Woods, La conférence de Bretton Woods
(1944), le Conseil de sécurité, l’Assemblée générale, les Casques bleus, le Secrétaire géné-
Histoire 2
ral, le droit de veto, la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948).
L’Organisation des
24 La conférence de San Francisco (1945), le Conseil de sécurité, l’Assemblée générale, les
Nations Unies
Casques bleus, le Secrétaire général, le droit de veto.
66 Le multilatéralisme.
Thème au choix
29, 35 Le blocus de Berlin (1948), la crise des missiles de Cuba (1962).
10 périodes
69 à 74 La naissance de l’état d’Israël (1948), la guerre du Kippour et le premier choc pétrolier (1973).
65, 150 la guerre du Golfe (1991), la guerre de Bosnie-Herzégovine (1992-1995).
Histoire 2 118, 119 Comment définir les medias de masse ? La culture de masse.
Médias de masse, 193, 139 American way of life et son modèle culturel, la société de confort.
cultures populaires 57, 58 Culture populaire et politique.
et pouvoir politique 127, 128 Cultures populaires et contestation de l’autorité de l’État.
depuis 1945 40, 41, 191 Mass média et politique.
Thème au choix 194, 203 Le mouvement Black Power aux jeux olympiques de Mexico (1968), La contre culture.
10 périodes 196 Internet et les nouveaux moyens de communication.
Source : 2013-01-D-35-fr-5, www.eursc.eu/Syllabuses
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De l’HL’après à Mon
istoire guerre
Chapitre
Histoire Personnelle
(1945-1947)
1

En quoi l’Europe sort


-elle bouleversée de
la ­Seconde Guerre
­mondiale ?

1 Berlin en mai 1945.

Léningrad
2 L’Europe en mai 1945
1 Berlin en 1945 MER NORVÈGE
Presse- und Informationsamt der Bundesregierung
Moscou
SUÈDE
DU

NORD DANEMARK
ROYAUME-
OCEAN UNI Berlin
Londres
Bataille des avril-mai 45
ATLANTIQUE Ardennes
déc. 44 - janv 45 POLOGNE
Normandie Aio

06 juin 44 ME
Paris
ALLEMAGNE Territoires perdus par l’Axe en : ADRIATIQU
HONGRIE 1943
AUTRICHE
FRANCE 1944
ROUMANIE
MER NOIRE
1945
Tito Territoires sous le contrôle de l’Axe
Provence YOUGOSLAVIE
début mai 1945
PORTUGAL août 44
Exercices

Offensives soviétiques

ESPAGNE Offensives anglaises, américaines et des


Monte Cassino Forces françaises libres
GRÈCE
sept. 43 Contre-offensive allemande
500 km Ligne de démarcation entre les Russes et
Réalisation : S. Coté
MER MEDITERRANEE les Occidentaux.

Chapitre 1 : l’après guerre (1945-1947) 5


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I Un bilan désastreux
1 Le bilan humain

La Seconde Guerre mondiale


% Pertes militaires 1 Le bilan des victimes.
connaît le bilan humain le plus 14 16 % Pertes civiles
catastrophique de l’histoire 12.5 % Pertes en % de la population
humaine. 17 877 000 de sol-
dats ont été tués sur les champs 2.5 %*
12
de bataille et 5 millions sont
morts comme prisonniers. À
cela s’ajoutent 40 à 52 millions 10 12.5 %
de civils. 13 à 20 millions de
ces derniers seraient décédés
de maladies ou de famine. Les 8
historiens font donc varier les
estimations du nombre total de
morts entre 50 et 85 millions. 6 16 %
2.5 % de la population mondiale
aurait disparu durant ce conflit.
4
0.3 %
4 %*
2
6.5 %
1% 1.5 % 1%
0
S ni ce e
Ital
ie ie ne nis ogn
e on
URS m e-U Fran magn goslav Chi ts-U Pol Jap
Roy
a u Alle You Éta
* Moyenne des estimations
Source : wikipedia. Réalisation : S. Coté

Questions
1. Analysez les bilans humains des deux guerres mon-
2 Bilan humain de la Première Guerre mondiale. diales. Comparez les pertes civiles et militaires à l’Est
et à l’Ouest (doc 1).
2. Que nous apprend le doc 3 sur les bombardements ?
3. Quel aspect du bilan humain montre le doc 1 de la
page 13 ?
4. Présentez les différentes formes du génocide des
juifs. Quel est le bilan (doc 4) ?

Nbr Tonnages
Morts
d’appareils des bombes
Dresde (fév. 45) 800 3 000 135 000
Tokyo (mars 45) 297 1 700 83 000
Hiroshima (août 45) 1 1 70 000
Nagasaki (août 45) 1 1 36 000
3 Le bilan de quatre bombardements américains.

Causes du décès Nombre de victimes


Ghettos et mauvais traitements 800 000
* À la suite de l’occupation du Luxembourg par l’Allemagne, 3 700 Luxembour-
geois s’engagent dans les troupes françaises et 2 000 perdent la vie. Shoah par balles 1 300 000
** Inde, Canada, Terre-Neuve, Afrique du Sud, Nouvelle-Zélande, Australie
Camps d’extermination 3 000 000
Exercices

Sources : Urlanis, Wars and Population. J.-L. Robert (sous la dir. de), Le XXe s.,
Bréal, Grand amphi, 1985. (arrondis au millier) dont 2 700 000 dans les
chambres à gaz
Total 5 100 000
54 Le bilan de la Shoah (source : R. Hilberg, 2006).

6 Chapitre 1 : l’après guerre (1945-1947)


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2 Le bilan économique et social

1 Le bilan économique de la Seconde Guerre mondiale 4 L’Allemagne, 1945 : année 0


Il y a certes des analogies entre la situation économique issue de la L’ère du néant dura environ deux ans, jusque vers le
Première Guerre et celle qu’a créée la Seconde : printemps 1947. [...] Le peuple allemand est absorbé
Même progression américaine [...], même affaiblissement commercial jusqu’à l’hébétude par une seule tâche : survivre. [...]
et financier de l’Europe. Toutefois, la poussée industrielle a été, durant Durant l’hiver 1945-1946, les moissons atteignent 45 %
la Seconde Guerre mondiale beaucoup plus puissante ; des volumes et le fourrage n’est que de 38 %. [...] La moyenne des
de production considérables ont été atteints, hors de proportion avec calories absorbées par les Allemands oscillent entre
ceux de la guerre précédente ; en outre, l’affaissement économique 700 et 800 par jour, alors que le minimum vital est éva-
de l’Europe occidentale est beaucoup plus prononcé ; l’économie alle- lué à 2 000. [...] Lors d’un recensement à Cologne, 12
mande est démantelée, celle de la France a été en grande partie rui- % seulement des enfants avaient un poids à peu près
née. Le déclin annoncé en 1914-1918 paraît cette fois définitif. normal. [...]
Enfin, l’URSS fait désormais figure de grande puissance économique, Spéculation, stockage, marché noir prennent une am-
en partie grâce à la guerre. La Deuxième Guerre mondiale laisse donc pleur monstrueuse. [...] L’opposition entre citadins et
face-à-face deux colosses économiques, États-Unis et URSS. paysans devient virulente. [...] Le marché noir atteint
J. Chardonnet, Les conséquences économiques de la guerre, 1947. des sommets inconnus dans les autres pays euro-
péens. [...] Les prix sont 100 à 200 fois supérieurs aux
prix officiels. [...] «Fraternisation» et, plus générale-
Allemagne Royaume-Uni France ment, «prostitution», ont commencé avec l’économie
Berlin 75 % Caen 70 % ­parallèle.
Habitat Dresde 95 % Coventry 95 % Le Havre 80 % L. Marcou, A. Mannon, La République Fédérale allemande: Évolution
politique, économique et sociale, 1967
Hambourg 90 % Saint Lô
1900 ponts et
tunnels
3 000 ponts de 50 % de la flotte 55 % des voies
Économie
chemins de fer de commerce ferrées
80 % des locomo-
tives
2 Les autres destructions en Europe.

Questions
Sous la forme de tirets, faites une synthèse des différents as-
pects du bilan économique et matériel de la Seconde Guerre
mondiale.

L’étendue des destructions en URSS selon un rapport


3
­officiel Richard Peter, Deutsche Fotothek

Dans les territoires occupés de l’Union soviétique, on comptait, avant 5 Dresde après le bombardement de février 1945.
la guerre, 88 millions d’habitants et la production industrielle s’élevait à
46 milliards de roubles (sur la base des prix des années 1926-1927). Il
y avait 109 millions de têtes de bétail dont 31 millions de bovins et 12
millions de chevaux. 71 millions d’hectares de terres étaient cultivés et
122 000 kilomètres de voies ferrées étaient en exploitation. Les nazis 6 L’Angleterre après 1945
ont dévasté et brûlé, en totalité ou en partie, 1710 villes et plus de 70
000 bourgades et villages. Plus de 6 millions d’édifices ont été incen- La Grande-Bretagne s’est couverte de gloire, mais,
diés ou rasés au sol, 25 millions de personnes sont restées sans abri. après avoir vaincu, il lui faut vivre. [...] L’Angleterre était
dépendante des importations. [...] Le marché mondial
L’ennemi a dévasté 31 850 usines où travaillaient environ 4 millions
pourvoyait à ses besoins. [...] Mais pour maintenir cet
d’ouvriers. Il a détruit 65 000 kilomètres de voies ferrées, 40 000 hôpi-
ordre économique, il fallait la paix. Et sur 30 ans, elle a
taux ou infirmeries. 84 000 écoles ont été saccagées ou raseés au sol,
vécu 10 ans de guerre.
ainsi que 98 000 kolkhozes, 1 876 sovkhozes et 2 890 réserves de
machines agricoles. 7 millions de chevaux, 17 millions de bovins ont De sorte qu’en 1945, elle ne peut plus librement ache-
été réquisitionnés. ter à l’étranger tout ce qui lui manque de vivres ni tout
ce qu’il faut à son industrie de matières premières. Il
Des millions de déclarations envoyées à la Commission extraordinaire
a fallu [...] contracter tant de dettes [...]. La flotte mar-
d’État confirment ces actes criminels. […]. La Commission extraordi-
chande a perdu presque le tiers de son effectif alors
naire d’État a calculé à 679 milliards de roubles (sur la base des prix de
que le volume d’importations nécessaire est trois
1941), le montant des dommages causés à l’économie nationale et aux
quarts plus élevé.
citoyens soviétiques. […]
S’ajoute en plus la crise du charbon. L’Angleterre a be-
Au montant de ces pertes, il convient d’ajouter celles entraînées par
Exercices

soin de faire tourner ses machines au maximum, mais


la baisse du revenu national due à l’interruption ou à la réduction des
cette matière première lui manque. [...] Il faut que la
activités des entreprises d’État et des kolkhozes. Tout ceci, sans parler
famille anglaise se prive d’aliments que le pays n’a pas
des millions et des millions de citoyens éliminés par les nazis sur les
les moyens d’importer.
territoires momentanément occupés.
Bertrand de Jouvenel, L’échec d’une expérience: Problèmes de
Rapport de la Commission extraordinaire d’État, 12 septembre 1945. l’Angleterre socialiste, 1947

Chapitre 1 : l’après guerre (1945-1947) 7


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3 Une Europe bouleversée et instable


Finlande Anciennes frontières
1 Le redécoupage de l’Europe. Estonie
Frontières de l’URSS en 1945

MER Gains de l’URSS


Ligne Oder-Neisse
Lettonie
DU Allemagne en 1945
Lituanie
Etat libre
Gains de la Pologne
d’Irlande NORD 2.5
Royaume- Frontières de l’Italie en 1945
1921 2.5
Uni Gains de la Yougoslavie
Pologne
Allemagne Déplacement de population
Aio 5.4
OCEAN (en millions d’habitants)
MER
2.9 Population allemande
Tchécoslovaquie ADRIATIQUE
Population polonaise
ATLANTIQUE
0.1 Population soviétique
France Autriche Hongrie
0.3 Roumanie Population italienne
0.3 MER NOIRE
Italie Yougoslavie
Bulgarie
Portugal photo presse

Turquie
Mandats
4 Le Liban profite de l’affaiblissement de la
Grèce français France après sa défaite contre l’Allemagne
Gibraltar
(Britanniques) MER MEDITERRANEE pour proclamer son indépendance le 22
Dodécanèse
0 250 km
Colonies françaises
(Italie)
Chypre
(Britanniques) Mandats
britanniques
novembre 1943.
Réalisation : S. Coté Malte (Britanniques)

Questions 5 Accord de pourcentage


1. Présentez les États «gagnants» et «perdants» du par- contresigné par Churchill
et Staline à Moscou le 9
tage de l’Europe. Comment se «déplace» la Pologne ?
octobre 1944. Il définit
Pourquoi (doc 1) ? les zones d’influence de
2. Analysez le traité de Paris (1947). Quelles dispositions chacune des puissances.
spécifiques concernent l’Italie ? Pour la Grèce, il est noté
40 % communiste et 60 %
­libérale. Bildarchiv der Öster-
reichische Nationalbibliothek de
Vienne.

Questions
3. Quelles sont les conséquences humaines du redécou-
page de l’Europe (docs 1 et 3) ?
4. Que se passe-t-il en Grèce ? En quoi est-ce une
Bettmann Archive
conséquence de la guerre (docs 2 et 5) ?
5. Que se passe-t-il au Liban en 1943 ? Montrez que
2 Massacre de militants communistes lors de la guerre civile
grecque (1946-1949). À la libération de la Grèce, deux c’est un révélateur de l’affaiblissement politique de
groupes de résistants se font face : l’ELAS (Armée populaire l’Europe.
de libération nationale) d’inspiration communiste et l’EDES
(Ligue nationale démocratique grecque) qui soutient la mo-
narchie. Avec la montée des tensions entre les Occidentaux 6 Le traité de Paris avec l’Italie (10 février 1947)
et Staline, de violents combats s’engagent entre les deux
Considérant que l’Italie, sous le régime fasciste, est devenue
factions. Bien que soutenus par la Yougoslavie et au début
l’une des parties contractantes du pacte tripartite avec l’Alle-
par Staline, les communistes se retrouvent isolés face aux
magne et le Japon [...], il est décidé :
nationalistes soutenus par le Royaume-Uni et les États-Unis.
- que l’Italie perd au profit de la France le col du Petit Saint-Ber-
La Seconde Guerre mondiale et la guerre civile auraient
nard, le plateau du Mont Cenis, le mont Thabor-Chaberton, les
entraîné la disparition de 8 % de la population grecque.
vallées supérieures de la Tinée, de la Vésubie et de la Roya ;
- la frontière entre l’Italie et la Yougoslavie sera déterminée
comme il suit : l’Italie perd la vallée de l’Isorno et Trieste de-
3 Confiscation des biens en Tchécoslovaquie vient un territoire libre neutre ;
- l’Italie cède à la Grèce, en pleine souveraineté, les îles du Dodécanèse ;
Il est confisqué, sans compensation, les propriétés de : - l’Italie renonce à tous droits et titres sur les possessions terri-
- l’Empire allemand et du royaume de Hongrie [...], toriales italiennes en Afrique ;
- les personnes privées de nationalité allemande et hongroise, - l’Italie reconnaît et s’engage à respecter la souveraineté et
(cf. décret n°33/1945) sauf pour les personnes qui ont prouvé l’indépendance de l’État albanais ;
Exercices

qu’elles étaient restée fidèles à la république tchécoslovaque [...], - l’Italie reconnaît et s’engage à respecter la souveraineté et
- les personnes privées qui ont exercé des activités contre l’indépendance de l’État éthiopien ;
l’indépendance, l’autonomie [...], la sécurité et la défense de la - l’Italie paiera à l’Union Soviétique des réparations pour une
république ­tchécoslovaque [...]. valeur de 100.000.000 de dollars des ÉtatsUnis pendant une
Décret n°108/1945 du 25 octobre 1945 période de sept ans.

8 Chapitre 1 : l’après guerre (1945-1947)


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4 Un bilan moral traumatisant

1 Les expériences médicales nazies 2 La peur atomique


Pendant la Seconde Guerre mondiale, des médecins alle- N’importe quelle ville d’importance moyenne peut être totalement
mands menèrent des expériences douloureuses et souvent rasée par une bombe de la grosseur d’un ballon de football […].
mortelles sur des milliers de détenus des camps de concen- La civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré
tration. Les «expériences» menées au mépris de toute déonto- de sauvagerie […]. Devant les perspectives terrifiantes qui
logie médicale pendant le Troisième Reich peuvent être clas- s’ouvrent à l’humanité, nous apercevons encore mieux que la
sées en trois catégories. paix est le seul combat qui vaille d’être mené. Ce n’est plus une
La première consiste en expériences visant à faciliter la sur- prière mais un ordre qui doit monter des peuples, l’ordre de
vie du personnel militaire des forces de l’Axe. À Dachau, des choisir définitivement entre l’enfer ou la raison.
médecins de l’armée de l’air menèrent des expériences sur la Editorial du journal Combat, par le philosophe français Albert Camus, 8 août 1945
haute altitude, en utilisant une chambre à basse pression, en
vue de déterminer l’altitude maximale à laquelle les équipages
des avions endommagés pouvaient se parachuter. D’autres
chercheurs menèrent des expériences dites de «congélation»
en vue de trouver un traitement contre l’hypothermie. Ils uti-
lisèrent aussi des détenus pour tester différentes méthodes
pour rendre l’eau de mer potable.
La deuxième catégorie d’expériences visait à mettre au point
et à tester des médicaments et des méthodes de traitement
des blessures et des maladies que les soldats allemands pou-
vaient subir au combat. […]
La troisième catégorie d’expériences médicales visait à confir-
mer l’idéologie raciste nazie. Les plus cruelles furent celles que
Josef Mengele mena à Auschwitz sur des jumeaux. Ce même UN Photo/Yosuke Yamahata
Mengele, et Werner Fischer à Sachsenhausen, dirigèrent des
expériences sérologiques sur des Tsiganes, en vue de déter- 3 Les ruines de Nagasaki, à environ 700 mètres du point
d’impact de la bombe, le 10 août 1945.
miner comment les différentes «races» résistaient aux mala-
dies contagieuses. […]
Parmi les autres expériences inhumaines, il faut citer éga- 5 Souvenir d’un tortionnaire de l’unité 731
lement des tentatives de stérilisation des Tsiganes ou autres
Le laboratoire spécialisé dans la recherche bactériologique et
groupes «d’indésirables», menées principalement aux camps
la prévention des maladies était dirigé par un éminent bactério-
d’Auschwitz et Ravensbrück. Ces expériences n’aboutirent pas.
logiste, Shiro Ishii. C’est lui qui a créé en 1935 l’Unité 731. Il a
United States Holocaust Memorial Museum, Washington, D.C. Traduction,
Mémorial de la Shoah, Paris, France recruté surtout des jeunes, entre 16 et 18 ans. J’ai été presque
aussitôt muté à Harbin, en Manchourie, où était installé le quar-
tier général de la très secrète Unité 731.
À notre arrivée, [...] la consigne, véritable règlement interne,
était on ne peut plus claire: «Ne regarde pas, ne parle pas et
ne demande rien.» [...] À cette époque, mon travail consistait à
mettre des préparations dans des tubes à essais pour les dis-
poser ensuite dans une grande boîte. J’ai su plus tard que ces
solutions contenaient des bactéries comme le typhus, le cholé-
ra ou la dysenterie. [...] Ishii a obtenu du ministère de la Guerre
la plus haute distinction pour le succès de ses recherches.
Nous devions tester les réactions sur les animaux et pratiquer
des vivisections. Puis, dès l’année 1942, on m’a fourni le laissez-
passer pour pénétrer à l’intérieur des fameux bâtiments 7 et 8,
où étaient détenus les prisonniers. Nous les avons soumis aux
mêmes expériences que les animaux. [...]
George Rodger Toutes les excuses du monde sont dérisoires par rapport à ce
Bergen-Belsen, mi-avril 1945. Les soldats britanniques exigent que j’ai fait. Le plus dur, ce furent les vivisections. Le souvenir de
4 ces scènes atroces ne me lâche pas. [...] Pendant la guerre, au-
des ex-gardiennes du camp qu’elles déplacent les corps afin
d’endiguer une épidémie de typhus. Les anciens prisonniers cun soldat ne doutait du bien-fondé de ce qu’il faisait. Les ordres
épuisés par les privations continuent à mourir en masse. de nos supérieurs étaient pour nous les ordres de l’empereur.
Interview de Yoshio Shinozuka réalisé par le journaliste de Libération Frédé-
rique Amaoua, 1995.
Questions
1. Faites une recherche personnelle et présentez la 3. Quels sont les effets d’un bombardement nucléaire
place du camp de concentration de Bergen-Belsen dans (doc 3) ? Pourquoi les bombardements d’Hiroshima et Na-
le réseau d’extermination nazi. Pourquoi y a-t-il encore gasaki sont-ils un traumatisme moral supérieur à celui d’un
Exercices

des victimes après la libération des camps (doc 4) ? bombardement classique ? Aidez-vous du tableau 3 p. 11.
2. Montrez que les génocides des Juifs et des autres 4. Que pratiquaient les médecins allemands dans les
minorités sous l’occupation allemande sont un aspect camps de concentration et les médecins japonais dans
«nouveau» de l’histoire humaine. Expliquez pourquoi ce l’unité 731 (docs 1 et 5) ? Quels aspects moraux de la
phénomène marque autant les mémoires. guerre montrent ces expériences ?

Chapitre 1 : l’après guerre (1945-1947) 9


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II Terminer la guerre
1 1944-1945 : capitulations, libération et épuration

Principaux motifs évoqués devant les com-


missions d’épuration administrative Nombres %
(police, gendarmerie et magistrats exclus)
Motifs d’ordre professionnel
Exercice trop zélé de sa fonction 6 7.6
Délit social 5 6.3
Promotions et nominations sous Vichy 6 7.9
Faute professionnelle 4 5.1
Total 21 26.6
Motifs extérieurs
Délit d’opinion (germanophilie, vichysme...) 20 25.3
Collaborationnisme : adhésion à un courant 16 20.3
Collaborationisme : action volontaire 12 15.2
PUL Relations : fréquentations amicales 8 10.1
1 Femmes tondues à la Libération. Elles sont accusées Relations économiques ou commerciales 2 2.5
d’avoir entretenu des relations sexuelles avec l’occupant Total 58 73.4
allemand en échange d’avantages matériels. C’est ce que
certains appellent la «collaboration horizontale». L’histo- 2 Dès la Libération, l’État français met en place des tribunaux
rienne Julie Desmarais écrit que le rituel de la tonte peut d’exception pour juger les faits de collaboration et épurer
être interprété comme le «retour en force du genre mascu- les administrations et le monde économique.
lin en territoire français. [Il peut] servir à marquer ce pas-
sage où les hommes annoncent qu’ils sont prêts à retrou- Questions
ver leurs rôles et que les femmes doivent reprendre leurs
responsabilités traditionnelles». 1. Rappelez les évènements qui mènent à la capitula-
tion allemande et japonaise.
2. D’après les docs, comment réagissent les popula-
tions à la fin de la guerre ? Pourquoi ?
3. Analysez les politiques mises en place par les États
européens lors de la Libération.

Exécutions sommaires
Nombres
en Champagne-Ardenne
Ardennes 43
Marne 25
Aube 466
Haute-Marne 51
4 En France, à la Libération, avant que les autorités civiles
Inconnu puissent reprendre le contrôle des régions, des groupes
3 La capitulation du 8 mai 1945 ne signifie pas l’arrêt des de résistants ou même la foule expriment violemment leurs
massacres. Lors de l’expulsion des Allemands de Tché- frustrations vécues durant la guerre et leur désir de ven-
coslovaquie en juin 1945, 700 civils allemands sont exécu- geance. À cette épuration extrajudiciaire, suit une épuration
tés à Postoloprty. judiciaire. Exécutions sommaires selon l’enquête de gendarmerie de 1959.

5 La dénazification
Une fois admis qu’on châtierait les grands chefs, les concep-
tions des vainqueurs divergeaient déjà [...] sur les meilleurs
moyens d’en éliminer jusqu’aux ferments. Pour les dirigeants
britanniques, il s’agissait d’une sorte de maladie. L’élimination
des porteurs de germes suffirait à rendre au corps sa santé.
Pour les Français, il y avait une sorte de ligne continue de Bis-
marck à Hitler. Le nazisme était lié au prussianisme [...]. L’État
unitaire allemand et l’État totalitaire étaient liés. [...] Du côté
américain, on était partagé entre la vision anglaise et la vision
française. Les Soviétiques, eux, attribuaient la victoire du na-
Exercices

zisme en Allemagne aux structures de la société allemande, United States Holocaus Memorial Museum

en particulier à la répartition du pouvoir économique au sein 6 Inhumation des victimes du pogrom de Kielce en Pologne
de la société : la punition était donc accessoire, la révolution le 4 juillet 1946. Cette bouffée de violence touche les Juifs
sociale prioritaire. revenus d’URSS, accusés de meurtres rituels contre des
Alfred Grosser, L’Allemagne de notre temps, 1970 enfants. 42 Juifs sont tués et 40 sont blessés.

10 Chapitre 1 : l’après guerre (1945-1947)


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2 1945 : un monde en recomposition, la conférence de Yalta

Questions
1. Présentez les participants de la confé-
rence de Yalta. Notez les noms sur le doc 1.
Rappelez les dates.
2. Avec quel «état d’esprit» arrivent les
participants ? Quels sont les deux États qui
exercent un rôle majeur lors de la confé-
rence ? Quel rôle joue le Royaume-Uni (docs
2 à 4) ?
3. Faites une recherche personnelle. Qui
manque comme ancienne grande puissance
(doc 5) ? Pourquoi ?
4. Expliquez les principales dispositions du
communiqué final de la conférence (doc 5).
5. En quoi cette conférence est-elle révéla-
trice de la nouvelle recomposition géopoli-
tique mondiale ? Quelle place occupe à pré-
Army Signal Corps Collection in the U.S. National Archives.
sent l’Europe dans le monde ?
1 Photo d’ouverture de la conférence de Yalta le 4 février 1945.

Le Royaume-Uni au sortir de la Seconde Guerre 4 Le prestige de l’URSS


2
mondiale Pour nous-mêmes, la bataille contre le fascisme fut la plus
L’Angleterre sortira de cette guerre magnifiquement grandie grande des épreuves. La vitalité de notre régime social, de
politiquement et moralement. […] C’est elle qui, au moment notre morale communiste, la force de notre économie, l’unité
décisif, a été le seul rempart de la civilisation occidentale des nations, en un mot tout ce qui avait été fait depuis 1917
­menacée. […] passait ce test. Nous avons vaincu. Notre armée n’a pas seule-
Par contre, sa position économique et financière est grave- ment balayé les envahisseurs de notre terre, elle a aussi libéré
ment compromise : son portefeuille extérieur, facteur impor- l’Europe du fascisme. Le prestige de notre État dans le monde
tant de sa balance des comptes, a dû, dans une large mesure, a énormément grandi. La foi dans le régime socialiste s’est
être liquidé. De puissance traditionnellement créditrice, elle est renforcée chez des millions de personnes de la planète. Voici
devenue débitrice. Les dominions, constitutionnellement indé- la signification de notre victoire.
pendants depuis le statut de Westminster, le sont dans les faits Dernière interview du Maréchal Joukov (défenseur de Moscou et de Leningrad,
commandant du groupe d’armées ayant reçu la capitulation allemande à Berlin
de plus en plus. Leur développement économique parfois pro- en mai 1945) au journaliste V. Pechkov, Le Monde, 1975.
digieux, la part qu’ils ont pris à la guerre, les relations directes
qu’ils nouent avec les économies voisines et leur position ex-
tra-européennne les orientent dans ce sens.
A. Siegfried, France, Angleterre, États-Unis, Canada, 1946.

5 Les accords de Yalta


Les plans adoptés prévoient que chacune des trois puissances
occupera avec ses forces armées une zone séparée en Alle-
magne. […] Il a en outre été convenu que la France, si elle le
3 «America First» désire, serait invitée par les trois puissances à occuper une
zone et à faire partie de la Commission de contrôle comme
Le président Truman était, en effet, convaincu que la mission quatrième membre. […]
de servir de guide revenait au peuple américain […]. D’ailleurs,
Nous sommes inflexiblement résolus à anéantir le militarisme
à quelle puissance, à quelle richesse pouvaient-elles se com-
et le nazisme allemands et à faire en sorte que l’Allemagne ne
parer ? Je dois dire qu’en cette fin de l’été 1945, on était, dès le
puisse plus jamais troubler la paix mondiale […], à infliger à
premier contact avec les États-Unis, saisi par l’impression d’une
tous les criminels de guerre une prompte et juste punition et à
activité dévorante et un intense optimisme emportait toutes les
exiger l’exacte réparation en nature des destructions causées
catégories. Parmi les belligérants, ce pays était le seul intact.
par les Allemands. […] Une Commission sera créée pour la
Son économie, bâtie sur des ressources en apparence illimi-
réparation des dommages causés.
tées, se hâtait de sortir du régime du temps de guerre pour pro-
duire des quantités énormes de biens de consommation. L’avi- Nous sommes résolus à créer avec nos alliés, aussitôt que
dité de la clientèle et au dehors, les besoins de l’univers ravagé possible, une organisation internationale générale pour la sau-
garantissaient aux entreprises les plus vastes débouchés, aux vegarde de la paix et de la sécurité. […] Nous avons prévu de
travailleurs le plein emploi. Ainsi les États-Unis se sentaient as- convoquer, le 25 avril 1945, à San Francisco, une Conférence
Exercices

surés d’être longtemps les plus prospères. Et puis, ils étaient des Nations unies. […]
les plus forts ! Quelques jours avant ma visite à Washington, C’est un des principes de la Charte de l’Atlantique que tous les
les bombes atomiques avaient réduit le Japon à la capitulation. peuples ont le droit de choisir la forme de gouvernement sous
Charles de Gaulle, Mémoires de guerre. Le Salut (1944-1946), 1954 laquelle ils entendent vivre.
W. S. Churchill , F. D. Roosevelt , J. Staline, communiqué du 11 février 1945.

Chapitre 1 : l’après guerre (1945-1947) 11


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3 La méfiance s’installe, la conférence de Potsdam (17 juillet-2 août 1945)

U.S. National Archives and Records Administration U.S. National Archives and Records Administration

1 Photo d’ouverture de la conférence de Potsdam en juillet 2 Photo de la fermeture de la conférence de Potsdam en


1945. De gauche à droite : Churchill (Royaume-Uni), Tru- août 1945. De gauche à droite : Attlee (Royaume-Uni),
man (États-Unis) et Staline (URSS). Truman (États-Unis) et Staline (URSS).

3 Le temps des tensions


Ce qui m’inquiète le plus, c’est ceci : quand un pays commence
Questions
à étendre son influence par le moyen de la force au-delà de 1. Présentez les participants de la conférence de Pots-
ses frontières, sous le prétexte de la sécurité, il est très difficile dam, au début et à la fin. Quelle est la différence avec
de voir comment on peut fixer une ligne d’arrêt. Si l’on admet Yalta ? Pourquoi (docs 1 et 2) ?
que l’Union soviétique a le droit de pénétrer chez ses voisins
immédiats pour assurer sa sécurité, on ne voit pas pourquoi
2. Montrez la détérioration des relations politiques
elle ne pénétrerait pas, le moment venu, chez le voisin suivant. entre les Occidentaux et Staline. Expliquez la phrase
Où s’arrête ce mouvement ? soulignée (docs 3 à 5).
Télégramme du 20 septembre 1944 William Averell Harriman, ambassadeur 3. Quels sont les avantages obtenus par Staline ? En
des États-Unis à Moscou.
quoi perçoit-on les tensions de la guerre froide ? Quelles
On n’est pas rassuré lorsqu’on envisage un avenir où vous et sont les autres dispositions (doc 5) ?
les pays que vous dominez, plus les partis communistes dans
beaucoup d’autres pays, seriez tous d’un côté tandis que les
nations rassemblées autour des pays de langue anglaise, leurs
associés et dominions, seraient de l’autre ! Cette querelle 5 La fin du rêve d’une entente avec Staline
conduirait le monde à la ruine et tous ceux d’entre nous qui, Au retour de Yalta en février 1945, Roosevelt et Churchill ne
d’un côté ou de l’autre, auraient une part de responsabilité en désespéraient pas de parvenir à une sorte d’entente avec leur
porteraient la honte devant l’histoire. difficile partenaire. En juillet, à Potsdam, après seize jours
Lettre de Churchill à Staline le 29 avril 1945. de négociations, il ne restait pas grand-chose de cette lueur
Je dois vous dire franchement que votre attitude exclut la pos- d’espoir. La négociation avait été dure, le bilan peu satisfai-
sibilité d’un accord sur la Pologne sant. L’ennemi une fois vaincu, l’alliance n’avait plus de sens.
Conclusion de Staline lors de sa réponse à Churchill le 5 mai 1945. Surtout, la paix en Europe n’avait pas l’air d’une vraie paix. [...]
J’ai toujours travaillé pour l’amitié avec les Russes mais, Qui a gagné ? Staline confirme son emprise sur l’Europe du
comme vous, j’éprouve une inquiétude très vive en raison de Centre et de l’Est. Pouvait-on l’en déloger autrement que par la
leur interprétation erronée des décisions de Yalta, de leur atti- force ? Les alliés de l’Ouest n’ont pas cédé sur les revendica-
tude envers la Pologne, de leur influence écrasante dans les tions soviétiques concernant la Turquie, les Détroits, la Tripoli-
Balkans, la Grèce exceptée. [...] taine, le contrôle de la Ruhr. Dans l’ensemble, l’avantage est à
Un rideau de fer s’est abaissé sur leur front. Nous ignorons l’URSS qui a fait accepter beaucoup de «faits accomplis». Mais
tout ce qui se passe derrière. II semble bien probable que l’en- est-ce un avantage ? Dans les milieux dirigeants émerge l’idée
semble des régions situées à l’est de la ligne Lübeck - Trieste d’un réveil européen englobant si possible l’Allemagne. [...]
- Corfou sera bientôt entre leurs mains.» À Potsdam, dans un moment d’abandon (ou de distraction), il a
Télégramme envoyé par Churchill, Premier ministre du Royaume-Uni, à Tru- dit quelques mots qui méritent attention : «Tout gouvernement
man, président des États-Unis, le 18 mai 1945 librement élu serait antisoviétique, et cela, nous ne pouvons le
permettre.»
4 La bombe atomique Jean Laloy, «La fin du rêve d’une entente avec Staline», Le Monde, 1985.
Le 21 juillet, Truman apprit que l’arme était beaucoup plus des- À la fin de la conférence, les trois puissances confirment la
tructrice qu’on ne s’y attendait et qu’on pourrait l’utiliser très division en quatre zones d’occupation de l’Allemagne, l’expul-
Exercices

prochainement. «C’est un autre homme nota Churchill à l’issue sion des Allemands d’Europe de l’Est, la tenue d’un tribunal
de la session plénière qui se tint ce jour-là. Il a dit aux Russes pour juger les criminels de guerre, les réparations sans fixer un
leurs quatre vérités et a dominé toute la séance.» La bombe montant, la définition de la ligne Oder-Neisse comme frontière
rendit Truman encore plus impatient. ouest de la Pologne et la déclaration de guerre de l’URSS au
D. Vergin, La paix saccagée, les origines de la guerre froide, 1980. Japon.

12 Chapitre 1 : l’après guerre (1945-1947)


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4 «Solder les comptes» : les procès de Nuremberg et de Tokyo

Le témoignage d’un com- La perception du procès


1 2 de Nuremberg
mandant de camp
Procureur Général : Quels genres Je lisais aussi souvent que possible
d’extermination ont eu lieu dans votre les nouvelles du procès de Nurem-
camp ? berg que nos voisins allemands consi-
déraient avec dégoût, comme si les
Kaindl : Jusqu’au milieu de 1943,
coupables étaient les enquêteurs et
on exécutait les gens en les abattant
les rapporteurs, et les purs, ceux qui
ou en les pendant. Pour l’exécution
ne voulaient rien en savoir. On n’ana-
en masse des prisonniers de guerre U.S. National Archives and Records Administration
lysait pas des crimes dont les preuves
russes, on avait aménagé une pièce 4 Le 3 mai 1946 s’ouvre le tribunal mili-
et les témoignages étaient pour la
spéciale en cabinet médical. Dans taire international pour l’Extrême-Orient.
première fois exposés en public, on
cette chambre se trouvaient un appa- 28 dignitaires japonais sont jugés. 7 sont
les écartait avec cynisme. Le procès
reil pour mesurer la taille d’un homme condamnés à mort.
passait pour une entreprise d’humilia-
et une table pour examiner l’acuité vi-
tion de l’Allemagne et rien d’autre. La
suelle. Il y avait également des SS ha-
guerre c’était la guerre. On commen- Questions
billés en médecins avec des blouses
ça seulement à considérer les crimes 1. Que se passe-t-il à Nuremberg et à To-
blanches. En mesurant soit-disant la
avec le procès d’Auschwitz qui se kyo ? Précisez les dates, les crimes jugés
taille du prisonnier, celui-ci était abat-
déroula ultérieurement, à Francfort,
tu d’une balle dans la nuque, tirée à et l’organisation des salles (docs 3, 4 et 5).
où des Allemands comparurent au
travers une ouverture pratiquée dans 2. Que nous apprend Ruth Klüger (doc 2) ?
tribunal devant des Allemands et non
l’appareil de mesure. Dans la chambre
se trouvant derrière cet appareil, on
pas devant des étrangers. 3. Quelle place occupent les témoignages
jouait des disques afin de couvrir le
Ruth Klüger, déportée autrichienne d’origine directs et audiovisuels dans les procès
juive, Refus de témoigner, publié par V.Hamy
bruit des coups de feu. en 1992. (docs 1 et 5) ?
Procureur Général : Avez-vous ap-
porté des changements à cette tech- 3 La définition des quatre chefs d’accusation au procès de Nuremberg
nique de destruction ou non ?
Le tribunal créé […] aura qualité pour ju- guerre : […] le meurtre, le mauvais traite-
Kaindl : En mars 1943, j’ai introduit ger et châtier des personnes qui, […] soit ment ou la déportation, […] de prisonniers
les chambres à gaz comme lieu d’ex- à titre individuel, soit à titre de membres de guerre, le meurtre d’opposants, le pil-
termination en masse. [...] d’organisations, ont commis l’un des lage, la destruction volontaire et sans uti-
Procureur Général : Qui était res- crimes suivants : lité de villes ou de villages […].
ponsable de cette destruction de vies 1. Conjuration : visant à la conquête du 4. Crimes contre l’Humanité : notamment
humaines ? pouvoir absolu. […] le meurtre, l’extermination, l’asservisse-
Kaindl : Le commandant de camp lui- 2. Crime contre la paix : notamment avoir ment, la déportation et autres actes inhu-
même. ourdi, préparé, engagé ou conduit une mains commis aux dépens de toute popu-
Procureur Général: Donc vous ? guerre d’agression. […] lation civile avant ou pendant la guerre ; les
Kaindl: En effet. 3. Crimes de guerre : notamment toute persécutions pour des motifs politiques,
Témoignage d’Anton Kaindl, commandant du violation des lois ou des coutumes de la raciaux ou religieux.
camp de Sachsenhausen, 1945. Constitution du Tribunal militaire international, octobre 1945.

5 La
salle d’au-
dience du palais
de justice de Nurem-
berg. Le procès se
Les traducteurs Le cameraman tient du 20 novembre
1945 au 1er octobre
1946. 31 dignitaires
allemands sont jugés
et 12 sont condamnés
à mort. Durant le pro-
cès se succèdent les
preuves écrites, les
Les avocats témoignages et même
un film qui retrace
l’étendue des mas-
sacres réalisés par les
forces nazies.
Le jury
Exercices

Les journalistes

AFP

Chapitre 1 : l’après guerre (1945-1947) 13


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5 Reconstruire un monde nouveau

3 Préambule de la Charte des Nations Unies


Ce texte est l’aboutissement d’un travail de coopération inter-
nationale envisagé dès 1941 par la signature de la Charte de
l’Atlantique. Ce texte suit la déclaration des Nations Unies de
janvier 1942 renforcée par la conférence de Dumbarton Oaks
(1944), qui a fixé les principes de base. La conférence de
Yalta confirme l’ensemble des dispositions.
Résolus :
- à préserver les générations futures du fléau de la guerre [...],
- à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamen-
taux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne
humaine, dans l’égalité de droits des hommes et des femmes,
ainsi que des nations, grandes et petites,
- à créer les conditions nécessaires au maintien de la justice
et du respect des obligations nées des traités [...],
- à favoriser le progrès social et instaurer de meilleures condi-
tions de vie dans une liberté plus grande.
Et à ces fins :
- à pratiquer la tolérance [...].
- à unir nos forces pour maintenir la paix et la sécurité inter-
nationales,
- à [...] instituer des méthodes garantissant qu’il ne sera pas
fait usage de la force des armes, sauf dans l’intérêt commun,
- à recourir aux institutions internationales pour favoriser le
progrès économique et social de tous les peuples.
Article 1 : Les buts des Nations Unies sont les suivants :
1. Maintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin :
prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir
et d’écarter les menaces à la paix [...].
2. Développer entre les nations des relations amicales fon-
1 Caricature allemande montrant le passage de relais entre dées sur le respect du principe de l’égalité de droits des
1945 et 1946. Sur le relais est écrit «Atomenergie». peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes [...].
3. Réaliser la coopération internationale [...] en développant
2 Les accords de Bretton Woods et en encourageant le respect des droits de l’homme et des
libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de
Attendu […] qu’un des buts principaux du Fonds est de faci- sexe, de langue ou de religion. [...]
liter l’expansion et l’accroissement harmonieux du commerce
Être un centre où s’harmonisent les efforts des nations vers
international et de contribuer par ce moyen à l’établissement
ces fins communes.
et au maintien de niveaux élevés dans le domaine de l’emploi
de la main-d’œuvre et celui du revenu réel ainsi qu’au déve- Article 2 : Principes d’action :
loppement des moyens de production de tous les membres, 1 L’Organisation est fondée sur le principe de l’égalité souve-
comme objectifs primordiaux de politique économique [...], la raine de tous ses membres.
conférence monétaire et financière des Nations Unies recom- Chapitre VII : Action en cas de menace contre la paix
mande aux gouvernements participants qu’ils essaient […] de Article 42 : [Le Conseil de sécurité] peut entreprendre, au
s’entendre entre eux […] quant aux voies et moyens par les- moyen de forces aériennes, navales ou terrestres, toute action
quels ils pourront plus facilement : qu’il juge nécessaire au maintien ou au rétablissement de la
1. réduire les obstacles qui entravent le commerce international ; paix et de la sécurité internationales.
2. favoriser la distribution des produits de base à des prix qui seront Conférence de San Francisco, 26 juin 1945
équitables tant pour le producteur que pour le consommateur ;
3. traiter des problèmes spéciaux ayant une importance inter-
nationale qui se poseront comme conséquence de l’arrêt de la 4 L’organisation de l’ONU à sa création
production de guerre ; CONSEIL DE SÉCURITÉ
SECRÉTARIAT
4. faciliter par un effort de coopération la conciliation de la politique 5 membres permanents (droits de véto)
GÉNÉRAL
nationale des États membres en vue de favoriser et de maintenir Exécute
des niveaux élevés dans le domaine de l’emploi de la main-d’œuvre 10 membres non-permanents
Décident
ainsi qu’un standard de vie progressivement plus favorable.
INSTITUTIONS
Acte final, 22 juillet 1944 ASSEMBLÉE SPÉCIALISÉES
GÉNÉRALE
FAO
Questions UNESCO
OIT
1. Commentez la caricature 1. 50 membres fondateurs
FMI
Banque mondiale
Exercices

CASQUES BLEUS
2. Présentez les buts de l’ONU, son organisation et le 1 État = 1 voix
Recommandations
et autres

rôle du Conseil de sécurité (docs 3 et 4). Résolutions


PROGRAMMES
3. Quels sont les objectifs des accords de Bretton ORGANES ASSOCIÉS ET FONDS
Woods (doc 2) ? Expliquez le système du Gold Exchange Conseil économique
Cour international de justice UNICEF
Standard (doc 1, p. 23). Réalisation : S. Coté

14 Chapitre 1 : l’après guerre (1945-1947)


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Chapitre L’après guerre


(1945-1947)
1
1 Le drapeau soviétique sur le Reichstag le 2 mai 1945. Observez les bras du soldat du bas.

Evgueni Khaldei, agence TASS

2 L’Europe fin 1945.


Limite entre le bloc de l’Ouest
et le bloc de l’Est
Islande

Finlande
Norvège

Suède
Royaume- Danemark
Irlande Uni
URSS
Pays-Bas RU URSS

Allemagne Pologne
Belg. (occupée)
FR
Lux. USA Tchécoslovaquie
FR
France Autriche Hongrie
Suisse Roumanie
Yougoslavie Bulgarie
Portugal Italie
Espagne Albanie Turquie
Cours

Grèce
FR
RU

Chypre 0 250 km
FR
FR FR Réalisation : S. Coté

Chapitre 1 : l’après guerre (1945-1947) 15


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I Un bilan désastreux
La Seconde Guerre mondiale se distingue des autres
parce que l’objectif de la guerre n’est plus l’annexion
d’un territoire mais l’anéantissement de l’ennemi pour
des motifs politiques et racistes. Le bilan effroyable s’ex-
plique par le haut degré de technicité des armes et le
mérpis de la vie humaine.

1 Le bilan humain
Guerre totale et planétaire, la Seconde Guerre mondiale
a été la plus meurtrière de toutes les guerres : au moins Võ An Ninh
50 millions de morts, soit 5 fois plus que la Grande Guerre.
1 La guerre entraîne des problèmes de famine
L’Europe a payé le tribut le plus lourd avec 35 millions de tués. dans l’ensemble du monde. L’occupation japo-
L’URSS en compte à elle seule 17 à 20 millions, soit 10% de naise et les conséquences de la mauvaise
sa population. La Pologne, pour sa part, a perdu un quart de gestion coloniale des ressources naturelles
provoquent au Viêt Nam de 1944 à 1945 une
sa population.
terrible famine estimée entre 1 million et 2 mil-
Les pertes se répartissent inégalement en Europe. lions de morts.
Sans minimiser les pertes anglaises (450 000) ou françaises
(600 000), il n’y a pas de commune mesure avec les pertes
subies à l’Est et à l’Ouest. Le rapport est de 1 à 10. D’ailleurs,
cette disparité explique la différence des réactions vis-à-vis de
l’Allemagne après 1945. Le sentiment anti-allemand est plus
vivace à l’Est. Cependant, en 1958, le bilan effroyable de la
guerre est compensé par l’accroissement naturel.
La moitié des pertes sont des civils. Ce sont les premières
victimes car la Seconde Guerre mondiale n’a plus différencié
le front et l’arrière. L’armement a progressé avec l’accroisse-
ment du rayon d’action des bombardiers.
Il faut distinguer :
- les civils morts de bombardements ;
- ceux morts en déportation (10 millions) ;
- ceux victimes de privations alimentaires.
Par exemple, dans le Zuiderzee aux Pays-Bas, en avril 1945,
à la suite de la rupture d’une digue, une famine a causé la mort
de 25 000 personnes. En France, les adolescents de 14 ans
en 1945 ont par rapport à ceux de 1900 perdu 8 kg et 9 cm.
Toutes les pyramides des âges des belligérants portent les
stigmates du conflit :
- déséquilibre entre les sexes, surtout en URSS ;
- classe creuse : déficit des naissances.
2 La RAF lache sur Essen ces tracts : «La forte-
Enfin, il faut prendre en compte le déplacement de 30 mil- resse Europe n’a pas de toit». Près de 2.3 mil-
lions de personnes : lions de tonnes de bombes sont larguées sur
l’Europe durant la guerre. Les études actuelles
-10 millions d’Allemands ont été expulsés ou ont fui l’Armée montrent que tous ces bombardements n’ont
rouge vers l’ouest ; pas entraîné une diminution de la production
industrielle. Ils accrurent le soutien des popu-
- 7 millions de Japonais installés en Chine, Mandchourie, à lations à leurs régimes respectifs et ce sont les
Taïwan, ont regagné l’archipel. Soviétiques qui progressèrent le plus rapide-
ment alors qu’ils n’avaient pas de moyens de
- Il faut ajouter les Polonais déplacés de Biélorussie (annexée bombardement efficaces. Imperial War Museum,
Cours

par les Russes) vers la Prusse perdue par l’Allemagne. De ­London.


même, les Soviétiques sont partis occuper les terres conquises
à l’Est.

16 Chapitre 1 : l’après guerre (1945-1947)


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2 Le bilan économique et social

En 1914-1918, les régions dévastées étaient peu importantes


à l’échelle de l’Europe. En 1939-1945, la guerre a parcouru
plusieurs fois les mêmes pays. Ainsi en Europe, la moitié
des pays sont sinistrés. Le bilan est dramatique en Europe
centrale, en Europe de l’Est et au Japon :
Anonymous employee of the Polish Press Agency
- 70 % des villes allemandes ont été affectées ;
- 20 % des bâtiments yougoslaves ont été détruits ;
1 Photo de la vieille ville de Varsovie. Lors de la
guerre, 80% de la ville est détruite. Dès 1944, - 70 000 villages et 1 700 villes russes ont été totalement ou par-
la reconstruction de la ville est entamée mais il tiellement rasés, de même qu’un tiers du cheptel (troupeaux) ;
faut attendre la fin des années 80 pour que soit
terminé le centre historique. En Europe la production industrielle a baissé de 50 % de-
puis 1939. L’usure du matériel de transport ou de production
Année Inflation moyenne annuelle (usines bombardées) complique la reprise économique. Les
1939 7% infrastructures commes les routes, les ponts, les ports, les
1940 17.8 % réseaux de téléphone avaient en effet été systématiquement
1941 17.5 %
détériorées.
1942 20.3 % La dette publique a augmenté pendant la guerre :
1943 24.1 % - 450 milliards de francs à 1 800 milliards en France ;
1944 22.2 % - 30 à 350 milliards de DM (Deutsche Mark) en Allemagne.
1945 48.5 % De plus, l’insuffisance de l’offre déclenche dès 1944 de fortes
1946 52.6 % poussées inflationnistes. La fin des hostilités n’allège donc
1947 49.2 % pas les très grandes difficultés de la vie quotidienne. Le ra-
1948 58.7 % tionnement et le marché noir durent parfois jusqu’à la fin
1949 13.2 % des années 1940.
1950 10 % Les deux nouvelles grandes puissances économiques
1951 16.2 % sont à présent l’URSS et les USA.
1952 11.9 %
1953 - 1.7 % 3 Une Europe bouleversée et instable
2 Évolution de l’inflation en France entre 1945 et
1953. INSEE, inflation.com Le conflit accélère le processus de décadence amorcé avec
1a Première Guerre mondiale et la crise des années 1930.
Seul le Royaume-Uni joue encore un rôle important dans les
conférences internationales qui décident du destin du monde.
La France a beaucoup de mal à se faire réadmettre dans le
groupe des «Grandes nations». L’Allemagne a disparu en
tant qu’État et de nombreux pays sont occupés par les vain-
queurs. L’Europe a en fait perdu tous les fondements de sa
domination mondiale et se retrouve dans une dépendance
totale vis-à-vis des États-Unis.
Les Alliés décident entre eux du nouveau découpage ter-
ritorial. Aucun traité n’est signé avec l’Allemagne et l’Autriche.
À Paris sont signés en 1947 une série de traités avec l’Italie, la
Roumanie, la Hongrie, la Bulgarie et la Finlande.
Le grand gagnant au plan territorial est l’URSS. En effet,
elle gagne des territoires importants à l’est. Les conquêtes en
Finlande sont confirmées. Elle annexe les 3 États baltes
indépendants depuis la Première Guerre mondiale. Elle
s’agrandit en Biélorussie malgré le mélange des populations
russes et polonaises. Enfin, l’URSS gagne quelques terres en
Tchécoslovaquie et en Roumanie.
3 Affiche de la CDU (Union Chrétienne-Démocrate Face à ce glissement vers l’ouest de l’URSS, la Pologne subit
Cours

d’Allemagne) contre la ligne Oder-Neisse qui fixe


la nouvelle frontière avec la Pologne. L’Allemagne
le même processus. Les terres perdues à l’Est sont compensées
perd la Silésie, la seconde région industrielle. par le gain de terres en Prusse au détriment de l’Allemagne.

Chapitre 1 : l’après guerre (1945-1947) 17


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Les autres modifications de frontières sont plus marginales.


La Yougoslavie récupère l’Istrie perdue en 1919. À l’Ouest
les modifications sont quasi nulles en dehors de quelques vil-
PAYS-
lages italiens rattachés à la France. BAS

Un autre aspect de ce bilan est la division administrative de Berlin


POLOGNE

l’Allemagne et de l’Autriche. Les pays perdants sont divisés en


4 zones d’occupation, capitales comprises. Il y a les zones ALLEMAGNE
soviétique (la plus grande), anglaise, américaine et française
(taillée sur la zone d’occupation américaine). La vie politique
TCHÉCOSLOVAQUIE
d’avant-guerre a été laminée. Les institutions sont à recons- FRANCE
truire autour de nouveaux partis et de nouveaux hommes poli- Vienne
tiques.
AUTRICHE HONGRIE
Dans le Pacifique, le Japon perd l’ensemble des territoires SUISSE
conquis en Asie. L’URSS annexe même des terres historiques 0 150 KM

du pays comme les îles Kouriles. Allemagne - Autriche L’Allemagne en 1945


Zone d’occupation soviétique L’Allemagne en 1937
L’Europe reste instable. Une guerre civile éclate en Grèce Zone d’occupation britannique Occupation quadripartite
de 1946 à 1949 entre les partisans communistes et les natio- Zone d’occupation française Pologne
Zone d’occupation américaine
nalistes. Dans les colonies, la guerre se traduit par une radi- Pologne en 1939

calisation des mouvements d’indépendance et des craque- Réalisation : S. Coté


Annexions par la Pologne

ments se font entendre dans les empires coloniaux français, 1 Les zones d’occupation.
hollandais mais aussi britanniques.

4 Un bilan moral traumatisant

1945 n’est pas seulement la découverte du système concen-


trationnaire. Ce que les Alliés apprennent, c’est la perversité
des camps d’extermination, véritables usines de mise à
mort industrielle. À ces atrocités s’ajoutent les expériences
médicales nazies ou japonaises sur les cobayes humains et
l’obsession à détruire tout ce qui diffère du modèle nazi.
Tous les moyens modernes, techniques et administratifs S. Coté

sont mis en œuvre pour accélérer l’extermination des popu- 2 Vestige d’un des fours crématoires dans la «sta-
lations. Cette politique génocidaire tue plus de 5 millions de tion Z» du mémorial du camp de concentration
d’Oranienburg-Sachsenhausen. Un premier
Juifs. Elle touche également toutes les catégories considé- camp ouvre dès 1933 dans la ville d’Oranienburg
rées comme inutiles par les nazis, c’est-à-dire racialement pour enfermer les militants communistes et anti-
inférieures ou socialement indésirables, à savoir 250 000 Tsi- nazis. Puis un nouveau camp «modèle» ouvre
ganes, 3.5 millions de prisonniers soviétiques, les homo- en 1936 et se transforme en camp de travail.
Durant la guerre, dans la «station Z», les nazis
sexuels, les témoins de Jéhovah et même 70 000 malades
expérimentent l’extermination par le gaz. Des
mentaux entre octobre 1939 et août 1941. expériences médicales sont aussi menées dans
Avec la bombe atomique, l’homme découvre qu’il est ca- d’autres bâtiments.
pable de détruire la planète après quelques bombardements.
Quel avenir est possible dans un tel contexte ? L’homme a-t-il 90

assez de sagesse pour gérer une telle puissance ? Alors que


85

80

les intellectuels d’avant-guerre avaient encore foi dans un pro- 75

grès des sciences et des techniques, synonyme de bonheur 70

65

pour tous, le conflit a révélé que la «civilisation» avait failli et 60

que les plus brillants esprits avaient mis leur savoir au service 55

50

de la destruction. 45

C’est pourquoi la Seconde Guerre mondiale continue à


40

35

marquer les consciences. Chaque peuple, après la guerre, 30

va se construire une mythologie propre structurant les com- 25

20 Décalage
portements sociaux d’après-guerre. Pour les victimes du 15
homme-femme

nazisme, le refus d’oublier ; pour l’Allemagne, la question de 10


Cours

conscience ; pour l’URSS, la gloire et le deuil ; pour les Anglo- 1500 1000 500 0
0
0 500 1000 1500

Saxons, les héros et les sauveurs responsables de la paix Source : statistiques russes, wikipedia. Réalisation : S.Coté Effectifs en milliers

mondiale ; pour la France, l’honneur et la pitié. 3 La pyramide des âges de la Russie en 1946.

18 Chapitre 1 : l’après guerre (1945-1947)


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BIOGRAPHIE
Les hommes de 1945

Joseph Staline (1879-1953): Iossif dit Joseph Vissarionovitch Djougachvili, dit Sta-
line, est formé dans un séminaire dont il garde un très mauvais souvenir. Il devient
un militant révolutionnaire et se caractérise par sa brutalité. Grâce à ses intrigues
et à l’élimination de ses adversaires, il se retrouve vite le seul maître de l’URSS en
1928. Lors des procès de Moscou en 1936, il se débarasse de ses derniers concurrents
en développant le concept d’ennemi du peuple. Allié un temps à Hitler avec le pacte
secret germano-soviétique, il remporte la guerre grâce à l’aide des Alliés, ce qui
renforce son prestige international. Il impose alors son autorité sur l’Europe de l’Est
et développe un véritable culte de la personnalité.
U.S. Signal Corps photo

Winston Churchill (1874-1965) : Churchill, conservateur puis libéral, commence sa


carrière de ministre en 1906. Dès les années 30, il multiplie les avertissements face
à la montée de la puissance hitlérienne. Nommé Premier ministre le 10 mai 1940,
il se révèle être un chef de guerre ferme, décidé à continuer le combat jusqu’à la
victoire finale. Churchill se rapproche des États-Unis et négocie avec Staline tout
en conservant sa méfiance envers les communistes. Battu aux élections en 1945, il
dénonce la menace communiste dans son discours de Fulton le 5 mars 1946. Il invente
l’expression “rideau de fer”. À nouveau Premier ministre de 1951 à 1954, il se retire
ensuite de la vie politique.
BiblioArchives / LibraryArchives

Franklin Delano Roosevelt (1882-1945) : membre du parti démocrate, il est séna-


teur en 1910. En 1921 il est victime de la poliomyélite ce qui le laisse handicapé.
Gouverneur de l’état de New York en 1929, il est élu président des États- Unis en
1932. Il lance la politique du New Deal, qui a pour ambition de sortir les États-Unis
de la dépression des années 30. Il est réélu triomphalement en 1936, 1940 et 1944.
Après Pearl Harbor, il déclare la guerre au Japon et à l’Allemagne. Il dirige l’effort de
guerre des États-Unis durant la Seconde Guerre mondiale et rencontre plusieurs fois
les dirigeants alliés. Avec Churchill, il signe la Charte de l’Atlantique et il rencontre
Staline à la conférence de Téhéran en novembre-décembre 1943 et à Yalta en février
1945. Il décide de la fabrication de la bombe atomique et prépare une Organisation
des Nations Unies destinée à arbitrer les conflits après la guerre. Il meurt le 12 avril
1945 sans avoir vu la victoire des Alliés.
FDR Presidential Library & Museum

Harry Truman (1884-1972) : d’origine modeste, Harry S. Truman est élu sénateur dé-
mocrate du Missouri en 1934. Choisi comme colistier de Roosevelt en 1944, il devient
président à la mort de ce dernier. Il accélère la fin de la guerre en Asie par l’emploi
de la bombe atomique. Il décide de la politique de “containment» qui sera la doc-
trine américaine de la guerre froide. Il est réélu président en 1948 et envoie en Corée
National Archives and Records Administration
du Sud les troupes américaines.

Charles de Gaulle (1890-1970) : né à Lille, officier de carrière, blessé pendant la


Première Guerre mondiale, il défend dans les années 30 des théories stratégiques
nouvelles basées sur l’usage des blindés. Refusant la défaite, il lance de Londres
l’appel du 18 juin 1940. De cette date à 1944, il s’impose comme le chef de la France
libre et participe à la Libération. Chef du gouvernement provisoire de la République
française, il réorganise la France avec tous les partis issus de la résistance. Il démis-
sionne en février 1946 à la suite de son désaccord sur la constitution. Il revient au
Cours

pouvoir en 1958, où il met fin à la guerre d’Algérie et fonde une nouvelle République.
Il s’oppose aux États-Unis et mène une politique de grandeur. Après mai 1968, il est
National Archives and Records Administration affaibli et démissionne en 1969 après l’échec d’un référendum.

Chapitre 1 : l’après guerre (1945-1947) 19


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II Terminer la guerre

1 1944-1945 : capitulations, libération et épuration

Début 1945, les forces de l’Axe (Allemagne-Italie) sont à


l’agonie mais continuent à résister. L’Allemagne et le Japon PD-USGov-Military-Army

sont écrasés sous les bombes. Le 30 avril, les Soviétiques 1 Le 7 mai 1945, le Generaloberst Alfred Jodl
investissent Berlin et Hitler se suicide le même jour. De signe les documents de la capitulation à Reims
partout, les dernières poches de résistance aux forces alliées au quartier général de l’état-major du général
s’effondrent. Après une première reddition inconditionnelle le Eisenhower. Le lendemain, au sud-est de Ber-
lin, est signé l’acte de capitulation en présence
7 mai, les Allemands signent à Berlin le 8 mai 1945, devant cette fois-ci du haut commandement soviétique.
les Alliés, la capitulation du Troisième Reich. Cet acte restera dans l’Histoire comme la fin
officielle de la Seconde Guerre mondiale en
La victoire sur le Japon est plus difficile. Malgré la destruction
Europe.
systématique du pays, les Japonais tiennent fermement leurs
positions. Deux bombardements atomiques ont lieu : le 6
août à Hiroshima et le 9 août à Nagasaki. En même temps,
les Soviétiques engagent l’invasion de la Mandchourie et de
la Corée, poussant l’empereur Hirohito à annoncer la capitu-
lation du Japon. Les actes sont signés le 2 septembre.
En même temps que les troupes alliées avancent, la Libéra-
tion débute en Europe. Passé le moment d’euphorie, l’épura-
tion commence. Les frustrations accumulées par la population
et le désir de vengeance mènent à des règlements de compte.
En France, des femmes sont tondues pour avoir couché ou
pactisé avec l’occupant. La libération est suivie d’une courte pé-
riode d’épuration «sauvage» extra-judiciaire. Les personnes
soupconnées d’être des collaborateurs sont exécutées après
des simulacres de procès. Des massacres sporadiques de Naval History and Heritage Command

civils allemands ont lieu dans les Sudètes ou les anciens terri- 2 Signature de la capitulation du Japon le 2 sep-
toires occupés. Des actes antisémites continuent lorsque les tembre 1945 par Mamoru Shigemitsu, le mi-
nistre des Affaires étrangères, à bord de l’USS
Juifs veulent retourner dans leurs anciens foyers. Missouri (BB-63) sous le regard du général
Petit à petit, les institutions légitimes réaffirment leur auto- Richard K. Sutherland.
rité. Des tribunaux jugent les collaborateurs. Les administra-
tions, l’armée, le monde économique et culturel sont épurés,
bien que de nombreuses personnes restent en place pour Vocabulaire
les nécessités de la reconstruction. En Allemagne, les Alliés Libération : période à partir de la fin de la
lancent la dénazification. Défini en 1942, cette politique a Seconde Guerre mondiale, où les forces al-
pour objectif de détruire toute influence nazie dans toutes les liées reprennent progressivement le contrôle
composantes de la société. Le régime doit être démocratisé, de l’Europe. Elle se traduit par la fin de l’oc-
le pays démilitarisé et au plan économique il faut détruire l’in- cupation allemande et la mise en place de
fluence des grands cartels économiques. gouvernements provisoires.
En revanche, en Italie, il n’y a pas de «défascisation». En Épuration : période de la Libération mar-
Espagne et au Portugal, les dictatures se maintiennent, bien quée par l’élimination des collaborateurs
de l’occupant dans tous les domaines de la
vues des USA en raison de leur anticommunisme : la guerre
société. L’épuration commence bien souvent
froide s’amorce. par un mouvement spontané de la population
qui se traduit parfois par des règlements de
compte sordides, puis elle est suivie d’une
reprise en main du gouvernement légitime
avec l’ouverture de tribunaux spéciaux.
Dénazification : les Alliés s’accordent du-
rant la guerre pour éradiquer le nazisme
Cours

dans les institutions publiques. Ce proces-


sus doit favoriser l’émergence d’un régime
­démocratique.

20 Chapitre 1 : l’après guerre (1945-1947)


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1 La Charte de l’Atlantique 1945 : Un monde en recomposition, la confé-


Le président des États-Unis et le Premier ministre, 2 rence de Yalta
M. Churchill, représentant le Gouvernement de Sa
Majesté, s’étant rencontrés, estiment devoir faire
connaître certains principes […] :
La guerre n’est pas encore terminée que les Grands doivent
3. Ils respectent le droit de tous les peuples de
organiser l’après-guerre. Dès août 1941, avant même l’agres-
choisir la forme de gouvernement sous laquelle ils sion japonaise, F.D. Roosevelt et W. Churchill esquissent,
veulent vivre […]. dans la Charte de l’Atlantique, les principes fondamen-
5. Ils souhaitent établir la collaboration la plus taux sur lesquels doit reposer le nouvel ordre international :
complète entre toutes les nations dans le domaine renoncement aux conquêtes territoriales, droit des peuples
économique, afin d’assurer à toutes la sécurité en
matière sociale.
à disposer d’eux-mêmes, liberté des mers et du commerce,
6. Après la destruction finale de la tyrannie nazie, ils
collaboration économique et politique en vue d’une nouvelle
espèrent voir rétablie une paix qui fournira à toutes organisation de sécurité collective. Ces principes vont être re-
les nations les moyens de vivre en sécurité. pris lors des différentes conférences de la guerre, à Téhéran
Franklin D. Roosevelt, Winston Churchill, 14 août 1941 fin 1943 et surtout à Yalta, en URSS, au bord de la mer Noire,
du 4 au 11 février 1945.
Vocabulaire Churchill, Roosevelt et Staline sont encore alliés et la coo-
ONU : Organisation des Nations Unies, struc-
pération militaire est efficace. Mais chacun arrive avec ses
turée autour d’une assemblée Générale où- propres intérêts. Staline veut conserver ses atouts pour re-
chaque nation a une voix et un Conseil de construire l’URSS et assurer sa sécurité. Il désire que les ter-
sécurité. 15 États, dont 5 avec un droit de ritoires libérés en Europe de l’Est deviennent un glacis de
véto, décident des résolutions faisant usage défense sans compter l’agrandissement de son territoire.
de la force. Churchill sait quant à lui que le Royaume-Uni, malgré un rôle
Bombe A : bombe atomique basée sur la fis- prépondérant durant la guerre, avec le prestige d’être la seule
sion qui consiste à briser des atomes d’ura- puissance occidentale européenne à ne pas avoir cédé face
nium et de plutonium. Après la bombe A, la
à l’Allemagne nazie, est profondément affaiblie par la guerre.
bombe H est développée, reposant sur le
principe de la fusion de l’hydrogène et de
Il désire garder son rang, autant au plan colonial qu’au plan
­l’hélium. politique.
Crime contre l’humanité : il s’agit d’une Roosevelt, de son côté, veut éviter un partage de l’Europe
«violation délibérée et ignominieuse des comme si le continent était un gâteau. Le jeu d’influences que
droits fondamentaux d’un individu ou d’un se livrent Staline et Churchill ne l’intéresse pas. L’Amérique ne
groupe d’individus inspirée par des motifs désire pas être à la remorque des intérêts méditerranéens ou
politiques, philosophiques, raciaux ou reli- coloniaux de l’Angleterre. C’est pourquoi Roosevelt prône la
gieux». La nature des actes est variable, naissance d’une organisation internationale plus forte que la
meurtre, extermination, torture, déporta-
SDN (Société des Nations) et dominée par les États-Unis en
tion, esclavage...
raison de sa puissance économique. Il désire aussi une aide
Glacis : à l’origine, espace libre devant une
de l’URSS pour vaincre le Japon, ce qui pousse le président
forteresse pour améliorer sa défense. Pour
Staline, les pays d’Europe de l’Est doivent
américain à la modération envers les exigences de Staline.
servir d’espace de protection contre toute Une puissance manque : la France. Churchill aurait bien
invasion. voulu l’associer aux discussions, mais le général de Gaulle,
vexé de ne pas avoir été invité à l’ouverture, refuse de siéger.
C’est donc sans la France que les trois Grands décident
la création de l’ONU, la division de l’Allemagne en plusieurs
zones d’occupation dont une attribuée à la France, la mise
en place de gouvernements provisoires dans les territoires
libérés en attente d’élections libres et l’engagement de
l’URSS de déclarer la guerre contre le Japon. Les frontières
polonaises sont repoussées 200 km plus à l’Ouest. Staline
est le plus avantagé avec des réparations importantes, un ter-
ritoire agrandi et une reconnaissance de l’influence de l’URSS
sur des pays comme la Pologne.
Cours

2 Caricature sur la conférence de Yalta. Shepard,


«The European hotch-potch»

Chapitre 1 : l’après guerre (1945-1947) 21


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La méfiance s’installe, la conférence de Potsdam


3 (17 juillet-2 août 1945)
L’entente cordiale, qui prévalait encore à Yalta, vole en éclats
dès la conférence terminée. Les critiques réciproques se mul-
tiplient. L’armée soviétique installe des gouvernements qui lui
sont favorables en Europe de l’Est. Churchill s’en ouvre à Sta-
line parlant d’un rideau de fer et Roosevelt coupe l’aide amé-
ricaine à l’URSS. C’est donc dans une ambiance beaucoup
plus tendue que les trois Grands se retrouvent à Potsdam du
17 juillet au 2 août 1945.
Truman a remplacé Roosevelt et Churchill, durant la confé-
rence, doit laisser sa place à Attlee le nouveau Premier mi-
nistre anglais. Le président américain se sent en position de
force parce que les États-Unis possèdent l’arme nucléaire.
Le premier essai de la bombe A, dans le désert du Nouveau- Jack W. Aeby, Los Alamos laboratory

Mexique, a été un succès. 1 Explosion de Trinity, premier essai nucléaire le


16 juillet 1945 au Nouveau-Mexique. Depuis
Peu de décisions sont prises au final. Les positions se figent
1939, le Projet Manhattan est le nom de code
et chaque camp compte ses forces. Le sort de l’Allemagne pour le programme de recherche américain en
ne pose pas de problème puisque sont confirmées les répa- collaboration avec les Anglais et les Canadiens,
rations, la démilitarisation, la dénazification, la décar- visant à développer la première bombe ato-
tellisation et la démocratisation (les 4 D). Mais les Trois mique.
Grands ne parviennent pas à s’entendre à propos de l’Europe
orientale où les élections démocratiques prévues à Yalta ne
semblent guère souhaitées par Staline. Celui-ci confirme sa
volonté de déclarer la guerre au Japon.
«Solder les comptes» : les procès de Nuremberg
4 et de Tokyo
Pour empêcher le retour d’une telle barbarie, un Tribunal in-
ternational siège à Nuremberg de novembre 1945 à octobre
1946, puis à Tokyo, de mai 1946 à novembre 1948.
Devant ce tribunal comparaissent les responsables nazis
et japonais. Les vainqueurs, affirmant parler au nom de la
conscience universelle, les jugent comme des criminels de
guerre, responsables de crimes contre l’humanité. Cette
notion nouvelle du droit international punit le génocide, no-
tamment celui des Juifs et s’applique de façon rétroactive.
À Nuremberg, on compte 31 accusés, parmi lesquels Goe-
ring, Ribbentrop et Keitel. 12 d’entre eux sont condamnés à
mort, 11 sont pendus. À Tokyo, 28 accusés sont traduits en
justice et 7 sont exécutés à l’issue du procès.
Cependant, les responsabilités de l’URSS dans l’agression
polonaise ou l’annexion des pays baltes ne sont pas évoquées.
Beaucoup de responsables japonais (dont l’empereur) sont
épargnés et les bombardements de civils commis par les Alliés,
en particulier Dresde et Hambourg, sont ignorés. La population
considère ces procès comme une sanction des vainqueurs à
l’encontre des vaincus et pas forcément l’application de la justice. 2 «Dame Justice attend à Nuremberg». Nebelspalter.

Révisions
Vocabulaire : la Libération - capitulation - bombardements - rideau de fer - Tribunal international de Nuremberg et
atomiques - bombe A - bombardements - Staline - Churchill Tokyo - crime contre l’humanité - génocide - déportation
Cours

- Roosevelt - Truman - Général de Gaulle - Hirohito - épu- - camp d’extermination - Bretton woods - Gold Exchange
ration - dénazification - Charte de l’Atlantique - Téhéran Standard - FMI - BIRD - Charte des Nations Unies - ration-
- Yalta - Potsdam - zones d’occupation - ONU - réparations nement - marché noir - la guerre civile en Grèce.

22 Chapitre 1 : l’après guerre (1945-1947)


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Étalon-or
Gold Standard
5 Reconstruire un monde nouveau : l’économie
Banque centrale Monnaie locale Les Alliés partagent l’idée que la guerre a, entre autres, été
provoquée par le protectionnisme et les désordres monétaires
de la Première Guerre mondiale et de la crise de 1929. 45
Valeur or Égale Valeur billet
pays, 730 délégués, se réunissent du 1er au 22 juillet 1944 à
Bretton Woods. Les Américains, qui disposent des 2/3 des
réserves d’or mondiales, imposent leurs vues à des parte-
Gold Exchange Standard naires ruinés par la guerre.
Banque centrale Monnaie locale
Le système prévoit :
+ - que les monnaies seront gagées sur l’or et le dollar conver-
tible en or : dollar as good as gold». C’est le Gold Exchange
Valeur or Valeur dollar Égale Valeur billet Standard ;
1 Le Gold Exchange Standard. Au sortir de la - chaque monnaie aura une parité fixe et les banques cen-
guerre, les grandes puissances européennes trales devront intervenir pour limiter les variations des valeurs.
sont ruinées. À la conférence de Bretton wood
Dans ce but, sont créés :
en 1944, les participants tentent d’instaurer un
nouveau système monétaire international. Seul - le FMI, (Fonds monétaire international) qui intervient dans la
le dollar est alors convertible en or. stabilisation des monnaies et aide les pays en difficulté ;
- la BIRD, Banque internationale pour la reconstruction et le
développement.
En 1947, les accords du GATT consacre le libre-échange
comme la base du commerce mondial.

6 Reconstruire un monde nouveau : la politique

Les Anglo-Saxons désirent vivement qu’un nouvel ordre in-


ternational instaure un système de sécurité collective effi-
cace. Les bases en sont jetées dans la Charte de l’Atlantique.
Elles sont réaffirmées dans la déclaration faite le 1er janvier
1942 par 25 «Nations Unies» - y compris l’URSS – contre
l’Axe et le Japon. Confirmée à Téhéran et Yalta, l’Organisa-
tion des Nations Unies (ONU) est définitivement fondée par
2 Caricature sur Bretton Woods. C. Attlee et H. la Charte des Nations Unies que signent cinquante États à
Truman hissent le paquebot de la dette. San Francisco le 26 juin 1945.
L’ONU comprend trois grandes institutions :
Révisions - l’Assemblée générale où chaque pays membre dispose
Notions : comment se termine la Seconde d’une voix. Elle se réunit au moins une fois par an pour émettre
Guerre mondiale ? des recommandations et des résolutions en principe votées à
Pourquoi en Europe l’épuration suit-elle la la majorité des deux tiers, que tous doivent respecter ;
Libération ? Quelles en sont les formes ? - le Conseil de sécurité, composé de 11 membres dont
En quoi les grandes conférences redessinent- 5 permanents (États-Unis, URSS, Royaume-Uni, Chine et
elles l’Europe ?
France). Il peut se réunir à tout moment pour examiner les
Quels principes fondent les tribunaux de Nu-
remberg et de Tokyo ? questions susceptibles de mettre la paix en danger. Les déci-
Quelles sont les bases du nouveau système sions y sont prises à la majorité simple mais les cinq membres
monétaire et financier après Bretton Woods ? disposent d’un droit de veto ;
Pourquoi ? - le Secrétaire général, élu pour cinq ans par l’Assemblée
Comment fonctionne l’ONU ? générale sur proposition du Conseil de sécurité. Il dirige l’ad-
En quoi le bilan humain est-il si dramatique ?
ministration des fonctionnaires internationaux tout en étant
Quelles sont les formes du bilan économique
et financier ?
chargé de faire exécuter les résolutions de l’Assemblée et du
Pourquoi l’Europe n’est-elle pas plus stable Conseil.
après la Seconde Guerre mondiale ? Quelle D’autres institutions gravitent autour de ce noyau :
logique sous tend le redécoupage des fron-
tières européennes ?
- la Cour internationale de Justice de La Haye qui rend
En quoi l’Europe est-elle affaiblie au plan des avis consultatifs sur les litiges internationaux ;
Cours

international ? - le Conseil économique et social qui coordonne l’activité


Pourquoi la Seconde Guerre mondiale marque- économique et sociale de nombreux organismes spécialisés
t-elle encore les consciences actuelles ? (FMI, BIRD, FAO, UNESCO, OMS…).

Chapitre 1 : l’après guerre (1945-1947) 23


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Étude de cas
L’organisation des Nations Unies
ORGANE ASSOCIÉ
Tribunal pénal international

CONSEIL DE SÉCURITÉ
SECRÉTARIAT
5 membres permanents (droits de véto)
GÉNÉRAL
Exécute
10 membres non-permanents
CASQUES BLEUS Décident
PROGRAMMES
ASSEMBLÉE ET FONDS
ORGANES PRINCIPAUX GÉNÉRALE
UNICEF (1945)
Conseil économique et social PNUD (1966)
Cour international de justice HCR (1950)
CNUCED (1964)
193 membres
ORGANE ASSOCIÉ
1 État = 1 voix INSTITUTIONS
Conseil des droits de l'homme Recommandations SPÉCIALISÉES
des Nations unies Résolutions
FAO (1945)
UNESCO (1945)
OIT (1945)
ORGANISATION APPARENTÉES
FMI (1945)
Agence internationale de l'énergie atomique Banque mondiale (1945)
Organisation mondiale du commerce OMS (1948)
Organisation internationale
pour l'interdiction des armes chimiques
Réalisation : S. Coté

3 Quelques organes de l’ONU en 2020.

1 Affiche de promotion de l’ONU en 1945.

2 La résolution 1244
Ayant à l’esprit les buts et les principes consacrés
par la Charte des Nations Unies, ainsi que la res-
ponsabilité principale du Conseil de sécurité pour le
maintien de la paix et de la sécurité internationales
[...],
Résolu à remédier à la situation humanitaire grave
qui existe au Kosovo (République fédérale de You-
goslavie) et à faire en sorte que tous les réfugiés et
personnes déplacées puissent rentrer chez eux en
toute sécurité et liberté, [...]
ONU
Décide du déploiement au Kosovo, sous l’égide de
l’Organisation des Nations Unies, de présences in- 4 La conférence de San Francisco (25 avril - 26 juin 1945).
ternationales civile et de sécurité dotées du matériel
et du personnel appropriés [...], 5 Réformer le Conseil de sécurité
Autorise les États Membres et les organisations
Si l’on veut que l’ONU retrouve une crédibilité suffisante pour endiguer
internationales compétentes à établir la présence
et enrayer la contagion de l’unilatéralisme et de la guerre préventive tout
internationale de sécurité au Kosovo [...].
en répondant mieux aux aspirations croissantes d’une meilleure gestion
Franklin D. Roosevelt, Winston Churchill, 14 août 1941
du monde, c’est en priorité au Conseil de sécurité, à sa composition, ses
pouvoirs et son mode de décision que nous devons nous intéresser. [...]
Questions Aujourd’hui les cinq permanents – États-Unis, Russie, Chine, Grande-
Bretagne, France – ne représentent évidemment plus à eux seuls le
1. À partir d’une recherche personnelle, rap- monde de 2004, avec ses quelque deux cents États membres de l’ONU !
pelez les étapes de fondation de l’ONU ? D’où, depuis des années, la recherche de nouveaux membres perma-
2. Présentez les institutions associées à l’ONU nents. [...] L’Allemagne, le Japon et l’Inde sont intéressés et cités le plus
et leur évolution. souvent. [...] Resteraient à choisir un pays latino-américain et un africain.
Le premier pourrait être le Brésil, mais cela ne plaît pas au Mexique et
3. Comment l’ONU et le conseil de sécurité à l’Argentine et il a contre lui d’être lusophone. Pour l’Afrique, sont évo-
interviennent-ils dans les conflits ? Analysez qués l’Afrique du Sud, le Nigeria, l’Égypte.
le doc 2 et trouvez d’autres exemples dans Examinons maintenant la question du veto. La suppression du droit de
Cours

le livre. veto est réclamée par certains pays du Sud qui entendent mettre fin à ce
4. Quelles réformes sont nécessaires à l’ONU «privilège» abusif.
(conseil de sécurité, financement, justice...) ? Hubert Védrine, «Réflexions sur la réforme de l’ONU», Pouvoirs, 2004.

24 Chapitre 1 : l’après guerre (1945-1947)


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De l’HGuerre Mon et
froide
Chapitre
istoire à
Histoire Personnelle
­relations internationales
2

Irwin Winkler, Robert Chartoff

1 Affiche du film Rocky IV avec Sylvester Stallone sorti en 1985. Il rappelle la concurrence que se livrent encore les deux Grands
dans les années 80.

La guerre froide (1947-1989)


La guerre froide La détente (1956-1979) La guerre fraîche
(1947-1956) La coexistence pacifique La détente (1979-1989)
(1956-1962) (1962-1979)
2 Les repères chronologiques de la guerre froide.

Comment les deux Grands imposent-ils leur autorité au monde et s’affrontent-


Exercices

ils sans déclencher une guerre ouverte ?

Chapitre 2 : guerre froide et relations internationales 25


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I la bipolarisation du monde
1 La «doctrine Truman» et la «doctrine Jdanov» : la rupture de 1947

Doctrine Truman Doctrine Jdanov

Auteurs

Dates

Analyse de la situation dans


le monde

Politiques à suivre

Conséquences pratiques
immédiates et dans les années
qui suivent.

1 Le «rideau de fer»
Il est cependant de mon devoir de vous exposer certains faits tie [...]. Dans le même temps, dans un grand nombre de pays
concernant la situation actuelle en Europe. éloignés des frontières russes, et à travers le monde entier,
De Stettin, dans la Baltique, à Trieste, dans l’Adriatique, un ri- les cinquièmes colonnes communistes s’installent et travaillent
deau de fer est descendu à travers le continent. Derrière cette dans une unité complète et avec une obéissance absolue aux
ligne se trouvent les capitales de tous les pays de l’Europe directives du centre communiste.
orientale : Varsovie, Prague, Berlin, Vienne, Budapest, Bel- Dans l’Empire britannique et aux États-Unis, où le communisme
grade, Bucarest et Sofia. Toutes ces villes célèbres, toutes ces est dans l’enfance, les partis communistes constituent un défi
nations se trouvent dans la sphère soviétique, et toutes sont et une menace croissante à la civilisation chrétienne […]. Je
soumises, sous une forme ou sous une autre, non seulement ne crois pas que la Russie désire la guerre. Ce qu’elle désire,
à l’influence soviétique, mais encore au contrôle très étendu et ce sont les fruits de la guerre et une expansion illimitée de sa
constamment croissant de Moscou. […] puissance et de sa doctrine. [...].
Les communistes, qui étaient très faibles dans tous ces pays J’ai appris, pendant la guerre, à connaître nos amis et alliés
de l’Est européen, ont été investis de pouvoirs qui ne corres- russes. Je suis convaincu qu’il n’y a rien au monde qu’ils ad-
pondent nullement à leur importance numérique et cherchent mirent autant que la force, et rien qu’ils respectent moins que la
partout à exercer un contrôle totalitaire. Des gouvernements po- faiblesse militaire.
liciers s’installent à peu près partout. Sauf en Tchécoslovaquie, W. Churchill à l’université de Fulton (Missouri) le 5 mars 1946
il n’existe pas, dans cette partie de l’Europe, de vraie démocra-

2 Le plan Marshall
Les besoins de l’Europe pendant les trois ou quatre prochaines années
en vivres et en autres produits essentiels importés de l’étranger - notam-
ment d’Amérique - sont tellement plus grands que sa capacité actuelle de
paiement qu’elle devra recevoir une aide supplémentaire très importante ou
s’exposer à une dislocation économique, sociale et politique très grave. [...]
Les conséquences sur l’économie américaine seront claires pour tous. Il est
Exercices

logique que les États-Unis fassent tout ce qu’ils peuvent pour aider à rétablir
Agence TASS
la santé économique du monde, sans laquelle la stabilité politique et une
paix sûre sont impossibles. Notre politique n’est dirigée contre aucun pays 3 Création du Kominform, contraction de «Bu-
ni doctrine, mais contre la faim, la pauvreté, le désespoir et le chaos. Son reau d’information des partis communistes et
but doit être la renaissance d’une économie active dans le monde ouvriers» le 5 octobre 1947. L’objectif est de
Discours de G. Marshall (secrétaire d’État américain) à Harvard le 5 juin 1947. renforcer le contrôle des «partis frères».

26 Chapitre 2 : guerre froide et relations internationales


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4 La «doctrine Truman»
La gravité de la situation devant laquelle se trouve maintenant le de vie est basé sur la volonté d’une minorité imposée à la majo-
monde rend nécessaire ma présence à cette séance commune rité. Il s’appuie sur la terreur et l’oppression, sur une radio et une
des deux Chambres. [...] presse contrôlées, sur des élections dirigées et sur la suppres-
L’un des buts principaux de la politique étrangère des États-Unis sion de la liberté individuelle. [...]
est l’établissement de conditions nous permettant, de concert Je crois que nous devons aider les peuples libres à accomplir
avec les autres nations, d’instaurer un mode de vie libre de toute leurs propres destinées, selon leur mode de vie propre. Je crois
contrainte. [...] Les peuples d’un certain nombre de pays du que notre aide doit se manifester en tout premier lieu sous la
monde se sont vu imposer, récemment, des régimes totalitaires forme d’une assistance économique et financière indispensable
contre leur propre volonté. [...] Au moment présent de l’histoire à la stabilité économique et au fonctionnement régulier des ins-
du monde, presque toutes les nations se trouvent placées de- titutions politiques.[...] Les germes des régimes totalitaires sont
vant le choix entre deux modes de vie. Et, trop souvent, ce choix nourris par la misère et le dénuement. Ils se répandent et gran-
n’est pas un libre choix. dissent dans la mauvaise terre de la pauvreté et de la guerre
L’un de ces modes de vie est basé sur la volonté de la majorité. civile. Ils parviennent à maturité lorsqu’un peuple voit mourir
Ses principaux caractères sont des institutions libres, des gou- l’espoir d’une vie meilleure. Nous devons faire en sorte que cet
vernements représentatifs, des élections libres, des garanties espoir demeure vivant.
pour la liberté individuelle, la liberté d’expression et de religion, Harry S. Truman, président des États-Unis, message au Congrès pour recom-
mander une aide à la Grèce et à la Turquie (12 mars 1947).
et pour être libre de toute oppression politique. Le second mode

5 Le rapport Jdanov appelé «doctrine Jdanov»


Le but, que se pose le nouveau cours expansionniste des États- États-Unis se heurtent à l’URSS avec son influence internatio-
Unis, est l’établissement de la domination mondiale de l’impé- nale croissante, comme au bastion de la politique anti-impé-
rialisme américain. Ce nouveau cours vise à la consolidation de rialiste et anti-fasciste, aux pays de la nouvelle démocratie qui
la situation de monopole des États-Unis sur les marchés, mono- ont échappé au contrôle de l’impérialisme anglo-américain, aux
pole qui s’est établi par suite de la disparition de leurs deux ouvriers de tous les pays, y compris les ouvriers de l’Amérique
concurrents les plus grands - l’Allemagne et le Japon - et par même, qui ne veulent pas de nouvelle guerre de domination au
l’affaiblissement des partenaires capitalistes des États-Unis : profit de leurs propres oppresseurs. […] Une tâche particulière
l’Angleterre et la France. incombe aux partis communistes frères. Ils doivent prendre en
Ce nouveau cours compte sur un large programme de mesures main le drapeau de la défense de l’indépendance nationale et
d’ordres militaire, économique et politique, dont l’application éta- de la souveraineté de leurs propres pays, contre les tentatives
blirait dans tous les pays visés par l’expansionnisme des États- d’asservissement économique et politique de leur pays.
Unis, la domination politique et économique de ces derniers, Rapport «sur la situation internationale» présenté par Andreï Jdanov le 22 sep-
tembre 1947, membre du bureau politique du Parti communiste d’Union sovié-
réduirait ces pays à l’état de satellites des États-Unis. […] Mais, tique, devant la Conférence d’information des partis communistes en Pologne
sur le chemin de leurs aspirations à la domination mondiale, les (réunion constitutive du Kominform).

6 Le traité de l’Atlantique Nord (1949)


Questions
Article premier. - Les Parties s’engagent, ainsi qu’il est stipulé dans la Charte des
Nations Unies, à régler par des moyens pacifiques tous différends internationaux 1. Quelle analyse du monde fait Chur-
[...]. chill ? Est-ce que Churchill avait déjà
Article 3. - Afin d’assurer de façon plus efficace la réalisation des buts du présent exprimé de telles inquiétudes ? Qu’est-
traité, les Parties [...] en se prêtant mutuellement assistance, maintiendront et ac- ce qui change en 1946 (doc 1) ?
croîtront leur capacité individuelle et collective de résistance à une attaque armée. 2. Lisez la doctrine Truman (doc 4) et
Article 4. - Les Parties se consulteront chaque fois que, de l’avis de l’une d’elles, la doctrine Jdanov (doc 5) et complé-
l’intégrité territoriale, l’indépendance politique ou la sécurité de l’une des Parties tez le tableau à l’aide de l’ensemble
sera menacée.
des docs 1 à 7.
Article 5. - Les Parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plu-
sieurs d’entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considé-
3. Définissez le terme de containment
rée comme une attaque dirigée contre toutes les Parties. (endiguement).
Exercices

Inconnu
Agence TASS

7 Le comité exécutif de la CAEM (Conseil d’Assistance éco- La signature du pacte de Varsovie par Nikolai Boulganine,
nomique mutuelle) en 1964. Cette institution est créée par
8
président du Conseil des ministres de l’URSS en 1955.
Staline en 1949 en réaction au plan Marshall. L’objectif était Cette alliance militaire vise à protéger le bloc de l’Est en
de mieux planifier la production des États communistes et réaction à l’OTAN.
renforcer la solidarité entre «pays frères».

Chapitre 2 : guerre froide et relations internationales 27


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2 Les premiers feux : le coup de Prague (février 1948)


La Tchécoslovaquie a une longue tradition démocratique.
Lors des élections législatives de 1946, les communistes
remportent 38 % des suffrages. Trois ministres commu-
nistes entrent au gouvernement. Avec le refus de par-
ticiper au plan Marshall à cause du véto soviétique, les
tensions entre le parti communiste et les autres partis
s’aggravent. Le 17 février 1948 les ministres non com-
munistes décident de démissionner pour protester contre
la nouvelle nomination de commissaires de police, tous
communistes.

1 Le coup de Prague
La tactique de Ripka et de ses amis politiques vous semble-t-
elle adaptée à la situation? Quelle culture politique révèle-t-elle ?
Après avoir longuement médité, je me convainquis que le
seul moyen de parer au danger communiste était de passer à
l’offensive […] Je proposai donc à mes amis de donner notre
démission [de ministre]. […] Une défaite, certes, est toujours
possible. Seulement, ce qui importe, c’est que nous agissions
de manière à faire comprendre à tout le monde qu’un régime
communiste n’a pu être instauré dans notre pays que par la
violence». […]
Vers quatre heures, Zenki, Drtina, Krajina, Firt et moi, nous
nous retrouvâmes chez Stransky* pour attendre le coup de té-
léphone qui devait nous appeler auprès du président. Comme
rien ne venait, j’appelai au château pour demander si nous
serions encore reçus ce jour-là. À mon ahurissement, on me 3 Discours de Klement Gottwald aprés sa nomination le 25
février 1948. Le président de la République, Beneš, épuisé
répondit que le président venait de donner son accord à la nou-
par une attaque cérébrale vient d’accepter de le nommer
velle liste [de ministres] présentée par Gottwald et que celui-ci
Premier ministre. Quelques jours plus tard, le 10 mars
était sur le point d’annoncer la nouvelle au public.
1948, le ministre des Affaires étrangères est retrouvé mort
Hubert Ripka, ministre libéral, Le Coup de Prague, 1949
sous les fenêtres de son appartement. Il était le fils du fon-
* Ministre libéral, membre du parti socialiste-national.
dateur de la Tchécoslovaquie, Jan Masaryk. Le 30 mai,des
élections sur liste unique sont organisées donnant 90 %
des voix aux communistes.

4 Noyautage et tactique du «salami»


La Tchécoslovaquie, pour sa part, a subi la technique du
noyautage, appelée fort justement la technique du «Cheval de
Troie» (en référence au stratagème qui avait permis aux Grecs
de pénétrer dans la ville de Troie dissimulés dans un grand
cheval de bois). Administrations, syndicats et associations
sont peu à peu noyautés par les communistes. Cela marchera
tellement bien que le PCT (Parti communiste tchécoslovaque)
détiendra vite l’ensemble des ministères ! À titre de comparai-
son, dans la Pologne voisine, les communistes détiennent 14
ministères sur 21.
Dans les autres pays comme la Hongrie ou la Roumanie, les
Russes ont employé la technique du «salami» : il s’agit de divi-
ser les partis politiques, et de les éliminer un à un, en s’ap-
puyant sur ceux qui restent jusqu’à ce que le Parti communiste
soit le dernier en lice.
Radio Prague International, 2008

Questions
1. Définissez les notions de noyautage et tactique du
Exercices

«salami» (doc 2).


2. Montrez que cette technique est utilisée par les com-
2 À partir du 20 février, alors que Gottwald manœuvre pour munistes pour prendre le pouvoir en Tchécoslovaquie.
faire accepter son gouvernement constitué de ministres
communistes, le Parti mobilise les milices ouvrières qui 3. Pourquoi le «coup de Prague» est-il symbolique de la
défilent dans la rue. dégradation des relations entre les deux Grands ?

28 Chapitre 2 : guerre froide et relations internationales


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3 Un coup de chaud, le blocus de Berlin (juin 1948 - mai 1949)


Les Alliés divergent sur les modalités
3 «Défense de passer, Joe !». Caricature
de la reconstruction de l’Allemagne. d’Illingworth sur le blocus de Berlin (27
Staline voudrait en faire un État à septembre 1948). En bas se trouve Sta-
l’économie rurale. Les Occidentaux line avec le panneau «route fermée».
voudrait accélérer le relèvement Sur ses épaules, Molotov, ministre so-
économique afin de faire barrage au viétique des Affaires étrangères avec le
communisme. Le conflit se cristallise panneau «rail fermé» et enfin, Andreï
Vychinski, représentant permanent de
sur la réforme ­monétaire.
l’Union Soviétique au Conseil de sécu-
rité des Nations Unies, qui tente sans
succès d’arrêter les avions-cargos qui
Questions ravitaillent Berlin-Ouest. Face à la déter-
mination occidentale, Staline lève le blo-
1. Présentez les enjeux straté- cus le 12 mai 1949.
giques de Berlin et des zones d’oc-
cupation (docs 4 et 5).
0 10 km
2. Quel rôle joue la question mo- ZONE D’OCCUPATION SOVIÉTIQUE

nétaire dans l’origine du blocus ?


Pourquoi Moscou se méfie-t-il du
développement économique voulu Tegel

par les Occidentaux en Allemagne


BERLIN OUEST
(docs 1 et 2) ? Check Point Charlie

Gatow BERLIN
3. Présentez le blocus de Berlin.
EST
Quel est l’objectif des Soviétiques ? Tempelhof

Pourquoi Staline n’attaque-t-il pas


directement (doc 1) ?
4. Analysez les docs 4 et 5. Pré-
Les secteurs d’occupation à Berlin
sentez et expliquez la réaction Secteur soviétique Secteur britannique
­américaine. Commentez le doc 3 à Secteur français Secteur américain
l’aide des docs précédents. Axes routiers
Points de passages fermés
5. Comment se termine le blocus de en 1948 Axes ferroviaires

Berlin ? Qu’en retire chaque camp ? Pont aérien Aéroport


Réalisation : S. Coté

4 Berlin lors du blocus.

1 Mesures pour la sauvegarde de la zone soviétique (juin 1948)


Afin de protéger les intérêts de la population et l’économie de la zone soviétique et
de prévenir la désorganisation de la circulation monétaire, l’Administration militaire
soviétique s’est vue contrainte de prendre les mesures suivantes consécutivement Hambourg
à la réforme monétaire séparée des zones d’occupation occidentale en Allemagne.
1. Suspension du trafic ferroviaire entre la zone soviétique d’occupation en Alle-
Berlin
magne et les zones occidentales.
2. Barrage à l’entrée de la zone soviétique d’occupation à tout transport par automo- Hanovre
bile ou cheval. […]
3. Tous les moyens de transport utilisant les voies fluviales […] doivent obtenir une
licence du chef du département des transports […].
6. Toutes ces instructions entrent en vigueur à minuit le 18 juin 1948.
Francfort
2 La réforme monétaire des zones occidentales
La réforme monétaire séparée annoncée le 18 juin dans les zones occidentales de
l’Allemagne a constitué la première mesure prise par les autorités d’occupation des
trois puissances occidentales tout de suite après la conférence de Londres sur l’Alle-
magne. Cette réforme, exécutée au mépris des dispositions adoptées aux confé-
rences de Yalta et de Potsdam, reflète globalement en miniature les traits caracté- Réalisation : S. Coté 0 150 KM
ristiques de l’accord conclu à Londres. Elle transforme la ligne séparant les zones
Zone d’occupation soviétique
occidentales de la zone orientale en une frontière nationale. […]
Il ne fait aucun doute que les monopolistes allemands, propriétaires de grandes en- Zone d’occupation britannique
treprises dans les zones occidentales, se hâteront d’utiliser les capitaux et subven- Zone d’occupation française
Exercices

tions dont ils disposent pour s’enrichir et faire supporter au peuple le fardeau de la Zone d’occupation américaine
réforme monétaire. […] Dans l’ensemble, la réforme monétaire menée dans la zone Points de passages fermés Axes routiers
soviétique, en renforçant la monnaie allemande, tend à créer des conditions favo- en 1948 Axes ferroviaires
rables au progrès économique et à l’amélioration du niveau de vie des masses. Elle Pont aérien
facilitera le développement démocratique pacifique de l’Allemagne.
D. Melnikov, «Deux réformes monétaires», Soviet News, juillet 1948 5 L’Allemagne lors du Blocus.

Chapitre 2 : guerre froide et relations internationales 29


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4 Une guerre chaude : la guerre de Corée (1950-1953)

1 Les étapes de la guerre de Corée. Questions


CHINE 1. Établissez les causes de la guerre de Corée (docs 2) ?
2. À partir de la carte, présentez les belligérants et les
CORÉE
DU étapes de la guerre de Corée (docs 1 et 6).
NORD 3. Que demande MacArthur (doc 4) ? Que répond Tru-
man (doc 5) ? Que veut éviter Truman ?

Pyongyang 4. Quel est le bilan de la guerre ? Pourquoi peut-on
 parler de «guerre chaude» (doc 3) ?
38°
Séoul CORÉE 4 MacArthur menace la Chine
 DU
SUD Malgré les restrictions qui entravent actuellement l’activité des

forces de l’ONU et les avantages qui en résultent pour l’ennemi,
celui-ci a montré qu’il était complètement incapable de réussir
Pusan la conquête de la Corée par la force des armes. La Chine rouge
doit par conséquent se rendre compte actuellement, non sans
angoisse, que si les Nations Unies décidaient de modifier la
0 100 KM ligne de conduite si tolérante qu’elles ont adoptée jusqu’alors
 25 juin - 15 sept. 1950 : offensive nord-coréenne et, au lieu de limiter la guerre à la région de Corée, d’étendre
 15 sept. - 2 nov. 1950 : contre offensive sous mandat de l’ONU leurs opérations militaires aux régions côtières et aux bases de
Front le 26 oct. 1950 l’intérieur, elle se verrait menacée d’un effondrement militaire
2 nov. 1950 - 12 janv. 1951 : contre offensive nord-coréenne imminent.
 et chinoise La nation et le peuple coréen [...] ne doivent pas être sacri-
Front le 10 janv. 1951
Ligne de cessez-le-feu le 27 juil. 1953 fiés. [...] Je suis prêt à n’importe quel moment à conférer sur
Réalisation : S. Coté
le terrain [...] les moyens permettant de réaliser les objectifs
politiques des Nations Unies.
2 Les souvenirs de N. Khrouchtchev Ultimatum de MacArthur, 24 mars 1951
À la fin de 1949, Kim Il-Sung arriva, avec une délégation nord-
coréenne, pour des conversations avec Staline. Kim Il-Sung 5 Faut-il faire la guerre à la Chine ?
affirmait que la première piqûre déclencherait une explosion
en Corée du Sud et que le pouvoir du peuple, c’est-à-dire le Voici ce que nous faisons en Corée : nous essayons d’éviter
pouvoir régnant en Corée du Nord, l’emporterait... Néanmoins, une Troisième Guerre mondiale. Jusqu’ici, en nous limitant à
Staline décida de demander l’avis de Mao Zedong. Je dois in- une guerre localisée en Corée, nous avons empêché l’agres-
sister sur le fait que l’idée de déclencher la guerre n’était pas seur de réussir à la provoquer […]. Nous essayons d’empêcher
de Staline, mais de Kim Il-Sung, qui en avait pris l’initiative. Sta- une Guerre mondiale et non d’en provoquer une […] Pourquoi
line, bien sûr, n’essaya pas de l’en dissuader. À mon avis, au- ne bombardons-nous pas la Mandchourie et la Chine elle-
cun vrai communiste n’eût tenté de détourner Kim Il-Sung de même ? Pourquoi n’aidons-nous pas les troupes nationalistes
son désir de libérer la Corée du Sud de Syngman Rhee et de à débarquer sur le continent ? Si nous avions recours à ces
l’influence américaine réactionnaire. Le faire eût été se mettre mesures, nous risquerions de déclencher une guerre géné-
en contradiction avec la conception communiste du monde. rale. Si cela devait arriver, nous aurions provoqué la situation
[…] Mao Tsé-toung […] approuva la suggestion de Kim Il-Sung même que nous cherchions à éviter. Nous nous trouverions
et dit qu’à son avis, les États-Unis n’interviendraient pas car la entraînés dans un vaste conflit sur le continent asiatique, et
guerre serait une affaire intérieure, que le peuple coréen déci- notre tâche deviendrait alors incommensurablement plus diffi-
derait de son sort lui-même. cile dans le monde entier.
N. Krouchtchev, Souvenirs, Paris, Laffont, 1971 H. Truman, discours radiodiffusé du 11 avril 1951

3 Le bilan de la guerre
Vite oubliée, la guerre de Corée reste
le conflit le plus meurtrier de la deu-
xième moitié du XXe s. On évalue le
nombre de victimes à 55 000 dans les
forces onusiennes (dont 36 000 amé-
ricains) et 150 000 dans les forces
sud-coréennes. Du côté nord-coréen
le nombre de victimes est évalué entre
215 000 et 400 000 et entre 180 000
et 400 000 hommes pour la Chine. À
cela s’ajoutent les victimes civils des
bombardements, des disettes et des
Exercices

épidémies. Elles sont estimées à 3


millions, voire 4 à 5 millions de morts.
USMC Archives
L’armée américaine aurait déversé
454 000 tonnes de bombes et 3.2 mil- 6 Bataille d’Incheon du 15 septembre au 28 septembre 1950 lors du débarquement des
lions de litres de napalm. forces onusiennes dans la région de Pusan. Les marines américains sous le com-
Herodote.net, 2019 mandement de MacArthur forment le gros des troupes.

30 Chapitre 2 : guerre froide et relations internationales


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II La coexistence pacifique
1 Le XXe congrès du PCUS : la déstalinisation

1 Khrouchtchev dresse le portrait de Staline 2 La coexistence pacifique


Staline n’agissait pas par persuasion au moyen d’explications et de patiente col- L’établissement de relations d’amitié
laboration avec des gens, mais en imposant ses conceptions et en exigeant une durables entre les deux plus grandes
soumission absolue à son opinion. Quiconque s’opposait à sa conception ou es- puissances du monde, l’Union sovié-
sayait d’expliquer son point de vue et l’exactitude de sa position était destiné à être tique et les États-Unis d’Amérique,
retranché de la collectivité dirigeante et voué par la suite à l’annihilation morale et aurait une importance majeure pour
physique. […] le renforcement de la paix dans le
Staline fut à l’origine de la conception de l’ennemi du peuple. Ce terme rendit auto- monde entier. Si l’on faisait repo-
matiquement inutile d’établir la preuve des erreurs idéologiques de l’homme ou des ser les relations entre l’URSS et les
hommes engagés dans une controverse ; ce terme rendit possible l’utilisation de États-Unis sur les cinq principes ma-
la répression la plus cruelle, violant toutes les normes de la légalité révolutionnaire jeurs de la coexistence pacifique :
contre quiconque, de quelque manière que ce soit, n’était pas d’accord avec lui et respect mutuel de l’intégrité territo-
contre ceux qui avaient mauvaise réputation. […] riale et de la souveraineté, non-agres-
L’autoritarisme de Staline à l’égard du Parti et de son Comité central se révéla plei- sion, non-ingérence dans les affaires
nement après le XVIIe congrès du Parti, qui eut lieu en 1934. […] Il a été établi que intérieures, égalité et avantage réci-
des 139 membres et suppléants du Comité central qui avaient été élus, 98 avaient proque, coexistence pacifique et coo-
été arrêtés et fusillés, c’est-à-dire 70 % (pour la plupart en 1937-1938). […] pération économique, cela aurait une
portée vraiment exceptionnelle pour
Camarades, le culte de la personnalité a atteint de si monstrueuses proportions,
toute l’humanité. Le principe léniniste
surtout en raison du fait que Staline lui-même, utilisant toutes les méthodes conce-
de la coexistence pacifique des États
vables, a encouragé la glorification de sa propre personne. Cela est étayé par de
aux régimes sociaux différents a été
nombreux faits. […]
et demeure la ligne générale de la
On en arriva à ne plus trouver de mots suffisamment forts pour chanter davantage politique extérieure de notre pays.
ses louanges. Camarades ! Afin de ne pas répéter les erreurs du passé, le Comité […] Tant qu’existe l’impérialisme,
central s’est déclaré résolument contre le culte de l’individu. Nous considérons que existe une base économique pour le
Staline a été encensé à l’excès. Mais, dans le passé, Staline a incontestablement déclenchement de la guerre. Aussi
rendu de grands services au Parti, à la classe ouvrière et au mouvement internatio- nous faut -il exercer une extrême vigi-
nal ouvrier. […] lance […] Mais les guerres ne sont
En agissant comme il l’avait fait, Staline était convaincu qu’il agissait dans l’intérêt pas inévitables, ne sont pas fatales. Il
de la classe laborieuse, dans l’intérêt du peuple, pour la victoire du socialisme et y a à présent des forces sociales et
du communisme. Nous ne pouvons pas dire que ses actes étaient ceux d’un politiques puissantes qui disposent de
despote pris de vertige. Il était convaincu que cela était nécessaire. […] C’est moyens sérieux pour empêcher les
là que réside la tragédie ! impérialistes de déclencher la guerre
Nikita Khrouchtchev, extrait du texte intégral du rapport secret prononcé au XXe congrès du PCUS, Parti et, au cas où ces derniers l’oseraient,
communiste de l’Union soviétique (25 février 1956), pour infliger une riposte foudroyante
aux agresseurs.
Khrouchtchev, discours du 14 février 1956

Questions
1. Présentez Khrouchtchev. Que
se passe-t-il du 14 au 25 février
1956 ? Observez le doc 3 : qui
la statue représente-t-elle ?
­Pourquoi ?
2. Analysez les propositions de
Khrouchtchev aux États-Unis dans
le doc 2. Quels sont les 5 prin-
cipes de base ? Est-ce une recon-
naissance du bloc de l’Ouest ?
3. Expliquez les passages souli-
gnés (doc 1). Pourquoi Khroucht-
chev termine-t-il par la phrase
en rouge ? Pourquoi sa critique se
limite-t-elle à Staline ?
Exercices

4. En usant de votre sens cri-


tique dites quel intérêt poursuit
Keystone
Khrouchtchev en proposant la
3 Le XXe congrès du PCUS, Parti communiste de l’Union soviétique, du 14 au 25 coexistence pacifique ?
février 1956 sous la statue de Lénine.

Chapitre 2 : guerre froide et relations internationales 31


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2 Des changements dans les relations internationales

Keystone
U. S. Department of State
1 Khrouchtchev répond au discours de bienvenue d’Eisen-
hower le15 septembre 1959 à l’aéroport de Washington. 2 Rencontre entre Khrouchtchev et Kennedy à Vienne en
juin 1961. Les deux dirigeants tentent en vain de trou-
Avec sa famille il visite pendant 13 jours les États-Unis. À la
ver un accord sur l’Allemagne et l’interdiction des essais
fin de la visite les deux leaders conviennent d’organiser un
­nucléaires.
sommet pour résoudre la question de Berlin-Ouest.

3 Caricature allemande de Khrouchtchev lors de son voyage aux États-Unis avec comme sous-titre : «K» séduit et... transformé
par le mode de vie américain. Ike est le surnom d’Eisenhower.

Questions
1. Identifiez les signes
tangibles du change-
ment dans les relations
entre les deux Grands
(docs 1 à 3).
2. Analysez la carica-
ture 3. Est-ce Khroucht-
chev qui est séduit par le
mode de vie américain,
ou est-ce Khrouchtchev
qui veut séduire les
Américains ?
4 Caricature soviétique se moquant de D. Eisenhower 3. Ce changement en
à la suite de la destruction, le 1er mai 1960, d’un terme de relations inter-
avion espion américain (Lockheed U-2) au-dessus nationales signifie-t-il
de l’URSS. Pour Khrouchtchev, ces opérations de qu’émerge un «monde
surveillance témoignent du manque de confiance de paix» (docs 4 et 5) ?
des États-Unis envers l’URSS.
Exercices

5 L’équilibre de la terreur (Balance of terror) ou la destruction mu-


tuelle assurée est un concept étroitement lié à la dissuasion nu-
cléaire. L’attaque de l’autre puissance devient impossible, parce
que chaque puissance est assurée d’être annihilée quelle que soit
l’issue de la guerre. Les populations vivent au quotidien cette ter-
reur, quitte à s’en moquer.

32 Chapitre 2 : guerre froide et relations internationales


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3 Mais chacun reste le maître chez soi : l’insurrection de Budapest et la crise de Suez

1 Il est écrit sur la caricature «Dit is een zuiver hongaarse aan-


gelegenheid», «Ceci est une affaire purement hongroise». En
1956, l’armée soviétique intervient en Hongrie pour mettre fin
à la tentative d’ouverture du régime. Lors d’un entretien avec
Khrouchtchev, Yves Montand, acteur français pro-commu-
niste, lui demande s’il est sûr «de faire du bien au socialisme
en envoyant l’Armée rouge». Khrouchtchev répond :
- Notre armée est à Budapest parce que les Hongrois nous ont
appelés au secours.
- Le peuple ?
- Oui, le peuple qui veut être protégé contre les fascistes hon-
grois et les agents de l’impérialisme.
- Et si c’était plutôt le peuple qui s’était cru autorisé à réclamer
plus de liberté, dans le socialisme nouveau que vous lui avez
promis, Monsieur Khrouchtchev, et qu’on ne l’ait pas compris?
- C’est vous qui ne pouvez pas comprendre, répondit-il en
souriant.
D’après S. Signoret, La nostalgie n’est plus ce qu’elle était, 1975 et 1978.

2 La nationalisation du canal de Suez 3 La réaction de l’URSS


La pauvreté n’est pas une honte, mais c’est l’exploitation Le 5 novembre 1956, le maréchal Boulganine, président du
des peuples qui l’est. Nous reprendrons tous nos droits, car Conseil des ministres de l’URSS écrit à Guy Mollet et Anthony
tous ces fonds sont les nôtres, et ce canal est la propriété de Eden, chefs de gouvernement respectifs de la France et du
l’Égypte. La Compagnie est une société anonyme égyptienne, Royaume-Uni.
et le canal a été creusé par 120 000 Égyptiens qui ont trouvé Je dois vous déclarer que la guerre que la France et l’Angle-
la mort durant l’exécution des travaux. La Société du canal terre, utilisant Israël, ont déclenchée contre l’État égyptien est
de Suez à Paris ne cache qu’une pure exploitation [...]. Nous grosse de conséquences extrêmement dangereuses pour la
construirons le haut-barrage et nous obtiendrons une forte- paix générale.
resse d’honneur et de gloire. La majorité écrasante des États membres de l’ONU s’est pro-
Discours prononcé par Nasser le 26 juillet 1956 à Alexandrie.
noncée pour un arrêt immédiat des hostilités et le retrait des
troupes étrangères. Néanmoins, les opérations militaires en
Égypte ne cessent de s’étendre. Les villes et les villages égyp-
4 La connivence trompeuse de l’URSS et des États-Unis tiens sont soumis à des bombardements barbares. Le sang
d’hommes totalement innocents est répandu […] Le gouverne-
M. Eisenhower et M. Dulles, partisans de la liquidation de Nas- ment soviétique est pleinement résolu à recourir à l’emploi de
ser en tant que maître de l’Égypte, n’ont jamais cédé à ceux la force pour écraser les agresseurs et rétablir la paix en Orient.
de leurs collaborateurs, au département d’État et au Penta-
Lettre de Boulganine à Guy Mollet.
gone, qui envisageaient cette liquidation par tous les moyens,
y compris les moyens militaires. Convaincus de la nécessité
d’abattre Nasser à partir du moment où l’action du dictateur 5 L’opération de Suez. Cisjor- Jourdain
Tel-Aviv
égyptien mettait en péril leurs intérêts pétroliers au Moyen- danie
Intervention
Orient, ils ne voulaient le faire que dans les formes et ne don- Jérusalem
Franco-britannique
ner à l’URSS aucun argument de style «colonialiste» dans la Gaza Mer
lutte d’influence où ils sont engagés avec elle auprès des pays Morte
Port-Saïd
sous-développés. Furieux de l’intervention franco-anglaise, Port Fouad
mécontents d’en avoir été tenus à l’écart, les États-Unis, après ISRAËL
Canal de Suez

quelques jours de flottement, n’ont pas ménagé les pressions


pour obtenir n’importe quelle solution pacifique au conflit, et ils
l’ont obtenue.
JORDANIE
H. de Galard, France-Observateur, 8 novembre 1956
ÉGYPTE Suez
Eilat
Aqaba
Questions
1. Présentez les motivations de l’intervention sovié- Sinaï
Golf

tique à Budapest en 1956. Pourquoi la communauté


e de

internationale n’intervient-elle pas (doc 1) ?


Sue

qaba
z

2. Faites une recherche sur Gamal Abdel Nasser. Pour- ARABIE SAOUDITE
Golfe d’A

quoi veut-il nationaliser le canal de Suez (doc 2) ?


Exercices

Confrontez et justifiez la réaction franco-anglaise (doc


Charm-el-Cheikh
5) et la réaction américano-soviétique (docs 3-4). 0 50 km
3. Que nous apprennent ces deux évènements sur la Réalisation : S. Coté

politique des deux Grands dans le monde au moment Opération aéroportée franco-britannique (5-7 nov. 1956)
de la coexistence pacifique ? Offensive terrestre israélienne (29 oct. - 2 nov. 1956)

Chapitre 2 : guerre froide et relations internationales 33


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4 Et les tensions persistent : le mur de Berlin et la crise des missiles de Cuba

1 «Personne n’a l’intention de construire un mur»


Annamaria Doherr : Est-ce que la création d’une cité libre veut
dire, à votre avis, que la frontière de l’État sera édifiée à la porte
de Brandeburg ?
Walter Ulbricht : Si je comprends bien votre question, il y a des
gens en Allemagne de l’Ouest qui souhaitent que nous mobi-
lisions les ouvriers du bâtiment de la capitale de la RDA pour
ériger un mur, c’est cela ? Je n’ai pas connaissance d’un tel
projet. Les maçons de la capitale sont principalement occupés
à construire des logements et y consacrent toute leur force de
travail. Personne n’a l’intention de construire un mur.
Walter Ulbricht répond lors d’une interview à la journaliste ouest allemande,
Annamaria Doherr, Frankfurter Rundschau, 15 juin 1961

Questions Inconnu

2 Depuis 1949, 2.6 à 3.6 millions d’Allemands de l’Est, prin-


1. Présentez la situation de Berlin début 1961. Pour- cipalement des personnes qualifiées, ont fui à l’Ouest en
quoi le mur est-il construit ? Comment les Berlinois réa- passant par Berlin. Depuis 1958, les tensions augmentent
gissent-ils (docs 1 à 3) ? dans la ville, depuis que Khrouchtchev veut le départ des
2. Démontrez que la construction du mur de Berlin est troupes occidentales pour faire de Berlin une «ville libre».
un échec du modèle soviétique. Pourquoi cette crise Dans la nuit du 12 au 13 août 1961, les autorités est-alle-
mandes posent des grillages et barbelés, puis les maçons
symbolise-t-elle une «aubaine» politique pour les Amé-
construisent un mur sous la surveillance de la police.
ricains ? Quelles sont les critiques faites par Kennedy
sur le sytème communiste (docs 4 et 5) ?

4 «Ich Bin ein Berliner !»


Je suis fier d’être venu dans votre ville [...]. Je suis fier d’avoir
visité la République fédérale d’Allemagne avec le chancelier
Adenauer, qui durant de si longues années a construit la dé-
mocratie et la liberté en Allemagne […]. Il y a 2000 ans, la
phrase la plus glorieuse était «civis romanus sum» (Je
suis citoyen romain). Aujourd’hui, dans le monde de la
liberté, la phrase la plus glorieuse est «Ich bin ein Ber-
liner» (Je suis un Berlinois). Il y a beaucoup de gens dans
le monde qui ne comprennent pas, ou qui prétendent ne pas
comprendre quel est l’enjeu de la lutte entre le communisme et
le monde libre. Qu’ils viennent à Berlin !
Il y en a d’autres qui affirment que l’avenir est au communisme.
Ils n’ont qu’à venir à Berlin ! Certains, enfin, en Europe et ail-
leurs, déclarent qu’on peut travailler avec les communistes.
Qu’ils viennent à Berlin !
A. Waidmann
Et il y a même un petit nombre qui, tout en reconnaissant les
3 Fuite le 25 septembre 1961 de Frie-
méfaits du communisme, estime qu’il permet néanmoins de
da Schultze, 77 ans, par la fenêtre
faire des progrès économiques. «Lasst sie nach Berlin kom-
de son appartement au premier
men !» (Qu’ils viennent à Berlin).
étage d’un immeuble frontalier.
Notre liberté éprouve certes beaucoup de difficultés et notre
démocratie n’est pas parfaite. Cependant, nous n’avons ja-
mais eu besoin, nous, d’ériger un mur pour empêcher notre
peuple de s’enfuir [...]. Le mur fournit la démonstration écla-
tante de la faillite du système communiste. Cette faillite est
éclatante aux yeux du monde entier […]. Nous n’éprouvons
aucune satisfaction en voyant ce mur, car il constitue à nos
yeux une offense non seulement à l’histoire mais encore une
offense à l’humanité. [...]. La population de Berlin-Ouest peut
être certaine qu’elle a tenu bon pour la bonne cause sur le
front de la liberté pendant une vingtaine d’années. Tous les
Exercices

hommes libres, où qu’ils vivent, sont citoyens de Berlin. C’est


pourquoi, en tant qu’homme libre, je suis fier de dire : «Ich bin
ein Berliner !»
Discours prononcé depuis le balcon de la mairie de Schöneberg à Berlin, le 26 NBC Universal collection

juin 1963, par J.-F. Kennedy J.F. Kennedy, lors de son discours du 26 juin 1963.
5

34 Chapitre 2 : guerre froide et relations internationales


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Montréal Le revirement de Khrouchtchev


6 Toronto 7

Mi
Chicago

sso
Boston Nous sommes prêts à retirer de Cuba les armes que vous consi-

ur i
dérez comme offensives. Nous sommes prêts à prendre cette
ÉTATS-UNIS Detroit
Détroit New York obligation devant l’ONU. Vos représentants feront une déclara-
tion aux termes de laquelle les États-Unis, prenant en considéra-

i
ipp
Washington
Rio

siss
tion les inquiétudes du gouverment soviétique retireraient, pour
Gra

Dallas

Mis
leur part, de Turquie, les armes correspondantes. [...]
nd

La Nouvelle-Orléans OCÉAN
e

Ces armes sont disposées à Cuba à la demande du gouverne-


Houston ATLANTIQUE
ment de La Havane et uniquement dans un but de défense. [...]
Miami
Guadalaraja Golfe du Ces armes, il va de soi, ne menacent personne.
Mexique Message de N. Khrouchtchev à J.-F. Kennedy, le 26 octobre 1962
Mexico
La Havane
aavva e
MEXIQUE CUBA
A
Questions
Porto Rico
3. Qui prend le pouvoir à Cuba en 1959 ? Présentez
le personnage. Pourquoi est-il en opposition avec les
Caracas
Américains (biographie et doc 8) ?
VÉNÉZUÉLA 4. Expliquez la réaction de Kennedy (docs 9 et 10). Que
Bogota décide-t-il ? Que propose Khrouchtchev (doc 7) ?
0 500 km 5. Montrez que ces deux crises sont deux «vraies» crises
Réalisation : S. Coté COLOMBIE
qui auraient pu faire basculer le monde dans la guerre.
Portée des fusées soviétiquesEQUATEUR
Am azo
Embargo américain

N Bases de lancement des fusées


PEROU
E Li

Biographie
Fidel Castro est un homme politique cubain, né à Cuba en
1926 dans une famille aisée de planteurs. Fils illégitime, il est
éduqué chez les Jésuites. Il fait des études de droit et s’oppose
dès 1950 à la dictature pro-américaine de Batista. Emprisonné
puis réfugié à Mexico, il se lie d’amitié avec Ernesto (Che)
Guevara avec lequel il revient à Cuba pour organiser une
guérilla. Il prend triomphalement le pouvoir en 1959 et lance
une réforme agraire (redistribution des terres) puis d’autres
réformes sociales.
En butte à l’hostilité américaine, il se tourne vers l’URSS et
installe peu à peu un régime de type communiste qui perdure
8 Fidel Castro et Ernesto Che Guevara défilent à La Havane
en 1959 après leur victoire. Malgré la répression sauvage
après l’effondrement de l’URSS. des troupe de Batista, ce dernier s’enfuit le 1er janvier 1959,
permettant aux guérilleros d’investir La Havane.

9 La réaction de Kennedy
Fidèle à sa promesse, le gouvernement a continué de surveil-
ler de très près les préparatifs militaires soviétiques à Cuba.
Au cours de la dernière semaine, nous avons eu des preuves
incontestables de la construction de plusieurs bases de fusées
dans cette île opprimée. Ces sites de lancement ne peuvent
avoir qu’un but : la constitution d’un potentiel nucléaire dirigé
contre l’Hémisphère occidental. […]
Cette transformation précipitée de Cuba en importante base
stratégique […] constitue une menace précise à la paix et à la
sécurité de toutes les Amériques. […] Cette décision soudaine
et clandestine d’installer pour la première fois des armes stra-
tégiques en dehors du territoire soviétique constitue une provo-
cation délibérée, une modification injustifiée du statu quo. […]
Nous ne risquerons pas prématurément ou sans nécessité le
coût d’une guerre nucléaire mondiale dans laquelle même les
fruits de la victoire n’auraient dans notre bouche qu’un goût de
Exercices

cendre, mais nous ne nous déroberons pas devant ce risque.


National Archives.gov […] Tous les bateaux à destination de Cuba, quels que soient
Photo de reconnaissance aérienne prise par les États-Unis leur pavillon ou leur provenance seront interceptés et seront obli-
10
du site de lancement de missiles balistiques de moyenne gés de faire demi-tour s’ils transportent des armes offensives.
portée de San Cristobal, à Cuba, le 1er novembre 1962. Discours télévisé de J.F. Kennedy, 22 octobre 1962.

Chapitre 2 : guerre froide et relations internationales 35


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5 Après 1956, une nouvelle forme de concurrence internationale

NASA / Neil Armstrong

4 Buzz Aldrin marche sur la lune le 21 juillet 1969. Après


la sortie de Gagarine dans l’espace en 1961, Kennedy
NSSDC annonce au congrès qu’un Américain devra fouler le sol
lunaire «avant la fin de la décennie». Le programme Apollo
1 Réplique de Spoutnik 1 lancé le 4 octobre 1957. Il est le
premier engin placé en orbite. C’est un moyen pour l’URSS permet ainsi d’envoyer le premier homme sur la lune le 21
de démontrer aux États-Unis qu’ils maîtrisent les lanceurs juillet 1969.
de longue portée.

5 Bobby Fischer devient, en 1972, le onzième champion du


monde en remportant, sur fond de guerre froide, le «match
du siècle» à Reykjavik face au joueur soviétique Boris
2 Lors de la mission Vostok, Youri Gagarine est le pre- Spassky.
mier homme à avoir effectué le 12 avril 1962 un vol dans
­l’espace.

Questions
À partir des documents, établissez les différentes
formes d’affrontements indirects entre les deux blocs.
Quelles sont les motivations ?

Steve Powell
Irwin Winkler, Robert Chartoff
Exercices

3 Un exploit rare. Aux Jeux olympiques de 1980, l’équipe amé-


ricaine de hockey, inexpérimentée, parvient à battre les So- 6 Le cinéma est aussi un lieu d’affrontement culturel. Tous
les genres sont utilisés pour montrer l’affrontement idéolo-
viétiques, lors d’un match de demi-finale qualifié de «miracle
gique entre les deux blocs. Rocky IV tourné en 1985 rap-
sur glace». Un tour de force de l’entraîneur Herb Brooks, qui
pelle les tensions de la guerre fraîche tout en laissant une
a ensuite permis aux Américains de remporter la médaille
note d’espoir avec la présence positive de Gorbatchev.
d’or.

36 Chapitre 2 : guerre froide et relations internationales


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III La détente
1 Des gestes de bonne volonté

2 Traité interdisant les essais d’armes nucléaires


Les Gouvernements des États-Unis d’Amérique, du Royaume-Uni de
Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et de l’Union des Républiques
socialistes soviétiques, appelés ci-après «parties originaires», Pro-
clamant que leur objectif principal est la réalisation, dans les délais
les plus rapides, d’un accord portant sur un désarmement général et
complet sous un contrôle international strict, conformément aux buts
des Nations Unies, accord qui mettrait fin à la course aux armements
[...] cherchant à obtenir l’arrêt de toutes les explosions expérimentales
d’armes nucléaires à tout jamais, [...] sont convenus de ce qui suit:
Art. I
1. Chacune des parties à ce traité s’engage à interdire, à empêcher
et à s’abstenir de réaliser toute explosion expérimentale d’armes nu-
cléaires, ou toute autre explosion nucléaire, en tout lieu situé sous sa
juridiction ou son contrôle :
a. Dans l’atmosphère, au-delà de ses limites, y compris l’espace cos-
mique, ou sous l’eau, y compris les eaux territoriales ou la haute mer
[...] ;
b. Dans tout autre lieu si une telle explosion provoque la chute de
déchets radioactifs en dehors des limites territoriales de l’État sous
la juridiction ou le contrôle duquel a été réalisée l’explosion. Il est
convenu à ce sujet que les stipulations de ce sous-paragraphe ne
préjugeront pas de la conclusion d’un traité interdisant d’une façon
permanente toutes les expériences nucléaires.
Traité signé à Moscou le 5 août 1963

1 Après la crise de Cuba et la peur d’une guerre


nucléaire, une nouvelle phase commence avec le
dialogue des «deux K». Kennedy et Khrouchtchev 3 Le traité de Moscou, changement de climat ?
tirent la leçon de l’évènement. En septembre 1963, «La bombe atomique est trop dangereuse pour être abandonnée à un
ils font établir le «téléphone rouge» : un t­ éléscripteur monde sans loi.» Ainsi s’exprimait, au soir d’Hiroshima, le président
qui relie la Maison Blanche et le Kremlin. En cas de Truman. Mais il aura fallu près de dix-huit ans de guerre froide, de
crise, un contact direct est établi afin d’éviter tout crises graves et de négociations interminables pour arriver à poser un
malentendu susceptible de déclencher ­l’irréparable. premier jalon sur la voie de la réglementation internationale des arme-
ments nucléaires. Ce jalon est modeste. Le traité paraphé à Moscou
par MM. Harriman et Gromyko, et par Lord Hailsham, n’engage pas
ses signataires à grand-chose. Ceux-ci conservent, sans le moindre
contrôle, des stocks capables de faire sauter plusieurs fois la planète.
Ils ont tout loisir de les accroître encore. Nikita Khrouchtchev préfère
laisser les États-Unis compléter leur déjà riche panoplie plutôt que de
se prêter à un véritable désarmement.
«Changement de climat», Le Monde, 27 juillet 1963

Questions
1. Définissez et expliquez ce qu’est le «téléphone
rouge» (doc 1).
2. Montrez que ce «téléphone rouge» marque un
changement essentiel dans les relations entre les
dirigeants américains et russes.
3. Quelles puissances signent le traité de
­Moscou (docs 2 et 4) ?
4. Identifiez et critiquez les dispositions du trai-
té. En quoi est-ce un progrès (cos 2 et 3) ?
Exercices

United Nations

4 Cérémonie de signature du traité d’interdiction partielle des essais


nucléaires (Moscou, 5 août 1963). Le traité est signé par le se-
crétaire d’État Dean Rusk pour les États-Unis et Andreï Gromyko,
ministre des Affaires étrangères pour l’URSS. On reconnaît Nikita
Khrouchtchev à droite.

Chapitre 2 : guerre froide et relations internationales 37


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2 Les accords de désarmement

National Archives and Records Administration

1 Leonid Brejnev, Secrétaire général du PC soviétique, et


le président américain Richard Nixon lors de la signature
National Archives and Records Administration
des accords SALT I le 26 mai 1972 à Moscou. Au début
des années 70, de nouveaux hommes arrivent au pouvoir. 3 18 juin 1979 à Vienne : signature des accords Salt II entre
Brejnev croit à la paix durable avec l’Ouest tout en estimant le président américain, Jimmy Carter, et Leonid Brejnev.
que l’URSS doit se préparer à toutes les éventualités. Le
complexe militaro-industriel pèse trop lourd sur le budget
de l’URSS. De leur côté, Nixon et son secrétaire d’État, 4 La «doctrine Nixon»
Henri Kissinger, constatent la démobilisation américaine Richard Nixon, président américain de 1969 à 1974, com-
face au danger communiste. mente lui-même son discours prononcé sur l’île de Guam le
25 juillet 1969.
Sur l’île de Guam, peu de temps après notre arrivée, j’ai orga-
2 Les accords SALT (Strategic Arms Limitation Talks) nisé une conférence de presse informelle avec les journalistes
couvrant le voyage. C’est là que j’ai énoncé ce que nous ap-
Un effet important du traité était de rendre permanent le pelions à l’origine la «Doctrine de Guam» et que l’on connaît
concept de dissuasion par terreur mutuelle. En abandonnant depuis sous le nom de «Doctrine Nixon».
les missiles de défense, chacune des parties offrait sa popula-
J’ai déclaré que les États-Unis sont une puissance pacifique
tion et son territoire en otage à une attaque par missiles stra-
et devaient le rester. Mais j’ai senti qu’une fois la guerre du
tégiques. Chaque partie avait donc un intérêt vital à empêcher
Viêt Nam réglée, nous aurions besoin d’une nouvelle politique
une guerre qui ne pouvait être que mutuellement destructrice.
asiatique pour veiller à ce qu’il n’y ait plus de Viêt Namisation
L’accord sur les missiles stratégiques marquait un premier pas
à l’avenir. J’ai commencé par dire que nous ne prendrions plus
vers le contrôle des armes à l’âge thermonucléaire.
d’engagement si nos propres intérêts vitaux ne l’exigeaient pas.
R. Nixon, Mémoires, 1978
Dans le passé, notre politique consistait à fournir les armes,
Accords SALT I (1972)
les hommes et le matériel nécessaires pour aider les autres
SALT I se compose de deux volets : nations à se défendre contre l’agression. C’est ce que nous
- Un accord provisoire de cinq ans sur la limitation de la fabri- avons fait en Corée et c’est ainsi que nous avons commencé
cation d’armes stratégiques et de l’installation des rampes de au Viêt Nam. Mais à partir de maintenant, ai-je dit, nous ne
lancement de missiles balistiques (missiles souvent désignés fournirions que l’assistance matérielle, militaire et économique
par l’abréviation ICBM). aux pays désireux d’assumer la responsabilité de fournir les
- Le traité ABM prévoit la limitation des missiles anti-missiles moyens nécessaires à leur défense. Je n’ai fait qu’une excep-
ABM (anti-missiles balistiques). tion, au cas où une puissance nucléaire majeure se livrerait à
Accords SALT II (1979) une agression contre un de nos alliés ou amis, j’ai dit que nous
réagirions avec des armes nucléaires.
Les négociations continuent entre les deux protagonistes prin-
cipaux de la guerre froide. Le 18 juin 1979 à Vienne, Jimmy La doctrine Nixon annoncée à Guam a été interprétée à tort
Carter pour les Américains et Léonid Brejnev pour les Sovié- par certains comme une nouvelle politique qui conduirait à un
tiques signent le traité SALT II. Celui-ci apporte des limitations retrait total des Américains d’Asie et d’autres parties du monde.
supplémentaires par rapport à SALT I et définit un plafond [...] La doctrine Nixon est [...] une base solide qui lui permet de
précis de bombardiers et de lance-missiles tolérés, ce qui im- rester et de continuer à jouer un rôle international de soutien
plique la destruction du surnombre. aux nations neutres non communistes et à nos alliés.
Richard Nixon, Mémoires, 1978
Toutefois, du fait de la dégradation des relations Est-Ouest après
l’invasion soviétique en Afghanistan, le traité n’entrera jamais en
vigueur. Il semble toutefois qu’il soit respecté dans la pratique.
5 L’évolution du stock
Nombres

Wikipedia
d’armes nucléaires
40 000 américaines et sovié-
tiques opérationnelles
Questions 30 000 de 1945 à 2005.
1. Analysez la doctrine Nixon en identifiant les points
qui favorisent le dialogue avec l’URSS (doc 4). 20 000
Exercices

2. Rappelez les dates et les signataires des deux ac-


cords SALT. 10 000
Disparition de l’URSS
3. D’après les docs, présentez les points favorables à la
paix des accords SALT. Quelles sont les motivations aux Temps

1945 1955 1965 1975 1985 1995 2005


accords SALT ? Quelles en sont les ­limites ? Source : United States Department of Defense and Department of Energy, Federation of American Scientists
Réalisation : S. Coté

38 Chapitre 2 : guerre froide et relations internationales


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3 Le sommet de la détente : la conférence d’Helsinki

1 Les accords d’Helsinki (1975)


I. Égalité souveraine, respect des droits inhérents à la souve-
raineté. Les États par­ticipants respectent mutuellement leur
égalité souveraine, ainsi que tous les droits inhérents à la sou-
veraineté, y compris le droit de chaque État à l’in­tégrité territo-
riale, à la liberté et à l’in­dépendance politique. Ils respectent le
droit de chacun d’entre eux de choisir et de développer libre-
ment son système politique, social, économique et cul­turel.
2. Non-recours à la menace ou à l’em­ploi de la force.
3. Inviolabilité des frontières. Les États participants tiennent
mutuellement pour inviolables toutes les frontières. Archives fédérales allemandes

4. Intégrité territoriale. Les États parti­cipants s’abstiennent de 2 Signature des accords d’Helsinki le 1er août 1975 par 33
faire du terri­toire de l’un d’entre eux l’objet d’une occupation États européens, les États-Unis et l’URSS. Les discus-
militaire ou d’autres me­sures comportant le recours direct ou sions de la première Conférence sur la sécurité et la coo-
indirect à la force. pération en Europe (CSCE) débutent le 3 juillet 1973.
5. Règlement pacifique des différends. Les États participants
règlent leurs dif­férends entre eux par des moyens pa­cifiques,
de manière à ne pas mettre en danger la paix, la sécurité inter- Questions
nationale et la justice. 1. Présentez les signataires. En quoi cette conférence
6. Non-intervention dans les affaires in­térieures. Les États par- diffère-t-elle des accords précédents (doc 1) ?
ticipants s’abs­tiennent de toute intervention directe, indirecte,
2. Expliquez les termes suivants du doc 2 : souverai-
individuelle ou collective dans les affaires intérieures ou exté-
rieures relevant de la compétence d’un autre État participant, neté, inviolabilité, intégrité, non-intervention, convic-
quelles que soient leurs relations mutuelles. Ils s’abstien­nent tion, dignité inhérente.
d’aider directement ou indirecte­ment des activités terroristes 3. Faites un résumé sous forme de tirets des principaux
ou sub­versives visant au renversement violent du régime d’un points d’accords.
État participant.
4. Réalisez une critique des accords. Quelles sont leur
7. Respect des droits de l’Homme et des libertés. Les États application ? Montrez que cette conférence est le
participants respec­tent les droits de l’homme et les libertés fon-
«sommet» de la détente.
damentales, y compris la liberté de pensée, de conscience, de
religion ou de conviction pour tous, sans distinc­tion de race,
de sexe, de langue ou de religion. Ils favorisent et encouragent
l’exercice effectif des libertés et des droits civiques, politiques,
économiques, sociaux, culturels et autres qui décou­lent tous
de la dignité inhérente à la personne humaine.
Acte final de la conférence, signé par 33 États européens -U.R.S.S. comprise-,
les États-Unis et le Canada.

3 Timbre commémoratif de la première mission spatiale


conjointe entre l’URSS et les États-Unis en 1975.

4 321 personnes condamnées pour délit politique


Depuis la signature des accords d’Helsinki, en août 1975, trois
cent vingt et une personnes ont été condamnées en Union so-
viétique pour «exercice non violent de leurs droits humains»,
indique Amnesty International dans un rapport publié dimanche
24 juin à Londres. Parmi ces prisonniers politiques figurent
quatorze membres des Groupes de surveillance des accords
d’Helsinki - dont onze condamnés au début de l’été dernier
à des peines d’un minimum de douze ans de détention - qui
sont incarcérés «dans des institutions pénales caractérisées
par une absence de soins médicaux, une sous-alimentation
chronique et des travaux excessivement durs effectués dans
des conditions malsaines et, quelquefois, physiquement dan-
Exercices

gereuses». L’organisation humanitaire signale en particulier les


cas des trois autres membres détenus des Groupes Helsinki,
MM. Loukyanenko, Petkus et Tikhy, qui purgent leur peine en
camp de correction sous le régime dit «spécial».
5 «Helsinki - le sommet de la non obligation». Le caricatu-
riste Köhler montre la fragilité des accords d’Helsinki. Londres (A.F.P., A. P.), 1979

Chapitre 2 : guerre froide et relations internationales 39


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4 Mais les crises persistent : le Viêt Nam

1 CHINE
2 L.B. Johnson, la guerre continue
Alors que l’avion présidentiel nous ramenait rapidement à Washington après
Hanoï la tragédie de Dallas, je fis un vœu solennel : je consacrerai chaque heure du
mandat inachevé de John Kennedy à atteindre les objectifs qu’il avait fixés.
Cela signifiait continuer au Viêt Nam. [...] J’étais convaincu que les grandes
LAOS lignes de sa politique répondaient aux objectifs que les États-Unis avaient
essayé d’atteindre depuis 1945.
Le président Kennedy croyait en la valeur de l’engagement contracté par le
traité de l’OTASE. [...] Ses mots, les derniers pratiquement qu’il ait prononcés
en public, étaient tout à fait présents à mon esprit [...] :
17e parallèle Ainsi ce pays, qui souhaite vivre en paix depuis dix huit ans, a porté plus que
Hué sa part du fardeau, a monté la garde plus d’années qu’il devait. Je ne pense
THAÏLANDE pas que nous soyons las ou fatigués. Nous aimerions vivre à nouveau comme
nous avons vécu autrefois. Mais l’Histoire ne le permettra pas. La pression
communiste est encore forte. La balance penche encore vers le camp de la
liberté. Nous sommes toujours la clef de voûte de la liberté et nous continue-
CAMBODGE rons à faire ce que nous avons fait dans le passé : notre devoir !
L.B. Johnson, Ma vie de président (1963-1969), 1972

Saïgon
Questions
1. D’après les docs 1, 2 et 11, expliquez pourquoi le Viêt Nam est un
0 250 km enjeu de la guerre froide. Contextualisez votre réponse.
Réalisation : S. Coté

Viêt Nam du Nord Zones d’actions du Viêt Cong


Viêt Nam du Sud Bombardements massifs américains

Tonnes de
Effectifs bombes
Début de la
« vietnamisation »
500 000 1 600 000

375 000 1 200 000

Début de l’intervention
250 000 directe 800 000

125 000 Début bombardements 400 000


sur Viêt Nam, Laos, Cambodge

0
1960 1962 1964 1966 1968 1970 1972
Kennedy Johnson Nixon Larry Burrows

Source : Congress and the Nation III cité dans A. Kaspi, «Viêt Nam, le cancer américain », L’Histoire, fév. 1982.
Réalisation : S. Coté 4 Le quotidien des soldats américains en 1966 lors de
l’«Operation prairie».
3 L’engagement américain au Viêt Nam
Exercices

US air force

5 Pour débusquer les membres du Viêt Cong réfugiés sous Inconnu

les arbres des forêts, les Américains utilisent à partir de 6 Les herbicides contiennent des dioxines qui entrent dans
1961 des défoliants. Le plus connu est l’agent orange la chaîne alimentaire et provoquent encore aujourd’hui de
produit par Monsanto et Dow Chemical. Il existe aussi les nombreuses malformations.
agents vert, rose, blanc et bleu aux effets ­différents.

40 Chapitre 2 : guerre froide et relations internationales


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10 Grâce à la piste Hô Chi


Minh, à l’aide de bicy-
clettes pouvant porter
jusqu’à 200 kg de ma-
tériel, le Nord approvi-
sionne en matériel mili-
taire le Sud.

Ronald S. Haeberle/Time Life

7 Une troupe américaine poursuivant des membres du Viêt Inconnu


Cong attaque le village de My Lai en mars 1968 et mas-
sacre 347 à 504 civils.

11 La théorie des dominos. Eisenhower déclare lors d’une


conférence en 1954 «Vous avez une rangée de dominos
dressés et si vous faites tomber le premier, il y a une certi-
tude que le dernier sera renversé aussi. Ainsi, on parvien-
dra au début d’une désintégration qui aura de très pro-
fondes conséquences.»

Nick Ut / The Associated Press 12 L’offensive du Têt


8 Le 8 juin 1972, l’armée sud-Vietnamienne bombarde le vil- 50 ans après, le journal Le Monde analyse cette offensive à
lage de Tràng Bàng par erreur, croyant détruire un repaire partir des articles de l’époque.
du Viêt Cong. Du brasier surgissent des enfants, et en par- Dans la nuit du 30 au 31 janvier 1968, le Viêt Cong, c’est-à-
ticulier Kim Phuc Phan Thi, 9 ans, gravement brûlée, qui dire le Front national de libération du Viêt Nam du Sud (FNL)
devient le visage des atrocités de la guerre. profite des festivités du Têt (fête du Nouvel An Vietnamien)
pour lancer une offensive générale. La guerre avait véritable-
ment débuté avec le président américain L.B. Johnson qui
lance dès le 4 août 1964 les premiers raids américains sur les
Questions positions communistes au Sud Viêt Nam et obtient du Congrès
2. D’après l’ensemble des docs, présentez et criti- les pleins pouvoirs militaires pour un engagement contre le
quez les moyens d’intervention des Américains au Viêt Nord Viêt Nam. L’escalade a lieu. En 1968, on arrive à comp-
Nam : aspects pratiques, prolèmes moraux, guerre des ter plus de 500 000 Américains en uniforme au Sud Viêt Nam.
images, réactions de l’opinion public... C’est dans ce contexte que l’offensive Viêt Cong a lieu. Une
centaine de villes, dont Saïgon et Hué, [...] sont simultanément
assaillies par plusieurs centaines de milliers de combattants.
C’est un tournant dans la guerre. [...] Le Monde met en évi-
dence l’échec de la guerre américaine : «Les mythes s’ef-
fondrent». Non seulement le Sud a été massivement attaqué
mais aussi les régions dites «pacifiées» par les Américains. Et
les bombardements massifs du Nord Viêt Nam par les bombar-
diers B52 sont inefficaces. [...]
Plus l’offensive avance, plus le soutien des populations du Sud
au Viêt Cong augmente. Washington doit donc changer son
approche pour parvenir non à une «impossible victoire» mais
à la paix. [...] Les combats se poursuivront pendant deux mois
et se soldent par une importante défaite militaire du FNL et de
l’armée nord Vietnamienne. Cependant, la victoire est politique
et diplomatique ; l’opinion publique américaine et mondiale est
Exercices

retournée. Le président américain L.B. Johnson [...] ne se pré-


sente pas à un second mandat. Richard Nixon, élu [...] le 5
Marc Riboud, Magnum photos
novembre 1968, va amorcer la «désescalade» [...] et ouvrir à
9 Devant le Pentagone, la jeune lycéenne Jan Rose Kas- Paris les négociations de paix.
mir fait face à la garde nationale lors d’une manifestation Edouard Pflimlin, «Il y a cinquante ans, l’offensive du Têt prenait par surprise
contre la guerre du Viêt Nam en 1967. les Américains au Viêt Nam», Le Monde, 1968

Chapitre 2 : guerre froide et relations internationales 41


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5 Un tiers monde qui ne connaît pas la paix

1 La conférence de La Havane 2 Le danger, Salvador Allende


Nous, représentants des peuples de notre Amérique, connais- L’élection d’Allende est grave pour les intérêts américains au
sant l’existence d’une stratégie contre-révolutionnaire com- Chili et pour le gouvernement américain. Allende est probable-
mune dirigée par l’impérialisme yankee, PROCLAMONS : ment un communiste, un communiste de Moscou. Son élection
1° Que c’est le droit et le devoir des peuples d’Amérique latine est grave pour ce qu’elle signifie en Amérique latine, mais aussi
de faire la révolution […] parce qu’elle exerce un effet de démonstration dans le monde.
3° Que la révolution en Amérique latine est avant tout la lutte Mais le plus sérieux, c’est que cette élection porte atteinte à la
contre l’impérialisme et les oligarchies de la bourgeoisie et de sécurité nationale des États-Unis, par ses conséquences en
la propriété foncière. France et en Italie.
Déclaration d’Henri Kissinger, secrétaire d’État américain (1973-1977).
4° Que les principes du marxisme-léninisme orientent le mou-
vement révolutionnaire d’Amérique latine […]
10° Que la guérilla constitue la méthode la plus efficace […] 3 L’opération Condor en Amérique du Sud
14° Que la Révolution cubaine est l’avant-garde du mouvement Qu’est-ce que l’«opération Condor» ? C’est un vaste plan de ré-
anti-impérialiste latino-américain […] pression continental mis en place par les dictatures latino-amé-
Extraits du texte final de la conférence de La Havane 10 avril 1967. Texte approuvé ricaines dans les années 1970-1980. […] C’est la découverte,
par 27 délégations.
par hasard, fin décembre 1992, de deux tonnes d’archives de
la dictature Stroessner dans un commissariat de Lambaré, dans
CUBA la banlieue d’Asunción (Paraguay), qui a permis de reconstituer
RÉPUBLIQUE
DOMINICAINE 4 La guerre froide en
Amérique du Sud. les activités criminelles de ce réseau international. […]
1965 Dès la conférence panaméricaine de Chapultepec, au Mexique,
1981-1986 en février 1945, les États-Unis mettent en garde les militaires
PANAMA
GRENADE
sud-américains contre le communisme. Dans cette perspec-
1983
1989 tive, des accords bilatéraux d’assistance militaire seront effec-
1987 tivement signés en 1951. […] La révolution castriste, en 1959,
GUATEMALA
COLOMBIE précipite évidemment le mouvement vers une «défense conti-
nentale contre le communisme». […] Ainsi naissent les Confé-
rences des armées américaines (CEA). Tenues chaque année
à Fort Amador (Panamá), puis à West Point à partir de 1964.
Lors de sa réunion du 19 au 26 octobre 1975 à Montevideo, la
BRÉSIL
PÉROU
CEA approuve l’organisation d’une «première réunion de travail
BOLIVIE du renseignement national», préparée par le colonel Contre-
ras, qui se tient à Santiago du Chili, du 25 novembre au 1er
décembre 1975. La proposition principale du colonel Contreras
1987
porte sur la création d’un fichier continental, «quelque chose,
CHILI dans ses lignes générales, de semblable à ce qu’a Interpol à
Paris, mais spécialisé dans la subversion». L’opération Condor,
version chilienne, est née. […] Une phase très secrète de l’opé-
ration Condor concerne la formation d’équipes spéciales venant
1973 des pays membres, impliquées dans des opérations qui incluent
ARGENTINE
des assassinats contre des terroristes ou des sympathisants
d’organisations terroristes. […] On s’en prend à n’importe qui.
Assassinats, disparitions, les exécuteurs latino-américains n’ont
plus de frontières. […]
Formellement, Condor disparaît dans les jungles de l’Amé-
Réalisation : S. Coté rique centrale quand les États-Unis au milieu des années 80
reprennent en main la lutte contre le Nicaragua sandiniste.
Régime militaire dans les années 70
Plus simplement, la fin de la guerre froide et la somme de ses
Pays ayant connu un régime d’inspiration communiste excès lui portent un coup fatal. Même si l’opération elle-même
Guérilla marxiste-léniniste
ne concerne que quelques dizaines ou quelques centaines de
victimes ciblées, le bilan général de la répression pour le seul
Intervention militaire américaine 1983 Date1983
intervention cône Sud, durant cette période, est d’environ 50 000 assassi-
nés, 35 000 disparus et 400 000 prisonniers.
Coup d’État soutenu par la CIA 1987 Date intervention Pierre Abramovici, «opération Condor», cauchemar de l’Amérique latine, Le
Monde diplomatique, 2001

Questions
1. Présentez les formes et la nature politique de la 4. Pourquoi les Chiliens soutiennent-ils Allende ? Quelle
contestation antiaméricaine en Amérique du Sud (doc 4). est la réaction américaine ? Montrez que ce coup d’État
2. Quel but poursuit la conférence de la Havane ? Quel est un bon exemple de l’interventionnisme américain en
Exercices

État joue un rôle essentiel ? Quel homme tentera de Amérique latine (docs 5 et 6).
transformer ce rêve en réalité (docs 1 et 7) ? 5. Comparez vos précédentes réponses avec l’Afrique.
3. Présentez Henri Kissinger. Qu’est-ce qui lui fait peur ? Est-elle aussi un enjeu de la guerre froide (docs 8 à 10) ?
Analysez les moyens mis en place en Amérique du Sud
pour juguler ce danger (docs 2 et 3).

42 Chapitre 2 : guerre froide et relations internationales


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CORBIS HORACIO OLIVARES

6 Fuite de Salvador Allende le 11 septembre 1973 pendant


le coup d’État d’Augusto Pinochet subventionné par la CIA.
James N. Wallace
Allende se suicide pour ne pas être fait prisonnier.
5 Manifestation de soutien à Allende. Le 4 septembre 1970,
Salvador Allende, soutenu par une coalition de partis de
gauche, arrive en tête aux élections. Il tente de mettre en Réalisation : S. Coté

place un État socialiste de façon non violente et légale.


MAROC
Il préconise l’augmentation des salaires, des mesures
LIBYE
sociales et des nationalisations à grande échelle. Fidel Algérie
Égypte
Castro vient en visite au Chili en 1971. La situation écono-
mique se dégrade, des groupes radicaux se constituent.
Mali
Les manifestations de l’opposition et des soutiens à Al- Mauritanie
(1960-1991) Niger Tchad
Soudan

lende se succèdent. Sénégal


Burkina Faso Somalie
Guinée-Bissau (1983-1987) (1969-1977)
Nigéria
(1958-1984) Bénin Éthiopie
Cameroun (1977-1991)
Côte- (1974-1990)
d’Ivoire Centre Afrique

CUBA
OCÉAN Congo
Congo OCÉAN
Démocratique Kénya

(1963-1991)
ATLANTIQUE INDIEN
Tanzanie
(1975-1988)
Angola
CUBA Zambie
Malawi

Mozambique
Zimbabwe
Madagascar
Namibie (1975-1993)
Botswana

Afrique CUBA
du
Sud

Régime ayant été sous influence communiste Allié pro-occidental

(1975-1988) Régime marxiste Soutien de Cuba

Zone d’influence de l’Afrique du Sud


Intervention d’un État arabe

7 Ernesto Che Guevara. Il participe à la révolution cubaine, Zone de conflit militaire

avant de s’en séparer et de partir pour l’Afrique et la Bolivie,


afin d’étendre la révolution marxiste. Il est arrêté et exécuté 8 La guerre froide en Afrique.
en 1967 en Bolivie.

AFP

AFP
10 Raúl Castro, Fidel Castro et Mengistu Haile Mariam. En
Exercices

9 Des soldats du mouvement nationaliste angolais UNITA 1974, des révolutionnaires renversent l’empereur Haïlé
défilent, en 1975, quelques jours après la proclamation de Sélassié. Mengistu exerce rapidement une domination
l’indépendance de l’Angola au détriment du Portugal. Ce absolue sur la vie politique éthiopienne et impose le socia-
mouvement entre en guerre avec le Mouvement populaire lisme. Il doit alors faire face à la guerre civile, la guerre
de libération de l’Angola (MPLA) qui a pris le pouvoir avec d’indépendance de l’Érythrée et un conflit armé avec la
le soutien des Cubains et de l’URSS. Somalie.

Chapitre 2 : guerre froide et relations internationales 43


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Étude de cas
Les révoltes arabes de 2011
Réalisation : S. Coté Depuis 2011 le Moyen-Orient
1 Les révoltes dans le monde arabe en 2011.
est destabilisé par des ré-
Mars 2011
voltes contre les régimes dic-
Déc. 2010
tatoriaux en place. C’est un
Déc. 2010 Ben Ali exemple des nouveaux conflits
Fév. 2011 Fév. 2011 du XXIe s. qui concernent des
Fév. 2011 Janv. 2011
Kadhafi Janv. 2011 pays anciennement colonisés
Moubarak (voir chapitre 4)
Fév. 2011
Questions
1. D’après le doc 2, pré-
sentez le déclencheur des
Janv. 2011 révoltes arabes.
Saleh
2. Analysez les causes so-
ciales et politiques de la
Changement de régime politique Origine des révoltes arabes révolte (docs 2 et 3).
Ben Ali Changement de dirigeant politique Manifestations sporadiques et 3. Montrez l’effet «domi-
mesures sociales pour empêcher les troubles
no» des révoltes arabes.
Guerre civile liée au « printemps arabe » Guerres avec conséquences régionales fortes Quelles sont les consé-
quences (docs 1 et 4) ?
3 Corruption et brutalité dans le monde arabe
Le monde arabe a été ébranlé, fin 2010 et début 2011, par des
révoltes des sociétés contre les régimes autoritaires [...]. Une
notion est particulièrement mise en avant depuis 2011 dans
les slogans des révoltes des sociétés arabes contre l’autori-
tarisme, celle de dignité (karama), à côté des questions de
liberté (huriyya) et de niveau de vie (pain, ‘esh). [...]
Dans les régimes autoritaires, la police est un instrument d’ad-
ministration (de gouvernance), un bras autoritaire du pouvoir
directement et largement impliqué au quotidien. [...] Brutalité
et corruption massive accompagnent ce contrôle du quotidien,
dessinant une spécificité du monde arabe dans la brutalisation
des relations sociales. [...]
Le personnage éponyme des révoltes arabes, Mohammed
Bouazizi, s’immole par le feu dans la petite ville de Sidi Bouzid
devant le siège du gouvernorat, en protestation contre les hu-
miliations policières répétées et la confiscation de son matériel
de vente qui lui permet de survivre. [...] Les revendications des International Mine Action Centre

premières manifestations dans les petites villes périphériques 4 Un blindé de l’armée russe dans les ruines d’Alep, le 21
de Syrie (Deraa, Douma, etc…) sont des demandes immé- décembre 2016. Le mouvement de contestation modéré
diates concrètes de desserrement de l’emprise sécuritaire et est brutalement réprimé par le régime et se transforme en
de la corruption sur la vie quotidienne. conflit armé. Le conflit se radicalise, entrainant l’interven-
Philippe Droz-Vincent, «Pouvoirs dans la ville et révoltes arabes en 2011», tion de pays extérieurs et une destabilisation de l’ensemble
Confluences Méditerranée, 2013/2 (N° 85). de la région.

2 A l’origine des révoltes arabes


Sur la route qui relie Gafsa à Kairouan, c’est d’ici qu’est partie bachelier en 2003, avait accepté le métier de vendeur ambulant
l’onde de choc qui embrase le pays depuis plus de trois semaines. pour aider les siens. «Il aurait voulu continuer ses études, pré-
Le 17 décembre 2010, Mohamed Bouazizi, 26 ans, vendeur am- cise Basma. Mais ce n’était pas possible.» [...]
bulant, s’est immolé par le feu devant le siège de la préfecture, Au début des années 1970, l’Etat tunisien avait décidé de [...]
après avoir été giflé par une policière de la municipalité. [...] transformer Sidi Bouzid en modèle et en bastion du pouvoir. Au
La mort de ce jeune dont la famille est installée depuis toujours fil des ans, la surexploitation des terres, le pompage excessif de
sur le flanc sud du gouvernorat, a d’abord déclenché des heurts la nappe phréatique et la forte natalité qui perdure ici comme
dans les villes et villages alentour. Puis elle s’est répandue dans toutes les régions rurales du pays ont peu à peu paupérisé
Exercices

comme un appel à la révolte dans d’autres régions. A l’écart du des familles. La scolarisation des jeunes a été encouragée par
centre-ville aux ruelles étroites, sales, aux façades délabrées, le les autorités, jusqu’au baccalauréat et au-delà, mais pour quels
quartier Ennour-Gharbi, où vivait Mohamed Bouazizi, a tout d’un emplois ?
bidonville. Les revenus incertains de ceux qui travaillent n’as- Adnane Ben Yahmed, «Retour à Sidi Bouzid, où le suicide de Mohamed Bouazizi
surent plus les besoins des familles nombreuses. [...] Mohamed, a déclenché les troubles», Le Monde, 12 janvier 2011.

44 Chapitre 2 : guerre froide et relations internationales


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Chapitre Guerre froide et


­relations internationales
2
1 La bipolarisation du monde en 1959. OCÉAN GlACIAL ARCTIQUE

OCÉAN

PACIFIQUE
OCÉAN

OCÉAN

OCÉAN

ATLANTIQUE

PACIFIQUE
INDIEN

Bloc de l’ouest Bloc de l’est


Pays membres de l’OTAN Pays membres du Pacte de Varsovie
Autres alliés des USA Autres alliés de l’URSS
0 2 000 km Territoires colonisés par Autres
un pays occidental Non-alignés Réalisation : S. Coté

La guerre froide est une guerre idéolo-


gique entre deux modèles de sociétés
mais aussi une rivalité de deux puissances
aspirant à une hégémonie mondiale, cha-
cune étant convaincue du bien fondé de
son entreprise.
Cette guerre est un conflit inédit parce
que chaque Grand évite l’affrontement
militaire direct mais mobilise tous les
moyens (du hard power au soft power)
pour élargir son influence et limiter celle
de l’autre.
Cours

2 Un film humouristique de S. Kubrick sur la guerre froide et ses risques. Voir


p. 140.

Chapitre 2 : guerre froide et relations internationales 45


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I La bipolarisation du monde 1 Le long télégramme


Il ne peut y avoir aucune coexistence pacifique per-
manente. [...] Les États-Unis peuvent résoudre le
problème et cela, sans avoir recours à un conflit mi-
litaire généralisé. Le pouvoir soviétique, contraire-
1 La «doctrine Truman» et le plan Marshall ment à l’Allemagne hitlérienne, n’est ni schématique
ni aventuriste. Il ne fonctionne pas sur des plans
préétablis. Il ne prend pas de risques inutiles. Insen-
Potsdam tout juste terminé, les avancées politiques et territo-
sible à la logique de la raison, il est extrêmement
riales soviétiques vers les mers chaudes deviennent l’obses- sensible à la logique de la force. Pour cette raison, il
sion des Américains. George Kennan, ambassadeur à Mos- peut facilement battre en retraite – et il le fait géné-
cou, dans un long télégramme de 8000 mots, dénonce les ralement lorsqu’il se heurte à une forte résistance.
menées soviétiques et appelle à la résistance. En mars 1946, George Kennan, Le long télégramme, février 1946

Churchill nourrit les craintes dans son discours prononcé à


l’Université de Fulton dans le Missouri. Il dénonce le «rideau
de fer» qui vient de s’abattre sur l’Europe de l’Est de «Stettin
à Trieste».
En 1946, trois pays semblent particulièrement menacés :
- L’Iran est occupée conjointement pendant la guerre par
les alliés. L’URSS soutient le séparatisme des provinces du
Nord (Azéris et Kurdes). Les Américains répondent à l’appel
du Shah et l’URSS doit évacuer ses troupes.
- La Turquie où l’URSS réclame le contrôle des détroits.
- La Grèce ravagée par une guerre civile opposant monar- Leslie Gilbert Illingworth. Daily Mail 1946

chistes et communistes. 2 La bipolarisation du monde en 1949.


Les Américains annoncent la nécessité du containment
(l’endiguement). Cette politique, surnommée doctrine Tru-
man, est annoncée par le président américain en mars 1947. Dons et prêts bancaires

Il demande au Congrès le vote de crédits afin d’aider la Tur- en dollars

quie et la Grèce contre la subversion communiste.


États-Unis
Ce discours débouche sur plusieurs décisions pratiques : OECE

- les gouvernements européens de l’Ouest se débarrassent Achats de produits


en dollars

de leurs ministres communistes (Belgique, Italie, France) ; Investissement


dans l’appareil de production
Produits américains

- la création de la CIA (Central Intelligence Agency), pour Réalisation : S. Coté

soutenir les anti-communistes dans le monde ; 3 Le fonctionnement du plan Marshall.


- la signature du Pacte de Rio avec l’Amérique latine (pacte de
défense commune) ;
- le plan Marshall (secrétaire d’État américain) annoncé en
juin 1947.
Le plan Marshall est la manifestation de la «diplomatie du
dollar», destiné à restaurer la prospérité afin de priver les
communistes d’arguments de propagande. Il s’agit d’un plan
d’aide matérielle et financière de 4 ans destiné à tous les pays
d’Europe qui en feraient la demande (y compris l’Allemagne,
les pays occupés par l’Armée rouge et l’URSS). Charge à
eux de s’entendre sur sa répartition. Le projet est assorti de
conditions d’achats de produits américains, ce qui permet aux
­États-­Unis d’assurer chez eux le plein emploi, de contrôler
les économies européennes et de favoriser l’unification euro-
péenne.
Finalement, seuls les pays occidentaux acceptent l’offre. La
Tchécoslovaquie est obligée de la refuser sous la pression
soviétique. Les 17 pays qui acceptent les 12 milliards de dol-
Cours

lars créent l’OECE (Organisation européenne de coopération Schlesinger, Josef, 1951.

économique) future OCDE. 4 Staline et Gottwald. Sur le document est écrit :


«Avec l’Union soviétique pour toujours !».

46 Chapitre 2 : guerre froide et relations internationales


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2 La réaction soviétique : la «doctrine Jdanov»


Climat électoral Résultats des élections
Pas de troubles Moins de 33 %
Campagne troublée Entre 33 % et 50 %
janv. 1947
Violence généralisée
En octobre 1947, à l’initiative du PCUS, a lieu en Pologne
Plus de 66 %
Trucages une réunion des responsables des différents partis commu-
mai 1946 AD nistes européens, y compris italiens et français, autour des
août 1947
soviétiques Malenkov et Jdanov.
nov. 1946 MER NOIRE
Cette conférence définit la nouvelle orientation de la politique
0ct. 1946
stalinienne et la vision du monde selon les communistes. Le
nov. 1946
monde est divisé en deux camps irréconciliables. Le neu-
tralisme est condamnable. Toutes les forces anti-impérialistes
déc. 1945
Réalisation : S. Coté doivent se regrouper derrière l’URSS comme dans un camp
1 Le déroulement des élections en Europe de retranché. Le plan Marshall, qui vient d’être annoncé par les
l’Est après la guerre. Américains, est alors perçu comme une manœuvre destinée à
préparer une guerre de conquête contre l’URSS.
Pour coordonner l’action des partis communistes et leur dic-
ter une vision commune est créé le Kominform (bureau d’in-
formation communiste), sorte de résurrection du Komintern
dissout en 1943.
Désormais, avec la doctrine Truman et le plan Marshall contre
la doctrine Jdanov, chaque État doit choisir son camp. Deux
blocs hostiles se forment et s’affrontent. L’ONU est paraly-
sée par le système du veto. Le monde vit dans la crainte d’un
nouveau conflit mondial et s’installe dans la «guerre froide».

3 Les premiers feux : le coup de Prague (février 1948)


La Tchécoslovaquie reste, début 1948, le dernier régime
parlementaire de l’Est de l’Europe avec un gouvernement
de coalition socialo-communiste. Les communistes ont rem-
porté 38 % des voix aux élections libres de juin 1946. Mais
le gouvernement se divise sur l’offre du plan Marshall. Il
est refusé sur la pression de Moscou après avoir été accepté
dans un premier temps. Le PC tchécoslovaque rompt alors
Krokodil, 1948 son alliance avec les «partis bourgeois» et organise des mani-
2 Caricature soviétique contre le plan Marshall. festations de masse, ce qui pousse les ministres modérés à
la démission en février 1948. Le vieux président de la Ré-
publique, Edvard Beneš, malade, finit par nommer un minis-
tère presque uniquement composé de communistes. Le
ministre des Affaires étrangères, Jan Masaryk, non-commu-
niste, est quant à lui retrouvé mort quinze jours plus tard. En
mai, de nouvelles élections donnent 89,3 % des voix au PC.
En juin, Beneš démissionne et c’est le communiste Klement
Gottwald qui devient président à sa place.
Les Occidentaux dénoncent cette affaire comme un véritable
coup d’État. L’URSS parachève ainsi son glacis est-européen.

Un coup de chaud, le blocus de Berlin (juin 48 -


4 mai 49)
Le 24 juin 1948, Staline décide de bloquer les voies d’ac-
cès terrestres à Berlin-Ouest à travers la zone d’occupation
soviétique. En effet, les Occidentaux ont décidé de relever
économiquement l’Allemagne pour éviter une révolution com-
muniste. Ils cessent de collaborer avec les Soviétiques pour
Cours

la gestion de leurs zones d’occupation. Elles sont unifiées et


Leslie Gilbert Illingworth. Daily Mail 1948 ils créent un nouveau Mark. Pour les Soviétiques, les accords
3 Caricature américaine défendant le plan Marshall. de Potsdam sont ­rompus.

Chapitre 2 : guerre froide et relations internationales 47


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Le blocus menace Berlin d’asphyxie mais les Américains or-


ganisent la riposte occidentale. Un pont aérien gigantesque
est organisé pour acheminer tous les vivres nécessaires aux
2 millions de Berlinois et aux garnisons (1,7 million de tonnes
transportées, 212 000 vols, un atterrissage toutes les 60 se-
condes). Après 322 jours de blocage, en mai 1949, Staline finit
par céder et lève partiellement le blocus. Une seule autoroute
et une seule voie ferrée sous contrôle soviétique permettent
de se rendre à Berlin-Ouest. Cette crise constitue la première
épreuve de force entre les deux Grands, qui aurait pu dégéné-
rer en conflit si les Américains avaient tenté de rompre le blo-
cus terrestre ou si les Soviétiques avaient abattu un avion US.
Moscou doit donc se résigner à la reconstitution d’une Al- Keystone

1 Le blocus de Berlin provoqué par l’Union so-


lemagne dans le secteur occidental, la RFA (République fé- viétique a pour conséquence une pénurie de
dérale d’Allemagne - BRD) avec pour chancelier un ancien vivres, ce qui oblige la population berlinoise à
résistant à Hitler, Konrad Adenauer, en mai 1949. La zone cultiver ses propres fruits et légumes.
d’occupation soviétique se constitue peu après en République
démocratique allemande (RDA ou DDR), sur le modèle des
autres démocraties populaires.
Staline, qui veut alors une Europe communiste entièrement à
sa botte, va épurer les partis communistes de l’Est. Il renforce
le contrôle sur les économies des démocraties populaires en
créant le CAEM (Conseil d’assistance économique mutuelle)
ou COMECON, en 1949. Les économies est-européennes sont
placées sous la dépendance soviétique (planification, spéciali-
sation) et sont coupées du marché mondial.
Dans le même temps, les Occidentaux s’unissent en signant,
en avril 1949, le traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Les
États-Unis installent alors des bases dotées de l’arme ato-
mique partout en Europe : c’est le «parapluie nucléaire
américain». En réaction, l’URSS officialise l’alliance militaire
avec les pays de l’Est en 1955, lors de la signature du pacte
de Varsovie. 2 Berlin airlift. Us Army

Une guerre chaude : la guerre de Corée (1950-


5 1953)
N’ayant pas réussi à étendre davantage son influence en Eu-
rope, l’URSS pousse ses feux en Asie, où le terrain semble
plus propice en raison des moindres liens avec l’Occident. Les
métropoles coloniales y sont en plus affaiblies.
La victoire des communistes en Chine en 1949 bouleverse
l’échiquier asiatique. En février 1950, un «traité d’assistance
et d’amitié mutuelles» est conclu entre la République popu-
Grande Bretagne
laire de Chine (RPC) et l’URSS. 630 000
RDA URSS
En Corée, ancienne colonie japonaise indépendante depuis RFA Pologne 1 250 000
Danemark
1945, comme en Allemagne, la guerre froide a donné nais- Bénélux
Tchécoslovaquie
1 270 000
sance à deux États séparés par le 38e parallèle. Au Nord, 777 000
France Hongrie
l’URSS installe une dictature communiste dirigée par Kim Il 720 000 Roumanie
Sung. Au Sud, règne une dictature pro-occidentale dirigée par Bulgarie
560 000
Syngman Rhee. Italie
360 00
Grèce - Turquie
Le 25 juin 1950, à l’instigation probable de Staline, les troupes 520 000
nord-coréennes franchissent le 38e parallèle et marchent
sur Séoul. L’agression d’un pays membre est aussitôt condam- Réalisation : S. Coté
Cours

née par l’ONU et Truman profite d’une erreur de l’URSS qui re- 3 OTAN et pacte de Varsovie avec leurs effectifs
en Europe en 1959.
fuse de siéger au Conseil de sécurité tant que le siège chinois

48 Chapitre 2 : guerre froide et relations internationales


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ne sera pas attribué à la RPC, pour faire intervenir des troupes


internationales de 17 pays sous mandat de l’ONU.
En fait, les soldats sont essentiellement américains et com-
OCÉAN
PACIFIQUE
ANZUS
mandés par le Général MacArthur. Ce dernier rétablit la si-
Organisation des
États américains
Accords bilatéraux
tuation avant d’être lui-même mis en difficulté par l’intervention
de 700 000 «volontaires» Chinois. MacArthur, qui veut utili-
ser la bombe atomique contre la Chine, est alors désavoué
OCÉAN
GLACIAL
ARCTIQUE

par Truman et remplacé par le général Ridgway en 1951.


OTASE

Le conflit s’enlise encore deux ans avant l’aboutissement


OCÉAN
ATLANTIQUE
Pacte de Bagdad
d’un armistice à Panmunjom en juillet 1953. La frontière éta-
OCÉAN
INDIEN
blie est très proche de celle de 1950. La guerre atomique a
Pays dépendant
d’un allié américaine
été évitée mais le bilan humain est effarant : environs 520
0 2500 km 000 sud-coréens (dont 373 000 civils), 300 000 nord-coréens,
Réalisation : S. Coté
200 000 Chinois, 33 000 Américains, le double de blessés ou
1 La pactomanie américaine dans les années 50. de disparus.
À la suite de ce conflit, des alliances étroites sont nouées
avec les Philippines, le Japon, l’Australie et la Nouvelle-Zé-
lande. C’est la «pactomanie», au nom de la stratégie d’endi-
guement du communisme.

II La coexistence pacifique
1 Le XXe congrès du PCUS : la destalinisation
2 La coexistence pacifique selon Brejnev Staline meurt le 3 mars 1953. Krouchtchev s’impose alors
Si nous dénonçons la politique d’agression de à la tête de l’État et, dès le XXe congrès du PCUS en 1956
l’impérialisme, nous maintenons fermement notre les crimes de Staline sont dénoncés. Khrouchtchev préco-
orientation en faveur de la coexistence pacifique des
États aux régimes sociaux différents. Cela signifie nise un changement de politique extérieure d’autant plus que
que l’Union soviétique, considérant la coexistence l’équilibre de la terreur rend impossible la guerre.
des États aux régimes sociaux différents comme
Khrouchtchev parle de coexistence pacifique dans son rap-
une forme de la lutte de classe entre le socialisme et
le capitalisme, se prononce en même temps d’une port. Chaque puissance possède son territoire d’influence, et
manière conséquente pour le maintien de relations chaque puissance ne doit pas en sortir. Chacune est ensuite
normales et pacifiques avec les pays capitalistes, libre de gérer sa zone à sa guise. C’est un moyen pour l’URSS
pour le règlement des questions litigieuses entre de rattraper son retard au plan économique afin de dépas-
États par voie de négociations et non pas au moyen
de la guerre. L’Union soviétique ne cesse de prô-
ser les USA.

2
ner la non-ingérence dans les affaires intérieures de
tous les États, le respect de leurs droits souverains
Des changements dans les relations internationales
et l’inviolabilité de leur territoire.
Il va de soi qu’il ne peut y avoir de coexistence paci-
Khrouchtchev annonce un nouveau style. Sans abandon-
fique là où il s’agit de processus internes de la lutte ner la compétition avec les États-Unis, il la réoriente vers des
de classe et de libération nationale dans les pays terrains plus «pacifiques». C’est le temps de la compétition
capitalistes ou dans les colonies. Le principe de la scientifique. Les soviétiques sont en avance dans le domaine
coexistence pacifique est inapplicable aux rapports
spatial avec l’envoi du premier satellite, Spoutnik, en 1957 et
entre les oppresseurs et les opprimés, entre les co-
lonialistes et les victimes du joug colonial. Gagarine en 1961, premier homme dans l’espace. La compé-
En ce qui concerne les rapports (entre États de tition est aussi d’ordre économique ou d’ordre sportif.
l’U.R.S.S.) avec les pays capitalistes, nous ne nous L’URSS renoue aussi avec la Yougoslavie (en 1955) et établit
bornons pas à souhaiter que ces rapports soient pa-
cifiques. Nous voulons aussi qu’ils comportent des
des liens avec la RFA (BRD). Khrouchtchev entreprend des
liens réciproquement avantageux les plus larges voyages à l’Ouest et part à la rencontre des chefs d’États
possibles dans les domaines de l’économie, de la occidentaux (Eisenhower, de Gaulle). Le changement s’accé-
science et de la culture. lère avec Kennedy, prêt à reconsidérer la stratégie militaire
L. Brejnev, rapport au XXIIIe Congrès du PCUS (Mars 1966).
des États-Unis. Il annonce l’adoption de la stratégie de la «dis-
suasion graduée» : elle vise à proportionner la riposte à la
Cours

menace, cela dans le but d’éviter l’entrée immédiate dans une


guerre nucléaire totale.

Chapitre 2 : guerre froide et relations internationales 49


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Mais chacun reste le maître chez soi : l’insur-


3 rection de Budapest et la crise de Suez
Au début, la Pologne entretient l’espoir. Les anti-staliniens
portent à la tête du PC Władysław Gomulka, mais ce der-
nier entend rester fidèle à Moscou et au pacte de Varsovie.
Khrouchtchev le confirme dans ses fonctions.
En Hongrie, les événements sont beaucoup plus drama-
tiques car ce ne sont pas seulement les staliniens qui sont
S. Coté
remis en cause mais la toute puissance du PC et la fidélité à
1 À Berlin, pour saluer l’exploit de Spoutnik le
Moscou. Les nouveaux dirigeants rétablissent en effet la plu- restaurant «Moscou», le meilleur restaurant de
ralité des partis, annoncent la sortie du pacte de Varsovie la zone soviétique, expose en haut d’un mat le
et le Premier ministre Imre Nagy forme un gouvernement qui ­satellite.
ne compte que deux ministres communistes sur dix. Moscou
réagit avec vigueur et envoie en novembre 1956 les chars
de l’Armée rouge occuper Budapest. Il faudra une semaine
et environ 3000 morts pour réprimer l’insurrection populaire
qui soutenait Nagy.
De l’autre côté de la Méditerranée, la crise de Suez montre
que ce sont les deux Grands qui mènent la politique interna-
tionale. Les anciennes puissances sont reléguées au rang de
puissances moyennes.
La crise est liée aux ambitions du colonel Nasser, chef d’État
de l’Égypte depuis 1954, qui souhaite devenir le leader du pa-
narabisme. Les Américains refusant de financer ses projets,
AFP

2 Gamal Abdel Nasser (1918-1970) : Sorti sous-


il espère trouver des ressources financières en nationalisant, lieutenant en 1938, il est indigné par l’intervention
en octobre 1956, le canal de Suez, exploité par une compa- de l’armée britannique en 1942 pour forcer le roi
gnie franco-britannique. Farouk à renvoyer son Premier ministre. L’indé-
pendance de l’Égypte apparaît comme une pure
La France, le Royaume-Uni et Israël - auquel Nasser fiction. Nasser profite des circonstances pour
comptait interdire toute navigation par le canal - interviennent renforcer l’Association clandestine des officiers
militairement mais sans l’accord ni le soutien des États-Unis, libres et il est profondément marqué par la ques-
qui vont même condamner leurs alliés à l’ONU. Ces derniers tion palestinienne. Cette affaire révèle le puis-
sant courant de solidarité unissant les peuples
ne veulent pas mécontenter les pays arabes. En revanche, arabes. Profondément humiliés par sa défaite
l’URSS soutient l’entreprise de Nasser et menace Londres et contre Israël, les officiers égyptiens se sentent
Paris de représailles atomiques. assez forts pour s’emparer du pouvoir en 1952.
Nasser tente alors d’unir tous les Arabes en une
Finalement, Français et Anglais évacuent. Les «Casques seule nation, sans tenir compte des frontières
bleus» s’interposent entre Israël et l’Égypte. Nasser triomphe étatiques. C’est le Panarabisme. Sa volonté est
politiquement ainsi que l’URSS qui peut se prétendre défen- de libérer les peuples dominés par l’Occident, en
seur des petites puissances contre l’impérialisme. Elle fournit particulier les nations frères du Maghreb. Une
des manifestations pratique est la nationalisation
alors des armes à l’Égypte et s’implante en Syrie.
du canal de Suez laquelle entraîne l’intervention
de la France et de l’Angleterre. Il soutient les
nationalistes algériens. . D’après Larousse
3 Imre Nagy (1896-1958) est d’origine
paysanne. Durant la Première Guerre
mondiale, il adhère, en Russie, au com-
munisme et participe à la guerre civile.
De retour en Hongrie, il repart en exil
en URSS dans les années 30 et
échappe aux grandes purges sta-
liniennes. Il revient en Hongrie à la
fin de la Seconde Guerre mondiale
et joue un rôle actif dans la formation
de la République populaire de Hon-
grie. Il accède au pouvoir en 1953, à
la place de Rákosi, dans le cadre de la
déstalinisation. Il préconise une «nou-
Cours

velle voie» politique. Après avoir été Michael Rougier


écarté du pouvoir, il revient en 1956. Il Combats armés dans les rues de Budapest en
est arrêté et exécuté en 1958. 4
1956.

50 Chapitre 2 : guerre froide et relations internationales


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Et les tensions persistent : le mur de Berlin et


4 la crise des missiles de Cuba
Malgré son annonce de coexistence pacifique, Khrouchtchev
va tenter par deux fois de rompre le statu quo et de tester la
détermination des États-Unis.
En novembre 1958, Khrouchtchev relance brutalement la
question de Berlin. Il dénonce le statut quadripartite et dé-
clare que Berlin-Ouest doit être annexée par la RDA (DDR)
ou internationalisée sous contrôle de l’ONU. Il pose un ultima-
tum de six mois après lequel le contrôle des voies d’accès à
Berlin-Ouest sera confié à la RDA, qui empêchera désormais
S. Coté
ses ressortissants de passer librement à l’Ouest. Plus de trois
1 Mémorial aux victimes du mur de Berlin. 140 millions d’Allemands de l’Est, jeunes et qualifiés, ont fui
personnes moururent accidentellement ou depuis 1949.
furent abattues en tentant de passer ce mur.
La crise trouve finalement une «solution» qui scandalise le
«monde libre». Dans la nuit du 12 au 13 août 1961, un mur
est construit entre les deux zones. La RDA a réussi à stopper
son émigration sauvage mais le prix politique est très lourd. Le
système communiste est perçu comme un échec.
Biographies
La crise des fusées de Cuba est d’une toute autre ampleur
Nikita Sergueïevitch Khrouchtchev (1894-
1971) : Fils de paysan, Khrouchtchev devient
et fait figure de «bras de fer» qui a fait trembler le monde.
forgeron avant de gravir, durant la révolution Depuis 1898, l’île de Cuba est officiellement indépendante
bolchevique, les échelons du parti. Soutien mais en réalité sous dépendance économique des États-Unis
de Staline, il participe aux purges, en parti- ,qui y possèdent aussi la base militaire de Guantánamo. Sur
culier en Ukraine. Pendant la Seconde Guerre cette île, depuis 1952, un jeune avocat, Fidel Castro mène
mondiale, il joue le rôle d’intermédiaire une lutte armée contre le régime du dictateur F. Batista, qu’il
entre Staline et les généraux et participe ac- finit par remporter début janvier 1959.
tivement à la bataille de Stalingrad. Après la
guerre, proche conseiller de Staline, il rem- Castro cherche à dégager Cuba de l’emprise économique
porte à la mort du despote en 1953, la lutte américaine et à sortir son pays de la misère. Il nationalise et
d’influence entre les membres du ­Præsidium distribue les terres aux petits paysans. Il se rapproche peu à
du Comité central. Décidé à améliorer la peu de l’URSS. En juillet 1960, un proche de Castro, Ernesto
vie du peuple, il prend de nombreuses me- «Che» Guevara annonce que Cuba «fait désormais partie du
sures qui sont souvent inefficaces. À la suite camp socialiste».
du fiasco de la crise des missiles en 1962,
Khrouchtchev est écarté du pouvoir par ses
Les États-Unis réagissent par un blocus économique de
camarades au profit de Brejnev. Il meurt l’île puis aident des exilés anti-castristes à reprendre le pou-
d’une crise cardiaque en 1971. voir par la force. L’opération de la Baie des Cochons en avril
Léonid Ilitch Brejnev (1906-1982) : Fils de 1961 est un échec pour Kennedy, nouvellement arrivé au pou-
métallurgiste, il est diplômé en métallurgie. voir. Castro en tire un grand prestige.
Bénéficiant du vide laissé par les purges de À la mi-octobre 1962, les services américains publient des
Staline, il monte rapidement dans l’organisa- photos qui prouvent la construction par les Soviétiques de
tion du parti sous la protection de Khroucht- rampes de lancement de missiles de moyenne portée qui
chev. Fidèle soutien, il devient en 1960 le
menacent le territoire des États-Unis. La marine américaine
Président du Præsidium du Soviet suprême.
Mais les choses changent en 1962 : en raison installe un blocus autour de l’île pour arraisonner tout navire
des échecs de la politique de Khrouchtchev et soviétique porteur de missiles. Le monde tremble et craint une
de son caractère imprévisible, Brejnev et ses Troisième Guerre mondiale.
alliés, le 14 octobre 1964, le renversent. Le Khrouchtchev finit par céder. Les bateaux soviétiques
nouveau premier Secrétaire du Parti étouffe font demi-tour et les bases seront démantelées. En échange,
les timides tentatives de libéralisation de
l’URSS obtient le retrait des missiles des bases américaines
son prédécesseur. Le culte de la personnalité
prend une nouvelle ampleur. L’appareil poli-
en Turquie et la promesse des États-Unis de ne pas envahir
tique vieillit au même rythme que le pays qui Cuba.
s’enfonce dans la crise économique. Il meurt La crise des missiles confère à Kennedy un prestige excep-
en 1982 alors que l’URSS est enlisée dans la tionnel. C’est un échec pour Khrouchtchev qui sera bien-
guerre en Afghanistan. tôt mis sur la touche par le PCUS. Cette crise fait prendre
Cours

conscience aux deux Grands du danger atomique.

Chapitre 2 : guerre froide et relations internationales 51


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III La détente
1 Des gestes de bonne volonté

La détente marque un moment de rupture avec les périodes


précédentes. Les gestes de bonne volonté se multiplient
entre les dirigeants. Les décisions pratiques sont réelles et
effectives. Des tensions persistent mais les conflits situés à la
marge des deux blocs ne remettent pas en cause l’équilibre
mondial.
1 Caricature de Leslie Illingworth dans le Daily
La crise de Cuba a été le signal d’alarme obligeant les deux Mail le 29 octobre 1962. Elle illustre l’équilibre
Grands à réagir. Leurs forces s’équilibrent, ils ne peuvent de la terreur.
pas l’emporter l’un sur l’autre et jouer avec la dissuasion
nucléaire comme avec une arme conventionnelle. Kennedy
et Khrouchtchev décident de s’entendre pour éviter une nou-
velle crise grave. Une ligne directe, exactement un télétrans-
cripteur qui prend le nom de «téléphone rouge», est installé
entre Washington et Moscou. La communication directe entre
les deux dirigeants est assurée.
De même, les Américains abandonnent la doctrine des «re-
présailles massives» pour adopter celle de la «riposte gra-
duée». En cas d’attaque nucléaire, les États-Unis répondront
avec une intensité équivalente, au lieu d’utiliser tout leur arse-
nal nucléaire.
De même, en 1963 avec le traité de Moscou, les essais nu-
cléaires atmosphériques sont interdits. Les essais souterrains
restent autorisés. Ces gestes de bonne volonté ne remettent
pas en cause l’équilibre de la terreur. Mais ce sont les révé-
lateurs d’une nouvelle ambiance dans la nature des relations
2 La vision d’un caricaturiste français, Plantu.
internationales.

2 Les accords de désarmement

La détente est une paix armée. Que ce soit Kennedy et


Khrouchtchev et ensuite Nixon et Brejnev, les dirigeants
passent d’un équilibre sauvage à un équilibre organisé de
la terreur.
Un des symboles sont les accords SALT (Stratégic Arms
Limitation Talks). Le but est de freiner la course à l’armement
qui coûte cher et ne sert à rien stratégiquement.
Lors des accords SALT I en mai 1972, le nombre de missiles
stratégiques est limité. Le traité ABM (Anti-Missile Balistiques)
prévoit la limitation des missiles anti-missiles. Aucun Grand ne
doit se sentir à l’abri en cas de guerre nucléaire.
Les accords SALT II en 1979 vont plus loin. Un plafond pré-
cis de bombardiers et de lance-missiles tolérés est défini, ce
qui implique la destruction du surnombre.
Cette pause dans les tensions est nécessaire à l’URSS pour
rattraper son retard économique. D’autant plus qu’à l’intérieur
de chaque camp l’autorité, des deux Grands est contestée.
Cours

3 Caricature de Bill Sanders sur le contrôle des


armes publiée en 1973.

52 Chapitre 2 : guerre froide et relations internationales


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Biographies 3 Le sommet de la détente : la conférence d’Helsinki


Ernesto «Che» Guevara (1928-1967) : Né en
Argentine d’une famille bourgeoise, méde- En 1973, les tensions autour de Berlin s’atténuent, ce qui per-
cin, il découvre l’ampleur de la misère des met l’ouverture de la «Conférence sur la sécurité et la coo-
Sud-Américains lors de ses voyages et il par- pération en Europe» à laquelle participent 33 États d’Europe
ticipe à la révolution cubaine. Au pouvoir, il ainsi que les États-Unis et le Canada. Elle s’achève en 1975
pousse au durcissement du régime dans le sur les accords d’Helsinki, considérés comme le point culmi-
domaine économique et politique. Il prend nant de la détente, écartant le danger de guerre en Europe.
le surnom de «petit boucher de la Cabaña»
après les exécutions dans cette prison. En dé- Ces derniers comprennent trois volets :
saccord avec Castro et inquiet de l’influence - Confirmation de la situation territoriale issue de la Se-
soviétique, il quitte Cuba pour le Congo et conde Guerre mondiale en Europe. Les risques de guerre
la Bolivie. Le 9 octobre 1967, l’armée boli- ayant pour origine les contestations de frontières, s’éloignent
vienne aidée par la CIA l’arrête et l’exécute. mais en même temps la conférence entérine les annexions
Le «Che» conserve, aujourd’hui encore, soviétiques (pays baltes). Ce chapitre exclut le recours à la
l’image du révolutionnaire romantique.
force en cas de conflit.
Augusto Pinochet (1915-2006) : Pinochet
commence très jeune sa carrière politique. Il
- Développement de la coopération économique, tech-
double sa formation par des études de droit. nique et culturelle entre signataires.
Lorsqu’Allende devient président, il paraît - Engagement pour tous les signataires à respecter les
au premier abord soutenir le régime en droits de l’homme et les libertés fondamentales (expres-
condamnant toute action militaire ; Allende sion, association, religion…). Les Occidentaux fondent beau-
le nomme alors commandant en chef de l’ar- coup d’espoir sur cette dernière partie pour que puisse s’en-
mée. Pourtant, il participe au coup d’État
gager une certaine libéralisation à l’Est.
de 1973. Il prend petit à petit la tête de la
junte militaire et impose une dictature mili-
taire sanglante. Les critiques internationales 4 Mais les crises persistent : le Viêt Nam
et la résistance intérieure restent fortes, ce
qui l’oblige en 1988 à organiser la transition La guerre du Viêt Nam s’engage à la suite de la guerre d’In-
démocratique. Il meurt en 2006 sans avoir dochine (Voir cours sur la décolonisation). Les accords de
été jugé.
Genève en 1954 crée le Laos, le Cambodge et le Viêt Nam.
Ce dernier est divisé en deux parties autour du 17e parallèle.
Le traité prévoyait une réunification, mais les autorités du
Sud, soutenues par les Américains, refusent de les appliquer.
Dès 1959, les troubles éclatent, menés par le Front National
de Libération (les Viêt Congs). La guerilla est intense et Ken-
nedy décide d’aider Saïgon. C’est l’engrenage.
Au début, 17 000 «conseillers militaires» sont envoyés dans
le sud. En 1964, le successeur de Kennedy, L. B. Johnson,
envoie directement les Marines. En 1967, il y a 500 000 sol-
dats américains engagés dans le conflit. Plus grave : le Nord
Viêt Nam est intensivement bombardé. Malgré tout, ni le FNL
ni Hanoï ne plient. Les Viêt Congs répondent à la technologie
américaine par des moyens archaïques. Le Sud reste approvi-
sionné par le Nord grâce à la piste Ho Chi Minh qui passe par
le Cambodge. En février 1968, les Viêt Congs lancent l’offen-
sive du Têt et s’attaquent à l’ambassade américaine. L’offen-
sive est un échec militaire mais un succès politique.
En effet, les États-Unis perdent la guerre des images. La
disproportion des moyens militaires contre des paysans tout
juste armés choque l’opinion publique américaine et interna-
tionale. L’usage du napalm, des bombes à fragmentation, de
défoliants comme l’agent orange obligent à se poser des
questions sur le bien-fondé de la guerre. D’autant plus que
des scandales éclatent, notamment après le massacre de la
population civile à My Lai en mars 1968.
Cours

La guerre révèle les fractures de la société américaine. Les


1 Bill Sanders dénonce en mai 1975 la guerre jeunes issus de milieux aisés refusent d’aller combattre.
d’Indochine et la guerre du Viêt Nam.
En 1967, 100 à 200 000 personnes manifestent à New York.

Chapitre 2 : guerre froide et relations internationales 53


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Les campus américains s’agitent en particulier à l’université 1 Le dernier discours de S. Allende


de Columbia.
Le Peuple doit être vigilant, il ne doit pas se lais-
Face à un tel gâchis, le président Nixon est obligé de né- ser provoquer, ni massacrer, mais il doit défendre
gocier. Un lent désengagement s’amorce avec la montée en ses acquis. Il doit défendre le droit de construire
avec son propre travail une vie digne et meilleure. À
puissance de l’armée sud vietnamienne. Alors que les com-
propos de ceux qui ont soi-disant «autoproclamé»
bats et les bombardements n’ont pas faibli, le 23 janvier 1973 la démocratie, ils ont incité la révolte, et ont d’une
sont signés à Paris des accords pour la cessation de la façon insensée et douteuse mené le Chili dans le
guerre et le rétablissement de la paix. Deux ans plus tard, gouffre. Dans l’intérêt suprême du Peuple, au nom
le 30 avril 1975, l’armée nord vietamiene entrent à Saï- de la patrie, je vous exhorte à garder l’espoir. L’His-
toire ne s’arrête pas, ni avec la répression, ni avec le
gon. Le communisme s’installe au Laos et au Cambodge. Le crime. C’est une étape à franchir, un moment diffi-
containment en Indochine est ub échec. cile. Il est possible qu’ils nous écrasent, mais l’avenir
appartiendra au Peuple, aux travailleurs. L’humanité
5 Un tiers monde qui ne connaît pas la paix avance vers la conquête d’une vie meilleure.
S. Allende, Radio Magallanes, 11 septembre 1973

Les conflits périphériques dans le reste du monde ne dispa-


raissent pas, en Amérique latine surtout. Avec la bienveil- Révisions
lance de Cuba, de nombreuses guerillas se développent. Une Vocabulaire : long télégramme - rideau de
conférence a lieu en 1967 à la Havane pour soutenir l’en- fer - containment/endiguement - doctrine
semble des mouvements révolutionnaires. Une des icônes les Truman - plan Marshall - diplomatie du dollar
plus connues est Che Guevara, qui tente de mener la révo- - OECE - doctrine Jdanov - Kominform - coup
lution en Afrique et en Amérique du Sud avant d’être arrêté et de Prague - Gottwald - blocus de Berlin - Mark
- Konrad Adenauer - guerre de Corée - Gé-
exécuté en Bolivie en 1967.
néral MacArthur - la pactomanie - Khroucht-
Un des épisodes les plus symptomatiques est le Chili. Le chev - déstalinisation - coexistence pacifique
pays a une industrie solide mais les inégalités sociales - Spoutnik - Gagarine - Gomulka - Imre Nagy
sont criantes. Le système agricole est très inégalitaire avec de - insurrection de Budapest - Crise de Suez -
vastes latifundia. Salvador Allende, un socialiste réformateur Nasser - panarabisme - le mur de Berlin - la
apparaît alors en sauveur. Face à un candidat de droite quasi crise des fusées de Cuba - Fidel Castro - Er-
nesto «Che» Guevara - blocus économique -
sénile, il gagne les élections présidentielles en 1970. Mais les
la détente - le «téléphone rouge» - riposte
Américains ne peuvent admettre une telle situation : ce serait graduée - traité de Moscou - SALT I et II - ABM
un signal négatif pour l’ensemble de l’Amérique du Sud. D’au- - les accords d’Helsinki - guerre du Viêt Nam
tant plus que Allende nationalise quelques secteurs-clés et - Théorie des dominos - Salvador Allende - Au-
augmente les salaires. En réaction, la CIA agit pour destabili- gusto Pinochet - l’opération Condor.
ser le régime. Allende se rapproche alors de Cuba. Notions : Quels sont les facteurs de la bipo-
La situation devient chaotique. Le11 septembre 1973, l’ar- larisation du monde ?
mée assiège le palais présidentiel. Allende se suicide. Au- Comment les communistes prennent-ils le
gusto Pinochet prend le pouvoir. 40 000 personnes sont em- pouvoir en Tchécoslovaquie ?
Pourquoi Staline instaure-t-il le blocus de Berlin ?
prisonnées dans le stade national et des milliers d’opposants
Comment les Américains évitent-ils la guerre ?
sont assassinés ou disparaissent. Pourquoi la guerre de Corée éclate-t-elle ? Quelles
Pour empêcher tout nouvel épisode à la chilienne et main- sont les étapes et le bilan de cette guerre ?
tenir les dictatures militaires, les services secrets du Chili, Pourquoi Khrouchtchev lance-t-il la desta-
de l’Argentine, de la Bolivie, du Brésil, du Paraguay et de linisation ? Quelles sont les conséquences
l’Uruguay se concertent pour mener une campagne commune internationales ?
Quelles sont les manifestations pratiques de
d’assassinat et de lutte anti-guerilla contre les opposants aux
la coexistence pacifique ?
régimes en place. Il s’agit de l’opération Condor. Organisée
Comment interpréter au plan international
dans le plus grand secret, l’opération donne lieu à de nom- l’insurrection de Budapest et la crise de Suez ?
breuses exécutions sommaires et disparitions. La politique du En quoi la crise de Berlin et la crise des fu-
containment est une «réussite» avec l’extinction de tous les sées à Cuba sont-elles d’une dimension diffé-
points de révolte. rente des précédentes crises ?
L’Afrique est aussi le lieu de l’affrontement Est-Ouest. Les En quoi la détente diffère-t-elle de la période
précédente ? Quelles sont les avancées ?
communistes prennent le pouvoir au Mozambique à la suite
Quelles sont les nouveautés des accords SALT ?
de la guerre coloniale portugaise. En Angola, le régime com- Pourquoi les accords d’Helsinki diffèrent-ils
muniste est soutenu par Cuba contre la guerilla financée par des autres accords ?
l’Afrique du Sud. En 1974, en Éthiopie éclate aussi une révo- En quoi la guerre du Viêt Nam révèle-t-elle
lution. Le négus, Haïlé Sélassié, souverain de la plus ancienne les faiblesses américaines ?
Cours

monarchie au monde, est déposé et arrêté. Des réformes Comment la concurrence entre les deux
d’inspiration soviétique sont menées. L’URSS fournit aussi de Grands s’expriment-elle en Amérique latine
nombreux techniciens aux États qui en formulent la demande. et en Afrique ?

54 Chapitre 2 : guerre froide et relations internationales


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De l’Histoire à Mde
De la fin on la guerre
Chapitre
Histoire Personnelle
froide à nos jours
3
1

Reuters

2
La fin du XXe s. est
marqué tout à la
fois par la dispa-
rition du bloc de
l’Est et la logique
bipolaire ; et la
réapparition d’ac-
teurs multiformes
bouleversant les
relations interna-
tionales d’après-
guerre.
Exercices

Inconnu

Chapitre 3 : la fin de la guerre froide 55


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I De la guerre fraîche à la disparition de l’URSS


1 L’Amérique en plein doute

100
Dollars 2003
Dollars courant
80

60

AFP/UPI
40

1 Le 4 novembre 1979 des «étudiants islamiques» prennent d’assaut


l’ambassade américaine et font prisonnier le personnel. 20

0
72 74 76 78 80 82 84 86 88 90
Sources : OFSE, dormstream. Réalisation : S. Coté

4 Les chocs pétroliers de 1973 et 1979. Après


l’augmentation du prix du pétrole, les écono-
mies occidentales entrent en crise. Celle-ci est
d’autant plus forte que le Japon concurrence les
produits occidentaux.

Iassen Donov

2 En avril 1980, le président J. Carter lance l’opération Eagle Claw


pour libérer les otages. C’est un lamentable échec. Les hélicoptères
tombent en panne ou s’écrasent au sol dans le désert. Les otages
sont libérés après négociation en 1981.

En milliards de dollars Déficit Dette Intérêt sur la dette


1980 59.6 914.3 52.5
1983 195.4 1 381.9 87.8
1985 202.8 1 823.1 129
3 En plus du manque de compétitivité des produits industriels améri-
cains, au tournant des années 80, les États-Unis, qui étaient les plus
gros créanciers du monde, deviennent le plus grand débiteur. P. Ken-
nedy, le déclin (relatif) de l’Amérique, Politique étrangère, 1987.
Exercices

Questions
Inconnu

D’après l’ensemble des docs, identifiez les facteurs qui montrent 5 Le 1er février 1979, l’Ayatollah Khomeyni revient
un recul de l’Amérique politiquement et ­économiquement au en Iran et prend le pouvoir. Il chasse du pays le
tournant des années 80. shah d’Iran, allié des États-Unis

56 Chapitre 3 : la fin de la guerre froide


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2 L’URSS en pleine expansion

Questions URSS
1. Présentez la situation géostratégique de
l’URSS durant les années 70 (doc 6). Mazar-
e-Charif
2. En quoi la guerre d’Afghanistan montre-t-elle Panchir

l’irrésistible expansion de l’URSS ? Quelle est la ré-


action américaine et internationale (docs 3 et 5) ? Kaboul
Herat
3. Comparez l’armement soviétique et celui des Inde
3 060 000
moudjahidines (docs 1 et 2). réfugiés
4. Réalisez un bilan de cette guerre. Est-elle une 3 250 000
Iran réfugiés
victoire ou un symbole de l’affaiblissement de
l’URSS (docs 1 et 4) ? Argumentez. Kandahar Pakistan

Réalisation : S. Coté

Points d’entrée des forces soviétiques Axes de communications principaux

Zones d’occupation soviétique Entrée de l’aide militaire

Zones sous contrôle afghane Fuite de la population civile

Principales zones d’action des résistants Aide américaine au Pakistan

4 Invasion et occupation de l’Afghanistan de 1979 à 1989.

5 La «doctrine Carter»
[L’invasion de l’Afghanistan par l’URSS] exige une réflexion minu-
1 Les troupes soviétiques lors de leur retraite en tieuse, des nerfs stables et une action résolue [...]. Elle exige des ef-
1988. forts collectifs pour faire face à cette nouvelle menace pour la sécurité
dans le golfe Persique et en Asie du Sud-Ouest. [...] Nous devons faire
appel au meilleur de ce qui est en nous pour préserver la sécurité de
cette région cruciale. Soyons absolument clairs : toute tentative exté-
rieure de prendre le contrôle de la région du golfe Persique par toute
force extérieure sera considérée comme une atteinte aux intérêts
vitaux des États-Unis d’Amérique, et une telle attaque sera repoussée
par tous les moyens nécessaires, y compris la force militaire.
J. Carter, discours sur l’état de l’Union, 23 janvier 1980

6 La stratégie d’expansion de l’URSS brejnévienne


Au cours des années 70, l’URSS, mettant en pratique une stratégie
expansionniste de caractère offensif, a remporté des succès impor-
tants dans différentes parties du monde. On a toutes les raisons de
dire que c’était l’«âge d’or» de la politique extérieure soviétique. En
2 Les moudjahidines pendant la guerre d’Afghanistan. voici les manifestations essentielles :
1) Une puissance équivalente à celle des États-Unis. [...]
3) Un élargissement plus accentué de ses sphères d’influence. [...] En
1980, 67 pays en voie de développement recevaient une aide écono-
mique de l’URSS, 54 pays acceptaient une aide militaire et douze pays
du tiers-monde avaient signé avec elle un traité d’amitié et de paix.
4) Des progrès importants dans ses dispositions stratégiques globales.
L’URSS a non seulement renforcé ses forces armées en Europe mais
aussi resserré son encerclement des flancs de l’Europe. Elle a, par ail-
leurs, augmenté sa présence militaire tant en Méditérrannée que dans
l’océan Indien, renforcé sa flotte du Pacifique et s’est accaparé le droit
d’utilisation de 40 bases navales et aériennes dans des pays riverains,
reliant ainsi les champs de batailles stratégiques de l’Est et de l’Ouest.
Exercices

Parallèlement, le niveau de vie du peuple s’éleva significativement.


AP PHOTO
Alors que durant les années 70 les crises économiques se succé-
daient, l’une après l’autre, dans le monde occidental, et que le tiers-
3 Ouverture des Jeux olympiques de Moscou en
monde se débattait dans d’incessants troubles et agitations,
1980. Les États-Unis suivis de 64 nations boycottent
Li Jing-Lie, «La politique extérieure de l’URSS après Brejnev», Études internationales, 1985
les Jeux pour dénoncer l’invasion en Afghanistan.

Chapitre 3 : la fin de la guerre froide 57


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3 «L’empire contre-attaque»

3 Caricature de Ferreira dans le Républicain Lor-


1 Ronald Reagan lors de son discours «America is back». rain lors des élections américaines de 1980.

Questions 4 L’erreur de Carter


1. Pourquoi le film Star Wars illustre-t-il le désarroi de Je voudrais vous dire quelques mots au sujet du président Car-
l’Amérique à la fin des années 70 ? Présentez les valeurs ter. À mon avis ses échecs tiennent au fait qu’il a voulu être
qui doivent nourrir la Renaissance américaine (doc 5). trop bon, et qu’il a pensé qu’il suffisait d’être bon pour que les
autres le soient également.
2. Que reproche Nixon au président Carter (doc 4) ?
Comme si le désarmement unilatéral avait jamais pu dissuader
3. Analysez le doc 2. Comment le nouveau président un agresseur potentiel ! Avec le président Reagan, les choses
américain, Ronald Reagan, appelle-t-il l’URSS ? Pour- sont différentes. Tout d’abord, nous allons entrer à nouveau
quoi l’Amérique est-elle différente (docs 2 et 3) ? dans la course aux armements à laquelle nous avions cessé
4. Quelle doit être l’attitude de l’Amérique à l’égard de participer. Le président a clairement fait connaître aux So-
de l’URSS selon Nixon et Reagan (docs 2 à 4) ? viétiques sa volonté de mettre fin à cette course aux arme-
ments mais il a ajouté que si l’URSS ne se rangeait pas à cette
position et décidait de poursuivre la compétition, alors l’Amé-
rique y participerait elle aussi, et la gagnerait. Cette victoire est
inéluctable, car l’Ouest dans son ensemble produit cinq fois
2 Ronald Reagan, «America is back» plus que le bloc soviétique. Et cela, l’URSS le sait parfaitement.
Dans cet extrait, Ronald Reagan, président américain de 1981 Il me semble qu’un président américain fort, soutenu par des
à 1989, tient un discours très offensif à l’encontre de tous ceux alliés déterminés, peut aujourd’hui remettre les négociations
qui voudraient remettre en cause la supériorité militaire mais avec le Kremlin sur la bonne voie.
également morale des États-Unis. Il s’attaque frontalement à Interview de Richard Nixon, dans Politique internationale n°11, printemps 1981
l’URSS et au communisme.
Nous ne mettrons jamais en péril nos principes et nos critères
moraux. […] Nous n’abandonnerons jamais notre croyance en
Dieu. […] La vérité, c’est que nous devons rechercher et trou-
ver la paix par la force.
L’Histoire nous apprend que prendre nos désirs pour des réa-
lités et rechercher naïvement la conciliation avec nos adver-
saires n’est que folie. Cette attitude reviendrait à trahir notre
passé et à dilapider notre liberté. En conséquence, je vous en-
courage à vous élever contre ceux qui chercheraient à placer
les États-Unis dans une position d’infériorité militaire et morale.
Et, lorsque vous débattez des propositions de gel nucléaire, je
vous exhorte à vous défier de la tentation de l’orgueil, de cette
tentation qui consisterait à vous décréter allégrement au-des-
sus de la bataille, à décider que les deux camps sont égale-
ment coupables, à ignorer les faits de l’Histoire et les pulsions
agressives de l’Empire du Mal, à vous contenter de dire que la
course aux armements n’est qu’un vaste malentendu et par là
même à vous soustraire au combat entre le juste et le faux, le
bien et le mal. […] Je crois que nous relèverons le défi. Je crois
que le communisme n’est qu’un chapitre supplémentaire, triste
et bizarre, de notre Histoire dont les dernières pages sont en
Exercices

train de s’écrire sous nos yeux. Je le crois parce que la force 5 En 1977 sort le premier volet (soit la 4e partie) de la série
de notre quête, celle de la liberté humaine, n’est pas matérielle Star Wars réalisé par George Lucas. Un héros jeune et
mais spirituelle. inexpérimenté, Luke Skywalker, doit lutter contre de fu-
R. Reagan, discours d’Orlando devant la convention annuelle de l’Association nestes puissances obscures grâce à sa seule force inté-
nationale des évangélistes, 8 mars 1983.. rieure et inébranlable, nourrie par ses valeurs de liberté.

58 Chapitre 3 : la fin de la guerre froide


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4 Le retour de l’Amérique sur la scène internationale

MER
4 Reagan lance le projet IDS, la Guerre des étoiles
DU

NORD
Le sujet dont je veux discuter avec vous concerne la paix et
la sécurité nationale […]. J’ai pris une décision qui offre un
OCÉAN
MANCHE nouvel espoir à nos enfants du XXIe siècle. […]Au début de
ATLANTIQUE
cette année, j’ai présenté au Congrès un budget de […] pour
MER NOIRE protéger notre peuple dans les années à venir. […] La politique
de défense des États-Unis repose sur un principe simple : les
États-Unis ne commencent pas à se battre. Nous ne serons
jamais un agresseur. […]
MER MÉDITERRANÉE Réalisation : S. Coté
Depuis 20 ans, l’Union soviétique accumule une énorme puis-
Membres de l’OTAN et alliés Membres du pacte de Varsovie sance militaire. […] Après la consultation approfondie de mes
Localisation des Pershing 2 Localisation des SS 20
conseillers, y compris les chefs d’état-major, je pense qu’il y
Portée des Pershing 2 Portée des SS 20
a un moyen pour d’offrir une stabilité véritablement durable.
1 Dès 1977, les Soviétiques installent des missile nucléaires Permettez-moi de partager avec vous ma vision d’espoir de
SS-20 de moyenne portée. En réaction, dès 1979, les l’avenir. […] Et si les personnes libres pouvaient vivre en sa-
États-Unis, par le biais de l’OTAN, décident de position- chant que leur sécurité repose sur notre capacité à intercepter
ner principalement en RFA des missiles Pershing II. et détruire des missiles balistiques stratégiques avant qu’ils
n’atteignent notre propre sol ou celui de nos alliés ?
Je sais que c’est une tâche technique formidable, qui ne sera
peut-être pas accomplie avant la fin du siècle. […] L’Amérique
possède - maintenant - les technologies nécessaires pour
améliorer de manière très significative l’efficacité de nos forces
conventionnelles non nucléaires. […] J’invite la communauté
scientifique de notre pays, à ceux qui nous ont donné l’arme
nucléaire, à se tourner maintenant vers la cause de l’humanité
et la paix dans le monde, pour nous donner les moyens de
rendre ces armes nucléaires impuissantes et obsolètes.
Ronald Reagan,allocution à la nation sur la défense et la sécurité nationale, 23
mars 1983

Belga Photo / Images Globe

2 Le 23 avril 1983, près de 10 000 manifestants disent non à


l’installation de missiles nucléaires américains sur la base
aérienne de Florennes en Belgique. Les manifestants
s’opposent à l’installation des euromissiles avec, entre
autres slogans : «plutôt rouges que morts !»

Satellite de Satellite
Satellite avec
surveillance avec laser
mirroir relais
Canon
électromagnétique
TSgt. M. J. Creen, USMC

5 En 1979, un régime pro-cubain s’installe sur l’île de la Grenade.


Le 25 octobre 1983, les États-Unis et leurs alliés caribéens
Avion Satellite de débarquent sur l’île et renversent le gouvernement en place.
d’interception Sous-marin surveillance
Laser au sol Missile
URSS Réalisation : S. Coté

3 La «Guerre des étoiles». Le projet américain


n’aboutira jamais. Mais du côté de l’URSS, le pays
tente de relever le défi américain. Il se lance dans
une folle course aux armements, ce qui finira par
l’épuiser financièrement et économiquement.

Questions
1. À l’aide de l’exemple de la crise des euromissiles,
montrez que l’Europe reste le principal enjeu de la
«guerre fraîche» (docs 1 et 2).
Exercices

Congrès américain
2. Présentez le projet IDS et ses conséquences. Justi-
fiez le terme de «Guerre des étoiles». 6 Oliver North, lieutenant-colonel, lors de l’enquête du
congrès en 1987 à la suite de l’irangate. De hauts respon-
3. Analysez les autres interventions américaines dans les sables américains sont soupçonnés d’organiser un trafic
années 80. En quoi illustrent-elles la volonté de R. Rea- d’armes vers l’Iran sous embargo. Leur but : financer les
gan de lutter contre le communisme (docs 5 et 6) ? Contras - la guérilla anticommuniste - au Nicaragua.

Chapitre 3 : la fin de la guerre froide 59


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5 La réforme impossible de l’URSS

1 Le poids du complexe militaro-industriel en URSS 4 Alexandre Soljenitsyne (1918-


2008) est le plus célèbre des dissi-
Les activités de Défense absorbent en URSS de 75 à 80 % du
dents de l’ère Brejnev. Condamné
budget total consacré à la recherche et au développement, et
en 1945 à 8 ans de bagne pour
traduisent donc une puissante militarisation de la science. [...]
avoir critiqué Staline, il est libéré
La défense administre plus de cent cinquante grandes entre-
en 1953 et réhabilité en 1957 par
prises et arsenaux. [...]
Khrouchtchev. Ce dernier le laisse
Le secteur de Défense bénéficie d’une priorité absolue dans publier en 1962 Une journée d’Ivan
l’allocation des ressources matérielles, de travail, et managé- Denissovitch. Mais Soljenitsyne
riales. [...] Les conditions matérielles des travailleurs du com- devient de nouveau la cible du ré-
plexe militaro-industriel sont supérieures en termes de salaires, gime lorsqu’il publie à l’étranger, en
de primes, et de logements. 1973, l’Archipel du goulag. Arrêté
L’économie soviétique est donc une économie «cloisonnée» : Inconnu en 1974, il perd la citoyenneté so-
un domaine privilégié (la Défense) fonctionne au détriment du viétique. Il est expulsé et s’installe
reste, négligé et désavantagé. Le budget de la défense sovié- aux États-Unis.
tique absorbe de 15 à 18 % du PIB en 1988. La politique ex-
pansionniste de Brejnev a accentué ce poids. L’augmentation
des dépenses d’armement dépasse le taux de croissance éco-
nomique réduisant par là même l’investissement civil.
Thierry Malleret, Murielle Delaporte : «L’Armée rouge face à la Perestroïka. Le
système militaire soviétique à l’heure de Gorbatchev», 1991

2 L’état réel de l’URSS en 1986


Confidentiel. Au Comité central.
Magasin n° I de l’arrondissement de Kountsevo. agence TASS

On note un fort manque de bonnes chaussures d’hiver. Durant 5 Le politburo en 1980 ou la gérontocratie soviétique. Entre
les grands froids, on ne pouvait trouver que des sandalettes 1974 et 1980, l’âge moyen des membres du Politburo
d’été. Ce magasin offre un exemple typique du manque chro- passe de 65 ans à 70,1 ans.
nique de tissus à la mode. Les tons des étoffes proposées sont
pâles, sombres, et même repoussants, comme l’a remarqué
une acheteuse. Devant nous, les acheteurs critiquèrent ceux
qui produisent de tels produits et nous demandèrent s’il n’était
pas possible de contraindre le producteur à tenir compte des
6 Tchernobyl révèle les faiblesses de l’URSS
goûts du client. Le personnel du magasin attira notre attention
sur le manque de régularité des livraisons. Le plus souvent, il 21 février 1979. Confidentiel. Au Comité central.
arrive que rien ne soit vendu durant les dix ou vingt premiers Selon les informations dont dispose le KGB, les unités menant
jours du mois, puis c’est un véritable branle-bas de combat du- les travaux du bloc n° 2 de la centrale atomique de Tchernobyl
rant la dernière semaine. Les produits ne partent pas à temps ne respectent aucune des normes des technologies de mon-
des entrepôts. Soit à cause de la mauvaise organisation, soit tage et de construction définies dans le cahier des charges.
par manque de transport. Le tout peut conduire à des incidents techniques ayant des
Rapport d’inspection d’Andreï Gromyko, président du Soviet suprême, sur la conséquences mortelles. Les piliers de la carcasse de la salle
situation du commerce de la ville de Moscou (janvier 1986). Archives d’État de des machines sont montés avec des écarts de 100 mm dans
Russie en histoire contemporaine.
certains cas, les liaisons horizontales entre les piliers sont
absentes. Les plaques préfabriquées sont montées avec des
écarts de 150 mm […]. L’endommagement de l’isolation hy-
draulique rend possible une inondation de la centrale s’il y a
montée d’eaux souterraines, et peut ainsi conduire à des déga-
gements radioactifs dans l’environnement […].
Cent soixante-dix personnes ont été victimes d’accidents du
travail à la suite du non-respect des normes de sécurité pour
1989 URSS USA les trois premiers trimestres de 1978. Ceci représente une
PIB 2.65 billions de $ 5.23 billions de $ perte de 3 666 journées de travail.
Population 290 millions 250 millions Communiqué à seule fin d’information, Le président du KGB,
Exercices

I. V. Andropov.
PIB par habitant 9.2 $ par habitant 21 $ par habitant
rapport du KGB sur les défauts dans la construction de la centrale nucléaire de
(en millier) Tchernobyl
Population active 152 millions 125 millions La centrale nucléaire de Tchernobyl explose le 26 avril 1986.
En cause, un dysfonctionnement structurel complété d’une
3 Comparaison économique de l’URSS et des USA en 1989. mauvaise utilisation des systèmes de sécurité par le personnel.
Source : 1990 CIA World in Wikipedia.

60 Chapitre 3 : la fin de la guerre froide


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7 Comprendre la glasnost
La glasnost (гласность) : «publicité des débats» en russe,
traditionnellement traduit par «transparence». Introduite par
Mikhaïl Gorbatchev en URSS en 1985, Il s’agit d’une politique
de liberté d’expression et de la publication d’informations.
Le but de Gorbatchev fut en partie de mettre la pression sur
les conservateurs du parti qui étaient opposés à sa politique
de restructuration économique (la perestroïka). La glasnost
donna de nouvelles libertés au peuple, comme la liberté d’ex-
pression, ce qui signifiait un changement important puisque
le contrôle des idées avait été une partie centrale du système
soviétique. Des milliers de prisonniers politiques et beaucoup
de dissidents furent également libérés. D’autre part, la glas-
nost va entraîner des manifestations massives ainsi que le
début des grèves.
Wikipédia

8 La Perestroïka selon Gorbatchev Mikhaïl Gorbatchev en 1990. Photo : AFP / VITALY ARMAND

Perestroïka, cela signifie surmonter le processus de stagna- Mikhaïl Sergueïevitch Gorbatchev, né en 1931, devient se-
10
tion, rompre le mécanisme de freinage, créer des systèmes crétaire général du Comité central d’URSS en 1985. Spé-
fiables et efficaces pour accélérer le progrès social et écono- cialisé dans l’agriculture, il est repéré par Andropov, chef
mique et lui donner un plus grand dynamisme. du KGB. A cette époque, ce service de renseignement dili-
Perestroïka signifie aussi initiative de masse. C’est le déve- gente une enquête pour évaluer le PNB réel de l’URSS.
loppement complet de la démocratie, l’autonomie socialiste, Les résultats sont accablants pour le pays. L’Union doit
l’encouragement de l’initiative et des attitudes créatives. C’est se réformer si elle veut rester dans la course. La direction
également davantage d’ordre et de discipline, davantage de vieillissante du Parti communiste, consciente de l’enjeu,
transparence, la critique et l’autocritique dans tous les domaines promeut Gorbatchev pour mener à bien les réformes
de notre société. C’est le respect le plus absolu pour l’individu ­nécessaires.
et la prise en considération de la dignité de la ­personne.
Perestroïka, c’est l’intensification systématique de l’économie
soviétique, le renoncement à une gestion fondée sur l’injonc-
Questions
tion et les méthodes administratives, l’encouragement sans
réserve de l’innovation et de l’esprit d’entreprise socialiste. 1. Analysez les docs 1 à 6. Établissez une liste des dys-
[…] Perestroïka, cela signifie le développement prioritaire du fonctionnements et faiblesses de l’URSS au milieu des
domaine social, avec pour objectif de mieux satisfaire les aspi- années 80.
rations du peuple soviétique à de meilleures conditions d’exis-
2. Présentez Gorbatchev (doc 10). En quoi est-ce un
tence et de travail, à de meilleurs loisirs, à une meilleure édu-
cation et de meilleurs soins médicaux. homme nouveau ?
M. Gorbatchev, Perestroïka, 1987 3. D’après les docs 7 à 8, définissez et expliquez les
principes de la nouvelle politique de Gorbatchev.
4. Identifiez et expliquez les causes de l’échec de ses
réformes (docs 9 et 11).

9 L’échec de la Perestroïka
La première étape des réformes économiques prévoit en 1985
l’accroissement rapide des investissements budgétaires sans
prévoir une réorganisation structurellle. Deux ans plus tard,
durant l’été 1987, confronté à l’échec des mesures, le second
programme économique de la perestroïka était mis en œuvre.
Il était censé combiner les mécanismes traditionnels du sys-
tème planifié et une plus grande indépendance des entre-
prises étatiques. Le maintien de la planification, l’absence de
propriété privée empêchent l’initiative économique et favorisent
l’inflation, les pénuries et les grèves. Ce constat pousse, à la fin
de 1989, au lancement d’un troisième programme qui prévoit
l’instauration d’une économie socialiste de marché. Le renfor-
Exercices

cement des inégalités sociales et l’incapacité des entreprises


à se moderniser pour soutenir la concurrence internationale V. Soloviev/Ukrinform

mènent à l’échec des mesures. 11 Manifestation à Kiev en 1989 avec le drapeau ukrainien et
Vladimir Korovkine, «La réforme économique radicale en Russie : bilan de la des slogans hostiles au pouvoir central : «Le PCUS est un
première étape», Revue d’études comparatives Est-Ouest, 1992. chien enragé».

Chapitre 3 : la fin de la guerre froide 61


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6 La marche vers la paix

1 De la doctrine Brejnev à la doctrine Sinatra 2 Gorbatchev et le désarmement


«L’unité ne signifie pas être identique ou uniforme», déclare La course aux armements, tout comme la guerre nucléaire, est
Mikhaïl Gorbatchev le 2 novembre 1987. «Le socialisme n’a impossible à gagner. Poursuivre une telle course à la surface
pas et ne peut pas avoir de modèle avec lequel tous les pays de la Terre, et l’étendre à l’espace, accélérerait le processus
socialistes se comparent.» Le 6 juillet 1989 à Strasbourg, de- d’accumulation et de modernisation des armes nucléaires […].
vant le Conseil de l’Europe, M. Gorbatchev se fait plus précis. Tous, nous sommes confrontés à l’exigence d’apprendre à
La philosophie de la maison commune européenne «exclut la vivre en paix dans ce monde […] car les conditions aujourd’hui
possibilité de l’usage ou de la menace de l’usage de la force, sont bien différentes de ce qu’elles étaient il y a 40 ans. Le
entre les alliances ou à l’intérieur des alliances». «Toute ingé- temps est venu d’abandonner les visions d’une politique étran-
rence dans les affaires intérieures, toute tentative pour limi- gère influencée par un point de vue impérial. Ni l’Union sovié-
ter la souveraineté d’un autre État, ami ou allié ou autre, est tique ni les États-Unis ne pourront l’imposer aux autres. […]
inadmissible...» La doctrine Brejnev apparaît effectivement Le principe fondamental de la nouvelle approche politique est
morte et remplacée par ce qu’on appellera, en reprenant une simple : la guerre nucléaire ne peut être un moyen de parvenir
expression de G. Guerassi-mov, le porte-parole du ministère à ses objectifs […]. La seule voie vers la sécurité passe par des
des Affaires étrangères, la doctrine Sinatra, en raison de la décisions politiques et par le désarmement.
célèbre chanson de celui-ci, My Way («à chacun sa voie»). La M. Gorbatchev, Perestroïka, 1987.
non-ingérence est ainsi reconnue comme le principe directeur
des relations intersocialistes... Quand Edouard Chevarnadze
affirme, le 23 octobre 1989 devant le Soviet suprême, « l’abso-
lue liberté» des peuples est-européens et nie qu’il y ait crise 3 Le traité de Washington (7 décembre 1987)
dans les rapports entre l’URSS et ses alliés, il donne le signal L’U.R.S.S. et les États-Unis [...] ont convenu de ce qui suit :
de la débandade. Art. I. Conformément aux dispositions du présent traité qui
A. de Tinguy, «Bouleversements à l’Est», Notes et études documentaires, La comporte un mémorandum sur l’entente et des protocoles qui
Documentation française, 1990.
en constituent une partie intégrante, chacune des parties dé-
truit ses missiles à moyenne portée et à plus courte portée, ne
possède plus de telles armes et remplit les autres obligations
exposées dans le présent traité. [...]
Art. VI. Après l’entrée en vigueur du présent traité et par la
suite, aucune des parties ne produit de missiles à moyenne
Questions portée, ne procède aux essais de ces missiles en vol et ne
1. Comparez les docs 1 et 2. Montrez le changement de produit ni les étages, ni les lanceurs de ces missiles ; et ne
doctrine de l’URSS au plan des relations ­internationales. produit de missiles à plus courte portée ; ne procède ni aux
essais en vol, ni aux lancements de ces missiles et ne produit
2. Pourquoi le sommet de Genève en 1987 est-il impor-
aucun étage, aucun lanceur de ces missiles. [...]
tant (doc 4) ?
Art. XI. Afin d’assurer le contrôle de l’application des disposi-
3. Présentez les dispositions du traité de Washington en tions contenues dans le présent traité, chaque partie a le droit
1987. En quoi ce traité va-t-il plus loin que les autres d’effectuer des inspections sur place [...]. Chacune des par-
(doc 3) ? ties a le droit d’effectuer les inspections prévues par le présent
article aussi bien dans les limites du territoire de l’autre partie
que dans les limites des territoires des pays hôtes.

4 Le sommet de Genève
entre Reagan et Gorbat-
chev du 19 au 20 novembre
1985. Reagan dira du sommet :
«Nous abordions ce sommet de
manière réaliste, sans grandes
attentes, mais nous espérions
jeter les bases d’un dialogue
sérieux pour l’avenir». Reagan
déclare à Gorbatchev : «Les
États-Unis et l’Union soviétique
sont les deux plus grands pays
de la planète, les superpuis-
sances. Ils sont les seuls à pou-
voir déclencher une Troisième
Guerre mondiale, mais aussi les
deux seuls pays pouvant appor-
ter la paix dans le monde». La
Exercices

rencontre entre Ronald Rea-


gan et Mikhaïl Gorbatchev à
Genève aboutit à la signature,
deux ans plus tard, du traité
sur l’élimination des missiles à
Ronald Reagan Presidential Library photo moyenne portée.

62 Chapitre 3 : la fin de la guerre froide


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7 La fin du bloc de l’Est

1 «Abattez ce mur !» 3 Le feu vert de l’URSS


Secrétaire général Gorbatchev, si vous cherchez la paix, la Le Kremlin, quelles que soient les raisons qui l’ont amené à
prospérité pour l’Union soviétique et l’Europe de l’Est, si vous agir ainsi, a laissé les régimes communistes est-européens
cherchez la libéralisation, venez ici, à cette porte. Monsieur s’écrouler. Il n’a pas fait appel aux armes pour tenter de blo-
Gorbatchev, ouvrez cette porte. Monsieur Gorbatchev, abattez quer les processus en cours. Ce faisant, il a levé la menace
ce mur ! […] d’une intervention militaire et, avec elle, la peur qui apparem-
Près du Reichstag, on peut lire des mots peints sur le mur, ment faisait tenir tout le système. La disparition de la peur a
peut-être par un jeune Berlinois, des mots qui fournissent la eu un effet libérateur probablement essentiel. Le communisme
réponse à la question allemande : «Ce mur va tomber. Les s’est effondré sous la pression des sociétés. Il s’est désintégré
désirs deviennent des réalités. «Oui, à travers l’Europe, ce mur parce qu’il ne représentait plus rien. Mais cette désintégration,
tombera. Parce qu’il ne peut résister à la foi, il ne peut résister telle qu’elle s’est produite, c’est-à-dire pacifiquement, a été, à
à la vérité. Le mur ne peut résister à la liberté. l’origine, rendue possible par le feu vert de l’URSS.
A. de Tinguy, «Bouleversements à l’Est», Notes et études documentaires, La
Comme beaucoup de présidents avant moi, je viens ici au-
Documentation française, 1990
jourd’hui, car, quoi que je fasse, où que j’aille, ich hab’ noch
ein Koffer in Berlin (j’ai toujours une valise à Berlin 1) […]
Es gibt nur ein Berlin (il n’y a qu’un seul Berlin). Derrière moi
se trouve un mur qui encercle les secteurs libres de cette ville,
qui fait partie d’un vaste système de barrières divisant tout le
continent européen. Depuis le Sud de la Baltique, ces barrières
Réactivation
coupent l’Allemagne avec une balafre de barbelés, de béton et 9-11-1989
de la contestation
de miradors. […]
Tout en poursuivant les négociations sur la réduction des ar-
Chûte du mur
URSS
mements, je m’engage devant vous à maintenir la capacité de
dissuader une agression soviétique, quel que soit le niveau de
cette agression. 
Discours prononcé par le président Ronald Reagan devant la porte de Brande-
bourg, à Berlin, le 12 juin 1987.
17-11-1989

1. Allusion à la formule prononcée 24 ans auparavant par J. F. Kennedy au
lendemain de la construction du mur en référence à une chanson célèbre de
Marlène Dietrich. Ouverture de la 
frontière à l’Ouest
 16-12-1989


10-11-1989

Réalisation : S. Coté

4 L’effondrement des démocraties populaires en Europe de


l’Est.

Franke, Klaus (Archives fédérales allemandes) 5 La chute du mur de Berlin


2 Le 40 anniversaire de la naissance de la RDA, les 6 et 7
e
Le 9 novembre 1989, Günter Schabowski, le porte-parole du
octobre 1989. Tous les dirigeants des républiques popu- Comité central du SED, lit d’une manière détachée le projet de
laires sont présents. Lors des festivités, la foule scande décret du Politburo :
«Gorby, aide-nous !» et Gorbatchev déclare aux dirigeants «Les voyages privés vers l'étranger peuvent être autorisés
politiques : «Ceux qui arrivent trop tard sont punis par l’his- sans présentation de justificatifs — motif du voyage ou lien de
toire». Le chef du PC polonais se penche alors vers lui et famille. Les autorisations seront délivrées sans retard. Une cir-
dit : «C’est la fin !». Il répond : «Oui». culaire en ce sens va être bientôt diffusée. Les départements
de la police populaire responsable des visas et de l'enregistre-
ment du domicile sont mandatés pour accorder sans délai des
Questions autorisations permanentes de voyage, sans que les conditions
actuellement en vigueur n'aient à être remplies. Les voyages
1. Que déclare le président Reagan lors de son discours y compris à durée permanente peuvent se faire à tout poste
du 12 juin 1987 (doc 1) ? frontière avec la RFA.»
2. Quelle est la position de l’URSS à la fin des années 80 Question du journaliste Riccardo Ehrman de l'agence italienne
Exercices

(docs 2 et 3) ? Ansa: «Quand ceci entre-t-il en vigueur ?»


3. Présentez et expliquez les conséquences de cette Schabowski, feuilletant ses notes: «Autant que je sache —
nouvelle position en Europe et en Allemagne (docs 4 immédiatement.»
et 5). Quelques heures plus tard, des milliers d’Allemands de l’Est
se bousculent aux points de contrôle de la frontière de RFA.

Chapitre 3 : la fin de la guerre froide 63


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II Le nouveau cadre des relations internationales


1 La fin de l’URSS

1 Accord de Minsk
Nous, Républiques de Biélorussie, Fédération de Russie et
Ukraine, en tant qu’États fondateurs de l’URSS ayant signé le
traité de l’Union de 1922, [...], constatons que l’URSS en tant
que sujet du droit international et réalité géopolitique n’existe
plus. […] Afin de développer une coopération égale et mutuel-
lement avantageuse entre les peuples et les États, il est décidé
de conclure des accords spéciaux dans le domaine politique,
économique, culturel, de la santé, de la science, du commerce,
de l’environnement et autres.
Les parties ont confirmé la reconnaissance et le respect de
l’intégrité territoriale des États ayant signé l’accord, de l’inviola- Associated Press/Dmitry Belyakov
bilité des frontières existantes, de leur ouverture et de la libre
3 En 1991, la Tchétchénie proclame son indépendance et
circulation des citoyens.
refuse d’intégrer la fédération de Russie. En 1994, l’armée
Les parties ont confirmé leur fidélité aux buts et aux principes de la fédération de Russie pénètre dans la république sépa-
de l’ONU et de l’Acte final d’Helsinki […]. Elles garantissent à ratiste, mais en1996, les forces russes doivent se retirer,
leurs citoyens, indépendamment de leur nationalité, des droits incapables de venir à bout de l’armée tchétchène. Humi-
et libertés égaux, et s’engagent à contribuer à la préservation liée, l’armée russe déclenche une seconde guerre en 1999.
et au développement des traditions culturelles, linguistiques et Après des bombardements intensifs et une population déci-
religieuses des minorités nationales. mée, la capitale Grozny est reprise en février 2000.
Leonid Kravtchouk (président d’Ukraine), Stanislaw Chouchkievitch (président
de Biélorussie) et Boris Eltsine (président de Russie), le 8 décembre 1991.

2 Les accords d’Alma-Ata


Nous [anciennes républiques soviétiques], cherchant à construire Afin d’assurer la stabilité et la sécurité stratégiques internatio-
des États démocratiques régis par le droit, dont les relations se nales, le commandement allié des forces militaires et straté-
développeront sur la base de la reconnaissance mutuelle, du giques et un contrôle unique des armes nucléaires seront pré-
respect de la souveraineté, [...] des principes d’égalité et de non- servés, les parties respecteront leur volonté mutuelle d’obtenir
ingérence dans les affaires intérieures, du rejet du recours à la le statut d’État non nucléaire et/ou neutre. [...]
force, et de toute autre méthode économique ou pression, du Avec la formation de la Communauté des États indépendants,
règlement pacifique des différends et du respect des libertés et l’URSS cesse d’exister [...]. Le Conseil des chefs d’État est l’or-
droits humains, notamment ceux des minorités nationales [...]. gane suprême, au sein duquel tous les États membres du Com-
déclarons : monwealth sont représentés [...]. Le Conseil des chefs d’État
La coopération entre les membres du Commonwealth s’effec- est habilité à examiner les questions prévues par l’accord de
tuera conformément au principe de l’égalité par le biais d’ins- Minsk sur la création d’une Communauté d’États indépendants.
titutions de coordination constituées sur une base paritaire et [...]
fonctionnant de la manière établie par les accords entre les Déclaration signée par 11 dirigeants des anciennes républiques soviétiques, le
21 décembre 1991.
membres du Commonwealth, qui n’est ni un État, ni une struc-
ture de super-État. [...]

4 Les conflits dans l’ex-URSS.


Division Moldavie (Roumains)
Transnistrie (Russes)

Questions
Tensions
Enclaves de Kaliningrad D’après l’ensemble des docs,
Biélorussie
analysez l’évolution de l’URSS
Moldavie
Ukraine
Annexion Crimée
Conflit en Ukraine
et de ses républiques après
Russie 1991. Développez l’exemple de
la ­Tchétchénie.
Conflit en Ossétie
et Abkhazie
2 guerres en
Tchétchénie
Géorgie
Arménie Kazakhstan
Azerbaïdjan
Exercices

Turkmenistan
Conflit du Haut-Karabakh
Arménie-Azerbaïdjan Ouzbékistan Kirghizistan
Tensions
Tadjikistan interethniques
Source : Economist Intelligence Unit, indice de démocratie. Réalisation : S. Coté

Dictature Régime autoritaire Démocratie partielle Démocratie pluraliste

64 Chapitre 3 : la fin de la guerre froide


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2 Le nouvel ordre mondial

1 Un monde privé de sens ? 2 Un monde sans URSS


Pendant la guerre froide, Américains et Soviétiques avaient à L’esprit a peine à imaginer un monde où l’URSS aurait sinon
la fois une puissance matérielle et un projet politique. Les deux disparu, du moins cessé d’exister comme superpuissance,
superpuissances voulaient à la fois expliquer le monde, le do- quand ce ne serait que parce qu’il restera de toute façon
miner et lui assigner des finalités. En d’autres termes, les deux quelque chose de l’énorme force militaire qu’elle a accumu-
principaux pôles de la guerre froide avaient non seulement lée, et notamment de ses stocks d’armes nucléaires. Il n’en est
une prétention au sens, mais aussi les moyens de mettre en pas moins clair qu’il s’écoulera du temps avant que Moscou
œuvre cette prétention. Cette mise à l’épreuve de deux univer- puisse à nouveau déclencher des crises internationales, proté-
salismes concurrents est unique dans l’histoire. Aujourd’hui, le ger des opérations de déstabilisation dans le tiers-monde, ou
sentiment que nous avons d’une perte de sens du monde est même simplement étayer des batailles diplomatiques majeures,
d’autant plus aigu que cela succède à une sorte de summum comme, il y a quelques années, celle des euromissiles. […]
en la matière. […] Personne, y compris les Américains, n’a intérêt à voir le chaos
Dans ce contexte, l’idéologie de la démocratie de marché ne peut s’établir sur un territoire aussi vaste que celui de l’URSS. Il suf-
pas s’imposer, ne peut pas quérir une nouvelle légitimité en soi, fit d’employer le terme de «balkanisation» pour imaginer le prix
même si elle est planétaire. Car elle n’a ni fondement ni finalité. de sang et de ruines dont ne manquerait pas d’être payée son
La démocratie de marché se pense avant tout comme un état pré- extension à l’ex-patrie de l’ex-socialisme. […]
sent ajustable par l’expérience quotidienne. Elle ne se présente D’une manière générale, les gouvernements sont bien plus
pas comme une utopie. La démocratie de marché récuse toute inquiets qu’ils ne veulent le dire de l’écroulement de l’ersatz
idée de transcendance. Elle est le contraire d’un mythe. […] d’ordre dont ils s’étaient, depuis près d’un demi-siècle, conten-
Le paradoxe, c’est que nous assistons à la fois à une fragili- tés. […] Plus la paix se consolidera sur les ruines de la guerre
sation de l’universel et à un fantastique développement de la froide, plus il sera difficile de conserver les blocs nés de la peur
mondialisation. Le sentiment d’appartenir à un monde commun que chacun éprouvait de l’autre. […].
n’entraîne pas le partage d’un sens commun. Le vrai problème André Fontaine, «Un monde sans URSS», Le Monde, 3 mars 1990.
aujourd’hui, c’est donc d’articuler globalisation et universa-
lité. Si la mondialisation est aussi mal vécue, c’est que nous
sommes incapables de lui donner un sens. Pour la première
fois dans l’histoire moderne, nous avons affaire à un processus
historique majeur auquel personne n’est en mesure d’assigner
une signification. C’est cela, la perte de sens.
Zaki Laïdi, chercheur en géopolitique, «Un monde privé de sens ?», Crois-
sance, n° 374, 1994.

Questions
1. Montrez que la disparition de l’URSS bouleverse la
géopolitique mondiale (docs 1 et 2).
2. Présentez le nouvel ordre mondial de G. Bush (docs 3
et 4). Quelle mission doit avoir l’Amérique ?
3. Analysez les risques d’une telle superpuissance
(docs 3 et 5). 3 Le 2 août 1990, l’Irak envahit le Koweït. Les États-Unis, sous
mandat de l’ONU, organisent une vaste coalition de 35 États
et libèrent le Koweït de l’occupation irakienne. Les combats
5 Le nouvel ordre américain, quels risques ? cessent le 28 février 1991. A gauche, le président améri-
A en croire Alain Joxe, le ver serait dans le fruit depuis les cain G. Bush, à terre le président irakien Saddam Hussein.
origines de la Révolution américaine. Cette révolution, qui,
à peine enfantée, a toléré l’esclavage et légitimé la violence
4 Un nouvel ordre mondial ?
individuelle, celle des aventuriers de la «frontière», a pris très
vite un mauvais pli. Les années Reagan ont exacerbé ces tra- Nous avons gagné la guerre. Nous avons libéré un petit pays
vers. De l’invasion de la Grenade au raid sur le Panama, ce du joug de l’agression et de la tyrannie, et nous n’avons rien
sont les mêmes réflexes qu’hier, ceux des freedom fighters, demandé en échange [...]. Maintenant nous rentrons chez
qui dictent aux Américains leur conduite extérieure. Jusqu’ici, nous, fiers, confiants, la tête haute. Nous avons beaucoup à
ils agissaient seuls. Avec la guerre du Golfe, la perspective faire chez nous et à l’étranger, et nous le ferons. Nous sommes
change. Elle démontre l’aptitude des États-Unis à embarquer américains. [...] Notre coalition hors du commun doit à nouveau
le reste du monde dans leurs folles aventures. Pour Alain Joxe œuvrer en commun pour forger un avenir qui ne soit jamais
il faudrait s’en alarmer. [...] plus retenu en otage par le côté le plus sombre de la nature
«Dans l’état actuel de l’économie mondiale, des conflits socio- humaine. [...] Maintenant, nous voyons apparaître un nouvel
économiques généralisés qui sont inévitables dans le tiers- ordre mondial [...]. Un monde où les Nations unies, libérées
monde, il est inacceptable qu’une mécanique de précision aus- de l’impasse de la guerre froide, sont en mesure de réaliser la
si puissante que celle des États-Unis soit codée pour l’entrée vision historique de leurs fondateurs. Un monde dans lequel
en guerre chaque fois qu’une logique politique et militaire hos- la liberté et les droits de l’Homme sont respectés par toutes
les nations [...]. Il y a quelque chose de noble, de majestueux
Exercices

tile surgit au coin d’un bois. Cela nous promettrait un vingt et


unième siècle de guerres incessantes et barbares. Il faut pro- dans cette fierté, ce patriotisme que nous ressentons ce soir.
bablement se préoccuper d’arrêter la machine militaire améri- [...] Le Koweït est libre, les États-Unis et leurs alliés ont réussi
caine, déchaînée par la disparition des Russes, avant qu’elle le premier test de l’après guerre froide sur la voie d’un nouvel
ne broie le tiers-monde, l’Europe et l’Amérique elle-même.» ordre international.
Présentation par le journal Le Monde, du livre de A. Joxe, L’Amérique mercenaire,1992 George Bush, discours au Congrès à la fin de la guerre du Golfe, 6 mars 1991,

Chapitre 3 : la fin de la guerre froide 65


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3 Le multilatéralisme au temps de la présidence de Bill Clinton (1993-2001)

1 L’ONU et le nouveau désordre mondial 4 Le multilatéralisme de B. Clinton


Jamais le drapeau des Nations Unies n’aura flotté sous tant Malgré ces difficultés initiales, Clinton savait que le succès de
de cieux qu’en ce début d’année. En quatre ans elle a lan- sa présidence nécessitait une politique étrangère cohérente.
cé autant d’opérations — treize — qu’au cours des quarante Formé comme étudiant à la Georgetown School of Foreign
années précédentes. Priée d’éteindre tous les incendies de Service, Clinton s’est finalement concentré sur la création
l‘après-communisme, l’ONU se dépense — et dépense — de d’une nouvelle approche des affaires internationales, une poli-
plus en plus (3 milliards de dollars en 1992). À New-York, dans tique que ses conseillers ont appelée la «doctrine de l’élargis-
le Saint des Saints, le Conseil de sécurité siège désormais sement». Cette doctrine, fondée sur l’idée d’élargir la commu-
en quasi-permanence. Victime de la confiance flatteuse mise nauté des démocraties de marché dans le monde, englobait le
en elle, l’ONU ouvre de nouveaux chantiers sans fermer les libre-échange, les efforts multilatéraux de maintien de la paix
plus anciens. Elle est présente à Jérusalem depuis 1948, au et les alliances internationales, ainsi que l’intervention dans les
Cachemire depuis 1949... à Chypre depuis 1964. crises mondiales lorsque cela était réalisable (c’est-à-dire avec
«On demande trop à l’ONU» constate son secrétaire général, peu de risques en vies américaines) et moralement défen-
Boutros Boutros-Ghali. […] La contagion des conflits, dans le dable. La politique promouvait un rôle activiste pour les États-
nouveau désordre ambiant, souligne les limites de son action. Unis et visait à étendre et à protéger les droits fondamentaux
L’ONU ressemble souvent à un Gulliver empêtré dans des de l’homme et des droits civils dans la mesure où les États-Unis
missions trop complexes ou trop imprécises. Faute d’argent, avaient le pouvoir d’atteindre ces objectifs sans compromettre
de consignes claires et surtout de volonté politique. la sécurité nationale ni épuiser les ressources nationales. Dans
l’esprit de Clinton, les États-Unis doivent continuer à jouer leur
«Gulliver empêtré», Le Monde, 7 janvier 1993.
rôle de principal leader du monde dans la promotion de la di-
gnité humaine et de la démocratie, tout en étant conscients
qu’ils ne doivent jamais agir isolément ou intervenir dans un
conflit surdimensionné.
2 La doctrine Clinton Russell L. Riley, «Bill Clinton : foreign affairs», Université de Virginie, Miller center.
Il est facile de dire que nous n’avons aucun intérêt à savoir
qui habite dans telle ou telle vallée de Bosnie, ou qui possède
une bande de broussailles dans la Corne de l’Afrique, ou un 5 Clinton et la guerre au Kosovo
morceau de terre desséchée au bord du Jourdain. Mais la véri- Nous continuerons également à travailler avec nos alliés pour
table mesure de nos intérêts ne réside pas dans la taille ou la instaurer la paix dans les Balkans. Il y a trois ans, nous avons
distance de ces lieux, ni dans le fait que nous avons du mal à contribué à mettre fin à la guerre en Bosnie.
prononcer leurs noms. La question que nous devons nous po-
Les combats et la répression au Kosovo sont le principal dan-
ser est la suivante : quelles sont les conséquences pour notre
ger qui pèse sur les progrès de paix dans les Balkans. [...] Les
sécurité de laisser les conflits s’infecter et s’étendre? Nous ne
dirigeants serbes doivent maintenant accepter le fait que ce
pouvons pas, en effet, nous ne devrions pas tout faire ou être
n’est qu’en permettant à la population du Kosovo de contrôler
partout. Mais là où nos valeurs et nos intérêts sont en jeu et où
leur vie quotidienne qu’ils pourront maintenir leur pays intact.
nous pouvons faire la différence, nous devons être prêts à le
[...] En attendant, le président Milosevic devrait comprendre
faire.
que le moment est venu de faire preuve de retenue et non de
B. Clinton, «allocution du président sur la politique étrangère», 26 février 1999.
répression. Et s’il ne le fait pas, l’OTAN est prête à agir.
Le génocide est en soi un intérêt national où nous devons
Si un accord de paix est signé, l’OTAN doit également être
agir et nous pouvons dire aux peuples du monde, que vous
prête à se déployer au Kosovo pour donner aux deux parties la
viviez en Afrique, en Europe centrale ou ailleurs, si quelqu’un
confiance nécessaire pour déposer les armes. Les Européens
vient après des civils innocents et tente de les tuer en masse à
fourniraient la plus grande partie d’une telle force, environ 85
cause de leur race, de leur origine ethnique ou de leur religion,
pour cent. S’il y a une vraie paix, l’Amérique doit aussi faire sa
et nous avons le pouvoir de l’arrêter, nous allons l’arrêter.
part.
Rapport de la Maison-Blanche, «A National Security for a New Century», 2000
B. Clinton, «allocution du président sur la politique étrangère», 26 février 1999

OCÉAN GlACIAL ARCTIQUE


3 Les conflits dans le monde vers 1995.
Irlande
Géorgie

Ex-Yougoslavie
Ossétie
Tchétchénie OCÉAN
Questions
Pays Haut-Karabach Xinjiang
Basque
Corse Albanie Tadjikistan 1. À partir de l’ensemble des docs dé-
Kurdes Cachemire
OCÉAN Sahara Algérie Proche-Orient Koweit
Afghanistan Tibet
Assam
Taïwan
PACIFIQUE
finissez le multilatéralisme.
occidental

Chiapas ATLANTIQUE Ethiopie-Érythrée


Sud Irak
Iles Spratly
2. Analysez la situation géostratégique
du monde au milieu des années 90.
Casamance Yémen Cambodge
Nicaragua Tchad
Guatemala
Mindanao
Quel rôle joue l’ONU (doc 1 et 3) ?
Sierra Léone Soudan Somalie
El Salvador Djibouti
Liberia Centrafrique
Ouganda Sri Lanka
Colombie
Congo
Kénya
Irian Jaya 3. Quel rôle doivent jouer les États-­
OCÉAN OCÉAN
Pérou
RDC Rwanda-Burundi
Comores
Papouasie
Unis dans le monde ? En quoi l’inter-
Timor-Oriental
vention dans les Balkans montre-t-elle
Angola
PACIFIQUE Mozambique
l’application de ces principes (docs 4
Exercices

INDIEN
et 5) ?
Guerre civile ou conflit international

Mouvements indépendantistes

Troubles intérieurs
0 2 000 km
Conflit en cours de négociation ou de résolution
Réalisation : S. Coté

66 Chapitre 3 : la fin de la guerre froide


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4 L’émergence de la violence terroriste mondiale

SEAN ADAIR/REUTERS

2 Attentat du 11 septembre 2001 sur les tours du World


Trade Center. Le temps du terrorisme mondial débute.

1 Deux jours avant les attentats du World Trade Center, le Questions


commandant Massoud est assassiné par deux terroristes
d’Al-Qaïda. L’organisation se débarrasse d’un de ses prin- 1. Présentez les évènements des 9 et 11 septembre
cipaux opposants en Afghanistan. 2001. Qui est le commanditaire (docs 1 et 2) ?
2. Présentez l’auteur du doc 4. Analysez les motiva-
tions aux attentats du 11 septembre 2001. Pourquoi
est-ce une réussite selon lui (doc 4) ?
3. Que nous apprend le caricaturiste Horsey sur les causes
et les conséquences du 11 septembre 2001 (doc 3) ?
4. Présentez et expliquez la réaction internationale.

4 Message de Ben Laden au peuple américain en 2001


Louange à Dieu, qui a créé l’univers pour ses créatures, leur a
ordonné d’être justes et a permis à l’opprimé de se venger de
l’oppresseur ! [...]
Peuple américain, ce discours que je vous adresse a pour
sujet le meilleur moyen d’éviter un second Manhattan. [...] Je
vous dirai que la sécurité est un élément important de la vie, et
3 David Horsey est un caricaturiste américain qui a remporté que les hommes libres ne négligent pas leur sécurité, contrai-
par deux fois le prix Pulitzer du dessin de presse. En 2002,
dans le journal Seattle Post-Intelligencer, il présente son rement à ce que prétend Bush lorsqu’il dit que nous détestons
analyse des attentats du 11 septembre 2001. En haut à la liberté. Qu’il nous dise donc pourquoi nous n’avons pas atta-
gauche : «Quelle différence une journée peut faire...». À qué la Suède, par exemple ? [...]
gauche : «La guerre froide est finie, nous avons gagné !». Je vais donc vous informer des causes de ces événements.
Sur la corne d’abondance : Wall Street. À droite : «Pour- Dieu est témoin que nous n’aurions jamais pensé à détruire les
quoi nous détestent-ils ?» tours si nous n’avions pas assisté à tant d’injustice et d’oppres-
sion de la part de l’alliance américano-israélienne contre les
nôtres en Palestine et au Liban. [...]
Ouzbékistan C’est en regardant ces tours détruites au Liban que l’idée m’est
11 - 23 nov. venue de détruire les tours de l’Amérique. [...] Depuis ce jour,
2 - 9 nov.
je me suis rendu compte que tuer délibérément des femmes
Mazar- Kunduz 11 nov.
e-Charif et des enfants innocents est une loi américaine bien établie.
Panchir
La terreur d’État s’appelle la liberté et la démocratie, mais la
7nov.
Herat Bamian
Kaboul Jalalabad
résistance s’appelle terrorisme et réaction. [...] Ainsi en est-il
12 nov.
13-14 nov. de l’injustice et de l’embargo jusqu’à ce que mort s’ensuive,
Inde
12-17 déc.
comme l’avait fait Bush père en Irak, en causant le plus grand
Ghazni
massacre d’enfants. [...]
Iran Il nous a été facile de provoquer cette administration et de
l’amener là où nous le souhaitions ; il nous suffit d’envoyer en
Kandahar Pakistan Extrême-Orient deux moujahidines soulever une banderole
23-7 déc.
d’Al-Qaïda pour que les généraux s’y pressent, augmentant ainsi
les pertes humaines, financières et politiques, sans rien faire de
notable, excepté quelques bénéfices pour leurs sociétés privées.
Réalisation : S. Coté
Exercices

Front avant l’intervention internationale (2 nov. 2001) Révolte anti-taliban


[...] Al-Qaida a dépensé 500 000 dollars pour l’opération du 11
Zone de résistance forte aux talibans Retraite des talibans
septembre, alors que l’Amérique a perdu dans l’événement et
Poche de résistance des talibans
Offensives des forces anti-talibans
ses répercussions, au bas mot, 500 milliards de dollars. [...]
23-7 déc. Avancée de l’offensive
Que la paix soit sur celui qui suit le droit chemin !
5 L’offensive internationale en Afghanistan en 2001. Oussam Ben Laden, Message au peuple américain, traduction J.-P. Milelli, 2003

Chapitre 3 : la fin de la guerre froide 67


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5 L’Amérique au temps de l’unilatéralisme

1 L’axe du mal selon G. W. Bush


Alors que nous nous réunissons ce soir, notre pays est en
guerre, notre économie est en récession et le monde civilisé
fait face à des dangers sans précédent. Pourtant, l’état de notre
Union n’a jamais été aussi fort [...].
En quatre mois à peine, notre pays a réconforté les victimes,
commencé à reconstruire New York et le Pentagone, rallié une
grande coalition, capturé, arrêté et débarrassé le monde de mil-
liers de terroristes, détruit les camps d’entraînement terroristes
de l’Afghanistan. [...] Notre pays continuera de faire preuve de
constance. [...] Nous devons empêcher les terroristes et les
régimes qui cherchent des armes chimiques, biologiques ou
nucléaires de menacer les États-Unis et le monde.
Des États comme [la Corée du Nord, l’Iran, l’Irak], et leurs alliés
terroristes, constituent un axe du mal, s’armant pour mena-
cer la paix dans le monde. En cherchant à se doter d’armes
de destruction massive, ces régimes représentent un danger
grave et croissant. [...] Toutes les nations doivent le savoir : 4 Caricature de David Horsey sur la guerre en Irak. Europe :
l’Amérique fera le nécessaire pour assurer la sécurité de notre «Honnêtement, George, tout ce discours sur le mal ! C’est
nation [...]. si... si simple ! Un axe du mal ? Qu’est-ce que ça veut
Nous avons appris à connaître des vérités que nous ne remet- dire ?! Vous devez me consulter avant de choisir d’autres
trons jamais en question : le mal est réel, et il faut s’y opposer. combats... Dis ! Où allez-vous trotter maintenant ?!». Bush
G. W. Bush, «Discours sur l’État de l’Union», 29 janvier 2002.
avec le casque USA : «Bagdad.»

2 La France s’oppose à l’intervention en Irak


Nous poursuivons ensemble l’objectif d’un désarmement effectif Une telle intervention pourrait avoir des conséquences incalcu-
de l’Irak. […] La France a deux convictions : la première, c’est lables pour la stabilité de cette région meurtrie et fragile. Elle
que l’option des inspections n’a pas été conduite jusqu’à son renforcerait le sentiment d’injustice, aggraverait les tensions et
terme et peut apporter une réponse efficace à l’impératif du risquerait d’ouvrir la voie à d’autres conflits. […]
désarmement de l’Irak ; la deuxième, c’est qu’un usage de la Il y a dix jours, le secrétaire d’État américain, M. Powell, a évo-
force serait si lourd de conséquences pour les hommes, pour qué des liens supposés entre Al-Qaïda et le régime de Bagdad.
la région et pour la stabilité internationale qu’il ne saurait être En l’état actuel de nos recherches et informations menées en
envisagé qu’en dernière extrémité. […] liaison avec nos alliés, rien ne nous permet d’établir de tels liens.
L’option de la guerre peut apparaître a priori la plus rapide. Mais […]
n’oublions pas qu’après avoir gagné la guerre, il faut construire D. de Villepin, Discours prononcé à l’ONU lors de la crise irakienne, 14 février
la paix. Et ne nous voilons pas la face : cela sera long et diffi- 2003
cile, car il faudra préserver l’unité de l’Irak, rétablir de manière
durable la stabilité du pays. […]

OCÉAN GlACIAL ARCTIQUE


3 Situation politique du monde en 2010
Questions
Caucase OCÉAN
1. Démontrez que la vision interna-
Kurdes Cachemire
tionale de G. W. Bush dans son dis-
OCÉAN Algérie Proche-Orient
Afghanistan PACIFIQUE cours sur l’état de l’Union est unila-
ATLANTIQUE Mali Niger térale (doc 1).
Yémen
Tchad
Mindanao
2. Que dénonce la caricature de
Thaïlande
Nigeria ­David ­Horsey (doc 4) ?
Côte d’Ivoire Sud-Soudan
Colombie
Somalie
3. Analysez le discours de D. de Ville-
OCÉAN
OCÉAN
RDC pin. Présentez la réaction française
et les arguments (doc 2).
PACIFIQUE 4. Présentez la situation du monde
INDIEN
en 2010 (doc 3).
Exercices

Guerre civile ou conflit international


Conflits provoquant plus de 1000 morts par an

États voyous selon les États-Unis


0 2 000 km

Attentats d’Al-Qaida Réalisation : S. Coté

68 Chapitre 3 : la fin de la guerre froide


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III Entre guerre froide et guerre ethnique : le conflit


israélo-palestinien
1 Un conflit aux racines anciennes

1 Les promesses contradictoires des Britanniques


a. Aux Arabes en 1915 b. 1916 accords secrets Sykes-Picot entre la France et le
On ne peut dire que soient purement arabes les deux districts Royaume-Uni :
de Mersin et d’Alexandrette, ainsi que certaines régions de Sy- Tout le nord du Moyen-Orient sera divisé en «dominion» ou
rie situées à l’ouest des districts de Damas, Homs, Hama et Alep mandat entre la France et le RU ; les Arabes obtiendront un État
[le Liban actuel] ; ils seraient donc exclus du territoire que vous au Sud ; la Palestine sera internationalisée.
demandez. En tenant compte de cette modification, et à condi- c. Aux Juifs en 1917
tion de ne pas toucher aux traités déjà signés avec d’autres Le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’éta-
chefs arabes, nous acceptons ces frontières. blissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif,
[...] Compte tenu des modifications indiquées ci-dessus, la et emploiera tous ses efforts pour la réalisation de cet objectif,
Grande-Bretagne est prête à reconnaître l’indépendance des étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter
Arabes, et à la soutenir, dans toutes les régions situées sur le atteinte ni aux droits civils et religieux des collectivités non juives
territoire réclamé par le chérif de La Mecque. existant en Palestine, ni aux droits et au statut politique dont les
Lettre du Haut-commissaire de Grande-Bretagne en Égypte, au chérif de La Juifs jouissent dans les autres pays.
Mecque, 24 octobre 1915.
Lettre du ministre des Affaires étrangères Balfour à Lord Rothschild, représentant
la fédération sioniste. 7 novembre 1917.

1914
Istanbul
Empire ottoman
2 Theodor Herzl, fondateur du sionisme
Possessions britanniques
Né en 1860 à Budapest, c’est à Paris qu’il subit le choc de l’antisémitisme,
Alexandrette
qui renaît avec l’affaire Dreyfus. [...] Jusque-là, Theodor Herzl, comme la
plupart des intellectuels Juifs d’Europe occidentale, croit à la solution du
Damas
PERSE «problème Juif» par l’assimilation des Juifs aux peuples parmi lesquels
Bagdad ils vivent. L’émancipation des Juifs et la reconnaissance de leurs droits
Jérusalem
égaux, initiées par la Révolution française, lui semblent une tendance his-
Le Caire
KOWEÏT torique irréversible.
ÉGYPTE Mais le calvaire du capitaine Alfred Dreyfus, lui-même partisan de l’assi-
OMAN milation, et la vague anti-juive qui l’accompagne modifient du tout au tout
La Mecque
le point de vue de Theodor Herzl. [...] Partant donc de l’existence d’un
peuple Juif et de l’impossibilité de son assimilation, Herzl conçoit pour
SOUDAN
unique issue la création, si possible en Palestine, d’un État Juif. C’est le
sens de son ouvrage de 1896, L’État des Juifs, puis des rencontres qu’il
1920
Istanbul
Turquie sollicitera et obtiendra de la plupart des dirigeants.
Possessions britanniques
Aux Anglais, il fait valoir le rôle stratégique d’une Palestine juive qui dé-
GRÈCE ARMÉNIE Mandat britanniques
Mandat français
fendrait la «ligne vitale» de l’Empire britannique, aux Allemands et aux
Alexandrette Russes la possibilité d’en finir avec leur «problème Juif», aux Turcs
SYRIE
Damas IRAK un échange entre le rachat de l’énorme dette de l’Empire ottoman et la
LIBAN
PALESTINE Bagdad
concession de la Palestine.
Jérusalem PERSE A. Gresh, D. Vidal, Les 100 portes du Proche-Orient, 1986
Le Caire
KOWEÏT
ÉGYPTE ROYAUME
ARABE OMAN
La Mecque 3 Le sionisme
De «Sion», colline de Jérusalem et symbole de la Terre promise. Doctrine
SOUDAN et mouvement défendus par Theodor Herzl visant au rassemblement des
RÉALISATION : S. COTÉ
Juifs en Palestine dans leur État. Le fondement originel du sionisme est
le lien qui unit les Juifs à la Terre sainte. Les Royaumes juifs fondés en
4 Le partage du Proche-Orient après la Première
Guerre mondiale. Palestine vers l’an 1 000 avant J.-C. avaient péri sous les coups succes-
sifs des Assyriens, des Babyloniens et des Romains. L’écrasement de
la révolte de Bar Kokhba, en 135 après J.-C., donne le signal du départ
Questions pour la majorité des populations hébraïques. […] la communauté juive de
1. Quelle importance jouent Theodor Herzl et Palestine ne comptera encore qu’une dizaine de milliers d’âmes au début
du XIXe siècle. Les autres forment, à travers le monde entier, la diaspora
le sionisme dans la définition d’Israël (docs 2
- dispersion (en grec).
et 3) ?
Le souvenir de la «patrie perdue» et le désir d’y revenir sont longtemps en-
2. Présentez les différentes promesses des tretenus par la seule religion : «L’an prochain à Jérusalem» prient chaque
Exercices

Britanniques dans le doc 1. Quels problèmes année les croyants. À la croisée des XVIIIe et XIXe s., le projet de «retour»
posent ces promesses ? devient plus politique. […] La première aliyah draine 20 à 30 000 Juifs de
3. Quelles décisions sont finalement prises l’Empire tsariste vers la Palestine, entre 1882 et 1903. […] Une colonisa-
après la guerre ? Les promesses sont-elles tion, surtout agricole, des terres bibliques commence. […]
A. Gresh, D. Vidal, Les 100 portes du Proche-Orient, 1986
tenues (doc 4) ?

Chapitre 3 : la fin de la guerre froide 69


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2 Une naissance influencée par l’après-guerre

1924-1928 1928-1948
3 La résolution 181 de l’ONU
Acre Acre L’Assemblée générale, [...] recommande au Royaume-Uni, en tant que Puis-
Nazareth Nazareth sance mandataire pour la Palestine, l’adoption et la mise à exécution du plan
Haïfa Haïfa
de partage avec union économique exposé ci-dessous :
Le mandat pour la Palestine prendra fin aussitôt que possible, le 1er août
1948 au plus tard. [...] Les États indépendants Arabe et Juif ainsi que le
Tel Aviv Tel Aviv régime international particulier prévu pour la ville de Jérusalem commence-
ront d’exister en Palestine deux mois après l’évacuation des forces armées
Jérusalem Jérusalem de la puissance mandataire.
Pendant la période de transition, aucun Juif ne pourra établir sa résidence
Gaza Gaza sur le territoire de l’État Arabe envisagé, et aucun Arabe ne pourra établir sa
résidence sur le territoire de l’État Juif envisagé. [...] La Commission dési-
gnera une commission économique en vue d’établir aussitôt que possible
Réalisation : S. Coté
l’union économique.
Juifs Arabes Le 29 novembre 1947

1922 24 000 660 000 La résolution est refusée par les Arabes et critiquée par les leaders juifs qui
s’y rallient malgré tout. La résolution ne sera jamais appliquée et, six mois
1931 175 000 780 000
après son vote, le 15 mai 1948, après cinq mois de guerre judéo-palesti-
1946 600 000 1 250 000 nienne, débute la première guerre israélo-arabe.
1 L’évolution de la population juive en Pales-
tine entre 1922 et 1946.

LIBAN 4 La proclamation d’indépendance par Ben Gourion


Le Pays d’Israël est le lieu où naquit le peuple juif. [...] C’est là qu’il écrivit la
Acre SYRIE Bible et en fit don au monde.
Exilé de Terre Sainte, le peuple juif demeura fidèle tout au long de sa dis-
Nazareth persion [...] Mus par ce lien historique et traditionnel, les Juifs s’efforcèrent
Haïfa
au long des siècles de revenir dans le pays de leurs ancêtres. Au cours de
ces dernières décennies, [...] ils ont défriché le désert, ressuscité la langue
hébraïque, construit des villes et des villages et créé une communauté en
pleine expansion, contrôlant sa vie économique et culturelle, recherchant la
paix mais sachant aussi se défendre, apportant à tous les habitants du pays
Tel Aviv les bienfaits du progrès et aspirant à l’indépendance nationale.
En conséquence, nous, membres du conseil national représentant la com-
TRANSJORDANIE
munauté juive de Palestine et le mouvement sioniste, nous nous sommes
Jérusalem rassemblés ici, en ce jour où prend fin le mandat britannique et en vertu du
droit naturel et historique du peuple juif et conformément à la résolution de
l’assemblée générale des Nations Unis, nous proclamons la création d’un État
juif en terre d’Israël qui portera le nom d’État d’Israël.
Gaza Le 14 mai 1948

ÉGYPTE État arabe


État juif
0 40 Km
Réalisation : S. Coté Zone internationale

2 La proposition de partage de la Palestine


par l’ONU en 1947.

Questions
1. D’après le doc 1, comparez l’évolu-
tion de la population juive et arabe en
­Palestine.
2. Analysez et expliquez la résolution 181.
Exercices

Est-elle appliquée ? Pourquoi (docs 2 et 3) ?


3. Analysez et commentez les arguments
utilisés par Ben Gourion pour justifier l’in- Rudi Weissenstein

dépendance d’Israël (docs 4 et 5). Décri- 5 La proclamation de l’indépendance d’Israël par Ben Gourion le 14 mai
vez la cérémonie de proclamation. 1948. Au-dessus de lui trône le portrait de Theodor Herzl.

70 Chapitre 3 : la fin de la guerre froide


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3 Un conflit israélo-arabe en périphérie de la guerre froide

LIBAN

Jourdain
LIBAN
Cisjor-
Tel-Aviv
danie
Acre Acre Intervention
Jérusalem
SYRIE SYRIE Franco-britannique
Nazareth Nazareth Gaza Mer
Haïfa Haïfa
Morte
Port-Saïd
Troupes Port Fouad
irakiennes ISRAËL

Canal de Suez
Tel Aviv CISJORDANIE
Tel Aviv
JORDANIE
Jérusalem
Jérusalem
Questions ÉGYPTE Suez

Gaza
Gaza
1. À partir des docs, Eilat
Aqaba
Beersheba
Beersheba
quand, par qui, et
Sinaï
pourquoi sont déclen-

Golf
e de
chées les guerres is-

Sue
TRANS-

qaba
z
raélo-arabes ?
JORDANIE
ARABIE SAOUDITE

Golfe d’A
ÉGYPTE

ÉGYPTE
TRANS-
JORDANIE 2. Présentez les opé-
rations et les gains Charm-el-Cheikh
0 50 km
territoriaux. Réalisation : S. Coté

Opération aéroportée franco-britannique (5-7 nov. 1956)


Éliat 0 50 km Offensive terrestre israélienne (29 oct. - 2 nov. 1956)
Akaba Réalisation : S. Coté

Éliat 0 50 km Front le 1er juin 1948 2 La crise de Suez en 1956. Alliés aux Franco-
Akaba
Front en novembre 1948 Anglais, les Israéliens attaquent l’Égypte. À
Territoires envahis par
les troupes arabes Front en janvier 1949 la suite de l’intervention de l’URSS et des
Invasions Arabes à partir du Contre-offensives israéliennes USA, les trois États doivent se retirer.
15 mai 1948
Territoires contrôlés par les Territoires arabes lors de
l’armistice de juillet 1949.
israéliens le 1er juin 1948

1 La guerre de 1948-1949 : attaque des


Arabes et contre-attaque d’Israël.

LIBAN Damas LIBAN Damas

Acre SYRIE Acre GOLAN SYRIE


Nazareth Nazareth
Haïfa Haïfa
Aide soviétique
Attaque préventive israélienne
5 juin 1967
Tel Aviv CISJORDANIE
Tel Aviv CISJORDANIE
Jérusalem
Jérusalem

Gaza
Gaza Port Saïd Beersheba
Port Saïd Beersheba

Aide américaine
JORDANIE
JORDANIE

ÉGYPTE Suez
SINAÏ
Suez
Éliat
ÉGYPTE Akaba
SINAÏ Éliat
Akaba
Golf
e

qaba
de S
Golf

uez

Golfe d’A

Aide soviétique ARABIE SAOUDITE


e de

qaba
Sue

Golfe d’A
z

ARABIE SAOUDITE

0 100 km
Fermeture du détroit Réalisation : S. Coté

0 100 km de Tiran par l’Égypte Offensives égyptiennes Conquêtes d’Israël


Réalisation : S. Coté 23 mai 1967 et syriennes
Contre-offensives
Offensives israéliennes Conquêtes d’Israël israéliennes
Exercices

3 La guerre des 6 jours, du 5 au 10 juin 1967 : 4 La guerre du Kippour ou guerre du Rama-


dan, du 6 au 24 octobre 1973 : l’Égypte et
attaque préventive israélienne et recul des
la Syrie attaquent par surprise Israël. Durant
États arabes.
48 heures, les troupes arabes avancent
avant d’être repoussées par les Israéliens.

Chapitre 3 : la fin de la guerre froide 71


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4 Les conséquences des guerres

1 La résolution 194 (1948) 3 La résolution 242 (1967)


Il y a lieu de permettre aux réfugiés qui le désirent, de rentrer Le Conseil de sécurité,
dans leurs foyers le plus tôt possible et de vivre en paix avec Exprimant l’inquiétude que continue de lui causer la grave si-
leurs voisins. Des indemnités doivent en outre être payées à tuation au Moyen-Orient,
titre de compensation pour les biens de ceux qui décident de Soulignant l’inadmissibilité de l’acquisition de territoires par la
ne pas rentrer dans leurs foyers et pour tout bien perdu ou guerre et la nécessité d’œuvrer pour une paix juste et durable
endommagé lorsque, en vertu des principes du droit interna- permettant à chaque État de la région de vivre en sécurité [...],
tional ou en équité, cette perte ou ce dommage doit être réparé
Affirme que l’accomplissement des principes de la Charte exige
par les gouvernements ou autorités responsables.
l’instauration d’une paix juste et durable au Moyen-Orient qui
le 11 décembre 1948
devrait comprendre l’application des deux principes suivants :
1. Retrait des forces armées israéliennes des territoires occu-
pés lors du récent conflit ;
En anglais : «withdrawal of Israel armed forces from territories
occupied in the recent conflict»
2. Cessation de toutes les assertions de belligérance ou de
tous états de belligérance et respect et reconnaissance de la
souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance
politique de chaque État de la région et de leur droit de vivre
en paix à l’intérieur de frontières sûres et reconnues, à l’abri de
menaces ou d’actes de force [...].
Affirme en outre la nécessité :
- de garantir la liberté de navigation sur les voies d’eau interna-
tionales de la région ;
- de réaliser un juste règlement du problème des réfugiés ;
- de garantir l’inviolabilité territoriale et l’indépendance poli-
tique de chaque État de la région par des mesures comprenant
Fred Csasznik
la création de zones démilitarisées.»
Résolution du Conseil de sécurité de l’ONU, numéro 242, 22 novembre 1967.
2 L’exode palestinien de 1948, qui est commémoré par les
palestiniens sous le nom de la Nakba : désastre, catas-
trophe. Durant la première guerre israélo-arabe, 700 000
arabes palestiniens fuient les combats. Les controverses Questions
sont encore importantes entre les protagonistes pour dé- 1. Présentez la résolution 194 de l’ONU en 1948. Défi-
terminer l’origine des départs. Les Palestiniens commé- nissez la Nakba (docs 1 et 2).
morent tous les 15 mai - date de l’indépendance d’Israël -,
cet événement ce qui donne lieu régulièrement à des 2. Analysez les dispositions de la résolution 242 en
­affrontements. 1967. Qu’est-ce qui concerne les pays arabes, qu’est-
ce qui concerne Israël (doc 3) ?
3. Quelles motivations expliquent les négociations
entre Israël et l’Égypte ? Présentez les conséquences
(docs 4 et 5).

Fitz-Patrick, Bill, Jimmy Carter Library

4 Menahem Begin (Israël), Jimmy Carter (États-Unis) et


Exercices

Anouar el-Sadate, (Égypte) lors des négociations menant Inconnu

aux accords de Camp David en septembre 1978. Bien que 5 Assassinat d’Anouar el-Sadate, le 6 octobre 1981. Des mili-
victorieuse, Israël prend conscience après la guerre du Kip- taires, anciens membres des Frères musulmans et hostiles
pour de la fragilité de sa position. En même temps, l’Égypte à la paix avec Israël quittent le défilé. Ils viennent tirer à bout
réalise l’impossibilité de vaincre Israël par les armes. Cette portant sur la tribune officielle et tuent Sadate, coupable à
paix séparée permet à l’Égypte de récupérer le Sinaï. leurs yeux d’avoir signé une paix séparée avec Israël.

72 Chapitre 3 : la fin de la guerre froide


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5 D’un conflit israélo-arabe à un conflit israélo-palestinien

1 La Charte de l’OLP
Première Charte nationale palestinienne de 1964
1. La Palestine est une terre arabe. […]
2. La Palestine, avec ses frontières de l’époque du Mandat bri-
tannique, constitue une unité régionale indivisible.
3. Le peuple arabe de Palestine a [droit] à sa patrie. […]
6. Les Palestiniens sont les citoyens arabes qui ont normale-
ment vécu en Palestine jusqu’en 1947, qu’ils y soient demeu-
rés ou qu’ils en aient été expulsés. […] IAN DEITCH ,AP

17. Le partage de la Palestine de 1947 et la création d’Israël 3 Pour faire reconnaître la cause des Palestiniens l’OLP en-
sont des décisions illégales et artificielles […] parce qu’elles treprend des actions terroristes. Plusieurs actes marquent
ont été contraires à la volonté du peuple de Palestine. plus particulièrement l’actualité, notamment l’attentat de
Deuxième Charte nationale palestinienne de 1968 Munich en 1972, où un commando palestinien assassine
la délégation israélienne.
1. La Palestine est la patrie du peuple arabe palestinien […]
9. La lutte armée est la seule voie pour la libération de la Pales-
tine. […] Le peuple arabe palestinien affirme son droit à mener
une vie normale en Palestine et à y exercer […] sa souverai-
neté.
10. L’action des commandos constitue le noyau de la guerre
populaire palestinienne de libération.

Les Statuts du Mouvement de la résistance


2 Inconnu

islamique dit Hamas 4 En 1973, un commando détourne un avion de la Japan


Définition du Mouvement - Points de départ idéologiques Airlines et le détruise en Libye en 1973.
Article 1 : le programme du Mouvement de Résistance Isla-
mique est l’Islam. De là, il tire ses idées, ses manières de pen-
ser et de comprendre l’Univers, la vie et l’homme. Il s’en réfère 5 Depuis 1975, le Li-
ban, destabilisé par la Homs
pour juger de toutes ses conduites, et il en est inspiré pour
prendre des mesures. [...] présence armée des réfu-
Caractéristiques et Indépendance giés palestiniens, connaît Tripoli
une violente guerre civile. LIBAN
Article 6 : Le Mouvement de Résistance Islamique est un mou-
L’armée israélienne uti- Beyrouth
vement Palestinien distingué, fidèle à Allah et dont la manière
lise l’excuse des attaques
de vivre est l’Islam.
répétées au Nord du pays
L’universalité du Mouvement Islamique de Résistance pour envahir le Sud-Liban
Le Mouvement de Résistance Islamique est un des liens de la en 1982. L’intervention Damas
chaîne dans la lutte contre les envahisseurs sionistes. donne lieu à de nombreux
SYRIE
Article 8 : Allah est son point d’ancrage, le Prophète est son massacres, en particulier Acre GOLAN
modèle, et le Coran, sa constitution : la Jihad est son chemin et ceux des camps de Sabra Nazareth
Haïfa
la mort pour la cause d’Allah est le plus grand de ses vœux. [...] et Chatila, menés par les
Solutions pacifiques, Conférences et Initiatives interna- milices chrétiennes alliées
Naplouse
tionales d’Israël.
Tel Aviv CISJORDANIE
Article 13 : Les initiatives et ce que l’on appelle les solutions
pacifiques et les conférences internationales, sont contraires Jérusalem JORDANIE
Amman
aux principes du Mouvement de Résistance Islamique. [...] Il
n’y a pas de solution à la question palestinienne si ce n’est à Hébron 0 100 km
a
travers la Jihad.
Réalisation : S. Coté

Territoires contrôlés par les Palestiniens


Le rôle de la femme musulmane avant 1970
[...] Dans le foyer, la femme combattante, qu’elle soit mère Territoires contrôlés par les Palestiniens
ou sœur, joue le rôle le plus important en prenant soin de la après 1972
Bases palestiniennes avant 1970
famille, en élevant les enfants et en leur transmettant les va-
leurs morales et les pensées tirées de l’Islam. Elle doit leur Raids palestiniens en Israël
apprendre à accomplir les devoirs religieux pour les préparer Opération israélienne « Paix en Galilée »
au rôle de combattant qui les attend. [...] Questions Zone de contrôlée par Israël
L’Organisation de Libération de la Palestine.
1. Comparez la Charte de l’OLP et les statuts du Ha-
Article 27 : L’Organisation de Libération de la Palestine est
Exercices

mas (docs 1 et 2). Quels sont les objectifs communs ?


l’organisation la plus proche au cœur du Mouvement de résis-
tance palestinienne. [...] L’Organisation a adopté l’idée d’un Quelles sont les oppositions idéologiques et sociales ?
État laïque. [...] La Laïcité est en contradiction complète avec 2. Présentez les modes d’action de l’OLP (docs 3 et 4).
l’idéologie religieuse. [...] 3. Analysez les conséquences du conflit israélo-palesti-
Le 18 août 1988 nien au Liban (doc 5).

Chapitre 3 : la fin de la guerre froide 73


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6 Le conflit entre processus de paix et reprise des hostilités

ESAIAS BAITEL / AF

1 Au milieu des années 80, les formes d’action historiques


palestiniennes s’essouflent. La lutte renaît le 9 décembre
1987 lors de la première intifada (soulèvement). Elle est
menée par des adolescents qui jettent des pierres ou des Vince Musi / The White House

cocktails molotov sur les forces israéliennes. La dispropor-


tion des forces entre l’armée israélienne et les jeunes pro-
4 Le
2 L’’accord
13 septembre
de Washington
1993 sont
ou accord
signésd’Oslo
à Washington
en 1993. les
En
accords d’Oslo
présence du président
entre Yitzhak
américain
Rabin Bill
et Yasser
Clinton,
Arafat,
Yitzhak
en
voque un mouvement d’indignation international. La nais- Rabin et Yasser
présence du président
Arafat. américain
Les deux hommes
Bill Clinton.
avec
Les
Shimon
deux
sance du Hamas est une des conséquences de l’intifada. Peres recevront
hommes et Shimon
le prix
Peres
nobelreçoivent
de la paixleenprix
1994.
Nobel de la
paix en 1994.

AFP
Reuter

4 Extension de la colonie israélienne de Talmon, en Cisjor-


3 Le 19 octobre 1994, le Hamas fait exploser un autobus à danie, au nord de Ramallah. Malgré les accords d’Oslo,
Tel-aviv, tuant 22 passagers et en blessant 50 autres. Sept at-
tentats terroristes ensanglantent Israël en 1994 et 1995, bien la colonisation s’intensifie après 1993. Face à l’absence
souvent à l’instigation du Hamas, poussant la population israé- de volonté du gouvernement israélien d’enrayer le phé-
lienne à ne pas croire à l’issue pacifique du processus de paix. nomène, l’opinion publique palestinienne perd confiance
dans le processus de paix.

5 L’assassinat de Rabin, un crime politique parfait


6 En 1996, Benyamin Neta-
En tuant le premier ministre israélien, Yitzhak Rabin, 73 ans, le nyahou, hostile aux accords
4 novembre 1995, Ygal Amir, 25 ans, jeune militant d’extrême de paix, gagne les élections
droite a aussi réussi à tuer une politique. [...] Rabin, le chef du législatives. Les négociations Naplouse
gouvernement, était alors engagé dans une difficile ­négociation sont au point mort et la seconde
avec les Palestiniens. Il avait la stature, le capital politique, pour intifada éclate en 2000. Après Tel Aviv
la mener avec succès. C’était une occasion exceptionnelle de la mort de 800 Israéliens en CISJORDANIE
faire avancer la paix avec les Palestiniens. raison dans des attentats ter-
Ramallah
Amir, petit, râblé, musclé, avait un objectif : empêcher à tout roristes, 700 km de barrières
prix le retrait israélien des territoires palestiniens. L’extrême de séparation sont construits Jérusalem
droite et la droite classique ne voulaient pas de cette politique. après 2002. La barrière englobe
Elle supposait de rendre la majeure partie des territoires occu- des villages palestiniens provo- Bethléem
pés par l’État hébreu à la suite de la guerre de juin 1967. [...] quant de vives ­contestations. Hébron
Signés le 13 septembre 1993, à Washington, des accords, pré-
parés à Oslo, ont abouti à une reconnaissance mutuelle entre 0 10 km
Réalisation : S. Coté

Israël et l’OLP. En cet automne 1995, les deux parties mettent Ligne verte de 1949
en œuvre l’autonomie palestinienne dans les territoires [...].
Exercices

Mur existant et en projet


Avec les colons les plus ultras, le Likoud multiplie les manifesta- Questions
tions. Nétanyahou orchestre cette campagne à thème unique :
non au retrait de Cisjordanie. Il prend la parole devant des D’après l’ensemble des docs, exposez les différentes
foules chauffées à blanc. Certains hurlent : « Rabin à mort ». [...] évolutions du conflit israélo-palestinien après 1987. Pré-
A. Frachon, L’assassinat de Yitzhak Rabin, un crime politique parfait, 2015. sentez le rôle des extrémistes et les conséquences.

74 Chapitre 3 : la fin de la guerre froide


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Chapitre De la fin de la guerre


froide à nos jours
3

Reuters

1 8 janvier 2009. Une femme palestinienne se tient devant des soldats israéliens lors d’une manifestation contre l’offensive israé-
lienne à Gaza dans le village de Bilin en Cisjordanie près de Ramallah. Le conflit israélo-palestinien montre la mutation de la
forme des conflits depuis l’après-guerre.

2 La thalassocratie américaine.

IIe flotte

VIe flotte IIIe flotte

Ve flotte

IVe flotte VIIe flotte

Les bases de la puissance américaine Enjeux et menaces


Les États-Unis (le sanctuaire) Puissance rivale ou hostile

L’OTAN Intervention entre 2000 et 2012


Cours

Passage stratégique
Les alliés traditionnels
Principal fournisseur de pétrole
Base navale majeure

IIIe flotte Flotte américaine Source : Pierre Royer, Géopolitique des mers et des océans, 2012. Réalisation : S. Coté

Chapitre 3 : la fin de la guerre froide 75


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I De la guerre fraîche à la disparition de l’URSS


1 L’ayatollah Khomeini, ni Est, ni Ouest
1 L’Amérique en plein doute Le désaveu des païens est le prélude à la lutte et à
l’organisation des soldats de Dieu contre les forces
de Satan. C’est l’un des principes fondamentaux du
A la fin des années 70, au plan international, l’Amérique monothéisme. […] Notre slogan «Ni Est ni Ouest»
semble perdre pied. Même son modèle social et écono- est le slogan fondamental de la révolution islamique
mique connaît des difficultés et paraît moins attractif.. dans le monde des affamés et des opprimés. Il situe
la véritable politique non alignée des pays islamiques
Depuis 1973, le monde occidental est en crise. En réaction et des pays qui accepteront l’islam comme la seule
à la guerre du Kippour, les États de l’OPEP multiplient par école pour sauver l’humanité dans un proche ave-
4 le prix du pétrole. De nouveau en 1979, après la révolu- nir, avec l’aide de Dieu. Il n’y aura pas de déviation,
tion islamique en Iran, le prix du pétrole est multiplié par même d’un iota, de cette politique. Les pays isla-
miques et le peuple musulman ne doivent dépendre
2.5. À ce renchérissement de l’énergie s’ajoute un manque ni de l’Ouest — de l’Amérique ou de l’Europe — ni
de compétitivité structurel des économies occidentales. Le de l’Est — de l’Union soviétique. Aujourd’hui, notre
Japon en particulier concurrence les industries européennes désaveu des païens est notre cri contre les injus-
et américaines, provoquant des délocalisations. Le modèle tices des oppresseurs et les pleurs d’une nation qui
en a assez des agressions de l’Est et de l’Ouest. […]
capitaliste libéral semble à bout de soufle. En occident, le
Je prie pour le succès de tous les bien-aimés qui,
chômage augmente, les friches industrielles s’étendent, les usant de l’arme de la foi et du djihad, portent des
centres villes se dégradent et la délinquance se généralise. coups à Israël et à ses intérêts. […] L’islam […] fera
la conquête des principaux bastions dans le monde.
La révolution islamique en Iran est symbolique de ce […] Ou nous connaîtrons tous la liberté ou nous
recul américain. Dans les années 60 et 70, le shah d’Iran se connaîtrons une liberté plus grande encore, qui est
lance dans de profondes réformes économiques, sociales le martyre.
et culturelles pour moderniser le pays. Malgré tout, le régime Déclaration de Khomeiny le 28 juillet 1987.

dictatorial inféodé aux États-Unis est impopulaire, contesté par


les démocrates, les communistes et les fondamentalistes
religieux. Ces derniers incarnent un Iran authentique plus Biographie
égalitaire. Après 5 mois d’émeutes, le shah est remplacé en
Rouhollah Mous-
janvier 1979 par l’ayatollah ­Khomeiny. Il impose une vio- savi Khomeyni
lente terreur politique et religieuse et il désigne les USA et (1902-1989) est
l’URSS comme deux satans. un dignitaire reli-
L’humiliation est forte du côté américain. En plus en no- gieux chiite. Issu
vembre 1979 le régime islamique prend en otage le person- d’une famille très
croyante, il se
nel diplomatique de l’ambassade américaine. Le président
considère comme
Carter tente de réagir en organisant une opération comman- un descendant du
do : l’opération Eagle Claw. C’est un lamentable échec. Les prophète. Profes-
hélicoptères s’écrasent dans le désert en raison du vent et de seur de théologie,
l’impréparation de l’opération. il devient ayatol-
lah dans les an-
2
Mohammad Sayyad
L’URSS en pleine expansion nées 50. Hostile au
pouvoir du shah, il défend une «démocratie
A l’inverse, l’URSS paraît en pleine expansion. La fin de la islamique». Le président est désigné par une
guerre du Viêt Nam montre la fragilité de la puissance militaire assemblée de savants religieux. Au pouvoir, il
impose la charia et désire exporter sa révo-
américaine. Le Laos et le Cambodge deviennent aussi des ré-
lution. Il doit alors faire face jusqu’en 1988 à
gimes communistes. En Afrique, à la fin de la décolonisation des la guerre avec l’Irak.
territoires portugais, le Mozambique et l’Angola optent pour un
régime communiste. Même l’Éthiopie devient communiste. En
Amérique du Sud, la CIA a du mal à maintenir les dictatures mili-
Définition
taires sanglantes (Voir chapitre précédent sur le tiers monde).
OPEP : Créée en 1960, l’Organisation des Pays
Le summum de l’influence internationale soviétique est atteint Exportateurs de Pétrole veut peser sur le prix
en 1979. Pour contrer l’influence américaine au Pakistan et du pétrole. Pour cela, les États passent par
soutenir le régime communiste afghan, les Russes enva- une politique de nationalisation. En 1973,
hissent l’Afghanistan. Mais cette guerre est aussi le com- l’organisation procède à l’augmentation par
mencement de la fin pour l’URSS. En effet, les montagnards quatre du prix du pétrole. L’Organisation va
Cours

mal armés, les Moudjahidines, offrent une résistance impré- ensuite être concurrencée par d’autres États
vue. Les montagnes deviennent un enfer pour les Russes qui pétroliers, ce qui entraîne dans les années
ne tiennent que les grands axes et les principales villes. 80-90, une baisse des prix.

76 Chapitre 3 : la fin de la guerre froide


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1 Les Soviétiques justifient leur intervention


Dès les premiers jours de la révolution, les forces
3 Le retour de l’Amérique sur la scène internationale
contre-révolutionnaires ont déclenché une guerre Au début des années 80 l’Amérique est géopolitiquement
non déclarée contre la République démocratique
d’Afghanistan à partir du territoire pakistanais et
au plus bas. Avec un discours réactionnaire et ultralibéral, R.
de certains autres pays voisins. L’Union soviétique Reagan profite de ce désarroi pour gagner les élections pré-
a prévenu à plusieurs reprises par des canaux sidentielles en 1980. Il désigne l’URSS comme l’empire du
diplomatiques, y compris les États-Unis, de la né- mal. Son slogan, «America is back», montre la volonté de
cessité de cesser ces actions. Au lieu de cesser,
l’Amérique de reprendre son rang parce qu’elle est une puis-
elles ont pris de l’ampleur et ont fini par mettre en
danger l’existence même de la République. Alors, sance «juste aux valeurs universelles», en opposition avec les
le gouvernement afghan a fait appel à l’aide sovié- totalitarismes communistes inhumains.
tique pour pouvoir stopper l’agression étrangère.
Des contingents soviétiques ont été introduits pour
Les mesures suivent vite. Dès 1982, l’Amérique intervient au
effectuer des opérations limitées. Ils seront retirés ­Liban. Elle renverse le régime communiste de l’île de Grenade
d’Afghanistan dès que les causes qui ont poussé (Antilles) et finance toutes les guerillas anticommunistes
les dirigeants afghans à nous adresser des de- dans le monde (Afghanistan, Contras au Nicaragua, Afrique...).
mandes d’envoi de troupes, seront éliminées […]
L’Union soviétique n’est pas pour l’exportation de la En 1983 éclate la crise des euromissiles. En 1977, les
révolution. Mais fidèle à son devoir internationaliste, Soviétiques installent en Europe de l’Est des missiles SS-
elle ne peut pas admettre l’exportation de la contre- 20 à moyenne portée qui menacent directement l’Europe de
révolution.
l’Ouest. R. Reagan réagit en déployant des missiles équiva-
APN, Actualités soviétiques, n° 188, 30 janvier 1980.
lents : les Pershing II. A l’Ouest, soutenues par les services
secrets soviétiques, de grandes manifestations éclatent avec
des slogans comme «Plutôt rouge que mort !». Les missiles
sont tout de même déployés.
2 Critique occidentale
Parmi les «trucs» qui servent à tromper la peur, l’un
En réaction à la politique offensive soviétique, R. Reagan va
des plus répandus consiste à soutenir qu’en occu- plus loin. Il lance le programme IDS (Initiative Défense Straté-
pant l’Afghanistan les Soviétiques n’avaient en tête gique) appelé «guerre des étoiles», qui remet directement en
que la sécurité de leurs frontières. Mais qui pouvait cause le traité ABM. Il veut déployer au-dessus de l’Amérique
être assez fou pour s’attaquer au colosse russe ?
un parapluie nucléaire pour empêcher toute attaque sovié-
[…] Vu de Moscou, le communisme est l’avenir du
monde : lui seul possède la légitimité, lui seul a le tique. Un réseau de satellites de détection, de lasers et d’anti-
droit de son côté. Tout ce qui entrave sa marche, missiles doivent empêcher toute forme d’attaque nucléaire.
par conséquent, résulte d’un «complot impérialiste».
[...] On voit ici que, en vertu même de l’idéologie,
Ce programme a un effet machiavélique sur l’économie so-
la sécurité de l’Union soviétique exige le dévelop- viétique. La course à l’armement est relancée à un moment
pement indéfini de son fameux «glacis»... L’Empire où la situation économique de l’URSS est déplorable. Ce pro-
des tsars, lui, ne se promenait pas aussi en Angola gramme étouffe financièrement le pays alors que les États-Unis
et à Cuba. Et s’il avait des ambitions territoriales, investissent peu dans le projet, hormis les domaines qui sont
elles étaient limitées, bornées par des États — Au-
triche ou Grande-Bretagne — dont il reconnaissait utiles à l’industrie civile et qui nourriront les avancées tech-
pleinement la légitimité. […] nologiques à l’origine de la croissance des années 90 (GPS,
O. Chevrillon, «Niet c’est Niet», Le Point, mars l980 téléphonie mobile, microélectronique...)

4 La fin du bloc de l’Est

En 1985, l’atmosphère internationale change radicalement.


Un nouvel homme, «jeune», Mikhaïl Gorbatchev, devient
3 L’Occident doit réagir secrétaire général du parti communiste d’URSS.
Il est impensable que l’Occident continue à ne pas Dès son arrivée, il désire négocier un désarmement progres-
utiliser l’énorme avantage économique qui est le
sif avec les Américains pour diminuer le poids économique
sien par rapport à l’URSS pour faire comprendre à
celle-ci qu’elle ne peut pas tout avoir. Qu’il lui faut du complexe militaro-industriel et financer ses réformes.
choisir entre la détente et la politique d’agression Reagan saisit l’occasion. Les deux hommes se rencontrent en
qu’elle mène actuellement à travers le monde […]. 1986 à Reykjavik. Le 8 décembre 1987, le traité de Wash-
Écartelés entre l’Afghanistan et la Pologne, en ington élimine les armes nucléaires de courte et moyenne
proie à une crise économique, les Soviétiques portée (SS-20 et Pershing). D’autres accords prévoient la di-
ne peuvent pas se nourrir sans les céréales que
nous leur vendons. Ils ont désespérément besoin minution des lanceurs à longue portée.
de notre technologie. […] A mon avis, il est urgent Au niveau intérieur, Gorbatchev lance la perestroïka (la res-
que, en matière économique, les pays occidentaux
tructuration). C’est un projet global et radical qui vise à trans-
parlent d’une seule voix avec le bloc soviétique, ils
Cours

devraient s’entendre pour stopper toute subvention former le système économique, le système politique et la so-
à l’Est. ciété. La vie économique est libéralisée avec la distribution de
Interview de H. Kissinger par Nina Sutton, Paris Match, 11 juin 1982. la terre et la création d’entreprises individuelles.

Chapitre 3 : la fin de la guerre froide 77


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La Glasnost (la transparence) est le dispositif qui doit per-


mettre la démocratisation du régime et la marginalisation de la
vieille garde communiste. Les institutions disent la vérité sur
l’état économique de l’URSS. Les mensonges cessent sur les
crimes du régime.
Malheureusement, les réformes sont un cuisant échec qui
précipite la dissolution de l’URSS. Les mesures sont incom-
plètes et ne favorisent pas l’investissement. L’inflation est galo-
pante et les salaires ne suivent pas. Les grèves se multiplient,
la production s’effondre.
Ce vent de réformes n’échappe pas à l’ensemble du bloc de
l’Est. La plupart des pays saisissent l’opportunité pour s’éman-
ciper de la tutelle pesante de l’URSS. Grâce à la Perestroï-
German Federal Archive
ka, la repression n’est plus à l’ordre du jour. La Hongrie ouvre
1 120 000 personnes se rassemblent à Lepzig le
le rideau de fer en mai 1989 et les Allemands de l’Est fuient lundi 16 octobre 1989. Les manifestations du
en masse vers l’Ouest. En Pologne et en Tchécoslovaquie, lundi ou Montagsdemonstrationen réunissent
la transition se fait en douceur. L’opposition soutenue par la les Allemands de l’Est au nom de «Nous
société civile s’impose progressivement lors d’élections mul- sommes le peuple» (Wir sind das Volk !). Ces
manifestations géantes précipitent l’effondre-
tipartistes. ment du régime.
La RDA d’Érich Honecker, confrontée à la fuite de ses ressor-
tissants et à des manifestations géantes dans la plupart des
villes, annonce, le 9 novembre 1989, dans un communiqué
ambigu la liberté de circulation. Les Berlinois «forcent» alors
les points de passage, c’est le tournant (die Wende). Le mur
tombe. Le 31 août 1990, la réunification allemande est signée
avec le consentement de Gorbatchev.

II Le nouveau cadre des relations internationales

1 La fin de l’URSS et l’affirmation de la Russie

Gorbatchev ne parvient pas à redresser l’économie de l’URSS.


Aux élections de 1989, ses candidats échouent face aux
réformateurs et aux nationalistes.
En même temps, la contestation monte dans les républiques
périphériques et en particulier dans les pays baltes. La Li-
tuanie proclame son indépendance le 11 mars 1990. Les
tentatives pour arrêter le mouvement sont vaines. L’URSS AP

reconnaît l’indépendance des trois républiques en 1991. 2 Boris Eltsine annonce la fin du putsch de
­Moscou le 22 août 1991.
Pendant ce temps, les évènements en URSS se précipitent.
En juin 1990, le président de Russie, Boris Eltsine, déclare la
souveraineté du pays, tiraillé entre l’aile conservatrice qui veut
revenir à l’ancien modèle soviétique et l’aile réformiste. En août
1991, un putsch mené par les conservateurs communistes fra-
gilise Gorbatchev et place au premier plan Boris Eltsine. Les ré-
publiques proclament alors une à une leur indépendance.
L’URSS ne se limite plus qu’au “mur du Kremlin”.
Lors d’une rencontre des présidents de Biélorussie, d’Ukraine RFE/RL

et de Russie à Minsk le 8 décembre 1991, les présents 3 Le 4 octobre 1993, l’armée mandatée par Boris
Eltsine envahit le Parlement de Russie. Les
constatent la disparition de l’URSS et proclament la dissolution partis nationalistes et communistes sont alors
Cours

de l’Union soviétique. A la place naît la Communauté des États interdits. Les journaux d’opposition ferment. La
indépendants (CEI) à la suite de l’accord d’Alma Alta. Président nouvelle Constitution, qui renforce le pouvoir du
sans pays, Gorbatchev démissionne le 25 décembre 1991. président, est alors adoptée.

78 Chapitre 3 : la fin de la guerre froide


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Biographies La privatisation sans contrôle des conglomérats soviétiques


entraîne l’effondrement de l’économie au profit d’une mino-
Vladimir Poutine : Né en 1952 à Leningrad rité d’oligarques. Le PIB est divisé par deux. Pour conserver le
dans une famille ouvrière, il est d’abord étu-
pouvoir, le président promulgue une Constitution qui renforce
diant en droit puis il entre au service du KGB.
Lors de la chute du mur de Berlin, il est en
son autorité et met au pas le congrès des députés après l’inter-
poste à Dresde. De retour en Russie, c’est à vention de l’armée (octobre 1993). À présent, la contestation
Saint-Pétersbourg qu’il commence sa carrière des nationalités se localise en Russie. Toujours président, Bo-
politique. Elle s’accélère lorsqu’il devient l’un ris Eltsine déclenche une guerre contre la Tchétchénie séces-
des proches de Boris Eltsine. Il dirige alors en sionaire en 1994-1995. Cette guerre est un lamentable fiasco
1998 le FSB, le nouveau service d’espionnage et la Russie doit reconnaître l’indépendance de la république.
de Russie, avant d’être nommé en août 1999
Boris Eltsine, dont la santé décline, démissionne le 31 dé-
président du gouvernement. Le 31 décembre
1999, Boris Eltsine démissionne et il devient cembre 1999 au profit de son premier ministre Vladimir Pou-
le président de la Fédération de Russie. tine. Ce dernier mène déjà la seconde guerre en Tchétché-
Oussama Ben Laden (1957-2011) : Membre
nie depuis le 6 août 1999. Elle se termine le 6 février 2000
d’une riche famille d’origine yéménite par la destruction de la République autonome. Le nouveau
proche du roi saoudien et propriétaire d’un président rétablit l’autorité de l’État. L’économie du pays profite
groupe de bâtiments et travaux publics, il de l’augmentation du prix des matières premières, ce qui favo-
s’engage contre les Soviétiques en Afghanis- rise le développement des activités tertiaires et l’augmentation
tan et prend la tête en 1987 d’Al-Qaïda (la du niveau de vie d’une partie de la population.
«base» en Arabe). Il est un temps soutenu
V. Poutine intervient dans la plupart des conflits des ex-répu-
par les Américains, qui retirent leur aide dès
le départ des Soviétiques d’Afghanistan. Ben bliques soviétiques pour renforcer sa zone d’influence (Ossétie,
Laden s’oppose alors à la famille saoudienne Abkhazie, Géorgie, Crimée...). Au plan international, il profite des
et s’oriente vers le terrorisme international. déboires américains en Irak pour relancer la politique mondiale
Après plusieurs attentats commis durant les de la Russie en soutenant la plupart des régimes autoritaires.
années 90, le monde entier le découvre à la
suite des attentats du 11 septembre 2001 à
New York. Les Américains lancent une traque
2 Les États-Unis entre multilatéralisme et unilatéralisme
acharnée contre lui. Localisé en 2010 au Pa- À la suite de l’effondrement de l’URSS, le modèle américain
kistan, il est exécuté le 2 mai 2011 au cours s’impose : les USA deviennent l’hyperpuissance. Leur lea-
d’une intervention commando des SEALs
dership international est incontestable avec une présence mili-
(forces spéciales américaines).
taire partout dans le monde. En Irak, lors de la première guerre
du Golfe en 1991, les États-Unis montrent l’efficacité de leur
guerre assymétrique qui repose sur la puissance aérienne, la
supériorité technologique et informatique. L’Amérique se réffirme
le gendarme du monde et impose son nouvel ordre mondial.
À partir du mandat de G. H. Bush, certains spécialistes qua-
lifient les États-Unis “d’empire global”. Les États-Unis ont
le choix entre deux types de politique internationale : l’uni-
latéralisme et le multilatéralisme. Dans le premier cas,
les États-Unis prennent seuls les décisions, les alliés devant
TECH. SGT. JOE COLEMAN, U.S. Air Force suivre sans discuter. Dans le second cas, l’Amérique incarne
1 L’autoroute de la mort. Lors du retrait du Koweït un «soft power» qui défend les valeurs internationales défi-
par l’armée irakienne en février 1991, les forces nies dans la Charte des Nations Unies, prend en compte les
américaines bombardent les convois.
desiderata de leurs alliés et respectent les institutions interna-
tionales et en particulier l’ONU.
En effet, avec la fin de la guerre froide, l’ONU retrouve une
liberté d’action inconnue jusqu’alors. Le concept du droit d’in-
gérence se développe avec de nombreuses interventions des
Casques bleus dans le cadre d’opérations de maintien de la
paix. Les ONG jouent aussi un rôle non négligeable et sont
à l’origine de la création de la Cour Pénale Internationale
(CPI) siégeant à La Haye.
Les deux mandats de Bill Clinton (1993-2001) alternent
entre ces deux politiques. Il défend l’«enlargement». L’enjeu
Cours

Jean-Claude Dupin

2 En France, l’influence mondiale des États-Unis est d’autant plus fort que les résistances à l’Amérique s’ac-
est caricaturée dans les «guignols de l’info» par croissent. Au plan intérieur, ce sont les mouvements paci-
Monsieur Sylvestre. fistes altermondialistes, anti-guerres voire écologistes qui

Chapitre 3 : la fin de la guerre froide 79


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s’opposent à cette «démocratie de marché» impérialiste 1 L’«enlargement», selon Bill Clinton


qui ne respecte pas les droits de l’homme. Au plan extérieur,
Notre stratégie de sécurité nationale s’appuie sur
d’autres pôles contestent cette hyperpuissance. Le monde une série d’instruments politiques, militaires et
est multipolaire avec le Mercosur en Amérique latine, l’UE, économiques et met l’accent sur les éléments sui-
la Chine, l’Inde, la Russie ou le Brésil. vants [...] :
- Améliorer notre sécurité, en tenant compte de nos
L’acte emblématique de cet antiaméricanisme reste l’atten-
capacités militaires. Nous devons être en mesure
tat de New York contre les deux tours du World Trade Center de mener, y compris avec l’aide de nos alliés ré-
le 11 septembre 2001. Pour la première fois de son histoire, gionaux, deux conflits régionaux majeurs simulta-
un acte terroriste touche à grande échelle le cœur de la puis- nés dans le monde. Nous continuerons nos efforts
sance américaine. Cet évènement marque la naissance du diplomatiques pour la maîtrise de l’armement, pour
éviter les conflits nucléaires, chimiques, biologiques
terrorisme global avec la nébuleuse d’Al-Qaïda. Ben Laden et conventionnels [...].
devient l’icône de l’islamisme radical qui lutte arme au poing - Promouvoir la prospérité du pays en menant une
contre la domination américaine. politique économique vigoureuse et intégrée visant
à mettre de l’ordre dans notre politique économique,
Georges W. Bush (2001-2009) réagit par une politique uni-
à travailler à la création de marchés libres et ouverts
latérale. Il parle de croisade, d’empire du mal, et décide à l’étranger et de promouvoir le développement
de chasser les talibans d’Afghanistan et d’envahir l’Irak durable.
de Saddam Hussein qui, pourtant, malgré sa dictature san- - Promouvoir la démocratie en protégeant, conso-
glante, n’avait pas de lien avec les attentats. Cette politique lidant et élargissant la communauté des démocra-
aveugle, qui cherche la vengeance plus que des solutions ties de marché afin d’accroître notre sécurité. Nos
efforts sont axés sur le renforcement des processus
légales aux tensions internationales, renforce l’antipathie in- démocratiques dans les principaux États démocra-
ternationale envers les États-Unis. Il s’agit d’une politique à tiques émergents, notamment en Europe centrale
double tranchant puisque l’appareil militaire américain montre et orientale, en Russie, en Ukraine et dans d’autres
vite ses limites. Il faut attendre l’élection de Barack Obama nouveaux États indépendants de l’ancienne Union
soviétique.
(2009-2017) pour revenir à une politique plus ouverte fondée
L’administration de Bill Clinton, «A National Security Strategy of
sur la consultation de ses alliés. Engagement and Enlargement», the White House, février 1996.

Entre guerre froide et guerre ethnique : le conflit


III israélo-palestinien
1
Dates Évènements
Un conflit aux racines anciennes
1959 Fondation du Fatah par Yasser Arafat
1964 Fondation de l’OLP ‘Le Caire)
Le conflit israélo-palestinien marque toujours les relations
Après la guerre de six jours Iraël occupe Jéru-
internationales. Apparu en marge de la guerre froide, ce conflit 1967
salem-Est, la Cisjordanie et la bande de Gaza
se perpétue dans le cadre international actuel. Deux camps
1969 Yasser Arafat devient le chef de l’OLP
semblent enfermés dans leurs haines réciproques, l’actualité
«Septembre noir» : massacre des Palestiniens
étant ponctuée d’attentats suivis «d’opérations de pacifica- 1970
en Jordanie
tion».
1975-
Début de la guerre civile au Liban
A la fin du XIXe s., les nationalismes montent en puissance 1976
dans la plupart des pays européens. L’antisémitisme s’ac- Intervention d’Israël au Liban. L’OLP est
centue, les Juifs sont autant rejeté en raison de leurs spécifi- 1982 transférée en Tunisie. Massacre de Sabra et
cités que de leur assimilation progressive. C’est un antisémi- Chatila.
tisme d’origine religieuse (anti-judaïsme), socio-économique 1987-
Intifada : révolte des jeunes palestiniens
1993
(le banquier), nationaliste (un peuple inassimilable) et racial.
Accords d’Oslo : reconnaissance mutuelle
En réaction aux attaques antisémites et à l’impossibilité de 1993
d’Israël et des Palestiniens
l’assimilation, Theodor Herzl définit un nationalisme juif qui Mise en place de l’autorité palestinienne dans
propose la création d’un État juif. Celui-ci pourrait être créé 1994
la bande de Gaza et en Cisjordanie
sur la terre promise des Juifs de l’Antiquité, à savoir la Pales- 2000-
Seconde intifada
tine. Ce courant prend le nom de sionisme. 2005
Depuis des siècles, la Palestine est sous administration otto- 2004 Mort de Yasser Arafat
mane, mais au XIXe s. l’Empire est en plein déclin. C’est un 2008-2009, 2012, 2014 : Guerres de Gaza
enjeu entre les grandes puissances, parce que la Palestine est Les États-Unis reconnaissent Jérusalem
Cours

un carrefour essentiel entre l’Europe et l’Asie sachant que la 2017


comme capitale d’Israël
découverte de pétrole au Moyen-Orient attise les convoitises. Projet de paix de Trump favorable aux Israé-
2020
liens

80 Chapitre 3 : la fin de la guerre froide


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La situation est d’autant plus complexe que les puissances


TURQUIE
coloniales ont un discours contradictoire. Lors de la Pre-
Adana
mière Guerre mondiale, les alliés promettent au chérif de la
Mossoul
Alep
Kirkouk Mecque, l’émir Hussein, un vaste état indépendant arabe.
PERSE
De l’autre, la déclaration Balfour en 1917 prévoit la créa-
Damas
Bagdad
tion d’un foyer national juif. Et en même temps, à la suite de
Amman négociations secrètes franco-britanniques, Sykes et Picot ont
Jérusalem
déjà prévu depuis 1916 le partage du Proche-Orient en zones
d’influence britannique et française.
ARABIE Laquelle terminée, la France obtient le Mandat du Liban et de
la Syrie, le Royaume-Uni le Mandat de la Palestine, de l’Irak
Administration française directe Administration britannique directe
et de la Jordanie. Chaque camp se sent trahi et les tensions
Zone d’influence française Zone d’influence britannique
Réalisation : S. Coté
augmentent au fur et à mesure que l’installation de Juifs en
1 Le partage du Proche-Orient selon les accords Palestine s’accélére. Des émeutes et des combats, notamment
Sykes-Picot de 1916. en 1936, éclatent entre les deux communautés. Mais la vague
d’immigration juive ne diminue pas : en 1800, il y avait 1 Juif
pour 40 Arabes. En 1947, c’est 1 Juif pour 2 Arabes.
La Seconde Guerre mondiale dramatise la situation. Les sio-
nistes, bien qu’hostiles à la présence des Britanniques en
Palestine et à la politique de limitation de l’immigration, sou-
tiennent les alliés. La Shoah donne une nouvelle dimension
aux revendications juives.

2 Une naissance influencée par l’après-guerre

Avec l’extermination, il n’est plus possible de s’intéresser au


sort des Juifs en Europe avec le mépris des années passées.
2 Caricature de Leslie Gilbert Illingworth sur la La solution d’un État indépendant paraît alors pour beaucoup
Palestine en 1946.
la seule solution politiquement valable. Il faut dire que la culpa-
bilité des Occidentaux en raison de la Shoah est si forte que
toutes nouvelles actions violentes contre les Juifs paraîtraient
insupportables.
Les Britanniques tentent toujours de limiter l’arrivée des Juifs
en Palestine. Mais des actions terroristes (par exemple de
­l’Irgoun) et des épisodes médiatisés comme l’Exodus rendent
impossible le maintien de leur présence. Face à l’impasse, les
Britanniques soumettent le problème à l’ONU.
L’ONU propose un plan de partage refusé par les Arabes. Le
Frank Scherschel, gouvernement britannique jour de la fin du mandat britannique, le 14 mai 1948, Ben Gou-
3 En 1947, l’Exodus part d’Europe vers la Pales- rion proclame l’indépendance de l’État d’Israël. Dès le len-
tine avec à son bord 4 500 survivants de la demain, une coalition des pays arabes attaque sur toutes les
Shoah. Le monde assiste indigné à la longue
frontières. Au grand étonnement de tous, Israël repousse l’at-
errance du navire en Méditerranée avant de
revenir en Allemagne. taque et agrandit son territoire. La Transjordanie (la Jordanie ac-
tuelle) en profite pour annexer la Cisjordanie et l’Égypte annexe
la bande de Gaza. La frontière passe à l’intérieur de Jérusalem.
Cette date marque le début de la question palestinienne. La
création de l’État d’Israël provoque un transfert massif de
population : 600 à 750 000 Palestiniens quittent volontaire-
ment ou contraints la Palestine. Cet épisode s’appelle pour les
Palestiniens la Nakba et nourrit encore de vives controverses.
L’arrivée de Juifs du monde entier s’accélère. Israël devient
la seule démocratie du Moyen-Orient. La chambre s’appelle
la Knesset. Le pouvoir exécutif est détenu par le Premier
ministre. Tsahal (l’armée israélienne) joue un rôle essentiel
Cours

parce que l’armée paraît être le seul rempart pour un petit État
4 La Knesset, lieu du Parlement israélien, à entouré de nations hostiles.
­Jérusalem.

Chapitre 3 : la fin de la guerre froide 81


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Un conflit israélo-arabe en périphérie de la


3 guerre froide
La création de la Ligue arabe, en 1945, exprime un désir
d’union de la «nation arabe». L’Egypte de Nasser devient la
championne du nationalisme arabe et du panarabisme. L’État
d’Israël et sa politique envers les Palestiniens représentent
l’ennemi à abattre.
En 1956, lors de la nationalisation du canal de Suez par
Nasser, Israël intervient au côté du Royaume-Uni et de la
France. Les trois puissances doivent reculer face à la pres-
sion américaine et soviétique. L’hostilité à Israël est un moyen 1 Caricature Emmwood (John Musgrave-Wood)
d’unir les Égyptiens derrière Nasser. publiée dans le Daily Mail le 24 Mai 1967

Au printemps 1967, il obtient le départ des troupes de l’ONU


le long du canal de Suez et il ferme le golfe d’Aqaba à la navi-
gation israélienne. Le 5 juin 1967, l’État Juif lance alors une
attaque préventive contre l’Égypte, la Syrie et la Jordanie.
L’avancée des troupes israéliennes est foudroyante et les
armées arabes sont humiliées. Victorieux, Israël occupe de
vastes territoires : le Sinaï, la bande de Gaza, la Cisjordanie,
le Golan. Le 22 novembre, le Conseil de sécurité de l’ONU
adopte la résolution 242, réclamant le retrait des troupes is-
raéliennes des territoires occupés et la nécessité d’assurer la
sécurité d’Israël. L’influence de Nasser décline.
Reuter
Les Arabes n’acceptent pas cette défaite. En octobre 1973, Destruction d’une colonne blindée égyptienne
2
l’Égypte, dirigée par Anouar el-Sadate prend la tête de l’offen- lors de la guerre du Kippour en 1973.
sive visant à récupérer les territoires occupés. Une attaque
surprise contre Israël débute le 6 octobre 1973, jour de la fête
religieuse juive du Yom Kippour. Elle permet la percée des
lignes israéliennes. L’effet de surprise est de courte durée.
Rapidement, les Israéliens parviennent à rétablir le statu quo.
La guerre du Kippour marque l’internationalisation du conflit. Révisions
Les deux Grands s’opposent. Les Soviétiques approvisionnent Notions : quels faits montrent un affaiblisse-
en armes les Arabes et les Américains arment les Israéliens. ment des États-Unis à la fin des années 70 ?
Les États arabes producteurs de pétrole décident de quadru- Quels faits montrent l’expansion de l’URSS à
pler le prix du baril de pétrole brut, ce qui provoque le premier la fin des années 70 ?
choc pétrolier. En quoi l’élection de R. Reagan marque
un tournant dans la politique extérieure
Alors que l’Égypte est confrontée à de graves problèmes
­américaine ?
économiques et sociaux, Sadate se rend en Israël en 1977 Quelles mesures met en place Gorbatchev
pour proposer la paix. En septembre 1978, il signe aux pour réformer l’URSS ? Pourquoi est-ce un
États-Unis, avec le Premier ministre israélien Begin, et sous la échec ?
présidence de Carter, les accords de Camp David. L’Égypte Quels facteurs expliquent la chute du mur
reconnaît Israël qui, en retour, évacue le Sinaï. Cet accord vaut de Berlin ? Pourquoi l’URSS implose-t-elle ?
à l’Egypte d’être exclue de la Ligue arabe. Le 6 octobre 1981, Quelle place occupe-t-elle dans les relations
des islamistes fanatiques assassinent Sadate. internationales après 1991 ?
Comment l’Amérique alterne-t-elle sa poli-
Le Front arabe se divise d’autant plus que la révolution isla- tique internationale entre multilatéralisme
mique en Iran a éclaté. Les Iraniens soutiennent les Chiites et unilatéralisme ?
au Liban et entrent en guerre contre les Irakiens. Le Liban Quel est le nouvel ordre politique mondial ?
devient le creuset des divisions arabes. Entre 1975 et 1990, Quel rôle joue l’ONU dans ce nouvel ordre
le pays est déchiré par une longue guerre civile. Plusieurs mondial ?
niveaux de conflits s’y superposent : Israéliens contre Pales- Quels facteurs expliquent la création d’Is-
tiniens, guerre civile entre musulmans et chrétiens libanais, raël et le conflit israélo-arabe ? Quels sont
affrontements entre Palestiniens et Syriens, entre Irakiens et les modes d’actions Arabes et Palestiniens
contre Israël ? Comment évoluent-ils ?
Syriens par milices chiites interposées.
Cours

Pourquoi l’Égypte signe-t-elle la paix avec


Israël ? En quoi consiste les accords d’Oslo ?
Pourquoi sont-ils un échec ?

82 Chapitre 3 : la fin de la guerre froide


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D’un conflit israélo-arabe à un conflit israélo-


4 palestinien

Le peuple palestinien n’a jamais formé un État-nation. C’est la


fondation de l’État d’Israël qui a obligé les Arabes de Palestine
à s’interroger sur leur identité nationale. En 1950, 914 000 Pa-
lestiniens sont recensés dans les pays voisins d’Israël. Sou-
vent regroupés dans des camps, ils connaissent des condi-
tions de vie précaires et les pays arabes ne favorisent pas leur
intégration. Ainsi, en 1964, à l’initiative de la Ligue arabe, est
1 Logo officiel du Fatah. créée l’Organisation de libération de la Palestine. L’ OLP
rassemble plusieurs organisations palestiniennes, dont la plus
importante est le Fatah de Yasser Arafat.
La défaite arabe lors de la guerre des Six Jours, en 1967,
Vocabulaire permet aux Palestiniens de se dégager de l’influence des
Fatah : Le Mouvement de libération natio- États arabes. En 1969, le Fatah prend le contrôle de l’OLP
nale de la Palestine a été fondé en 1959 au et impose une ligne radicale, la lutte armée, présentée
Koweït par Yasser Arafat. Le Fatah se déclare comme la seule voie possible de libération de la Palestine.
laïc, contrairement au Hamas, et politique-
Les Palestiniens multiplient les actes de terrorisme internatio-
ment neutre, à la différence du FPLP (Front
populaire de libération de la Palestine) d’in-
nal (détournements d’avion, attentats...) pour faire connaître
fluence communiste. Officiellement, le parti leurs revendications. Mais ces actions les isolent sur la scène
veut créer une Palestine traitant à égalité les internationale. L’assassinat d’athlètes israéliens lors des Jeux
Juifs et les Palestiniens. olympiques de Munich en 1972 choque l’opinion internatio-
nale. Le mouvement palestinien se trouve dans une impasse.
De son côté, l’accès au pouvoir du Premier ministre israélien
Menahem Begin, marque un durcissement de la politique du
pays. La colonisation des territoires occupés s’intensifie :
entre 1977 et 1984, la population juive de Cisjordanie passe
de 3 000 à 44 000. Le but est de rendre impossible le retour
de ces territoires aux Palestiniens.
À la suite des incursions palestinienne menées du Sud-Liban
vers Israël, Tsahal, en 1982, envahit le pays jusqu’aux portes
de Beyrouth. C’est l’opération «Paix en Galilée». L’objectif
affirmé est d’éliminer les groupes de fedayins présents dans
AFP
les camps palestiniens du Sud-Liban, qui organisent raids et
2 Yasser Arafat en 1970 à Damas. attentats dans le nord d’Israël en Galilée. La complicité de
l’armée israélienne dans les massacres de civils palestiniens
par les milices chrétiennes, aux camps de Sabra et Chatila,
en septembre 1982, marque durablement les consciences. À
l’issue de cette cinquième guerre, la direction de l’OLP est
affaiblie et elle doit fuir en Tunisie.

Le conflit entre processus de paix et reprise


5 des hostilités

Après l’échec des guerres conventionnelles et de sa poli-


tique terroriste, l’OLP s’oriente vers la résistance intérieure et
­diplomatique.
Inconnu En 1987 éclate la première intifada («soulèvement» en arabe)
3 Massacre de Sabra et Chatila du 16 au 18 sep- parfois dénommée «guerre des pierres». Cette explosion de
tembre 1982. Encore aujourd’hui il est difficle violence est l’expression de la détresse d’une génération ayant
d’établir le nombre de victimes précises, qui vécu sous l’occupation israélienne. Cette entrée en lice de la
s’établit entre 700 et 3 500. Les troupes pha-
langistes chrétiennes dirigées par Elie Hobeika population palestinienne relance l’OLP. L’impact médiatique est
tuèrent autant les hommes, les femmes, les fort et l’image d’Israël au plan international se dégrade.
Cours

vieillards que les enfants. Ces évènements


La fin de la guerre froide et la guerre du Golfe en 1991, ré-
provoquèrent une forte émotion autant dans le
monde qu’en Israël. veillent un nouvel espoir. En Israël prend essor un mouvement

Chapitre 3 : la fin de la guerre froide 83


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pour la paix. Après la reconnaissance mutuelle d’Israël et de Définition


l’OLP en 1992, un accord de paix est signé à Washington
par Rabin et Arafat, le 13 septembre 1993. Le texte est com- Hamas : En arabe, le mot
signifie «ferveur» et il est
plété par les accords d’Oslo : les Palestiniens disposent d’un
l’acronyme de Mouvement
territoire autonome comprenant la bande de Gaza et de terri- de résistance islamique.
toires en Cisjordanie. Un embryon d’État palestinien est créé, Le but du Hamas est poli-
mais la présence de colons israéliens en Cisjordanie rend tique et religieux. Créé
difficile la cohabitation entre Juifs et Palestiniens. De même, en 1987 par des person-
le droit au retour des réfugiés palestiniens apparaît comme nalités issues des Frères
insoluble plus de quarante ans après la fin du conflit de 1967. musulmans, le Hamas souhaite la destruction
d’Israël et l’instauration d’un État islamique
Ainsi, les accords sont un échec. La construction de la paix
palestinien. Rejetant les accords d’Oslo.
entre Israël et l’OLP est freinée par le fanatisme religieux Ses actions s’en prennent autant aux civils
et radical des deux camps. L’assassinat de Rabin par un qu’aux militaires par des attentats-suicides
extrémiste juif en novembre 1995 et les attentats perpétrés (officiellement abandonnés depuis 2006) et
en Israël par les extrémistes islamistes du Hamas, hostiles des tirs de roquettes sur Israël.
à Arafat, renforcent dans chacun des camps les partisans de
l’affrontement.
En 2000, de nouvelles négociations de paix sous l’égide des
États-Unis échouent et, en septembre 2000, commence la
seconde intifada, plongeant Israéliens et Palestiniens dans
une nouvelle impasse sanglante. Depuis 2001, le cycle infer-
nal des attentats palestiniens contre Israël et les représailles
de l’armée israélienne pour supprimer ceux qu’elle juge res-
ponsables a repris.
Le vieux chef historique, Yasser Arafat est mort en no-
vembre 2004 et les Palestiniens s’affrontent aujourd’hui dans
des luttes fratricides entre partisans du Fatah qui gèrent la
Cisjordanie et les partisans du parti des extrémistes religieux,
le Hamas, qui gèrent la bande de Gaza. Le projet d’un État pa-
1 Caricature de Plantu sur la construction du mur
lestinien viable apparaît plus que lointain. Pour se préserver, séparant Israël et la Palestine à partir de 2002.
Israël a entrepris d’édifier un mur dont le tracé est très éloigné
des frontières de 1967. Le but de Netanyhaou est de rendre
irréversible la colonisation des territoires occupés.
Peu à peu, le conflit passe à l’arrière-plan de l’actualité, occul-
té par les guerres en Irak, en Afghanistan, les révoltes arabes
et les menaces iraniennes.

Révisions
Vocabulaires : guerre du Kippour - Révolution islamique du Golfe - G. H. Bush - B. Clinton - l’enlargement - 11
- Khomeyni - Eagle Claw - R. Reagan - «America is back» septembre 2001 - Al Qaïda - Ben Laden - Barack Obama
- euromissiles - «guerre des étoiles» (IDE) - M. Gorbat- - T. Herzl - sionisme - déclaration Balfour - Ben Gourion -
chev - traité de Washington - perestroïka - la glasnost - la Nakba - crise de Suez - Guerre des six jours - A. el-Sadate
chûte du mur de Berlin - B. Eltsine - accord d’Ama Alta - accords de camp David - OLP - Fatah - Y. Arafat - «Paix
- V. Poutine - multilatéralisme - unilatéralisme - guerre en Galilée» - intifada - accords d’Oslo - Hamas.

1945 1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2020

1980-1988 2003-2011 2011-


Guerre Iran-Irak Le nouveau Seconde Guerre du Golfe Conflit syrien
Moyen-Orient La Décolonisation La logique de la guerre froide 1990-1991
Guerre du Golfe «désordre» mondial
1975-1991 Guerre du Liban

1987-1991 2000-2005
Israël Conflit israélo-arabe Conflit israélo-palestinien 1ère intifada 2e intifada Guerre de Gaza
Cours

1947 14 mai 1948 1956 1964 juin 1967 1973 1978 1982 1987 1993 1995 2000
Partage de l’ONU Déclaration d’indépendance Crise de Suez Fondation Guerre de six jours Guerre du Kippour Accords de Invasions du Liban Fondation Oslo 1 Oslo 2 Visite de l’esplanade des Mosquées

2 1948-1949
Guerre israélo arabe
de l’OLP Camp David du Hamas par les dirigeants israéliens

84 Chapitre 3 : la fin de la guerre froide


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De l’HDécolonisation
istoire à Mon et indé-
Chapitre
Histoire Personnelle
pendances depuis 1945
4
1 Ouverture de la conférence de Bandung le 18 avril 1955 en Indonésie.

Inconnu

2 Patrouille de l’armée française en Algérie.

Quels sont les facteurs et


les formes de la décolo-
nisation ? Comment évo-
luent les nouveaux États
indépendants ?
Exercices

Chapitre 4 : Décolonisation et indépendances après 1945 85


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I Les facteurs de la décolonisation


1 Après 1945, un nouveau monde

OCEAN GLACIAL ARCTIQUE

Canada Russie
Royaume Danemark
Pays-Bas
Uni Belgique
OCEAN France OCEAN
Italie
Japon
Turquie
Etats-Unis Portugal Espagne Chine
Syrie
Irak
PACIFIQUE
OCEAN Egypte Macao
Afrique Inde
occidentale Hong-kong
française Soudan Siam
Philippines
PACIFIQUE Libéria
Nigéria Ethiopie

Gold Coast Ceylan Singapour


Congo
belge OCEAN
Royaume-Uni
Angola
Dominions britanniques ATLANTIQUE
France Mozambique
Espagne
Madagascar
Portugal INDIEN Australie
Pays-Bas Afrique du Sud
Etats-Unis
Italie
Afrique du Sud
Belgique 0 2 000 km

2 Affiche anticoloniale japo-


Danemark Réalisation : S. Coté

1 Les colonies européennes et américaines en 1945. naise de 1943. Les Philippines


étaient alors colonisées par les
États-Unis. Par cette affiche,
3 Affiche japonaise
antibritannique en les Japonais passent pour les
Inde (1944). libérateurs de l’Asie du Sud-Est
et montrent que les Occiden-
taux ne sont pas invincibles.

4 La position de l’ONU
1. Les États membres de l’organi-
sation doivent soutenir le principe
du droit de tous les peuples et
de toutes les nations à disposer
d’eux-mêmes.
3. Les États membres de l’orga-
nisation qui ont la responsabilité
d’administrer des territoires non
autonomes [...] prendront des me-
sures pratiques [...] pour assurer
la participation directe des popu-
5 Les deux Grands et la question coloniale lations autochtones aux organes
Le maréchal Staline dit qu’il ne proposait pas que les Alliés versent leur sang pour que législatifs et exécutifs, ainsi que
l’Indochine, par exemple, retrouve son ancien statut de colonie française. Il dit que les pour préparer lesdites population
récents événements au Liban justifiaient le premier pas vers l’indépendance de gens qui [...] à l’indépendance.
jadis avaient été soumis à la domination coloniale. Il dit que dans la guerre contre le Japon, Résolution 637 adoptée par l’ONU le 16
[...] les Japonais avaient donné, au moins nominalement, leur indépendance à certaines décembre 1952.
contrées coloniales. [...] Le Président [Roosevelt] dit qu’il était à 100 % d’accord avec le
maréchal Staline et fit la remarque qu’après un siècle de domination française en Indochine,
le sort des habitants était pire que celui qu’ils avaient connu auparavant.
Questions
Conférence de Téhéran, 28 novembre 1943. 1. Présentez la situation co-
Depuis plus d’un an, j’exprime l’opinion que l’Indochine ne devrait pas retomber sous la loniale du monde en 1945
domination de la France [...] Vous serez intéressé de savoir que cette position a le soutien (doc 1).
du généralissime Tchang Kaï-chek et du maréchal Staline. Je ne vois pas pourquoi nous 2. Analysez les conséquences
entrerions dans le jeu du Foreign Office dans cette affaire. La seule raison pour laquelle ils
de la Seconde Guerre mon-
semblent y être opposés, c’est qu’ils craignent les conséquences que cela pourrait entraîner
dans leurs propres possessions et dans celle des Hollandais. diale et de l’invasion japo-
F. D. Roosevelt, Note au secrétaire d’Etat C. Hull, 2 janvier 1944
naise sur les colonies euro-
Exercices

La crise du système colonial, accentuée par l’issue de la Seconde Guerre mondiale, se


péennes (docs 2 et 3).
manifeste par le puissant essor du mouvement de libération nationale dans les colonies 3. Présentez, comparez et jus-
[...]. Les peuples des colonies ne veulent plus vivre comme par le passé. Les classes domi- tifiez la position de l’URSS, des
nantes des métropoles ne peuvent plus gouverner les colonies comme auparavant. États-Unis et de l’ONU sur la
Rapport Jdanov, 25 septembre 1947 question coloniale (docs 4 et 5).

86 Chapitre 4 : Décolonisation et indépendances après 1945


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2 Mouvements anticolonialistes et réactions des Européens

1 La question coloniale aux Pays-Bas Questions


Sans vouloir devancer les recommandations de la future 1. D’après l’ensemble des documents, présentez les cri-
conférence (de la table ronde), je me représente qu’elles tiques faites contre les colonies. Présentez les ­auteurs.
seront toutes dirigées vers l’idée d’une communauté (com-
2. Que proposent les puissances coloniales pour limiter
monwealth) entre les Pays-Bas, l’Indonésie, le Surinam et le
Curaçao [...] avec liberté pour chacun de conduire ses affaires les revendications ? Peut-on parler d’avancées incons-
intérieures [...] et une collaboration pour donner à chacun des testables vers l’indépendance ?
membres la force de porter pleinement leur responsabilité [...]. 3. Analysez les réactions des élites locales.
Seuls les aptitudes individuelles des citoyens et les désirs des
divers groupes de la population doivent déterminer la politique
du gouvernement. 4 Charles de Gaulle et les colonies
Déclaration de la Reine Wilhelmine à la radio de Londres le 6 décembre 1942.
Depuis un demi-siècle, à l’appel d’une vocation civilisatrice
Le gouvernement de la Reine reconnaît le droit légitime de vieille de beaucoup de centaines d’années, sous l’impulsion
l’Indonésie d’avoir son existence nationale propre et est des gouvernements de la République [...] les Français ont
convaincu que ce désir peut se réaliser par la voie de l’évo- pénétré, pacifié, ouvert au monde une grande partie de cette
lution légale, en faisant appel à une collaboration loyale entre Afrique noire [...].
Indonésiens et Hollandais. [...] Au moment où commençait la présente Guerre mondiale
Les Indonésiens seront admis sur un pied d’égalité dans tous apparaissait déjà la nécessité d’établir sur des bases nou-
les emplois administratifs, même les plus élevés. velles les conditions de la mise en valeur de notre Afrique, du
Le gouvernement des Indes comprendra un Parlement, com- progrès humain de ses habitants et de l’exercice de la souve-
posé en majorité d’indigènes et un Conseil des ministre placé raineté française.
directement sous l’autorité du gouvernement général, repré- [...] Mais, en Afrique française, [...], il n’y aurait aucun progrès
sentant la Couronne. qui soit un progrès si les hommes, sur leur terre natale, n’en
Instructions pour le gouvernement provisoire des Indes néerlandaises, 1945. profitaient pas moralement et matériellement, s’ils ne pouvaient
s’élever peu à peu jusqu’au niveau où ils seront capables de
participer chez eux à la gestion de leurs propres affaires. C’est
2 Le projet de Communauté française le devoir de la France de faire en sorte qu’il en soit ainsi.
Pour la première fois dans l’histoire coloniale de la France est [...] Nous ne nous dissimulons pas la longueur des étapes. [...]
accordée avec la plus grande générosité et publicité l’indépen- Au demeurant, il appartient à la nation française et il n’appar-
dance aux peuples colonisés d’Afrique et de Madagascar. À tient qu’à elle, de procéder, le moment venu, aux réformes
ces peuples, il n’est demandé que d’exercer leur droit à l’au- impériales de structure qu’elle décidera dans sa souveraineté.
todétermination à l’occasion du référendum du 28 septembre Le discours de Brazzaville par Charles de Gaulle le 30 janvier 1944.
1958. […] Pourquoi les Africains rejetteraient-ils la voie paci-
fique qui leur est aujourd’hui proposée ?
Le peuple de Guinée opte, pour sa part, pour cette voie paci- 5 «Le bon nègre est mort»
fique. […] Africains et Français, nous tournerons ensemble Demain, l’Assemblée constituante se réunira pour voter les lois
une page et dans une vraie Liberté, dans l’Egalité vraie […] de la future «Union française». [...] On nous demande notre
nous aborderons une ère nouvelle […] coopération pour refaire une France qui soit à la mesure de
Pour la dignité contre l’aliénation. Pour l’association contre l’in- l’Homme et de l’Universel. Nous acceptons, mais il ne faut pas
tégration et l’assimilation. […] Pour l’indépendance immédiate que la métropole se leurre ou essaye de ruser. Le «bon nègre»
contre une guerre éventuelle. est mort ; les paternalistes doivent en faire leur deuil. C’est la
Nous voterons tous «non». poule aux œufs d’or qu’ils ont tuée. Trois siècles de traite, un
Appel de Sékou Touré, député à l’Assemblée nationale française d’origine siècle d’occupation n’ont pu nous avilir. Tous les catéchismes
guinéenne, à ses compatriotes, 1958. enseignés [...] n’ont pu nous faire croire à notre infériorité [...]
Nous sommes rassasiés de bonnes paroles [...] ce qu’il nous
faut ce sont des actes.
Léopold Sédar Senghor, «Défense de l’Afrique noire», Esprit, juillet 1945.
3 Le poids des colonies
Le pays le plus riche et le plus stable d’Europe, la Suisse, n’a
jamais eu un mètre carré d’outre-mer. [...] Le cas de la Hol-
lande est plus frappant encore. Il était admis que son exis-
tence était basée sur les Indes orientales, bouquet de tré-
sors, pétrole, caoutchouc, riz, thé, café, étain, coprah, épices,
quinine. Or la Hollande a perdu ses colonies dans les pires
conditions, au moment où elle était dévastée, noyée [...] et il a
suffi de quelques années pour qu’elle connaisse plus d’activité
et de bien-être qu’autrefois. Elle ne serait peut-être pas dans
la même situation si, au lieu d’assécher son Zuidersee et de
moderniser ses usines, elle avait dû construire des chemins
de fer à Java, couvrir Sumatra de barrages, subventionner les
clous de girofle des Moluques et payer des allocations fami-
Exercices

liales aux polygames de Bornéo. Le colonialisme a toujours été


une charge en même temps qu’un profit, souvent une charge
plus qu’un profit. Dans les conditions et sous les servitudes
politiques actuelles, c’est plus vrai que jamais.
6 Affiche anticoloniale britannique. Leslie Illingworth, Daily Mail, 20
Raymond Cartier, Paris-Match, 18 août 1956. mai 1947

Chapitre 4 : Décolonisation et indépendances après 1945 87


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II Le continent précurseur : l’Asie


1 L’indépendance «planifiée»des Indes britanniques

2 La désobéissance civile selon Gandhi


L’idée m’est venue cette nuit, en rêve, que nous devrions ap-
peler le pays tout entier à observer un hartal (grève) général.
La satyâgraha est un processus de purification de soi ; la lutte
que nous livrons est un combat sacré. [...] Que le peuple entier
de l’Inde suspende donc toute activité, le jour venu, et jeûne et
prie durant vingt-quatre heures.
Déclaration de Gandhi 1919

3 «Quit India»
Le Comité du Congrès pense que de récents événements
viennent de démontrer clairement que la domination anglaise
en Inde doit cesser aussi vite que possible. [...] La puissance
Inconnu
de cette domination est avilissante, affaiblit l’Inde et la rend
de moins en moins capable de se défendre et de défendre
1 Gandhi lance en Inde en 1930 la «marche du sel» contre
la cause de la liberté. […] c’est sur la libération de l’Inde que
les Anglais afin de s’affranchir du monopole détenu par le
l’on jugera l’Angleterre et les Nations Unies et que les peuples
gouvernement britannique. La marche vers la mer compte
d’Asie et d’Afrique trouveront source d’enthousiasme et d’es-
50 000 personnes qui usent de la non-violence.
poir. La fin de la domination britannique sur ce pays est donc
une question vitale et primordiale ; de son dénouement proche
Jawâharlâl Nehru (1889-1964), avocat, dépendront l’avenir de la guerre et le triomphe de la liberté et
élevé à l’occidentale, est issu de la caste de la démocratie. Une Inde libre sera le meilleur gage de ce
des brahmanes. Dès 1916, aux côtés triomphe.
de Gandhi, il s’engage dans la lutte
Août 1942
contre le colonialisme britannique,
ce qui lui vaut d’être emprisonné plu-
sieurs années. Il est partisan d’une Questions
réforme agraire et d’une industriali-
1. Présentez Gandhi, Nehru et Ali Jinnah.
sation planifiée. Secrétaire général
du parti du Congrès depuis 1929, il 2. Analysez les revendications du texte Quit India.Rap-
négocie l’indépendance de son pays, pelez le contexte international (doc 3).
mais il ne peut éviter la partition de la 3. Que préconise Gandhi pour résister à la présence
péninsule indienne. Premier ministre in- britannique ? Est-ce efficace (docs 1 et 5)?
AF
P dien de 1947 à sa mort, il met en œuvre
un socialisme modéré. Il joue un rôle de pre- 4. Pourquoi les Indes anglaises se divisent-elles en deux
mier plan à la conférence de Bandung. Avec Tito et Nasser, il États indépendants ? Présentez le bilan de cette scis-
est l’un des chefs de file des pays non-alignés. sion (docs 4 à 8).

4 Ali Jinnah et sa vision de l’indépendance 5 La position du gouvernement britannique en 1947


La solution du parti du Congrès peut être résumée ainsi : le Depuis longtemps la politique des gouvernements britanniques
gouvernement britannique doit d’abord accorder l’indépen- successifs a été de travailler à la réalisation du self-govern-
dance et transmettre l’appareil civil et militaire de l’État aux ment dans l’Inde. En fonction de cette politique, une respon-
hommes du «Congrès» qui mettront en place un gouverne- sabilité croissante a été dévolue aux Indiens et aujourd’hui,
ment national selon leurs propres conceptions... Quand leur l’administration civile et les forces armées indiennes sont, dans
pouvoir et leur autorité seront bien en place, ils convoqueront une large mesure, aux mains de fonctionnaires et d’officiers in-
une Assemblée constituante avec une autorité souveraine diens. En matière constitutionnelle, les lois de 1919 et de 1935
qui décidera finalement du destin des quatre cents millions votées par le Parlement britannique représentent un substan-
d’habitants de ce vaste sous-continent. Puis, d’après le Pan- tiel transfert de pouvoir politique. […] Par l’offre de 1942, l’Inde
dit Nehru, les différentes communautés devront se soumettre fut invitée à établir une Assemblée constituante aussitôt la
ou choisir le combat : la réalité alors surgira. Au contraire, la guerre terminée. […]
Ligue musulmane se fonde sur la réalité. J’ai expliqué en détail Le Premier ministre, dans sa déclaration du 15 mars dernier,
les différences fondamentales entre hindous et musulmans. II appuyé par l’approbation du parlement et du peuple, a spécifié
n’y a jamais eu, pendant tous ces siècles, d’unité sociale ou qu’il appartenait au peuple indien lui-même de choisir son futur
politique entre ces deux principales nations. L’unité indienne statut et sa constitution et que le gouvernement pense que le
dont on parle aujourd’hui, ne relève que de l’administration bri- moment est venu de faire passer la responsabilité du gouver-
tannique qui n’a maintenu la paix, la loi et l’ordre dans ce pays nement de l’Inde entre des mains indiennes.
que par le recours ultime à la police et à l’armée. La revendica- […] C’est avec un grand regret que le Gouvernement de Sa
Exercices

tion du «Congrès» est fondée sur une nationalité qui n’existe Majesté constate qu’il existe encore entre les partis indiens des
pas, sauf dans l’esprit de doux rêveurs. Notre solution se fonde divergences […] Le Gouvernement de Sa Majesté souhaite
sur la partition du territoire de ce sous-continent en deux États […] effectuer le transfert de pouvoir entre des mains indiennes
souverains : l’Hindoustan et le Pakistan. responsables au plus tard en juin 1948.
Discours d’Ali Jinnah à la Convention législative de la Ligue musulmane à Discours du 1er ministre travailliste britannique Attlee, le 20 février 1947
Delhi, 7 avril 1946. devant la Chambre des communes.

88 Chapitre 4 : Décolonisation et indépendances après 1945


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Foreign office Inconnu

6 En juillet 1947, le Parlement britannique vote l’Indian In- La proclamation de l’indépendance donne lieu à un gigan-
7
dependence Bill. Le 15 août, l’indépendance de l’Inde est tesque mouvement de population émaillé de massacres.
proclamée. L’ancienne colonie est alors partagée en deux 12 à 15 millions de personnes sont déplacées causant 1
États distincts, l’Union indienne avec Nehru et Gandhi et à 2 millions de morts. En 1951, l’Inde compte 356 millions
le Pakistan lui-même divisé en deux parties non contiguës d’habitants (11% de musulmans et 89% d’hindous, de
(Pakistan occidental et Pakistan oriental). sikhs et autres minorités) et le Pakistan 79 millions d’habi-
tants (84% de musulmans et 16% d’hindous et de sikhs).

Gandhi (1869-1948) : avocat de formation, il Muhammad Ali Jinnah (1876-1948) : musul-


théorise la désobéissance civile et la non- man, il fait ses études de droit à Londres et
violence comme base de l’action politique. devient avocat. Rapidement, il est un per-
La satyâgraha consiste à ne plus respec- sonnage influent du parti du Congrès ,où
ter les lois, d’une manière collective et il défend l’unité hindoue-musulmane. Il
pacifique. Il expérimente sa méthode en quitte ce parti en 1920 lorsque Gandhi
Afrique du Sud puis, aidé de Nehru, il lance la satyâgraha. En 1940, il a la
parvient à faire vaciller la puissance bri- certitude que les musulmans doivent
tannique en Inde. Il organise la «marche avoir leur propre État et défend cette
du sel» en 1930 et lance l’appel «Quit idée avec la Ligue musulmane. Ce parti
India». Ses engagements lui font passer devient majoritaire au sein des musul-
6 ans en prison. Opposé à la partition de mans. Ali Jinnah dirige le Pakistan dès
hi

hi
nd

nd
Ga

Ga

l’Inde, il est assassiné par un nationaliste 1947, mais il meurt de maladie un an après
nu

nu
Ka

Ka

hindou en 1948. la proclamation de l’indépendance.

8 L’Inde avant et après l’indépendance.


AFGHA- CACHEMIRE
AFGHANISTAN NISTAN CHINE
CHINE
PENDJAB
PAKISTAN SIKKIM
OCCIDENTAL protectorat
BHOUTAN
SIKKIM BHOUTAN NÉPAL en 1965

BALOUTCHISTAN NÉPAL New Delhi


Delhi
ASSAM
Karachi
RAJPUTANA UNION PAKISTAN ORIENTAL
Mer BENGALE
INDIENNE
d’Oman Calcutta Dacca BIRMANIE
BIRMANIE Golfe du
Bombay
Bengale
Golfe du Rangoon
Bengale

Goa OCÉAN INDIEN

OCÉAN INDIEN
CEYLAN
0 1000 km
CEYLAN Réalisation : S. Coté

0 1000 km L’Inde et les autres États indépendants après 1947


Exercices

Réalisation : S. Coté
Région contestée par le Pakistan et l’Inde
L’Inde britannique en 1947
Réfugiés hindous
Majorité hindoue Hindous et musulmans
Réfugiés musulmans
Majorité musulmane Majorité boudhiste Revendications chinoises

Chapitre 4 : Décolonisation et indépendances après 1945 89


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2 La «Revolusi», la révolution nationale indonésienne (1945-1949)

3 L’ONU et le cas indonésien


Le Conseil invite les Pays-Bas à arrêter toutes les opérations
1 Soekarno ou Sukarno (1901-1970). militaires immédiatement et la République à donner l’ordre à
Alors qu’il mène des études d’in- ses partisans armés de cesser la guérilla.
génieur, il fonde le «Parti natio- Les républicains prisonniers politiques doivent être relâchés
nal indonésien». Lors de l’inva- immédiatement et inconditionnellement et autorisés à retour-
sion du pays par les Japonais, ner immédiatement à Jogjakarta, pour y exercer leurs fonctions
il joue le jeu des occupants respectives en pleine liberté, y compris l’administration de la
pour favoriser l’émancipation zone et de la ville de Jogjakarta.
de l’Indonésie. La capitula- […] Un gouvernement intérimaire sera établi dès le 15 mars
tion japonaise signée le 15 1949 au plus tard ; des élections pour une Assemblée consti-
août 1945, il proclame l’indé- tuante indonésienne devront être terminées le 1er octobre
pendance du pays le 17 août. 1949 ; le transfert de souveraineté aux E.U.I. (États-Unis d’In-
S’engagent alors quatre an- donésie) aura lieu au plus tard le 1er juillet 1950,
nées de conflits diplomatiques Résolution du Conseil de sécurité (1949), citée dans les Mémoires de
et militaires avec les Néerlan- l’Europe, Robert Laffont.
dais, ces derniers tenant les
AF
P
villes et les grands centres éco-
nomiques. L’indépendance du pays 4 L’Operatie Product (juil. 1947)
est reconnue le 27 décembre 1949.
Promoteur de la conférence de Bandung en 1955, Soekarno Justification lors de la première «action de police» durant
devient un leader du tiers-monde. Écarté du pouvoir en 1967, l’Operatie Product.
il meurt en 1970. [La République] devint de plus en plus désorganisée à l’inté-
rieur ; les dirigeants de parti se battaient entre eux ; les gou-
vernements étaient renversés et remplacés par d’autres ; des
groupes armés agissaient en leur propre nom dans des conflits
locaux ; certaines régions dirigées par la République n’avaient
jamais de contact avec le centre - elles prenaient doucement
2 La résistance indonésienne aux Néerlandais
leur propre route.
Menant la résistance avant la Seconde Guerre mondiale, La situation, dans son ensemble, s’était détériorée à un tel
Mohammed Hatta et Ahmed Soekarno ont symbolisé la lutte point que le gouvernement néerlandais fut obligé de considé-
contre la suppression hollandaise des droits indonésiens et de rer qu’aucun progrès ne pourrait être fait avant que la loi et
la langue maternelle. Le 17 août 1945, deux jours après la red- l’ordre ne fussent suffisamment restaurés pour rendre la com-
dition du Japon, Soekarno et Hatta proclament l’indépendance munication entre les différentes parties de l’Indonésie possible
de la République d’Indonésie et deviennent président et vice- et garantir la sécurité des personnes aux opinions politiques
président. différentes.
Lorsque, le 28 septembre 1945, le général Christison, com- H.J. van Mook, ancien gouverneur des Indes néerlandaises., juillet 1947
mandant en chef allié, débarqua à Batavia [...], il trouva les
murs de la ville couverts d’inscriptions anti-hollandaises.
D’autre part, le gouvernement de la nouvelle République indo- Questions
nésienne informa […] que toute tentative d’amener des forces
armées hollandaises en Indonésie se heurterait à une résis- 1. Présentez la situation politique de l’Indonésie en
tance armée. 1945. Comparez les arguments des Indonésiens et des
Dans les jours qui suivirent, les forces britanniques et in- Indiens (docs 1 et 2).
diennes commencèrent à occuper les principaux ports de Java 2. Exposez la réaction des Néerlandais (doc 4) et des
et de Sumatra et bientôt, les troupes hollandaises débutèrent nationalistes indonésiens (doc 5).
leur débarquement sous la protection des troupes britan-
3. Quel rôle joue l’ONU (doc 3) ?
niques. Vers le milieu d’octobre, il y eut de violents combats
en plusieurs points de l’archipel et les deux camps subirent 4. Comment se termine ce conflit (doc 1) ?
des pertes sérieuses. La lutte armée de l’Indonésie pour son
indépendance avait commencé.
Quinze jours plus tard, le gouvernement indonésien publia un
manifeste pour essayer d’expliquer pourquoi il combattait le
retour des Néerlandais : «Quand le gouvernement des Pays-
Bas en lndonésie, sans lutte apparente, se rendit aux Japonais
[...] le 9 mars 1942 [...] notre population désarmée tomba sous
la coupe du dur et cruel militarisme japonais [...] sans aucun
moyen d’assurer sa protection puisqu’on ne lui avait jamais
confié d’armes à feu et qu’elle n’avait jamais reçu l’éducation
nécessaire pour savoir les utiliser. [...] Jamais les insuffisances
[du colonialisme hollandais] [...] n’étaient apparues de façon
Exercices

aussi flagrante [...]. Cette conscience nationale fut également


développée par la propagande japonaise en faveur du pana-
sianisme. »
T. Mende, L’Asie du Sud-Est entre deux mondes, 1954.
Inconnu

5 Résistants indonésiens en 1947.

90 Chapitre 4 : Décolonisation et indépendances après 1945


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3 La guerre d’Indochine (1946-1954)

1 La déclaration d’indépendance du Viêt Nam


«Tous les hommes ont été créés égaux. [...] Le Créateur leur a conféré cer-
tains droits inaliénables. Parmi ceux-ci, il y a la vie, la liberté et la recherche TONKIN Haiphong
du bonheur.» Ces paroles immortelles sont tirées de la Déclaration d’indé- Diên-Biên-Phu Hanoï
7 mai 1954
pendance des États-Unis d’Amérique en 1776. […] La Déclaration des droits
de l’homme et du citoyen de la Révolution française (1791) a également pro- LAOS 23 nov. 1946
clamé «Les hommes sont nés et demeurent libres et égaux en droits.» Il y a Bombardement du

VI
Vientiane port d’haiphong
là d’indéniables vérités. Cependant, pendant plus de 80 ans, les impérialistes

ÊT
sous les ordres de

NA
français, reniant leurs principes «liberté, égalité, fraternité» ont violé la Terre l’amiral Thierry d'Argenlieu

M
de nos ancêtres et opprimé nos compatriotes. Leurs actions sont contraires Hué
à l’idéal d’humanité et de justice [...]. La vérité est que nous avons saisi notre
indépendance des mains des Japonais et non des mains des Français. [...] THAÏLANDE
Pour ces raisons, nous, membres du Gouvernement provisoire, représentant
la population entière du Viêt Nam, déclarons que nous n’aurons désormais
aucune relation avec la France impérialiste, que nous abolirons tous les traités
CAMBODGE
signés avec la France au sujet du Viêt Nam [...]. Tout le peuple du Viêt Nam,
inspiré par la même volonté, est déterminé à combattre jusqu’au bout contre ANNAM
Phnom-Penh
toute tentative d’agression de la part des impérialistes français.
Nous sommes convaincus que les Alliés, qui ont reconnu le principe de l’éga- Saïgon
lité entre les peuples aux conférences de Téhéran et de San Francisco, ne
peuvent que reconnaître l’indépendance du Viêt Nam. COCHINCHINE
Hanoï, le 2 septembre 1945.
0 250 km
Réalisation : S. Coté

2 Les accords de Genève Bombardemet français sur Haiphong (23 nov. 1946)
Riposte du vietminh sur Hanoï (19 déc. 1946)
5. La Conférence prend acte des clauses de l’accord sur la cessation des hos- Aide chinoise
tilités au Viêt Nam. [...] Zones contrôlées par le vietminh
7. La Conférence déclare qu’en ce qui concerne le Viêt Nam, le règlement des Défaite française
problèmes politiques, mis en œuvre sur la base du respect des principes de
l’indépendance, de l’unité et de l’intégrité territoriale, devra permettre au peuple 4 La guerre d’Indochine
viêt namien de jouir des libertés fondamentales, garanties par des institutions dé-
mocratiques formées à la suite d’élections générales libres au scrutin secret. [...]
9. Les autorités représentatives compétentes des zones sud et nord du Viêt
Nam ainsi que les autorités du Laos et du Cambodge ne devront pas admettre
de représailles individuelles ou collectives. [...]
21 juillet 1954

3 La bataille de Diên Biên Phu


se déroule du 20 novembre
CHINE 1953 au 7 mai 1954. Pour briser
le Việt Minh, la France installe
un solide camp retranché dans
Diên Biên Phu ce village à la frontière indo- Keystone
Hanoï
chinoise. Le général Giap, bien 5 Les Français tiennent les villes et les
armé par la Chine, encercle axes de communication mais pas l’inté-
Haïphong
les Français avec son artillerie. rieur des terres. Les troupes sont sou-
LAOS Après des mois de combats mises à une intense guérilla. L’armée
héroïques, les forces françaises organise alors des opérations de ratis-
0 50 km
Réalisation : S. Coté doivent capituler. sage afin de débusquer les soldats du
Territoires contrôlés par le vietminh Principaux axes de communication Việt Minh qui se cachent parfois dans
des tunnels sous les rizières.
Territoires contrôlés par la France Soutien aérien

Questions 6 Les accords Hô Chi Minh-Sainteny


1. Expliquez pourquoi la déclara- accords échouent-ils ? Le gouvernement de la République française,
tion d’indépendance du Viêt Nam 3. Présentez le mode opératoire représenté par M. Sainteny [...] et le gouver-
fait référence à la Déclaration Indochinois. Comment réagissent nement, M. Hô Chi Minh ,conviennent :
d’indépendance américaine et à la les Français (docs 4 et 5) ? 1. Le gouvernement français reconnaît la
Déclaration universelle des droits 4. Analysez les causes et les république du Viêt Nam comme un État libre
Exercices

de l’homme de 1789. Présentez les ayant son gouvernement, son Parlement, son
conséquences de la bataille de armée et ses finances. [...]
autres arguments (doc 1). Diên Biên Phu (doc 3).
2. Listez les dispositions des ac- 2. Le gouvernement du Viêt Nam se déclare
5. Synthétisez les dispositions prêt à accueillir amicalement l’armée fran-
cords Ho Chi Minh-Sainteny (doc des accords de Genève (doc 2). çaise. [...]
6). D’après la carte, pourquoi les La 6 mars 1946.

Chapitre 4 : Décolonisation et indépendances après 1945 91


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III La seconde vague : l’Afrique


1 Les décolonisations pacifiques

Réalisation : S. Coté
Tunisie
1956
Maroc
1956
Libye
Algérie
1962 1951 Égypte
1922

Mauritanie Mali
1960 Niger Tchad
Avant Sénégal
1960
1960 1960 Soudan
1945 1960
Guinée-Bissau
Burkina Faso
1956 Djibouti 1977
1960
1958 Ghana Nigéria Éthiopie Somalie
Côte- Bénin 1960 Soudan du Sud
d’Ivoire 2011
Libéria 1960 1957 Centre Afrique
1960
1847 Cameroun
1962 1963 1960
OCÉAN
Gabon
1960 Kénya OCÉAN
1960 1962
Congo Congo
ATLANTIQUE Démocratique 1961 INDIEN
1960 Tanzanie

Central Press Angola 1964


1975 Malawi

1 Le premier ministre du Ghana, Nkrumah, danse avec la 1959 Zambie


1964
1975
Mozambique
reine Élizabeth II, lors d’un bal donné pour fêter l’indépen- Namibie
Zimbabwe Madagascar
dance du pays en 1961. 1990 1966 1980
Botswana 1960

Afrique
du
Sud

2 La méthode Nkrumah 1910

Dates de l’indépendance
Je signalais qu’il y avait deux manières d’acquérir l’autonomie, Avant 1945 Guerre coloniale

l’une par la révolution armée, l’autre par des méthodes non- Entre 1945 et 1959 Troubles politiques

violentes, constitutionnelles et légitimes. Nous préconisons la 1962 Entre 1960 et 1962 Occupation par l’Éthiopie jusqu’en 1993

seconde méthode. La liberté, on ne l’avait cependant jamais Entre 1963 et 1968 Occupation par le Maroc
accordée à aucun pays colonial sur un plateau d’argent ; on après 1973
ne l’avait gagnée qu’après d’amères et vigoureuses luttes : les
armes étaient l’agitation politique, des campagnes de presse 5 La décolonisation en Afrique.
et d’enseignement et, comme dernière ressource, l’application
constitutionnelle de grèves, de boycottage et de non-coopé-
ration basés sur le principe de non-violence absolue, tel que
Gandhi en a usé en Inde.
Kwame Nkrumah, «La naissance de mon parti et son programme d’action
positive », Présence africaine n°12, février-mars 1957.

3 La démarche pragmatique anglaise


Au XXe s. et particulièrement depuis la fin de la guerre […] nous
avons vu l’éveil de la conscience nationale dans des peuples
qui avaient vécu jusque-là dans la dépendance d’autres puis-
sances. Il y a quinze ans, le mouvement se propagea à travers
Agence Belga
l’Asie. [...] Aujourd’hui, la même chose se produit en Afrique
et [...] je constate la force de ce sentiment national africain. 6 En présence du Président du Conseil français, Michel
Il prend des formes différentes selon les endroits, mais il se Debré (au milieu), les représentants du Mali signent l’in-
manifeste partout. [...] Nous devons l’accepter ainsi, et notre dépendance le 20 juin 1960. Cette année-là, la quasi-
politique nationale doit en tenir compte. [...] totalité des colonies françaises d’Afrique noire accède à
Discours prononcé par Macmillan, Premier ministre anglais, au Cap (Afrique ­l’indépendance.
du Sud), le 3 février1960.

Questions
4 La révolte des Mau Mau
1. Présentez les principes de la mé-
Le Kenya est placé sous protectorat britannique en 1895. En 1918, les Européens
thode Nkrumah (doc 2). Quelle est la
représentent 1% de la population totale alors qu’ils monopolisent 25 % des terres
les plus fertiles. Après la guerre, le mouvement Mau Mau, dominé par les Kikuyus,
position britannique (doc 3) ?
revendique l’accès des Noirs aux terres. 2. En quoi les docs 1 et 6 illustrent-ils
Après les nombreux attentats perpétrés par l’organisation Mau-Mau, l’état d’alerte a l’application de ces différents prin-
été décrété dans la colonie britannique du Kenya. Jomo Kenyatta, chef nationaliste, cipes ? Décrivez les photos.
a été arrêté et inculpé de soutien au parti clandestin Mau Mau. Il s’agit semble- 3. Les décolonisations négociées
t-il d’une secte politico-religieuse rassemblant les tribus Kikuyu, Embu et Méru. signifient-elles qu’il y a absence de
Opposée à toute forme de vie à l’occidentale, la secte, soudée par des serments
Exercices

violence ou de pressions politiques


d’hostilité aux Blancs, commet des atrocités. Les autorités britanniques réagissent
(docs 2 et 4) ?
à l’horreur par la répression : près de 40 000 Mau Mau sont mis hors de combat et
80 000 seraient emprisonnés. […] Les émeutes sanglantes dressant les popula- 4. Présentez les étapes de la décolo-
tions noires contre les habitants blancs ont commencé il y a un mois. nisation en Afrique. Est-elle globale-
Le Figaro, 18 novembre 1952 ment pacifique ou violente (doc 5) ?

92 Chapitre 4 : Décolonisation et indépendances après 1945


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2 Les décolonisations «sous pression» au Maghreb

3 La réconciliation entre la France et le Maroc


La France ne peut nous refuser l’indépendance. C’est un fait, je
suis sûr que ce ne serait pas la France, elle ne pourrait pas le
faire sans renier son passé et ses traditions et ce n’est pas la
France qui renierait notre droit à l’indépendance. Notre peuple,
mon jeune peuple, qui a été auprès de vous et qui restera au-
près de vous, compte sur la France, compte sur les Français,
compte sur leur intelligence, et compte surtout sur le patrimoine
commun de nos deux civilisations pour que nous réussissions
l’expérience que nous sommes en train de tenter parce que
nous ne pouvons pas nous permettre de la manquer. Elle est
vraiment trop ravissante ! Trop prometteuse, pour que nous
nous permettions de manquer l’occasion qui nous est offerte.
Le prince Moulay el-Hassan, futur Hassan II, le 18 novembre 1955 durant la
fête du trône.

Walter Carone, Paris Match Archive 4 Discours de Carthage de Pierre Mendès France
1 Retour au Maroc de Mohammed V le 16 novembre 1955. À Le Néo-Destour est fondé en 1934. Habib Bourguiba prend
partir de 1944, le souverain soutient l’Istiqlal, le principal rapidement le contrôle de ce parti libéral, laïc et pro-occidental.
parti d’indépendance. Le 20 août 1953, il est déposé par Il pousse au soulèvement des villes et des campagnes contre
une assemblée de dignitaires marocains et exilé en Corse le pouvoir français. La France ouvre les négociations avant de
puis à Madagascar. Les troubles éclatent dans l’ensemble mettre fin aux discussions en 1951. Le Néo-Destour lance alors
du pays, obligeant la France à rappeler le roi et son fils un mot d’ordre de lutte à outrance. H. Bourguiba est arrêté en
Hassan II. 1952. Face aux troubles, Pierre Mendès France, président du
Conseil français, se rend à Carthage pour dénouer la situation.
- Monseigneur, C’est un ami qui vient vous voir, ami de Votre
Altesse et ami de votre pays. C’est aussi le chef du gouverne-
ment de la France, qui a tant fait pour la Tunisie.
- Je sais, Altesse, vos soucis et votre tristesse devant la situa-
tion actuelle de votre royaume. [...]
- J’ai donc tenu à venir vous exposer moi-même aujourd’hui [...]
les propositions du gouvernement français à l’égard des pro-
blèmes que posent les relations entre nos pays et nos peuples.
- Ces problèmes ont été compliqués beaucoup plus par la vio-
lence des attentats et par l’opposition de thèses purement doc-
trinales que par un antagonisme réel et profond des intérêts en
présence. [...]
- L’autonomie interne de l’État tunisien est reconnue et procla-
mée sans arrière-pensée par le gouvernement français [...].
- C’est pourquoi nous sommes prêts à transférer à des per-
sonnes et à des institutions tunisiennes l’exercice interne de
2 Quelques coupures de journaux du 31 juillet 1955 après la souveraineté [...].
le massacre d’Oued-Zem. La légion étrangère riposte Le 31 juillet 1954
en exécutant sommairement les responsables désignés
par la population. Voir aussi : https://www.ina.fr/video/
AFE85006323 5 Le Néo-Destour réagit au discours de Carthage
Après avoir constaté d’une part la lenteur des négociations qui
ne peut qu’entamer le climat de confiance suscité par l’initiative
Questions de M. Mendès France et d’autre part [...] la faillite d’un régime
1. Analysez le rôle de Mohammed V dans les revendi- fondé sur l’exploitation éhontée des masses tunisiennes, le
cations d’indépendance marocaine. Comment réagit la bureau de la Fédération demande :
France (doc 1) ? - l’aboutissement rapide des négociations [...] ;
- le retour en Tunisie du président du parti, M. Habib ­Bourguiba ;
2. Quelles sont les conséquences de cet exil ? Analysez - la proclamation de l’amnistie générale [...] ;
les conséquences des troubles (docs 1, 2 et 3). En outre le bureau de la Fédération de France du Néo-Destour
3. Analysez les sources et comparez les docs 2 et 3. affirme son opposition :
Quelles images contradictoires donnent ces deux docs - à tout lien définitif entre la France et la Tunisie [...] ;
des relations franco-marocaines ? Pourquoi ? - à toute forme de collaboration économique qui ne ferait que
4. Présentez le Néo-Destour, Habib Bourguiba et les continuer le «pacte colonial» [...] ;
En conclusion, la Fédération déclare [...] qu’elle fera adopter à
Exercices

causes des troubles en Tunisie (doc 4). Comment réagit


la France ? Que promet-elle (doc 4) ? Que revendique le la conférence de Bandung «une action positive pour l’application
du principe de la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes».
Néo-Destour (doc 5) ?
Le 11 avril 1955
5. Comparez les mouvements coloniaux marocains et Au final Bourguiba est libéré le 1er juin 1955. Il fait un retour
tunisiens. triomphal dans son pays.

Chapitre 4 : Décolonisation et indépendances après 1945 93


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3 Les décolonisations violentes en Afrique noire

1 Les vertus de la colonisation belge


Le jour de la proclamation de l’indépendance, le 30 juin 1960,
le roi Baudouin (doc 1) et le Premier ministre congolais, P. Lu-
mumba, (doc 2) prononcent deux discours contradictoires sur
la réalité de la colonisation.
Pendant 80 ans, la Belgique a envoyé sur votre sol les meil-
leurs de ses fils, d’abord pour délivrer les bassins du Congo
de l’odieux trafic esclavagiste qui décimait ses populations,
ensuite pour rapprocher les unes des autres les ethnies qui, ja-
dis ennemies, s’apprêtent à constituer ensemble le plus grand
des États indépendants d’Afrique. […] Nous sommes heureux
d’avoir ainsi donné au Congo, malgré les plus grandes diffi-
cultés, les éléments indispensables à l’armature d’un pays en
marche sur la voie du développement. […] En face du désir
unanime de vos populations, nous n’avons pas hésité à vous
reconnaître dès à présent cette indépendance.
Sa Majesté le roi Baudouin; 30 juin 1960.

2 Lumumba dénonce la colonisation belge


Cette indépendance du Congo, si elle est proclamée au-
jourd’hui dans l’entente avec la Belgique, pays ami avec qui 4 Les Belges, persuadés des vertus du paternalisme colo-
nous traitons d’égal à égal, nul Congolais ne pourra jamais nial, envisageaient une émancipation progressive et paci-
oublier cependant que c’est par la lutte qu’elle a été conquise, fique du Congo. Après les premières élections commu-
une lutte de tous les jours. [...] Ce qui fut notre sort en 80 ans nales de 1957, de violentes émeutes éclatent pourtant à
de régime colonialiste, nos blessures sont trop fraîches et trop Léopoldville en janvier 1959. Les partis politiques nationa-
douloureuses encore pour que nous puissions les chasser de listes se multiplient et la Belgique organise début 1960 la
notre mémoire. Nous avons connu le travail harassant exigé Table ronde de Bruxelles début 1960. L’indépendance est
en échange de salaires qui ne nous permettaient ni de manger proclamée dans la précipitation le 30 juin 1960.
à notre faim, ni de nous vêtir ou de nous loger décemment,
ni d’élever nos enfants comme des êtres chers. Nous avons
connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions
subir matin, midi et soir, parce que nous étions des nègres.
Qui oubliera qu’à un Noir on disait «Tu», non certes comme à
un ami, mais parce que le «Vous» honorable était réservé aux
seuls Blancs ? […]
Nous avons connu qu’un Noir n’était admis ni dans les ciné-
mas, ni dans les restaurants, ni dans les magasins dits euro-
péens ; qu’un Noir voyageait à même la coque des péniches,
aux pieds du Blanc dans sa cabine de luxe.
Tout cela mes frères […] nous vous le disons, tout cela est
désormais fini.
Patrice Lumumba, Premier ministre et ministre de la Défense nationale de la
République du Congo, 30 juin 1960.

5 Dès l’indépendance proclamée, les troubles éclatent. Des


Blancs sont persécutés. La Belgique menace d’intervenir
militairement, ce qui provoque un exode massif des Euro-
péens.

Questions
1. Présentez la situation coloniale du Congo belge
dans les années 50. Expliquez les évènements de 1959.
DR Quelles sont les conséquences (doc 4) ?
3 Moïse Tsombé est acclamé lors de la déclaration de l’indé- 2. Analysez et comparez les deux discours du roi Bau-
pendance du Katanga, le 11 juillet 1960 à Elisabethville.
Exercices

douin et de Lumumba (docs 1 et 2).


Poussés par les colons belges, les dignitaires du Katanga
et du Sud-Kasaï, riches en matières premières, font séces- 3. Que se passe-t-il dès l’indépendance proclamée ?
sion. Le Premier ministre Lumumba est alors renversé. Le Développez (docs 3 et 5).
nouveau dirigeant Mobutu entame une reconquête san- 4. Finalement, comment qualifier la décolonisation belge ?
glante des républiques sécessionnistes. Est-elle pacifique, sous pression ou violente ? Justifiez.

94 Chapitre 4 : Décolonisation et indépendances après 1945


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7 L’indépendance de la Rhodésie du Sud


Après plusieurs années de guerre civile et une déclaration de
cessez-le-feu conclue en décembre 1979, le Zimbabwe, un
État d’Afrique australe connu depuis 1965 sous le nom de Rho-
désie du Sud, proclame son indépendance le 18 avril 1980.
La proclamation unilatérale d’indépendance de 1965 par les
fermiers blancs et la politique ségrégationniste de la Rhodésie
du Sud lui attirent la réprobation de l’opinion publique mon-
diale. Une opposition politique et armée se manifeste au cours
des années 60 et 70 dans ce pays où les Blancs ne forment
qu’environ 5 % de la population. L’incapacité à en arriver à
une solution politique viable fait perdurer une guerre civile qui
coûtera la vie à des milliers de Rhodésiens. Des négociations
qui se déroulent à Londres entre septembre et décembre 1979
aboutissent à un accord qui entraîne un cessez-le-feu et des
élections que remporte le Front populaire en février 1980. Un
homme noir, Robert Mugabe, Premier ministre, proclame l’in-
dépendance le 18 avril 1980. Des problèmes épineux guettent
les premières années du nouveau gouvernement, dont la ner-
vosité des Blancs par rapport aux réformes proposées, le re-
tour des réfugiés et la difficile intégration des nouveaux soldats
à l’intérieur de l’armée. Au moment de son indépendance, le
Zimbabwe compte 7,3 millions d’habitants.
Université de Sherbrooke

Questions
1.Présentez l’originalité de la décolonisation de la Rho-
désie du Sud par rapport aux autres processus d’éman-
cipation. Quels adversaires les Noirs de Rhodésie af-
frontent-ils ? (docs 6 et 7) ?
2. Comparez la situation en Rhodésie et dans les colo-
6 Le colon britannique tient un drapeau : «L’indépendance nies portugaises. Quels sont les arguments portugais
pour (la minorité blanche) en Rhodésie». En bas : «Nous (doc 8) ? Quelle est l’originalité des guerres coloniales
devons nous libérer de la domination étrangère !». Cari- portugaises (doc 9) ?
cature parue dans le New York Times le 24 octobre 1965.

8 Le Portugal et ses colonies


En Angola et au Mozambique, des centaines de milliers de
Blancs résident, travaillent, suivent leur destin. Beaucoup y
sont nés, certains même représentent la troisième, quatrième
ou cinquième génération de familles depuis longtemps enraci-
nées dans ces provinces. Ils sont Africains. En outre, il y a des
millions de Noirs qui, pendant des siècles, n’ont connu que la
vie tribale, avec son grégarisme et ses rivalités et qui, au sein
de la Nation portugaise, ont trouvé un foyer commun, une base
de vie sociale et les conditions qui leur permettent d’évoluer et
de devenir capables d’affronter les problèmes et d’utiliser les
ressources propres à notre temps.
Le Portugal est responsable de la sécurité de ces populations
et de la préservation de tout ce qu’elles ont créé et dont elles
vivent. Inconnu

Le Portugal ne peut abandonner à l’arbitraire de la violence, 9 Soldats angolais et cubains à l’entraînement en 1976. Dès
aux fureurs des ressentiments, aux haines de clans et aux 1961, la guerre commence dans la colonie portugaise
man­œuvres de la politique internationale ses enfants, de toutes d’Angola et s’étend rapidement aux autres possessions
Exercices

races et de toutes couleurs, qui vivent dans les provinces portugaises, au Mozambique, en Guinée-Bissau et au
d’outre-mer, ni laisser au hasard d’un incertain coup de dés les Cap- Vert. L’originalité est que les insurgés reçoivent un
valeurs qui, sous son drapeau, ont fait de terres barbares des soutien matériel et humain des Soviétiques et des Cubains.
territoires en voie de civilisation.
Discours prononcé par Caetano, chef du gouvernement portugais, devant
l’Assemblée nationale le 27 novembre 1968.

Chapitre 4 : Décolonisation et indépendances après 1945 95


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4 La guerre d’Algérie (1954-1962)

Musulmans Non-Musulmans 4 Les objectifs du FLN


Lors de la Toussaint, le 1er novembre 1954, le Front de libé-
% de la population 89 % 11 % ration nationale (FLN) commet 70 attentats simultanément en
Algérie.
Propriété des terres 75 % 25 %
But : Indépendance nationale par :
1 1. La restauration de l’État algérien souverain, démocratique et
social dans le cadre des principes islamiques.
2. Le respect de toutes les libertés fondamentales sans distinc-
tion de races et de confessions.
2
Musulmans Non-Musulmans Objectifs intérieurs
2. Rassemblement et organisation de toutes les énergies saines
Secteur primaire 87.8 % 14.4 % du peuple algérien pour la liquidation du système colonial.
Objectifs extérieurs
1. Internationalisation du problème algérien.
Secteur secondaire 4.2 % 28.6 %
2. Réalisation de l’unité nord-africaine dans son cadre naturel
arabo-musulman [...].
Secteur tertiaire 8% 57 % 3. Dans le cadre de la Charte des Nations unies, affirmation de
notre sympathie à l’égard de toutes nations qui appuieraient
notre action libératrice [...].
c. La reconnaissance de la nationalité algérienne [...] et abro-
3 La torture en Algérie
gation des lois faisant de l’Algérie une terre française [...].
Le général Massu (1908-2002) participe à la libération de la Moyens de lutte
France, à la guerre d’Indochine et à l’expédition de Suez. Il
Conformément aux principes révolutionnaires et compte tenu
remporte en Algérie la bataille d’Alger avec des méthodes
des situations intérieure et extérieure, la continuation de la lutte
­brutales.
par tous les moyens jusqu’à la réalisation de notre but.
Alors, pratiquement, précise le général, si pour faire «cracher
EN C0NTREPARTIE
le morceau» il fallait que «ça cogne un peu», les question-
neurs étaient conduits à faire subir aux prévenus des douleurs 1. Les intérêts français culturels et économiques honnêtement
physiques dont la violence était graduée pour aboutir à l’aveu. acquis seront respectés, ainsi que les personnes et les familles.
Certes, il y avait des risques, et des accidents se sont pro- 2. Tous les Français désirant rester en Algérie auront le choix
duits [...]. Le procédé le plus couramment employé, en plus entre leur nationalité d’origine et seront de ce fait considérés
des gifles, était l’électricité, par usage des génératrices des comme des étrangers ou opteront pour la nationalité algé-
postes radio (la gégène : première syllabe du mot génératrice) rienne et, dans ce cas, seront considérés comme tels en droits
et l’application sur différents points du corps. [...] et en devoirs.
La torture a régné à l’état endémique dans cette malheureuse Proclamation du FLN (Front de libération nationale) au peuple algérien, le 31
octobre 1954.
Algérie. Je n’ai pas peur du mot.
Général Massu, La vraie bataille d’Alger, 1971.
Jacques de Bollardière (1907-1986), qui participe lui aussi à la «L’Algérie, c’est la France»
5
libération de la France et à la guerre d’Indochine, a en charge
l’arrière-pays algérois. Il croit aux solutions politiques de pacifi- L’Algérie, c’est la France. Les départements de l’Algérie sont
cation en Algérie et s’oppose à la torture. des départements de la République française. En trois jours
Que signifierait une victoire militaire acquise au prix de la pire tout a été mis en place. On a dit : «Est-ce pour maintenir
défaite : celle de l‘homme ? Tu contribues à la dégradation de l’ordre ?». Non, pas seulement. C’est pour affirmer la force
l’armée en donnant à de jeunes sergents ou caporaux un vrai française et marquer notre volonté... L’Algérie c’est la France !
droit de vie et de mort sur n’importe qui, sans aucun contrôle. Et qui d’entre vous, Mesdames et Messieurs, hésiterait à em-
Tu vas compromettre pour toujours, au bénéfice de la haine, ployer tous les moyens pour préserver la France ? Tout sera
l’avenir de la communauté française en Algérie. réuni pour que la force de la nation l’emporte en toute circons-
Entretien entre le général Jacques de Bollardière et le général Massu, 8
tance. C’est vers les leaders, vers les responsables qu’il fau-
mars 1957. dra orienter notre rigoureuse répression.
12 novembre 1954, discours à l’Assemblée nationale de François Mitterrand
ministre de l’Intérieur du gouvernement de Pierre Mendès France.

Questions
1. Analysez les tableaux 1 et 2. Quelle population est- terme entraînées par les décisions suivantes : le refus
elle majoritaire ? Quelle population est-elle minoritaire de négocier de la France et le choix de la violence pour
? Qui détient le pouvoir ? Pourquoi ? À partir des données mettre fin aux revendications algérienne. (docs 3, 6, 9
démographiques, expliquez en quoi la situation sera plus et 10). Comparez aux précédents conflits coloniaux
difficile à régler en Algérie qu’en Tunisie ou au Maroc ? 5. Que propose de Gaulle en 1959 (docs 8) ? Quels choix
2. Analysez les revendications du FLN à la suite des at- feront les Algériens ?
Exercices

tentats commis en Algérie à la Toussaint 1954 (doc 4). 6. Présentez les critères nécessaires pour faire le bilan
3. Présentez la position de François Mitterrand. Quelle d’une guerre coloniale. Pourquoi le bilan diffère-t-il
doit être la politique de la France (doc 5) ? entre les hommes politiques, le FLN et les historiens
4.Présentez les conséquences immédiates et à long (doc 7) ?

96 Chapitre 4 : Décolonisation et indépendances après 1945


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8 Le Général de Gaulle et l’autodétermination


Le destin politique qu’Algériennes et Algériens auront à choisir
dans la paix, quel peut-il être ? Chacun sait que, théorique-
ment, il est possible d’en imaginer trois. […] Les trois solutions
concevables feront l’objet de la consultation.
Ou bien : la sécession, où certains croient trouver l’indépen-
dance. La France quitterait alors les Algériens qui exprime-
raient la volonté de se séparer d’elle.
Ou bien : la francisation complète, telle qu’elle est impliquée
dans l’égalité des droits : les Algériens pouvant accéder à toutes
les fonctions politiques, administratives et judiciaires de l’État
[…], devenant partie intégrante du peuple français, qui s’éten-
drait dès lors effectivement de Dunkerque à ­Tamanrasset.
Ou bien : le gouvernement des Algériens par les Algériens,
D.R. appuyé sur l’aide de la France et en union étroite avec elle
pour l’économie, l’enseignement, la défense, les relations
6 Dès le début de la guerre d’Algérie, les appelés, c’est-à-dire
les jeunes Français faisant leur service militaire, sont en- ­extérieures.
voyés pour mener les opérations de «maintien de l’ordre» Discours du général de Gaulle, président de la République Française, sur
l’autodétermination algérienne, le 16 septembre 1959.
et de «pacification». Les troupes subissent une guerre de
guérilla avec embuscades. Ils participent aux opérations de
ratissage. Bien souvent, les prisonniers algériens arrêtés
durant la journée sont exécutés la nuit.

7 La bilan de la guerre d’Algérie


Les pertes françaises
Les pertes militaires françaises - Français de métropole et d’Al-
gérie, «Français musulmans», légionnaires - sont les mieux
connues : 27 500 militaires tués et un millier de disparus.
Pour les civils français d’Algérie,1e nombre est de 2 788 tués
et 875 disparus jusqu’au cessez-le-feu. Il faut y ajouter 2 273
disparus entre le 19 mars, date de l’entrée en vigueur du ces-
sez-le-feu, ­et le 31 décembre 1962, dont plus de la moitié sont
officiellement décédés.
AFP / DALMAS - SIPA
Les pertes de la population algérienne
9 Le 18 mai 1962, à la suite des accords d’Évian, près d’un
Elles sont très difficiles à évaluer car les sources sont diver-
million d’Européens partent en exode de peur des repré-
gentes. Le Général de Gaulle parlait de 145 000 victimes en
sailles. Environ 50 000 harkis, c’est-à-dire les soldats algé-
novembre 1959 et de 200 000 en novembre 1960. Du côté al-
riens soutenant la France, sont aussitôt massacrés.
gérien, le FLN compte en 1964 «plus d’un million de martyrs».
Des historiens se sont penchés sur la question : Guy Pervillé
s’est appuyé sur des données démographiques - notamment
les recensements de 1954 et 1966 - pour conclure à une four-
chette de 300 000 à 400 000 victimes. Xavier Yacono, dans un
article paru en 1983, estime les pertes algériennes à 250 000
morts environ.
Enfin, le chiffre le plus difficile à établir est celui des supplétifs
musulmans - les «harkis» - après le cessez-le ­feu. Pour eux,
les estimations varient entre 30 000 et 100 000 personnes.
Pour être complet, il faudrait ajouter à ce bilan quelques mil-
liers de tués au Maroc et en Tunisie dans les conflits frontaliers
(Sakhiet). Et en France du fait d’actes terroristes (OAS, FLN),
de règlements de compte, de la répression policière (Charonne
le 17 octobre 1961) et de l’exécution des condamnés à mort.
D’après l’article de Jean-Paul Mari, Le Nouvel Observateur, 28 février 2002
Exercices

Gérard Géry;

10 Le 18 juin 1961, l’OAS, l’Organisation de l’armée secrète,


hostile à l’indépendance de l’Algérie, commet un atten-
tat sur la ligne de train Strasbourg-Paris. L’attentat fait 28
morts et 170 blessés

Chapitre 4 : Décolonisation et indépendances après 1945 97


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IV Le tiers-monde, un nouvel acteur international


1 La conférence de Bandung (avril 1955)

3 Qu’est-ce que le tiers-monde ?


Nous parlons volontiers des deux mondes
en présence, de leur guerre possible, de leur
coexistence, etc., oubliant trop souvent qu’il
en existe un troisième, le plus important et, en
somme, le premier dans la chronologie. C’est
l’ensemble de ceux que l’on appelle, en style

v w u Nations Unies, les pays sous-développés […].


Ces pays ont notre mortalité d’avant 1914 et
notre natalité du XVIIIe siècle […]. On conçoit
bien que cet accroissement démographique
devrait être accompagné d’importants investis-
sements […]. Or, ces investissements vitaux se
heurtent au mur financier de la guerre froide […].
Ce tiers-monde ignoré, exploité, méprisé comme
Inconnu
le tiers-état, veut lui aussi être quelque chose.
1 Ouverture de la conférence de Bandung le 18 avril 1955. u Zhou Enlai, Alfred Sauvy, «Trois monde, une planète», l’Observateur,
14 août 1952.
Premier ministre chinois, v Nehru, Premier ministre d’Inde, w Soe-
karno, président de l’Indonésie. Dans la salle se trouve, entre autres,
­Nasser (Égypte), le roi du Cambodge, Nkrumah, le futur président du
Ghana et le leader algérien du FLN, Hocine Aït Ahmed.
4 S’affirmer à la face du monde
2 Communiqué final de la conférence de Bandung Il n’y a plus d’Asie soumise […]. Nous sommes
résolus à n’être d’aucune façon dominés par
La Conférence afro-asiatique […] a examiné les moyens […] de réaliser la aucun pays, par aucun continent. Nous sommes
coopération économique, culturelle et politique. des grands pays du monde et voulons vivre
A. 1. La Conférence afro-asiatique reconnaît la nécessité urgente d’encoura- libres sans recevoir d’ordres de personne. Nous
ger le développement économique de la zone afro-asiatique. […] attachons de l’importance à l’amitié des grandes
6. La Conférence estime que les pays d’Asie et d’Afrique doivent varier leurs puissances, mais [...] à l’avenir, nous ne coopé-
exportations en manufacturant leurs matières premières […]. rerons avec eux que sur un pied d’égalité. C’est
B. 1. La Conférence a pris note du fait que l’existence du colonialisme en de pourquoi nous élevons notre voix contre l’hégé-
nombreuses régions d’Asie et d’Afrique, […] entrave le développement des monie et le colonialisme dont beaucoup d’entre
cultures nationales. Certaines Puissances coloniales ont dénié aux peuples nous ont souffert pendant longtemps. Et c’est
coloniaux les droits fondamentaux dans le domaine de l’éducation et de la pourquoi nous devons veiller à ce qu’aucune
culture. autre forme de domination ne nous menace.
Nous voulons être amis avec l’Ouest, avec l’Est,
C. 1. La Conférence afro-asiatique déclare appuyer totalement les principes
avec tout le monde. Le seul chemin qui mène
fondamentaux des droits de l’homme tels qu’ils sont définis dans la Charte
droit au cœur et à l’âme de l’Asie est celui de la
des Nations unies […].
tolérance, de l’amitié et de la coopération. [...]
3. […] la Conférence afro-asiatique déclare appuyer les droits du peuple arabe Discours de clôture de Nehru, 24 avril 1955.
de Palestine et demande l’application des résolutions des Nations unies sur
la Palestine et la réalisation d’une solution pacifique du problème palestinien.
D. 2. En ce qui concerne la situation instable en Afrique du Nord et le refus
persistant d’accorder aux peuples d’Afrique du Nord leurs droits de disposer
d’eux-mêmes, la Conférence afro-asiatique déclare appuyer les droits des
Questions
peuples d’Algérie, du Maroc et de Tunisie à disposer d’eux-mêmes et à être 1. Définissez le terme «tiers-monde».
indépendants, et elle presse le gouvernement français d’aboutir sans retard Selon A. Sauvy quelles sont les revendica-
à une solution pacifique de cette question. tions de ce «tiers-monde» (doc 3) ?
E. 2. La Conférence déclare qu’un désarmement universel est une nécessité 2. D’après le doc 1, présentez les leaders
absolue pour le maintien de la paix […].
de la conférence de Bandung.
F. La Conférence est d’accord :
3. Analysez les docs 2 et 4. En quoi les
P1. pour déclarer que le colonialisme, dans toutes ses manifestations, est un
principes de Bandung s’opposent-ils à la
mal auquel il doit être mis fin rapidement ;
colonisation mais aussi aux deux Grands
P2. pour déclarer que la question des peuples soumis à l’assujettissement à
de l’époque ?
Exercices

l’étranger, à sa domination et à son exploitation constitue une négation des


droits fondamentaux de l’homme […] ; 4. À quelles luttes nationales les partici-
P3. pour déclarer qu’elle appuie la cause de la liberté et de l’indépendance pants de Bandung apportent-ils un soutien
de ces peuples. explicite ? Pourquoi (doc 2) ?
Le 24 avril 1955.

98 Chapitre 4 : Décolonisation et indépendances après 1945


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2 Les enjeux de l’indépendance : construire de nouveaux États

Réalisation : S. Coté

OCEAN

ATLANTIQUE OCEAN

INDIEN

Groupe afro-asiatique Groupe khoisan

Groupe nilo-saharien Groupe austronésien


Inconnu
Groupe kongo-kordofanien
Gilles Caron 3 Le blocus terrestre et maritime du
Biafra provoque une terrible famine
1 Les grands groupes ethniques en 2 De 1967 à 1970, le Nigéria est dé-
Afrique. Les frontières héritées de la qui aurait entraîné la mort d’un ou
chiré par une guerre ethnique après deux millions de personnes. Le conflit
colonisation ne correspondent pas à la sécession de la République du
la réalité ethnique du continent. est surmédiatisé, ce qui provoque, à
Biafra. Le pays compte près de 250 la suite du conflit, la naissance de
ethnies, et les Igbos chrétiens et ani- l’ONG Médecins sans frontières. Son
mistes du Sud s’opposent au Nord but est de venir en aide aux popula-
majoritairement musulman. tions civiles victimes des conflits.

AFP / Pierre Guillaud

4 Le 4 décembre 1977, le dictateur de Centrafrique Jean-


Bedel Bokassa se couronne lui-même empereur. Ce spec-
tacle aurait coûté près de 150 millions de francs (plus de 20
millions d’euros), ce qui représente un tiers du budget na-
tional centrafricain. Au même moment, Bokassa demande
une aide alimentaire, la population de son pays étant mena-
cée de famine en raison de la sécheresse.

Questions
1. Présentez et expliquez les problèmes ethniques
de l’Afrique après l’indépendance. Réalisez un bilan
(docs 1 à 3).
2. Analysez les dérives politiques de ­Bokassa et de
­Mobutu.
Exercices

Patrick Robert/Sygma/CORBIS

Pour étudier les évolutions internes des nouveaux pays 5 Mobutu Sese Seko (1930-1997) fait arrêter en 1960 Lu-
indépendants dans les années 2000, voir l’étude de cas mumba, Premier ministre de la République du Congo, et
sur les révolutions arabes de 2011, p. 44. restaure violemment l’unité du pays grâce aux États-Unis.
Son régime est fondé sur la corruption, le clientélisme et
l’écrasement de toute forme d’opposition.

Chapitre 4 : Décolonisation et indépendances après 1945 99


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3 Les enjeux de l’indépendance : la pauvreté

Millions

800 Population totale

600
Asie

400
Afrique
200
Amérique latine
années
1980 1990 2000 2014 2018
Source : FAO rapport annuel, OMS, Diagram: S. Coté

2 De 1980 à nos jours, évolution en nombre des


1 Le manque d’infrastructures en Tanzanie. S. Coté personnes sous-alimentés selon les continents.

1900 1960 2017 Projections 2100


millions millions millions millions
% % % %
d’hab. d’hab. d’hab. d’hab. Questions
Afrique 800 34,9% 283 9,4% 1 250 16,6% 4 467 40,1%
À partir de l’ensemble
Amérique 165 7,1% 424 14,1% 1 005 13,3% 1 170 10,5% des docs, présentez
Asie 902 39,3% 1 705 56,8% 4 494 59,6% 4 780 42,9% les enjeux du déve-
Europe 422 18,4% 605 20,2% 742 9,8% 653 5,9% loppement des pays
­émancipés.
Océanie 6 0,3% 16 0,5% 42 0,6% 71 0,6%
Total 2 295 3 000 7 536 11 141
3 L’évolution de la population par continent. Source : INED.

OCEAN GLACIAL ARCTIQUE


4 Obésité et sous-alimentation dans le monde en 2015.

OCEAN

Nord
PACIFIQUE
Tropique du Cancer Sud

OCEAN OCEAN

Equateur

OCEAN
Sud
ATLANTIQUE
Nord
PACIFIQUE
INDIEN
Tropique du Capricorne

Obésité Sous-alimentation
Exercices

en pourcentage total de la population


Plus de 25 % Plus de 40 %

De 15 à 24 % De 16 à 40 %
0 2 000 km
De 5 à 14 % De 5 à 15 % Source : FAO, nations unies, World Urbanization Prospects
Réalisation : S. Coté

100 Chapitre 4 : Décolonisation et indépendances après 1945


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4 L’échec de la troisième voie

2 La conférence de Belgrade et le non-alignement


Du 1 septembre au 5 septembre 1961, à l’initiative de Tito,
er

Nasser et Nehru, 25 États se réunissent à Belgrade pour réaf-


firmer le principe du non-alignement.
Le monde où nous vivons est caractérisé par l’existence de
systèmes sociaux différents. Les pays participants ne consi-
dèrent pas que ces différences constituent un obstacle insur-
montable à la stabilisation de la paix, à condition qu’il n’y ait
pas de tentatives de domination et d’ingérence dans les affaires
intérieures des autres peuples et nations […].
Les pays non-alignés représentés à la conférence ne pré-
tendent pas créer un nouveau bloc et ne peuvent pas consti-
tuer un bloc. […]
Extrait de la déclaration finale de la conférence de Belgrade, septembre 1961.

3 Relancer le mouvement : la conférence de Lusaka


Après la conférence du Caire en 1964, 59 participants et de
nombreux invités participent à la conférence de Lusaka en
septembre 1970. Le mouvement se radicalise et se dote d’un
comité permanent dont le siège est à New-York.
1 Caricature dénonçant au Congo l’opération de séduction Les participants […] conviennent des dispositions suivantes :
entreprise dès l’indépendance proclamée par Khroucht- c. Affirmer le droit de tous les pays de participer aux relations
chev et Mao envers le régime de Lumumba. Caricature hollan- internationales […].
daise publiée par le New York Times, 1960.
d. Offrir un soutien résolu à […] la Décennie du Désarmement
dans le cadre du désarmement général et complet.
f. Intensifier des efforts communs en vue de liquider le colo-
nialisme et la discrimination raciale : à cette fin, apporter tout
4 Les alliances en 1970 dans le monde. soutien moral, politique et matériel dont ils disposent, aux mou-
OCÉAN
vements de libération nationale et veiller à l’application des
PACIFIQUE
décisions internationales.
Déclaration de la conférence de Lusaka (10 septembre 1970).
OCÉAN
GLACIAL
ARCTIQUE

Questions
OCÉAN
ATLANTIQUE
1. Quel «ordre mondial» rejettent les participants à la
conférence de Belgrade de 1961 ? Définissez la notion
de non-alignement (docs 1 et 2).
États-Unis et leurs alliés OCÉAN
INDIEN
2. Où est Lusaka ? Constatez-vous une évolution dans
URSS et alliés
les décisions (doc 3) ? justifiez.
Pays communiste non alliés de l’URSS

Alliés non communistes de l’URSS 3. D’après les docs 4 et 5, dressez le bilan du non-ali-
Pays non-alignés
0 2500 km
gnement (réussites, échecs).
Réalisation : S. Coté
Exercices

5 Dessin de Plantu paru dans l’album Pauvres chéris en 1978.

Chapitre 4 : Décolonisation et indépendances après 1945 101


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5 L’échec économique

OCÉAN OCÉAN 1 Rapport de dépendance


PACIFIQUE PACIFIQUE des pays en développement
dans les années 90. Les
pays membres de l’Organi-
sation des pays exportateurs
de pétrole (OPEP) sont par-
mis les rares pays à maîtri-
OCÉAN
GLACIAL ser le cours des matières
ARCTIQUE
premières qu’ils produisent.
L’organisation est créée en
1960 lors de la conférence
OCÉAN
de Bagdad. En 1973, après
ATLANTIQUE la guerre du Kippour, l’OPEP
décide la réduction de la pro-
duction de pétrole et un em-
0 2500 km bargo vers les États-Unis. Le
Réalisation : S. Coté
baril passe alors de 3 dollars
Part dans l’exportation de deux
OCÉAN à 12 dollars.
matières premières
INDIEN
75 % et plus
50 % à 75 %
Pays membres de l’OPEP
30 à 50 %
30 % et moins Principaux pays manufacturiés

Pays membres de l’OPEP Flux des biens manufacturés

Questions
milliards de
1. À l’aide des docs 1 et 4, présentez les problèmes économiques des dollars
pays nouvellement indépendants.
1500
2. Définissez le néocolonialisme (doc 3).
3. Que demande Boumediene à la conférence d’Alger ? Est-ce ap-
pliqué ? Est-ce une réussite ? Quelle place occupe la CNUCED et
l’OPEP ? (docs 1, 2 et 5 ) ? 1000

2 Fonder un nouvel ordre économique 500


La coopération économique internationale ne saurait prendre un essor du-
rable que si elle repose sur le principe de la souveraineté effective et concrète
des pays en voie de développement, sur leurs ressources naturelles et sur le Temps
0
principe de la maîtrise, par ces pays, du fonctionnement de leur économie. 1970 1975 1980 1985 1990 1995
Il s’agit d’abord du contrôle effectif de chaque État sur l’exploitation de ses source : banque mondiale, Global Development Finance 2008. Réalisation : S. Coté

richesses naturelles, ce qui implique le droit à la nationalisation. 4 L’évolution de la dette extérieure du tiers-
La conférence a souligné la nécessité de renforcer la solidarité et la coo- monde de 1970 à 1995.
pération entre les pays non-alignés, afin de renforcer leur capacité de résis-
tance à l’exploitation et aux agressions économiques. La conférence s’est
prononcée pour le soutien de tous ceux qui luttent pour la récupération de
leurs ressources nationales. Enfin, la conférence préconise la mise en place
d’organismes communs entre pays producteurs exportateurs de produits de
base, comme le pétrole et le cuivre […] De même, elle encourage le déve-
loppement des courants d’échanges économiques, scientifiques, culturels et
sociaux entre pays non-alignés. […] Compter sur soi apparaît ainsi comme
la conséquence nécessaire, sur le plan économique, de la politique de non-
alignement.
Discours de Boumediene, président de la République algérienne, à la conférence d’Alger des
pays non-alignés, le 9 septembre1973.

5 Le logo de la Conférence des Nations Unies


3 Qu’est-ce que le néocolonialisme ? sur le commerce et le développement
(CNUCED). Cette institution, créée en 1964,
L’essence du néocolonialisme, c’est que l’État qui y est assujetti est théori- liée à l’ONU, compte 193 membres. Elle est
Exercices

quement indépendant et possède tous les insignes de la souveraineté sur une des conséquences des revendications
le plan international. Mais en réalité, son économie, et par conséquent sa socio-économiques de 77 pays nouvelle-
politique, sont manipulées de l’extérieur […]. Le contrôle est exercé par des ment indépendants. Elle revendique des
moyens économiques et monétaires. échanges commerciaux rééquilibrés en ré-
Kwame Nkrumah, Le Néocolonialisme, dernier stade de l’impérialisme, 1973. gulant les marchés économiques.

102 Chapitre 4 : Décolonisation et indépendances après 1945


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Chapitre Décolonisation et indé-


pendances depuis 1945
IV
Pakistan occidental
1947
Pakistan oriental
1947
Inde
1947 Birmanie
1948 Indochine
1954 Philippine
1946

Ceylan
1947 Malaisie
1957

Indonésie
1949 Papouasie
1975

Dates de l’indépendance
Entre 1945 et 1949 Guerre coloniale

OCÉAN
Entre 1950 et 1955 Troubles politiques
après 1955
INDIEN
Réalisation : S. Coté

1 Les étapes de la décolonisation en Asie.

2 Caricature d’illingworth sur la décolonisation en Inde.

Cours

Chapitre 4 : Décolonisation et indépendances après 1945 103


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I Les facteurs de la décolonisation


1 Après 1945, un nouveau monde

Les États colonisés ne supportent plus leur situation d’assujet-


tissement. Partout, de manière pacifique ou violente, s’exprime
le désir d’émancipation par une élite indigène progessiste,
cela d’autant plus que le contexte international a changé. La
guerre a destabilisé les métropoles. Les Alliés ont fait appel
aux populations coloniales. La vie quotidienne sur le front avec
les Européens leur a permis de découvrir en métropole une
société bien différente de celle des colonies. En Asie, les Fran-
çais, les Hollandais et les Anglais n’ont pas résisté à l’avancée
japonaise. En outre, les Japonais ont favorisé les mouve-
ments anticoloniaux avec une propagande anti-européenne.
L’Europe n’est pas invincible et elle n’a plus les moyens de ses
ambitions. Les métropoles sont ruinées.
Les deux Grands s’opposent eux aussi au colonialisme. Pour
l’URSS, le colonialisme est l’un des piliers du capitalisme,
une autre forme de l’exploitation de l’homme par l’homme. Ce
régime d’exploitation favorise les mouvements de résistance 1 Léopold Sédar Senghor fondateur de la Répu-
communiste. Les États-Unis défendent l’idée du droit des blique du Sénégal et écrivain. Il écrit au sujet de
la négritude : «La Négritude est la simple recon-
peuples à disposer d’eux-mêmes en tant que première colo- naissance du fait d’être noir, et l’acceptation de
nie émancipée de la tutelle britannique au XVIIIe s. ce fait, de notre destin de Noir, de notre histoire
Enfin, l’ONU est contre la colonisation. Dès 1941, la Charte et de notre culture»
de l’Atlantique défend le droit des peuples à disposer d’eux-
mêmes. En 1948, la Déclaration universelle des droits de
Biographies
l’homme reprend ce principe. Les Nations Unies deviennent
ainsi une tribune pour les jeunes États en soutenant les peuples Léopold Sédar Senghor (1906-2001) : Agrégé
dominés et en condamnant les puissances européennes. de grammaire, il se consacre après la guerre
à la politique et à la poésie. Il approfondit
Mouvements anticolonialistes et réactions des le concept de négritude. Il est député en
2 Européens
France dans plusieurs Assemblées entre 1945
et 1958. Partisan d’une libération prudente
et progressive de l’Afrique noire, il devient
Les métropoles européennes sont conscientes de l’affaiblis-
président de la République du Sénégal de
sement de leur poids politique international et de leurs capa-
1960 à 1980.
cités financières à assumer le maintien du système colonial.
Félix Houphouët Boigny (1905-1993) :
Pragmatique, une partie des dirigeants politiques européens
D’abord médecin, il devient administrateur
se résignent à envisager une évolution du statut juridique provincial. Élu à plusieurs reprises aux As-
des territoires dominés. C’est le cas de de Gaulle en 1944 semblées nationales entre 1946 et 1958, il
avec le discours de Brazzaville. La mission de la France est ministre de la IVe république. En 1959, il
est de permettre le développement de ses colonies de telle devient Premier ministre de la Côte d’Ivoire
sorte que si un jour le niveau le permettait, la France pourrait et président en 1960.
concéder une certaine autonomie dans les affaires internes.
Les Pays-Bas promettent en Indonésie une gestion auto-
nome des affaires intérieures tandis qu’en Inde Churchill a
promis de négocier après la guerre.
Les intellectuels africains, L. S. Senghor ou F. H. Boigny
qui défendent la liberté et l’égalité, ne sont pas dupes. Ils de-
mandent des décisions pratiques. Certains concilient nationa-
lisme et marxisme et obtiennent ainsi le soutien de l’Union so-
viétique (Viêt Minh d’Ho Chi Minh) et des partis communistes.
D’autres appuient leurs revendications sur un rejet des va-
Cours

leurs occidentales et l’affirmation d’une identité propre. Par


exemple, les Frères musulmans et l’Islam en Egypte et dans 2 Protège-cahier de 1947 à la gloire de l’Union
le monde arabe. française.

104 Chapitre 4 : Décolonisation et indépendances après 1945


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II Le continent précurseur : l’Asie


Définitions 1 L’indépendance «planifiée» des Indes britanniques
Parti du Congrès : Le Congrès national indien
ou parti du Congrès (en anglais Indian National Le mouvement nationaliste est ancien. Le parti du Congrès,
Congress) fondé en 1885, est la plus ancienne né en 1885, lutte depuis longtemps contre la présence britan-
formation politique de l’Inde toujours active. nique. Dès la fin de la Première Guerre mondiale, Gandhi
À l’origine, le parti veut permettre aux Indiens s’impose comme le chef incontesté du mouvement. Il prône la
éduqués de trouver une place dans le gouver- «non-violence active» ou la «désobéissance collective»
nement de l’Inde, sans contester la présence (le Satyagraha). Pour cela, il boycotte les produits anglais
britannique. Insatisfait de la réaction du gou- ou refuse de payer l’impôt (par exemple : la marche du sel).
vernement anglais, le parti défend dans les Dans le texte Quit India (1942), le parti du Congrès demande
années 20 des revendications plus radicales.
l’indépendance immédiate de l’Inde afin que cette dernière par-
Boycott : Le boycott consiste à ne pas ticipe en toute souveraineté à la lutte alliée contre les puis-
consommer systématiquement un produit sances totalitaires. Churchill refuse, fait arrêter les dirigeants
d’une entreprise ou d’une nation pour mani-
nationalistes, réprime durement la contestation, mais promet
fester son désaccord sur un point donné.
en même temps l’indépendance pour l’après-guerre.
Le nouveau gouvernement britannique, de tendance travail-
liste (gauche), plus favorable à l’indépendance que les conser-
vateurs, entame les négociations dès 1945. Malheureusement,
les relations entre les musulmans et les Hindous se dégradent.
Le leader musulman Ali Jinnah exige la création de deux
États. La guerre civile éclate en 1946-1947 et les Anglais
jouent le rôle d’arbitre. Nehru cède et accepte la partition.
Le 15 janvier 1947, deux États distincts proclament leur
indépendance : un Pakistan en deux parties et l’Inde. Les
transferts de populations provoquent un vrai bain de sang (15
millions de personnes déplacées, un demi million de morts).
Gandhi reprend son bâton de pélerin pour calmer les pas-
sions. Il est assassiné par un nationaliste hindou en janvier
1948. Dans la foulée, Ceylan et la Birmanie obtiennent leur
­indépendance.

1 Caricature d’Illingworth sur la décolonisation de


La «Revolusi», la révolution nationale indoné-
2
l’Inde en 1947.
sienne (1945-1949)

Pendant la Seconde Guerre mondiale, en 1942, les Japo-


nais occupent l’Indonésie et en chassent les Néerlandais. Ils
y mènent une active propagande anti-européenne et favo-
risent l’accession à l’indépendance, proclamée par le leader
nationaliste Soekarno, peu avant leur capitulation, le 17 août
1945. Les Pays-Bas n’acceptent pas cet état de fait, accusant
les partisans de cette nouvelle république d’être des collabo-
rateurs japonais. En juillet 1947 et en décembre 1948, arguant
du désordre public, les Néerlandais tentent de reconquérir
la colonie. Les nationalistes tiennent bons et les troupes co-
loniales ne contrôlent que les villes. Sous pression de l’ONU,
menacés d’une suspension de l’aide économique du plan
Marshall par les Américains, les Pays-Bas cèdent en 1949,
et l’indépendance est définitivement ­reconnue.
Cours

2 «Soekarno libère l’Inde (l’Indonésie)». Une du


journal hollandais Metro le 22 octobre 1945.

Chapitre 4 : Décolonisation et indépendances après 1945 105


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3 La guerre d’Indochine (1946-1954) Biographie


Pierre Mendès France : Résistant à Londres
Un processus de décolonisation plus violent se déroule en avec le général de Gaulle, il devient après
Indochine. la Seconde Guerre mondiale ministre de
l’Economie. Réputé pour sa compétence et
En mars 1945, les Japonais, pour favoriser l’indépendance, se
sa rigueur, il prédit l’échec de la politique
«débarrassent» des autorités françaises de Vichy qu’ils avaient de la France en Indochine. Avec le désastre
bien voulu garder jusqu’alors. Mais le mouvement d’indépen- de Diên Biên Phu, il devient président du
dance d’inspiration communiste, le Viêt Minh avec Hô Chi Conseil et ouvre la porte aux négociations. Il
Minh, défend la cause alliée et attend la capitulation japonaise s’oppose après 1958 aux institutions de la Ve
pour proclamer l’indépendance. Le général de Gaulle, de son république.
côté, entend restaurer l’autorité française. Il envoie l’amiral
Thierry d’Argenlieu et le général Leclerc. Ce dernier prend
conscience de la force du sentiment national viêt namien et
négocie les accords Sainteny - Hô Chi Minh en mars 1946.
Le Viêt Nam devient un État libre. Thierry d’Argenlieu consi-
dère ces accords comme un abandon. Il pousse à la création
d’un État pro-français au Sud, ce qui entraîne des troubles san-
glants. En réplique, l’amiral bombarde le port de Haïphong. Cet
acte est le déclencheur de la guerre d’Indochine.
La France prend le contrôle des villes. Cette guerre coloniale
devient un enjeu de la guerre froide. Il s’agit, à présent, d’em-
pêcher la propagation du communisme. La France pra-
tique une stratégie de quadrillage du territoire pour débusquer
le Viêt Minh. L’état-major tente de dresser un piège à Diên 1 La Une du journal de France Soir après le dé-
sastre de Diên Biên Phu.
Biên Phu mais c’est l’inverse qui se produit : le général Giap,
en mai 1954, écrase les français. Pierre Mendès France, pré-
sident du Conseil français, partisan de l’indépendance, conclut
en juillet 1954 les accords de Genève, lesquels mettent fin
au conflit. Le Laos et le Cambodge deviennent indépendants
et le Viêt Nam est divisé en deux. Les conditions de la guerre
du Viêt Nam sont en place (voir chapitre correspondant).

III La seconde vague : l’Afrique

1 Les décolonisations pacifiques

En théorie, le Royaume-Uni et la France ont deux approches


différentes pour gérer les colonies. La France favoriserait
l’assimilation et le Royaume-Uni l’association. Dans le pre-
mier cas, la France réalise une œuvre de civilisation. Pour
l’Angleterre, l’association (give and keep) favorise les acti-
vités commerciales à moindre coût. Mais dans tous les cas,
ces termes masquent la réalité de la colonisation basée sur
l’exploitation économique et le démantèlement des structures
sociales traditionnelles.
Pour éviter de nouvelles guerres, les métropoles française et
britannique favorisent en Afrique un processus d’émancipation
pacifique. Le self-government permet un passage en dou-
ceur, tout en préservant les intérêts économiques.
La Gold Coast entre la première dans le processus, au Gha-
Cours

na en 1951, puis au Nigéria et dans d’autres États d’Afrique 2 Affiche française de 1962 pour vanter la coopé-
anglophone. Mais des conflits ethniques surgissent comme la ration entre la France et les pays nouvellement
révolte des Mau Mau au Kenya. indépendants.

106 Chapitre 4 : Décolonisation et indépendances après 1945


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Pour la France, deux hommes jouent un rôle important :


Léopold Sédar Senghor au Sénégal et Félix Houphouët-­
Boigny en Côte d’Ivoire. Dès 1946, Paris concède un début
d’autonomie avec l’Union française : les colonies peuvent
élire leurs députés. Mais les émeutes se multiplient. En parti-
Biographies culier la France, réprime violemment le soulèvement à Mada-
Kwame NKrumah (1909-1972) : Né dans la gascar en 1947 (11 000 à 90 000 victimes). Ce sera de Gaulle,
Gold coast (l’actuel Ghana), Kwame NKru- en 1958, qui offrira l’autonomie interne avant de reconnaître
mah est d’abord instituteur en Côte d’Ivoire définitivement l’indépendance totale de ces pays en 1960.
puis étudiant aux États-Unis. Après avoir sé-
journé en Angleterre, il rentre dans son pays
en 1947. À la tête du parti de la convention 2 Les décolonisations «sous pression» au Maghreb
du Peuple qu’il a fondé en 1949, il milite pour
l’indépendance du Ghana en manifestant L’indépendance du Maghreb est encouragée par Nasser, le
face aux Britanniques un grand pragmatisme. leader égyptien. Parvenu au pouvoir en Égypte en 1952, il
Premier ministre dans le cadre de l’autono- renverse le faible roi Farouk accusé de corruption et d’être
mie interne en 1951, il prend la direction du la marionnette des Britanniques. Nasser ambitionne en effet
pays dès la proclamation de l’indépendance,
d’être le leader du monde arabe qu’il rêve d’unir au nom du
en 1957. Mais ce champion du panafrica-
panarabisme. Il chasse alors les Français et les Anglais du
nisme ne parvient pas à obtenir que le conti-
nent noir constitue un grand ensemble poli- canal de Suez en 1956 et soutient les mouvements indé-
tique unifié. Au Ghana, il concentre tous les pendantistes au Maroc, en Tunisie et en Algérie.
pouvoirs et mène une politique socialisante. En Tunisie et au Maroc, les indépendances sont les fruits
Il est renversé par un coup d’État militaire conjoints d’une pression militante forte et de négociations
en 1966. avec la France. Pierre Mendès France, président du Conseil,
Gamal Abdel Nasser (1918-1970) : Issu d’une joue un rôle stabilisateur. Au Maroc, le parti indépendantiste
famille de paysans pauvres, Nasser devient s’appelle l’Istiqlal et il soutient la création d’une monarchie
militaire et milite dans les milieux nationa-
marocaine avec, à sa tête, le sultan Mohammed V. En Tuni-
listes. Il lutte contre la présence britannique
en Égypte. En juillet 1952, il participe au
sie, le Neo-Destour revendique l’indépendance. Son leader,
coup d’État qui renverse le roi pro-anglais Habib Bourguiba, défend une vision laïque et moderne de la
Farouk avant de remplacer le président Na- Tunisie. Dans les années 50, la France tente dans les deux
guib à la tête de l’État en mars 1954. Il natio- cas de réprimer la volonté d’émancipation, en exilant le sultan
nalise le canal de Suez, ce qui lui apporte du Maroc et en arrêtant Bourguiba. Mais les émeutes sont de
un grand prestige. Mais il n’arrive pas à unir plus en plus violentes, ce qui oblige à ouvrir les négociations.
les Arabes dans un seul État. La guerre des En mars 1956, les deux États accèdent à ­l’indépendance.
6 jours contre Israël en 1967 compromet sa
réputation. Il meurt d’une crise cardiaque en
1970. 3 Les décolonisations violentes en Afrique noire
Patrice Lumumba (1925-1961) : Né dans un
milieu modeste, progressiste et libéral, il La décolonisation au Congo Belge est dramatique. Le pater-
découvre très jeune l’inégalité des échanges nalisme belge a refusé toute évolution et se résume souvent
entre le Congo et la Belgique. Au début par- par la formule «Pas d’élites, pas d’ennuis». Le pays est riche
tisan d’une évolution pacifique du système en ressources (cuivre, diamants,...) qui sont exploitées par
colonial, opposé à l’image paternaliste que des compagnies occidentales. En 1959, des émeutes éclatent
donne la Belgique du Congo, il se rapproche
et les Belges abandonnent le pays dans la précipitation l’an-
petit à petit des milieux anticolonialistes.
Arrêté lors des troubles de 1959, il est libéré
née suivante, le laissant en proie à de graves troubles inter-
pour participer à Bruxelles aux négociations ethniques. La guerre civile éclate. La province du Katanga
de l’indépendance, qui est accordée dans fait sécession en opposition au pouvoir central de Patrice
la plus totale improvisation. Le parti de Lu- Lumumba. En 1965, le général Mobutu prend le pouvoir et
mumba remporte les élections de 1960 et il impose une dictature sanglante et corrompue.
devient Premier ministre. Sa position est fra-
En 1960, quasiment toute l’Afrique est indépendante. Il ne
gilisée par la menace d’éclatement du jeune
reste que quelques points de conflit, en particulier dans les
État - la riche province du Katanga fait alors
sécession - et par ses positions politiques colonies portugaises. La dictature de Salazar s’épuise à
pro-soviétiques. Il est renversé par Mobutu, conserver l’empire colonial portugais. Une longue lutte s’en-
qui agit au service de la CIA. Transféré au gage contre la guérilla indépendantiste. Les puissances occi-
Katanga, il est assassiné. dentales, l’URSS, la Chine ou Cuba s’impliquent dans le conflit
en exploitant les divisions ethniques. En 1974, la dictature
Cours

est renversée au Portugal, ce qui permet à la Guinée-Bis-


sau, au Mozambique, à l’Angola et au Cap-Vert de devenir
­indépendants.

Chapitre 4 : Décolonisation et indépendances après 1945 107


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La Rhodésie du Sud est un cas particulier. En effet, ce sont


les Blancs d’origine anglo-saxone qui proclament eux-même
l’indépendance en 1965. A l’époque, en Rhodésie, le régime
est identique à celui de l’Afrique du Sud avec l’apartheid :
les Noirs sont soumis aux Blancs. En réaction à cette pro-
clamation qui nie les droits de la majorité, une guerre civile
éclate, menée par Robert Mugabe. Elle se termine en 1980
par l’indépendance du pays.

4 La guerre d’Algérie (1954-1962)

L’Algérie est l’exemple le plus connu d’une décolonisation


violente. Les pieds-noirs (colons européens installés en Algé-
rie) bloquent tout le processus pacifique d’émancipation. La
France considére que l’Algérie «c’est la France». Elle croit HeKo, Deutsche Zeitung

1 Heko, un caricaturiste allemand, dénonce l’ab-


résoudre le problème par des moyens militaires. surdité de la politique française qui croit régler
La décolonisation est complexe parce que depuis 1830, l’Al- la question algérienne par la guerre.
gérie compte 10% de colons d’origine européenne. En 1945,
il y a déjà eu des émeutes à Sétif, violemment réprimées
par les autorités françaises (environ 20 000 morts). Le calme
semble rétabli, mais à la Toussaint 1954, une vague d’atten-
tats orchestrée par le FLN touche le territoire. C’est le début
de la guerre. La France envoie «l’armée de métier» puis les
jeunes Français faisant leur service militaire.
Les services de renseignement de l’armée recourent à la tor-
ture et les campagnes sont quadrillées pour débusquer les
«fellaghas» (résistants algériens). L’image de la France se
dégrade au plan international, la guerre est impopulaire sans
compter le coût de celle-ci. Au pouvoir, le général de Gaulle BEHRENDT, Fritz.

se rend compte que la France ne peut éternellement conser- 2 Caricature allemande publiée en 1967. Elle
montre la difficulté pour de Gaulle de gérer l’in-
ver ce territoire par la force. Les négociations débutent et se dépendance algérienne, pris entre l’opposition
terminent par les accords d’Évian en 1962. des nationalistes algériens et les défenseurs de
l’Algérie française (l’OAS).

IV Le tiers-monde, un nouvel acteur international


Pays communiste

Pays neutre - influence de l’Inde

Pays neutre - influence de l’Égypte

1 La conférence de Bandung (avril 1955) Néo Destour


invité
FLN OCÉAN
invité
PACIFIQUE

Le «tiers-monde» est une expression inventée par Alfred


Sauvy en 1952. Elle concerne les pays anciennement coloni-
sés qui aspirent à la liberté hors du contrôle des deux blocs. Pays neutre - influence occidentale

Pays allié des États-Unis OCÉAN


Bandoung

Cette idée prend forme lors de la conférence de Bandung Pays colonisé


INDIEN
Réalisation : S. Coté

en 1955. Les nouveaux pays indépendants, comme l’Inde de 3 Les participants de la conférence de Bandung.
Nehru, l’Indonésie de Soekarno et dans une certaine mesure
la Chine représentée par Zhou Enlai, se réunissent pour évi- Définition
ter de tomber dans le jeu trouble de la guerre froide. 29 pays Apartheid : mot afrikaans signifiant «sépara-
se retrouvent sous la présidence de Soekarno en Indonésie. tion, mise à part». Cette politique de «dévelop-
Les participants de la conférence condamnent unanime- pement séparé» prévoit la ségrégation raciale
ment le colonialisme et l’apartheid, affirment leur neutra- entre les Noirs et les Blancs. Elle est introduite
lisme hors des deux blocs, revendiquent la nécessité d’un en Afrique du Sud à partir de 1948. La violence
Cours

développement économique et social fondé sur la coopération des services de sécurité, dans le cadre de la
­internationale décolonisation, accentue les critiques interna-
tionales contre ce régime raciste.

108 Chapitre 4 : Décolonisation et indépendances après 1945


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Les enjeux de l’indépendance : construire de


2 nouveaux États
Les nouveaux pays indépendants sont confrontés à de nom-
breux défis.
Ils sont exposés à la question de l’autosuffisance alimen-
taire. L’agriculture vivrière aux méthodes rudimentaires ne
nourrit pas la population en pleine explosion démographique.
Les Occidentaux n’aident pas, investissant quant à eux dans
les plantations exportatrices. De même, il n’y a pas d’indus-
trie. Le colonisateur a rarement développé les activités de
transformation. De plus, ce sont les marchés occidentaux qui
contrôlent les prix du marché.
Les problèmes sociaux liés à cette situation sont terribles :
malnutrition, analphabétisme, manque d’infrastruc-
tures... Le niveau de vie est très bas et le chômage fait des
ravages. Seule une élite restreinte et corrompue détourne à
son profit les richesses produites.
Malgré l’indépendance, les nouvelles nations émancipées
subissent une nouvelle forme d’impérialisme, le néocolonia-
lisme. La domination n’est plus militaire mais économique.
1 Caricature de Sanders publiée dans le M
­ i­waukee Les accords commerciaux permettent aux groupes occiden-
Journal en 1968. taux de contrôler la production des matières premières. La
dette de ces pays ne cesse de s’accroître, ce qui accentue
leur dépendance envers leurs créanciers occidentaux.
Les difficultés économiques accroissent les difficultés poli-
Biographie tiques. Les frontières ne respectent pas le territoire des
Idi Amin Dada (1925-2003) : Militaire en Ou- ethnies historiques. Les conflits se multiplient. Les gouver-
ganda, il gravit rapidement les échelons de la nements exercent le pouvoir grâce à l’armée, favorisant les
hiérarchie militaire au temps de la colonisa- dictatures corrompues et violentes.
tion britannique. En 1962, devenu général, il
participe au coup d’État de Milton Obote qui
fonde une république unitaire avec un parti
3 Les enjeux de l’indépendance : la pauvreté
unique. En 1971, pour empêcher son arres- Les pays du tiers-monde connaissent une très forte crois-
tation, il prend le pouvoir lors d’un nouveau sance démographique ; de nombreux pays n’ont pas achevé
coup d’État. Rapidement, toute la cruauté la transition démographique. L’enfant reste la première vic-
de ce président fou, violent et sanguinaire se time, le taux de mortalité infantile demeurant très élevé. Les
révèle. 100 000 à 500 000 personnes auraient populations souffrent de malnutrition et de sous-nutrition.
été victimes de ce régime. Le pays est aux
abois. En 1978, il décide d’envahir la Tanza- La sous médicalisation et le manque d’infrastructures et
nie mais il est repoussé et il doit partir en de personnels médicaux sont une réalité. Ces pays sont les
exil en avril 1979. plus touchés par les épidémies (SIDA, Ebola, variole) qui y
font des ravages. La population se concentre dans les bidon-
villes des grandes métropoles. Les États n’investissent pas
dans les infrastructures (égouts, électrification...).
La population des pays du tiers-monde compte un pour-
centage élevé d’analphabètes en raison de l’inégal accès à
­l’éducation. Les écarts entre une minorité riche et une majorité
pauvre se creusent.

4 L’échec de la troisième voie

Inconnu
La conférence de Bandung est suivie, en 1961, par la confé-
rence de Belgrade (Yougoslavie) avec Nasser, Nehru et Tito.
2 De gauche à droite : Nehru, Nkrumah, Nasser,
Soekarno et Tito, lors de la conférence de Bel- Cette conférence marque la naissance officielle des non-ali-
grade en 1961. gnés, soucieux de refuser la soumission aux blocs et d’affirmer
Cours

leur présence au plan mondial. La volonté d’indépendance des


non-alignés est un échec. La plupart tombent sous l’influence

Chapitre 4 : Décolonisation et indépendances après 1945 109


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d’un des deux grands. Le panarabisme ou le panafricanisme


(Organisation de l’unité africaine) ne fonctionnent pas mieux.
Révisions
Vocabulaire : parti du Congrès - Nehru
Les pays en développement tentent aussi de s’affirmer au
- Gandhi - Ali Jinnah - Frères musulmans -
plan économique. En 1956, Nasser, avant de nationaliser le Satyâgraha - Quit India - la Revolusi - Viêt
canal de Suez, dénonce la division internationale du travail, Minh - Hô Chi Minh - Diên Biên Phu - accords
où les pays du tiers-monde sont de simples pourvoyeurs de de Genève - self-government - Léopold Sédar
matières premières. Senghor - Félix Houphouët Boigny - général
En 1964, 77 États parviennent à créer la CNUCED (Confé- de Gaulle - discours de Brazzaville - Kwame
Nkrumah - Gamal Abdel Nasser - Istiqlal - Mo-
rence des Nations Unies pour le commerce et le développe-
hammed V - Neo-Destour - Habib Bourguiba
ment) afin de mettre au cœur des préocupations internationales,
- Patrice Lumumba - Mobutu - colonies portu-
la question du développement. En 1973, à Alger, les non-ali- gaises - Rhodésie du Sud - apartheid - Robert
gnés revendiquent la création d’un nouvel ordre économique. Mugabe - Sétif - Toussaint 1954 - FLN - ac-
Une des conséquences pratiques pour rééquilibrer les cords d’Évian - conférence de Bandung - Soe-
échanges commerciaux est la création de l’OPEP en 1960. karno - tiers-monde - néocolonialisme - Idi
Lors de la guerre du Kippour en 1973, l’OPEP multiplie ainsi le Amin Dada - Jean-Bédel Bokassa - conférence
de Belgrade - panarabisme - panafricanisme
prix du pétrole par quatre, le pétrole étant le seul domaine où
- CNUCED - Conférence d’Alger - OPEP - PMA -
les producteurs ont le contrôle de la production. Pour le reste, pays émergents encore pauvres - pays émer-
le volet économique des non-alignés est un échec. gents dynamiques - États pétroliers.
Notions : en quoi le contexte international
5 Un tiers-monde aux multiples visages
est-il favorable à la décolonisation ? Quels
sont les opposants ?
Aujourd’hui, la notion même de tiers-monde n’a plus grand Quelles propositions font les puissances colo-
sens. Mieux vaut parler «des Suds». Les destins sont à pré- niales pour réformer le système ?
sent très variables : Comment se déroule l’accession à l’indépen-
dance de l’Inde, de l’Indonésie et de l’Indo-
- Les PMA : ce sont les pays les moins avancés qui se
chine ?
trouvent principalement en Afrique centrale. Le niveau de pau- Pourquoi la décolonisation en Afrique est-elle
vreté reste élevé avec un taux d’accroissement naturel annuel parfois pacifique et d’autres fois violente ?
élevé. Quels sont les processus ?
- Les pays émergents encore pauvres : ce sont surtout Quels défis attendent les nouveaux États
les pays comme le Maghreb, l’Amérique du sud et centrale ou ­indépendants ?
Quels sont les objectifs des «non-alignés» ?
l’Asie du Sud-Est. Le développement économique existe mais
Pourquoi est-ce un échec politique et
ces pays n’ont pas encore remporté le défi de la pauvreté. Les ­économique ?
sociétés restent inégalitaires et souvent dictatoriales. Quelle est la situation actuelle des anciens
- Les pays émergents dynamiques : il s’agit bien sou- pays colonisés ?
vent de grands pays à la croissance écono-
OCÉAN GlACIAL ARCTIQUE
mique rapide. Ils s’imposent de plus en plus
aux puissances économiques occidentales
comme la Chine, l’Inde, le Brésil, le Mexique, OCÉAN

les Nouveaux pays industrialisés (NPI)


d’Asie... La côte orientale chinoise, la Corée
Nord
PACIFIQUE
Sud

du Sud, Taïwan ont intégré la Triade au côté


OCÉAN
des États-Unis, de l’Europe et du ­Japon. OCÉAN

- Enfin les États pétroliers occupent une OCÉAN


place particulière. Leur prospérité s’explique ATLANTIQUE
Sud

par l’exploitation de cette ressource natu- PACIFIQUE


Nord

relle qui rapporte des revenus importants. INDIEN

Certains États, pour anticiper l’après pétrole, Les « Nords » « Les Suds »
Pays industrialisé Pays pétroliers à haut revenu
réinvestissent leur rente dans des fonds Pays en reconversion Pays émergent à forte croissance

souverains : le tourisme ou les activités ter- 0 2 000 km


NPI Pays en situation intermédiaire

tiaires supérieures de qualité. Le Qatar ou PMA, Pays les moins avancés Réalisation : S. Coté

les Émirats arabes unis (Dubaï) en sont des 1 Les divisions économiques et sociales du monde dans les années 2000.
exemples.
Définition
Cours

NPI : Les Nouveaux pays industrialisés (NPI) correspondent aux


pays qui débutent un fort décollage industriel à partir des an-
nées 1960 (Corée du Sud, Singapour, Hong-Kong, Taïwa).

110 Chapitre 4 : Décolonisation et indépendances après 1945


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De l’HEurope Ml’Est,
istoire àde Europe
Chapitre
on
Histoire Personnelle
de l’Ouest (1949-1973)
5

1 Le 1er mai 1953 à Berlin. Keystone

Dans quelle mesure les modèles idéologiques s’imposent-ils en Europe ? Comment chaque espace évo-
lue-t-il politiquement et socialement ?
Exercices

2 Caricature d’Illingworth au sujet de la conférence de Paris en juin 1947. À gauche, G. Marshall et à droite V. Molotov tirent la
«corde» pour amener un maximum de pays européens dans leur zone d’influence..

Chapitre 5 : Europe de l’Est, Europe de l’Ouest (1949-1973) 111


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I Deux Europes face-à-face


1 Le modèle libéral à l’Ouest

1 Le triomphe des... choses 2 L’économie de marché


Avoir ou ne pas avoir : telle devint la question. Les chiffres en Paradoxe : l’économie de marché est aujourd’hui sans concur-
témoignent. Autant la IVe République peut se vanter du décol- rence ! Après un long combat, elle a gagné par KO contre le
lage industriel, autant le régime gaullien fut le temps de l’équi- collectivisme et le dirigisme. [...]
pement des ménages [...]. On chercha à donner un mot à la Son principe ? Il est simple, mais a fait ses preuves sous toutes
chose [...] : société d’abondance, société d’opulence... jusqu’au les latitudes : la concurrence permet de produire au moindre
jour où jaillit d’on ne sait quelle plume [...] une expression [...]. coût pour vendre au meilleur prix et satisfaire une part crois-
On était désormais dans une «société de ­consommation». sante des désirs humains. Le marché est aujourd’hui une réa-
Boris Vian avait déjà chanté, dans la décennie précédente, une lité universelle : partout, les hommes produisent, échangent,
Complainte du progrès, par laquelle il menaçait les cuisines achètent ou vendent en surveillant sur leur marché leurs
d’autrefois d’un orage d’inox, troublant l’existence des couples, concurrents pour ne pas perdre leurs clients.
leur interdisant de vivre désormais simplement d’amour et Malgré bien des aléas, l’histoire économique apparaît ainsi
d’eau fraîche. Mais seuls alors les nantis pouvaient se flatter de comme celle de la diffusion progressive des mécanismes de
détenir le carré d’as : réfrigérateur, machine à laver, télévision, marché à l’ensemble de l’économie mondiale. Sur ce marché
automobile. [...] Retenons deux chiffres pour préciser l’envolée planétaire, les capitaux, les biens et services, et, désormais,
des «télés» : 23 % en 1962, 78 % en 1973. [...] les salariés sont en situation de concurrence globale. C’est ce
En 1965, les Choses valurent à Georges Perec le prix Renau- progrès qui a permis à un nombre croissant d’êtres humains
dot. Jamais roman, roman si l’on peut dire, n’avait mieux rendu de bénéficier à leur tour des avantages de la croissance éco-
la couleur du temps. [...] Perec exprimait bien cette espèce de nomique.
vertige ressenti devant la multiplication des petits pains, cette Ce succès de l’économie de marché est souvent mal ressenti
soif d’acquérir tout tout de suite, et notamment en poussant par l’opinion. [...] La mise en concurrence des industries avec
son caddy dans les premiers hypermarchés. [...] de nouveaux producteurs lointains réduit la capacité de contrôle
Certains auteurs eurent à cœur de nuancer, de relativiser le des autorités nationales. Elle leur impose de déréglementer
phénomène. Toujours en 1965, Paul-Marie de La Gorce publie pour rétablir une plus grande flexibilité. [...] Les États-Unis, puis
la France pauvre, où, comme Galbraith l’avait fait pour les États- les Européens, l’ont bien compris en promulguant des «lois
Unis, l’auteur décrit les ombres au tableau pailleté : misère de antitrust» permettant d’éviter les concentrations d’entreprises
tant de vieillards, immigrés vivant dans les bidonvilles, détresse jugées abusives car mettant en danger l’économie de marché.
de certains paysans, petits commerces condamnés, artisanats site web, economie.gouv.fr
sans avenir, etc. La quête d’un logement restait même pour
beaucoup de ceux qui étaient entrés dans la France dyna-
mique un casse-tête insoluble.
M. Winock, «Le triomphe des... choses», Le Monde, 02 août 1986 Domaine 1881 1930 1950 1960 1970 1980
Politique 70.6 19.9 23.2 31.5 18.9 17.5
Questions Économie 16.6 7.7 9.6 15.6 13.4 10.1

1. Présentez les fondements de l’économie de marché Social 7.7 70.5 65.6 50 65.5 68.9
(doc 2). Dette 5.2 1.9 1.6 2 2.3 3.5
2. Qu’est-ce qui bouleverse le mode de vie des Euro- Total
6.7 43.1 41.8 32 37.6 46.9
péens (doc 1) ? Tous les problèmes sociaux sont-ils pour (% du PIB)
autant réglés ? Précisez. 3 Les dépenses publiques en France. Une longue évolution
3. Analysez le tableau 3. Montrez l’évolution du rôle du rôle des institutions permet de passer d’un «État-gen-
de l’État et l’émergence de l’État providence. Présen- darme» à un «État-providence». Robert Delorme et Christine An-
dré, L’État et l’économie : un essai d’explication de l’évolution des dépenses
tez l’originalité et le fonctionnement de l’économie publiques en France 1870–1980. 1983.
sociale de marché (doc 4).

État de droit ÉTAT Régulateur de l’économie sociale de marché


Encadrement de la société

Actionnaires Capital Investissement collectif

Acteurs économiques
Acteurs humains Infrastrutures
Salariés Entreprises Acteurs étatiques Éducation
Sécurité
....
4 L’économie sociale de marché. Cette notion
Valeur ajoutée apparaît en Allemagne en 1946. Il s’agit
Partage des richesses
d’un système économique fondé sur le
capitalisme de marché qui a pour vocation
Salaires Efficacité Idéal d’être naturellement social. Ludwig Erhard
économique d’équité
applique le principe en Allemagne durant les
Exercices

Cours des actions


Redistribution de la
Impôts années 60. Le système a pour but de main-
richesse produite
dividendes tenir tout à la fois une croissance élevée,
Prix de vente Justice sociale
une faible inflation, un faible chômage, de
bonnes conditions de travail et une protec-
Consommateur Lutte contre la pauvreté
Source : Richard stock (centre Schuman), Réalisation : S. Coté tion sociale élevée.

112 Chapitre 5 : Europe de l’Est, Europe de l’Ouest (1949-1973)


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2 Le modèle communiste à l’Est

2 L’homme nouveau socialiste en RDA


Quel est le portrait de l’homme du socialisme ? L’homme de la
société socialiste se laisse guider par les principes de l’éthique
et de la morale socialiste :
1. Tu agiras dans l’intérêt de la solidarité internationale de la
classe ouvrière [...].
2. Tu aimeras ta patrie et tu seras toujours prêt à engager toute
ta force pour la défense du pouvoir ouvrier et paysan.
3. Tu aideras à éliminer l’exploitation de l’homme par l’homme.
4. Tu accompliras de bonnes actions pour le socialisme, car il
conduit à une vie meilleure [...].
5. [...] Tu respecteras la collectivité et tu prendras à cœur ses
critiques.
6. Tu protègeras et augmenteras la propriété du peuple.
7. Tu tendras constamment à améliorer ton travail, à être éco-
nome et renforcer la discipline socialiste du travail.
8. Tu élèveras tes enfants dans l’esprit de la paix [...] pour qu’ils
deviennent des hommes au caractère ferme et au corps sain.
9. Tu vivras d’une façon propre et décente. Tu respecteras ta
famille.
10. Tu seras solidaire des peuples qui luttent pour leur libéra-
tion nationale ou défendent leur liberté.
Programme du Parti socialiste unifié d’Allemagne (SED), 1963

1 Deux mondes, deux résultats. Affiche de pro- 4 La réforme des Sovnarkhozes


pagande soviétiquede, 1955.
Deux usines de Vladivostok, situées l’une à côté de l’autre,
devaient, si elles voulaient échanger quelques boulons ou
quelques écrous, solliciter l’autorisation de la capitale, à 6 000
kilomètres de là. Et si les deux usines relevaient de ministères
différents, l’autorisation pouvait être difficile à obtenir. Pendant
ce temps, à Moscou, des hordes de bureaucrates étaient aux
prises avec des millions de détails insignifiants, dont chacun
alimentait un dossier en triple exemplaire.
Cette bureaucratie hypertrophiée était une cause de frictions
et de déséquilibres [...]. C’est pourquoi la Russie tout entière
a été divisée en 105 régions économiques, dont chacune a
à sa tête un Conseil économique régional (le sovnarkhoze)
qui supervise les activités de toutes les usines de la région.
Chaque Conseil reçoit de la Commission de planification, ou
Gosplan, de la République sur le territoire de laquelle il opère,
les instructions générales destinées à orienter son action. [...]
De leur côté, les Gosplans des Républiques reçoivent du Gos-
S. Coté
plan fédéral, qui a ses bureaux à Moscou, des instructions
3 Reconstitution d’un appartement en RDA. Musée de la DDR, générales sur la politique à suivre et sur les programmes à
Berlin.
établir. Le soin de prendre des millions de décisions écono-
miques s’est trouvé confié aux échelons locaux, tant il est vrai
qu’il fallait que les décisions soient prises à ce niveau, si l’on
voulait que l’efficience de l’économie russe allât de pair avec
5 L’égalité des sexes les ambitions des dirigeants soviétiques1.
Dans les pays communistes à l’est du rideau de fer, l’égalité Article de Malcolm Muir, Newsweek, le 16 novembre 1959.
1
entre les sexes fait partie de l’idéologie de l’État, qui favorise en Les ambitions sont de rattraper la production et le niveau de vie des États-Unis
avant 1970.
particulier la conciliation pour les femmes entre travail et famille
et libéralise l’avortement : 1955 en URSS, 1956 en Bulgarie,
Pologne, Hongrie, Roumanie, 1957 en Tchécoslovaquie, 1960 Questions
en Yougoslavie et 1972 en RDA, soit bien avant les pays ouest-
européens. En même temps, les démocraties populaires stig- 1. Identifiez les caractéristiques du régime stalinien et
matisent le féminisme comme une déviance «bourgeoise» et du modèle socialiste dans les docs 1 et 2.
Exercices

un courant subversif. D’obédience communiste, la Fédération 2. Montrez que l’Europe de l’Est entre dans la socié-
démocratique internationale des femmes (FDIF) promeut les té de consommation et connaît des avancées sociales
droits des femmes à l’échelle internationale et aide les associa-
(docs 3 et 5).
tions de femmes des jeunes États issus de la décolonisation.
Anne-Laure Briatte, «Féminismes et mouvements féministes en Europe», 3. Quelles réformes lance l’URSS pour tenter de sauver
Encyclopédie pour une histoire nouvelle de l’Europe, 2018 son modèle ? Pourquoi (doc 4) ?

Chapitre 5 : Europe de l’Est, Europe de l’Ouest (1949-1973) 113


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3 À l’Ouest, construire une nouvelle Europe

1 Churchill, il faut construire l’Europe 3 Message aux Européens


Je voudrais vous parler de la tragédie de l’Europe. Ce conti- L’Europe est menacée, l’Europe est divisée, et la plus grave
nent magnifique [...]. Elle est à l’origine de la plus grande partie menace vient de ses divisions.
de la culture, des arts, de la philosophie et de la science du Appauvrie, encombrée de barrières qui empêchent ses biens
passé et du présent. Si l’Europe pouvait s’unir pour jouir de cet de circuler, mais qui ne sauraient plus la protéger, notre Eu-
héritage commun, il n’y aurait pas de limite à son bonheur, à rope désunie marche à sa fin. Aucun de nos pays ne peut
sa prospérité, à sa gloire [...]. En revanche, c’est aussi d’Eu- prétendre, seul, à une défense sérieuse de son indépendance.
rope qu’est partie cette série de guerres nationalistes épou- Aucun de nos pays ne peut résoudre seul les problèmes que
vantables déclenchées par les Teutons dans leur course à la lui pose l’économie moderne. À défaut d’une union librement
puissance et que nous avons vue au XXe s. [...] consentie, notre anarchie présente nous exposera demain à
Nous devons ériger quelque chose comme les États-Unis l’unification forcée, soit par l’intervention d’un empire du de-
d’Europe. [...] Il suffit de la résolution de centaines de millions hors, soit par l’usurpation d’un parti du dedans.
d’hommes et de femmes de faire le bien au lieu du mal, pour L’heure est venue d’entreprendre une action qui soit à la me-
récolter alors la bénédiction au lieu de la malédiction. [...] sure du danger.
La dernière guerre a été marquée par des crimes et des mas- Tous ensemble, demain, nous pouvons édifier [...] le plus
sacres tels qu’il faut remonter jusqu’à l’invasion des Mongols, vaste ensemble économique de notre temps. [...] Jamais la
au XIVe s., pour trouver quelque chose d’approchant [...]. Le guerre, la peur et la misère n’auront été mises en échec par un
coupable doit être châtié. Il faut mettre l’Allemagne dans l’im- plus formidable adversaire. [...]
possibilité de s’armer à nouveau et de déclencher une nou- Nous déclarons solennellement notre commune volonté dans
velle guerre d’agression. Quand cela sera chose faite, et cela les cinq articles suivants [...] :
le sera, il faudra que se produise ce que Gladstone nommait
1. Nous voulons une Europe unie [...].
jadis «l’acte béni de l’oubli». Nous devons tous tourner le dos
aux horreurs du passé et porter nos regards vers l’avenir. [...] 2. Nous voulons une Charte des droits de l’Homme [...].
J’en viens maintenant à une déclaration qui va vous étonner. 3. Nous voulons une Cour de Justice [...].
Le premier pas vers une nouvelle formation de la famille euro- 4. Nous voulons une Assemblée Européenne, où soient repré-
péenne doit consister à faire de la France et de l’Allemagne sentées les forces vives de toutes nos nations.
des partenaires. Seul ce moyen peut permettre à la France de Message aux Européens, congrès de La Haye, 10 mai 1948.
reprendre la conduite de l’Europe. [...] Les petits pays compte-
ront autant que les grands et s’assureront le respect par leur
contribution à la cause commune. [...]
Discours de Churchill à Zurich le 19 septembre 1946.

2 Le traité de Bruxelles
Convaincues de l’étroite solidarité de leurs intérêts et de la
nécessité de s’unir pour hâter le redressement économique
de l’Europe. [...]
ARTICLE II
Les Hautes Parties Contractantes associeront leurs efforts,
par la voie de consultations directes et au sein des Institutions
spécialisées, afin d’élever le niveau de vie de leurs peuples et
de faire progresser, d’une manière harmonieuse, les activités
nationales dans le domaine social. [...]
ARTICLE IV
Au cas où l’une des Hautes Parties Contractantes serait l’objet
d’une agression armée en Europe, les autres lui porteront, OECD PHOTO
conformément aux dispositions de l’article 51 de la Charte des
Nations Unies, aide et assistance par tous les moyens en leur 4 Les 16 membres fondateurs du Conseil de l’Organisation
européenne de coopération économique (OECE), le 17
pouvoir, militaires et autres. [...]
février 1949 à Paris. Cette Organisation doit permettre la
ARTICLE VII redistribution des fonds américains du plan Marshall. Le
En vue de se concerter sur toutes les questions faisant l’objet programme de relèvement européen se répartit à la fois en
du présent Traité, les Hautes Parties Contractantes créeront aides directes et en prêts pour un montant global d’environ
un Conseil Consultatif qui sera organisé de manière à pou- 13 milliards de dollars distribués entre avril 1948 et juin
voir exercer ses fonctions en permanence. Le Conseil siégera 1951. C’est un outil de coopération européenne important
Exercices

chaque fois qu’il le jugera opportun. ,favorisant les projets d’unification sans permettre toutefois
Traité de Bruxelles, Traité de collaboration en matière économique sociale la création d’une union douanière.
et culturelle et de légitime défense collective signé par la France, le
Royaume-Uni, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg, le 17 mars 1948.

114 Chapitre 5 : Europe de l’Est, Europe de l’Ouest (1949-1973)


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6 La naissance du Conseil de l’Europe


R. Schuman a signé hier à Londres au nom de la France le
statut du Conseil de l’Europe, auquel participent dix nations.
Ce nombre sera porté à douze par l’adhésion prochaine de la
Grèce et de la Turquie. [...]
Il existe déjà d’autres organisations européennes, telles que
l’OECE., résultant du plan Marshall, mais qui se propose de
durer et se consacre aux problèmes économiques. Le Conseil
de l’Europe [...] laissera de côté les questions militaires. Ses
attributions et son rôle ressortent de la composition même de
ses deux organes : l’Assemblée consultative et le Comité des
ministres.
L’Assemblée sera essentiellement une émanation des Parle-
ments nationaux [...]. Comme son nom l’indique, elle n’a aucun
pouvoir de décision. Elle [...] s’efforcera de contribuer à la for-
mation d’une opinion européenne en discutant publiquement
les grands problèmes sociaux, culturels, juridiques etc., qui
intéressent les différents peuples.
5 Caricature d’Illingworth illustrant la signature du traité de Le Comité des ministres, qui se composera des ministres des
l’Atlantique nord (OTAN) le 4 avril 1949.
Affaires étrangères, aura un rôle plus actif. Il examinera les
recommandations de l’Assemblée. Son autorité pourra être
considérable du fait que ses membres dirigeront la politique
extérieure dans leurs pays respectifs. [...]
Nous n’en sommes pas encore au stade de l’État supranational
auquel les États nationaux abandonneraient une partie de leurs
pouvoirs. Il s’agit simplement de faciliter la confrontation des
vues entre les peuples membres de la nouvelle organisation.
«Le Conseil de l’Europe», Le Monde, 7 mai 1949

8 L’Europe unie, premier bilan


Ainsi, en un an, les progrès réalisés se révélaient formidables,
et l’Europe occidentale semblait audacieusement et définiti-
vement engagée dans une voie toute nouvelle : la voie de la
reconstruction [l’OECE], de la sécurité [l’OTAN] et du salut [le
7 Caricature de David Low du Daily Herald en 1950 au sujet Conseil de l’Europe]. Une grande espérance faisait plus que
de la création du Conseil de l’Europe. naître, elle commençait à se réaliser.
Une nouvelle année s’est écoulée depuis et permet d’établir un
premier bilan. Il serait faux [...] de le considérer comme entière-
ment négatif, mais on peut affirmer qu’il ne donne pas satisfac-
tion à ceux pour qui l’organisation de l’Europe est une question
Questions à la fois urgente et de vie ou de mort. [...]
1. Quelles propositions fait Churchill pour favoriser la Ce qui manque à l’OECE. c’est une véritable pensée politique,
paix et la prospérité en Europe (doc 1) ? une vraie volonté d’appliquer les principes sur lesquels il sem-
blait que l’accord s’était fait. […] Certes, on a réussi à se par-
2. Analysez le contenu du traité de Bruxelles. Contex- tager dans un assez bon esprit les dollars américains ; mais à
tualisez le traité. tout prendre on n’a réalisé que de tous petits progrès vers l’in-
3. Faites une recherche personnelle sur le congrès de tégration européenne, et la plupart des excellents principes qui
La Haye (organisateurs, principes...). Listez les propo- ont été proclamés à maintes reprises sont restés lettre morte,
sitions du congrès. Justifiez-les (doc 3). vaincus par l’égoïsme économique.
Enfin, à Strasbourg, le Conseil de l’Europe a fait ses premiers
4. Présentez les motivations de la création de l’OECE.
pas. Ils sont timides et hésitants comme ceux d’un jeune en-
En quoi est-ce un premier pas vers l’union des Euro- fant. On sent bien que, sans un certain pouvoir qui lui serait
péens (doc 4) ? conféré, il risque de n’être qu’une académie respectable mais
5. Présentez et expliquez le doc 5. impuissante. [...]
6. Listez les caractéristiques du conseil de l’­Europe. Après les réels et spectaculaires succès de 1949, l’organisa-
Exercices

Comparez ce conseil à l’OECE (doc 6). tion de l’Europe marque le pas, et même recule un peu. C’est le
moment pour tous ceux qui en savent l’essentielle importance
7. Analysez les docs 7 et 8. Présentez les aspects posi-
de se jeter dans la bataille et de la gagner.
tifs, négatifs et les propositions de Spaak. Paul-Henri Spaak, ancien Premier ministre belge, secrétaire général de
l’OTAN, «l’Europe unie, premier bilan», Le Monde, 13 mai 1950

Chapitre 5 : Europe de l’Est, Europe de l’Ouest (1949-1973) 115


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4 La soviétisation de l’Est

1
Władysław Gomułka
1947
URSS
Rudolf Slánský
1948
Mátyás Rákosi
1949
Gheorghe Gheorghiu-Dej
1947
Josip Broz Tito
1945 Georgi Dimitrov
1946
Enver Hoxha
Nebelspalter, 1946
1944
1 «L’Union soviétique souhaite avoir des Réalisation : S. Coté
gouvernements amis dans ses États voi-
sins.» Nebelspalter, 1946 4 La mise en place des démocraties populaires.

2 La tactique du «salami» en Hongrie


Le repérage, l’éloignement et l’isolement des éléments réac- 5 Une seule voie vers le socialisme
tionnaires du Parti des Petits Propriétaires se poursuivit. Ce
Il n’est pas vrai que chaque pays va vers le socialisme par son
parti fut sans relâche contraint d’exclure et d’expulser ses
propre chemin ; il n’est pas vrai qu’il y a autant de routes vers
membres compromis. On appelait cela la tactique du «salami»
le socialisme que de pays. [...] Les lois générales de la transi-
qui consistait à débiter, jour après jour, tranche par tranche, la
tion du capitalisme au socialisme [...] développées par Lénine
réaction. [...] Par ce combat qui se poursuivait sans trêve, nous
et Staline sur la base de l’expérience du Parti bolchevik et de
épuisions la vitalité de l’ennemi.
l’État soviétique sont obligatoires pour tous les pays.
Mátyás Rákosi, La voie de notre démocratie populaire, 29 février 1952.
Bourdjalov, «Une seule voie vers le socialisme», Kommounist, 1948.
Nous, communistes, avons aboli les relations capitalistes dans
nos pays, nous nous sommes débarrassés de l’anarchie dans
La création du Kominform la production et avons supprimé à l’intérieur de nos États les
3
relations aveugles du marché. Maintenant, nous sommes
Le 14 octobre 1947 est créé en Pologne le Kominform. C’est confrontés à la nécessité d’aller plus loin et de passer de la
un organe de coordination idéologique des partis commu- planification nationale, d’abord à l’échelle de l’ensemble du
nistes, installé en Yougoslavie à Belgrade. CAEM, puis à celle du système socialiste mondial tout entier.
Kominform ? Komintern ? Notre but est de construire l’économie socialiste en une entité
Donnez à la chose nouvelle qui vient d’être créée tel nom unique.
qu’il vous plaira, ce qui est certain désormais c’est que le bloc Déclaration du Parti communiste roumain, 26 avril 1964.
oriental, communiste, est constitué officiellement, qu’il est là et
que son existence est solennellement proclamée à la face de
l’Europe et du monde entier. […]
L’ancien Komintern n’était qu’une association des partis com-
munistes ; […] ils ne détenaient le pouvoir nulle part et, bien Questions
que décidés à employer tous les moyens pour mettre le monde
en pièces, ils ne paraissaient pas très près de réussir. […] À 1. Analysez le doc 1. Confrontez-le à la carte 4.
présent, le nouveau bloc est formé par des États conquis, 2. Quelle tactique utilisent les communistes en Hongrie
sept pays occupés par les Russes et dans lesquels, de gré pour prendre le pouvoir (doc 2) ? Définissez.
ou de force, les populations leur sont soumises et toutes les
3. Analysez le doc 5 et les principes de la politique de
ressources en leur main. On s’est risqué à leur associer les
partis communistes de France et d’Italie, de deux pays où ils l’URSS en Europe de l’Est.
ont tenu le pouvoir, où ils paraissent ou croient être assez forts 4. À partir des docs 3, 6, 7 et 10, montrez la «soviétisa-
pour s’en emparer encore, […] demain ou après-demain. […] tion» de l’Europe. Quelles sont les critiques ?
Exercices

Car la déclaration de Varsovie est une déclaration de guerre. 5. Présentez le CAEM. Quelles sont les critiques ?
Ceux qui l’ont signée et ceux qui sont prêts, qui seront un jour (docs 8 et 9) ?
appelés à la signer, se sont mis au service de l’impérialisme
russe, ouvertement et manifestement. […]
N. M., «Kominform? Komintern?», Luxemburger Wort, 14 octobre 1947

116 Chapitre 5 : Europe de l’Est, Europe de l’Ouest (1949-1973)


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6 La collectivisation en Tchécoslovaquie
Jusqu’à 1948, il était garanti par la Constitution que la pro-
priété privée de terres serait maintenue. Ceci a changé tout
d’un coup, quand les paysans riches, surtout les propriétaires
de terres, étaient qualifiés de koulaks. C’était le début de leur
liquidation judiciaire, administrative, existentielle. L’action
«Koulak» lancée sur ordre du président Klement Gottwald a
touché plus de 2000 familles. Des commissions composées de
fonctionnaires des comités nationaux et d’agents du corps de
sécurité nationale étaient constituées dans chaque région. Leur
tâche était de faire pression sur les propriétaires de terre d’une
superficie de 20 hectares. Plus tard, il a suffi de 15 hectares
pour qu’ils les transfèrent aux coopératives. En cas de refus,
les paysans étaient jugés et condamnés à plusieurs années de
prison, à la confiscation de tous leurs biens et à l’interdiction
de séjour dans la région, pour beaucoup d’entre eux jusqu’à
la fin de la vie.
Témoignage de Pavel Bret, de l’Office de documentation et d’investigation
sur les crimes du communisme à propos de l’action «K» (comme koulak)
lancée en Tchécoslovaquie au début de 1950

7 Caricature de Herblock dans le Washington Post en 1949.

8 Qu’est-ce que le CAEM ?


En réponse au plan Marshall, Staline décide, en janvier 1949,
la création du CAEM ou COMECON, le Conseil d’entraide éco-
nomique mutuel. Il n’existe, entre les pays membres, aucune
unité monétaire commune et les échanges se font sur une base
de troc. Il ne s’agit donc pas du tout d’une communauté éco-
nomique du bloc de l’Est mais plutôt d’un outil de domination
économique pour l’URSS. Les prix sont fixés arbitrairement par
cette dernière et n’avantagent bien sûr qu’elle seule. Les rela-
tions économiques sont inégalitaires et personne n’est dupe.
En Tchécoslovaquie comme ailleurs, l’opinion publique a de
plus en plus conscience d’un pillage des ressources natio-
nales. [...] La nature inégalitaire de ces relations s’exprime à
travers les sociétés mixtes, qui comptent, pour chaque pays,
un représentant dudit pays et un membre soviétique. Le but est
de garder la supériorité en négociant toujours avec un seul in-
terlocuteur, placé ainsi forcément en position de faiblesse. [...]
Avec le changement de l’équipe au pouvoir consécutive à la
mort de Staline, un certain flottement plane sur l’orientation
économique à adopter. [...] L’incertitude laissait entrevoir aux
populations du bloc un instant de faiblesse dans le processus
de décision politique. Un constat qui poussera sans doute les
Hongrois, les Polonais puis les Tchèques à se révolter.
«Le mirage du COMECON», émission de Radio-Prague du 14 mars 2007

9 Critique de la CAEM par le PC roumain


L’idée d’un unique organisme de planification pour tous les pays
du CAEM a les plus graves implications politiques et écono-
miques. La direction planifiée de l’économie nationale est un
des attributs fondamentaux, essentiels et inaliénables de la sou-
veraineté de l’État socialiste [...]. Transmettre tous les leviers de
direction de l’économie et de la vie sociale à la compétence d’un
Exercices

super État transformerait la souveraineté en une notion sans


signification. [...] Personne ne peut décider ce qui est juste et ce
qui ne l’est pas pour les autres pays et les autres partis. Ceci est
10 Vue aérienne du village de Radostin en Tchécoslovaquie, du ressort de chaque parti marxiste-léniniste.
avant et après la collectivisation Déclaration du Parti communiste roumain, 26 avril 1964

Chapitre 5 : Europe de l’Est, Europe de l’Ouest (1949-1973) 117


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II
1 L’Europe entre unité et divisions
1 Culture de masse à l’Ouest

1 Le cinéma en Europe
Les médias de masse (francisation de l’anglais : mass media)
sont l’ensemble des moyens de diffusion de masse de l’informa-
tion, de la publicité et de la culture. Ils sont capables d’atteindre
et d’influencer une large audience. Les principaux moyens de
communication de masse sont la presse, l’affiche, le cinéma, la
radiodiffusion, la télévision et plus récemment Internet.
Le cinéma anglais est submergé jusqu’à la fin des années 50
par les productions américaines. Mais à partir des années 60,
le cinéma anglais connaît un vrai renouveau en suivant les
traces d’«Angry young men». Le cinéma critique les pesan-
teurs de la société et sa hiérarchisation, tout en gardant un
enthousiasme certain.
De son côté, le cinéma allemand doit gérer la crise de conscience
du pays après le drame de la Seconde Guerre mondiale. Ce
n’est qu’à partir des années 70 que le cinéma de l’Allemagne de
l’Ouest retrouve sa place. Des films comme Le Tambour (1979)
propose un itinéraire original dans l’Allemagne nazie.
Le cinéma italien continue à dominer la production cinémato-
graphique européenne entre 1945 et 1970. Il combine tous les
genres : adaptations historiques (Le guépard, Satyricon, Casa-
nova), drames sentimentaux (L’Amore, Une journée particu-
lière), films comiques (Les monstres) ou chroniques intimistes
(Amarcord, Mort à Venise).
Enfin, le cinéma français libéré de la censure, s’oriente vers un
cinéma réaliste qui décrit les milieux sociaux avec militantisme
(Casque d’or, La bataille du rail). On retrouve des parodies des
films noirs américains (Touchez pas au grisbi, Razzia sur le 3 The Knack ...and How to Get It est un film comique anglais
Schnouf) ou des films à suspens (Le salaire de la peur). À de 1965.
partir de 1958, c’est le temps de la Nouvelle vague avec entre
autre Jean-Luc Godard. La tendance continue à se faire sentir Questions
dans les années 70 avec des films percutants qui dénoncent
les hypocrisies de la société moderne (Les Valseuses). 1. Définissez ce que sont les médias de masse (doc 1).
R. Frank (sous la direction de), Le monde contemporain, 1989 2. Analysez les thèmes du cinéma occidental après
1945. Grâce à une recherche personnelle, présentez
les caractéristiques du film du doc 3.
3. Cherchez d’autres vecteurs de communication qui se
généralise dans les années 50. En quoi offrent-ils une
nouvelle dimension aux médias de masse (doc 4) ?
4. En quoi les Beatles illustrent-ils la naissance d’une
culture jeune mondialisée (doc 2) ?
Exercices

Parlophone Music Sweden

2 Les Beatles en 1967. Le groupe se forme en 1960 et vend S. Coté

entre 1962 et 1969 plusieurs millions d’albums. Mythe 4 À partir de la fin des années 50 se généralise dans les
des années 60, ils symbolisent l’émergence d’une culture foyers le poste de télévision. Les médias de masse pé-
jeune et hédoniste mondiale nètrent l’intimité des ­familles.

118 Chapitre 5 : Europe de l’Est, Europe de l’Ouest (1949-1973)


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2 Culture de masse à l’Est

1 La conception du cinéma par Staline


Voyez-vous, il est nécessaire de connaître le marxisme. Il me
semble que nos artistes montrent encore une compréhension
insuffisante de la grande force du marxisme. [...]
Vous autres cinéastes n’avez aucune idée de la responsabilité
qui repose entre vos mains. Considérez avec attention chaque
action, chaque parole de vos héros. Souvenez-vous que votre
travail sera jugé par des millions de personnes. Il ne faut pas
inventer des images et des événements alors que vous êtes
assis devant votre bureau. Vous devez les tirer de la vie. Ap-
prenez à l’école de la vie. Que la vie soit votre professeur.
Joseph Staline,1929.

3 Extraits d’une journée d’Ivan Denissovitch


Avec la déstalinisation de Khrouchtchev, le régime laisse publier
en 1962 Une journée d’Ivan Denissovitch par A. S ­ oljénytsine.
Le livre décrit le quotidien d’un goulag au temps de Staline.
Une journée de passée. Sans un seul nuage. Presque de bon-
heur. Des journées comme ça, dans sa peine, il y en avait, d’un
bout à l’autre, trois mille six cent cinquante-trois. Les trois de
rallonge, c’était la faute aux années bissextiles.
---------------
2 La chute de Berlin (1949) par Mikhaïl Tchiaoureli réunit en Après une journée au vent, au froid et le ventre affamé, le zek
salle près de 38.4 millions de spectateurs. Andreï Jdanov ne pense qu’à une chose : à sa louchée de soupe à l’eau qui
met en forme les désirs de Staline et défend un cinéma, brûle. Il l’attend comme la terre espère la pluie par les étés
outil de propagande, qui exalte la réalité grandiloquente de sécheresse. Il la lamperait d’une goulée. Cette louchée, à
socialiste. pareille heure, il y tient plus qu’à la liberté, plus qu’à la vie, à
toute sa vie d’avant et à toute celle d’après.
---------------
- Si le soleil est d’aplomb, fit le commandant, il n’est pas midi,
mais une heure.
Ça épata Choukhov :
-Pourquoi ? Tous les vieux te le diront : c’est à l’heure de midi
que le soleil est à son plus haut.
- Oui, fit le commandant, c’était vrai de leur temps. Mais depuis
il y a eu un décret : le soleil, maintenant atteint sa hauteur
maximum à une heure.
- Pas possible ? De qui qu’il est ce décret ?
- Du pouvoir soviétique.[…]
Tout de même ! Est-ce que le soleil aussi obéirait à leurs
­décrets ?
Alexandre Soljénitsyne, Une journée d’Ivan Denissovitch,1962.

Questions
D’après l’ensemble des docs, analysez les objectifs
de la culture de masse socialiste au temps de Staline
et après la mort de Staline. Présentez les moyens de
4 Le Témoin est un film hongrois réalisé en 1969 par Péter
Exercices

Bacsó. Longtemps censuré par les autorités hongroises, contrôle de la production culturelle par l’État et les
le film sort en 1979. Il raconte les aventures malheureuses formes de contestations. Argumentez.
d’un fonctionnaire maladroit, M. Pelikán. Avec humour, le
réalisateur dénonce les travers du modèle socialiste en
Hongrie.

Chapitre 5 : Europe de l’Est, Europe de l’Ouest (1949-1973) 119


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3 La stalinisation de l’Europe

2 Tito, l’ennemi numéro un


De toute l’après-guerre, l’ennemi privilégié de Staline fut Tito.
Dès 1944-45, Tito manifestait une indépendance excessive au
gré de Staline et puisqu’il ne parvint pas pas à l’amener à une
soumission totale, il y eut à la rupture de toutes les relations
avec la Yougoslavie, Tito étant alors promu «ennemi numéro
un». Dans le subconscient de Staline, la notion de «titisme»
vint remplacer celle de «trotskisme».
Après la mort de Staline, on devait découvrir dans un tiroir
1 Photographie représentant le président tchécoslovaque de son bureau […] un mot de Tito : «Camarade Staline, je
Gottwald et son ministre des Affaires étrangères Clementis
vous prie de cesser d’envoyer en Yougoslavie des terroristes
en 1948, puis la version retouchée en 1952.
avec pour mission de m’assassiner. Nous avons déjà pris sept
hommes, l’un avec un revolver, l’autre avec une grenade, le
troisième avec une bombe, etc. Si cela ne cesse pas, j’enverrai
à Moscou un seul homme, et il ne sera pas nécessaire d’en
envoyer un second.»
R. Medvedev, Staline et le stalinisme, 1979

4 Accuser Rajk pour abattre Tito


La formation du Kominform a inauguré une stratégie défensive
qui impliquait la transformation des satellites de l’URSS en un
camp retranché, aussi isolé que possible de l’Occident. [Staline]
a utilisé la peur de la guerre pour installer l’état d’exception. […]
La scission avec la Yougoslavie avait pour cause immédiate
le refus de Tito et de Ranković de subordonner leur police à la
3 Caricature de David Low dans le Daily Herald le 4 août police soviétique. […]
1950. Elle présente la rivalité entre Tito, président yougos- Puisqu’on voulait faire croire à la réalité d’un complot améri-
lave, et Staline. cain visant à restaurer le capitalisme, la Hongrie avait l’avan-
tage d’être connue comme l’alliée traditionnelle de l’Allemagne
et de ne pas être aimée de ses voisins. […]
Questions
Pourquoi Rajk ? Il était le seul dirigeant à ne pas avoir béné-
1. Présentez les moyens utilisés par Staline pour empê- ficié, grâce à un séjour prolongé à Moscou, de relations et de
cher toute contestation à l’Est (docs 1 à 4). protecteurs au Kremlin […]. On pouvait aussi retenir contre lui
2. Le régime évolue-t-il avec la mort de Staline (docs 5 qu’il avait un frère nazi qui lui avait sauvé la vie en 1945 […].
et 6) ? Auparavant, il avait séjourné en France et en Espagne. […] Il
était donc plausible de lui imputer des contacts avec des Amé-
ricains, des Yougoslaves et même des Allemands […]. En tant
que ministre de l’Intérieur, il avait reçu Tito en 1947. Dossier
assez lourd tout compte fait, non pour des accusations réelles,
mais pour tisser des accusations fictives. […]
Aussi le 31 mai 1949, Rajk a été arrêté, inculpé d’être un es-
pion américain et yougoslave, trotskyste et agent de la contre-
révolution. […] Il fut battu et torturé […]. Il résista pendant sept
semaines […] avant d’avouer être le chef d’une vaste conspi-
ration anticommuniste.
François Fejtö, historien hongrois, «L’affaire Rajk, quarante ans plus tard»,
le Vingtième siècle, n°25, 1990

5 Caricature de Vicky dans le Daily Mirror le 17 octobre 1956.


Khrouchtchev tient une feuille sur laquelle est écrite : «Ré-
Exercices

habilitation et ré-enterrement des communistes exécutés». Keystone


En dessous est noté : «Désolé, camarades ! Il a fait d’hor-
ribles erreurs, vous savez...». Sur les tombes est noté le 6 Staline, tout juste mort en mars 1953, les Berlinois de l’Est
se révoltent le 16 juin contre l’augmentation des cadences
nom des hommes politiques exécutés lors des purges sta-
de travail. L’Armée rouge intervient et met fin aux manifes-
liniennes en Europe de l’Est.
tations dans un bain de sang.

120 Chapitre 5 : Europe de l’Est, Europe de l’Ouest (1949-1973)


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4 Les premiers pas vers l’union

1 Travailler ensemble pour construire la paix


L’Europe n’a pas été faite, nous avons eu la guerre. L’Europe
ne se fera pas d’un coup, [...] elle se fera par des réalisations
concrètes créant d’abord une solidarité de fait. Le rassemble-
ment des nations européennes exige que l’opposition sécu-
laire de la France et de l’Allemagne soit éliminée : l’action 3 Le projet d’armée européenne
entreprise doit toucher au premier chef la France et l’Alle- Tous ceux – hommes d’État, experts militaires, spécialistes
magne. Dans ce but, le gouvernement français propose de de la politique internationale – qui ont étudié ce problème à
porter immédiatement l’action sur un point limité mais décisif : la lumière de la froide raison sont aujourd’hui d’accord pour
le gouvernement français propose de placer l’ensemble de la convenir de ce qui suit :
production franco-allemande de charbon et d’acier sous une
1. La menace croissante d’hégémonie soviétique et l’énorme
Haute Autorité commune, dans une organisation ouverte à la
disproportion de puissance militaire qui existe entre l’URSS
participation des autres pays d’Europe.
et ses satellites en Europe occidentale exige le réarmement
La mise en commun des productions de charbon et d’acier aussi rapide et complet que possible. […]
assurera l’établissement de bases communes de dévelop- 2. L’organisation de la défense occidentale implique nécessai-
pement économique, première étape de la Fédération euro- rement la participation de l’Allemagne. […]
péenne, et changera le destin de ces régions longtemps
Mais la question se complique quand il s’agit de décider sous
vouées à la fabrication des armes de guerre dont elles ont été
quelle forme se fera la contribution allemande. Car :
les plus constantes victimes. La solidarité de production qui
sera ainsi nouée manifestera que toute guerre entre la France 3. La création d’une armée nationale allemande inquiète à juste
et l’Allemagne devient non seulement impensable, mais maté- titre les pays qui, comme la France surtout, ont subi plusieurs
riellement impossible. fois l’agression d’une Allemagne guerrière et conquérante […].
Déclaration de Robert Schuman, ministre des Affaires étrangères français, le Dès lors, que faire ? Comment réaliser l’indispensable réar-
9 mai 1950 mement allemand sans créer une armée allemande autonome
comportant ces risques graves ?
La création de la CECA Il y a une solution : celle qui fut lancée […] par M. Churchill.
2
4. La solution consiste à créer une «armée européenne» qui
Par le présent Traité, les Hautes Parties Contractantes insti- serait rassemblée sous une autorité commune supranationale.
tuent entre elles une Communauté européenne du charbon et Georges Rigassi, «L’organisation de la défense occidentale et le projet d’ar-
de l’acier (CECA) fondée sur un marché commun, des objec- mée européenne», dans La Gazette de Lausanne, le 1er septembre 1951
tifs communs et des institutions communes.
Article 2
La Communauté européenne du charbon et de l’acier a pour
mission de contribuer, en harmonie avec l’économie générale
des États membres et grâce à l’établissement d’un marché
commun dans les conditions définies à l’article 4, à l’expan-
sion économique, au développement de l’emploi et au relève-
ment du niveau de vie dans les États membres.
La Communauté doit réaliser l’établissement progressif de
conditions assurant par elles-mêmes la répartition la plus
rationnelle de la production au niveau de productivité le plus
élevé, tout en sauvegardant la continuité de l’emploi et en évi-
tant de provoquer, dans les économies des États membres,
des troubles fondamentaux et persistants.
Article 7
Les institutions de la Communauté sont :
- une Haute Autorité, assistée d’un comité consultatif ;
- une Assemblée commune, ci-après dénommée «l’Assem-
blée»;
- un Conseil spécial de ministres, ci-après dénommé «le
Conseil»;
- une Cour de justice, ci-après dénommée «la Cour».
Traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier, Paris, 18
avril 1951.
4 Affiche du Parti communiste contre la CED. Pour assu-
rer la défense de l’Europe face à la menace soviétique, la
Questions France propose de créer la Communauté européenne de
défense (CED). Un traité est signé à Paris en 1952. Mais
1. Analysez le discours de Schuman (doc 1). Pourquoi en France, lors de la procédure de ratification, le débat
faut-il «faire l’Europe» ? Quelles sont les conditions ? s’enflamme au sujet du réarmement allemand. Les oppo-
Exercices

Quelles propositions fait-il ? Pourquoi ? sitions proviennent autant de la gauche communiste que
2. Présentez les objectifs de la CECA et les nouvelles de la droite gaulliste. Le projet est finalement abandonné.
institutions (doc 2). C’est un échec pour la construction européenne.
3. Expliquez le projet de CED. Pourquoi ce projet est-il
nécessaire ? Pourquoi échoue-t-il (docs 3 et 4) ?

Chapitre 5 : Europe de l’Est, Europe de l’Ouest (1949-1973) 121


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5 La naissance de la CEE

3 La ratification des traités de Rome


Soucieux d’éviter un enlisement de la situation comparable à
celui qui a conduit à l’échec, deux ans plus tôt, de la Com-
1 La conférence de Messine munauté européenne de défense (CED), les gouvernements
s’empressent de faire ratifier les traités de Rome au plus vite.
La conférence de Messine, qui réunit les ministres des Af- Ratifiés partout à une large majorité, les traités récoltent davan-
faires étrangères des six États membres de la Communauté tage qu’une simple approbation parlementaire. Le Bundestag
européenne du charbon et de l’acier (CECA), se tient du 1er les ratifie massivement le 5 juillet 1957 grâce au soutien des
au 3 juin 1955 […]. chrétiens-démocrates, des sociaux-démocrates et d’une partie
Les discussions portent essentiellement sur le mémorandum des libéraux. En France, les traités sur le marché commun et
présenté par les pays du Benelux qui ont établi une synthèse l’Euratom sont approuvés le 9 juillet 1957 par 342 voix contre
des différentes thèses en présence. Les ministres des Six 239 malgré l’opposition des gaullistes, des communistes, des
acceptent d’envisager l’extension de l’intégration européenne poujadistes et d’une partie des radicaux avec Pierre Mendès
à tous les secteurs de l’économie et chargent immédiatement France. En Italie, la Chambre adopte les traités le 30 juillet
un comité d’experts d’élaborer, sous la présidence de Paul- 1957 par 311 voix contre 144 et 54 abstentions. La majorité
Henri Spaak et avant la fin de l’année, un rapport circonstan- comprend à la fois les démocrates-chrétiens, les libéraux, une
cié sur les possibilités d’une union économique générale et partie des socialistes et les républicains.
d’une union dans le domaine nucléaire. […] Très intéressés par les perspectives économiques du marché
CVCE.eu commun, les trois partenaires du Benelux ratifient sans grande
difficulté les traités de Rome en automne 1957. […]
Les traités entrent en vigueur dès le 1er janvier 1958. Les Com-
missions et leurs services s’installent à Bruxelles.
Gaëlle Marti, Le pouvoir constituant européen, 2008.

2 Le traité de Rome créant la CEE


[Les chefs d’État de Belgique, RFA, France, Italie, Luxem-
bourg et Pays-Bas] :
4 Le Royaume-Uni et le marché commun
DÉTERMINÉS à établir les fondements d’une union sans
cesse plus étroite entre les peuples européens ; Entre la tradition impériale et le réalisme économique, la
Grande-Bretagne hésite […].
DÉCIDÉS à assurer par une action commune le progrès éco-
nomique et social de leurs pays en éliminant les barrières qui Certes, l’aventure de Suez a convaincu encore davantage les
divisent l’Europe ; Anglais de la nécessité où ils se trouvent de s’associer plus
étroitement à l’Europe occidentale. Ils ont tout à y gagner. Où
ASSIGNANT pour but essentiel à leurs efforts, l’amélioration pourraient-ils espérer trouver des débouchés indispensables à
constante des conditions de vie et d’emploi de leurs peuples ; leurs industries ? Certes, les partisans de l’ancienne école im-
RECONNAISSANT que l’élimination des obstacles existants périaliste-protectionniste comme Lord Beaverbrook se disent
appelle une action concertée en vue de garantir la stabilité horrifiés à la perspective d’une adhésion de l’Angleterre au mar-
dans l’expansion, l’équilibre dans les échanges et la loyauté ché commun. Pour eux c’est trahir l’empire ! Ils oublient que la
dans la concurrence ; notion du Commonwealth qu’ils s’obstinent à chérir appartient
SOUCIEUX de renforcer l’unité de leurs économies et d’en à un passé où les pays d’outre-mer n’avaient pas d’industries
assurer le développement harmonieux en réduisant l’écart propres et absorbaient par conséquent toutes les exportations
entre les différentes régions et le retard des moins favorisés ; anglaises. Mais aujourd’hui il en va bien ­autrement. […]
DÉSIREUX de contribuer, grâce à une politique commerciale Il est d’autres difficultés considérables qui empêchent la com-
commune, à la suppression progressive des restrictions aux plète harmonisation des économies continentales avec celle de
échanges internationaux ; l’Angleterre. D’abord, la différence des systèmes d’assurances
sociales (en Angleterre les industriels paient une quote part
ENTENDANT confirmer la solidarité qui lie l’Europe et les
moindre qu’en France en faveur de leurs employés). Ensuite,
pays d’outre-mer, et désirant assurer le développement de
le système fiscal différent. Enfin, le régime du salaire égal entre
leur prospérité, conformément aux principes de la Charte des
hommes et femmes qui fonctionne sur le continent - notam-
Nations unies ;
ment en France - et n’est pas adopté en ­Angleterre.
RÉSOLUS à affermir, par la constitution de cet ensemble de La Libre Belgique, 17 janvier 1957
ressources, les sauvegardes de la paix et de la liberté, et ap-
pelant les autres peuples de l’Europe qui partagent leur idéal
à s’associer à leur effort ;
ONT DÉCIDÉ de créer une Communauté économique euro-
péenne.
Exercices

Traité instituant la Communauté économique européenne (CEE), 25 mars


1957

122 Chapitre 5 : Europe de l’Est, Europe de l’Ouest (1949-1973)


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Joseph Luns
(NL)

Walter Hallstein
Maurice Faure (RFA)
(F)
Joseph Bech
(L)
Konrad Ade- Antonio Segni
nauer (RFA) (I)
Christian
J-CH Snoy et Pineau (F)
d’Oppuers (B)

Paul-Henri
Spaak (B)

AFP

5 Le traité de Rome en 1957 est l’acte fondateur de la Communauté économiqe européenne (CEE). Il institue le marché commun
et lance les bases de la Politique agricole commune (PAC). Six États signent le texte.

6 Les nouveautés des traités de Rome


D’un point de vue institutionnel, la CEE et l’Euratom (CEEA) reprennent,
dans une large mesure, le schéma de fonctionnement de la Communauté
européenne du charbon et de l’acier (CECA) bien que leur caractère supra-
national soit moins marqué. Car en 1950-1951, les six pays fondateurs de la
CECA ont voulu instaurer une autorité de décision indépendante des gouver-
nements nationaux. […]
Trois ans plus tard, lors des négociations pour le marché commun et l’Eura-
tom, les gouvernements des Six réclament le droit d’intervenir dans les fu-
tures décisions communautaires. La France notamment, qui ne souhaite pas
réveiller la «querelle de la Communauté européenne de défense (CED)»,
éprouve de grandes difficultés à accepter une extension des compétences
supranationales. D’où l’abandon du terme, symboliquement chargé, de Haute
Autorité. La délégation française insiste notamment pour que les pouvoirs de
décision des deux nouvelles Communautés soient attribués au Conseil des
ministres et pour que l’Assemblée n’ait pas de pouvoirs législatifs. Dans les
traités, la supranationalité se limitera donc au strict minimum nécessaire pour
assurer le bon fonctionnement des nouvelles institutions. […]
Les trois Communautés - CECA, CEE et CEEA - disposent désormais d’une
Cour de justice unique qui est gardienne du droit dans l’application et dans
l’interprétation des traités. Elle tranche les litiges entre les États membres,
entre ceux-ci et les organes communautaires et reçoit les recours contre ces
derniers. Les trois Communautés disposent aussi d’une Assemblée unique
formée de délégués nationaux, le traité prévoyant leur élection au suffrage
universel si le Conseil le décide à l’unanimité. […]
7 Affiche italienne favorable à la CEE. Étienne Deschamps, cvce.eu, 2016

Questions
1. Comment la conférence de Messine relance-t-elle le projet euro-
péen après l’échec de la CED (doc 1) ?
2. Présentez les signataires des traités de Rome (doc 5) et les prin-
cipales dispositions (docs 2 et 6).
3. Analysez les motifs du blocage à l’intégration du Royaume-Uni au
marché commun européen (doc 4).
4. Comment les traités sont-ils ratifiés pour éviter la répétition d’un
Exercices

échec comme celui de la CED (docs 3) ?


5. Analysez et comparez les affiches 7 et 8.
8 Affiche du Parti communiste contre la créa-
tion d’Euratom. Par cette affiche, le PC fran-
çais s’attaque au traité de Rome.

Chapitre 5 : Europe de l’Est, Europe de l’Ouest (1949-1973) 123


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III La contestation des modèles idéologiques


1 Déstanilisation et congélation

1 La destalinisation en Pologne 3 Les revendications du Cercle Petöfi


En juin 1956, des manifestations éclatent en Pologne. Les Dans ce tract paru à Budapest le 23 octobre 1956, jour de
dirigeants staliniens doivent céder la place à Gomulka. Ce la première grande manifestation de masse dans la capitale
dirigeant communiste polonais avait été écarté du pouvoir par hongroise, les membres du cercle Petöfi définissent leur pro-
ordre de Staline en 1948 et emprisonné. gramme. Ce club a été fondé en avril 1955 par des étudiants
On ne saurait ramener le culte de la personnalité à la seule des Jeunesses communistes. Il est un centre important de
personne de Staline. L’essence de ce système consistait en diffusion de critiques et de débats : pamphlets clandestins,
l’établissement d’une échelle individuelle et hiérarchique de revues littéraires…
cultes de la personnalité. [...] Ce n’étaient pas seulement les 1. Amitié soviéto-hongroise basée sur l’égalité.
autres dirigeants soviétiques qui courbaient leur front, mais 2. Un plan quinquennal servant le bien-être du peuple.
également les dirigeants des partis communistes du camp 3. Rentrée d’Imre Nagy dans la direction.
socialiste. [...]
4. Procès public de l’affaire Farkas.
La voie de la démocratisation est, dans nos conditions, l’unique
5. Écarter ceux qui nous retardent.
voie menant à l’édification du meilleur modèle de socialisme.
Nous ne nous écarterons pas de cette voie et nous nous dé- 6. À bas la politique économique stalinienne.
fendrons de toutes nos forces pour ne pas nous en laisser 7. Vive la Pologne fraternelle.
écarter. Mais nous ne permettrons à personne de tirer profit du 8. Direction ouvrière des usines.
processus de démocratisation contre le socialisme. À la tête 9. Redressement de l’agriculture et coopératives volontaires.
de ce processus se tient notre parti et lui seul peut [...] mener
10. Un programme constructif pour la nation.
ce projet.
11. Vive la jeunesse Petöfi.
Discours de Gomulka au Comité central du PC polonais, 20 octobre 1956.
12. Vive la démocratie socialiste.
Après la Seconde Guerre mondiale, l’URSS cessa d’être
l’unique pays édifiant le socialisme. […]. Devant les partis ou-
vriers de ces pays, et, par conséquent, devant notre Parti, se 4 Déclaration de neutralité de la Hongrie
sont posés des problèmes qui, auparavant, n’existaient pas Peuple hongrois, le gouvernement national, profondément
en pratique. Font partie de ces problèmes des questions telles pénétré de sa responsabilité envers le peuple et envers l’His-
que la voie menant au socialisme dans des conditions propres toire, et certain d’exprimer la volonté unanime de millions de
à chaque pays, ce qui, dans une certaine mesure, se projette Hongrois, proclame la neutralité de la République populaire de
sur la formation d’un modèle de socialisme et sur les rapports Hongrie. […] Le peuple hongrois souhaite entretenir, dans l’in-
mutuels entre Partis et États, entre les Partis et les gouverne- dépendance et l’égalité, conformément à l’esprit de la Charte
ments des pays du camp du socialisme […]. des Nations Unies, une amitié sincère avec ses voisins, avec
Ces rapports devraient se cristalliser sur la base d’une solida- l’Union soviétique et tous les peuples du monde. Le peuple
rité ouvrière internationale [...]. Dans le cadre de tels rapports, hongrois désire consolider et développer les résultats obtenus
chaque pays devrait posséder une pleine indépendance et une par sa révolution nationale, sans entrer dans tel ou tel bloc de
pleine autonomie, et les droits de chaque peuple à se gouver- puissances […]. Nous demandons à nos voisins, aux pays
ner souverainement dans un pays indépendant devraient être proches et lointains, de respecter la décision irrévocable de
totalement et mutuellement respectés [...]. notre peuple. […]
Discours de Gomulka du 21 octobre 1956. Déclaration Imre Nagy lue à la radio, 1er novembre 1956

5 Mettre fin au gouvernement contre-révolutionnaire


Pour mettre fin au gouvernement de Nagy, l’Union soviétique
2 Le bilan de l’«Octobre polonais» pousse à la formation d’un «gouvernement ouvrier-paysan»
En s’appuyant [sur l’opinion nationale], Gomulka a pu conquérir dirigé par János Kádár.
un certain degré de souveraineté. [...] est mis en marche tout Il ne restait que deux moyens de faire face à la situation grave
un train de réformes libérales qui donneront à la Pologne des à laquelle on était arrivé. Le premier était de rester passif pen-
années suivantes un profil sensiblement différent des autres dant que la Terreur blanche* massacrait les masses [...]. La
[...] : abandon de la collectivisation [...] ; élargissement de la seconde solution était d’utiliser toutes les forces disponibles et
marge laissée à l’initiative privée (petit commerce, artisanat) notamment de faire appel aux unités soviétiques pour empê-
; entente avec l’épiscopat ; création d’un Conseil économique cher la guerre contre-révolutionnaire.
pour élaborer un nouveau modèle de planification ; [...] aug- Article publié par la Pravda le 13 novembre 1956, 9 jours après le début de
mentation des traitements et salaires ; revitalisation de la Diète l’intervention soviétique.
sans aller jusqu’à autoriser une opposition organisée ; une * Forces favorables à l’impérialisme occidental.
presse et une université beaucoup plus vivantes et plus libres
; une diplomatie plus autonome dans ses contacts avec l’Occi-
dent (négociations ouvertes avec les États-Unis en vue d’une Questions
aide économique). 1. Quelles réformes Gomulka propose-t-il (doc 1) ? Que
décide-t-il en pratique (doc 2) ?
Exercices

En revanche, jouant de la peur qu’inspirait aux Polonais


l’URSS, Gomulka fera accepter plus aisément l’alliance et le 2. Que demande la jeunesse hongroise (doc 3) ? Que fait
maintien des troupes soviétiques (placées toutefois sous le
Nagy (doc 4) ? Complétez par une recherche ­personnelle.
contrôle du gouvernement polonais). En même temps, il fait
annuler les dettes polonaises et fait promettre la livraison de 3. Présentez les motivations à l’intervention Sovié-
1 400 000 tonnes de blé. tiques ­en Hongrie et non pas en Pologne (docs 2 et 5).

124 Chapitre 5 : Europe de l’Est, Europe de l’Ouest (1949-1973)


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2 1968 : le Printemps de Prague, le «socialisme à visage humain»

1 L’intervention du pacte de Varsovie


L’agence Tass est habilitée à déclarer que les militants du parti
et les hommes d’État de la République socialiste tchécoslo-
vaque ont demandé à l’Union soviétique et aux autres États
alliés d’accorder au peuple tchécoslovaque frère une aide
urgente, notamment celle des forces armées. Cette demande
est faite en raison de la menace que font peser sur le régime
socialiste actuel en Tchécoslovaquie et sur la structure d’État
établie par la constitution, les forces contre-révolutionnaires
entrées en collusion avec les forces extérieures hostiles au
socialisme. […]
L’aggravation de la situation en Tchécoslovaquie touche les
intérêts vitaux et la sécurité de l’Union soviétique et des autres
pays socialistes. La menace contre le régime socialiste en
Tchécoslovaquie est en même temps une menace contre les Libor Hajsky, Reuters

bases de la paix européenne. 2 L’invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes du pacte


Déclaration de l’agence TASS sur l’intervention militaire en Tchécoslovaquie de Varsovie le 18 août 1968 en réponse au Printemps de
le 21 août 1968. Prague.

brejnev
4 Le socialisme à visage humain
JivkoV Le socialisme à visage humain (en tchèque socialismus
s lidskou tváří) est le programme annoncé par Alexander
Bulgarie Dubček quand il devient président du Parti communiste tché-
Gomulka
coslovaque en janvier 1968.
Pologne
À l’occasion du 20e anniversaire du coup de Prague de février
1948, Dubček prononce un discours expliquant la nécessité de
réformer le socialisme. Il évoque le rôle du Parti dont le but est
Ulbricht Dubček de bâtir le socialisme sur des fondations économiques solides,
DDR un socialisme qui correspond aux traditions démocratiques de
la Tchécoslovaquie.
En avril, il lance un programme d’assouplissement du régime :
affirmation des libertés et droits fondamentaux (presse, ex-
3 Caricature de Behrendt, dessinateur germano-néerlan- pression, réunion, circulation). Il souhaite engager la démo-
dais, sur le Printemps de Prague en 1968. Il est écrit : «La cratisation de la vie politique en favorisant le multipartisme et
chasse est ouverte.» en limitant le pouvoir de la police d’État. Son autre objectif est
d’assurer la reconnaissance par la Constitution des nations
égales, tchèques et slovaques, sur un pied d’égalité ainsi
qu’une évolution vers le fédéralisme. Le programme de Dubček
s’étend en outre à la politique étrangère : la Tchécoslovaquie
Biographie doit entretenir sa coopération avec l’URSS et les autres pays
communistes, tout en maintenant de bonnes relations avec
Alexander Dubček (1921-
les pays du bloc occidental. Cependant, le programme prend
1992) est résistant commu- bien soin de ne pas remettre en cause le système communiste
niste et combat le régime dans son ensemble, tout en soulignant l’obsolescence de cer-
slovaque pro-nazi durant tains points de la doctrine marxiste-léniniste.
la guerre. Après le coup Wikipédia
de Prague, il gravit les
échelons du pouvoir. En
1962, il devient membre
du praesidium de Tché-
coslovaquie. Défenseur de Questions
l’identité slovaque, il pro-
Key

1. Présentez Dubček. Que propose-t-il ? Comparez les


sto

meut une politique libérale.


ne

Hu idées de Dubček et de Nagy (docs 4 et biographie).


lto
nA Pour lui, il ne peut y avoir de
rch
ive
véritable réforme économique 2. D’après le doc 1, présentez les motivations à l’inter-
vention des troupes du pacte de Varsovie. Comparez-
Exercices

sans un changement structurel po-


litique du pays. Après l’intervention soviétique, il perd les à celles de 1956. Analysez la caricature 3.
le pouvoir. Surveillé pendant 30 ans, il redevient en 3. La population soutient-elle l’intervention (doc 2) ?
1989, après la «révolution de Velours», le président du
Parlement tchécoslovaque.

Chapitre 5 : Europe de l’Est, Europe de l’Ouest (1949-1973) 125


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3 L’Ostpolitik, la contestation de la logique des blocs

Biographie
1 1
L’Ostpolitik selon Willy Brandt Herbert Ernst Karl Frahm dit Willy
Brandt (1913-1992). Très jeune il ad-
Dans l’autre pays de notre pays, en République démocratique
allemande, il existe et il règne un système qui, loin d’emporter hère au parti de gauche SPD (Parti
notre adhésion, nous répugne : mais il existe et il y règne. Nous social-démocrate d’Allemagne).
voulons que la substance commune dont est faite notre nation Dès l’arrivée des nazis au pouvoir
ne subsiste pas seulement dans le souvenir des hommes. il prend le pseudonyme de Willy
Nous voulons nous réunir, nous rejoindre, détruire l’écran qui Brandt et s’enfuit d’Allemagne. Il

hiv
nous sépare, cela également à cause de la responsabilité que
ne revient qu’en 1946 où il s’ins-

esarc
nous confère notre fonction dans le champ de forces qui s’est

Bund
talle à Berlin. Maire de la ville de
créé entre l’Est et l’Ouest, responsabilité qu’il est indispensable
que nous assumions pour la paix en Europe. [...] C’est un droit, 1957 à 1966, il devient aussi pré-

se
ch
sident fédéral du SPD en 1964. À ce

ts
pour chaque communauté nationale, de réaliser son unité

eu
D
et de vivre sur un territoire garanti, sous un État unique. Les titre, il est élu chancelier fédéral de
Allemands ne présentent là aucune revendication exagérée. RFA en 1969. Il s’investit alors dans les affaires euro-
Et le gouvernement fédéral s’efforcera, uniquement par des péennes et lance, malgré les critiques, l’Ostpolitik. Il
moyens pacifiques, d’atteindre ce but ou de s’en rapprocher. obtient pour cela le prix Nobel de la paix (1971). Il doit
[...] Comment nous reprocherait-on d’être des revanchards démissionner en 1974 lorsqu’il est découvert qu’un de
lorsque nous déclarons : «Pour nous, peuple de la République
ses plus proches conseillers est un espion de la RDA.
fédérale d’Allemagne - et j’ajouterai très consciemment : pour
nous, Parti de la sociale-démocratie allemande - il n’y a pas
plusieurs nations, mais une seule». Ce n’est pas là un fait nou- 4 Le traité fondamental entre la RFA et la RDA
veau, mais une très vieille réalité. Et le jour reviendra où per-
sonne ne la contestera plus. Article 1er
Willy Brandt, La Paix en Europe, 1969. La République fédérale d’Allemagne et la République démo-
cratique allemande développent entre elles des relations nor-
males de bon voisinage sur la base de l’égalité de droits.
Article 3
Conformément à la Charte des Nations Unies, la République
fédérale d’Allemagne et la République démocratique allemande
régleront leurs différends exclusivement par des moyens paci-
fiques et s’abstiendront de recourir à la menace ou à l’emploi
de la force.
Elles réaffirment l’inviolabilité, pour le présent et l’avenir, de la
frontière existant entre elles et s’engagent à respecter sans
restrictions leur intégrité territoriale.
Article 6
La République fédérale d’Allemagne et la République démo-
cratique allemande partent du principe que la souveraineté
de chacun des deux Etats se limite à son territoire. Elles res-
pectent l’indépendance et l’autonomie de chacun des deux
États dans ses affaires intérieures et extérieures.
Bundesarchiv Koblenz Article 7
2 Le 7 décembre 1970, le chancelier de RFA, Willy Brandt, La République fédérale d’Allemagne et la République démocra-
s’agenouille devant le monument aux morts du ghetto de tique allemande se déclarent prêtes à régler des questions pra-
Varsovie en Pologne. Le même jour est signé le traité qui tiques et humanitaires au fur et à mesure de la normalisation de
reconnaît l’inviolabilité des frontières existantes. leurs relations. Elles concluront des accords pour développer et
promouvoir, sur la base du présent traité et au bénéfice mutuel,
la coopération dans le domaine de l’économie, de la science
et de la technique, de la circulation, des relations judiciaires,
des postes et télécommunications, de la santé publique, de la
Importation de la culture, du sport, de la protection de l’environnement et dans
En milliards de Exportation de la d’autres domaines.
RFA en provenance
Deutsch Marks RFA vers la RDA Traité sur les bases des relations entre la République fédérale d’Allemagne et
de RDA
la République démocratique allemande, 21 décembre 1972
1970 2 2.42
1972 2.38 2.93 Questions
1976 3.88 4.27
1. Présentez Willy Brandt et ses convictions politiques
1980 5.58 5.29 (docs 1 et biographie).
Exercices

1983 6.88 6.95 2. Définissez à travers des exemples précis l’Ostpolitik.


3 Les échanges économiques entre la RFA et la RDA. Ivan Analysez les dispositions du traité fondamental. Quels
Samson, «Les échanges inter-allemands : un espace protégé dans le com- sont les progrès réalisés (docs 2 et 4) ?
merce Est-Ouest.», Revue d’études comparatives Est-Ouest,1984.
3. Le traité a-t-il un impact au plan économique
(doc 3) ?

126 Chapitre 5 : Europe de l’Est, Europe de l’Ouest (1949-1973)


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4 Les transformations sociales en Europe de l’Ouest

1 Une société en mutation


Les années 60 sont des années ruptures ; les anciennes soli-
darités, les anciennes formes d’enracinement social se brisent.
L’exode rural s’accélère, les grands ensembles se multiplient
aux portes des villes. L’automobile permet l’évasion. La pra-
tique religieuse devient épisodique, résultat d’un choix réfléchi
et non d’une tradition familiale. Les comportements démogra-
phiques évoluent : c’est vers le milieu des années 1960 que
la courbe de la natalité s’infléchit de manière décisive. On ne
fonde plus une famille dans la tradition pour s’établir ou perpé-
tuer des valeurs. L’amour se libère. La sexualité ne veut plus
être l’accompagnement d’une pratique sociale codifiée mais
une valeur à part entière : la libération de soi-même et de l’autre
D. Borne, Histoire de la société française depuis 1945, 1988.

Années Mariage Divorce Concubinage


1972 416 000 44 700
1974 395 000 53 000 445 000
1985 273 000 102 500 809 00
2 L’évolution des couples en France de 1972 à 1985.

En % de la population totale
100

80 Inconnu

4 Manifestation du MLF (Mouvement de libération de la


femme) dans les années 60 pour la légalisation de l’avor-
60 tement. Dès l’après-guerre, des mouvements féministes
se développent en Europe. Ils revendiquent l’égalité juri-
dique et sociale entre les hommes et les femmes. En RFA,
40 Romy Schneider lance la campagne de presse «Wir haben
abgetrieben» (Nous avons avorté) dans le magazine grand
public Stern.
20

0
1954 1960 1970 1980 1990 2000 2004
Télévision couleur Micro ordinateur
5 La «permissive society»
Automobile
Lave-linge Chaîne hifi Internet La «société permissive» pourrait passer pour un hédonisme
Réfrigérateurs Magnétoscope Téléphone portable égoïste et amoral. Un chanteur de pop a résumé sa philosophie
Télévision Micro-ondes
Réalisation : S. Coté dans ce slogan : «je veux avoir ce que je veux, quand je veux».
Un individualisme agressif est, sans aucun doute, un aspect
3 L’évolution de l’équipement des ménages en France de du nouveau climat, exprimé visuellement par des vêtements
1954 à 2004.
et des coupes de cheveux excentriques... Il y a beaucoup de
chances pour que ces extravagances dans la tenue marquent
la mode d’une façon permanente et pourtant, à long terme, elles
apparaissent comme la caractéristique la moins importante de
la société «permissive». Ce qui est beaucoup plus profond,
c’est la révolution provoquée dans les relations sexuelles par
Questions la découverte d’un contrôle de naissance efficace, en particu-
lier la pillule contraceptive... Peut-être croit-on trop rapidement
Exercices

À partir de l’ensemble des documents, analysez les qu’une plus grande liberté des relations sexuelles implique une
causes, les formes et les conséquences des transfor- plus grande promiscuité. Il serait plus exact de dire qu’il y a
mations sociales en Europe de l’Ouest. Quels sont les déclin des contraintes morales.
différents domaines sociaux concernés par le change- H. Thomas, «The Permissive Society», traduit du Guardian Newspapers,
1969.
ment ?

Chapitre 5 : Europe de l’Est, Europe de l’Ouest (1949-1973) 127


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5 Mai 1968, une critique radicale par la jeunesse du monde occidental

Montreal
1968
2 La «haine» de la société
« Lundi de la matraque »
1968 1968 Ceci est une lettre de haine. Pour
Memphis
1968 Atlantic City
« Mai 68 » Printemps de Pragues
vous mes compatriotes. Pour ceux
assassinat de 1969 d’entre vous qui avez couvert mon
Martin Luther King New York
1968 Italie Assaut de
Women's Lib
1968 1969
1968
le second
l'auditorium Yasuda
pays de souillures [...] Vous l’avez
Massacre de Tlatelolco
Jeux olympiques
Émeutes de
Stonewall
« bienno rosso » assassiné [...] Je porte un couteau
dans mon cœur pour chacun de
vous, vous Macmillan1, et Gaitskell1
plus encore. [...] Angleterre, sois
maudite ! Tu pourris maintenant, et
bientôt tu disparaîtras. Ma haine te
survivra cependant. [...] Je voudrais
qu’elle fût éternelle.
John Osborne, Lettre dans Tribune, 1961.
1. Macmillan est le Premier ministre conserva-
1968
Manifestations étudiantes teur britannique et Gaitskell le leader du Parti
1969 état d’urgence travailliste.
Cordobazo
Zone d’influence occidentale Guerre
0 2 000 km
Zone d’influence socialiste Mouvements sociaux Réalisation : S. Coté

1 Les contestations dans le monde en 1968-1969.

Questions
1. Analysez la carte 1 et montrez la diversité des formes
de contestation en 1968-1969. Comparez les mouve-
ments européens avec le reste du monde.
2. Analysez les docs 2 à 5. Quelles sont les différentes
revendications et contestations de la jeunesse ? Com-
plétez les documents par une recherche personnelle.

JACQUES MARIE/AFP

3 Mai 68 en France. Déclenché par une contestation étu-


diante contre une réforme universitaire, le mouvement se
généralise à l’ensemble de la société et entraîne une trans-
formation en profondeur des rapports sociaux.

Umbruch-Bildarchiv

5 La table du groupe d’activistes libertaires berlinois «Kom-


mune 1» à l’arrière du squat de Mainzer Strasse. La com-
KPA/91000/TG
munauté, apparue dans les milieux étudiants, est active de
4 Rudi Dutschke (1940-1979) est un des représentants janvier 1967 à novembre 1969. Le groupe voue une haine
les plus connus du mouvement étudiant d’Allemagne de féroce à la famille et aux guerres impérialistes. Lorsqu’en
l’Ouest en 1968. Marxiste, ni prosoviétique, ni proaméricain, mai 1967, un grand magasin brûle à Bruxelles provoquant
il défend une voix médiane du socialisme démocratique.
Exercices

la mort de 300 personnes, le groupe distribue le tract sui-


Il déménage à Berlin-Ouest juste avant la construction du vant : «Pour la première fois dans une grande ville euro-
mur et se revendique situationniste. Sa critique concerne péenne, un grand magasin qui brûle avec des gens qui
autant la vie politique allemande que la guerre du Viêt Nam brûlent donne le sentiment crépitant d’être au Viêt Nam
ou le passé nazi de la génération précédente. Il participe (d’y être et d’y être en feu), sentiment dont jusqu’à présent
dans les années 70 à la fondation du parti «Die Grünen». nous devions encore nous passer à Berlin.»

128 Chapitre 5 : Europe de l’Est, Europe de l’Ouest (1949-1973)


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Chapitre Europe de l’Est, Europe


de l’Ouest (1949-1973)
5

1 Le Parlement européen à Strasbourg. S. Coté

Cours

2 Le culte de la personnalité en Roumanie avec


Nicolae Ceausescu.

Chapitre 5 : Europe de l’Est, Europe de l’Ouest (1949-1973) 129


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I Deux Europes face-à-face Vocabulaire


Productivité : capacité à produire plus, plus
vite et mieux.

1 Le modèle libéral à l’Ouest Taylorisme : Taylor définit l’organisation


scientifique du travail (OST). Chaque geste
de production est analysé avec un chrono-
L’Europe occidentale, sous influence américaine, se ca-
mètre afin de le rendre plus rapide et plus
ractérise par son régime libéral et capitaliste. Avec le plan efficace.
­Marshall, l’Europe occidentale entre de plain-pied dans l’ère
Fordisme : Henry Ford reprend les théories
de la consommation de masse. Le confort et la possession de Taylor en les améliorant. Il utilise par
des objets associés (électroménager, télévision ou voiture) exemple le tapis roulant pour mettre en
deviennent un but existentiel pour l’ensemble de la société. place des chaînes de production.
Ce sont les «Trente glorieuses».
De 1945 à 1973, la production progresse de 5% par an. Cet
envol économique s’explique par la production de masse.
L’énergie est bon marché. La démographie est dynamique. La
productivité augmente en raison d’investissements impor-
tants dans l’outil industriel. Le travail à la chaîne, avec le tay-
lorisme et le fordisme, se généralisent. Les prix des objets
de consommation diminuent. Par exemple, le prix d’un réfri-
gérateur baisse de 60% entre 1959 et 1968. Le cercle «ver-
tueux» fonctionne d’autant plus que la production a un marché
de consommation immense. La société entière est à équiper.
L’État joue son rôle. Il finance ou aide à la recherche et au
développement. Le keynésianisme préconise l’intervention
de l’État dans l’économie. Il favorise l’essor de la demande,
aide les secteurs en difficulté, surveille les prix et les salaires
et aménage le territoire. C’est la naissance de l’État-provi-
dence et de l’économie sociale de marché. L’État protège
l’individu et transfère les richesses vers les plus démunis à Bundesarchive
travers l’assurance santé, les retraites ou le chômage... 1 Ludwig Wilhelm Erhard (1897-1977). Membre
Tout n’est pas idéal pour autant. Si l’Europe de l’Ouest réus- de la CDU (Union chrétienne-démocrate d’Alle-
magne), libéral, ministre fédéral de l’économie
sit l’égalité civile par la loi, l’égalité politique grâce au suffrage et chancelier entre 1949 et 1966, il réussit la
universel, elle a des difficultés à assurer l’égalité des chances réforme monétaire de l’Allemagne de l’Ouest en
par le système éducatif et échoue pour ce qui concerne l’égalité 1948. Il défend l’économie sociale de marché
sociale. Le chômage ou la pauvreté persistent. Enfin, les inéga- qui s’oppose à l’économie planifiée sans favo-
riser une économie de marché totalement libre.
lités économique et sociales restent fortes entre les hommes et
Le système doit permettre de maintenir à la fois
les femmes. une croissance élevée, une faible inflation, un
chômage au plus bas, de bonnes conditions de
2 Le modèle communiste à l’Est travail et une protection sociale.

À l’Est, le modèle totalitaire en vigueur en URSS est appli-


qué aux «pays frères».
La collectivisation s’impose. En quelques années, la grande
propriété aristocratique très présente en RDA et en Hongrie
disparaît. En Tchécoslovaquie, c’est la bourgeoisie d’affaires
qui fait les frais de la nationalisation de l’appareil industriel.
Inversement, l’industrialisation sur le modèle soviétique de la
Bulgarie et de la Roumanie permet l’affirmation d’une classe
ouvrière forte.
Ces réformes permettent l’essor de l’industrie lourde. Mais
le passage à l’industrie de consommation est limité. Les
pénuries alimentaires persistent malgré les réformes. Le
manque de produit et de confort favorisent la démotivation des 2 Affiche électorale de Klement Gottwald en
Cours

travailleurs, surtout lorsque cela se double d’une résistance Tchécoslovaquie en 1950. Il est écrit : «Nous
bâtissons les fondations en acier de l’édification
nationale à un régime imposé de l’extérieur. du socialisme.»

130 Chapitre 5 : Europe de l’Est, Europe de l’Ouest (1949-1973)


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Toutefois, dans les années 60 et 70, malgré la fascination


qu’exerce l’Occident sur les sociétés d’Europe de l’Est, la so-
ciété de consommation investit petit à petit les foyers. Dans
les années 70, en RDA, 95% des ménages ont la télévision,
70% leur lave-linge et 36% un aspirateur. Mais il faut encore
attendre 15 ans pour obtenir une voiture (la Trabant).
Malgré la mise en avant du principe d’égalité, il existe une
classe de privilégiés : la nomenklatura. Il s’agit du person-
S. Coté
nel politique et administratif, qui bénéficie de privilèges (ma-
1 Une Trabant à Berlin. gasins réservés, loisirs). Toutefois, l’idéal d’égalité est mieux
respecté qu’à l’Ouest. Malgré un niveau de vie bien inférieur
à l’Occident, la population a accès gratuitement à la santé, à
l’école et aux loisirs. L’égalité entre les sexes se renforce avec
des lois autorisant très tôt l’avortement, l’égalité au travail ou le
divorce. Les crèches et les garderies sont nombreuses, ce qui
n’empêche pas un tassement de la natalité.

S. Coté
3 À l’Ouest, construire une nouvelle Europe

2 Construction d’unités d’habitation à l’époque de Avant même la fin du conflit, l’idée de rebâtir l’Europe dévas-
Staline sur la Karl-Marx Allee à Berlin.
tée et ruinée en la fondant sur les principes de solidarité et
de coopération apparait parmi les mouvements de résistance
intérieure et extérieure. Il s’agit de dépasser les égoïsmes na-
tionaux pour construire une unité politique, fruit de l’adhésion
de chacun, au nom de la liberté et du progrès. Mais la Libéra-
tion achevée, l’Europe n’est plus libre de son destin : elle est
occupée par les deux «Grands» et devient un enjeu de la
Guerre froide dans un monde bipolarisé.
À Zurich, le 19 septembre 1946, Winston Churchill, dé-
sormais leader de l’opposition conservatrice en Grande-Bre-
tagne, prononce un discours en faveur de l’unité européenne.
Ce discours sans lendemain a pour mérite de relancer l’idée
européenne.
En 1947, de nombreux mouvements se créent afin de dé-
Inconnu
fendre la construction européenne (par exemple celui de
3 W. Churchill à Zurich en 1946. ­Coudenhove Kalergi). Deux tendances émergent de ces
mouvements qui montrent deux visions de l’Europe : le fédé-
ralisme et ­l’unionisme.
La doctrine des fédéralistes propose de créer des États
décentralisés avec une souveraineté limitée. Une partie des
pouvoirs doit être déléguée à une autorité fédérale. L’autre
grande conception de la construction européenne est l’unio-
nisme. Ses partisans se contentent d’envisager une coopé-
ration ou une association entre les États qui conserveraient
toute leur souveraineté et formeraient une confédération.
Ces mouvements popularisent l’idée d’Europe. Pour rendre
effective l’idée, un premier rassemblement est organisé à La
Haye du 7 au 10 mai 1948. W. Churchill est le président d’hon-
Kurt Hutton/Picture Post
neur et les Allemands sont représentés par Konrad Adenauer.
4 Richard Coudenhove Kalergi (1894-1972) en L’impact sur l’opinion publique est fort, d’autant plus que le
1948. D’origine austro-japonaise, il défend dès Congrès énonce des objectifs généraux et les moyens de les
l’entre-deux guerre la nécessité des États-Unis
d’Europe. Après la guerre, il milite activement réaliser : Assemblée, Charte des droits de l’homme, Cour su-
à la création d’institutions européennes. Il pro- prême de justice. Cette Europe se veut libérale, volontariste et
Cours

pose en 1929 que l’hymne européen soit l’Ode favorisant le progrès social.
à la joie de Beethoven et veut créer une journée
européenne en mai.

Chapitre 5 : Europe de l’Est, Europe de l’Ouest (1949-1973) 131


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4 L’Europe divisée par la guerre froide Vocabulaire


Décentralisation : transfert des pouvoirs de
Le problème des partisans de l’Europe est de savoir comment l’État vers des personnes morales de droit pu-
passer des idées à la pratique. Paradoxalement, la guerre blic distinctes de lui. Ces dernières disposent
froide favorise ce projet politique. Les États-Unis poussent d’une autonomie plus ou moins grande selon
les Européens de l’Ouest à s’unir devant le danger. La le degré de décentralisation et d’un budget
politique de Staline en Europe orientale suscite des craintes. propre. Mais elles restent sous la surveillance
Pour beaucoup, gérer la paix avec l’URSS est impossible, il de l’État, autorité de tutelle.
faut donc se renforcer et se protéger. Souveraineté : droit exclusif d’exercer l’au-
torité politique (législative, judiciaire et/ou
Au-delà du plan Marshall et de la doctrine du containment, exécutive) sur une zone géographique ou un
l’unification de l’Europe est un souhait américain afin groupe de peuples. C’est le pouvoir le plus
d’éviter un engagement militaire et économique perma- élevé dans une ­société.
nent. Pour gérer l’aide de l’European Recovery Program, est
organisée à Paris la première Conférence européenne depuis
la guerre, du 12 juillet au 22 septembre 1947. Les négocia-
tions aboutissent en avril 1948 à la création de l’OECE (Orga-
nisation européenne de coopération économique). 16 pays en
sont membres.
L’Organisation se place dans une dynamique libérale. Elle
veut diminuer les restrictions aux échanges commerciaux et
monétaires en favorisant une zone de libre échange. L’OECE
reste toutefois un organe de coopération intergouvernemen-
tale sans réels pouvoirs de décision et n’atteint pas son but de
créer un grand marché européen.
À la fin de 1947, les Britanniques et les Français demandent
un appui militaire américain pour parer au danger sovié-
tique. Dans ce domaine aussi les Américains demandent aux
Européens de faire un effort de coopération. Avec le «coup
de Prague», les négociations s’accélèrent. Elles aboutissent WEU Secretariat General - Secrétariat Général UEO

le 17 mars 1948 à la signature du traité de Bruxelles entre 1 Signature du traité de Bruxelles le 17 mars
la Grande-Bretagne, la France, les Pays-Bas, la Belgique et 1948. Ce traité donne naissance à l’Union occi-
le Luxembourg. Il s’agit d’un traité multilatéral d’assistance dentale. De gauche à droite : Paul-Henri Spaak
(Belgique), Georges Bidault (France), Joseph
militaire automatique et immédiate en cas d’agression. Un Bech (Luxembourg), le baron Carel Godfried
embryon d’organisation est créé avec un conseil consultatif van Boetzelaer van Oosterhout (Pays-Bas) et
composé des ministres des Affaires étrangères et de divers Ernest Bevin (Royaume-Uni).
fonctionnaires.
La guerre froide accélère donc des divisions en Europe tout
en facilitant un processus d’intégration politique en Europe
occidentale.

5 La soviétisation de l’Est
En 1945, la politique de l’URSS envers l’Europe est mal
définie. À Yalta a été prise la décision de poursuivre après
la guerre la politique des «fronts nationaux». Dans les États
devait persister cette volonté d’unifier les forces résistantes et
antifascistes. La bolchévisation ne semble pas être à l’ordre
du jour même si l’URSS pousse les PC locaux à obtenir un
maximum d’influence.
La «soviétisation» s’accélère avec la guerre froide.
L’URSS fait figure de champion du slavisme contre l’impéria-
lisme germanique. Les communistes peuvent aussi exploiter
le mécontentement social et économique du prolétariat urbain
et rural. Ainsi, avec la guerre froide, l’URSS procède à une
Cours

Snikkers / Anefo
certaine forme d’unification de l’Europe de l’Est, imposée du 2 Churchill prononce le discours d’ouverture lors
haut et au détriment des populations. du Congrès de l’Europe à La Haye (7 mai 1948).

132 Chapitre 5 : Europe de l’Est, Europe de l’Ouest (1949-1973)


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Au lendemain de la guerre, l’économie des pays de l’Est de


l’Europe est bien plus en retard que celle des pays de l’Ouest.
Seules quelques régions industrielles tirent leur épingle du
jeu : Bohème, Silésie, Saxe. Deux problèmes fondamentaux
se présentent aux autorités, la réforme agraire et l’indus-
trialisation. Dans un premier temps, la collectivisation des
grands domaines aristocratiques donne satisfaction aux petits
paysans mais les autorités se heurtent à une forte résistance
lorsqu’il s’agit de les regrouper en coopératives de produc-
tion. Les dirigeants ne commettront pas la même erreur qu’en
URSS et laisseront assurer l’essentiel de la production agri-
cole par de petites entreprises de type familial, les coopéra-
tives ne jouant qu’un second rôle.
Dans le domaine industriel, presque tout est à construire.
Les démocraties populaires empruntent aux Soviétiques leurs
techniques de planification et accordent la priorité à l’indus-
trie lourde et la fabrication de biens de production.
1 Caricature d’Illingworth de juin 1947. Il dénonce L’organisation économique de l’Est se limite au CAEM (Conseil
la menace que représente Staline qui, méthodi-
quement, étend la zone d’influence soviétique d’aide économique mutuelle) aussi appelé COMECON. Fondé
sur l’Europe de l’Est. en janvier 1949 avec la participation de l’URSS, de la Bulgarie,
de la Hongrie, de la Pologne et de la Tchécoslovaquie, aux-
quelles s’adjoignent ensuite l’Albanie (février 1949), la RDA
(1950) et même la Mongolie (1962) le COMECON se borne
à organiser les échanges commerciaux et à promouvoir une
collaboration technique au profit de l’URSS. Des ingénieurs
soviétiques viennent conseiller et former les planificateurs
nationaux.

II L’Europe entre unité et divisions


1 Culture de masse à l’Ouest
En Europe de l’Ouest, la période qui suit la Libération connaît
un profond bouleversement au plan culturel sous l’effet
de l’explosion des instruments de la culture de masse. Les
formes d’expression se renouvellent et les avant-gardes se
1 Définir la civilisation du loisir succèdent, surtout à partir des années 60.
Aujourd’hui, dans nos sociétés évoluées, le loisir
est une réalité familière. [...] Découvert dans son L’Europe de l’Ouest entre après les États-Unis dans la
ampleur, dans sa structure complexe, dans ses culture de la communication. Le livre connaît toujours un
relations avec les autres aspects de notre civilisa- essor considérable grâce à ses illustrations de plus en plus
tion machiniste et démocratique, le loisir n’est plus luxueuses. Les progrès les plus spectaculaires concernent
un problème mineur, sorte de «poste divers» sans
importance placé à la fin de l’inventaire des grands cependant le son et l’image. Grâce aux nouveaux moyens ci-
problèmes, si l’on a encore de la place, du temps nématographiques, au microsillon (les disques), aux postes
ou de l’argent pour s’occuper de lui. [...] Il apparaît de radio ou de télévision, la population peut consommer
comme élément central de la culture vécue par des des produits culturels fournis en quantité illimitée. La culture
millions de travailleurs, il a des relations subtiles
populaire prend son essor avec ses héros, ses groupes de
et profondes avec tous les grands problèmes du
travail, de la famille, de la politique qui, sous son musique et ses rites auxquels il faut se plier.
influence, se posent en termes nouveaux. Nous L’américanisation de la culture amorcée avant la guerre
voudrions prouver qu’au milieu du XXe siècle, il
n’est plus possible d’élaborer des théories sur ces
continue dans les années 50. L’influence se fait sentir au ni-
problèmes fondamentaux sans avoir réfléchi aux veau de la langue, du cinéma, de la musique, de la littérature
incidences du loisir sur eux. L’heure est venue de ou de la bande dessinée. Toutefois, l’Europe occidentale ré-
traiter sérieusement de cette futilité. siste à cette influence. Les productions continentales restent
Joffre Dumazedier, Vers une civilisation du loisir ?, 1962 importantes et parfois dament le pion à celles des États-Unis.
En même temps, la civilisation du loisir se généralise. Les
Cours

activités physiques et artistiques se diversifient. L’augmenta-


tion du niveau scolaire, du niveau de vie et des congés payés
favorisent le processus.

Chapitre 5 : Europe de l’Est, Europe de l’Ouest (1949-1973) 133


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2 Culture de masse à l’Est Biographie


Boris Pasternak (1890
La culture en URSS est un enjeu de pouvoir. La révolution -1960) : Issu d’une
socialiste rêve de créer un «homme nouveau» avec une famille juive, il mène
morale et une culture différentes. La société d’Europe de l’Est des études de droit,
se transforme, non en raison du matraquage idéologique mais de musique et de
philosophie et publie
parce que cette société s’industrialise et s’urbanise.
ses premières œuvres
Après 1945, la culture est marquée par le «jdanovisme». durant la Première

u
nn
Jdanov applique les désirs de Staline dans les arts et les Guerre mondiale. Con­

co
In
lettres et défend le réalisme socialiste. Dans le contexte de la sidéré comme sub-
guerre froide, il faut mobiliser les masses. Les œuvres doivent jectiviste, il est surveillé par les autorités
être compréhensibles par tous, décrire la réalité idéale, exalter soviétiques. En 1957, il publie en Italie le
Docteur Jivago, qui raconte les aventures du
le socialisme et être optimistes. La censure lutte contre les
médecin Iouri Jivago de 1905 à 1940. Au fil
influences occidentales. des lignes, l’auteur présente les évènements
Il faut attendre la mort de Staline pour qu’apparaissent des révolutionnaires et la société soviétique,
œuvres plus libres. Mais la politique de Khrouchtchev est ambi- dont il critique le fonctionnement. Il obtient
guë. Après le XXe Congrès, des auteurs non-conformistes, le prix Nobel en 1958. Il est alors soumis à
sont publiés (par exemple : Alexandre Soljenitsyne), le jazz une violente campagne du pouvoir. Il meurt
est autorisé, le cinéma connaît une véritable renaissance mais dans la misère d’un cancer du poumon. Le
roman sera autorisé à la publication en URSS
la censure sévit avec force. L’art abstrait est toujours interdit.
en 1985 par Mikhaïl Gorbatchev.
Boris Pasternak, qui publie le Docteur Jivago en Italie, est
quant à lui persécuté.
Avec Brejnev, c’est le retour au conformisme. Les intellec-
tuels sont expulsés, assignés à résidence ou internés en asile
psychiatrique.

3 La stalinisation de l’Europe de l’Est S. Coté

1 Fresque à Berlin-Est sur la «Maison des ensei-


gnants». La bâtiment a été construit dans les
Après le coup de Prague, la mise au pas des satellites années 60 pour être la vitrine de la DDR mo-
d’Europe de l’Est s’accélère. Les régimes pro-staliniens se derne et sociale. L’œuvre exploite les thèmes
du réalisme socialiste.
renforcent avec la généralisation des purges sur le modèle
des procès de Moscou des années 30.
En mai 1949, le ministre hongrois des Affaires étrangères Biographie
László Rajk est arrêté, jugé, condamné à mort et exécuté.
Władysław Gomułka
Il passe pour être un communiste «national», un «titiste». En
(1905-1982) : d’origine
janvier 1949, le polonais Władysław Gomułka est révoqué.
ouvrière, il s’engage très
En février 1951, le tchécoslovaque Vladimír Clementis est tôt au parti communiste.
lui aussi arrêté à l’instigation, semble-t-il, de Rudolf Slánský, Pendant la guerre, il
lui-même arrêté en novembre de la même année. Slansky et participe à la résistance
Al

ses «complices» jugés en novembre 1952, font des «aveux


Fe

et définit à la Libération
nn

Th
el
ife
complets» et sont condamnés pour « trahison, espionnage, Picture
«une voie polonaise vers
sabotage et désertion militaire». La propagande insiste sur le socialisme». Désavoué par Staline, il est
l’origine juive de Slansky et de certains de ses «complices». arrêté avant d’être considéré comme un
En décembre 1949, c’est le procès de Traïcho Kostov en héros national avec la déstalinisation voulue
par Khrouchtchev. Il évite en 1956 l’inter-
Bulgarie. Le 4 juillet 1952, la Roumaine Ana ­Pauker, d’ori-
vention soviétique et sauve «l’Octobre polo-
gine juive aussi, est destituée de son poste de ministre des
nais». Mais les réformes n’empêchent pas
Affaires étrangères. En trois ans, près de 25 % des élites la crise, et sa volonté de concilier indépen-
communistes est remplacée sous l’accusation fantaisiste de dance et amitié soviétique lui fait perdre le
«titisme». pouvoir en 1970.
Parviennent alors au pouvoir des «petits pères des peuples»
sur le modèle de Staline (comme Mátyás Rákosi en Hon-
grie). Les Églises chrétiennes sont persécutées. L’alignement
Cours

doctrinal des pays de l’Est sur l’URSS est désormais total.

134 Chapitre 5 : Europe de l’Est, Europe de l’Ouest (1949-1973)


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Biographies 4 Tito résiste à Staline


Josip Broz Tito (1892-1980) : Ouvrier, pri-
sonnier en Russie lors de la Première Guerre
Tous les pays communistes ne désirent pas plier et entrer
mondiale, il s’engage dans l’Armée rouge dans ce modèle. Dès la Libération, Tito, communiste depuis
en 1917. Revenu en Yougoslavie, il entre au 1918 et principal animateur de la résistance au nazisme, éta-
Parti communiste. Il soutient alors Staline. blit sur le modèle de l’URSS sa dictature. Dans les années qui
Dès le début de l’invasion allemande, le Parti suivent, Tito obtient l’aide de l’URSS. Mais il veut conserver la
communiste organise un mouvement de résis- maîtrise de son économie si bien qu’il prend des initiatives qui
tance. Tito montre ses qualités politiques et déplaisent aux dirigeants soviétiques : soutien aux commu-
militaires. Les partisans communistes aidés nistes grecs ou projet d’une fédération balkanique.
des Alliés libèrent la Yougoslavie avant l’arri-
vée des Soviétiques. Après des élections tru- En mars 1948, Tito et ses fidèles empêchent les staliniens
quées, il devient Premier ministre. La nou- de prendre le pouvoir et ils conservent le contrôle du Parti.
velle constitution instaure six «républiques Staline tente d’asphyxier économiquement la Yougosla-
populaires». Il se débarrasse de l’opposition vie. Ce blocus économique contraint Tito à augmenter ses
puis évite que son administration tombe sous échanges avec le bloc occidental. Il reçoit des crédits améri-
le contrôle des hommes de Staline. Il prend cains via le Plan Marshall et signe avec les États-Unis un traité
des initiatives privées en soutenant les com- (1951) lui permettant d’obtenir des fournitures militaires tout
munistes grecs et défend un projet de fédéra-
en restant fidèle au communisme.
tion balkanique. Tout cela mène à la rupture
avec Staline. Pour briser l’embargo imposé La réconciliation avec l’URSS n’interviendra qu’en 1955,
par ce dernier, il signe des accords avec les sous Khrouchtchev.
États-Unis. Au plan international, il défend à
la conférence de Bandung le non-alignement.
Konrad Adenauer (1876-1967) : Originaire de
Cologne, adhérent du Zentrum, il devient maire 5 Les premiers pas vers l’Union
de la ville en 1920 et s’oppose au parti nazi. Élu
chancelier en 1949, il restaure la souveraineté Depuis le Congrès de La Haye, l’opinion publique pousse à la
allemande et affirme l’ancrage atlantiste de la création d’une structure spécifiquement européenne.
RFA. À ce titre, il participe à la fondation de la Malgré l’hostilité britannique, la France et la Belgique pro-
CECA et de la CEE. il est l’un des artisans de la posent la création d’une Assemblée européenne et la forma-
réconciliation franco-allemande. tion d’une Union économique et douanière, ce qui aboutit à la
Robert Schuman (1886-1963) : Né à Luxem- création du Conseil de l’Europe, le 5 mai 1949. Organisation
bourg et possédant la citoyenneté alle- sans réel pouvoir, le Conseil de l’Europe est néanmoins la
mande, il passe son bac à Metz sous autorité
première Assemblée européenne qui devient un «laboratoire
allemande et fait ses études de droit en Alle-
magne. En 1919, il devient citoyen français
d’idées» (R. Schuman). Une des premières réalisations fut
et entre en politique. Il vote les pleins pou- la Convention européenne pour la sauvegarde des droits de
voirs à Pétain en 1940, avant d’être arrêté l’homme et des libertés fondamentales, qui aboutit à la mise
par la Gestapo et de s’évader en 1942. De- en place de la Cour européenne des droits de l’homme.
venu ministre des Affaires étrangères après À la fin de l’année 1949, l’Allemagne de l’Ouest retrouve une
la guerre, il soutient le projet de Jean Mon-
existence politique avec K. Adenauer comme chancelier.
net. Le Parlement européen le considérera
Pour R. Schuman, ministre des Affaires étrangères français,
comme le «Père de l’Europe».
la meilleure façon de faire renaître le nationalisme allemand
Jean Monnet (1888-1979) : Fils de négo-
est de refuser l’égalité des droits. Pour cet Européen convain-
ciant de Cognac, il fait la promotion de la
SDN dès 1919. Il redresse ensuite l’entre-
cu et «fonctionnaliste», organiser le secteur des industries de
prise familiale en vendant du cognac à des base (charbon, acier, énergie, moyens de transport) serait un
contrebandiers américains lors de la prohibi- moyen de créer des solidarités concrètes avant de passer à
tion. Il devient alors financier international une construction politique. C’est «l’Europe à petit pas».
et participe à des programmes de dévelop- C’est Jean Monnet, alors haut-fonctionnaire, qui met au
pement autant en Europe orientale qu’en
point le projet de marché commun du charbon (énergie) et
Chine. Partisan d’une Union franco-britan-
de l’acier (matière première de l’armement). Mettre en com-
nique avant la guerre, il entre au service du
gouvernement britannique durant le conflit. mun ces deux produits permettrait de rendre impossible toute
Après la guerre, atlantiste, il participe au nouvelle guerre franco-allemande. Par sa déclaration du 9
redressement de l’économie française grâce mai 1950, R. Schuman apporte tout son soutien au projet.
à ses talents de planificateur. Pour empêcher En Europe, malgré quelques inquiétudes (dirigisme tech-
la renaissance de rivalités économiques et nocratique, crainte du chômage...), les réactions sont dans
Cours

politiques entre la France et l’Allemagne, il


l’ensemble favorables. Le seul pays hostile à ce projet est la
propose la création de la CECA, de la CED,
d’Euratom et de la CEE. Grande-Bretagne, premier producteur européen de charbon
et d’acier.

Chapitre 5 : Europe de l’Est, Europe de l’Ouest (1949-1973) 135


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Le 18 avril 1951, la France, la RFA, l’Italie, la Belgique, les


Pays-Bas et le Luxembourg signent à Paris le traité créant la État fédéral
CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier).
Des institutions supranationales sont créées avec la Haute État État État État
Autorité, composée de 9 membres recrutés par les gouver- fédéré fédéré fédéré fédéré
nements mais indépendants dans leur prise de décisions et
avec un financement autonome. Il y a aussi un Conseil spécial Un État fédéral partage les compétences
des ministres et une Cour de justice. législatives avec d’autres États fédérés.
Après ce succès de la CECA, de nombreux projets sans
ranationale (Un
suite émergent. L’actualité est alors occupée par la guerre de
une sup ion
Corée et l’on craint à nouveau une possible agression venue mm eu

co
de l’Est. Dans ce contexte de tension, W. Churchill prononce

rop
rité

éen
un discours en faveur d’une «armée européenne unifiée».

Auto

ne)
Jean Monnet imagine alors un projet de Communauté euro-
péenne de défense reprenant les grandes lignes institution- État État
nelles de la CECA. Le traité est signé à Paris le 27 mai
1952. Il prévoit la création d’une quarantaine de divisions de
État État
13 000 hommes avec un uniforme européen.
Au printemps 1953, après des débats parfois difficiles le traité
de CED est ratifié par les partenaires de la France. Mais l’opi-
nion française se divise car la menace soviétique paraît moins
forte avec la mort de Staline. Pour les «anticédistes» la CED Plusieurs États décident librement de fonctionner
«désarme la France et réarme l’Allemagne». Lors de l’ou-
verture des débats à l’Assemblée le projet est abandonné.
sous une autorité commune supranationale vers
laquelle les États consentent un transfert de
souveraineté.
6 La naissance de la CEE

Après l’échec de la CED se pose la question de relancer la


construction européenne. Le projet doit être moins ambitieux et État État
doit se limiter à des domaines économiques comme les trans-
ports ou l’énergie (par exemple l’atome). J. Monnet propose
de lier le projet atomique et le projet d’un marché commun
général. Il laisse P.-H. Spaak, ministre des Affaires étran- État État
gères de Belgique faire la proposition officielle. Le projet est
mis à l’ordre du jour de la conférence des ministres des Affaires Les États décident de s’associer dans une
étrangères de la CECA, à Messine, du 1er au 3 juin 1955. structure commune. Les relations sont
Après de longues négociations sur la répartition du pouvoir, intergouvernementales et les États
les traités instituant la Communauté économique euro- conservent leur pleine souveraineté.
péenne (CEE) et la Communauté européenne de l’énergie Ils forment une confédération.
atomique (CEEA) sont signés à Rome le 25 mars 1957. La
ratification se fait sans bataille parlementaire.
L’Assemblée parlementaire de la CECA est élargie. Les
traités prévoient une possible élection au suffrage universel.
Elle acquiert des pouvoirs de délibération et de contrôle : la
Cour de justice continue à exercer ses fonctions, un Comité
économique et social est créé, les décisions sont prises par
le Conseil des ministres, les Commissions n’ayant qu’un
rôle exécutif et un droit de proposition. Cependant, le Conseil
des ministres ne prend ses décisions que sur proposition des
Commissions et les décisions se prennent à l’unanimité. Ralph Crane

Ainsi, on obtient un triangle institutionnel : les Commissions 1 Paul-Henri Spaak (1899-1972) : Homme poli-
représentent l’intérêt général, le Conseil des ministres les tique belge. Lors de la guerre, il constitue en
Angleterre le gouvernement belge en exil.
intérêts nationaux et le Parlement les citoyens. Le droit com- Après la guerre, il devient le premier président
Cours

munautaire prévaut sur les droits nationaux. La fusion éco- de l’Assemblée générale de l’OTAN. Il soutient
nomique doit rendre possible la réalisation d’une unification le projet européen et joue un rôle déterminant
politique. lors de la conférence de Messine en 1955.

136 Chapitre 5 : Europe de l’Est, Europe de l’Ouest (1949-1973)


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III La contestation des modèles idéologiques


1 Déstalinisation et congélation

L’amorce de libéralisation et l’amnistie d’un million de prison-


niers entamées en URSS dès la disparition de Staline en mars
1953 a des répercussions rapides en Allemagne de l’Est,
où Ulbricht et ses partisans au pouvoir sont de plus en plus
impopulaires. En mai 1953, la charge de travail imposée est
augmentée de 10 % sans compensation salariale.
Les premières grèves éclatent le 11 juin 1953 et le mouve-
ment s’amplifie. Des centaines de milliers de personnes des-
cendent dans les rues dans toutes les grandes villes du pays
(Berlin-Est mais aussi Dresde, Leipzig…). À Berlin, la foule
Inconnue
attaque les locaux de la police et du Parti communiste.
1 Discours de Władysław Gomułka le 24 octobre Ulbricht considère qu’il s’agit d’une tentative de contre-révo-
1956. Il déclare : «Le Parti mènera la Pologne lution fomentée par les Occidentaux et décide de faire appel
vers une nouvelle voie du socialisme».
aux Soviétiques. La révolte est écrasée dans le sang par
les chars soviétiques et la police est-allemande.
De nouvelles tentatives d’émancipation du modèle soviétique
ont lieu après la publication du rapport rapport secret présenté
par N. Khrouchtchev devant le XXe congrès du PCUS, en
février 1956. Ce rapport insiste sur les méfaits du culte de la
personnalité, donne le signal officiel de la déstalinisation.
Mais très vite, N. Khrouchtchev ne contrôle plus le mouve-
ment qu’il a lancé.
En Pologne, à la suite d’une augmentation des normes
(temps de travail) et d’une baisse des salaires, des émeutes
éclatent fin juin 1956 aux cris de «Vive la liberté, à bas l’occu-
pation soviétique». Les autorités soviétiques autorisent alors
le retour de Gomulka, jugé plus libéral. Il appelle au «polycen-
trisme », il lance des réformes : abandon de la collectivisa-
tion, entente avec l’épiscopat catholique, création d’un Conseil
économique pour élaborer un nouveau modèle de planifica-
tion, augmentation des traitements et des salaires... Tout cela
Keystone-France
semble inaugurer une «voie polonaise» vers le socialisme fort
2 Le gouvernement hongrois lors du réenterre- différente du modèle russe. Mais les difficultés économiques
ment de László Rajk en août 1956.
n’empêcheront pas un durcissement du régime.
En Hongrie, le 13 juin 1953, dans le cadre de la déstalinisa-
tion, Imre Nagy remplace Mátyás Rákosi au poste de premier
ministre. Il met en route une politique de réforme radicale et pré-
conise l’idée d’une «Nouvelle voie». Ayant perdu le soutien du
Politburo de Moscou, Imre Nagy est relevé de ses fonctions
en avril 1955 par la direction du Parti communiste hongrois.
Avec le rapport secret de 1956, Nagy revient au pouvoir.
Les citoyens réclament des élections libres et le retrait des
troupes soviétiques. Nagy annonce des mesures démocra-
tiques et le retrait du pacte de Varsovie, ce qui provoque
l’intervention des chars du pacte le 4 novembre 1956. La ba-
taille dure jusqu’au 15 novembre et provoque la mort d’environ
3 000 hongrois. Nagy est exécuté en 1958.
Cours

La Hongrie a échoué là où la Pologne a réussi car elle aurait


Fortepan adományozó HOFBAUER RÓBERT
ouvert, en cas de succès, une brèche stratégiquement désas-
3 Statue de Staline décapitée en 1956. treuse dans le front des puissances socialistes.

Chapitre 5 : Europe de l’Est, Europe de l’Ouest (1949-1973) 137


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1968 : le Printemps de Prague, le «socialisme à


2 visage humain»

En Tchécoslovaquie, le processus de déstalinisation est plus


lent que dans les pays voisins mais effectif. À partir de 1967,
poussé par les réformistes comme Alexander Dubček, un
plan de réforme prévoit d’assouplir les règles de planification
et de laisser une plus grande marge de manœuvre aux diri- Inconnu
geants des entreprises. Début janvier 1968, avec l’accord de
1 Bain de foule d’Alexander Dubček en 1968.
Brejnev, Dubček prend la tête du Parti et annonce en avril son
intention d’appliquer un «socialisme à visage humain».
La censure est supprimée, les libertés et droits fondamentaux
sont réaffirmés, les réunions deviennent libres, les victimes
de la terreur sont réhabilitées. Un État fédéral est créé avec la
République tchèque et slovaque. Ce bouillonnement humain,
politique et intellectuel sans précédent inquiète l’URSS. Son
leadership est contesté. Dubček, influencé par la tragédie
hongroise de 1956, rassure alors Brejnev : sa politique n’est
pas antisoviétique. Mais les dirigeants vont plus loin : multi-
partisme, restauration du profit dans les entreprises... C’en est
trop. La contagion menace. En juillet, Brejnev formule ainsi
la doctrine de la souveraineté limitée des démocraties po-
pulaires. Le 21 août, les forces armées du pacte de Varsovie
envahissent la Tchécoslovaquie. Pour éviter le bain de sang,
Dubček cède et se retire.

3 L’Ostpolitik, la contestation de la logique des blocs

À l’Ouest, la France, avec le général de Gaulle, s’est af-


franchie de l’influence américaine. Le pays quitte le comman-
dement intégré de l’OTAN et le président français n’hésite pas
à s’opposer à la politique internationale américaine.
Wikimedia
En Allemagne de l’Ouest, en1969, Willy Brandt, un social- Monument aux victimes du communisme à
2
démocrate, gagne les élections. Il veut que son pays, qui est Prague.
un «géant économique», cesse d’être un «nain politique».
Il construit par conséquent une diplomatie indépendante de
celle de l’Amérique. Son premier objectif est d’ouvrir le pays
à l’Allemagne de l’Est. C’est un succès. La RFA reconnaît
les frontières issues de la défaite allemande avec les traités
de Moscou (1970), de Varsovie (1970) et de Prague (1973).
La ligne Oder-Neisse, qui sépare la Pologne et l’Allemagne,
est reconnue. Le statut de Berlin est réglé et la libre circula-
tion entre Berlin Ouest et la RFA est enfin garantie. En 1972,
les deux Allemagnes se reconnaissent mutuellement et
entrent à l’ONU.
Mais ces quelques velléités d’autonomie ne remettent pas en
cause la prééminence des États-Unis sur le bloc de l’Ouest.
L’alliance reste ferme et les oppositions ou actes d’indépen- 3 Caricature de Behrendt sur l’Ostpolitik en 1972.
dance se concentrent sur des domaines symboliques ou se- Elle montre l’intensité des débats au sein de
condaires. la classe politique ouest-allemande. Comment
faut-il considérer le traité d’amitié signé avec
Cours

l’URSS, la Pologne et la RDA ?

138 Chapitre 5 : Europe de l’Est, Europe de l’Ouest (1949-1973)


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4 Les transformations sociales en Europe de l’Ouest

La société européenne après 1945 est en plein boulever-


sement. Les États-Unis, les États occidentaux s’urbanisent et
connaissent une augmentation de la proportion des ouvriers,
des cadres et des emplois de service. Après 1960, les ser-
vices continuent à croître alors que la main-d’œuvre ouvrière
recule.
L’augmentation des salaires et les lois sociales de l’État-
providence permettent l’essor de la classe dite moyenne lors
des 30 glorieuses. La principale manifestation est la généra-
lisation de l’électroménager. Les ménages achètent leurs
premières voitures. En France, les dépenses alimentaires
représentaient 40% du budget en 1945, 25 % en 1974. Cette
croissance profite moins aux zones rurales, aux retraités et
aux populations immigrées, cantonnées dans les emplois les
moins qualifiés.
Les loisirs se généralisent. Grâce à la voiture les Européens
partent en vacances. De grandes stations balnéaires se dé-
veloppent (Côte adriatique, Côte d’Azur, Languedoc, Costa
1 Publicité de 1959 pour l’électroménager Moulinex. Brava, Costa Blanca, Costa del Sol...). C’est la «civilisation
La femme est réduite à son rôle de ménagère. des loisirs».
Paradoxalement, cette société d’abondance mène à sa
contestation. La société, malgré les progrès sociaux, n’a pas
évolué dans ses valeurs. Elle garde une mentalité de survie
fondée sur l’obéissance et le respect des hiérarchies. Le père
garde toute son autorité (système patriarcal) sur la femme
qui ne travaille pas, vouée à élever les enfants auxquels on
donnera une bonne éducation fondée sur les codes sociaux
de la bourgeoisie du siècle précédent. Alors que l’heure est
à la consommation, les parents enseignent l’abstinence, le
renoncement, l’effort et le sacrifice. La nouvelle génération
qui n’a pas connu la guerre et ses privations n’accepte plus
les carcans dans lesquels elle a été élevée. La dichotomie
(la différence) entre les valeurs affichées et la réalité est telle
que les tensions entre générations augmentent. Les jeunes
veulent vivre pour eux-mêmes et connaître sans contrainte un
maximum d’émotions, afin de développer leur potentiel inté-
rieur, base du bonheur et de la satisfaction.
Toutes ces revendications se cristallisent à travers les mou-
vements étudiants en Mai 68 partout en Europe occidentale.
Les conséquences sociales sont visibles : recul du ma-
2 En 1956, ce film de Roger Vadim avec Brigitte riage, apparition de la pilule (Allemagne 1961, Royaume-Uni,
Bardot incarne l’émancipation des femmes. France 1967), divorce (Italie 1970, France 1975, Irlande 1996,
Malte 2001), avortement autorisé ou assoupli (Royaume-Uni
1967, France 1975, Belgique 1990, Allemagne 1995, Luxem-
bourg 2014, Irlande 2018). La sexualité est plus libre. Les
femmes voient leur statut évoluer et accèdent plus facilement
aux carrières masculines. La culture jeune marginalise les
conceptions héritées de la guerre.
Cette vision hédoniste et consumériste de la vie est mal-
menée à partir de 1973 à cause de la crise économique. Le
Janette Beckman
chômage augmente et les emplois précaires se généralisent.
3 Groupe de punks à la fin des années 70. Les
Cours

vêtements, le langage, les postures, la musique Les difficultés sociales entraînent une augmentation des
sont un moyen de contester l’ordre établi et d’af- tensions sociales qui se traduisent par la délinquance ou le
firmer son absolue liberté. ­racisme.

Chapitre 5 : Europe de l’Est, Europe de l’Ouest (1949-1973) 139


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Film
Docteur Folamour - 1964

Questions 3
1. Présentez en quelques lignes le réalisateur Stan-
ley ­Kubrick.
2. Présentez l’acteur Peter Sellers. Quelle est l’ori-
ginalité de sa performance ­d’acteur ?
3. Résumez en 3 phrases l’intrigue du film.
4. Quels aspects de la guerre froide présente le
film ?
5. Quels sont les ressorts humoristiques du film ?

1 La farce terrifiante du docteur Folamour


C’est l’œuvre de trois cinglés garantis. Par ordre d’entrée : Stan-
ley Kubrick, réalisateur visionnaire, personnage obsessionnel,
génie fasciné par la comédie humaine ; Terry Southern, auteur
de scénarios, de livres déjantés, maniaque de la contre-culture ; 4
et Peter Sellers, acteur assurément sur une autre planète, vir-
tuose de l’improvisation, maître transformiste. Sur fond de guerre
froide, nos trois allumés ont concocté ce «Docteur Folamour»,
farce terrifiante où les deux superpuissances s’envoient mutuel-
lement des missiles de fin du monde. Il manque la dernière
scène du film (une gigantesque bataille de tartes à la crème) qui
fut coupée, hélas.
Le tournage se révéla plus difficile que prévu : Ken Adam, le
décorateur, avait du mal à comprendre ce que Kubrick voulait,
l’armée américaine ayant refusé son concours. Il fallut construire
toutes les maquettes et les répliques d’avions en se basant sur
des photos. Celles-ci furent ensuite plaquées sur des rétropro-
jections d’images prises dans l’Antarctique. Brisant avec ses
habitudes de contrôle absolu, Kubrick donna une grande latitude
à ses interprètes, notamment à Peter Sellers, qui improvisa bril-
lamment ses différents personnages. 5
A sa sortie, «Docteur Folamour» devint la cible favorite des pa-
triotes américains : «film de traître», «œuvre crypto-communiste»
et autres qualificatifs sympathiques. Même John Wayne s’en
mêla en déclarant qu’il n’irait jamais voir ce machin «rouge ».
Téléobs, 2019

6
Cours

140 Chapitre 5 : Europe de l’Est, Europe de l’Ouest (1949-1973)


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De l’Histoire à Mon
De la dictature à la
Chapitre
Histoire Personnelle
démocratie (1974-1995)
6
1

Reuters

2
Quels sont les facteurs d’effondrement
des dictatures en Europe du Sud et en
Europe de l’Est ? Quels sont les défis
de ces nouvelles démocraties ?

Deux images contrastées de l’Europe aprés 1990.


La victoire électorale de Vaclav Havel en Tchécos-
lovaquie et la tragédie yougoslave avec l’incendie
du Parlement de Sarajevo en Bosnie-Herzégovine
en 1992.
Exercices

Mikhail Evstafiev

Chapitre 6 : De la dictature à la démocratie (1974-1995) 141


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I La fin des dictatures en Europe du sud


1 La situation économique de l’Europe du Sud : l’exemple de l’Espagne

Inconnu

1 La région d’Almeria dans les années 50. À cette époque, Inconnu


l’élevage extensif prédomine. L’économie espagnole vé-
gète en raison des principes économiques autarciques 3 La plage de Benidorm en Espagne dans les années 60.
L’État favorise le développement du tourisme de masse
voulus par Franco.
qui permet une entrée importante de devises étrangères.

YANN ARTHUS-BERTRAND

2 Les serres pour la culture maraîchère dans la région d’Al- Julikeishon, Wikimedia

meria en Andalousie (Espagne). Cette culture intensive est 4 Une SEAT 600 de 1959. En 1950, le gouvernement fran-
initiée par les technocrates espagnols à partir des années quiste fonde la société SEAT pour favoriser le développe-
60. (le desarrollo). ment local. Sous licence FIAT, SEAT produit de nombreux
véhicules.

1970 1987
R.-U. RFA Italie Esp. R.-U. RFA Italie Esp. Port. Grèce Questions
Mortalité infantile (‰) 18.5 23.4 30 28 9 8.5 12 10 19 12 D’après les 4 documents
Secteur agricole (%) 3.2 8.6 20 30 2.4 5.2 10 12 analysez la situation
Secteur industriel (%) 44.8 49.3 40 37 30.2 40.7 33 32 économique et sociale
Secteur tertiaire (%) 52 42.1 40 33 67.4 54.1 57 53 en Espagne et en Europe
du Sud. Comment évolue
Population urbaine (%) 88.5 81.3 64 66 91.5 85.5 67 76 31 60
l’économie espagnole au
Scolarisation temps de Franco ?
Exercices

73 71 61 56 89 74 75 91 47 86
­secondaire (%)
5 Comparaison économique et sociale entre l’Europe du Nord et l’Europe du Sud.

142 Chapitre 6 : De la dictature à la démocratie (1974-1995)


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2 La fin de la dictature des colonels en Grèce

Inconnu

1 Georges Papandréou gagne les élections en 1963. Il décide Central Press

d’épurer l’armée, marquée à l’extrême droite et persuadée 2 Constantin II lors de son mariage en 1964, la même an-
d’un complot communiste en Grèce. Le 21 avril 1967, les née que son accession au trône. Soutenu par les États-
«colonels» prennent le pouvoir. G. Papandréou meurt en Unis, il s’inquiète dans un premier temps des réformes de
résidence surveillée en 1968. Un cinquième de la population G. ­Papandréou. Il laisse faire le coup d’État des colonels en
d’Athènes assiste à ses funérailles en protestation au régime. 1967 avant de s’y opposer avec les généraux par un contre
coup-d’État. La tentative est un échec et il doit s’exiler.

4 Affiche du film Z de Costa Ga-


vras. Il est tourné avec Yves
Montand et Jean-Louis Trintignant.
Le film dénonce le régime des
colonels en reprenant l’épisode de
l’assassinat du député Lambrakis.

Inconnu

3 Le 17 novembre 1973, les colonels font intervenir les chars


pour évacuer l’université polytechnique d’Athènes. L’inter-
vention fait 39 à 80 morts et vaut la réprobation internatio-
nale au régime.

Zone turque 0 50 km

Zone mixte à majorité turque 5 L’art joue un grand rôle


dans la contestation du
1970 Kyrenia
régime. En particulier Mé-
lina Mercouri, chanteuse
Famagouste et actrice, qui s’exile en
Nicosie
France à cause de la
dictature. Elle incarne à
Larnaca l’étranger la résistance Björn Roos
Paphos
au nouveau régime. Après le retour de la démocratie, elle
Zone grecque
Limassol est nommée ministre de la Culture jusqu’à sa mort en 1994.
Zone mixte à majorité grecque Elle est l’initiatrice des capitales européennes de la culture.
0 50 km
Zone turque
Zone grecque
Questions
1998 Kyrenia
1. Pourquoi la démocratie est-elle renversée en Grèce ?
Famagouste
2. Analysez les causes profondes et immédiates de la
Nicosie chute du régime des colonels en 1974. Quelles sont les
formes de résistance ?
Larnaca

Paphos
Bases britanniques
7 Résolution 353
Limassol
Ligne verte démilitarisée (UNFICYP) Le Conseil de sécurité [...] ayant entendu le président de la
République de Chypre [...], déplorant l’explosion de violence et
6 Depuis son indépendance en 1960, Chypre connaît de
l’effusion de sang qui se poursuit [...] :
nombreux conflits entre la majorité grecque et la minorité
Exercices

turque. Le 15 juillet 1974, la Garde nationale dirigée par 4. Demande le retrait sans délai du territoire de la République
des colonels grecs tente un coup d’État pour unir Chypre à de Chypre de tous les militaires étrangers
la Grèce. En réaction, l’armée turque intervient le 20 juillet. 5. Demande à la Grèce et à la Turquie [...] d’entamer des négo-
Cette crise permet à Konstantínos Karamanlís de devenir ciations sans délai.
Premier ministre et de mettre fin à la dictature des colonels. Résolution 353 du Conseil de sécurité, 20 juillet 1974.

Chapitre 6 : De la dictature à la démocratie (1974-1995) 143


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3 La victoire de la démocratie au Portugal

1 La transition démocratique au Portugal


Depuis le changement de régime, les vraies crises au Portugal
ont été au nombre de deux ; ce sont elles qui expliquent les
incertitudes d’aujourd’hui ; tandis qu’elles-mêmes ont été cau-
sées par des facteurs qui n’ont toujours pas changé.
La Révolution des Œillets n’a été une surprise au Portugal que
dans son orientation et la date à laquelle elle est intervenue. Le
régime de Marcelo Caetano - en grande partie du fait des hésita-
tions de ce dernier tant sur l’outre-mer que sur le changement des
institutions politiques après la disparition de Salazar - pourrissait
sur pied depuis au moins 1972, tandis que l’inflation commençait
de ronger les équilibres économiques malthusiens qui avaient
fait la stabilité du Portugal des grandes familles depuis 1945. La
question à l’automne de 1973 était de savoir si le «coup» viendrait
Hervé Cloaguen
de droite ou de gauche ? Dans tous les cas, il sera militaire.
Le régime dictatorial de Caetano est renversé le 25 avril 1974. 3 L’impasse coloniale pousse les militaires à créer une orga-
La première crise dans la Révolution portugaise dura de juin à nisation, le Mouvement des forces armées (MFA), qui tente
novembre 1975 en palabres et manifestations. À ce moment un coup d’État le 25 avril 1974. Des milliers de Portugais
le mouvement des capitaines se divisa sur l’orientation écono- descendent dans la rue. Au marché aux fleurs de Lisbonne,
mique et sociale du pays : la décolonisation, l’organisation du les militaires mettent dans leurs fusils des œillets offerts par
système politique (monocamérisme, place de l’armée dans les la population, ce qui donne le nom à la révolution. Marcelo
institutions...), [...] la réforme agraire, la place de l’État dans le Caetano, président du Conseil, démissionne au profit du gé-
crédit et l’industrie [...]. néral Spinola. Les prisonniers politiques sont alors libérés.
Une nouvelle Constitution est rédigée et des élections libres
La seconde crise - celle de l’été de 1978 - voit un Portugal qui
sont organisées (1976). Mário Soares, un modéré, est élu.
médite sur ses institutions. S’il est peu contesté par la classe poli-
tique que le président de la République doive demeurer un mili-
taire, et que ce dernier doive être élu au suffrage universel direct, 4 La Constitution du Portugal
là s’arrête l’accord. Les uns tiennent pour un régime plus prési-
Article premier : République portugaise
dentiel [...] ; les autres tiennent à un régime parlementaire [...].
D’après B. Fessard de Foucault, «L’évolution du Portugal : ni crise ni Le Portugal est une République souveraine fondée sur la di-
­dénouement», Le Monde, 10 octobre 1979. gnité de la personne humaine et sur la volonté populaire et
attachée à la construction d’une société libre, juste et solidaire.
Article 7 : Relations internationales
2. Le Portugal préconise l’abolition de l’impérialisme, du colo-
nialisme.
Article 10 : Suffrage universel et partis politiques
1. Le peuple exerce le pouvoir politique par la voie du suffrage
universel, égalitaire, direct, secret et périodique. [...]
2. Les partis politiques concourent à l’organisation et à l’ex-
pression de la volonté populaire [...].
Article 21 : Droit de résistance
Toute personne a le droit de s’opposer à un ordre qui porte
atteinte à ses droits, à ses libertés.
Article 24 : Droit à la vie
1. La vie humaine est inviolable.
Keystone/Hulton archives
2. En aucun cas il n’y aura de peine de mort.
2 Mário Soares (1924-2017), diplômé d’histoire, de philoso-
Article 37 : Liberté d’expression et d’information
phie et de droit s’oppose très tôt au régime de S ­ alazar et
devient l’avocat des prisonniers politiques. Exilé en France, 1. Toute personne a le droit d’exprimer librement sa pensée
il devient secrétaire général du Parti socialiste. Il revient et de la divulguer par la parole, par l’image ou par tout autre
d’exil lors de la révolution des Œillets en 1975. Au gou- moyen, ainsi que le droit d’informer, de s’informer et d’être
vernement, il est confronté à l’alliance entre les militaires informée, sans entraves ni discriminations.
du MFA et le Parti communiste. Les élections de 1976 lui Article 53 : Sécurité de l’emploi
permettent de devenir le Premier ministre. En 1978, privé La sécurité de l’emploi est garantie aux travailleurs. Les licen-
de majorité absolue, il doit démissionner. Par la suite, il ciements sans juste cause ou pour motifs politiques ou idéolo-
prépare l’adhésion du Portugal à la CEE et devient pré- giques seront interdits.
sident de la République de 1986 à 1996. Article 54 : Comités de travailleurs
1. Les travailleurs ont le droit de créer des comités de travail-
Questions leurs pour défendre leurs intérêts et intervenir démocratique-
Exercices

ment dans la vie de l’entreprise.


1. Présentez les hommes, les causes et les problèmes A été supprimé en 1982 : pour renforcer l’unité des classes
de la transition démocratique au Portugal (docs 1 à 3). ouvrières et leur mobilisation pour le processus révolutionnaire
2. Analysez et expliquez les principales dispositions de de construction du pouvoir démocratique des travailleurs.
la Constitution de la République portugaise (doc 4). Constitution du 2 avril 1976

144 Chapitre 6 : De la dictature à la démocratie (1974-1995)


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4 La fin du franquisme en Espagne

2 Les revendications politiques


Le 3 mars 1976, cinq manifestants sont tués lors de manifes-
tations au Pays basque. De cet évènement naît la coordination
démocratique dite Platajunta. Elle réclame :
La libération immédiate des prisonniers et détenus politiques et
syndicaux sans exclusion, le retour des exilés et une amnistie à
tous les condamnés pour des raisons politiques ou syndicales.
L’exercice effectif et complet des droits de l’homme et des
libertés politiques tels qu’ils sont inscrits dans les textes juri-
diques internationaux, en particulier ceux qui concernent les
partis politiques, sans exclusion.
La reconnaissance immédiate et complète de la liberté
Inconnu
­d’association.
L’exercice complet, immédiat et effectif des droits et libertés po-
1 En 1969, Malade, Franco désigne devant les Cortes Gene- litiques des différentes nationalités et régions de l’État espagnol.
rales (le parlement du royaume d’Espagne), Juan Carlos
comme son successeur en tant que roi d’Espagne. Le fonctionnement d’un système judiciaire unique et indépen-
dant selon les exigences d’une société démocratique. L’ouver-
ture d’une période de transition constitutionnelle, qui conduira,
à travers une consultation populaire, basée sur le suffrage uni-
3 Adolfo Suárez (1932-2014) versel, à la création d’une nouvelle forme de l’État et du gou-
naît dans un milieu fran-
vernement, ainsi qu’à la défense de libertés et droits politiques.
quiste. Il devient chef du parti
Objectifs de la Platajunta, mars 1976.
unique phalangiste et participe
au gouvernement de Franco.
Homme de confiance de Juan 4 La réforme politique
Carlos, il est choisi pour mener
Malgré quelques hésitations, Juan Carlos, dès qu’il arrive au
à bien la transition démocra-
pouvoir en novembre 1975, libéralise le régime. Il promulgue
tique. Entouré de personnalités
plusieurs grâces et, en mai 1976, une loi reconnaît le droit de
issues du franquisme, des so-
réunion et d’association. Juan Carlos nomme alors Adolfo
cio-démocrates et des libéraux,
Suárez comme président du gouvernement pour mener les
il liquide les Cortes franquistes,
réformes politiques. Le processus débouche sur la loi pour la
autorise les partis, organise
réforme politique.
des élections libres, tout en
imposant la monarchie. ARTICLE 1er
1- La démocratie, dans l’État espagnol, est fondée sur la supré-
matie de la loi, expression de la volonté souveraine du peuple.
Les droits fondamentaux de la personne sont inviolables et
lient tous les organes de l’État.
2- Le pouvoir d’élaborer et d’approuver les lois réside dans les
Cortes. Le Roi sanctionne et promulgue les lois.
ARTICLE 2
1- Les Cortes sont composées du Congrès des députés et du
Sénat.
2- Les députés du Congrès seront élus au suffrage universel,
direct et secret de tous les Espagnols majeurs.
3- Les sénateurs seront élus en représentation des entités ter-
ritoriales.
AFP
Loi 1/1977 pour la réforme politique. Texte approuvé par les Cortes le 18
5 Le 23 février 1981, 200 gardes civiles du lieutenant-colo- novembre 1976.
nel Antonio Tejero investissent le Parlement. Après la divi-
sion des putschistes et à la demande personnelle de Juan
Carlos aux officiers de rester fidèles au régime, la tentative
de coup d’État échoue.

Questions
1. D’après l’ensemble des docs, présentez l’originalité
du parcours de Juan Carlos.
2. Que revendique la platajunta (doc 2) ? Que propose
Exercices

le gouvernement (docs 3 et 4) ? Quelles sont les résis- El Correo


tances (doc 5) ?
6 Le 28 octobre 1982, le PSOE (Parti socialiste) remporte
3. Démontrez que l’élection de Felipe González en les élections législatives. Felipe González devient le pré-
1982 marque la réussite de la transition démocratique sident du gouvernement. Cette alternance démocratique
(doc 6). marque la fin de la transition démocratique.

Chapitre 6 : De la dictature à la démocratie (1974-1995) 145


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II La fin des démocraties populaires en Europe de l’Est


1 La vivacité de la société civile à l’Est avant 1989

RFA RDA
Population (millions d’hab.) 62 16.6
PIB/hab. (en dollars) 19 450 5 780
Taux de chômage (% pop. active) 8 10
Équipement des ménages (en %)
Téléphone 98 12
Automobile 97 52
TV couleur 94 52
S. Coté
Magnétoscope* 40 5
2 Prison de la Stasi à Berlin dans les années 80.
Micro-ondes 28 0
1 Le niveau de vie entre la RDA et la RFA en 1989. 4 La Charte 77 en Tchécoslovaquie
* Magnétoscope : système d’enregistrement sur cassettes vidéos des films
et émissions de la télévision. [En] octobre 1976, [...] ont été publiés les droits civils et politiques,
[...] signés au nom de notre République en 1968, réitérés à Hel-
sinki en 1975. [...] Nous nous félicitons donc de l’adhésion de la
3 La Pologne, exemple ou exception ?
République socialiste tchécoslovaque à ces accords. Toutefois,
Le 13 décembre 1981, le général Jaruzelski impose l’état de leur publication est un puissant rappel de la mesure dans laquelle
siège. Lech Wałęsa et d’autres dirigeants de Solidarność sont les droits fondamentaux de l’homme dans notre pays existent,
arrêtés. malheureusement, seulement sur le papier. [...] Des dizaines de
Le régime du général Jaruzelski ne constitue pas la norma- milliers de nos citoyens sont empêchés de travailler dans leur
lisation, même aux yeux des Soviétiques. Il n’a fait la paix ni propre domaine pour la seule raison qu’ils ont des opinions dif-
avec l’Église, ni avec les syndicats, ni avec les paysans. Il se férentes des opinions officielles [...]. Privés de tout moyen de se
superpose à la société civile polonaise. [...] La phase actuelle défendre, ils deviennent victimes d’un apartheid virtuel. [...]
n’a eu d’équivalent ni dans la Hongrie de 1956 ni dans la D’innombrables jeunes sont empêchés d’accéder à l’éducation
­Tchécoslovaquie de 1968. La révolte populaire n’a pas disparu, à cause de leurs propres opinions ou même de celles de leurs
elle s’est enfoncée dans le silence [...]. Or, faute de participa- parents. [...] La liberté d’expression publique est inhibée par le
tion active des travailleurs, aucun plan de redressement écono- contrôle centralisé de tous les moyens de communication et
mique ne peut réussir. Grâce aux chars d’assaut, l’ordre règne des institutions éditoriales et culturelles. [...] Aucune critique
à Varsovie, mais l’ordre ne suffit pas. ouverte ne peut être faite sur des problèmes sociaux. [...] Les
R. Aron, «Budapest et Varsovie», L’Express ,16-22 septembre 1982. fausses accusations ne peuvent être réfutées. [...] La liberté de
confession religieuse, [...] est continuellement restreinte [...].
Cet état de choses empêche également les travailleurs et autres
5 Les revendications du syndicat polonais Solidarność personnes d’exercer sans restriction le droit de créer des syndi-
Le syndicat indépendant et autogéré «Solidarność» s’est for- cats et d’autres organisations pour protéger leurs intérêts éco-
mé à partir du mouvement de grèves de 1980. nomiques et sociaux, et de jouir librement du droit de grève
1. Nous revendiquons la mise en place d’une réforme auto- C’est ce sens de la coresponsabilité, [...] qui nous ont amenés
gestionnaire et démocratique à tous les niveaux du pouvoir de à l’idée de créer la Charte 77. [...] La Charte 77 [a pour but] de
décision. [...] mener un dialogue constructif avec les autorités politiques et
étatiques, notamment en attirant l’attention sur des cas indivi-
2. Il est nécessaire d’élaborer de nouvelles structures organi-
duels de violation des droits de l’homme et du citoyen.
sant l’économie. [...]
Prague, 1er janvier 1977.
3. Les barrières bureaucratiques rendant impossible le fonc-
tionnement du marché doivent être abolies. [...] Premiers signataires : Jan Patočka, Vaclav Havel et Jiri Hajek.
4. La réforme doit humaniser la planification. [...]
7. L’approvisionnement en nourriture est aujourd’hui la ques-
tion la plus importante. [...]
19. Le pluralisme des opinions sociales, politiques et cultu-
relles doit être la base de la démocratie. [...]
22. Il est absolument nécessaire d’accorder aux syndicats le
droit de proposition législative.
Le programme de Solidarność, thèses élaborées par le Congrès des délé-
gués à Gdańsk, 7 octobre 1981.

Questions
Exercices

1. Dressez le bilan politique et social des régimes d’Eu- Polish govrnment


rope de l’Est dans les années 80 (docs 1 à 3).
6 En Pologne, Lech Wałęsa à côté de Tadeusz Mazowiec-
2. Montrez à l’aide des docs 3 à 6 la capacité de résis- ki, est porté en triomphe en août 1980. Les accords de
tance de la société civile en Europe de l’Est. Analysez Gdansk viennent de donner le droit à l’existence de plu-
les revendications. sieurs syndicats comme Solidarność.

146 Chapitre 6 : De la dictature à la démocratie (1974-1995)


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2 Le basculement de 1989

Fin du parti unique Première élection Abolition de la démo-


législative libre cratie populaire
Hongrie février 1989 18 octobre 1989 23 octobre 1989 Questions
Tchécoslovaquie novembre 1989 juin 1990 avril 1990 Analysez les différentes formes de tran-
RDA décembre 1989 mars 1990 octobre 1990 sition démocratique des Républiques
populaires. Quelles sont les étapes, les
Roumanie décembre 1989 mai 1990 décembre 1989
formes, les principes, les acteurs ?
Pologne décembre 1989 juin 1989 décembre 1989
Bulgarie janvier 1990 juin 1990 juillet 1991
1 La transition démocratique dans les démocraties populaires

4 La République de Hongrie n’est plus «populaire»


Je déclare solennellement [...] qu’en ce jour, le 23 octobre
1989, la forme de gouvernement et le nom de notre pays est
2 Vaclav Havel explique la «révolution de Velours»
«République de Hongrie». Alors que nous nous approchons
Avec le renversement du système totalitaire s’est achevée la de la fin du XXe s., nous nous transformons en une Hongrie
longue période de notre situation de pays satellite. J’ai même libre et démocratique [...] en tirant les leçons de l’histoire des
été surpris de la vitesse et de la douceur avec laquelle ce chan- quarante dernières années - en particulier les leçons tirées
gement s’était produit. Face aux évènements dramatiques en du soulèvement populaire d’octobre 1956 et du mouvement
Europe centrale et orientale et aux bouleversements dans son d’indépendance - nous avons créé les bases juridiques de la
propre pays, la direction soviétique a apparemment compris nouvelle République. [...] Il est de notre ferme intention, selon
qu’il serait insensé de vouloir maintenir le système et l’hégé- la volonté de notre peuple, qui pourra bientôt se manifester par
monie soviétiques dans notre partie de l’Europe. Je ne sais pas des élections libres et démocratiques. La République de Hon-
quelle image de l’évolution se faisait Gorbatchev au moment où grie sera un État constitutionnel démocratique, où les valeurs
il a lancé sa perestroïka, mais à la fin de 1989, il a dû lui sem- de la démocratie bourgeoise seront à égalité avec celles du
bler clair qu’on ne pouvait plus empêcher l’émancipation d’an- socialisme démocratique. [...]
ciens pays satellites de l’Union soviétique. Quoi qu’il devienne Nous développerons nos relations avec l’Est et l’Ouest de telle
dans l’avenir, ce pays aura évidemment toujours des intérêts sorte que nous puissions contribuer à l’unification de l’Europe.
géo-politiques dans notre partie de l’Europe. [...] Nombre de di- Nous voulons renforcer la cohésion et l’amitié des populations
rigeants soviétiques ne sont toujours pas parvenus à se défaire riveraines du Danube. [...] Nous souhaitons contribuer aux
de leurs péjuger idéologiques. [...] échanges internationaux et à la coopération dans le domaine
Pourtant, je n’ai constaté, ni au cours de notre révolution, ni im- des affaires et de la science, de la culture et de l’application des
médiatement après, d’ingérence apparente dans nos affaires droits de l’homme. [...] Ce n’est qu’en travaillant ensemble que
politiques, voire de résistance à reconnaître notre pouvoir nous pourrons sauver le pays du naufrage. [...] Ainsi, le peuple
démocratique. [...] Cela ne veut pas dire que [...] notre liberté recevra enfin «la prospérité et la richesse» (citation de l’hymne
nous ait été offerte. Il a fallu la saisir et c’est ce que nous avons national).
fait. [...] Les négociations sur la dissolution du Pacte de Varso- Vive la nouvelle République de Hongrie, qu’elle connaisse un
vie et du COMECOM n’ont pas été faciles. sort plus heureux que les précédentes ! [...] Je souhaite : La
Václav Havel, Méditations d’été, 1991 paix sur la terre.
Mátyas Szürös, président de la République, «Proclamation de la République
de Hongrie», 23 octobre 1989.

Inconnu
INA.fr, télévision roumaine
3 Le 19 août 1989, Tadeusz Mazowiecki, proche de Lech
Wałęsa, est désigné Premier ministre. Le président de la 5 Nicolae et Elena Ceaușescu lors de leur procès filmé du 25
République reste le général Jaruzelski jusqu’en décembre décembre 1989. Durant les années 80, le couple devient le
Exercices

1990. L’évènement provoque un séisme en Europe de symbole de la brutalité politique et du grotesque dans les
l’Est, poussant la Hongrie à ouvrir ses frontières et démo- Républiques populaires. Le 21 décembre 1989, Nicolae
cratiser le régime. est hué lors d’un vaste rassemblement populaire organisé
en soutien au régime. Des émeutes éclatent. Arrêtés, les
apparatchiks du régime organisent un procès expéditif. Le
couple est aussitôt exécuté à la Kalachnikov.

Chapitre 6 : De la dictature à la démocratie (1974-1995) 147


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3 L’indépendance des pays baltes

Proportion de Russes 1 Les États baltes jusqu’en 1991


en 1989
Avec une superficie de 65 200 km², la Lituanie est la plus étendue des trois Répu-
Estonie 30.3 % bliques baltes. Elle compte 3,7 millions d’habitants, dont 80 % de Lituaniens, les 20 %
Lettonie 37 % restants étant essentiellement d’origine russe et polonaise. Proclamée République indé-
pendante après l’effondrement de l’empire russe en 1918, elle est presque aussitôt en-
Lituanie 9.4 %
vahie par l’Armée rouge. En 1919, l’indépendance est définitivement reconnue au Traité
2 La proportion de Russes dans de Versailles, mais la Pologne annexe la région de Vilnius en 1920. Occupée par les
chaque pays balte. Allemands en 1939, la Lituanie est annexée par l’URSS en août 1940, puis de nouveau
occupée par les troupes nazies de 1941 à 1944, qui capitulent devant les Soviétiques en
septembre 1944. La Lituanie se déclare indépendante le 11 mars 1990. Son président
est Vytautas Landsbergis.
Questions L’Estonie est la plus petite (45 000 km²) et la moins peuplée des Républiques baltes
(1,5 million d’habitants, dont 60 % d’Estoniens). L’Estonie a fait partie de l’Empire russe
1. D’après l’ensemble des docs,
jusqu’au 12 avril 1917, avant de se constituer en État autonome. En 1918, Lénine la
présentez les facteurs internes cède à l’Allemagne. En 1920, les Soviétiques reconnaissent l’indépendance du pays.
et externes qui expliquent l’indé- Mais en août 1940, l’Estonie devient la quinzième République de l’URSS, avant d’être
pendance des pays baltes. Décri- envahie par les Allemands en 1941, puis reconquise par les Soviétiques en 1944.
vez les étapes et les faits. Le 30 mars 1990, le Parlement estonien décrète la souveraineté de la République, tou-
2. Montrez que la composition tefois assortie d’une «période de transition». L’indépendance est proclamée le 20 août
ethnique des pays baltes est un 1991, au second jour du putsch de Moscou. Le président de l’Estonie est Arnold Rüütel.
enjeu pour leur avenir (docs 1 La Lettonie compte 2,7 millions d’habitants sur une superficie de 63 700 km². Des
et 2). trois Républiques baltes, c’est celle où les Russes sont les plus nombreux puisqu’ils
atteignent 30%, les Lettons d’origine comptant pour moins de 60 %. Occupée par les
Allemands, puis par les bolchéviques, elle devient indépendante en 1920. Envahie par
l’Armée rouge en juin 1940, annexée à l’URSS en août, occupée par les Allemands en
1941, elle est incorporée de nouveau à l’URSS en 1944. Le Parlement letton proclame
le 4 mai 1990 la restauration des droits souverains de la Lettonie, puis l’indépendance
le 21 août 1991. Son président est Anatolijs Gorbunovs.

5 L’Acte de rétablissement de l’État lituanien


Le Conseil Suprême de la République de Lituanie, représen-
tant la volonté de la nation, décrète et proclame solennellement
que les pouvoirs souverains de l’État de Lituanie, abolis par les
forces étrangères en 1940, sont rétablis, et que désormais la
Lituanie est à nouveau un État indépendant.
L’Acte d’indépendance du 16 février 1918 du Conseil de Litua-
nie et le décret de l’Assemblée constituante du 15 mai 1920
Vida Press
sur la restauration de l’État démocratique de Lituanie n’ont
3 Barricades pour protéger le Conseil suprême soviétique de jamais perdu leur effet juridique et comprennent la fondation
Lituanie en janvier 1991. En effet, quelques jours avant, constitutionnelle de l’État de la Lituanie.
les troupes soviétiques ont déclenché des opérations mi- Le territoire de la Lituanie est un et indivisible et la constitution
litaires pour reprendre le contrôle des trois Républiques d’aucun autre État n’est valide à l’intérieur de ses frontières.
baltes sécessionnistes. Face à la résistance populaire, les
L’État de Lituanie insiste sur son adhésion aux principes uni-
Soviétiques se retirent, reconnaissant de fait l’indépen-
versellement reconnus de droit international, il reconnaît le
dance des Républiques.
principe d’inviolabilité de frontières comme formulé dans l’Acte
final de la Conférence sur la sécurité et la Coopération en Eu-
rope tenue à Helsinki en 1975, et il garantit les droits humains,
civils et ethniques des communautés.
Le Conseil Suprême de la République de Lituanie, en procla-
mant son pouvoir souverain, commence par le présent acte à
mettre en œuvre la souveraineté complète de son État.
Le Conseil Suprême de la République de Lituanie, 11 mars 1990.
Exercices

r Rimantas Lazdynas

4 Le 23 août 1989, pour commémorer le 50e anniversaire du


Pacte germano-soviétique, une grande chaîne humaine,
«la voie balte», s’organise de Vilnius à Tallinn sous l’initia-
tive d’un réformateur estonien. Les participants réclament
l’indépendance.

148 Chapitre 6 : De la dictature à la démocratie (1974-1995)


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III Les enjeux des nouvelles démocraties


1 Construire un nouvel État

1 Le «divorce de velours» 5 Les dangers des nouvelles démocraties


Tout porte à croire que la plupart des Tchèques ne se ren- Dans tous les pays post-totalitaires ou post-communistes, la
daient pas compte à quel point les Slovaques aspiraient à leur démocratie est extrêment fragile, instable, inexpérimentée. En
identité et à son expression législative. Ils ont été surpris de même temps, ces pays rencontrent infiniment de problèmes
voir ce désir s’éveiller avec autant d’insistance, et si vite après que les solides démocraties occidentales ne connaissent pas (à
notre révolution démocratique. commencer par l’éveil de la conscience nationale des peuples,
Quand je réfléchis à ce phénomène [...] je me rends compte en passant par la transition vers l’économie du marché [...]).
que je comprends assez bien un de ses aspects [...] : il s’agit Inévitablement, la menace du chaos éveille l’idée dangereuse
du refus, au fond logique, des Slovaques d’être toujours gou- de l’autoritarisme qui mène naturellement au renforcement des
vernés de l’extérieur, ce qui a été le cas dans toutes les pé- institutions démocratiques et de leur prestige, ce qui inclut le
riodes de leur histoire. [...] renforcement de l’autorité du chef de l’État. Ce n’est pas par
Les Slovaques ne veulent pas gouverner les Tchèques. Il se hasard que la Pologne, aussi bien que la Russie, ont décidé
considèrent simplement comme une communauté autonome l’élection directe du président.
Václav Havel, Méditations d’été, 1991
qui veut décider chez elle de ses affaires. [...] Je ne crois pas
qu’une souveraineté totale puisse apporter quoi que ce soit
de bon à la Slovaquie. [...] Néanmoins, je pense que le choix
dépend des Slovaques eux-mêmes. Je suis le dernier à vouloir
refuser aux nations leur droit à l’autodétermination.
Václav Havel, Méditations d’été, 1991
Sans incident, la Slovaquie devient finalement indépendante
6 La réunification allemande
le 1er janvier 1993. La scission se fait sans contre-coup éco- Le 3 octobre 1990, la réunification de l’Allemagne est célébrée
nomique et les deux États maintiennent des relations étroites. officiellement dans la liesse populaire. Le processus, qui n’a
demandé qu’une année pour s’accomplir, a connu toutefois un
cheminement tortueux. C’est qu’il s’agissait de biffer d’un trait
quarante années d’histoire. [...] Dans cette période de transi-
tion cruciale pour son peuple et pour l’Europe, Helmut Kohl a
révélé ses véritables talents d’homme d’État. Il a négocié avec
les dirigeants de l’Est, afin que la passation des pouvoirs se
passe sans violences et dans un cadre démocratique, avec les
élections du 18 mars 1990 en RDA, qui ont vu le triomphe du
en % Hongrie Pologne Slovaquie Tchéquie
Parti chrétien-démocrate de Lothar de Maizières. En signant le
Productivité du travail 55.6 54.2 35.9 29.4 «traité 2+4», il a réussi à amadouer François Mitterrand et les
Salaire réel 5.8 44.1 36.6 51.6 Polonais, qui redoutaient la création d’une Allemagne trop puis-
sante. Il a fait accepter à Gorbatchev que l’Allemagne nouvelle
2 Évolution de la productivité et du coût salarial unitaire en demeure au sein de l’OTAN et obtenu surtout d’une Bundes-
termes réels dans l’industrie de 1993 à 1998. Europe de l’Est :
économie politique d’une décennie de transition. Jean-Pierre Pagé, 2000.
bank réticente que l’union monétaire soit réalisée à la parité de
1 Deutsche Mark pour 1 Mark de l’Est.
Les Échos, 3 octobre 1990

Questions
D’après l’ensemble des documents, présentez les
enjeux des nouvelles démocraties et les diverses
­évolutions.

en % du PIB Grèce Espagne Portugal


1989-1993 2.6 0.7 1.4
Exercices

1994-1999 3 1.5 2 Union Européenne

2000-2006 2.8 1.3 1.6 4 Signature du traité d’adhésion de l’Espagne le 12 juin


3 Effet des fonds structurels de l’UE en Europe du Sud. Mi- 1985. La réussite de la transition démocratique en Europe
chael Dunford, «Le développement économique en Europe depuis 1950», du Sud est marquée par l’entrée dans la CEE de la Grèce
L’Information géographique, 2007. (1981), de l’Espagne et du Portugal (1986).

Chapitre 6 : De la dictature à la démocratie (1974-1995) 149


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2 Les guerres ethniques en ex-Yougoslavie

Quelques repères chronologiques : Secteur


américain
1989 : S. Milošević est élu président de Serbie. État d’ur-
gence au Kosovo.
1991 : déclarations d’indépendance de la Croatie et de
la Slovénie. Tuzla

1991 : en juin, guerre de 10 jours en Slovénie. Secteur Srebrenica


1991-1995 : guerre d’indépendance de la Croatie. Britannique Gornji Vakuf-Uskoplje

1992 : déclaration d’indépendance de la Bosnie. Sarajevo

1992-1995 : guerre de Bosnie. Goradze

1998-1999 : guerre du Kosovo. Mostar

2001 : insurrection en République de Macédoine.


Secteur
AUTRICHE français
HONGRIE Dubrovnik
0 50 km
SLOVÉNIE Réalisation : S. Coté

Ljubjana Zagreb ROUMANIE Limites des entités Principales routes


CROATIE VOÏVODINE
République serbe de Bosnie Gains territoriaux serbes
Gains territoriaux
Fédération croato-musulmane
croato-musulmans
BOSNIE- Belgrade Limites des trois secteurs de la force d’imposition (IFOR)
HERZÉGOVINE
Quartiers généraux des secteurs Quartier général de l’IFOR
Sarajevo
SERBIE
1 Les accords de Dayton du 14 décembre 1995.

MONTÉNÉGRO 0 50 km
Podgorica KOSOVO

MER Skopje
ADRIATIQUE SERBIE
MACÉDOINE
0 200 km
ALBANIE
Réalisation : S. Coté GRÈCE MONTÉNÉGRO
En pourcentage de la population
> 75 % < 75 % > 75 % < 75 %
Croates Monténégrins Pristina
Serbes Macédoniens

Bosniaques Hongrois

Slovènes Albanais
ALBANIE
Ex-Yougoslavie Bulgares
Albanais
2 Vision simplifiée de la composition ethnique de la Yougos- Serbes
lavie en 1989 et déplacement des populations à cause des Bosniaques
guerres. Gorans (Slaves musulmans)
Croates
Roms et Égyptiens
MACÉDOINE
Ashakali ( «Roms» albanisés)
Questions Réalisation : S. Coté Turcs

1. Décrivez la situation ethnique de la Yougoslavie 3 Répartition ethnique au Kosovo en 1990.


(doc 6). Justifiez l’affirmation que le système fédéral
Question 1: indépendance et souveraineté de la Croatie
yougoslave est un “fragile édifice”. Présentez la crise
politique et économique. 4.15%
93,24%
2. Listez les idées et les arguments que développe
S. Milošević dans son discours du 28 juin 1989 (doc 5). Question 2: maintien de la Croatie au sein de la Yougoslavie
Exercices

3. D’après les docs, analysez les causes, les formes et


92.18% 5.38%
les conséquences des guerres yougoslaves.
4. Pourquoi l’Europe sort-elle affaiblie de ces conflits ?
4 Résultats du référendum sur l’indépendance de la Croatie
Quelles analyses politiques internationales peut-on du 19 mai 1991. Ce dernier a lieu après la victoire aux élec-
faire de ce conflit (doc 7) ? tions législatives du parti nationaliste de Franjo Tuđman.

150 Chapitre 6 : De la dictature à la démocratie (1974-1995)


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5 Le discours du «champ des merles» 6 La crise politique et économique de la Yougoslavie


Il y a six siècles, six cents ans exactement qu’en ce lieu, au Les émeutes albanaises d’avril 1981 ont entraîné des départs
cœur de la Serbie, sur le champ du Kosovo, fut livrée l’une des de Serbes du Kosovo, réfugiés qui ont diffusé la peur en Ser-
plus grandes batailles de l’époque. […] Cette grande célébra- bie. Le mouvement de Milošević est une réaction contre cette
tion s’inscrit en une année durant laquelle la Serbie a recouvré peur. [...] Un de ses objectifs proclamés est la réforme de la
son intégrité politique nationale et spirituelle. […] Si nous avons Constitution du 21 février 1974 dans une direction centraliste.
perdu la bataille, il y a six cents ans, ce n’est pas uniquement En effet, ladite Constitution a été conçue non seulement pour
dû à la supériorité sociale et à la puissance militaire de l’Empire empêcher la prise du pouvoir d’un seul homme après la mort
ottoman, mais aussi à la tragique discorde qui régnait à la tête de Tito, mais également la domination d’une nationalité sur les
de l’État serbe. […] La discorde et la trahison suivront le peuple autres. [...]
serbe comme une malédiction tout au long de son histoire. […] Le problème est difficilement soluble dans la mesure où la
La Serbie est aujourd’hui unie, à pied d’égalité avec les autres Yougoslavie connaît une crise économique très profonde de-
républiques, et prête à tout faire pour améliorer les condi- puis 1981 : chute du niveau de vie de plus de 30 % en six ans,
tions d’existence matérielles et sociales de ses citoyens. […] inflation annuelle de plus de 200 % en 1987 et en 1988, chô-
La Yougoslavie est une communauté plurinationale et elle ne mage de 14 % de la population active, sans compter un million
peut subsister que moyennant une égalité totale de toutes les d’ouvriers émigrés à l’étranger, dette extérieure de 21 milliards
nations qui y cohabitent. La crise qui a frappé la Yougoslavie de dollars, soit environ 40 % du PIB. [...]
a conduit à des partages nationaux, mais aussi sociaux, cultu- L’autorité charismatique de Tito ou, pour parler plus directe-
rels et confessionnels. Entre tous ces partages, les nationaux ment, le culte de la personnalité dont il a bénéficié, a contribué
se sont avérés les plus dramatiques. Leur élimination facilitera à masquer ou rendre supportables beaucoup de contradictions
l’aplanissement des autres dissensions et atténuera les consé- de la politique suivie en 1945 et 1980. [...] Après la mort de
quences de celles-ci. Tito, la Yougoslavie se retrouve avec une direction collective
Slobodan Milošević, «L’égalité des rapports et la concorde, conditions
dont l’autorité n’est que légale. [...] Le mélange d’anarchie et
indispensables pour la survie de la Yougoslavie», célébration de la bataille
de Kosovo Polje (1389), 28 juin 1989. de paralysie issu des évènements de 1987 et 1988, a permis
l’émergence d’un autre acteur au rôle discret mais certain, der-
nière ligne de défense du système, l’armée.
Joseph Krulic, «La crise du système politique dans la Yougoslavie des
années 1980», Revue française de science politique, 1989.

7 L’échec de l’Europe
La guerre du Kosovo n’est pas une simple reproduction de la
guerre en Bosnie. Les images de réfugiés, le «nettoyage eth-
nique», la crainte renouvelée des débordements dans les pays
voisins, les menaces de l’OTAN contre Slobodan Milošević fi-
nalement mises à exécution, créent une similitude trompeuse.
La guerre du Kosovo représente, à plusieurs titres, une «pre-
mière» qui augure une nouvelle ère dans les relations interna-
tionales. Elle est annonciatrice de tendances qui marqueront
l’Europe du XXIe s. - des tendances «d’après guerre froide».
Le sacro-saint principe de la souveraineté des États est un
peu plus ébranlé. Dans la nuit du vendredi 2 au samedi 3 avril
[1999], une grande capitale européenne a subi un bombarde-
AP ment aérien pour la première fois depuis la fin de la Seconde
Guerre mondiale. Pour la première fois, l’OTAN, alliance dé-
8 Du 11 au 16 juillet 1995, en présence des forces néer-
fensive, a fait usage de la force contre un État souverain pour
landaises de l’ONU, 8 000 hommes et adolescents bos-
niaques (musulmans) sont massacrés par les milices des problèmes de politique interne à cet État. […]
serbes commandées par le général Ratko Mladić. Ce mas- L’Europe de la défense a des années de retard. Le déploie-
sacre, considéré comme un génocide par le Tribunal pénal ment militaire de l’OTAN illustre l’extrême faiblesse militaire de
international de La Haye, montre la volonté de «nettoyage l’Union européenne. L’identité de l’Europe en la matière paraît
ethnique» des nationalistes serbes. quasi inexistante. […] Les Européens - essentiellement les
Allemands, les Britanniques et les Français - prennent certes
leur part dans l’offensive mais ils auraient été parfaitement in-
capables de la mener sans les États-Unis. […]
En se passant d’un mandat du Conseil de sécurité de l’ONU
Banja Luka Banja Luka
par crainte d’un veto russe, les alliés affirment, au Kosovo, que
le développement de la coopération avec la Russie n’est pas
Tuzla Tuzla
leur première priorité, au risque de recréer les lignes de frac-
Srebrenica
Gornji Vakuf-Uskoplje Gornji Vakuf-Uskoplje
Srebrenica
ture de la guerre froide. […]
Sarajevo Sarajevo La justification humanitaire l’emporte sur le principe de souve-
Goradze Goradze
raineté. L’invocation de la catastrophe humanitaire menaçante
Mostar Mostar
pour justifier l’action de l’OTAN sans mandat formel de l’ONU
crée un précédent étonnant. […] Corollaire de l’affaiblissement
Exercices

Dubrovnik Dubrovnik du principe de souveraineté, le droit d’ingérence humanitaire


0 50 km
Surce : université de Laval. Réalisation : S. Coté
0 50 km
Surce : université de Laval. Réalisation : S. Coté
prend une valeur supérieure au respect des frontières, un des
Les Croates
Plus de 66 %
Les Serbes
Plus de 66 %
Les Bosniaques
Plus de 66 %
Les Croates
Plus de 66 %
Les Serbes
Plus de 66 %
Les Bosniaques
Plus de 66 %
piliers de l’ordre ancien. C’est une nouvelle Europe qui se
Plus de 30 à 65 % Plus de 30 à 65 % Plus de 30 à 65 %
Secteurs bosno-croates
­dessine.
Jusqu’à 50 % Jusqu’à 50 % Jusqu’à 50 %
A. Frachon, D. Vernet, «Cinq leçons d’une guerre pour l’Europe du XXIe s.»,
9 La recomposition ethnique en Bosnie entre 1991 et 1998 Le Monde, 7 avril 1999.

Chapitre 6 : De la dictature à la démocratie (1974-1995) 151


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3 Solder les comptes du passé

3 L’Espagne face à son histoire


10 ans après la mort de Franco, L’Espagne réconciliée
Qui aurait pu imaginer une telle scène il y a quelques années
encore ? Sur le petit écran de la télévision espagnole, à une
heure de grande écoute, M. Jorge Semprun, l’ancien «Fede-
rico Sanchez» clandestin du Parti communiste, M. Narcisso
Perales, un des fondateurs de la Phalange (parti de Franco), le
sénateur Jose Prat, dirigeant «historique «du Parti socialiste,
et M. Blas Pinar, leader de l’ancienne formation d’extrême
droite Fuerza Nueva, dissertant courtoisement, entre hommes
du monde, de la figure historique de Francisco Franco !
C’est un symbole : à Madrid, des hommes politiques hier
encore ennemis acharnés peuvent désormais débattre sans
PAUL VREEKER / REUTERS - AFP en découdre de celui qui personnifia, pendant quarante ans,
la coupure entre les «deux Espagne». Voilà qui illustre bien
1 S. Milošević lors de son procès à La Haye. Le tribunal
pénal international pour l’ex-Yougoslavie est créé en mai le climat exempt de crispation dans lequel les Espagnols, sur
1993 afin de poursuivre les personnes coupables de vio- le point de s’intégrer à l’Europe communautaire, s’apprêtent
lations graves du droit international humanitaire. 161 per- à vivre le 20 novembre (et à célébrer pour quelques-uns) le
sonnes sont mises en accusation, d’origine serbe, croate dixième anniversaire de la mort du général Franco.
ou albanaise. Thierry Maliniak, «10 ans après la mort de Franco, L’Espagne réconciliée»,
Le Monde, 20 novembre 1985.
Trente ans après la mort de Franco, l’Espagne reste divi-
sée par son histoire
Trente ans après la mort de Francisco Franco, survenue
2 La loi mémorielle de 2007 en Espagne le 20 novembre 1975, l’Espagne a enseveli la dictature
dans un oubli assumé par les institutions et une grande
Personne ne peut se sentir légitimé, comme cela s’est partie des Espagnols, qui préfèrent ne pas rouvrir les
produit dans le passé, à utiliser la violence pour impo- blessures du passé. L’occasion n’a donné lieu à aucun
ser ses convictions politiques et établir des régimes acte officiel pour rappeler les victimes de la guerre civile
totalitaires contraires à la liberté et à la dignité de tous (1936-1939) puis de la dictature.
les citoyens. [...] En effet, nous proclamons le caractère
Mais la société espagnole reste divisée en profondeur
injuste de toutes les condamnations, sanctions et vio-
sur la compréhension de cette période. Pour ne pas
lences personnelles subies, pour des raisons politiques
faire tomber le pays dans la guerre civile, la transition
ou idéologiques, pendant la guerre civile, ainsi que celles
démocratique s’est réalisée sans travail de mémoire et,
qui ont eu lieu lors de la dictature ultérieure.
depuis 1975, aucun gouvernement ne s’est penché sur
En réponse à une demande légitime de nombreux ci- ce passé douloureux. [...]
toyens qui ignorent où se trouvent leurs proches, dont
Cette année encore, les nostalgiques du franquisme ont
certains se trouvent encore dans des fosses communes,
multiplié les manifestations. Une marche de protestation
la loi prévoit des mesures et des instruments permettant
contre un projet de modification du statut de la Cata-
aux administrations publiques de faciliter la demande des
logne a rassemblé, samedi 20 novembre, à la mi-jour-
intéressés, les tâches de localisation et, le cas échéant,
née skinheads et dames bien mises. Scandant des slo-
d’identification des personnes disparues. [...]
gans franquistes, ils ont dénoncé ce qu’ils considèrent
Une série de mesures est également établie qui concerne comme une menace pour l’unité espagnole. Par ailleurs
les symboles et les monuments commémorant la guerre une messe à la mémoire du «généralissime» et des vic-
civile ou la dictature, sur la base du principe consistant times de la guerre civile de 1936-1939 a rassemblé des
à éviter toute exaltation du soulèvement militaire, de la milliers de sympathisants de droite dans la Valle de los
guerre civile et de la répression de la dictature, dans Caidos (Vallée des Morts), à une cinquantaine de kilo-
la conviction que les citoyens ont le droit que les sym- mètres au nord de Madrid, où Franco repose dans un
boles publics soient une occasion de rencontre et non imposant mausolée.
de confrontation. [...]
Le Monde avec l’AFP, 20 novembre 2005
Afin de faciliter la collecte et le droit d’accès à l’informa-
tion historique sur la guerre civile espagnole, la loi ren-
force le rôle de l’actuelle Archive générale de la guerre
civile espagnole. [...]
En résumé, la présente loi vise à contribuer à fermer
Questions
les plaies encore ouvertes chez les Espagnols et à don-
1. Faites une recherche complémentaire sur le TPIY de
Exercices

ner satisfaction aux citoyens qui ont subi, directement ou


en la personne de leurs proches, les conséquences de l’ex-Yougoslavie. Le tribunal a-t-il jugé les coupables
la tragédie de la guerre civile ou de la répression de la et réconcilié les communautés ? ­Justifiez.
­dictature. 2. Comment évolue la mémoire du franquisme en Es-
Loi sur la mémoire historique, 26 décembre 2007 pagne ? Présentez les mesures de l’État espagnol.

152 Chapitre 6 : De la dictature à la démocratie (1974-1995)


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Chapitre De la dictature à la
Démocratie (1974-1995)
6

Gilles Leimdorfer, AFP

1 Le 3 octobre 1990, les Allemands fêtent l’unification de la RFA et de la RDA devant la porte de Brandebourg.

Cours

2 Une approche originale pour comprendre la dictature des Colonels en Grèce.

Chapitre 6 : De la dictature à la démocratie (1974-1995) 153


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I La fin des dictatures en Europe du sud

1 Situation économique de l’Europe du Sud

L’Europe du Sud, après la guerre, se caractérise par la pré-


pondérance des activités rurales. La terre est occupée par
de grandes propriétés foncières (Latifundia en Espagne) sur
lesquelles travaillent des paysans pauvres bien souvent en-
dettés. L’aristocratie et les grands propriétaires contrôlent le
système politique et bloquent les transformations sociales qui
permettraient de moderniser cette agriculture extensive.
Quelques variantes existent selon les pays. Jusqu’à la fin des Casa de Colòn

années 50, l’Espagne connaît une période d’autarcie, mar- 1 Modernisation de l’agriculture en Espagne à
quée par un manque de liberté économique et une économie Gran Canaria dans les années 60.
corporatiste. Le pays est isolé en raison de la dictature et ne
profite pas du plan Marshall. Le rationnement est généra-
lisé. Franco empêche les importations pour protéger l’industrie
locale. La situation sociale devient explosive avec une forte
inflation et une production de mauvaise qualité. C’est pour-
quoi, poussé par les États-Unis, le régime choisit, à la fin des
années 50, le libéralisme économique (le desarrollo) : les
capitaux étrangers sont acceptés, l’Espagne entre au FMI, des
technocrates remplacent les anciens cadres administratifs et
le pays s’urbanise. L’économie espagnole décolle, à l’image
du tourisme en pleine expansion.
Au Portugal, l’Estado Novo est toujours en vigueur. Ce
régime correspond à la doctrine du gouvernement portugais 2 Athènes dans les années 50.
dirigé par Antonio de Olivieira Salazar. Il défend l’église,
l’armée et les corporations. Le budget doit être équilibré et les
colonies, sources de matières premières, doivent être conser-
vées coûte que coûte. Tous ces éléments empêchent de mo-
derniser rapidement le pays.
La Grèce connaît une situation contrastée. Bénéficiaire du
plan Marshall, le gros des aides passe dans l’achat d’armes
pour éliminer les communistes. Mais avec la stabilisation
politique, et malgré l’absence de liberté, la Grèce connaît un
développement économique. Le tourisme et la marine
marchande ont une croissance annuelle de 7 %. Le pays s’ur-
banise bien que le secteur industriel reste à la traîne.

2 La fin de la dictature des colonels en Grèce

Après la guerre civile, le paysage politique de la Grèce reste


troublé. Au début des années 50, la droite conservatrice radi-
cale impose un régime autoritaire peu respectueux des liber-
tés. À la suite de l’assassinat politique de Gregoris Lambrakis
en 1963, Georgios Papandréou gagne les élections en 1964.
Il amorce la démocratisation du pays. Mais cette évolution
irrite le roi et l’armée. Au nom d’un prétendu complot commu-
niste, l’armée, discrètement soutenue par la CIA, réalise un
coup d’État en avril 1967. C’est la “dictature des colonels”. Keystone-France/Gamma-Keystone

Constantin II, le roi de Grèce, se désolidarise des putschistes 3 Le député de gauche démocratique, Grigo-
ris Lambrakis, en Grèce en 1963. Costa-Ga-
Cours

et tente un contre-coup d’État sans succès en décembre 1967. vras dans son film Z (1967), s’inspire de son
Sans réel programme hormis l’instauration d’un «ordre moral» meurtre en 1963 pour dénoncer la dictature des
­colonels.
chrétien, les colonels, pour consolider leur pouvoir, cherchent

154 Chapitre 6 : De la dictature à la démocratie (1974-1995)


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à éliminer toute forme d’opposition et de contestation. Geór-


gios Papadópoulos joue un rôle central. Bien que les op-
posants politiques soient arrêtés, torturés ou condamnés à
l’exil ; bien que les fonctionnaires libéraux soient révoqués ; la
dictature et la censure au pouvoir ne parviennent pas à empê-
cher les manifestations monstres. En 1973, la monarchie est
abolie et Papadópoulos devient le président de la République.
C’est la crise chypriote qui est fatale au régime. Les étudiants
se révoltent en 1973 à l’École Polytechnique d’Athènes obli-
geant le gouvernement à les déloger avec les chars. En même
temps, Chypre entre dans une période de troubles. En juillet
1974, une organisation paramilitaire prend le pouvoir et veut
organiser un régime sur le modèle des colonels grecs. Ce
coup d’État rompt le fragile équilibre entre les communautés
grecques et turques. Les troupes turques envahissent le nord
de l’île conduisant à la partition de Chypre en deux États.
Face à l’impuissance du régime militaire, les colonels sont
évincés au profit d’un régime civil. Des élections sont orga-
nisées en novembre 1974. Pendant cette période de chan-
gement de régime (Metapolítefsi en grec) le parti commu-
niste est légalisé, la monarchie est abolie et la République
­proclamée.

Inconnu
3 La victoire de la démocratie au Portugal

Le Portugal connaît aussi un régime autoritaire fondé sur des


valeurs traditionnelles. Mais cette fois-ci, face aux échecs éco-
nomiques et politiques du régime, c’est l’armée qui entre en
1 Georges Papadopoulos (1919-1999) est un résistance et initie la transition démocratique.
des co-organisateurs du coup d’État militaire
des colonels en 1967. Antonio de Oliviera Salazar, fondateur de Estado Novo, a
été écarté du pouvoir en 1968 pour raison de santé au profit
de Marcelo Caetano. Au début des années 70, le régime per-
dure, imposant une chape de plomb sur le pays. Le régime vieil-
lit alors que l’Occident est en pleine mutation culturelle et intel-
lectuelle. Ce qui précipite la fin du régime, ce sont les guerres
coloniales. Le coût devient prohibitif, les jeunes rechignent à
partir combattre pour un empire perdu d’avance et, surtout, les
officiers trouvent inutile, au plan stratégique, une telle guerre.
Antonio Spinola tente de convaincre Caetano de trouver une
solution politique à cette guerre. Les militaires qui lui sont hos-
tiles organisent le Mouvement des Forces Armées (MFA).
Après plusieurs tentatives d’actions, le MFA, en connexion avec
Spinola, tente de s’emparer des points stratégiques du pays le
25 avril 1974. Des milliers de Portugais descendent dans la rue
et se mêlent aux militaires. Au marché aux fleurs de Lisbonne,
un des points principaux de rassemblement, les soldats mettent
des Œillets dans leurs fusils, d’où le surnom de la révolution
des œillets (Revolução dos Cravos en portugais).
Caetano confie le pouvoir à Spinola qui installe une junte mili-
taire au pouvoir avec un programme basé sur les 3 D : démo-
cratiser, décoloniser, développer. Malheureusement, les
Brazilian National Archives désaccords entre les généraux entraînent des troubles. Malgré
2 Marcelo Caetano (1906-1980), premier ministre tout, une nouvelle constitution est rédigée, la liberté d’ex-
portugais. Il succède à Salazar. Il est renversé pression garantie, les prisonniers politiques libérés et la vie
Cours

lors de la révolution des œillets en 1974. politique démocratisée. En juillet 1976, Mario Soares prend la
tête du Premier gouvernement constitutionel. L’instabilité per-
dure mais le pays ne retombe pas dans la dictature.

Chapitre 6 : De la dictature à la démocratie (1974-1995) 155


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4 La fin du franquisme en Espagne


En 1969, devant les Cortes Generales, Franco désigne
Juan Carlos comme son successeur en tant que roi d’Es- Biographie - Définition
pagne. La société espagnole s’est profondément transformée Felipe González (1942- ) : Avocat, il adhère
depuis la guerre civile. Une nouvelle génération moderne as- au parti socialiste (PSOE) dans la clandestini-
pire au changement et revendique dans les universités, les té et s’oppose au régime franquiste. Il revient
usines et même dans les milieux franquistes. d’exil pour participer à la transition démo-
cratique et se retrouve élu député en 1977.
Bien que malade, Franco conserve le pouvoir jusqu’à sa
À la suite des élections de 1982, il devient
mort le 20 novembre 1975. Juan Carlos est proclamé roi le plus jeune président du gouvernement,
le même jour et hérite des pouvoirs du régime franquiste : fonction qu’il occupe jusqu’en 1996. Il mène
armée, parti unique, Cortes. Les manifestations se multiplient. de front des réformes économiques d’inspi-
Le roi nomme alors un Premier ministre réformiste, issu des ration libérale et des réformes sociales. Il
milieux franquistes, Adolfo Suàrez. Rapidement, en 1976, les peine à diminuer le taux de chômage (envi-
partis politiques sont légalisés, l’amnistie des prisonniers poli- ron 20 %) et le niveau de la dette. Des scan-
tiques est prononcée et certaines régions obtiennent un statut dales financiers et politiques ternissent la fin
d’autonomie (Catalogne, Pays Basque...). de son mandat.
ETA : Euskadi Ta Askatasuna (Pays basque et
Le 15 juin 1977, les premières élections démocratiques
liberté) est une organisation basque usant de
depuis 1936 sont organisées avec l’élection de l’assemblée la lutte armée pour obtenir l’indépendance
constituante. Le parti de Suàrez arrive en tête. Derrière se du Pays basque. Créé en 1959, le groupe
situe le PSOE (Parti socialiste). Malgré la crise économique passe tout de suite à l’action révolutionnaire
et les attentats en particulier de l’ETA et de néo-facistes, la en multipliant les attentats et les victimes
constitution est promulguée. Le système politique est décen- collatérales. Au début populaire parce que
tralisé. Suàrez démissionne en janvier 1981, affaibli par les s’opposant au régime franquiste, l’extorsion
divisions de son propre camp. Les choses s’accélèrent le 23 de fonds (l’impôt révolutionnaire), l’assassi-
février 1981 au moment de l’investiture du nouveau président nat ciblé de personnalités et le caractère
aveugle des attentats retournent l’opinion.
du gouvernement. Le lieutenant-colonel Antonio Tejero et 200
La lutte avec l’État espagnol est sans pitié
gardes civils investissent le parlement par la force. Le
quitte à ce que ce dernier crée des contre-
putsch échoue grâce à la division des généraux sur la consti- groupes antiterroristes assassinant les mili-
tution du nouveau gouvernement et l’action énergique du roi, tants d’ETA. En 2011, l’organisation annonce
qui demande aux généraux de lui rester fidèles tout en rappe- l’arrêt définitif de ses activités armées. De-
lant la confiance qu’il porte au gouvernement. puis 1960, ses actions ont provoqué près de
La victoire le 28 octobre 1982 de Felipe Gonzàlez (PSOE) 500 victimes et près de 20 000 militants ont
été incarcérés.
aux élections législatives et l’alternance politique qui s’ensuit
montre la maturité de la démocratie espagnole.

II La fin des démocraties populaires en Europe de l’Est


1 La vivacité de la société civile à l’Est avant 1989
Le mirage de la société de consommation occidentale apparaît
dans les années 80. Là où les différences s’étaient atténuées
dans les années 70 (logements, voitures, électroménager),
l’écart se creuse de nouveau. Les pénuries alimentaires réappa-
raissent. La crise du logement se renforce. Il s’installe un cercle
vicieux entre manque de produits, démotivation des producteurs
et détérioration de la situation économique.
Ce manque d’ardeur au travail devient une forme de résistance
nationale. Parce que dans les société de l’Est, la société civile n’a Inconnu

pas cessé d’exister malgré les purges et les appareils sécuritaires 1 Chaîne de montage de la Trabant à Zwickau en
Cours

Europe de l’Est.
(Stasi en RDA ou Securitate en Roumanie), les intellectuels, les
artistes, les syndicalistes et de simples citoyens s’expriment ou
publient pour demander la démocratisation du régime.

156 Chapitre 6 : De la dictature à la démocratie (1974-1995)


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En Tchécoslovaquie, malgré la répression du printemps de


Biographies Prague, les intellectuels restent actifs. La Charte de 77 ap-
Lech Wałęsa (1943- ) : Né dans un milieu pelle à une rénovation des pratiques politiques et une réforme
modeste et très catholique, il fait des études de fond du pays.
d’électricien. A 24 ans, il est embauché aux
chantiers navals Lénine à Gdansk. Dès 1970, En Pologne, pays toujours imprégné par le catholicisme, émerge
il participe aux premières grèves. Face à une résistance syndicale forte incarnée par Solidarność. Auto-
l’inefficacité des syndicats officiels, il prend risé en 1980, interdit en décembre 1981, le syndicat défend
la tête du mouvement des grèves d’août un système autogestionnaire, social et démocratique. Lech
1980. Il devient le leader de Solidarność. Son Wałęsa veut restituer son autonomie à la société polonaise,
syndicat est rapidement interdit et lui-même sans s’attaquer au rôle du parti communiste ou aux alliances
est emprisonné. En 1983, il reçoit le prix militaires. L’expérience s’arrête net avec la loi martiale instaurée
Nobel de la paix. En juin 1989, Solidarność en décembre 1981 par le général Jaruzelski.
remporte les élections et il devient président
en 1990. Il est battu en 1995.
Václav Havel (1936-2011) : Il est un écrivain 2 Le basculement de 1989
qui s’engage contre les excès du commu- C’est le lancement de la perestroïka par M. Gorbatchev en
nisme dès son plus jeune âge. À l’origine de
1985 et le repli de l’URSS sur ses problèmes intérieurs qui
la Charte de 77, il est le plus connu des dis-
sidents tchèques. En 1988, il crée le Forum vont déstabiliser les partis communistes d’Europe de l’Est. Pri-
civique à l’origine de la «révolution de ve- vés du soutien soviétique et devant faire face à une dissidence
lours». Il est élu président de la République renforcée par la libéralisation entamée en URSS, les démo-
en décembre 1989. Il quitte définitivement craties populaires cèdent peu à peu au vent du changement,
cette fonction en 2003. avec plus ou moins de facilité.
La Pologne et la Hongrie ouvrent la voie de la sortie du com-
munisme : en juin 1989, Solidarność remporte les premières
élections libres. Dès le début mai 1989, la Hongrie ouvre sa
frontière avec l’Ouest. La chute du mur de Berlin, le 9 no-
vembre 1989, précipite la réunification allemande et marque
le début du démantèlement du bloc de l’Est.
Entre novembre et décembre 1989, les régimes commu-
nistes disparaissent en Tchécoslovaquie («révolution de
1 Le palais du peuple à Bucarest. Folie architec-
turale de Ceausescu. velours»), en Hongrie et en Bulgarie. En Roumanie, le pro-
cessus est plus violent. Le couple Ceausescu est exécuté le
25 décembre 1989 par les apparatchiks du régime afin de
conserver leur place tout en changeant l’apparence du régime.
En 1990, le général Jaruzelski démissionne et Lech Wałęsa
est élu président. Le Pacte de Varsovie est dissout en 1991.

3 L’indépendance des pays baltes

L’URSS subit le contre-coup de la disparition des démocra-


ties populaires en Europe de l’Est. L’annexion des pays baltes
par les Soviétiques durant la guerre n’ayant jamais été recon-
AFP/Gérard Malie nue au plan international, l’opposition balte réclame l’indé-
2 Le 9 novembre 1989, le mur de Berlin s’effondre pendance, dès le lancement de la glasnost. Des manifestants
sous les coups de la population. exigent la rupture des liens avec l’URSS. En août 1989, de Tal-
lin à Vilnius en passant par Riga, la population forme la «voie
balte», une chaîne humaine de près de 560 km. Elle dénonce le
pacte germano-soviétique de 1939 à l’origine de leur annexion.
Moscou ne peut laisser se développer un mouvement de
nationalité dans son propre territoire et réagit par un embargo
économique. Toutefois, le régime refuse la solution militaire
après l’échec en janvier 1991 de reprendre par la force le
contrôle des bâtiments gouvernementaux. Les manifestations
sont massives, dans les pays baltes autant qu’à Moscou.
Parlement européen
Cours

3 Vytautas Landsbergis (1932) joue un rôle es- À la suite du putsch soviétique d’août 1991, les pays baltes
sentiel dans la marche à l’indépendance en peuvent déclarer leur indépendance, laquelle est reconnue en
Lituanie et devient président en 1990. septembre 1991 par Moscou. Trois mois après, l’URSS disparaît.

Chapitre 6 : De la dictature à la démocratie (1974-1995) 157


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III Les enjeux des nouvelles démocraties


1 Construire un nouvel État

La disparition des démocraties populaires signifie l’instaura-


tion du multipartisme et l’organisation d’élections libres.
Des opposants historiques comme Lech Wałęsa en Pologne
ou Václav Havel en Tchécoslovaquie deviennent présidents.
L’Europe semble entrer dans une nouvelle ère fondée sur la
paix et la concorde sociale.
La rupture politique est en somme relativement facile. Le
passage à l’économie de marché s’avère plus difficile. La Asia Zaeosinska
Asia Zarosinska

conversion rapide des économies planifiées se traduit par la 1 Chantiers navals de Gdansk dans les an-
nées 90.
fermeture de nombreux conglomérats. Le PIB chute de 15%.
Les chantiers navals emblématiques de la résistance au com-
munisme de Gdansk sont menacés de fermeture. L’inflation
pèse sur les salaires tandis que le chômage augmente et que
l’émigration s’accélère. Toutefois, dès 1993, la croissance
est au rendez-vous. Les investissements étrangers affluent,
attirés par une main d’œuvre bien formée à bas-coût.
Mais les nouvelles démocraties doivent affronter un mal plus
profond : le nationalisme. Les frustrations sociales portent
une frange de la population à se réfugier dans le traditiona-
lisme et la glorification d’un passé fantasmé. La carte de l’Eu-
rope est de nouveau remodelée. L’Allemagne voit la réunifi-
cation en 1990 de la RFA et de la RDA sans conflit intérieur et Inconnu. Wikimédia
extérieur grâce aux talents d’Helmut Kohl. De même, le «di-
2 Bombardement du centre historique de la ville
vorce de velours» donne naissance en 1993 à la Slovaquie croate de Dubrovnik d’octobre 1991 à mai 1992.
et à la République tchèque sans confrontation violente. Mais
en Yougoslavie, les revendications nationalistes débouchent
sur une guerre civile sanguinaire. 3 Le massacre de Srebrenica au TPIY*
Bien que les musulmans aient repris Srebrenica,

2 Les guerres ethniques en ex-Yougoslavie la ville est restée assiégée par les forces serbes et
isolée des territoires voisins, où des poches de mu-
sulmans résistaient à l’offensive militaire [...]. D’avril
À la mort de Tito en 1980, la Yougoslavie connaît une grave 1992 à mars 1993, les Serbes ont soumis la ville
crise économique qui devient petit à petit politique. La de Srebrenica et les villages situés en territoire mu-
Croatie et la Slovénie demandent plus d’autonomie au sein de sulman à de multiples offensives, notamment à des
attaques d’artillerie, des tirs isolés et, occasionnelle-
la confédération yougoslave. Les vieilles haines entre commu- ment, à des bombardements aériens. Ces attaques
nautés réapparaissent, exploitées par des hommes politiques suivaient toutes le même schéma. Des soldats et
comme Slobodan Milošević en Serbie. Il demande une fédé- des paramilitaires serbes investissaient un village
ration plus centralisée au profit de la Serbie. ou hameau musulman, appelaient la population à
rendre les armes, puis commençaient à bombarder
Lorsque la Croatie et la Slovénie proclament leur indépen- et à tirer sans discrimination. Dans la plupart des cas,
dance en 1991, les troubles éclatent. La Slovénie, isolée au ils entraient ensuite dans le village ou le hameau,
Nord par la Croatie, ne connaît que quelques incidents mar- chassaient ou tuaient les habitants, qui n’offraient
ginaux. Alors qu’en Croatie éclate une guerre sanglante. Les que peu de résistance, et détruisaient leurs maisons.
À cette époque, Srebrenica était chaque jour et de
bombardements terrestres et aériens dévastent des villes toutes parts la cible de bombardements indiscrimi-
comme Vukovar ou Dubrovnik sans compter les mas- nés. C’était surtout le village de Potočari, maillon
sacres. L’intervention de l’ONU en 1992, qui définit des zones stratégique de la ligne de défense autour de Srebre-
de contrôles, stoppe les opérations militaires majeures. nica, qui essuyait les attaques quotidiennes de l’artil-
lerie et de l’infanterie serbes. Par ailleurs, d’autres
Le conflit se réactive pourtant en Bosnie. Cette République villages musulmans étaient systématiquement atta-
est divisée entre Serbes, Croates et Bosniaques musul- qués. Ces opérations ont jeté un grand nombre de
mans. Stimulées par Radovan Karadžić, les milices serbes réfugiés sur les routes et fait beaucoup de victimes.
assiègent la capitale Sarajevo, pratiquent de nombreuses Extrait des «considérations générales» du jugement du TPIY*
Cours

concernant les personnes présumées responsables de viola-


atrocités (viols de guerre) et poursuivent un programme de tions graves du droit international humanitaire, 30 juin 2006.
nettoyage ethnique. Par exemple, à Srebrenica, 8 000 per- * TPIY : Tribunal pénal international pour l’ex-You-
sonnes sont éxécutées sommairement. L’interventionisme goslavie à La Haye.

158 Chapitre 6 : De la dictature à la démocratie (1974-1995)


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américain par le biais de l’OTAN pousse les belligérants à


négocier, ce qui aboutit aux accords de Dayton en 1995.
Le conflit perdure alors à l’intérieur de la Serbie au Koso-
vo. Dès les années 80, le territoire connaît une agitation poli-
tique violente pour défendre la liberté des Albanais. En 1990,
S. Milošević révoque l’autonomie de la région, entraînant l’ex-
clusion des Albanais de la plupart des emplois. En réaction, en
1996, l’UÇK (Armée de libération du Kosovo) multiplie les at-
taques contre les représentants serbes. La répression popula-
rise les actions violentes de l’UÇK et débouche sur une guerre
ouverte. L’offensive serbe sans discernement provoque la
fuite de plus de 800 000 Albanais, la mort de nombreux civils
1 En août 1992, Ed Vulliamy du journal The Guar- et des rumeurs de nettoyage ethnique. La situation conduit à
dian, Jeremy Irvin, Ian Williams et Penny Mar- nouveau l’OTAN à intervenir en 1999 et la Serbie est durement
shall de la chaîne TV ITN révèlent l’existence du bombardée. L’ONU prend alors le contrôle du Kosovo.
camp de concentration d’Omarska en Bosnie.
La Macédoine se sépare aussi de la Yougoslavie. Des
troubles éclatent en 2001 entre la minorité albanaise et la
AUTRICHE majorité macédonienne. Mais l’intervention de l’Union Euro-
3200 HONGRIE
péenne, de l’OTAN et de l’ONU permet d’éviter le conflit et
SLOVÉNIE
6 000 ROUMANIE
mène aux accords d’Ohrid.
Ljubjana Zagreb
400 000 100 000
Au final, ces conflits animés par la haine nationaliste pro-
CROATIE VOÏVODINE

voquent la dislocation de la Yougoslavie. Les estimations


BOSNIE-
400 000 HERZÉGOVINE
Belgrade
SERBIE
de victimes sont difficiles à établir mais pourraient s’élever à
200 000
700 000 140 000 avec 2.4 millions de réfugiés. Les populations serbes
Sarajevo
de Krajina et de Slavonie sont chassées de leur terre et celles
MONTÉNÉGRO du Kosovo harcelées. Les dommages de guerre s’élèveraient
70 000 200 000 de 50 à 70 milliards de dollars avec un peu moins de 2000 km²
Podgorica 300 000
MER KOSOVO infestés de mines.
Skopje

3
ADRIATIQUE 160 000 160 000 Solder les comptes du passé
MACÉDOINE
0 200 km
Source : Population et Avenir
Réalisation : S. Coté
ALBANIE GRÈCE L’ex-Yougoslavie comme l’Espagne, le Portugal ou la Grèce
Déplacements des Serbes Déplacements des Croates doivent construire un nouvel équilibre national en gérant
Déplacements des Albanais la mémoire dramatique des conflits et dictatures passés.
2 Les déplacements de populations en ex-You- Pour les Balkans est institué le tribunal pénal international
goslavie à la suite des guerres. pour l’ex-Yougoslavie (TPIY ou TPY) situé à La Haye. Le tri-
bunal a pour objectif de poursuivre les crimes commis lors du
conflit et d’assurer la réconciliation entre les peuples de l’ex-
Biographie Yougoslavie. Les Serbes, comme S. Milošević, R. Karadžić
ou R. Mladić sont nombreux. Mais le tribunal poursuit aussi
Ratko Mladić dit le «bou- des Croates, des Bosniaques et des Albanais.
cher de Srebrenica» est
né en 1942 en Bosnie. L’Espagne doit gérer la mémoire de la guerre civile des an-
Son père, partisan de nées 30 et de la dictature sans avoir pu un jour juger les pro-
Tito, est tué en 1945 par tagonistes. Dès le retour de la démocratie, l’Espagne tente de
les Oustachis (Croates compenser les souffrances des victimes et de leurs familles.
pro-nazis). Il mène une Mais la société espagnole reste divisée sur cette question.
carrière militaire clas- En 2007, le gouvernement socialiste promulgue la loi sur la
sique dans l’armée you- mémoire historique. Entre autres, la loi prévoit des aides aux
rs
te
eu

goslave. Lorsque débute


R

victimes (famille comprise), la localisation des fosses com-


la guerre en Bosnie il de-
vient le commandant de l’Armée de la Répu-
munes et l’exhumation des corps ou le retrait des symboles
blique serbe de Bosnie-Herzégovine. Il orga- franquistes des édifices publics.
nise le siège de Sarajevo. Il est accusé d’être Le Portugal a aussi du mal à relire objectivement le passé
un des principaux responsables du massacre de l’Estado Novo, divisé entre ceux qui considèrent Salazar
de Srebrenica en juillet 1995. Cette même comme le meilleur portugais de l’Histoire et ceux pour qui il est
année, il est inculpé par le tribunal pénal de un dictateur. Actuellement, avec la crise économique en Grèce,
Cours

l’ex-Yougoslavie pour génocide. Il est arrêté


le débat rebondit. S’opposent les «vrais grecs», hostiles au dé-
en 2011. Reconnu coupable par le TPIY en
2017 il est condamné à la prison à perpétuité. sordre de gauche comme au temps de la guerre froide, et la
gauche qui dénonce cette droite autoritaire et liberticide.

Chapitre 6 : De la dictature à la démocratie (1974-1995) 159


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Révisions
Vocabulaire : la dictature des colonels - un coup d’État Quelles sont les étapes de la transition démocratique ?
- la crise chypriote - Antonio de Oliviera Salazar - Es- Quelles principes animent les constitutions des nou-
tado Novo - Mouvement des Forces Armées - révolu- velles démocraties d’Europe du Sud ?
tion des Œillets - Mario Soares - Franco - Juan Carlos Quelle est la situation socio-économique de l’Europe de
- la monarchie - Adolfo Suàrez - Felipe Gonzàlez - les l’Est dans les années 80 ?
droits fondamentaux - la charte 77 - Solidarność - Lech Comment la société civile d’Europe de l’Est continue-t-
Wałęsa - général Jaruzelski - la chute du mur de Berlin elle à résister au modèle communiste ?
- multipartisme - le divorce de velours - la réunification Quelles facteurs politiques et sociaux expliquent l’effon-
allemande - le nationalisme - Helmut Kohl - Slobodan drement du modèle ­communiste ?
Milošević - un crime de guerre - Radovan Karadžić - net- Comment les pays baltes obtiennent-ils leur ­indépendance ?
toyage ethnique - Srebrenica - accords de Dayton - UÇK À quels enjeux socio-économiques et nationalistes sont
- tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie confrontées les nouvelles ­démocraties ?
Notions : Comment évoluent l’économie et la société Quels facteurs expliquent la guerre civile en Yougosla-
des pays du Sud de l’Europe entre les années 50 et 70 ? vie ? Quelles sont les étapes et les formes que prend
Quels problèmes politiques et sociaux expliquent l’ins- cette guerre ?
tallation des dictatures en Europe du Sud ? Quelles sont Comment juger les crimes de guerre et gérer la mé-
leurs idéologies ? moire des drames historiques ?
Quels facteurs expliquent l’effondrement des dictatures
en Europe du Sud ?

Entraînement
L’oral au BAC

1 Un point de vue allemand sur la construction


européenne
1 Il y a quarante ans, les chefs de gouvernement et les
ministres des Affaires étrangères de six pays européens
signaient à Rome les traités instituant les Communautés
européennes. Tout a commencé par une vision et un espoir.
5 Il s’en est suivi [...] quarante ans de paix, de liberté et de
stabilité [...] pour l’Europe de l’Ouest [...].
Il ne faudrait pas que nous nous reposions sur nos lauriers.
L’Europe n’est pas seulement une zone de libre-échange
améliorée. [...] À présent, [...] nous devons surmonter les
10 séquelles1 de la division de l’Europe tout en apportant la paix
et la prospérité aux États de notre continent qui en ont été
privés pendant tant de décennies, et nous devons préparer
l’économie européenne en vue de la concurrence mondiale
du XXIe siècle.
Klaus Kinkel, ministre fédéral allemand des Affaires étrangères, L’Europe
à mi-chemin», dans Le Monde, 25 mars 1997
1. séquelles : les conséquences négatives

Questions
1. Présentez la nature et les sources des docs 1 et 2.
2. En comparant les docs 1 et 2, analysez le contexte
de la construction communautaire européenne en
1950.
3. À quoi fait allusion l’auteur en évoquant «les sé-
quelles de la division de l’Europe» ? Expliquez. 2 «Hé, ho, enlevez ces barrières inutiles de là et portez-les
vers l’avant ! Il nous faut ériger une barricade commune ».
4. En analysant les phrases du doc 1, présentez les Caricature allemande de Bob parue dans le journal Der
nouveaux défis européens en 1997. Tintenfisch, avril 1950.
Cours

160 Chapitre 6 : De la dictature à la démocratie (1974-1995)


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De l’Histoire à Mon
La construction euro-
Chapitre
Histoire Personnelle
péenne depuis 1957
7 1

Quelles sont les étapes de la


construction européenne ?
Quelles sont les formes d’ap-
profondissement ?

Toujours l’Europe OCÉAN GLACIAL ARCTIQUE 2


Presque l’Europe

Pourquoi pas l’Europe

Pas l’Europe

Deux visions sub-


jectives et stéréo­
typées de ­l’Europe.

MER

DU

NORD

OCÉAN
MANCHE
ATLANTIQUE

MER NOIRE
Exercices

MER MÉDITERRANÉE

Source : enquête réalisée par ESPON en 2015 en France sur la représentation mentale de l’Europe, Réalisation : S. Coté

Chapitre 7 : La construction européenne depuis 1957 161


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I L’Europe entre élargissements et approfondissements


1 Un élargissement progressif

1 Les étapesIslande
de l’élargissement européen. 4 Les critères de Copenhague
Les étapes de l’élargissement

1957

1973
Le traité sur l’Union européenne définit les condi-
1981
Finlande 1986
tions (article 49) et les principes (article 6, para-
1995
graphe 1) que tout pays souhaitant devenir membre
OCEAN Suède Estonie 2004 de l’Union européenne (UE) doit respecter.
MER
ATLANTIQUE Lettonie
2007
Les critères sont :
DU 2013
Danemark Lituanie
Irlande
NORD
Pays candidats - la présence d’institutions stables garantissant la
Royaume
Uni Pays-Bas Brexit démocratie, l’État de droit, les droits de l’homme,
La Haye

MANCHE
Belgique
Bruxelles
Allemagne Pologne
Refus suite à un référendum le respect des minorités et leur protection ;
Luxembourg Francfort
Tchéquie
Slovaquie
Siège des institutions
Source : europa.eu. Réalisation : S. Coté.
- une économie de marché viable et la capacité à
Strasbourg
Autriche Hongrie faire face aux forces du marché et à la pression
France Roumanie MER NOIRE
Slovénie
Croatie
concurrentielle à l’intérieur de l’UE ;
Portugal
Irlande
Bulgarie - l’aptitude à assumer les obligations découlant
de l’adhésion, notamment la capacité à mettre en
Espagne
Grèce œuvre avec efficacité les règles, les normes et les
MER MEDITERRANEE politiques qui forment le corpus législatif de l’UE
Chypre
(l’acquis) et à souscrire aux objectifs de l’union
Malte
politique, économique et monétaire.
Pour que des négociations sur l’adhésion à l’UE
2 Première demande d’adhésion britannique en 1961 puissent débuter, un pays doit respecter le pre-
Monsieur le Président, mier critère.
J’ai l’honneur d’informer Son Excellence que, en accord avec la résolution Eur-lex
adoptée par les deux Chambres du Parlement le 3 août, le gouvernement
de Sa Majesté au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord
souhaite ouvrir les négociations en vue d’adhérer aux traités de Rome [...]. 5 L’intégration de l’Espagne et du Portugal
Comme les gouvernements membres de la Communauté économique Si l’Espagne et le Portugal ont intégré le projet
européenne le savent, le gouvernement de Sa Majesté a la nécessité européen uniquement en 1986, c’est en raison de
de prendre en compte les relations spéciales entretenues avec le Com- la dictature qui prévalait jusqu’à la fin des années
monwealth ainsi que les intérêts essentiels de l’agriculture britannique et 1970. Après la mort de Franco et la chute de Sa-
des autres membres de l’Association européenne de libre-échange. Le lazar, la transition démocratique a pu s’opérer. À
gouvernement de Sa Majesté croit que les gouvernements membres consi- cette époque, la communauté européenne n’était
déreront ces problématiques avec bienveillance et reste donc confiant en pas assez représentée par des pays du Sud. La
des négociations réussies. Cela constituerait un pas historique vers une France était un des rares pays à s’y opposer par
union plus étroite entre les peuples européens qui est le but commun du crainte de l’ETA (Euskadi Ta Askatasuna) et de la
Royaume-Uni et des membres de la Communauté. concurrence sur sa production agricole.
Harold Macmillan Les négociations furent également difficiles en
Cette première demande est rejetée en raison de l’opposition de la France. raison des débats portant sur la gestion des fonds
Une seconde demande est formulée en 1967. Le Royaume-Uni intègre finale- européens, sur la pêche, le lait ou encore sur
ment la Communauté européenne à la troisième demande le 1er janvier 1973. l’intégration de la TVA (IVA) remplaçant les 24 an-
ciennes taxes espagnoles. Ainsi, les deux pays ont
dû procéder à des réformes structurelles conciliant
Questions État-providence et démocratie avec un change-
ment en profondeur de l’industrie, de l’agriculture
1. D’après la carte, présentez les étapes et les directions géogra- et du commerce. Des mesures difficiles pour le
phiques de l’élargissement de l’Europe politique. citoyen et les syndicats.
2. D’après l’ensemble des documents, analysez les problèmes posés par Robin Alves, «30 ans après l’adhésion de l’Espagne et du
Portugal à l’UE : Quel bilan ?», Taurillon.org, 2016.
l’intégration des nouveaux États. Présentez les critères de Copenhague.

3 L’élargissement de l’UE : Europe de l’Est contre Europe du Sud


Avec un accroissement de population d’environ 100 millions jours des désavantages comparatifs dans les secteurs intensifs
d’individus, cet élargissement de l’Union européenne (UE) aux en technologie et en capital, on assiste pour certains d’entre eux,
pays d’Europe centrale et orientale (PECO) représente un défi depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, à une montée en
majeur d’un point de vue institutionnel et politique, mais égale- gamme de ces pays et à un déplacement de leurs spécialisations
ment économique. [...] L’une des conséquences immédiates de vers des secteurs à plus forte valeur ajoutée. [...]
l’élargissement de l’Europe aux PECO sera un approfondisse- Le risque d’un bouleversement des équilibres de localisation
ment des disparités entre les pays partenaires. [...]
Exercices

des activités industrielles et l’éventualité d’un effet d’éviction


Outre la possibilité d’un effet concurrence de la part de ces pays au détriment des pays du Sud de l’Europe (Espagne, Portugal,
à bas salaires, il est également à craindre que les pays se si- Grèce) semblent probable.
tuant à la périphérie du noyau dur en Europe du Sud voient les Fabrice Darrigues, Jean-Marc Montaud, «Les pays du Sud de l’Europe doivent-ils
investissements directs étrangers (IDE) se détourner au profit craindre l’élargissement de l’UE aux PECO ?», Économie internationale, 2002
des nouveaux entrants. De même, si les PECO présentent tou-

162 Chapitre 7 : La construction européenne depuis 1957


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2 Gouverner l’Europe

CONSEIL EUROPÉEN
Source : europa.eu. Réalisation : S. Coté

Chefs d’État et de gouvernement et le président de la commission. Définit les grands axes de Conseil européen
Le conseil définit les principes et les orientations générales de la politique européenne. la politique de Chefs d’État et de gouvernement
l’Union européenne Président de la Commission

AFFAIRES GÉNÉRALES POLITIQUE ÉTRANGÈRE ET DE Nomme


JUSTICE ET AFFAIRES INTÉRIEURES
ÉCONOMIE SÉCURITÉ COMMUNE
COMMISSION CONSEIL DE L’UNION CONSEIL DE L’UNION EUROPÉENNE
Elle est gardienne des traités, exécute les EUROPÉENNE Décide et assure la coordination de
politiques communautaires et dispose d’un droit Met en œuvre la PESC l’action des États membres La «gardienne des traités» Commission européenne
d’initiative exclusif Droit d’initiative 28 commissaires
Propose Propose Propose Défend l’intérêt général Bruxelles
Contrôle Consulte
Consulte
CONSEIL DE L’UNION EUROPÉENNE COMMISSION COMMISSION
Les ministres des États membres
légifèrent, coordonnent les politiques

Na
ve
nationales et arrêtent le budget

tte
le
PARLEMENT PARLEMENT

lég
nt
Codécide Consulté et tenu Consulté et tenu

Co

isla
informé informé

tiv
e
COMITÉ ÉCONOMIQUE PARLEMENT Propose
ET SOCIAL Il représente les ÉTATS MEMBRES
Il représente les Parlement européen
citoyens européenns. 785 députés élus au Conseil de l’Union
groupes socio-écono-
miques européens
Fonction législative ORGANES FINANCIERS suffrage universel direct Codécision européenne
et budgétaire. Il Strasbourg ministres des États membres
BANQUE CENTRALE BANQUE
contrôle la politique Bruxelles
EUROPÉENNE EUROPÉENNE D’INVESTISSE- Contrôle la commission
des institutions
Définit et met en œuvre la MENT Colégislateur
COMITÉ DES RÉGIONS européennes Décide des réglementations
politique monétaire Favorise l’intégration Contrôle les dépenses
Il représente les européennes
européenne économique de l’Europe Défend l’intérêt du peuple Défend l’intérêt des nations
collectivités locales et
régionales de l’UE.
ORGANES DE CONTRÔLE
COUR DE JUSTICE COUR DES COMPTES MÉDIATEUR EUROPÉEN 2 Les institutions européennes se construisent autour
Elle veille au respect du droit Elle contrôle les finances de Il examine les plaintes des d’un triangle institutionnel : la Commission européenne
communautaire la communauté citoyens en cas de litiges
avec l’Union
(l’intérêt général), le Parlement européen (les intérêts du
peuple) et le Conseil de l’Union européenne (les intérêts
1 Les différentes relations entre institutions européennes. des États).

3 La majorité qualifiée 4 La supranationalité


La majorité qualifiée est le mode de vote le plus largement uti- L’objectif d’une institution supranationale est d’affirmer l’unité
lisé au sein du Conseil. Il est utilisé lorsque le Conseil prend de différents États sur certains sujets. Les États peuvent être
des décisions dans le cadre de la procédure législative ordi- plus ou moins intégrés au sein de l’organisation.
naire, également appelée «codécision». Environ 80 % de l’en- Certains sujets sont d’ordre économique et mettent en place
semble des actes législatifs de l’UE sont adoptés au moyen de des accords de libre-échange commerciaux. [...] D’autres
cette procédure. organisations supranationales [...] ont des objectifs écono-
La majorité qualifiée est atteinte si deux conditions sont rem- miques, politiques et législatifs. Elles peuvent promouvoir la
plies: démocratie, le respect des droits de l’homme ou créer une
- 55 % des États membres ont exprimé un vote favorable - soit union solidaire entre les États.
15 sur 27; À ce jour, l’Union Européenne est considérée comme la seule
- la proposition est soutenue par des États membres repré- organisation disposant d’un pouvoir supranational officiel.
sentant au moins 65 % de la population totale de l’UE. C’est le système le plus intégré aux plans politique, législatif,
économique et monétaire. [...] L’organisation est souveraine
Cette nouvelle procédure s’appelle également la règle de la
par rapport à ses États membres. Les États-nations renoncent
«double majorité».
à une partie de leur souveraineté, qu’ils délèguent à l’organi-
La minorité de blocage doit comprendre au moins quatre sation supranationale. Contrairement aux organisations inter-
membres du Conseil représentant plus de 35 % de la popu- gouvernementales – où chaque État et institution disposent de
lation de l’UE. pouvoirs souverains égaux entre eux –, le pouvoir supranatio-
Lorsque l’ensemble des États membres ne participe pas au nal est supérieur aux pouvoirs souverains des États membres.
vote, par exemple en raison de dérogations dans certains do- D’après geolinks.fr, observatoire en géostratégie de Lyon
maines politiques, une décision est réputée adoptée si 55 %
des membres du Conseil participants, représentant au moins
65 % de la population des États membres participants, votent
pour.
Questions
Lorsque le Conseil vote sur une proposition n’émanant pas
de la Commission ou du haut représentant, une décision est 1. Quels principes sous-tendent l’organisation des ins-
réputée adoptée si la «majorité qualifiée renforcée» est titutions européennes ? Présentez les formes de colla-
atteinte: boration entre les pouvoirs (docs 1 et 2).
- si au moins 72 % des membres du Conseil votent pour; 2. Pourquoi le vote à la majorité qualifiée a-t-il été mis
- s’ils représentent au moins 65 % de la population de l’UE. en place ? Quelle logique explique la répartition des
Exercices

Dans les votes à la majorité qualifiée, les abstentions votes (docs 3) ?


comptent comme un vote négatif. L’abstention lors d’un vote 3. Pourquoi l’UE est-elle une des rares institutions su-
n’équivaut pas à une absence de participation au vote. Tout pranationales ? Argumentez (docs 4).
État membre peut choisir de s’abstenir à tout moment.
Site web touteleurope.eu

Chapitre 7 : La construction européenne depuis 1957 163


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3 L’acte unique et le traité de Maastricht

3 Le marché unique
L’article 3 du traité de l’Union européenne de 1992 signé à
Maastricht crée le marché intérieur. Il a pour origine le mar-
ché commun européen défini par le traité de Rome. La direc-
tion générale de la communication de la Commission publie
une brochure explicative de son fonctionnement
Le marché intérieur eu-
ropéen, également ap-
pelé «marché unique»,
COMPRENDRE
permet aux personnes LES POLITIQUES

et aux entreprises de cir-


D E L’ U N I O N
EUROPÉENNE Le marché
culer et d’exercer leurs De la crise à la
intérieur
activités librement dans relance: mettre
les citoyens et
l’ensemble des 28 États les entreprises
Parlement européen
membres de l’Union sur la voie de
la prospérité
1 Le 17 février 1986, neuf États membres des Communau- européenne (UE). Dans Un meilleur fo nc t io nne m e n t

tés européennes (Allemagne, Belgique, Espagne, France, la pratique, il donne d u marc hé int érieur es t u n é l é m e n t
c lé d e la c ro issanc e e u r op é e n n e .

Irlande, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal et Royaume-Uni) aux particuliers le droit


signent à Luxembourg l’Acte unique européen (AUE). Il a de travailler, d’étudier
ouvert le chemin au traité sur l’Union européenne signé à ou de prendre leur re-
Maastricht en 1992. traite dans un autre État
membre de l’UE. Il offre
également aux consom-
mateurs un plus large
choix d’articles, acces-
sibles à des prix plus
bas, et leur permet de bénéficier d’une meilleure protection
lorsqu’ils font des achats sur leur propre territoire, à l’étranger
2 Le traité de Maastricht ou en ligne. En outre, il permet aux grandes et aux petites en-
TITRE I : DISPOSITIONS COMMUNES treprises d’avoir des activités transfrontalières plus facilement
et à moindre coût et de faire face à la concurrence mondiale.
Article B
Les quatre libertés
L’Union se donne pour objectifs :
Les fondements du marché unique sont la libre circulation des
- de promouvoir un progrès économique et social équilibré et
personnes, des biens, des services et des capitaux, désignée
durable […] ;
par l’expression des «quatre libertés» […]. Les traités auto-
- d’affirmer son identité sur la scène internationale, notamment risent les institutions de l’UE à adopter des lois (sous forme
par la mise en œuvre d’une politique étrangère et de sécurité
de règlements, directives et décisions) qui priment sur les lois
commune […] ;
nationales et engagent les autorités nationales. [...]
- de renforcer la protection des droits et des intérêts des res-
sortissants de ses États membres par l’instauration d’une ci- Une monnaie unique pour stimuler le marché unique
toyenneté de l’Union ; Un marché fonctionne mieux lorsque tout le monde utilise la
- de développer une coopération étroite dans le domaine de la même monnaie. [...] L’euro a tenu bon lors de la crise de la
justice et des affaires intérieures ; dette souveraine, conservant son pouvoir d’achat alors que
- de maintenir intégralement l’acquis communautaire […]. l’UE venait en aide aux pays lourdement endettés. Il est égale-
ment largement utilisé.
La Communauté a pour mission, par l’établissement d’un
marché commun, d’une union économique et monétaire et Le marché unique en chiffres
par la mise en œuvre des politiques ou des actions […], de Le marché unique existe depuis un peu plus de vingt ans, pas-
promouvoir un développement harmonieux et équilibré des sant de 345 millions de consommateurs en 1992 à plus de 500
activités économiques dans l’ensemble de la Communauté, millions aujourd’hui. Le commerce transfrontalier entre les 28
une croissance durable et non inflationniste respectant l’envi- États membres de l’UE est également passé de 800 milliards
ronnement, un haut degré de convergence des performances d’euros en 1992 à 2 800 milliards d’euros en 2013, en valeur des
économiques, [...] la cohésion économique et sociale et la soli- biens échangés. Au cours de la même période, les échanges
darité entre les États membres. commerciaux entre l’UE et le reste du monde ont triplé, passant
DEUXIÈME PARTIE, LA CITOYENNETÉ DE L’UNION de 500 milliards d’euros en 1992 à 1 700 milliards en 2013.
Le marché intérieur, de la crise à la relance : mettre les citoyens et les entre-
Article 8 prises sur la voie de la prospérité, 2014
1. Il est institué une citoyenneté de l’Union. Est citoyen de
l’Union toute personne ayant la nationalité d’un État membre.
Article 8 B
Exercices

Tout citoyen de l’Union résidant dans un État membre dont Questions


il n’est pas ressortissant a le droit de vote et d’éligibilité aux
élections municipales dans l’État membre où il réside, dans les A l’aide des documents et d’une recherche personnelle,
mêmes conditions que les ressortissants de cet État. montrez que l’Acte unique et le traité de Maastricht
7 février 1992 favorisent l’approfondissement de l’UE.

164 Chapitre 7 : La construction européenne depuis 1957


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4 Les politiques d’intégration


Source : europa.eu. Réalisation : S. Coté
OCEAN GLACIAL ARCTIQUE Union Européenne
Pays candidats
4 L’Europe à la carte
Islande Brexit

Zone euro
L’Europe inaugure […] une nouvelle figure de la construction
Siège de la BCE européenne : l’Europe en colimaçon. On avait eu déjà plusieurs
Finlande
formes d’Europe : à plusieurs vitesses, à géométrie variable,
OCEAN Suède Estonie
l’Europe des cercles concentriques, l’Europe atome, avec son
ATLANTIQUE
MER
Lettonie noyau central et son nuage d’électrons... Toutes ces représen-
Irlande
DU Danemark Lituanie tations graphiques avaient pour fonction de résoudre la contra-
Royaume
Uni
NORD diction entre l’approfondissement de l’intégration européenne
Pays-Bas

Belgique
Allemagne
Francfort
Pologne
et l’élargissement de cette même Europe [...].
Luxembourg
Tchéquie
Slovaquie En Allemagne des élus proposaient […] la création d’un «noyau
France
Autriche Hongrie
Roumanie MER NOIRE dur» regroupant les États les plus avancés, les plus disposés à
Slovénie

Italie
Croatie consentir des abandons de souveraineté, les plus allant vers
une intégration européenne appelée à englober des domaines
Bulgarie
Portugal Espagne

Grèce
toujours plus vastes. A l’époque, l’Union économique et moné-
MER MEDITERRANEE taire, donc la monnaie unique, était leur préoccupation princi-
Chypre
pale. […] Il était évident que tout le monde ne pourrait pas tout
Malte
faire au même rythme.
1 Le traité de Maastricht prévoit la création de l’euro. Les Ce n’est même pas un pronostic pessimiste, c’est une consta-
monnaies nationales sont remplacées par une monnaie tation. Les Quinze n’ont pas tous accepté les accords de
unique. Schengen qui organisent la libre circulation des personnes
et les États qui les ont acceptés ne sont pas tous en mesure
Production: S. Coté
OCEAN GLACIAL ARCTIQUE Union Européenne
de les appliquer. Le groupe de la monnaie unique s’appelle
Pays candidats «Euro 11» parce qu’il ne regroupe que onze pays membres
Islande Brexit
sur quinze. […] Le traité d’Amsterdam a institutionnalisé cette
Signataires des accords de
Schengen
Siège des institutions
forme de «coopération renforcée» qui permet à un groupe de
Finlande pays de progresser dans des domaines où tous ne sont pas
prêts à aller de l’avant. Certains «petits» États membres soup-
OCEAN
MER
Suède Estonie
çonnent une manœuvre des «grands «pour s’imposer à la tête
ATLANTIQUE Lettonie
DU Danemark Lituanie
d’une Communauté fondée à l’origine sur l’absence de discri-
Irlande
Royaume NORD mination entre les petits et les grands.
Uni Pays-Bas

Belgique
La Haye
Allemagne Pologne Daniel Vernet, «L’Europe en colimaçon», Le Monde, décembre 1999.
Bruxelles
Luxembourg Francfort
Tchéquie
Slovaquie
Strasbourg
Autriche Hongrie

5 Les quotas laitiers en 1984


France Roumanie MER NOIRE
Slovénie
Croatie
Italie
Bulgarie
Portugal Espagne
Dans les années 1970, les marchés mondiaux restent très por-
Grèce teurs pour une Europe qui devient alors le premier exportateur
MER MEDITERRANEE de produits laitiers. Mais au début des années 1980 intervient
un retournement de la conjoncture. Les rigueurs budgétaires,
Chypre

Malte

imposées par les politiques des États-Unis et du Royaume-Uni,


2 Les accords de Schengen sont signés le 14 juin 1985. Cet enclenchent une récession de la demande mondiale. Les pays
accord autorise la libre circulation des citoyens et des biens endettés importent moins et l’URSS est en crise. Les cours
entre les pays signataires tout en instaurant une frontière mondiaux s’effondrent (moins 50 % entre 1982 et 1983) [...].
commune extérieure. Il prévoit également une politique Fin 1983, [...] les excédents représentent environ 20 % des
commune sur l’immigration, la lutte contre la criminalité livraisons. Les dépenses pour soutenir le marché laitier euro-
organisée et la coopération des polices. péen absorbent à elles seules 42 % du budget de la Feoga. [...]
Craignant les conséquences politiques d’une baisse de prix
Réalisation : S. Coté
OCEAN GLACIAL ARCTIQUE Union Européenne
trop brutale, le Conseil des ministres de l’Agriculture préférait
Pays candidats
Islande Brexit
un système de quotas. L’option très libérale d’une baisse impor-
Membres du marché
unique
tante du prix du lait aurait rapproché le prix européen de celui
Finlande
Siège des institutions
du marché mondial et peut-être relancé la consommation inté-
rieure. Mais son coût social aurait été brutal pour une Europe
OCEAN Suède Estonie laitière qui comptait un grand nombre de petites exploitations.
MER
ATLANTIQUE Lettonie Dominique Grémy, «1er avril 1984, «l’Europe instaure la politique des quotas», La
DU
Irlande
Danemark Lituanie France agricole, 2016.
Royaume NORD
Uni Pays-Bas
La Haye Pologne
Belgique Allemagne
Bruxelles

Questions
Luxembourg Francfort
Tchéquie
Slovaquie
Strasbourg
Hongrie
1. Expliquez la notion d’Europe à la carte ou en coli-
Autriche
France Roumanie MER NOIRE
Slovénie
Croatie
Irlande
Bulgarie maçon (doc 4). Analysez les domaines d’approfondisse-
Exercices

Portugal Espagne

ment de l’Europe à l’aide des cartes 1 à 3.


2. À l’aide du cours de Géographie, présentez les PAC
Grèce
MER MEDITERRANEE
Chypre et montrez en quoi il s’agit d’une politique européenne
intégrée. Quel problème présente le doc 5 ? Analysez
Malte

3 Le marché unique en 2018. l’évolution de la PAC.

Chapitre 7 : La construction européenne depuis 1957 165


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II Perspectives et défis contemporains


1 L’échec de la constitution européenne

3 Les points clés du traité de Lisbonne


Plus de démocratie, plus
d’ouverture.
Vous pourrez davantage faire
entendre votre voix dans le
processus décisionnel. Avec
la nouvelle initiative popu-
V OT R E GU I D E
laire, un million de citoyens, DU TRAITÉ
ressortissants de plusieurs DE LISBONNE

États membres pourront invi-


ter la Commission à présen-
ter de nouvelles propositions.
Prise de décision plus ra-
pide, plus efficace.
Le traité de Lisbonne rationalise les procédures déci-
Reuter sionnelles de l’UE. Au sein du Conseil des ministres, le
1 En 2004 est signé à Rome le traité établissant une Constitution vote à la majorité qualifiée sera étendu à de nouveaux
européenne pour simplifier le fonctionnement des institutions. domaines nécessitant jusque-là l’unanimité, ce qui per-
Après une campagne référendaire houleuse portant sur les ques- mettra d’agir de manière plus rapide et plus efficace.
tions sociales, la France et les Pays-Bas ne ratifient pas le traité. Modernisation des institutions de l’UE.
À la suite de cet échec, les membres de l’UE signent le traité de
Pour moderniser les institutions qui assurent le fonc-
Lisbonne en 2007. La plupart des États ratifient le texte par voie
tionnement de l’UE et les rendre plus démocratiques,
parlementaire pour éviter l’échec d’un nouveau référendum.
un poste de haut représentant de l’Union pour les af-
faires étrangères et la politique de sécurité sera créé.
Pour assurer la continuité et la cohérence de ses tra-
vaux, le Conseil européen élira un président pour cinq
États ayant ratifié le traité constitutionnel ans au maximum.
États ayantIslande
rejeté le traité constitutionnel
Politique économique.
États ne s’étant pas prononcés
Siège des institutions
Le traité réaffirme la volonté de réaliser une union éco-
nomique et monétaire dont la monnaie est l’euro.
Finlande
L’Union européenne dans le monde.
OCÉAN
MER Suède Estonie
L’UE s’engage à promouvoir ses valeurs dans le
ATLANTIQUE monde en contribuant à la paix et à la sécurité et au
Lettonie
DU développement durable de la planète.
Danemark Lituanie
Irlande NORD Défense et sécurité.
Royaume
Uni Pays-Bas
La Haye
Le traité élargit le rôle de l’UE à des missions de désar-
Allemagne Pologne
Belgique
Bruxelles
mement, de conseil et d’assistance en matière militaire
Luxembourg Francfort
Tchéquie
et de rétablissement de la stabilité après les conflits.
Slovaquie
Strasbourg Justice et criminalité.
Autriche Hongrie
France Roumanie
Slovénie
MER NOIRE Le traité de Lisbonne comporte de nouvelles dispo-
Irlande
Croatie sitions importantes, visant à renforcer la capacité de
Portugal Espagne
Bulgarie
l’Union à lutter contre la criminalité transfrontalière
internationale, l’immigration illégale, le trafic d’êtres
Grèce
humains, d’armes et de drogues.
MER MÉDITERRANÉE
Politique sociale.
Chypre Le traité de Lisbonne insiste davantage sur les objectifs
Réalisation : S. Coté Malte sociaux de l’UE. Il prévoit que, dans toutes ses poli-
2 L’acceptation et le rejet de la Constitution européenne en 2006. tiques et actions, l’Union doit prendre en compte la pro-
motion d’un niveau d’emploi élevé.
Droits de l’homme.
Le traité de Lisbonne reconnaît les droits, libertés et
Questions principes énoncés dans la charte des droits fondamen-
taux et confère à cette dernière un caractère juridique
1. D’après les docs 1 et 2, présentez la Constitution euro- contraignant.
Exercices

péenne. Comment est-elle acceptée par les différents pays Direction générale de la communication (Commission européenne), 2010
européens ? Analysez les causes de son échec.
2. Pourquoi le Traité de Lisbonne est-il signé en 2007 ? Présen-
tez les grandes nouveautés (doc 3). Quel problème de démo-
cratie représente ce traité ?

166 Chapitre 7 : La construction européenne depuis 1957


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2 Quel avenir pour l’Europe ? Élargissement ou morcellement ?

1 L’UE a-t-elle encore vocation à s’élargir ? 3 La justification du Brexit


Lors de son discours au Parlement européen le 22 octobre Votre plus gros problème, et la raison principale expliquant le
2014, Jean-Claude Juncker, nouveau président de la Com- vote de la Grande Bretagne pour la sortie de l’UE, c’est que
mission européenne, déclarait qu’il «n’y aurait pas d’élargis- vous avez furtivement, par tromperie et sans jamais dire la
sement durant les cinq prochaines années» de son mandat. vérité aux gens, imposé aux Britanniques ainsi qu’aux autres
[…] D’où vient cette réticence à l’entrée de nouveaux États ? peuples d’Europe [...] une union politique. Et lorsque les
Est-ce le signe de l’échec des élargissements précédents ? peuples en 2005, aux Pays-Bas et en France, ont voté contre
[…] Les élargissements successifs ont eu des effets béné- cette union politique, lorsqu’ils ont rejeté la constitution, vous
fiques, d’un point de vue politique avec la généralisation des les avez tout simplement ignorés en adoptant le traité de Lis-
régimes démocratiques et d’un point de vue économique avec bonne via d’autres voies.
la constitution du marché commun. Ce jeudi dernier, nous avons connu un résultat remarquable.
L’entrée des 12 nouveaux États dans l’UE depuis 2004 a gé- Un tremblement de terre pas uniquement pour la politique bri-
néré un certain nombre de défis. […] tannique mais aussi pour la politique européenne, et peut-être
même mondiale. Ce que les petites gens, les gens ordinaires
- un défi financier : le principe de solidarité financière de l’UE ;
ont fait, ce que les peuples oppressés durant ces dernières
- un défi économique : l’entrée de ces nouveaux pays a accen- années et qui ont vu leur qualité de vie baisser ont fait, c’est
tué l’écart entre les pays les plus riches et les plus pauvres, qu’ils ont rejeté les multinationales, ils ont rejeté les grands
ne facilitant pas la tâche d’harmoniser et d’homogénéiser les jeux politiques. Et en fait, ils ont dit: nous voulons récupérer
territoires de l’UE ; notre pays, nous voulons récupérer nos frontières de pêche,
- un défi fiscal et social : les «vieux» États membres craignent nous voulons récupérer nos frontières, nous voulons être une
[…] un «dumping social et fiscal», source de délocalisations. fière nation indépendante qui se gouverne pour elle-même. [...]
- un défi politique et institutionnel : les nouveaux États ne sont- Ce faisant, nous offrons désormais une lueur d’espoir aux
ils pas rentrés trop tôt ? démocrates du reste du continent européen. J’ai fait une pré-
- un défi géographique : […] tout nouvel élargissement implique- vision ce matin, le Royaume-Uni ne sera pas le dernier Etat
ra la question des frontières «naturelles» de l’Europe et chaque membre à quitter l’Union Européenne.
candidat se verra poser la question de son ­«européanité» Nigel Farage, leader de l’UKIP, discours devant le parlement européen de
Bruxelles, 28 juin 2016
D’après Nicolas Bizel, Les Notes du CAPE, n°3, 2015
Vous n’aimez pas l’Europe, c’est votre droit et cela se com-
prend. Vous y êtes cependant entrés, voici quanrante deux
Questions ans, mais sur un malentendu. [...] Jamais ensuite, jamais vous
Identifiez et analysez les enjeux européens présentés n’avez permis le moindre pas en avant vers un peu plus d’inté-
par les documents. gration. [...] Partez donc avant d’avoir tout cassé. Il fut un temps
où élégance était synonyme de britannique.
Michel Rocard, ancien Premier ministre français, “Amis anglais, sortez de
2 Turquie et UE : où en est-on ? l’Union Européenne mais ne la faites pas mourir!”, Le Monde, 5 juin 2014

Candidate depuis 1987 pour adhérer à l’Union européenne,


la Turquie entretient une relation complexe avec l’Union eu-
ropéenne. […] La perspective de son entrée suscite de vifs
débats, liés à la taille, à la position géographique du pays, au
poids de la religion musulmane ou encore à la séparation de
l’île de Chypre.
Aujourd’hui pourtant, la question ne semble plus à l’ordre du
jour. Depuis le blocage des négociations par la France et
l’Allemagne en 2007, l’aggravation du conflit avec les Kurdes
depuis le début des années 2010 et la répression des mani-
festations de la place Taksim en 2013, le président turc Recep
Tayyip Erdogan multiplie les décisions autoritaires dans son
pays et les provocations à l’égard de l’UE.
Avec 75 millions d’habitants aujourd’hui, quel serait le poids
politique de la Turquie dans les institutions et donc les déci-
sions européennes ? […] De même, par sa position inter-
médiaire entre l’Occident et les pays arabo-musulmans, la
Turquie est un allié stratégique non négligeable pour l’Union
européenne. […] Mais certains craignent aussi de devenir par-
tie prenante dans les conflits du Proche-Orient.
Si l’économie turque continue d’afficher une forte croissance,
d’importants déséquilibres extérieurs et pressions inflation-
nistes demeurent. […] Pour les experts européens, la Turquie
est «modérément» préparée à mettre en œuvre avec efficaci-
té les règles, les normes et les politiques qui forment le corpus
Exercices

législatif de l’UE (l’acquis).


En janvier 2018, […], le président français considère que l’ad-
hésion n’est plus à l’ordre du jour et une forme de «partena- 4 La «une» de l’hedomadaire britannique, The Eco-
riat» serait préférable. nomist; le 4 mars 2016 : «Brexit: mauvais pour le
D’après Isaure Magnien, touteleurope.eu, 2018 Royaume-Uni, pour l’Europe et pour l’Occident»

Chapitre 7 : La construction européenne depuis 1957 167


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3 Les défis de l’Europe

4 L’atlantisme européen en question


Au moment où les Européens se retrouvent à
Athènes, le 16 avril 2003, pour signer le traité d’ad-
hésion, les représentants des dix nouveaux pays
membres actuels sont loin d’être saisis par l’émo-
tion de cet instant. [...] Si les États-Unis ne sont pas
physiquement présents, leur ombre portée depuis
­Washington et Bagdad rend quelque peu surréa-
listes les proclamations d’unité des chefs d’État et
de gouvernement prétendant soutenir les efforts
des Nations Unies «pour garantir la légitimité inter-
nationale et la responsabilité mondiale». Cette «lé-
gitimité internationale» n’est-elle pas, brutalement,
et au même moment, tournée en dérision en Irak
par quelques-uns des participants ? [...]
L’agression anglo-américaine en Irak a donné
un formidable coup de projecteur sur cette vas-
Christophe Petit Tesson/MAXPPP salisation des Européens. [...] L’Union est ainsi
Depuis les années 2010, les tentatives des migrants issus d’Afrique ou confrontée à sa question existentielle : celle du
1 «lien transatlantique». [...] On pourrait penser
d’Asie de traverser la Méditerranée pour atteindre l’Europe sont en aug-
mentation. Le pic a été atteint en 2015. La conjonction de la crise politique qu’un sursaut de realpolitik imposerait aux diri-
en Syrie et de la crise sociale dans les pays en développement explique geants européens de renoncer à courir derrière
cette crise migratoire. 17 000 personnes (données de l’OIM) seraient un «partenaire» qui se dérobe et de se prendre
mortes en mer entre 2010 et 2018. eux-mêmes en main. [...] Au plan européen, la
mise en pièces de la légalité internationale en
Irak devrait être ressentie comme attentatoire
aux valeurs fondamentales de l’Union. [...] Cet
assaut frontal ne semble pas émouvoir des
gouvernements n’aspirant qu’à «recoller les
2 Les missions de Frontex morceaux» avec le suzerain américain.
Fondée en 2004, Frontex est l’agence européenne […] chargée de coordon- Bernard Cassen, «L’Union européenne malade de l’atlan-
tisme», Le Monde diplomatique, mai 2003.
ner la gestion des frontières extérieures de l’Union européenne et de limiter
leur «vulnérabilité» face au «risque migratoire». […] Son équipement a été
diversifié (hélicoptères, capteurs thermiques, radars, navires) pour affiner les
moyens de détection et étendre la collecte d’informations le plus en amont Questions
possible des routes migratoires. […] Analysez les enjeux politiques, écono-
L’action extérieure est dense : elle s’appuie sur la «coopération» bilatérale miques et géostratégiques présentés par
(par exemple Espagne-Sénégal) ou multilatérale (accords signés par l’UE), les docs 1 à 5. Trouvez d’autres exemples.
ainsi que sur des accords signés directement par Frontex. […] L’aide sert Aidez-vous du livre de géographie.
ainsi d’outil de chantage pour faire des pays tiers les gardes-frontières de
l’UE.
Olivier Clochard (dir.), Migreurop, Atlas des migrants en Europe. Approches critiques des
­politiques, 2017.

3 Les démocraties «illibérales»


En 1989, la chute du mur de Berlin est célébrée comme une victoire de la
démocratie sur le dernier grand autoritarisme du XXe siècle. Trente ans plus
tard, les pays de l’Europe centrale devenus entretemps membres de l’Union
européenne basculent les uns après les autres vers les autoritarismes
d’un type nouveau, les «démocraties illibérales». La plupart d’entre eux
connaissent une période de boom économique, avec des taux de croissance
deux voire trois fois supérieurs à ceux de l’ancienne Europe des quinze. Et,
pourtant, la xénophobie et l’intolérance y sont au plus haut, surtout chez les
jeunes. […] Viktor Orbán, s’en prend violemment à la démocratie libérale :
«Elle n’a pas été capable […] d’obliger les gouvernements […] à œuvrer en
faveur des intérêts de la nation et […] à reconnaître l’appartenance des Hon- European Union, 2019
Exercices

grois vivant dans le monde à leur nation. […] Elle n’a pas permis de préserver 5 Extrait d’une infographie proposée par le
le patrimoine national […] et de protéger le pays […] et les familles de l’endet- Conseil de l’Union européenne pour présen-
tement.» À la place, Orbán propose de reconstruire la communauté nationale ter l’étendue des sanctions économiques,
selon les principes de la démocratie illibérale, se positionnant comme un des individuelles, commerciales et diplomatiques
leaders mondiaux de ce mouvement alternatif au libéralisme. à l’encontre de la Russie à la suite de l’an-
Roman Krakovsky , «Les démocraties illibérales en Europe centrale», Études, avril 2019. nexion de la ­Crimée.

168 Chapitre 7 : La construction européenne depuis 1957


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Chapitre La construction euro-


péenne depuis 1957
7
Union économique eurasiatique
Accord de
libre-échange GUAM Conseil de
centre-européen l’Europe

Union de la Russie
Union européenne et de la Biélorussie

Union douanière
Zone euro avec l’UE

Espace Schengen

Droit de frapper
Association européenne des pièces en euro
de libre-échange
Espace économique
européen

Source : Wikimédia.
kimédia The Emirr; Wdcf
Wdcf. Réalisation : SS. Coté

1 Diagramme d’Euler des organisations européennes supranationales en 2020.

États-Unis Canada

OTAN
Union européenne Royaume-Uni

Espace Schengen

Zone euro Allemagne France


Chypre Belgique Grèce Luxembourg
Malte Espagne Italie Pays-Bas
Irlande Autriche Portugal Norvège Suisse
Finlande Slovaquie Slovénie
Lettonie Lituanie Estonie
Suède Danemark Hongrie

Bulgarie Roumanie Tchéquie


Croatie
Cours

Europe continentale Bosnie-Herzégovine Moldavie Monténégro Serbie Macédoine


Albanie Biélorussie Russie Moldavie Georgie Arménie Azerbaïdjan Ukraine Turquie 2 Une autre vision de l’intégration européenne à
la carte en 2020.

Chapitre 7 : La construction européenne depuis 1957 169


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I L’Europe entre élargissements et approfondissements

1 Un élargissement progressif

Dès les traités de Rome signés, l’Europe connaît un coup de


frein. Le Royaume-Uni refuse d’intégrer la CEE et crée une or-
ganisation concurrente : l’Association européenne de libre-
échange (AELE, 1959) qui regroupe autour de lui la Suède, la
Norvège, la Finlande, l’Autriche, la Suisse et le Portugal.
En France, le général de Gaulle, président de 1958 à 1969,
s’oppose en 1961 et en 1967 à l’entrée du Royaume-Uni dans
la CEE, considéré comme le «cheval de Troie» des États-Unis.
L’arrivée au pouvoir d’un nouveau président français,
Georges Pompidou, lève les blocages et il propose de
poursuivre la construction européenne autour d’un triple mot
Centro Português de Fotografia
d’ordre : achèvement, approfondissement et élargissement.
En janvier 1973, le Royaume-Uni, l’Irlande et le Danemark 1 Signature de la Convention de l’AELE, le 30
décembre 1959 à Lisbonne.
entrent dans la CEE.
L’Europe s’élargit ensuite au Sud. Les dictatures des pays
OCÉAN GlACIAL ARCTIQUE
méditerranéens disparaissent dans les années 70, rendant
possible l’adhésion de la Grèce dès 1981, et de l’Espagne et OCÉAN

du Portugal en 1986. Antigua-et-barbuda


Bahamas Malte
La Barbade PACIFIQUE

Après 1989 et l’effondrement du bloc communiste, c’est OCÉAN CARAÏBES Dominique


Grenade
Jamaïque

l’agenda politique qui dicte les nouvelles adhésions. Dans un PACIFIQUE


St-Christope-et Nièves
Ste-Lucie
St-Vincent-et-les-Grenade
OCÉAN

premier temps, l’Europe accueille en 1995 certains membres Îles Fidji


Trinité-et-Tobago

OCÉAN
INDIEN

de l’AELE : l’Autriche, la Suède et la Finlande, nations dé- OCÉAN


Kiribati
Nauru
Samoa
PACIFIQUE
mocratiques et libérales, qui faisaient jadis tampon avec le bloc Îles Salomon
Tonga
ATLANTIQUE
OCÉAN
INDIEN
Maldives
Maurice

de l’Est, réduites à une neutralité politique forcée par l’URSS.


Tuvalu Seychelles
Vanuatu
Membres du Commonwealth

La Norvège refuse par référendum d’entrer dans la CEE, en 0 2 000 km

réaction à l’intégration de la Suède et en raison de son éco-


Source : Commonwealth secretary, Réalisation : S. Coté

2 Les pays du Commonwealth.


nomie spécifique.
Il faut plus de dix ans pour que les nouveaux candidats de
l’Est entrent dans l’UE. En 2004, c’est l’adhésion de la Slo-
vénie, des trois pays baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie), de
la Pologne, de la République tchèque, de la Slovaquie, de
Malte, de Chypre et de la Hongrie. En 2007 suivent la Bul-
garie et la Roumanie. En 2013, c’est au tour de la Croatie.
Mais depuis le 31 janvier 2020, l’Europe connaît un proces-
sus inverse. Le Royaume-Uni a officiellement quitté l’UE (le
Brexit) ramenant à 27 le nombre de membres.

2 Un approfondissement difficile

L’approfondissement consiste à renforcer les institutions


et politiques communes pour accroître les solidarités et l’in-
tégration européenne. Dès 1957, les traités de Rome posent
les grands objectifs de la CEE.
Le «couple franco-allemand» joue un rôle essentiel dans
les avancées institutionnelles. Pour le général de Gaulle, le
German Information Center
pilier de l’Europe doit être l’entente franco-allemande. Il signe
Cours

avec K. Adenauer, le chancelier allemand, un traité d’amitié 3 Rencontre entre Charles de Gaulle et Konrad
Adenauer en 1963. Ces deux chefs d’États sym-
et de coopération en 1963. bolisent le couple franco-allemand.

170 Chapitre 7 : La construction européenne depuis 1957


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1984 2014 Mais de Gaulle se méfie de l’Europe, il se montre hostile


Exploitations laitières 427 400 70 500 à l’idée fédéraliste qui a marqué les premières étapes de la
Production par exploitation 64 800 kg 360 900 kg construction européenne. Il est partisan d’une Europe des
Vaches par exploitation 17 vaches laitières 52 vaches laitières États qui coopèrent en fonction de leurs intérêts communs
Élevage de plus de 50 vaches 4% 42 % sans abandonner la moindre part de leurs compétences à une
Production par vache 3 850 kg 7 000 kg quelconque autorité fédérale supranationale. Il souhaite une
Prix du lait 0,46 €/l (€ 2014) 0,34 €/l Europe confédérale dans laquelle les États conservent leur
Prix du soja 0.58 €/kg 0.46 €/kg
souveraineté. Il refuse le vote à la majorité au Conseil des
Nombre total de vaches laitières 6.7 M 3.7 M
ministres. Pour imposer ses vues, il pratique la politique de la
Total collecte 26 Mt 24 Mt
Sources : CNIEL, Eurostat, FranceAgriMer, Réalisation : S. Coté
«chaise vide». De juin 1965 à janvier 1966, la France ne siège
plus au Conseil des ministres, bloquant le fonctionnement des
1 La transformation de l’activité laitière en France
à la suite de la mise en place des quotas en institutions. Et ce, jusqu’au compromis de Luxembourg (29
1984. janvier 1967) qui précise que le vote à l’unanimité reste la
règle de la prise de décision.
Quoi qu’il en soit, en juillet 1968 le marché commun est
mis en place, fondant un exemple unique d’intégration écono-
mique régionale.

3 Gouverner l’Europe
Les institutions européennes sont à l’image de l’histoire de
l’UE. Elles tentent de concilier les divers partenaires et inté-
rêts. Les institutions forment un triangle institutionnel où,
en théorie, la Commission représente l’intérêt général, les
Conseils européens l’intérêt des États et le Parlement l’intérêt
du peuple.
- Le Conseil européen réunit les chefs d’États et de gouver-
nement deux fois par an. Il fixe les grands objectifs à réaliser.
- La Commission européenne (nommée pour cinq ans)
propose les politiques et les règlementations. Elle les met en
æuvre.
- Le Conseil des ministres adopte les textes proposés par
la Commission et partage avec le Parlement la prise de déci-
sion (codécision).
- Le Parlement, élu pour 5 ans, exerce le pouvoir législatif,
vote le budget et contrôle l’exécutif (Commission et Conseil
2 Caricature de Kroll publiée dans Le Soir en des ministres).
Belgique le 6 janvier 2007 pour illustrer la com-
- La Cour de justice veille à l’application du droit de l’Union.
plexité des débats au sein du Conseil européen.
Selon la nature de la décision, diverses procédures existent :
- L’unanimité pour les plus importantes (adhésion d’un nou-
veau membre). C’est l’Europe des nations.
- La majorité qualifiée (Conseil des ministres) pour la ges-
tion courante. C’est l’Europe supranationale.
Le fonctionnement de l’UE est donc complexe. Il néces-
site une simplification et plus de transparence auprès des
3 Origine et évolution des différentes institutions ­Européens.
européennes.
Traité de Traité de Accords de Traité de Traité de Acte unique Traité de Traité Traité de Traité de
Bruxelles Paris Paris Rome fusion européen Maastricht d’Amsterdam Nice Lisbonne
1948 1951 1954 1957 1965 1975 1986 1992 1997 2001 2007

Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom)


Communautés
européennes Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA)

Communauté économique européenne Communauté européenne


Union
Cours

Justice et affaires
TREVI (justice) Coopération policière et judiciaire en matière pénale (CPJMP) Européenne
intérieures (JAI)
Coopération politique européenne (UE)
Politique étrangère et de sécurité commune (PESC)
(politique étrangère)
Union occidentale (défense) Union de l’Europe occidentale (défense)
Source : Wikipédia, Réalisation : S. Coté

Chapitre 7 : La construction européenne depuis 1957 171


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4 L’acte unique et le traité de Maastricht

Après la crise des années 70, les États européens prennent


des voies divergentes. Depuis 1979, M. Thatcher au
Royaume-Uni défend un libéralisme économique strict et veut
participer au minimum au financement de l’Europe. En France,
F. Mitterrand nationalise les grandes entreprises et accorde
une législation sociale généreuse depuis 1981, mais il revient
en 1983 à une politique de rigueur. En RFA, H. Kohl défend
le modèle économique mixte des chrétiens démocrates alle-
mands. 1 Caricature de Plantu à l’occasion du Conseil
Le couple franco-allemand reprend toute sa force à l’initia- européen de Copenhague de 1987 (Le Monde).
tive d’H. Kohl et de F. Mitterrand. Les deux chefs d’État sou-
tiennent leurs politiques nationales respectives, et poussent
Jacque Delors en 1984 à proposer un livre blanc pour ache-
ver le marché intérieur. Le travail débouche sur la signature de
l’Acte unique en 1986.
Le traité de Maastricht en 1992 met en forme les enga-
gements de l’Acte unique. Les États perdent une partie
de leur souveraineté dans le domaine économique. Ils
doivent informer la Commission de leurs politiques écono-
Union européenne
miques. Les décisions sont prises à la majorité qualifiée et
sous le contrôle du Conseil. Ces changements expliquent les 2 La signature du traité de Maastricht le 7 février
1992.
difficultés de la ratification du traité avec, par exemple, le refus
du Danemark. Le traité permet aussi :
- La naissance de la citoyenneté européenne. Biographies
- La création de l’Espace économique européen (EEE). Jacques Delors est né en 1925.
Les fondements du marché unique sont la libre circulation des Il commence sa carrière à la
personnes, des biens, des services et des capitaux, désignée Banque de France et s’engage
par l’expression des «quatre libertés». dans le syndicalisme à la
- La convention de Schengen (1990), qui autorise la libre CFTC. Lorsque les socialistes
gagnent en France les élec-
circulation des personnes et met en place la surveillance com-
tions présidentielles, il devient
mune des frontières de l’Union et la lutte concertée contre les
ministre de l’Économie et des
grands trafics. Finances de François Mitterrand. En janvier
- La mise en place d’une monnaie unique, l’euro (2002), 1985, il est nommé président de la Commission
dont la Banque centrale européenne (BCE) dirige la politique des Communautés européennes. Favorable au
­monétaire. grand marché, il est un des acteur principaux
de l’Acte unique et du traité de Maastricht.
- L’organisation d’une politique étrangère et de sécurité
En 1994, il renonce à devenir candidat lors de
commune (PESC). l’élection présidentielle française. Il continue
Les nouveaux élargissements obligent à repenser l’Europe. à soutenir les projets européens.
Dès 1993, les critères d’adhésion sont précisés à Copen- Helmut Kohl (1930-2017) : Il s’engage très
hague. Trois domaines sont concernés : jeune à la CDU (chrétiens démocrates) et tra-
- Le pays doit avoir des institutions stables au plan dé- vaille dans l’industrie à Lud-
mocratique. Il faut un État de droit qui respecte les droits de wigshafen. Devenu député en
1959, il occupe des fonctions
l’homme et les minorités, lutte contre la corruption ou le crime
politiques successives qui le
organisé. mènent en 1982 au poste de
- L’économie de marché doit être viable et adaptable au Chancelier. Proche de Fran-
marché commun. çois Mitterrand, dont il est
- Le candidat doit disposer d’une administration publique proche, ils devient avec lui un symbole de
la réconciliation franco-allemande et pousse
capable d’appliquer la législation européenne.
à l’approfondissement de l’Europe. Il défend
La candidature doit être acceptée à l’unanimité. Lors de la le traité de Maastricht et la création de l’eu-
procédure de pré-adhésion, le pays bénéficie d’un programme ro. Il mène la réunification allemande en évi-
Cours

d’aide et de coopération. Le nouveau candidat s’engage à in- tant les conflits. Confronté à des difficultés
tégrer dans son droit national toutes les directives adoptées sociales et politiques, il quitte sa fonction en
par l’Union (l’acquis communautaire). 1998.

172 Chapitre 7 : La construction européenne depuis 1957


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II Perspectives et défis contemporains

Biographie 1 L’échec de la constitution européenne


François Mitterrand (1916- La Constitution européenne devait parachever et simplifier
1996) : avocat, issu d’un mi- le processus d’approfondissement. Mais à la suite du refus
lieu bourgeois et catholique, de la France et des Pays-Bas de ratifier le texte, les Euro-
il milite d’abord à droite péens reprennent les grandes dispositions dans le traité de
pour glisser à gauche après Lisbonne en 2009.
la Seconde Guerre mondiale.
Il entre au gouvernement Le rôle du Parlement est renforcé. Il est doté d’un pouvoir de
français en 1947 et détient, au temp de la codécision avec la Commission, notamment dans le domaine
Quatrième République, plusieurs portefeuilles de l’immigration, de la coopération judiciaire, de la politique
ministériels. Avec la création de la Cinquième sociale et de la PAC. Il fixe et approuve le budget et donne son
République en 1958, il devient un des princi- avis sur les accords internationaux.
paux opposants au général de Gaulle. Il pousse
La démocratie participative se renforce avec l’initiative ci-
à l’union de la gauche et parvient à gagner
les élections présidentielles en 1981 et 1988.
toyenne. L’UE a des compétences exclusives (exemple: l’union
Il soutient le projet européen par le biais de douanière) et des compétences partagées (exemple : l’envi-
l’Acte unique et du traité de ­Maastricht. ronnement, le transport ou la protection des consommateurs).
Le traité de Lisbonne envisage d’autres aspects : le retrait
d’un des membres, un président choisi pour deux ans et demi
et un haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères
et la politique de sécurité.
Quel avenir pour l’Europe ? Élargissement ou
2 morcellement ?
L’élargissement de l’Europe aux pays de l’Est de l’Europe
pose la question de son approfondissement. Dès les années
90 se dessine une Europe à la carte dans laquelle les États
membres adhèrent aux politiques européennes en fonction de
leurs intérêts. La zone euro, l’espace Schengen ou le mar-
Toute l’Europe.eu
ché unique ne correspondent pas à la réalité des frontières
1 Jacques Santer, président de la Commission de l’UE.
européenne, à droite, et Yves-Thibault de Sil-
guy (membre de la Commission européenne) à Actuellement l’Europe s’interroge sur la nécessité de ocn-
gauche, présentent l’euro en 1998. tinuer son élargissement. En 2014, J.-C. Junker annonce
qu’il n’y aura pas d’élargissement durant les cinq prochaînes
années. Les nouveaux candidats paraissent trop pauvres ou
trop peu européens pour prétendre à satisfaire aux critères
d’adhésion.
Les opinions restent par exemple contradictoires au sujet de
la Turquie. D’un côté, des membres de l’UE refusent l’adhé-
sion du pays en raison du non-respect des critères de Co-
penhague. D’autres s’opposent parce qu’ils estiment que la
religion et la tradition turque ne correspondent pas à l’identité
européenne.
Mais l’europe est soumise à des forces centrifuges. En juin
2016, après un référendum, les Britanniques choisissent de
quitter l’UE : c’est le Brexit. Le processus de séparation est
toujours en cours. Cette crise interroge sur le sens de l’Eu-
Inconnu
rope. Un État a-t-il plus de souveraineté hors d’Europe ou à
2 Affiche antieuropéenne du parti d’extrême l’intérieur de l’Europe ? Comment peut-on concilier l’accès au
droit AfD (alternative pour l’Allemagne) lors des
élections de 2019. Ce parti se définit lui même
marché commun et liberté dans le choix des normes écono-
Cours

comme anti-islam, anti-immigration et anti-fémi- miques et scociales ? Quelle que soit l’issue de ce processus,
niste. Il est écrit : «Pour que Bruxelles ne de- le Brexit satisfait la Russie et les États-Unis car il fragilise la
vienne pas Babylone». construction européenne.

Chapitre 7 : La construction européenne depuis 1957 173


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3 Les défis de l’Europe


75 % et plus Finlande
65 à 74 %

50 à 64 %
MER Suède Estonie
Moins de 50 %
L’UE, premier pôle démographique, économique et commer- DU
Lettonie

Danemark Lituanie
cial de la Triade (voir cours de géographie), peine à établir une OCÉAN
Irlande
Royaume
NORD

politique étrangère commune. Les membres se divisent ATLANTIQUE


Uni
Pays-Bas
Belgique
Allemagne Pologne

quant à leur engagement auprès des Américains lors de la Luxembourg Tchéquie


Slovaquie

seconde guerre du Golfe en 2003. Quels liens l’Europe et les France


Autriche Hongrie
Roumanie MER NOIRE
États-Unis doivent-ils entretenir alors que ce pays est la seule Irlande
Slovénie
Croatie

puissance possédant les moyens logistiques et militaires ca-


Bulgarie
Portugal Espagne

pables de protéger le continent ? La question de l’atlantisme Grèce

se pose d’autant plus que la Russie n’a pas abandonné ses MER MÉDITERRANÉE
Chypre

velléités de contrôle des anciens États ­soviétiques (Georgie, Source : eurobaromètre 2013, Réalisation : S. Coté Malte

Ukraine, Kaliningrad...), voire de son ancien glacis de l’Est . 1 Pourcentage des habitants qui se sentent ci-
toyens de l’UE.
Les institutions européennes connaissent un déficit de
confiance avec la population. Elles sont jugées complexes,
lourdes et éloignées des préocupations de chacun. Certains
dénoncent le manque d’«Europe sociale» dans un contexte
de crise renforcé.
En effet, à partir de 2010, la crise économique affecte la zone
euro, notamment la Grèce. A l’occasion de celle-ci, le déficit de
solidarité entre États membres est patent. Les pays créditeurs
n’ont pas envie d’abandonner leurs créances (France ou Alle-
magne). Ces événements montrent les manques de la construc-
tion européenne dans le domaine monétaire et financier. Ils
causent aussi un profond ressentiment de la part de la popu-
lation grecque, épuisée par les politiques d’austérité imposées.
L’autre crise qui ébranle les fondements de l’Europe est celle
des migrants. À partir de 2015, le problème prend une dimension
inégalée. Des millions de migrants tentent de passer la Méditer-
ranée pour s’installer en Europe. Ils sont chassés par les guerres
du Moyen-Orient (Syrie, Irak) ou par la misère du continent afri-
cain. Ils débarquent pour la plupart sur les côtes grecque et ita- 2 Caricature du dessinateur Man qui publie dans
le journal français, le Midi libre.
lienne. La question de leur accueil et de la réponse à apporter à
leur demande d’asile divise à nouveau les États européens et
les opinions publiques. Cette «crise des migrants» met aussi à Révisions
mal l’image de l’Europe qui renonce à ses valeurs. Vocabulaire : Congrès de La Haye - unionistes
Les populistes et les nationalistes utilisent les crises pour - fédéralistes - OECE - Plan Marshall - Pacte
accroitre leur audience et leur influence dans de nombreux pays. Atlantique - Conseil de l’Europe - plan Schu-
man - CECA - traité de Paris - CED - Confé-
Notamment en Hongrie avec V. Orban, l’Italie avec M. Salvini et
rence de Messine - traités de Rome - CEE -
la France avec M. Le Pen. Certains gouvernement renforce leur marché commun - PAC - traité de Maastricht
autorité quitte à limiter le droit de la presse ou les libertés pu- - Convention de Schengen - euro - traité de
bliques. Ces régimes sont qualifés de «démocratie illibérales» Lisbonne - grand marché - Conseil européen
ou de «démocrature» (fusion de démocratie et dictature). - Commission européenne - Conseil des mi-
nistres - Parlement - Cour de justice.
3 Covid-19 et solidarité européenne Notions : Quels hommes et femmes politiques
marquent la construction européenne ? Quel
L’initiative franco-allemande de créer un fonds de relance européen pour
aider les pays les plus touchés par la crise du Covid-19 est un jalon vers
rôle joue le couple franco-allemand ?
une Union fédérale. Expliquez les critères de Copenhague.
Pourquoi la Constitution européenne a-t-elle
Les partisans d’un État fédéral européen ont pu applaudir à deux mains
à l’annonce de la proposition d’un “fonds de reconstruction européen”, échoué ? Par quoi est-elle remplacée ?
présentée par le président français, Emmanuel Macron, et la chancelière Qu’est-ce que le «triangle institutionnel» ?
allemande, Angela Merkel, en réponse à la crise du coronavirus. [...] Cette Quelles sont les procédures de vote dans les
initiative repose sur un tout nouveau consensus franco-allemand. institutions européennes ?
Le fait nouveau et déterminant, c’est que l’UE en tant que telle doit s’endet- Quelles sont les étapes de l’élargissement et
ter. Et ce qui change, c’est que l’argent sera distribué aux pays sous forme quelles sont les limites ? Comment se mani-
Cours

de subventions – et non de crédit –, l’UE disposerait ainsi, conformément à feste l’approfondissement des législations
la volonté de Paris et de Berlin, d’un tout nouvel instrument de financement. européennes ?
Werner Mussler, Ein neues Kapitel für Europa, 19 mai 2020 Quels sont les enjeux actuels de l’UE ?

174 Chapitre 7 : La construction européenne depuis 1957


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De l’Histoire à Mon
LA CHINE DEPUIS
Chapitre
Histoire Personnelle
1949
8
1

OCÉAN GlACIAL ARCTIQUE


2
En haut, affiche de pro-
pagande montrant la
OCÉAN
«filiation» idéologique
entre Marx, Engels,
PACIFIQUE
Lénine, Staline et Mao
OCÉAN Zedong.
OCÉAN
A gauche, l’influence de
la Chine et le monde en
OCÉAN 1970.

ATLANTIQUE
Quelles sont les ori-
PACIFIQUE
INDIEN
gines communes entre
le modèle communiste
Exercices

chinois et le modèle
soviétique ?
Bloc de l’Ouest Bloc de l’Est La Chine
En quoi évoluent-ils de
États-Unies L’URSS La Chine
0 2 000 km façon différente ?
Les alliés des USA Camp socialiste Les alliés de la Chine Réalisation : S. Coté

Chapitre 8 : La Chine depuis 1949 175


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I La Chine de Mao
1 L’arrivée au pouvoir des communistes

Pékin
Depuis le XIXe s., la Chine peine à se moderniser. La so-
Jap. ciété est inégalitaire et le régime politique impérial est
Shaanxi à bout de souffle. La révolution éclate en 1911, permet-
tant au Kuomintang, le parti nationaliste, d’accéder au
pouvoir. Tchang Kaï-chek, son dirigeant, dans un premier
temps allié aux communistes, ne parvient pas à réformer
Shanghai
Sichuan le pays. S’en suit donc une guerre civile en 1927. Lors de
Anhui la guerre sino-japonaise de 1937 à 1945, les combats s’at-
En ténuent pour résister en commun à l’envahisseur japo-
Jiangxi nais, mais après 1945, soutenu par les classes paysannes
bénéficiaires des réformes communistes, Mao Zedong et
Jap.
ses alliés prennent le pouvoir.
Canton
En
Hong Kong URSS
Fr.
Réalisation : S. Coté

Mandchourie
Bases communistes Itinéraire suivi par Mao MONGOLIE

Bases éliminées par le Kuomintang Autres itinéraires suivis par


les armées communistes
CORÉE
Offensives du Kuomintang Xinjiang
DU NORD
Pékin
CORÉE

1 La Longue Marche de Mao de 1934 à 1935. Shaanxi DU SUD

Yan’an
TIBET
Xi’an Nankin
Sichuan Anhui Shanghai

Chengdu Mer de Chine


Orientale

Jiangxi Taipei
INDE
Canton Taïwan

Hong Kong
BIRMANIE INDOCHINE
FRANÇAISE Mer de Chine
Méridionale
Réalisation : S. Coté

Attaques soviétiques et mongoles (août 1945) Zone de résistance du Kuomintang


Zones communistes en 1946 Positions tenues par le Kuomintang en 1950
Zones communistes en juin 1948 Offensives communistes
Zones communistes en déc. 1949
Zones communistes en 1950

Inconnu 4 La guerre civile de 1946 à 1950.


2 L’Armée rouge chinoise lors de la guerre civile.
5 La misère paysanne avant les réformes
L’épouse du paysan pauvre Ta-hung prit alors la parole : «Vous
avez dû vendre votre maison, mais mes parents ont été obli-
gés de me vendre, moi. Nous habitions une vallée fertile, mais
nous ne possédions pas de terre.
Pendant l’année de famine, nous mourions de faim et mes
parents m’ont vendue pour quelques boisseaux de grains. Si
nous avions possédé de la terre, j’aurais pu trouver un époux
et me marier convenablement, au lieu d’être vendue comme un
âne ou une vache.»
Les récits se multipliaient. Plusieurs assistants pleuraient en
évoquant la vente d’enfants, la mort de parents, la perte de
biens. Les cadres du village répétaient : «Pour quelle raison ?
Pourquoi avons-nous tant souffert ? Pourquoi ne nous attaque-
rions-nous pas aux propriétaires fonciers et ne redresserions-
nous pas les torts causés ?»
Wikimedia, Inconnu W. Hinton, Fanschen, la révolution communiste dans un village chinois,
1971, notes d’un voyage en Chine durant l’été 1948.
3 La proclamation de la République populaire de Chine le 1er
octobre 1949.
6 Mao et la révolution
Questions Chaque communiste doit assimiler cette vérité «Le pouvoir est
au bout du fusil». [...] L’expérience de la lutte des classes à
Exercices

1. Décrivez les étapes de la conquête du pouvoir par l’époque de l’impérialisme nous montre que la classe ouvrière
les communistes chinois (docs 1 à 4). et les masses travailleuses ne peuvent vaincre les classes ar-
2. Analysez la situation sociale en Chine avant l’arrivée mées de la bourgeoisie et des propriétaires fonciers que par la
des communistes. Selon Mao, par quels moyens faut-il force des fusils.
prendre le pouvoir (docs 5 à 6) ? Mao Zedong, Problème de la guerre et de la stratégie, 1938

176 Chapitre 8 : La Chine depuis 1949


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2 Le choix du modèle soviétique

3 Le rôle des Soviétiques dans le premier plan


Les Soviétiques n’inspirent pas seulement les conceptions du
plan, ils participent à la mise en place de l’appareil logistique, à
l’organisation des ministères économiques, à celle des grandes
usines et des diverses corporations publiques. [...] Finalement,
leurs experts, ingénieurs et techniciens aident à préparer et à
exécuter les grands projets. Les plans de nombreuses usines
sont dressés en URSS, et une partie des entreprises livrées
clé en main aux Chinois […]. Le puissant effort d’industriali-
sation a permis d’élargir massivement la base industrielle et
l’infrastructure moderne.
G. Etienne, La voie chinoise, 1974.

1 Ingénieur communiste soviétique en mission auprès des 4 La réforme agraire


Chinois. Les pauvres et les sans-terre se trouvèrent dans un univers
nouveau. 121 ha de terres avaient été partagés entre les fa-
milles de cette catégorie, doublant ainsi la quantité de terres
qu’elles possédaient et qui passa de 0.22 ha à 0.41 ha par
tête. L’augmentation, certes, ne les rendit pas plus fortunées,
mais elle suffit à leur assurer un niveau de vie minimum. Pour
chacune, elle représentait le passage des limites de la famine
à une sécurité relative. Des paysans qui, autrefois, ne récol-
taient que la moitié de ce dont ils avaient besoin pour vivre,
devienrent soudain capables d’assurer leur subsistance en tant
qu’agriculteurs. [...]
Cette transformation eut des répercussions considérables sur
le mode de vie et sur l’esprit des pauvres et des sans-terre.
Pour la première fois de leur vie, ils se sentirent capables, en
une certaine mesure, de maîtriser leur destinée. Ils dormaient
maintenant sous leur propre toit, cultivaient leur propre terre,
semaient leur propre grain, pensaient à leurs futures moissons
et, ce qui était peut-être le plus important, ils ne devaient ni
argent, ni grain à personne. Ils étaient entièrement libérés de
toute dette.
W. Hinton, Fanschen, la révolution communiste dans un village chinois,
1971, notes d’un voyage en Chine durant l’été 1948.

2 Affiche de propagande chinoise montrant le modèle de


collectivisation inspiré de l’URSS. Malgré les réformes, la
production agricole progresse moins vite que la popula-
tion. Les réquisitions pour financer l’industrialisation dimi-
nuent la consommation paysanne. De plus, la croissance
industrielle reste insuffisante en biens de consommation.
Inconnu

Questions 5 La campagne des Cent Fleurs est menée de février à juin


1957. Elle symbolise «cent écoles, cent opinions qui s’ex-
1. Expliquez la popularité du communisme dans la priment». C’est Mao Zedong qui encourage la population
Chine de 1948 (doc 4). à cette liberté d’expression pour palier les échecs de ses
2. D’après les docs 1 à 3, en quoi la Chine reproduit-
Exercices

réformes économiques. Mais la campagne va prendre une


elle le modèle économique soviétique ? ampleur qu’il n’avait pas prévue. En réaction, il mène une
politique de répression. Certains analystes politiques diront
3. Établissez le bilan des réformes économiques (doc 2).
plus tard que cette campagne était une sorte de piège afin
4. Identifiez les causes de la campagne des Cent Fleurs. de laisser s’exprimer les intellectuels dissidents pour mieux
Comment se déroule-t-elle (doc 5). les réprimer.

Chapitre 8 : La Chine depuis 1949 177


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3 La voie maoïste : le Grand Bond en avant (1958-1961)

4 «Plus vite, plus et mieux»


Notre population est nombreuse et notre situation géographique
est excellente. Mais si nous n’organisons pas la collectivisation,
il n’y aura pas de débouchés pour la paysannerie, malgré tous
les efforts. Les paysans chinois sont encore meilleurs que les
ouvriers anglais et américains, c’est pourquoi on peut «encore
plus, encore mieux et encore plus vite» parvenir au socialisme
et on n’a pas besoin de prendre constamment l’Union sovié-
tique comme référence. Pouvoir fabriquer annuellement 24 mil-
lions de tonnes d’acier au bout de trois plans quinquennaux,
cela signifierait justement dépasser en vitesse l’Union sovié-
tique. Il y a actuellement des accroissements aux deux ailes,
mais l’essentiel reste vraisemblablement en retard. [...]
Il est très possible que notre pays entre dans le socialisme sans
être encore industrialisé. A-t-on le droit de faire attendre davan-
affiche de propagande chinoise tage les paysans ? Non, voyons. Si la paysannerie entre dans
1 Le modèle idéal de la commune populaire lors du Grand le socialisme, cela ne met absolument pas d’obstacle à l’indus-
Bond en avant. trialisation, et on ne doit pas la laisser attendre ­davantage.
Discours de Mao Zedong, Le grand livre rouge, 6 décembre 1955

5 Les communes populaires


La commune doit devenir l’unité de base - sociale, économique,
culturelle, éducative, politique et militaire (autodéfense) - de
l’État socialiste. La commune doit prendre en charge toutes les
organisations gouvernementales locales, elle est l’instrument
de l’élimination de la propriété privée des moyens de produc-
tion. Chaque commune deviendra un complexe agro-industriel
dirigeant ses propres affaires, petit État autonome, relié aux
autres communes par les liens de l’unification culturelle, poli-
tique et militaire.
Han Suyin, écrivaine d’origine chinoise et européenne, cité dans Jacques
Maillard, Yves Lequin, Les Nouveaux Mondes d’Extrême-Orient, 1970.

Inconnu

2 Travail dans les rizières lors du Grand Bond en avant.

Questions 6 La critique du Grand Bond en avant


Dans le mouvement de mobilisation des masses pour la fabri-
1. Expliquez les causes du Grand Bond lancé par Mao.
cation de l’acier, la multiplication des petits hauts fourneaux
Quels en sont les objectifs (doc 4) ? improvisés a entraîné un gaspillage de ressources (matières
2. Définissez ce qu’est une commune populaire. En quoi premières, investissements et main-d’oeuvre) [...].
est-elle au coeur du modèle économique maoïste ? Dé- On a désavoué prématurément le principe d’échange à pari-
crivez ce modèle (docs 1, 2, 3 et 5). té égale, on a promu prématurément la notion de nourriture
3. Quel est le bilan du Grand Bond en avant (doc 6) ? gratuite ; dans les régions où la récolte paraissait bonne, [...]
certaines techniques furent imprudemment généralisées sans
avoir été préalablement éprouvées, on rejeta à la légère des
lois économiques et des principes scientifiques. [...]
La «priorité au politique» ne saurait se substituer aux lois écono-
miques, et surtout ne saurait remplacer les mesures concrètes
d’exécution des tâches économiques ; [...] il faut joindre des
mesures réellement efficaces dans l’ordre des tâches écono-
miques.
Le maréchal Peng Dehuai, 1959 lors de la conférence du PCC. Il est alors
contraint de faire des excuses à Mao Zedong et de se retirer de la vie politique.
Exercices

Inconnu
Dès 1959, la production agricole s’effondre, passant de 195
millions de tonnes en 1958 à 150 millions de tonnes en 1960.
3 Les petits hauts fourneaux lors du Grand Bond en avant. Les autorités cachent la réalité du drame, mais les historiens
Le minerai de fer est porté dans des paniers jusqu’au som- évaluent entre 20 et 43 millions le nombre de morts à cause
met de la tour en fusion. Le métal produit est de qualité du Grand Bond en avant.
médiocre et bien souvent inutilisable.

178 Chapitre 8 : La Chine depuis 1949


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4 La reprise en main : la Révolution culturelle (1966-1976)

Li Zhensheng - provided by Chinese University Press


2 Lors de la Révolution culturelle, Mao s’attaque aux principaux leaders
1 Le 26 août 1966, une séance de Thamzing du politiques qui dirigent la Chine et qui l’ont écarté du pouvoir après
premier secrétaire du parti communiste chinois l’échec du Grand Bond en avant.
(PCC) de Harbin. Il s’agit d’une séance d’auto-
critique publique qui est imposée par les gardes
rouges. L’objectif de ces séances est de réfor-
Questions
mer la pensée du prisonnier ou d’humilier la
personne. La victime devait alors avouer des 1. Pourquoi faut-il faire
fautes bien souvent imaginaires devant d’autres régulièrement la Révolu-
prisonniers et en présence de sa famille. Ces tion pour Mao ? Que faut-
derniers accusaient, frappaient et insultaient la il combattre (doc 5) ?
victime. Ces séances pouvaient durer plusieurs
semaines et finissaient parfois en suicide. 2. Identifiez les buts po-
litiques recherchés par
Mao en lançant la Révo-
lution culturelle (doc 2).
3. À l’aide des docs 1, 3
3 Le petit livre rouge résume la pensée et 4, illustrez la Révolu-
de Mao. Chaque foyer devait en pos- tion culturelle. Analysez
séder un. Il fut publié à plus de 900
les sources.
millions d’exemplaires.

5 Refaire la révolution régulièrement


Il y a plus d’une centaine de partis communistes dans le monde. La grande
majorité d’entre eux ne croient plus au marxisme-léninisme. Ils ont même
réduit en poussière Marx et Lénine. Alors, pourquoi pas nous ? [...]
Notre tâche actuelle consiste à renverser partiellement la droite (et non
totalement, car c’est impossible) dans tout le parti et dans tout le pays. Dans
7 ou 8 ans, on lancera un autre mouvement pour balayer les génies mal-
faisants. Et ce mouvement devra ensuite se répéter à de nombreuses re-
prises. La grande Révolution culturelle est une grande manœuvre sérieuse.
[...] Là où la droite est la plus arrogante, là est la gauche la plus acharnée.
Lettre de Mao Zedong à sa femme Jiang Qing, mai 1966.
Bien que renversée, la bourgeoisie tente de corrompre les masses et de
conquérir leur cœur au moyen de la pensée, de la culture, des mœurs et
des coutumes anciennes des classes exploiteuses en vue de sa restaura-
tion. [...] Le prolétariat doit faire le contraire : opposer une riposte de front
à chaque défi lancé par la bourgeoisie dans le domaine idéologique et
transformer la physionomie morale de toute la société avec la pensée, la
culture et les mœurs et coutumes nouvelles qui sont propres au prolétariat.
À l’heure actuelle, nous avons pour but de combattre et d’écraser ceux
Exercices

4 À partir de 1968, les étudiants qui ont formé la qui détiennent des postes de direction [...], de critiquer les « autorités»
base des troupes des gardes rouges sont en- académiques, réactionnaires de la bourgeoisie [...] et de réformer le sys-
voyés dans les champs pour rééducation. Mao, tème pédagogique, la littérature, l’art et toutes les autres branches de la
seul chef incontesté, avec le concours de l’ar- superstructure qui ne correspondent pas à la base économique socialiste.
mée, peut ainsi reprendre le contrôle de la rue. Décision du Comité central du PCC, adoptée le 8 août 1966

Chapitre 8 : La Chine depuis 1949 179


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II La Chine nouvelle entre modernisme et dictature


1 L’arrivée de Deng Xiaoping et la libéralisation économique après 1978

1949 1984 6 Deng Xiaoping définit la nouvelle politique


Population rurale (en millions) 484 704 Nous voici encore une fois à un tournant de l’histoire de la
Population totale (en millions) 541 1 034 Chine. En 1978, nous avons lancé un vaste programme que
nous appelons «les Quatre Modernisations» : modernisation
Population rurale (en %) 89.4 68.1 de l’industrie chinoise, de l’agriculture, du secteur scientifique
1 L’évolution de la société chinoise entre 1949 et 1984. Princi- et technologique, et de la défense nationale. […] Le but d’une
pales statistiques 1985. Documents statistiques pour l’agriculture, 1949-1984. révolution socialiste, au fond, consiste à libérer les forces pro-
ductives d’un pays et à les développer. […] Le peuple chinois
a choisi le socialisme parce qu’il s’est convaincu que le so-
cialisme saurait faire naître des conditions plus favorables au
1954 1978 1984 développement des énergies productives de la Chine. […]
Grain (blé, riz... ) (kg) 221 248 266.5 Là-dessus, notre opinion est parfaitement claire aujourd’hui.
Viande (kg) 4.59 5.75 10.62 Mais elle n’a pas toujours été partagée par tous nos compa-
triotes. Pendant dix longues années, la bande des Quatre* a
Sucre (kg) 0.40 0.73 1.3 cherché à faire dévier la Chine hors de la ligne juste. Elle lan-
çait même ce slogan : «Nous préférons une société pauvre
2 L’évolution de la consommation alimentaire (par tête et par
an) dans les familles paysannes de 1954 à 1984. Principales mais socialiste à une société riche mais capitaliste.» Quelle
statistiques 1985. Documents statistiques pour l’agriculture, 1949-1984. absurdité […]
Nous ne voulons pas le capitalisme ; ce que nous voulons,
c’est une société socialiste dont l’économie soit prospère.
Nous sommes convaincus que le système socialiste est supé-
1978 1984
rieur au capitalisme. […]
Bicyclettes 31 75 Certains observateurs étrangers se demandent sur quoi se
Machines à coudre 20 43 fonde notre optimisme. Qu’il me soit donc permis d’exposer
Postes de radio 18 61 quatre raisons fondamentales :
1. L’immense territoire de la Chine est riche en ressources
Réveils et montres 52 151
naturelles. […]
Télévisions 0 7 2. Au cours des trente dernières années, nous avons commis
3 L’évolution du niveau de vie en Chine entre 1978 et 1984 un certain nombre d’erreurs. Nous avons pu cependant jeter
pour 100 familles paysannes. Principales statistiques 1985. les bases du développement agricole, industriel et technique
de la Chine. […]
3. Les Chinois ne sont pas dénués d’intelligence. Notre grand
problème est de trouver comment donner son plein essor à
4 Les zones économiques spéciales
son esprit inventif.
Les zones économiques spéciales sont comme des fenêtres 4. La Chine a maintenant adopté une politique d’ouverture sur
ouvertes sur le monde ; elles permettent de faire entrer chez le monde, dans un esprit de coopération internationale. […]
nous les techniques, les modes de gestion et les connais-
Nous voudrions, à mesure que notre développement se pour-
sances d’autres pays, et aussi de faire connaître notre politique
suit, élargir le rôle de l’économie de marché. [ …] Au sein du
extérieure. Par le biais de ces zones, nous pouvons introduire
système socialiste, une économie de marché et une économie
des technologies, acquérir des connaissances et assimiler
fondée sur la planification de la production peuvent coexister et
de nouvelles méthodes de gestion, celle-ci étant aussi une
il est possible d’établir entre elles une coordination.
forme du savoir. Certains des projets mis en oeuvre peuvent
Déclaration de Deng Xiaoping en 1979
n’être pas très rentables pour le moment mais, à envisager les
* Bande des quatre : il s’agit de la femme de Mao et de trois autres dirigeants
choses à long terme, ils sont avantageux et fructueux. chinois, accusés d’être à l’origine des excès de la Révolution culturelle. Ils sont
Déclaration de Deng Xiaoping en 1979 arrêtés et condamnés à la mort de Mao.

Questions
1. Comment Deng Xiaoping justifie
-t-il la modernisation de la Chine ?
Définissez les «Quatre Modernisa-
tions» (doc 6).
2. Présentez les forces économiques
de la Chine (doc 6).
3. Définissez une zone économique
spéciale. Pourquoi sont-elles essen-
Exercices

tielles à la réforme ­économique


(docs 4 et 5) ?
4. Cette réforme est-elle une réus-
site sociale et économique (docs 1 à
5 Affiche de propagande de la zone économique spéciale de Shenzhen. 3) ? Justifiez.

180 Chapitre 8 : La Chine depuis 1949


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2 La Chine entre miracle économique et répression

CATHERINE HENRIETTE / AFP [Jeff Widener/Associated Press/Sipa]

1 À partir d’avril 1989, les étudiants se rassemblent sur la 3 5 juin 1989 : «Tank Man». Après l’échec des négociations,
place Tian’anmen afin de dénoncer la corruption du ré- le gouvernement chinois instaure la loi martiale le 20 mai
gime. Ils veulent des réformes politiques et démocratiques. 1989. L’armée intervient le 4 juin. Alors qu’une colonne de
chars avance vers la place Tian’anmen, un inconnu sur-
git et bloque la colonne. La photo symbolise la répression
arbitraire du régime face à des étudiants ­pacifiques.

2 La «cinquième modernisation» 4 Justifier la répression, poursuivre les réformes


Comment se fait-il que tous les pays socialistes actuels soient Le camarade Xiannian a raison. Les causes de cet incident
issus directement des sociétés féodales les plus arriérées ? sont liées au contexte mondial. Le monde occidental, en par-
C’est une question qui mérite réflexion. Jusqu’à présent, tout ticulier les États-Unis, a jeté toute sa machine de propagande
ce que propose ce genre de socialisme est une sorte d’ava- dans un travail d’agitation et a beaucoup encouragé et aidé les
tar idéaliste de la révolution démocratique. Ces socialismes soi-disant démocrates [...]. C’est la racine de la situation chao-
s’appuient tous sur l’inertie des traditions culturelles féodales tique à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui. [...] La
pour résister aux jeunes pousses de la culture démocratique. seule chose qui nous tient vraiment à cœur est un bon environ-
Ils essaient tous, dans le cadre d’une philosophie féodale, de nement pour nous développer. [...] Si l’agitation continue, elle
nous faire croire qu’une minorité peut guider et assurer le bon- pourrait continuer jusqu’à ce que le Parti et l’autorité de l’État
heur de la majorité. Ils se dirigent ainsi inéluctablement vers le soient épuisés. [...]
totalitarisme. Le résultat — fascisme et dictature — n’est pas dû Au sujet des erreurs, nous les avons bien faites. [...] Nous de-
au hasard puisqu’il est généralisé. Il n’y a pas une seule excep- vons poser un regard sobre et critique sur nous-mêmes, revoir
tion, car ces socialismes sont les héritiers directs de la crème le passé tout en regardant vers l’avenir et essayer de tirer des
de la philosophie féodale : la philosophie classique allemande. leçons de l’expérience en examinant les problèmes actuels.
[…] Le pouvoir pour tous de vivre égaux ne peut être obtenu Si nous faisons cela, il est possible qu’une mauvaise chose
qu’à travers une forme d’organisation libre de la société : le se transforme en bonne. Nous pourrions bénéficier de cet
gouvernement démocratique. incident. [...] Mais nous ne pouvons tolérer les troubles. Nous
Wei Jingsheng, ancien garde rouge, «Toute modernisation est impossible sans imposerons à nouveau la loi martiale si les troubles réappa-
démocratie», 1978
raissent. [...]
Personne ne peut empêcher la réforme et l’ouverture de la
Chine. Personne ne peut empêcher la Chine d’aller de l’avant.
Pourquoi donc ? C’est simple : sans réforme et sans ouverture,
c’est l’arrêt du développement et notre économie glissera vers
le bas. Le niveau de vie baissera si nous revenons en arrière.
Questions L’élan de la réforme ne peut être stoppé. Nous devons insister
1. Analysez les revendications des étudiants en 1989 sur ce point à tout moment.
(doc 2). Certains disent que nous n’autorisons que la réforme écono-
mique et non la réforme politique, mais ce n’est pas vrai. Nous
2. Présentez les formes du mouvement étudiant. Com- autorisons la réforme politique, mais à une condition : que les
ment se termine-t-il (docs 1 et 3) ? quatre principes de base [ de l’idéologie marxiste et de la domi-
3. Analysez le discours de Deng Xiaoping (doc 4). Pré- nation du Parti communiste ] soient respectés.
sentez les causes du mouvement, la réaction à tenir et
Exercices

Deng Xiaoping, discours au Comité permanent du Politburo chinois, 2 juin


1989.
les réformes à continuer. Justifiez et argumentez.

Chapitre 8 : La Chine depuis 1949 181


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3 L’affirmation économique et politique d’une puissance mondiale

Questions
À partir des documents, présentez
et critiquez les manifestations de
la réussite économique, sociale et
politique de la Chine .Expliquez
la notion de «soft power ». Com-
plétez par une recherche person-
nelle.

Alex Needham, Wikimedia

2 La bourse de Shanghai réouvre en


1990. Actuellement, elle est la 4e
capitalisation boursière mondiale.

1 Le «China way of life»

3 La Chine reçue au sein de l’OMC


La Chine, c’est aussi une économie dont le produit national
brut est passé du vingtième au septième rang mondial en
l’espace de 20 ans et pour laquelle certains prédisent même
le premier rang d’ici seulement quatre ans. [...] Cette Chine-
là nourrit à l’égard des pays en développement des ambitions
tout à fait semblables à celles de n’importe quel pays riche.
Déjà premier producteur mondial de machines à laver, de
photocopieuses et de motocyclettes, le géant asiatique ne se
gêne d’ailleurs pas pour presser ses alliés des pays pauvres
d’ouvrir leurs marchés. [...] . Dans des secteurs comme l’élec-
tronique, les télécommunications et les biotechnologies, la
Chine compte sur son bassin de chercheurs et sa connais-
sance du Tiers-Monde pour compenser son léger retard par
rapport aux concurrents occidentaux. Mais avant de se lancer
Stevenliuyi, Wikimedia
à la conquête des marchés étrangers, la Chine devra mettre
de l’ordre dans ses propres affaires. L’OMC ne lui accorde en 4 Le pavillon chinois à l’exposition universelle de 2010. Ce
effet que cinq petites années pour se conformer à ses règles pavillon est le plus haut (63 m) et le plus coûteux de toute
en matière de libre circulation des biens et services. Cette opé- l’exposition. C’est un moyen pour la Chine d’affirmer son
ration risque fort d’emporter des pans entiers du tissu industriel « soft power».
chinois, toujours fortement étatisé, en plus de frapper de plein
fouet une agriculture peu efficace.
Éric Desrosiers, «La Chine reçue au sein de l’OMC», Le Devoir, déc. 2001
Exercices

Photo officielle

6 L’ouverture des Jeux olympiques de Pékin en 2008 avec


le stade national. Ces Jeux ont été l’objet de nombreuses
Inconnu
tensions politiques en raison de l’absence du respect des
5 Exécutions de Tibétains en 2004 par les autorités chinoises. droits de l’homme par la Chine.

182 Chapitre 8 : La Chine depuis 1949


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Chapitre La chine depuis


1949
8

1 Affiche de propagande à la gloire de Mao Zedong durant la Révolution culturelle.


Cours

2 Caricature de Pancho dans Le Monde du 27 février 1992


sur la nouvelle politique économique de Deng Xiaoping.

Chapitre 8 : La Chine depuis 1949 183


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I La Chine de Mao
1 L’arrivée au pouvoir des communistes

Jusqu’au XIXe s., les réformes agraires (riz à maturation pré-


coce, maïs, pommes de terre...) et sociales ont permis à la
Chine de soutenir une expansion démographique unique
avec 400 millions d’habitants au début du siècle. Malheureu-
sement, l’incompétence de la dynastie impériale Qing et 1 Mao pendant la «Longue Marche» en 1934.
la désorganisation économique provoquée par l’importation
d’opium par les Européens ont profondément affaibli le pays.
Biographies
Le système social contribue à la pauvreté. Une minorité de
propriétaires ruraux prélève une rente foncière si forte qu’elle Mao Zedong (1893-1976) : Mao grandit dans
un milieu de paysans aisés. Très tôt opposé
empêche tout investissement pour améliorer les techniques.
à l’autoritarisme et aux injustices, il a soif
De plus, les catastrophes naturelles (sècheresses ou inon-
de savoir. Il s’engage en 1911 dans l’armée
dations) paupérisent les classes paysannes qui n’ont pas de lors de la révolution menée par Sun ­Yat-sen.
réserves pour faire face à ces aléas. En 1911, le régime impé- Démobilisé, il continue ses études et dé-
rial est renversé et remplacé par une République. Mais les couvre les théories marxistes. Il participe
nouvelles autorités sont incapables de redresser le pays divisé en 1921 à la première session du congrès du
entre «seigneurs de la guerre», tous attachés aux valeurs tra- parti communiste chinois à Shanghai. Petit à
ditionnelles de la société chinoise. De même, le régime ne petit ses responsabilités s’accroissent. Après
peut empêcher l’annexion de la Mandchourie, en 1931 et la rupture du PCC avec le Kuomintang, il or-
l’invasion du pays par le Japon en 1937. ganise dans le Sud du pays une république
soviétique chinoise du Jiangxi, où il supprime
Dans ce contexte, les communistes offrent une nouvelle systématiquement ses opposants. Tchang
espérance. Le Parti communiste chinois (PCC) est fondé kaï-chek décide de réagir et lance plusieurs
en 1921 et y émerge petit à petit la figure de Mao Zedong. Le campagnes qui obligent Mao à fuir vers le
parti conjugue la lutte sociale pour la réforme agraire et la lutte Nord en 1934. C’est la Longue Marche où Mao
patriotique contre les Japonais. En face des communistes se perd 80 % de ses troupes. Installé au Nord, il
trouve le Kuomintang nationaliste de Tchang Kaï-chek, qui accentue son contrôle sur le parti, toujours
profite de l’aide américaine et refuse toute réforme agraire. par la violence. Lors de la guerre sino-japo-
naise, il renforce les positions des commu-
Dans un premier temps, les deux partis sont alliés mais dès
nistes tout en s’assurant du soutien du peuple
1927, ils se livrent une guerre féroce. Les communistes par- grâce aux redistributions des terres. Il peut
viennent à prendre le contrôle du Sud du pays. ainsi défaire définitivement, après 1945, le
Après une campagne sanglante, Tchang Kaï-chek recon- Kuomintang et proclamer le 1er octobre 1949
quiert ce territoire en 1934. Mao, défait, entreprend alors la l’avènement de la République populaire de
Longue Marche. En un an, il mène les communistes au Nord Chine. Son exercice du pouvoir est marqué
par la volonté de renforcer son contrôle sur
du pays, 12 500 km plus loin. Presque le trois-quart des troupes
la population et l’appareil politique, quitte
meurt sur la route. Malgré tout, Mao en tire une aura unique et à provoquer une hémorragie humaine. Il en
s’impose comme le chef incontesté des communistes chinois. est ainsi lors de la campagne des Cent Fleurs
Après une pause durant la Seconde Guerre mondiale, les hos- (1957), du Grand Bond en avant (1958-1960)
tilités reprennent dès la capitulation japonaise en 1945. Les et de la Révolution culturelle (1966-1976).
communistes sont renforcés par leur alliance avec l’URSS et Les luttes internes persistent jusqu’à sa mort
Tchang Kaï-chek commet des erreurs politiques qui s’ajoutent en 1976
à la ruine économique du pays. Les troupes communistes ne Tchang Kaï-chek (1887-1975) : Fils d’une fa-
pratiquent pas le «pillage» et redistribuent les terres. Ainsi ils mille de commerçants, il embrasse très tôt la
triomphent : le 1er octobre 1949, Mao proclame la naissance carrière de militaire. Fidèle de Sun Yat-sen,
de la République populaire de Chine depuis le balcon de la il devient à sa mort, le leader du Kuomin-
cité interdite à Pékin. Les dernières troupes du Kuomintang se tang. Malgré des alliances de circonstance, il
réfugient dans l’île de Taïwan. poursuit la lutte contre le PCC. Mais même sa
victoire contre les Japonais ne lui permet pas
d’éradiquer les communistes. En décembre
Cours

1949, il installe son gouvernement à Taïwan.


Son régime est dictatorial, basé sur un parti
unique et la loi martiale.

184 Chapitre 8 : La Chine depuis 1949


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1 La loi sur le mariage (1er mai 1950)


2 Le choix du modèle soviétique
Art. 1 - Le mariage féodal arbitraire et obligatoire, qui
est basé sur la supériorité de l’homme sur la femme, Dès que les communistes ont le pouvoir entre leurs mains, ils
et qui ignore les intérêts des enfants, est aboli. Le se lancent dans une vaste réforme agraire. 47 millions d’ha
mariage de nouvelle démocratie, qui est basé sur sont distribués à 300 millions de paysans pauvres. Au début,
le libre choix des partenaires, sur la monogamie,
sur les droits égaux pour les deux sexes, et sur la
les paysans riches sont épargnés, mais rapidement la réforme
protection des intérêts légaux des femmes et des se radicalise. Il faut éliminer les dernières traces du féoda-
enfants, doit être mis en pratique. lisme. Les mariages forcés ou la polygamie sont aussi interdits.
Art. 2 - La bigamie, le concubinage, les fiancés-
Dans un premier temps, en ville, le capitalisme «national» est
enfants, les interventions dans le remariage des
veuves et l’extorsion d’argent et de cadeaux à l’oc- maintenu. Mais en 1952, avec la campagne des 5 «antis»
casion du mariage sont interdits. (pots de vin, fraude, évasion fiscale, détournement de biens
Art. 10 - Le mari et la femme ont des droits égaux publics, extorsion d’informations confidentielles), les entre-
à la possession et à la gestion des biens familiaux. prises tombent sous le contrôle du parti communiste. Pour
Art. 15 - Les enfants nés hors des liens du mariage accélérer le développement économique, la Chine noue
auront les mêmes droits que les enfants nés en ma- des liens étroits avec l’URSS. Les investissements dans le
riage légitime [...].
secteur secondaire sont massifs et la production d’acier qua-
Art. 17 - Le divorce sera accordé quand le mari et la
femme le désirent. Dans le cas où soit le mari soit druple en trois ans. La collectivisation des terres s’accélère.
la femme insistent pour divorcer, le divorce ne peut Le gouvernement lutte contre l’émiettement des terres afin de
être accordé qu’après arbitrage des autorités popu- dégager des excédents agricoles et de financer l’industrialisa-
laires de district et du tribunal populaire de district, si tion. 750 000 fermes collectives sont créées.
cet arbitrage n’aboutit pas à une réconciliation.
La Chine ne rompt pas tout de suite avec l’Occident. Les rela-
tions cessent lorsque le pays participe directement à la guerre
de Corée en octobre 1950. La Chine radicalise alors ses posi-
tions et en 1955, à la conférence de Bandung, elle joue un
rôle essentiel dans l’affirmation de l’identité politique des pays
du tiers-monde.
Malheureusement, la collectivisation agricole est un
échec. La croissance de la production reste inférieure à celle
de la population. La crise éclate en 1954, ce qui oblige à limiter
les prélèvements agricoles. Le mécontentement se généralise
et des grèves éclatent dans les usines. Mao se retrouve mar-
ginalisé par Zhou Enlai et Deng Xiaoping. Ils sont partisans
de solutions réalistes et le but est de réduire le décalage entre
les structures socialistes et les forces productives arriérées.
Mais Mao reprend l’initiative. En 1956 le PCC est stupéfait par
la critique de Staline faite par Khrouchtchev lors du XXe congrès
2 Staline et Mao au plus fort de la collaboration
entre les deux pays. du PCUS. Mao considère que la population doit pouvoir cri-
tiquer l’appareil politique afin de limiter la coupure entre le
peuple et la bureaucratie. C’est la campagne des Cent Fleurs,
menée principalement par des intellectuels et des étudiants. À
Bas fourneaux communautaires
cette occasion, les dirigeants sont appelés «des bonzes com-
munistes qui contrôlent l’empire». Remis en cause, le pouvoir
Matières premières fait volte-face : en juin 1957 la répression s’abat.
Matières premières
Usines de la commune
La voie maoïste : le Grand bond en avant
Matériel agricole Produits manufacturés

Village communautaire 3 (1958-1962)


(cantines, écoles, dortoirs,
dispensaires...)
Pour parer aux difficultés du pays et rompre avec le modèle
Greniers communautaires soviétique, Mao lance durant l’hiver 1957-1958 une nouvelle
Es
pa
ce s es stratégie de développement décentralisé : le Grand bond en
a gr i t air
cole s co m m u nau avant. Il s’agit de développer simultanément l’agriculture et la
petite industrie locale dans les campagnes et près des villes
Limite de la commune populaire
Exportation/réquisitions les unités d’industrie lourde modernes. Par ce moyen, Mao
compte affaiblir les planificateurs du gouvernement central qui
Cours

Zones agricoles Zones industrielles


sont traités de bourgeois.
Circuit productif Circuit agricole Réalisation : S. Coté

En août 1958, cette politique prend la forme de com-


3 Schéma théorique d’une commune populaire. munes populaires. Ces unités artificielles regroupent 20

Chapitre 8 : La Chine depuis 1949 185


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à 30 000 paysans et intègrent toutes les activités (agricul- 1 Un parti totalitaire


ture, industrie, enseignement, santé...). La masse humaine
C’est le président du Comité central du parti qui
chinoise doit pallier le manque d’investissement. Deux millions assume le commandement des forces armées ;
de petits hauts fourneaux sont construits pour fournir la c’est le Comité central du parti qui propose le Pre-
fonte et l’acier utiles aux outils quotidiens. Le mode de vie est mier ministre à l’Assemblée populaire nationale et
communautarisé avec des crèches, des repas, des dortoirs, qui approuve les textes avant qu’on les soumette à
ladite assemblée.
des maisons de retraite collectives et gratuites. Les salaires
Le parti exerce sa direction en donnant des direc-
disparaissent, remplacés par une rémunération en fonction tives. Avant d’être des lois, les grandes décisions
des besoins. sont d’abord des résolutions du parti. [...] Il exerce
L’expérience est un dramatique échec, renforcé par des son contrôle au moyen de cellules de base créées
dans les usines, écoles, magasins... qui ont parmi
catastrophes naturelles. La production agricole régresse de leurs tâches, le devoir de propager et d’appliquer
25 % et, dès 1960, la famine revient et creuse un déficit dé- la ligne politique du parti. [...] La hiérarchie du parti
mographique de 10 à 20 millions de Chinois (morts et recul double alors la hiérarchie administrative.
des naissances selon l’estimation basse). Le système éco- Tsien Tche-Hao, l’Empire du milieu retrouvé. La Chine popu-
laire à trente ans, 1979.
nomique s’est désorganisé pour des travaux inutiles. L’acier
produit est de mauvaise qualité et les usines manquent de
matières premières. Le gâchis est d’autant plus grand que les
fonctionnaires, par crainte, masquent les chiffres réels.
En même temps, les tensions avec l’URSS s’accroissent.
En 1960, l’URSS rappelle ses experts et suspend son aide
à la coopération. Les désaccords mènent à des accrochages
frontaliers. En 1964, la Chine teste sa première bombe ato-
mique. Marginalisée, elle se lance dans une politique mon-
diale de lutte contre l’impérialisme et le révisionisme.
Le régime fait appel à la paysannerie pauvre du tiers-monde
contre l’Occident ­impérialiste.
La situation économique continue à empirer. En 1961, le 2 Cantine collective lors du Grand Bond en avant
parti adopte une politique de «réajustement et de conso- durant la fête nationale. Photo de propagande.
lidation». Mao doit faire son autocritique mais reste le pré-
sident du PCC. L’agriculture retrouve la priorité sur l’industrie.
Les paysans obtiennent un lopin privé. Les gestionnaires re-
prennent en main les entreprises. La production agricole et
industrielle repart vers le haut.
La reprise en main : la Révolution culturelle
4 (1966-1976)
Mais Mao Zedong voit dans cette évolution un risque d’em-
bourgeoisement. La réapparition d’inégalités lui fournit l’excuse
de dénoncer la bureaucratisation du parti, qui emprunterait se- 3 Les Dazibaos pendant la Révolution culturelle
lon lui la voie du capitalisme. En 1963, grâce au «mouvement où les étudiants s’expriment contre les respon-
sables accusés de révisionisme.
d’éducation socialiste», il fait appel aux «comités de paysans
pauvres» pour entreprendre une critique des cadres et procé-
der à une «rectification» de l’orientation gestionnaire du parti.
Le mouvement a peu de succès hormis dans l’armée. Le culte
de la personnalité est alors relancé avec la publication du
Petit Livre Rouge.
L’initiative s’essoufle vite et pour pallier cette baisse de ten-
sion, le 16 mai 1966, la Révolution culturelle est officielle-
ment proclamée afin de s’attaquer aux «révisionistes» contre-
révolutionnaires». Les groupes radicaux prennent le nom
de «gardes rouges». Dans les universités, la colère se dé-
chaîne. Durant l’été 1966, un million d’adolescents s’attaquent
aux dirigeants comme Deng Xiaoping et Liu Shaoqi dans des
actions de plus en plus violentes au nom du slogan «Toute
Cours

rébellion est juste». Les séances d’autocritiques ponctuent


les défilés avec des Dazibaos où les étudiants écrivent leurs 4 Caricature dénoncant les modérés durant la
Révolution culturelle.
revendications. Mao est la seule référence. Mais en réalité,

186 Chapitre 8 : La Chine depuis 1949


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le «grand timonier» a perdu le contrôle du mouvement. La


Chine se retrouve dans une situation de guerre civile. Mao
1 Quelques citations de Mao Zedong demande alors à l’armée de ramener l’ordre. 20 millions de
«La bouse de la vache est plus utile que les «jeunes rebelles» doivent partir «se rééduquer» dans les
dogmes : on peut en faire de l’engrais.»
campagnes.
«Il est plus utile de tuer des moustiques que de faire
l’amour.» Avec l’armée, Mao reprend le contrôle du parti en 1969. Le
«Il n’y a pas de routes droites dans le monde.» bilan est catastrophique. Certains historiens l’estiment à
«On ne peut abolir la guerre que par la guerre. Pour 4 millions de morts et 100 millions de personnes maltraitées.
qu’il n’y ait plus de fusils, il faut prendre le fusil.» Le nombre de prisonniers se serait élevé à 11 millions d’in-
«Sans destruction pas de construction ; sans bar- dividus. La Chine devient complètement isolée sur la scène
rière pas de courant ; sans arrêt pas d’avance»
internationale.
«Que cent fleurs s’épanouissent, que cent écoles
rivalisent !» Malgré cette reprise en main, le régime reste instable. La
frange d’extrême gauche est éliminée au profit d’anciens lea-
ders condamnés pour leur tendance «droitière» (Deng Xiao-
ping ou Zhou Enlai). La lutte entre radicaux (la bande des
Quatre) et réformateurs continue jusqu’à la mort de Mao Ze-
dong en 1976.

II La Chine nouvelle entre modernisme et dictature


L’arrivée de Deng Xiaoping et la libéralisation
1 économique après 1978
Biographie
Deng Xiaoping (1904-1997) : Issu d’un milieu Dès la mort de Mao, la lutte entre les factions s’exacerbe.
de petits propriétaires terriens, il peut faire C’est le chef de file des réformistes, Deng Xiaoping, qui s’im-
des études. Il est envoyé étudier en France pose en 1978 avec les «Quatre Modernisations» : armée,
en 1920. Pour financer ses études, il doit tra- agriculture, industrie, science et techniques.
vailler en usine où il découvre le marxisme.
Prudemment, il isole les éléments radicaux et remet en ques-
Il rencontre aussi Zhou Enlai qui fonde le PCC
en 1921. Il continue sa formation en URSS
tion l’héritage du maoïsme. Il veut réformer le pays en appelant
puis revient en Chine en 1926, où il participe au marché tout en maintenant un cadre socialiste et autori-
à la guerre civile. Avec la proclamation de taire. La réforme la plus importante est la décollectivisation
la République populaire de Chine en 1949, des terres avec des parcelles concédées aux paysans contre
il occupe des postes importants au sein du un loyer. Les surplus sont vendus sur les marchés libres.
gouvernement. Fidèle à Mao, il participe à la En ville, après 1982, les prix sont libéralisés. Des zones éco-
campagne anti-droitière. À la suite de l’échec
nomiques spéciales sont créées : Shantou, Shenzhen prés
du Grand Bond en avant, Deng critique les
choix économiques de Mao. Il devient une de Hong Kong, Zhuhai, Xiamen). Les investisseurs étran-
des principales cibles de la Révolution cultu- gers sont autorisés à y installer des sociétés à capital mixte.
relle. Il perd alors ses responsabilités, doit Les entreprises ont des avantages fiscaux en fonction des inté-
faire son autocritique et peut travailler dans rêts économiques chinois. En retour, en cas de délocalisation,
un magasin de tracteurs. Bien que revenu en les technologies restent en Chine. Les entreprises peuvent
grâce en 1973, ce n’est qu’après la mort de embaucher avec des contrats et des salaires variables.
Mao et l’arrestation de la bande des Quatre

2
qu’il peut s’affirmer à l’intérieur du parti.
La Chine entre miracle économique et répression
En 1978, il est le dirigeant de fait de la Chine
et peut mener à bien ses réformes libérales.
La réussite des réformes économiques favo- Les effets se font vite sentir : la production céréalière aug-
rise les revendications démocratiques et la mente et, en 1985, l’industrie croît de 24 %. Mais les iné-
critique des inégalités croissantes. Cela le galités sociales se creusent de nouveau, ce qui renforce les
conduit à choisir en juin 1989, une ligne ré- tensions. Les petites unités industrielles et privées sont ren-
pressive. Bien qu’ayant quitté ses fonctions, tables, quand les grands conglomérats restent déficitaires. La
il continue jusqu’à sa mort à soutenir les ré- corruption du régime est par ailleurs dénoncée et les jeunes
formes é ­ conomiques.
revendiquent plus de liberté.
Alors que Gorbatchev a lancé depuis plusieurs années la
Cours

Perestroïka, la situation dégénère en Chine en avril 1989.


D’immenses manifestations sont organisées sur la place
Tian’anmen à Pékin et dans les autres grandes villes du

Chapitre 8 : La Chine depuis 1949 187


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1945 1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995

1 Mao Dzedong (1949-1976) Deng Xiaoping (1976-1993)


Guerre Modèle Grand Bond Révolution
Démaoïsation
civile soviétique en avant culturelle
Les Quatre modernisations

1949 1957 1958 1966 1978 1980 1989


Proclamation Campagne Grand Bond Révolution Les Quatre Création des Massacres de la
de la république des Cent Fleurs en avant culturelle modernisations zones économiques place Tian'anmen
populaire de Chine spéciales

pays. De nombreux étudiants se mettent en grève de la faim Jilin


pour dénoncer la corruption et demander la démocratisation Nei Mongolia
du parti. Les forces libérales réclament la cinquième moder-
nisation. Le régime semble un instant douter et ouvre des • Beijing
Liaoning
•Shenyang
négociations. Mais en juin 1989, la répression s’abat. 200
000 militaires sont mobilisés. Le nombre de victimes est diffi-
cile à évaluer et se compte en milliers de personnes. Hebei Tianjin

L’affirmation économique et politique d’une Shanxi Shandong


3 puissance mondiale


Shaanxi Jiangsu
Entre 1990 et 2000, l’économie chinoise connaît une crois- Henan


Nanjing

sance exceptionnelle supérieure à 9%. La Chine devient l’ate- Shanghai
lier du monde grâce à une main-d’œuvre à bas coût et à l’ac- Xian
Anhui
quisition de technologies étrangères. S’ajoutent à la réussite Hubei
Chongqing Zhejiang
économique des succès politiques. La République populaire
récupère en 1997 Hong Kong et en 1999 Macao. En 2001, la
Wuhan Jiangxi
Chine entre à l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce).
Fujian
En 2008, le pays devient la 3e puissance économique mon-
diale. La Chine veut alors affirmer son «soft power», en par- Guangdong
ticulier par le biais des Jeux olympiques de 2008 et l’Ex- Guangxi
position universelle de 2010 à Shanghai. Mais les États Shenzhen
limitrophes dénoncent la politique expansioniste chinoise
(la stratégie du collier de perles), notamment dans la mer de Zones ouvertes
Chine. D’autres s’inquiètent de la «nouvelle route de la soie»,
forme commerciale de la domination chinoise. Hainan Zones franches
Parallèlement, le régime reste autoritaire. Le PCC conserve Réalisation : S. Coté
Ports ouverts
le contrôle du pays avec une politique de répression forte. Les
2 L’implantation des zones économiques s­ péciales.
journalistes dissidents sont poursuivis et Internet est étroite-
ment surveillé. Le Tibet et d’autres minorités comme les Ouï-
ghours du Xinjiang subissent le joug de la colonisation des
Hans (peuple chinois «historique»).

Révisions
Vocabulaire : PCC - Mao Zedong - Kuomintang - Tchang Que recherche-t-il ?
Kaï-chek - Longue Marche - République populaire de- Quelles sont les causes, les formes et les conséquences
Chine - collectivisation - Zhou Enlai - Deng Xiaoping - du Grand Bond en avant ?
communes populaires - petit livre rouge - culte de la Quels objectifs politiques recherche Mao lors de la Ré-
personnalité - autocritique - gardes rouges - les Quatre volution culturelle ? Quelles sont leurs conséquences ?
modernisations - zones économiques spéciales - cin- Quelles réformes propose Deng Xiaoping ? En quoi est-ce
quième modernisation - «soft power» radicalement différent des réformes de Mao ?
Notions : Comment les communistes prennent-ils le Que se passe-t-il sur la place Tian’anmen en 1989 ? Com-
pouvoir en Chine ? ment l’expérience se termine-t-elle ?
Cours

Quel modèle économique est appliqué en Chine après Quelles sont les caractéristiques politiques, écono-
1945 ? miques et sociales de la Chine moderne ? Le système
Pourquoi Mao lance-t-il la campagne des Cent Fleurs ? reste-t-il communiste ?

188 Chapitre 8 : La Chine depuis 1949


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De l’Histoire à Mon
Les États-Unis
Chapitre
Histoire Personnelle
­d’Amérique depuis 1945
9
1

Joe Mabel

2
Le contraste des deux Amé-
riques. En haut, un rassem-
blement libertaire hippie ;
à gauche, un rassemble-
ment raciste du Klu Klux
Klan.

Quelles sont les caracté-


ristiques du modèle amé-
ricain ? Comment évo-
Exercices

lue-t-il ? Quelles sont les


divisions de la société
américaine ?
Los Angeles Times, AP

Chapitre 9 : Les États-Unis d’Amérique depuis 1945 189


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I Les crises et la persistance du modèle politique américain


1 Un modèle présidentiel complexe

PRIMAIRES CAUCUS 3 Des exemples d’amendements à la constitution


Les délégués sont désignés lors de
Dans un États, les électeurs
votent en faveur des réunions de chaque parti. 1 amendement (1791) : Le Congrès ne fera aucune loi qui
er

délégués du candidat qu’ils souhaitent Les délégués sont désignés au


niveau du bureau, puis du comté et enfin
touche l’établissement ou interdise le libre exercice d’une reli-
voir investi.
de l’État gion, ni qui restreigne la liberté de la parole ou de la presse, ou
le droit qu’a la peuple de s’assembler paisiblement et d’adres-
CONVENTIONS NATIONALES (JUIL.-AOÛT)
ser des pétitions au gouvernement pour le redressement de
CONVENTION RÉPUBLICAINE CONVENTION DÉMOCRATE ses griefs.
Le parti adopte une Le parti adopte une
plate-forme électorale. plate-forme électorale. 2e amendement (1791) : Une milice bien réglementée, étant
Les délégués élisent le candidat à la Les délégués élisent le candidat à la
présidence et le vice-président. présidence et le vice-président. nécessaire à la sécurité d’un État libre, le droit du peuple de
Les deux personnes forment le «ticket» Les deux personnes forment le «ticket»
garder et de porter des armes ne doit pas être violé.
13e amendement (1865) : Ni esclavage ni servitude involon-
CAMPAGNE ÉLECTORALE (SEPT.-NOV.)
taire, si ce n’est en punition de crime dont le coupable aura été
Le premier lundi de septembre s’ouvre officiellement la campagne électorale. dûment convaincu, n’existeront aux États-Unis.
Les candidats visitent principalement les «swing states», les États pivots.
19e amendement (1920) : Le droit de vote des citoyens des
États-Unis ne pourra être dénié ou restreint pour cause de
ÉLECTIONS (NOV.-DÉC.)
sexe par les États-Unis ni l’un quelconque des États.
Vote le premier mardi qui suit le 1er lundi de novembre. Le vote se fait par État.
Chaque État vote pour son propre président et vice-président. 27e amendement (1951) : Nul ne pourra être élu à la prési-
En fonction de la majorité, l’ensemble des Grands électeurs
vote pour le président choisi le lundi qui suit le 2e mardi de décembre..
dence des États-Unis plus de deux fois.
26e amendement (1971): Le droit de vote des citoyens des
ENTRÉE EN FONCTION (JANV.) États-Unis âgés de dix-huit ans ou plus ne pourra être dénié
Le résultat est proclamé début janvier.
ou restreint pour raison d’âge ni par les États-Unis ni par l’un
Le 20 janvier le président et le vice-président prêtent serment et entrent en fonction. quelconque des États.
1 Le choix d’un candidat aux élections présidentielles.

4 Deux discours partisans


Il y a deux cent vingt et un ans dans une salle qui se trouve
Pouvoir Pouvoir Pouvoir toujours de l’autre côté de la rue, un groupe d’hommes s’est
législatif exécutif judiciaire réuni et avec ces mots simples, a inauguré l’improbable expé-
Le Nomme rience de la démocratie en Amérique. [...] Le document qu’ils
La président rédigèrent fut alors signé mais finalement inachevé. Il portait
Chambre 4 ans la tache du péché originel de cette nation ; une question qui
des divisait les colonies et a mené la Convention dans l’impasse
Le Sénat représentants La Cour
jusqu’à ce que les pères fondateurs permettent au commerce
2 par états 1 pour 647 000 suprême des esclaves de se poursuivre pendant au moins vingt ans. [...]
100 sénateurs 538
électeurs (4 ans) 9 juges J’ai choisi de me présenter à la présidence à ce moment de
6 ans grands
435 représentants à vie
électeurs l’histoire parce que je crois profondément que nous ne pour-
Le Congrès rons faire face aux défis de notre temps sans que nous ne les
résolvions tous ensemble. [...] Je suis le fils d’un homme noir
Élisent Élisent
du Kenya et d’une femme blanche du Kansas. [...] C’est une
Les citoyens : hommes et femmes histoire qui a imprimé dans mes gènes l’idée que cette nation
de plus de 18 ans. est plus qu’une somme de ses composantes. [...] Dans la
Caroline du Sud, où le drapeau confédéré flotte encore, nous
2 Le système électoral présidentiel américain. avons construit une puissante coalition d’Africains Américains
et d’Américains blancs.
Barack Obama, candidat démocrate, discours de Philadelphie, 31 mars
2008.

Questions Aujourd’hui, je vais prononcer un discours détaillé sur l’un des


plus grands défis auxquels notre pays doit répondre : l’immigra-
1. Présentez l’originalité du système électoral améri- tion clandestine.
cain. Pourquoi existe-t-il ce suffrage universel ­indirect
La vérité est que notre système d’immigration est le pire que
(docs 1 et 2) ? personne ait jamais inventé. Mais les faits ne sont pas connus
2. Définissez le terme d’amendement. En quoi est-il parce que les médias ne disent pas la vérité. Les politiciens
important (doc 3) ? n’en parleront pas et ils tenteront de cacher leur responsabilité.
3. Faites une recherche personnelle sur les idées des [...] Quand les politiciens parlent de réforme de l’immigration,
ils pensent habituellement amnistie, ouverture des frontières,
Républicains et des Démocrates.
Exercices

salaires dégradés...
4. Analysez les deux discours d’Obama et de Trump
N’oublions pas la question de la sécurité ! Combien de vies
(doc 4). En quoi retrouve-t-on les divisions idéologiques américaines innocentes ont été volées parce que les politi-
entre les Républicains et les Démocrates ? En quoi est- ciens n’ont pas su protéger nos frontières.
ce révélateur des divisions de la société américaine ? Donald Trump, candidat républicain, discours à Phœnix, 31 août 2016

190 Chapitre 9 : Les États-Unis d’Amérique depuis 1945


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2 Crises et faiblesses du système politique américain

1 Le scandale du «Watergate» 4 La poids des lobbies


Tout commence par l’arrestation, dans la nuit du 17 juin 1972, Quand Georges Bush (républicain) et Michael Dukakis (démo-
de cinq cambrioleurs qui ont pénétré dans l’immeuble du crate) sont passés en coup de vent à Houston pour des col-
« Watergate» à Washington, où se trouve le quartier général lectes de fonds [...] Enron, une firme du Texas travaillant dans
du parti démocrate. Les policiers découvrent que les cambrio- le pétrole et le gaz, s’est arrangée pour être présent aux deux
leurs ont des liens avec la Maison Blanche, notamment avec le évènements. [...] Les milieux d’affaires canalisent des contribu-
comité pour la réélection du président Nixon. […] tions aussi bien vers les Républicains et les Démocrates, et, en
Au lendemain du scrutin, l’enquête sur l’affaire du «Watergate» fait, vers quiconque capable de gagner ou de garder un poste
reprend. […] Les Américains […] ne peuvent en croire ni leurs national. [...] Les dirigeants des grandes sociétés expliquent
yeux ni leurs oreilles. Ils apprennent que leur président a men- qu’ils veulent seulement s’assurer que leurs vues bénéficie-
ti. Oui, dès que le cambriolage a été connu, Nixon s’est tenu ront d’une juste attention dans les couloirs du pouvoir.
informé et n’a pas cessé depuis lors d’étouffer 1’affaire ou de Le Time, 31 octobre 1988
multiplier les obstacles au fonctionnement de la justice. Dissi-
muler des micros ici et là, placer des lignes téléphoniques sur 5 La participation électorale aux présidentielles
tables d’écoute, recourir grâce à des fonds secrets, à des opé-
rations de basse police, rien n’était plus courant, car la Maison Le taux de participation est calculé en fonction de la population
Blanche, obsédée par l’opposition à la guerre du Viêt Nam, vit en âge de voter et non des électeurs inscrits :
dans la mentalité du bunker, comme si elle était assiégée par 1976 : 53,7 % 1980 : 52,6 %
des ennemis puissants et omniprésents. […] 1984 : 53,1 % 1988 : 50,2 %
André Kaspi, Les Américains, Le Seuil, 1986. 1992 : 55,9 % 1996 : 49 %
2000 : 51,3 % 2004 : 55,3 %
2008 : 66 %
En 2000, les Républicains ont gagné l’État de Floride alors
gouverné par Jeb Bush avec une avance de 537 voix, après
plusieurs recours, invalidations de bulletins et recomptages
manuels. Finalement, la Cour suprême décide de stopper le
recomptage et entérine la victoire républicaine : G. W. Bush
obtient les voix de 271 grands électeurs contre 266 à Al Gore.
Le résultat officiel final à l’échelle nationale est de 50 459 211
voix pour Bush (47,9 %), 51 003 894 pour Al Gore (48,4 %).

Inconnu

2 Joseph Raymond McCarthy (1908-1957) lance entre 1950


et 1954 une campagne de dénonciation contre toutes les
personnes soupçonnées de sympathie avec le commu-
nisme. Il s’en prend en particulier à Hollywood. Cette cam-
pagne satisfait dans un premier temps le gouvernement.
Mais lorsqu’il s’attaque au ministère de la Défense et au
gouvernement, le président Eisenhower réagit. Il rend pu-
blic les débats à la télévision et les citoyens américains
découvrent un sénateur hystérique et incontrôlable. Lui-
même fait l’objet d’accusation de favoritisme. Le Sénat lui
retire la direction de sa commission d’enquête et il meurt
oublié quelques années plus tard, de problèmes cardio-
vasculaires liés à ses excès de boisson.

Questions
Identifiez dans chaque document les forces et les fai-
blesses du modèle présidentiel américain. Rappelez les
dates.

3 Politique et publicité.
Avec Reagan, la référence, c’est la publicité. Toutes les res-
sources de cette technique sont mobilisées pour s’adresser
à un corps social très largement «abstentioniste». Humour,
Exercices

trucs, spectacle, l’image de l’homme politique est environnée Washington Post, 12 septembre 1950

de gaieté. Avec le spot publicitaire «il fait de nouveau jour en 6 Entre 1976 et 1986, le coût d’une campagne pour le Sénat
Amérique», c’est à une véritable paraphrase publicitaire du est passé de 350 000 dollars à 3 millions de dollars. Ce
bonheur que nous convie R. Reagan. coût oblige les candidats à faire des collectes importantes ,
Le Monde, 29 mai 1987. ce qui les rend dépendants des donateurs.

Chapitre 9 : Les États-Unis d’Amérique depuis 1945 191


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II La société américaine au temps des Trente Glorieuses


1 L’épanouissement des Trentes Glorieuses
Pourcentage
du PIB
Plus de 4 Partie A : couverture hospitalière

15 000 $ Partie B : médecins, soins ambulatoires


Partie C : Medicare advantage, plans de santé
Partie D : Prescription Drug Plan, Plan de médicaments sur ordonnance

3
De 10 000 à
15 000 $
2

De 3 000 à
10 000 $
0 Source : Wikimedia, Patricia A. Davis, report medicare,. Réalisation : S. Coté

1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015

3 L’évolution du programme «Medicare» aux États-Unis créé en 1965.

4 La «Nouvelle Frontière»
Moins de 3 000 $
Ici, chez nous, le fait marquant des prochaines années sera aussi une révolution. Le
Dollars constants (valeur 1967)
1951 1969 «New Deal» et le «Fair Deal» étaient audacieux pour leur temps mais nous sommes
une nouvelle génération.
1 L’évolution des salaires aux
Une révolution technologique dans l’agriculture a conduit à une explosion de la pro-
­États-Unis entre 1951 et 1969.
duction mais nous n’avons pas su maîtriser utilement cette explosion bien qu’on ait
tenté de protéger les revenus de nos agriculteurs. Une révolution urbaine a surchargé
nos écoles, désorganisé nos banlieues, aggravé l’insalubrité de nos taudis. Une révo-
Questions lution pacifique pour les droits de l’Homme exigeant la fin de la discrimination raciale
dans tous les domaines de la vie à été freinée par un pouvoir exécutif trop timoré.
1. À partir du doc 1, 2 et 4, décrivez
Une révolution médicale a allongé la vie de nos aînés, sans leur fournir sécurité
et justifiez l’élévation du niveau de
et dignité pour leurs vieux jours. Et une révolution de l’automation remplace les
vie américain au milieu du XXe s. hommes dans les mines et les usines d’Amérique, sans leur donner en contrepartie
2. Définissez la notion de «Nouvelle revenu, formation, et le moyen d’assurer à leur famille alimentation, logement et soins
Frontière » de J. F. Kennedy. Pour- ­médicaux. […]
quoi propose-t-il ce programme so- Aujourd’hui, certains disent que les combats de pionniers sont terminés, que tous
cial (doc 4) ? les horizons sont atteints, que toutes les batailles sont gagnées, qu’il n’ y a plus de
3. Présentez les ambitions sociales «frontières» en Amérique. Moi je vous dis que la «Nouvelle Frontière» est là, que
nous le voulions ou non. Au-delà de cette frontière, il y a des domaines inexplorés
de L. B. Johnson. Pourquoi ? En quoi
de la science et de l’espace, les problèmes non résolus de la paix et de la guerre,
le «Medicare» illustre-t-il ces pro- des poches d’ignorance et de préjugés non encore réduites, la contradiction entre la
grès sociaux (docs 3 et 5) ? pauvreté et la surproduction.
J.F. Kennedy, discours d’acceptation de l’investiture à la Convention du parti démocrate de Los Angeles,
15 juillet 1960

5 «The Great Society» selon Johnson


Je veux vous parler aujourd’hui des trois endroits où nous allons commencer à bâtir
la Grande Société : dans nos villes, dans notre campagne et dans nos écoles.
Beaucoup d’entre vous vivront encore 50 ans jusqu’au jour où il y aura 400 milions
d’Américains. […] D’ici la fin du siècle, la population urbaine va doubler. […] Il nous
faudra bâtir autant de maisons, de routes et d’équipements que depuis le début de
Entreprises Main-d’œuvre Capital
l’histoire de ce pays. […] Nous devons rebâtir la totalité des villes des États-Unis.
efficaces qualifiée disponible Le deuxième lieu où bâtir la Grande Société est notre campagne. Nous avons tou-
jours été fiers d’appartenir non seulement à la forte Amérique, à la libre Amérique
mais aussi, à la belle Amérique. Aujourd’hui cette beauté est en danger. L’eau que
Amélioration de la nous buvons, la nourriture que nous mangeons, l’air même que nous respirons sont
production en
menacés de pollution. Nos parcs sont surpeuplés. […] Nos vertes prairies et nos
forêts disparaissent.
Le troisième lieu où bâtir la Grande Société, c’est l’école. C’est là que la vie de nos
Qualité Quantité
enfants est façonnée. […] Dans bien des écoles, les classes sont surchargées et
les programmes vieillots. Beaucoup de nos professeurs qualifiés sont sous-payés et
Exercices

beaucoup de nos professeurs payés sont sous-qualifiés. Nous devons offrir à chaque
CROISSANCE enfant une table et une chaise pour travailler et un professeur pour apprendre. La
ECONOMIQUE pauvreté ne doit pas priver de la connaissance, et la connaissance doit offrir une
issue à la pauvreté.
2 Explication de l’amélioration de la Discours de L. B.Johnson (président des États-Unis de 1963 à 1969), 22 mai 1964.
productivité aux États-Unis.

192 Chapitre 9 : Les États-Unis d’Amérique depuis 1945


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2 L’«American way» of life et sa contestation

1 Publicité des automobiles Ford dans les années 60. 2 Une société de classes moyennes
Cols bleus et cols blancs (de l’ancien style : pe-
tits entrepreneurs, fermiers, hommes d’affaires,
artisans ; du nouveau style : professions libé-
rales, cadres moyens et supérieurs, employés
de bureau et de commerce), tous communient
dans la même idéologie, dans la même aspira-
tion au succès matériel, dans la même recherche
du statut social, dans la même éthique du travail.
C’est en ce sens que les séparations entre les
classes ont été abolies. […]
Le symbole de cette nouvelle société, c’est la
résidence de banlieue. […] Des rues bordées
d’arbres, des maisons en bois (rarement en
briques) que ceinturent des pelouses impecca-
blement tondues, la voie d’accès au garage, le
driveway, occupé par une auto, parfois deux ou
Questions davantage. Au-dessus de la porte du garage, un
panier de basket-ball pour distraire les enfants et
1. Décrivez le doc 1. En quoi présente-t-il la vision idéalisée de les adultes. […]
l’« american way of life» ? Quels sentiments inspire cette photo ? De temps à autre surgit un centre commercial
2. Analysez les caractéristiques de la société des années 60 (docs 2 avec ses boutiques, ses supermarchés, ses
et 3). banques, ses cafétérias, ses stations-service,
3. Analysez la sculpture de Duane Hanson. Montrez que l’œuvre est ses cinémas. C’est un lieu d’approvisionnement,
de distraction et de promenade.
tout la fois une sculpture réaliste et une caricature. Que dénonce
André Kaspi, Les Américains, Le Seuil, 1986.
Duane Hanson de la société de consommation ? Pourquoi peut-on
parler d’aliénation ?
4. Faites une recherche personnelle. Pourquoi le «Free Speech Mo-
vement» dénonce cette société de consommation ?

4 Sculpture Supermarket Lady en 1969 de


Duane Hanson (1925-1996).

Inconnu

3 Photo du quartier de Levittown en Penn-


sylvanie, construit à partir de 1961 par les
architectes William et Alfred Levitt.
Exercices

Archives du Free speech Movement

5 Le «Free Speech Movement» à l’université


de Berkeley en 1964.

Chapitre 9 : Les États-Unis d’Amérique depuis 1945 193


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3 La lutte pour les droits civiques aux États-Unis

Bettman Archive

1 Aux Jeux olympiques de Mexico en 1968, les deux ath- AP


lètes noirs lèvent le poing ganté et baissent la tête au
moment de l’hymne national pour dénoncer les injustices 2 Manifestation d’écoliers pour empêcher l’intégration des
Noirs dans leur école.
envers les Afro-Américains. Ils seront exclus de la déléga-
tion américaine et perdront leurs médailles.

3 La question noire et l’école


XIV amendement (1868) : Toute personne née ou naturalisée
e

aux États-Unis, et soumise à leur juridiction, est citoyen des


États-Unis et de l’État dans lequel elle réside. Aucun État ne
fera ou n’appliquera de lois qui restreindraient les privilèges
ou les immunités des citoyens des États-Unis ; ne privera une
personne de sa vie, de sa liberté ou de ses biens sans procé-
dure légale régulière ; ni ne refusera à quiconque relevant de
sa juridiction, l’égale protection (equal protection) des lois.
Arrêt «Brown v. Board of Education» (1954) : La ségrégation
des enfants blancs et noirs dans les écoles publiques d’un État
uniquement sur la base de la race, conformément aux lois de Underwood Archives

l’État autorisant ou exigeant une telle ségrégation, refuse aux 4 Rosa Parks refuse le 1 décembre 1955 de céder sa place er

enfants noirs la protection égale (equal protection) des lois à un Blanc dans le bus. Elle est condamnée à une amende
garanties par le quatorzième amendement [...]. mais le boycott de la compagnie qui s’en suit oblige la
Cour suprême, par l’arrêt «Browder v. Gayle», de casser
la ségrégation dans les bus.

En pourcentage de la population totale En 1995 5 Kennedy et la question noire


en % en % en %
15 20 20 Le bébé noir qui naît aujourd’hui en
Amérique […] a environ la moitié des
15 15
10 chances de terminer ses études se-
Blancs 233 M 10
condaires dont bénéficie un bébé blanc
10
né au même endroit, le même jour ; il
5
81 Blancs 73 5 5 a le tiers de ses chances de terminer
(non hispaniques)
Noirs 30 M ses études universitaires et deux fois
263 millions
0
Chômage
0
4 années
0
% de bénéficiaires
plus de chances de se trouver au chô-
d’habitants d’études supérieures du « Medicaid » mage. Son espérance de vie est plus
en % en dollars en % pour mille courte de sept ans et il doit envisager
40 30 000 60 20 de gagner deux fois moins. [...] Dirons-
nous au monde […] que nous n’avons
30 15
11
20 000 40
pas de citoyens de seconde classe
Hispaniques
7 20 10
à l’exception des Noirs ? Que nous
n’avons pas de système de castes,
Exercices

12 10 000 20
10.5 Noirs 10 5 que nous n’avons pas de ghetto, pas
3.5
de races supérieures, excepté en ce
1 Asiatiques
0.5 Amérindiens 0.5 0
Population vivant
0 0 0
Mortalité infantile
qui concerne les Noirs ?
Salaires % de familles
J. F. Kennedy, discours télévisé prononcé à la
1960 2000 en-dessous du
seuil de pauvreté
monoparentales
Source : bureau des statistiques américains. Réalisation : S. Coté Maison-Blanche, juin 1963
6 Les conditions démographiques, économiques et sociales des Noirs et des Blancs.

194 Chapitre 9 : Les États-Unis d’Amérique depuis 1945


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Will Counts, Arkansas Democrat

7 Rentrée scolaire de 1957 à Little Rock où les premiers


élèves noirs sont accompagnés d’une escorte militaire
sous les huées des camarades blancs. En réaction, le
gouverneur de l’Arkansas décide de fermer pour un an
AP/SIPA
toutes les écoles de son État afin d’empêcher le mélange
des Noirs et des Blancs. 8 Martin Luther King (1929-1968). Le 28 août 1963, lors de
son discours «I have a dream», point d’orgue du mouve-
ment des droits civiques.
Questions
1. À partir des documents, présentez l’ampleur de la
ségrégation entre Noirs et Blancs aux États-Unis dans
les années 50.
2. Sélectionnez et décrivez une lutte pour l’égalité des 10 «I have a dream» de Martin Luther King
droits. Faites une recherche personnelle. Comparez les Je vous le dis ici et maintenant, mes amis, bien que, oui, bien
vies de Martin Luther King et de Malcolm X. que nous ayons à faire face à des difficultés aujourd’hui et
3. Comment réagissent les autorités ? demain je fais toujours ce rêve : c’est un rêve profondément
ancré dans l’idéal américain. Je rêve que, un jour, notre pays
se lèvera et vivra pleinement la véritable réalité de son credo
: « Nous tenons ces vérités pour évidentes par elles-mêmes
que tous les hommes sont créés égaux ».
Je rêve qu’un jour sur les collines rousses de Georgie les fils
d’anciens esclaves et ceux d’anciens propriétaires d’esclaves
pourront s’asseoir ensemble à la table de la fraternité.
Je rêve qu’un jour, même l’État du Mississippi, un État où
brûlent les feux de l’injustice et de l’oppression, sera transfor-
mé en une oasis de liberté et de justice.
Je rêve que mes quatre petits-enfants vivront un jour dans
une nation où ils ne seront pas jugés sur la couleur de leur
peau, mais sur la valeur de leur caractère. Je fais aujourd’hui
un rêve !
Je rêve qu’un jour, même en Alabama, avec ses abominables
racistes, avec son gouverneur à la bouche pleine des mots
« opposition» et «annulation» des lois fédérales, que là même
en Alabama, un jour les petits garçons noirs et les petites filles
blanches pourront se donner la main, comme frères et sœurs.
Je fais aujourd’hui un rêve !
Je rêve qu’un jour toute la vallée sera relevée, toute colline
et toute montagne seront rabaissées, les endroits escarpés
Exercices

seront aplanis et les chemins tortueux redressés, la gloire du


Seigneur sera révélée à tout être fait de chair.
US News & World Report Magazine
Telle est notre espérance. C’est la foi avec laquelle je retourne
9 Malcolm X (1925-1965) est une des figures ambiguës de dans le Sud.
la lutte pour les droits civiques aux États-Unies. Martin Luther King, «I have a dream», 28 août 1963

Chapitre 9 : Les États-Unis d’Amérique depuis 1945 195


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III La société américaine après la crise des années 70


1 Une société post-industrielle

Secteur tertiaire
en %
Secteur secondaire
80 Secteur primaire

70

60

50

40

30

20

10

0
1980 1985 1990 1995 2000 2 Les entreprises de la Silicon Valley à proximité de
Source : OCDE, Réalisation : S. Coté
San Francisco.
1 Évolution des secteurs aux États Unis
Questions
1. D’après l’ensemble des documents, analysez l’évolution des sec-
teurs économiques aux États-Unis depuis la crise de 1973. Expliquez.
2. Définissez la nouvelle économie et la société post-industrielle. En
quoi la Silicon Valley et Apple incarnent-ils ces concepts ?

4 Le déclin inéluctable de la sidérurgie


La crise de la sidérurgie [...] symbolise la fin d’un mode d’industrialisation et la
difficulté d’assumer cette fin. La profondeur, la durée de la crise s’expliquent
à la fois par l’ancienneté, le prestige du secteur et surtout par le cumul de
facteurs caractéristiques : erreur générale de prévision et d’investissement
jusqu’en 1974, pariant sur une croissance de la consommation d’acier ; sta-
gnation ou recul de la demande dans les pays riches : appel à d’autres mé-
taux ; percée des nouveaux pays industriels.
Pour les barons de l’acier, rationalisation, diversification et redéploiement géo-
graphique restent à l’ordre du jour. Jusqu’à présent, les solutions retenues se
révèlent sans cesse insuffisantes [...]. Les technologies fines, les alliages
se sont présentés comme les voies privilégiées vers d’autres activités. Ce
renouvellement apparaît indissociable de la conquête de nouveaux marchés.
Des firmes s’implantent aux États-Unis pour développer de nouveaux maté-
riaux (titane, silicium, fibre carbone). D’autres sociétés s’engagent dans les
biotechnologies ou la robotique.
Rapport annuel mondial sur le système économique et les stratégies, Ramsès 1987-1988

5 Les défis de la société post-industrielle


Aux États-Unis, la part de l’emploi industriel vient de passer au-dessous du
seuil de 10 % de la population active.
Cinq ruptures [...] marquent la société post-industrielle née il y a une trentaine
d’années avec la commercialisation du premier ordinateur personnel Apple :
l’émergence d’une troisième révolution industrielle ; une révolution dans l’organi-
Exercices

AP

Steve Jobs (1955-2011) devant l’icône sation du travail, avec la fin du fordisme ; une Révolution culturelle, dans la foulée
3
d’Apple. Il symbolise la nouvelle économie, de 1968 ; une révolution financière, qui voit la prise de contrôle des entreprises
troisième révolution industrielle fondée sur par la Bourse dans les années 1990, faisant de l’actionnaire un acteur mieux
les technologies de l’information et de la protégé que le salarié. La cinquième rupture est celle de la mondialisation.
communication. Sylvie Kauffmann, «Les défis de la société post-industrielle», Le Monde, 17 octobre 2005.

196 Chapitre 9 : Les États-Unis d’Amérique depuis 1945


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2 Renouvellement et questionnement du modèle américain

1 Jerry Rubin (1938-1994) : du hippie au yuppie 2 Le programme néolibéral de Reagan


Les politiciens ne remarquent les pauvres Le tableau que je viens de brosser est sombre, mais je
que lorsque les ghettos brûlent. Le premier crois que ces couleurs sont fidèles. [...] Cette foi en un
livret militaire qui a brûlé a fait trembler système, qui n’a jamais déçu notre attente, m’a incité
la terre du Pentagone. Brûle le drapeau, à vous proposer un programme d’ensemble en quatre
brûlent les églises. Brûle ! Brûle ! Brûle ! points.
[...] Une société qui abolit toute aventure Je vous demande de vous joindre à moi pour réduire de
fait de l’abolition de cette société la seule 41 000 millions de dollars les dépenses directes du gou-
aventure possible. vernement fédéral. [...] Le gouvernement ne s’obstinera
Jerry Rubin, Do it, Scénarios de la pas à subventionner des individus ou des intérêts écono-
­révolution, 1970. miques particuliers dont les besoins ne sont pas dûment
Politique et révolution ont marqué les années 1960. L’argent et les établis. [...]
finances passionneront les années 1980. Si je veux avoir un impact Étroitement associé à l’ensemble du plan des compres-
quelconque sur la société où je vis [...], il me faut le type de pouvoir sion budgétaires, il existe un programme non moins im-
que seul l’argent procure. Salut Wall street, me voilà ! portant prévoyant une réduction du taux de l’impôt. Il s’agit
La création de richesse est la véritable révolution américaine. Ce là de deux mesures essentielles si nous voulons redres-
dont nous avons besoin, c’est d’une infusion de ca- ser l’économie. [...]
pitaux dans les régions déprimées de notre pays. Les derniers points de notre plan requièrent de la na-
tion une politique qui empêche que la masse monétaire
Je sais que je peux être plus efficace aujourd’hui croisse plus rapidement que les biens et les services. Si
en portant un costume et une cravate et en tra- nous voulons juguler l’inflation, nous devons ralentir le
vaillant à Wall Street que je ne peux danser en développement de notre masse monétaire.
dehors des murs de pouvoir.
Message télévisé présenté au Congrès par R. Reagan, 18 février
Diverses déclarations de Jerry Rubin en 1980. 1981.

3 Le néoconservatisme
Le mot d’ordre «America is back» de Ronald Reagan signe le retour
prioritaire aux valeurs pour permettre aux États-Unis de retrouver
toute leur puissance. [...]
La pensée néoconservatiste de Reagan se résume par « We have
every right to dream heroic dreams». Avec le retour de la moralité,
les États-Unis retrouvent leur destinée manifeste. [...] Le néoconser-
vatisme répète la nécessité de penser la morale armée et la guerre
juste. [...] Ronald Reagan abandonne l’«équilibre de la Terreur»,
engage la guerre contre le communisme et la gagne. [...]
Cette moralité qui s’affiche comme morale armée au niveau inter-
national et comme vertu civique au plan intérieur, induit des consé-
quences sur l’économique et le politique dans la Cité. [...] Plaçant la Jose Luis Magana/AP/REX/Shutterstock
compassion au centre de sa conception du monde, il rappelle que le
libéralisme économique est la clef du bien-vivre mais ne suffit pas. [...] 4 Des militantes contre l’avortement manifestent en
2019 devant la Cour suprême.
Le « progrès» passe par plus de moralité et non plus de biens maté-
riels. D’où les mesures prises au Texas d’abord, puis généralisées
aux États-Unis pour venir en aide aux malheureux par les associa-
tions, notamment religieuses. Ainsi G. W. Bush a agi selon ce principe
­néoconservateur : agis de telle sorte que la Cité respecte en toute oc-
casion les droits individuels et porte l’amour partout où c’est possible.
La compassion de l’État est un principe moral puisqu’elle répond
au devoir ; un principe d’efficacité puisqu’elle laisse à chacun le
maximum de liberté possible ; un principe d’ordre puisqu’elle per-
met d’éviter les tyrannies.
Yves Roucaute, «Néoconservatisme, parti républicain, États-Unis : l’Esprit du
Temps», Politique américaine 2006/1 (N° 4)

Questions
1. Comparez le programme de R. Reagan (doc 2) à ceux de
Kennedy («la Nouvelle Frontière») et de Jonhson («la Grande
Société»). Pourquoi parle-t-on d’un programme néolibéral ?
Exercices

2. Utilisez le cas de Jerry Rubin pour montrez l’évolution de


la société américaine dans les années 80 (doc 1).
3. Définissez le Néoconservatisme (doc 3). Pourquoi cette
notion est-elle liée au mandat de R. Reagan ? Illustrez cette
mouvance politique à l’aide des docs 4 et 5. 5 Une famille texane dans les années 80.

Chapitre 9 : Les États-Unis d’Amérique depuis 1945 197


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3 Les défis de la société américaine depuis les années 90

Questions
1. Analysez les conséquences des mesures économiques
et sociales de R. Reagan (doc 6).
2. D’après les docs 1 à 5, présentez les défis sociaux
des États-Unis depuis les années 90.

Inconnu

1 Une «gated comunity» à Orlando aux États-Unis. D’après


la définition de J. Blakely, les «gated comunity» sont «des
quartiers résidentiels dont l’accès est contrôlé et dans les-
quels l’espace public est privatisé. Leurs infrastructures de
sécurité, généralement des murs ou grilles et une entrée
gardée, protègent contre l’accès des non-résidents. Elles
sont localisés dans les zones urbaines et périurbaines, et
concernent autant les plus riches que les plus pauvres».

AP Photo/J Pat Carte

4 Le chômage, un fléau des sociétés occidentales, vécu


d’autant plus fortement aux États-Unis que l’encadrement
social est moindre.

PPC, C. Bausch

2 Un centre-ville délabré aux États-Unis. Dans ces espaces Inconnu


se concentrent les populations les plus défavorisées. Émeutes à Los Angeles en 1992, à la suite de l’acquitte-
5
ment de 4 policiers blancs ayant tabassé un automobiliste
noir. La ville connaît plusieurs jours d’émeutes et de vio-
lences interethniques.

Les conséquences sociales de la politique


6
­reaganienne
Sept cent cinquante mille sans-abri (dont cent mille enfants),
un Américain sur sept dépourvu de toute forme d’assurance
maladie, 13,5 % de la population vivant au-dessous du «seuil
de pauvreté», avec une proportion beaucoup plus forte pour
les Noirs et les Hispaniques : l’Amérique est peut-être prospère
mais bien des Américains ne le sont pas, et huit années de
présidence Reagan n’ont nullement comblé les lacunes d’une
société profondément inégalitaire. Au contraire, les contrastes
se sont aggravés, les revenus des plus riches ont progressé
Exercices

nettement plus vite que ceux des plus modestes, tandis que
l’administration poussait le Congrès à tailler dans toutes sortes
de programmes sociaux, réduisant à la portion congrue les sub-
ventions destinées à la construction de logements à bas prix.
3 L’affirmative action dans les années 90. Le Monde, 3 novembre 1988

198 Chapitre 9 : Les États-Unis d’Amérique depuis 1945


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Chapitre Les États-Unis


­d’Amérique depuis 1945
9

Walt Cisco, Dallas Morning News

1 J. F. Kennedy à Dallas le 22 novembre 1963, dans sa limousine quelques minutes avant son assassinat. Cet évènement est
révélateur de la fragilité de l’institution présidentielle et des tensions qui traversent la société américaine.
Cours

Chapitre 9 : Les États-Unis d’Amérique depuis 1945 199


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I Les crises et la persistance du modèle politique américain


1 Un modèle présidentiel complexe Vocabulaire
Élection primaire : elle permet la désigna-
Le modèle présidentiel américain est un modèle démocra- tion du candidat d’un parti politique. Les
tique, qui tente de mixer la volonté du peuple et le pou- primaires sont dites «ouvertes» lorsqu’elles
voir des États. C’est pourquoi l’élection du président est un s’adressent à l’ensemble des citoyens et
suffrage indirect. Chaque État va élire son président et les dites «fermées» lorsqu’elles s’adressent aux
grands électeurs de cet État vont ensuite apporter leurs voix seuls adhérents du parti.
à Washington pour élire définitivement le président de l’Union. Caucus : rassemblement de militants poli-
C’est pourquoi, parfois, un président peut être élu parce qu’il tiques locaux d’un parti pour choisir les délé-
possède la majorité des voix des grands électeurs bien qu’il gués qui désigneront le candidat à l’investi-
n’ait pas obtenu 50 % des voix des électeurs. C’est le cas pour ture de ce parti pour l’élection ­présidentielle.
D. Trump en 2016.
Les deux grands partis, les Démocrates et les Républi-
cains, choisissent leurs candidats lors des primaires ou des
caucus. Les Démocrates conçoivent l’Amérique comme une
communauté de citoyens. Ces citoyens doivent avoir une pro-
tection égale de leurs droits. Bien souvent, le parti défend les
minorités, qu’elles soient ethniques, religieuses ou sociolo-
giques. L’État doit intervenir pour jouer son rôle de protection.
Inversement, le Parti républicain défend une vision plus
conservatrice, en particulier depuis le mandat de R. Reagan
(1981-1989). Son électorat blanc, patriote et évangélique a
une vision traditionnelle de la société (soutien à la peine de Department of Defense
Department of Defense

mort, lutte contre l’avortement, désintérêt des droits des mino- 1 Harry S. Truman 2 Dwight D. Eisen-
(1945-1953) hower (1953-1961)
rités). Ils pensent que l’État bride, par son interventionnisme,
l’initiative privée.
Ces deux coalitions politiques sont très hétérogènes. Les
deux partis comportent chacun une droite et une gauche aux
idées parfois radicalement opposées.
La démocratie libérale américaine possède une séparation
stricte des pouvoirs. L’exécutif (le président), le législatif (le
congrès) et le judiciaire (Cour suprême) sont indépendants
mais doivent collaborer pour exercer le pouvoir.
Ce régime est dit présidentiel parce que le président est irres-
Department of Defense
ponsable devant les Chambres. Le Congrès ne peut pas l’obli-
ger à démissionner. Mais le président peut être mis en accu- 3 John F. Kennedy
(1961-1963)
sation en cas de délit lors de la procédure d’«impeachment». Department of Defense

Le président possède un droit de véto sur les lois, mais ne 4 Lyndon B. John-
son (1963-1969)
peut pas dissoudre les Chambres.
Le Congrès américain est bicaméral. C’est-à-dire qu’il
existe deux Chambres qui votent les lois. La Chambre des
représentants est la Chambre du peuple. Les États sont re-
présentés proportionnellement à leur population. Le Sénat est
la Chambre des États. Chaque État, quelle que soit sa taille,
a droit à deux sénateurs. Les Chambres possèdent l’initiative
des lois et ont le pouvoir de refuser le budget aux projets pré-
sidentiels.
La Cour suprême incarne le pouvoir judiciaire. Ses membres
élus à vie décident en dernier ressort des affaires traitées par
Department of Defense

5 Richard Nixon
Cours

les Tribunaux fédéraux en respect de la Constitution. C’est là (1969-1974) David Hume Kennerly, Department of Defense.

que sont jugées les affaires les plus importantes touchant aux 6 Gerald Ford
fondements du droit (peine de mort, avortement, éducation...). (1974-1977)

200 Chapitre 9 : Les États-Unis d’Amérique depuis 1945


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2 Crises et faiblesses du système politique


­américain
Le modèle politique américain connaît de nombreux soubre-
sauts. Dès l’après-guerre, les Républicains ont beaucoup de
mal à accepter la victoire de Roosevelt en 1932 et sa politique
sociale du New Deal.
Ce parti exploite la peur collective que représentent le
Department of Defense
Department of Defense communisme et la bombe possédée par l’URSS. La tra-
1 J. Carter (1977- 2 R. Reagan (1981- hison des Rosenberg permettra par exemple de croire que
1981) 1989)
la société est infiltrée jusque dans les plus hautes sphères
d’agents communistes. Il faut donc faire la chasse aux com-
munistes et c’est le sénateur McCarthy qui conduit ce que
l’on nommera la «chasse aux sorcières». Il s’acharne sur
les personnes soupçonnées de sympathie socialiste et, lors
d’interrogatoires agressifs, les accusés doivent dénoncer les
collègues et les amis.
Hollywood fait les frais de cette politique. Des milliers de fonc-
tionnaires sont destitués. Des artistes et de brillants scienti-
fiques quittent les États-Unis. Cette campagne favorise l’élec-
tion du Républicain Dwight D. Eisenhower (1953-1956).
Mais il est plus modéré que son parti. Il stoppe McCarthy
lorsqu’il tente de s’attaquer au département de la Défense. Le
président décide de retransmettre en direct les débats présen-
tant un McCarthy haineux et déchaîné.
Au-delà des débats passionnels, la fonction présidentielle est
3 La presse, le quatrième pouvoir. elle-même fragile. Le 22 novembre 1963, John F. Kennedy est
assassiné. En 1968, c’est son frère Robert F. Kennedy qui est
assassiné lors de la campagne électorale des ­présidentielles.
La fonction est la cible de scandales réguliers. Un des plus
connus reste celui du «Watergate». En 1972, des cambrioleurs
sont arrêtés dans un immeuble du Parti démocrate à W
­ ashington.
L’enquête révèle le rôle de la présidence dans la surveillance
de ses opposants et dans des financements irréguliers. L’affaire
mélange espionnage, campagne de presse, révélations fracas-
santes, abus de pouvoir... ­Richard Nixon préfère démissionner
avant que la procédure ­d’«impeachment» soit déclenchée.
La présidence Nixon confirme aussi la place de la communi-
cation, des médias et de leur manipulation. Le processus
a débuté dès les années 60. La presse devient le quatrième
pouvoir. Les campagnes présidentielles sont menées comme
une vaste campagne publicitaire, les messages simplistes et
percutants remplacent les débats de fond. De même, les lob-
bies, la «troisième chambre», prennent de plus en plus de
place. Ces organisations ont pour mission d’orienter les déci-
sions politiques dans le sens de leurs financeurs. Tout cela
se traduit par un manque d’intérêt des Américains pour les
élections. La participation ne cesse de reculer.
L’avènement des années 80 et l’élection de R. Reagan
marquent la révolution conservatrice. La «droite activiste»
américaine rassemble dans le même mouvement les «néo-
conservateurs» préoccupés de la puissance de l’URSS ;
la «droite religieuse», bien souvent évangélique, inquiète
Cours

du laxisme moral de la société moderne ; la «droite écono-


4 Le poids des lobbies selon une caricature du mique», néolibérale, qui condamne l’ingérence de l’État dans
Washington Post en 2000. la vie économique.

Chapitre 9 : Les États-Unis d’Amérique depuis 1945 201


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II La société américaine au temps des Trente Glorieuses


1 L’épanouissement des Trente Glorieuses Vocabulaire
Productivité : capacité à produire plus, plus
De 1945 à 1973, la production progresse de 5 % par an,
vite et mieux.
nourrie par la consommation de masse. L’énergie est bon
Taylorisme : Taylor définit l’organisation scien­
marché. La démographie est dynamique. La productivité
tifique du travail (OST). Chaque geste de
augmente. Les investissements sont importants pour amélio- production est analysé afin de le rendre plus
rer la production. Le travail à la chaîne, avec le Taylorisme et rapide et plus efficace.
le fordisme, se généralise. Les prix des objets de consomma-
Fordisme : Henry Ford reprend les théories
tion diminuent. Par exemple, le prix d’un réfrigérateur baisse de Taylor en les améliorant. Il utilise par
de 60% entre 1959 et 1968. exemple le tapis roulant pour mettre en
Le cercle «vertueux» fonctionne d’autant plus que la pro- place des chaînes de production.
duction a un marché de consommation immense. La société
entière est à équiper. L’État joue son rôle. Il finance ou aide
à la recherche/développement. Le keynésianisme préconise
l’intervention de l’État dans l’économie. L’État favorise l’essor
de la demande, aide les secteurs en difficulté, surveille les prix
et les salaires et aménage le territoire.
Malgré l’oppositon des Républicains, Harry S. Truman
(1945-1953) continue la politique sociale de Roosevelt. Il
lance le «Fair Deal» qui défend le plein emploi, lutte contre
la discrimination raciale ou augmente les salaires minimums.
C’est l’État-providence, le «Welfare State». Mais les Répu-
blicains souhaitent mettre fin à un «demi-siècle révolution-
naire». L’œuvre sociale est sacrifiée. D’autant plus qu’avec la
guerre froide, l’Amérique a une politique impériale à tenir.
Paradoxalement, c’est lors du mandat d’Einsenhower, un
Républicain, que les Démocrates obtiennent de grandes
avancées sociales. L’Amérique étant en pleine prospérité.
J. F. Kennedy (1961-1963) définit la Nouvelle Frontière.
Il propose le «Medicare», des subventions aux écoles, l’as-
sistance aux régions les plus défavorisées, la protection des
droits civiques de toutes les minorités et un programme 1 Caricature de Sanders dans le Milwaukee jour-
spatial... Sa mort n’empêche à son projet de se poursuivre nal en 1968.
grâce à Lyndon B. Johnson (1963-1969) qui veut instaurer
la Grande Société. Il renforce la formation professionnelle, il
développe des projets d’assistance aux régions touchées par
la récession et défend les droits civiques. Ainsi il accomplit le
programme de Kennedy. En 1965 apparaît le «Medicare» qui Biographie
vise à fournir une assurance maladie aux personnes agées.
Malcolm X (1925-1965), de son vrai nom
Malgré tout, nombre de citoyens dénoncent cette Grande Malcolm Little, est issu d’un milieu marqué
Société. Pour eux, les fonds sociaux servent avant tout à par l’esclavage et la discrimination. Bien que
nourrir des «paresseux» issus de minorités bruyantes. Tout bon élève, il dérive rapidement vers la délin-
cela est le résultat de la permissivité morale et sexuelle des quance. En prison, il se convertit à l’islam
autorités qui provoque l’augmentation des crimes. Richard et adhère à «Nation of Islam». Il prend alors
Nixon (1969-1974) est élu pour ramener «la loi et l’ordre ». le nom «X» afin de mieux rejeter son nom
d’esclave. Personnalité charismatique, il dé-
Pourtant, les dépenses sociales continuent à augmenter et
veloppe un discours radical et n’exclut pas
passent devant le budget de la défense. la violence comme moyen d’action. En 1964,
il quitte «Nation of Islam» en raison de pro-
fondes divergences avec son dirigeant. Il part
faire le pélerinage de la Mecque et dénonce
Cours

à son retour le racisme antiblanc. Malcolm


X est alors assassiné en 1965, probablement
par des membres de «Nation of Islam».

202 Chapitre 9 : Les États-Unis d’Amérique depuis 1945


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2 L’«American way of life» et sa contestation


L’Amérique se caractérise par son mode de vie. Le bonheur
correspond à une famille nucléaire, modèle composé de
deux parents et deux enfants. Cette famille vit dans une ban-
lieue (suburb) et possède une maison. Le week-end le père
s’occupe du petit carré de gazon fleuri. La mère grâce à ses
nombreux appareils électroménagers, prépare de bons pe-
tits plats. Ils ont la télévision, des meubles confortables...
Ce mode de vie fait rêver le monde entier mais il suscite aus-
BETTMANN
si des réactions négatives. Ce culte de l’objet fait oublier
1 Le festival de Woodstock est un rassemblement les valeurs humaines essentielles. La société de consom-
qui marque l’un des sommets de la contre-
culture musicale hippie en août 1969. Un demi- mation entretient des besoins artificiels qu’elle comble pour
million de jeunes y participent. ensuite susciter une nouvelle envie. L’homme devient aliéné
au objets, conditionné à ce qu’il possède.
En réaction, des mouvements comme celui des hippies appa-
raissent. Nombre de jeunes et d’adolescents rentrent en rébel-
lion contre leurs parents et le «système». Une contre-culture
émerge. Elle refuse les modèles sociaux passés. Ils protestent
contre une société acceptant la haine raciale, la pollution et les
guerres impériales (par exemple, le Viêt Nam). L’université de
Berkeley, dès 1964, lance le «Free Speech Movement» qui
se diffuse à toutes les autres universités du monde occidental.

3 Diversité et lutte pour les droits civiques


Inconnu La société américaine est traversée par des courants contra-
2 Billy Graham, prédicateur évangélique, salue dictoires. Le protestantisme, dans le Sud des États-Unis, nourrit
ses fidèles. La pancarte reprend un verset de la
un fondamentalisme religieux fort. Les fidèles lisent la Bible
Bible : «Le Christ est vivant, croyez en lui»
littéralement et veulent l’appliquer telle qu’elle est écrite. Ils se
méfient de la modernité et défendent une morale puritaine.
3 Le Ku Klux Klan ou KKK Pour eux, Dieu a donné à l’Amérique une mission divine.
est fondé en 1865. Il se Cette Amérique défend bien souvent la ségrégation. Malgré
développe en réaction à la
défaite des États sudistes l’abolition de l’esclavage à la fin de la guerre de Sécession
lors de la guerre de Séces- (1861-1865), les Noirs n’ont pas obtenu l’égalité des droits.
sion. Il défend la supério- Des organisations racistes, comme le Ku Klux Klan, conti-
rité des Blancs américains nuent à lyncher des Noirs.
et protestants. Le KKK
reprend de la vigueur Après 1945, les mouvements des droits civiques prennent
après la Première Guerre de l’ampleur. En 1954, l’arrêt «Brown v. Board of Educa-
mondiale avec 5 millions de membres. De grandes tion» déclare anticonstitutionnelle la ségrégation raciale dans
parades sont organisées sans compter la «chasse
aux Noirs». Les excès entraînent une réaction des
les écoles publiques. À la suite de ce texte, en 1957, à Little
pouvoirs publics. Le KKK se dissout en 1944 à la suite Rock, neuf jeunes filles noires tentent de suivre les cours
d’une dette fiscale impayée. Malgré sa disparition, le dans une école réservée aux Blancs. L’armée doit intervenir
KKK continue à influencer la société américaine. pour assurer leur protection.
La contestation est à tous les niveaux. En 1955, Rosa Parks
4 Le Logo du «Black Pan-
à Mont­gomery refuse de laisser sa place à un Blanc dans le
ther Party». Ce mou-
vement révolutionnaire bus. L’incident provoque le boycott par les Noirs de la com-
afro-américain est né en pagnie de bus. La Cour suprême statue en 1956 que la ségré-
Californie en 1966. Il a gation dans les bus est anticonstitutionnelle.
des programmes sociaux
comme le «Free Break- Un pasteur incarne petit à petit la lutte pour l’égalité : Martin
fast for Children». Le parti Luther King (1929-1968). Il défend une vision modérée où,
traite la police de «pigs» et par la loi, il demande que tous les Noirs américains accèdent à
défend le port des armes l’«American way of life». Mais face à l’inertie des autorités, le mou-
pour protéger la communauté noire des exactions
policières. Le FBI de Hoover mobilise ses services vement se radicalise. Pour la première fois en 1964, des Noirs
Cours

pour diviser le mouvement, l’enliser dans des procé- s’attaquent à des policiers blancs. Malcolm X, avec «Nation
dures interminables et assassiner les leaders les plus of Islam», défend une libération violente. Le «Black Panthers
remuants. Le parti disparaît au cours des années 70. Party» mène pour sa part des actions radicales contre la police.

Chapitre 9 : Les États-Unis d’Amérique depuis 1945 203


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III La société américaine après la crise des années 70


1 Une société post-industrielle
Au début des années 80, l’Amérique est la première société
post-industrielle.
Elle reste également la première puissance agricole. En
1940, un agriculteur nourrissait 17 personnes, il en nourrit 30
en 1960. En même temps, la population agricole s’effondre.
Elle passe de 17 % en 1945 à 3% en 1980. La production
s’informatise. L’agrobusiness concentre l’activité entre les
mains de quelques grandes firmes. 1 Caricature de Deore dans le Dallas Morning
De même, du côté industriel, l’automation des tâches pro- News, sur le politiquement correct, dans les
­années 90.
ductives entraîne une diminution de l’emploi ouvrier. Les cols
blancs», l’élite et les bureaucrates, dépassent les «cols bleus»,
les travailleurs manuels et les ouvriers. Inversement, le secteur
Vocabulaire
tertiaire est le grand gagnant de cette évolution de l’emploi. Les
services à la personne ne cessent de se développer (santé, en- «Affimative Action» : en français «discri-
seignement, tourisme, action sociale). Les services de caractère mination positive» est le fait de favoriser
technico-commercial dépassent les autres (consultants, traite- certains groupes de personnes victimes de
discriminations systématiques. L’objectif est
ment de l’information, exploitation des marchés...). Les femmes
de rétablir l’égalité des chances. Les discri-
entrent en masse sur le marché de l’emploi. minations peuvent être raciales, sexuelles,
physiques ou sociales.
Renouvellement et questionnement du modèle
2 américain
La Grande Société enregistre de réels succès. À la fin des
années 70, la quasi totalité des enfants termine des études
secondaires, la ségrégation recule, la pauvreté entre 1960 et
1970 passe de 22 % à 12.5 % de la population totale.
Mais les critiques sont nombreuses pour dénoncer l’impor-
tance des dépenses gouvernementales (35 % du PNB en
1979). L’ «Affirmative Action» est de plus en plus contestée.
Le modèle du «big Business», «big Labor» et «big Govern-
ment» doit être réformé.
Maison blanche
Dans ce contexte la politique néolibérale de R. Reagan sé-
2 R. Reagan présente les avantages de sa ré-
duit. Il est élu avec un programme hostile au keynésianisme, dé- forme fiscale dans le Bureau ovale.
fenseur d’une économie de l’offre et partisan d’une réduction
radicale de la fiscalité. Piètre gestionnaire mais grand commu-
niquant avec une équipe experte en manipulation des médias, en % Évolution des revenus des 1 % supérieurs
Évolution des revenus des 99 % inférieurs
Reagan bouleverse le modèle américain par sa politique 300 (dollars constants, 1982 = 100 %)
sociale. Pour lui : «Le gouvernement n’est pas la solution à
notre problème. Le gouvernement est notre problème.»
Il propose un plan qui se résume en quatre idées : la déré- 250
glementation, une politique monétaire sévère, une diminution
du budget sauf au plan militaire et une relance économique
par une diminution de la fiscalité. 200

Le bilan des années Reagan, à la fin des années 80, est


contrasté. Il peut se prévaloir d’avoir rendu le moral à l’Amé-
150
rique, maîtrisé l’inflation, favorisé la croissance économique
(plus 12 % du PNB et 12 millions d’emplois créés) et limité l’in-
terventionisme du gouvernement. Mais inversement, les iné-
Cours

100
galités sociales se sont creusées, compromettant le rêve 90
américain. La société américaine est à deux vitesses. La pro- 1982 1985 1990 1995 2000 2005 2010
ductivité ne progresse guère et l’endettement n’a pas diminué. 3 Évolution des revenus entre 1982 et 2010.

204 Chapitre 9 : Les États-Unis d’Amérique depuis 1945


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Les défis de la société américaine depuis les


3
Personnes par an

1 200 000

années 90
1 000 000 Dépression Première Guerre
économique mondiale

Lois des quotas


Avec le mandat de Bill Clinton (1993-2001), l’Amérique
connaît une nouvelle phase de croissance inégalée. C’est
Guerre de Sécession
800 000 de 1921 et 1925
(1860-1865)

600 000
Famine en
Irlande
Seconde
Guerre mondiale l’ère de la nouvelle économie, que certains désignent la troi-
sième révolution industrielle. On assiste à la convergence des
400 000
technologies de l’information et des communications (TIC)
200 000
qui s’appuient sur les ordinateurs fonctionnant avec des
logiciels performants. Ces machines communiquent par le
0
1820 1840 1860 1880 1900 1920 1940 1960 1980 biais des réseaux Web et Internet. Toutes ces informations
1 Évolution de l’immigration aux États-Unis de ­stockées sur des serveurs géants forment le «big data» et
1820 à 1975. nourrissent l’intelligence artificielle.
Cette croissance s’arrête net en 2007. La crise du secteur
des prêts hypothécaires à risque provoque une crise bancaire
et financière. C’est la crise des «subprimes». Le PIB stagne,
peu d’emplois sont créés et le taux de chômage passe à 10 %.
Cette nouvelle crise révèle de nouveau les contrastes de la
société américaine. L’Amérique est un pays d’immigrations
multiculturel. Il s’est construit par l’ajout historique de popu-
lations issues du monde entier (WASP (White Anglo-Saxon
Protestants), Africains, Hispaniques, Asiatiques...). L’Amérique
Maison blanche
peut tout à la fois élire un président américain noir comme Ba-
2 George Bush
(1989-1993)
Maison blanche
rack Obama (2009-2017), avec un discours qui se construit
3 Bill Clinton (1993- sur la fraternité et ensuite élire Donald Trump (2017), un
2001)
président qui veut isoler l’Amérique du reste du monde en
construisant un mur à sa frontière Sud. La société américaine
semble nier sa dimension multi-ethnique et semble incapable
d’assimiler sa diversité en favorisant la vie en commun. Dès
1992, les émeutes de Los Angeles rappellent la force des
tensions interethniques.
Les communautés se referment sur elles-mêmes. Les popu-
lations les plus favorisées vivent dans des lotissements sé-
curisés (gated communities) et les plus défavorisées dans
des ghettos sans infrastructure, au paysage urbain délabré.
Maison blanche Le rêve de l’université pour tous les membres de la classe
Maison blanche
5 Barack Obama moyenne s’estompe. Cette classe a le sentiment de se pau-
4 George W. Bush (2009-2017) périser et considère les autres minorités comme les respon-
(2001-2009)
sables de ce déclin.
Révisions
Vocabulaire : régime présidentiel - suffrage indirect - Démocrates - Républicains - ­« im-
peachment» - Congrès - Chambre des représentants - Sénat - la Cour suprême - McCarthy -
«Watergate» - le quatrième pouvoir - lobbies - la révolution conservatrice - consommation
de masse - taylorisme - fordisme - keynésianisme - «Welfare State» - la Nouvelle Frontière
- la Grande Société - «Medicare» - hippies - ségrégation - fondamentalisme - KKK - «Black
Panthers» - Martin Luther King - Malcolm X - l’«Affirmative Action» - néolibéralisme - néo-
conservatisme - la nouvelle économie - crise des «subprimes» - ghettos - «gated commu-
nity» - les présidents américains.
Notions : quelles sont les caractéristiques du modèle démocratique américain ? Comment
Maison blanche fonctionne le système bipartisan américain (idées, élections) ?
6 Donald Trump Pourquoi peut-on dire que la démocratie américaine est sous influence ?
(2017- ) Quelles sont les caractéristiques de son modèle économique et social ?
Définissez la contre-culture. Comment se manifeste-t-elle ?
En quoi les politiques de J.F. Kennedy et L. B. Jonhson marquent-elles le modèle social
­américain ?
Cours

En quoi la présidence de R. Reagan le transforme-t-il ? Pourquoi la présidence de R. Rea-


gan est-elle dite néolibérale et néoconservatrice ?
Quelles sont les étapes de la lutte pour les droits civiques ?

Chapitre 9 : Les États-Unis d’Amérique depuis 1945 205


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Index E
big data 205 conférence de Belgrade 109
big Government 204 conférence d’Helsinki 53
big Labor 204 Conférence sur la sécurité et la économie de marché 172
Bill Clinton 79, 205 coopération en Europe 53 économie sociale de marché 112,
BIRD 23 confort 130 130
A Birmanie 105
Black Panther Party 203
Congo Belge 107
Congrès 200
EEE 172
Eisenhower, Dwight D. 201, 202
ABM 52, 77 blocus de Berlin 47 Conseil de l’Europe 135 Élection primaire 200
accords de Camp David 82 blocus économique 51 Conseil de sécurité 23 élections libres 21
accords de Dayton 159 Boigny, Félix Houphouët 104 Conseil des ministres 171 Eltsine, Boris 78
accords de Genève 53, 106 bombardements 16 Conseil économique et social 23 enlargement 79
accords d’Évian 108 bombardements atomiques 20 Conseil européen 171 épidémies 109
accords d’Helsinki 53 Bombe A 21 consommation de masse 130, 202 Épuration 20
accords d’Ohrid 159 bombe atomique 18 Constantin II 154 Ernesto « Che » Guevara 51
accords d’Oslo 84 Boris Eltsine 78 Constitution européenne 173 Espace économique européen 172
accords Sainteny - Hô Chi Minh Boris Pasternak 134 containment 46, 132 Espagne 154, 170
106 Bosnie 158 convention de Schengen 172 Estado Novo 154, 155, 159
acquis communautaire 172 Bourguiba, Habib 107 Copenhague 172 État juif 80
Adenauer, K. 170 Boycott 105 Corée, guerre de 185 État-providence 130, 139, 202
Adenauer, Konrad 48, 135 Brandt, Willy 126, 138 coup de Prague 47 États pétroliers 110
AELE 170 Brazzaville, discours de 104 couple franco-allemand 170 Éthiopie 54
Affimative Action 204 Brejnev, Léonid Ilitch 51, 138 Cour de justice 171 euro 172
Afghanistan 80 Bretton Woods 23 Cour internationale de Justice de euromissiles 77
Afrique 54 Brexit 170, 173 La Haye 23 Europe à la carte 173
agent orange 53 Brown v. Board of Education 203 Cour suprême 200 Exodus 81
Alexander Dubček 138 Bush, George H. 79 Crime contre l’humanité 21 Exposition universelle 188
Alexandre Soljenitsyne 134 Bush, George W. 80 crise économique 76 extermination 81
Alfred Sauvy 108 crise chypriote 155
Alger 110
Algérie 108
C crise des fusées de Cuba 51
crise des migrants 174 F
Ali Jinnah 105 CAEM 48, 133 crise de Suez 50
critères d’adhésion 172 Fair Deal 202
Allende, Salvador 54 Caetano, Marcelo 155 famille nucléaire 203
Alma Alta 78 campagne des Cent Fleurs 185 Croatie 158
Cuba 51 Fatah 83
Al-Qaïda 80 Camp David 82 fedayins 83
Amérique latine 54 camps d’extermination 18 culte de la personnalité 186
culture de la communication 133 fédéralisme 131
analphabétisme 109 Cap-Vert 107 Félix Houphouët Boigny 104
Angola 54, 76, 107 Castro, Fidel 35, 51 Fidel Castr 35, 51
antisémitisme 80
Antonio de Olivieira Salazar 154,
Caucus 200
CECA 136
D Finlande 170
FLN 108
155 CED 136 Dada, Idi Amin 109 FMI 23
Antonio Spinola 155 CEE 136, 170 d’Argenlieu, Thierry 106 F. Mitterrand 172
Apartheid 108 CEEA 136 Dazibaos 186 fondamentalisme 203
Arafat, Yasser 83, 84 CEI 78 Décentralisation 132 Fordisme 130, 202
Armée de libération du Kosovo Cent Fleurs 185 déclaration Balfour 81 France, Pierre Mendès 107
159 Ceylan 105 Delors, Jacque 172 François Mitterrand 173
arme nucléaire 22 Chambre des représentants 200 Démocrates 200 Free Speech Movement 203
Assemblée générale 23 Charte de 77 157 démocratie illibérales 174, 200 Frères musulmans 104
assimilation 106 Charte de l’Atlantique 21 démocratie participative 173
association (colonies) 106 Charte des Nations Unies 23 démocrature 174
Association européenne de libre Chatila 83 Dénazification 20 G
échange 170 Che Guevara 54 Deng Xiaoping 187
Churchill, Winston 19, 46, 131 déportation 16 Gagarine 49
atelier du monde 188
Chypre 155 désarmement 52 Gamal Abdel Nasser 107
atlantisme 174
cinquième modernisation 188 desarrollo 154 Gandhi 89, 105
autarcie 154
citoyenneté 172 désobéissance collective 105 gardes rouges 186
autocritiques 186
civilisation des loisirs 133, 139 Déstalinisation 137 gated communities 205
autosuffisance 109
Clementis, Vladimir 134 détente 52 GATT 23
Autriche 170
Clinton, Bill 79, 205 dette 17 Gaulle, Charles de (général de) 19,
108, 138, 170
B CNUCED 110
coexistence pacifique 49
dictature des colonels 154
Diên Biên Phu 106 général Leclerc 106
collectivisation 130, 133, 185 discours de Brazzaville 104 Général MacArthur 49
Baie des Cochons 51 génocide 22
Balfour, déclaration 81 COMECON 48, 133 dissuasion graduée 49
Commission européenne 171 dissuasion nucléaire 52 George H. Bush 79
bande des Quatre 187 George W. Bush 80
Bandung, conférence de 185 Communauté économique euro- divorce de velours 158
péenne 136 Docteur Jivago 134 Geórgios Papadópoulos 155
Barack Obama 205 Georgios Papandréou 154
Begin, Menahem 83 Communauté européenne de doctrine Jdanov 47
défense 136 doctrine Truman 46 ghettos 205
Ben Gourion, David 81 give and keep 106
Ben Laden, Oussama 79, 80 Communauté européenne de Donald Trump 205
l’énergie atomique 136 droit des peuples à disposer d’eux- Glacis 21
bicaméral 200 Glasnost 61, 78
bidonvilles 109 communes populaires 185 mêmes 104
conférence de Bandung 108, 185 Dubček, Alexander 138 Gold Coast 106
big Business 204 Gold Exchange Standard 23
Dwight D. Eisenhower 201
206
Version réservée à la projection en classe - Usage autorisé seulement avec les versions papiers

Gomułka, Władysław 50, 134, 137 Kennedy, Robert F. 201 Mitterrand, François 172 Parlement 171, 173
Gorbatchev, Mikhaïl 77, 157 keynésianisme 130, 202 Mladić, Ratko 159 Parti communiste chinois 184
Gottwald, Klement 47 Khomeyni, Rouhollah Moussavi Mobutu 107 Parti du Congrès 105
Grand bond en avant 185 76 Mohammed V 107 Pasternak, Boris 134
Grande Société 202, 204 Khrouchtchev, Nikita Sergueïevitch Monnet, Jean 135, 136 Patrice Lumumba 107
grands électeurs 200 51 Moudjahidines 76 Paul-Henri Spaak 136
Grèce 170 King, Martin Luther 203 Mouvement des Forces Armées pays baltes 78, 157
Gregoris Lambrakis 154 Kippour, guerre du 82 155 Pays-Bas 105
Grenade 77 KKK 203 Mozambique 54, 76, 107 pays émergents 110
guerre civile grecque 18 Klement Gottwald 47 Mátyás Rákosi 134, 137 PCC 184
guerre de Corée 48, 185 Knesset 81 Margaret Thatcher 172 pénuries 130
guerre des étoiles 77 Kohl, Helmut 158, 172 Mugabe, Robert 108 perestroïka 77, 157
guerre des pierres 83 Kominform 47 Muhammad Ali Jinnah 89 Pershing II 77
guerre du Golfe 79 Konrad Adenauer 48, 135, 170 multilatéralisme 79 PESC 172
guerre du Kippour 76, 82 Kosovo 159 multipartisme 158 Petit Livre Rouge 186
guerre du Viêt Nam 53 Krouchtchev, Nikita 49 multipolaire 80 petits hauts fourneaux 186
Guevara, Ernesto «Che» 53 Ku Klux Klan 203 Munich 83 Pierre Mendès France 106, 107
Guinée-Bissau 107 Kuomintang 184 My Lai 53 Pinochet, Augusto 53, 54
Kwame NKrumah 107 place Tian’anmen 187
H N planification 133

Habib Bourguiba 107


L Nagasaki 20
plan Marshall 46, 130, 132
PMA 110
Hamas 84 La Haye 131 Nagy, Imre 50, 137 Politique étrangère et de sécurité
Harry S. Truman 202 Lambrakis, Gregoris 154 Nakba 81 commune 172
Haute Autorité 136 Latifundia 154 napalm 53 Pologne 137
Havel, Václav 157, 158 Lech Wałęsa 157, 158 Nasser, Gamal Abdel 50, 82, 107 pont aérien 48
Helmut Kohl 158, 172 Leclerc, général 106 nationalisation 130 Portugal 159, 170
Herzl, Theodor 80 Léopold Sédar Senghor 104 nationalisme 80, 104, 158 Potsdam 22
hippies 203 Liban 77, 82 Nehru, Jawâharlâl 88, 105, 108 Poutine, Vladimir 79
Hirohito 20 Libération 20 néocolonialisme 109 privations alimentaires 16
Hiroshima 20 ligne Oder-Neisse 138 néo-conservateurs 201 Productivité 130, 202
Hitler 20 Lisbonne, traité de 173 Neo-Destour 107
Hô Chi Minh 106
homme nouveau 134
Little Rock 203
lobbies 201
néolibérale 201, 204
nettoyage ethnique 158
Q
homosexuels 18 loi sur la mémoire historique 159 neutralisme 108 Qing 184
Hongrie 137 Longue Marche 184 Nixon, Richard 54, 202 Quatre Modernisations 187
Hussein, Saddam 80 Los Angeles 205 NKrumah, Kwame 107 quatrième pouvoir 201
László Rajk 134 nomenklatura 131 Quit India 105
I Lumumba, Patrice 107 non-alignés 109

Idi Amin Dada 109


Lyndon B. Johnson 202 non-violence active 105
nouvelle économie 205 R
IDS 77
impeachment 200, 201
M Nouvelle Frontière 202
NPI 110
Rabin 84
Radovan Karadžić 158
Imre Nagy 137 Maastricht, traité de 172 Nuremberg 22 Rákosi, Mátyás 134, 137
intelligence artificielle 205 MacArthur, Général 49 rationnement 17, 154
Internet 205
intifada 83
Macédoine 159
Mai 68 139
O Ratko Mladić 159
RDA 48
Irak 80 majorité qualifiée 171, 172 Obama, Barack 80, 205 Reagan, Ronald 77, 200, 204
Malcolm X 202, 203 Oder-Neisse, ligne 138 réalisme socialiste 134
J malnutrition 109
Mandchourie 184
OECE 46, 132
offensive du Têt 53
réforme agraire 185
réparations 21
Jacque Delors 172 Mao Zedong 184 OLP 83 représailles massives 52
Jaruzelski 157 Marcelo Caetano 155 OMC 188 Républicains 200
Jawâharlâl Nehru 88 marché commun 171 ONU 21, 24 République populaire de Chine
Jdanov, doctrine 47 marché, économie de 158 OPEP 76, 110 184
jdanovisme 134 marché noir 17 opération Condor 54 réunification 158
Jean Monnet 135, 136 Mario Soares 155 Organisation des Nations Unies 23 Revolução dos Cravos 155
Jeux olympiques 188 Mark 47 Organisation Mondiale du Com- Revolusi 105
Jinnah, Muhammad Ali 89 Maroc 107 merce 188 révolution conservatrice 201
John F. Kennedy 201, 202 Marshall, plan 46, 130, 132 Ostpolitik 138 Révolution culturelle 186
Johnson, Lyndon B. 202 Martin Luther King 203 OTAN 48, 159 révolution des œillets 155
Josip Broz Tito 135 marxisme 104 Oussama Ben Laden 79 révolution de velours 157
Juifs 18 Mau Mau 106 révolution islamique en Iran 76
McCarthy 201
Medicare 202 P RFA 48
Rhodésie du Sud 108
K Menahem Begin 83 Pacte de Varsovie 48, 157 Richard Nixon 201, 202
Mendès France 106 pactomanie 49 rideau de fer 22, 46
Karadžić, Radovan 158
Messine 136 Paix en Galilée 83 riposte graduée 52
Katanga 107
Mikhaïl Gorbatchev 77, 157 panafricanisme 110 Robert F. Kennedy 201
Kennan, George 46
Milošević, Slobodan 158, 159 panarabisme 50, 110 Robert Mugabe 108
Kennedy, John F. 201
Minsk 78 Papandréou, Georgios 154 Robert Schuman 135

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Ronald Reagan 200, 204 soviétisation 132 Trente glorieuses 130 Web 205
Roosevelt, Franklin Delano 19, Spaak, Paul Henri 136 triangle institutionnel 171 Welfare State 202
201 Spinola, Antonio 155 Tribunal international de Nurem- White Anglo-Saxon Protestants
Rosa Parks 203 Spoutnik 49 berg et Tokyo 22 205
Royaume-Uni 170 Srebrenica 158 tribunal pénal international pour Willy Brandt 126, 138
Rudolf Slánský 134 Staline, Joseph 19, 47 l’ex-Yougoslavie 22, 159 Winston Churchill 131
Russie 174 subprimes 205 troisième voie 109 Władysław Gomułka 134, 137
Suède 170 Truman, doctrine 46

S suffrage indirect 200


Sukarno 90
Truman, Harry S. 19, 202
Trump, Donald 205 X
Sabra 83 système patriarcal 139 Tsahal 81 Xiaoping, Deng 187
Saddam Hussein 80 Tsiganes 18 XXe congrès du PCUS 49, 137
Salazar, Antonio de Olivieira 107, T Tunisie 107
Turquie 173
154, 155
SALT I et II 52 talibans 80 Y
Sarajevo 158
Satyagraha 105
Taylorisme 130, 202
Tchang Kaï-chek 184
U Yalta 21
Yasser Arafat 83
Sauvy, Alfred 108 Tchécoslovaquie 47, 157 UÇK 159 Yougoslavie 158
Schengen, convention de 172 Tchétchénie 79 Ulbricht 137
Schuman, Robert 135 technologies de l’information et unanimité 171
Secrétaire général 23 des communications 205 unilatéralisme 79 Z
ségrégation 203 Téhéran 21 Union française 107
self-government 106 téléphone rouge 52 unionisme 131 Zedong, Mao 184
Sénat 200 Thatcher, M. 172 Zhou Enlai 108
zones d’occupation 18, 21
Sétif 108
Shoah 81
Thierry d’Argenlieu 106
Tibet 188 V zones économiques spéciales 187
sionisme 80 TIC 205 Zurich, discours de 131
Václav Havel 157, 158
Slánský, Rudolf 134 tiers-monde 108 Vladimír Clementis 134
Slobodan Milošević 158, 159 Tito, Josip Broz 135, 158 Viêt Minh 106
Slovénie 158 Tokyo 22 voie balte 157
Soares, Mario 155 Toussaint 1954 108
socialisme à visage humain 138 TPIY 159
société d’abondance 139 traité de Bruxelles 132 W
société de consommation 131, 203 traité de l’Atlantique Nord 48
Soekarno 90, 105, 108 traité de Lisbonne 173 Wałęsa, Lech 157, 158
soft power 79, 188 traité de Maastricht 172 Washington 84
Solidarność 157 traité de Moscou 52 Washington, traité de 77
Soljenitsyne, Alexandre 60, 134 traité de Washington 77 WASP 205
Souveraineté 132 transition démographique 109 Watergate 201
souveraineté limitée 138 travail à la chaîne 130

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ISBN : 979-10-90729-34-6
Août 2020
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