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Julie Amiot-Guillouet
Université Paris-Sorbonne - Paris IV
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Amiot-Guillouet Julie. Accords et dissonances : les cinémas latino-américains et les Cahiers du Cinéma (1951-2003). In:
Caravelle, n°83, 2004. La France et les cinémas d'Amérique latine. pp. 43-62;
doi : 10.3406/carav.2004.1479
http://www.persee.fr/doc/carav_1147-6753_2004_num_83_1_1479
Résumé
RÉSUMÉ- La revue française Cahiers du cinéma a joué un grand rôle dans la modification des
pratiques cinématographiques, en particulier au moment de l'avènement des « nouveaux cinémas »
dans les années 1960. Ceux-ci ont fleuri en Amérique latine, notamment grâce au dialogue qui s'est
mis en place entre les rédacteurs des Cahiers et les cinéastes latino-américains.
Si l'intérêt des Cahiers pour le cinéma latino-américain a été de courte durée, il a toutefois permis de
faire connaître un groupe de jeunes cinéastes en France et sur leur propre continent.
Abstract
ABSTRACT- The French review Cahiers du cinéma played a great role in the change in cinematic
practices, particularly when «new cinemas» appeared in the 60s. They came to have a huge
importance in Latin America, partly because of the dialogue that took place between the Cahiers
writers and Latin American filmmakers.
If the interest of the Cahiers towards Latin American cinema did not last very long, it still made famous
a group of young filmmakers in France and in their own continent.
C.M.H.LB.
n° 83, p. 43-62, Toulouse,
Caravelle 2004
Accords et dissonances :
PAR
Julie AMIOT-GUILLOUET
Université de Lyon II
Introduction
1 « Au début des années 1960, les critiques en Europe et en Amérique ont commencé à
nommer les nouveaux mouvements cinématographiques. Même avant que le nouveau
cinéma latino-américain se reconnaisse lui-même en tant que mouvement [...], les
critiques de films et les interviews publiées dans les revues de cinéma européennes et
nord-américaines ont contribué à la mise en place d'un nouveau canon
cinématographique. » Pick, Zuzana, The new latin american cinema, a continental project,
Austin, University of Texas Press, 1996, p. 17. Je traduis.
44 C.M.H.LB. Caravelle
souligné dans son texte d'avril 1957 les effets négatifs de la politique des
auteurs sur quelques-unes des options traditionnelles de la revue,
particulièrement l'intérêt porté aux cinematographies nationales, et la
contextualisation historique d'un auteur ou d'un genre7. » Pointant les
« effets négatifs » de la politique des auteurs, Bazin propose au contraire
de laisser également une place dans la revue à d'autres approches. Or,
celles-ci ne sont pas les plus prisées au sein de la rédaction. Ainsi, lorsque
les Cahiers se penchent sur le cinéma latino-américain de l'époque, il
convient d'observer la perspective adoptée. En effet, il n'est pas
indifférent qu'il soit envisagé en fonction de ses « cinematographies
nationales » ou de ses « auteurs », l'expression même de cinéma latino-
américain n'étant pas encore de mise : l'activité cinématographique
latino-américaine est encore peu structurée, et perçue comme la somme
de diverses tentatives locales (nationales) davantage que comme une
entreprise continentale. Si les deux tendances apparaissent, il conviendra
de voir si l'une ou l'autre s'impose à certaines périodes, afin de tenter de
fournir des explications aux fluctuations du statut du cinéma latino-
américain dans le temps. Mais avant ces considérations qualitatives, il
convient de dresser un panorama quantitatif de l'importance accordée au
cinéma latino-américain dans les Cahiers.
Afin de comprendre l'évolution du traitement du cinéma latino-
américain dans les Cahiers, deux séries d'explications doivent être
convoquées : d'une part, il faut prendre en compte l'histoire du cinéma
latino-américain et ses propres transformations, et d'autre part, il faut
mesurer l'importance des changements que connaissent les Cahiers eux-
mêmes, en particulier dans leur façon d'envisager le cinéma et ses
missions. En effet, les deux convergent sur le plan historique au cours des
années I960, au moment de l'émergence de nouvelles esthétiques
cinématographiques dont les Cahiers ont été un fervent promoteur, et
qui ont eu un retentissement considérable en Amérique latine. La période
couvrant les années 1950 est celle où s'affirme dans la revue la politique
des auteurs, qui s'accompagne d'une forte intransigeance des critiques
envers le cinéma commercial qui prévaut sur les écrans. Or, au même
moment, le cinéma latino-américain, en particulier en ce qui concerne les
trois grands pays producteurs de cinéma que sont le Mexique, le Brésil et
l'Argentine, se caractérise par l'entrée en crise d'un système de studios qui
s'est mis en place au cours des deux décennies précédentes (depuis
l'apparition du cinéma parlant). Emilio García Riera, historien du
cinéma mexicain, souligne ce phénomène d'usure du cinéma local, en
termes de qualité dans un premier temps, puis de quantité : « A la fin des
années 1950, la crise du cinéma mexicain n'était pas seulement
perceptible pour ceux qui connaissaient ses problèmes économiques : elle
' De Baecque, Antoine, Histoire d'une revue, Paris, Cahiers du cinéma, 1991, volume 1
« 1951-1959, à l'assaut du cinéma », p. 163.
Les Cahiers et l'Amérique latine 47
était mise en évidence par le ton même d'un cinéma fatigué, routinier et
vulgaire, manquant de capacité d'invention et d'imagination8. » Or, il
s'agit du début de la crise d'un système qui, s'il a su créer des genres
autochtones - par exemple la chanchada au Brésil, la comedia ranchera au
Mexique, le mélodrame partout —, s'est toujours caractérisé par sa
« dépendance » de modèles extérieurs, trait dont Paulo Antonio
Paranaguá fait d'ailleurs une des spécificités du cinéma latino-américain
par rapport à d'autres :
Tous les cinémas d'Amérique latine [...] peuvent être considérés comme
dépendants [...]. La dépendance matérielle engendre l'importation de
modèles de production et de modes de consommation [...]. Au-delà du
système des studios, le cinéma russe et le japonais, l'arabe et l'indien,
n'ont pas manqué de développer des formules esthétiques et des genres
cinématographiques indépendants des modèles hégémoniques, même
dans la production commerciale, industrielle et massive. Dans le cas de
l'Amérique latine, même dans les expressions les plus nationalistes ou les
plus innovantes, il existe un dialogue [. . .] avec les modèles dominan ts^.
Etant donné le mode d'appréciation des films à l'œuvre dans les
Cahiers, on comprend aisément pourquoi le cinéma latino-américain fait
l'objet d'un nombre d'articles pour le moins limité. Il s'agit dans la
plupart des cas de critiques des rares films sortant en France, rédigées de
façon lapidaire, ou de quelques allusions dans la rubrique « Nouvelles du
cinéma ». Il est à noter dans ce cas que lorsque l'Amérique latine est citée,
c'est pour y évoquer la sortie de films français ou nord-américains, tandis
que lorsque d'autres pays sont traités dans la même rubrique (en
particulier la France, les Etats-Unis, l'Italie ou l'Allemagne), c'est pour
évoquer leur propre production. Voir en particulier Cahiers du cinéma,
avril 1952, n°ll, p. 45. Finalement, jusqu'aux années I960, c'est-à-dire
au cours des dix premières années d'existence de la revue, seuls deux
articles se penchent de façon quelque peu approfondie sur le cinéma
latino-américain : « Lettre de Mexico », de Chris Marker, dans le n°22
d'avril 1953, et « Lettre de l'Amérique hispanique », de Lo Duca, dans le
n°32 de février 1954. Dans le même temps, les « Lettres » de New York
ou d'Angleterre sont légion... Par ailleurs, les Cahiers se penchent
sporadiquement sur les festivals de cinéma organisés en Amérique
latine 1°, et le seul à tirer son épingle du jeu est Luis Bunuel, seul cinéaste
8 García Riera, Emilio, Breve historia del cine mexicano, primer siglo (1897-1997),
Mexico, Mapa, 1998, p. 210. Je traduis.
9 Paranaguá, Paulo Antonio, Tradición y modernidad en el cine de América latina,
Madrid, Fondo de Cultura Económica de España, 2003, p. 28-29. Je traduis.
10 Le festival de Punta del Este (Uruguay) est evoqué dès le premier numéro sur
plusieurs pages, dans des termes peu élogieux qui provoquent une réponse De Giselda
Zani, journaliste uruguayenne, dans le numéro 3 ; André Bazin consacre un article au
festival de São Paulo (Brésil) dans le numéro 34. En outre, la présence de films latino-
américains dans les festivals européens est signalée lorsqu'elle se produit.
48 C.M.H.LB. Caravelle
14 J'ai élaboré les deux illustrations chiffrées proposées à partir du relevé systématique des
articles concernant les aires géographiques citées, sur l'ensemble des numéros des Cahiers
du cinéma couvrant la période 1951-2003.
50 C.M.H.LB. Caravelle
16 De Baecque, Antoine, Histoire d'une revue, Paris, Cahiers du cinéma, 1991, volume
2 : « 1959-1981, Cinéma, tours et détours », p. 107-111. En 1964, financés par Daniel
Filipacchi (producteur de l'émission « Salut les copains » sur la station de radio Europe 1),
les Cahiers reparaissent - après une interruption de quelques mois - sous un format
profondément modifié. L'équipe de la revue préserve son autonomie rédactionnelle.
17 « Une semaine à La Havane », par Emmanuel Burdeau, dans Cahiers du cinéma, Paris,
février 1997, n°5 10, p. 7
52 C.M.H.LB. Caravelle
23 Rocha, Glauber, Revisión crítica del cine brasilero, La Havane, ICAIC, 1965, p. 12. Je
traduis.
24 « Rencontre avec le Cinema Novo », dans Cahiers du cinéma, Paris, mars 1966, n°76,
p. 48.
Les Cahiers et l'Amérique latine 55
25 Dossier sur Carlos Diegues, dans Cahiers du cinéma, Paris, novembre-décembre 1970,
p. 49.
26 Entretien avec Jorge Sanjinés dans la section « Cinéma anti-impérialiste en Amérique
latine », dans Cahiers du cinéma, Paris, octobre-novembre 1974, p. 21.
27 Un cinéaste chilien indique : « J'ai rencontré au moins cent fois des gens bien
intentionnés qui pensaient me faire plaisir en me disant qu'ils avaient vu un film chilien,
que c'était incroyable, que cela ressemblait bien à un film. Je leur disais : 'Nous sommes
très flattés ! Au nom du cinéma chilien, merci !' », dans Cahiers du cinéma, Paris, février-
mars 1974, p. 11.
56 C.M.H.LB. Caravelle
28 Dossier sur Fernando Solanas, dans Cahiers du cinéma, Paris, mars 1969, n°210,
p. 43.
29 Dossier sur Glauber Rocha, dans Cahiers du cinéma, Paris, juillet-août 1969, no2l4,
p. 38.
30 De Baecque, Antoine, Histoire d'une revue, volume 2, p. 112.
Les Cahiers et l'Amérique latine 57
31 Ibid., p. 213.
32 Cahiers du cinéma, Paris, septembre 1973, n°248, p. 28-29.
58 C.M.H.LB. Caravelle
Conclusion
Bibliographie
Cahiers du cinéma (tous les numéros de la revue ont été consultés, à partir
de sa première publication en avril 1951) et Cinémas d'Amérique latine :
se reporter aux numéros cités.
BUNUEL, Luis, Mon dernier soupir, Paris, Robert Laffont, 1982, 328 p.
DE BAECQUE, Antoine, Histoire d'une revue, Paris, Cahiers du cinéma,
1991, volume 1 (1951-1959 : A l'assaut du cinéma), 316 p. et volume 2
(1959-1981 : Cinéma, tours et détours), 382 p.
GARCIA RIERA, Emilio, Breve historia del cine mexicano, primer siglo
(1897-1997), Mexico, Mapa, 1998, 466 p.
PARANAGUÁ, Paulo Antonio, Le Cinéma en Amérique latine : le miroir
éclaté, historiographie et comparatisme, Paris, L'Harmattan, 2000, 287 p.
PARANAGUÁ, Paulo Antonio, Tradición y modernidad en el cine de
América Latina, Madrid, Fondo de Cultura Económica de España, 2003,
301 p.
PICK, Zuzana, The new latin American cinema, a continental project,
Austin, University of Texas Press, 1996, 251 p.
ROCHA, Glauber, Revisión crítica del cine brasilero, La Havane, ICAIC,
1965, 126 p.
ABSTRACT- The French review Cahiers du cinéma played a great role in the
change in cinematic practices, particularly when «new cinemas» appeared in the
60s. They came to have a huge importance in Latin America, partly because of
the dialogue that took place between the Cahiers writers and Latin American
filmmakers.
If the interest of the Cahiers towards Latin American cinema did not last very
long, it still made famous a group of young filmmakers in France and in their
own continent.