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Document information Le contrôle de la conformité de la sentence à l'ordre


public international: un état des lieux
Publication Jean-Babtiste Racine
Revue de l'Arbitrage
LE CONTRÔLE DE LA CONFORMITÉ DE LA SENTENCE
À L'ORDRE PUBLIC INTERNATIONAL: UN ÉTAT DES LIEUX
Jurisdiction par
France
Jean-Baptiste RACINE
Professeur à l'université Panthéon-assas (Paris ii)
Bibliographic RÉSUMÉ
reference La présente contribution se propose d'étudier, sous forme d'état des lieux, la
Jean-Babtiste Racine, 'Le
contrôle de la conformité jurisprudence française rendue après le décret du 13 janvier 2011 dans le
de la sentence à l'ordre domaine du contrôle de la conformité des sentences à l'ordre public
public international: un international. au regard de la trentaine d'arrêts examinés, il apparaît que
état des lieux', Revue de depuis 2014, et plus encore depuis 2017, l'ordre public international s'est
l'Arbitrage, (© Comité élargi et le contrôle lui-même s'est approfondi. il n'y a pas lieu de redouter de
Français de l'Arbitrage; telles évolutions, qui ne mettent pas en danger l'autonomie de l'arbitrage
Comité Français de international.
l'Arbitrage 2022, Volume SUMMARY
2022 Issue 1) pp. 179 - 226
This contribution proposes to study, in the form of an inventory, the French case
law rendered after the decree of 13 January 2011 in the field of reviewing the
compliance of awards with international public policy. From the thirty or so
judgments examined, it appears that since 2014, and even more so since 2017,
international public policy has expanded and the review itself has deepened.
There is no reason to fear such developments, which do not endanger the
P 180 autonomy of international arbitration.

INTRODUCTION (*)
1. Le sujet du contrôle de la conformité de la sentence à l'ordre public international
renvoie à une forme de paradoxe: rien n'a changé, mais tout a changé. Rien n'a changé
formellement: le décret du 13 janvier 2011 n'a pas modifié les textes en matière de
contrôle de l'ordre public international. l'article 1520-5° du Code de procédure civile
(CPC) reprend mot pour mot l'ancien article 1502-5° CPC ((1)) . Pourtant, tout a changé en
raison de l'évolution de la jurisprudence. depuis 2014, le contrôle a évolué dans le sens
d'un approfondissement. l'examen des sentences est poussé, plus poussé qu'avant et les
annulations sur ce fondement ne sont plus des hypothèses d'école. la seule lecture de
l'article 1520-5° CPC ne renseigne pourtant aucunement sur les caractères de ce
contrôle.Que faut-il entendre par ordre public international? Quels sont les pouvoirs du
juge? Jusqu'où peut-il aller? Pour avoir des éléments de réponse, il faut lire les arrêts et
tenter de dégager des lignes directrices.
2. Il faut rappeler les liens du sujet avec l'arbitrabilité des litiges. Si l'arbitrabilité des
litiges impliquant l'ordre public a été admise, c'est sous réserve d'un contrôle a
posteriori de la sentence. C'est ce que l'on peut nommer le « compromis Mitsubishi ».
dans cette célèbre affaire, la Cour suprême des etats-unis a admis l'arbitrabilité des
litiges de droit antitrust, mais sous bénéfice d'inventaire, au nom de la doctrine du «
second look » ((2)) . Selon la Cour, « Même s'ils ont permis à la procédure d'arbitrage de se
poursuivre, les tribunaux nationaux des Etats-Unis auront l'opportunité au stade de
l'exécution de la sentence de s'assurer que l'intérêt légitime protégé par le droit de la
P 181 concurrence a été pris en compte » ((3)) . la reconnaissance ex ante de l'arbitrabilité
des litiges relevant de l'ordre public implique donc nécessairement un contrôle ex post
de la sentence au regard de ce même ordre public. il y a inéluctablement un effet de
vases communicants. l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris dans l'affaire Westman
est la transposition en France de cette logique. la Cour a en effet relevé que: « le pouvoir
reconnu, en matière d'arbitrage international, à l'arbitre d'apprécier la licéité d'un contrat
au regard des règles relevant de l'ordre public international et d'en sanctionner l'illicéité en
prononçant en particulier sa nullité, implique dans le cadre d'un recours en annulation
fondé sur la contrariété de la reconnaissance ou de l'exécution de la sentence arbitrale à
l'ordre public international, un contrôle de la sentence, par le juge de l'annulation, portant
en droit et en fait sur tous les éléments permettant notamment de justifier l'application ou
non de la règle d'ordre public international et dans l'affirmative, d'apprécier, au regard de
celle-ci, la licéité du contrat; […] en décider autrement aboutirait, en effet, à priver le
contrôle du juge de toute efficacité et, partant, de sa raison d'être » ((4)) . il ne faut donc

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pas perdre de vue que lorsque l'on envisage le contrôle des sentences au regard de
l'ordre public, il y a en arrière-plan l'arbitrabilité des litiges accordée par les etats dans
des domaines autrefois exclus de l'arbitrage. Certes, le point d'équilibre est difficile à
trouver, car il ne faut pas que les etats reprennent d'une main ce qu'ils avaient donné de
l'autre.Mais le contrôle de la conformité de la sentence à l'ordre public est le « prix à
payer » d'une admission générale de l'arbitrabilité des litiges ((5)) .
3. A cela s'ajoute que du fait de l'admission de l'arbitrabilité des litiges impliquant
l'ordre public, les arbitres ont non seulement le pouvoir, mais aussi le devoir de
respecter dans leur sentence l'ordre public. Ce devoir a été explicitement consacré par
P 182 la Cour d'appel de Paris, selon laquelle « il incombe aux arbitres, sous le contrôle du
juge de l'annulation, de faire application de l'ordre public international aux différends dont
ils sont saisis et de sanctionner sa méconnaissance éventuelle » ((6)) . les relations entre
l'arbitrage et l'ordre public sont ainsi gouvernées par un triptyque: les litiges impliquant
l'ordre public sont par principe arbitrables; les arbitres ont le pouvoir et le devoir de
rendre une sentence conforme à l'ordre public; et la sentence fait l'objet d'un contrôle
potentiel à cet égard par le juge étatique à l'occasion des voies de recours ou des
procédures d'exécution forcée. Notre propos est de dire qu'il n'est pas possible
d'envisager le troisième volet du triptyque de manière isolée, sans prendre en compte
les deux autres.
4. La présente contribution se limite au contrôle de la sentence au regard de l'ordre
public de fond. la conformité de la sentence à l'ordre public procédural est également
un sujet intéressant. de belles questions se posent, au-delà du simple respect du
principe de la contradiction et de l'égalité des armes. On pense par exemple à la
sanction de la fraude procédurale ((7)) ou à la question du déni de justice ((8)) . toutefois,
le contrôle au regard de l'ordre public de fond est un sujet particulièrement sensible. Ce
grief est en effet à peu près le seul à permettre d'aborder le fond du litige, autrement dit
ce que les arbitres ont jugé. Or, le principe de la non-révision au fond de la sentence
empêche normalement le juge du contrôle de porter une telle appréciation ((9)) . il y a
donc une tension, inéluctable, entre deux objectifs contraires: contrôler effectivement la
sentence au regard de l'ordre public tout en empêchant le juge de substituer son
raisonnement à celui de l'arbitre.
5. La jurisprudence avait adopté dans les années 2000 une approche particulièrement
restrictive du contrôle de l'ordre public. C'est ici faire référence à la série d'arrêts rendus
P 183 dans les affaires Thalès ((10)) , Cytec ((11)) et Linde ((12)) , tous trois concernant le droit
de la concurrence. Ces décisions avaient limité le contrôle aux seules violations «
flagrantes, concrètes et effectives » de l'ordre public international.On se rappelle
l'immense impact de la solution de l'arrêt Thalès et les fortes critiques qu'elle a aussi
suscitées. la littérature sur le sujet est immense tout autant que les débats sont
passionnés ((13)) , les auteurs se partageant entre « maximalistes » et « minimalistes ».
un auteur avait même proposé de supprimer le contrôle de l'ordre public international
P 184 ((14)) . Ce n'est bien évidemment pas le choix qu'a fait le décret du 13 janvier 2011 qui
a repris à l'identique ce chef de contrôle de la sentence arbitrale. Cela ne serait
d'ailleurs pas un service à rendre à l'arbitrage. aucun etat ne voudrait d'un arbitrage hors
contrôle, spécialement dans le coeur des valeurs fondamentales qu'une sentence
arbitrale, en tant qu'acte juridictionnel privé, doit respecter. de même, les parties
tiennent à un contrôle de la sentence. l'article 1522 du Code de procédure civile qui
permet, à certaines conditions, de renoncer au recours en annulation, y compris sur le
motif de la contrariété à l'ordre public international, n'est en pratique jamais utilisé. les
parties entendent se ménager un contrôle ultérieur, car elles ne veulent pas d'un saut
dans l'inconnu.
6. De manière plus générale, le débat après avoir porté sur des affaires sollicitant le
droit de la concurrence, s'est déplacé sur le terrain de la prohibition de la corruption et
du blanchiment d'argent. Ces questions sont bien entendu de première importance.
toutefois, il convient de ne pas limiter le champ de la réflexion à ces seules questions, si
importantes soient-elles. l'ordre public international est bien plus large que la seule
interdiction de la corruption et du blanchiment d'argent, qui ne doit pas écraser le
débat.
7. Il convient ainsi de s'aventurer dans une étude de la jurisprudence depuis 2011. Nous
n'avons pas pour prétention de présenter une analyse exhaustive de tous les arrêts
rendus en matière d'ordre public international. Seules les grandes tendances seront
dégagées sur la base d'une trentaine de décisions. l'année 2014 marque un retournement
dans la jurisprudence, avec un effet d'accélération à partir de 2017. durant cette période,
des annulations ou des refus d'exequatur sont effectivement prononcés sur le chef de la
contrariété de la sentence à l'ordre public international de fond, alors que l'hypothèse
était rarissime auparavant ((15)) . il est vrai que les annulations ou les refus d'exequatur
forment un pourcentage minime parmi l'ensemble des arrêts rendus sur ce point, mais,
même s'il est faible, le taux jure avec la période précédente où il n'y avait jamais
d'annulation ou de refus d'exequatur.
8. Il est en toute hypothèse difficile de synthétiser une jurisprudence.tout est affaire de
cas (et les juges sont tenus par les écritures des parties et leur stratégie procédurale). il
P 185 n'y a pas nécessairement de ligne claire et des incertitudes demeurent (mais il ne faut
pas trop en demander aux juges: ils s'inscrivent dans une démarche pragmatique et

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tranchent avant tout le litige qui leur est soumis, plus encore s'ils sont juges de second
degré). Ces incertitudes sont pesantes à l'égard de la pratique, à la fois arbitrale et
judiciaire. les arbitres savent qu'ils doivent respecter l'ordre public, mais comment et
jusqu'où? en unmot, que doivent-ils faire et quelle doit être leur ligne de conduite? Ces
incertitudes se répercutent lors de la formulation d'un recours en annulation (ou d'un
appel contre une ordonnance d'exequatur): que demander à la Cour? Jusqu'où va-t-elle
accepter de pousser son contrôle?
9. A cela s'ajoute que tous les arrêts analysés émanent de la Cour d'appel de Paris. la
position de la Cour de cassation est attendue avec impatience. elle aurait pu prendre
position dans l'affaire Alstom. Cependant, la cassation prononcée est purement
disciplinaire, la Cour ayant censuré l'arrêt sur le chef de la dénaturation ((16)) .
l'observateur s'en trouve quelque peu déçu et il faudra attendre d'autres affaires,
notamment Belokon et Sorelec, pour avoir un éclairage plus précis, sans doute en 2022.
tout ce qui va être dit dans la présente contribution est donc susceptible d'être remis en
cause par une position différente, voire contraire que pourrait prendre la Cour de
cassation.
10. Dans tous les cas, que l'on s'en réjouisse ou que l'on s'en désole, le contrôle de la
sentence au regard de l'ordre public international est plus poussé qu'auparavant. C'est
la tendance générale qui se dégage à la lecture des arrêts sur la période couverte. Peut-
être est-ce là un effet de la doctrine qui a, semblet-il, majoritairement critiqué la
jurisprudence antérieure, issue de l'arrêt Thalès? Peut-être les juges de la Cour d'appel
de Paris ont-ils entendu les critiques? ((17)) Sans doute également ont-ils réalisé
concrètement que se limiter à un contrôle superficiel équivalait à ne pas exercer de
contrôle du tout. la tendance est donc forte à réaliser un contrôle réel de la sentence. Sur
ce point, il est utile de retracer l'évolution depuis 2011. Pour apprécier une telle
évolution, il convient de s'intéresser à la fois à la définition de l'ordre public
international et à l'intensité du contrôle exercé. il y a, à cet égard, un élargissement de
P 186 l'ordre public international (i) et un approfondissement du contrôle (ii).

I. – L'éLARGISSEMENT DE L'ORDRE PUBLIC INTERNATIONAL


11. L'ordre public, quel que soit son usage, est un standard du droit, donc une norme à
texture ouverte. il ne se laisse pas enfermer dans une définition précise. une telle
imprécision est consubstantielle à la notion même d'ordre public. C'est aussi
précisément pourquoi cette notion est si utile: elle permet de réagir, au besoin, contre
des situations que l'ordre juridique ne saurait tolérer. l'ordre public permet ainsi de
tracer la limite de la tolérance qu'a un ordre juridique face à des situations exogènes,
qu'elles soient le produit de la liberté des intéressés (en particulier la liberté
contractuelle) ou bien le produit d'un autre ordre juridique (loi étrangère/jugement
étranger/sentence arbitrale).
12. Néanmoins, en matière de contrôle des sentences, la jurisprudence s'est efforcée de
définir ce qu'il fallait entendre par ordre public international. la tâche est d'autant plus
importante que cette forme d'ordre public ne doit pas être confondue avec l'ordre
public interne. Si les textes utilisent l'expression d'ordre public « international », c'est à
dessein. il est donc important non seulement de définir l'ordre public tout court, mais
plus encore l'ordre public international.
Dans cette perspective, une définition est désormais ancrée en jurisprudence: l'ordre
public international « s'entend de la conception française de l'ordre public international,
c'est-à-dire de l'ensemble des règles et des valeurs dont l'ordre juridique français ne peut
souffrir la méconnaissance, même dans des situations à caractère international » ((18)) .
Parfois, les juges utilisent une formulation légèrement différente, sans que la substance
de la solution en soit affectée: « L'ordre public international au regard duquel s'effectue le
contrôle du juge de l'annulation s'entend de la conception qu'en a l'ordre juridique français,
c'est-à-dire des valeurs et principes dont celui-ci ne saurait souffrir la méconnaissance
même dans un contexte international » ((19)) . la définition est large permettant au juge,
en fonction des affaires qui lui sont soumises, d'alimenter la catégorie. en substance,
l'ordre public international est composé d'un ensemble de règles, valeurs et principes
P 187 suffisamment importants pour ne pas tolérer d'atteinte, y compris dans un contexte
international. Pour tenter d'en cerner les contours, examinons d'abord les sources de
l'ordre public international (a), puis son contenu (b).
A) Les sources
13. La jurisprudence vise la conception française de l'ordre public international. l'objet
est international, mais la source est nationale. la solution est normale, car ce qui est en
jeu, c'est la réaction de l'ordre juridique français face à une sentence. Mais est-ce une
définition refermée sur les seules valeurs du for, ou bien est-elle ouverte au-delà du
cercle du seul droit français? il y a incontestablement des signes d'ouverture tant du côté
des lois de police étrangères (1°) que d'un ordre public réellement international (2°).
1°) Les lois de police étrangères
14. On constate que les recourants invoquent de plus en plus souvent la violation de lois
de police étrangères, parfois avec succès. Pour se limiter au contentieux postérieur au
décret du 13 janvier 2011, citons les lois qui ont été invoquées:

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— la loi yéménite sur le secret défense ((20)) .
— la loi de la République démocratique du Congo sur la passation des marchés publics
((21)) .
— la loi de la République du laos sur l'exploitation des ressources naturelles ((22)) .
— la loi camerounaise réglementant les activités fauniques ((23)) .
P 188 — les sanctions américaines sur l'iran ((24)) .
— la loi algérienne relative à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d'argent et
le financement du terrorisme ((25)) .
— la loi de la République de guinée sur la passation des marchés publics ((26)) .
— la loi bancaire portugaise, en particulier les règles prudentielles ((27)) .
— les règles fiscales et douanières de la République du gabon ((28)) .
Depuis 2017, neuf lois de police étrangères ont donc été invoquées au soutien d'un
recours en annulation, ce qui est loin d'être anecdotique. Sur les neuf cas, un seul a
abouti à l'annulation de la sentence pour contrariété à l'ordre public international, ce
dans l'affaire MK Group ((29)) .
15. Si c'est la conception française de l'ordre public international qui compte, comment
peut-on intégrer dans le périmètre du contrôle des lois de police étrangères? la réponse
a été donnée par la jurisprudence. Ce n'est que dans la mesure où les valeurs et
principes dont l'ordre juridique français ne saurait souffrir la méconnaissance même
dans un contexte international sont concernées que les lois de police étrangères «
peuvent être regardées comme relevant de l'ordre public international ». la contrariété à
une loi de police étrangère en tant que telle n'est pas suffisante (même si elle est un
préalable obligé ((30)) ). il faut que la violation de la loi étrangère, qualifiée de loi de
police, provoque dans le même temps une contrariété à la conception française de
l'ordre public international. il est donc nécessaire d'identifier les objectifs de la loi
étrangère pour savoir si ceux-ci sont les mêmes que dans la loi française ou peuvent être
considérés comme suffisamment légitimes aux yeux du droit français pour entrer dans la
qualification d'ordre public international. dans ces conditions, le refus d'exequatur de la
P 189 sentence dans le pays d'origine de la loi de police est une circonstance normalement
indifférente ((31)) . la solution est logique: ce n'est pas la seule violation de la loi de
police étrangère qui compte, mais la contrariété à notre ordre public international
(même si cette circonstance est un élément de poids, car elle établit la violation de la
loi étrangère elle-même).
16. La jurisprudence utilise le test de l'existence d'un « consensus international » pour
apprécier si la violation d'une loi de police étrangère constitue parallèlement une
contrariété à la conception française de l'ordre public international. Cette référence au
consensus international est devenue habituelle dans les arrêts récents, et les recourants
argumentent souvent en ce sens leurs moyens. Certaines lois passent ce test, tandis que
d'autres échouent. Pour ce qui est des premières, l'affaire MK Group est très intéressante
((32)) . C'est en effet sous couvert de la résolution de l'assemblée générale de l'ONu de
1962 sur la souveraineté des etats sur leurs ressources naturelles, reflétant un consensus
international, que la violation de la loi laotienne a été prise en compte. Pour ce qui est
des secondes, qui ne passent pas ce test, citons les mesures d'embargo américaines sur
l'iran en raison de leur portée extraterritoriale ((33)) ou la loi guinéenne posant une
condition d'approbation ministérielle des marchés publics, inconnue du droit français
((34)) .
17. Dès lors que la jurisprudence se réfère à un « consensus international », il y a en
réalité trois niveaux de raisonnement. le premier, et c'est le point de départ, fait
référence à la conception française de l'ordre public international. C'est à son aune, et à
elle seule, que le juge doit conduire le contrôle. le deuxième est la loi de police
étrangère invoquée: le juge doit alors vérifier qu'il s'agit bien d'une loi de police ((35)) et
P 190 que celle-ci a été violée selon ses propres critères. le troisième est l'existence d'un
consensus international (reflété par des instruments internationaux tels que des
Résolutions de l'ONu, des conventions internationales ou bien encore les lois-types de la
CNUDCI). Si la loi de police étrangère poursuit un objectif faisant l'objet d'un tel
consensus (et n'est donc pas le reflet de valeurs particularistes), il est a priori établi que
sa violation engendre dans le même temps une atteinte à la conception française de
l'ordre public international. un tel raisonnement postule que ce qui fait l'objet d'un
consensus international rejoint nécessairement les règles et principes composant l'ordre
public international français (le droit français étant vu comme adhérant à des règles et
valeurs reflétant un consensus international ((36)) ). toutefois, il ne faut pas faire de la
convergence d'une loi de police étrangère avec un consensus international un point de
passage obligé. l'existence d'un tel consensus renforce la légitimité de l'objectif
poursuivi par la loi étrangère. Mais à défaut d'un consensus international, il serait
possible de tenir compte d'une loi de police étrangère qui poursuit des objectifs
parallèlement poursuivis par le droit français. Par exemple, si une loi étrangère offre une
action directe au soustraitant, comme en droit français, il y a fort à parier qu'un juge
pourrait y voir un objectif légitime aux yeux du droit français (sans qu'il y ait consensus
international sur ce point) et, partant, admettre que sa violation entraîne une atteinte à

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la conception française de l'ordre public international.
18. Il y a une spécificité lorsque la loi de police est invoquée par l'etat lui-même après
qu'il a été partie à l'arbitrage. Selon une jurisprudence désormais constante, l'etat n'est
pas autorisé à invoquer au soutien d'un recours en annulation la violation de sa propre
loi. dans l'affaire République démocratique du Congo, la Cour d'appel de Paris a décidé
que: « en vertu du principe de bonne foi dans l'exécution des conventions, un Etat ne peut
invoquer devant le juge de l'annulation, afin de se délier de ses engagements contractuels,
la violation de sa propre législation » ((37)) . la solution a été réitérée par les arrêts
P 191 République de Guinée ((38)) et République du Gabon ((39)) . une telle solution résulte du
principe de bonne foi. dans son ordre juridique, l'etat est garant du respect de ses lois. il
ne peut donc venir se plaindre de la violation d'une loi dont il lui incombait, à travers
ses organes, d'assurer le respect. la solution est rigoureuse en ce qu'elle fait peser une
charge particulière sur le dos de l'etat. elle n'en est pas moins justifiée par le principe de
bonne foi qui interdit à une partie d'invoquer des irrégularités auxquelles il lui
appartenait de remédier. bien plus, un etat ne peut accepter de conclure une convention
qu'il savait illégale pour ensuite tenter de renier ses engagements en invoquant son
illégalité ((40)) . C'est bien le principe de bonne foi « dans l'exécution des conventions »
qui est visé, empêchant ainsi l'etat de se délier de ses engagements contractuels par
l'invocation de la violation de sa propre loi.
2°) L'ordre public réellement international
19. L'ordre public international de source française est susceptible de rejoindre des
valeurs réellement internationales, voire universelles. C'est pourquoi il ne faut pas
imaginer que l'ordre public international visé à l'article 1520-5° du Code de procédure
civile est refermé sur lui-même et ne défend que des valeurs franco-françaises ((41)) .
La jurisprudence s'attache souvent à dire que la valeur protégée par l'ordre public
international français est, dans le même temps, largement partagée à l'échelle
internationale. C'est précisément le sens de la référence, devenue fréquente, au «
consensus international ». lorsque la Cour d'appel de Paris vise la résolution de
l'assemblée générale de l'ONu de 1962 sur la souveraineté des etats sur leurs
P 192 ressources naturelles, elle se réfère, en creux, à une forme d'ordre public réellement
international ((42)) . il en va de même lorsque la Cour, en matière de blanchiment
d'argent, voit dans la Convention de Mérida du 9 décembre 2003 l'expression d'un
consensus international ((43)) .
20. Cette référence au « consensus international », qui est aussi utilisée lorsque la
violation d'une loi de police étrangère est soutenue ((44)) , permet ainsi d'«
internationaliser » l'ordre public international ((45)) . Franchissons le pas et disons qu'il
s'agit d'une forme d'ordre public réellement international. le juge français fait ainsi de
l'ordre public international de source française le reflet d'un ordre public plus global,
commun sinon à tous, du moins partagé par la majorité des ordres juridiques. l'utilisation
d'une telle conception de l'ordre public est utile au moins à deux égards ((46)) . tout
d'abord, elle correspond à la nature de l'arbitrage international qui est une justice
internationale détachée des ordres juridiques étatiques. il est bon d'apprécier la
conformité d'une sentence internationale à l'ordre public au regard de valeurs qui
transcendent l'ordre juridique du juge du contrôle. ensuite, et dans la même veine, se
crée un phénomène de convergence entre l'ordre public transnational que l'arbitre est
susceptible de mettre en oeuvre et l'ordre public du juge du contrôle ((47)) . il peut
même y avoir des phénomènes de communication, l'un alimentant l'autre et
inversement. Plus les juges étatiques se référeront à des valeurs universelles ou reflétant
un « consensus international » et plus les arbitres seront incités à le faire et
réciproquement. une dynamique — vertueuse — est susceptible de s'enclencher.
21. Par ailleurs, la Cour de Paris a utilisé la notion, pour le moins inusitée, de loi de police
« réellement internationale » à propos de mesures d'embargo émanant de l'ONu. la Cour
P 193 a ainsi déclaré que « des sanctions internationales résultant de résolutions du Conseil de
sécurité des Nations Unies, en ce qu'elles s'imposent aux Etats membres et donc à la France,
peuvent être assimilées à des lois de police étrangères et/ou des lois de police réellement
internationales, dont un tribunal arbitral ne peut faire abstraction si la situation litigieuse
qu'il est amené à juger entre dans le périmètre de ces sanctions » ((48)) . Certes, la
motivation est prudente. Néanmoins, la mention de lois de police « réellement
internationales » est, à notre connaissance, inédite ((49)) . une loi de police est
normalement une disposition d'un ordre juridique national dont la caractéristique est de
s'appliquer immédiatement à la situation litigieuse. il y a des lois de police issues du
droit de l'union européenne, comme les dispositions relatives à la protection des agents
commerciaux ((50)) . Mais ces lois de police s'insèrent dans l'ordre juridique propre à
l'union européenne. Sûrement, cette mention de lois de police « réellement
internationales » fait-elle référence à l'ordre juridique international (au sens du droit
international public), susceptible de sécréter de véritables lois de police. dans cette
optique, un auteur avait pu parler de lois de police « d'origine internationale » s'agissant
des embargos issus des résolutions de l'ONu ((51)) . les dispositions de la Charte des
Nations unies n'ayant pas d'effet direct, il est impossible de les considérer comme des
lois de police du for. C'est sans doute le raisonnement qui permet à la Cour d'appel de
dire que les mesures concernées, en raison de leur absence d'effet direct, ne peuvent
être considérées que comme des lois de police « étrangères » ou « réellement

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internationales » (toutefois, l'absence d'effet direct ne devraitelle pas tendre à les
disqualifier en tant que lois de police, même si elles sont contraignantes dans l'ordre
juridique international?). il y a en toute hypothèse dans cette notion de loi de police «
réellement internationale » une voie moyenne, une catégorie intermédiaire, entre les
P 194 lois de police et l'ordre public réellement international.

b) Le contenu
22. Il est possible de distinguer suivant que l'ordre public international est composé de
principes fondamentaux (1°) ou de lois de police (2°) ((52)) .
1°) Les principes fondamentaux (référence aux valeurs)
23. La référence aux valeurs ou aux principes ouvre le contenu potentiel de l'ordre public
international. une valeur peut être exprimée dans un texte (par exemple la Constitution)
ou se déduire du système juridique (à la supposer non formellement exprimée). C'est au
juge de déduire de l'ordre juridique français les valeurs fondamentales, celles dont il ne
saurait souffrir la violation, même dans un contexte international. dans cette
perspective, le fait que la valeur soit largement partagée à l'échelle internationale est
un indice de fondamentalité. Même s'il n'y a pas d'automaticité, plus la valeur est
partagée dans le monde et plus elle bénéficie d'une aura de fondamentalité. dans cette
optique, la référence à l'existence d'un « consensus international » est précieuse, car elle
permet d'asseoir la formulation d'un principe ou d'une valeur sur un socle plus large que
les seules valeurs du for (ainsi, en référence à l'existence d'un consensus international, il
suffirait de reprendre l'agenda de l'ONu pour avoir une liste, indicative, des principes
qui sont ou qui seraient d'ordre public international en France).
Quels sont les principes fondamentaux d'ordre public international qui ont été reconnus
par la jurisprudence ((53)) ?
— L'interdiction de la corruption
24. Les questions liées à la corruption sont le point névralgique des réflexions portant sur
le contrôle de la conformité de la sentence à l'ordre public international. il est
P 195 désormais acquis que la lutte contre la corruption fait partie intégrante de la
conception française de l'ordre public international. Ce n'est d'ailleurs pas une
nouveauté puisque l'arrêt Westman était déjà allé en ce sens ((54)) . Pour intégrer la
prohibition de la corruption dans le périmètre de l'ordre public international, la
jurisprudence fait référence aux instruments internationaux existant en la matière, à
savoir la Convention de l'OCde sur la lutte contre la corruption du 17 décembre 1997 et la
Convention des Nations unies contre la corruption faite à Mérida le 9 décembre 2003, qui
expriment un « consensus international » ((55)) . inutile d'insister sur les raisons de la
prohibition internationale de la corruption. il est en revanche intéressant de relever que
la jurisprudence ne se préoccupe pas d'un lien avec la France. Même lorsque la
corruption a été réalisée à l'étranger, elle sollicite la conception française de l'ordre
public international, tant est importante la valeur de probité protégée ((56)) .
25. La jurisprudence donne par ailleurs une définition de la corruption inspirée du
consensus international existant dans ce domaine. Selon elle, « Suivant le consensus
international exprimé par ces textes [susvisés], la corruption d'agent public, qu'il soit
national ou étranger, consiste à offrir à celui-ci, directement ou indirectement, un avantage
indu, pour lui-même ou pour une autre personne ou entité, afin qu'il accomplisse ou
s'abstienne d'accomplir un acte dans l'exercice de ses fonctions officielles, en vue d'obtenir
ou de conserver un marché ou un autre avantage indu, en liaison avec des activités de
commerce international » ((57)) . la définition est donc autonome et ne prend pas appui
sur le droit de l'etat dans lequel la pratique est supposée avoir eu lieu. le mérite d'une
définition internationalisée de la corruption est d'instaurer un dialogue avec les arbitres
eux-mêmes. Ceux-ci peuvent ainsi prendre appui sur la jurisprudence française, et plus
P 196 largement sur toute jurisprudence nationale poursuivant la même logique, pour
alimenter un ordre public transnational apte à sanctionner, par lui-même, les pratiques
de corruption ((58)) .
26. Depuis 2011, les sentences ont été annulées ou refusées à l'exequatur pour contrariété
à l'ordre public international comme ayant donné effet à des pratiques de corruption
dans les affaires Indrago ((59)) , Alstom ((60)) , Sorelec ((61)) et République du Gabon ((62)) .
tous les autres recours formulés sur ce chef ont été rejetés ((63)) . l'importance
quantitative des annulations (ou des refus d'exequatur) est à relever. la jurisprudence se
durcit à l'évidence et ne tolère aucune passivité des arbitres à cet égard. bien au
contraire, elle oblige les arbitres à avoir un comportement actif lorsque le litige qui leur
est soumis est susceptible de porter sur des faits de corruption, où qu'ils soient localisés.
Pour tempérer cette tendance, il convient aussi de remarquer que sur l'ensemble des
décisions citées, si quatre ont admis la contrariété de la sentence à l'ordre public
international, huit l'ont au contraire rejetée.
— L'interdiction du blanchiment d'argent
27. En lien avec l'interdiction de la corruption, la prohibition du blanchiment d'argent
provenant d'activités illicites fait naturellement partie de la conception française de
P 197 l'ordre public international ((64)) . dans l'affaire Belokon, la Cour d'appel de Paris a
déclaré, sous couvert de la Convention de Mérida du 9 décembre 2003, que « la

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prohibition du "blanchiment" est au nombre des principes dont l'ordre juridique français ne
saurait souffrir la violation même dans un contexte international; qu'elle relève, par
conséquent, de l'ordre public international » ((65)) . la sentence, rendue à Paris, a été
annulée pour contrariété à l'ordre public international. là encore, inutile d'insister sur
l'importance de la valeur protégée (consistant à ne pas permettre de réintroduire dans
des circuits légaux les produits d'activités illicites, comme des activités criminelles ou
des pratiques de fraude fiscale). là encore, relevons qu'il importe peu que les faits se
soient déroulés à l'étranger, en l'espèce au Kirghizstan, la prohibition du blanchiment
d'argent étant un principe fondamental, reflétant un « consensus international ».
— Les mesures de sanction issues de l'ONU et de l'Union européenne
28. Si les mesures de sanctions unilatérales prises par les etats-unis ont été considérées
comme ne reflétant pas un consensus international en raison de leur effet extraterritorial
((66)) , il n'en va pas de même des mesures émanant de l'ONu et de l'union européenne,
qui sont, elles, multilatérales. S'agissant des sanctions résultant des résolutions du
Conseil de sécurité de l'ONu prises contre l'iran, outre la qualification de lois de police «
réellement » internationales qui a pu lui être apportée ((67)) , la Cour d'appel de Paris a
considéré que « en ce qu'elles ont pour objet de contribuer au maintien ou au
rétablissement de la paix et de la sécurité internationales, [elles] portent des règles et des
valeurs dont il convient de considérer que l'ordre juridique français ne peut souffrir la
méconnaissance, et ce faisant relèvent de la conception française de l'ordre public
international » ((68)) . S'agissant des sanctions émanant de l'union européenne toujours à
l'égard de l'iran, la qualification est identique, même si la Cour d'appel de Paris a
P 198 évoqué également la qualification de loi de police. elle a en effet déclaré que « De telles
sanctions internationales ainsi transposées au sein de l'Union européenne, et donc dans
l'ordre juridique interne en France, peuvent être assimilées à des lois de police françaises et,
en ce qu'elles visent à contribuer au maintien et au rétablissement de la paix et de la
sécurité internationales, être tout autant intégrées dans la conception française de l'ordre
public international dès lors que les règles et valeurs ainsi véhiculées font partie de celles
dont l'ordre juridique français ne doit pouvoir souffrir la méconnaissance » ((69)) . la Cour
d'appel a réitéré cette approche à propos des décisions d'embargo sur les armes prises
par le Conseil de l'union européenne à l'encontre de la guinée ((70)) .
Dans cette lignée et de manière plus générale, la Cour d'appel a décidé que « les
sanctions internationales et européennes, en ce qu'elles visent à contribuer au maintien et
au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales, et portent sur des valeurs
dont l'ordre juridique français ne peut souffrir la méconnaissance, font partie de la
conception française de l'ordre public. Dès lors la reconnaissance ou l'exécution d'une
sentence qui méconnaîtrait de telles sanctions heurterait l'ordre public international
français » ((71)) . les valeurs fondamentales protégées au titre de l'ordre public
international sont donc le maintien et le rétablissement de la paix (objectifs qui
justifient l'adoption de sanctions internationales contre un pays).
— L'interdiction du financement du terrorisme
29. La question s'est posée à l'occasion d'une affaire portée devant la Cour d'appel de
Paris ((72)) . en lien avec la législation algérienne relative à la lutte contre le blanchiment
et le financement du terrorisme, les recourants invoquaient la Convention de New York
P 199 du 10 janvier 2000 pour la répression du financement du terrorisme ((73)) . la Cour ne
considère pas explicitement que la lutte contre le financement du terrorisme fait partie
de la conception française de l'ordre public international, estimant le moyen infondé
pour défaut de preuves. il transparaît néanmoins à l'évidence de cette affaire que
l'interdiction du financement du terrorisme exprime bel et bien une valeur
fondamentale de l'ordre juridique français, rejoignant ainsi un consensus international
exprimé par la Convention de New York précitée.
— Les droits de l'homme
30. Les réflexions ont beaucoup tourné autour de l'applicabilité de l'article 6 § 1 CEDH à
l'arbitrage en ce que cette disposition garantit un droit à un procès équitable ((74)) . au-
delà de cette question, il ne fait pas de doute que les droits de l'homme sont le reflet de
valeurs essentielles de l'ordre juridique français, et comme telles font partie de l'ordre
public international. C'est dans ce sens que la Cour d'appel de Paris a statué, déclarant
que « Au nombre de ces principes [dont l'ordre juridique français ne saurait souffrir la
méconnaissance, même dans un contexte international] figurent la lutte contre la
violation des droits de l'homme, protégés notamment par la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et le
Pacte des droits civils et politiques du 16 décembre 1966, ainsi que la lutte contre les
violations du droit humanitaire international, lui-même consacré par les Conventions de
Genève (1949), entrées en vigueur en France en 1951, et notamment la Convention (IV) de
Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, du 12 août 1949 »
((75)) .
Cette motivation est intéressante en ce qu'elle est synonyme d'une insertion en bloc des
droits de l'homme dans la catégorie de l'ordre public international. S'y ajoute également
P 200 le droit humanitaire (spécialement la protection des civils en temps de guerre). Ce
sont donc tous les droits de l'homme qui sont concernés et pas uniquement le droit au
procès équitable (la décision vise, en employant l'adverbe « notamment », la Convention

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européenne des droits de l'homme et le Pacte sur les droits civils et politiques de l'ONu
dans leur ensemble). les applications potentielles sont nombreuses toutes les fois où
l'arbitrage est susceptible de rencontrer les droits de l'homme (ainsi en cas d'atteinte
disproportionnée à la propriété privée, de discriminations ou bien encore de violation
des droits attribués aux populations autochtones).
— Les dommages et intérêts punitifs disproportionnés
31. On sait qu'en matière d'accueil des jugements étrangers, plus particulièrement d'un
jugement américain, la Cour de cassation avait permis un refus d'exequatur en cas de
condamnation à des dommages et intérêts punitifs d'un montant disproportionné ((76)) .
la même solution a été transposée à l'arbitrage par un arrêt Uzuc. la Cour d'appel de
Paris a en effet déclaré que « le principe d'une condamnation au paiement de dommages-
intérêts punitifs n'est pas, en soi, contraire à l'ordre public international français. Il en est
autrement si le montant alloué est disproportionné au regard du préjudice subi et des
manquements aux obligations contractuelles du débiteur » ((77)) . C'est ici la disproportion
qui fait l'objet du contrôle et non l'attribution de dommages et intérêts punitifs en tant
que telle, grief non retenu par la Cour d'appel dans l'affaire précitée. l'on voit ainsi que
la jurisprudence en matière de contrôle des sentences arbitrales s'est alignée sur les
solutions adoptées en matière d'accueil des jugements étrangers (hors règlement
bruxelles i bis).
— L'interdiction de la fraude à la loi
32. L'interdiction de la fraude à la loi a été reconnue comme une valeur relevant de
l'ordre public international. dans l'affaire Asperbras, en effet, le recours en annulation se
P 201 fondait sur le contournement de mesures de cantonnement imposées par la banque
du Portugal pour y voir une violation de l'ordre public international. la Cour d'appel de
Paris a, à cet égard, déclaré que « une sentence qui donnerait effet à une opération
constitutive d'une fraude à la loi caractérisée violerait l'ordre public international français
et encourrait la nullité » ((78)) . bien que la contrariété à l'ordre public international n'ait
pas été retenue en l'espèce, cet arrêt est intéressant en ce qu'il range l'interdiction de la
fraude à la loi, tant française qu'étrangère, dans le champ du contrôle prévu à l'article
1520-5° du Code de procédure civile. la solution n'est en effet pas limitée à la fraude à la
seule loi française, mais à toute loi. C'est une manière indirecte de tenir compte de la
violation d'une loi de police étrangère ((79)) . Mais c'est aussi affirmer que l'interdiction
de la fraude, quel que soit le pays d'origine de la loi fraudée, est une valeur relevant de
l'ordre public international. C'est ici encore le signe d'une forme d'ordre public
réellement international ((80)) en ce que l'ordre public international ne protège pas
uniquement le contournement frauduleux de la loi française, mais de la loi en général.
On pourrait sans doute ajouter comme cas particulier de fraude la fraude fiscale (y
compris envers un fisc étranger).
— Les principes fondamentaux du droit des entreprises en difficulté
33. Les principes fondamentaux du droit des entreprises en difficulté font
incontestablement partie intégrante de l'ordre public international (sauf à y voir, au
surplus, des lois de police ((81)) ). un arrêt a synthétisé les solutions en énonçant que «
Les principes de l'arrêt des poursuites individuelles des créanciers, du dessaisissement du
débiteur et d'interruption de l'instance en cas de faillite sont d'ordre public international »
((82)) . les solutions ne sont à vrai dire pas nouvelles ((83)) et l'on pourrait ajouter parmi
P 202 ces principes fondamentaux le principe d'égalité des créanciers ((84)) . la principale
difficulté est de savoir si elles s'appliquent lorsqu'une procédure a été ouverte à
l'étranger. la réponse est assurément positive à la lecture de l'arrêt précité ((85)) qui
concernait l'ouverture d'une procédure en guinée équatoriale (mais dans des
circonstances telles que les arbitres n'en avaient pas tenu compte, au regard de la
violation des droits de la défense qui s'était produite en l'espèce) ((86)) . dès lors, une
fois encore, l'ordre public international français s'internationalise pour tenir compte de
procédures collectives ouvertes à l'étranger (la question de la place à accorder à la loi
du lieu d'ouverture restant en cette hypothèse ouverte ((87)) ).
— La question de la protection de l'environnement
34. La jurisprudence ne s'est pas encore véritablement prononcée sur des questions liées
au droit de l'environnement à l'occasion du contrôle des sentences arbitrales. Nul doute
que l'occasion lui sera offerte dans le futur, l'arbitrage se développant dans cette
matière (particulièrement l'arbitrage d'investissement) ((88)) . il paraît évident que la
protection de l'environnement sera considérée comme une valeur essentielle de l'ordre
juridique français, reflétant au surplus un consensus international. Plus que de protection
de l'environnement, il convient également d'envisager, de manière plus dynamique, les
questions de changement climatique et la transition écologique qui en résulte ((89)) .
Cette transition est menée au moyen de contrats conclus au sein du secteur privé et
P 203 l'arbitrage est naturellement un moyen de résoudre les litiges y afférant ((90)) . Il
reviendra aux arbitres, puis aux juges du contrôle, de bâtir un régime propre et de
dégager les principes fondamentaux en la matière, qui relèveraient de l'ordre public
international. il sera également possible, le cas échéant, de se référer à des lois de
police (françaises et éventuellement étrangères ((91)) ).
35. Plus généralement, et cela vaut pour plusieurs pans de l'ordre public international, il

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ne faut pas négliger l'impact de la compliance.aujourd'hui, les règles de compliance
touchent l'anticorruption, la lutte contre le blanchiment d'argent, le respect des droits
de l'homme, les enjeux environnementaux, etc. autant de buts que Marie-anne Frison-
Roche a qualifié de « monumentaux » ((92)) . le vent de la compliance souffle fort. les
obligations imposées aux entreprises en termes de compliance sont désormais
particulièrement rigoureuses (des obligations de prévention et de gestion ex ante des
risques). il est indéniable que la compliance et l'arbitrage se rencontrent déjà et sont
destinés à encore plus se rencontrer dans le futur ((93)) . C'est particulièrement le cas
dans le domaine de la lutte contre la corruption ((94)) . Nous assistons à un changement
de monde où les exigences se font fortes dans les domaines couverts. les entreprises sont
chargées d'intégrer les objectifs poursuivis par la loi. les arbitres sont logiquement
conduits à faire de même dès lors que le litige qui leur est soumis les y conduit, sous le
contrôle a posteriori du juge.
2°) Les lois de police (référence aux règles)
36. En faisant mention des « règles » dont l'ordre juridique français ne saurait souffrir la
violation, même dans un contexte international, la jurisprudence se réfère implicitement
aux lois de police. il est admis que les lois de police composent l'ordre public
P 204 international à l'occasion du contrôle des sentences arbitrales ((95)) . Les lois de police
ne sont ici pas utilisées selon leur mode habituel d'intervention (dans le conflit de lois,
elles s'appliquent immédiatement dès lors que leurs critères d'application spatiale sont
remplis). elles sont utilisées au stade du contrôle a posteriori de la sentence pour
apprécier si, aux conditions posées, l'arbitre n'appliquant pas ou en appliquant mal une
loi de police rend une sentence contraire à l'ordre public international (et ce, quelle
qu'eût été la loi applicable au litige, loi française ou loi étrangère). Comme le pense
Pierre Mayer, « en matière de reconnaissance des sentences arbitrales, la violation d'une loi
de police intervient comme une cause d'éviction de la sentence en fonction de son contenu
» ((96)) .
37. Il convient ici de citer un arrêt récent et particulièrement important pour notre
propos, rendu dans une affaire Monster Energy ((97)) . il s'agissait d'une affaire concernant
un contrat de distribution de produits conclu entre un fournisseur américain et un
distributeur français s'étant exécuté en guyane. le contrat prévoyait un arbitrage aux
etats-unis en application de la loi de l'etat de Californie. une sentence avait été rendue
à l'initiative du fournisseur américain, jugeant valable la résiliation du contrat et
condamnant le distributeur, ayant fait défaut,à diverses sommes (au titre des frais de la
procédure). Cette sentence fut présentée à l'exequatur en France. Sur appel de
l'ordonnance d'exequatur, la Cour d'appel de Paris considéra la sentence comme
contraire à l'ordre public international. Pour ce faire, la Cour s'est référée aux
dispositions de la loi dite Lurel du 20 novembre 2012 ((98)) . Cette loi porte
spécifiquement sur les collectivités d'Outre-mer. le dispositif interdit de conférer
contractuellement des droits exclusifs d'importation dans les territoires couverts, dont la
guyane, de manière à éviter la hausse des prix, ce au bénéfice des consommateurs ((99)) .
P 205 la sanction est la nullité de « tout engagement, convention ou clause contractuelle »
(art. l. 420-3 C. com.). la Cour relève que « De tels accords octroyant des droits exclusifs
d'importation au profit d'un importateur-grossiste sont objectivement de nature à entraver
l'implantation ou le développement d'autres importateurs-grossistes et génèrent une
situation préjudiciable à l'égard des consommateurs ». la Cour en déduit le caractère de
loi de police de la loi au motif qu'elle « participe de la sauvegarde d'une organisation
économique et sociale pour un secteur de l'activité économique d'un pays ». Selon l'arrêt,
la sentence heurte de manière manifeste, effective et concrète l'ordre public
international « lorsque le tribunal arbitral statue sans mettre en oeuvre une loi de police
française, en ignorant ainsi son applicabilité même au litige alors que le respect d'une telle
loi est considérée comme cruciale pour la sauvegarde des intérêts publics du pays tels que
son organisation politique, sociale ou économique ». les juges constatent que la sentence
a appliqué la loi californienne sans tenir compte de la loi de police française. ils en
déduisent que « En statuant ainsi, sans mettre en oeuvre la prohibition impérative prévue à
l'article L. 420-1-2 du Code de commerce, applicable en la cause, la sentence heurte l'ordre
public international français et ne peut être accueillie dans l'ordre juridique français ».
38. Cette décision est de première importance pour notre propos. il en résulte plusieurs
enseignements. tout d'abord, il s'agissait en l'espèce d'une loi particulariste, propre à la
France. la loi était même très particulariste puisqu'elle ne concernait qu'une parcelle du
territoire français, à savoir les collectivités d'Outre-mer et non l'intégralité du territoire
national. ainsi, dès lors que les juges intègrent les lois de police du for dans l'ordre
public international, il n'est nul besoin de relever l'existence d'un « consensus
international ». Ce sont les valeurs affirmées par l'ordre juridique français au moyen de
lois de police qui comptent, dès l'instant où la loi en question était applicable en
l'espèce et qu'elle a été violée ou n'a pas été appliquée par l'arbitre. ensuite, la solution
implique pour un arbitre statuant à l'étranger (en l'espèce aux etats-unis) et appliquant
une loi étrangère (la loi californienne) de se conformer au dispositif de police français. il
le doit s'il entend rendre une sentence efficace en France. la question renvoie donc à la
problématique plus générale de l'efficacité de la sentence ((100)) . en l'espèce, la
P 206 sentence a reçu l'exequatur aux etats-unis, mais pas en France. elle s'est donc avérée
inefficace dans le pays qui était le lieu le plus probable d'exécution de la sentence au
moment où l'arbitre a statué. enfin, il était difficile pour l'arbitre de connaître la loi

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française, car, en l'espèce, le défendeur avait fait défaut. il aurait fallu qu'il relevât
d'office l'applicabilité de la loi de police française, à supposer qu'il ait pu la connaître.
l'arrêt précise que l'arbitre avait décidé que la loi française « n'avait pas vocation à
s'appliquer » et dans l'hypothèse où elle serait applicable, elle « opérait un renvoi vers la
loi californienne ». Mais rien ne dit que son attention ait été attirée sur le dispositif
spécifique issu de la loi Lurel. la solution est donc rigoureuse pour un arbitre étranger,
statuant à l'étranger, en application d'une loi étrangère. Cependant, c'est aussi le jeu du
contrôle de l'ordre public international. l'arbitrage, en l'espèce, n'était pas un arbitrage
interne aux etats-unis. il était international et impliquait une partie française. Si
l'arbitre voulait assurer l'efficacité de sa sentence, il devait anticiper sur les enjeux en
termes de circulation internationale de sa décision.
39. La question principale est celle de savoir si toutes les lois de police composent
l'ordre public international au sens de l'article 1520-5° du Code de procédure civile. la
qualification de loi de police entraîne-t-elle automatiquement la qualification de «
règle » d'ordre public international? deux approches sont concevables. Selon la
première, toutes les lois de police françaises intégreraient l'ordre public international au
sens de l'article 1520-5° Code de procédure civile. dès lors que cette qualification serait
donnée à une disposition légale, la loi concernée, sans distinction, pénétrerait
automatiquement le champ de la conception française de l'ordre public international.
Cette solution aurait le mérite de la simplicité et de la prévisibilité (à la fois devant
l'arbitre et devant le juge du contrôle). Selon la seconde approche, toutes les lois de
police ne relèveraient pas ipso facto de l'ordre public international. elles ne le seraient
que si elles relèvent, en sus, de la conception française de l'ordre public international. il
faudrait alors s'accorder sur le critère permettant de faire basculer la loi de police dans
le giron de l'ordre public international.
40. La jurisprudence n'est pas claire sur ce sujet. Par un arrêt Guess, la Cour d'appel de
Paris a eu à statuer dans une affaire d'agence commerciale ((101)) . le contrat s'était
P 207 exécuté en France, mais était soumis au droit suisse. un arbitre, ayant statué en Suisse,
avait refusé de tenir compte des articles l. 134-1 et suivants du Code de commerce
français (transposant la directive du 18 décembre 1986 sur l'agence commerciale) au
motif qu'ils ne constituaient pas des lois de police. Saisie sur appel de l'ordonnance
d'exequatur, la Cour a déclaré de manière générale « qu'une loi de police interne, fût-elle
le fruit d'une transposition d'une directive européenne dont le caractère impératif a été
rappelé par la Cour de Justice de l'Union européenne, n'est susceptible de relever de la
conception française de l'ordre public international que si, après avoir vérifié son
applicabilité au litige, sa méconnaissance heurte cette conception, c'est-à-dire l'ensemble
des règles et des valeurs dont l'ordre juridique français ne peut souffrir la méconnaissance,
même dans des matières internationales ». la Cour ajoute que « Devant le juge de
l'annulation, le débat n'est pas tant de savoir si les dispositions des articles L. 134-1 et
suivants constituent des lois de police du for, mais plus précisément, si ces articles, fussent-
ils qualifiés de loi de police, relèvent au surplus de la conception française de l'ordre public
international […] ». le recourant invoquait bien évidemment l'arrêt Ingmar de la CJCe qui
avait admis, de manière implicite, mais découlant nécessairement de la solution, la
qualification de loi de police des dispositions de la directive du 18 décembre 1986 sur
l'agence commerciale (spécialement les articles 17 et 18) dès l'instant où l'agent exerçait
son activité dans un etat membre ((102)) . Pour autant, la Cour d'appel refuse d'intégrer
les dispositions françaises de transposition dans la catégorie de l'ordre public
international. Selon elle, « les dispositions émanant du droit de l'Union européenne,
fussent-elles qualifiées d'impératives, ne poursuivent pas toutes des objectifs visant à
garantir des principes ou valeurs essentiels dont les Etats membres ne sauraient souffrir la
méconnaissance dans un contexte international ». elle considère ainsi que les
dispositions relatives à l'agence commerciale ne mettent pas en jeu « la défense
d'intérêts vitaux » des etats membres et ne sont pas « nécessaires à la mise en oeuvre
d'une politique impérieuse de défense de la liberté d'établissement ou d'une concurrence
non faussée ». Nulle contrariété de la sentence à l'ordre public international en l'espèce;
l'exequatur de la sentence est donc confirmé.
41. Cet arrêt veut-il dire qu'il faudrait opérer un tri au sein des lois de police pour
déterminer celles qui relèveraient ou non de l'ordre public international? a vrai dire, la
P 208 motivation de l'arrêt nous semble embarrassée sur ce point. Selon nous, la Cour
d'appel, avant tout, refuse de considérer les dispositions sur l'agence commerciale
comme des lois de police (d'où la référence à une loi de police « interne »). l'embarras
vient de la position prise par la CJCe dans l'affaire Ingmar. On sait à ce titre que la
jurisprudence de la Cour de cassation a refusé, en contradiction avec la jurisprudence
européenne, de considérer le dispositif de protection de l'agent commercial comme
relevant de la technique des lois de police ((103)) . la solution a été réitérée récemment
et l'arrêt Guess cite explicitement deux arrêts de la Cour de cassation ayant confirmé le
refus de retenir la qualification de loi de police en matière d'agence commerciale ((104))
. la solution de cette affaire s'explique par conséquent d'abord par le refus de traiter les
dispositions protectrices de l'agent commercial, issues de la directive européenne,
comme des lois de police (quand bien même le contrat s'exécuterait en France).
42. Il est en toute hypothèse délicat d'opérer un tri entre les lois de police pour les
ranger ou non dans le périmètre de l'ordre public international. d'ailleurs, selon quel
critère opérer un tel tri? leur degré de fondamentalité? Ce serait difficile à pratiquer. a

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nos yeux, une loi est de police ou pas et, si elle l'est, entre dans le champ de l'ordre
public international à l'occasion du contrôle des sentences arbitrales. C'est d'ailleurs
dans ce sens que se sont prononcées les Recommandations de l'association de droit
international sur le recours à l'ordre public en tant que motif de refus de reconnaissance
ou d'exécution des sentences arbitrales internationales ((105)) .
43. D'après nous, le juge du contrôle gagne à conduire un raisonnement en deux temps.
Premier temps: la disposition invoquée est-elle ou non de police? il n'y a aucune raison
P 209 de prôner une qualification autonome ou spécifique en droit de l'arbitrage. la
qualification est celle issue du droit commun (notamment au regard de l'article 9.1 du
Règlement Rome i). le juge du contrôle peut s'appuyer sur une jurisprudence
préexistante ou bien qualifier lui-même la loi invoquée de loi de police (comme la loi
Lurel). Si la disposition concernée n'est pas une loi de police, le raisonnement s'arrête là.
Second temps: la loi de police était-elle applicable en l'espèce selon ses propres
critères d'applicabilité dans l'espace (essentiellement des critères territoriaux)? Par
exemple, en matière de sous-traitance, les travaux de construction de l'immeuble ont-ils
eu lieu en France ((106)) ? Si la loi de police n'était pas applicable selon ses propres
critères, le raisonnement s'arrête également là ((107)) .
Il n'y a donc pas selon nous de troisième degré de raisonnement tiré de l'appartenance
de la loi de police aux règles et valeurs essentielles dont l'ordre juridique français ne
saurait souffrir la méconnaissance même dans un contexte international ((108)) . Faire
autrement exposerait à une imprévisibilité des solutions. la qualification de loi de
police est suffisamment incertaine en ellemême ((109)) , pour ne pas ajouter un élément
supplémentaire d'incertitude. le raisonnement doit néanmoins être poursuivi, puisque le
juge doit dire en quoi la sentence, par la solution qu'elle donne, heurte alors l'ordre
P 210 public international ((110)) .
44. Dès lors que les lois de police sont considérées comme faisant partie de l'ordre
public international, le périmètre de celui-ci s'en trouve donc considérablement élargi,
d'autant plus que la jurisprudence française, là encore que l'on s'en réjouisse ou qu'on le
déplore, n'hésite pas à considérer de nombreuses dispositions légales comme des lois
de police.
45. Toutes les lois de police du for, qualifiées comme telles en vertu du droit commun,
sont potentiellement concernées. il en va ainsi du droit de la concurrence. On se
rappelle que la Cour de justice des communautés européennes a considéré dans l'affaire
Eco Swiss que le droit européen de la concurrence faisait partie intégrante de l'ordre
public dans le contexte du contrôle des sentences arbitrales ((111)) . Cette solution a été
reprise par l'arrêt Thalès aux termes duquel l'atteinte à l'ordre public international doit
« constituer une violation manifeste d'une règle de droit considérée comme essentielle, ou
d'un principe fondamental, ce qui est le cas de la méconnaissance de l'interdiction édictée à
l'article 81 CE [devenu 101 TFUE] pour le fonctionnement du marché intérieur, car il est
indéniable que l'ordre public international des Etats membres a également une source
communautaire » ((112)) . il en va ainsi également du droit des pratiques restrictives de
concurrence dans la mesure où ces dispositions tombent dans la qualification de lois de
police, ce qui est le cas de la sanction du « déséquilibre significatif » prévue désormais à
l'article l. 442-1 i, 2° du Code de commerce ((113)) dans un autre domaine, il convient
d'ajouter la réglementation des investissements étrangers, qui avait il y a longtemps
donné lieu à l'annulation d'une sentence ((114)) , réglementation qui n'a cessé de se
durcir depuis environ dix ans (cf. art. l. 151- et s. et art. R. 151-1 et s. C. mon. et financ.).
46. Les lois de police protectrices de la partie faible entrent, de même, dans le champ
de l'ordre public international, à supposer la qualification de loi de police établie en
P 211 vertu de l'article 9 du Règlement Rome i (qui se réfère à la sauvegarde d'intérêts «
publics »). dès l'instant où une sentence est rendue en présence d'un salarié ou d'un
consommateur (donc à la condition que la partie faible, dans ces circonstances, ait
accepté d'être jugée par la voie de l'arbitrage, la clause d'arbitrage étant inopposable
au salarié et réputée non écrite à l'égard du consommateur), les dispositions
protectrices du salarié ou du consommateur, à supposer qu'elles entrent dans la
qualification de lois de police, doivent logiquement être considérées comme faisant
partie de l'ordre public international.
47. Le champ d'application des lois de police en matière de contrôle des sentences
arbitrales est donc potentiellement large. Plus encore en référence au droit de l'union
européenne, qui est un véritable creuset de lois de police. en effet, la législation
économique issue de l'union européenne, spécialement au regard du droit dérivé, est
souvent qualifiée ou qualifiable de loi de police ((115)) , notamment au regard de l'article
3.4 du Règlement Rome i ((116)) . toutefois, toute la législation d'origine européenne ne
saurait être qualifiée de loi de police. C'est une précision apportée par l'arrêt Guess
((117)) : les dispositions émanant du droit de l'union européenne ne rejoignent pas
nécessairement les « principes ou valeurs essentiels » des etats membres, ce qui est le
cas, en particulier, du régime de l'agence commerciale aux yeux de la jurisprudence
française.
48. L'ordre public international au sens de l'article 1520-5° CPC fait donc le grand écart: il
protège des valeurs fondamentales et universelles, reflétant un « consensus international

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» tout en intégrant les lois de police du for qui entendent protéger des intérêts
particularistes. il oscille donc entre universalisme et particularisme. alors que les
principes fondamentaux (les valeurs) sont plutôt universalistes, ouverts sur le monde, les
P 212 lois de police (les règles) permettent une réaction autocentrée du for. Ce grand écart
n'est pas critiquable, car c'est toujours à travers la conception française de l'ordre
public international que le contrôle se réalise, soit que la conception française rejoigne
des valeurs de résonance mondiale, soit qu'elle renvoie à des règles propres au for
français (c'est alors la réaction de l'ordre juridique français à l'égard de ce qu'il
considère unilatéralement comme fondamental).

II. – L'APPROFONDISSEMENT DU CONTRôLE


49. Il existe une nette tendance en jurisprudence à l'approfondissement du contrôle de
la conformité de la sentence à l'ordre public international. C'est ici faire référence à la
question, la plus débattue à vrai dire, de l'intensité du contrôle. avant d'étudier cette
tendance, il convient de ne pas perdre de vue le contenu de l'ordre public international
précédemment examiné ((118)) .aquoi cela servirait-il d'affirmer la fondamentalité de
certaines valeurs (probité, paix, droits de l'homme), si, finalement, le contrôle de la
sentence devait s'avérer superficiel? N'y aurait-il pas un hiatus entre d'un côté
l'importance de certaines valeurs et, de l'autre, un contrôle léger? Ceci dit, il faut se
garder de verser dans l'excès inverse d'un contrôle tatillon, poussé à l'extrême. la voie
idéale est celle d'un juste milieu entre un contrôle réel de la conformité de la sentence à
l'ordre public international et le respect de la finalité et de l'efficacité des sentences (au
regard de la confiance à accorder à l'arbitrage en tant qu'institution). Juste milieu
difficile à trouver, tant il peut y avoir tension, voire contradiction entre ces deux objectifs
(et la propension que l'on pourrait avoir de favoriser un objectif au détriment de l'autre).
il convient dans cet esprit d'étudier la tendance jurisprudentielle à l'approfondissement
(a) avant de voir quelles en sont les conséquences (b).
A) La tendance jurisprudentielle à l'approfondissement
50. Si l'on se rappelle l'arrêt Thalès ((119)) , le contrôle était particulièrement restreint.
Outre l'exigence d'une violation « flagrante », la Cour s'était refusée à « statuer au fond
P 213 sur un litige complexe qui n'a jamais encore été ni plaidé, ni jugé devant un arbitre
concernant la simple éventualité de l'illicéité de certaines stipulations contractuelles ». la
Cour avait ajouté que le « juge de l'annulation ne saurait, sous peine de remettre en cause
le caractère final de la détermination des arbitres sur le fond du procès, la violation
alléguée d'une loi de police n'autorisant aucune atteinte à la règle procédurale de
l'interdiction d'une révision au fond, effectuer en l'absence de fraude, ou comme il a été dit,
de violation manifeste, un examen de l'application des règles de la concurrence au contrat
litigieux […] ». dans une autre affaire, la Cour d'appel de Paris avait déclaré que «
l'exception d'ordre public du recours en annulation offre seulement de juger la sentence,
telle qu'elle est, au vu des éléments de fait ou de droit qui ont été retenus par les arbitres »
((120)) . C'est donc la sentence « telle qu'elle est », sans investigation supplémentaire,
qui était examinée. Cette position avait été avalisée par la Cour de cassation qui, dans
l'affaire Schneider, avait décidé que « le juge de l'annulation est juge de la sentence pour
admettre ou refuser son insertion dans l'ordre juridique français et non juge de l'affaire pour
laquelle les parties ont conclu une convention d'arbitrage » ((121)) . il résulte de ces
différents arrêts que, peu ou prou, la contrariété à l'ordre public international devait
apparaître d'elle-même à la seule lecture de la sentence, sans que le contrôle puisse
être poussé plus loin. Ce contrôle était très restrictif et n'aboutissait jamais, durant cette
période, à des annulations ou des refus d'exequatur pour contrariété à l'ordre public
international de fond.
51. La jurisprudence a commencé à évoluer à partir de l'arrêt Golf Leaders du 4 mars 2014
qui a abandonné le critère de « flagrance » de l'atteinte à l'ordre public international
(dans un cas de corruption alléguée) ((122)) .a partir de 2014, certains arrêts ne faisaient
référence qu'à une violation « effective et concrète » ((123)) , tandis que d'autres
P 214 ajoutaient qu'elle devait être, en outre, « manifeste » ((124)) . C'est dans ce dernier
sens que la jurisprudence s'est stabilisée. il est devenu rituel en jurisprudence de faire
référence à l'exigence d'une atteinte « manifeste, effective et concrète » à l'ordre public
international. les commentateurs de la jurisprudence se sont beaucoup focalisés sur ce
changement de terminologie. Si l'on se réfère au sens commun des mots tel qu'il
transparaît de la lecture du Petit Robert, ce qui est flagrant est ce « Qui éclate aux yeux
de tous, qui n'est pas niable », alors que ce qui est manifeste est ce « Dont l'existence ou la
nature est évidente ». il y a une petite différence de degré du point de vue sémantique:
ce qui est flagrant est encore plus évident que ce qui est manifeste. toutefois, la
différence entre les deux est loin d'être… évidente. il nous semble qu'il ne faille pas être
trop attaché aux mots utilisés par les juges. Ce qui importe, c'est la réalité du contrôle.
52. L'important est en effet que la jurisprudence de la Cour d'appel de Paris met en
oeuvre de manière récurrente (mais pas systématique) un contrôle « en droit et en fait »,
soit un contrôle plein ou total. trois exemples parmi d'autres peuvent être donnés. ainsi,
dans l'affaire Indrago, la Cour a déclaré qu'il appartenait au juge de l'annulation « de
rechercher, en droit et en fait, tous les éléments permettant de se prononcer sur l'illicéité
alléguée de la convention » ((125)) . dans l'affaire MK Group, la Cour a décidé que « si la
mission de la cour d'appel, saisie en vertu de l'article 1520 du Code de procédure civile est

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limitée à l'examen des vices énumérés par ce texte, aucune limitation n'est apportée au
pouvoir de cette juridiction de rechercher en droit et en fait tous les éléments concernant
les vices en question » ((126)) . de même, dans l'affaire République du Gabon, l'arrêt
énonce que « Lorsqu'il est prétendu qu'une sentence donne effet à un accord des parties
entaché de corruption, il appartient au juge de l'annulation, saisi d'un recours fondé sur
l'article 1520-5° du Code de procédure civile, de rechercher en droit et en fait tous les
éléments permettant de se prononcer sur l'illicéité alléguée de cet accord et d'apprécier si
la reconnaissance ou l'exécution de la sentence viole de manière manifeste, effective et
concrète l'ordre public international » ((127)) . Ce ne sont que des exemples d'une
tendance générale à contrôler en droit et en fait la conformité de la sentence à l'ordre
P 215
public international, c'est-à-dire à porter une appréciation, à la fois juridique et
factuelle, sur tous les éléments permettant de révéler ou non une atteinte à cet ordre
public.
53. Dans cette perspective, cette jurisprudence marque une vraie rupture avec l'ancienne
jurisprudence issue, notamment, de l'arrêt Thalès. au-delà des mots, c'est la substance
du contrôle qui s'en trouve modifiée, et, partant, approfondie. C'est en réalité un retour
au standard de contrôle posé de manière générale par la Cour de cassation en 1987 dans
l'affaire du Plateau des pyramides ((128)) . Cela montre que la jurisprudence suit des
oscillations, avec des tendances à un contrôle tantôt approfondi, tantôt allégé. la
période actuelle est assurément marquée par une volonté d'approfondir le contrôle,
sous réserve de ce que pourra dire la Cour de cassation dans le futur.
54. Il faut bien comprendre que l'approfondissement du contrôle a des limites. il n'est
pas question d'apprécier la qualité ou la rectitude du raisonnement conduit par les
arbitres. C'est le résultat de la sentence, la solution donnée au litige, qui doit être
contraire à l'ordre public international. Cette règle est enracinée en jurisprudence
depuis longtemps ((129)) . elle n'a pas varié. la Cour d'appel de Paris a ainsi rappelé que
« le contrôle exercé par le juge de l'annulation pour la défense de l'ordre public
international s'attache seulement à examiner si l'exécution des dispositions prises par le
tribunal arbitral heurte de manière manifeste, effective et concrète des principes et valeurs
compris dans l'ordre public international » ((130)) . Qui plus est, en matière internationale,
le texte de l'article 1520-5° du Code de procédure civile indique que c'est bien la
reconnaissance ou l'exécution de la sentence qui doit être contraire à l'ordre public
international. il faut donc s'attacher aux conséquences qu'aurait la sentence si effet
devait lui être donné dans l'ordre juridique français (en la considérant comme valable ou
en lui attribuant la force exécutoire). Comme l'écrivait emmanuel gaillard, « le contrôle
du respect de l'ordre public international est moins un contrôle de la sentence elle-même
[…] qu'un contrôle de l'intégrité de l'ordre juridique français lorsqu'il s'agit de faire pénétrer
P 216 en son sein un corps étranger » ((131)) . C'est dans ce sens que l'atteinte à l'ordre public
international doit toujours être « concrète et effective », ces éléments n'ayant jamais
varié et n'ayant jamais fait l'objet de critiques. ainsi, le tribunal arbitral peut admettre
la validité d'un contrat illicite (par exemple réalisant une pratique de corruption) sans
pour autant lui donner effet (ex. en rejetant la demande de paiement pour un autre motif
que l'illicéité du contrat). il faut donc s'attacher à ce qu'a décidé le tribunal arbitral (le
résultat) et non pas au raisonnement conduit (le chemin emprunté). dans le domaine
particulier des activités illicites, la jurisprudence met spécialement en oeuvre cette
approche concrète en appréciant si la reconnaissance ou l'exécution de la sentence «
aurait pour effet de faire bénéficier [une partie] du produit d'activités délictueuses » ((132)) .
il convient ainsi d'empêcher une partie de « retirer les bénéfices » d'une activité illicite
((133)) .
55. Dans ces conditions, il convient selon nous de dépasser l'opposition entre contrôle
minimaliste et contrôle maximaliste. il est nécessaire de distinguer la preuve de
l'atteinte à l'ordre public international (et donc son établissement) et l'intensité de la
violation de celui-ci (et donc sa caractérisation) ((134)) . dans la preuve de l'atteinte, le
contrôle se fait en droit et en fait, au besoin à l'aide d'un faisceau d'indices. dans
l'appréciation de l'intensité de l'atteinte, référence est faite à une violation « manifeste,
concrète et effective ». Comme le pensait, emmanuel gaillard, « Dans tous les cas, le
contrôle est plein, même si la relation entre la violation et la valeur protégée doit présenter
une certaine intensité pour que la violation de l'ordre public international soit caractérisée
» ((135)) . toujours selon le même auteur, « Ce n'est pas la preuve qui doit être manifeste,
mais la violation » ((136)) . dans le même esprit, Christophe Seraglini distingue l'objet du
contrôle (qui se réfère à une violation manifeste, effective et concrète de l'ordre public
P 217 international) et l'intensité du contrôle, qui est un contrôle en droit et en fait ((137)) .
Autrement dit, le raisonnement gagne à être décomposé en deux temps. tout d'abord, le
juge examine en droit et en fait tous les éléments qui entrent dans le périmètre du
contrôle (ex. l'existence de pratiques de corruption). en cela, le contrôle est plein (et
n'est pas limité aux seules énonciations de la sentence, mais porte aussi sur le fond de
l'affaire elle-même). ensuite, il en déduit, ou pas, une atteinte manifeste, effective et
concrète à l'ordre public international (ce, au regard de la solution qui est apportée par
les arbitres au litige). ainsi, le contrôle en droit et en fait permet au juge de vérifier si la
solution donnée par les arbitres porte atteinte de manière « manifeste » (donc
suffisamment établie ou qui résulte clairement du contrôle exercé) à l'ordre public
international. C'est la violation de l'ordre public international qui doit être manifeste et
non pas le contrôle qui devrait se limiter à ce qui serait manifeste, en d'autres mots

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évident. le premier arrêt rendu dans l'affaire Alstom peut être lu dans ce sens, la Cour
énonçant qu'il appartient à la cour « de rechercher, en droit et en fait, tous les éléments
[premier temps] permettant d'apprécier si la reconnaissance ou l'exécution de la sentence
viole de manière manifeste, effective et concrète [second temps] la conception française de
l'ordre public international » ((138)) . et si le lecteur est lassé de l'usage de qualificatifs («
flagrant », « manifeste », « évident », « clair », « incontestable », « qui crève les yeux »,
etc.), il suffira de considérer que le juge exerce un contrôle plein le conduisant à dire si
la solution donnée au litige par les arbitres entraîne ou non une violation de l'ordre
public international.
B) Les conséquences
56. Les conséquences de l'orientation jurisprudentielle décrite sont nombreuses.
57. Premièrement, il est possible de débattre pour la première fois devant le juge de
l'annulation de la violation de l'ordre public international. la solution n'est pas nouvelle
((139)) , mais elle a été réitérée dans des termes dépourvus d'équivoque. dans l'affaire
TCM, la Cour d'appel de Paris déclare que le juge contrôle la conformité de la sentence à
l'ordre public international « alors même que ce moyen n'avait pas été invoqué devant les
arbitres et que ceux-ci ne l'avaient pas mis dans le débat » ((140)) . dans l'affaire
P 218 République du Gabon, la Cour précise que « si la partie qui, en connaissance de cause et
sans motif légitime, s'abstient d'invoquer en temps utile une irrégularité devant le tribunal
arbitral, est réputée avoir renoncé à s'en prévaloir, cette règle ne fait pas obstacle aux
parties à invoquer de nouveaux griefs s'ils sont fondés sur l'article 1520, 5° du Code de
procédure civile et tirés de ce que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence violerait
de façon manifeste, effective et concrète l'ordre public international de fond, lesquels, en
raison de leur nature, peuvent être relevés d'office par le juge de l'annulation et soulevés
pour la première fois devant lui » ((141)) . le motif tiré de la violation de l'ordre public
international est donc une exception à la règle de la renonciation à se prévaloir des
irrégularités affectant la conduite de l'arbitrage (inscrite dans l'article 1466 CPC). Par sa
nature et son importance, ce grief est insusceptible de faire l'objet d'une renonciation.
58. Deuxièmement, l'éventuelle mauvaise foi de la partie qui invoque le grief tiré de la
violation de l'ordre public international n'est pas prise en compte. en matière de
corruption, la jurisprudence a décidé que « l'éventuelle mauvaise foi de la partie débitrice
est indifférente, dès lors qu'est seulement en cause le refus de l'ordre juridique français de
prêter le secours des voies de droit à l'exécution d'un contrat illicite » ((142)) . la règle nemo
auditur ne trouve donc aucune place (celle-ci étant en toute hypothèse irrelevante dans
la mesure où son seul objet est de faire obstacle aux restitutions consécutives au
prononcé de la nullité du contrat ((143)) ). il n'y a pas d'irrecevabilité du grief tirée de
l'article 1520-5° du Code de procédure civile du fait de la participation de la partie qui
l'invoque à une activité illicite. la solution ne s'applique pas uniquement aux affaires de
corruption, plus généralement en cas de participation à une activité illicite pénalement
sanctionnée ou sanctionnable. elle s'applique à toute cause d'illicéité. la Cour d'appel
de Paris a en effet décidé dans l'affaire Monster Energy qu'« il est indifférent que la société
Sainte-Claire [le distributeur français] ait pu effectivement bénéficier de ce contrat,
l'éventuelle mauvaise foi de celle-ci étant indifférente, dès lors qu'est seulement en cause le
P 219 refus de l'ordre juridique français de prêter le secours des voies de droit au paiement de
sommes ordonnées en vertu d'une sentence méconnaissant l'ordre public international
français » ((144)) . la hiérarchie est donc claire: le respect de l'ordre public international
l'emporte sur l'attitude des parties et leur éventuelle mauvaise foi. la défense des règles,
principes et valeurs essentiels de l'ordre juridique français est donc un absolu, qui ne
saurait être relativisé par le comportement des parties.
59. Troisièmement, le juge de l'annulation n'est pas lié par la décision des arbitres. dans
l'affaire Indrago, la Cour de Paris a décidé que, dans l'examen de la conformité de la
sentence à l'ordre public international, elle n'était pas liée « par les appréciations
portées par le tribunal arbitral » ((145)) . dans l'affaire Belokon, les juges ont ajouté qu'ils
n'étaient pas liés « par les constatations, appréciations et qualifications opérées » par les
arbitres ((146)) . Spécifiquement dans le domaine de la corruption, la même Cour de
Paris est venue dire que « le contrôle du juge de l'annulation ayant une finalité propre et
distincte, le fait que le tribunal arbitral ait dans le cadre de sa sentence déjà procédé à un
examen des indices de corruption dans le cadre de son appréciation de la validité ou de la
licéité du contrat ne saurait priver le juge de l'annulation de la faculté de procéder à
nouveau à cet examen pour s'assurer qu'une violation de l'ordre public international n'est
pas caractérisée » ((147)) . les solutions sont parfaitement logiques. dès lors que le juge du
contrôle examine en droit et en fait la conformité de la sentence à l'ordre public
international, il ne saurait être tenu ou contraint par la décision des arbitres. il n'est pas
lié par les appréciations factuelles (il peut dire qu'il y avait des opérations de
blanchiment d'argent, là où les arbitres avaient jugé le contraire). il n'est pas plus lié par
les appréciations juridiques (le juge peut considérer telle loi comme une loi de police,
alors que les arbitres avaient jugé l'inverse). C'est aussi une manière de ne pas laisser
prise à des motivations habiles, qui permettraient, à elles seules, de faire échapper la
sentence à une annulation ou un refus d'exequatur ((148)) . dans la même logique, le juge
P 220 du contrôle n'est pas lié par la loi choisie au fond par les parties ((149)) . C'est au
regard de la conception française de l'ordre public international que le contrôle est
exercé. le contenu et la nature du droit choisi par les parties et appliqué par les arbitres

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sont indifférents (il peut s'agir de la loi française, d'une loi étrangère ou d'un droit
anational, peu importe). C'est notamment dans cette perspective que la jurisprudence
française donne sa propre définition de la corruption internationale à l'aune de laquelle
le contrôle est pratiqué ((150)) .
60. Quatrièmement, le juge apprécie la conformité de la sentence à l'ordre public
international au jour où il statue. dans l'affaire République de Guinée, la Cour d'appel de
Paris a décidé que « la conformité d'une sentence arbitrale à l'ordre public international
s'apprécie aumoment où [le juge de l'annulation] statue sur celle-ci et non à la date à
laquelle elle a été rendue, ni a fortiori à la date des faits à l'origine de l'affaire » ((151)) .le
principe invoqué est celui de l'actualité de l'ordre public, bien connu en droit
international privé de manière générale et mis en oeuvre spécialement dans le contrôle
des sentences arbitrales ((152)) . l'appréciation de la contrariété de la sentence à l'ordre
public international est toujours concrète, d'autant plus que c'est la reconnaissance ou
l'exécution de la sentence qui compte (et non la sentence en tant que telle). dès lors,
deux hypothèses sont à distinguer.en premier lieu, une sentence qui entraînait une
contrariété à l'ordre public au jour où elle a été rendue peut ne plus contenir une telle
contrariété au jour où le juge du contrôle se prononce.tel est le cas si la cause de la
contrariété a disparu entre-temps (par exemple par la levée de mesures d'embargo).
dans cette première hypothèse, la sentence est sauvée par des circonstances
postérieures. en second lieu, une sentence parfaitement conforme à l'ordre public
international au moment où elle est rendue peut s'avérer postérieurement, par sa
reconnaissance ou son exécution, contraire à lui. de nouvelles mesures contraignantes
peuvent être adoptées (embargos, gels des avoirs, mesures prudentielles, etc.) après la
reddition de la sentence qui affectent alors les effets que l'ordre juridique français est
susceptible de lui faire produire.dans cette hypothèse, les arbitres n'ont aucun moyen
d'anticiper le futur, autrement dit le sort de la sentence à l'issue de son contrôle, car
P 221 ce futur est par définition inconnu d'eux.
61. Néanmoins, il n'est pas possible d'aller au-delà du moment où le juge du contrôle
statue. dans l'affaire ministère yéménite du Pétrole, une violation de l'ordre public
international était alléguée au regard des suites de l'exécution de la sentence. il était
prétendu, en substance, que la sentence était contraire à l'ordre public international en
ce qu'elle prévoyait le versement de sommes à des parties contrôlées par des autorités
qui commettaient des violations des droits de l'homme (en particulier la rébellion
houthiste). la Cour refuse de suivre ce moyen au motif que « La conformité d'une sentence
arbitrale à l'ordre public international s'appréciant au moment où le juge statue, ne
peuvent être prises en compte des circonstances futures hypothétiques présumant l'emploi
par l'une des parties au litige des sommes dues en exécution de la condamnation prononcée
par cette sentence à des agissements violant les valeurs et principes protégés par l'ordre
public international.Une telle prise en compte, en ce qu'elle supposerait d'anticiper sur des
événements futurs et porterait sur des actes qui, pour condamnables qu'ils soient, sont
détachables de ceux ayant conduit à la sentence et sur lesquels le tribunal arbitral a statué,
relève d'un contrôle qui échappe au juge de l'annulation de la sentence » ((153)) .Peu
importent donc les suites de l'exécution et l'usage possible ou probable des sommes
allouées par la sentence.Si le juge doit apprécier la conformité de la sentence au
moment où il statue, il ne peut anticiper le futur et se projeter dans l'« après » de
l'exécution. le contrôle porte sur la manière dont l'affaire soumise aux arbitres a été
jugée par eux et sur la solution concrètement apportée au litige ((154)) .
62. Cinquièmement, le juge du contrôle de la sentence est un juge civil et bien
évidemment pas un juge pénal ((155)) . lorsque l'illicéité d'une pratique ou d'un contrat
est en parallèle susceptible de faire l'objet d'une qualification pénale (ce qui est le cas
P 222 typique de la corruption ou du blanchiment d'argent), le juge du contrôle de la
sentence ne s'intéresse pas à l'aspect pénal. dans l'affaire Belokon, les juges parisiens
ont posé que « l'examen de ce grief [fondé sur la contrariété à l'ordre public
international] n'est pas subordonné à l'intervention préalable d'une condamnation pénale
du chef de blanchiment » ((156)) . de même, le juge du contrôle de la sentence n'est pas
juge de l'incrimination pénale. toujours dans l'affaire Belokon, la Cour a déclaré qu'« il
n'entre pas dans la mission de cette cour, saisie d'un recours en annulation d'une sentence
internationale, de rechercher si une partie à l'arbitrage peut être déclarée coupable de délit
de blanchiment en application des dispositions pénales d'un ordre juridique national […] »
((157)) . le juge n'est donc pas là pour dire qu'une infraction pénale est constituée (ni au
regard du droit français ni, encore moins, au regard d'un droit étranger). Son rôle est
d'apprécier la conformité de la sentence à l'ordre public international en vue de lui faire
produire, ou non, effet dans l'ordre juridique français. toutefois, le juge du contrôle, en
tant que juge civil, est tenu par l'autorité de la chose jugée au pénal, ce qui s'est produit
dans l'affaire Indrago ((158)) et ce qui facilite la tâche du juge dans l'établissement de
l'illicéité de l'opération.
63. Sixièmement, il est possible d'alléguer devant le juge de l'annulation de nouveaux
faits, non invoqués devant les arbitres. il ne s'agit pas de faits s'étant produits après le
prononcé de la sentence, mais de faits préexistants et révélés après. il peut s'agir par
exemple de pratiques de corruption dont l'existence est mise au jour après la sentence
et dont les arbitres n'avaient pas connaissance au moment où ils ont statué. Ce fut le cas
dans l'affaire République du Gabon où la Cour d'appel de Paris a retenu l'existence de
faits de corruption « dont le tribunal arbitral n'avait pas connaissance au jour de la

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sentence » ((159)) . Cette solution confirme que c'est bien l'exécution de la sentence, et
non la sentence elle-même, qui doit être contraire à l'ordre public international. Ce sont
donc les effets concrets que la sentence est appelée à produire dans l'ordre juridique
P 223 français qui sont concernés.
64. Septièmement, il est possible de produire devant le juge du contrôle de nouvelles
preuves (de nouvelles pièces ou de nouveaux témoins). dans l'affaire Belokon, la Cour
d'appel de Paris a ainsi décidé que la recherche menée pour la défense de l'ordre public
international « n'est pas limitée aux éléments de preuve produits devant les arbitres »
((160)) . une fois encore la solution est conforme à la logique d'un contrôle en droit et en
fait de la conformité à l'ordre public international. la véritable limite tient dans le
respect du principe de la contradiction et de l'égalité des armes. toujours dans l'affaire
Belokon, la Cour s'est exprimée de la sorte: « la Cour doit seulement s'assurer que la
production des éléments de preuve devant elle respecte le principe de la contradiction et
celui d'égalité des armes et que chaque partie a été mise en mesure de présenter sa cause
dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation substantiellement
désavantageuse vis-à-vis de son adversaire » ((161)) . il est ainsi possible, devant le juge du
contrôle, de faire déclarer irrecevables des preuves obtenues de manière déloyale
((162)) .
65. Huitièmement, conformément au pouvoir général d'instruction dont il dispose, le juge
du contrôle a le pouvoir de prononcer la réouverture des débats et d'ordonner une
injonction de produire des pièces. la Cour d'appel de Paris a utilisé ces pouvoirs dans
son premier arrêt rendu dans l'affaire Alstom ((163)) . dans cette affaire, les arbitres
n'avaient pas admis des faits de corruption et à l'appui de leurs recours, les recourants
ne posaient pas de front cette question (et invoquaient en substance la méconnaissance
des stipulations contractuelles destinées à prévenir la corruption, à savoir les clauses de
compliance). Pour se faire une religion, la Cour d'appel a rouvert les débats et a ordonné
la production des pièces pertinentes, ce qui a permis, par la suite, à la Cour d'infirmer
P 224 l'ordonnance d'exequatur sur le chef de la violation de l'ordre public international
((164)) . Ce pouvoir d'investigation permet au juge du contrôle d'aller à la recherche
d'une éventuelle atteinte à l'ordre public international, que les écritures des parties et
les pièces produites par elles ne suffiraient pas à révéler.
66. Neuvièmement, pour apprécier l'illicéité de l'opération objet du litige arbitral (un
contrat ou un investissement), le juge peut se contenter d'un faisceau d'indices « graves,
précis et concordants » tant en matière de corruption ((165)) que de blanchiment
d'argent ((166)) . l'usage de la méthode des « red flags » a été suffisamment commenté
pour qu'il soit inutile d'y consacrer des développements spécifiques ((167)) . Notons
simplement que cette méthode facilite l'établissement de faits de corruption ou de
blanchiment, sans avoir à exiger une preuve directe de ceux-ci. Notons également que
cette méthode a tendance à essaimer au-delà des activités illicites pénalement
réprimées. dans l'affaire Asperbras, le recourant avançait l'existence d'indices graves,
précis et concordants de fraude ((168)) . dans l'affaire ministère yéménite du Pétrole, les
recourants se fondaient sur l'existence d'un faisceau d'indices permettant, selon eux, de
conclure à la violation de l'ordre public international (au regard de violations des droits
de l'homme et du droit international humanitaire ainsi que de sanctions internationales
et européennes) ((169)) . dans ces deux dernières affaires, la Cour n'a pas repris à son
compte l'argumentation fondée sur des faisceaux d'indices, mais l'on voit prospérer une
telle technique dans l'articulation des recours. C'est une manière de tenter d'alléger le
fardeau de la preuve.
67. Plusieurs enseignements sont à tirer de cette évolution jurisprudentielle.tout d'abord,
le juge accepte d'entrer en matière et d'aborder des questions de fond (notamment la
licéité de l'opération litigieuse). le juge du contrôle assume sa tâche: il contrôle. ensuite,
la question de la preuve de la contrariété à l'ordre public international est devenue
P 225 centrale: puisque le juge entre en matière, il faut lui donner cette matière et donc
prouver à la fois factuellement et juridiquement les éléments conduisant à une
contrariété à l'ordre public international. des recours échouent sur cette seule base
((170)) . de plus, on note une longueur particulière des arrêts, comme dans l'affaire
Belokon par exemple. Cela expose le juge du contrôle, qui est une cour d'appel, à la
censure de la Cour de cassation, notamment du chef de la dénaturation. en effet, plus le
juge en dit et plus il s'expose à la censure. un tel risque s'est réalisé dans l'affaire Alstom.
Comme l'écrit Charles Jarrosson: « Dès lors que le juge de l'annulation (ou le juge statuant
sur appel de l'ordonnance d'exequatur) entend très largement son office […], il prend le
risque, en effectuant ainsi sur la sentence un contrôle dont les limites tutoient celles de la
révision, de passer à côté d'éléments importants du dossier, voire de les dénaturer » ((171)) .
enfin, la jurisprudence crée un appel d'air chez les plaideurs. les annulations ou les refus
d'exequatur sur le fondement de l'article 1520-5° du Code de procédure civile étant plus
nombreux qu'avant, les recourants tentent de profiter de cette jurisprudence plus
accueillante.a ce titre, les recourants invoquent rituellement l'existence d'un «
consensus international » et se fondent fréquemment sur un faisceau « d'indices, graves
précis et concordants ». C'est la tâche des juges d'endiguer ce flux, car les plaideurs sont
tentés de s'engouffrer dans la brèche.
)
68. Faut-il s'émouvoir de l'évolution jurisprudentielle décrite? il demeure bien entendu

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des points en suspens, notamment au regard du principe de non-révision au fond des
sentences ((172)) . la question fondamentale à nos yeux porte sur l'éventuelle remise en
cause de l'autonomie de l'arbitrage international. est-ce qu'un contrôle approfondi de la
sentence au regard de l'ordre public international met en danger l'autonomie de
l'arbitrage? il nous semble que non. le respect de l'ordre public est à la fois la condition
et la limite de l'autonomie de l'arbitrage international. et pour qu'une limite réelle soit
posée, encore faut-il que le contrôle de la conformité à l'ordre public international soit
P 226 effectif. emmanuel gaillard, principal défenseur de l'autonomie de l'arbitrage
international et de l'ordre juridique arbitral, voyait d'un bon oeil cette jurisprudence. il
écrivait à ce titre que « La méthode ne contredit pas la reconnaissance par le juge français
de l'existence d'un ordre juridique arbitral. Celle-ci consiste à traiter l'arbitrage à l'égal d'un
ordre juridique étatique ou du droit international et la sentence comme une décision de
justice internationale et non comme le produit d'un autre ordre juridique étatique, fût-il
celui du siège. Elle ne revient pas en revanche à abdiquer, lors du passage de l'ordre
juridique arbitral à celui de l'ordre juridique français, le contrôle que celui-ci estime
nécessaire pour accepter en son sein une décision qui n'en fait pas déjà partie » ((173)) .
Bien plus, la jurisprudence française conduit à renforcer la prise de conscience chez les
arbitres de la nécessité de traiter sérieusement les questions liées à l'ordre public
international, en particulier en matière de lutte contre le blanchiment et la corruption.
les arbitres doivent ainsi être conscients de l'impact sociétal de leur activité. C'est l'idée
de « responsabilité » (qui trouve son expression véritable à travers le terme anglais d'«
accountability » qui oblige à rendre des comptes, principalement à la société tout
entière). Comme le pense un auteur, « the so-called arbitration epistemic community has
to avoid the temptation of feeling and acting like it is the centre of the universe, without
taking into account at all times, not only states' sensitivities, but also users' requirements »
P 226 ((174)) . la jurisprudence française ne peut que servir d'aiguillon en ce sens.

References
*) le présent article était sous presse au moment où la première Chambre civile de
la Cour de cassation a rendu son arrêt dans l'affaire Belokon c/ République du
Kirghizistan (23 mars 2022, n° 17-17.981) prononçant le rejet du pourvoi.
(1)) la seule différence consiste dans la réarticulation des voies de recours. depuis
2011, contrairement au droit antérieur, c'est le recours en annulation qui sert de
matrice et pose les cas d'ouverture (applicables également dans le contexte de
l'appel contre l'ordonnance d'exequatur par renvoi de l'article 1525 al.4 CPC).
toutefois, cette réorganisation, qui vaut pour tous les cas ouverture, n'a pas
d'impact sur l'examen des griefs recevables à l'encontre d'une sentence.
(2)) Cour suprême des etats-unis, 2 juillet 1985, 473 US 614, Mitsubishi Motors corp c/
Soler Chrysler-Plymouth, Inc.; J. Int'l. Arb., 1985.82; Rev. arb., 1986.273 (en français).
(3)) G. bermann observe néanmoins que, depuis l'arrêt Mitsubishi, les tribunaux
fédéraux américains n'ont pas eu l'occasion de se prononcer concrètement sur le
contrôle a posteriori des sentences au regard du droit antitrust (« l'émergence de
la faveur judiciaire à l'arbitrage: Mitsubishi Motors corp. c/ Soler Chrysler-Plymouth,
Inc. », in H. Muir Watt et alii (dir.), Le tournant global en droit international privé,
Pedone, 2020, p. 153).
(4)) Paris, 30 septembre 1993, Rev. arb., 1994.359, note d. bureau; Rev. crit. DIP, 1994.349,
note v. Heuzé; RTD com., 1994.703, obs. J.-C.dubarry et e. loquin. Rejet du pourvoi
par Cass. civ. 1re, 19 décembre 1995, Rev. arb., 1996.49, note d. bureau; RTD com.,
1996.667, obs. J.-C. dubarry et e. loquin.
(5)) G. Cordero-Moss, « arbitrabilité et contrôle judiciaire: une mise en balance », in H.
Muir Watt et alii (dir.), Le tournant global en droit international privé, préc., p. 159.
(6)) Paris, 7 avril 2011, République de Guinée équatoriale, Rev. arb., 2011.747, note S.
bollée et b. Haftel.
(7)) v., récemment, Paris, 9 mars 2021, Rev. arb., 2021.584; Paris, 13 avril 2021, Rev. arb.,
2021.589; Paris, 11 mai 2021, n° 18/07442.
(8)) v., par ex., Paris, 19 octobre 2021, n° 18/01254, Monster Energy; Dalloz actualité, 19
nov. 2021, obs. J. Jourdan-Marques. Sur cet arrêt, v. infra,v. Chantebout, « la
contestation de la validité de la clause compromissoire sur le fondement d'un vice
du consentement et de l'impécuniosité du défendeur », infra, p. 318.
(9)) v. Chantebout, Le principe de non-révision au fond des sentences arbitrales, thèse
dactyl., université Paris ii, 2007.
(10)) Paris, 18 novembre 2004, Rev. arb., 2005.751; JDI, 2005.357, note a. Mourre; JCP, 2005,
i, 134, no 8, obs. Ch. Seraglini; Rev. crit. DIP, 2006.104, note S. bollée. v. l.g. Radicati
di brozolo, « l'illicéité « qui crève les yeux »: critère de contrôle des sentences au
regard de l'ordre public international (à propos de l'arrêt Thalès de la Cour
d'appel de Paris) », Rev. arb., 2005.529; Ch. Seraglini, « l'affaire thalès et le non-
usage immodéré de l'exception d'ordre public (ou les dérèglements de la
déréglementation) », in Les cahiers de l'arbitrage, Gaz. Pal., 21-22 oct. 2005, p. 5.

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(11)) Cass. civ. 1re, 4 juin 2008, Rev. arb., 2008.473, note i. Fadlallah; JDI, 2008.1107, note
a. Mourre; D., 2008.3118, obs. th. Clay; RTD com., 2008.518, obs. e. loquin; JCP, 2008,
i, 164, n° 8, obs. Ch. Seraglini.
(12)) Paris, 22 octobre 2009, Rev. arb., 2010.124, note F.-X. train.
(13)) v., notamment, P. Mayer, « la sentence contraire à l'ordre public au fond », Rev.
arb., 1994.615; l.-Ch. delanoy, « le contrôle de l'ordre public au fond par le juge de
l'annulation: trois constats, trois propositions », Rev. arb., 2007.177; P. Mayer, «
l'étendue du contrôle, par le juge étatique, de la conformité des sentences
arbitrales aux lois de police », in Mélanges H. Gaudemet-Tallon, Dalloz, 2008, p.
459; Ch. Seraglini, « le contrôle de la sentence au regard de l'ordre public
international par le juge étatique: mythes et réalités », Cah. arb., 2009.5; Ch.
Jarrosson, « l'intensité du contrôle de l'ordre public », in e. loquin et S. Manciaux
(dir.), L'ordre public et l'arbitrage, lexisNexis, 2014, p. 161; P. de vareilles-
Sommières, « la sentence arbitrale étrangère contraire à une loi d'ordre public du
for », JDI, 2014.813; P. Pic &a. Rajan, « the Public Policy exception in international
arbitration: a Snapshot From Franc », Indian Journal of arbitration law, 2017.197;
R.v.Wheeler, « Recent developments in the Paris Court of appeal's approach to
public policy », Revista Brasileira de Arbitragem, 2019.106; th. granier, « Recent
developments on the French courts' approach to arbitral awards involving public
interests », Revista Brasileira de Arbitragem, 2019.65; a. Carlevaris, « le contrôle de
la sentence au regard des intérêts publics », in FRANCARBI, Arbitrage international
et intérêts publics, bruylant, 2019, p. 77; Ch. Seraglini, « le contrôle par le juge de
l'absence de contrariété de la sentence à l'ordre public international: le passé, le
présent, le futur », Rev. arb., 2020.347. v., aussi, J. Jourdan-Marques, Le contrôle
étatique des sentences arbitrales internationales, LGDJ, bibliothèque de droit privé,
2017, p. 265 et s.
(14)) a. Mourre, « le libre arbitre, ou l'aveuglement de Zaleucus (variations sur
l'arbitrage, l'ordre public et le droit communautaire) », in Mélanges F. Knoepfler,
Helbing & lichtenhahn, 2005, p. 283. Posant la question, mais y répondant par la
négative, v. b. Hanotiau, « Faut-il abandonner le contrôle de la sentence arbitrale
au regard de l'ordre public? », LPA, 11 oct., 2010.7.
(15)) Pour le dernier exemple connu, v. Paris, 5 avril 1990, Courrèges, Rev. arb., 1992.110,
note H. Synvet; Rev. crit. DIP, 1991.580, note C. Kessedjian.
(16)) Cass. civ. 1re, 29 septembre 2021, Rev. arb., 2021.687, obs. Ch. Jarrosson; Dalloz
actualité, 19 nov. 2021, obs. J. Jourdan-Marques.
(17)) Sur les liens entre doctrine et jurisprudence, v. d. Hascher, « l'influence de la
doctrine sur la jurisprudence française en matière d'arbitrage », Rev. arb.,
2005.391.
(18)) Paris, 14 juin 2001, Tradigrain, Rev. arb., 2001.773, note Ch. Seraglini.
(19)) Paris, 26 janvier 2021, Consorts S., Rev. arb., 2021.827, note J.-b. Racine.
(20)) Paris, 21 mars 2017, Ministère yéménite du Pétrole, Rev. arb., 2018.587, note P. de
vareilles-Sommières.
(21)) Paris, 16 mai 2017, République démocratique du Congo, JDI, 2017.1361, note e.
gaillard; Rev. arb., 2018.248, note J.-b. Racine.
(22)) Paris, 16 janvier 2018, MK Group, JDI, 2018.883, note S. bollée et ibid., 898, note e.
gaillard; Rev. arb., 2018.401, note S. lemaire.
(23)) Paris, 20 décembre 2018, Garoubé, Rev. arb., 2019.472, note J.-b. Racine.
(24)) Paris, 3 juin 2020, TCM, Rev. arb., 2020.1121, note J.-Y. garaud, g. de Rancourt et C.
Martini.
(25)) Paris, 26 janvier 2021, préc.
(26)) Paris, 13 avril 2021, République de Guinée, Rev. arb., 2021.586.
(27)) Paris, 11 mai 2021, Asperbras, n° 18/06076.
(28)) Paris, 25 mai 2021, République du Gabon, Rev. arb., 2021.593.
(29)) Paris, 16 janvier 2018, préc. Notons qu'en l'espèce, la Cour a surtout pris en compte
la fraude à la loi laotienne, plus particulièrement l'obtention frauduleuse d'une
autorisation administrative à laquelle la loi subordonnait l'exploitation des
ressources naturelles sur le territoire.
(30)) S. bollée, note sous Paris, 16 janvier 2018, préc., p. 897.
(31)) Paris, 16 janvier 2018, MK Group, préc.: « il est en principe indifférent que la sentence
soumise au juge français ait fait l'objet d'un refus d'exequatur pour violation de
l'ordre public dans l'Etat dont les dispositions de police s'appliquent au contrat
litigieux ».
(32)) Paris, 16 janvier 2018, préc.
(33)) Paris, 3 juin 2020, TCM, préc.
(34)) Paris, 13 avril 2021, République de Guinée, préc.
(35)) le juge, pour apprécier le caractère de loi de police d'une loi étrangère, doit se
référer aux qualifications et critères posés par la loi concernée. C'est la loi
étrangère qui doit se qualifier elle-même de loi de police. la qualification ne se
fait donc pas selon les critères du for français mais d'après ceux de la loi
étrangère invoquée (v. P. Mayer, « les lois de police étrangères », JDI, 1981.277,
spéc., n° 19, p. 294).

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(36)) il est piquant de remarquer à propos de l'affaire MK Group (Paris, 16 janvier 2018,
préc.), et comme rappelé par e. gaillard (note préc., p. 901), que la France avait, à
l'époque, voté contre la Résolution de l'ONu du 14 décembre 1962 sur la
souveraineté permanente des peuples sur leurs ressources naturelles. le principe
relève cependant désormais du droit coutumier.
(37)) Paris, 16 mai 2017, préc.
(38)) Paris, 13 avril 2021, préc.
(39)) Paris, 25 mai 2021, préc.
(40)) Comme le relève e. gaillard, « L'Etat qui a incontestablement accepté une
convention, signée par plusieurs ministres, présentée en conseil des ministres et qui a
donné lieu à une conférence de presse, ne peut se retrancher derrière la violation de
son code des marchés pour en soutenir la contrariété à l'ordre public international »
(note sous Paris, 16 mai 2017, préc., p. 1380).
(41)) déjà J.-P. Niboyet se référait à un « ordre public non plus seulement national, mais
universel, tel que l'interdiction de la piraterie, de la contrebande, etc. et auquel seule
convient la terminologie de l'ordre public international trop malencontreusement
utilisée si souvent pour désigner simplement l'ordre public national » (note sous
tribunal civil de la Seine, 2 juillet 1932, Rev. crit. DIP, 1934.770, spéc. p. 772).
(42)) Paris, 16 janvier 2018, MK Group, préc.
(43)) Paris, 21 février 2017, Belokon, Rev. arb., 2017.915, note S. bollée et M. audit; D.,
2017.2054, obs. S. bollée; ibid. 2570, obs. th. Clay; RDC, 2017.304, note X. boucobza et
Y.-M. Serinet; JDI, 2017, comm. 20, 3e esp., note e. gaillard.
(44)) v. supra, n° 14 et s.
(45)) S. bollée, note sous Paris, 16 janvier 2018, préc., p. 896.
(46)) J.-b. Racine, L'arbitrage commercial international et l'ordre public, LGDJ,
bibliothèque de droit privé, 1999, p. 460 et s.
(47)) S. lemaire, note sous Paris, 16 janvier 2018, préc., n° 46, p. 420.
(48)) Paris, 3 juin 2020, TCM, préc.
(49)) Pour une critique de cet usage, v. J.-Y. garaud, g. de Rancourt et C. Martini, note
sous Paris, 3 juin 2020, préc., pp. 1148-1149.
(50)) CJCE, 9 novembre 2000, Ingmar, JDI, 2001.511, 2e esp., note J.-M. Jacquet; Rev. crit.
DIP, 2001.107, note l. idot.
(51)) M. audit, « l'effet des sanctions économiques internationales sur l'arbitrage
international », in L'ordre public et l'arbitrage, op. cit., p. 143, spéc. p. 153.
(52)) Sur cette distinction, v. P. Mayer, « la sentence contraire à l'ordre public au fond »,
préc. v., du même auteur, dans une optique plus générale, « Rapport introductif: la
diversité des aspects de l'impérativité en droit international des affaires », in S.
lemaire et l. Perreau-Saussine (dir.), L'impérativité en droit international des
affaires: questions d'actualité, SLC, 2020, p. 7.
(53)) En sens inverse, notons une décision qui a refusé de considérer les incoterms
comme relevant de l'ordre public international: Paris, 29 juin 2021, CMRT, en somm.
in Rev. arb., 2021.964 (« Les Incoterms sont des clauses contractuelles types qui n'ont
vocation à s'appliquer que sur accord des parties, de sorte qu'elles ne sauraient être
considérées comme faisant partie de l'ordre public international »). la solution est
des plus logiques, dans la mesure où les incoterms ne sont pas contraignants et
restent à la disposition des parties.
(54)) Paris, 30 septembre 1993, préc.
(55)) En ce sens, par exemple, Paris, 17 novembre 2020, Sorelec, Dalloz actualité, 15 janv.
2021, obs. J. Jourdan-Marques; D., 2020.2484, obs. th. Clay; JDI, 2021.1021, note i.
Fadlallah; Rev. arb., 2021.748, 2e esp., note P. Mayer.
(56)) Rappelons les mots de K.annan dans son avant-propos à la Convention de Mérida
de 2003: « La corruption est un mal insidieux dont les effets sont aussi multiples que
délétères. Elle sape la démocratie et l'Etat de droit, entraîne des violations des droits
de l'homme, fausse le jeu des marchés, nuit à la qualité de la vie et crée un terrain
propice à la criminalité organisée, au terrorisme et à d'autres phénomènes qui
menacent l'humanité ».
(57)) Paris, 17 novembre 2020, préc.
(58)) Sur la question de la réaction des arbitres en matière de corruption, v. e.
gaillard,« la corruption saisie par les arbitres du commerce international », Rev.
arb., 2017.805.
(59)) Paris, 27 septembre 2016, Rev. arb., 2017.942; JDI, 2017.1361, 4e esp., note e. gaillard
(rejet du pourvoi par Cass. civ. 1re, 13 septembre 2017, Rev. arb., 2017.900; JDI,
2017.1361, 1re esp., note e. gaillard; Procédures, nov. 2017, comm. 268, obs. l.
Weiller; JCP E., 2018.1188, obs. Ch. Seraglini; JCP E., 2018.1282, obs. C. Nourissat; Bull.
ASA, 2018.31, obs. a.-M. lacoste).
(60)) Paris, 28 mai 2019, Rev. arb., 2019.850, note e. gaillard; Cah. arb., 2020.289, note l.-
Ch. delanoy et R. dethomas; JDI, 2020.667; Gaz. Pal., 2 juil. 2019.22, obs. d. bensaude
(cassé sur le chef de la dénaturation par Cass. civ. 1re, 29 septembre 2021, préc.).
(61)) Paris, 17 novembre 2020, préc.
(62)) Paris, 25 mai 2021, Rev. arb., 2021.748, 3e esp., note P. Mayer.

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(63)) Paris, 4 mars 2014, Gulf leaders, D., 2014.1967, obs. S. bollée; ibid., 2541, obs. th. Clay;
Rev. arb., 2014.955, obs. l.-Ch. delanoy; Paris, 14 octobre 2014, République du Congo,
D., 2014.2541, obs. th. Clay; Paris, 4 novembre 2014, SAS Man Diesel, RTD com.,
2015.67, obs. e. loquin; Rev. arb., 2015.543, note a. de Fontmichel; Paris, 16 mai 2017,
République démocratique du Congo, préc.; Paris, 30 juin 2020, Sheikh Faisal, Rev.
arb., 2021.120, note th. granier; Paris, 27 octobre 2020, République du Bénin, Rev.
arb., 2021.748, 1re esp., note P. Mayer; Paris, 25 mai 2021, Etat de Libye c/ Cengiz;
Rev. arb., 2021.1154, note g. bertrou, H. Piguet et d. bayandin; Paris, 7 septembre
2021, République de Guinée, en somm. in Rev. arb., 2021.974.
(64)) Sur cette question, v. a. de lotbinière Mcdougall, « international arbitration and
Money laundering », Am. U. Int'l L. Rev., 2005, vol. 20, n° 5, p. 1021; O. Cachard,
«arbitrage et soupçons de blanchiment de revenus issus d'activités illicites », in
Mélanges J.-M. Jacquet, lexisNexis, 2013, p. 53.
(65)) Paris, 21 février 2017, préc.
(66)) v. supra, n° 16.
(67)) v. supra, n° 21.
(68)) Paris, 3 juin 2020, TCM, préc.
(69)) Paris, 3 juin 2020, TCM, préc.
(70)) Paris, 13 avril 2021, République de Guinée, préc.: « Ces mesures d'embargo
prononcées par l'Union européenne, en ce qu'elles visent à contribuer au maintien ou
au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales, relèvent de la
conception française de l'ordre public international dès lors que les règles et valeurs
ainsi véhiculées font partie de celles dont l'ordre juridique français ne doit pouvoir
souffrir la méconnaissance ».
(71)) Paris, 5 octobre 2021, Ministère yéménite du Pétrole, n° 19/16601.
(72)) Paris, 26 janvier 2021, Consorts S., préc.
(73)) Sur ce point, v. Y. banifatemi, « la lutte contre le financement du terrorisme
international », AFDI, 2002.103; J. Chappez, « la lutte internationale contre le
blanchiment de capitaux d'origine illicite et le financement du terrorisme », AFDI,
2003.542.
(74)) v., notamment, Ch. Jarrosson, « l'arbitrage et la Convention européenne des droits
de l'homme », Rev. arb., 1989.573; C. Chainais, « exigences du procès équitable et
arbitrage: existence et essence du droit à un procès arbitral équitable », in l.
Milano (dir.), Convention européenne des droits de l'homme et droit de l'entreprise,
anthemis, 2016, p. 265.
(75)) Paris, 5 octobre 2021, Ministère yéménite du Pétrole, préc.
(76)) Cass. civ. 1re, 1er décembre 2010, Rev. crit. DIP, 2011.93, note H. gaudemet-tallon;
JDI, 2011.614, note O. boskovic.
(77)) Paris, 25 février 2020, Rev. arb., 2020.207, note d. bureau; JDI, 2020.1295, note e.
gaillard. v., dans le même sens, Paris, 25 juin 2019, n° 16/04150, Cah. arb., 2019.349,
n° 2 et s.
(78)) Paris, 11 mai 2021, préc.
(79)) v. supra, n° 14 et s.
(80)) v. supra, n° 19 et s.
(81)) v. infra, n° 36 et s.
(82)) Paris, 7 avril 2011, République de Guinée équatoriale, préc.
(83)) Sur la jurisprudence, v. J.-b. Racine, L'arbitrage commercial international et l'ordre
public, op. cit., p. 499 et s.; Ph. Fouchard, «arbitrage et faillite », Rev. arb., 2003.207.
(84)) Paris, 15 septembre 2020, Sharmel, en somm. in Rev. arb., 2020.932 (refus
d'exequatur en France d'une sentence rendue en Suisse au motif que, contenant
une condamnation à payer à l'encontre d'une partie qui faisait l'objet d'une
procédure de redressement judiciaire en France, la sentence avait été prononcée
au mépris du principe d'égalité des créanciers et d'arrêt des poursuites
individuelles et méconnaissait ainsi l'ordre public international).
(85)) Paris, 7 avril 2011, préc.
(86)) v. aussi, pour une procédure ouverte en belgique, Paris, 9 avril 2009, Cah. arb.,
2010.889, 2e esp., note e. loquin; en somm. in Rev. arb., 2009.436.
(87)) S. bollée et b. Haftel, note sous Paris, 7 avril 2011, préc., pp. 759-760.
(88)) P. thieffry, « l'arbitrage et le droit européen de l'environnement », Rev. arb.,
2019.1069.
(89)) l. greenwood, «the Canary is dead: arbitration and Climate Change », J. int'l. arb.,
2021.309.
(90)) l. bizikova et S. Salem, « l'arbitrage commercial comme mode de résolution des
litiges en lien avec le changement climatique. acquis et requis », RLDA, 2020.139.
(91)) S'agissant de l'invocation d'une réglementation camerounaise relative à la
protection de l'environnement, v. Paris, 20 décembre 2018, Garoubé, préc.
(92)) « du droit de la régulation au droit de la compliance », in M.-a. Frison-Roche (dir.),
Régulation, supervision, compliance, Dalloz, 2017, p. 1.
(93)) v., M.-a. Frison-Roche et J.-b. Racine (dir.), Compliance et arbitrage, à paraître in M.-
a. Frison-Roche (dir.), La juridictionnalisation de la compliance, Dalloz-JORC, 2022.
(94)) v. l'affaire Alstom (Paris, 28 mai 2019, préc.).
(95)) P. Mayer, « la sentence contraire à l'ordre public au fond », préc.; Ch. Seraglini, Lois
de police et justice arbitrale internationale, Dalloz, 2001, p. 156 et s.; J. Jourdan-
Marques, Le contrôle étatique des sentences arbitrales internationales, op. cit., p. 277
et s.

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(96)) P. Mayer, « la sentence contraire à l'ordre public au fond », préc., n° 34, p. 643.
(97)) Paris, 19 octobre 2021, préc.
(98)) Sur cette loi, v. J.-F. Calmette et th. M'Saïdié, « Commentaire de la loi n° 2012-1270
du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant
diverses dispositions relatives aux outre-mer », RRJ, 2013.865. v. aussi, v. lurel, « le
retour de l'etat régulateur en Outre-mer », Rev. Concurrences, n° 2-2013, art. N°
51494, p. 5.
(99)) art. l. 420-2-1 al.1 C. com.: « Sont prohibés, dans les collectivités relevant de l'article
73 de la Constitution et dans les collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy, de
Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, les accords ou
pratiques concertées ayant pour objet ou pour effet d'accorder des droits exclusifs
d'importation à une entreprise ou à un groupe d'entreprises ».
(100)) Ch. Seraglini, Lois de police et justice arbitrale internationale, op. cit., p. 184 et s.
(101)) Paris, 23 novembre 2021, n° 19/15670, en somm. in Rev. arb., 2021.1288; Dalloz
Actualité, 21 janvier 2022, obs. J. Jourdan-Marques, JCP G, 2022, 148 p. 237, obs. C.
Nourissat.
(102)) CJCe, 9 novembre 2000, préc.
(103)) Com. 28 novembre 2000, JDI, 2001.511, 1re esp., note J.-M. Jacquet.
(104)) Cass. civ. 1re, 21 octobre 2015, n° 14-20.924; Cass. com., 5 janvier 2016, JCP E., n° 11,
1154 obs. C. Nourissat; D., 2016.1047, obs. H. gaudemet-tallon. Ce dernier arrêt est
très clair en ce qu'il décide que « la loi du 25 juin 1991, codifiée aux articles L. 134-1
et suivants du code de commerce, loi protectrice d'ordre public interne, [n'est] pas
une loi de police applicable dans l'ordre international ».
(105)) Résolution 2/2002, art. 1(d): « L'ordre public international d'un Etat comprend […] (ii)
les règles destinées à servir les intérêts politiques, sociaux ou économiques de l'Etat,
connues sous l'appellation de "lois de police" ou "lois d'ordre public" » (Rev. arb.,
2002.1061 avec la présentation de P. Mayer).
(106)) Cass. Ch. mixte, 30 novembre 2007, Agintis, RDC, 2008.508, obs. P. deumier; JCP,
2008. ii. 10000, note l. d'avout; JCP E., 2008.1201, note P. berlioz; Gaz. Pal., 2008.82,
note M.-l. Niboyet. Pour une application en matière d'arbitrage, v., Paris, 23
octobre 2018, Lavalin, Rev. arb., 2019.508, note v. Chantebout (travaux effectués au
Maroc).
(107)) en matière d'agence commerciale, la Cour d'appel de Paris, dans l'affaire Daum, a
raisonné de la sorte en constatant que le contrat ne s'était pas exécuté en France,
plus largement sur le territoire d'un etat membre de l'union européenne. dans ce
cas, les dispositions relevaient « exclusivement de l'ordre public interne sans
pouvoir être opposées à une sentence internationale » (Paris, 23 octobre 2012, Rev.
arb., 2013.170, note l. d'avout).
(108)) Adde, l. d'avout (note sous Paris, 23 octobre 2012, préc., pp. 179-180): « il est difficile
pour un organe judiciaire français de dissocier le traitement des lois de police locales
en les scindant en deux catégories, celles dont l'impérativité serait abandonnée au
seuil de l'arbitrage, pour des raisons d'opportunité, et celles méritant d'être en toutes
circonstances sauvegardées ».
(109)) b. audit, « du bon usage des lois de police », in Mélanges P. Mayer, lextenso, 2015,
p. 25; l. d'avout, « les lois de police », in t. azzi et O. boscovic (dir.), Quel avenir pour
la théorie générale des conflits de lois?, bruylant, 2015, p. 91.
(110)) v. infra, n° 54.
(111)) CJCe, 1er juin 1999, Rev. arb., 1999.631, note l. idot; JDI, 2000.307, chron., S. Poillot-
Peruzzetto, ibid., 299.
(112)) Paris, 18 novembre 2004, préc.
(113)) Com. 8 juillet 2020, Expedia, Rev. crit. DIP, 2020.839, note d. bureau; CCC, oct. 2020,
comm. 140, obs. N. Mathey; JCP E., 2020.1375, note M. behartouchais; Gaz. Pal., 22
sept. 2020.18, note H. Meur; CCE, janv. 2021.1, chr. M.-e. ancel; RTD civ., 2021.840
note l. usunier; JDI, 2021.1328, note v. Pironon.
(114)) Paris, 5 avril 1990, Courrèges, préc.
(115)) e. Pataut, « lois de police et ordre juridique communautaire », in a. Fuchs, H. Muir
Watt et e. Pataut (dir.), Les conflits de lois et le système juridique communautaire,
Dalloz, 2004, p. 117.
(116)) «Lorsque tous les autres éléments de la situation sont localisés, au moment de ce
choix, dans un ou plusieurs Etats membres, le choix par les parties d'une autre loi
applicable que celle d'un Etat membre ne porte pas atteinte, le cas échéant, à
l'application des dispositions du droit communautaire auxquelles il n'est pas permis
de déroger par accord, et telles que mises en oeuvre par l'Etat membre du for ».
(117)) Paris, 23 novembre 2021, préc.
(118)) v. supra, n° 22 et s.
(119)) Paris, 18 novembre 2004, préc.
(120)) Paris, 15 février 2007, Heresma, Gaz. Pal., 22-24 avr. 2007, p. 45.
(121)) Cass. civ. 1re, 12 février 2014, Rev. arb., 2014.389, note d. vidal; JCP G., 2014.475, note
d. Mouralis; Procédures, 2014. comm. 107, obs. l. Weiller; Cah. arb., 2014.585, note l.-
Ch. delanoy.
(122)) Paris, 4 mars 2014, préc. (maintenu par Cass. civ. 1re, 24 juin 2015, en somm. in Rev.
arb., 2015.964).
(123)) Par exemple, Paris, 17 janvier 2012, Planor Afrique, Rev. arb., 2012.569, note M.-l.
Niboyet.
(124)) Par exemple, Paris, 24 février 2015, Soc. Arab Potash, Rev. arb., 2015.283.

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(125)) Paris, 27 septembre 2016, préc.
(126)) Paris, 16 janvier 2018, préc.
(127)) Paris, 25 mai 2021, préc.
(128)) Cass. civ. 1re, 6 janvier 1987, Rev. arb., 1987.469, note Ph. leboulanger; JDI, 1987.638,
note b. goldman.
(129)) Par exemple, Paris, 28 avril 1988, Matra, Rev. arb., 1989.280, 1re esp., note l. idot.
(130)) Paris, 16 mai 2017, République démocratique du Congo, préc.
(131)) Note sous Paris, 28 mai 2019, Alstom, préc., p. 874.
(132)) Paris, 21 février 2017, Belokon, préc.
(133)) Paris, 27 septembre 2016, Indrago, préc.
(134)) en ce sens, e. gaillard, note sous Paris, 21 février 2017, Belokon et Paris, 27
septembre 2016, Indrago, préc., p. 1379.
(135)) Ibid., loc. cit.
(136)) Note sous Paris, 28 mai 2019, Alstom, préc., p. 878.
(137)) Ch. Seraglini, « le contrôle par le juge de l'absence de contrariété de la sentence à
l'ordre public international: le passé, le présent, le futur », préc.
(138)) Paris, 10 avril 2018, Rev. arb., 2018.574, note e. gaillard.
(139)) Paris, 14 juin 2001, Tradigrain, préc.
(140)) Paris, 3 juin 2020, préc.
(141)) Paris, 25 mai 2021, préc.
(142)) Paris, 28 mai 2019, Alstom, préc. dans le même sens, Paris, 27 octobre 2020,
République du Bénin, préc.
(143)) v. e. gaillard, note sous Paris, 28 mai 2019, Alstom, préc., p. 878.
(144)) Paris, 19 octobre 2021, préc.
(145)) Paris, 27 septembre 2016, préc.
(146)) Paris, 21 février 2017, préc.
(147)) Paris, 27 octobre 2020, République du Bénin, préc.
(148)) en ce sens, e. gaillard, note sous Paris, 10 avril 2018, Alstom, préc., p. 583.
(149)) Paris, 27 septembre 2016, Indrago, préc.
(150)) v. supra, n° 25.
(151)) Paris, 13 avril 2021, préc.
(152)) Ph. Fouchard, e. gaillard et b. goldman, Traité de l'arbitrage commercial
international, litec, 1996, n° 1650, p. 971.
(153)) Paris, 5 octobre 2021, préc.
(154)) Pour rejeter le recours, la Cour indique ainsi qu'« il n'a jamais été soutenu durant la
procédure arbitrale, et ne l'est pas davantage dans le cadre de ce recours en
annulation, que les contrats conclus entre les parties qui sont à l'origine du litige et
dont la sentence donne effet en prononçant diverses condamnations en paiement sur
leur fondement, ont été obtenus dans des conditions heurtant les principes évoqués
ci-dessus, ou même qu'ils ont permis à l'une quelconque des parties de s'affranchir de
ces principes ou d'en retirer quelque avantage en contradiction manifeste, effective
et concrète avec ceux-ci » (Paris, 5 octobre 2021, préc.).
(155)) J.-b. Racine, « l'office du juge du contrôle de la sentence », in L'arbitrage à l'épreuve
des procédures pénales, Rev. arb., 2019.209.
(156)) Paris, 21 février 2017, préc.
(157)) Préc.
(158)) Paris, 27 septembre 2016, préc., et Cass. civ. 1re, 13 septembre 2017, préc.
(159)) Paris, 25 mai 2021, préc.
(160)) Paris, 21 février 2017, préc.
(161)) Paris, 21 février 2017, préc.
(162)) tel a été le cas dans l'affaire Belokon où un certain nombre de pièces issues de
l'instruction pénale conduite au Kirghizstan ont été déclarées irrecevables (Selon
la Cour, « pour que pour que soient respectés les principes de loyauté des débats et
d'égalité des armes, il convient que l'asymétrie résultant de la mise en oeuvre par un
Etat de ses pouvoirs d'investigation dans le cadre d'une procédure d'instruction soit
corrigée par un accès de la personne mise en cause à l'ensemble du dossier pénal
afin qu'elle puisse s'assurer que les pièces produites dans une instance civile parallèle
ne sont pas tronquées ou tendancieusement sélectionnées et qu'elle puisse obtenir la
communication des documents utiles à sa défense »).
(163)) Paris, 10 avril 2018, préc.
(164)) Paris, 28 mai 2019, Alstom, préc., cassé sur le chef de la dénaturation par Cass. civ.
1re, 29 septembre 2021, préc.
(165)) Par exemple, Paris, 17 novembre 2020, Sorelec, préc.
(166)) Paris, 21 février 2017, Belokon, préc.
(167)) v., notamment, e. gaillard, « la corruption saisie par les arbitres du commerce
international », préc.
(168)) Paris, 11 mai 2021, préc.
(169)) Paris, 5 octobre 2021, préc.
(170)) Par ex., Paris, 26 janvier 2021, Consorts S., préc.
(171)) Note sous Cass. civ. 1re, 29 septembre 2021, Alstom, préc., p. 693.
(172)) v. infra., C. greenberg, « le contrôle de la conformité de la sentence à l'ordre public
international: les questions en suspens », p. 227.
(173)) Note sous Paris, 28 mai 2019, Alstom, préc., p. 875.

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(174)) d.P. Fernandez arroyo, « Nothing is for free: the Prices to Pay for Arbitralizing legal
disputes », in l. Cadiet, b. Hess & M. Requejo isidro (eds), Privatizing Dispute
Resolution. Trends and Limits, Nomos, 2019, p. 617, spec., p. 622.

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