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VIE DU SOL
LES MAXI-POUVOIRS
DES MICRO-ORGANIS
Le sol abrite une grande
à l’œil nu : bactéries, a
Selon les types de sols et leur u
de la biomasse vivante du sol, qui
comparé à la masse de matière
85 %
90-99 %
de matière minérale
de matière organique morte
1 à 10 % Matière organique
15 %
d’organismes
vivants
À
la fin du XIXe siècle, un botaniste
français du nom de Noël Bernard
observait que la germination des
graines d’orchidées ne pouvait
Micro-organismes
dans les systèmes de grandes cultures, entraînant
une baisse de la biodisponibilité des éléments du sol
vers la plante. Dans ce contexte, le maintien du bon
75 - 90 % fonctionnement biologique des sols est un défi à rele-
ver pour conserver la pérennité des systèmes de pro-
duction.
Pour avancer vers cet objectif, le premier pas est
l’observation. Analyser, diagnostiquer, pour ensuite
trouver des solutions. Dans la palette d’outils agrono-
miques revalorisant le potentiel du sol, les biostimu-
ismes :
lants ciblent directement l’activité biologique, en
agissant sur les micro-organismes et/ou sur le sys-
tème racinaire des plantes. Encore peu présents en
aniques grandes cultures, ces produits, dont l’efficacité
zote, du phosphore et du soufre reste difficile à mesurer, contribueront-ils au
maintien de la fertilité des sols ? Sur ce sujet,
ques liants la recherche se mobilise pour décrypter
pignons structurant le sol les multiples fonctions des micro-orga-
nismes au sein de cette véritable
usine chimique qu’est le sol.
Adèle Magnard
LA FRANCE AGRICOLE // 3681 // 10 FÉVRIER 2017 43
DOSSIER VIE DU SOL LES MAXI-POUVOIRS DES MICRO-ORGANISMES
1. Un monde souterrain
encore largement méconnu
Les micro-organismes jouent un rôle essentiel dans la formation des sols.
Des études récentes mettent en évidence leur abondance et leur diversité.
I
nvisibles à l’œil nu, les micro-or- ges appelée rhizosphère. Plantes et leur permettant d’explorer un très
ganismes représentent 75 à micro-organismes fonctionnent selon grand volume de sol.
90 % de la biomasse vivante du un contrat donnant-donnant : la Des expérimentations en laboratoire
sol. Ils sont à l’origine de nom- plante fournit de l’énergie sous forme et au champ ont mis en évidence
breuses transformations chimiques d’exsudats constitués de sucres et de l’importance de la biodiversité micro-
permettant le recyclage des éléments, protéines aux habitants du sol qui, en bienne sur la fertilité des sols. « En
en particulier le carbone, l’azote, le échange, lui procurent les nutriments réduisant la biodiversité des micro-or-
phosphore ou le soufre, en biodégra- nécessaires à sa croissance. ganismes de 30 %, nous avons
dant les matières organiques préala- observé une baisse de la minéralisa-
blement fragmentées par la macro- IMPACT SUR LA FERTILITÉ tion de la matière organique de l’ordre
faune (vers, araignées, insectes, de 40 % », développe Lionel Ranjard,
acariens, etc.). On estime que 15 à Parmi ces micro-organismes, certains agroécologue du sol à l’Inra de Dijon.
35 tonnes de matière organique sont ont poussé encore plus loin la coopé- Afin d’acquérir des références sur la
ainsi recyclées par hectare et par an. ration en colonisant l’intérieur de la diversité microbiologique des sols
Afin de permettre aux plantes plante : les rhizobiums, bactéries fixa- agricoles, Lionel Ranjard et son
d’absorber ces éléments minéraux, ils trices d’azote chez les légumineuses, équipe ont mis en place en 2011 un
sont en interaction directe avec les et les mycorhizes, champignons dont système de sciences participatives
racines, dans une zone riche en échan- les filaments colonisent les racines, avec 250 agriculteurs dans toute la
50
40
30
20
10
0
Vignes et vergers Cultures Moyenne Forêts Prairies Autres
(53) (866) France métropolitaine (567) (510) Milieux naturels,
(2 110) parcs urbains
Nombre de sites analysés
Source : Inra Dijon (97)
France, dont une moitié en grandes 2018, la participation de 200 à microbienne mais aussi la diversité
cultures et une autre moitié en viticul- 300 agriculteurs supplémentaires est des bactéries ont été évaluées (voir
ture. « Le projet AgrInnov a amené des prévue. Autre résultat encourageant : l’infographie ci-dessus). Résultats : la
chercheurs et des agriculteurs à colla- 59 % des agriculteurs ayant participé à biomasse microbienne, exprimée en
borer, et cela s’est avéré très positif », AgrInnov ont commencé à changer microgrammes d’ADN par gramme
s’enthousiasme Lionel Ranjard. leurs pratiques sur la base du diagnos- de sol, varie en fonction de l’usage des
tic biologique effectué (amélioration terres.
DES SOLS AGRICOLES de la couverture des sols, réduction Ainsi, les prairies arrivent en tête,
DE QUALITÉ des phytos, par exemple), rassurés par devant les forêts, cultures, vignes et
la capacité de leurs sols à assurer un vergers. En revanche, la diversité de
Chaque parcelle a été échantillonnée bon fonctionnement biologique. ces bactéries, exprimée en nombres
et analysée en laboratoire, pour carac- de taxons (groupes d’individus parta-
tériser la biomasse et la diversité RÉFÉRENTIEL NATIONAL geant des caractéristiques génétiques
microbienne, ainsi que celle des vers proches), dépend plus du type de sol
de terre et des nématodes. Les résul- Contrairement à certaines idées que de son mode d’utilisation. Les sols
tats de ce projet sur la période 2011- reçues, les sols agricoles ne sont pas les moins riches en diversité bacté-
2015 ont montré que seulement 10 % « morts ». Les chercheurs de l’UMR rienne se trouvent dans le Sud-Ouest
des parcelles étudiées étaient dépré- Agroécologie de l’Inra de Dijon sont (Landes), le Centre et le Nord-Est,
ciées en termes de patrimoine et de allés plus loin pour le démontrer. alors que les sols les plus riches sont
fertilité biologique, les sols viticoles « Grâce au réseau de la mesure de la situés en Bretagne, dans le Nord et sur
étant plus altérés que les sols de gran- qualité des sols (RMQS), l’abondance le pourtour méditerranéen.
des cultures. « C’est un résultat encou- et la diversité microbienne ont été Un projet est en attente de finance-
rageant pour la qualité des sols agrico- analysées sur 2 200 points d’échan- ment pour effectuer ce même type
les, affirme Lionel Ranjard, mais qui tillonnage balayant toute la France », d’étude avec les champignons du sol.
doit être consolidé en étendant les détaille Sébastien Terrat, l’un des Elle permettra d’élaborer, pour la pre-
analyses sur un plus grand nombre de chercheurs de l’équipe. Grâce aux mière fois, des référentiels sur l’abon-
sols et de systèmes de production. » nouveaux outils de biologie molécu- dance et la diversité des sols à l’échelle
Cette extension est en bonne voie : en laire, non seulement la biomasse nationale.
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DOSSIER VIE DU SOL LES MAXI-POUVOIRS DES MICRO-ORGANISMES
2. Observer, analyser
et diagnostiquer
Comment évaluer la
quantité et la diversité
des micro-organismes
présents dans son sol ?
Si rien ne vaut une
analyse effectuée en
laboratoire, quelques
tests simples
permettent de s’en faire
une idée.
1 STRUCTURE
DU SOL
3. Les biostimulants,
une offre prometteuse
en manque de références
Les produits de stimulation du sol foisonnent mais
leur efficacité reste aléatoire et les essais systémiques
peu nombreux.
L
es laboratoires de recherche extraits d’algues, éléments minéraux,
et développement s’intéres- protéines…) et ont pour but de stimu-
sent depuis longtemps aux ler les processus naturels afin d’amé-
relations entre plantes et liorer l’absorption des nutriments par
micro-organismes. L’idée : utiliser ces les plantes. Si certains biostimulants
symbioses pour améliorer les rende- ont trouvé un marché en maraîchage
ments, sans augmentation des et en horticulture, notamment dans
engrais. Ces dernières années, de les cultures sous serre, ils peinent à
A SAVOIR
nombreux produits revendiquant une gagner le marché des grandes cultu-
stimulation de l’activité biologique res. Et leur prix, parfois prohibitif, n’est
des sols fleurissent (lire l’encadré pas le seul frein.
Homologa-
tion p. 49). Ils s’appellent « biofertilisants »,
>Vendus sous le sta- « activateurs de sol », « stimulateurs de UN CONCENTRÉ
tut de MFSC (matière croissance », etc., et sont vendus la DES MEILLEURES SOUCHES
fertilisante et support plupart du temps sous le statut de ferti-
de culture), les biosti- lisants. Un rapport du ministère de Premier problème : les essais démon- ques culturales en matière de fertilisa-
mulants sont à diffé-
l’Agriculture datant de 2015 estime le trant l’efficacité de ces produits sont tion et de travail du sol, ou encore de la
rencier des produits
de biocontrôle, qui nombre de produits biostimulants sur encore peu nombreux. Et les résultats diversité des cultures produites.
sont homologués le marché français à plus de 300. Ils mesurés restent aléatoires. Ils dépen- Second problème : dans un sol en bon
comme produits phy- contiennent diverses substances dent des conditions de l’année, du état biologique, « un micro-orga-
tosanitaires. (bactéries, levures, champignons, potentiel et du type de sol, des prati- nisme exogène ne reste pas plus que
quelques jours avant d’être détruit »,
avise Lionel Ranjard, chercheur à
EXPLOITER LES CHAMPIGNONS DU SOL l’Inra de Dijon. L’entreprise toulou-
saine Agronutrition, filiale du groupe
Dans les années à venir, la possibilité pour les De Sangosse, a peut-être trouvé une
plantes d’exploiter la capacité des champignons à alternative. A partir d’un échantillon
capter des éléments minéraux pourrait être géné- de sol prélevé par un agriculteur, le
ralisée aux grandes cultures. « La technique est laboratoire de l’entreprise sélec-
déjà utilisée au Canada sur 200 000 ha de soja, tionne et multiplie les meilleures sou-
blé, lentille, oignons ou pommes de terre, explique ches de bactéries fixatrices d’azote.
Guillaume Bécard, chercheur au Laboratoire de re- Une solution concentrée est ensuite
cherches en sciences végétales du CNRS et de renvoyée à l’agriculteur, qui la pulvé-
l’université Paul Sabatier de Toulouse. Des champi- rise sur les résidus pailleux de la par-
gnons microscopiques qui vivent en symbiose avec celle d’où provient l’échantillon. Des
les racines des plantes captent des molécules de Symbiose. Une quantité importante essais dans le Sud-Ouest de la France
phosphore, d’azote ou de zinc que les racines ne d’arbuscules (photo) formés dans le sol ont montré que cette pratique per-
peuvent pas capter, grâce à la formation dans le captent les molécules de phosphore, mettait d’économiser 20 unités
sol d’une quantité importante de mycélium appelé d’azote ou de zinc. B. CAILIIEZ d’azote après un blé.
arbuscules. Notre objectif est d’utiliser ces champi-
gnons pour mycorhizer les plantes cultivées et ré- Tera Biotechnology et, en France, Agronutrition, fi- EFFET STARTER
duire ainsi les quantités d’engrais de synthèse. Plu- liale de De Sangosse, avec qui le laboratoire de
sieurs entreprises commercialisent ce type Toulouse collabore. » Outre l’assimilation de l’azote, c’est
d’inoculum : au Canada, Premier Tech, en Inde, Blandine Cailliez sur la biodisponibilité du phosphore
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sèche par hectare en maïs ensilage.
Une diminution des reliquats azotés
en sortie de récolte est également
observée (- 37 %). L’impact de la sou-
che bactérienne Bacillus IT45 sur le
captage des éléments fertilisants est
ici mis en évidence. En réduisant la
fertilisation azotée, en revanche, l’effet
sur le rendement est moindre.