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DOSSIER

VIE DU SOL

LES MAXI-POUVOIRS
DES MICRO-ORGANIS
Le sol abrite une grande
à l’œil nu : bactéries, a
Selon les types de sols et leur u
de la biomasse vivante du sol, qui
comparé à la masse de matière

85 %
90-99 %
de matière minérale
de matière organique morte

1 à 10 % Matière organique
15 %
d’organismes
vivants

Rôle des micro-organ


• Biodégradation des matières org
• Minéralisation du carbone, de l’a
• Production de composés organi
• Production de filaments de cham

42 LA FRANCE AGRICOLE // 3681 // 10 FÉVRIER 2017


1 Un monde souterrain encore
largement méconnu. P. 44 2 Observer, analyser
et diagnostiquer. P. 46 3 Les biostimulants, une offre prometteuse
en manque de références. P. 48

À
la fin du XIXe siècle, un botaniste
français du nom de Noël Bernard
observait que la germination des
graines d’orchidées ne pouvait

SMES avoir lieu qu’en présence d’un


champignon spécifique. Il venait de
découvrir les mycorhizes et, de façon plus générale, les
liens étroits et symbiotiques qui unissent les plantes et
les champignons.
Depuis, on s’est penché sur ces micro-organismes du
sol invisibles à l’œil nu mais qui jouent un rôle indis-
diversité de micro-organismes invisibles pensable dans la fertilité des terres : archées, bacté-
ries, champignons ou encore protozoaires. Leur
rchées, champignons, algues, protozoaires… quantité et leur diversité sont énormes : dans un
gramme de sol, on estime à un milliard le nombre de
tilisation, les micro-organismes représentent entre 75 et 90% micro-organismes répartis en plusieurs dizaines de
milliers d’espèces.
a un poids très faible Cette vie tellurique est encore mal connue : seul 1 %
minérale. des espèces sont référencées. On connaît pour
autant leurs fonctions, et en particulier celle de ren-
dre disponible pour les plantes les éléments miné-
raux issus de la matière organique.

Faune FONCTIONNEMENT BIOLOGIQUE


DES SOLS
5-10%
Racines Concentré sur les premiers centimètres du sol, ce
réservoir énorme de biodiversité varie en fonction
5-15 % des types de sols et de leurs usages. De quelles façons
le travail du sol impacte-t-il les micro-organismes ? Et
les produits phytos ? Les réponses sont moins tran-
chées qu’il n’y paraît… Depuis cinquante ans, la
teneur en matière organique a tendance à diminuer

Micro-organismes
dans les systèmes de grandes cultures, entraînant
une baisse de la biodisponibilité des éléments du sol
vers la plante. Dans ce contexte, le maintien du bon
75 - 90 % fonctionnement biologique des sols est un défi à rele-
ver pour conserver la pérennité des systèmes de pro-
duction.
Pour avancer vers cet objectif, le premier pas est
l’observation. Analyser, diagnostiquer, pour ensuite
trouver des solutions. Dans la palette d’outils agrono-
miques revalorisant le potentiel du sol, les biostimu-

ismes :
lants ciblent directement l’activité biologique, en
agissant sur les micro-organismes et/ou sur le sys-
tème racinaire des plantes. Encore peu présents en
aniques grandes cultures, ces produits, dont l’efficacité
zote, du phosphore et du soufre reste difficile à mesurer, contribueront-ils au
maintien de la fertilité des sols ? Sur ce sujet,
ques liants la recherche se mobilise pour décrypter
pignons structurant le sol les multiples fonctions des micro-orga-
nismes au sein de cette véritable
usine chimique qu’est le sol.
Adèle Magnard
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DOSSIER VIE DU SOL LES MAXI-POUVOIRS DES MICRO-ORGANISMES

1. Un monde souterrain
encore largement méconnu
Les micro-organismes jouent un rôle essentiel dans la formation des sols.
Des études récentes mettent en évidence leur abondance et leur diversité.

I
nvisibles à l’œil nu, les micro-or- ges appelée rhizosphère. Plantes et leur permettant d’explorer un très
ganismes représentent 75 à micro-organismes fonctionnent selon grand volume de sol.
90 % de la biomasse vivante du un contrat donnant-donnant : la Des expérimentations en laboratoire
sol. Ils sont à l’origine de nom- plante fournit de l’énergie sous forme et au champ ont mis en évidence
breuses transformations chimiques d’exsudats constitués de sucres et de l’importance de la biodiversité micro-
permettant le recyclage des éléments, protéines aux habitants du sol qui, en bienne sur la fertilité des sols. « En
en particulier le carbone, l’azote, le échange, lui procurent les nutriments réduisant la biodiversité des micro-or-
phosphore ou le soufre, en biodégra- nécessaires à sa croissance. ganismes de 30 %, nous avons
dant les matières organiques préala- observé une baisse de la minéralisa-
blement fragmentées par la macro- IMPACT SUR LA FERTILITÉ tion de la matière organique de l’ordre
faune (vers, araignées, insectes, de 40 % », développe Lionel Ranjard,
acariens, etc.). On estime que 15 à Parmi ces micro-organismes, certains agroécologue du sol à l’Inra de Dijon.
35 tonnes de matière organique sont ont poussé encore plus loin la coopé- Afin d’acquérir des références sur la
ainsi recyclées par hectare et par an. ration en colonisant l’intérieur de la diversité microbiologique des sols
Afin de permettre aux plantes plante : les rhizobiums, bactéries fixa- agricoles, Lionel Ranjard et son
d’absorber ces éléments minéraux, ils trices d’azote chez les légumineuses, équipe ont mis en place en 2011 un
sont en interaction directe avec les et les mycorhizes, champignons dont système de sciences participatives
racines, dans une zone riche en échan- les filaments colonisent les racines, avec 250 agriculteurs dans toute la

LES PRATIQUES CULTURALES IMPACTENT L’ACTIVITÉ BIOLOGIQUE


Étant donné que l’activité biologi- sol sur les micro-organismes. « De
que se concentre à 80 % dans les par la multitude des techniques, il
premiers centimètres du sol, elle est difficile de donner un avis gé-
est directement impactée par les nérique sur la question », estime
pratiques culturales : le travail du Lionel Ranjard. Plusieurs études
sol, la fertilisation, l’apport de pro- apportent néanmoins des élé-
duits phytosanitaires ou encore la ments de réponse. Ainsi, le travail
couverture des sols. du sol affecte les champignons en
uL’apport de matière organique, détruisant leur mycélium, mais a
par des couverts végétaux ou via tendance à stimuler la diversité
des amendements organiques, fa- des bactéries, réactives aux per-
vorise l’abondance des micro-or- turbations de leur environnement.
ganismes et leur activité. « Pour Le risque est cependant de voir
stimuler la biologie du sol, rien apparaître des bactéries opportu-
n’est plus efficace que de lui ap- nistes et pathogènes. Le type Travail du sol. Les bactéries apprécient les perturbations
porter à manger ! », résume Thi- d’outil utilisé a aussi une influ- du milieu, qui favorisent leur diversité. À l’inverse, le travail du
baut Déplanche, ingénieur au la- ence : les outils animés comme la sol détruit le mycélium des champignons. STÉPHANE LEITENBERGER

boratoire d’analyses Celesta-lab. Il herse rotative auraient un effet en-


en va de même avec la diversifica- core plus délétère pour les popula- les systèmes moins perturbés. duits des autres effets dus à la mo-
tion des rotations. « Quand il y a tions fongiques que le labour. En- uConcernant l’impact des phy- dification de l’itinéraire techni-
de la diversité au-dessus, il y a de fin, il apparaît que le travail du sol tos, on peine à acquérir des réfé- que », explique Lionel Ranjard.
la diversité en dessous ! », abonde affecte plus particulièrement cer- rences au champ. Et pour cause : Ainsi, certains sols en agriculture
Lionel Ranjard, chercheur à l’Inra tains groupes microbiens comme l’arrêt ou la diminution des phytos biologique, où le travail du sol est
de Dijon. les populations nitrifiantes ou les va de pair avec un changement de important, présentent moins de
uLe constat est moins tranché champignons mycorhyziens : ces pratique agricole. « Il est difficile biodiversité que des sols en con-
concernant l’impact du travail du derniers sont plus abondants dans de découpler l’effet de ces pro- ventionnel.
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Concentration moyenne d’ADN microbien (en ų/g de sol)
100
La biomasse microbienne
90
varie en fonction de l’usage des terres
80
Biomasse microbienne moyenne des sols en métropole
70 sur la période 2000-2009, en fonction du type
d’occupation des sols
60

50

40

30

20

10
0
Vignes et vergers Cultures Moyenne Forêts Prairies Autres
(53) (866) France métropolitaine (567) (510) Milieux naturels,
(2 110) parcs urbains
Nombre de sites analysés
Source : Inra Dijon (97)

France, dont une moitié en grandes 2018, la participation de 200 à microbienne mais aussi la diversité
cultures et une autre moitié en viticul- 300 agriculteurs supplémentaires est des bactéries ont été évaluées (voir
ture. « Le projet AgrInnov a amené des prévue. Autre résultat encourageant : l’infographie ci-dessus). Résultats : la
chercheurs et des agriculteurs à colla- 59 % des agriculteurs ayant participé à biomasse microbienne, exprimée en
borer, et cela s’est avéré très positif », AgrInnov ont commencé à changer microgrammes d’ADN par gramme
s’enthousiasme Lionel Ranjard. leurs pratiques sur la base du diagnos- de sol, varie en fonction de l’usage des
tic biologique effectué (amélioration terres.
DES SOLS AGRICOLES de la couverture des sols, réduction Ainsi, les prairies arrivent en tête,
DE QUALITÉ des phytos, par exemple), rassurés par devant les forêts, cultures, vignes et
la capacité de leurs sols à assurer un vergers. En revanche, la diversité de
Chaque parcelle a été échantillonnée bon fonctionnement biologique. ces bactéries, exprimée en nombres
et analysée en laboratoire, pour carac- de taxons (groupes d’individus parta-
tériser la biomasse et la diversité RÉFÉRENTIEL NATIONAL geant des caractéristiques génétiques
microbienne, ainsi que celle des vers proches), dépend plus du type de sol
de terre et des nématodes. Les résul- Contrairement à certaines idées que de son mode d’utilisation. Les sols
tats de ce projet sur la période 2011- reçues, les sols agricoles ne sont pas les moins riches en diversité bacté-
2015 ont montré que seulement 10 % « morts ». Les chercheurs de l’UMR rienne se trouvent dans le Sud-Ouest
des parcelles étudiées étaient dépré- Agroécologie de l’Inra de Dijon sont (Landes), le Centre et le Nord-Est,
ciées en termes de patrimoine et de allés plus loin pour le démontrer. alors que les sols les plus riches sont
fertilité biologique, les sols viticoles « Grâce au réseau de la mesure de la situés en Bretagne, dans le Nord et sur
étant plus altérés que les sols de gran- qualité des sols (RMQS), l’abondance le pourtour méditerranéen.
des cultures. « C’est un résultat encou- et la diversité microbienne ont été Un projet est en attente de finance-
rageant pour la qualité des sols agrico- analysées sur 2 200 points d’échan- ment pour effectuer ce même type
les, affirme Lionel Ranjard, mais qui tillonnage balayant toute la France », d’étude avec les champignons du sol.
doit être consolidé en étendant les détaille Sébastien Terrat, l’un des Elle permettra d’élaborer, pour la pre-
analyses sur un plus grand nombre de chercheurs de l’équipe. Grâce aux mière fois, des référentiels sur l’abon-
sols et de systèmes de production. » nouveaux outils de biologie molécu- dance et la diversité des sols à l’échelle
Cette extension est en bonne voie : en laire, non seulement la biomasse nationale.
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DOSSIER VIE DU SOL LES MAXI-POUVOIRS DES MICRO-ORGANISMES

2. Observer, analyser
et diagnostiquer
Comment évaluer la
quantité et la diversité
des micro-organismes
présents dans son sol ?
Si rien ne vaut une
analyse effectuée en
laboratoire, quelques
tests simples
permettent de s’en faire
une idée.

1 STRUCTURE
DU SOL

L’observation de ses sols est riche en


enseignements : non tassé et non bat- Nourri-
tant, il laisse passer l’eau et l’air et crée ture. En ap-
portant de la
des conditions propices au dévelop-
pement des micro-organismes. 3 MATIÈRE
ORGANIQUE
La présence de « chapeaux » de cham-
pignons visibles à l’œil nu est un bon
indicateur d’activité biologique : ce
biomasse, les
couverts végé-
taux stimulent
2 PROPRIÉTÉS
ACIDO-BASIQUES
La vitesse de dégradation des résidus
sur le sol est un bon moyen d’évaluer
son niveau d’activité biologique. Dans
sont les organes reproducteurs des
basidiomycètes et des ascomycètes.
l’activité biolo-
gique des sols.
Leurs racines le
La forte présence de mousses dans les
parcelles peut indiquer une acidifica-
tion de la surface. Or, plus le sol est
un sol qui fonctionne correctement et
avec des conditions climatiques nor-
males, les pailles de céréales mettent 3
4 SYSTÈME
RACINAIRE
structurent et
l’enrichissent,
stockant l’eau
acide, moins les échanges d’éléments à 6 mois à disparaître et les cannes de La réalisation d’un profil de sol est et les éléments
minéraux entre les racines et les maïs jusqu’à 6 mois. Le test du « litter- l’occasion d’observer le comporte- minéraux.
LYDIE LECARPENTIER
micro-organismes seront possibles. bag », qui consiste à enterrer à quel- ment des racines : si elles fuient en pro-
Un sol ayant un pH inférieur à 5,5 ques centimètres de profondeur un fondeur sans se ramifier, c’est qu’elles
nécessitera un chaulage afin de sachet en nylon contenant de la paille, ne trouvent pas d’activité biologique
débloquer la disponibilité des miné- renseigne aussi sur l’activité de miné- suffisante dans les premiers centimè-
raux, notamment du phosphore, dont ralisation. Après quatre mois, plus de tres du sol. La présence de ramifica-
la fourchette d’assimilation est très 50 % de la matière organique devrait tions abondantes est signe d’une
limitée. être dégradée. bonne alimentation.

RECOURIR AUX LABORATOIRES


Les laboratoires proposant des sure l’activité de minéralisation du quantité d’azote potentiellement monde. À l’inverse, trop de nourri-
analyses microbiologiques du sol carbone et de l’azote. « Les échan- minéralisable dans la parcelle. » ture et pas assez de convives en-
en France se comptent sur les tillons sont incubés à 28 °C pen- Un diagnostic impossible à déduire traîneront une déstabilisation du
doigts de la main (1) mais offrent dant 28 jours, ce qui simule à peu des seules observations sur le ter- milieu. » Le diagnostic complet
un diagnostic complet et pointu. près quatre mois d’activité au rain. « L’idée est de comparer la coûte autour de 250 euros. En
En plus de la teneur globale en champ, détaille Thibaut Déplan- quantité de micro-organismes aux 2016, le laboratoire a effectué plus
biomasse microbienne, Celesta- che, ingénieur au sein du labora- convives d’un buffet, illustre Thi- de 2 000 analyses.
lab, laboratoire qui travaille depuis toire. Nous sommes ainsi en me- baut Déplanche. Il faut qu’il y ait (1) Parmi eux, Celesta-lab (Vaucluse), Elisol
plus de vingt ans sur le sujet, me- sure d’évaluer en amont la assez de nourriture pour tout le (Gard), LAMS (Côte-d’Or), Galys (Loir-et-Cher)…

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DOSSIER

3. Les biostimulants,
une offre prometteuse
en manque de références
Les produits de stimulation du sol foisonnent mais
leur efficacité reste aléatoire et les essais systémiques
peu nombreux.

L
es laboratoires de recherche extraits d’algues, éléments minéraux,
et développement s’intéres- protéines…) et ont pour but de stimu-
sent depuis longtemps aux ler les processus naturels afin d’amé-
relations entre plantes et liorer l’absorption des nutriments par
micro-organismes. L’idée : utiliser ces les plantes. Si certains biostimulants
symbioses pour améliorer les rende- ont trouvé un marché en maraîchage
ments, sans augmentation des et en horticulture, notamment dans
engrais. Ces dernières années, de les cultures sous serre, ils peinent à
A SAVOIR
nombreux produits revendiquant une gagner le marché des grandes cultu-
stimulation de l’activité biologique res. Et leur prix, parfois prohibitif, n’est
des sols fleurissent (lire l’encadré pas le seul frein.
Homologa-
tion p. 49). Ils s’appellent « biofertilisants »,
>Vendus sous le sta- « activateurs de sol », « stimulateurs de UN CONCENTRÉ
tut de MFSC (matière croissance », etc., et sont vendus la DES MEILLEURES SOUCHES
fertilisante et support plupart du temps sous le statut de ferti-
de culture), les biosti- lisants. Un rapport du ministère de Premier problème : les essais démon- ques culturales en matière de fertilisa-
mulants sont à diffé-
l’Agriculture datant de 2015 estime le trant l’efficacité de ces produits sont tion et de travail du sol, ou encore de la
rencier des produits
de biocontrôle, qui nombre de produits biostimulants sur encore peu nombreux. Et les résultats diversité des cultures produites.
sont homologués le marché français à plus de 300. Ils mesurés restent aléatoires. Ils dépen- Second problème : dans un sol en bon
comme produits phy- contiennent diverses substances dent des conditions de l’année, du état biologique, « un micro-orga-
tosanitaires. (bactéries, levures, champignons, potentiel et du type de sol, des prati- nisme exogène ne reste pas plus que
quelques jours avant d’être détruit »,
avise Lionel Ranjard, chercheur à
EXPLOITER LES CHAMPIGNONS DU SOL l’Inra de Dijon. L’entreprise toulou-
saine Agronutrition, filiale du groupe
Dans les années à venir, la possibilité pour les De Sangosse, a peut-être trouvé une
plantes d’exploiter la capacité des champignons à alternative. A partir d’un échantillon
capter des éléments minéraux pourrait être géné- de sol prélevé par un agriculteur, le
ralisée aux grandes cultures. « La technique est laboratoire de l’entreprise sélec-
déjà utilisée au Canada sur 200 000 ha de soja, tionne et multiplie les meilleures sou-
blé, lentille, oignons ou pommes de terre, explique ches de bactéries fixatrices d’azote.
Guillaume Bécard, chercheur au Laboratoire de re- Une solution concentrée est ensuite
cherches en sciences végétales du CNRS et de renvoyée à l’agriculteur, qui la pulvé-
l’université Paul Sabatier de Toulouse. Des champi- rise sur les résidus pailleux de la par-
gnons microscopiques qui vivent en symbiose avec celle d’où provient l’échantillon. Des
les racines des plantes captent des molécules de Symbiose. Une quantité importante essais dans le Sud-Ouest de la France
phosphore, d’azote ou de zinc que les racines ne d’arbuscules (photo) formés dans le sol ont montré que cette pratique per-
peuvent pas capter, grâce à la formation dans le captent les molécules de phosphore, mettait d’économiser 20 unités
sol d’une quantité importante de mycélium appelé d’azote ou de zinc. B. CAILIIEZ d’azote après un blé.
arbuscules. Notre objectif est d’utiliser ces champi-
gnons pour mycorhizer les plantes cultivées et ré- Tera Biotechnology et, en France, Agronutrition, fi- EFFET STARTER
duire ainsi les quantités d’engrais de synthèse. Plu- liale de De Sangosse, avec qui le laboratoire de
sieurs entreprises commercialisent ce type Toulouse collabore. » Outre l’assimilation de l’azote, c’est
d’inoculum : au Canada, Premier Tech, en Inde, Blandine Cailliez sur la biodisponibilité du phosphore
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sèche par hectare en maïs ensilage.
Une diminution des reliquats azotés
en sortie de récolte est également
observée (- 37 %). L’impact de la sou-
che bactérienne Bacillus IT45 sur le
captage des éléments fertilisants est
ici mis en évidence. En réduisant la
fertilisation azotée, en revanche, l’effet
sur le rendement est moindre.

ADOPTER UNE APPROCHE


SYSTÉMIQUE

Arvalis a mis en place un réseau


d’essais en vue d’évaluer certains pro-
duits revendiquant une stimulation de
l’activité biologique des sols. Il montre
que, pour le moment, « aucun produit
testé ne génère de gain de rendement
moyen significatif ». Lorsque ces pro-
duits étaient utilisés en situation de
réduction de la fertilisation, la perte de
rendement n’était « pas compensée
par l’utilisation d’un activateur, quel
que soit le produit évalué ».
Activa- Qu’elles viennent des instituts, cen-
teurs. Cer- tres de recherche, établissements pri-
tains produits
visent à « boos- vés ou groupes d’agriculteurs, il est
ter » l’activité certain que des expérimentations de
que la recherche s’est engagée. La duits peuvent se substituer au 18-46 biologique des longue durée sont à mettre en place.
société Lallemand Plant Care, qui pour un effet starter », précise Oli- sols à travers Cependant, les biostimulants ne doi-
travaille sur les biostimulants depuis vier Cor, responsable agronomique l’utilisation de vent pas être considérés comme de
vingt ans, commercialise la souche chez Lallemand. micro-organis- simples produits de substitution dans
Bacillus IT45, associée à des myco- Un essai réalisé en 2015 dans le Pas- mes capables un système conventionnel. Ils sont à
rhizes, sur maïs, céréales et légumes de-Calais par le service belge du de stimuler le intégrer dans des démarches d’inno-
d’industrie. Cette bactérie stimule la Carah (1) montre une augmentation développe- vation et de reconception des systè-
ment racinaire
croissance des racines et contribue à significative de rendement lors d’un mes agricoles, dans lesquels l’agrono-
et d’améliorer
augmenter la solubilisation du phos- apport de ce produit au semis, en plus l’assimilation mie occupe une place majeure.
phore. « Apporté sous forme de d’une fertilisation de 100 unités des minéraux. (1) Centre pour l’agronomie et l’agro-industrie de la pro-
microgranulés sur maïs, ces pro- d’azote/ha : +1,34 tonne de matière JEAN MICHEL NOSSANT vince de Hainaut.

DES RECHERCHES TOUS AZIMUTS


uDe nombreuses entreprises d’agrofourniture nomique pour matières fertilisantes », selon la The BioAg Alliance met les grands moyens. Elle
s’intéressent aux micro-organismes du sol et firme. Le produit stimule la croissance racinaire a ainsi conduit en 2015 et 2016 un vaste pro-
aux biostimulants, comme par exemple (1) et améliore la biodisponibilité des éléments gramme d’expérimentations au champ afin de
Arysta LifeScience-Goëmar, Nufarm, dans le sol, notamment le phosphore minéral. Il tester des souches de bactéries et de champi-
Sumi Agro, Sobac, Agronutrition, Lallemand, est associé aux engrais conventionnels. gnons isolés à partir de différents sols agricoles
Italpollina, PRP Technologies, Koppert. En uLes grands groupes se penchent aussi sur les américains. La plate-forme a annoncé, début
novembre dernier, Gaïago a obtenu l’homolo- micro-organismes, à l’instar de l’américain janvier, vouloir mettre sur le marché américain,
gation de l’activateur de sol Free N100, à base Monsanto qui s’est allié, en décembre 2013, au en 2017, deux inoculants, l’un destiné au maïs,
de la bactérie azotobacter, « le premier et uni- danois Novozymes en créant la plate-forme de l’autre au soja. Les gains espérés sont de l’or-
que produit fixateur d’azote dans l’air ». De son collaboration The BioAg Alliance, dédiée à la dre de 1 à 3 q/ha. D’autres produits sont atten-
côté, Compo Expert lance, en 2017, un produit recherche, au développement et à la mise sur dus en 2019. Des recherches sont également
contenant l’inoculum E4 CDX2, à base de Bacil- le marché de produits à base de micro-organis- lancées sur le blé.
lus amyloliquefaciens, « la première prépara- mes. Objectif : couvrir 100 à 200 millions d’hec- Isabelle Escoffier
tion microbienne utilisable comme additif agro- tares au niveau mondial d’ici à 2025. Pour cela (1) Liste non exhaustive.

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