MAI 2019

FOCUS 93

LA GARANTIE DE PAIEMENT DES

ENTREPRISES
La garantie de paiement a été créée par la loi
n° 94-475 du 10 juin 1994 relative à la prévention
et au traitement des difficultés des entreprises. En
dépit de son intérêt, elle est rarement demandée
par les entrepreneurs. Explication de son régime
juridique.
Quel est l'objet de la garantie de paiement ?
Le maître d'ouvrage d'un marché privé de travaux
est tenu de garantir à l'entrepreneur l'entier
paiement de ses prestations. Le régime de cette
garantie de paiement est fixé par l'article 1799-1
du Code civil (issu de la loi de 1994 précitée) et le
décret n° 99-658 du 30 juillet 1999 pris pour son
application. Cet encadrement juridique est d'ordre
public, de sorte qu'il ne saurait y être dérogé
contractuellement.
A quel moment la garantie doit-elle être
fournie ?
L'obligation du maître d'ouvrage de présenter
une garantie de paiement naît dès la signature
du contrat et ne s'éteint qu'au jour du complet
paiement du prix du marché, le cas échéant
augmenté du montant des avenants (et des travaux
supplémentaires non régularisés par avenants pour
lesquels il n'y a pas eu de contestation sur le prix).
Sauf à ce que le maître d'ouvrage présente
spontanément cette garantie - ce qui est rare
en pratique -, l'entrepreneur la demandera à la
signature du marché. Le maître d'ouvrage doit faire
droit à cette demande sans que l'entrepreneur soit
tenu de le mettre en demeure d'agir. Le droit de
l'entrepreneur de solliciter la garantie de paiement
n'est pas subordonné à l'existence d'un impayé.
En cours d'exécution, une éventuelle compensation
de la dette du maître d'ouvrage liée au marché privé
de travaux avec une dette de son cocontractant à
son égard ne saurait faire obstacle à son obligation
de garantir l'entier paiement des travaux.
Une action en référé peut être envisagée pour qu'il
soit ordonné au maître d'ouvrage, le cas échéant
sous astreinte, de présenter la garantie de paiement
si ce dernier refuse.
Quel est le champ d'application de la
garantie ?
La garantie de paiement est un dispositif propre aux
marchés privés. Le maître d'ouvrage d'un marché
public n'est, lui, pas soumis à une telle obligation,
dès lors que le législateur a considéré qu'il serait
nécessairement en mesure de payer les prestations.
Les marchés publics sont ceux conclus par l'Etat,
les collectivités territoriales et les établissements
publics ; ainsi que par les personnes morales
de droit privé créées pour satisfaire un besoin
d'intérêt général autre qu'industriel ou commercial
et contrôlées par une personne morale de droit
public qui les finance majoritairement, contrôle
leur gestion ou désigne plus de 50 % des membres

A télécharger sur notre site internet www.construction.ffbatiment.fr le modèle d’acte de

« cautionnement garantissant le paiement des sommes dues à un entrepreneur par le maître de
l’ouvrage au titre d’un marché de travaux privé (article 1799-1 du code civil) ».
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Clément CARBONNET – Juriste, chargé des Questions Professionnelles
Tel: 01 40 55 13 20 – Fax: 01 40 55 13 19 – carbonnetC@construction.ffbatiment.fr
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de leur organe de direction (article 10 de
l'ordonnance n° 2015-899 sur les marchés publics).
L'article 1799-1 du Code civil exclut expressément
de son champ d'application les marchés conclus par
les offices publics de l'habitat (OPH), les sociétés
anonymes (SA) d'HLM, les SA coopératives de
production, les SA coopératives d'intérêt collectif
d'HLM, les fondations d'HLM et les sociétés
d'économie mixte (SEM) pour des logements à
usage locatif aidés par l'Etat et réalisés par eux-
mêmes.
Sont aussi dispensés de fournir une garantie les
maîtres d'ouvrage concluant des marchés pour leur
propre compte et pour satisfaire des besoins non
liés à leur activité professionnelle, lorsqu'ils n'ont
pas recours à un crédit spécifique.
De surcroît, la garantie de paiement ne s'applique
pas pour les marchés dont le montant est inférieur
ou égal à 12 000 euros, déduction faite des avances
versées avant le commencement de l'exécution des
prestations et du montant de la retenue de garantie
(Cass. 3e civ., 30 mars 2010, n° 09-14512).
de paiement prend la forme d'un paiement direct
par l'établissement de crédit. Un crédit est jugé
« spécifique » dès lors qu'il est destiné exclusivement
et en totalité au paiement des travaux exécutés par
l'entrepreneur. Tel n'est donc pas le cas si le crédit a
pour objet de payer partiellement les travaux ou s'il
finance des prestations de service ou l'acquisition
du terrain en sus des travaux.
Dans l'hypothèse d'un crédit spécifique, il
appartient à l'établissement de crédit de payer
directement l'entrepreneur -ou son éventuel
mandataire- sur ordre écrit du maître d'ouvrage. A
défaut, l'établissement manquerait à son obligation
contractuelle à l'égard du maître d'ouvrage et serait
susceptible d'engager sa responsabilité délictuelle
envers l'entrepreneur, et cela même dans le cas
où les prestations payées seraient inexécutées ou
partiellement exécutées.
L'établissement de crédit engage aussi sa
responsabilité s'il verse le montant du prêt à une
personne autre que l'entrepreneur tant que ce
dernier n'a pas reçu l'intégralité de sa créance née
du marché.

Qui bénéficie de la garantie de paiement ? L'établissement de crédit doit procéder au

La garantie doit être fournie au titulaire du
marché privé de travaux (ou aux titulaires, en
cas de marché alloti). Il semble que les autres
cocontractants (maître d'œuvre, contrôleur
technique coordonnateur SPS… ) ne bénéficient
pas en revanche de cette garantie - mais l'article
1799-1 n'est pas limpide à cet égard, et la
jurisprudence muette à ce jour.
Quelles sont les différentes formes de cette
garantie ?
Lorsque le maître d'ouvrage recourt à un crédit
spécifique pour financer les travaux, la garantie
paiement ordonné par le maître d'ouvrage sous
la responsabilité exclusive de ce dernier, énonce
l'article 1799-1 du Code civil. Il s'en déduit que
le maître d'ouvrage n'a pas délégué le paiement
à l'établissement de crédit et qu'il engagerait
sa responsabilité contractuelle à l'égard de
l'entrepreneur qui n'aurait pas été payé aux
échéances contractuelles.
Que se passe-t-il en l'absence de crédit
spécifique ?
Les parties peuvent convenir d'une garantie
conventionnelle en l'absence de crédit spécifique. Il

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peut s'agir, par exemple, d'une garantie à première
demande, d'une consignation du prix du marché -
avenants et travaux supplémentaires, dont le prix
a été accepté par les parties, compris - auprès
d'un établissement financier, d'une inscription du
privilège de l'article 2374-4° du Code civil, ou
encore de la constitution d'une hypothèque.
A défaut de s'accorder avec l'entrepreneur sur une
garantie conventionnelle, le maître d'ouvrage est
tenu, en vertu de l'article 1799-1 du Code civil,
de garantir le paiement par un cautionnement
solidaire consenti par un établissement de crédit,
une société de financement, une entreprise
d'assurance ou un organisme de garantie collective
ayant son siège ou une succursale sur le territoire
d'un Etat membre de la Communauté européenne
ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace
économique européen.
Toutefois, comme énoncé plus haut, un tel
cautionnement - et par voie de conséquence,
l'obligation de fournir une garantie de paiement -
ne s'impose pas lorsque le maître d'ouvrage conclut
un marché de travaux pour son propre compte
et pour la satisfaction de besoins non liés à une
activité professionnelle en rapport avec ce marché
(et qu'il n'a pas recours à un crédit spécifique). Il
appartiendra au maître d'ouvrage d'apporter la
preuve que le marché n'est pas lié à une activité
professionnelle.
Comment la caution est-elle mise en
œuvre ?
La caution est tenue de payer l'entrepreneur qui lui
présente une créance certaine, liquide et exigible -
soit une somme acceptée par le maître d'ouvrage
- et qui justifie du non-paiement à l'échéance.
Le cautionnement étant solidaire, la caution ne
pourra invoquer ni le bénéfice de discussion, ni
celui de division pour refuser de payer. En revanche,
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elle pourra rejeter la demande de l'entrepreneur si
- notamment dans un marché alloti - la somme que
celui-ci réclame dépasse le montant garanti par la
caution auprès d'un maître d'ouvrage qui n'aurait
pas garanti entièrement le paiement de son
(ses) cocontractant(s). Si tel est le cas, ce maître
d'ouvrage engage sa responsabilité contractuelle à
l'égard de l'entrepreneur.
Qu'en est-il si le maître d'ouvrage ne
présente pas la caution due ?
L'entrepreneur est alors fondé à suspendre
l'exécution des travaux après mise en demeure
préalable de présenter une garantie de paiement
envoyée par lettre recommandée avec accusé de
réception restée sans effet pendant un délai de
quinze jours ; et cela, même si le maître d'ouvrage
a payé les avances et acomptes dans les conditions
contractuelles.
Cette garantie de paiement étant une obligation
légale, l'entrepreneur peut suspendre l'exécution
de son contrat même après la réception des travaux
alors que les réserves ne sont pas levées et que la
garantie de parfait achèvement est en cours si, à
la date de sa demande de garantie, les prestations
n'ont pas été intégralement payées.
L'entrepreneur a intérêt à faire suivre sa mise en
demeure d'une décision effective de suspension de
l'exécution des travaux dès lors qu'il peut se voir
infliger des pénalités par le maître d'ouvrage en
cas de poursuite du chantier et de retard (Cass. 3e
civ., 12 septembre 2007, n° 06-14540).
Au contraire, aucun abandon de chantier ne saura
lui être reproché s'il suspend l'exécution des
travaux à l'issue du délai imparti par sa mise en
demeure en cas de défaut de présentation par
le maître d'ouvrage de la garantie de paiement
sollicitée.
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Quid des sous-traitants ?

Les sous-traitants acceptés, et dont les conditions

de paiement ont été agréées, peuvent exercer
une action directe contre le maître d'ouvrage si
l'entrepreneur ne leur paie pas le montant de leurs
prestations contractuelles après avoir été mis en
demeure de le faire dans un délai d'un mois. Ils ne
peuvent renoncer à cette action par contrat.

L'article 12 de la loi du 31 décembre 1975 sur

la sous-traitance dispose que les sous-traitants
peuvent agir directement auprès de l'établissement
de crédit qui a consenti un crédit spécifique au
maître d'ouvrage si leur mise en demeure notifiée
à l'entrepreneur n'a pas été suivie d'effet.

Il appartiendra à l'établissement de crédit de verser

la somme réclamée par le sous-traitant si le maître
d'ouvrage lui en donne l'ordre écrit et si l'action
directe est fondée (ce qui suppose une prestation
exécutée par le sous-traitant non payée et, de
surcroît, que le montant réclamé n'excède pas les
sommes restant à payer par le maître d'ouvrage à
l'entrepreneur).

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