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RDI 1995 p.17

Garantie de paiement des entrepreneurs


Le décret n° 94-999 du 18 novembre 1994

Bertrand Fabre, Directeur aux affaires juridiques et fiscales de la Fédération nationale du bâtiment
Roger Schmitt, Chef du service concurrence-consommation de la Fédération nationale du bâtiment

L'article 5-1 de la loi relative à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises (1) a introduit dans le
code civil un nouvel article 1799-1 qui pose le principe de l'obligation pour le maître de l'ouvrage qui conclut un
marché de travaux privé de garantir à l'entrepreneur le paiement des sommes dues lorsqu'elles dépassent un montant
fixé par décret (2).

L'article 1799-1 du code civil envisage deux types de garanties :

- soit le versement direct à l'entreprise du montant du prêt en cas de crédit spécifique pour financer les travaux ;

- soit, à défaut de garantie résultant d'une stipulation particulière, un cautionnement solidaire (d'un établissement de
crédit, d'une entreprise d'assurance ou d'un organisme de garantie collective).

Le décret du 18 novembre 1994 (3) :

- fixe le seuil d'application des dispositions de l'article 1799-1 du code civil (I) ;

- définit la notion de crédit spécifique pour l'application de l'obligation du versement direct (deuxième alinéa de
l'article 1799-1) et précise les conditions de mise en oeuvre du cautionnement (II).

Seuil d'application

Selon le décret du 18 novembre 1994, les dispositions de l'article 1799-1 du code civil s'appliquent lorsque le montant
du prix convenu au titre du marché, déduction faite des arrhes et des acomptes versés lors de la conclusion de celui-ci,
est supérieur à 100 000 F hors taxes (A). Ce seuil concerne le marché de travaux passé par un maître d'ouvrage pour la
satisfaction de besoins ressortissant à une activité professionnelle en rapport avec ce marché (B).

Le prix convenu au titre du marché

Pour la fixation du champ d'application de la garantie de paiement, l'article 1799-1 du code civil prend en compte les «
sommes dues ».

De son côté, le décret se réfère au montant du prix convenu. Ce montant est donc réglementairement assimilé aux «
sommes dues ». Or, par prix convenu au titre du marché, il faut entendre non seulement le montant initial du marché à
sa signature, mais également toutes sommes qui viendraient s'y ajouter (du fait de l'incidence des travaux
supplémentaires, par exemple, ou par avenant).

La déduction des arrhes et des acomptes versés lors de la conclusion

Du montant du prix convenu au titre du marché, il convient de déduire les arrhes et les acomptes versés lors de la
conclusion de celui-ci.

Arrhes et acomptes constituent des versements anticipés à valoir sur le paiement final.

- Arrhes
Rappelons que la stipulation d'arrhes introduit dans le contrat une faculté de dédit. Chacune des parties est libre de se
départir du contrat : celle qui les a données ne peut en demander la restitution, celle qui les a reçues doit en restituer le
double. Le code civil applique ce principe à la promesse de vente (4).

De son côté, l'article L. 114-1 du code de la consommation dispose que, sauf stipulation du contrat, les sommes versées
d'avance sont des arrhes. Cette disposition vise la vente d'un bien meuble ainsi que la fourniture d'une prestation de
service.

- Acomptes
La stipulation d'acomptes ne permet pas de remettre en cause le contrat. Ainsi la partie qui a reçu l'acompte ne peut se
soustraire à ses obligations en restituant le double.

En tout état de cause et quel que soit le qualificatif donné aux sommes versées d'avance - arrhes ou acomptes - ces
sommes, dès lors qu'elles sont versées à la conclusion du marché, viennent en déduction des sommes dues et sont
soustraites du montant à prendre en compte pour la fixation du seuil d'application de la garantie de paiement.

Cette disposition est logique, puisqu'il s'agit de garantir un risque financier, et que par définition les sommes versées
par avance le réduisent, d'entrée de jeu, à due concurrence.

Dans le cadre des marchés privés de travaux (5), les sommes versées par le maître de l'ouvrage ressortissent à deux
catégories :

- Les avances versées à la conclusion du contrat.

Les documents particuliers du marché déterminent généralement les modalités de paiement et de remboursement
(6). Ces avances constituent des acomptes au sens des dispositions législatives ou réglementaires précitées et non des
arrhes.

- Les acomptes proprement dits.

Ils sont payés sur la base d'états de situation remis par l'entrepreneur (7). Le paiement de ces acomptes intervient
après la signature du marché, et non pas lors de sa conclusion.

Par conséquent, seules les avances stricto sensu versées par le maître de l'ouvrage sont à prendre en compte pour la
détermination du montant du marché.

Le seuil

L'objectif a été de prendre en compte le risque important que fait courir à l'entreprise un impayé. Il ne s'agissait pas de
donner à l'entreprise une assurance tout risque, mais d'éviter que la défaillance du maître de l'ouvrage soit de nature à
mettre en cause sa propre survie.

Le seuil de 100 000 F hors taxes constitue une solution de compromis entre les demandes des entreprises (la
Fédération nationale du bâtiment avait demandé 40 000 F) et celles des banquiers et promoteurs (qui avaient réclamé
500 000 F voire 1 million de francs).

Marché passé par un maître de l'ouvrage pour la satisfaction de besoins ressortissant à une activité professionnelle en
rapport avec ce marché

A l'exception des marchés régis par le droit public, et de ceux ayant pour objet la réalisation de logements à usage
locatifs aidés par l'Etat (8), l'article 1799-1 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 10 juin 1994 relative à la
prévention et au traitement des difficultés des entreprises précitée, avait vocation à s'appliquer à l'ensemble des
marchés de travaux privés lorsque les sommes dues dépassent un seuil fixé par décret.

Or le décret du 18 novembre 1994 fixe un seuil de 100 000 F hors taxes « dans le cas où le marché de travaux est
passé par un maître d'ouvrage pour la satisfaction de besoins ressortissant à une activité professionnelle en rapport
avec ce marché ».

Restait donc à préciser le sort des marchés non visés par le décret.

Complétant l'article 1799-1 du code civil, en y introduisant un alinéa supplémentaire, la loi n° 95/96 du 1er février
1995 concernant les clauses abusives et la présentation des contrats et régissant diverses activités d'ordre économique
et commercial, dispose, dans son article 12 que « les dispositions de l'alinéa précédent ne s'appliquent pas lorsque le
maître de l'ouvrage conclut un marché de travaux pour son propre compte et pour la satisfaction de besoins ne
ressortissant pas à une activité professionnelle en rapport avec ce marché » (9).

L'« alinéa précédent » ainsi visé dans cette dispense est celui qui a trait, en l'absence de crédit spécifique pour financer
les travaux, à l'obligation de fournir une garantie de paiement sous forme de cautionnement solidaire (à défaut de
garantie résultant d'une stipulation particulière).

La satisfaction de besoins ressortissant à une activité professionnelle


Plusieurs textes utilisent la notion d'activité professionnelle pour déterminer les opérations auxquelles ils s'appliquent
ou ne s'appliquent pas.

Il en est ainsi de l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence
selon laquelle « tout achat de produits ou toute prestation de service pour une activité professionnelle doivent faire
l'objet d'une facturation ».

Inversement, l'article 3 de la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978 relative à l'information et à la protection des
consommateurs dans le domaine de certaines opérations de crédit (10) dispose que « sont exclus du champ
d'application de la loi les prêts destinés à financer les besoins d'une activité professionnelle » (11).

De même, l'article L. 121-22 du code de la consommation exclut du champ d'application de la loi sur le démarchage à
domicile (12) « les ventes, locations ou locations-ventes de biens ou les prestations de services lorsqu'elles ont un
rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou
artisanale ou de toute autre profession ».

L'activité professionnelle est une notion économique. C'est bien sur ce plan que se place l'ordonnance du 1er
décembre 1986 lorsqu'elle affirme régir « toutes les activités de production, de distribution et de service, y compris
celles qui sont en fait des personnes publiques » (13).

S'agissant de l'application de l'article 1799-1 du code civil, on peut en inférer que chaque fois qu'un maître d'ouvrage
fait construire un logement pour le revendre (promoteur) ou un hangar pour stocker les marchandises qu'il produit,
aménager un magasin, ou un cabinet où il exerce sa profession libérale, il passe un marché de travaux dont l'objet est la
satisfaction de besoins ressortissant à une activité professionnelle.

En règle générale, se trouveront dans cette situation :

- les sociétés commerciales (SNC, SA, SARL, ...),

- les sociétés civiles immobilières de construction vente (SCI) dont l'objet est de construire des logements pour les
revendre,

- les personnes physiques, commerçants ou professions libérales (avocats, médecins par exemple).

Selon le décret du 18 novembre 1994, le marché doit être passé pour la satisfaction de besoins ressortissant à une
activité professionnelle en rapport avec ce marché. En d'autres termes, le décret exige la réunion cumulative des deux
conditions pour que l'obligation de garantie soit due. En effet, il faut :

- non seulement que le marché soit passé pour la satisfaction de besoins ressortissant à une activité professionnelle,

- mais aussi que ladite activité professionnelle soit « en rapport avec ce marché. »

Cette rédaction correspond à celle de l'article 1799-1 du code civil modifié qui exclut de l'obligation de cautionnement
les marchés passés pour des besoins ne ressortissant pas à une activité professionnelle en rapport avec le marché.

Bien entendu, un consommateur bénéficiaire de services dont sa personne ou ses intérêts sont le destinataire ne passe
pas des marchés de travaux pour des besoins professionnels, mais pour son propre compte et pour la satisfaction de
besoins non professionnels.

Cette interprétation correspond parfaitement à la définition donnée, par une circulaire du 19 juillet 1988 (14), du
consommateur ou particulier :

- « celui qui emploie (les produits) pour satisfaire ses propres besoins et ceux des personnes à sa charge, et non pour les
revendre, les transformer ou les utiliser dans le cadre de sa profession, »

- ou « le bénéficiaire (de prestations de service),au titre de son activité non professionnelle, sous la forme de travaux sur
les biens corporels lui appartenant ou de services dont sa personne ou ses intérêts sont l'objet. »

- Par contre, le commerçant qui fait aménager un magasin ou le promoteur qui fait construire des logements non
seulement passe des marchés de travaux pour la satisfaction des besoins d'une activité professionnelle, mais cette
activité est en rapport avec le marché. En effet, l'aménagement du magasin, ou la construction de logements ont un
lien avec l'activité professionnelle. Les travaux assurent la logistique de l'activité et permettent l'exploitation du fonds.

- Néanmoins, il peut arriver (même si cela doit être peu fréquent) que, bien que le maître d'ouvrage agisse pour la
satisfaction de besoins ressortissant à une activité professionnelle, cette activité professionnelle ne soit pas « en rapport
avec (le) marché, » par exemple lorsqu'un commerçant passe des marchés de travaux pour l'aménagement de locaux à
destination purement privée.

La mise en oeuvre de la garantie

L'article 1799-1 du code civil envisage deux types de garantie :

- soit le versement direct du montant du prêt en cas de recours à un crédit spécifique pour financer les travaux ;

- soit, à défaut de garantie résultant d'une stipulation particulière, un cautionnement solidaire consenti par un
établissement de crédit, une entreprise d'assurance ou un organisme de garantie collective.

Le versement direct du montant du prêt

Le crédit spécifique

En cas de financement sur crédit des travaux, l'obligation pour l'établissement prêteur de ne pas verser le montant du
prêt à une personne autre que l'entrepreneur est limitée au cas où ce crédit est « spécifique. ».

En définissant le crédit spécifique, auquel recourt le maître d'ouvrage, comme celui qui est « destiné exclusivement et
en totalité au paiement des travaux exécutés par l'entrepreneur, » le décret du 18 novembre 1994, conformément à
l'article 1799-1, évite toute contestation sur l'affectation possible des fonds. Le prêteur n'aura donc pas à répartir les
fonds entre différents participants à l'acte de construire ou autres ayants cause du maître de l'ouvrage. L'intégralité du
montant représentatif du crédit est destinée à l'entreprise. Le versement s'effectue au rythme des ordres donnés par le
maître de l'ouvrage.

En cas de crédit global finançant à la fois le terrain, les études et la construction, la banque versera les sommes au
maître de l'ouvrage et non à l'entrepreneur.

Rappelons en outre que le crédit doit entièrement couvrir les sommes dues : en effet, en cas de crédit partiel, l'article
1799-1 assimile ce crédit partiel à l'absence de crédit spécifique. Dans ce cas, une garantie doit être fournie sous une
des autres formes prévues par la loi.
En cas de multiplicité d'entrepreneurs intervenant sur un chantier (marchés séparés), les conditions afférentes au
crédit spécifique (conditions d'exclusivité et d'intégralité) doivent s'entendre comme s'appliquant à chaque relation
contractuelle maître d'ouvrage - entrepreneur, c'est-à-dire à chacun des marchés pris isolément.

On sait enfin que la plupart des ouvrages sont financés à la fois par un crédit et sur fonds propres, ou font l'objet d'un
crédit global. On peut donc s'interroger sur la portée pratique du versement direct tel qu'il est prévu par les textes.

La loi n'a pas envisagé de formule mixte alliant le versement direct pour la partie financée par un prêt et une autre
garantie pour le surplus. Toutefois, cette forme de garantie pourrait faire l'objet d'une « stipulation particulière » dans
le marché, permettant ainsi au maître d'ouvrage de se conformer à son obligation légale.

Sur le plan pratique il convient de relever que le versement direct constitue non seulement une garantie pour
l'entrepreneur, mais également pour l'établissement prêteur, celui-ci bénéficiant le plus souvent d'une sûreté
(hypothèque) sur l'immeuble. En effet, le versement direct permet de contrôler la destination des fonds, lesquels ne
peuvent pas être détournés de leur objet (affectation à d'autres dépenses par exemple). Tout en garantissant
l'entrepreneur, il conforte ainsi la sûreté du prêteur.

L'ordre de versement

Selon l'article 1799-1 du code civil, les versements directs se font sur l'ordre écrit et sous la responsabilité exclusive du
maître de l'ouvrage entre les mains de l'entrepreneur, ou d'un mandataire désigné à cet effet.

Le décret n'apportant aucune précision supplémentaire sur ce point, il y a donc lieu d'appliquer le principe du droit
commun en la matière. Le versement direct de l'établissement de crédit se fait sur la base d'un ordre de versement, et
non pas d'une délégation de paiement, qui rendrait l'établissement bancaire débiteur de l'entrepreneur (15).

C'est ainsi que le maître de l'ouvrage ne pourra invoquer la non-exécution par l'établissement prêteur de l'ordre de
versement, pour justifier un retard de paiement à l'entrepreneur. Il appartiendra au débiteur de l'obligation de
paiement (le maître de l'ouvrage) de faire le nécessaire pour que les fonds parviennent aux échéances convenues à
l'entrepreneur, par exemple en effectuant l'ordre de virement suffisamment à temps pour permettre à la banque de
créditer le compte de l'entreprise.

Champ d'application

Suivant l'article 1799-1, modifié, du code civil, l'obligation de versement direct à l'entrepreneur, en cas de crédit
spécifique, s'applique même lorsque le marché, ainsi financé, est passé pour la satisfaction de besoins non
professionnels. En effet, ce type de marché demeure inclus dans le principe général d'obligation de délivrance d'une
garantie, la loi limitant seulement dans ce cas la modalité de garantie au mécanisme de versement direct du crédit
spécifique (si, bien évidemment, il y en a un).

Néanmoins, on peut se demander si, en l'état actuel des textes, le versement direct peut s'appliquer aux marchés passés
pour des besoins non professionnels.

En effet, le décret du 18 novembre 1994 ne vise que les marchés passés pour la satisfaction de besoins professionnels.
En d'autres termes, le seuil qu'il fixe ne s'applique qu'à cette seule catégorie de marchés. Or, la loi a posé le principe
général selon lequel la garantie était due pour les marchés supérieurs à un seuil fixé par décret et le versement direct
est l'une des modalités de garantie qu'elle a envisagées.

Il appartiendra aux tribunaux de se prononcer, à moins qu'un décret complémentaire n'étende le seuil aux marchés de
travaux privés non visés par le décret du 18 novembre 1994, mais entrant dans le champ d'application de l'article
1799-1 du code civil, dans sa rédaction modifiée issue de la loi n° 95/96 du 1er février 1995.

Le cautionnement solidaire

En ce qui concerne le cautionnement solidaire, le décret du 18 novembre 1994 apporte des précisions sur trois points.

Organismes susceptibles de fournir le cautionnement

Aux termes du décret du 18 novembre 1994, le cautionnement solidaire prévu au troisième alinéa de l'article 1799-1
du code civil doit être donné par

« un établissement de crédit, une entreprise d'assurance ou un organisme de garantie collective ayant son siège ou une
succursale sur le territoire d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un Etat membre de l'Espace
économique européen »

Hormis la référence à la Communauté européenne et à l'Espace économique européen, l'énumération du décret se


contente de reproduire celle de la loi.

En précisant que le cautionnement pouvait être fourni non seulement par un établissement de crédit mais également
par une entreprise d'assurance ou un organisme de garantie collective, le législateur a voulu permettre à l'ensemble des
organismes intervenant dans le secteur du BTP et délivrant déjà des cautions de nature diverse (garantie
d'achèvement, caution en remplacement de la retenue de garantie...) ou garantissant les risques liés à la construction,
de proposer ce service.

En tout cas, cette liste est plus large, par exemple, que celle figurant dans le décret n° 71-1058 du 24 décembre 1971
qui énumère les organismes habilités à donner la caution personnelle (susceptible d'être substituée à la retenue de
garantie régie par la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971), dans une liste où ne figurent pas les entreprises d'assurance.

Mise en oeuvre du cautionnement

Aux termes du décret du 18 novembre 1994

« la caution est tenue sur les seules justifications présentées par l'entrepreneur que la créance est certaine, liquide et
exigible et que le maître de l'ouvrage est défaillant. »

Pour mettre en oeuvre la caution, l'entrepreneur doit donc justifier que sa créance est certaine, liquide et exigible.

Dans le cadre de marchés de travaux privés, les paiements sont généralement effectués par le versement d'acomptes et
d'un solde.
A titre d'exemple, le CCAG applicable aux travaux de bâtiment faisant l'objet de marchés privés de travaux (Norme
P03-001 précitée) dispose que

« dans les 30 jours à dater de la remise de l'état de situation (par l'entrepreneur) au maître d'oeuvre, les acomptes sont
payés à l'entrepreneur (16). Le montant de l'acompte est égal à celui du bon d'acompte établit par l'architecte ».

« Le solde amputé, le cas échéant, de la retenue de garantie, est payé 30 jours après l'expiration du délai dont dispose
le maître de l'ouvrage pour notifier le décompte définitif (17) ».

A noter que « le maître de l'ouvrage est tenu au paiement des sommes qui découlent du décompte définitif qu'il a
notifié, même si l'entrepreneur a formulé des observations sur ce décompte définitif. (18) ».

Par conséquent, en cas de non-paiement par le maître de l'ouvrage des sommes dues, l'entrepreneur produira à l'appui
de sa créance, lorsque le marché fera référence à la norme précitée, le bon d'acompte (19) ou le décompte général et
définitif. Ces documents établissent l'existence d'une créance liquide, certaine et exigible et constituent, le cas
échéant, les justificatifs envisagés par le décret.

Défaillance du maître de l'ouvrage

Il y a défaillance dès que le débiteur ne paye pas à l'échéance convenue. Reste à l'entrepreneur d'établir l'existence de
la défaillance. En pratique, l'entrepreneur établira la défaillance par une mise en demeure du maître de l'ouvrage resté
sans effet. Notons qu'aux termes de l'article 1139 du code civil, « le débiteur est constitué en demeure, soit par une
sommation ou par autre acte équivalent, telle une lettre missive lorsqu'il ressort de ses termes une interpellation
suffisante ».

L'association française des banques a établi avec la FNB, la FNTP et la FNPC un acte type de cautionnement, sur la
base des dispositions régissant la garantie de paiement des entrepreneurs. Ce document a été largement diffusé dans le
réseau bancaire.

Faisant application des termes du décret du 18 novembre 1994, l'article 2 de cet acte type (mise en jeu du
cautionnement), dispose que

« tout paiement par la banque à l'entrepreneur ne pourra intervenir que sur justification écrite par l'entrepreneur que
sa créance est certaine, liquide et exigible »et précise « que le maître de l'ouvrage est défaillant du fait soit du non-
paiement à la suite d'une sommation par huissier demeurée sans effet pendant un délai d'un mois à compter de la
signification de cette sommation, soit de sa liquidation judiciaire ».

L'exigence d'un acte d'huissier a été introduite dans l'acte type de caution par l'Association française des banques
essentiellement dans un souci de sécurité juridique.

Enfin, l'acte type de cautionnement dispose que celui-ci

« ne s'applique pas, sauf accord de la banque aux sommes pouvant être dues par le maître de l'ouvrage à l'entrepreneur
au titre des travaux supplémentaires non visés par le marché ou dépassant le montant de celui-ci ».
Rappelons à cet égard que le maître de l'ouvrage doit garantir l'intégralité des sommes dues lorsque celles-ci dépassent
le seuil fixé par décret. Il lui appartiendra dès lors de prévoir, avec l'établissement financier, une extension du
cautionnement si, en cours de marché, des travaux supplémentaires étaient convenus.

Mise en oeuvre de la sanction du défaut de garantie

Suivant le troisième alinéa de l'article 1799-1

« tant qu'aucune garantie n'a été fournie et que l'entrepreneur demeure impayé des travaux exécutés (20), celui-ci
peut surseoir à l'exécution du contrat après mise en demeure restée sans effet à l'issue d'un délai de quinze jours ».

Le décret du 18 novembre 1994 précise que cette mise en demeure est faite par lettre recommandée avec accusé de
réception. Elle s'effectue donc avec un minimum de formalisme.

Soulignons que la mise en demeure concerne la mise en oeuvre de la sanction (prévue pour le cas où le maître de
l'ouvrage ne fournit pas la garantie), à savoir : la possibilité pour l'entrepreneur de surseoir à l'exécution des travaux, et
non la fourniture par le maître de l'ouvrage de la garantie elle-même. Celle-ci doit être fournie spontanément,
l'entrepreneur n'ayant pas en principe à la demander, puisque sa délivrance constitue une obligation légale, et qui plus
est d'ordre public, pour le maître de l'ouvrage. Cependant, l'envoi de cette mise en demeure peut avoir pour effet
d'inciter le maître de l'ouvrage à régulariser sa situation pour échapper à la sanction.

En réalité, l'entrepreneur aura intérêt à demander l'application de la loi le plus tôt possible, c'est-à-dire avant le
démarrage des travaux, si la garantie n'est pas fournie à la conclusion du marché. En effet, un maître d'ouvrage dont la
situation de trésorerie est difficile ne sera pas la plupart du temps en mesure de fournir la garantie, faute de trouver un
établissement financier susceptible de délivrer le cautionnement. Dans ce cas l'entrepreneur, non seulement risque de
pas obtenir la garantie, mais de surcroît de ne pas être payé des travaux déjà exécutés.

***

Le décret du 18 novembre 1994, de même que la modification législative de l'article 1799-1, intervenue
postérieurement, ont donc apporté nombre de précisions utiles aux conditions d'application de la garantie de
paiement. L'avenir dira si l'objectif fixé par le groupe de travail présidé par Mme Saint-Alary-Houin, à savoir : donner
aux entreprises une garantie certaine, souple et peu onéreuse (21), aura été atteint.

Annexes

Loi n° 94-475 du 10 juin 1994 relative à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises

Art. 5.

I. Après l'article 1799 du code civil, il est inséré un article 1799-1 ainsi rédigé :

« Art. 1799-1. - Le maître de l'ouvrage qui conclut un marché de travaux privé visé au 3° de l'article 1799 doit garantir
à l'entrepreneur le paiement des sommes dues lorsque celles-ci dépassent un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat.
Lorsque le maître de l'ouvrage recourt à un crédit spécifique pour financer les travaux, l'établissement de crédit ne
peut verser le montant du prêt à une personne autre que celles mentionnées au 3° de l'article 1779 tant que celles-ci
n'ont pas reçu le paiement de l'intégralité de la créance née du marché correspondant au prêt. Les versements se font
sur l'ordre écrit et sous la responsabilité exclusive du maître de l'ouvrage entre les mains de la personne ou d'un
mandataire désigné à cet effet.

Lorsque le maître de l'ouvrage ne recourt pas à un crédit spécifique ou lorsqu'il y recourt partiellement, et à défaut de
garantie résultant d'une stipulation particulière, le paiement est garanti par un cautionnement solidaire consenti par
un établissement de crédit, une entreprise d'assurance ou un organisme de garantie collective, selon des modalités
fixées par décret en Conseil d'Etat. Tant qu'aucune garantie n'a été fournie et que l'entrepreneur demeure impayé des
travaux exécutés, celui-ci peut surseoir à l'exécution du contrat après mise en demeure restée sans effet à l'issue d'un
délai de quinze jours.

Les dispositions de l'alinéa précédent ne s'appliquent pas lorsque le maître de l'ouvrage conclut un marché de travaux
pour son propre compte et pour la satisfaction de besoins ne ressortissant pas à une activité professionnelle en rapport
avec ce marché.

Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux marchés conclus par un organisme visé à l'article L. 411-2
du code de la construction et de l'habitation, ou par une société d'économie mixte, pour des logements à usage locatif
aidés par l'Etat et réalisés par cet organisme ou cette société. »

II. L'article 12 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance est complété par un alinéa ainsi
rédigé :

« Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1799-1 du code civil sont applicables au sous-traitant qui remplit les
conditions édictées au présent article. »

Décret n° 94-999 du 18 novembre 1994 pris pour l'application du code civil et fixant un seuil de garantie de paiement
aux entrepreneurs de travaux

Art. 1er. Dans le cas où le marché de travaux est passé par un maître d'ouvrage pour la satisfaction de besoins
ressortissant à une activité professionnelle en rapport avec ce marché, les dispositions de l'article 1799-1 du code civil
s'appliquent chaque fois que le montant du prix convenu au titre du marché, déduction faite des arrhes et des
acomptes versés lors de la conclusion de celui-ci, est supérieur à 100 000 F hors taxes.

Pour l'application du deuxième alinéa de l'article 1799-1 précité, le crédit auquel recourt le maître de l'ouvrage doit
être destiné exclusivement et en totalité au paiement de travaux exécutés par l'entrepreneur.

Le cautionnement solidaire prévu au troisième alinéa de l'article 1799-1 du code civil doit être donné par un
établissement de crédit, une entreprise d'assurance ou un organisme de garantie collective ayant son siège ou une
succursale sur le territoire d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un Etat membre de l'Espace
économique européen.

La caution est tenue sur les seules justifications présentées par l'entrepreneur que la créance est certaine, liquide et
exigible et que la maître de l'ouvrage est défaillant. La mise en demeure visée au troisième alinéa de l'article 1799-1 du
code civil est faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

Art. 2. Le ministre d'Etat, garde des Sceaux, ministre de la Justice, le ministre de l'Economie, le ministre de
l'Equipement, des Transports et du Tourisme et le ministre du Logement sont chargés, chacun en ce qui le concerne,
de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Cautionnement garantissant le paiement des sommes dues à un entrepreneur par le maître de l'ouvrage au titre d'un
marché de travaux privé

Sur papier timbré au timbre de dimension

Le soussigné.......... agissant en qualité de.......... de la banque.......... (forme, dénomination, capital, siège), immatriculée
au Registre du Commerce et des Sociétés de.......... sous le n°.......... ci-après dénommé « la banque ».

Connaissance prise du marché de travaux privé, ci-après dénommé « le marché », conclu le.......... Entre.......... ci-après
dénommé(e) « l'entrepreneur », et.......... ci-après dénommé(e) « le maître d'ouvrage », relatif à l'exécution de travaux
consistant en.......... pour la somme de F.......... toutes taxes comprises (en chiffres et en lettres), marché dont la copie
certifiée conforme par le maître de l'ouvrage a été remise à la banque.

ARTICLE 1 - ENGAGEMENT DE CAUTION - DOMAINE D'APPLICATION

Déclare, en application des dispositions de l'article 1799-1, alinéa 3 du Code civil, constituer la banque caution
solidaire du maître de l'ouvrage pour le paiement des sommes dues par lui à l'entrepreneur en application du marché,
sous déduction de tous acomptes, avances et plus généralement de tous paiements déjà versés audit entrepreneur.

Le présent cautionnement ne s'applique pas sauf accord de la banque, aux sommes pouvant être dues par le maître
d'ouvrage à l'entrepreneur au titre de travaux supplémentaires non visés par le marché ou de travaux dépassant le
montant de celui-ci.

Le présent cautionnement est limité à la somme de F.......... (en chiffres et en lettres). Il ne garantit pas le paiement des
pénalités ou indemnités pouvant être dues à l'entrepreneur.

ARTICLE 2 - MISE EN JEU DU CAUTIONNEMENT - PAIEMENT PAR LA BANQUE

Toute mise en jeu du présent cautionnement devra faire l'objet d'une lettre recommandée avec demande d'avis de
réception de l'entrepreneur à la banque.

Tout paiement par la banque à l'entrepreneur ne pourra intervenir que sur justification écrite par l'entrepreneur que
sa créance est certaine, liquide et exigible et que la maître de l'ouvrage est défaillant du fait soit du non-paiement à la
suite d'une sommation par huissier demeurée sans effet pendant un délai d'un mois à compter de la signification de
cette sommation, soit de sa liquidation judiciaire.

A l'appui de sa demande, l'entrepreneur devra remettre à la banque soit les demandes de paiement détaillées
correspondantes adressées au maître de l'ouvrage et les arrêtés de comptes définitifs intervenus avec ce dernier assisté
ou représenté, le cas échéant, par le mandataire de justice compétent, soit un jugement passé en force de chose jugée.

Du fait de son paiement, la banque se trouvera de plein droit subrogée dans tous les droits de l'entrepreneur à
l'encontre du maître de l'ouvrage, l'entrepreneur renonçant à se prévaloir des dispositions de l'article 1252 du Code
civil.

ARTICLE 3 - CESSATION DE L'ENGAGEMENT

La banque sera dégagée de plein droit de toute obligation envers l'entrepreneur au titre du présent cautionnement
dans le cas où une modification entraînant un bouleversement de l'économie du marché y aura été apportée sans
accord préalable de la banque.

Le présent cautionnement cessera de produire ses effets sur production à la banque d'une mainlevée par
l'entrepreneur ou d'un reçu pour solde de tout compte émanant dudit entrepreneur, étant entendu que la banque sera
définitivement libérée dans un délai de.......... mois à compter de l'établissement de l'arrêté de compte définitif ou de
tout document en tenant lieu, et en tout état de cause au plus tard le.......... sauf opposition motivée de l'entrepreneur
notifiée à la banque par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

A l'expiration du délai ou à la date visés au précédent alinéa, il ne pourra plus en aucun cas être fait appel au présent
cautionnement.

Le présent cautionnement est soumis au droit français.

Fait à.......... le..........

Mots clés :
CONTRAT D'ENTREPRISE * Garantie de paiement * Seuil * Crédit * Cautionnement solidaire * Décret du 18
novembre 1994

(1) Loi n° 94-475 du 10 juin 1994.

(2) Fabre et Schmitt : Le nouvel article 1799-1 du code civil. La garantie de paiement des entrepreneurs. Cette Revue
1994.347 .

(3) Décret n° 94-999 du 18 novembre 1994 pris pour l'application de l'article 1799-1 du code civil et fixant un seuil de
garantie de paiement aux entrepreneurs de travaux (JO, 20 nov. 1994.16240).

(4) Art. 1590 c. civ.

(5) Cahier des clauses administratives générales applicable aux travaux de bâtiment faisant l'objet de marchés privés,
Norme NF P03-001, sept. 1991.
(6) Art. 18.2 de la norme préc.

(7) Art. 18.3 de la norme préc.

(8) Cf. dernier alin. art. 1799-1 c. civ.

(9) L. n° 95-96 du 1er février 1995 concernant les clauses abusives et la présentation des contrats et régissant diverses
activités d'ordre économique et commercial (JO du 2 févr. 1995).

(10) C. consom., art. L. n° 311-3.

(11) V. égal. art. 2, L. 13 juill. 1979 relative à l'information et à la protection des consommateurs dans le domaine du
crédit (art. L. 312-3 c. consom.).

(12) Loi n° 72-1137, 22 déc. 1972.

(13) Art. 53, ordonnance 1er déc. 1986.

(14) Circ, du 19 juillet 1988 portant application des dispositions de l'arrêté du 3 décembre 1987 relatif à l'information
du consommateur sur les prix (JO, 4 août 1988).

(15) Cf. art. 1275 c. civ.

(16) Norme AFNOR P03-001 art. 18.3.1.

(17) Norme AFNOR P03-001 art. 17.6.2, 18.4.1 et 18.4.2.

(18) Norme AFNOR P03-001 art. 18.4.2.

(19) Suivant l'article 17.4.6 de la Norme AFNOR P03-001, le bon d'acompte est adressé à l'entrepreneur.
(20) V. sur ce point Fabre et Schmitt préc. III, La sanction du défaut de garantie.

(21) Corinne Saint-Alary-Houin, La genèse de l'article 1799-1 du code civil, cette Revue 1994-339 .

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