Vous êtes sur la page 1sur 7

This article appeared in a journal published by Elsevier.

The attached
copy is furnished to the author for internal non-commercial research
and education use, including for instruction at the authors institution
and sharing with colleagues.
Other uses, including reproduction and distribution, or selling or
licensing copies, or posting to personal, institutional or third party
websites are prohibited.
In most cases authors are permitted to post their version of the
article (e.g. in Word or Tex form) to their personal website or
institutional repository. Authors requiring further information
regarding Elsevier’s archiving and manuscript policies are
encouraged to visit:
http://www.elsevier.com/authorsrights
Author's personal copy

L’Encéphale (2013) 39, 326—331

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP

MÉMOIRE ORIGINAL

La phobie du sang-injection-accident : spécificités


psychophysiologiques et thérapeutiques
Blood-injection-injury phobia: Physochophysiological and therapeutical
specificities

D. Ducasse a,b,c, D. Capdevielle a,b,c, J. Attal a,b,c, A. Larue a,b,c,


A. Macgregor a,b,c, M. Brittner a,b,c, G. Fond a,b,c,∗

a
Inserm U1061 neuropsychiatrie, recherche épidémiologique et clinique, université Montpellier 1, 34000 Montpellier, France
b
Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), U1061, 34093 Montpellier, France
c
Service universitaire de psychiatrie adulte, hôpital La Colombière, CHU de Montpellier, 39, avenue Charles-Flahault,
34295 Montpellier cedex 05, France

Reçu le 4 avril 2012 ; accepté le 27 juin 2012


Disponible sur Internet le 25 septembre 2012

MOTS CLÉS Résumé Soixante-quinze pour cent des patients présentant une phobie du sang-injection-
Phobie du sang- accident (PSIA) présentent des pertes de connaissance lors de l’exposition aux stimuli
injection-accident ; phobogènes. Cette spécificité aurait des implications médicales importantes (pathologies soma-
Syncope vasovagale ; tiques non diagnostiquées et non traitées) responsables d’un coût individuel et social. Ses
Traitement ; mécanismes psychophysiologiques sont peu connus et les données de la littérature concer-
Peur ; nant les thérapeutiques n’ont pas fait l’objet d’une revue à notre connaissance. Synthèse
Dégoût ; des mécanismes psychophysiologiques à l’œuvre dans la PSIA : la spécificité psychophysiolo-
Thérapie cognitive et gique de la PSIA est la survenue d’une syncope vasovagale biphasique. La vision du stimulus
comportementale ; phobogène est suivie de l’apparition d’une émotion de peur et de l’activation du système sym-
Tension ; pathique. L’émotion de dégoût serait secondairement associée à la stimulation du système
Relaxation parasympathique qui serait responsable de la perte de connaissance. Une dysfonction circula-
toire prédisposante au malaise vasovagal serait présente chez ces patients, même en l’absence
de stimulus phobogène. Plusieurs études suggèrent que les individus présentant une PSIA ont
un plus haut niveau de sensibilité au dégoût. Efficacité des différentes thérapeutiques éva-
luées dans la PSIA : les techniques de psychothérapie comportementale telles que l’exposition
seule, la relaxation durant l’exposition, la tension durant l’exposition, et la tension seule, ont
démontré leur efficacité, sans différence significative entre les techniques. L’exposition répé-
tée préalable au dégoût ne permettrait pas d’optimiser l’efficacité de l’exposition. Nous avons
montré les spécificités psychophysiologiques de la PSIA. Leur compréhension est nécessaire pour
développer des techniques spécifiques visant à améliorer le pronostic de ce trouble.
© L’Encéphale, Paris, 2012.

∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : guillaume.fond@gmail.com (G. Fond).

0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2012.


http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2012.06.031
Author's personal copy

La PSIA : spécificités psychophysiologiques et thérapeutiques 327

Summary
KEYWORDS
Introduction. — Seventy-five percent of patients with blood-injection-injury phobia (BII-phobia)
Blood-injection-injury
report a history of fainting in response to phobic stimuli. This specificity may lead to medical
phobia;
conditions remaining undiagnosed and untreated, incurring considerable cost for the individual
Vasovagal syncope;
and society. The psychophysiology of BII-phobia remains poorly understood and the literature
Treatment;
on effective treatments has been fairly sparse.
Fear;
Aims of the systematic review: to synthesize the psychophysiology of BII-phobia and to pro-
Disgust;
pose a systematic review of the literature on effectiveness of different treatments evaluated
Cognitive behavioral
in this indication.
therapy;
Results. — Firstly, the most distinct feature of the psychophysiology of BII-phobia is its culmi-
Tension;
nation in a vasovagal syncope, which has been described as biphasic. The initial phase involves
Relaxation
a sympathetic activation as is typically expected from fear responses of the fight-flight type.
The second phase is characterized by a parasympathetic activation leading to fainting, which is
associated with disgust. Subjects with syncope related to BII-phobia have an underlying auto-
nomic dysregulation predisposing them to neurally mediated syncope, even in the absence of
any blood or injury stimulus. Many studies report that BII-phobic individuals have a higher level
of disgust sensitivity than individuals without any phobia. Secondly, behavioral psychotherapy
techniques such as exposure only, applied relaxation, applied tension, and tension only, have
demonstrated efficacy with no significant difference between all these techniques. The disgust
induction has not improved effectiveness of exposure.
Conclusion. — We have explained the psychophysiology of BII-phobia, the understanding of which
is required to study and validate specific techniques, in order to improve the prognosis of this
disorder, which is a public health issue.
© L’Encéphale, Paris, 2012.

La phobie spécifique du sang-injection-accident (PSIA) à une négligence des patients quant à leur prise en charge
est définie selon le DSM IV-TR [1] comme une « peur per- en soins médicaux somatiques [7]. D’où l’enjeu majeur du
sistante et intense, à caractère irraisonné ou excessive (que traitement de la PSIA, dont les particularités psychophy-
le sujet reconnaît comme tel), déclenchée par la présence siologiques conduisent à des spécificités dans l’approche
ou l’anticipation de la confrontation à du sang, un accident, thérapeutique en TCC.
une injection, ou toute procédure médicale » et responsable
d’un évitement des situations phobogènes. Le traitement
de première intention selon la Haute Autorité de santé est
actuellement un traitement psychothérapique par thérapie Mécanismes psychophysiologiques à l’œuvre
cognitive et comportementale (TCC) comprenant une thé- dans la phobie du sang
rapie d’exposition, avec un nombre total de 12 à 25 séances
de 45 minutes [2]. Aucun traitement médicamenteux n’a Le malaise vagal est une perte de connaissance complète
apporté la preuve de son efficacité [2]. et brève, d’apparition progressive, avec prodromes de
L’objectif de la présente revue est d’effectuer une syn- quelques minutes (sueurs, nausées, bourdonnements
thèse sur la clinique, les mécanismes psychophysiologiques d’oreille) [7].
et l’efficacité des traitements de la PSIA. La particularité psychophysiologique de la PSIA compa-
rativement aux autres phobies spécifiques est la survenue
d’une syncope vasovagale biphasique [7,8].
Clinique de la phobie du La première phase est caractérisée par une augmenta-
sang-injection-accident tion de la tension artérielle et une tachycardie, suite à une
activation du système sympathique, classiquement décrite
Ce sous-type de phobie spécifique aurait une forte agré- dans les autres types de phobies spécifiques [3]. Il existe
gation familiale [3] et est caractérisée par une réponse néanmoins une seconde phase caractéristique de la PSIA,
vasovagale intense [1]. La prévalence sur la vie entière de composée d’une bradycardie et une hypotension artérielle
la PSIA aux États-Unis varie de 3,5 % [4] et jusqu’à 4,9 % pour conduisant à une diminution du débit sanguin cérébral et
les femmes [5]. En France, la prévalence sur la vie entière une perte de connaissance [9—11]. Cette seconde phase est
des phobies spécifiques varie de 6,8 % pour les hommes à un phénomène unique dans le cadre des troubles anxieux
16 % pour les femmes [6], mais aucune étude épidémio- [9]. Cette diminution rapide de la fréquence cardiaque est
logique n’a évalué la prévalence de la PSIA. La PSIA se présente uniquement en réponse à une émotion de dégoût
différencie des autres phobies spécifiques par la présence et n’est pas décrite en réaction à une émotion de peur iso-
de perte de connaissance en réponse au stimulus phobo- lée [10]. Or, l’émotion de dégoût serait reliée à l’activité
gène dans 75 % des cas [7]. Cette conséquence aggrave du système nerveux parasympathique [12,13]. Les individus
l’évitement des situations phobogènes, ce qui peut amener présentant une PSIA auraient en effet un plus haut niveau de
Author's personal copy

328 D. Ducasse et al.

sensibilité au dégoût, sensibilité qui jouerait un rôle impor- des échantillons de 16 à 39 adultes sur une durée de six
tant dans son déclenchement et son maintien [14,15]. à 12 mois) [22—27] (Tableau 1). La peur, l’anxiété et
La perte de connaissance survient par le même proces- l’évitement ont été évalués par auto-questionnaires : Fear
sus physiologique et psychologique que le dégoût et n’est Survey Schedule-III (FSS-III) [18] (version française : Échelle
pas liée à la peur [11]. En présence du stimulus phobogène, des Peurs FSS III [19]), Injection Phobia Scale (IPS) [28] et
le haut niveau de sensibilité au dégoût indique une forte le Fear-Questionnaire (FQ) [29] (version française : Ques-
tendance à la perte de connaissance, et est responsable du tionnaire des Peurs [30]), Mutilation Questionnaire (MQ)
développement de la PSIA [11]. [22] (nous avons indiqué les questionnaires qui ont fait
De ce fait, lors de la vision du stimulus phobogène, le l’objet d’une étude de validation en français). Le test
sujet présentant une PSIA active son système sympathique d’exposition était le visionnage d’une vidéo de chirurgie tho-
suite à une émotion de peur, puis l’émotion de dégoût racique durant 30 minutes accompagnée d’une évaluation
stimule secondairement le système parasympathique [11]. de la sensation de malaise (cotée de 0 à 4). Les mesures phy-
Il existe ainsi une hyperactivité du tonus vagal, résultat siologiques telles que la tension artérielle et la fréquence
opposé à ce que l’on observe généralement dans les troubles cardiaque ont été relevées. Le critère de jugement princi-
anxio-phobiques, à savoir une diminution du tonus vagal pal de l’efficacité de la thérapie était défini par le visionnage
[16,17]. des 30 minutes de la vidéo, avec amélioration de l’anxiété
Une revue de la littérature récente suggère que le dégoût et absence de malaise.
est un élément central dans la PSIA, et qu’une sensibilité
élevée au dégoût pourrait être considérée comme un facteur
de risque (pour revue, [12]).
Les techniques classiques de thérapie
Les études d’imagerie cérébrale fonctionnelle ont mis en cognitive et comportementale centrées
évidence que le cortex préfrontal médial (incluant le cor- appliquées à la phobie du
tex préfrontal dorsolatéral et dorsomédial) serait impliqué sang-injection-accident
dans les stratégies cognitives de régulation émotionnelle
[13]. Sa partie ventrale serait impliquée dans l’identification Les études évaluant les techniques d’exposition seule,
de la signification émotionnelle du stimulus, la production de relaxation durant l’exposition, de tension durant
d’état émotionnel et la régulation émotionnelle automa- l’exposition, et de tension seule ont démontré une effi-
tique [14], alors que sa partie dorsale serait impliquée dans cacité importante (amélioration globale d’environ de 70 à
l’effort conscient de régulation émotionnelle [18,19]. Une 80 % des patients) [7] sans différence significative entre les
étude contrôlée de 2007 [15] a mis en évidence une dimi- techniques.
nution de l’activité du cortex préfrontal médial chez les
patients présentant une PSIA, qui pourrait être responsable
d’une diminution de la régulation inhibitrice sur certaines L’exposition seule
régions limbiques, comme l’amygdale [20]. Par conséquent,
les sujets présentant une PSIA ne différeraient pas des L’exposition à l’objet ou à la situation anxiogène est une
témoins lors de l’exposition sur le plan de l’activation des technique validée dans le traitement des troubles anxieux
régions cérébrales impliquées dans les processus émotion- [23]. Cette technique a été logiquement utilisée dans le trai-
nels (comme l’amygdale), alors qu’ils présenteraient une tement de la phobie du sang, sans utiliser de technique de
activation plus faible du cortex préfrontal médial, ce qui se diminution de la peur.
traduirait cliniquement par une réponse émotionnelle plus
forte [15]. Par ailleurs, la réduction de l’activité de la par- Relaxation durant l’exposition
tie ventro-médiale du cortex préfrontal chez les patients
présentant une PSIA n’est pas limitée aux situations phobo- Elle suit le principe de la technique de relaxation progressive
gènes, mais est aussi présente dans des situations entraînant [24], qui utilise des séquences répétées de tension brève sur
une émotion de dégoût [15]. Enfin, les patients PSIA présen- différents groupes musculaires, suivi d’un relâchement de la
teraient une activation occipitale plus forte dans le gyrus tension. Cette technique a été démontrée efficace dans le
cuneus droit et le gyrus lingual en présence du stimulus traitement des phobies spécifiques, où elle est utilisée pour
phobogène [21]. faire face aux situations anxiogènes [25].
Une dysfonction circulatoire prédisposerait les patients
avec PSIA au malaise vagal, même en dehors de toute sti-
mulation phobogène [3]. Par ailleurs, la forte composante Tension durant l’exposition
familiale et le faible taux de comorbidités psychiatriques
[3] va dans le sens d’une dysfonction du système nerveux Cette technique, décrite par Kozak et Montgomery en 1981
autonome à l’origine des pertes de connaissance [3]. [26], consiste à apprendre au patient à reconnaître les pre-
miers signes évoquant une chute de la pression artérielle
lors de la confrontation avec le stimulus phobogène, et
Efficacité des techniques de thérapie
enseigner une méthode visant à contrebalancer la chute
cognitive et comportementale dans la phobie tensionnelle. Ainsi, lors de l’exposition, le patient sera
du sang-injection-accident capable d’inverser la diminution de la pression artérielle,
d’augmenter le retour veineux, et donc le débit sanguin
Nous présentons ici les techniques ayant démontré leur cérébral pour éviter la perte de connaissance. Le patient
efficacité dans le traitement de la PSIA (portant sur applique pour cela une tension musculaire au niveau des
Author's personal copy

La PSIA : spécificités psychophysiologiques et thérapeutiques 329

Tableau 1 Études contrôlées randomisées évaluant les techniques d’exposition seule (E), de relaxation durant l’exposition (AR),
de tension durant l’exposition (AT), et de tension seule (T), chez des patients souffrant de phobie du sang-injection-accident.
L’amélioration clinique a été évaluée en post-traitement et à six mois. L’amélioration évaluée par auto-questionnaires, test
comportemental et mesures physiologiques a été réalisée en post-traitement et à un an. Seules les différences significatives
entre les groupes et les pourcentages d’amélioration clinique sont précisés.

Auteur-date Taille de l’échantillon Intervention Résultats

Hellstrom et al., 1996 [31] 30 patients AT1 : 1 session (10 patients) Amélioration dans les 3 groupes
AT5 : 5 sessions (10 patients) sur tous les critères sauf les
T : 1 session (10 patients) mesures physiologiques
(amélioration clinique
respectivement 50 % et 60 % pour
AT5, 0 et 70 % pour AT1, 30 et 60 %
pour T)
Ost et al., 1984 [25] 16 patients E : 9 sessions (9 patients) Amélioration dans les 2 groupes
AR + AT (7 patients) sur tous les critères
Auto-questionnaires : E plus
efficace que AR + AT pour MQ et
FSS seulement
Ost et al., 1989 [42] 30 patients AT : 5 sessions (10 patients) Amélioration sur tous les critères
AR : 9 sessions (10 patients) dans les 3 groupes (amélioration
AR + AT : 10 sessions clinique respectivement 90 % et
(10 patients) 90 % pour AT, 60 et 70 % pour AR,
70 et 70 % pour AT + AR)
Ost et al., 1991 [43] 30 patients AT : 5 sessions (10 patients) Amélioration dans les 3 groupes -
E : 5 sessions (10 patients) test comportemental : AT et T plus
T : 5 sessions (10 patients) efficaces que E (amélioration
clinique respectivement 90 % et
100 % pour AT, 40 et 50 % pour E,
80 et 90 % pour T)
Ost, 1992 [28] 39 patients E1 : 1 session (20 patients) Amélioration dans les 2 groupes
E5 : 5 sessions (19 patients) sur tous les critères sauf les
mesures physiologiques
(amélioration clinique
respectivement 80 % et 90 % pour
E1, 79 et 84 % pour E5)

bras, jambes et muscles thoraciques, et la maintient jusqu’à Une nouvelle technique centrée sur l’émotion
ce qu’une sensation de chaleur arrive au visage (environ 15 à de dégoût
20 secondes). Après une pause de 20 à 30 secondes durant
laquelle le patient arrête la tension (mais sans pour autant
Des études récentes comparant la diminution de la peur et
se relaxer), il la reproduit une nouvelle fois. Cette pro-
du dégoût lors des expositions répétées aux stimuli phobo-
cédure est répétée cinq fois. Pas ailleurs, le patient doit
gènes dans la PSIA ont montré que la pente décroissante de
effectuer comme tâche à domicile cinq cycles de tension-
l’émotion de peur était beaucoup plus importante que celle
relâchement, cinq fois par jour [27].
du dégoût [32]. Cela suggère que l’émotion de dégoût dans
la PSIA serait beaucoup plus résistante à l’extinction que
Tension seule la peur, et cibler l’émotion de dégoût pourrait amener de
meilleurs résultats [33].
Cette technique consiste à s’entraîner à appliquer une ten- Olatunji et al., en 2012 [33] ont mené un essai contrôlé
sion au niveau des bras, jambes et muscles thoraciques, randomisé incluant 39 patients souffrant de PSIA. Un groupe
en l’absence de situation phobogène, dans le but d’être était exposé de façon répétée à l’émotion de dégoût à tra-
capable d’augmenter sa pression artérielle en cas de néces- vers des vidéos de vomissement, alors que l’autre groupe
sité. Aucune confrontation à la situation phobogène n’est était exposé à de façon répétée à une émotion neutre à tra-
effectuée. En revanche, la technique est mise en application vers des vidéos de cascades d’eau. Puis, les deux groupes
lors de manœuvres orthostatiques qui créent une diminution étaient exposés à des stimuli phobogènes de sang/injection.
temporaire de la pression artérielle. Le but est de parvenir Les outils de mesure utilisés étaient l’IPS, l’ADIS IV (Anxiety
à augmenter sa tension artérielle de 15 mmHg [31]. Disorders Interview Schedule for DSM IV) [34], le DS-R
Author's personal copy

330 D. Ducasse et al.

(Disgust Sensitivity Scale-Revised) ([35] ; modifié par [32]) sexe, l’origine ethnique, l’éducation, ou le statut socioéco-
(pas de version française validée), le STAIT-T (State-Trait nomique). Par ailleurs, trois études [23—25] ont inclus des
Anxiety Inventory-Trait Version) [36] (version française : patients traités par anxiolytiques.
Inventaire d’Anxiété Trait-État de Spielberger-STAI [37]), le
MDES (Modified version of Differential Emotions Scale) [38]
(version française : Échelle des Émotions Différentielles IV Conclusion
[39]). L’intensité des émotions de peur et de dégoût a dimi-
nué significativement dans les deux groupes. Cependant, La PSIA est une phobie spécifique peu étudiée, malgré
l’hypothèse des auteurs n’a pas été confirmée, le groupe ses implications médicales importantes (pathologies soma-
bénéficiant de l’exposition répétée au dégoût ne montrant tiques non diagnostiquées et non traitées), responsables
pas d’amélioration supérieure significative par rapport au d’un coût individuel et pour la société. Les techniques
groupe témoin. de psychothérapie comportementale telles que l’exposition
seule, la relaxation durant l’exposition, la tension durant
l’exposition, et la tension seule, ont démontré une bonne
Discussion
efficacité, sans différence significative entre les tech-
niques. Nous recommandons la technique de tension durant
Nous avons vu les mécanismes psychophysiologiques qui l’exposition, qui est la plus étudiée. L’exposition répétée
différencient la PSIA des autres phobies spécifiques. Les préalable au dégoût ne permettrait pas d’optimiser cette
techniques basées sur l’augmentation artificielle de la ten- efficacité.
sion artérielle lors de l’exposition au stimulus phobogène
ont montré des résultats équivalents, avec une bonne effi-
cacité (70 à 80 %). Cependant, l’exposition et la tension Références
durant l’exposition pourraient agir par des mécanismes phy-
siologiques différents, la relaxation réduisant l’activation [1] APA. Manuel diagnostique et thérapeutique (DSM) IV-version
sympathique de la première phase, et la tension diminuant révisée. Paris: Masson; 2000.
le tonus parasympathique de la seconde phase, augmentant [2] HAdS. Affections psychiatriques de longue durée. Troubles
ainsi la pression artérielle et la fréquence cardiaque, et pré- anxieux graves. Service communication. Saint-Denis La Plaine.
venant donc la perte de connaissance [7]. Les résultats sont Paris, France, 2007.
pourtant comparables à l’exposition seule, ce qui suggère [3] Accurso V, Winnicki M, Shamsuzzaman AS, et al. Predisposi-
tion to vasovagal syncope in subjects with blood/injury phobia.
l’inefficacité de ces techniques spécifiques dans la PSIA.
Circulation 2001;104(8):903—7.
Nous rappelons cependant que ces résultats concernent de
[4] Bienvenu OJ, Eaton WW. The epidemiology of blood-injection-
petits effectifs (moins de 40 patients). injury phobia. Psychol Med 1998;28(5):1129—36.
Powers et Telch soulèvent le fait que la tension durant [5] Costello CG. Fears and phobias in women: a community study.
l’exposition et la relaxation durant l’exposition peuvent J Abnorm Psychol 1982;91(4):280—6.
être vues comme des conduites d’évitement empêchant une [6] Lepine JP, Gasquet I, Kovess V, et al. Prevalence and comorbi-
exposition totale à la situation phobogène, ce qui pourrait dity of psychiatric disorders in the French general population.
diminuer l’apprentissage de l’expérience et de l’habituation Encéphale 2005;31(2):182—94.
inhérent aux techniques d’exposition in vivo [40]. Cepen- [7] Ayala ES, Meuret AE, Ritz T. Treatments for blood-injury-
dant, utiliser des stratégies pour faire face à la perte de injection phobia: a critical review of current evidence. J
Psychiatr Res 2009;43(15):1235—42.
connaissance peut aider à faciliter l’exposition initiale à la
[8] Thyer BA, Himle J, Curtis GC. Blood-injury-illness phobia: a
situation phobogène, chez ces patients souvent réticents à
review. J Clin Psychol 1985;41(4):451—9.
s’exposer du fait des conséquences vasovagales [41]. [9] Ritz T, Meuret AE, Ayala ES. The psychophysiology of blood-
Olatunji et al. [33] ont proposé le travail sur l’émotion injection-injury phobia: looking beyond the diphasic response
de dégoût dont nous avons vu l’importance spécifique dans paradigm. Int J Psychophysiol 2010;78(1):50—67.
la PSIA. Ces auteurs n’ont néanmoins pas pu démontrer un [10] Page AC. The role of disgust in faintness elicited by blood and
intérêt d’une exposition préalable à l’émotion de dégoût. injection stimuli. J Anxiety Disord 2003;17(1):45—58.
Cependant, les patients ayant été soumis à une exposition [11] Cavusoglu M, Dirik G. Fear or disgust? The role of emotions in
répétée au dégoût ont présenté des émotions de peur plus spider phobia and blood-injection-injury phobia. Turk Psikiyatri
intenses lors des expositions aux stimuli phobogènes. Les Derg 2011;22(2):115—22.
[12] Cisler JM, Olatunji BO, Lohr JM. Disgust, fear, and the anxiety
deux groupes ayant des taux de réponse à la thérapie com-
disorders: a critical review. Clin Psychol Rev 2009;29(1):34—46.
parables, les auteurs concluent que des niveaux émotionnels
[13] Ochsner KN, Gross JJ. The cognitive control of emotion. Trends
de peur élevés lors de l’exposition ne sont pas nécessaires Cogn Sci 2005;9(5):242—9.
(ni suffisants) pour optimiser l’efficacité de l’exposition [14] Phillips ML, Drevets WC, Rauch SL, et al. Neurobiology of
[33]. De ce fait, malgré une résistance plus importante de emotion perception I: the neural basis of normal emotion per-
l’émotion de dégoût, il ne paraît pas utile d’effectuer une ception. Biol Psychiatry 2003;54(5):504—14.
exposition préalable à des stimuli déclenchant cette émo- [15] Hermann A, Schafer A, Walter B, et al. Diminished medial pre-
tion. frontal cortex activity in blood-injection-injury phobia. Biol
Psychol 2007;75(2):124—30.
[16] Friedman BH, Thayer JF. Anxiety and autonomic flexibility: a
Limites cardiovascular approach. Biol Psychol 1998;49(3):303—23.
[17] Friedman BH, Thayer JF. Autonomic balance revisited:
Ces études ont de faible taille d’échantillons, ce qui limite panic anxiety and heart rate variability. J Psychosom Res
l’analyse des facteurs démographiques (comme l’âge, le 1998;44(1):133—51.
Author's personal copy

La PSIA : spécificités psychophysiologiques et thérapeutiques 331

[18] Wolpe F L.P. A fear schedule for use in behavior therapy. Behav [33] Olatunji BO, Ciesielski BG, Wolitzky-Taylor KB, et al. Effects of
Res Ther 1964;2:27—30. experienced disgust on habituation during repeated exposure
[19] Cottraux F B.M, Lègeron P. Méthodes et échelles d’évaluation to threat-relevant stimuli in blood-injection-injury phobia.
des comportements. Issy-les-Moulineaux France: EAP; 1986, Behav Ther 2012;43(1):132—41.
p. 147—49. [34] Brown TA, DiNardo P, Barlow DH. Anxiety disorders interview
[20] Phelps EA. Emotion and cognition: insights from studies of the schedule adult version (ADIS-IV): client interview schedule.
human amygdala. Annu Rev Psychol 2006;57:27—53. Boston, MA: Graywind; 2004.
[21] Schienle A SA, Stark R, et al. Disgust processing in phobia of [35] Haidt JMC, Rozin P. Individual differences in sensitivity to dis-
blood-injection injury. J Psychophysiol 2003;17:87—93. gust: a scale sampling seven domains of disgust elicitors. Pers
[22] Klorman R, WTC, Hastings JC, et al. Psychometric des- Indiv Differ 1994;16:701—13.
cription of some specific-fear questionnaires. Behav Ther [36] Spielberger CD, GRL, Lushene R, et al. Manual for the State-
1974;5:401—9. Trait Anxiety Inventory (Form Y). Palo Alto, CA: Mind Garden;
[23] Barlow. Anxiety and its disorders: the nature and treatment of 1983.
anxiety and panic. 2nd ed. New York: Guilford Press; 2002. [37] Ansseau M. Inventaire d’anxiété trait-état de Spielberger-STAI.
[24] Berstein DABT. Progressive relaxation training: a manual for the In: Guelfi JD, editor. L’évaluation clinique standardisée en psy-
helping professions. Champaign, IL: Research Press; 1973. chiatrie, 1. Boulogne: Éditions Médicales Pierre Fabre; 1997.
[25] Ost LG, Lindahl IL, Sterner U, et al. Exposure in vivo vs applied p. 349—54.
relaxation in the treatment of blood phobia. Behav Res Ther [38] Sawchuk CN, Lohr JM, Lee TC, et al. Exposure to
1984;22(3):205—16. disgust-evoking imagery and information processing biases
[26] Kozak MJ, Montgomery GK. Multimodal behavioral treatment in blood-injection-injury phobia. Behav Res Ther 1999;37(3):
of recurrent injury-scene, elicited fainting (vasodepressor syn- 249—57.
cope). Behav Psychother 1981;9:316—21. [39] Ricard-St-Aubin JS, Philippe FL, Beaulieu-Pelletier G,
[27] Ost LG, Sterner U. Applied tension. A specific behavioral et al. Validation francophone de l’échelle des émo-
method for treatment of blood phobia. Behav Res Ther tions différentielles IV (EDD-IV). Rev Eur Psychol Appl
1987;25(1):25—9. 2009;60(1):41—53 [centre de psychologie appliquée, Paris,
[28] Ost LG. Blood and injection phobia: background and cogni- France].
tive, physiological, and behavioral variables. J Abnorm Psychol [40] Powers MBSJ, Telch MJ. Disentangling the effects of safety-
1992;101(1):68—74. behavior utilization and safety-behavior availability during
[29] Marks IM, Mathews AM. Brief standard self-rating for phobic exposure-based treatment: a placebo-controlled trial. J
patients. Behav Res Ther 1979;17(3):263—7. Consult Clin Psychol 2004;72:448—54.
[30] Cottraux J, Bouvard M, Messy P. Validation and factor analysis [41] Milosevic IRA. Safety behaviour does not necessarily inter-
of a phobia scale. The French version of the Marks-Mathews fere with exposure therapy. Behav Res Ther 2008;46:
fear questionnaire. Encéphale 1987;13(1):23—9. 1111—8.
[31] Hellstrom K, Fellenius J, Ost LG. One versus five sessions of [42] Ost LG, Sterner U, Fellenius J. Applied tension, applied relaxa-
applied tension in the treatment of blood phobia. Behav Res tion, and the combination in the treatment of blood phobia.
Ther 1996;34(2):101—12. Behav Res Ther 1989;27(2):109—21.
[32] Olatunji BO, Williams NL, Tolin DF, et al. The Disgust Scale: [43] Ost LG, Fellenius J, Sterner U. Applied tension, exposure in
item analysis, factor structure, and suggestions for refinement. vivo, and tension-only in the treatment of blood phobia. Behav
Psychol Assess 2007;19(3):281—97. Res Ther 1991;29(6):561—74.

Vous aimerez peut-être aussi