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Revue de la littérature
i n f o a r t i c l e r é s u m é
Historique de l’article : Objectifs. – Cette revue propose une synthèse sur la caractérisation et le traitement des plaintes de
Reçu le 1er juin 2016 sommeil dans les troubles bipolaires (TB).
Accepté le 16 juin 2016 Méthodes. – Une recherche de la littérature scientifique a été effectuée en juin 2016 sur PubMed à l’aide
Disponible sur Internet le xxx
d’une équation de recherche suivante : « bipolar disorder » and (« sleep » or « insomnia » or « hypersomnia »
or « circadian » or « apnea » or « restless legs »).
Mots clés : Résultats. – Les TB présentent des perturbations du sommeil et des rythmes circadiens durant les épisodes
Trouble bipolaire
aigus mais également au cours des phases de rémission marquées par des anomalies de la qualité et de
Sommeil
Insomnie
la quantité du sommeil, et une plus grande variabilité des rythmes veille/sommeil. Ces patients souffrent
Hypersomnie très fréquemment de troubles du sommeil comorbides : insomnie chronique, hypersomnolence, retard
Rythmes circadiens de phase, syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil (SAHOS), et syndrome des jambes sans
repos. Ces troubles favorisent les rechutes thymiques, altèrent le fonctionnement cognitif, diminuent la
qualité de vie, favorisent une prise de poids et l’apparition d’un syndrome métabolique. Une explora-
tion clinique avec caractérisation de ces troubles est donc indispensable, aidée par des questionnaires,
et documentée sur des agendas du sommeil voire des mesures objectives actimétriques. Un bilan plus
complet en laboratoire du sommeil peut être nécessaire. Les traitements associés dépendent de la cause.
Le traitement de l’insomnie chronique s’appuie sur des techniques non médicamenteuses (restructura-
tion des comportements et rythmes du sommeil), la psychothérapie, et si besoin sur les hypnotiques. Des
traitements spécifiques seront proposés dans le syndrome de retard de phase, le SAHOS, ou les autres
troubles du sommeil plus rares.
© 2016 L’Encéphale, Paris.
∗ Auteur correspondant. Centre expert des troubles bipolaires du Pr F.-Bellivier, hôpital Fernand-Widal, 200, rue du Faubourg-Saint-Denis, 75010 Paris, France.
Adresse e-mail : pierrealexis.geoffroy@aphp.fr (P.A. Geoffroy).
http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2016.06.007
0013-7006/© 2016 L’Encéphale, Paris.
Pour citer cet article : Geoffroy PA, et al. Comment caractériser et traiter les plaintes de sommeil dans les troubles bipolaires ? Encéphale
(2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2016.06.007
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2 P.A. Geoffroy et al. / L’Encéphale xxx (2016) xxx–xxx
a b s t r a c t
Objectives. – Sleep complaints are very common in bipolar disorders (BD) both during acute phases (manic
and depressive episodes) and remission (about 80 % of patients with remitted BD have poor sleep quality).
Sleep complaints during remission are of particular importance since they are associated with more mood
relapses and worse outcomes. In this context, this review discusses the characterization and treatment
of sleep complaints in BD.
Methods. – We examined the international scientific literature in June 2016 and performed a literature
search with PubMed electronic database using the following headings: “bipolar disorder” and (“sleep” or
“insomnia” or “hypersomnia” or “circadian” or “apnoea” or “apnea” or “restless legs”).
Results. – Patients with BD suffer from sleep and circadian rhythm abnormalities during major depres-
sive episodes (insomnia or hypersomnia, nightmares, nocturnal and/or early awakenings, non-restorative
sleep) and manic episodes (insomnia, decreased need for sleep without fatigue), but also some of these
abnormalities may persist during remission. These remission phases are characterized by a reduced qua-
lity and quantity of sleep, with a longer sleep duration, increased sleep latency, a lengthening of the
wake time after sleep onset (WASO), a decrease of sleep efficiency, and greater variability in sleep/wake
rhythms. Patients also present frequent sleep comorbidities: chronic insomnia, sleepiness, sleep phase
delay syndrome, obstructive sleep apnea/hypopnea syndrome (OSAHS), and restless legs syndrome (RLS).
These disorders are insufficiently diagnosed and treated whereas they are associated with mood relapses,
treatment resistance, affect cognitive global functioning, reduce the quality of life, and contribute to
weight gain or metabolic syndrome. Sleep and circadian rhythm abnormalities have been also associated
with suicidal behaviors. Therefore, a clinical exploration with characterization of these abnormalities
and disorders is essential. This exploration should be helped by questionnaires and documented on
sleep diaries or even actimetric objective measures. Explorations such as ventilatory polygraphy, poly-
somnography or a more comprehensive assessment in a sleep laboratory may be required to complete
the diagnostic assessment. Treatments obviously depend on the cause identified through assessment
procedures. Treatment of chronic insomnia is primarily based on non-drug techniques (by restructu-
ring behavior and sleep patterns), on psychotherapy (cognitive behavioral therapy for insomnia [CBT-I];
relaxation; interpersonal and social rhythm therapy [IPSRT]; etc.), and if necessary with hypnotics during
less than four weeks. Specific treatments are needed in phase delay syndrome, OSAHS, or other more rare
sleep disorders.
Conclusions. – BD are defined by several sleep and circadian rhythm abnormalities during all phases of the
disorder. These abnormalities and disorders, especially during remitted phases, should be characterized
and diagnosed to reduce mood relapses, treatment resistance and improve BD outcomes.
© 2016 L’Encéphale, Paris.
Pour citer cet article : Geoffroy PA, et al. Comment caractériser et traiter les plaintes de sommeil dans les troubles bipolaires ? Encéphale
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3. Quelles sont les perturbations du sommeil et des de rechercher une hypersomnie, qui est un problème fréquemment
rythmes circadiens dans les TB ? non recherché.
Repérer un trouble du sommeil et le caractériser est important
Les perturbations du sommeil et des rythmes circadiens ont dans le cas des TB car cela permet de rechercher des comorbidités
longtemps été considérées comme un épiphénomène des TB. En à traiter d’une manière indépendante ou des causes de résistance
effet, ces perturbations ont longtemps été négligées puisque les au traitement.
médecins s’attendent à leur normalisation avec le retour à la Le syndrome d’apnée-hypopnée obstructive du sommeil
stabilité thymique (ou euthymie) après un EDC ou un épisode (SAHOS) a une prévalence de 4 % pour les hommes et de 2 % pour les
(hypo)maniaque. Or, de nombreuses études scientifiques ont per- femmes de 30 à 60 ans dans la population générale [26]. Cette pré-
mis de démontrer qu’un nombre important de ces perturbations valence est particulièrement plus élevée chez les patients souffrant
persistent au moins a minima lors des phases d’euthymie. de TB. Kelly et al. ont proposé une revue des dossiers cliniques de
Certaines études ont utilisé l’actigraphie qui est un dispositif 482 patients avec un trouble bipolaire avec dépistage du SAHOS à
médical valide de mesure d’activité, comportant un accéléromètre l’aide d’un auto-questionnaire spécifique (questionnaire de Berlin)
et se présentant sous la forme d’une montre portée au poignet non [27]. Au total, 44 % des patients étaient considérés comme à risque
dominant dans des conditions écologiques sur plusieurs jours. Ce de SAHOS parmi lesquels, 88,6 % ont été diagnostiqués comme
dispositif permet ainsi une mesure objective de l’activité veille- souffrant d’un SAHOS à la polygraphie ventilatoire ou polysomno-
sommeil en condition de vie habituelle. Une méta-analyse récente graphie. Cette prévalence semble moins élevée en France mais reste
portant sur 9 études d’actigraphie et 412 participants a montré tout de même bien supérieure à la population générale. Ainsi, une
plusieurs perturbations du sommeil chez les patients avec TB en étude française récente observe avec le même auto-questionnaire
rémission comparés à des sujets contrôles sains : un allongement qu’environ 25 % des patients avec TB en rémission est à haut risque
de la durée du sommeil, une latence d’endormissement augmentée, de SAHOS [28]. Sa recherche devrait donc être systématique chez
un allongement de la durée des réveils après le début du sommeil, les patients avec TB.
et une diminution de l’efficacité du sommeil1 [7,20]. Une seconde Une autre perturbation du sommeil insuffisamment recherchée
méta-analyse confirme ces résultats en incluant 21 études concer- chez les patients ayant un TB est le syndrome de retard de phase du
nant 531 patients avec troubles bipolaires en rémission, 678 sujets sommeil (SRPS). Récemment, Steinan et al., ont étudié 404 adultes
témoins et 67 adultes avec insomnie primaire (insomnie chro- avec troubles bipolaires qui présentaient des critères d’insomnie,
nique sans trouble psychiatrique comorbide – [21]) et a utilisé non d’hypersomnie ou de SRPS. De manière intéressante, ils observent
seulement les données d’actimétrie mais également celles de ques- que 10 % des sujets avec troubles bipolaires et déclarant des ano-
tionnaires du sommeil. Pour la plupart, les variables relatives au malies du sommeil présentaient un SRPS [29]. Ces patients étaient
sommeil étaient plus altérées chez les patients avec TB en rémission significativement plus jeunes et avaient un indice de masse cor-
que les sujets témoins, et comparables pour certains aspects aux porelle (IMC) plus important que les autres groupes de patients.
sujets avec insomnie primaire. La latence d’endormissement, les On notait également chez eux une diminution de l’énergie et du
réveils intra-sommeil et la variabilité des rythmes veille/sommeil niveau global d’activité. Les patients atteints de TB semblent beau-
étaient les plus constamment altérés chez les sujets avec TB en coup plus vulnérables à l’impact de la lumière au coucher ou durant
rémission [22]. De même, plus de la moitié des patients avec TB la nuit sur la qualité du sommeil et donc présenteraient un risque
en rémission semblent présenter les critères diagnostiques d’un plus important de SRPS. Ceci s’explique par une hypersensibilité au
trouble insomnie chronique [21,23]. Ceci a été confirmé par une test de suppression de la mélatonine par la lumière, et ceci même
revue de la littérature récente qui s’est intéressée aux données au cours des phases de stabilité de l’humeur [30–34]. Cette caracté-
issues de questionnaires et qui démontre que des perturbations du ristique, bien connue, est considérée comme un marqueur « trait »
sommeil sont identifiées chez plus de 50 % des patients avec TB en de la maladie qui présente une forte héritabilité [34,35].
rémission dont 20 % présentent une insomnie chronique comorbide Le syndrome des jambes sans repos (SJSR) est un autre trouble
au TB [24]. Ces données sont confirmées également dans des popu- que les patients avec TB en rémission peuvent rencontrer. C’est
lations françaises souffrantes de TB en rémission avec, par exemple, une maladie fréquente en population générale qui atteint les pré-
plus de 50 % des patients qui présentaient des anomalies signifi- valences de 5 à 10 % [36], de surcroît le SJSR est favorisé par les
catives du sommeil au PSQI (auto-questionnaire sur la qualité du antidépresseurs et les antipsychotiques [37]. Enfin les liens entre
sommeil) sur les données issues de la cohorte nationale des Centres SJSR et troubles de l’humeur sont importants ainsi une étude rele-
experts troubles bipolaires (Fondation FondaMental) [25]. vait que plus de la moitié des patients avec SJSR présentaient un
Une étude récente s’est intéressée à la plainte d’insomnie dans trouble de l’humeur [38].
les TB mais aussi à la plainte d’hypersomnolence. Ils observent que
40 % des patients avec TB de type I ou II remplissaient les cri-
tères d’insomnie chronique [21], alors que 29 % remplissaient ceux 4. Quel est l’impact de ces perturbations du sommeil et des
d’hypersomnolence associée au TB. L’insomnie était associée à la rythmes circadiens dans les TB ?
dépression bipolaire de type II et touchait plus fréquemment des
sujets ayant une longue durée d’évolution de la maladie. Leurs trai- Il existe également un impact démontré de ces anomalies
tements comportaient plus souvent des benzodiazépines ou des du sommeil et des rythmes circadiens sur les rechutes thy-
hypnotiques [24]. L’hypersomnolence était plus spécifiquement miques. Deux études indépendantes chez des patients en rémission
liée à la dépression bipolaire de type I et aux phases euthymiques. montrent que la présence d’anomalies du sommeil (évaluées par
Elle touchait plus particulièrement les jeunes avec TB de type I trai- questionnaires non spécifiques de l’insomnie ou de l’hypersomnie)
tés par antidépresseurs. Ces résultats soulignent l’intérêt de mieux au cours de leur visite de suivi prédit la rapidité de survenue de
caractériser les sous-groupes de patients en fonction de leur pro- la rechute thymique [15,39]. Rappelons là encore, que les rechutes
fil de sommeil, et permettent également d’insister sur l’importance thymiques sont un problème majeur dans le TB où il est observé
que 60 à 80 % des patients ont rechuté à 2 ans, et ceci malgré la
bonne observance thérapeutique [40,41].
Un lien physiopathologique direct entre les perturbations des
1
Correspondant à la mesure du temps total de sommeil rapporté au temps passé rythmes circadiens et du sommeil et l’atteinte des fonctions cog-
au lit. nitives a été suggéré dans le TB [42]. Récemment, deux études
Pour citer cet article : Geoffroy PA, et al. Comment caractériser et traiter les plaintes de sommeil dans les troubles bipolaires ? Encéphale
(2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2016.06.007
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Pour citer cet article : Geoffroy PA, et al. Comment caractériser et traiter les plaintes de sommeil dans les troubles bipolaires ? Encéphale
(2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2016.06.007
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• celle du dépistage systématique en soins primaires psychia- la respiration, haletant, ou suffocant ; et enfin l’entourage qui
triques ; peut rapporter des ronflements ou des pauses respiratoires. La
• celle de la prise en charge par des soins psychiatriques spécialisés transpiration nocturne et la nycturie sont également des signes
formés à la médecine du sommeil ; nocturnes évocateurs ;
• celle de la prise en charge par des soins tertiaires en centre du • de signes ou symptômes diurnes : HTA résistante, persistance
sommeil spécialisé, idéalement attentif aux troubles psychia- d’une dysthymie, plaintes cognitives, céphalées matinales. Des
triques (comme le trouble bipolaire) fréquemment associés aux antécédents cardiovasculaires (AVC, maladie coronarienne), une
troubles du sommeil. insuffisance cardiaque congestive, une fibrillation auriculaire ou
un diabète de type 2 sont également des signes évocateurs ;
6. Comment prendre en charge les plaintes de sommeil • de critères morphologiques : obésité, tour de cou augmenté de
dans les TB ? diamètre (45 cm chez l’homme et 41 cm chez la femme).
6.1. Traiter les symptômes thymiques résiduels Un complément d’évaluation par le questionnaire de Berlin peut
être intéressant. Le SAHOS devrait être systématiquement dépisté
S’assurer d’une bonne rémission des troubles thymiques est du fait de sa fréquence élevée dans la population de patients avec
la première étape indispensable. Si la rémission thymique n’est des TB.
que partielle, le traitement des troubles du sommeil sera intégré Le traitement consiste en premier lieux en la PPC qui consiste
aux approches thérapeutiques thymorégulatrices. Soulignons que à insuffler de l’air par le nez afin de créer une attelle pneumatique
le lithium semble présenter un effet particulièrement intéressant au niveau des voies aériennes supérieures et empêcher leur col-
sur la stabilisation et la resynchronisation des rythmes circadiens lapsibilité à l’origine du SAHOS. La perte de poids est un élément
dans le TB [18]. Si la rémission symptomatique est obtenue, il essentiel à associer à la prise en charge du SAHOS et nécessite une
faut s’orienter vers un trouble du sommeil comorbide au TB, qu’il prise en charge coordonnée transdisciplinaire (par exemple sous la
conviendra d’explorer, et caractériser pour en assurer la prise forme de filière de soins dédiée).
en charge. D’autant que des troubles du sommeil comorbides
du TB tels que l’insomnie chronique, le SAHOS ou le SJSR, sont 6.5. Dépister et traiter le syndrome de retard de phase du
des facteurs favorisant les symptômes thymiques résiduels et la sommeil (SRPS)
pharmacorésistance.
Le SRPS s’exprime par une plainte d’insomnie
6.2. Informer sur les bonnes habitudes du sommeil (hygiène de d’endormissement avec des difficultés majeures à se réveiller
sommeil) à une heure « normale », et avec une altération de la qualité de la
veille. Un agenda du sommeil associé si besoin à une actigraphie,
L’Encadré 1 résume les règles de bonnes habitudes de sommeil permet de mettre en évidence un décalage du sommeil pendant le
à fournir aux patients. week-end ou les vacances, sans trouble du maintien du sommeil.
Le traitement repose sur des instructions comportementales
6.3. Adapter le traitement médicamenteux (diminution de l’exposition à la lumière en fin d’après midi et soirée,
port de lunettes filtrant la lumière bleue le soir), de luminothéra-
La prescription de certains médicaments sédatifs (benzodia- pie au réveil spontané et avancé progressivement de 30 minutes par
zépines, antipsychotiques atypiques et neuroleptiques sédatifs jour, et de mélatonine [51]. Le traitement du SRPS sévère est à lais-
notamment) devra être systématiquement discutée si de tels trai- ser à des spécialistes du sommeil car il y a un risque d’aggravation
tements figurent sur l’ordonnance du patient. Rappelons que : du retard de phase par la luminothérapie et la mélatonine si les
horaires de mise en place ne sont pas adaptés. Un suivi coordonné
• les benzodiazépines sont contre-indiquées en cas de SAHOS qui psychiatrique et médecine du sommeil est alors indispensable.
ne sont pas traités par pression positive continue (PPC) ;
• les benzodiazépines et des hypnotiques ont une durée de pres- 6.6. Dépister et traiter le syndrome des jambes sans repos (SJSR)
cription limitée et que l’arrêt doit être anticipé (de quelques jours
à 4 semaines) ; Le diagnostic du SJSR est clinique et est défini par la présence de
• les antidépresseurs et les antipsychotiques peuvent favoriser 4 critères :
l’apparition ou aggraver le SJSR, qu’il faut donc savoir dépister
systématiquement [37] ; • le symptôme principal est une impatience au niveau des jambes,
• certains médicaments peuvent favoriser l’insomnie (corticoïdes, habituellement accompagnées ou considérées comme résul-
hormones thyroïdiennes, psychostimulants, antidépresseurs sti- tantes d’une sensation pénible et gênante dans les jambes ;
mulants), le sevrage de médicaments (hypnotiques, antalgiques • les symptômes sont aggravés par l’immobilité et la position allon-
opioïdes, etc.), et les sevrages à l’alcool, au cannabis ou à l’héroïne gée ;
et ses dérivés. • les symptômes sont soulagés par le mouvement ;
• les symptômes sont plus intenses le soir par rapport à la journée.
6.4. Dépister et traiter le SAHOS
Le SJSR peut être secondaire (carence martiale, insuffisance
Les signes évocateurs d’un SAHOS seront systématiquement rénale sévère, maladie de Parkinson, iatrogène par antidépresseurs
recherchés afin d’orienter le patient vers une exploration en centre ou antipsychotiques) ou primaire. Dans les formes secondaires, le
du sommeil (polygraphie ventilatoire ou polysomnographie). Le traitement étiologique est à privilégier en première intention (cor-
SAHOS doit être évoqué devant l’association : rection d’une carence martiale, adaptation de traitements).
Dans les formes primaires légères à modérés, une prise de
• d’une plainte du sommeil : plainte de somnolence ou plainte codéine le soir (par exemple 60 mg) en cas de recrudescences de
d’insomnie (sommeil non réparateur, mauvaise qualité de som- SJSR est efficace. Dans les formes modérées à sévères un traite-
meil, sommeil agité, réveils répétés), réveil avec un arrêt de ment de fond par prégabaline est envisageable. Enfin, les agonistes
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dopaminergiques (exemple : Pramipexole–Sifrol® ) à faible posolo- [55]. Des protocoles sont en cours d’étude dans les TB, basés sur
gie, et sous couvert strict d’un thymorégulateur dans le TB, devant la régularisation des heures de coucher et de lever qui serait
le risque de virage maniaque sont possibles mais à réserver aux suffisante pour améliorer le sommeil [56]. Ces études montrent
formes sévères de SJSR [52,53]. l’importance du renforcement chronobiologique dans la prise en
charge des plaintes d’insomnie dans le TB. Ceci souligne également
6.7. Dépister et traiter l’insomnie l’intérêt de combiner les TCC de l’insomnie à la thérapie interper-
sonnelle et d’aménagement des rythmes sociaux (TIPARS) dans
Le dépistage de l’insomnie doit être systématique dans le TB. le TB [57]. Ces approches doivent encore se développer pour être
L’approche non médicamenteuse est le traitement de première spécifiquement adaptées au TB.
intention de l’insomnie chronique. Les psychothérapies peuvent Dans l’insomnie d’ajustement (non chronique, en situation de
faire appel aux thérapies comportementales et cognitives (TCC) stress notamment) ou dans l’insomnie chronique au début de
individuelles ou en groupe, aux approches d’éducation thérapeu- la mise en place de la TCC, la prescription d’un hypnotique est
tique ou à la relaxation [54]. La TCC de l’insomnie se décompose en envisageable sur une courte période (maximum 4 semaines). Il
3 grands volets : existe 2 grandes classes thérapeutiques agonistes des récepteurs
GABA-A :
• l’éducation aux bonnes habitudes de sommeil ;
• des mesures comportementales (restrictions du temps passé au • les molécules « Z », ou hypnotiques à demi-vie courte
lit et contrôle du stimulus) ; (Zolpidem–Stilnox® ; Zopiclone–Imovane® ) ;
• une restructuration cognitive. • les benzodiazépines (ex : Lormétazépam – Noctamide® ; Lopra-
zolam – Havlane® ).
Une étude pilote a été publiée qui inclut 30 patients souffrant
de TB traités par TCC de l’insomnie versus 28 patients traités Des stratégies thérapeutiques anxiolytiques ou sédatives, non
par psychoéducation. Après 6 mois de suivi, les patients traités spécifiques à la prise en charge de l’insomnie, peuvent être effi-
par TCC présentent moins de jours malades, moins de rechutes caces pour traiter la symptomatologie du TB. En revanche, certains
(hypo)maniaques et une réduction de la sévérité de l’insomnie antidépresseurs à propriétés sédatives (Mirtazapine–Norset® ) sont
Plainte de
somnolence
excessive dans les TB
d’imputabilité
Recherche
Origine
OUI Alléger / adapter les traitements sédafs
iatrogène ?
OUI +/-
Polysomnographie
Syndrome de retard
Agenda du
OUI
Acmétrie
Mesures chronothérapeuques
sommeil
de phase du sommeil
? Restructuraon Luminothérapie Mélatonine
des rythmes du Acvité
NON sommeil physique
Somnolence OUI
Opmisaon de la prise en charge du
de l’humeur
Diagramme
Agenda du
sommeil
OUI
persistante malgré hypersomnie
l’euthymie centrale
Référer à un centre de
compétence /
référence
hypersomnies
Fig. 1. Arbre diagnostique et thérapeutique devant une plainte de somnolence diurne excessive dans les troubles bipolaires.
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souvent utilisés comme hypnotiques et seront à éviter ou à manier 6.8. Utilisation de la mélatonine
avec grande précaution dans les TB pour éviter le virage maniaque.
Par ailleurs il faut souligner que tous les antidépresseurs (en parti- Les taux de mélatonine endogène et sa sécrétion circadienne
culier la Mirtazapine) peuvent être responsables de SJSR et aggraver interviennent directement dans la régulation de l’humeur, via
les difficultés d’endormissement le soir. la voie rétino-hypothalamique et pinéale, et grâce aux systèmes
Plainte d’insomnie
dans les TB
iatrogène ?
Limiter la prise diurne Limiter la prise vespérale
de traitements sédafs de traitements smulants
OUI
Diagramme
Agenda du
sommeil
Syndrome de retard
Agenda du
Acmétrie
de phase du sommeil
? Restructuraon Luminothérapie Mélatonine
des rythmes du Acvité
sommeil physique
chronique l’insomnie
Sevrage des traitement hypnoques au long cours
Fig. 2. Arbre diagnostique et thérapeutique devant une plainte d’insomnie dans les troubles bipolaires.
Pour citer cet article : Geoffroy PA, et al. Comment caractériser et traiter les plaintes de sommeil dans les troubles bipolaires ? Encéphale
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Tableau 1
Synthèse des caractéristiques et des prises en charge des troubles du sommeil comorbides des troubles bipolaires.
Trouble du sommeil Symptômes et signes Fréquence dans le Facteur favorisant dans le Dépistage en soins Prise en charge possible en Orientation sur un Prise en charge possible
cliniques trouble bipolaire trouble bipolaire primaires soins psychiatriques centre du sommeil par le centre du sommeil
psychiatriques formés à la médecine du spécialisé spécialisé
sommeil
Syndrome Nocturne : plainte 25–50 % Benzodiazépine (autre facteur Questionnaire de Berlin Orienter vers Si suspicion de PPC en première intention
d’apnée-hypopnée d’insomnie, ronflements, inflammatoire en cours Epworth Sleepiness polysomnographie si SAHOS Arrêt des benzodiazépines
obstructive du pauses respiratoires, d’étude) Scale signes d’appels cliniques et Autre prise en charge
sommeil (SAHOS) transpiration nocturne, Poids, taille, tour de SDE spécialisé
nycturie cou Arrêt des benzodiazépines
Diurnes : HTA résistante,
persistance d’une
dysthymie, plaintes
ARTICLE IN PRESS
cognitives, céphalées
matinales
vier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 13/10/2016 par BIU Sante Paris Descartes (292682). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
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Tableau 1 (Suite)
Trouble du sommeil Symptômes et signes Fréquence dans le Facteur favorisant dans le Dépistage en soins Prise en charge possible en Orientation sur un Prise en charge possible
cliniques trouble bipolaire trouble bipolaire primaires soins psychiatriques centre du sommeil par le centre du sommeil
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psychiatriques formés à la médecine du spécialisé spécialisé
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Pour citer cet article : Geoffroy PA, et al. Comment caractériser et traiter les plaintes de sommeil dans les troubles bipolaires ? Encéphale
(2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2016.06.007