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François-
Rabelais
L'enseignement Primaire en Espagne et en
Amérique Latine du XVIIIe siècle à nos jours | Jean-
René Aymes, Ève-Marie Fell, Jean-Louis Guerena
La politique de
construction
d’écoles sous la
Seconde
République
espagnole
Brigitte Magnien
p. 295-309
Texte intégral
1 En 1931, parmi tous les problèmes que le nouveau régime
avait à régler, celui de l’éducation était sans doute un des
plus urgents. Le retard de la scolarisation pris pendant les
trente premières années du siècle, et que n’avait pas atténué
un léger effort tenté à la fin de la Dictature de Primo de
Rivera, se trouvait encore accentué par une très forte
poussée démographique, qui augmenta précisément dans
les années 1931-1932-1933 la proportion de la population
scolarisable. On admet généralement que les hommes
politiques de la Seconde République, par leur formation et
leurs activités professionnelles, étaient particulièrement
sensibles au retard culturel pris par l’Espagne, et surent
traduire dans les actes leur souci de développer l’éducation
dans le pays. Cependant dans les études les plus récentes
sur la politique éducative de la Seconde République deux
thèses apparaissent, qui tendent à minimiser l’ampleur des
réalisations pour l’école. La première consiste à démontrer,
chiffres et statistiques à l’appui, que cet effort immense de la
République en faveur de l’école a été gonflé, grossi
démesurément à des fins de propagande bien sûr, et que
lorsqu’on analyse de près les réalisations on s’aperçoit que
tout n’est pas si merveilleux. Tel est le but de la thèse de M.
Samaniego1, qui, à coup de tableaux et graphiques, oppose
systématiquement les chiffres donnés par les hommes
politiques du moment2 avec ceux que fournit l’Anuario
Estadístico, pour aboutir aux conclusions suivantes : même
si on ne peut pas nier la profonde préoccupation pour élever
le niveau scolaire du pays, particulièrement sous le
gouvernement de Azaña3, les objectifs que la République
s’était donnés n’ont pas été atteints, et les chiffres fournis
par les républicains doivent être réduits de moitié. Qu’on se
rassure, je ne vais pas entrer dans cette bataille de
statistiques, somme toute assez vaine, mais une lecture
critique de l’ouvrage de M. Samaniego devra être faite un
jour, ne serait-ce que pour démontrer ce que l’on peut faire
dire à des statistiques4.
2 La deuxième thèse fréquemment développée dans les études
sur la politique éducative de la Seconde République, c’est
que sur ce problème là comme bien d’autres, les positions
étaient si contradictoires que : soit elles paralysaient toute
initiative, soit elles n’autorisaient que des solutions de
compromis stérilisantes : ainsi on affirme, d’emblée, qu’il y
a un fossé entre la conception éducative élitiste, sélective
représentée par les hommes réformistes de la Institución
Libre de Enseñanza, et la conception d’une éducation de
masse qui atténuerait les différences sociales, défendue par
les mouvements ouvriers et en particulier par les socialistes
qui partagent le pouvoir. Cette définition idéologique et
cette répartition des hommes est trop schématique pour
qu’on la prenne au sérieux : personne n’ignore ce que des
socialistes comme Besteiro, ou le Ministre de l’Instruction
Publique lui-même, Fernando De Los Ríos doivent à la
Institución Libre de Enseñanza, ainsi que R. LLopis qui sera
chargé de la Direction de l’École Primaire. Le conflit entre
éducation élitiste/éducation de masse ne s’est jamais posé
dans ces termes-là, d’autant plus qu’en ce qui concerne
l’école primaire, tout était à faire : donner au pays des
écoles, des maîtres, définir une pédagogie, des programmes,
créer, de toutes pièces, une école publique digne de ce nom.
3 Les deux thèses que je viens d’évoquer poursuivent le même
objectif : faire le procès de toute une période de l’histoire de
:
l’Espagne ; heureusement l’historiographie de la Seconde
République espagnole commence à se dégager de cette
pratique qui consiste à juger a posteriori et à décerner des
bonnes ou mauvaises notes : la République a raté la réforme
agraire, ces bavards ont perdu leur temps à légiférer, ces
doctrinaires ont rallumé la guerre religieuse, etc. Je
caricature à peine. Il est plus difficile d’essayer de
comprendre les obstacles, les freinages, toutes les
circonstances internes et externes qui ont fait que les choses
se sont passées comme çà. Sur la politique scolaire du
Gouvernement de Azaña, on a parlé d’incompétence,
d’improvisation, d’idéalisme, de propagande tapageuse qui
camouflait une totale inefficacité (je cite Ricardo de La
Cierva). Cela dit, on peut imaginer que sur l’école, les
divisions étaient moins irréductibles que sur des problèmes
autrement plus délicats, comme la réforme agraire ou
l’autonomie des régions. Il y avait des divergences, certes,
mais pas aussi tranchées que celles que j’ai rapportées
précédemment. J’ai eu l’occasion de réfléchir sur un conflit
qui a éclaté au grand jour, en janvier 1933, au sein de la
majorité républicano-socialiste qui était au gouvernement
avec M. Azaña, conflit qui a porté sur la politique de
construction des écoles menée par les deux ministres de
l’Instruction Publique qui se sont succédé pendant le bienio
azañista, le républicain Marcelino Domingo et le socialiste
F. De Los Ríos. Derrière ce conflit apparaissent des
conceptions différentes de l’école, qui ne correspondent pas
à la division schématique ordinaire entre partisans
institutionistes d’une éducation élitiste et partisans
socialistes d’une éducation de masse. C’est ce conflit que je
vais analyser.
4 En janvier 1933, le journal du soir républicain « Luz » lance
une campagne très violente contre le ministère de
l’Instruction Publique à propos des constructions scolaires.
Les articles qui prennent une virulence particulière les 25,
26, 27 et 28 janvier, puisqu’ils occupent toute la première
page sous des titres énormes, sont signés par le Directeur de
:
« Luz », le député Luis Bello, chef de la minorité Acción
Republicana, un des plus proches collaborateurs et ami du
Président du Gouvernement, Manuel Azaña. Cette
campagne ne reste pas sans réponse : le journal «El
Socialista» répond à son confrère du soir dans des articles
bien placés en première page, du 22 au 29 janvier. Mais
surtout le député radical Agustín utilise cette campagne
pour interpeller le gouvernement, ce qui provoque un débat
sur les constructions scolaires à la Chambre à partir du 17
février, débat auquel prennent part, le 18 février, Luis Bello
et Rodolfo LLopis, le 22 février l’architecte des
constructions scolaires de Madrid, également le député B.
Giner de los Ríos, et enfin le 23 février le ministre F. De los
Ríos. Le débat fut clos le 28 février. En outre le Conseil des
Ministres était intervenu, publiquement, le 27 janvier par
un communiqué pour appuyer l’action du ministre de
l’Instruction Publique, désavouant ainsi l’initiative prise par
le député de la majorité Luis Bello.
5 Pour qu’on imagine un peu le climat dans lequel s’est
déroulé ce débat, où l’on s’est vu reprocher calomnies et
procès d’intention, je rappellerai que, pendant tout le mois
de janvier 1933, le gouvernement a été violemment attaqué
au Parlement par la droite comme par la gauche au sujet du
massacre de Casas Viejas, au point que des rumeurs de crise
gouvernementale circulent dans l’Assemblée, qu’en février
commence la discussion sur «la Ley de Congregaciones» au
cours de laquelle radicaux et députés de droite vont
inaugurer la tactique de l’obstruction systématique, et qu’à
Berlin le Reichstag brûle. Mais enfin ce débat a donné
l’occasion aux hommes du ministère de s’expliquer sur les
critères qu’ils appliquaient dans la politique de construction
des écoles. Pourquoi cette attaque si virulente de la part
d’un allié ? Je veux croire qu’il ne s’agit pas, comme on l’a
dit alors, d’une vulgaire querelle au sein de la majorité, d’un
règlement de compte des azañistas contre leurs alliés
socialistes qui occupaient alors les postes-clefs au ministère
de l’Instruction Publique, en particulier contre R. LLopis, le
:
Directeur Général de l’Enseignement Primaire. Derrière
cette bataille de chiffres ou de personnes, se profilent des
divergences pédagogiques et politiques caractéristiques des
courants qui animaient l’équipe gouvernementale. Ce débat
a, en particulier, permis de poser les questions suivantes :
6 Devant la pénurie d’écoles dont souffre le pays, quelles sont
les priorités ?
7 Est-ce la quantité d’écoles construites ou leur qualité ?
8 Est-ce une juste répartition géographique entre les régions
et provinces du pays ? ou entre groupes scolaires urbains et
écoles rurales ?
9 Quel type d’école construire et pour quelles fonctions ?
10 Quelle part l’État doit-il prendre dans cette entreprise, et
comment intéresser les mairies à cette tâche ?
11 Quelles mesures financières ou autres prendre pour
encourager les initiatives locales ?
12 Comment faire en sorte que l’École Publique tienne sa place
dignement, face à l’école confessionnelle partout beaucoup
mieux dotée, et qui lui fait une concurrence acharnée ?
13 On voit que derrière la question de la construction des
écoles, qui aurait pu n’apparaître que technique, les
problèmes qui se posent sont de tous ordres : conception
pédagogique du local-école et des activités qu’il doit
permettre, problèmes politiques liés aux rapports entre
l’État et les collectivités, et bien sûr le gros problème de la
concurrence entre école publique et école confessionnelle et
du risque de guerre religieuse qu’elle comporte.
Luis Bello
28 Avant d’analyser les critiques de Luis Bello sur ces deux
années de réalisations scolaires, il est utile de présenter ce
journaliste.
29 Bien qu’il ait été député en 1916-1917, et membre de la Liga
de Educación Política avec Ortega y Gasset en 1914, Luis
Bello est plus un journaliste qu’un homme politique. Depuis
son entrée dans la rédaction de «El Heraldo» de Madrid en
:
1898, il n’a pas cessé d’écrire dans les journaux ; ce n’est pas
un orateur et il s’en excuse quand il se voit obligé
d’expliquer à la Chambre les raisons de sa campagne
journalistique. Il collabore depuis 1922 dans le journal «El
Sol» pour le compte duquel il a circulé pendant quatre ans à
travers toute l’Espagne, visitant les écoles publiques du
pays. Les séries d’articles qu’il publia jusqu’en 1929 sous le
titre «Viaje por las escuelas de España»7 impressionnèrent
profondément les lecteurs et contribuèrent à créer un
mouvement d’opinion en faveur de l’école publique dans
cette période de transition entre la fin de la Dictature de
Primo de Rivera et la Seconde République. Ces « voyages »
sont des articles de journaux comme on les concevait alors,
c’est-à-dire rédigés de façon telle que la lecture en soit
agréable : le côté « littéraire » du texte le différencie
essentiellement de l’enquête sociologique, ou du reportage,
tels que nous les concevons aujourd’hui. Néanmoins le
journaliste s’informait, se faisant accompagner par des gens
du métier et de la région qui connaissaient bien les
problèmes : directeurs d’écoles normales, instituteurs,
inspecteurs, fondateurs. Il donne des chiffres, sur le taux
d’analphabètes, les effectifs des écoles, le nombre de classes,
d’enfants non scolarisés, sur le coût de la construction des
bâtiments récents. L’école est placée dans son cadre naturel,
la région, le paysage, le village, dans des descriptions qui ne
cèdent pas trop à la tentation du pittoresque. L’auteur fait
aussi des observations sur certains aspects sociaux de la
campagne espagnole tels que la puissance des grands
propriétaires de Salamanca, la décadence de certaines
industries locales, les conditions de vie des paysans de Jaén.
Ces articles n’ont pas perdu leur intérêt. Sans entrer dans le
détail des descriptions des écoles espagnoles, je ne
retiendrai des analyses de Bello que celles qui aident à
comprendre les sentiments de ce journaliste de Acción
Republicana lorsqu’il lança sa campagne contre l’action
pour la construction des écoles menée par le ministre
socialiste F. de los Ríos et son premier collaborateur R.
:
LLopis.
30 Bello voyage à travers les régions les plus arriérées,
l’Andalousie, la Castille, le León, les Asturies, l’Extremadure
et la Galice, et partout il traverse de nombreux villages sans
école. Son intérêt se porte davantage sur les écoles rurales
que sur celles des grandes agglomérations. L’école est à la
charge des municipalités et depuis 1901 l’État paie les deux
tiers du salaire de l’instituteur, le reste étant payé par les
familles (d’où le nom de «perrillero» donné à Málaga aux
instituteurs). Beaucoup de mairies se contentent de louer
des locaux : une vieille demeure, un château en ruines, un
ancien dépôt de marchandises, un étage dans une maison
d’habitation fournissent la salle où l’on installe quelques
bancs. Une ville comme León – qui a pourtant dans tout le
pays le plus faible taux d’analphabètes – ne dispose que de
locaux loués. A Jérez une école est installée dans les
combles de la caserne de la Guardia Civil. Il y a des facteurs
socio-économiques qui empêchent la scolarisation : un
habitat très dispersé, comme dans les Asturies ou en
Andalousie, et l’emploi des enfants très jeunes aux travaux
des champs ; dans ces deux régions des instituteurs
itinérants, «los maestros babianos» des Asturies, et «los
enseñaores» de Málaga ne peuvent guère apporter que des
rudiments de lecture. Tous les témoignages de Bello sur les
écoles humides, sombres, sans carreaux, puantes,
dénoncent la négligence des mairies qui trouvent le moyen
de financer des capeas et corridas, qui utilisent la cour de
l’école comme toril le jour de la fête, et détournent l’argent
de l’école pour la réfection du clocher ou du mur du
cimetière. Sur les œuvres scolaires, Bello semble considérer
que la cantine, soupe laïque du pauvre, est plus avilissante
qu’utile socialement : à Jérez, 60 enfants se battent chaque
jour pour 20 rations et ne viennent à l’école qu’avec l’espoir
de gagner une part ; à Villaviciosa la cantine, réservée aux
plus pauvres, oblige ceux-ci à exhiber, par une longue
traversée du village, leur condition de mendiants. On
comprend pourquoi le Gouvernement Républicain
:
souhaitera faire de la cantine, ouverte à tous les enfants,
dans des réfectoires propres et éclairés, un moyen d’effacer
les différences sociales ; mais cela, Bello ne le comprendra
pas.
31 Un autre exemple nous éclaire sur l’idée que Bello se fait de
la fonction de l’école : à Caulina, village de colons
récemment créé par la dictature dans la province de Jérez,
on a réparti des terres, construit des maisons, une école ; un
barrage va bientôt amener l’eau du Guadalcacin ; à l’école
on enseigne aux enfants des rudiments d’agriculture dans
des petits jardins, mais Bello n’approuve pas cette formation
pré-professionnelle : «A la escuela pública han de asistir
muchachos que seguirán muy distintas sendas, y no es
posible orientarlos a todos desde el primer día con una
preferencia decidida» (tome II, p. 40).
32 Enfin le journaliste dénonce l’état de subordination dans
lequel se trouve l’école publique par rapport à l’école
privée : souvent les écoles confessionnelles n’admettent que
les enfants déjà alphabétisés, et l’école publique perd les
enfants les plus doués, ne gardant que les retardés ou les
débiles mentaux. Face à l’école publique qui se reconnaît
par ses carreaux cassés, les bâtiments des congrégations
sont somptueux ; à Ronda les Sajesianas ont terrain de
tennis, de football. Cette concurrence inégale de l’Église,
soutenue par les forces traditionnelles, isole l’instituteur et
le décourage ; on comprendra que plus tard ce républicain
ne conçoive pas la liquidation de la Monarchie sans la
liquidation de l’Église, et n’ait de cesse que l’article 26 de la
Constitution qui sécularise l’enseignement soit appliqué.
33 Quand Bello témoigne sur les écoles, l’horizon politique est
bouché, et le journaliste peut estimer que l’action pour
l’école ne viendra ni des mairies ni de l’État. Il s’affirme
pourtant «optimista y arbitrista» et croît en une solution : la
conscience civique des gens éclairés et entreprenants. Il
propose la création de «Sociedades de Amigos de la
Escuela» – dont il donne même un modèle –. Il s’inspire
pour cela de l’exemple longuement décrit de la province de
:
Salamanque. A l’initiative d’un médecin de la région, le
député réformiste F. Villalobos (qui sera le dernier Ministre
de l’Instruction Publique avant le Front Populaire), les
Caisses de Prévoyance Sociale ont financé la construction de
140 écoles dans la région. Ces écoles sont pour Bello
exemplaires : elles sont modestes, elles ne coûtent pas cher
et comportent deux salles, une pour les filles, une pour les
garçons, une cour, un préau et un bureau. Nous verrons
l’importance que cette notion d’économie va prendre pour
Bello.
34 La foi de Luis Bello dans l’initiative de mécènes généreux en
faveur de l’instruction populaire est naturellement le
résultat de la carence permanente de l’État espagnol, mais
aussi le reflet de la formation des intellectuels de sa
génération. Ils n’ont d’autres exemples à citer que l’action et
les théories de leurs maîtres prestigieux qui créèrent la
Institución Libre de Enseñanza, les Extensiones
Universitarias, firent vivre les Ateneos, etc. L’action pour la
culture que réalisent les partis ouvriers, que ce soit les Casas
de Pueblo socialistes, ou les Écoles Modernes de Ferrer,
n’est évoquée dans les voyages de Bello que pour en
souligner les limites et les complications. A Fuenlabrada
une école créée par une Association de travailleurs affiliés à
la S.G de Τ a été fermée par les autorités parce que les
enfants chantaient la Marseillaise et l’Internationale.
D’autres mécènes ont droit à l’admiration du journaliste : ce
sont les «indianos» et les émigrés en Amérique, qui ont créé
dans leur village natal, en Galice, dans les Asturies et à
Santander les 750 écoles que Bello décrit longuement. Ce
journaliste – homme de lettres – ne voit pas ou ne peut pas
voir (rappelons que les articles sont publiés en pleine
dictature) les dimensions politiques du problème scolaire.
35 Devenu député de Madrid, Bello collabore étroitement avec
M. Azaña. Il est le chef de la minorité Acción Republicana
au parlement, membre du Conseil de l’Instruction Publique
présidé par Unamuno, membre de la Commission de
rédaction de la constitution, président de la commission du
:
statut catalan. Il a quitté la rédaction de « El Sol » quand ce
journal a pris ses distances vis-à-vis du gouvernement
républicain, a fait partie de l’équipe fondatrice du journal
«Luz» dont il prend la direction en septembre 1932. Il est
l’auteur d’une rubrique régulière sur les problèmes de
l’école : «Notas sobre instrucción», dans des articles
souvent critiques, mais c’est du 23 au 28 janvier, quand il
est question d’utiliser les fonds que l’emprunt vient
d’attribuer à la construction des écoles, que Bello lance son
journal dans une campagne tapageuse contre l’équipe
socialiste du Ministère de l’Instruction Publique. Quelles
sont les critiques que le journal formule contre la politique
gouvernementale de construction des écoles ?
La campagne de Luz
36 Je n’insiste pas sur le ton de cette campagne, et sur
l’irritation que devaient produire au ministère8 les
interventions d’un journaliste qui se disait seul compétent,
faisant valoir son expérience et la réputation acquise par ses
articles, et qui parlait : «... como quien ha visto el estado
lamentable de nuestra instrucción primaria... no desde las
estadísticas, ni desde el ministerio, sino sobre el terreno» ;
mais il est vrai que ce «viajante de escuelas», comme il
aimait s’appeler lui-même, n’a pas compris la portée de
l’action entreprise par le gouvernement républicain. Ses
interventions portent sur trois questions :
Notes
1. Mercédès Samaniego Boneu. La política educativa de la Segunda
República durante el bienio azañista. C.S.I.C., Madrid 1977, 392 pages.
Sur la politique scolaire de la Seconde République on peut consulter
également :
Mariano Pérez Galán. La enseñanza en la Segunda República Española.
Cuadernos para el diálogo. Madrid 1977, 390 pages.
Fernando Millán. La revolución laïca : de la Institución Libre de
Enseñanza a la Escuela de la República.
Fernando Torres. Valencia 1983, 334 pages.
2. Rodolfo LLopis. La revolución en la escuela (Dos años en la
Dirección General de Primera Enseñanza) M. Aguilar. Madrid 1933,272
pages.
Marcelino Domingo. La escuela de la República. La obra de ocho
meses. Aguilar. Madrid 1932.
:
3. «... la política educativa republicana a la que no se le puede negar un
profundo interés por elevar el nivel esclar especialmente en el bienio
azañista». M. Samaniego, p. 232.
4. Il est évident que les objectifs fixés en 1931 n’ont pas été atteints,
mais il faudrait sans doute commencer par préciser qu’en novembre
1933 le nouveau gouvernement a remis en cause les plans prévus pour
cinq ans. En réalité l’intérêt n’est pas de déterminer à l’unité près
combien d’écoles ont été construites, combien de postes ont été créés,
mais de percevoir les problèmes qui ont surgi dans cette action et la
façon dont ils ont été résolus.
5. Les textes précisent bien «escuelas unitarias o grados de escuelas
graduadas», ce qui signifie que les chiffres correspondent au nombre de
classes, plutôt qu’au nombre d’écoles, même si les écoles à classes
multiples représentent un très faible pourcentage ; la distinction est
surtout valable pour les villes. De la même façon, on confond souvent
dans les analyses «plazas», ou postes de maîtres, et écoles.
6. Et naturellement le décret prévoit la création immédiate de 7.000
postes d’instituteurs pour 1931, avec un crédit exceptionnel de 10,4
millions de ptas pour leur salaire (relevé à 5.000 ptas annuelles) et leur
formation accélérée dans un stage de trois mois durant l’été 1931. Les
7.000 postes de maîtres ont effectivement été créés, et figurent dans
toutes les statistiques, mais les 7.000 écoles, que R. LLopis compte
comme réalisées et fonctionnant, n’apparaissent pas dans l’Annuaire
des Statistiques de 1934.
7. Ces articles ont été rassemblés et publiés en quatre tomes :
Viaje por las escuelas de España – Luis Bello y Τrompeta –
Tome I – El cerco de Madrid. Sierra. Castilla y León. Asturias El
prejuicio contra el maestro. Sociedades de amigos de la escuela. Madrid
Magisterio español. 1926.
Tome II – Por Andalucía : Cádiz, Málaga. Primer viaje a Granada. Las
dos Castillas. Toledo. Soria. Madrid. Magisterio. 1927.
Τome III – Por Extremadura. Cáceres. Badajoz. Prologue de Azorín :
1927.
Tome IV – Más Andalucía. Sevilla. Jaén. Madrid. CIAP. 1929.
Le Tome V n’a été publié que beaucoup plus tard :
Viaje por las escuelas de Galicia. Introducción de Gonzalo Anaya.
Madrid. Akal Editor. 1973.
8. Voici comment R. LLopis évoque cette campagne : «desde el
periódico Luz se hizo una furiosa campaña muy personal contra
nuestra gestión. Con criterio mezquino, aldeano, ignorancia supina e
intención perversa, se quiso desorientar a la opinión: Artículos
injuriosos, planas enteras, fotografías «preparadas», títulos
:
sensacionalistas. Todo ello se empleó contra nosotros. Hasta llegó la
megalomanía de quien confunde el turismo con la competencia
pedagógica a creerse en el deber de hacer una «apelación a los
socialistas y al pueblo de Madrid» para decirle que «por cada dos
millones que gasta en escuelas, uno de ellos lo tira...», op. cit., p. 74.
9. C’est cette idée de l’école que R. LLopis défend au Parlement en
réponse aux accusations de gaspillage de Luis Bello : «... la escuela no
es sólo la casa de los niños; nosotros aspiramos a que sea también,
sobre todo en los pueblos, el hogar de los mayores, la auténtica Casa del
Pueblo de cada una de las villas y ciudades.».
Auteur
Brigitte Magnien