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« LA BIBLTOTHàQUE DU M.A.U.S.S.

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Vers une théorie
anti-utilitariste
de l'action
lE-

De quelques raisons de se dóprendre


du discours de f intérêt
Typologie de l'action (I)

La profusion récente de textes philosophiques ou sociologi


ques qui, dans le sillage notamment du livre d'Axel Honneth, La
Lutte pour la reconnaissance,montrent comment la lutte sociale
ne s'organise pas tant en vue de la satisfaction des intérêts, et
plus particuliêrement des intérêts matériels, que de l'obten-
tion de reconnaissance relàgue au second plan l'individualisme
méthodologique,les théories du choix rationnel, bref le modêle
économique généralisé qui régnait en maitre presque absolu sur
ces disciplines depuis un bon quart de siêcle.
Mais poser que les sujets humains - justement en tant qu'ils
sont humains et entendent devenir des sujets -, plus que par le
besoin ou par un désir intrinsêque d'accumulation de biens maté-
riels sont animés par une quête incessante de reconnaissance
sufflt-il à nous faire sortir de l'utilitarisme et de l'axiomatique
de I'intérêt ? Et, plus profondément, au nom de quoi faudrairil
rompre d'ailleurs avec le discours de f intérêt ? Voilà qui ne va
apparemment pas de soi. Pour la grande majorité des chercheurs
en science sociale ou en philosophie morale et politique, aban-
donner l'explication de l'action humaine par l'intérêt reviendrait
à rien moins qu'à renoncer au principe de raison. Rendre raison
d'une action, pour eux, suppose nécessairement de reconstituer
l'intérêt qui l'a motivée, quelque sens qu'on donne à ce terme.
Inversement, renoncer à expliquer l'action par l'intérêt équi-
vaudrait à basculer dans I'irrationalisme.
Dans cet attachement tràs largement partagé à la force expli-
cative de l'intérêt, il est possible de distinguer deux grandes
variantes. La premiàre, três majoritaire là encore, situe l'intérêt

13
théorie anti-utiliwrtsrc de l' action
de quelques raisons de se déprendre du discours de l'intérêt

du côté de la volonté de survie, avec toutes ses variantes : le propre qui cherche dans le regard de l'autre la confirmation de
souci de la conservation de soi (Hobbes), de persévérer dans son incertaine existence.
son être (Spinoza), d'améliorer ses conditions ãe vie. to better
Quelque tentante et pafiiellement justifiée que puisse apparai-
ones'own condition (Adam smith), etc. Retraduit dans le lan- tre cette deuxiême solution, nous voudrions montrer ici qu'elle
gage de la maximisation des p-l.aisirs par rapport aux peines,
n'est en définitive pas satisfaisante dans la mesure oü elle reste
de la recherche de I'utilité, de l,aspiraiion aü bonheurbu à la prisonniêre d'une axiomatique de l'intérêt que la réflexion sur
satisfaction des préférences, c'est cêtte premiêre représentation la quête de reconnaissance doit au contraire nous pousser à
de la toute-puissance de l'intérêt qui aliriente au plui profond lài
fortement relativiser et môme, pour I'essentiel, à abandonner.
doctrines utilitaristes, quelque sôphistication qü,eilês puisrert
éventuellement apporter a ce ttrêrire initialr.
r I Ou plutôt à dépasser. Car si l'explication de I'action humaine
par le souci de la face et de la reconnaissance apparait en effet
- Mais il est possible, plus subtilement, de défendre une vision
de la souveraineté de liintérêt qui ne le dériverait pas ou sóuci
plus plausible que celle qui la réfêre aux seuls intérêts de pos-
session et de conservation, il reste qu'elle perd beaucoup de son
de la conservation de soi et le ferait donc sortir dlu champ de tranchant et de sa profondeur aussi longtemps qu'on la cantonne
l'utilitarisme. on sait comment toute la pensée des moralistài dans le registre exclusif du discours de I'intérêt. Il faut alors se
français des xvu'et xvm" siêcles, avant dã les fusionner ràur iã demander par quoi il est possible de remplacer l'explication de
conce-pt indistinct d'intérêt, aura oscillé entre deux représenta-
I'action sociale par le seul intérêt.
tions bien différentes de ce qui fait agirles hommes : l,àmouide Nous tenterons pour cela tout d'abord de mettre en place les
soi (i.e. le souci de sa propie survie) ou l,amour-propre (i.e.le éléments d'une grammaire de l'action plus complexe que les
souci de sa face), pour le fôrmuler dans les termeisyitématisés diverses théories utilitaristes ou individualistes méthodologiques
par-Rorrsseau ; les intérêts de bien ou les intérêts de gloire, pour
disponibles, en suggérant qu'il convient de penser l'action non
le dire dans le langage du xvlf siêcle. pas à partir du pôle unique de f intérêt, mais à partir de quatre
- -.
cette opposition classique est três utile pour éclairer le pro- polarités irréductibles. Dans cette vision, l'intérêt apparait bien
blême dont nous aimerions ici partir: diie que les homilés comme un ressort important de I'action, mais comme un ressort
recherchent la reconnaissance, loin de nous faire sortir du dis- toujours combiné à trois autres ressorts. Dans un deuxiàme
cours et de l'axiomatique de I'intérêt, ne devrait-il pas nous temps, il faudra tenter de dépasser le repérage approximatif de
con^duire plutôt à dire qüe ce qui les meut, ce sont deô intérêts
ces quatre pôles (ou ressorts) de l'action pour nous demander
de face, de prestige, de§intérêti narcissiques des intérêdés;_
-
tistes plutôt qu'égoistes ? Si nous répondions oui _ commã il
en quoi chacun d'entre eux consiste spécifiquement. C'est alors
seulement que nous pouffons faire retour à notre question initiale
peut.sembler de prime abord tentant ãe le faire parce que cette
sur les rapports entre intérêt et reconnaissance2 en esquissant
version du discours de l'intérêt est empiriquemeni plus iuste oue une théorie du sujet de l'action.
sa version utilitariste simple
-, nous aürions alors üne deuxiêine
variante de I'axiomatiquê de l'intérêt souverain : celle qui iaii
p.rocéder I'intérêt non pas du rapport de soi à soi dans té souci
Une axiomatique tautologique toujours trop vraie
de se conserver mais, à l'inversg du rapport de soi aux autres
humains.; non pas de la fermeture premiêrê du soi sur lui-même, Ce qui est problématique dans le discours qui veut voir dans
mais de l'ouverture constitutive «iu soi à l,altérité : ,o, ou, àã la recherche de f intérêt la clé enfin trouvée et unique de l'action
l'amour de soi sür de lui-même et de ses désirs, mais de l,am-;;: des humains, dans ce qu'il est possible d'appeler l'axiomatique
de l'intérêt, c'est qu'il est soit purement formel, sous-déterminé,
I . Lorsqu'un Frédéric Lordon [2006a] par exemple défend une
théorie de l'« intérêt toujours vrai et donc jamais vrai ; ou, au contraire, tout à fait
souverain », arrribuée à spinoza, pourexpliquerque toutes tes aspiratiàns u;itrri;rcr;;
ou genereuses n'en sont qu'autant de modalités secondaires, il ne fait que reconduire substantiel, surdéterminé, mais alors largement incertain ou
par son versânr néomârxi§te, et malgré qu'il en ait, l'utilitarisme constiturif
;;ie;;
de ia
économiqug-1t1ndard. Voir également F. Lordon [2006b, p. tOS:f
« Falafil » 120A6, p. 127-t37j.
iOi"ii#ü;ã;
2. Sur le thàme de la lutte pour la reconnaissance, cf notre annexe III.

t4 l5
théorie anti-utilitariste de l' action de quelques raisons de se déprendre du discours de l'intérêt

tout bonnement faux. En effet, si l,on entend tout d,abord oar 1. La plus facile à déceler est celle qui tend à rabattre toutes
<< intérêt ».le concept,qui désigne les mobiles qui pourr"rt á les formes d'intérêt sur l'intérêt égoitste. On voit bien qu'il y a 1à
l'action, alors, par définition, puisqu,il n,y a puíd,âction sans un coup de force. Sans doute f intérêt amoureux, par exemple,
sans quelque dimensiôn prõp1e ad supt de l,action qui est-il suprêmement « égoiste >>, mais il est aussi suprêmernent
fo.b.,lg,
la déclenche, toute action est néiessàiremeni.. intéressée » àn « altruiste », constitutivement ouvert à l'altérité. Et les « intórêts
ce premier sens. Mais cette explication par l'intérêt, aussi tauto- de gloire >>, ceux qui dans le cas de l'ethos aristocratique ou de
logique-que la vertu dormitivê.de l,opium des scoiastiqum ou l'amour de la patrie poussent à risquer sa vie, sont rnanifeste-
les « préférences >> des économistes qui se bornent à nrius dire
- ment aux antipodes du souci de la conservation de soi que le
en somm-e que les hommes préfêrent ôe qu,ils préÊrent _, ne discours de f intérêt place généralement à la racine de f intérêt
nous explique rien de déterminé. Loin de permettre de prévoir égoiste. Pourtant,les champions de la version égoiste de l'intérêt
un comportement quelconque,l,intérêt invoqué (ou l,uiilité ou souverain auront toujours beaujeu de soutenir qu'<< en derniêre
les preterences, etc.) est ce qu'on déduira aprês_coup de l,action instance >>, si le sujet obéit à des motivations << en apparence
observée - << c'était donc çá3 ! >r. altruistes >>, c'est bien parce qu'<< il y trouve son cômpte ».
L'ouverture à l'altérité est ainsi reconduite à l'égoismê. La
tentative d'entrer dans le discours de l'intérêt souverain par le
Des axiomatiques substantialistes jamais assez vraies biais de l'ouverture principielle à l'altérité, à la louange et au
regard des autres a donc de fortes chances de rester à jamais
Les variantes substantialistes du discours de l'intérêt souve- submergée par la toute-puissance de la thématique de l'égoisme
rain se caractérisent au contraire par la mise en avant d'un intérêt premier et du souci de la conservation de soia.
spécifique unique, supposé déterminant en derniêre instance:
les intérêts économiques de, classe chez Marx, l, amour_propre
ou la vanité chez La Rochefoucauld, l, intérêt modelé p iit; í,à_
bitu.s chez le-premier Bourdieu oul,illusio chezle second,le 4. À ce stade, la discussion reste brouillée par I'indétermination et la réversibilité du
désir sexuel ,la libido chez Freud, la volonté de puissanc terme même d'égoisme. Il y a en fait deux égoi'smes entre lesquels la discussion oscille
en peÍmanence : un égoisme de l'autosuffisance et de l'autoconsistance, et un égoisme
Nietzsche, le désir d'accumuler les biens matériels chez les " "hu
écà- de la dépendance et de la rivalité avec autrui. Je suis redevable à Christian Laízeri de
nom.istes classiques, etc. Impossible et inutile de discuter ici ces la mise au point qui suit : « On peut partir d'une distinction clairement formulée et
différentes théories dont il íuffira de dire que, recélant chacune utilisée par Mandeville, Hume et Rousseau, mais dont on trouve déjà l'énoncé chez
Spinoza. Cette distinction est celle du sely' liking et ú: self-loue qui reprend à la vieille
une part de vérité, elles deviennent systématiquement fausses distinction médiévale de I'amor sui eÍ de 1'amor proprilrs (qui tradult elle-même les
- et automatiquement réfutées par les autres _ dês lors qu,elles deux versants dela philautia aristotélicienne) et que le français traduit par amour de
soi.et amour-propre ou bien, selon les théologieni du xvn siêcle, par iniérêt nôtre et
se présentent comme détentricês de l,unique vérité génêrde.
intérêt propre. La distinction entre les deux peut être formulée de la maniêre suivante :
I'amo.ur de soi (ou "intérêt nôtre") témoigÀe fondamentalement du désir de I'agent
centré sur lui-même et sur les avantages qu'il cherche à obtenir pour soi, mais sans que
cela se traduise par une attention exclusive accordée à ceux-ci. Autrement dit, on-ne
La triple confusion des intérêts se situe pas_ici dans une attitude comparative de supériorité qui rend impossible toute
attention à l'intérêt d'autrui. Cela signifie que l'amour de soi conduit-certainement

-la rhétorique.de
Il_est par ailleurs possible de montrer que l,enfermement dans I lg pu, sacrifier ses propres intérêts à ceux d'autrui, car ils possêdent un caractêre
indépassable, mais que cela ne conduit pas non plus à une ignoiance ou à un désintérêt
I'intérêt reconduit sysÍémaiiquement et quoi qu'on- pour ceux d'autrui, pas plus qu'ils ne conduisent à une rivalité permanente. Il peut donc
fasse pour s'en affranchir à une double, voire triple exister un rapport de composítion entre les intérêts selon des modalités variables qui
"oirfurion. peuvent engendrer des rapports de coopération. L'amour-propre (ou,'intérêt propret,),
à l'inverse, témoigne d'une attention exclusivement coniaciée à ses proprei iniérêts
oonsidérés comme incommensurables au regard de ceux des autre§, lésquels sont
3^: empiriste de. cet usage puÍement tautologique formel pourrait systématiquement négligés ou niés de telle sorte que la coopération, lorsqu'e1le existe,
YXg.rrliante_
^._^ g1.l]f]9. de taurotogie empirisre. C,est celle.que développé
g1: iar exemplé Erhard
r.€dberg (Le Pouvoir et la ràgle, 1997) dans le silláge de R. tr.làrcir,
§.e trouve en perÍnanence menacée de défection, lorsque celle-ci ne possêde pas un coôt
lorsou,il exolioue dissuasif » (communication personnelle). Au terme Ae cette élabo;ation d'une théorie
qu'il existe autanr d'inrérêts distincts que de situaíions .;pl;iq;;;;iii;;r";;il; antiutili^tariste de I'action, j'espàre et pense pouvoir prendre pleinement en compte
l'analyste découvre aprês-coup. -
cette différence entre amour-propre et amour de soi.

t6
T7
théorie anti-utilitariste de l' action
de quelques raisons de se déprendre du discours de l'intérêt

2. Par ailleurs la rhétorique de l,intérêt télescope systéma- quement calculé, mais dans le registre de I'obóissance forcée ou
tiquement deux formes de [,intérêt diamétrale*.ht opposàó*
de ce qu'on pourrait appeler un intérêt égoiste passif.
au pla.n conceptuel même si elles sont le plus souvenidtroite-
ment.intriquées en pratique. Dire de quefuu,un qu,il éprouve
de.l'intérêt pourles mathématiques, Í,art,-la littêraturê ou la
Les quatre modalités de l'intérêt
philosophie, c'est dire qu'il y tiouve de i'intérêt, autrement
dit qulil y prend du plaisir. Mais on pourrait dire'aussi bien Résumons et synthétisons cette premiêre discussion. Partis
et en fait mieux, qu'ii éprouve por. càs oiràirrr-u"iiuii3r, yii
d'un concept unique d'intérêt, nous nous retrouvons avec qua-
s'y lnvestlt vralment, une passion. Admettons que cette même tre types d'intérêt bien différents qu'il est possible de désigner
personne, mathématicien, écrivain, artiste ou sfortif, y ait pris
atnsr :
tellement de plaisir qu'elle soit devenue un bon profeósion'nel,
- I'intérêt â no l, i.e.l'intérêt instrumental, stratégique,
elle aura alors.à gérer.un auffe type d,intérêt, ui intérêt à bi;;
égoiste, actif ; appelons-le l'intérêt pour soi ;
reussir sa carriêre ou à gagner de I'argent. Il est d,autant plus * I'intérêt à n" 2, i.e. I'intérêt à obéir passif ; appelons-le
g.ênant de confondre ces dêux types d;intérêt, I'intérêt poir et
I'intérêrobéissance ;
l'intérêt à, i.e.l'intérêt passionnei et l,intérêt instrumen'tal. que poltr Íf 1, I'intérêt pour autrui ;
qela. rypro.duit automatiquement l' éternelle et absurde qu...itt" - l'intérêt
l'intérêt pour no 2,L'intérêt pour une activité plaisante
du désintéressement quirepose sur une confusion ry*et ique -
appelons-le l'intérêt passionnel.
;

entre désintérêt et désintéressement. un acte désintéressé es't-it


possible ? Certainement pas, si on entend par là que l,action
Or le problême des diverses axiomatiques possibles de l'inté-
pourrait être entreprise sans qu,on s,y intóresse lê moins du
rêt, c'est que, par construction, elles tendent systématiquement
gronde, dans le désintérêt, la pure et simple absence d,intérêt. à dissoudre l'intérêt-obéissance, l'intérêt pour autrui et l'in-
Evidemment oui, sil'on veut dire que certãines actions peuvent
térêt-passion dans l'intérêt pour soi instrumental. Mieux vaut
être entreprises au-delà de l'intéiêt instrumental ou Oo ,"oi donc rompre radicalement avec toute axiomatique générale de
intérêt égoiste_matériel du sujet qui l'entreprend. Dans le désin-
l'intérêt en restreignant l'usage du concept au seul intérêt pour
téressement. Comme le disait Jóhn Oewey, agir par soi-mêmà
soi instrumental (puisque, de toute façon, c'est toujours lui qui
n implique nullement d' agir nécessairenienipoirr soi-même. absorbe tous les autres usages possibles du terme) pour penser
Ou, comme le montrait Amartya Sen dans soà célêbre article les autres dimensions de l'action sous des appellations et des
« Rational fools >>, il n'est en iien irrationnel de sacrifier sós
concepts clairement distincts. Si donc l'intérêt ne rêgne pas
intérêts instrumentaux ou de bien-être matériel au souci du bien
seul et si I'on ne veut pas se contenter de la solution paresseuse
commun ; ou encore, pourrait-on ajouter, au souci des autres. et stérile qui consiste à poser qu'il existe autant de mobiles de
Il est au contraire idiú, rationnellúent et étymologiquement l'action, autant d'intérêts qu'il y a de situations et d'humains
idiot, de rester bloqué à la perspective de n'ávoir ísàtirráiie différents, demandons-nous quels sont les autres pôles depuis
que ses propres intérêts individuelss.
et entre lesquels l'action se partage. Il faudra nous demander
aprês comment les humains tentent de trouver leur unité et/ou
3. rl convient par ailleurs d'ajouter à cette dissociation entre
leur singularitó à partir de cette pluralité de mobiles. C'est à
intérêt pour et intérêt à une autre modalité de I'intérêt à. si un ce niveau-là que se pose la question de leur rapport à la quête
adjudant dit: « Tu as intérêt à obéir, sinon
ça va barder r, on de reconnaissance. Que nous ne pourrons aborder à nouveau
n'est plus là dans l'intérêt instrumental activement et stratégi- de maniêre pas trop insatisfaisante qu'aprês avoir forcément
abstrait - divisé l'action en ses corhposantes élémentaires, pré-
._
5. N-ous avons présenté cette distinction entre intérêt pour et intérêt à,
et entÍe sentées dans leur séparation alors qu'elles sont toujours liées
en fait * avant de recomposer le tout.
désintérêt et désintéressement, dans Caillé [2005, p. Z+l-Zt+1.

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théorie anti-utilitariste de l' action de quelques raisons de se déprendre du discours de l'intérêt

Une typologie tétradimensionnelle de l'action Un don purement altruiste, auquel le donateur ne trouverait pas
son compte et qui humilie le donataire, tournerait au sacriflce
Dans son Essai sur le don qui fait apparaitre une certaine et potentiellement au massacre généralisé. Un don purement
universalité anthropologique de la triple obligation de donner, obligé, mécanique et rituel, perdrait toute sa magie, et un don
recevoir et rendre, Marcel Mauss montre comment le don, qui purement gratuit s'abimerait dans le non-sens. Essayons d'éclai-
témoigne par hypothàse d'une ouverture à autrui en manifestantun rer davantage le statut de ces quaffe pôles de l'action.
désintóressement, est également intéressé - il satisfait à la fois les
intérêts de face et les intérêts matériels du donateur - et comment Leur représentation spatiale en termes de points cardinaux
par ailleurs ce geste qui met en scêne de la « libéralité >>, c'est-
à-dire à la fois de la liberté et de la spontanéité, obéit autant ou Il faut les comprendre tout d'abord comme les équivalents des
plus à une obligation sociale premiêre, cette obligation qui nous quatre points cardinaux. Si nous voulions disposer d'une repré-
« force à être libres » pourrait-on dire dans le langage de Rousseau. sentation plus fine et plus réaliste de l'action, on pourrait tenter
Voici, mises en lumiêre dês les premiêres lignes del'Essai sur le de construire une sorte de rose des vents de l'action, permettant
don,les quatre dimensions premiêres, inóductibles de tout acte de dégager tous les degrés intermédiaires et toutes les composi-
de don, organisées en deux paires d'opposés : l'intérêt (égoiste) tions possibles entre les pôles. Supposons que I'intérêt pour soi
et le désintéressement (altruiste), l'obligation et la liberté. Pour se tÍouve à I'ouest et 1'aimance à l'est, l'obligation au nord et la
échapper aux éternels débats sur l'égoisme et l'altruisme, il vaut liberté au sud, on pourrait de demander : de combien à l'est, à
mieux opposer ce qu'il est permis d'appeler l'intérêt pour soi et l'ouest, au nord ou au sud est chaque type de don ou d'action ?
l'intérêt pour autrui et, pour échapper une bonne fois pour toutes Et qu'est-ce que l'on situe par exemple en nord-nord-ouest ou
à l'hégémonie du concept d'intérêt dont nous venons de lister les en sud-sud-est, etc. ? I1 n'est pas sür qu'il vaille la peine de
dangers théoriques, il est préférable de rebaptiser I'intérêt pour s'engager à dessiner effectivement une telle rose des vents de
autrui d'un pseudonyme (et néologisme) neutre, l'aimance6. l'action, non seulement parce qu'elle serait três diff,cile à réa-
liser et trop incertaine, mais aussi parce qu'elle nous donnerait
vite une profusion de notions et d'étiquettes probablement trop
Les quatre pôles du don et de l'action importante pour être réellement utile et maniable. Sans donc
tenter de les ordonner de maniàre un peu précise, bornons-nous
Intérêt pour soi et aimance, obligation et liberté, voilà donc à repérer, grossiàrement pour commencer, tout un ensemble de
les quatre pôles du don. Toujours étroitement imbriqués. Le mobiles ou de logiques d'action qui se trouvent du côtó, respec-
don est hybride, soutient Mauss. Non seulement l'intérêt pour tivement, de chacun de ces quatre pôles et qui sont apparus sous
autrui y ramêne à f intérêt pour soi, et réciproquement; non des désignations ou des formes de réalisation différentes selon
seulement I'obligation est celle de la liberté et la liberté permet les cultures,les périodes de I'histoire ou les individus.
de s'acquitter de ses obligations, mais ilfaut qu'ilen soit ainsi.
Un don purement instrumental et « intéressé » échoue à nouer
le lien social nécessaire à la satisfaction des intérêts de tous. Ce qu'on trouve aux alentours de chaque pôle de I'action

Du côté del'intérêt (ytour soi), on trouvera alors : la préserva-


6. Il nous parait utile
de forger ici un néologisme pour éviter de rabattre ce pôle de
I'ouverture au souci de l'autre sur telle ou telle de ses interprétations ou formulations
tion de soi et le désir de survie, l'amour de soi ou l'amour-propre,
historiquement ou culturellement trop dâtées et spécifiques. Mais cette appellation I'avidité et la vanité, la rivalité (l'eris) et la concurrence ou, au
neutre est elle-même provisoire. Aprês approfondissement de la réflexion sur la texture contraire, f indifférence aux autres, les intérêts de gloire ou de
propre de chacun de ces quatre pôles de l'action (cf irey'a), nous conclurons que le
terme générique le plus diamétralement opposé à l'intérêt pour soi est ce que les bien, l'égoisme ou 1'égotisme, le désir de possession, l'âpreté au
débats contemporains appellent I'empathie (qu' Adam Smith et les Lumiàres écossaises gain ou le souci de soi, l'arÍha,l'utilité, le calcul instrumental,
pensaient sous le terme de sympathie). L'aimance est la modalité sympathique de le conflit, les ennemis, la guerre, etc.
I'empathie.

2A 2t
thé orie atxti-utilítariste de l' action de quelques raisons de se déprendre du discours de I'intérêt

NORD
Cbligâtion
Premiêres insatisfactions typologiques

Aussitôt énoncée, cette liste (à la Prévert ou à la Borges diront


certains) fait évidemment problême puisqu'elle regroupe sous
un même chapeau des réalités bien distinctes, voire antithéti-
ques, que nous avions jusque-là distinguées. Ainsi en est-il par
exemple du regroupement de l'amour de soi et de I'amour-propre
sous le signe de l'intérêt pour soi. Au terme de notre parcours
nous retrouverons leur différence. Mais pour l'instant, il nous
Íhut bien procéder à un premier tri, à un premier tamisage néces-
sairement approximatif. La seule chose à ce stade dont il faille
être sür est qu'amour de soi et amour-propre, pour en rester à
cette seule illustration, sont plus proches l'un de I'auffe que de la
compassion, de la soumission à la domination ou de la créativité
par exemple. Pour démêler davantage ce fouillis et cet entrelacs
de notions, il faudrait distinguer ce qui à chaque pôle se tient au
plus prês de son essence spécifique et ce qui au conffaire résulte
§UD
l..ihêrrá
de son interaction avec les pôles opposés ou contrairess. Mais il
n'est pas possible d'avancer dans cette discussion avant d'avoir
óclairé davantage la consistance propre et spécifique de chacun
Du côté de l' a.imance : l'amiÍié,la philia,la camaraderie, des quatre pôles. Demandons-nous tout d'abord, avant de tenter
l'éros,le kama,l'amour, la charité, la caritas,la compassion, tout approfondissement, Que faire de cette typologie des ressorts
le ren chinois, la bonté, la sollicitucle, la pitié, la solidarité, la de l'action et quel statut lui accorder même en l'absence de
générosité, 1'altruisme, l'agapà,1'hatmonie, le don, la conflance, réponses sur la nature de leur réalité ultime.
1'association, 1'alliance, les amis, la paix, etc.
Du côté del'obligation: la contrainte physique, biologique
ou proprement sociale, le rituel, la coutume, la loi, la dette, les Don et action
institutions, les normes, les rêgles et rêglements, la morale, l'éthi-
que,l'ethos, le jugement, la justice, l'obéissance, la nécessité, le Observons donc que ces quatre pôles ne sont pas spécifique-
détenninisme, la structure, les fonctions, les valeurs, les ancêtres, ment ceux du don, même si nous avons vu qu'ils y étaient bien
les ascendants,le dharma, la tradition, le passé, la mort, etc. représentés, mais tout autant, et plus généralement, ceux de I'ac-
Du côté dela liberté : la spontanéité,,|e plaisir (le kama par tion sociale. Ce qui spécifie le don au sein de l'action en général,
exemple, et encore), la fécondité, la générosité dans l'effort de ce qui la fait basculer dans le regisfre du don- i.e. ce qui fait passer
l'artiste, du sportif ou du savant, le don (au sens du don des du prendre-refuser-garder au donner-recevoir-rendre' -, c'est le
muses), la créativité, l'inventivité,1'action, la grâce, le charisme,
le jeu, les dons, la révolte, les enfants, les descendants, l'avenir, 8. Une bonne maniêre d'opérer ces différenciations serait de distinguer dans chacun
des registres de l'action ce qui sejoue en clé d'avoir, en clé d'être et en clé d'âpparaitre.
le moksa1,la vie, etc. Supposons par exemple qu'on interprête I'intérêt pour soi en termes de tendance à
persévérer dans son être, on pourra alors distinguer entre ce souci dc persévérance en
tant que tel, le désir d'acquérir propre à l'alimenter et celui de se manifester.
7. La théorie hindouiste des buts de I'homme, étrangement proche de la théorie 9. Le cycle du donner-recevoir-rendre dégagé par Mauss ne prend pleinement son
maussienne tétradimensionnelle de l'action, explique que la vie commence par les sens que rapporté au cycle symétrique du prendre-refuser-garder. Mais il n'y a pas de
plaisirs (kama), se cristallise en recherche de I'intéÉt (artha),en soumission au devoir don sans demande possible, a priori ott a posteriori. Le systême complet des deux
(dharma), pour enfin viser la libération (moksa). Dans notre présentation, plaisir de cycles est donc celui-ci : (demander) donner-recevoir-rendre uersrs (ignorer) prendre-
I'action libre, du jeu et libération se retrouvent indexés au même pôle de la liberté. rcfuser-garder [Caillé, 2000, p. 2ó3].

17 23
théorie anti-utilitariste de l' action de quelques raisons de se déprendre du díscours de l'intérêt

primat des motivations actives de l'aimance et de la liberté sur (et réciproquement) et d'aimance que comme sortie de l'intérêt
leurs conditions passives que sont l'intérêt pour soi et l'obliga- pour soi (et réciproquement) et que comme liberté, etc.
tion. Pour fller la rnétaphore spatiale et cartographique, on enffe
dans la zone du don de générosité, dans l'obligation de donner, Réversibles. Pour ces raisons entre autres, chaque pôle
recevoir et rendre en passant à la droite de I'axe nord-sud, dans est toujours susceptible de basculer en son opposé ou en son
celle du don de la liberté-créativité en passant en dessous de l'axe contraire : l'aimance en intérêt (et réciproquement), l'obligation
est-ouest. I1 apparalt ainsi que le quadrant spécifique du don, celui en liberté (et réciproquement), etc. Et, d'une certaine maniêre,
qui allie l'ouverture à autrui et au possible, est le quadrant sud-est. chacun << contient >> son opposé. Au moins jusqu'à ce qu'il n'y
Inversement, à la gauche de l'axe nord-sud, on se trouve dans le parvienne plus...
champ du prendre-refuser-garder.

Leur réductibilité relative. Tout déduire à partir


Irréductibilité, enchevêtrement et róversibilité d'un pôle ?
des quatre pôles de I'action
Le fait que ces quatre dimensions de l'action soient toujours
En quoi et comment ces quatre pôles sont-ils à la fois irré- mêlées en fait, dans des proportions infiniment variables, expli-
ductibles et liés ? Ils sont inéductibles en droit, toujours mêlés que âssez les séductions exercées par les théories monistes.
en fait, et réversibles en droit et en fait. Jusqu'à un certain point (usqu'au constat de leur irréductibilité
ultime - ou premiêre, si l'on préfêre), il est en effet légitime de
Irréductibles. Tous sont également premiers. Aucun d'en- tenter de tout déduire depuis la logique d'un des seuls pôles.
tre eux n'est déductible d'un des autres. La grande erreur des Légitime et parlant.
doctrines utilitaristes n'est pas de méconnaitre les plaisirs de
l'amitié ou de l'altruisme, ni la nécessité des rêgles (l'utilita- Depuis le pôle de l'intérêt
risme a beaucoup plus de mal avec la liberté), mais de prétendre
les déduire des calculs guidés par l'intérêt pour soi ou de les y Il est clair, en effet, qu'on a souvent « intérêt à obéir » et
ramener. Ainsi diront-elles que certains sujets égoistes sont ainsi que, symétriquement, il faut bien que la loi commune satisfasse
faits que leur satisfaction passe par celle des autres. L'altruisme peu ou prou les intérêts de ceux qui y sont soumis. Clair encore
est présent mais en position seconde. Ou bien, on prétendra qu'il est des amitiés << intéressées >>, qu'on l'entende au sens
transformer des égoistes rationnels et toujours prompts à trahir cynique des amitiés utiles ou des amitiés qui font partager les
en coopérateurs f,dêles et respectueux des contrats par la magie piaisirs de I'existence. Évident, enfln, qu'on trouve^son cãmpte
du dilemme du prisonnier répété,etc. La théorie tétradimension- à être fécond et productif, ou que la satisfaction de ses intérêts
nelle de l'action postule au contraire que l'ouverture à autrui passe par Ia liberté.
est aussi premiêre, donnée dês l'origine - comme le démontrent
les découvertes récentes sur la biologie et la psychologie de Depuis le pôle de l'aimance
l'imitation (cf. infra) -, QUe la fermeture sur soi et la liberté,
l'ouverture au possible et à l'inadvenu, tout autant originelle Mais le même raisonnement peut et doit être inversé. Peut-
que la soumission à la nécessité. on vraiment s'intéresser à soi-même, s'aimer soi-même, avoir
des intérêts, éprouver de I'intérêt pour la vie et l'action si l'on
Enchevêtrés. Pour autant, on l'a dit,
aucune action ne peut n'intéresse pas les autres et si l'on n'en est pas aimé ? La loi
se déployer dans le seul registre de l'intérêt, de I'aimance, de commune, celle qui s'impose à tous, ne tire-t-elle pas sa force
l'obligation ou de Ia liberté. Ne serait-ce d'ailleurs que paÍce de la conflance et du sentiment d'amitié et de solidarité qui unit
qu'il ne peut exister de liberté que par rapport à une obligation les membres d'une communauté politique ou civilisationnelle

24 25
théorie anti-utilitaiste de l' action

autant ou plus que de la somme des contrats qu'ils passent entre


eux ? Le õeur et l'origine de I'intérêt pour soi ne résident-ils
pas dans l'intérêt porté au sujet par les autres ?

Depuis le pôle de l'obligation

Ne pourrait-on pas dire pourtant comme Erving Goffman, par


exemple, qu'on ne voue un culte à son moi que par obligation Comment représenter et figurer l'action.
socia[e ? Que c'est le dharma,le devoir à la fois cosmique et Variations d'óchelle et dialectisation
social qui oblige, au moins jusqu'à un âge avancé de la vie, à
veiller §ur ses intérêts, à se vouer àl'artha ? Mais il existe aussi Typologie de I'action (II)
une obligation d'aimance. << Aimez-vous les uns les autres >> :
peut-on rêverplus belle illustration que ce précepte de l'idée que
l'aimance ne va pas de soi, qu'il faut s'y forcer par sens du devoir
et pour obéir à úne prescription divine ? N'est-ce pas d'ailleurs
la visée de toutes les grandes religions que d'ordonner la charité, Il est utile et éclairant de se donner une représentation
la solidarité ou la compassion ? de ranger l'aimance sous l'égide visuelle de toutes les notions qu'on vient de mobiliser, d'éla-
de l'obligation ? etd'afflrmerque c'est là, dans cette soumission borer une cartographie concepÍuelle qui p€rmette de se donner
à l'obligation d'aimer, que se trouve la liberté suprême ? une mesure approximative de leurs homologies et de leurs dis-
tances relatives.
Depuis le pôle de la liberté
Mais les modernes, les modernes surtout, ceux qui n'en Nécessité et contingence des figurations graphiques
finissent pas de pousser toujours plus loin la révolution indivi-
dualiste, fonrils àutre chose qu'affirmer le primat irréductible de Le problême est que, comme dans toute cartographie ou dans
la liberté individuelle sur toutes les lois, tous les engagements, toute schématisation,les conventions adoptées, si elles aident à
toutes les solidarités ? Ensemble, associés ? Oui, mais libres. percevoir ce qu'on ne voyait pas bien autrement, introduisent par
Libres de cesser de l'être à tout moment. Respectueux de la loi ? ailleurs des biais problématiques. Par exemple, l'inconvénient
Oui, mais seulement pour autant qu'elle me donne de nouveaux de la représentation bidimensionnelle et plane que nous avons
droits d'affirmer ma liberté. Mon seul intérêt est en défini- utilisée jusqu'ici est qu'elle ne permet pas de faire apparaitre
tive d'être libre et d'affirmer ainsi mon absolue souveraineté clairement les ambivalences et les réversibilités. Réversibilités :
individuelle. la présence d'autrui en moi, ou de l'obligation dans la liberté, et
réciproquem ent. Amb iv ale nc e s : la positivité, même du point de
Chacune de ces réductions systématiques à I'un des pôles est vue du don, de l'amour de soi, ou la négativité de la compassion
légitime puisque éclairante et faisant voir ce qu'on-ne verrait mal placée. Plus généralement, chacun des quatre pôles, outre
pas sans élle. Mais dês lors que I'on constate qu'gn fait il n'y a sa teneur propre et irréductible peut se charger, en positif ou
pas une, mais quatre réductions possibles,la question rebondit : en négatif, des valences de son pôle opposé, de son contraire
én quoi consiste la spécificité ultime et irréductible de chacun ou de I'opposé de son contraire. Pour tenir compte de toutes
des pôles ? Avant de l'aborder, demandons-nous s'il est pos- ces dimensions, plutôt que de représenter deux pôles opposés
sible de mieux représenter et visualiser I'enchevêtrement et la comme les deux extrémités d'une droite, mieux vaudrait les
réversibilitó des pôles de I'action, et par là même d'en obtenir penser comme les points opposés d'un cercle. Au-delà de chacun
une meilleure compréhension. des termes, chacun des pôles se rapproche de son opposé par une

26 27
théorie anti-utilitariste de I' action
c ornruent repré s ente r e t fi gure r I' action

On voit ainsi clairement que le sujet peut s'identifier à son


voie symétrique. La voie non visible, sans doute, ou peu claire,
moi ou à autrui et se rapporter à celui-ci (ou d'ailleurs aussi bien
la voió de l'ambivalence. Moi devient alors un autre, I'autre est
à son moi) sur le registre de la guerre ou de la paix, de la haine
moi-rnême. Le chat d.çÍ la souris. La souris est le chat, comme
ou de l'amour, de I'affection, de l'indifférence ou de l'inimitié.
le suggêrent les théories récentes de l'imitation et de la sympa-
De même comprend-on mieux comment l'identif,cation au moi
tnie(íÍ. infra). Le rapport à la Loi se fait liberté, ou la liberté peut être immédiate ou, au contraire, médiatisée par le rapport
deviàrit *â loi. Disúi-le autrement : dans le rapport simple
à autrui. En un sens, plus on se rapproche d'autrui et plus on se
entre les pôles, le rapport visible, celui qui pey! s.e représenter
par une diroite, les o-pposés se combinent et s'échangent dans rapproche de soi. L'amitié et a fortiori l'amour font coincider
ães proportions variàbles. Au-delà des pôles, on entre dans le
moi et autrui dans I'aimance. Mais ce peut être également le
sans-limites et l'iréversible. contraire. On ne se rapproche de soi que dans l'écart à autrui.
Et la même chose est vraie, dans les deux sens également, du
rapport à la guerre et à la paix. D'ailleurs susceptibles elles-
mêmes de se présenter dans leur opposition maximale ou au
De la représentation plane à une représentation circulaire
contraire en combinaison, voire en identification.
Illustrons ces propos trop abstraits par un exemple' Pe*g.nqt
à la suite de Mauís nõs deuf oppositions comme celles de l'obli-
gation et de la liberté, de l'intérêt pour soi et de l'intérêt poul Au-delà ou en deçà de Ia réciprocité
ãutrui (aimance) est commode cafchacun de ces termes est à
la fois Àufflsamment concÍet pour faire voir ce dont on parle et
Mais cette représentation est encore trop idyllique et trom-
peuse. Elle ne vaut qu'aussi longtemps que le sujet se tient dans
sufflsamment général et abstlait pour permettre de subsumer,
le registre de la réciprocitó-réversibilité entre moi et autrui, et
même de maniãre lâche, nombre dtautres notions avec lesquelles
entre la gueffe et la paix. Elle ne vaut plus dans le sans-limites.
elles présentent un air de famille. Mais en allant au-delà de ces
polarités, on peut trouver deux oppositions plus primordilJes et Considérons la société sauvage : un de ses traits les plus frap-
'universeÍles icelle de la mort (le «-maitre absolu >>, selon Hegel) pants y est celui de la réversibilité de la vie et de la mort. Il
et de la vie (la liberté et la générosité par excellence), celle de faut tuer et se venger non par plaisir de tuer, mais par devoir de
réengendrer la vie. De la même maniàre, on y bascule réguliê-
la guerre et de la paix. L opposition de f intérêt et de 1'aimance,
rement et cycliquement de la paix à la guerre et inversement,
d'ãbord représentée de niániàre bidimensionnelle, peut alors
de I'inimitié à la concorde et réciproquement. Mais la guerre
avantageuíement être figurée par une gpposition circulaire plus
elle-même y connait deux modalités bien distinctes : celle de la
vaste et englobante entre la gueffe et la paix :
guerre mesurée, cyclique, réciproque et maitrisée, qu'on vient de
rappeler, et celle de la guerre d'extermination. De même,le moi
peut être multiple, éclaté, disséminé, non constitué, infra-moi
ou, au contraire, démesuróment amplif,é, sorti de lui-même par
la fureur de l'amok,par la magie de quelque possession ou dans
l' hubris. La relation circulaire entre deux opposés plus ou moins
réversibles s'inscrit alors dans une opposition plus vaste dans
laquelle chacun des termes s'écarte de I'autre tendanciellement
à l'infini, vers la haine ou l'amour absolu,la guene d'extermi-
natign et le génocide ou bien la communion parfaite.
A I'intérieur du cercle (ou de l'ellipse), on reste en quelque
sorte sur orbite, dans le retour possible. Au-delà, il peut se passer
n'impoúe quoi.

29
28
théorie anÍiutilitariste de l' action comment représenter et figurer l'action

INFRA ou §UPRA INFRA ou SUPRA


AUTRUI OBLIGATION
MOI

lrdomruülúior'l VIE

D'une représentation circulaire Le sujet peut ainsi être pensé comme une sphêre, la sphêre du
propre - une monade si l'on veut, mais une monade avec portes
à une représentation sphérique
et fenêtres -, une planête ou un satellite gravitant autour d'autres
Une troisiàme dimension intervient ainsi dans le cercle que planêtes ou étoiles fixes et autour de laquelle gravitent d'autres
planêtes, chacune accomplissant son cycle de vie en tournânt sur
nous avions dessiné entre moi et autrui, entre la guerre et la paix.
Une torsion infléchit chacun des pôles, les verticalise et produit soi. L'axe de rotation de la sphàre est infléchi selon les pôles que
le sujet occupe ou n'occupe pas. Selon l'inclinaison de cet axe et
la confusion de moi et d'autrui, comme dans la schizophrénie,
sa vitesse de rotation, le sujet rend visibles ou invisibles certains
ou I'indistinction de la guerre et de la paix, qui se rabattent
directement sur I'opposition de la mort et de la vie. des aspects de sa personne aux autres sujets et, réciproquement,
Une même misêên cercle peut et doit être effectuée pour perçoit ou non certains aspects de leur personne.
le rapport entre la vie et la mort, lui aussi soumis à une telle
possibilité de torsionr. MCIRT

Ces deux cercles, celui qui unit moi à autrui par la médiation
de la guerre et de la paix et õelui qui unit les générations dans le
rapport de la mort à lã vie, forment les coordonnées d'une lP!ê're
et-ón représentent respectivement l'équateur et les parallêles,
d'un côté,les méridiens de l'autre.

Nr*t AUTEi"'I

l. on n,essaie pas de représenter ici (on le fait dans le chapitre vI sur 1e-politico.-
religieux) I'au-delà ôu l'en-dôçà de la vie et de la mort, tout ce qui §e-rapporte à l'éternité,
à la"vie éiernelle, à la renaissance, aux réincarnations. aux limbes, à I'embryonnaire, au
passé le plus ancien, aux aieux les plus éloignés, à Saturne, à Cronos, ou au contraire
à l,avenú radieux des générations futures, etc. Ce qui fait I'intérêt et en même temp§
le caractêre insupportable de I'ceuvre d'un Georges Bataille, c'est qu'elle explore avec
une délectation §áns faille pour la contradiction l'au-delà de chacun des.pôles gPpo-sés
de l,action et leur réversibilité même dans l'au-delà de la réciprocité. L aspiration à la
sainteté et au pur amour se conjugue ainsi avec le sadisme et avec une passion d'autant
plus forte poúr la Loi qu'elie seule permet la transgression.

30 3t
théorie anti-utilitariste de l' action comment représenter et figurer l'action

Une théorie de I'action collective ne les a d'ailleurs jamais utilisées qu'implicitement ? Pourquoi
cluatre pôles de l'action et non pas deux, trois, dix, douze ou un
Mais revenons à une représentation plus simple, plane, des nombre indéterminé ? Leur statut est-il ontologique, anthropo-
coordonnées de l'actionpourpréciserque ce qui aété ditjusqu'ici logique, heuristique ?
du point de vue du sujet individuel, en clé d'ego, peut aussi bien
s'appliquer un sujet collectif, en clé de « coordination » comme
à Quelle justification pour cette typola gie tétradimensionnelle
disênt lês économistes, ou en termes d'<< harmonisation des inté- cle l'action ?
,êtr r.o**e le disait l'historien de l'utilitarisme, Élie Halévy.
Entre sujets régis au premier chef par la logique de f intérêt Il serait possible, croyons-nous, de montrer comment les
pour soi fonctionne ce qu'Elie Halévy appelle l'harmonisa- mythologies du monde entier se laissent axiomatiser en effet à
-tion
naturelle des intérêts, autrement dit la coordination par le partir de l'opposition de la vie et de la mort, de la guerre et de
contrat, I'achat et la vente, le dialogue sans entraves. la paix dês lors qu'on les croise avec les cycles du (demander)
Entre sujets qui ne peuvent pas s'entendre << naturellement >> donner, recevoir et rendre ou du (ignorer) prendre, refuser, gar-
sur leurs intérêts doit prévaloir ce qu'il appelle l'harmonisation der. Qui donne et reçoit les lois,les nourritures et les ressources
artificielle des intérêts,autrement dit la loi énoncée par un roi philo- premiàres, à commencer par le feu ? Comment bascule-t-on
sophe, un souverain hobbesien, un législateur rationnel omniscient de la guerre à la paix, et réciproquement, en interaction avec
et bienveillant, le représentant de la volonté (ou de f intérêt) l'inceste, le coit et le mariage ? Qu'est-ce qu'un vrai don, qui
général(e), etc. On est ici dans le registre de l'obligation. ne soit pas absolument empoisonné et empoisonnant ? Voilà les
- Mais il faut distinguer, selon Halévy, une troisiême forme de questions éternellement et partout posées, en lien étroit avec
coordination, l' harmonisation spontané e de s inté rêts,fondée sur l'interrogation sur la différence des sexes et sur le rapport des
cette << sympathie >>, disons plutôt cette empathie primordiale qui humains au monde naturel et aux entités invisibles. Et qui,
existe d'emblée entre les sujets humains et les relie, et qu'ont prises toutes ensemble et indéflniment croisées et recroisées,
théorisée les penseurs des Lumiêres écossaises et tout particu- forment l'univers du sens, le symbolisme. Il y aurait sur tous ces
liàrement l'Adam Smith de LaThéorie des sentiments moraux. points beaucoup de choses àdire. Contentons-nous de laréponse
L'association, cette forme pleinement politique du don, est ce heuristique. La justification de cette tétralogie conceptuelle et
oui la rend pronrement sociale. typologique est d'abord qu'elle éclaire mieux que ses rivales ou
' À ces tróis iormes d'harmonisation des intérêts distinguées alternatives - d'ailleurs bien peu nombreuses en définitive - les
par Halévy, il convient d'en ajouter une quatriême, qui corres- ressorts de l'action. Reste à la mettre effectivement en acte dans
irond à la iogique de la liberté et de f inventivité : la coordina- des études empiriques ou dans des élaborations théoriques plus
[ion par l'enlhóusiasme ou la passion - si proche du charisme spécifiques, en croisant la topique des quatre mobiles de l'ac-
wébérien -, celle qui unit par exemple les supporters sportifs, tion avec la théorie du donner, recevoir et rendre (sur fond du
les croyants d'une secte ou d'une Eglise lorsque l'émotion est prendre, refuser et garder).
portée à son comble et que tous chantent ou prient ensemble, Igs
passionnés d'art, etc. Appelons-la l' harmonisation passionnelle De quelques emplois possibles de la théorie
des intérêts.
Au-delà ou en deçà de la sociologie, on voit bien comment il
est possible en effet de distinguer sw cette base des individus ou
Conclusion d'étape des cultures du don (ou de la prise) - personnages ou cultures
(maternantes ou phalliques) installés dans la générosité mater-
Quel estle statut, demandera-t-on àjuste titre, de telles typo- nelle (Gaia, la madone) ou guerriêre -, de la demande et de la
logies conceptuelles ? D'oü procêdent-elles ? Quelle autorité réception (ou du refus) - attendant tout d'un bienfaiteur (cf les
reõonnaitre á Mauss dont on s'est ici inspiré au départ et qui cultes du cargo, par exemple) -, de Ia dette (oa de Ia rétention) -
32 JJ
théorie anti-utilitariste de I' action comment représenter et figurer l'action
,
dette envers la mort (Yama),les ancêtres, les puissantsz. De ce que les enfants reçoivent des parents, et réciproquement. Le
même, dês lors qu'un des pôles de I'action apparaithypertrophié symbolisme est l'espace dans lequel se forment et se formulent
et cesse d'entref en relation dialectique avec les trois autres, on les questions et les réponses relatives à cet univers du don.
voit apparaitre l'exacerbation du moi (narcissisme) ou de 1'lutlt
(hystêrie), de la dette (obsessionnalité, compulsion) ou de- la Bref, avec cette typologie, il est déjà possible de penser de
Hderté (perversion). Encore faudrait-il ajouter que toutes les maniàre souple les dimensions de l'action sans préjuger apriori,
cultureshumaines distribuent toujours de maniêre différenciée à I'inverse des postures individualistes ou holistes méthodo-
les rôles de donateur ou de donataire entre les hommes et les logiques, du poids respectif de l'un ou l'autre pôle, l'intérêt
femmes, de même qu'elles les soumettent différemment aux individuel pour les théories de l'action rationnelle, l'obligation
mobiles de l'intérêt pour soi ou de I'aimance, et du rapport à la pour l'holisme. Mais, si elle permet d'établir en somme une
mort et à la vie3. cartographie utile et parlante de l'action, elle ne nous en donne
pas à proprement parler la théorie. Comment se forme le sujet de
Plus généralement, f interprétation de l'action passe toujours I'action ? Et quel rapport cette formation entretient-elle avec la
par la réponse à trois questions étroitement interdépendantes. quête de reconnaissance ? Avant de pouvoir amorcer une réponse
' l. Qiant au rappoit du sujet à lui-même, la question est de à ces questions, il est nécessaire maintenant d'approfondir le
savoir ce qu'il donne - à quoi il s'adonne, ou s'aband-oln9:, raisonnement et de partir à la recherche de la racine premiêre
quelle parlde son énergie il consacre respectivement à l'intérêt des quatre ressorts de l'action.
pour soi, à l'obligation physique, sociale ou morale, à l'aimance
ou à la liberté-créativité.
2. Quant au rapport interpersonnel,la question de savoir
ce qui lie des persónnes entre elles est toujours : qui donne ou
renô, quoi, à tlui - ou bien qui prend, refusg de donner, garde
et, symétriquêment, qui reÇoit quoi de qui, en positif ou en
négatif ?
-3.
Quant à I'action collective: cette action individuelle ou
interpérsonnelle se déploie dans le cadre d'actions collectives,
ou de l'action de collectifs oü s'inscrit le sujet, et qui eux-mêmes
se rapportent aux autres collectifs en posant la question de savoir
ce qú'ils leur donnent (leur ont donné), leur doivent, peuvent
leur prendre, en ont reçu, doivent leur rendre, etc. L'ensemble
de cás questions s'organise à la racine, ab initio,dês I'origine du
monde, autour de la question premiêre de savoir ce que les hom-
mes reçoivent des feúmes et leur donnent, et réciproquement, et

2. Cette théorie tétradimensionnelle de l'action pounait se traduire assez aisément


dans les termes de la théorie de la culture de l'anthropologue Mary Douglas, de sa gru'd-
group analysis qui distingue quatre types de coordinátion sociale selon que.la régulation
Iystématiqúe giid) est fúe oir faibÉ (oü 1'on retrouve notre opposition de l'obligation et
Oi ta üterte; eique la cohésion du groupe est également forte (dominance de I'aimance,
dirions-noui) orifaible (dominance de l'intérêt pour soi). Apparais§ext ain§i qu_atre types
de cultures : hiérarchiques, entrepreneuriales, d'opposition et d'isolement. Çf, Douglas
et Wildavsky [1982] et Douglas [2007, p. 295-3201.
3. Ce nieit pas ün scoofld'observefque, traditionnellement, les hommes donnent
la mort et les femmes la vió. Qu'elles donnent les enfants et les hommes les présents'
etc.

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