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Figure 1 : défaillance de la structure

I.1.Apercusur la rupture

Éviter la rupture n’est pas en soi une idée nouvelle : les concepteurs des structures de l’Égypte
des pharaons (pyramides) ou ceux de l’empire romain nous ont laissé des édifices que l’on
peut encore contempler. Les matériaux utilisés avant la révolution industrielle étaient
cependant limités pour l’essentiel au bois de construction, à la pierre ou à la brique et au
mortier. La brique et le mortier sont relativement fragiles lorsqu’ils sont utilisés en traction.
Pour ces raisons, toutes ces structures anciennes (pyramides, ponts romains…) qui ont su
résister au temps, étaient chargées en compression - en fait, toutes les structures de l’époque
précédant la révolution industrielle étaient conçues pour des chargements en compression.
L’utilisation de nouveaux matériaux ductiles (acier et autres alliages métalliques) pour des
chargements en traction conduisit cependant à quelques problèmes. Des ruptures se
produisaient parfois pour des niveaux de charges bien inférieurs à la limite d’élasticité. La
recherche en mécanique de la rupture devait donc être développée. Les premiers essais de
rupture ont été menés par Léonard de Vinci (1452-1519) bien avant la révolution industrielle :
il a montré que la résistance à la traction d’un fil de fer variait inversement avec la longueur
de ce fil. Ce résultat suggérait déjà que les défauts contenus dans le matériau contrôlaient la
résistance de celui-ci : plus le volume est important (fil de fer long) plus la probabilité de
présence de fissure est importante. Cette interprétation qualitative fût précisée plus tard en
1920 par Griffith qui établit une relation directe entre la taille du défaut et la contrainte de
rupture.

I.1.1 La rupture des matériaux – classifications et faciès

Généralité :
Les études faites sur les matériaux ont montré que le phénomène de la propagation de la
rupture est dû essentiellement aux défauts existants dans le matériau. Les conditions
d’exploitation jouent un rôle déterminant, en particulier : la température et la vitesse de
sollicitation.La théorie de la mécanique de la rupture est un moyen pour estimer la stabilité
des fissures qui peuvent survenir à cause des défauts. Elle permet de prévoir l’évolution de la
fissure jusqu’à la ruine de la structure.
A ce jour, basé sur les expériences, la théorie de la mécanique de la rupture n’est nullement
une science de base exhaustive et exacte, cependant, plusieurs approches ont été proposées.
a) Analyse des contraintes au voisinage d’un trou elliptique :

C’était la première approche d’Inglis en 1913. Il a montré que la contrainte au fond du trou
elliptique d’une plaque chargée en traction σ est beaucoup plus élevée que la contrainte dans
un champ lointain (figure. I.2).

Figure. I.2: Analyse des contraintes au voisinage d’un trou elliptique.

b) Approche énergétique :
Pour un solide élastique possédant une fissure S, la propagation de celle-ci
entraîne une modification de son aire. Griffith exprime la conservation de l'énergie
totale du système.
- dWelast :variation del'énergieélastique
-dWext :variation del'énergiepotentielle desforcesextérieuresoutravailde
cesforces(données) changé de signe
-dWs:énergie dissipéedanslaséparation, Ws =2γdS,γ étantl'énergiesuperficielle caractéristique
du matériau, dS l'accroissement d'airede la fissure, étant dû aux deux faces de la fissure
-dWcin :variationd'énergiecinétique.
La fissure se propagera de façon instable si dWcin> 0, c'est-à-dire :

Par définition, le taux de restitution d'énergie G est :


Le critère de propagation de Griffith se traduit par :

L'initiation de la propagation A partir de la configuration S est possible lorsque :


Dès que G est supérieur à 2γ, une partie de l'énergie disponible sert précisément à rompre les
liaisons : c'est l'énergie de séparation. L'excès d'énergie (G-2γ)dsest transformé en énergie
cinétique, qui pourrait à son tour, s'il n'y avait pas d'autreapport d'énergie extérieure, se
dissiper dans la séparation de surface nouvelle. Ceprocessus peut mener à la propagation
instable.Si les sollicitations extérieures sont telles que l'égalité

soit vérifiée à tout moment, alors il n'y a pas d'accroissement d'énergie cinétique :
la rupture est contrôlée et la croissance de la fissure est stable.

I.1.2 Mécanismes de rupture


La rupture détruit la cohésion de la matière par la création de discontinuité à l’échelle de
l’existence des microfissures ou cavités, des fissures dans les structures mécaniques. Les
causes et mécanismes sont étudiés par fractographie (échelle macroscopique) ou
microfractographie (échelle du microscope électronique MEB) ou par l’analyse du faciès-
types.

I.1.3 Types de rupture

Rupture par fissuration rapide : ductile, semi-fragile, fragile ; Rupture par fissuration
progressive :
- Sous sollicitations statique : corrosion sous contrainte, fluage, ...
- Sous sollicitations cycliques : fatigue mécanique, fatigue thermique ;
- Sous sollicitations complexes : Fatigue-corrosion, fatigue-fluage, ...

I.1.3.1Rupture fragile
Mécanisme : Se manifeste au niveau des liaisons intra-atomiques sans déformation plastique
macroscopique.
Conditions :Intervient lorsque l’énergie de déformation locale due aux sollicitations
extérieures devient égale à l’énergie nécessaire de décohésion atomique.
Caractéristiques :
- Propagation très rapide de fissure ;
- Consommation d’énergie très faible ;
- Les défauts et accidents géométriques jouent un rôle essentiel dans l’amorçage de la rupture

Figure. I.3 : Faciès de rupture d’une éprouvette de Charpy rompue à -70 °C.

a) Rupture fragile transgranulaire (à clivage)

La rupture suit des plans cristallographiques à travers le grain (plans de clivage). Faciès de
rupture cristallin (aspect brillant (figure. I.4)).
(a) Echelle macroscopique : La surface de rupture est perpendiculaire à la direction de
sollicitation.
(b) Échelle microscopique : Rupture des liaisons interatomiques dans une
directionperpendiculaire au plan de rupture.
(c) Échelle microscopique : Une rupture transgranulaire, la fissure suit des plans et
directions cristallographiques dans chaque grain.
(b)
(a) (c)

Figure.I.4 : La rupture par clivage à différentes échelles :

L’interaction de la fissure avec les défauts microstructuraux ou hétérogénéités du métal


conduit à des micro-reliefs très caractéristiques : surfaces de clivage sous forme de traces et
marches appelés rivières(Figure.I.5) et languettes observées par fractographie (Figure.I.6).

Les

pture fragile rivières se forment


Figure. : de rupture fragile
I.6 : Types
e) : Rivières - partransgranulaire
l’interaction du(àplan
clivage): Languettes
de clivage et de dislocation vis ;
- par jonction de deux plans de clivage voisins, et convergent vers la direction du sens de
propagation de la fissure.
Lors d’un franchissement d’un joint de grain, soit les rivières se multiplient, soit il y aura un
réamorçage dans le grain voisin et ceci selon la désorientation de la fissure qui est fonction de
la taille du grain.
La rupture à basse température se fait par clivage et elle ne peut survenir que si la limite
d’élasticité est atteinte. La rupture fragile transgranulaire se manifeste surtout dans les
structures de cristauxCubiques centrés (C.C.) tels que les aciers à carbone et les cristaux ;
Hexagonaux compacts (H.C.) tels que le Zinc et le Magnésium. Les structures de cristaux
cubiques à faces centrées (C.F.C.) tels que le cuivre, aluminium.Sont peu sujettes au clivage.
A plus basses températures, dans les structures de cristaux C.C. ou H.C., l’agitation thermique
qui facilite le mouvement des dislocations est moindre, ce qui bloque les dislocations et
augmente la limite d’élasticité (augmentation de la résistance intrinsèque du matériau). La
zone plastique devient très petite en taille et par suite le déchirement ductile devient un
clivage
Les atomes se séparent les uns des autres à une contrainte de E/15.
La zone plastique est très limitée. Le profil idéal montre que la contrainte théorique au
voisinage de la fissure tende vers l’infini. Pratiquement, les défauts métallurgiques et
l’apparition de la zone plastique limite cette contrainte à une valeur élevée mais finie (figure.
I.7).

Figure.1.7 : Propagation de la fissure par clivage.

b) Rupture fragile intergranulaire

Caractérisée par une décohésion intergranulaire ; La rupture suit les joints des grains.
Mécanismes :
Elle survient par accumulation d’impuretés ou d’inclusions (présence de seconde phase au
joint du grain ou ségrégation d’un élément chimique), qui sont à l’origine d’une fragilité
introduite, par exemple la fragilité au revenu.

Caractéristiques :
La rupture présente deux aspects à l’échelle microscopique (figureI.8) :
- Aspect lisse, si la rupture suit les joints des grains) avec déformation plastique réduite
- Aspect de cupules).

Figure I.8 : Aspect de rupture intergranulaire à l’échelle microscopique

La rupture suit les facettes du grain par détérioration du joint de grain. La rupture
intergranulaire se manifeste sous deux formes :
- Rupture fragile à basses températures quand les éléments d’impuretés ségrégés au joint du
grain diminuent l’énergie de cohésion de ces joints ;
- Rupture intergranulaire par fluage aux températures moyennes et élevées (≥ 1/3 T fusion).
Les défauts qui conduisent à ce type de rupture sont initialement des cavités puis leurs
multiplications ou décohésion (points triple).

I.1.3.2 Rupture ductile


Le matériau plastifie et rompt progressivement, où une fissure stable peut s’amorcer au sein
de la matière. L’endommagement peut-être diffus et relativement important. Les métaux
cubiques à faces centrées ont ce comportement, alors que les métaux de type cubique centré
sont ductiles pour une température suffisamment élevée. La rupture ductile se produit en trois
phases (Figure I.9) :(i) germination de cavités autour d’inclusions, (ii) croissance des cavités,
(iii) coalescence des cavités menant à l’apparition d’une fissure macroscopique.

a b c

Figure I.9 : Formes de rupture d’aluminium pur (a) rupture cisaillée, (b) et (c) rupture de
forme respectivement cuvette et cône.
I.2. Utulisation de la mécanique de la rupture en conception

Deux approches sont utilisées pour le dimensionnement des structures (figure I.10). La
première, la plus classique, repose sur la limité d’élasticité du matériau σ E, alors que la
seconde s’appuie sur le concept de ténacité KCissu de la mécanique linéaire de la rupture
(MLR). Dans le premier cas, les structures sont dimensionnées pour que les contraintes
appliquées σ restent inférieures à la limité d’élasticité (σ <σE).
Un coefficient de sécurité est en général introduit pour prévenir tout risque de rupture fragile
(σ < ασE avec α < 1). Cette approche, qui est entièrement décrite par les deux variables σ et
σE, fait donc abstraction de l’existence d’éventuels défauts sous forme de microfissures par
exemple.
L’approche basée sur la mécanique linéaire de la rupture est en revanche à trois variables : la
contrainte appliquée σ, la ténacité KC(qui remplace la limité d’élasticité) et une nouvelle
variable attachée cette fois-ci à la taille du défaut. Pour cette même approche, deux études
alternatives sont possibles : l’une utilise un critère d’énergie et l’autre le concept d’intensité
des contraintes critique. Ces deux études sont, sous certaines conditions, équivalentes. Dans
les deux prochaines sections, nous présentons brièvement ces deux études alternatives pour
ensuite, en préciser les hypothèses et en exposer les calculs.

Contrainte Limite
appliquée d’élasticité
appliquée

a)
Contrainte
appliquée

Taille du Ténacité
défaut
b)

Figure I.10 : Comparaison de l’approche classique (a) et de l’approche


utilisantla MLR (b)

I.2.1 Critère d’Energie

L’approche énergétique est basée sur le postulat suivant : l’extension d’une fissure qui
conduit à la rupture se produit lorsque l’énergie fournie est suffisante pour vaincre la
résistance du matériau. Cette résistance se compose de l’énergie de création de surface, de
l’énergie de plastification de l’extrémité de la fissure, et éventuellement d’autres types
d’énergies dissipatives associées à la propagation d’une fissure.
Griffith fut le premier à proposer un critère d’énergie pour la rupture des matériaux fragiles,
critère ensuite étendu aux matériaux ductiles par d’autres auteurs (dont Irwin et Orowan).

a) Théorie de la rupture fragile de Griffith à la rupture ductile d’Irwin

Irwin a proposé de regrouper sous un même terme les énergies de surface gs et de déformation

plastique

I.1
La fissure se propagera si :

L’énergie de Griffith notée G(qu’on appelle aussi taux de restitution d’énergie) est définie en
liaison avec la variation d’énergie par unité de surface fissurée, associée à la propagation
d’une fissure dans un matériau linéaire élastique. La rupture se produit lorsque G atteint une
valeur critique GC. Cette valeur est en fait une mesure de la ténacité du matériau. Pour une
fissure de longueur 2a(figure I.11) dans une plaque de dimensions infinies (c’est à dire
lorsque la longueur de fissure est très petite par rapport aux dimensions de la plaque dans la
plan de chargement) constituée d’un matériau de module d’Young E et soumise à une
contrainte nominale de traction σ∞, l’énergie de Griffith Gpar unité de surface fissurée est
donnée par :

I.2

Figure I.11 : Fissure traversante de longueur 2a dans une plaque infinie

La rupture se produit lorsque la contrainte appliquée σ ∞, devenue trop grande, atteint une
certaine valeur σR. Par conséquent, si GCdésigne la valeur critique de l’énergie obtenue pour la
contrainte appliquée σR, la relation précédente donne la formule :

I.3

Notons que pour une valeur fixée de GC, la contrainte à rupture σRvarie avec ; 1/√ a de même,
si les valeurs GCet σ∞ sont fixées, la longueur de défaut critique aCà laquelle la rupture se
produit, est donnée par :

La figure I.12, illustre bien la différence entre l’approche classique qui fait abstraction de
l’existence d’une fissure (le critère de rupture est σ ∞ = σE) et l’approche par la MLR qui prend
en compte la présence de la fissure (σ∞ proportionnelle à 1/√ a
La zone de non rupture située sous les deux courbes représentant les approches précédentes
qui montre chacune des deux zones limitées par la longueur de défaut a0 , correspond à une
approche particulière. L’énergie de Griffith G est la force motrice dans un matériau dont la
résistance à la rupture est donnée par GC. Ce qui peut être mis en analogie avec l’approche
basée sur la limite d’élasticité où la contrainte joue le rôle de force motrice dans un matériau
dont la résistance à la déformation plastique est donnée par la limite d’élasticité σE.

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