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Fiches d’arrêts sur les loteries publicitaires

1. Arrêt du 28 mars 1995, CCass, sur l’engagement unilatéral

Certains refusaient de voir dans l’engagement unilatéral la création d’un rapport d’obligation.
Engagement unilatéral = acte de volonté.
La CCass voulait mettre fin aux pratiques de loteries publicitaires
Ici, on ne peut pas caractériser une volonté certaine de l’organisateur de la loterie de payer
les lots à chaque destinataire des courriers. En principe, l’absence d’intention réelle de
s’engager exclut le recours à l’acte, et plus précisément à l’engagement unilatéral de volonté.
L’arrêt fait primer la volonté déclarée (volontairement ambiguë) sur la volonté réelle (qui
était de ne pas s’engager). Or, en droit des contrats, ce qui compte, c’est la volonté réelle.
 La solution est en pratique satisfaisante pour empêcher cette pratique, mais d’un point de
vue juridique, pas du tout.

Portée juridique : l’engagement unilatéral a créé l’obligation de verser la somme promise ; et


on a condamné la société commerçante à verser la somme sur laquelle elle s’était engagée,
sur le fondement d’un acte juridique unilatéral. La société est condamnée sur la base de
l’inexécution de l’obligation contractuelle.

2. Arrêt du 26 octobre 2000, CCass, sur la responsabilité délictuelle

Pour gagner un titre de propriété.

La Cour d’appel dit que la lecture attentive de la publicité par un consommateur moyen
aurait permis de se rendre compte qu’il n’y avait pas la volonté de la part de la société de
véritablement verser la somme promise.

La CCass a entendu les critiques formulées à l’égard de l’arrêt de 1995 ; en disant qu’il ne faut
pas regarder ce que le consommateur peut comprendre in concreto, mais plutôt s’intéresser
à la société qui a pris l’initiative de l’acte.

Conclusion : le texte pouvant être trompeur, la société est fautive et est engagée

On abandonne l’engagement unilatéral et on privilégie le fondement de la responsabilité


délictuelle :
 Art 1240 Ccivil (anciennement art 1382 Ccivil) : celui qui cause un dommage est tenu
de le réparer.
 La CCass dit que la société a commis une faute en faisant naitre un espoir en
sachant pertinemment que cet espoir ne serait jamais exaucé  responsabilité
délictuelle pour faute.

La société est condamnée, mais elle n’est pas condamnée à verser la somme promise ; mais
plutôt des dommages et intérêts (car on est sur le terrain de la responsabilité civile). Or, les
dommages et intérêts ne sont pas très élevés dans ce genre d’affaires. Ce n’est donc pas très
dissuasif pour les sociétés étant donné les montants des dommages et intérêts ; même si
cela tient la route sur le plan juridique.

3. Arrêt du 12 juin 2001, CCass, sur l’existence d’un contrat


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On abandonne la responsabilité délictuelle et on retient la responsabilité contractuelle. Il y


aurait une espérance justifiée dans l’exécution.

La CCass considère que l’oblig de payer les sommes dues relève du contrat conclu entre la
société et le consommateur.

Problème : cet arrêt reste dans le domaine des actes juridiques, en considérant qu’il y a
contrat (qui implique la rencontre d’une offre et d’une acceptation). Ici, il y a acceptation car
le consommateur a renvoyé son bulletin. De fait, puisque la société n’a pas envoyé la somme
promise, il y a inexécution du contrat.

Or, la volonté est absente : le contrat est fondé sur une volonté réelle, fermement
manifestée. Ici, la société n’a pas une volonté réelle, elle faisait semblant. Pourtant, principe
général du droit : seule la volonté réelle peut engager. On peut difficilement y voir ici
l’existence d’un contrat.

Dans une perspective plus sociale du contrat, cela peut passer, car la volonté déclarée peut
prévaloir, et susciter une confiance légitime dans l’existence de la promesse chez le
consommateur.

4. Arrêt du 6 septembre 2002, CCass, sur le quasi-contrat

On a éliminé l’engagement unilatéral, la responsabilité délictuelle et la responsabilité


contractuelle. La CCass retient donc le quasi-contrat, avec un fondement d’obligation quasi-
contractuelle. Elle considère que lorsque la volonté d’une société se cristallise dans l’annonce
d’un gain, cela crée une obligation quasi-contractuelle.

 Quasi-contrat : il résulte d’un comportement entre deux personnes au mois qui n’ont
pas eu la volonté ni l’intention de contracter ; mais parce que l’une d’elle s’est
enrichie injustement, la loi va les traiter comme des contractants.
o 3 types de quasi-contrats : la gestion d’affaires, le paiement de l’indu,
l’enrichissement injustifié
 La gestion d’affaires :
 Le paiement de l’indu : on paie ce qu’on ne doit pas ou à qui on ne doit
pas.
 L’enrichissement injustifié : un tiers s’enrichit de manière injuste alors
que l’autre n’avait pas voulu lui faire une donation.
 Création jurisprudentielle : un fermier dépense bcp d’argent
pour améliorer un terrain. Sans prévenir, le proprio lui donne
congé. Le proprio retrouve une terre avec bien plus de valeur
que lorsqu’il l’a laissée au fermier. On estime que le proprio
s’est enrichi sans cause, et on l’a condamné à indemniser le
fermier.

La chambre mixte se fonde sur l’article 1371 Ccivil, et sur le fondement du quasi-contrat.
Problème : le cas en l’espèce n’entre dans aucune catégorie du quasi-contrat. Ici, le quasi-
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contrat se caractérise par un fait certes volontaire, mais totalement intéressé. La


jurisprudence ne compense pas un avantage injuste, mais elle instaure cet avantage comme
sanction d’un comportement abusif, alors que ce n’est pas la nature et la volonté de base du
quasi-contrat. La CCass opère une mutation de la catégorie du quasi-contrat.

La fonction et le fondement du quasi-contrat ne se retrouvent pas, car la société débitrice n’a


reçu aucun avantage indu de la part du consommateur. En plus, l’action spontanée à la base
du quasi-contrat ne se retrouve pas. Le quasi-contrat procède dans cet arrêt d’un fait
volontaire, accompli par une personne morale, dans son propre intérêt, qui a engendré une
espérance légitime de gain dans l’esprit du consommateur.  Les auteurs ont été très
critiques en disant que le quasi-contrat devient donc une catégorie fourre-tout. On reproche
à cet arrêt d’être dangereux, car aujourd’hui on y met les promesses sans lendemain, alors
que demain ça pourrait être autre chose.

La CCass casse l’arrêt de la Cour d’appel qui retenait la faute délictuelle en disant qu’on est
en quasi-contractuelle.

Le texte de Denis Mazeaud (p. 32) résume l’ensemble des arrêts sur les loteries
publicitaires et résume le fondement retenu pour chaque arrêt : engagement unilatéral
de volonté, responsabilité délictuelle, responsabilité contractuelle et responsabilité
quasi-contractuelle.

Beaucoup d’auteurs considèrent que le maintien de cette jurisprudence permettrait que le


droit français soit conforme au droit de l’UE. Aucune sanction spécifique n’est rattachée à
la clause générale énoncée à l’article L 121-1 du Code de la consommation qui consacre la
pratique commerciale déloyale, mais qui ne prévoit aucune sanction.

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