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50- La contribution aux charges du mariage dans les régimes séparatistes

Dans son discours préliminaire du Code civil, Portalis définissait le mariage comme « la société de
l’homme et de la femme qui s’unissent pour perpétuer leur espèce, pour s’aider par des secours mutuels à
porter le poids de la vie et pour partager leur commune destinée. » - le mariage est une institution et doit de
ce fait être encadré. Si une certaine liberté est laissée aux époux pour organiser leur union (avec la
conclusion de divers contrats de mariage), reste qu'un socle impératif a été prévu par le Cciv : le régime
primaire. Ainsi les contrats de mariage prévoyant des régimes séparatistes doivent être combinés avec ce
régime primaire, ce qu'illustre parfaitement la question de la contribution aux charges du mariage.

I. LE PRINCIPE DE LA CONTRIBUTION AUX CHARGES DU MARIAGE DANS LES


REGIMES SEPARATISTES

L'article 1537 Cciv relatif au régime de la séparation de biens dispose que « Les époux contribuent
aux charges du mariage suivant les convention contenues en leur contrat ; et, s'il n'en existe point à cet
égard, dans la proportion déterminée à l'article 214 ».

L'article 214 Cciv – article du régime primaire impératif – dispose que « Si les conventions
matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à
proportion de leurs facultés respectives ».

A quoi correspondent les charges du mariage ? Cela vise l'entretien du ménage, l'éducation des
enfants, mais pas que. Il s'agit plus largement de l'ensemble des dépenses entrainées par le train de vie du
ménage qui a été fixé par les époux. On retrouve ainsi les dépenses liées aux vacances, aux frais de voyage...

L'article 214 auquel renvoi l'article 1537 Cciv prévoit que la contribution aux charges du mariage se
fait à proportion des facultés respectives des époux. Il ressort donc de ces articles que le principe même de
contribution aux charges du mariage est obligatoire, quelque soit le régime matrimonial choisi par les époux
et donc y compris dans les régimes séparatistes. La Cour de cassation l'a par ailleurs rappelé dans une
décision récente du 13 mai 2020 en affirmant qu’aucune convention ne pouvait dispenser les époux de leur
obligation de contribuer aux charges du mariage, la contribution aux charges du mariage est d'ordre public.

En revanche, les époux peuvent prévoir dans leur contrat de mariage, un aménagement au niveau de
la contribution aux charges du mariage – ce qui est très souvent le cas dans les régimes séparatistes.

II. L'AMENAGEMENT DE LA CONTRIBUTION AUX CHARGES DU MARIAGE DANS LES


REGIMES SEPARATISTES

Si les époux sont obligatoirement tenu de contribuer aux charges du mariage, ils ne sont pas tenu d'y
contribuer à proportion de leurs facultés respectives. Ils peuvent tout à fait prévoir une répartition différente
des charges du mariage.
En pratique, il est très souvent prévu dans les contrats de séparation des clauses dites de
« présomption de contribution aux charges du mariage » en vue d'éviter, lors de la liquidation du régime, un
contentieux sur les créances entre époux pouvant être dues au titre de la contribution aux charges du mariage.
L'idée étant que chaque époux contribue aux charges du mariage au jour le jour et qu'aucun compte n'est à
faire lors de la liquidation. Ces clauses ont malgré tout fait l'objet d'un certain contentieux.

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C'est ainsi que la Cour de Cassation a, dans une décision du 25 septembre 2013 donné une force
toute particulière à ces clauses en précisant que la présomption de contribution aux charges du mariage était
irréfragable de sorte qu'un époux ne pouvait pas arguer avoir contribué de manière excessive aux charges du
mariage pour réclamer une réparation. Toutefois, plusieurs décisions rendues par la suite semblent atténuer
quelque peu ce principe. En effet il appartient aux juges du fond d'apprécier la portée exacte de cette clause
en fonction de la volonté des parties et des circonstances propre à chaque espèce. Ainsi la clause de
présomption de contribution aux charges du mariage n'empêche pas à un époux qui considère avoir contribué
de manière excessive aux charges du mariage de le prouver, mais elle lui empêche de le prouver en
invoquant le fait que son conjoint n'aurait pas assez contribué aux charges du mariage (1ère civile, 5
décembre 2018). Le fait que la contribution soit excessive et ait excédé les facultés contributives de l'époux
va pouvoir en réalité empêcher la qualification de charges du mariage et permettre à l’époux d’être
remboursé. A l’inverse si le financement n’a pas excédé ses facultés, il relève de la contribution aux charges
du mariage et aucune indemnité compensatrice ne pourra être réclamée (1ère civile, 7 février 2018)

Une autre difficulté a vu le jour quant à la contribution aux charges du mariage dans les régimes
séparatistes s'agissant de la question de l'acquisition du domicile conjugal. En effet, et comme indiqué ci-
dessus, le contrat de mariage instituant une séparation de biens stipule généralement une clause de
présomption de contribution qui peut être rédigé de la manière suivante : « chacun des époux sera réputé
avoir fourni au jour le jour sa part contributive de sorte qu’ils ne seront assujettis à aucun compte entre eux
ni à retirer à ce sujet aucune quittance l’un de l’autre ». Il est acquis que dans ce cas, l'époux qui assumerait
l'intégralité des échéances d'un crédit immobilier relatif au domicile conjugal ne pourrait réclamer aucune
créance lors de la liquidation – à moins de démontrer que le paiement est constitutif d'un excès de
contribution aux charges du mariage (preuve quasiment impossible à rapporter).

Toutefois la question se posait de savoir si cette clause s'appliquait concernant l'apport de fonds
réalisé par un seul époux directement lors de l'acquisition (apport qui ouvre droit à récompense dans un
régime de communauté réduite aux acquêts). La première chambre civile de la Cour de Cassation, dans un
arrêt du 3 octobre 2019 est venu très clairement exposer que « sauf convention matrimoniale contraire,
l’apport en capital provenant de la vente de biens personnels, effectué par un époux séparé de biens pour
financer la part de son conjoint lors de l’acquisition d’un bien indivis affecté à l’usage familial, ne participe
pas de l’exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage ». On voit donc ici une limite à
l'aménagement de la contribution aux charges du mariage dans les régimes séparatistes : l'époux ayant
apporté des fonds personnels pour l'acquisition du domicile conjugal pourra revendiquer, lors de la
liquidation du régime, une créance contre l'indivision.

Il est donc important de noter en conclusion que si la contribution aux charges du mariage dans les
régimes séparatistes peut être aménagée avec une certaine liberté (sans jamais pour autant être totalement
écartée), il est en pratique très souvent prévu dans les régimes séparatistes que cette contribution est
présumée et force est de constater que la preuve contraire est particulièrement difficile à rapporter par
l'époux ayant contribué de manière excessive aux charges du mariage.

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