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Frézouls Edmond. Le théâtre romain de Tipasa. In: Mélanges d'archéologie et d'histoire T. 64, 1952. pp. 111-177.
doi : 10.3406/mefr.1952.7374
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-4874_1952_num_64_1_7374
LE THEATRE ROMAIN DE TÏPASA
PAR
M. Edmond Frézouls
Membre de l'École
mi
ίΓΛ
5Γ
Β, FR&&OULS
Rigodit, le vieite et signale, la bonne conservation de la comèta : .
« :.. un beau théâtre, dent heureusement les gradins sont fMjgiJ^. ■ /,
tous enterrés, ce qui les a sauvés de la destruction. Un portkpjA
d'ordre dorique donnait accès dans l'orchestre1. La scène oat
presque entièrement détruite ; mais la cavea... est conservée dans
tout son pourtour* ». Mais Texier met également en garde, contre .
les dangers du pillage : « ... Les beaux blocs de pierre de taille
avaient déjà attiré l'attention des spéculateurs, et ils y envoyaient ,J
des barques qui se chargeaient pour Alger. La direction de l'Inté- .
rieur a arrêté à temps ce trafic3... » Arrêt bien illusoire ou du
moins provisoire, puisque, avec la colonisation de Tipasa à partir
du Second Empire, le trafic reprend de plus belle, par la route
cette fois. On sait que le théâtre servit de carrière pour la cons
truction de l'hôpital de Marengo4 et que presque tous les gradins,
avec, sans doute, d'autres éléments, furent emportés. Ce pillage
explique en partie le médiocre intérêt qu'accordait St. Gsell à l'édi
fice8 ; même lorsque, en 1901, on ne connaissait encore en Algérie
que cinq autres théâtres conservés — dont trois seulement en bon
état· — il l'estimait « trop détruit pour présenter le moindre inté-
.·■' ALEXANDRE'
DE L'ÉVEQU '
CHAPELLE
PRO PRIE Τ E
PRIVÉE
COLLINE de L'OUEST
vì η tree pr/rfcipS/e~du-
AMPHITHEATRE ?fc 'ύΤ* , ,ί/3 , I
·
Sentiers touristiques
rêt1 ». Dès lors, son dégagement fut indéfiniment ajourné, même ί , ί·4
après la reprise dea fouilles en 1913 par le Service des Monuments
historiques. C'est seulement en 1942, au moment où les recherches
de M. P.-M,' Dtfval sur l'enceinte de Tipasa2 ramenaient l'intérêt
sur les secteurs périphériques, que M. L. Leschi décida de faire
dégager le théâtre, assumant lui-même la direction des travaux.
Entreprise au printemps 1942, la fouille débuta par l'extrémité
est de la. cavea et se poursuivit jusqu'en 1944 8. Quelques travaux
de consolidation garantirent de l'écroulement certaines voûtes. Il
ne restait plus qu'à terminer la fouille de la scène et d'un égout
passant sous les substructions du mur de scène; ce travail fut
entrepris pendant mon séjour à Tipasa, en juin 1950 *.
Description d'ensemble
L'édifìce est un des quelques théâtres antiques d'Afrique cons
truits en plaine6, selon la tradition romaine originale : la moitié
"Α
1,
la dénivellation n'était certainement pas telle qu'elle laissât à i'^r-
chitecte le choix eritre un theatre adossé et un théâtre con^r^r;.-;
A Tipasa, d'ailleurs, quel que fût l'emplacement choisi, il n'était
guère possible, comme dans tant d'autres villes, d'épargner les
massives substructions de la cavea,, car, si la côte est abrupte et le
relief assez vigoureux autour du site antique, la surface intérieure
aux remparte présente peu de dénivellations suffisantes, sauf tout
1 V à fait en bordure de la mer, et surtout peu ou pas de dénivellation
importante juxtaposée, selon une henreus© exposition, à un espace
plat. C'est donc une quasi-né^ets^é qui a amené la construction
de toutes pièces, en un terrain aplani pour la circonstance. La solu
tion comportait l'avantage de permettre le choix d'une exposition *
excellente : le théâtre est orienté vere le noid-nord-ouest, répon
dant ainsi aux prescriptions de Vitruve31 : les spectateurs ne
peuvent, avoir le soleil en face (yoir plan, fig. 1).
C'est encore le caractère entièrement artificiel de l'édifice qui
explique la variété de la construction : toutes Jes parties les plus
visibles à l'entrée ou pendant le spectacle (façade, entrées latérales,'
annexes de la scène, gradins) sont en pierre de taille de grand
appareil, la matière première étant le calcaire coquillier courant
dans la région2, légèrement jaunâtre avec parfois une teinte plus
rouge, facile à tailler, mais résistant mal aux intempéries — assez
analogue, en sommé, au tuf dont sont faits certains théâtres ita
liens. Les murs nord et sud et les piliers de la fosse de scène sont
du même appareil. Ses murs ouest et est, ainsi que les parements
ί<ί *
des murs soutenant les voûtes de la cavea, sont d'un appareil
beaucoup plue petit et moins régulier. Les voûtes et les murs qui
les supportent sont de blocage; dans la partie basse de la cavea,
non soutenue par des substructions, les gradins reposent également
sur un blocage. La brique apparaît comme élément de renforc
ement et dans la façade du pulpitum. On n'a pas trouvé sur place
de marbre1*,
Ces matériaux variés ont diversement résisté au temps et ont
plus ou moins tenté les pilleurs. Les voûtes de blocage se sont en.
général effondrées, les murs ont parfois suivi, mais les piliers fo
rmant façade et les escaliers sont assez bien conservés. Des gradine,
la plupart ont été enlevés et il n'en reste que trois rangs ; l'o
rchestre et une partie des entrées latérales ont perdu leur pavement,
et ces entrées elles-mêmes, dont les murs sont inégalement conser
vés, n'ont plus de leurs voûtes que l'amorce8. Le mur du pulpitum
eât intact jusqu'à une hauteur variant entre 45 et 80 cm. La fosse
de la scène, avec ses piliers, est bien conservée; en revanche, le
mur de scène a disparu et il n'en reste qu'un informe soubassement.
Les pièces annexes 4e la scène, avec leur entrée, sont en assez bon
état à l'est jusqu'à lm50 du sol ; à l'ouest, on n'en a guère que le
plan.
Enfin, si son état actuel ne confère pas au théâtre de Tipasa le
prestige de ceux qui ont eu moins à souffrir, sa taille lui donne, à ■ ''té
première vue, une place honorable en Afrique ; il mesure environ
73 m. dans sa plus grande largeur, mais ce chiffre considérable est
dû à l'existence des deux massifs (A et A' sur le plan) <jui aug
mentent la largeur de la cavea et à l'extension corrélative des an
nexes de la scène. Ces éléments insolites faussent la comparaison
avec les autres théâtres d'Afrique; si l'on opère la rectification, <"à
.
"s
1
'fa -Vi
118 E.
La « cavea»
A. Les substructions.
fei: · Les chambres, au nombre de vingt et une, ont toutes la même
forme de trapèze très allongé ; quatre d'entre elles comportent un
escalier (2, 3, 4, 5 sur le plan) ; les deux escaliers extrêmes (2 et 3)
sont symétriques, chacun occupant la troisième chambre à partir
de l'entrée latérale, maie les deux plus proches de la chambre mé
i. diane ne sont pas symétriques par rapport à elle : il y a un léger
ί Cf., pour les théâtres algériens, St. Οϋβϋ,Μοη. ant., I, p. 186 sqq. ;
pour Dougga, Dr Carton, Mémoires présentés pur divers savants..., XI,
1904, p. 94 ; pour Sabratha, Q. Guidi, Africa Italiana, III, 1930, p. 8.
1 Et on verra (ci-dessous, p. 153) que la scène est à Tipasa plus vaste
que Yhyposcaenium. '
« Cf. Carton, l. /., p. 126. '
* D'après le plan du prof. D. Vincitori (G. Guidi, l. L, tav. I) ; G. Guidi
omet de donner les dimensions de la scène.
fi
•Λ"'
LE THEATRE KOMAIN DE TIPASA 119
*Ά
décalage vers Test. Ces escaliers comportent dix-sept marches, d'un Je
peu plus de 20 cm. de haut en moyenne ; la treizième s'élargit en
palier ; les deux dernières, comprises entre deux montants massifs,
sont moins larges (voir photo 11, pi, VI). Les escaliers 3 et 5 sont
1 \i
en bon état; 4 n'a que onze marches avant le palier : il semble
donc en manquer une à la base; le quatrième, 2, n'a que sept
marches, en deux groupes, mais tous sont certainement du type
décrit ci-dessus. Ils commencent à environ 2m70 de l'entrée de la
chambre1.
A l'exception des deux chambres çontiguës aux entrées latérales,
plus étroites et de plan aberrant2 (elles ont visiblement été faites
en dermer lieu et ont servi à corriger les écarts de la construction, - <ΪΛ
ce qui n'offrait pratiquement aucun inconvénient), toutes ont des
dimensions à peu près similaires, avec de légères modifications lors
qu'elles renferment un escalier. Dans ce cas, en effet, la longueur
dépasse toujours 9m30, alors qu'elle varie ordinairement entre 8m30
et 9m20 ; la petite largeur (celle du mur de fond ou de la dernière
marche) y est plus grande que dans les chambres sans escaliers
(lm75 à lm92 contre lm23 à 'V°S7) ; au contraire, la grande largeur
(du côté de l'entrée) y est plutôt faible (elle varie entre 2m76 et
2m91, alors qu'elle atteint jusqu'à 3œ15 pour les chambres sans .. γ,
escalier). Ainsi, on a visiblement cherché à donner une bonne lar
geur, et surtout une largeur presque constante, aux chambres abri -
1 2m68 et 2e71 pour les deux intacts ; 3m03 pour le troisième, auquel
il manque une marche à la base. Le quatrième commence à 4 m. ; mais,
même en intercalant six marches entre ses deux groupes et deux en
haut, il faut supposer qu'il ea manque deux à la base — ce qui rappro
cherait le point de départ de l'entrée. Ces distances sont prises non de
la ligne de la façade, mais de rareté intérieure de l'avancée latérale des
pilastres.
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>'% taÎîSdOLs
■
tant des escaliers, quitté à reporter l'effet d'élargissement,
sairê pour cotivrir nute surface circulaire, sur les autres (cet „^τ Λ w 7I
sèment du fond à l'entrée n'excède pas 1 m. dans les chambre* A -
JXV
escaliers, alors qu'il pm% aller ailleurs jusqu'à près de lm50). Vin«
tention est évidente : il s'agit d'éviter les bousculades dans les
vomitoria, à l'entrée ou à la sortie. C'est à la même précaution
qu'on peut rattacher rétablissement, aux tâpoie quarts de l'escalier,
»■ du petit palier déjà signalé. '-' -
.
Les murs comportant eux aussi un élargissement du fond de la
chambre à l'entrée, nécessité par le poids de, plus en plus grand
qu'üs ont à soutenir; leur épaieseur, qui varie en général entre
1*»15 et lm20 (minimum : ivtQ&i maximum : 1^34) au départ des
voûtes, augmente d'une vingtaine de centimètres jusqu'à la façade
(minimum : lm20 ; maximum : 1B154). Cet accroissement concourt
accessoirement à diminuer l'élargissement des chambres elles-
mêmes. >
Une épaisseur, aussi considérable s'explique par la qualité mé
diocre du mur : un blocage assez grossier et des parements de pe
ί; ,ι ' tits moellons irréguliers (voir photo 1, pL I); le mortier grisâtre,
dur et grenu, qui régularise la surface/ semble bon, mais le mur
porte des traces de réfection : certains pans ont dû être rejointoyés,
B^
et on n'a pas ménagé le mortier, qui apparaît en saillie. Plusieurs
moyens ont permis de consolider ce mur. Des rangs de briques sont
intercalés, généralement en deux bandes de trois briques dont l'une
est au niveau de la comiche des pilastres (soit 3 m.) et la plus
2Ȕ '
basse à environ lm20 du sol; òn les distingue sur la photo 11,
pi. VI ; les briques sont petites (28 à 32 cm.) et épaisse» de S cm. ;
la couche de mortier atteint 3,5 à 4 cmi.^. ί
Autre procédé : contre les pilastres, on a inséré dans le mur, à
W:'"
1™60 du sol environ, un gros bloc analogue à ceux dont sont failli
■
les pilastres eux-mêmes et qui repose sur quatre ou cinq rangs sup
plémentaires de briques (photo 1? pi. I). Il y a ainsi sept ou huit
rangs de briqués et la masse du bloc (environ 50 χ 80 ein.) donne
à l'ensemble une forte cohésion.
La faible résistance du blocage et même du parement est donc ( A"
'
compensée par l'épaisseur du mur et les éléments de consolidation.
Un système analogue combine dans la construction des voûtes le
blocage et la Tbrique — en proportions bien inégales, d'ailleurs. A
son départ, la voûte s'appuie, en effet, sur un arc de briques carrées
de 40 cm. de côté (pédales), bien visible dans la chambre à esca
lier5; vers le milieu de sa longueur, elle est soutenue par un autre
arc de briques du même modèle (que l'on trouve à environ 5 m.
du fond dans la chambre 21). Aucune voûte n'étant conservée inté
gralement, on ne peut être sûr de l'existence d'un troisième arc
de briques ; elle est pour le moins vraisemblable. Pour éviter l'e
ffritement, le blocage porte toujours un revêtement analogue au
mortier des murs; ce revêtement, très résistant, a conservé la r WA
trace des planches qui soutenaient l'ensemble pendant la cons : 4
: /i
truction.
Les voûtes partent, en moyenne, à 3m75 du sol; aucune n'est
conservée bien au delà du milieu des chambres : la partie la plus
haute s'est partout écroulée, sauf pour la voûte de la chambre mé
diane (6), qui n'a, au contraire, conservé que la partie voisine de
l'entrée, et à un niveau d'ailleurs bien inférieur (4m55-4m75) à celui
'. rt
qui devait être atteint partout ailleurs. Ce fait et sa position la
mettent à l'écart des autres et nous envisagerons plus loin1 le pro
blème qu'elle soulève. Pour les autres voûtes, la pente est, au con
traire, considérable ; la plus grande hauteur conservée — vers le
milieu d'une chambre — est de 6m40; les données sont suffisantes
pour permettre de calculer le pourcentage général, qui est de
39 % ; la hauteur augmente d'environ ,3*60 du départ au sommet,
,
122 E. FRÉZOULS
ce qui double assez exactement l'altitude des voûtes (comme en
pouvait s'y attendrie du fait que lee substructions commencent 4ii
milieu de la cavea) < la hauteur maximum du dessous de la voûte
devait être de l'ordre de 7*40., ', t H;1
La question se pose de l'utilisation de cet ensemble voûté; si
toute occupation des pièces extrêmes (7 et 8) parait exclue, en
raison de leur exiguïté et de leur irrégularité, on pourrait être tenté
de penser que d'autres chambres ont été des taberriae, selon l'ha*
bitude italienne, telle qu'on la constate & Hérculanum et surtout
à Ostie *. En fait, il n'y a pas a Tipasa d'indices suffisants d'occu
pation permanente : ni seuil, ni traces de plafond (car on ne pouv
ait guère laisser à la chambre toute sa hauteur : à Ostie, l'espace
est coupé par une voûte déterminant un entresol; le haut servait
de logement au boutiquier qui y accédait par un escalier, conservé
dans la plupart des cas) *. Les trous que l'on voit aux murs (photo 11,
iff', , \
pi. VI) n'ont rien à voir avec un aménagement analogue : ils se
succèdent en ligne verticale et existent aussi dans les chambres à
escalier, évidemment non habitées. Sans doute sont-Os liés à la
construction des murs et des voûtes et ont-ils servi à mettre en
ψ
1CL P- André, l. L, p. 496-497, et D. Vaglieri, Not. Sàav., 1911,
.
importante, ne devait pas souffrir non plus d'une telle pénurie de ·:&
locaux commerciaux ; on ne voit pas très bien l'intérêt d'une mult
iplication des boutiques loin du port et du centre, près de la sortie
de la ville. Aussi bien ne trouve-t-on pas d'exemple certain d'une
semblable utilisation de substructions d'un théâtre en Afrique : à
Madaure, il n'en est pas question, étant donné les dimentions et la
construction du théâtre 1 ; à Sabratha, G. Guidi n'a trouvé qu'un
dépôt tardif de monnaies dans une chambre et n'apporte aucune
preuve d'occupation permanente2 ; le plan, avec ses deux galeries
concentriques, réduit, du reste, les possibilités.
<
comm«, sans doute, dans les' autres théâtres africains. Λ f/.
■Α Η
^ Β. L« façade. .
ϊϊν.
Les pilastres massifs qui la constituent, beaucoup plus soignés
que les chambrée dont ils séparent les entrées, sont bâtis de gros
blocs calcaires bien appareillée3 dont certains ont un volume d'un
quart de mètre cube (un bloc alterne avec deux demi-blocs);
l'épaisseur du mortier est très faible. Lee cinq premiers à l'ouest
sont plus ou moins ruinés; les autres sont conservés au moins jus
qu'à la corniche, qui est souvent intacte. Leur plan présente trois
avancées de largeur sensiblement égale (lm32 ; voir plan et photo 2,
pi. I) ; celle qui donne vers l'extérieur est plus en saillie que les
f^ massifs latéraux : 53 cm. en moyenne au lieu de 38. La largeur
totale en façade est d'environ 2m10 [1™32 + (2 χ 38 cm.)] ; étant
donine que la hauteur des pilastres, corniche comprise, n'est que
de 3 m., on voit quel intérêt présente cette idée de fragmenter les
plans, et notamment celui qui forme façade, grâce à des avancées " :
un pilastre de 2m10 sur 3 m. sans avancée aurait paru trop trapu
et donné une fâcheuse impression d'écrasement mettant en relief
le faible « envol » de l'édifice. Le faire plus étroit était Impossible ;
il fallait une masse imposante pour soutenir des murs pesante,
1 t
v-i
ì ''
126 8. fft&SOÜLS /ο
ψ revêtement, avoir été eux-mêmes exposés à la vue. Force etffc, ^.
' de s'en tenir à une interprétation décorative de cette double îb^î-
lie de la corniche : on a voulu donner à une façade un peu nue et !/ i
construite en un matériau vulgaire l'ornement d'un relief vigmi^;: ,^|> ,
reux -t- et, de fait, le résultat est assez heureux (voir photo Q$r<. \^A
*
pî. JV). ; - (■ ' μ- <
: ,
-
Les avancées latérales sont utilisées poor supporter les départe
d'une voûte qui donne à chaque chambre une véritable entrée :
autre intérêt de la fragmentation du plan de façade, puisque l'ef
fet monumental ainsi obtenu est plus grand que si la voûte se déta
chait simplement du pilastre, sans qu'une amorce de même lar
geur qu'elle l'annonçât depuis le sol. Aucune de ces voûtes n'est
malheureusement conservée en entier, mais lés éléments en place
(photo 11, pi. VI) permettent de compléter leur dessin ; un simple
tracé graphique donne à la voûte une élévation légèrement supé
rieure à l"*^ au-dessus du niveau de la corniche, donc à 4m25 au-
dessus du sol. L'épaisseur des blocs qui constituent la voûte étant
de 50 cm., la hauteur totale du premier étage atteint 4m75.
Si l'on peut se faire une idée assez précise de cet étage inférieur,
avec ses pilastres, finalement assez élégants, sa corniche largement
débordante et ses voûtes en retrait, aucun vestige ne subsisté du
second ordre. L'élévation maximum nous est donnée par la hau
teur des voûtes supportant la cavea (environ 7m40), majorée de
50 cm. (épaisseur de la voûte en façade)1; l'ensemble des deusi
étages ne peut, en tout cas, dépasser 8 m., ce qui ne laisse guère
plus de 3 ïn. au second ordre, contre 4ia75 a« preinier®. Malgré
l'absence de tout élément du second étage, cette inégalité de hau-
■
-
3
sin du rapport : j-== que nous proposons pour les hauteurs et il
■■
13Ô
'
:
'
plet. Les plans font apparaître une symétrie d'ensemble
fig. 3). Les mums augmentent d'épaisseur en »'éloignant de y v
dos : de lm36 à lm54 à l'est, de 1»34 à 1»6Q à l'ouest. Le
ne s'allonge que sur un peu phie de 10 m., tandis que l'autre,
passe nettement 12m501, ce qui explique facilement la différence
d'épaisseur maximum. En face de chacun des pilastres dont ils
suivent, à près de 3 ni. de distance, la courbe, ces murs comportent
une avancée répondant à l'avancée médiane du pilastre ; le mur
ouest en a trois ; lé mur est, qui s'arrête juste à la hauteur du tro
isième pilastre, n'a que les deux premieres*; mais, si on lui restitue
un développement égal à celui de son symétrique, on trouve assez
exactement la hauteur nécessaire à la troisième avancée. La hau
teur, inégale à l'ouest — sur une petite surface,- toutes les. assises
au-dessus du sol ont même disparu — y va jusqu'à 1»»65 ; à l'est,
I-'-- la hauteur, constante, est légèrement supérieure ; ce n'est qu'en
bordure de la parodos que deux assises en plus lui' font atteindre
2m40. La largeur du passage entre les avancées est tout à fait iden
tique de part et d'autre (voir fig. 3) : 2m35 entre a et a, 2m32 entre
a' et et' ; 2m74 entre b et β, 2m74 entre b' et β' ; 2m75 entre c' et γ'.
Le rétrécissement entre les deux premières avancées est dû à une
plus grande saillie du premier pilastre de « façade* » : lœ26 à l'est,
lm04 à l'ouest au lieu de 53 cm. en moyenne, et les deux ensembles
présentent une symétrie très sensible ; visiblement, ce rétréciss
ement vise à constituer une espèce d' « entrée » donnant sur la
parodos. De ce côté, du reste, les dimensions sont extrêmement
régulières (fig. 3) : on trouve, par exemple, la même mesure
IC« ι
LE THÉÂTRE ROMAIN DE TIP ASA 129
(73 cm.) pour lee quatre faces nord : l'impression est confirmée
par les caractères exceptionnels des deux avancées se faisant face :
une corniche les couronne à un peu moins de 2m30 au-dessus du
niveau de base des escaliers, soit à 70 cm. plus bas que pour tous
les autre» pilastres ; mais surtout l'avancée α comporte, en retrait
par rapport à la première, et dans l'alignement général de la «fa
,* '. iH
çade », une seconde corniche, dont il reste peu de chose, mais qui
est indubitablement en place 1. Cette seconde corniche surplombe
- s l}\
d'environ 80 cm. la première; à un peu moins de 3m10 de haut,
elle est sensiblement dans le plan horizontal des autres, comme
elle se trouve aussi dans leur alignement semi-circulaire. Toutes
les données, malheureusement fragmentaires, semblent donc indi
quer l'intention, au contact de la parodos, en utilisant un pilastre
normal renforcé et muni d'une seconde corniche plus basse et une
avancée symétrique du mur concentrique à la « façade », d'établir
une entrée assez monumentale, sans doute voûtée — la voûte s'ap-
puyant sur les deux avancées basses.
Mais où menaient ces entrées? L'existence des deux murs con
duit à penser à la galerie circulaire courante dans les théâtres cons
truits2. Pourtant, une telle galerie ne semble pas avoir pu exister
à Tipasa :
'il
1° D'abord, la fouille n'a absolument rien révélé au delà des Ά
17
deux massifs signalés, soit sur les -^ de la circonférence. Sans
doute Tipasa a-t-elle été pillée et a-t-on dû démonter les murs bloc
à bloc en progressant suivant leur tracé ; mais quelle coïncidence Hi
1 On ne peut malheureusement s'appuyer que sur les mesures du
côté est, car, à l'ouest, les pilastres sont presque rasés. Mais nous croyons
pouvoir induire de la symétrie parfaite des plans celle de l'élévation et
imaginer à l'ouest des hauteurs égales, d'autant plus que les deux avan
cées de l'est sont très bien conservées. Du côté du mur extérieur, la
première avancée (a) est d'ailleurs la seule — et c'est fâcheux — à avoir
gardé sa corniche basse (voir plan, flg. 3 et photo 4, pi. II).
2 Par exemple, au théâtre de Marcellus, à Ostie, à Sabratha/etc...
1 Cf. les ouvrages cités plus haut et M. Bieber, The History of the
Greek and Roman Theater* Princeton, 1939, p. 326 sqq.
* Oft peut rencontrer, il est vrai, une corniche à l'intérieur d'un por
tique', c'est le cas au théâtre de Marcellus. Mai» il s'agit d'un édifice i.
luxueux et ^existence d'un portique véritable laissé un intérêt à bette *■
sorte de façade intérieure, qui reçoit tout de même au jour. A Tipasa»
il n'en serait pas ainsi, et tous les effets que nous avons analysée per
draient leur sens s'il y avait une galerie circulaire couverte.
■ * On trouve bien, à Chemtou, un exemple de galerie circulaire fîmftée
L8 THEATRE ROM AJ Ν DE TIPASA 131
3° Faut-il imaginer quelque chose d'autre que le portique semi-
circulaire sous sa forme classique? Ne pouvait-il y avoir, au-dessus
des assises actuellement conservées, des arcades? Pure hypothèse,
qu'aucun vestige ne justifie. Et pourquoi, dans ce cas, un mur
plein jusqu'à près de 2 m. — ou davantage? La seule explication
.i-Si
\^
par un mur plein destiné à retenir les terres environnantes ; cette galerie
est éclairée par des regards pratiqués dans sa voûte. Mais son mur inté
rieur est nu, lui aussi, au lieu de présenter comme à Tipasa tous les carac
tères d'une façade; surtout, la plate-forme demi-circulaire qui couvre
cette galerie a un rôle fonctionnel, puisqu'elle permet, par des passages
de plain-p>ied entre les gradins, d'accéder à la praecinctio — ce qui serait
absolument impossible à Tipasa. Sur Chemtou, cf. J. Toutain, in Mél
anges dé V École française de Rome, 1892, p. 359 sqq.
1 Voir ci-dessus, p. 115 et η. 2.
palissade isolant l'édifice d'un voisinage dépourvu d'attraits. Maie
nous n'avons pas envisagé une ^dénivellation <*e l'ordre de 2 m. et
il est inconcevable que les constructeurs, prenant la peine d'édi
fierla cavea sur des substruction», se »oient imposé de surcroît
pareil gaspillage da matériaux et de main-d'œuvre. Ils auraient
plutôt, si la pente avait été aussi forte, bâti un théâtre adossé, ou
du moins réduit au minimum les substructions, comme à Philippe-
' '
ville.
'
De plus, une telle dénivellation interdirait tout accès au sud,
venant de la route de Cherchel 1. Or, comment admettre que l'a
W.. rchitecte se soit privé, alors que la route est toute proche, d'un des
avantages essentiels du théâtre construit, la faculté de déconges
tionnerles entrées latérales en rendant la cavea accessible par l'a
rrière?
4° Rien ne 'nous autorise à dépasser ce que nous avons sous les
ΪΥι yeux : ni sous la forme d'une galerie voûtée à arcades8, ni sous
celle d'un mur plein continu, nous ne pouvons concevoir que les
murs qui nous intriguent aient fait le tour de la cavéa. Les prolon
ger arbitrairement, sur la fol d'une ressemblance avec d'autres
théâtres, illusoire, on Fa montré, ne sert qu'à rendre leur existence
plus insolite et moins compréhensible. Il n'est pas davantage ques
tion d'y voir un ouvrage inachevé : aucun indice positif ne le per
met, et cela n'expliquerait pas mieux le rôle dévolu à ce mur.
•Ϊ.Γ, *
5° Quel peut-il être, si l'on considère les deux massifs, tels qu'ils
se présentent, comme complets? .
Certes, ces murs, isolée, ne sont pas moins insolites que ne le
seraient les ensembles que nous venons d'écarter. Pourtant, un
>.,' '. 1 Car on ne voit pas comment «'opérerait cet accès, à moins d'ima
giner encore tput un ensemble compliqué et gratuit.
1 Le fait que Ton n'ait pas trouvé, en fouillant, de restes de blocage
à l'extérieur de la façade est un argument de plus contre la galerie voû
tée traditionnelle.
LE THÉÂTRE ROMAIN DE TIPASA 133
rapprochement peut nous éclairer : d'une part, on a ménagé un , .ν*
passage d'aspect soigné entre la parodos e% l'arrière de la cavea1 ;
d'autre part, les deux massifs s'arrêtent exactement au premier
escalier à Vest et à l'ouest. L'espèce de corridor ainsi créé joint
donc la parodos avec les entrées postérieures, l'accès traditionnel
avec l'accès propre aux théâtres construits, comme si on avait
t
voulu donner une souplesse plus grande au système des entrées,
et particulièrement canaliser vers les escaliers les spectateurs s'en-
gageant dans la parodos sans avoir pour autant leur place dans la
cavea inférieure. Sans doute, une véritable entrée voûtée n'était
pas nécessaire : pourtant, elle invitait naturellement le spectateur
novice à comprendre qu'il y avait aussi un passage par derrière et
à l'emprunter, alors que, sans les murs A et A', il n'aurait pas
manqué de suivre la parodos vers la cavea inférieure8, réservée, en
province comme à Rome — avec les sièges de l'orchestre - — aux
notabilités. Faute d'une organisation de ce genre, les avantages du
théâtre construit risquaient de se trouver annulés, les étroites paro·
doi et la cavea inférieure encombrées et la foule des pullati, voire
des esclaves, mélangée aux prêtres ou aux decurione8.
/ù
&: De plue, une raison; architecturale «β joignait à la raisoa
tionnelle; l'absence dee maeew A et A' aurait créé un rentrant
peu harmonieux entre les eaUee annexée de la scène et la caçéaï
Leur présence, au contraire, équilibre lieureiieement, de part et
d'autre de la parodos, deux dimeneione sensiblement équivalent«,
de même qu'eue donne au passage entre paredos et salle annexe
(22 sur le plan) une réponse dont la symétrie est agréable (23).
Considération non dénuée d'intérêt si l'on se rappelle, par exemple»
l'importance qu'attache Vitruve à la symétrie et la place qu'il lui
fi.·· donne dans sa définition de la beauté2.
6° Notre explication ne permet pas non plue une reconstruction
complète des deux corridors de liaison : lés mure sont trop ruinés ·
pour qu'on puisse è coup dur leur assigner des voûtes ou leur en
refuser. S'ils en avaient, leur épaisseur considérable s'explique
œ- ■-
mieux; néanmoins, les raisons d'économie exposées plus haut8 et
rinutilité de semblables voûtes pour un' simple passage font pen
cher pom» la négative — en dehors du petit arc de l'entrée. Les
^
Appuyés les uns sur le sol, les autres sur les substructions, les
gradins reposaient toujours sur un solide blocage, visible là où ils
manquent. La forme générale est celle d'un demi-cercle d'un peu
plus de 58 m. de diamètre, amputé de chaque côté de la largeur de
la parodos; mais celle-ci était voûtée et devait supporter des tri-
bunalia et, en haut, des gradins. L'ensemble de la cavea formait
donc exactement un demi-cercle, comme il est normal dans un
théâtre romain ; le centre se trouve à quelques centimètres en avant
de la façade du pulpitum, ce qui correspond pratiquement à la
prescription de Vitruve V
On sait que la. cavea a été systématiquement pillée jusqu'au qua
trième gradin inclus; il ne reste donc, outre quelques éléments
d'escaliers qu'il sera aisé de remonter, que ce qui est en deçà du
troisième rang. La séparation entre cavea et orchestre est marquée
136 Χ, FAÉSWHJL8
par une rangée d'orthostate» épais de 22 cm., rognés en général
au ras du sol1. Ces orthoetatee sont maintenus, du côté de Toï-
Φ:
ohestre, par un demi-cercle de dalles larges de 60 cm. et épaieae»
de 11 cm. en moyenne ; du côté de la cavea, à quelques centimètre·
,
plus haut que ces dalles, par une praecinctio de lm25. Sous cette
praecinctio, empruntée par les spectateurs venant des parodoi pour
gagner les escaliers, se trouve un égout, sur lequel ouvrent dee
trous percés dans certaines dalles.
,ίί ',
Le premier gradin est précédé, suivant l'usage, d'un marchepied,
où poser les pieds sans être dérangé par les passants et dont les
dimensions sont plus faibles de moitié : 36 cm. de profondeur sur
une vingtaine de haut. Les gradins, eux-mêmes taillés, sans cor
niche, dans un calcaire résistant, et bien conservés, font . 72 à
75 cm. sur 34. Cinq escaliers, déterminant quatre cunei, y sont
creusés, à intervalles réguliers, le premier et le cinquième longeant
exactement la parodos (voir photo 5, pi. III) ; selon la technique
habituelle, les gradins sont entaillée de manière à doubler le nombre
des degrés en en diminuant profondeur et hauteur de moitié; il
reste ainsi, le marchepied n'ayant pas besoin d'être entaillé, six
marches d'environ 17 cm. de haut sur 35 cm. de profondeur (soit
sensiblement moins que pour les escaliers extérieurs). La largeur
moyenne est de 85 cm., ce qui peut suffire, à l'extrême rigueur,
pour deux personnes de front.
Les gradins ne comportent pas d'autre particularité que Pexis^·
tence au second rang, aussitôt après le second escalier en partant
de l'est, de trois inscriptions identiques, nettement gravées à trois
places successives et se composant des lettres CHI 2. A cet endroit,
il s'agit évidemment d'inscriptions réservant les places à un part
iculier, une famille ou une collectivité; un tel usage n'est pas
■Vi cendre après être monté1. D'autre part, c'est derrière elle
a un abrupt (deux foie environ la hauteur d'une marche), alo»
qu'Une praecinctio dessert le mat&ianum supérieur et non le rmè-
" nianum inférieur (voir fig. 4). Surtout, elle n'existe que vere le
Ρ*
centre de la cavea : aux extrémités*«et et ouest, un blocagfr vjei^
blement en place trahit la continuité des gradins jusqu'à la nais
sance des voûtes, qui sont en plusieurs points assez bien conser-
vées. Le théâtre de Tipaea ne peut ilgbé avoir comporté de prae
cinctio centrale. Quelque difficile que celât paraisse, il faut bien
admettre que les spectateurs de la cavea supérieure, débouchant
ìfrT.
des çûmitoria, empruntaient pendant quelques mètres un simple
gradin: pour y gagner l'escalier qu'ils devaient gravir.
Y avait-il une praecènetio plus haut? Ce n'est pas sûr, car c'est
à l'arrivée des escaliers postérieure qu'elle était vraiment le plus
ν }■
utile ; de plus, à la reculer, il faut la rejeter très loin, puisque les
voûtes interrompaient la continuité des gradins sur plus de 2 m.
de profondeur (elles semblent, en effet, ne commencer qu'au-dessus
du palier précédant les quatre marches supérieures — ce qui repré
sente, suivant sa position exacte, i^Gê à 2 m., inutilisables, c'est-à-
dire pratiquement trois gradins en moins, soit plus de 2m10). La
y* disproportion serait alors bien grande entre les deux maeniana,.
Toutefois, le second, même de profondeur réduite, représentait
ι? ' -■· » une surface très étendue, et pareille disproportion n'est pas sans
exemple8. Nous préférons courir le risque de l'admettre plutôt que
de supposer un théâtre sane autre praecinctio que celle qui succède
immédiatement à l'orchestre : elle se placerait ainsi après le dix-
septième gradin.
Ajoutons que le décalage des escaliers,- qui est normalement de
'
règle1, ne lait aucune difficulté avec une praecinctio très haute,
alors qu'il était impossible à Tipasa avec une praecinctio située au
niveau des vûmUoria ou plus bas : ceux-ci, en effet, occupent pré
devraient'
cisément la position que prendre les escaliers du second
maenianum. Enfin, comme la valeur des places augmentait avec
leur proximité de la scène, il a pu sembler avantageux de sacrifier
plutôt des rangs éloignés que deux gradins proches — surtout dans
une eavea relativement petite et. qu'on ne pouvait songer à agrand
ir sans un gros cubage de maçonnerie, donc une grosse dépense.
De même, une précinction haute pouvait servir de bamère entre
le second maenianum, réservé aux gens de peu, et le reste de la
cavea. Au contraire, une galerie centrale, inapte à jouer ce rôle,
eût favorisé, dans la cavea supérieure, une promiscuité peu con
forme, on l'a vu, aux habitudes romaines 2.
Quant au seul point qui semblait rendre probable la praecinctio
centrale, il s'interprète parfaitement dans la présente hypothèse : le
« couloir », plus large après lé dixième gradin, correspond en fait à
la disparition du onzième 8 : les dimensions conviennent exactement.
ville ; cf. St. Gsell, Prom, arch., p. 70-71, et Mon. ant., I, p. 193 et 196.
Pour Dougga et Timgad, où la chose est également possible, nous n'osons
pourtant être aussi affîrmatif que M. G. Caputo. Les deux sanctuaires
seraient dédiés à Gères Augusta (Dioniso, 1947, fase. I, p. 19).
1 Nulle part, ces sanctuaires ne sont, d'ailleurs, bien conservés.
2 La dénivellation entre la praecinctio et l'orchestre est plus forte,
mais celui-ci est lui-même en contre-bas de 80 cm. par rapport au sol
derrière là cavea; les parodoi sont en nette déclivité.
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ÎS|^5^^^ ·.·;£
142
telles dimensions ne soulevaient
difficulté à Tipasa ; quasi à le hauteur, elle pourrait
valeur un peu supérieure, donnant au sanctuaire une façade hat-
monieuse, aeeez analogue à celle qui a été reconstituée à
sani pour cela déparer la perspective en dépassant le mur de fond
— qui devait, on l'a vu2, aller au moins jusqu'à 9m50 à 10 m.
Les vestiges sont trop dérisoires pour fonder, malheureusement,
autre chose qu'une hypothèse. EU» p&ig& semble la seule capable
d'expliquer un fait — l'existence de là' voûte basse — sans hetok
ter les autres. De plus, à Tipasa, elle bénéficie d'un autre appui
encore. Combien, en effet, n'est-il paa naturel que l'architecte,
' §·· -* *-
tardif, mais soucieux, nous l'avons déjà pressenti, de créer un en
semble complet et harmonieux, soil allé chercher des idées et un
modèle dans la capitale voisine, toujours prestigieuse depuis
Juba II? Or, le théâtre de Cesaree comportait un temple au som
met, Gsell admet qu'il faisait partie des réalisations conçues, pour
l'embellissement de sa capitale, par le savant allié de Home' lui-
même. Si c'était vrai, nous aurions à Tipasa, par une filiation
assez attachante, un modeste reflet de l'ouvrage qui dut retenir
durant ses années romaines les regards de Juba et inspirer ensuite
ses plans : le théâtre de Pompée, majestueusement couronné par
le temple de Vénus Victrix*.
Si l'on accepte des gradins plus étroits au sommet, sans galerie,
.
'■
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„M
144 VR&SOULS
Les « parodoi »»
qui, à l'entrée, devait être imposante (et dont nous n'avons plus
que de faibles amorces). Pas plus que nous n'avons vu de nécessité
u'.
m
*>', V -ί· .-■
8 Qui devait avoir la même hauteur que les chambres déjà étudiées
.
(soit 7œ40), si, dû moins, elle n'était pa» piafonnée plus bas pour laisser
' "Ü
148 it, frìzouls ,
ne permettrait même pas le pass&ge. Une voûte plus haute, partant
une pente moine accentuée— si l'on ne voulait pas p«Mre J^eed-
coup de place — s'imposaient donc. Les gradins perdus de ce
&
'
.'„ V
150 TBÉZOUL8
jusqu'à la praecinctioy qui pouvait leur fournir un» entrée
Rien ne pennet de se prononcer1.
ν.·
La scênb et sbs däpbrdances
Si l'orchestre et, ^es parodoij inalgré bien des destructions, ne
laissent pas subsister d'incertitudes, majeuree, tout ce qui est plu*
au nord est trop rasé pour nous livrer autre chose qu'un plan» par-
foie confus. Comme la fouille n'a mie au jour, en dehors des él
éments en place et d'objets de terre cuite grossière, qu'un petit
autel non sculpté et quelques fragments de colonnes sans grande
signification, les problèmes d'élévation nous demeurent à peu près
insolubles.. Cette situation n'est pas rare en Afrique — on la
retrouve, par exemple, à Timgâd, & Gherehel, E31e «et due ici tout
particulièrement à la déclivité sud-nord du terrain : la scène, le
mur de scène et les dépendances, constamment restés au-dessus
du niveau des terres, n'ont pas été protégés de la destruction ni, du
pillage, particulièrement tentant dans les parties, traditionnell
ement les plus ornées d'un théâtre (voir photo 12, pi. VII).
A. Le plan d'ensemble.
*,?■*'', Il est impossible d'étudier séparément les différentes parties sans
définir préalablement leur dépendance mutuelle. Malgré le mau-
1 La photo 10, pi. VI, montre, sur le mur sud de la parados ouest,
de gros trous carrés formant une ligne parallèle à la direction de la voûte ;
ils existent aussi 4 Test, oà ils se font face, -sur les deux nuir&, selon la
même pente ; de chaque cète, leur ligne monte de lœ3O*>iô à 2œ80. Ils
ne portent aucune trace particulière et nous avouons hésiter sur leur
interprétation. ÏIÉ ne peuvent avoir servi à la construction de la voûte,
puisque le mur ne porte pas trace d'un revêtement qui pût les cacher.
Ils n'ont pu recevoir -*- à ce niveau — des poutres dont on ne voit, an
reste, p$us l'intérêt, ni <— avec cette ponte — une rampe. Reste la pónti- ·
bilité d'une utilisation décorative : ils ais«ient servi à fixer une série
d'ornements métalliques ou des plaques de marbre ; mais leur taille
rend la chose très difficile et ils ne portent aucune trace de sceUeiaent,
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152 Β. FRÌBOULS
vaie état de la partie ouest, la symétrie générale par rapport è
l'aie gué-nord du théâtre, qui est évidente (voir plan, fig. 5),
'
lite cette mise en place. , . \ *\
On distingue assez bien, aux extrémités, deux grandes ealtee ΐ
rectangulaires (9 et 1) communiquant à la lois avec l'extérieur et
avec la parodos ; puis, vers le centre, deux autres surfaces rectan
gulaires (17 et 18) plus petites, limitées par quatre avancées, dont
les deux septentrionales ne forment A l'intérieur de ces salles qu'une
très faible saillie1. Au centre, un -grand rectangle excavé, flanqué
de deux surfaces inégales, qui rompent la symétrie ; au sud de la
fosse, un mur à exèdres donnant sur l'orchestre et axé sur son
centre ; au nord, un rectangle oblong nettement en retrait avec
des dépendances, dont une salle rectangulaire (15) et une autre à
peu près carrée, de plan confus (14) *. Nouvel élément asymétrique,
mais qui ne fait pas difficulté : la citerne (16) de l'est, qui a profité
d'un redan formé par la grande salle et l'ensemble en retrait.
Tout cela est assez simple et l'on reconnaît aisément dans les
éléments énumérés : les vastes foyers du théâtre, les parascaenia
rectangulaires, Yhyposcaenium, le mur du pulpitumet le soubasse
ment allongé du mur de scène 'avec ses dépendances —-pourvu
qu'on résolve une difficulté : que signifient les espaces inégaux
flanquant, à l'est et à l'ouest, la fosse de la scène? Car, d'une
part, on ne peut concevoir — par définition — de parascaenia que
contigue à la scène. D'autre part, s'il faut localiser la frons scaenae
entre, les murs 10 et 11, elle se trouve désaxée ; comme elle a forcé
ment sa valva regia en 12 (face au centre de l'orchestre), où placer
les kospitaks? >
W·
LE THÉÂTRE ROMAIN DE TIPAS A 153
'
'
:
Ί U&'ii
156 S. PRÉZOULS
dee exedres est insolite : s'il va jusqu'à treize (plue deux escalxerj)
dans l'immense théâtre de Vienne1, il n'y en a que neuf à Meriwia»,
, Ostié, Khamisea8, sept à Herculanum, Sabratha, Timgad, cinq
à Dougga et à Djemila. C'est φι» bien eonvent elles sont plot
, grandee et n'oocupent pas toute la largeur du mur, lui-même géné
ralement plus étroit que la scène»4. Λ Tipasa, au contraire, & part
deux lignes droites de lm50 à chaque extrémité, tout le front du
pulpUum est morcelé en niches ; de plue, lait exceptionnel, il occupe
une largeur égale à celle de Ykyposcaenium, Une pareille étendue
aussi fragmentée n'a son équivalent que dans le stylé exubérant
des théâtres romains d'Orient5. L'absence d'escaliers faisant con)"
'"/ ν ί
muniquer l'orchestre et l'estrade, assez rare en Occident", accroît
encore la ressemblance et impose à la vue l'impression de répéti
tionornementale. 11 serait évidemment téméraire d'en déduire
quoi que ce soit concernant la richesse de la frons scaetiae disparue.
Au moins le style du murus pulpiti — en même temps qu'il est
un indice de construction assez tardive — révèle-t-il un parti pris
décoratif intéressant : il exclut, en effet, à peu près sûrement la
solution du Ijas-relief qui a prévalu, notamment, à Sabratha et
pour laquelle les exèdres de Tipasa offriraient une surface trop
,
.
■
C. Ζ' « hyposcaenium ».
. ή
/' '* ' ,
158 *.
après άςβ siècles passés sous terre, — plutôt qu'à un pavement.
Peut-être la saillie la plus basse, le long du mur ouest (voir phofà $0,
$-; pi. Vì), k 3*90 de profondeur, représente-t-elle le niveau cl
Bien entendu, les fondations partaient de plw bas : le mur
descend à plus de 4m50, les pilier» presque aussi profond — san»
doute parce qu'on tenait à s'appuyer sur la roche.
Ces piliers forment trois rangs est-ouest qui en ont conservé
chacun de sept à neuf ; ils sont également alignés trois par troie,
dans le sens nord-sud. Le rang sud est à 1*30 environ du murus
pulpiti, le rang nord à la même distance du mur de scène et à 1 m.
à peine du rang intermédiaire ; le plue grand écart est entre ce der
nier et le rang sud : plus de 2 m. Les piliers, dont la section dimi
nuelégèrement de bas en haut, ont en moyenne 50 cm. (nord-sud)
sur 80 (est-ouest). Ils se succèdent en moyenne tous les 2^30. L'en*
semble devait former un soutien très suffisant au plancher où se
.-«'.'
donnait la représentation.
Les dimensions de la fosse peuvent être considérées, on l'a vu,
ι-'r,.'·- comme moyennes pour l'Afrique ; la largeur est de 30m25 au nord
et de 30*60 au sud, la profondeur de I^Ob à l'est et de 7m5O à
l'ouest. Le petit accroissement reçu par les côtes sud et ouest β"
\, " ' r
donne à l'angle sud-ouest une valeur légèrement aiguë. Cette ano-
mafie est à rapprocher du fait plus important que nous avons
signalé1 : le décalage — à droite — de la, fosse par rapport à sa
façade et au plan d'ensemble du théâtre. Tous deux ne peuvent
s'expliquer qu'en fonction d'un élément que nous avons à dessein
différé de signaler : la présence, entre le mur sud et, le rang de
piliers le plus proche, d'un mur continu dottt le, sommet forme, è
2m60 de profondeur, un couloir horizontal Os mur, de petit appar
eil,occupe toute la largeur disponible, soit i»05j et a lui-même
plus de. 2 m. de haut. Le fossé qu'il 4étermine et le décalage, de
•
LE THÉÂTRE ROMAIN DE TIP ASA 159
,
Yhyposcaenium vers l'ouest sont évidemment à mettre en rapport,
et l'on pense naturellement au dispositif permettant la manœuvre
des aufaea, équivalent de notre rideau d'avant-scène.
Il n'est pas facile de percevoir le détail de ce dispositif : tout le
matériel a disparu, et surtout les conditions, malgré une nette re
ssemblance d*enseinble, s'écartent assez, si l'on y regarde de près,
de celles qu'on rencontre d'ordinaire. Dans bien des théâtres (à
Pompéi, Timgad, Arles, par. exemple), on trouve des conduits de
pierre verticaux, de section carrée, où coulissaient des piquets de
bois soutenant le rideau. D'autre part, à Timgad, à Arles, la part
iedroite de la scène porte les traces d'encastrement des machines
permettant, par un jeu de câbles et de poulies, la commande des
piquets — et c'est bien à droite qu'est décalé Vkyposcaenium éé
Tipasa. Dans l'article déjà cité, M. J. Formigé, s'inspirant de Ma-
zois, mais le complétant magistralement1, a reconstitué dans tous
les détails le fonctionnement du système, tel du moins qu'il se
présente à Arles et aussi, sans doute, à Syracuse, Timgad, etc.;
Nous ne pouvons que renvoyer à son exposé, dont nous admettons
le schéma général — en signalant et en essayant de résoudre les
difficultés propres à Tipasa. '
.
qui recevait le« aidaea une fois abaissés. Même si Ton n'exchit^as
un pillage à cette profondeur, ces éléments devraient au moins
avoir laissé quelque» vestiges pour qu'on pût les restituer. Or, le
mur sud et le» piliers, très bien conservée, ne portent aucune trace
d'arrachement ni d'encastrement pouvant convenir à un véritable
« piafon/1 » permanent de la fosse. ' !
'
Par ailleurs, celle-ci ne peut être autre obése que le réceptacle
du rideau ; de plus, l'analogie d'ensemble avec d'autres théâtre»
est trop grande, la profondeur convient trop bien ponr qu'on songe
& autre chose qu'au système de M. Formigé. On «si seulement con
traint de lui donner une forme plus Bommaire en supposant la
pierre ou la brique remplacées par le bois dont la disparition n'au
rait alors rien que de naturel. La construction en bois n'est, à notre
connaissance, attestée nulle part ailleurs1, mais satisfait aux con
ditions mécaniques requises; de forts conduits de bois encastrés
à leur base dans le fond de la fosse *, traversant en haut un plancher
qui les maintiendrait solidement, présenteraient une stabilité très
suffisante pour remplacer leurs équivalents en pierre d'Arles ou
de Timgad. Bien graissés, ils auraient — outre celui d'être plus
économiques et facilement remplaçables — l'avantage de gui
der avec moins de frottements la course des âmes auxquelles
était accroché le rideau. De même, le poids de celui-ci n'était
.UÈ."
5 ->
162 E. FftÉZOULS
La localisation dans l'excavation même du tambour qui enroul
ait
les câbles des piquets interdit' de supposer son axe enoastré
de part et d'autre dans la pierre, puisqu'il n'y a rien en face φι
mu? «uà*. Ce qui explique qné nous ne trouvions pas trace dTnm
tel encastrement. Force nous est d'imaginer un dispositif indépen?
dant, en l'occurence un axe soutenu par un chevalet qui ne pou
vait être qu'en bois et devait reposer à la fois sur le mur en petit
appareil (a sur la photo 10) et sur le sot de Vhyposcaenium*
?7· '
Quant à l'exiguïté de l'espace réservé aux machines, elle impose
l'abandon du contrepoids « en hauteur » dont M. Formigé a retrouvé
les traces à Arles et à Timgad, mais dont aucun chemin vertical
n'indique, à Tipasa, la présence dans le mur de la parados. La par- ,
tie de Yhyposcaenium située au delà du dernier pilier est, en effet,
trop étroite pour recevoir à la fois le tambour de commande, le
treuil permettant, sur un axe différent, de remonter le contrepoids
et, entre eux, le contrepoids lui-même. Faut-il en conclure que le
tambour était manoeuvré directement, sans contrepoids? M. For
migé fait justement remarquer la lenteur du mouvement dans
cette hypothèse et sa difficulté, alors que le rideau doit cacher rap
idement les acteurs au public. Mais cet abandon n'est pas néces
saire et l'espace devient suffisant pourvu qu'on suppose au treuil
de remontée un axe prolongeant celui du tambour, ou même indé
pendant, mais installé à faible distance, sur le même chevalet —
ce qui n'est pratiquement possible qu'avec un contrepoids « en
profondeur »»glissant le long du mur en petit appareil2.
'
t. FRÄZOULS
Pourquoi ce moindre encombrement avec un contrepoids « en
profondeur »? Parce que, ùtMteiA directement l'action de la pe**ii~
teur et non indirectement au moyen .d'une poulie (voir les schémas
fig. Set 9) S il tombe dans la pfirticale du tambour et non à côté de
lui3. Parce que, de même, le treuil, agissant aussi sans poulie, pm%
Sans inconvénient remonter le contrepoids, qui est libre, selon une
trajectoire légèrement différente de celle de la descente et, par con
séquent, se trouver très voisin du tambour, {j'espace nécessairi»
varie à peu près du simple au double, ce qui correspond justement
aux possibilités de Tipasa.
La solution convient particulièrement â une scène comportant,
de toute façon, une fosse profonde : il a pu sembler inutile de cons
truire une installation en hauteur compliquée lorsque l'on disposait
pour le contrepoids d'une « descente » naturelle de près de 4 m.,
suffisante si l'on choisit des diamètres d'enroulement convenables.
Elle offre l'avantage de fournir une explication de la surprenante
construction du coin sud-ouest de Yhyposcaeniûm, qui n'a pas son
pendant à l'est : des deux assises débordantes en pierre de taille,
l'inférieure (b sur la photo 10, pi. VI — en saillie de 82 Cm.) a pu
ν ν
1 Cf. Formigé, 1. 1., flg. 6 et 7. De plus, le même problème qui se pose
pour le logement de l'axe du tambour reparaît pour la poulie jusqu'à
laquelle remonterait le contrepoids « en hauteur » ; son axe trouverait
à s'encastrer, au sud, dans le mur de la parodos, mais non au nord.
* Si le système « en hauteur » exige plus de place, c'est non seu
lement parce qu'une raison de sécurité interdit de faire tomber le
contrepoids au-dessus du tambour, mais aussi parce que, le contre
poids ne descendant pas dans le plan d'enroulement de son câble,
mais à l'intérieur du mur, un changement de direction de la force est
nécessaire* qu'opéré la poulie à axe oblique (fig. 8), mais qui soulèverait
d'insurmontables difltcuités si le contrepoids tombait au-dessus du tam
bour.· ' - . ■
Les mêmes considérations sont valables aussi pour le treuil, qu'il
soit horizontal, comme à Arles, ou oblique, comme à Timgad, selon
M. Formigé, (en pointillé, fig. 8). On peut les résumer commodément
en disant que le système « en hauteur », contraint de prendre appui sur
la pierre, élément fixe, doit transformer l'action de la pesanteur, alors
que l'autre, parfaitement indépendant, l'utilise à son gré.
LE THÉÂTRE ROMAIN DE TIPASA 165
former pour le chevalet un butoir inébranlable, la supérieure (c sur
la photo — avançant* de 52 cm.) soutenir le départ de la petite
plate-forme nécessaire à la manœuvre du treuil ; son niveau (envi
ronlm40 au-dessous de l'orchestre) mettrait la machine à exacte
portée de la main. Il serait bien difficile de comprendre, sans la
solution envisagée, la différence d'appareil et l'étrange coupe du
mur.
Une telle reconstitution, comme toutes celles de ce genre, de
meure hypothétique. Elle a la malchance de disposer de peu d'él
éments positifs et d'utiliser surtout l'absence de vestiges dans la
pierre comme argument en faveur de la construction en bois. Mais
cette absence est aussi, à sa manière, un témoignage positif. Si
vraiment la fosse est destinée au rideau et si le principe de la ma
nœuvre est celui que l'on connaît par ailleurs — ce qui ne saurait
être mis en doute — il faut bien rendre compte de l'installation.
Or, un fait concret (existence p!es trous — et d'eux seuls — dans
le mur sud et les piliers, à la hauteur de l'orchestre) exclût la
pierre ou la brique. D'autres (largeur disponible, manque de tout
point d'appui au nord, particularités du mur ouest) font rejeter
à la fois l'élévation courante et, de nouveau, l'intervention de la
pierre. Un ensemble de bois, avec contrepoids en profondeur, ré
pond donc seul à la fois aux exigences générales du procédé et à
celles, particulières, que nous impose la ruine1.
On vérifiera la nécessité d'employer parfois une méthode aussi
« négative » à propos d'un dernier problème : cejui des accès à
Y7iyposca$nium. Ni porte ni escaliers n'ont été trouvés et, sur tout
le périmètre, les murs sont conservés trop haut, sans trace de réfec
tion, pour qu'on puisse penser à un accès permanent. Il faut, ici
que celui d'une chambre située derrière elle1. Elle nous donne, en
tout cas, la limite extrême que pouvait atteindre l'esèdre de la
valva hospitalis orientale ; peut-être l'angle rentrant qu'elle pré*
sente au sud-ouest est-il l'amorce de cette esèdre ; on serait tente
de le croire, car il fait face .à un massif de blocage autour duquel
on a trouvé des traces de parement ; la distance (un peu plus de
3 m.) pourrait convenir. Si nous avions vraiment là les linéaments
d'une exèdre, l'intérêt serait surtout de constater qu'elle semble
quadrangulaire ; on aurait alors un hémicycle au centre, ce qui est
la règle en Occident, et notamment en Afrique8. Mais cette rest
itution n'est rien moins que certaine.
La seconde salle est moins équivoque : son plan allongé, ses d
imensions (5m50 sur un peu moins de 2m50), sa position extrême
et surtout le fait qu'elle comporte du côté nord une ouverture di
sproportionnée avec sa taille (lm47 de large) si elle n'était une salle
de passage, indiquent clairement sa destination : elle abritait l'e
scalier d'accès au premier étage du bâtiment qui a pour façade la 'â-
frons scaenae. Cette disposition est tout à fait conforme à l'habitude
générale (cf. plan du théâtre d'Orange, fig. 6). A l'ouest, elle a con
servé une couche de blocage de 50 cm. de haut.
1 Haut de 40 à 50 cm.^ . .
* II n'y a pas trace à Tipasa de la petite loge entre les deux saillies
méridionales, que M. Formigé attribue pour Arles À un « procurator a
scaena », maie qui n'est pas courante. v
■ν 8 La largeur plus grande ne surprend pas : elle est commandée par
la position du mur nord de Vkypòscaenium, que le mur.du foyer prolonge
au delà de l'interruption des parascaenia. Or, on se souvient que l'Ay-
poscaenium s'élargit ψβαί en ouest dans une proportion (7m05 à 7m40)
qui expliqué parfaitement la différence entre les deux foyers.
4 Toutefois, maljgré cette absence des portes, la symétrie n'est pas
douteuse, car lèi soubassements des colonnes sont conservés, à des dis
tances des angles correspondant exactement à celles de Test. Ils sont
LE THÉÂTRE ROMAIN DE TIP ASA. 169
Les portes donnant sur les parodoi sont de simples passages de
2 m. de large, en face des «couloirs » conduisant derrière la cavea.
Les autres, vers Test et vers l'ouest, sont de véritables entrées mor
numentales, larges de plus de 3m50, flanquées à l'extérieur de deux
*-'·::
demi-colonnes engagées, à base moulurée, posées sur des soubas
sements ^rectangulaires1. Leur présence, équilibrée par celle des
murs qui font pendant au delà de la parodos, donne deux véritables
façades latérales à l'édifice.
F. Le problème du portique.
plus larges qu'à l'est, mais il s'agit d'une assise de fondation. Les demi-
colonnes ont naturellement disparu.
1 Ces soubassements ont, à l'est, 33 cm. χ 69 cm. Les demi-colonnes
ont 48 cm. de diamètre.
2 Cf. Vitruvej V, 9, 1 : Post scaenam porticu* sunt constituendae.
8 Voir ci-dessus, p. 127 sqq. ' ~
\\>
170 Β. PRÉZOULS
G. Χα cìttjrne et Végout. ,
( On sait que la citerne du sud-est (6m50 χ 5m85 dans œuvre),
dont les murs périmétraux sont mal conservés, mais qui a gardé
son enduit, ne concorde pas avec Panière du postscaenium, mais
profite de l'avancée de son mur est vers le nord. La mauvaise qual
IV; ité de ceux de ses murs qui ne sont pas mitoyens (voir photo 12,
pi. VU) incite peut-être à la considérer comme postérieure à la
construction de l'édifice, ou du moins à penser qu'elle a été répar
ée. De toute façon, sa présence à proximité d'un théâtre est nor
male, voire nécessaire — notamment pour les sparsiones. On en
connaît dans bien d'autres cas1.
Enfin, noue avons déjà signalé l'égout qui passe sous le postscae-
nium. Son départ se situe à peu près en face, de la limite est de
Vhyposcaeniurfi. Il a lm45 de haut, 72 cm. de large et sa voûte
demi-circulaire est à environ 2 m. du niveau actuel du sol. On Ta
dégagé sur 7 m. de long. Son appareil de gros blocs est très soigné.
A l'extrémité du trajet fouillé, une courbe vers le sud semble
s'amorcer. Il est probable qu'il s'agit là du collecteur dans lequel
se jetaient l'égout passant sous la praecinctio voisine de l'orchestre
et la conduite qui recueillait, dans Yfiyposcaenium, les eaux de l'o
rchestre lui-même8.
♦:?·
L'étude de détail a permis de dégager, chemin faisant, les carac
tères essentiels de l'édifice. Le plan, assez classique à première vue,
comporte pourtant maintes particularités qui éloignent Tipasa non
it , -
1 On en suppose à Carthage, à Athènes (ci. Formigé, l, i., p. 39). On
les a trouvées à Cassino {cf. G. Carettoni, Not* Sem., 1939, p. 109), à
Dougga (cf. Carton, II, p. 102). Elles sont généralement plus vastes et
— plus discrètement — incorporées, non juxtaposées, au plan d'en
semble (sous les gradins ou sous la scène). Cette différence confirmerait
le caractère tardif et adventice de celle de Tipasa.
• Voir ci-dessus, p. 154,
:1
LE THÉÂTRE ROMAIN DE TIPASA 171
seulement du typé vitruvien, mais aussi des autres théâtres d'Afrique.
A l'égard de Vitruve, la fórme demi-circulaire de l'orchestre, la lar
geur de la scene correspondent exactement aux prescriptions du De
Architectura1 ; en revanche, la scène est hypertrophiée en profondeur
— aux dépens, nous l'avons vu2, du niur de scène particulièrement
étroit : la dimension est presque double de celle donnée par le tracé
vitruvien —i égale au demi-rayon de l'orchestre8. La position des es-
caliers de la cavea* ne correspond pas davantage à ce tracé théorique
— non plus, très vraisemblablement, que celle des valvae hospitales.
Quelque faibles que soient les indices nous permettant de les local
iser, ces portes étaient plus espacées à Tipasa que selon le schéma
de Vitruve ; c'est certain si le massif 25 (plan, fig. 5) est en rapport
avec Fune d'entre* elles6; c'est plus que probable même dans le
cas contraire, étant donné la largeur totale de la scène. Rien
d'étonnant à cela, du reste : les acteurs jouaient sur le devant du
proscaenium et, plus le mur de scène est loin derrière eux, plus on
avait intérêt à en élargir l'ordonnance monumentale ; d'autre part,
l'ensemble des trois portes devait occuper presque autant de lar
geur que la façade à niches du pulpitum < — très- développée à Ti
pasa — ou que le rideau d'avant-scène qui s'étend, lui aussi, sur
une trentaine de mètres.
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m S. fÄÄZOULS
1 Sur leur datation, cf. Gsell, Mon^ βηί., I, et Or. Caputo, l. l., pas
sim. ■': " '. .':, ■.. " ·.■..■..''■
2 Cf. E. Boisé Van Deman, in A. J. Α., p. 429 sq.
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174 Β. PBÉZOUL8
destinées à rester cachées, aussi bien qu'une époque très basse. H
vaste dont Gsell avait pensé retrouver la trace (cf. Mél., 1894, p. 324)
n'existe pas, la présence à l'intérieur de l'enceinte actuellement conser
vée de tombes du ier ou πβ siècle ap. J.-C. interdit absolument de la
faire remonter à l'époque de Claude. y<ß
Une découverte épigraphique encore inédite, qu'il a eu l'obligeance
de me communiquer, conduit M. J. Baradez à remonter jusqu'au milieu
du ne siècle — datation que les .vraisemblances historiques autorisent
parfaitement,
1 M. G. Caputo, l. L, p. 13, le date, lui aussi, dell'inizio del terzo secolo
d. e, mais pour des raisons que nous ne pouvons accepter : le fait di
essere libero dell'appoggio alla roccia, qu'il avoue d'ailleurs être un cri
tère insuffisant, se retrouve avant le me siècle en Afrique — notamment,
selon toute vraisemblance, à Sabratha — aussi bien qu'en Italie. Quant
au second argument : poca era la magnificenza della città, e, fosse sorto
prima, gli abitanti lo avrebbero ingrandito, il tombe avec l'évaluation de
la contenance à 2.000 places, erronée, comme on l'a vu.
M
176 E. FRÉZOULS
: Appendice à
Nous avons relevé sur des joints de
mortier, dans certaines chambres des subs
tructions, des graffiti. Un seul, dans la
chambre 2, comporte des lettres, que nous
lisons À G V 0 (ou S), sans pouvoir les
interpréter. Les autres ne sont apparem
ment qu'une suite de chiffres : VIII, dans
la même chambre, XXXXV à la paroi
ouest de la chambre 27 ; enfin, à la paroi
est de 26, toute une série que reproduit la
figure 10. Tous ces signes ont dû être
tracés sur le mortier frais, donc au mo
ment de la construction. Leur significa
tion n'en est pas plus claire ; peut-être
représentent-ils justement des comptes en
rapport avec les travaux?
Appendice Β
Outre une main de marbre, repliée et
tenant un objet difficile à déterminer,
trouvée en achevant de dégager Vhypos-
caenium, la fouille n'a livré qu'une tête
très mutilée, mais assez belle — dans une
chambre à l'arrière de la cavea (pi. VIII).
Cette tête, en marbre elle aussi, me
sure 27 χ 16 cm. Elle est cassée du som
met du crâne à la nuque et à. la tempe
droite ; la face est également mutilée : le
tfV> nez, la bouche, le menton et la plus
grande partie de la joue gauche' manq
uent. On aperçoit pourtant la base du
menton, large et massive, qui donne à
l'ensemble une certaine puissance. L'oreille
gauche et le début du cou se laissent
dèviae^. ί£- Φβ iewüer également pûiSf
sant. L'absence de rides, la chevelure et
la barbe courtes, traitées en petites mèches
irrégulières, présentant un certain relief,
sauf pour le dessus de la tête, coiffé
Pl. I
Photo 1
Photo 2
Pl. II
Photo 3
Photo 4
Pl. Ill
Photo 5
Pl. IV
Photo 6
Photo 7
Pl. V
Photo 8
■<·.
Photo 9
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α!
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Pl. VII
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Photo 12
JUT,
Photo 13
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