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BEVoRT Antoine et L,cLLeÀaaNr Michel (sous la dir. de), 2A06, Le Capital social.
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- (sous la dir. de) 2007, Itt Quête tle reconnaissance.
-
Cepnr Daniel (textes réunis, présentés et commentés par),2003, L'Enquête de terrain.
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théorie anti-utiliwrtsrc de l' action
de quelques raisons de se déprendre du discours de l'intérêt
du côté de la volonté de survie, avec toutes ses variantes : le propre qui cherche dans le regard de l'autre la confirmation de
souci de la conservation de soi (Hobbes), de persévérer dans son incertaine existence.
son être (Spinoza), d'améliorer ses conditions ãe vie. to better
Quelque tentante et pafiiellement justifiée que puisse apparai-
ones'own condition (Adam smith), etc. Retraduit dans le lan- tre cette deuxiême solution, nous voudrions montrer ici qu'elle
gage de la maximisation des p-l.aisirs par rapport aux peines,
n'est en définitive pas satisfaisante dans la mesure oü elle reste
de la recherche de I'utilité, de l,aspiraiion aü bonheurbu à la prisonniêre d'une axiomatique de l'intérêt que la réflexion sur
satisfaction des préférences, c'est cêtte premiêre représentation la quête de reconnaissance doit au contraire nous pousser à
de la toute-puissance de l'intérêt qui aliriente au plui profond lài
fortement relativiser et môme, pour I'essentiel, à abandonner.
doctrines utilitaristes, quelque sôphistication qü,eilês puisrert
éventuellement apporter a ce ttrêrire initialr.
r I Ou plutôt à dépasser. Car si l'explication de I'action humaine
par le souci de la face et de la reconnaissance apparait en effet
- Mais il est possible, plus subtilement, de défendre une vision
de la souveraineté de liintérêt qui ne le dériverait pas ou sóuci
plus plausible que celle qui la réfêre aux seuls intérêts de pos-
session et de conservation, il reste qu'elle perd beaucoup de son
de la conservation de soi et le ferait donc sortir dlu champ de tranchant et de sa profondeur aussi longtemps qu'on la cantonne
l'utilitarisme. on sait comment toute la pensée des moralistài dans le registre exclusif du discours de I'intérêt. Il faut alors se
français des xvu'et xvm" siêcles, avant dã les fusionner ràur iã demander par quoi il est possible de remplacer l'explication de
conce-pt indistinct d'intérêt, aura oscillé entre deux représenta-
I'action sociale par le seul intérêt.
tions bien différentes de ce qui fait agirles hommes : l,àmouide Nous tenterons pour cela tout d'abord de mettre en place les
soi (i.e. le souci de sa propie survie) ou l,amour-propre (i.e.le éléments d'une grammaire de l'action plus complexe que les
souci de sa face), pour le fôrmuler dans les termeisyitématisés diverses théories utilitaristes ou individualistes méthodologiques
par-Rorrsseau ; les intérêts de bien ou les intérêts de gloire, pour
disponibles, en suggérant qu'il convient de penser l'action non
le dire dans le langage du xvlf siêcle. pas à partir du pôle unique de f intérêt, mais à partir de quatre
- -.
cette opposition classique est três utile pour éclairer le pro- polarités irréductibles. Dans cette vision, l'intérêt apparait bien
blême dont nous aimerions ici partir: diie que les homilés comme un ressort important de I'action, mais comme un ressort
recherchent la reconnaissance, loin de nous faire sortir du dis- toujours combiné à trois autres ressorts. Dans un deuxiàme
cours et de l'axiomatique de I'intérêt, ne devrait-il pas nous temps, il faudra tenter de dépasser le repérage approximatif de
con^duire plutôt à dire qüe ce qui les meut, ce sont deô intérêts
ces quatre pôles (ou ressorts) de l'action pour nous demander
de face, de prestige, de§intérêti narcissiques des intérêdés;_
-
tistes plutôt qu'égoistes ? Si nous répondions oui _ commã il
en quoi chacun d'entre eux consiste spécifiquement. C'est alors
seulement que nous pouffons faire retour à notre question initiale
peut.sembler de prime abord tentant ãe le faire parce que cette
sur les rapports entre intérêt et reconnaissance2 en esquissant
version du discours de l'intérêt est empiriquemeni plus iuste oue une théorie du sujet de l'action.
sa version utilitariste simple
-, nous aürions alors üne deuxiêine
variante de I'axiomatiquê de l'intérêt souverain : celle qui iaii
p.rocéder I'intérêt non pas du rapport de soi à soi dans té souci
Une axiomatique tautologique toujours trop vraie
de se conserver mais, à l'inversg du rapport de soi aux autres
humains.; non pas de la fermeture premiêrê du soi sur lui-même, Ce qui est problématique dans le discours qui veut voir dans
mais de l'ouverture constitutive «iu soi à l,altérité : ,o, ou, àã la recherche de f intérêt la clé enfin trouvée et unique de l'action
l'amour de soi sür de lui-même et de ses désirs, mais de l,am-;;: des humains, dans ce qu'il est possible d'appeler l'axiomatique
de l'intérêt, c'est qu'il est soit purement formel, sous-déterminé,
I . Lorsqu'un Frédéric Lordon [2006a] par exemple défend une
théorie de l'« intérêt toujours vrai et donc jamais vrai ; ou, au contraire, tout à fait
souverain », arrribuée à spinoza, pourexpliquerque toutes tes aspiratiàns u;itrri;rcr;;
ou genereuses n'en sont qu'autant de modalités secondaires, il ne fait que reconduire substantiel, surdéterminé, mais alors largement incertain ou
par son versânr néomârxi§te, et malgré qu'il en ait, l'utilitarisme constiturif
;;ie;;
de ia
économiqug-1t1ndard. Voir également F. Lordon [2006b, p. tOS:f
« Falafil » 120A6, p. 127-t37j.
iOi"ii#ü;ã;
2. Sur le thàme de la lutte pour la reconnaissance, cf notre annexe III.
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théorie anti-utilitariste de l' action de quelques raisons de se déprendre du discours de l'intérêt
tout bonnement faux. En effet, si l,on entend tout d,abord oar 1. La plus facile à déceler est celle qui tend à rabattre toutes
<< intérêt ».le concept,qui désigne les mobiles qui pourr"rt á les formes d'intérêt sur l'intérêt égoitste. On voit bien qu'il y a 1à
l'action, alors, par définition, puisqu,il n,y a puíd,âction sans un coup de force. Sans doute f intérêt amoureux, par exemple,
sans quelque dimensiôn prõp1e ad supt de l,action qui est-il suprêmement « égoiste >>, mais il est aussi suprêmernent
fo.b.,lg,
la déclenche, toute action est néiessàiremeni.. intéressée » àn « altruiste », constitutivement ouvert à l'altérité. Et les « intórêts
ce premier sens. Mais cette explication par l'intérêt, aussi tauto- de gloire >>, ceux qui dans le cas de l'ethos aristocratique ou de
logique-que la vertu dormitivê.de l,opium des scoiastiqum ou l'amour de la patrie poussent à risquer sa vie, sont rnanifeste-
les « préférences >> des économistes qui se bornent à nrius dire
- ment aux antipodes du souci de la conservation de soi que le
en somm-e que les hommes préfêrent ôe qu,ils préÊrent _, ne discours de f intérêt place généralement à la racine de f intérêt
nous explique rien de déterminé. Loin de permettre de prévoir égoiste. Pourtant,les champions de la version égoiste de l'intérêt
un comportement quelconque,l,intérêt invoqué (ou l,uiilité ou souverain auront toujours beaujeu de soutenir qu'<< en derniêre
les preterences, etc.) est ce qu'on déduira aprês_coup de l,action instance >>, si le sujet obéit à des motivations << en apparence
observée - << c'était donc çá3 ! >r. altruistes >>, c'est bien parce qu'<< il y trouve son cômpte ».
L'ouverture à l'altérité est ainsi reconduite à l'égoismê. La
tentative d'entrer dans le discours de l'intérêt souverain par le
Des axiomatiques substantialistes jamais assez vraies biais de l'ouverture principielle à l'altérité, à la louange et au
regard des autres a donc de fortes chances de rester à jamais
Les variantes substantialistes du discours de l'intérêt souve- submergée par la toute-puissance de la thématique de l'égoisme
rain se caractérisent au contraire par la mise en avant d'un intérêt premier et du souci de la conservation de soia.
spécifique unique, supposé déterminant en derniêre instance:
les intérêts économiques de, classe chez Marx, l, amour_propre
ou la vanité chez La Rochefoucauld, l, intérêt modelé p iit; í,à_
bitu.s chez le-premier Bourdieu oul,illusio chezle second,le 4. À ce stade, la discussion reste brouillée par I'indétermination et la réversibilité du
désir sexuel ,la libido chez Freud, la volonté de puissanc terme même d'égoisme. Il y a en fait deux égoi'smes entre lesquels la discussion oscille
en peÍmanence : un égoisme de l'autosuffisance et de l'autoconsistance, et un égoisme
Nietzsche, le désir d'accumuler les biens matériels chez les " "hu
écà- de la dépendance et de la rivalité avec autrui. Je suis redevable à Christian Laízeri de
nom.istes classiques, etc. Impossible et inutile de discuter ici ces la mise au point qui suit : « On peut partir d'une distinction clairement formulée et
différentes théories dont il íuffira de dire que, recélant chacune utilisée par Mandeville, Hume et Rousseau, mais dont on trouve déjà l'énoncé chez
Spinoza. Cette distinction est celle du sely' liking et ú: self-loue qui reprend à la vieille
une part de vérité, elles deviennent systématiquement fausses distinction médiévale de I'amor sui eÍ de 1'amor proprilrs (qui tradult elle-même les
- et automatiquement réfutées par les autres _ dês lors qu,elles deux versants dela philautia aristotélicienne) et que le français traduit par amour de
soi.et amour-propre ou bien, selon les théologieni du xvn siêcle, par iniérêt nôtre et
se présentent comme détentricês de l,unique vérité génêrde.
intérêt propre. La distinction entre les deux peut être formulée de la maniêre suivante :
I'amo.ur de soi (ou "intérêt nôtre") témoigÀe fondamentalement du désir de I'agent
centré sur lui-même et sur les avantages qu'il cherche à obtenir pour soi, mais sans que
cela se traduise par une attention exclusive accordée à ceux-ci. Autrement dit, on-ne
La triple confusion des intérêts se situe pas_ici dans une attitude comparative de supériorité qui rend impossible toute
attention à l'intérêt d'autrui. Cela signifie que l'amour de soi conduit-certainement
-la rhétorique.de
Il_est par ailleurs possible de montrer que l,enfermement dans I lg pu, sacrifier ses propres intérêts à ceux d'autrui, car ils possêdent un caractêre
indépassable, mais que cela ne conduit pas non plus à une ignoiance ou à un désintérêt
I'intérêt reconduit sysÍémaiiquement et quoi qu'on- pour ceux d'autrui, pas plus qu'ils ne conduisent à une rivalité permanente. Il peut donc
fasse pour s'en affranchir à une double, voire triple exister un rapport de composítion entre les intérêts selon des modalités variables qui
"oirfurion. peuvent engendrer des rapports de coopération. L'amour-propre (ou,'intérêt propret,),
à l'inverse, témoigne d'une attention exclusivement coniaciée à ses proprei iniérêts
oonsidérés comme incommensurables au regard de ceux des autre§, lésquels sont
3^: empiriste de. cet usage puÍement tautologique formel pourrait systématiquement négligés ou niés de telle sorte que la coopération, lorsqu'e1le existe,
YXg.rrliante_
^._^ g1.l]f]9. de taurotogie empirisre. C,est celle.que développé
g1: iar exemplé Erhard
r.€dberg (Le Pouvoir et la ràgle, 1997) dans le silláge de R. tr.làrcir,
§.e trouve en perÍnanence menacée de défection, lorsque celle-ci ne possêde pas un coôt
lorsou,il exolioue dissuasif » (communication personnelle). Au terme Ae cette élabo;ation d'une théorie
qu'il existe autanr d'inrérêts distincts que de situaíions .;pl;iq;;;;iii;;r";;il; antiutili^tariste de I'action, j'espàre et pense pouvoir prendre pleinement en compte
l'analyste découvre aprês-coup. -
cette différence entre amour-propre et amour de soi.
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théorie anti-utilitariste de l' action
de quelques raisons de se déprendre du discours de l'intérêt
2. Par ailleurs la rhétorique de l,intérêt télescope systéma- quement calculé, mais dans le registre de I'obóissance forcée ou
tiquement deux formes de [,intérêt diamétrale*.ht opposàó*
de ce qu'on pourrait appeler un intérêt égoiste passif.
au pla.n conceptuel même si elles sont le plus souvenidtroite-
ment.intriquées en pratique. Dire de quefuu,un qu,il éprouve
de.l'intérêt pourles mathématiques, Í,art,-la littêraturê ou la
Les quatre modalités de l'intérêt
philosophie, c'est dire qu'il y tiouve de i'intérêt, autrement
dit qulil y prend du plaisir. Mais on pourrait dire'aussi bien Résumons et synthétisons cette premiêre discussion. Partis
et en fait mieux, qu'ii éprouve por. càs oiràirrr-u"iiuii3r, yii
d'un concept unique d'intérêt, nous nous retrouvons avec qua-
s'y lnvestlt vralment, une passion. Admettons que cette même tre types d'intérêt bien différents qu'il est possible de désigner
personne, mathématicien, écrivain, artiste ou sfortif, y ait pris
atnsr :
tellement de plaisir qu'elle soit devenue un bon profeósion'nel,
- I'intérêt â no l, i.e.l'intérêt instrumental, stratégique,
elle aura alors.à gérer.un auffe type d,intérêt, ui intérêt à bi;;
égoiste, actif ; appelons-le l'intérêt pour soi ;
reussir sa carriêre ou à gagner de I'argent. Il est d,autant plus * I'intérêt à n" 2, i.e. I'intérêt à obéir passif ; appelons-le
g.ênant de confondre ces dêux types d;intérêt, I'intérêt poir et
I'intérêrobéissance ;
l'intérêt à, i.e.l'intérêt passionnei et l,intérêt instrumen'tal. que poltr Íf 1, I'intérêt pour autrui ;
qela. rypro.duit automatiquement l' éternelle et absurde qu...itt" - l'intérêt
l'intérêt pour no 2,L'intérêt pour une activité plaisante
du désintéressement quirepose sur une confusion ry*et ique -
appelons-le l'intérêt passionnel.
;
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théorie anti-utilitariste de l' action de quelques raisons de se déprendre du discours de l'intérêt
Une typologie tétradimensionnelle de l'action Un don purement altruiste, auquel le donateur ne trouverait pas
son compte et qui humilie le donataire, tournerait au sacriflce
Dans son Essai sur le don qui fait apparaitre une certaine et potentiellement au massacre généralisé. Un don purement
universalité anthropologique de la triple obligation de donner, obligé, mécanique et rituel, perdrait toute sa magie, et un don
recevoir et rendre, Marcel Mauss montre comment le don, qui purement gratuit s'abimerait dans le non-sens. Essayons d'éclai-
témoigne par hypothàse d'une ouverture à autrui en manifestantun rer davantage le statut de ces quaffe pôles de l'action.
désintóressement, est également intéressé - il satisfait à la fois les
intérêts de face et les intérêts matériels du donateur - et comment Leur représentation spatiale en termes de points cardinaux
par ailleurs ce geste qui met en scêne de la « libéralité >>, c'est-
à-dire à la fois de la liberté et de la spontanéité, obéit autant ou Il faut les comprendre tout d'abord comme les équivalents des
plus à une obligation sociale premiêre, cette obligation qui nous quatre points cardinaux. Si nous voulions disposer d'une repré-
« force à être libres » pourrait-on dire dans le langage de Rousseau. sentation plus fine et plus réaliste de l'action, on pourrait tenter
Voici, mises en lumiêre dês les premiêres lignes del'Essai sur le de construire une sorte de rose des vents de l'action, permettant
don,les quatre dimensions premiêres, inóductibles de tout acte de dégager tous les degrés intermédiaires et toutes les composi-
de don, organisées en deux paires d'opposés : l'intérêt (égoiste) tions possibles entre les pôles. Supposons que I'intérêt pour soi
et le désintéressement (altruiste), l'obligation et la liberté. Pour se tÍouve à I'ouest et 1'aimance à l'est, l'obligation au nord et la
échapper aux éternels débats sur l'égoisme et l'altruisme, il vaut liberté au sud, on pourrait de demander : de combien à l'est, à
mieux opposer ce qu'il est permis d'appeler l'intérêt pour soi et l'ouest, au nord ou au sud est chaque type de don ou d'action ?
l'intérêt pour autrui et, pour échapper une bonne fois pour toutes Et qu'est-ce que l'on situe par exemple en nord-nord-ouest ou
à l'hégémonie du concept d'intérêt dont nous venons de lister les en sud-sud-est, etc. ? I1 n'est pas sür qu'il vaille la peine de
dangers théoriques, il est préférable de rebaptiser I'intérêt pour s'engager à dessiner effectivement une telle rose des vents de
autrui d'un pseudonyme (et néologisme) neutre, l'aimance6. l'action, non seulement parce qu'elle serait três diff,cile à réa-
liser et trop incertaine, mais aussi parce qu'elle nous donnerait
vite une profusion de notions et d'étiquettes probablement trop
Les quatre pôles du don et de l'action importante pour être réellement utile et maniable. Sans donc
tenter de les ordonner de maniàre un peu précise, bornons-nous
Intérêt pour soi et aimance, obligation et liberté, voilà donc à repérer, grossiàrement pour commencer, tout un ensemble de
les quatre pôles du don. Toujours étroitement imbriqués. Le mobiles ou de logiques d'action qui se trouvent du côtó, respec-
don est hybride, soutient Mauss. Non seulement l'intérêt pour tivement, de chacun de ces quatre pôles et qui sont apparus sous
autrui y ramêne à f intérêt pour soi, et réciproquement; non des désignations ou des formes de réalisation différentes selon
seulement I'obligation est celle de la liberté et la liberté permet les cultures,les périodes de I'histoire ou les individus.
de s'acquitter de ses obligations, mais ilfaut qu'ilen soit ainsi.
Un don purement instrumental et « intéressé » échoue à nouer
le lien social nécessaire à la satisfaction des intérêts de tous. Ce qu'on trouve aux alentours de chaque pôle de I'action
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thé orie atxti-utilítariste de l' action de quelques raisons de se déprendre du discours de I'intérêt
NORD
Cbligâtion
Premiêres insatisfactions typologiques
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théorie anti-utilitariste de l' action de quelques raisons de se déprendre du díscours de l'intérêt
primat des motivations actives de l'aimance et de la liberté sur (et réciproquement) et d'aimance que comme sortie de l'intérêt
leurs conditions passives que sont l'intérêt pour soi et l'obliga- pour soi (et réciproquement) et que comme liberté, etc.
tion. Pour fller la rnétaphore spatiale et cartographique, on enffe
dans la zone du don de générosité, dans l'obligation de donner, Réversibles. Pour ces raisons entre autres, chaque pôle
recevoir et rendre en passant à la droite de I'axe nord-sud, dans est toujours susceptible de basculer en son opposé ou en son
celle du don de la liberté-créativité en passant en dessous de l'axe contraire : l'aimance en intérêt (et réciproquement), l'obligation
est-ouest. I1 apparalt ainsi que le quadrant spécifique du don, celui en liberté (et réciproquement), etc. Et, d'une certaine maniêre,
qui allie l'ouverture à autrui et au possible, est le quadrant sud-est. chacun << contient >> son opposé. Au moins jusqu'à ce qu'il n'y
Inversement, à la gauche de l'axe nord-sud, on se trouve dans le parvienne plus...
champ du prendre-refuser-garder.
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théorie anti-utilitaiste de l' action
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théorie anti-utilitariste de I' action
c ornruent repré s ente r e t fi gure r I' action
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théorie anÍiutilitariste de l' action comment représenter et figurer l'action
lrdomruülúior'l VIE
D'une représentation circulaire Le sujet peut ainsi être pensé comme une sphêre, la sphêre du
propre - une monade si l'on veut, mais une monade avec portes
à une représentation sphérique
et fenêtres -, une planête ou un satellite gravitant autour d'autres
Une troisiàme dimension intervient ainsi dans le cercle que planêtes ou étoiles fixes et autour de laquelle gravitent d'autres
planêtes, chacune accomplissant son cycle de vie en tournânt sur
nous avions dessiné entre moi et autrui, entre la guerre et la paix.
Une torsion infléchit chacun des pôles, les verticalise et produit soi. L'axe de rotation de la sphàre est infléchi selon les pôles que
le sujet occupe ou n'occupe pas. Selon l'inclinaison de cet axe et
la confusion de moi et d'autrui, comme dans la schizophrénie,
sa vitesse de rotation, le sujet rend visibles ou invisibles certains
ou I'indistinction de la guerre et de la paix, qui se rabattent
directement sur I'opposition de la mort et de la vie. des aspects de sa personne aux autres sujets et, réciproquement,
Une même misêên cercle peut et doit être effectuée pour perçoit ou non certains aspects de leur personne.
le rapport entre la vie et la mort, lui aussi soumis à une telle
possibilité de torsionr. MCIRT
Ces deux cercles, celui qui unit moi à autrui par la médiation
de la guerre et de la paix et õelui qui unit les générations dans le
rapport de la mort à lã vie, forment les coordonnées d'une lP!ê're
et-ón représentent respectivement l'équateur et les parallêles,
d'un côté,les méridiens de l'autre.
Nr*t AUTEi"'I
l. on n,essaie pas de représenter ici (on le fait dans le chapitre vI sur 1e-politico.-
religieux) I'au-delà ôu l'en-dôçà de la vie et de la mort, tout ce qui §e-rapporte à l'éternité,
à la"vie éiernelle, à la renaissance, aux réincarnations. aux limbes, à I'embryonnaire, au
passé le plus ancien, aux aieux les plus éloignés, à Saturne, à Cronos, ou au contraire
à l,avenú radieux des générations futures, etc. Ce qui fait I'intérêt et en même temp§
le caractêre insupportable de I'ceuvre d'un Georges Bataille, c'est qu'elle explore avec
une délectation §áns faille pour la contradiction l'au-delà de chacun des.pôles gPpo-sés
de l,action et leur réversibilité même dans l'au-delà de la réciprocité. L aspiration à la
sainteté et au pur amour se conjugue ainsi avec le sadisme et avec une passion d'autant
plus forte poúr la Loi qu'elie seule permet la transgression.
30 3t
théorie anti-utilitariste de l' action comment représenter et figurer l'action
Une théorie de I'action collective ne les a d'ailleurs jamais utilisées qu'implicitement ? Pourquoi
cluatre pôles de l'action et non pas deux, trois, dix, douze ou un
Mais revenons à une représentation plus simple, plane, des nombre indéterminé ? Leur statut est-il ontologique, anthropo-
coordonnées de l'actionpourpréciserque ce qui aété ditjusqu'ici logique, heuristique ?
du point de vue du sujet individuel, en clé d'ego, peut aussi bien
s'appliquer un sujet collectif, en clé de « coordination » comme
à Quelle justification pour cette typola gie tétradimensionnelle
disênt lês économistes, ou en termes d'<< harmonisation des inté- cle l'action ?
,êtr r.o**e le disait l'historien de l'utilitarisme, Élie Halévy.
Entre sujets régis au premier chef par la logique de f intérêt Il serait possible, croyons-nous, de montrer comment les
pour soi fonctionne ce qu'Elie Halévy appelle l'harmonisa- mythologies du monde entier se laissent axiomatiser en effet à
-tion
naturelle des intérêts, autrement dit la coordination par le partir de l'opposition de la vie et de la mort, de la guerre et de
contrat, I'achat et la vente, le dialogue sans entraves. la paix dês lors qu'on les croise avec les cycles du (demander)
Entre sujets qui ne peuvent pas s'entendre << naturellement >> donner, recevoir et rendre ou du (ignorer) prendre, refuser, gar-
sur leurs intérêts doit prévaloir ce qu'il appelle l'harmonisation der. Qui donne et reçoit les lois,les nourritures et les ressources
artificielle des intérêts,autrement dit la loi énoncée par un roi philo- premiàres, à commencer par le feu ? Comment bascule-t-on
sophe, un souverain hobbesien, un législateur rationnel omniscient de la guerre à la paix, et réciproquement, en interaction avec
et bienveillant, le représentant de la volonté (ou de f intérêt) l'inceste, le coit et le mariage ? Qu'est-ce qu'un vrai don, qui
général(e), etc. On est ici dans le registre de l'obligation. ne soit pas absolument empoisonné et empoisonnant ? Voilà les
- Mais il faut distinguer, selon Halévy, une troisiême forme de questions éternellement et partout posées, en lien étroit avec
coordination, l' harmonisation spontané e de s inté rêts,fondée sur l'interrogation sur la différence des sexes et sur le rapport des
cette << sympathie >>, disons plutôt cette empathie primordiale qui humains au monde naturel et aux entités invisibles. Et qui,
existe d'emblée entre les sujets humains et les relie, et qu'ont prises toutes ensemble et indéflniment croisées et recroisées,
théorisée les penseurs des Lumiêres écossaises et tout particu- forment l'univers du sens, le symbolisme. Il y aurait sur tous ces
liàrement l'Adam Smith de LaThéorie des sentiments moraux. points beaucoup de choses àdire. Contentons-nous de laréponse
L'association, cette forme pleinement politique du don, est ce heuristique. La justification de cette tétralogie conceptuelle et
oui la rend pronrement sociale. typologique est d'abord qu'elle éclaire mieux que ses rivales ou
' À ces tróis iormes d'harmonisation des intérêts distinguées alternatives - d'ailleurs bien peu nombreuses en définitive - les
par Halévy, il convient d'en ajouter une quatriême, qui corres- ressorts de l'action. Reste à la mettre effectivement en acte dans
irond à la iogique de la liberté et de f inventivité : la coordina- des études empiriques ou dans des élaborations théoriques plus
[ion par l'enlhóusiasme ou la passion - si proche du charisme spécifiques, en croisant la topique des quatre mobiles de l'ac-
wébérien -, celle qui unit par exemple les supporters sportifs, tion avec la théorie du donner, recevoir et rendre (sur fond du
les croyants d'une secte ou d'une Eglise lorsque l'émotion est prendre, refuser et garder).
portée à son comble et que tous chantent ou prient ensemble, Igs
passionnés d'art, etc. Appelons-la l' harmonisation passionnelle De quelques emplois possibles de la théorie
des intérêts.
Au-delà ou en deçà de la sociologie, on voit bien comment il
est possible en effet de distinguer sw cette base des individus ou
Conclusion d'étape des cultures du don (ou de la prise) - personnages ou cultures
(maternantes ou phalliques) installés dans la générosité mater-
Quel estle statut, demandera-t-on àjuste titre, de telles typo- nelle (Gaia, la madone) ou guerriêre -, de la demande et de la
logies conceptuelles ? D'oü procêdent-elles ? Quelle autorité réception (ou du refus) - attendant tout d'un bienfaiteur (cf les
reõonnaitre á Mauss dont on s'est ici inspiré au départ et qui cultes du cargo, par exemple) -, de Ia dette (oa de Ia rétention) -
32 JJ
théorie anti-utilitariste de I' action comment représenter et figurer l'action
,
dette envers la mort (Yama),les ancêtres, les puissantsz. De ce que les enfants reçoivent des parents, et réciproquement. Le
même, dês lors qu'un des pôles de I'action apparaithypertrophié symbolisme est l'espace dans lequel se forment et se formulent
et cesse d'entref en relation dialectique avec les trois autres, on les questions et les réponses relatives à cet univers du don.
voit apparaitre l'exacerbation du moi (narcissisme) ou de 1'lutlt
(hystêrie), de la dette (obsessionnalité, compulsion) ou de- la Bref, avec cette typologie, il est déjà possible de penser de
Hderté (perversion). Encore faudrait-il ajouter que toutes les maniàre souple les dimensions de l'action sans préjuger apriori,
cultureshumaines distribuent toujours de maniêre différenciée à I'inverse des postures individualistes ou holistes méthodo-
les rôles de donateur ou de donataire entre les hommes et les logiques, du poids respectif de l'un ou l'autre pôle, l'intérêt
femmes, de même qu'elles les soumettent différemment aux individuel pour les théories de l'action rationnelle, l'obligation
mobiles de l'intérêt pour soi ou de I'aimance, et du rapport à la pour l'holisme. Mais, si elle permet d'établir en somme une
mort et à la vie3. cartographie utile et parlante de l'action, elle ne nous en donne
pas à proprement parler la théorie. Comment se forme le sujet de
Plus généralement, f interprétation de l'action passe toujours I'action ? Et quel rapport cette formation entretient-elle avec la
par la réponse à trois questions étroitement interdépendantes. quête de reconnaissance ? Avant de pouvoir amorcer une réponse
' l. Qiant au rappoit du sujet à lui-même, la question est de à ces questions, il est nécessaire maintenant d'approfondir le
savoir ce qu'il donne - à quoi il s'adonne, ou s'aband-oln9:, raisonnement et de partir à la recherche de la racine premiêre
quelle parlde son énergie il consacre respectivement à l'intérêt des quatre ressorts de l'action.
pour soi, à l'obligation physique, sociale ou morale, à l'aimance
ou à la liberté-créativité.
2. Quant au rapport interpersonnel,la question de savoir
ce qui lie des persónnes entre elles est toujours : qui donne ou
renô, quoi, à tlui - ou bien qui prend, refusg de donner, garde
et, symétriquêment, qui reÇoit quoi de qui, en positif ou en
négatif ?
-3.
Quant à I'action collective: cette action individuelle ou
interpérsonnelle se déploie dans le cadre d'actions collectives,
ou de l'action de collectifs oü s'inscrit le sujet, et qui eux-mêmes
se rapportent aux autres collectifs en posant la question de savoir
ce qú'ils leur donnent (leur ont donné), leur doivent, peuvent
leur prendre, en ont reçu, doivent leur rendre, etc. L'ensemble
de cás questions s'organise à la racine, ab initio,dês I'origine du
monde, autour de la question premiêre de savoir ce que les hom-
mes reçoivent des feúmes et leur donnent, et réciproquement, et
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