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Responsabilité des constructeurs - Le principe d'unicité de


réception peut-il être remis en cause par la volonté des parties ? -
Etude par Cyrille CHARBONNEAU

Construction - Urbanisme n° 3, Mars 2011, étude 4

Le principe d'unicité de réception peut-il être remis en cause par la volonté des parties ?

Etude par Cyrille CHARBONNEAU docteur en droit, chargé d'enseignements à l'université Paris I
(Panthéon-Sorbonne) - expert-consultant auprès du Cabinet Hunot

La réception marque la fin du contrat d'entreprise, comme elle constitue le point


de départ de l'ensemble des délais de prescription des actions en responsabilité
pour les désordres apparus postérieurement à la réception. Elle est en principe
unique pour l'ensemble de l'ouvrage. Les parties peuvent-elles déroger à ce
principe ? La réponse à cette question est délicate au regard des textes et de la
jurisprudence les interprétant. Les enjeux induits par cette question sont pourtant
d'importance.

1. - La notion de réception est essentielle à l'application des responsabilités des constructeurs,


comme des assurances obligatoires de construction. Elle marque le basculement temporel du
régime de l'exécution du contrat d'entreprise à celui des garanties dues par les constructeurs au
maître de l'ouvrage ou aux acquéreurs de l'ouvrage. Elle constitue ainsi un « passage » plus qu'une
« clé de voûte » de ces institutions.Lors de la réforme du droit de la construction opérée par la loi
du 4 janvier 1978, le législateur a opté pour un mécanisme reposant sur la combinaison de deux
règles :– l'affirmation du principe d'une réception unique de l'ouvrage Note 1 ,– l'affirmation d'un
principe corolaire voulant que cette date unique constitue le point de départ de toutes les garanties
dues par les constructeurs après réception, qu'il s'agisse de la responsabilité décennale, de la
garantie biennale de bon fonctionnement ou encore de la garantie de parfait achèvement Note 2 .

2. - Le principe d'unicité de réception semble s'opposer à deux autres logiques de réceptions


plurielles. L'unicité s'oppose d'abord à une pluralité des temps de réception. Ainsi, on peut affirmer
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que le système de réception unique a mis terme à la dualité temporelle qui était en vigueur, avant
1978, et consistant à ce que soit prononcée d'abord une réception provisoire suivie d'une réception
définitive. L'unicité de réception s'oppose aussi à la pluralité des réceptions à l'intérieur d'un même
ouvrage. Il semble en effet évident que la réception définie par le législateur à l'article 1792-6 du
Code civil est une réception de l'ouvrage dans son entier Note 3 , ce qui s'oppose à la logique d'une
réception par lots ou parties d'ouvrage.

3. - Sur la base de la définition légale de la réception telle qu'elle figure à l'article 1792-6 du Code
civil, il est acquis :– que dans le silence des parties, la réception est unique, tant sur le plan
chronologique (exclusion de toute logique de réception provisoire) que matériel (exclusion de toute
réception par lot ou partie d'ouvrage) ;– qu'a fortiori, il en va de même lorsque les parties ont
consacré expressément le principe d'une réception unique Note 4 . Tel est notamment le cas de la
rédaction adoptée par la Norme AFNOR P 03-001 dans sa rédaction de décembre 2000, qui retient
que « La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou
sans réserve. Elle ne comporte pas de phase provisoire et est définitive en une seule fois »
(art. 17.1.1).

4. - Ce mécanisme peut-il en revanche être abandonné par les parties qui opteraient
conventionnellement pour une pluralité chronologique ou matérielle de réception ? Cette
interrogation conduit à poser la question de la nature de ce principe d'unicité : principe d'ordre
public ou simplement supplétif de volonté ?La réponse à cette interrogation est délicate. Nous
tenterons d'abord d'appréhender les diverses solutions, plutôt rares, qui ont abordé cette question
tant devant les juridictions administratives que les juridictions judiciaires (1). Cette étude du droit
positif soulève néanmoins plus de questions qu'elle n'apporte de réponses. Nous consacrerons
donc le second temps de notre analyse à une présentation des différentes réflexions, qui nous
conduiront à rechercher une solution plus nuancée que l'abrupte dichotomie entre principe d'ordre
public et principe légal applicable à défaut de prévision contraire des parties (2).

1. La consécration apparente de la subsidiarité du principe légal d'unicité de réception

5. - Ce sont d'abord les juridictions administratives qui ont tranché la question du caractère
supplétif ou impératif du principe d'unicité de réception (A). Un arrêt inédit de la troisième chambre
civile du 16 novembre 2010 semble en apparence reproduire les mêmes solutions en droit privé (B).

A. - L'affirmation de l'autonomie des marchés de travaux publics

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6. - C'est le très célèbre arrêt de Section Blondet qui a tranché la question considérée. Dans cette
décision du 28 février 1986 Note 5 , le Conseil d'État, après avoir constaté que la loi du 4 janvier 1978
consacrait le principe d'unicité de la réception  : « L'article 1792-6 du Code civil, issu de l'article 14
de la loi du 4 janvier 1978 relative à la responsabilité et à l'assurance dans le domaine de la
construction, qui institue une réception unique de l'ouvrage et un délai de garantie de parfait
achèvement d'un an à compter de cette réception »), a néanmoins estimé que cette disposition
légale nouvelle « n'énonce pas un « principe » nouveau, dont le juge administratif serait, de ce fait,
tenu de faire application dans le droit des marchés de travaux publics, et qu'il devrait, le cas
échéant, faire prévaloir sur les stipulations contractuelles ».Le Conseil d'État a ainsi estimé qu'en
l'espèce la durée d'un an du délai de garantie de parfait achèvement prévue par l'article 1792-6 ne
prévalait pas sur une durée plus brève stipulée dans un marché relatif à un chantier ouvert après le
1er janvier 1978. Cette solution implicite a été par la suite confirmée. C'est ainsi que, dans un arrêt
du 18 mars 1994 Note 6 , le Conseil d'État a censuré un arrêt de la cour administrative d'appel de
Lyon pour dénaturation du marché dès lors que la décision avait fait application du principe
d'unicité de réception là où le marché avait opté pour une réception par lots Note 7 .

7. - Ces solutions conduisent donc à valider les règles spéciales qui figurent dans le CCAG travaux
réglementaire applicable aux marchés publics. En effet, le CCAG travaux adopte le principe légal de
la réception unique reposant sur des opérations préalables à la réception, puis au prononcé de la
réception de l'ouvrage (CCAG, art. 41). La solution est certaine et consacrée par la
jurisprudence Note 8 . Il prévoit néanmoins que, par dérogation, les parties peuvent adopter le
principe de réception partielle. L'article 42.1, alinéa 1er prévoit ainsi que « La fixation par le marché
pour une tranche de travaux, un ouvrage ou une partie d'ouvrage, d'un délai d'exécution distinct du
délai global d'exécution de l'ensemble des travaux implique, sauf stipulation différente au CCAP,
une réception partielle de cette tranche de travaux ou de cet ouvrage ou de cette partie
d'ouvrage ».Il en résulte donc la faculté pour les parties d'adopter une logique de multiplicité de
réceptions, partant une déstructuration du temps de réception de l'ouvrage.

B. - Le doute sur l'affirmation judiciaire de la subsidiarité du principe d'unicité de réception

8. - On aurait pu croire que ces solutions ne pouvaient être retenues par les juridictions judiciaires.
L'articulation globale des articles 1792 à 1792-7 du Code civil, comme la présence imposante des
logiques d'ordre public en notre matière, laissaient à penser que le principe de réception unique
consacré par l'article 1792-6 du Code civil excluait toute dérogation conventionnelle Note 9 .Il
n'existait, jusqu'à l'intervention d'un arrêt du 16 novembre 2010 Note 10 , aucun arrêt décisif sur cette
question Note 11 . Cet arrêt semble en apparence prendre position. Pour en mesurer la portée exacte,
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il convient néanmoins de prendre en considération les circonstances particulières du litige.
9. - La Cour de cassation était saisie d'une affaire dans laquelle un chantier de construction d'une
maison avait été interrompu alors que le lot toiture était néanmoins terminé. La cour d'appel d'Aix-
en-Provence avait été saisie par le maître de l'ouvrage d'une demande d'indemnisation sur le
fondement de la responsabilité décennale à l'encontre de l'entreprise ayant réalisé la toiture et son
assureur de responsabilité décennale.La cour d'appel avait rejeté la demande formulée contre
l'entreprise et son assureur au motif que « l'ouvrage devait s'entendre comme étant la maison
réalisée par les intervenants chargés des divers lots, dont la société Artisanale bâtiment ; que le
premier juge avait donc à tort retenu que le quitus de livraison de la toiture du 26 mars 2004 valait
réception ; qu'en effet, la réception était un acte unique exclusif de toute réception par lots ; qu'en
l'absence de réception, le maître de l'ouvrage ne pouvait rechercher que la responsabilité
contractuelle de la société Artisanale bâtiment et non la responsabilité décennale ; qu'en
conséquence, les Mutuelles du Mans n'étaient pas tenues en leur qualité d'assureur décennal de la
société Artisanale bâtiment ».Ce raisonnement est censuré par la Cour de cassation, qui affirme que
« la réception partielle par lots n'est pas prohibée par la loi », consacrant la seconde branche du
moyen qui avait demandé la cassation de l'arrêt pour violation de l'article 1792-6 et sollicitant ainsi
la consécration de ce principe.

10. - En apparence, le principe est sans limite. Il aurait ainsi vocation à valider les clauses par
lesquelles les parties optent pour une réception multiple, lot par lot, de l'ouvrage, ou encore celles
qui conduiraient à retenir plusieurs réceptions par ensemble de lots ou parties d'ouvrage.Un doute
subsiste néanmoins. Il naît d'abord de la confrontation du principe et de l'espèce. Le cas dans lequel
la Cour statue ne concerne pas une discussion sur la faculté des parties de déroger
contractuellement, mais la question de la réception d'un ouvrage non achevé. C'est d'ailleurs sur
cette question d'inachèvement que le pourvoi avait d'abord argumenté, la première branche
invitant la Cour à censurer l'arrêt attaqué en ce qu'il avait violé la règle voulant que l'achèvement ne
soit pas une condition de la réception de l'ouvrage. On pourrait donc penser que la censure est
purement juridique et vise à interdire au juge de rejeter la demande du constat de l'existence d'une
réception expresse partielle au motif que l'ouvrage ne serait pas achevé dans son ensemble.Le
doute naît encore du classement de cet arrêt. Il s'agit d'un arrêt inédit pur (sans même de titrage)
rendu en formation réduite. L'arrêt apparaît donc, au regard de la classification interne de la Cour de
cassation Note 12 , comme ne devant pas avoir de portée normative, pas même pédagogique.Il est
probable que sa portée réelle soit d'interdire au juge, saisi d'une demande d'indemnisation de
désordres affectant un ouvrage non achevé, de refuser la réception expresse d'une partie d'ouvrage
au seul motif que l'ouvrage ne serait pas globalement achevé.À ce jour, il n'existe donc, selon nous,
aucun arrêt de la Cour de cassation admettant explicitement que l'on puisse déroger à l'unicité de
réception en droit privé. L'arrêt en question pose néanmoins la question de l'opportunité d'une telle
solution
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solution.

2. Réflexions autour d'une admission mesurée d'une réception plurielle

11. - Ces solutions, tant administratives que judiciaires, ne sont en définitive pas véritablement
décisives, les premières à raison de leur spécialité, les secondes en raison de leur portée incertaine.
Elles invitent en revanche à une réflexion sur la faculté et l'opportunité de déroger au principe légal
et fondateur d'unicité de réception. Cela nous conduira à appréhender le sens et la portée de
l'article 1792-5 du Code civil (A), puis à proposer à une solution d'interprétation pondérée validant
les clauses de réception par lots, mais limitant leur portée desdites clauses (B).

A. - Une dualité d'interprétation de l'article 1792-5 du Code civil

12. - La réponse à la question du caractère impératif ou subsidiaire du principe d'unicité de


réception passe nécessairement par une réflexion autour de la notion d'ordre public, précisément
l'étendue de l'ordre public en notre matière. Le point de départ de la démonstration est donc,
s'agissant des responsabilités spéciales des constructeurs, l'article 1792-5 du Code civil.Cette
disposition énonce que « Toute clause d'un contrat qui a pour objet, soit d'exclure ou de limiter la
responsabilité prévue aux articles 1792, 1792-1 et 1792-2, soit d'exclure les garanties prévues aux
articles 1792-3 et 1792-6 ou d'en limiter la portée, soit d'écarter ou de limiter la solidarité prévue à
l'article 1792-4, est réputée non écrite ».

13. - Sur la base de ce texte, sont réputées non écrites les clauses restreignant ou supprimant :– la
garantie décennale des constructeurs ;– la garantie de parfait achèvement et la garantie biennale
de bon fonctionnement ;– la solidarité pesant sur les fabricants d'EPERS.Si l'article 1792-6 du Code
civil est donc bien visé, c'est à propos de la question de l'étendue de la garantie de parfait
achèvement à l'exclusion de la question de la réception.À s'en tenir à cette lecture littérale, le texte
n'a donc pas pour objet de rendre d'ordre public la définition légale de la réception. Les parties
peuvent ainsi aménager cette définition, comme l'interprétation qui en est faite par la
jurisprudence. C'est ainsi par exemple que la Cour de cassation a estimé que les parties pouvaient
exclure toute réception tacite Note 13 .Dès lors, à s'en tenir à cette logique, il serait donc également
admissible de déroger au principe d'unicité de réception qui découle de l'alinéa 1er de
l'article 1792-6 du Code civil en retenant le mécanisme de la réception par lots. Cette analyse
conforterait le principe énoncé par l'arrêt du 16 novembre 2010.

14. - Néanmoins, cette lecture littérale peut être complétée par une autre analyse du texte. On
peut en effet considérer qu'en retenant une pluralité de réception plutôt qu'une seule, les parties
portent une atteinte non au principe d'unicité de la réception, mais à son corolaire, le principe
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d'uniformité des délais et des points de départ des délais de prescription.Il convient en effet de
constater qu'en même temps qu'elle consacrait le principe d'unicité, la loi du 4 janvier 1978 en
faisait le point de départ unique de tous les délais de prescription applicables en matière de
construction. Le délai décennal de l'article 2270 du Code civil, le délai biennal de l'article 1792-3,
mais également le délai annal de l'article 1792-6 du Code civil étaient ainsi soumis au même point
de départ : la réception de l'ouvrage. Ce processus d'unification des points de départ s'est poursuivi
puisqu'aussi bien :– la Cour de cassation a fait de la réception le point de départ du délai décennal
de l'action en responsabilité visant à la réparation des désordres intermédiaires Note 14  ;– le
législateur a réceptionné ce principe qui figure aujourd'hui à l'article 1792-4-3 du Code civil Note 15

.Cette volonté d'unification des points de départs est encore manifestée par l'Ordonnance du 8 juin
2005 et la loi du 17 juin 2008, lesquelles :– ont soumis les actions initiées contre les sous-traitants
et visant à la réparation des désordres de nature décennale ou susceptibles de relever de la garantie
biennale de bon fonctionnement aux mêmes délais et au même point de départ Note 16  ;– ont
soumis les actions initiées contre les sous-traitants en réparation des désordres relevant, pour les
constructeurs, de la responsabilité contractuelle de droit commun des constructeurs Note 17 au
même délai et au même point de départ Note 18 .

15. - Il en résulte, spécialement en considération de la soumission des actions contre les sous-
traitants, une volonté du législateur, comme des juridictions, d'unifier les délais d'actions contre les
intervenants à l'acte de construire. Or, le soubassement de cette volonté unificatrice tient
notamment à un concept d'équité juridique. Le désordre de construction naît en effet
ontologiquement presque toujours d'une coaction, ce qui conduit les juges à prononcer le plus
souvent des condamnations in solidum Note 19 . Il serait particulièrement injuste qu'à raison d'un
point de départ distinct du délai de prescription, un constructeur ou un intervenant à l'acte de
construire se trouve déchargé de sa responsabilité, réduisant ainsi les coresponsables et
alourdissant de fait la part de la charge définitive de la dette.À retenir cette analyse, on comprend
alors que l'article 1792-5 du Code civil, qui vise les clauses qui limitent ou excluent les garanties
spéciales des constructeurs, est susceptible de s'appliquer aux clauses admettant la multiplicité des
réceptions, à l'instar des clauses de réception par lots. En effet, une telle clause a un effet indirect
mais certain sur la garantie, non en portant atteinte à sa durée strictement entendue, mais à son
point de départ et ainsi au principe voulant que les coauteurs puissent bénéficier en principe d'un
recours contre les autres intervenants à l'acte de construire.

16. - Si l'on retient la première lecture de l'article 1792-5 du Code civil, on doit alors admettre, à
l'instar de la solution figurant dans l'arrêt du 16 novembre 2010, qu'une réception par lot est
possible. Si l'on retient la seconde lecture et la combinaison du principe d'unicité du point de départ
et d'unité des prescriptions applicables la solution ne semble pas devoir être tolérée Cette dualité 6/10
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et d'unité des prescriptions applicables, la solution ne semble pas devoir être tolérée. Cette dualité
peut cependant être dépassée en distinguant l'admission des clauses visant à instaurer des
réceptions multiples, des effets desdites clauses.

B. - La troisième voie

17. - Comme nous l'avons vu, il existe des arguments textuels en faveur d'une interprétation
extensive ou au contraire restrictive de l'article 1792-5 du Code civil.Il est néanmoins possible de
ménager les deux ensembles d'arguments par une troisième voie reposant sur :– l'admission du
principe voulant que les parties puissent déroger au principe légal de l'unicité de la réception ;– la
limitation de la portée de ces clauses.

18. - Cette distinction, dont nous défendrons les mérites ci-après, doit être rapprochée de la dualité
d'essence de la notion de réception. La réception présente en effet un double visage. Elle est
d'abord une question de relation contractuelle au sens classique du terme, un lien de droit entre le
maître de l'ouvrage et le constructeur. Dans cette logique, la réception (du lot comme de l'ouvrage
dans son ensemble) marque la fin de l'exécution du contrat d'entreprise. Elle détermine alors le
point de départ du paiement du solde des travaux, de l'exécution financière définitive du marché.
Mais la réception a également une fonction collective, qui repose sur l'évidente coréalisation que
constitue l'exécution d'un ouvrage unique par le biais d'une pluralité de contrats et de prestations
contractuelles. La réception unique marque alors la fin de la construction au sens général du terme.
C'est dans cette logique que la loi a considéré la notion de réception comme devant être le point de
départ des garanties légales dues par les intervenants à l'acte de construire.Il est donc possible
d'admettre que la notion même de réception puisse être plurielle dans le contrat. Ainsi, on pourrait
estimer que la réception par lot serait parfaitement valable. Elle conduirait à considérer que,
lorsqu'une prestation contractuelle est terminée, le maître de l'ouvrage peut se prononcer sur la
réception de cette prestation. Cette interprétation serait en conformité avec le principe général
posé par l'arrêt du 16 novembre 2010.

19. - Néanmoins, les effets de cette réception par lot seraient limités aux seuls rapports
exclusivement contractuels, ceux qui ne concernent que le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur
concerné. À ce titre, la réception par lot serait le point de départ des procédures de comptes entre
les parties, procédures de DGD (Décompte Général Définitif). La réception du lot pourrait encore
être le point de départ de la garantie de parfait achèvement dès lors qu'elle n'est due que « par
l'entrepreneur concerné », prévoit l'article 1792-6, et est donc exclusive de toute logique de
condamnation in solidum. C'est d'ailleurs en ce sens qu'il faut comprendre l'article 42.3 du CCAG
travaux qui prévoit que la réception partielle marque le point de départ de la garantie de l'article 44
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du CCAG. En revanche, la réception par lot ne saurait être considérée comme le point de départ
des délais d'actions en responsabilité décennale, en garantie biennale de bon fonctionnement, en
responsabilité contractuelle de droit commun des constructeurs ou encore en responsabilité des
sous-traitants pour les désordres de ces trois natures. Pour ces actions, la réception au sens légal ne
saurait être que la date de la dernière réception.Ainsi pourrait-on ménager la liberté contractuelle,
tout en respectant la logique d'ensemble des garanties légales. L'arrêt du 16 novembre 2010 est
parfaitement compatible avec cette interprétation pondérée des clauses déstructurant la réception
unique de l'ouvrage en de multiples réceptions (par lots ou parties d'ouvrage). Le juge ne saurait
donc en soi exclure les clauses prévoyant de tels mécanismes, comme il ne peut rejeter la volonté
expresse du maître de l'ouvrage de réceptionner une partie de l'ouvrage (arrêt du 16 novembre
2010). Parmi ces réceptions partielles ou par lots, la dernière réception partielle constituerait le
point de départ des délais légaux, ce qui était le cas de la réception de la toiture dans l'arrêt du
16 novembre 2010 puisqu'aussi bien le chantier n'avait ensuite pas été à son terme.

20. - À la condition de distinguer les effets de ces réceptions multiples, il est donc possible
d'admettre que le principe d'unicité de la réception est un principe subsidiaire auquel les parties
peuvent parfaitement déroger.▪

Textes : C. civ., art. 1792 ; 1792-3 ; 1792-4-1 ; 1792-4-2 ; 1792-4-3 ; 1792-5 ; 1792-6 ; Norme
AFNOR P 03-001 (déc. 2000) ; CCAG travaux (1976)

Encyclopédies : Construction-urbanisme, Fasc. 203-5, par G. Liet-Veaux

Note 1 Ce principe découlait originellement des articles 1792-3 (pour le délai biennal), de
l'article 2270 (pour le délai décennal) et de l'article 1792-6 (pour la GPA). Il figure aujourd'hui aux
articles 1792-3, 1792-4-1 à 1792-4-3 et 1792-6 du Code civil.

Note 2 Ce principe résulte de l'article 1792-6 du Code civil qui n'use que du singulier.

Note 3 Seule l'existence d'une pluralité de bâtiments physiquement distincts semble pouvoir
autoriser les parties à prévoir une pluralité de réception. Sous l'empire de la loi de 1978 : Cass. 3e
civ., 4 nov. 2004, n° 03-13.414, FS-P+B : JurisData n° 2004-025453 ; Bull. civ. 2004, III, n° 187 ;
RD imm. 2005, p. 57, note Ph. Malinvaud ; RGDA 2005, p. 165, note J.-P. Karila ; Defrénois 2006,
p 63 chron H Périnet Marquet Sous l'empire de la loi antérieure : Cass 3e civ 5 mai 1970
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p. 63, chron. H. Périnet-Marquet. – Sous l empire de la loi antérieure  : Cass. 3e civ., 5 mai 1970,

n° 68-14.264 : Bull. civ. 1970, III, n° 304 ; D. 1970, p. 761, note X. D. – également C. Noblot et
F. Labarthe, Le contrat d'entreprise : LGDJ 2008, n° 1135.

Note 4 Par ex. CAA Lyon, 7 févr. 1990, n° 89LY00987 : JurisData n° 1990-045054 .

Note 5 CE, sect., 28 févr. 1986, n° 40381 : Rec. CE 1986, p. 55 .

Note 6 CE, 7e et 10e sous-sect., 18 mars 1994, n° 118356 : JurisData n° 1994-044392 .

Note 7 « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le cahier des
clauses administratives générales et le cahier des prescriptions communes applicables au marché
stipulent que chacun des lots doit donner lieu à une réception provisoire et à une réception
définitive, et fixent notamment les modalités selon lesquelles la réception définitive est tenue pour
acquise si elle n'a pas été expressément prononcée dans le délai de la garantie contractuelle
courant à compter de la réception provisoire ; que le cahier des prescriptions spéciales régissant le
marché ne déroge pas à ces stipulations ; qu'ainsi, en estimant que les différents lots devaient faire
l'objet d'une réception unique, la cour administrative d'appel a dénaturé les pièces du dossier ; ».

Note 8 En ce sens, CAA Nantes, 10 oct. 1991, n° 91NT00092. – CE, sect., 9 juin 1989, n° 73946 :
JurisData n° 1989-643372 ; Rec. CE 1989, p. 140  : « qu'il ressort des articles 41 et 44 de ce texte
que les travaux devaient faire l'objet d'une réception unique, à la suite de laquelle s'ouvraient, d'une
part, un délai de garantie d'un an pendant lequel les entrepreneurs étaient tenus à une obligation
« de parfait achèvement », d'autre part, pour les désordres qui n'étaient pas apparus à la date de
cette réception unique, le délai de la garantie décennale sur la base des principes dont s'inspirent
les articles 1792 et 2270 du Code civil ; ».

Note 9 Nettement en ce sens, CA Nancy, 18 déc. 2002 : JurisData n° 2002-198709 : « L'article


1792-6 du Code civil fait état de la réception d'un ouvrage en général, ce qui exclut toute réception
par lots ». - également CA Paris, 15 avr. 1999 : RD imm. 1999, p. 99, note B. Boubli.

Note 10 Cass. 3e civ., 16 nov. 2010, n° 10-10.828, F-D : JurisData n° 2010-021555.

Note 11 Certaines décisions pouvaient néanmoins laisser augurer implicitement de l'admission


d'une faculté de déroger au principe d'unicité. Notamment Cass. 3e civ., 21 juin 2000, n° 98-
21.630. – V. également Cass. 3e civ., 11 oct. 2006, n° 05-13.846 validant un arrêt d'appel ayant

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19/07/2022 16:18 Responsabilité des constructeurs - Le principe d'unicité de réception peut-il être remis en cause par la volonté des parties ? - Etude par Cyri…

retenu à bon droit « la licéité des réceptions partielles par lots, non expressément prohibées par la
loi ». – dans le même sens, Cass. 3e civ., 20 nov. 2007, n° 06-18.404.

Note 12 C. Charbonneau, La contribution de la Cour de cassation à l'élaboration de la Norme,


Thèse Paris I, IRJS, févr. 2011, spéc. sur le titrage, n° 526.

Note 13 Cass. 3e civ., 31 janv. 2007, n° 05-18.959, FS-P+B : JurisData n° 2007-037155 ; Bull. civ.
2007, III, n° 10 : « Les parties peuvent contractuellement décider que la réception sera expresse ».

Note 14 Depuis Cass. 3e civ., 11 juin 1981, n° 80-10.875 : Bull. civ. 1981, III, n° 120. Encore,
Encore, Cass. 3e civ., 26 oct. 2005, n° 04-15.419, FS-P+B : JurisData n° 2005-030446 ; Bull. civ. III,
n° 202.

Note 15 « En dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions
en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs
sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux. ».

Note 16 L'article 1792-4-3 précité vise désormais tant les constructeurs que les sous-traitants.

Note 17 Anciennement dénommée désordres intermédiaires sous l'empire de la loi de 1967.

Note 18 « En dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions
en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs
sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux ».

Note 19 Sur ces questions, C. Charbonneau, La contribution à la dette entre coobligés : Constr.-
Urb. 2007, étude 24 (1re partie) et étude 25 (2e partie).

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