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INSTITUTIONS FINANCIÈRES

LA COLLECTION « THÉMIS »
La collection « Thêmis » a pour premier but de fournir des
instruments de travail aux étudiants, dans le cadre de la réforme
de la licence en droit réalisée par le décret du 27 mars 1954.
Ce texte n'a pas seulement établi des programmes entièrement
nouveaux : il implique également des méthodes d'études nou-
velles, mieux adaptées aux exigences de l'enseignement supérieur.
Les manuels de la collection « Thémis » ont été spécialement
conçus en fonction de ces exigences. Leur originalité est de com-
porter deux séries de développements distincts :
1° l'une (en caractères normaux), constitue un exposé d'en-
semble, aussi concis et aussi simple que possible : l'étudiant pressé
p a r une révision hâtive à la veille d'un examen peut se tenir à
ce seul texte ;
2° l'autre (en petits caractères), comprend à la fois un « état
des questions » analysant les principaux problèmes controversés,
sous leurs différents aspects (historiques, sociologiques, pratiques,
jurisprudentiels, théoriques, etc.) et un guide bibliographique
très étendu, incluant largement les ouvrages étrangers. Ainsi
des portes ouvertes sont disposées en face de l'étudiant soucieux
d'approfondir tel ou tel sujet. Cette seconde partie correspond
d'autre part à l'organisation des travaux pratiques prévus par
la nouvelle licence en droit.
Les manuels « Thémis » sont également destinés aux étudiants
des Instituts d'Études politiques et en général à tous les étudiants
en sciences sociales. Ils s'adressent aussi aux praticiens du droit,
aux administrateurs, aux journalistes, aux hommes politiques,
soucieux de se tenir au courant des profonds bouleversements
subis par le droit, l'économie et la science politique depuis vingt
ans. D'une façon plus générale, ils sont indispensables à toute
personne cultivée, à une époque où la connaissance approfondie
des phénomènes sociaux est devenue un élément nécessaire de la
culture générale.
T E X T E S ET DOCUMENTS. — Les manuels de la collection
« Thémis» sont complétés p a r une série de« Textes et Documents».
Destinés en premier lieu à permettre aux étudiants de participer
aux exercices des travaux pratiques, ces ouvrages mettent à la
portée de tous, sous une forme commode, un ensemble de documents
constamment tenus à jour, dont beaucoup sont inédits ou diffi-
cilement accessibles.
« THÉMIS »
MANUELS JURIDIQUES, ÉCONOMIQUES ET POLITIQUES
Collection dirigée par Maurice DUVERGER

INSTITUTIONS
FINANCIÈRES
par

Maurice DUVERGER
Professeur à la Faculté de Droit
et des Sciences économiques de Paris

TROISIÈME ÉDITION
(entièrement refondue)

PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE


108, BOULEVARD SAJJSHC4^:RMAIN, P A R I S
OUVRAGES DU MÊME A U T E U R

AUX PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE


Institutions politiques et droit constitutionnel, 5e éd., 1960. —Traduct. espagnole
(Barcelone, sous presse).
Droit public, 1957 (avec mise à jour 1960).
Constitutions et documents politiques, 1957 (avec mise à jour 1960).
Méthodes de la science politique, 1959. — Traduct. espagnole (Barcelone,
sous presse), portugaise (Rio de Janeiro, sous presse).
Les Constitutions de la France, 6e éd., 1959.
Les régimes politiques, 5e éd., 1960. — Traduct. espagnole (Barcelone, 1952),
indonésienne (Djakarta, 1951), finlandaise (Helsinki, 1955).
Les finances publiques, 2e éd., 1960. — Traduct. turque (Ankara, 1955),
japonaise (Tokyo, 1955).
A LA LIBRAIRIE ARMAND COLIN
Les partis politiques, 3e éd., 1958. — Traduct. anglaise (Londres et New
York, 3e éd., 1959), espagnole (Mexico, 1957), allemande (Tubingen, 1959),
italienne (Milan, sous presse).
L'influence des systèmes électoraux sur la vie politique, 1950. — Traduct. ita-
lienne (Turin, 1958).
Partis politiques et classes sociales en France, 1955 (en collaboration).
Les élections du 2 janvier 1956, 1956 (en collaboration).
AUX ÉDITIONS DE L'U. N. E. S. C. 0.
La participation des femmes à la vie politique, 1955. — Traduct. anglaise
(UNESCO, 1955).
CHEZ RENÉ JULLIARD
Demain, la République..., 1958. — Traduct. italienne (Milan, 1960).
AUX PRESSES DE L'UNIVERSITÉ DE CHICAGO
The french political syslem, 1958.
A LA LIBRAIRIE GÉNÉRALE DE DROIT ET DE JURISPRUDENCE
L'affectation des immeubles domaniaux aux services publics, 1940.

D É P O T LÉGAL
lre édition 1er trimestre 1956
3e - refondue .. 2e — 1960
TOUS DROITS
de traduction, de reproduction et d'adaptation
réservés pour tous pays
co 1956, Presses Universitaires de France

Le présent ouvrage est traduit en espagnol


(Barcelone, 1960)
AVERTISSEMENT

Les problèmes de l'Etat ne se situent pas seulement dans


l'atmosphère éthérée des principes a priori et des raisonnements
logiques, mais sur le terrain des faits, et des plus prosaïques et
brutaux parmi les faits : les questions d'argent. L'étude des insti-
tutions financières apparaît ainsi comme le complément et le pro-
longement de celle des institutions politiques. En pratique, ces
deux catégories ont été si profondément mêlées dans l'évolution
humaine qu'il est difficile de les distinguer : démocratie et impôts,
parlementarisme et budget se sont développés en même temps, en
s'influençant réciproquement.
Nulle part d'ailleurs, sinon dans les finances publiques, n'a
retenti avec tant de force l'évolution de l'Etat contemporain. Ce qui
rend passionnante l'étude des institutions financières, c'est que
deux conceptions s'y affrontent, la classique et la moderne, celle-ci
tendant de plus en plus à évincer celle-là. Mais l'une et l'autre
ne sont que les reflets des deux conceptions rivales de l'Etat, en
lutte depuis un siècle : celle de l'Etat libéral, confiné dans des
fonctions militaires, policières et judiciaires, et celle de l'Etat inter-
ventionniste, assurant la régulation de la production et des échanges,
établissant l'égalité dans la distribution des revenus, protégeant
contre les risques et les aléas sociaux. Ce conflit, il est essentiel
qu'on en prenne conscience, non seulement sur le terrain des idées
générales, mais surtout sur le terrain des conséquences concrètes
et des techniques d'application. Rien ne le permet mieux que l'étude
des finances publiques.
On s'est efforcé de rendre aussi accessible que possible l'ap-
proche des problèmes financiers, qui sont réputés difficiles. On
a essayé de les exposer avec la plus grande simplicité : on n'a
pas hésité, quand le besoin s'en faisait sentir, à allonger cer-
taines explications, voire à user de redites et de répétitions. Le
succès de la tentative faite il y a plusieurs années avec notre petit
livre sur Les Finances publiques, qui sert aujourd'hui d'ouvrage
d'initiation dans plusieurs pays, nous a encouragé dans cette
tâche. Il nous persuade qu'on peut faire comprendre les problèmes
financiers, même les plus ardus, à des personnes qui n'ont par
ailleurs aucune formation technique ou économique.
La troisième édition de cet ouvrage comporte d'assez profondes
modifications p a r rapport aux précédentes. Les réformes impor-
tantes apportées en 1959 à la procédure budgétaire et à la fiscalité
ont conduit à récrire plusieurs chapitres. On a fait effort d'autre
part pour rendre encore plus simple et plus clair l'exposé de cer-
taines questions délicates : la notion et la classification des dépenses
publiques par exemple, les liens entre le budget et la comptabilité
nationale, la procédure des crédits pluriannuels, etc.
M. D.
INTRODUCTION

FINANCES CLASSIQUES ET FINANCES MODERNES

La science des finances a profondément évolué depuis trente


ans. Cette évolution ne concerne pas seulement les procédés
techniques, les moyens, mais la conception même des finances
publiques, les fins qu'on leur assigne dans l'Etat. Financiers
classiques et financiers modernes utilisent souvent, on le verra,
les mêmes procédés : mais ils ne les utilisent pas dans les mêmes
buts.
L'évolution des finances publiques est la conséquence et
le reflet de l'évolution de l'Etat. La science financière classique,
telle que ses maximes ont été exprimées par le baron Louis,
Léon Say ou Gaston Jèze, était liée à l'Etat libéral du xixe siècle,
à « l'Etat-gendarme » des économistes disciples d'Adam Smith,
à « l'Etat-bourgeois » des marxistes. Le principe fondamental
était d'abord de limiter au minimum les activités de l'Etat,
de le confiner autant que possible dans les tâches traditionnelles
de police, justice, armée et diplomatie, en réservant tout le
reste à l'activité privée. Dans le domaine économique surtout,
l'Etat devait s'abstenir et laisser jouer librement les initiatives
individuelles, la libre concurrence et les « lois du marché ». Le
but des finances publiques était donc de fournir à l'Etat les
ressources nécessaires pour couvrir les frais des tâches d'admi-
nistration qui lui étaient réservées. L'essentiel était que ces
finances publiques aient aussi peu d'influences que possible
sur les finances privées et l'activité des particuliers : ce qui était
réalisé dans la mesure où les dépenses de l'Etat étaient faibles
et où elles se trouvaient exactement équilibrées par rapport à
ses recettes. Avant 1914, les dépenses publiques étaient infé-
rieures à 15 % du revenu national en France et dans les prin-
cipaux Etats du monde. Elles se situaient normalement
entre 10 et 15 0/0'
Aujourd'hui, les dépenses publiques atteignent et dépassent
normalement 30 % du revenu national, bien que les moyens
techniques et le développement de la production aient beau-
coup élevé le niveau de celui-ci. Cet accroissement consi-
dérable traduit une évolution profonde du rôle de l'Etat.
Aujourd'hui, on ne croit plus — même dans les Etats dits « capi-
talistes » — à la supériorité inconditionnelle de l'initiative privée
dans le domaine économique. On constate que la libre concur-
rence, abandonnée à elle-même, tend à se détruire par la consti-
tution d'ententes corporatives et à évoluer ainsi vers une res-
triction consciente de la production (malthusianisme). On
reconnaît que la répartition des richesses et des risques, telle
qu'elle résulte des lois économiques libérales, est profondément
injuste et que l'opinion publique ne tolère plus cette injustice.
Même dans des pays qui proclament encore leur foi dans le
capitalisme libéral (comme les U. S. A.), l'Etat ne se borne plus
à ses tâches militaires et policières traditionnelles. Il intervient
dans la vie sociale, pour stimuler la production dans les périodes
de crise, pour empêcher la hausse des prix et maintenir le
pouvoir d'achat de la monnaie dans les périodes d'inflation,
pour assurer en tous temps une meilleure utilisation des
richesses du pays et une meilleure distribution du revenu
national. A l'Etat libéral a succédé ainsi celui que ses ennemis
appellent avec une nuance péjorative « l'Etat-providence »
(Welfare-state), chargé d'assurer le bien-être de ses citoyens,
ou encore « l'Etat-faustien », qui organise et dirige l'ensemble
des activités nationales, comme le héros du Second Faust.
Pour cet Etat moderne, les finances publiques ne sont pas
seulement un moyen d'assurer la couverture de ses dépenses
d'administration : mais aussi et surtout un moyen d'intervenir
dans la vie sociale, d'exercer une pression sur les citoyens pour
organiser l'ensemble de la nation. Les techniques financières
constituent ainsi un procédé d'interventionnisme de type ori-
ginal. On pourrait opposer à cet égard l'intervention par
contrainte et l'intervention financière. Supposons que l'Etat
veuille développer les entreprises de type A et limiter les entre-
prises de type B : il peut proscrire les premières et obliger à
créer les secondes ; mais il peut aussi frapper de taxes très
lourdes les entreprises A et accorder des dégrèvements fiscaux
aux entreprises B. S'il veut interdire à certains produits étran-
gers l'entrée du territoire national, il a le choix entre les contin-
gentements et prohibitions ou les droits de douane. S'il juge
utile de limiter les consommations des individus en période
de pénurie pour égaliser les sacrifices, il peut établir un ration-
nement autoritaire, avec l'immense appareil de contrôle et de
police exigé par celui-ci ; mais il peut aussi confisquer par
l'impôt le pouvoir d'achat excédentaire. S'il veut lutter contre
le chômage et atteindre ce full employment qui est un élément
fondamental de l'équilibre économique, il peut enrégimenter de
force les chômeurs et organiser un système de travail forcé ;
mais il peut aussi développer les dépenses publiques et mettre
son budget en position de « déficit systématique ».
Cette évolution des finances publiques n'est pas comprise par
une grande partie de l'opinion, qui vit encore sur les souvenirs
des principes qui lui ont été enseignés il y a un quart de siècle.
Cette incompréhension est renforcée par l'attitude de la grande
presse et de beaucoup d'hommes politiques, qui vantent les
bienfaits de l'orthodoxie : car l'évolution de l'Etat moderne
tend à plus d'égalité ; et cette évolution n'est pas admise évidem-
ment par ceux qui profitent de l'inégalité. Il est naturel que
les privilégiés défendent leurs privilèges. Il est commun qu'ils
ne le fassent point ouvertement, mais de façon détournée, en
se réclamant de principes généraux qu'on revêt d'un caractère
sacré. Il faut ajouter enfin que les finances classiques, par la
ressemblance de leurs règles avec celles des finances privées,
avaient pour elles l'avantage de la simplicité et du bon sens ;
les finances modernes, dont les techniques sont plus complexes
et plus difficiles, ont un caractère plus ésotérique et plus
choquant pour l'opinion commune. Il n'est pas facile, dans ce
domaine comme dans les autres, de faire table rase de toutes
les idées préconçues et surtout des illusions du bon sens. Dire
que l'essentiel de l'impôt n'est pas de procurer de l'argent à
l'Etat, mais d'en priver les citoyens, cela paraît absurde bien
sûr : mais cela correspond à la vérité dans certaines circons-
tances. N'est-ce pas moins absurde après tout que prétendre
que cette cheminée de marbre, dure et glacée, est un agglomérat
d'électrons en mouvement perpétuel, ce qui est vrai ? Il faut
nous habituer désormais à vivre dans un monde où les vérités
ont pris une allure de paradoxe.

§ 1. L E S FINANCES PUBLIQUES CLASSIQUES

Pour assurer le fonctionnement de l'Etat, des dépenses


sont nécessaires : il faut payer les fonctionnaires et les four-
nisseurs, entretenir les locaux et le matériel, distribuer des
subventions et des secours, etc. Comment l'Etat va-t-il couvrir
ces dépenses, qu'on appelle dépenses publiques ? La réponse à
cette question forme l'objet même de la science des finances,
dans sa conception traditionnelle. En la cherchant, on s'aperçoit
immédiatement que les ressources de l'Etat sont toujours
tirées d'un prélèvement sur les citoyens. La science des finances
consiste donc, en dernière analyse, à répartir entre ceux-ci le
poids des dépenses publiques. La portion supportée par chacun
s'appelle charge publique.
Dans la notion classique, la définition complète des finances
publiques est donc la suivante : « science des moyens par
lesquels l'Etat se procure et utilise les ressources nécessaires à
la couverture des dépenses publiques, par la répartition entre
les individus des charges qui en résultent. »
10 Les finances publiques, science de la couverture des dépenses
publiques. — Selon Gaston Jèze, l'ensemble de la science des
finances se résume dans la formule suivante : « Il y a des
dépenses publiques ; il faut les couvrir. »Tout problème financier
se ramène à un problème de couverture de dépenses.
L'affirmation n'a pas besoin d'être démontrée pour les
questions d'impôt et de ressources publiques en général : par
définition même, leur raison d'être est d'assurer le règlement des
dépenses de l'Etat. La chose est tout aussi évidente pour les
problèmes de crédit public et d'emprunt : comme les parti-
culiers, l'Etat recourt au crédit pour acquitter la partie de ses
dépenses que ses ressources ordinaires sont momentanément
insuffisantes à couvrir.
A première vue, les questions budgétaires et comptables
semblent moins directement liées à la couverture des dépenses.
Mais le rôle du budget n'est-il pas en définitive de fixer ne
varietur le chiffre des dépenses à couvrir (budget des dépenses) et
de prévoir les ressources correspondantes (budget des recettes) ?
Et les règles minutieuses de la comptabilité publique n'ont pas
d'autre motif essentiel que d'éviter le gaspillage des recettes
pour des dépenses non prévues au budget, afin de permettre
aux autres d'être couvertes normalement.
20 Les finances publiques, science de la répartition des charges
publiques. — Les ressources de l'Etat consistent dans des
prélèvements sur les biens des particuliers qu'on appelle charges
publiques (au sens large : sur un sens plus précis et plus restreint,
cf. p. 64). La science des finances s'efforce de répartir équitable-
ment ces charges entre les citoyens. Ce caractère est évident en
matière d'impôt, qui est un prélèvement forcé de l'Etat sur les
revenus ou la fortune des particuliers. Déterminer les chiffres
respectifs des impôts payés par les contribuables, c'est répartir
entre eux les charges publiques.
Quand l'Etat tire des revenus de la vente des biens de son
domaine ou des prestations de ses services, le caractère de
répartition est moins net : car celui qui paie reçoit des avantages
correspondant à son sacrifice. En réalité, cela suppose que
l'Etat a choisi entre deux systèmes : offrir gratuitement l'usage
du domaine et des services et répartir la charge qui en résulte
entre les citoyens par le moyen de l'impôt, ou répartir cette
charge entre les seuls usagers du domaine et des services en
leur faisant payer un prix pour cet usage. Il s'agit toujours de
la répartition d'une charge publique.
Il en est de même dans le cas de l'emprunt, malgré l'appa-
rence également contraire ; l'emprunteur ne supporte point de
charge proprement dite ; il retire un avantage, il fait un place-
ment. Mais l'Etat doit ensuite assurer le service des intérêts
et le remboursement du capital et trouver de nouvelles retJ-
sources (par exemple en augmentant les impôts), c'est-à-dire
établir de nouvelles charges à répartir entre les citoyens.
Préférer l'emprunt à l'impôt, c'est en réalité préférer un impôt
futur à un impôt immédiat, c'est-à-dire faire peser une charge
sur la génération future et non sur la génération présente : le
problème est celui de la répartition des charges publiques
dans le temps, pour les classiques (on verra plus loin qu'ils
se trompent sur ce point : cf. p. 180).
L'établissement du budget se rattache au même problème
central : le budget des dépenses détermine la charge à répartir,
le budget des recettes fixe les règles de la répartition. Et les
principes de la comptabilité publique ont pour but essentiel,
comme nous l'avons déjà signalé, d'assurer une exacte appli-
cation du budget, c'est-à-dire d'empêcher qu'on modifie la
répartition des charges établies par lui.
3° Les finances publiques et l'égalité devant les charges
publiques. — Dans les finances publiques classiques, le fonction-
nement de ce mécanisme de répartition, dont on vient d'inven-
torier sommairement les différentes pièces, est dominé par un
grand principe général : celui de l'égalité devant les charges
publiques. Certes, l'application de la règle se heurte à de très
grandes difficultés pratiques et la conception même de l'égalité
a varié au cours des siècles. Mais la règle elle-même est toujours
demeurée à la base des finances classiques. La répartition des
charges publiques entre les citoyens doit se faire de telle façon
que le sacrifice imposé à chacun soit égal au sacrifice exigé des
autres.
On voit que le trait essentiel de la conception classique des
finances publiques, telle qu'on vient de la rappeler et telle
qu'on la trouvera magistralement développée dans les ouvrages
de Gaston Jèze, qui lui a donné sa rigueur et sa cohérence,
est qu'elle définit la science des finances à la fois par son but
(assurer la couverture de l'Etat) et par les moyens employés
(répartir également les charges publiques entre les citoyens),
sans qu'aucune opposition puisse exister entre ces deux aspects :
il n'y a pas d'autre moyen d'assurer la couverture des dépenses
publiques que d'en répartir les charges entre les citoyens, et
cette répartition doit être égalitaire.
§ 2. LES FINANCES PUBLIQUES MODERNES

La première transformation de la notion classique de


finances publiques a consisté à dissocier les moyens des buts :
au fur et à mesure de la substitution de l'interventionnisme au
libéralisme, on s'est aperçu en effet que les techniques finan-
cières constituaient pour l'Etat des procédés très efficaces
d'intervention, dans le domaine économique et social notam-
ment, en dehors de toute idée de couverture des dépenses
publiques. On a donc abouti à un élargissement notable du
domaine de la science des finances tel que le définissait la
notion classique.
Du même coup, la définition des finances publiques est
devenue beaucoup moins précise. On pourrait dire qu'elle est
dans la conception moderne : « la science qui étudie l'activité
de l'Etat en tant qu'il emploie des techniques particulières,
dites techniques financières : dépenses, taxes, impôts, emprunts,
procédés monétaires, budget, etc. » C'est uniquement une
définition par les moyens, les buts n'étant pas différents de
ceux qu'on reconnaît à l'activité de l'Etat en général.
1° L'élargissement du domaine des finances classiques. —
Sous ce premier aspect, la notion moderne de finances publiques
ne met pas en cause l'idée de couverture des dépenses par une
égale répartition de leur poids entre les citoyens. Elle conserve
cette orientation primitive de la science financière : mais elle
lui en ajoute une autre.
Depuis longtemps, l'utilisation des droits de douane dans
un but protecteur, et non dans un but fiscal, avait montré que
les procédés techniques successivement inventés et perfec-
tionnés au cours des âges pour assurer la couverture des
dépenses publiques (revenus domaniaux, taxes, impôts, em-
prunts, manipulations monétaires) pouvaient être détournés de
leur destination première et employés à réaliser une inter-
vention de l'Etat dans les différents domaines de l'activité
sociale, et notamment dans le domaine économique. Peu à peu,
le procédé s'est généralisé. On a vu ainsi des impôts à but
familial et nataliste (impôts sur les célibataires), des impôts
destinée à assurer une certaine égalité sociale des indi-
vidus (impôts sur les successions, à caractère de confiscation), des
impôts servant à orienter l'activité économique (surtaxes sur
les formes d'entreprises dont on veut détourner les individus,
détaxes sur les formes d'entreprises vers lesquelles on veut les
attirer), etc. De même, l'emprunt a servi à « pomper » une partie
des billets en circulation, afin d'éviter que la pression sur les
prix du pouvoir d'achat excédentaire ne produise une déva-
lorisation de la monnaie. Toutes les techniques financières ont
été ainsi progressivement détournées de leur but.
Peu à peu, s'est surperposé à cette utilisation fragmentaire
des techniques financières dans un but d'intervention, un
emploi raisonné de l'ensemble du mécanisme financier. Il a
suffi pour cela de prendre conscience que ce mécanisme ressem-
blait à une sorte de gigantesque pompe aspirante et foulante,
qui redistribue entièrement à certaines catégories sociales les
revenus qu'elle prélève sur d'autres catégories : en orientant
soigneusement le prélèvement d'une part et la redistribution
de l'autre, c'est-à-dire en opérant une sorte de « filtrage » des
revenus privés, on peut donc exercer une action générale sur
l'ensemble de la vie économique et sociale.
Au terme de cette première étape, la science des finances
se définit désormais par les techniques utilisées et non par le
but poursuivi : les finances publiques modernes et les finances
publiques classiques étudient exactement les mêmes procédés.
Mais celles-ci conçoivent seulement ces procédés comme mode
de couverture des dépenses publiques ; celles-là s'appliquent
au contraire à analyser de plus leur emploi pour réaliser une
intervention de l'Etat en matière économique, sociale, poli-
tique, etc. La notion de science des finances se trouve donc
notablement étendue. Elle comprend désormais deux domaines :
l'étude de l'usage des moyens financiers dans un but financier
(couverture des dépenses) et l'analyse de leur utilisation dans un
but interventionniste (action de l'Etat sur les activités privées).
2° La transformation des techniques financières classiques. —
L'exercice d'une fonction a toujours une influence très grande
sur la structure des organes. Si l'on a pu démontrer que les
moyens modifient profondément les fins, il est indéniable que
les fins transforment non moins profondément les moyens. On
comprend donc que l'usage des techniques financières dans
un but d'intervention ait entraîné des répercussions sur la
structure de ces techniques elles-mêmes. Il n'est pas possible
de dresser le tableau complet de ces transformations dans le
cadre de cette introduction. On se borne à en citer quelques
exemples typiques.
La transformation de la technique de l'impôt sous l'influence
de l'interventionnisme est sans doute la plus connue : aména-
gement familial dans un but nataliste, variabilité des taux
suivant les types d'activités économiques, tout cela est trop
banal pour qu'il soit nécessaire d'y insister. Ce sont là des modi-
fications de structures assez légères. D'autres, moins souvent
aperçues, sont plus profondes : citons le versement d'une partie
de l'impôt à un compte bloqué avec remboursement ultérieur
au contribuable. Dans ce système, appliqué en France pendant
la guerre avec le prélèvement sur les excédents des bénéfices,
l'impôt n'a plus le caractère d'une amputation des revenus du
contribuable au profit de la collectivité publique, mais d'un
procédé d'épargne forcée qui rend provisoirement indisponible
la partie des ressources prélevées.
Dans l'ensemble, ces modifications de structure affectent
toutes les branches de la science des finances, toutes les tech-
niques qu'elle emploie (taxe, impôt, emprunt, budget, compta-
bilité, contrôle, etc.) : mais elles ne présentent pas toujours la
même importance. A cet égard, il semble que ce soit dans le
domaine budgétaire que les modifications en question aient
pris la plus grande extension. L'économie dirigée aboutit à
bouleverser complètement la structure du budget classique.
Autrefois simple prévision comptable des recettes et des
dépenses de l'Etat, le budget est lié désormais à l'ensemble
de l'activité économique du pays.
3° Les contradictions entre la conception classique et la
conception moderne. — Des contradictions naissent ainsi entre
la notion moderne et la notion classique des finances publiques.
L'égalité devant les charges publiques, qui forme la base de
celle-ci, est systématiquement écartée par celle-là : détaxer
les uns et surtaxer les autres, comme le veut l'interventionnisme
fiscal, ce n'est pas autre chose que de créer des inégalités. De
même, l'exemple de droits de douane illustre bien l'opposition
entre l'usage d'un impôt pour procurer des revenus à l'Etat
et son emploi pour obtenir des effets économiques et sociaux :
dans la mesure où le droit de douane empêche ou limite l'entrée
d'une marchandise sur le territoire national, il supprime ou
diminue les ressources que l'Etat peut attendre d'un impôt sur
cette marchandise. Le dilemme est le suivant : si la marchandise
entre, le but fiscal est atteint mais pas le but protecteur ; si elle
n'entre pas, le but protecteur est atteint mais pas le but fiscal.
La contradiction est encore plus frappante sur le terrain
budgétaire. Pour un financier traditionaliste, le principe fonda-
mental en la matière est l'équilibre des dépenses et des recettes.
Au contraire, pour un financier moderne, l'équilibre budgétaire
n'a qu'une valeur relative et des considérations plus importantes
peuvent conduire à y renoncer : l'essentiel est que l'ensemble de
l'activité économique et sociale soit orienté de façon convenable.
Comme l'a dit Sir William Beveridge, il y a plus de quinze
ans : « Les décisions à prendre en cette matière ne devraient être
dictées à aucun moment par les principes financiers ou par le
souci d'équilibrer le budget, mais par le souci de respecter
certaines priorités ; en d'autres termes, par la politique écono-
mique et sociale. »
4° La parenté profonde des conceptions classiques et modernes.
— Les contradictions précédentes sont plus superficielles que
profondes, malgré tout. En définitive, toute la politique
économique et sociale de l'Etat moderne, dont la politique
financière n'est qu'un des aspects, a pour but d'établir un
équilibre social complet, une sorte de « plein équilibre », qui
dépasse en l'englobant la vieille notion d'équilibre budgétaire.
Equilibre de la production et des échanges, équilibre de la
répartition des biens et des risques sociaux, équilibre de la
monnaie et des prix, équilibre général du développement de
la nation : tels sont les buts essentiels de l'intervention de
l'Etat en général, et de son intervention par des techniques
financières en particulier.
Dans un domaine, celles-ci jouent un rôle particulièrement
important : dans l'équilibre des prix et de la monnaie. On
reconnaît aujourd'hui l'insuffisance des mécanismes de l offre et
de la demande à cet égard. D'autre part, la monnaie a cessé
d'être rattachée à l'or, et sa valeur est désormais garantie par
l'ensemble de la production nationale : le maintien de la
stabilité monétaire est ainsi devenu l'un des buts essentiels
des finances publiques modernes. Ce maintien suppose lui-
même une intervention sur l'ensemble du processus de produc-
tion, car la monnaie n'est qu'un signe : l'essentiel est la fabri-
cation et l'échange des biens matériels et des services. Il est
intéressant de noter en quoi ce point de vue rejoint celui des
financiers classiques et en quoi il s'en éloigne. Pour les clas-
siques aussi le maintien de l'équilibre de la monnaie consti-
tuait l'un des buts suprêmes de la science des finances. Mais
pour eux, il suffisait que l'Etat s'abstienne de déranger les
mécanismes naturels pour que cet équilibre soit obtenu ; le
danger suprême était le déficit budgétaire qui conduisait l'Etat
à faire marcher la planche à billets, c'est-à-dire à provoquer
l'inflation. Pour les financiers modernes au contraire, seule
une intervention positive de l'Etat peut assurer l'équilibre
de la monnaie, que les phénomènes naturels tendent à mettre
en péril ; cette intervention est variable suivant les circons-
tances économiques, suivant la « conjoncture » ; elle peut
prendre parfois, si besoin est, la forme d'un déficit budgétaire
et d'un recours à la planche à billets. Il y a un accord profond
sur les buts, mais un désaccord sur les moyens.
L E S D I F F É R E N T E S COLLECTIVITÉS P U B L I Q U E S E T L E P R O B L È M E F I N A N C I E R .
— Quand on parle de finances publiques, on pense d'abord aux finances
de l'Etat. Mais il y a des collectivités publiques autres que l'Etat, les unes
situées à l'intérieur d'un Etat (collectivités locales, établissements publics),
les autres englobant plusieurs Etats (collectivités internationales). Leurs
finances sont considérées aussi comme des finances publiques : mais les
problèmes posés par ces finances locales ou internationales sont profondément
différents de ceux posés par les finances de l'Etat, au moins dans la concep-
tion moderne. L'Etat constitue en effet le cadre économique et social fonda-
mental : c'est essentiellement à l'intérieur de l'Etat que peuvent se manifester
les nouvelles tendances vers un interventionnisme financier. Dans les autres
collectivités publiques, les problèmes financiers restent confinés en général
dans leur cadre traditionnel ; une évolution se manifeste cependant, à cet
égard, dans les finances internationales.
1° Les finances publiques des collectivités locales et des établissements
publics. — Leur existence est liée au développement de la décentralisation.
Si l Etat reconnaît l'autonomie de collectivités locales (décentralisation
t e r r i t o r i a l e ) , celles-ci o n t d e s f i n a n c e s p r o p r e s : c ' e s t - à - d i r e q u ' e l l e s o n t le
p o u v o i r de d é c i d e r l e u r s d é p e n s e s e t d e c o u v r i r celles-ci en é t a b l i s s a n t d e s
r e c e t t e s a u t o n o m e s ( i m p ô t s l o c a u x , e m p r u n t s l o c a u x , etc.). L ' a u t o n o m i e
f i n a n c i è r e e s t u n é l é m e n t e s s e n t i e l d e la d é c e n t r a l i s a t i o n : les p o u v o i r s
j u r i d i q u e s de décision reconnus a u x collectivités locales r i s q u e n t d ' ê t r e
r é d u i t s à n é a n t si l ' E t a t r e s t e m a î t r e d e s c o r d o n s de l a b o u r s e .
L a d é c e n t r a l i s a t i o n e s t c o n c e v a b l e a u s s i s u r u n p l a n t e c h n i q u e : elle
c o n s i s t e a l o r s à r e c o n n a î t r e u n e a u t o n o m i e à c e r t a i n s services p u b l i c s , q u i
r e ç o i v e n t le p o u v o i r de désigner e u x - m ê m e s leurs dirigeants et de gérer
e u x - m ê m e s l e u r s affaires. S u r le p l a n f i n a n c i e r , cela se t r a d u i t p a r l ' a u t o -
n o m i e b u d g é t a i r e d e ces s e r v i c e s , e t p a r l a p o s s i b i l i t é p o u r e u x de f i n a n c e r
leurs activités p a r des ressources propres : prix, taxes et parafiscalité.
L'évolution des finances publiques a des conséquences très différentes
s u r ces d e u x f o r m e s d e d é c e n t r a l i s a t i o n , c o m m e o n le v e r r a . E l l e t e n d à
restreindre la décentralisation territoriale, à limiter l ' a u t o n o m i e financière
d e s c o l l e c t i v i t é s l o c a l e s : c ' e s t d a n s le c a d r e n a t i o n a l seul, e n effet, q u e
p e u v e n t ê t r e prises les d é c i s i o n s v i s a n t à o r i e n t e r d a n s t e l l e ou telle d i r e c t i o n
l ' a c t i v i t é é c o n o m i q u e e t sociale, e t il n ' e s t p a s a d m i s s i b l e q u e l ' o r i e n t a t i o n
f i n a n c i è r e d e s c o l l e c t i v i t é s locales v i e n n e c o n t r a r i e r ces décisions n a t i o n a l e s
(cf. p. 73) ; e n p r a t i q u e , l a d é c e n t r a l i s a t i o n f i n a n c i è r e s ' a t t é n u e , e t u n e g r a n d e
p a r t i e d e s f i n a n c e s locales e s t a l i m e n t é e e n f a i t p a r des r e s s o u r c e s d ' E t a t .
A l ' i n v e r s e , l ' é v o l u t i o n d e s f i n a n c e s p u b l i q u e s t e n d à d é v e l o p p e r les services
a u t o n o m e s et la décentralisation t e c h n i q u e : l ' i n t e r v e n t i o n de l ' E t a t d a n s la
vie é c o n o m i q u e se f a i t e n p a r t i e a u m o y e n d ' e n t r e p r i s e s n a t i o n a l i s é e s e t
d ' o r g a n i s m e s p u b l i c s a u t o n o m e s , q u i g è r e n t l e u r s p r o p r e s finances ; m a l g r é
t o u t l ' E t a t c o n s e r v e l a h a u t e m a i n s u r e u x , e t c o o r d o n n e l e u r s décisions.
D a n s l ' e n s e m b l e , l ' é v o l u t i o n des f i n a n c e s p u b l i q u e s r é d u i t l a d é c e n t r a l i s a t i o n
plus qu'elle ne la développe.
2° Les f i n a n c e s p u b l i q u e s i n t e r n a t i o n a l e s . — O n n ' a b o r d e r a p a s d a n s ce
l i v r e les p r o b l è m e s s o u l e v é s p a r les finances p u b l i q u e s i n t e r n a t i o n a l e s : il
suffit d ' i n d i q u e r ici c o m m e n t ils se p o s e n t . L e p r o b l è m e f i n a n c i e r se
p r é s e n t e e n m a t i è r e i n t e r n a t i o n a l e sous t r o i s f o r m e s essentielles : l i m i t a t i o n s
c o n t r a c t u e l l e s a u x d r o i t s d e s E t a t s q u a n t à l e u r s finances n a t i o n a l e s , finan-
c e m e n t des o r g a n i s m e s i n t e r n a t i o n a u x , o r g a n i s m e s financiers i n t e r n a t i o n a u x .
a) Les limitations contractuelles a u x droits des E t a t s q u a n t à leurs
f i n a n c e s n a t i o n a l e s o n t a p p a r u d ' a b o r d . Citons, à t i t r e d ' e x e m p l e , les
c o n v e n t i o n s d o u a n i è r e s p a r lesquelles d e s E t a t s s ' a c c o r d e n t d e s concessions
m u t u e l l e s en ce q u i c o n c e r n e les d r o i t s de d o u a n e f r a p p a n t l e u r s m a r c h a n -
dises r e s p e c t i v e s ; les c o n v e n t i o n s r e l a t i v e s a u x d o u b l e s i m p o s i t i o n s , q u i
t e n d e n t à e m p ê c h e r q u e les é t r a n g e r s a y a n t u n e r é s i d e n c e ou u n e a c t i v i t é
d a n s u n E t a t p a i e n t u n d o u b l e i m p ô t , à l a fois d a n s c e t E t a t e t d a n s l e u r
E t a t d ' o r i g i n e ; etc.
P) L e f i n a n c e m e n t des o r g a n i s m e s i n t e r n a t i o n a u x ( t e l s q u e l ' O r g a n i s a t i o n
d e s N a t i o n s U n i e s , l ' O r g a n i s a t i o n d u T r a i t é de l ' A t l a n t i q u e - N o r d , l a C o m m u -
n a u t é e u r o p é e n n e d u C h a r b o n e t d e l ' A c i e r , etc.) p e u t ê t r e a s s u r é d e d e u x
façons. L a p r o c é d u r e l a p l u s r é p a n d u e e s t celle d e l a c o n t r i b u t i o n v e r s é e
p a r les E t a t s - m e m b r e s : e n g é n é r a l , c e t t e c o n t r i b u t i o n e s t p r o p o r t i o n n e l l e
à l ' i m p o r t a n c e d e c h a q u e E t a t , ce q u i a b o u t i t à d o n n e r u n e i m p o r t a n c e
t r è s g r a n d e à c e r t a i n s (les E t a t s - U n i s c o u v r e n t à e u x s e u l s le t i e r s d e s
d é p e n s e s d e l ' O . N . U). I l e s t t r è s r a r e q u e les o r g a n i s m e s i n t e r n a t i o n a u x
a i e n t le d r o i t d ' é t a b l i r e u x - m ê m e s , d i r e c t e m e n t , d e s i m p ô t s i n t e r n a t i o n a u x :
ce s e r a i t l e u r c o n f é r e r u n e a u t o r i t é s u p e r é t a t i q u e ( o u s u p r a n a t i o n a l e ) d o n t
les E t a t s n e v e u l e n t p a s e n g é n é r a l . O n c i t e r a u n e s e u l e e x c e p t i o n : les p r é l è -
v e m e n t s o p é r é s p a r l a C. E . C. A . s u r les e n t r e p r i s e s s o u m i s e s à sa j u r i d i c t i o n ,
q u i s o n t des i m p ô t s d u t y p e t a x e s à l a p r o d u c t i o n ( c e p e n d a n t , c e t t e i n t e r -
prétation a été discutée juridiquement).
y) I l f a u t m e t t r e à p a r t les o r g a n i s m e s f i n a n c i e r s i n t e r n a t i o n a u x , c ' e s t - à -
dire les i n s t i t u t i o n s i n t e r n a t i o n a l e s d o n t le b u t e s s e n t i e l e s t d ' i n t e r v e n i r e n
m a t i è r e f i n a n c i è r e . Ici a p p a r a î t le c o n c e p t m o d e r n e d e f i n a n c e s p u b l i q u e s
d a n s le d o m a i n e i n t e r n a t i o n a l . L e f i n a n c e m e n t d e s o r g a n i s m e s i n t e r n a t i o -
n a u x ne pose que des problèmes de t y p e classique (assurer la c o u v e r t u r e
des d é p e n s e s effectuées p a r ces o r g a n i s m e s ) ; les l i m i t a t i o n s c o n t r a c t u e l l e s
a u x p o u v o i r s des E t a t s t r a d u i s a i e n t p a r f o i s u n e v o l o n t é d ' a c t i o n é c o n o m i q u e
(en m a t i è r e d e c o n v e n t i o n s d o u a n i è r e s , p a r e x e m p l e ) m a i s q u i r e s t e t r è s
réduite. A u contraire, certaines organisations internationales o n t pour
o b j e c t i f d i r e c t d ' e x e r c e r u n e a c t i o n é c o n o m i q u e o u sociale p a r des t e c h n i q u e s
financières, ce q u i c o r r e s p o n d e x a c t e m e n t a u c o n c e p t m o d e r n e d e f i n a n c e s
publiques. Citons p a r exemple, à cet égard, la B a n q u e i n t e r n a t i o n a l e p o u r
l a R e c o n s t r u c t i o n e t le D é v e l o p p e m e n t , q u i c o n s e n t des p r ê t s a u x E t a t s ;
l ' U n i o n e u r o p é e n n e des P a i e m e n t s , q u i a e x e r c é u n e a c t i o n i m p o r t a n t e en
matière m o n é t a i r e ; sans parler des organismes d'assistance, encore p e u
développés en m a t i è r e financière, mais qui p o u r r a i e n t avoir u n e g r a n d e
i m p o r t a n c e : les p a y s r i c h e s a c c e p t a n t d e f a i r e d e s d o n s a u x p a y s p a u v r e s
p o u r p e r m e t t r e l e u r d é v e l o p p e m e n t , ce q u i a b o u t i t à u n e s o r t e d e r e d i s -
t r i b u t i o n internationale des r e v e n u s (cette politique des « dons » a pris
u n e c e r t a i n e e x t e n s i o n d a n s les r a p p o r t s b i l a t é r a u x e n t r e E t a t s : A i d e
M a r s h a l l , P o i n t 4, etc. ; m a i s elle s ' a c c o m p a g n e a l o r s , e n g é n é r a l , de
c o n d i t i o n s p o l i t i q u e s , ce q u i l a f a i t r e s s e m b l e r d ' a i l l e u r s à c e r t a i n e s f o r m e s
d ' i n t e r v e n t i o n n i s m e f i n a n c i e r d a n s le d o m a i n e de l a p o l i t i q u e i n t é r i e u r e ) .
S u r les f i n a n c e s p u b l i q u e s i n t e r n a t i o n a l e s , cf. P . REUTER, I n s t i t u t i o n s
internationales, 1955 (coll. « T h é m i s » ) , n o t a m m e n t p. 345-355, e t les b i b l i o -
g r a p h i e s citées p. 361 e t 416 ( a s s i s t a n c e t e c h n i q u e ) ; cf. é g a l e m e n t : C. A. COL-
LIARD, L e s p r i n c i p e s b u d g é t a i r e s d a n s les o r g a n i s a t i o n s i n t e r n a t i o n a l e s
(Rev. de sciences f i n a n c . , 1958, p. 437 e t 679) ; M. CHRÉTIEN, A la recherche d u
droit i n t e r n a t i o n a l fiscal c o m m u n , 1955. S u r les f i n a n c e s locales, cf. J . SINGER,
T r a i t é g é n é r a l des f i n a n c e s c o m m u n a l e s et départementales, 1956, e t L ' i n t e r -
vention des collectivités locales en matière économique, 1956 ; « L e s f i n a n c e s
c o m m u n a l e s » (Notes et E t u d e s documentaires, n° 1630, 11 j u i l l e t 1952) ;
H . LAUFENBURGER, Les f i n a n c e s de N e w York, L o n d r e s et P a r i s , 1957 ; e t l a
b i b l i o g r a p h i e citée p. 3 4 0 ; v o i r é g a l e m e n t pp. 73-75, 315 e t 340-342. S u r les
finances p u b l i q u e s d ' o u t r e - m e r , cf. J EHRARD, F i n a n c e s p u b l i q u e s d ' o u t r e -
mer, 1960.
LA SCIENCE DES FINANCES, SCIENCE ÉCONOMIQUE ET POLITIQUE. — P o u r
les financiers classiques, les finances p u b l i q u e s é t a i e n t e s s e n t i e l l e m e n t de
n a t u r e a d m i n i s t r a t i v e e t c o m p t a b l e . E l l e s p o s a i e n t s u r t o u t des p r o b l è m e s
j u r i d i q u e s d ' a m é n a g e m e n t d e s p o u v o i r s des a u t o r i t é s de l ' E t a t , e t des p r o -
b l è m e s t e c h n i q u e s d ' o r g a n i s a t i o n des i m p ô t s e t de t e n u e d e c o m p t a b i l i t é .
P o u r les m o d e r n e s , les f i n a n c e s p u b l i q u e s o n t u n c a r a c t è r e d i f f é r e n t e t l e u r
o b j e t e s t p l u s v a s t e ; elles s o n t à l a fois u n e b r a n c h e de l a science é c o n o m i q u e
e t u n e b r a n c h e d e l a science p o l i t i q u e .
1° Les f i n a n c e s p u b l i q u e s , branche de la science économique. — L e s m o y e n s
financiers s o n t essentiellement employés p a r l ' E t a t pour réaliser des inter-
v e n t i o n s d a n s le d o m a i n e é c o n o m i q u e : r é g u l a t i o n de l a p r o d u c t i o n e t des
échanges, équilibre des prix, égalité d a n s la distribution, m a i n t i e n d u pou-
v o i r d ' a c h a t de l a m o n n a i e , etc. Ils s o n t d o n c i n t é g r é s d a n s les m é c a n i s m e s
d e l ' é c o n o m i e e t a m é n a g é s e n f o n c t i o n d e ceux-ci. Les f i n a n c e s p u b l i q u e s
t e n d e n t à d e v e n i r ainsi, sous u n c e r t a i n a s p e c t , u n e b r a n c h e d e l ' é c o n o m i e
politique : l'économie financière.
2° L e s f i n a n c e s p u b l i q u e s , b r a n c h e de la science politique. — O n ne p e u t
r é d u i r e c e p e n d a n t les f i n a n c e s p u b l i q u e s m o d e r n e s à cet a s p e c t é c o n o m i q u e ,
si i m p o r t a n t soit-il. T o u t d ' a b o r d , ce n ' e s t p a s s e u l e m e n t d a n s le d o m a i n e
é c o n o m i q u e q u e se p r o d u i s e n t les i n t e r v e n t i o n s de l ' E t a t a u m o y e n d e
t e c h n i q u e s f i n a n c i è r e s : o n les r e n c o n t r e a u s s i b i e n d a n s le d o m a i n e social
(égalisation des revenus), familial (aide à la natalité), intellectuel (subven-
tions a u x activités artistiques ou éducatives) et m ê m e très spécifiquement
p o l i t i q u e (« f o n d s s e c r e t s », cf. p. 401). E n s u i t e , m ê m e d a n s le d o m a i n e
é c o n o m i q u e , l ' E t a t n e p o u r s u i t p a s q u e des o b j e c t i f s é c o n o m i q u e s : il a g i t
en fonction d u bien-être et d u d é v e l o p p e m e n t de la c o m m u n a u t é nationale
d a n s s o n e n s e m b l e , d o n t le d é v e l o p p e m e n t é c o n o m i q u e n ' e s t q u ' u n a s p e c t .
L ' u t i l i s a t i o n d e s t e c h n i q u e s financières p o s e e s s e n t i e l l e m e n t , en r é a l i t é ,
d e s p r o b l è m e s de science p o l i t i q u e . Ces t e c h n i q u e s financières s o n t des f o r m e s
p a r t i c u l i è r e s d e l ' a u t o r i t é p u b l i q u e , des a m é n a g e m e n t s s p é c i a u x d u p o u v o i r
d e l ' E t a t ; p o u v o i r e t a u t o r i t é q u i s o n t les o b j e t s m ê m e d e l a science poli-
t i q u e (cf. s u r ce p o i n t M a u r i c e DUVERGER, I n s t i t u t i o n s politiques et droit
constitutionnel, coll. « T h é m i s », p. 10-11 e t l a b i b l i o g r a p h i e citée). L e s finances
p u b l i q u e s s o n t ainsi u n e b r a n c h e d e l a science p o l i t i q u e : c ' e s t sous c e t a n g l e
s e u l e m e n t q u ' o n p e u t les a p p r é h e n d e r d a n s l e u r t o t a l i t é , e t n o n p a s en
saisir s e u l e m e n t u n a s p e c t p a r t i c u l i e r . Il est i n t é r e s s a n t de s o u l i g n e r q u e ce
p o i n t d e v u e a v a i t é t é d é j à m i s e n l u m i è r e p a r le p l u s g r a n d des financiers
c l a s s i q u e s , G a s t o n J è z e (cf. à ce s u j e t : M a u r i c e DUVERGER, G a s t o n J è z e ,
j u r i s t e f i n a n c i e r , d a n s Revue de science et législ. f i n . , 1954, p. 19).
FINANCES PUBLIQUES ET FINANCES PRIVÉES. — L e s r a p p o r t s e n t r e
finances p u b l i q u e s e t finances p r i v é e s s o n t t r è s d i f f é r e n t s d a n s l a c o n c e p t i o n
c l a s s i q u e e t l a c o n c e p t i o n m o d e r n e . P a r a d o x a l e m e n t , b i e n q u e les financiers
c o n t e m p o r a i n s i n s i s t e n t s u r l a différence p r o f o n d e des m é t h o d e s , ils a b o u t i s -
sent à u n e i n t e r p é n é t r a t i o n des activités.
1° Les f i n a n c e s classiques : s i m i l i t u d e et isolement. — P o u r les classiques,
f i n a n c e s p u b l i q u e s e t f i n a n c e s p r i v é e s r e p o s e n t s u r les m ê m e s p r i n c i p e s .
L ' E t a t d o i t s u i v r e d a n s ses r e c e t t e s e t ses d é p e n s e s les m ê m e s règles q u i
s'imposent a u x particuliers et a u x entreprises privées. O n verra que cette
s i m i l i t u d e , s o u v e n t affirmée d e l a f a ç o n e x p r e s s e , e s t e n p r a t i q u e s o u s - j a c e n t e
à t o u t e s les c o n c e p t i o n s f i n a n c i è r e s t r a d i t i o n n e l l e s e t q u ' e l l e e n c o n s t i t u e
l ' e x p l i c a t i o n l a p l u s p r o f o n d e ( e n m ê m e t e m p s q u e l ' e r r e u r essentielle).
M a l g r é c e t t e r e s s e m b l a n c e de l e u r s p r i n c i p e s , f i n a n c e s p u b l i q u e s e t f i n a n c e s
p r i v é e s d o i v e n t r e s t e r isolées a u s s i r i g o u r e u s e m e n t q u e possible. C a r l ' E t a t
ne doit pas intervenir d a n s l'activité privée, et spécialement d a n s l ' a c t i v i t é
économique, dont l'activité financière n ' e s t q u ' u n e b r a n c h e . On v e r r a com-
m e n t le p r i n c i p e de l a « n e u t r a l i t é » des d é p e n s e s p u b l i q u e s e t celui d e l a
« n e u t r a l i t é » de l ' i m p ô t o n t p o u r b u t d ' e m p ê c h e r t o u t e a c t i o n d e s f i n a n c e s
p u b l i q u e s s u r l ' a c t i v i t é é c o n o m i q u e e t f i n a n c i è r e p r i v é e . E n p r a t i q u e , évi-
d e m m e n t , cet isolement ne p e u t p a s être aussi rigoureux : q u a n d l ' E t a t lève
d e s i m p ô t s , o u é m e t d e s e m p r u n t s , le r e t e n t i s s e m e n t e s t d i r e c t s u r les
finances p r i v é e s d e s p a r t i c u l i e r s e t d e s e n t r e p r i s e s .
2° Les f i n a n c e s modernes : différence et i n t e r p é n é t r a t i o n . — L a p o s i t i o n des
financiers m o d e r n e s est e x a c t e m e n t i n v e r s e . P o u r e u x , il e x i s t e u n e différence
de n a t u r e entre finances publiques et finances privées, qui fait que leurs
p r i n c i p e s essentiels s o n t g é n é r a l e m e n t o p p o s é s . L e s f i n a n c e s p u b l i q u e s r e p o -
s e n t s u r l ' u t i l i s a t i o n p a r l ' E t a t d e ses p r é r o g a t i v e s , d e s o n a u t o r i t é , de s o n
p o u v o i r s u r les c i t o y e n s : les finances p r i v é e s n ' o n t p a s ce c a r a c t è r e . L e m o y e n
le p l u s d é v e l o p p é de r e s s o u r c e s p u b l i q u e s , l ' i m p ô t , e s t u n p r é l è v e m e n t f o r c é
s u r le p a t r i m o i n e des i n d i v i d u s , à q u o i r i e n n e c o r r e s p o n d d a n s les f i n a n c e s
p r i v é e s . M ê m e les t e c h n i q u e s q u i p a r a i s s e n t s e m b l a b l e s p r é s e n t e n t en
r é a l i t é d e s différences essentielles : le b u d g e t d e l ' E t a t e s t a v a n t t o u t u n a c t e
d ' a u t o r i s a t i o n p a r l e m e n t a i r e , q u i règle l a r é p a r t i t i o n d e s p o u v o i r s e n t r e
a u t o r i t é s p u b l i q u e s ; l ' e m p r u n t p u b l i c p r é s e n t e des c a r a c t è r e s p r o p r e s ,
i r r é d u c t i b l e s ( r e n t e p e r p é t u e l l e , c o n v e r s i o n s , c o n s o l i d a t i o n , etc.). L a p i r e
e r r e u r s e r a i t d ' e s s a y e r de t r a n s p o s e r d a n s les f i n a n c e s p u b l i q u e s les p r i n -
cipes v a l a b l e s d a n s l a g e s t i o n d e s f i n a n c e s p r i v é e s : ils y p e r d e n t t o u t e
signification.
Mais, e n p r a t i q u e , finances p u b l i q u e s e t f i n a n c e s p r i v é e s t e n d e n t à s ' i n t e r -
p é n é t r e r e t à v i v r e en s y m b i o s e . C e t t e i n t e r p é n é t r a t i o n e s t d ' a b o r d f o n c -
t i o n n e l l e . Les m o y e n s financiers p u b l i c s t e n d e n t à agir s u r les t e c h n i q u e s
financières p r i v é e s : p a r e x e m p l e , l ' E t a t d é v e l o p p e o u r e s t r e i n t le c r é d i t
p r i v é , facilite o u gêne l ' a u t o f i n a n c e m e n t d e s e n t r e p r i s e s , f r e i n e o u a c c é l è r e
les d é p e n s e s p r i v é e s des c i t o y e n s , etc. I n v e r s e m e n t , les t e c h n i q u e s finan-
cières p r i v é e s i n t e r v i e n n e n t d a n s les f i n a n c e s p u b l i q u e s : les b a n q u e s p r e n -
n e n t des b o n s d u T r é s o r o u des t i t r e s d ' e m p r u n t d a n s l e u r p o r t e f e u i l l e ;
ces b o n s o u ces t i t r e s se v e n d e n t en b o u r s e , etc. M a i s c e t t e i n t e r p é n é t r a t i o n
est é g a l e m e n t o r g a n i q u e . D e p l u s e n p l u s , i n s t i t u t i o n s f i n a n c i è r e s p u b l i q u e s
e t i n s t i t u t i o n s f i n a n c i è r e s p r i v é e s t e n d e n t à s ' u n i r . E n F r a n c e , les r é f o r m e s
d e l a B a n q u e de F r a n c e e n 1936, sa n a t i o n a l i s a t i o n e n 1945 e n m ê m e t e m p s
q u e celle des g r a n d e s b a n q u e s d ' a f f a i r e s , le c o n t r ô l e g é n é r a l é t a b l i s u r les
b a n q u e s p r i v é e s e n 1941-45 : t o u t e s ces m e s u r e s ( e t b i e n d ' a u t r e s ) f o n t q u e
les b a n q u e s , i n s t i t u t i o n s essentielles d e s f i n a n c e s p r i v é e s , p a s s e n t p a r t i e l l e -
m e n t sous le c o n t r ô l e p u b l i c . L a m ê m e chose p o u r r a i t se d i r e des b o u r s e s e t
d u m a r c h é d e s devises, o ù i n s t i t u t i o n s p u b l i q u e s e t p r i v é e s s ' e n t r e m ê l e n t
é g a l e m e n t . O n a u r a l ' o c c a s i o n d ' é t u d i e r u n p e u ces p h é n o m è n e s , à p r o p o s
d u d é v e l o p p e m e n t c o n t e m p o r a i n d u T r é s o r p u b l i c (cf. p. 224 e t s u i v . ) .
BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE

On trouvera des bibliographies particulières à chaque question étudiée


dans les divers chapitres. Celles-ci sont assez sommaires, dans les deux
domaines qui font l'objet d'un cours spécial en troisième ou en quatrième
année de la nouvelle licence en droit : science et technique fiscale d'une part,
économie financière d'autre part. Le lecteur se reportera à cet égard aux
manuels correspondants de la présente collection.
La bibliographie générale se borne à citer les principaux ouvrages fran-
çais traitant de l'ensemble des institutions financières et quelques ouvrages
étrangers utiles à consulter. Les uns se réfèrent à la conception traditionnelle
de la science des finances, d'autres à la conception moderne : la date de
publication n'est pas toujours une indication suffisante à cet égard, car
certains ouvrages récents restent fidèles à la plus stricte orthodoxie.

I. — OUVRAGES

a) Ouvrages f r a n ç a i s

E . A L L I X , T r a i t é é l é m e n t a i r e d e s c i e n c e d e s f i n a n c e s et d e l é g i s l a t i o n f i n a n c i è r e
f r a n ç a i s e , 6e é d . , 1 9 3 1 .
G. ARDANT, P r o b l è m e s f i n a n c i e r s c o n t e m p o r a i n s , 1949.
A . A N G E L O P O U L O S , L ' E t a t et l a p r o s p é r i t é s o c i a l e ; n o u v e a u x p r i n c i p e s d e
finances publiques, 1949.
A. BARRÈRE, P o l i t i q u e f i n a n c i è r e , 1959.
H . BROCHIER e t P . TABATONI, E c o n o m i e f i n a n c i è r e , 1 9 5 9 (coll. « T h é m i s »).
L. DELBEZ, E l é m e n t s de finances publiques, 1955.
G. DEVAUX, L a c o m p t a b i l i t é p u b l i q u e , t. I, 1957.
G . J È Z E , C o u r s é l é m e n t a i r e d e s c i e n c e d e s f i n a n c e s et d e l é g i s l a t i o n f i n a n c i è r e
f r a n ç a i s e , 5E é d . , 1 9 1 2 ( l a d e r n i è r e é d i t i o n c o m p l è t e e n 1 v o l . ) ; 6e é d . ,
I . T h é o r i e g é n é r a l e d u b u d g e t , 1 9 2 2 ; I I . D é p e n s e s p u b l i q u e s et t h é o r i e s
générales d u crédit p u b l i c , 1925 ; I I I . L a technique d u crédit p u b l i c , 1925.
J . L A F E R R I È R E e t M . W A L I N E , T r a i t é é l é m e n t a i r e d e s c i e n c e et d e l é g i s l a t i o n
financières, 1952.
L . TROTABAS, I n s t i t u t i o n s f i n a n c i è r e s , 1 9 5 6 .
— L e s f i n a n c e s p u b l i q u e s et l e s i m p ô t s d e l a F r a n c e , n o u v . é d . , 1 9 5 3 .
H . L A U F E N B U R G E R , T r a i t é d ' é c o n o m i e et d e l é g i s l a t i o n f i n a n c i è r e , 4 v o l . :
I . R e v e n u , c a p i t a l et i m p ô t , 4e é d . , 1 9 5 0 ; I I . D e t t e p u b l i q u e et r i c h e s s e
p r i v é e , 3e é d . , 1 9 4 8 ; I I I . B u d g e t et t r é s o r , 3e é d . , 1 9 4 8 ; I V . L é g i s l a t i o n
f i s c a l e et d o c u m e n t s f i n a n c i e r s , 3e é d . , 1 9 4 8 ; 5e é d . : I . T h é o r i e é c o n o -
m i q u e et p s y c h o l o g i q u e d e s f i n a n c e s p u b l i q u e s , 1 9 5 6 ; I I . É c o n o m i e d u
s y s t è m e f i s c a l f r a n ç a i s , n a t i o n a l et l o c a l , 1 9 5 4 .
— F i n a n c e s c o m p a r é e s . E t a t s - U n i s , F r a n c e , G r a n d e - B r e t a g n e , U . R . S. S.,
3e é d . , 1 9 5 7 .
G. VEDEL, C o u r s de législation financière, 1957 (polycopié).
A. WAGNER, T r a i t é de l a science des f i n a n c e s , 5 vol., 1913.
L ' e x p o s é le p l u s r e m a r q u a b l e d e s t h é o r i e s financières c l a s s i q u e s est
c o n t e n u d a n s l ' œ u v r e de G a s t o n JÈZE, e s p r i t p é n é t r a n t e t original, q u i f u t le
véritable créateur de la science des finances en France. Les ouvrages de
M M . TROTABAS, LAFERRIÈRE e t W A L I N E d o n n e n t u n e d e s c r i p t i o n a c t u e l l e
des mécanismes juridiques et administratifs des finances françaises, d o m i n é e
d a n s l ' e n s e m b l e p a r les c o n c e p t i o n s classiques : u n e c e r t a i n e é v o l u t i o n est
p e r c e p t i b l e c e p e n d a n t d a n s l e s d e r n i è r e s é d i t i o n s d u p r é c i s d e M . TROTABAS.
L e livre de M. DELBEZ est s t r i c t e m e n t o r t h o d o x e .
L e s o u v r a g e s d e M M . BROCHIER e t TABATONI, d e M . BARRÈRE e t d e
M. LAUFENBURGER e x p o s e n t les c o n c e p t i o n s modernes des finances
p u b l i q u e s , e s s e n t i e l l e m e n t d a n s le d o m a i n e é c o n o m i q u e : m a i s la p r é d o -
minance d u point de vue économique constitue précisément l'un des aspects
de l'évolution financière contemporaine. O n t r o u v e r a enfin dans l'intro-
d u c t i o n d u c o u r s d e M. V E D E L d e s v u e s p é n é t r a n t e s s u r c e t t e é v o l u t i o n .

b) Ouvrages étrangers

E . D'ALBERGO, E c o n o m i c a della f i n a n z a p u b l i c a , 2 vol., B o l o g n e , 1952.


E . D . ALLEN e t O. H . BROWNLEY, E c o n o m i e s o f p u b l i c f i n a n c e , N e w Y o r k , 1953.
A. BALEEIRO, U n a i n t r o d u ç a o a ciencia d a s f i n a n ç a s , 2 v o l . , R i o d e J a n e i r o ,
1956.
F. BAUDHUIN, P r é c i s de f i n a n c e s p u b l i q u e s , 2 vol., B r u x e l l e s , 1943.
— L e s t h é o r i e s m o d e r n e s e n m a t i è r e d e f i n a n c e s p u b l i q u e s , 3e é d . , L o u v a i n , 1 9 4 4 .
A. G . B U E H L E R , E c o n o m i c s o f p u b l i c f i n a n c e , 3e é d . , N e w Y o r k , 1 9 4 8 .
C. COSCIANI, P r i n c i p i d i s c i e n z a delle f i n a n z e , T u r i n , 1 9 5 3 .
H. DALTON, P r i n c i p l e s o f p u b l i c f i n a n c e , 5e é d . , L o n d r e s , 1 9 4 8 .
J. F . D U E , G o v e r n m e n t f i n a n c e : a n e c o n o m i c a n a l y s i s , H o m e w o o d (111.), 1 9 5 4 .
L. E I N A U D I , P r i n c i p i d i s c i e n z a delle f i n a n z e , T u r i n , 1 9 4 0 .
L. GANGEMI, E l e m e n t i d i s c i e n z a delle f i n a n z e , 2 v o l . , N a p l e s , 1 9 4 5 - 1 9 4 9 .
B. GRIZIOTTI, S a g g i s u l r i n n o v a m e n t o dello s t u d i o d e l l a s c i e n z a delle f i n a n z e e
del d i r i t t o f i n a n z i a r i o , M i l a n , 1 9 5 3 .
W . G E R L O F F , D i e ô f f e n t l i c h e F i n a n z w i r t s c h a f t , 2E é d . , F r a n c f o r t , 1 9 4 8 .
W . GERLOFF, F . NEUMARK ( e t a u t r e s ) , H a n d b u c h d e r F i n a n z w i s s e n s c h a f t ,
3 vol., T u b i n g e n , 1952-1958.
A . GRAZIANI, I n s t i t u z i o n i de s c i e n z a delle f i n a n z e , T u r i n , 1 9 2 9 .
H . M . G R O V E S , V i e w p o i n t s o f p u b l i c f i n a n c e , 3e é d . , N e w Y o r k , 1 9 4 8 .
— F i n a n c i n g g o v e r n m e n t , 3e é d . , N e w Y o r k , 1 9 5 0 .
H . HALLER. F i n a n z p o l i t i k , 1957.
U . K . HICKS, P u b l i c f i n a n c e , C a m b r i d g e , 1947.
— Btitish public finance : their structure a n d development ( 1 8 8 0 - 1 9 5 2 ) ,
L o n d r e s , 1954.
L. H . KIMMEL, F e d e r a l budget a n d fiscal p o l i c y , 1 7 8 9 - 1 9 5 8 , W a s h i n g t o n , 1959.
H. L . LUTZ, P u b l i c f i n a n c e , C a m b r i d g e ( M a s s ) , 1 9 2 9 .
M. M A S O I N , T h é o r i e é c o n o m i q u e d e s f i n a n c e s p u b l i q u e s , B r u x e l l e s , 5E é d . , 1 9 4 6 .
E. MORSELLI, Corso d i s c i e n z a della f i n a n z a p u b l i c a , t . I, P a d o u e , 1 9 5 6 .
U. G. PAPI, L e z i o n i d i s c i e n z a delle f i n a n z e , R o m e , 1947.
A. C . P I G O U , A s t u d y o f p u b l i c f i n a n c e , 3e é d . , L o n d r e s , 1 9 4 7 .
G. F . SHIRRAS, T h e s c i e n c e o f p u b l i c f i n a n c e , L o n d r e s , 1 9 3 0 .
G. SCHMOELDERS, F i n a n z p o l i t i k , B e r l i n , 1955.
W . J . SHULTZ e t C. L . HARRIS, A m e r i c a n p u b l i c f i n a n c e , 6E éd., N e w Y o r k ,
1954.
P . E . TAYLOR. T h e economics o f p u b l i c f i n a n c e , N e w Y o r k , 1953.
F . TERHALLE, D i e F i n a n z w i r t s c h a f t des S t a a t e s u n d der Gemeinden, B e r l i n ,
1948.
S. TIVARONI, C o m p e n d i o di scienza delle f i n a n z e , 2 vol., B a r i , 1949.

O n r e m a r q u e r a le n o m b r e i m p o r t a n t d ' o u v r a g e s i t a l i e n s cités. I l y a e n
I t a l i e u n e t r a d i t i o n d e l ' é t u d e des finances p u b l i q u e s q u i r e m o n t e t r è s loin :
a u x XVE e t XVIE siècles, P a l m i e r i , G u i c c i a r d i n i , D i o m e d e C a r a f a f u r e n t les
p r e m i e r s à p u b l i e r q u e l q u e s o u v r a g e s de v a l e u r d a n s le d o m a i n e financier.
L ' é c o l e i t a l i e n n e s ' e s t a t t a c h é e à s o u l i g n e r l ' a u t o n o m i e des finances p u b l i q u e s .
E n A l l e m a g n e é g a l e m e n t , les r e c h e r c h e s de finances o n t t o u j o u r s é t é d é v e -
l o p p é e s , p a r t i c u l i è r e m e n t d a n s le d o m a i n e fiscal. I l y a r e l a t i v e m e n t p e u
d ' o u v r a g e s a n g l o - s a x o n s s t r i c t e m e n t c o n s a c r é s a u x finances p u b l i q u e s clas-
s i q u e s , m a i s b e a u c o u p d e t r a v a u x i m p o r t a n t s s u r l ' é c o n o m i e financière.
E n f a i t , les f i n a n c i e r s m o d e r n e s o n t subi de f a ç o n p r o f o n d e l ' i n f l u e n c e des
économistes anglo-saxons, et spécialement de Lord Keynes.

II. — REVUES

La principale revue à consulter est la Revue de science et de législation


financières fondée en 1903 par Gaston JÈZE et dirigée actuellement par
le p r Henry LAUFENBURGER : depuis le 1ER janvier 1956, elle a pris le titre
de Revue de Science financière. On y trouve, outre un grand nombre d'ar-
ticles, des chroniques précieuses sur la fiscalité et le budget en France.
Il existe un assez grand nombre d'autres bonnes revues financières. On
citera seulement les principales :

a) Revues françaises
Annales de finances publiques comparées (publiées par l'Institut de Droit
comparé de l'Université de Paris jusqu'en 1954).
Banque.
Bulletin des contributions directes.
Bulletin de la taxe sur la valeur ajoutée et des impôts indirects.
Cahiers de droit fiscal international.
Etudes et conjoncture.
Etudes de finances publiques (remplaçant les Annales de finances publiques
comparées depuis 1954 ; c'est un recueil d'études plutôt qu'une revue).
Problèmes économiques.
Revue des contributions indirectes.
Revue économique.
Revue d'économie politique.
Revue de science financière (jusqu'en 1956 : Revue de science et de législation
financière).
Revue du Trésor.
b) Revues étrangères
Archivio finanziario (Italie).
Bulletin for international fiscal documentation (Pays-Bas).
Federal reserve bulletin (U. S. A.).
Finanzarchiv (Allemagne).
Finansy S. S. S. R. (U. R. S. S.).
National tax journal (U. S. A.).
Public finance (Finances publiques) (Pays-Bas).
Rivista di diritto finanziario e scienza delle finanze (Italie).
Revista de derecho financiero y de hacienda publica (Espagne).

III. — DOCUMENTATION

a) Documentation sur la France


Inventaires de la situation financière publiés par le ministère des Finances
en 1946 (revu en 1949) et en 1951.
Statistiques et études financières, revue mensuelle publiée par le Comité de
Statistiques du ministère des Finances avec suppléments trimestriels,
depuis 1949 (elle a remplacé le Bulletin de statistiques et de législation
comparée du ministère des Finances, qui devint de 1941 à 1948 le Bulletin
de législation comparée, doublé en 1947 et 1948 d'un Bulletin statistique).
Recueil des lois relatives au budget de chaque année.
Rapport général annuel des Commissions des Finances de l'Assemblée natio-
nale et du Conseil de la République.
Rapports et comptes rendus annuels de la Commission des comptes et des budgets
économiques de la nation, depuis 1951.
Rapport semestriel sur la conjoncture économique présenté au Conseil
économique.
Rapport annuel du Conseil national du Crédit.
Rapport annuel de la Commission des Investissements.
Compte rendu annuel des opérations de la Banque de France.
Compte général de l'administration des finances.
Rapports du Comité d'enquête sur le coût et le rendement des services publics.
Rapport annuel d'exécution du Plan de Modernisation.

On consultera également les publications de l'Institut national de la


Statistique et des Etudes économiques, notamment l'Annuaire statistique
de la France et le Bulletin mensuel de statistique.

b) Documentation internationale
Chaque pays publie une documentation statistique. On trouvera des
renseignements comparatifs dans les publications statistiques de l'O. N. U.,
notamment les Annuaires statistiques et le Bulletin mensuel de statistique. Les
services économiques et financiers de l'O. N. U. publient spécialement les
Public finance information et les Public finance surveys. On consultera
également les publications de la Commission économique de l'O. N. U. pour
l'Europe à Genève, et les International financial statistics.
Un grand nombre de documents originaux traduits et d'informations se
trouvent dans les publications de la Documentation française (Présidence du
Conseil, direction de la Documentation) : Notes et études documentaires,
Chroniques étrangères, Articles et documents, et surtout Problèmes écono-
miques. Le rapport semestriel sur la conjoncture présenté au Conseil éco-
nomique contient également en annexe un assez grand nombre de rensei-
gnements.

PLAN DE L'OUVRAGE

L'étude des finances publiques classiques s'ordonnait suivant une trilogie


traditionnelle : l'impôt, l'emprunt, le budget. Ce cadre n'est pas à rejeter en
bloc, et l'on en trouvera des traces dans le plan de ce livre. Mais il présente
deux graves inconvénients. En premier lieu, il laisse de côté une série de
problèmes dont les finances classiques ne s'occupaient pas, ou s'occupaient
peu : les dépenses publiques, les manipulations monétaires, etc. En second
lieu, il établit une opposition trop tranchée entre l'impôt et l'emprunt, qui
tendent à se rapprocher dans les finances modernes et à devenir deux procédés
complémentaires de ressources publiques.
E n définitive, il semble qu'on puisse distinguer deux catégories d'insti-
tutions financières. Les unes constituent pour l ' E t a t des moyens d'action
lui permettant d'intervenir dans la vie économique et sociale ; tels sont les
dépenses publiques, les taxes administratives et parafiscales, l'impôt, l'em-
prunt, les mécanismes de la trésorerie, les manipulations monétaires, etc. Les
autres forment en quelque sorte le cadre à l'intérieur duquel sont employés
les moyens d'action précédents : l'originalité de l'activité financière, en effet,
c'est qu'elle est planifiée, c'est qu'elle se déroule suivant un programme
d'action annuel qu'on appelle le budget. Tout ce qui a trait à l'établissement
de ce budget et à son exécution (comptabilité publique) constitue ce qu'on
pourrait appeler le plan financier.
On étudiera donc dans une première partie les moyens d'action financiers,
et dans une seconde partie le plan financier. Cela revient en somme à décrire
d'abord les différents instruments dont dispose l ' E t a t dans le domaine des
finances, et ensuite la façon dont ces instruments sont utilisés dans le cadre
d'un programme annuel, suivant un rythme planifié.
PREMIÈRE PARTIE

LES MOYENS D'ACTION


FINANCIERS : DÉPENSES ET
RESSOURCES PUBLIQUES
Qu'on se place dans la conception classique ou dans la
moderne, les cadres généraux de l'activité financière restent
les mêmes : d'un côté les dépenses, de l'autre les recettes. Sans
doute, la signification des unes et des autres est appréciée diffé-
remment. Pour les classiques, il y a entre elles une corrélation
nécessaire : comme dans les finances privées, les recettes servent
à couvrir des dépenses, les dépenses exigent des recettes corres-
pondantes. Tout en acceptant ce schéma général, les modernes
s'en écartent sur certains points particuliers. Il y a des recettes
inscrites au budget sans qu'elles soient nécessaires pour couvrir
des dépenses, sans qu'il y ait des dépenses correspondantes
à proprement parler, sans qu'il s'agisse de véritables recettes
au sens courant du mot : par exemple, un impôt qui a pour but
« d'éponger » un pouvoir d'achat excédentaire en diminuant
le nombre de billets en circulation ; les billets procurés à l'Etat
par cet impôt sont détruits purement et simplement, sans
véritable dépense. Beaucoup de dépenses, à l'inverse, sont de
simples transferts de revenus d'une catégorie sociale à une
autre, sans avoir le caractère de paiement en échange d'avan-
tages reçus que présentent les dépenses des particuliers.
D'autre part, les classiques distinguaient soigneusement
des recettes proprement dites, les emprunts et les avances de
trésorerie. Ces derniers étaient considérés comme des moyens
d'anticiper des ressources futures, lesquelles servaient ensuite
au remboursement : dans l'emprunt, cette anticipation se
faisait sur une assez longue période ; dans les avances de
trésorerie, sur une période très courte. Là encore, on raisonnait
par analogie avec les finances privées. Là encore, cette analogie
se révèle fausse à l'usage. Pour l'Etat, emprunts et trésorerie
tendent à se rapprocher plus ou moins de l'impôt, et à constituer
des recettes véritables.
A l'image traditionnelle d'un Etat plus ou moins semblable
à une entreprise privée, qui paie ses dépenses normales au
moyen de ses revenus réguliers actuels, qui paie des dépenses
exceptionnelles au moyen d'emprunts remboursés par prélè-
vement sur les revenus réguliers futurs, les modernes substituent
celles d'un Etat dont l'activité financière est originale. Elle
consiste à amputer les revenus de telle ou telle catégorie sociale
par l'impôt, l'emprunt ou la trésorerie ; à redistribuer une
partie de l'argent ainsi réuni à telle ou telle autre catégorie
sociale par le canal de la dépense publique. Dépenses, impôts,
emprunts, trésorerie sont des moyens d'action à la disposition
de l'Etat, des modalités particulières de son pouvoir sur la
communauté nationale, des incarnations diverses de la puis-
sance publique.
CHAPITRE PREMIER

LES DÉPENSES PUBLIQUES

Dans les finances classiques, la place faite aux dépenses


publiques est paradoxale. D'une part, on y attache une très
grande importance. Elles définissent le point de départ de toute
la vie financière, selon le principe que l'Etat « dépense d'abord »,
c'est-à-dire calcule ses recettes en fonction de ses dépenses
et non ses dépenses en fonction de ses recettes : les dépenses
publiques se caractérisent en effet par leur caractère impératif
et obligatoire ; elles ont pour but d'assurer la marche des
services publics et l'existence même de l'Etat. Les besoins de
l'Etat, ainsi chiffrés, définissent les sommes qu'il devra prélever
sur les citoyens, les charges que ceux-ci devront supporter
pour permettre le fonctionnement des organes dirigeants de
la communauté nationale. Les dépenses publiques ont donc
un caractère fondamental, au sens propre du terme.
Mais, d'un autre côté, les financiers classiques les étudient
peu. On trouve rarement dans les manuels traditionnels un
chapitre spécialement consacré aux dépenses ; ou bien ce cha-
pitre traite surtout des procédures juridiques de réalisation
des dépenses et des contrôles existant dans ce domaine (pro-
blèmes qui seront examinés plus loin, à propos de l'exécution
du budget, cf. p. 344). Le contenu même des dépenses publiques
importe peu : on considère que ce n'est pas un problème finan-
cier, mais un problème administratif ou politique. Que telle
dépense concerne l'éducation nationale, telle autre l'armement,
telle autre les investissements, cela ne pose pas une question
financière pour les financiers classiques, mais une question de
choix politique entre les diverses activités de l'Etat qu'on veut
plus ou moins développer. Dans les finances classiques, c'est le
chiffre des dépenses qui importe avant tout, et non leur contenu.
On le voit bien d'ailleurs à propos du problème de l'équilibre
budgétaire : la théorie classique prohibe le déficit, c'est-à-dire
l'excès de dépenses par rapport aux recettes, sans s'occuper de
la nature des unes et des autres.
La conception des dépenses publiques dans les finances
modernes est radicalement différente. On donne moins d'im-
portance aux dépenses publiques ; mais on considère en premier
lieu leur contenu et non leur chiffre. D'abord, les dépenses
publiques sont descendues de leur piédestal. On ne leur accorde
plus le caractère primordial que leur prêtaient les classiques. Il
n'est pas vrai que l'Etat « dépense d'abord » et qu'il calcule
toujours ses recettes en fonction de ses dépenses ; il n'est pas
vrai que les dépenses publiques aient toujours un caractère de
nécessité absolue : il y a des services publics indispensables,
il y en a d'autres qui le sont moins. Les dépenses publiques sont
un moyen d'action financier parmi d'autres, dont l'emploi est
calculé par rapport aux autres, dans un ensemble dont toutes
les parties doivent être considérées simultanément.
Surtout, la nature des dépenses publiques est désormais
placée au premier plan des préoccupations. Dire que le contenu
de la dépense importe plus que son chiffre serait peut-être
exagéré, au moins sur un plan général : mais le contenu importe
au moins autant que le chiffre. Certes, les classiques n'avaient
pas toujours ignoré ce point de vue : par exemple, leur théorie
de l'emprunt, réservé en principe à la couverture des dépenses
« rentables » ou des dépenses « exceptionnelles », impliquait
une analyse du contenu des dépenses. Mais cette analyse
restait embryonnaire et limitée à quelques secteurs des dépenses
publiques. Au contraire, l'étude du contenu des dépenses est
un élément fondamental de la théorie financière moderne.
En forçant à peine les choses, on pourrait dire que les clas-
siques avaient une conception essentiellement quantitative des
dépenses publiques (ils considéraient avant tout leur montant),
tandis que les modernes en ont une conception essentiellement
qualitative : ils considèrent avant tout leur nature. On étudiera
donc le contenu des dépenses publiques avant de considérer
leur amplitude.
SECTION I. — Le contenu des dépenses publiques

L'Etat donne un traitement à un fonctionnaire du service


des hypothèques ; il paie un entrepreneur qui a construit un
barrage ; il verse une subvention à un exportateur ; il alloue
une pension à un ancien combattant ; il distribue des secours
à des sinistrés ; il achète des armes à une nation étrangère ;
il couvre les frais de modernisation d'une grande entreprise
industrielle : dans tous ces cas, il y a dépense publique. Une
certaine somme va sortir des caisses du Trésor, qu'il aura fallu
y faire entrer par divers moyens. Mais on pressent à première
vue que cette dépense n'a pas la même signification et la même
portée dans toutes les hypothèses qu'on vient de citer. Prenons
seulement deux exemples : le traitement d'un fonctionnaire
des hypothèques n'implique aucune intervention de l'Etat dans
la vie économique, tandis que la subvention à l'exportation
constitue par elle-même une intervention de ce genre : la dif-
férence économique entre les deux dépenses est considérable.
La construction d'un barrage est susceptible de développer
la production d'électricité vendue par l'Etat (l'Electricité de
France est une entreprise nationale) ce qui permettra d'amortir
éventuellement la dépense publique initiale, tandis que l'achat
d'armes n'est susceptible d'entraîner aucun amortissement :
ici, c'est la différence financière elle-même qui est capitale, la
différence quant aux conséquences pour les finances publiques.
Le problème du contenu des dépenses publiques a donc un
caractère fondamental.

§ 1. LA NOTION DE DÉPENSES PUBLIQUES

Les changements dans la notion de dépenses publiques


constituent l'un des aspects les plus importants de l'évolution
contemporaine de la science financière. Si le principe fonda-
mental de l'équilibre budgétaire, par exemple, tend à être
aujourd'hui abandonné en certaines circonstances, comme on
le verra plus loin (p. 264), c'est en grande partie à cause de
la conception nouvelle qu'on se fait des dépenses publiques,
dans leur définition externe (par rapport aux dépenses privées)
et surtout dans leur nature interne et leurs conséquences
économiques.
A) La définition des dépenses publiques
Comment distinguer les dépenses publiques des dépenses
privées ? — Telle est la question qu'on se pose ici. Il n'est pas
facile d'y répondre, à cause de l'interpénétration progressive
du « public » et du « privé ». On pourrait dire, en simplifiant à
l'extrême, qu'une définition socio-économique des dépenses
publiques tend à remplacer leur définition juridique.
a) LA DÉFINITION JURIDIQUE DE DÉPENSES PUBLIQUES. —
La définition classique des dépenses publiques est essentiellement
juridique. Ce qui donne à une dépense le caractère public c'est
la qualité juridique de l'auteur de la dépense, le fait qu'il s'agit
d'un organe ou d'une institution publique.
10 Le contenu de la définition. — Pour les financiers tradition-
nels, les dépenses publiques sont les dépenses des collectivités
publiques. Par collectivités publiques, on désigne l'Etat, les
départements, les communes et les « établissements publics »,
c'est-à-dire les services publics (nationaux, départementaux
ou communaux) qui sont dotés de la « personnalité morale ». Le
terme de collectivité publique est synonyme en somme du
terme « personne morale publique ». Toutes les dépenses des
collectivités publiques sont des dépenses publiques, tandis
que toutes les dépenses des particuliers et des collectivités
privées (associations, sociétés, etc.) sont des dépenses privées.
C'est donc la nature juridique d'une collectivité, son caractère
de personne morale publique, qui définit la dépense publique.
Si l'on cherchait les motifs de cette conception, on y trou-
verait sous-jacente l'idée que l'activité des collectivités
publiques est différente en soi de l'activité des personnes privées.
Sur la nature de cette différence, les idées ont varié. Certains
ont mis l'accent sur le but poursuivi : les collectivités publiques
agissant dans l'intérêt général, pour la satisfaction des intérêts
communautaires du groupe dont elles assurent la direction ;
les personnes et entreprises privées agissant dans des intérêts
particuliers et individuels. D'autres ont placé au contraire en
premier plan les moyens employés : les collectivités publiques
agissant par des procédures différentes des organismes privés
(elles utilisent l'acte unilatéral, tandis que les personnes privées
usent essentiellement du contrat). Des luttes doctrinales ont
opposé sur ce point les juristes au cours du XIXe siècle et du
début du xxe. On notera que, de toutes façons, cette idée d'une
différence fondamentale entre l'activité publique et l'activité
privée repose sur la conception de l'Etat libéral : seules quelques
tâches bien définies, que leur nature même empêche d'être
accomplies par l'activité privée, rentrent dans le domaine de
l'Etat et des autres collectivités publiques ; toute tâche sem-
blable par nature à celles que les individus remplissent dans leurs
rapports privés rentre dans la sphère d'action de ceux-ci et
excède celle des collectivités publiques.
20 Les difficultés d'application de la définition. — Au XIXe siècle,
les tâches effectivement remplies par l'Etat et les collectivités
publiques correspondaient à peu près dans l'ensemble à celles
que leur assignait la théorie libérale : police, justice, armée, etc.
La notion juridique de dépenses publiques pouvait donc s'ap-
pliquer sans trop de difficultés.
Mais les difficultés sont venues au fur et à mesure de l'exten-
sion des tâches de l'Etat, à partir de la guerre de 1914. On a vu
d'abord les collectivités publiques se charger progressivement
de fonctions analogues à celles qu'accomplissaient des orga-
nismes privés : ravitaillement, transports, assurances, etc. Les
deux guerres mondiales, puis la politique des nationalisations
en 1936 et 1945, ont donné un essort considérable à cette ten-
dance : quand on voit aujourd'hui l'Etat fabriquer des auto-
mobiles (Renault), exploiter des mines, produire de l'élec-
tricité, etc., on ne peut plus parler d'une différence de nature
entre l'activité privée et l'activité publique.
En second lieu, se sont développées peu à peu des entreprises
ou organismes mixtes, ni tout à fait publics, ni tout à fait pri-
vés (entreprises d'économie mixte, institutions privées d'in-
térêt général, organismes subventionnés, etc.). Certains de ces
organismes semi-privés ont reçu de véritables pouvoirs de
puissance publique, qui créent une différence profonde entre
la nature de leur activité et celle des organismes privés ordinaires,
et les rapprochent des collectivités publiques. Ainsi, d'un côté
l'Etat et les collectivités publiques accomplissent désormais des
tâches analogues à celles des organismes privés ; de l'autre,
des organismes privés ou semi-privés ont une activité semblable
par nature à celle qu'on réservait traditionnellement à l'Etat
et aux collectivités publiques. La frontière entre les collectivités
publiques et les organismes privés est donc devenue de plus
en plus incertaine : de même, la frontière entre les dépenses
publiques et les dépenses privées dans la notion traditionnelle.
b) LA DÉFINITION SOCIO-ÉCONOMIQUE DE DÉPENSES PUBLI-
QUES. — On a donc défini progressivement une nouvelle notion
de dépense publique. Il est peut-être excessif de la qualifier de
définition « socio-économique » en l'opposant au caractère « juri-
dique » de la définition traditionnelle. Car elle présente aussi un
caractère juridique, et toute idée économico-sociale n'était
pas absente de la définition traditionnelle. Il reste que celle-ci
partait essentiellement d'un concept juridique : l'idée de per-
sonnalité morale de l'Etat et des collectivités publiques. Au
contraire, la définition actuelle part d'une idée socio-économique :
mesurer l'action dans la vie sociale, et dans l'activité écono-
mique en particulier, du « pouvoir », de l'autorité qui caractérise
l'Etat et les collectivités publiques.
10 Les diverses activités de l'Etat. — On ne part plus du
concept de l'Etat personne juridique, mais d'une analyse
sociologique de l'Etat. L'Etat, c'est un ensemble de gouvernants.
Dans tous les groupes sociaux, dans toutes les communautés
humaines, il y a des gens qui commandent et des gens qui
obéissent, des gouvernants et des gouvernés. L'Etat, c'est la
réunion des gouvernants de la communauté nationale ; les
autorités publiques locales, la réunion des gouvernants des
communautés locales (départements, communes). Sur cette
notion de l'Etat, on renverra pour plus de détails au manuel
d'Institutions politiques.
Ce qui caractérise les autorités publiques, c'est donc le
pouvoir de commandement dont elles sont investies : elles
peuvent donner des ordres, adresser des injonctions, imposer
par leur seule autorité des obligations aux citoyens. Au contraire,
les citoyens, dans leurs rapports entre eux, ne peuvent agir en
principe que par accord mutuel, par conventions, par contrat (en
fait, ces accords sont l'aboutissement de luttes, de conflits, de
rivalités ; ils traduisent la domination de groupes plus forts
sur les groupes plus faibles : mais, juridiquement, ils doivent
prendre la forme contractuelle).
Cependant, les autorités publiques (gouvernants et admi-
nistrateurs) peuvent aussi renoncer à user de leurs prérogatives,
abandonner dans tel ou tel domaine l'usage du pouvoir de
commandement, et agir dans des conditions identiques à celles
des particuliers, par la voie de l'accord et du contrat. Contraire-
ment à la théorie de l'Etat libéral, on admet donc désormais que
l'Etat puisse avoir une activité identique par nature à celle des
particuliers. A l'inverse, l'Etat peut autoriser telle ou telle
institution privée à user de son pouvoir de commandement,
à agir par des procédés identiques aux siens.
20 La définition des dépenses publiques. — Dans le cadre
de cette nouvelle analyse de l'Etat, on considérera seule-
ment comme dépenses publiques celles que l'Etat fait dans
l'exercice de son pouvoir de commandement : au contraire, les
dépenses faites par l'Etat (et les autres collectivités publiques)
dans les conditions analogues à celles de particuliers ou orga-
nismes privés sont considérées comme des dépenses privées.
Ainsi, désormais, toutes les dépenses des collectivités publiques
ne sont pas des dépenses publiques, mais une partie d'entre
elles seulement : les dépenses de la Régie Renault, celles de
l'Electricité de France, celles de la S. N. C. F. ne sont pas des
dépenses publiques.
A l'inverse, quand un organisme privé ou semi-privé reçoit
le droit d'utiliser des pouvoirs de commandement, quand il a
le droit d'imposer des obligations aux citoyens, ses dépenses
doivent être considérées comme des dépenses publiques : par
exemple les dépenses de la Sécurité sociale. Certaines dépenses
publiques ne sont donc pas faites par les collectivités publiques.
Sur ce deuxième point, cependant, la pratique ne rejoint pas
tout à fait la théorie : on le verra ci-après.
Cette définition des dépenses publiques n'est pas arbitraire.
Elle repose sur une idée très importante au point de vue
socio-économique. La distinction des dépenses publiques et
des dépenses privées a pour but de mesurer l'influence, dans la
vie sociale en général et dans le circuit économique en parti-
culier, de l'intervention du pouvoir de l'Etat. Vie sociale et
circuit économique résultent d'une compétition entre individus
et groupes qui entrent en rapport les uns avec les autres ;
certains équilibres spontanés tendent à s'établir par le jeu de
cette compétition. Le pouvoir des gouvernants et des adminis-
trateurs, les ordres et injonctions de l'Etat interviennent dans
ce milieu et modifient plus ou moins ces équilibres spontanés.
Dans cette optique, on voit bien que la définition moderne des
dépenses publiques correspond à une réalité fondamentale.
Les dépenses de la Régie Renault (dans la mesure où celle-ci
n'utilise pas le pouvoir de commandement de l'Etat et fonc-
tionne suivant les règles des entreprises privées) ne diffèrent
en rien, économiquement, de celles des usines Peugeot ou
Citroën : elles sont par leur nature des dépenses privées.
Au contraire, les dépenses de la Sécurité sociale, même gérées
par des organismes semi-publics, modifient le milieu écono-
mique tel qu'il résulterait de l'action des forces privées : elles
rentrent dans les dépenses publiques.
30 Dépenses publiques et dépenses du secteur public. — En pra-
tique, dans la terminologie financière, on distingue aujourd'hui
les « dépenses publiques » et les « dépenses du secteur public ».
La notion de « dépenses du secteur public » correspond
exactement à la définition socio-économique des dépenses
publiques qu'on vient d'analyser. Elle est utilisée dans la
comptabilité nationale, où les dépenses de la Sécurité sociale et
des autres organismes semblables sont rapprochées de celles
du budget de l'Etat et des collectivités publiques proprement
dites. Ainsi peut-on mesurer l'influence de la puissance publique
sur la vie économique.
Le terme « dépenses publiques » proprement dit est employé
en pratique dans un sens plus étroit : il désigne seulement les
dépenses incluses dans le budget général de l'Etat, les comptes
spéciaux du Trésor, les budgets annexes, et les budgets des
collectivités locales, à l'exclusion des dépenses de la Sécurité
sociale et organismes similaires. La notion juridique de dépenses
publiques reparaît ici.
B) La nature des dépenses publiques
L'évolution la plus importante porte sur la nature même
des dépenses publiques, envisagées dans leurs conséquences
économiques. En schématisant à l'extrême, on pourrait la
résumer ainsi : tandis que les financiers classiques considé-
raient la dépense publique comme une consommation, et lui
attribuaient par conséquent un caractère destructeur, les
financiers modernes l'envisagent essentiellement comme un
simple transfert de richesse, qui fait changer celle-ci de mains
mais n'en détruit pas la substance. Mais l'une et l'autre
conceptions s'enveloppent de restrictions et de nuances.
a) LA CONCEPTION CLASSIQUE : L'ETAT-CONSOMMATEUR. —
Il faut distinguer entre les conceptions scientifiques des finan-
ciers classiques et l'image vulgarisée de celles-ci dans l'opinion
publique : la seconde est une déformation exagérée et grossière
de la première. Mais cette déformation est plus importante
aujourd'hui que les théories scientifiques à partir desquelles
elle a pris naissance : car ces théories sont presque totalement
abandonnées par les spécialistes, mais leur image populaire
conserve une emprise profonde auprès du public, renforcée par
la propagande de certains partis.
1° Le contenu des conceptions classiques. — Les conceptions
classiques des dépenses publiques ne sont pas faciles à exposer,
car elles ont été rarement exprimées par leurs adeptes : elles
étaient implicites dans leurs œuvres et souvent dans leurs
écrits. On ne trouve guère d'exposé de la conception des
dépenses publiques dans les manuels classiques de science finan-
cière : mais ces conceptions sont sous-jacentes à l'ensemble
des développements.
Une chose est frappante chez les financiers classiques :
leur méfiance à l'égard des dépenses publiques. « Faire des
économies » : tel est l'idéal qu'ils assignent à l'Etat. « Le bon
ministre des Finances est un chien de garde placé devant les
caisses du Trésor public pour en défendre l'accès » : ce vieux
slogan est très révélateur. L'avarice de l'Etat est à la base des
finances publiques classiques. On a visiblement tendance à juger
les dépenses publiques comme un mal, mal nécessaire peut-être,
mais qu'il faut contenir dans les limites les plus étroites possibles.
Les classiques paraissent ainsi considérer l'Etat comme
étant exclusivement un consommateur de biens : par ses
dépenses, il prélève une partie des biens qui sont à la disposition
de la nation, et il les consomme, c'est-à-dire qu'il les détruit.
Sans doute, cet acte de consommation n'est pas inutile, dans
la mesure où les administrations publiques sont indispensables,
et où leur consommation est limitée à ce qui leur est strictement
nécessaire. L'Etat rend des services : il assure la sécurité
extérieure et l'ordre public intérieur. Mais, économiquement,
ses dépenses n'en constituent pas moins un prélèvement sur le
revenu national et un appauvrissement de la collectivité, dont
les membres ont ainsi moins de biens à se partager.
L'opinion populaire exagère ces tendances en finissant par
considérer l'Etat comme une sorte de « trou », où disparaissent
à jamais les sommes prélevées sur le revenu national. L'image
du « gouffre », où « s'engloutissent » les milliards de crédits
inscrits au budget, est très fréquemment employée par certains
journalistes ou certains hommes politiques, pour représenter
l'Etat. Elle correspond assez exactement à l'idée que le public
attaché à l'orthodoxie financière se fait des dépenses publiques.
Les théoriciens classiques récuseraient sans doute ce mythe de
l' « Etat-trou ». Ils auraient raison en un sens, car leur doctrine
est plus nuancée. Mais, dans l'opinion populaire, cette image
est très répandue ; elle constitue actuellement la forme la plus
vivante des théories classiques, qui sont de plus en plus aban-
données sur le plan scientifique ; elle se situe bien d'ailleurs
dans leur ligne générale, qu'elle prolonge seulement jusqu'à son
point extrême.
20 Les bases des conceptions classiques. — Sur le plan scienti-
fique, la conception classique des dépenses publiques est la
conséquence directe de la théorie de l'Etat libéral. Pour les
disciples d'Adam Smith, l'Etat doit être confiné exclusivement
dans des tâches militaires, policières et judiciaires ; il ne doit
pas intervenir dans le domaine économique, sauf en des cas
tout à fait exceptionnels. Ils estiment en effet que, par sa
nature, l'initiative privée a une supériorité absolue sur l'inter-
vention publique, en matière économique. L'intervention écono-
j
mique de l'Etat, au lieu de créer des richesses, aboutirait à un
appauvrissement : car, pour la même somme d'efforts, pour le
même capital investi et le même travail effectué, l'activité
privée donnerait des résultats supérieurs. Pour un classique,
l'activité de l'Etat n'est donc pas économiquement productive.
Economiquement, l'Etat consomme et ne produit pas ; il prélève
et ne restitue pas. D'où la nécessité de limiter au minimum ses
prélèvements, pour éviter un appauvrissement du pays.
b) LA CONCEPTION MODERNE : L'ETAT-REDISTRIBUTEUR. —
A la base de la conception moderne des dépenses publiques, on
trouve deux idées essentielles. Tout d'abord, une vision réaliste
de l'Etat, qu'on se refuse à considérer comme une entité juri-
dique, comme un bloc compact, mais où l'on voit tout simple-
ment un ensemble d'individus, qui travaillent, dépensent et
consomment comme les autres individus. Ensuite, un refus
d'admettre que l'initiative privée soit toujours supérieure à
l'intervention publique au point de vue de son efficacité écono-
mique : elle est tantôt supérieure, tantôt inférieure, tantôt
sur le même plan.
1° L'Etat, organe de redistribution. — Pour un financier
moderne, les dépenses publiques ne sont pas les dépenses de
« l'Etat », en tant que telles. Car l'Etat n'existe pas, au moins
comme consommateur ou producteur. Les financiers classiques
ont été victimes d'une erreur d'optique, fondée sur une vision
trop juridique. L'Etat est une personne morale, un être juri-
dique : mais cet être juridique ne peut pas consommer et ne
peut pas dépenser. C'est le fonctionnaire, le fournisseur de
l'Etat, son entrepreneur qui dépensent, au moyen des sommes
que l'Etat leur a remises, et qu'il a prises lui-même à d'autres
individus. Les dépenses publiques sont les dépenses des indi-
vidus, des hommes dont l'ensemble forme l'Etat. Les milliards
de crédits inscrits au budget ne « s'engloutissent » pas dans un
« gouffre » sans fond : ils sont remis dans le circuit. Ils ne dispa-
raissent pas à jamais : ils réapparaissent intégralement.
Plutôt que l'image d'un trou, c'est l'image d'un filtre qui
définit l'activité financière de l'Etat. Une partie du revenu
national passe à travers ce filtre : le rôle exact de l'Etat consiste
à l'orienter dans telle ou telle direction, sans la détruire. L'Etat
ne consomme pas : il redistribue. On pourrait le comparer à une
pompe aspirante et foulante, qui restitue l'eau qu'elle puise, et
qui fonctionne en un circuit fermé : le volume de l'eau distribuée
étant égal à celui de l'eau absorbée. L'ensemble des sommes
réparties par l'Etat entre les citoyens équivalent à l'ensemble
des sommes qu'il a prélevées sur leurs revenus.
Parfois, cependant, cette dernière partie de la comparaison
n'est pas absolument exacte. Il y a des sommes détruites ou
bloquées volontairement parce que l'Etat veut diminuer les
moyens de paiements à la disposition des particuliers : par
exemple, il remettra à la Banque de France, pour qu'elle les
annule, les billets qu'il aura obtenus par un emprunt, ou il
laissera à un compte bancaire une partie des impôts payés
par les industriels, qui leur serviront plus tard à reconstituer
leurs stocks au lieu d'être dépensés immédiatement, comme il
l'a fait pendant la guerre. Mais cette ponction reste purement
apparente, car elle s'exerce sur des signes monétaires et non
pas sur des réalités économiques ; elle présente d'ailleurs un
caractère exceptionnel.
2° Les formes de la redistribution par l'Etat. — Quand on
dit que le rôle de l'Etat qui dépense est un rôle de redistribution,
il faut bien s'entendre. En un sens, toute dépense, même
privée, implique une redistribution : l'individu qui dépense son
salaire pour se nourrir, se vêtir et se loger redistribue aux
commerçants ce qu'il a touché de son patron ; ces commerçants
eux-mêmes, quand ils dépensent pour vivre, redistribuent les
sommes qu'ils ont touchées de leurs clients ; etc. Ces phéno-
mènes décrivent le circuit monétaire, le circuit des moyens de
paiement qui passent de mains en mains : c'est dans ce domaine
que l'Etat peut parfois jouer un rôle de blocage, de ralentisse-
ment ou de compression, comme on vient de le signaler.
Mais ces signes monétaires traduisent des opérations maté-
rielles : le salaire de l'ouvrier paie le travail qu'il a fourni,
le prix versé au commerçant paie l'objet acheté. Ici, il n'y a
pas un circuit dans lequel les biens circulent indéfiniment,
comme les signes monétaires : car certains biens sont absorbés
et détruits, ce qui définit précisément la consommation (l'ou-
vrier détruit ce qu'il mange, il use ses vêtements, etc.). Dans
ce domaine, l'Etat qui dépense peut jouer deux rôles très
différents : ou bien il se trouve dans une situation analogue
à celle d'entreprises ou organismes privés, au moins dans son
principe ; ou bien il se trouve dans une situation différente :
ces différences pouvant d'ailleurs être très variables.
a) Redistribution analogue à la redistribution privée. —
Comparons la Régie Renault, entreprise d'Etat, et la Société
Peugeot, entreprise privée. Le client qui achète une Frégate
ou celui qui achète une 403 se trouvent dans des situations
analogues ; les ouvriers des Usines de Boulogne-Billancourt et
ceux des Usines de Montbéliard se trouvent dans des situations
analogues : seul diffère la situation de M. Dreyfus (directeur
de Renault), nommé par le gouvernement et celle de M. Peugeot,
désigné par voie héréditaire. Pour le reste, quand la Régie
Renault paie son personnel, achète des matières premières,
renouvelle ses machines, ses dépenses ne diffèrent en aucune
façon de celles des Etablissements Peugeot : la redistribution de
l'argent, pris au client et donné aux fournisseurs et aux ouvriers,
suit le même circuit (sauf qu'il n'y a pas chez Renault de
distribution aux actionnaires).
(3) Redistribution sur une échelle plus large que la redistri-
bution privée. — Les cas précédents, bien qu'assez nombreux,
demeurent exceptionnels. Dans la majorité des cas, l'argent
que l'Etat redistribue par les dépenses publiques n'a pas la
même origine que l'argent redistribué par les particuliers ou
les entreprises privées. Sans doute, les professeurs de lycées
sont payés de la même façon que les professeurs d'institutions
privées non subventionnées ; mais, l'enseignement public étant
gratuit dans sa majeure partie, le traitement de ses professeurs
vient de prélèvements opérés sur l'ensemble de la collectivité
nationale, par la voie de l'impôt; au lieu que les traitements
des professeurs d'enseignement privé viennent des sommes
payées par les élèves. Ici apparaît la signification profonde de
l'Etat dans le circuit économique et financier : la redistribution
qu'il opère est basée sur une solidarité infiniment plus large
que les redistributions privées ; elle agit dans le cadre de la
communauté nationale tout entière.
La circulation de signes monétaires et de biens, qui résulte
des redistributions privées, se fait dans le cadre d'unités
relativement petites, et surtout dans le cadre d'unités qui
s'enchaînent les unes aux autres : les salariés achètent aux
commerçants, qui achètent à leurs fournisseurs, qui achètent
aux industriels, qui versent des salaires, etc. ; toutes ces
« chaînes » s'entrecroisant : le boucher achète au boulanger qui
lui achète lui-même, les deux achetant à l'épicier, qui leur achète
aussi, etc. Au contraire, la redistribution de l'Etat a un carac-
tère global, centralisé, coordonné : tous les citoyens paient
l'impôt, l'Etat utilise les sommes ainsi prélevées (qui corres-
pondent à une restriction de consommation de la part des
contribuables) à payer les juges, les militaires, les policiers, les
constructeurs de routes, etc. Les sommes prélevées sur l'en-
semble de la collectivité nationale sont redistribuées par la voie
des dépenses publiques à diverses catégories de membres de
cette collectivité.
Cela explique la compétition qui se fait autour des dépenses
publiques : il n'y a pas ici le lien direct et personnel entre ce
qu'une personne donne et ce qu'elle reçoit. Ceux qui donnent
et ceux qui reçoivent ne sont pas les mêmes, et la solidarité
nationale tend précisément à ce que les plus pauvres, qui
donnent moins, reçoivent le plus, tandis que les plus riches qui
donnent le plus (en théorie : cf. p. 158), reçoivent le moins.
y) Les transferts proprement dits. — Dans les exemples qu'on
vient de citer, la dépense publique a tout de même une certaine
ressemblance avec la dépense privée : elle est motivée par les
services ou les biens que l'Etat reçoit en échange. Le fonction-
naire est payé en fonction du travail qu'il accomplit ; le four-
nisseur en raison des objets qu'il livre; etc. Dans une dernière
série de cas, on s'éloigne complètement du mécanisme des
dépenses privées : les dépenses publiques sont faites sans aucune
contre-partie directe de la part de celui qui en bénéficie. Citons
par exemple les subventions économiques versées à certaines
entreprises (subventions aux exportateurs par exemple) ; celles
attribuées à titre de secours à des personnes dans le besoin
(allocations de chômage) ; ou encore les dépenses de la Sécurité
sociale, dans la mesure ou elles ne sont pas couvertes par les
cotisations des affiliés.
Le mécanisme des dépenses publiques réalise ici un transfert
pur et simple de richesse : des sommes prélevées par l'impôt sur
telle ou telle catégorie sociale sont reversées à une autre caté-
gorie, sans justification du service ou du travail fourni à l'Etat
par cette catégorie. L'idée de solidarité nationale apparaît ici
avec une force encore plus grande. Bien entendu, la compétition
entre groupes sociaux (chacun tendant à obtenir le maximum
de « transferts » et à en supporter le minimum) se fait également
plus vive : même quand la solidarité nationale est profondément
ressentie par les citoyens, elle n'étouffe pas en eux tout égoïsme
individuel ou tout égoïsme de classe ; à plus forte raison, quand
elle est moins ressentie.
3° Le problème de l'utilité économique des dépenses publiques.
— Des financiers classiques auraient pu admettre, à la rigueur,
l'analyse précédente. Sans nier le phénomène de redistribution,
ils auraient répliqué en affirmant que l'usage fait par l'Etat
des sommes prélevées par lui et redistribuées par le moyen des
dépenses publiques est moins utile que l'usage qu'en auraient
fait les particuliers s'il n'y avait pas eu redistribution. Ainsi,
réapparaît la théorie de l' « Etat-trou # : l'Etat n'est pas tota-
lement un gouffre, car il est vrai que l'argent dépensé par lui
est remis en circuit. Mais il y aurait tout de même une perte
de substance économique, résultant de la différence entre le
« bon usage » qu'en auraient fait les particuliers et le « mauvais
usage » qu'en fait l'Etat, entre l'improductivité des inter-
ventions de l'Etat et la productivité de l'initiative privée : une
partie des dépenses publiques aboutirait donc à une destruction,
tomberait donc dans un « trou ».
Les financiers modernes n'admettent pas ce raisonnement.
Il y a bien longtemps que l'on a cessé de croire à la supériorité
automatique de l'initiative privée sur l'intervention publique.
En fait, l'examen objectif des faits montre que l'initiative privée
est tantôt plus efficace, tantôt moins efficace que l'intervention
de l'Etat. On peut se demander d'ailleurs si l'évolution tech-
nique, qui conduit aux grandes unités économiques, ne tend
pas à la supériorité de l'intervention publique : il est typique
que la plus grande découverte des temps modernes, l'énergie
atomique, soit le produit de l'initiative de l'Etat, et n'ait pas
pu être le résultat d'initiative privée. Quoi qu'il en soit, le pro-
blème de l'infériorité ou de la supériorité de l'intervention
publique est à examiner dans chaque cas concret.
Il y a des dépenses publiques utiles au point de vue écono-
mique, parce que leur productivité est supérieure à celle que
donnerait l'initiative privée. Par exemple, si l'Etat fait des
dépenses d'investissements productifs (constructions de bar-
rages, forages, etc.), avec des sommes que les épargnants privés
auraient thésaurisées ou placées à l'étranger, il accroît le
potentiel de production de la nation. Au lieu de disparaître
dans un « gouffre », la dépense publique ressemble en quelque
sorte à un germe planté en terre, qui produira plus qu'il n'a été
semé. La contradiction est absolue avec la conception tradi-
tionnelle, encore que les financiers classiques aient admis une
notion analogue, dans certains cas exceptionnels de dépenses
dites « rentables », financées par l'emprunt.
Il y a aussi des dépenses publiques qui ne sont pas utiles
au point de vue économique, mais qui sont utiles au point de
vue de l'intérêt général. Développer les dépenses militaires,
par exemple, c'est soustraire de l'argent, des matières premières
et des hommes à la production de biens consommables, pour les
affecter à des activités économiquement stériles. Mais, dans la
mesure où la sécurité de la nation est assurée par ce moyen, il y
a une utilité générale qui prime l'inutilité économique. Parfois
d'ailleurs, la différence entre les deux catégories est assez
difficile à faire : accroître les dépenses d'enseignement, c'est
soustraire des capitaux et du travail au circuit économique ;
mais cela peut permettre de développer la formation technique
et humaine, qui assurera un essor futur de l'économie.

§ 2. LES CATÉGORIES DE DÉPENSES PUBLIQUES


La classification des dépenses publiques présente dans les
finances modernes deux différences essentielles par rapport aux
finances classiques. D'abord, on l'a dit, son importance devient
capitale puisque la nature d'une dépense est considérée désor-
mais comme un élément essentiel du problème financier.
Ensuite, le point de vue administratif passe au second plan,
1
" THÉMIS "
LICENCE lre ANNEE (COUVERTURE JAUNE)
BARRB ( R a y m o n d ) , s o u s la d i r e c t i o n d e MARCHAI. ( A n d r é ) . —
É c o n o m i e politique. T o m e I N P . 16 »
CARBOIWIKK ( J e a n ) . — D r o i t c i v i L T o m e I : I n s t i t u t i o n s jVIU-
c i a i r e s et d r o i t c i v i l - 18,60
DUVERGER ( M . ) . — I n s t i t u t i o n s p o l i t i q u e s e t d r o i t c o n s t i t u -
tionnel - 14 »
DUVERGER ( M a u r i c e ) . — I n s t i t u t i o n s f i n a n c i è r e s - 12 »
ELLUL ( J a c q u e s ) . — H i s t o i r e d e s i n s t i t u t i o n s . T o m e *I : I n s t i t u -
t i o n s grecques, r o m a i n e s , b y z a n t i n e s , f r a n q u e s - 16,60
REUTEH ( P a u l ) . — I n s t i t u t i o n s i n t e r n a t i o n a l e s . . . . . . . . . . . . . . - 8,80

L I C E N C E 2e A N N É E (COUVERTURE VERT JADE)

BARRB (Raymond), sous la direction de MARCHAI, (André). —


Économie politique. Tome II 19 »
CARBONNIKR (Jean). — Droit civil. Tome I I : Les Biens et les
Obligations - 80 a
ELLUL (Jacques). — Histoire des institutions. Tome I I : Institu-
tions française». l'* Partie : Du Moyen Age à 1789 - 18 »
2. Partie : De 1789 à 1870 - 6 »
RIVERO (Jean) e t SAVATIER (Jean). — Droit du travail - 14 »
VEDEL (Georges). — Droit administratif. Tome I - 8,80
Tome I I - 12 »
VOUIN (R.) e t LÉAUTÉ (J.). — Droit pénal et criminologie - . - . . - 14,60

L I C E N C E 3e A N N É E (COUVERTURE GRIS FUMÉE)


BARRE (Raymond). — Fluctuations économiques (en préparation)
CARBONNIER (Jean). — Droit civil. Tome I I I (en préparation)
CORNU (Gérard) et FOYER (Jean). — Procédure civile NF. 18 »
Mise à j o w 1960 - 2,60
DOUBLET (Jacques) e t LAVAU (Georges). — Sécurité sociale.. - 16,60
DUVERGER (Maurice). — Méthodes de la science politique - 18 »
GABILLARD (Jean). — Histoire des doctrines économiques et de
la pensée économique contemporaine (en préparation)
MEHL (L.). — Science et technique fiscales. T. I et II, ensemble NF. 28 »
MERLE (Roger). — Droit pénal général complémentaire - 13 »
OURLIAC (Paul) et MALAPOSSE (Jean de). — Droit romain et
ancien droit. Tome 1 : Les Obligations - 11 *
Tome I I : Les Biens (en préparation)
PALLARD (Roger). — Droit commercial (en préparation)
PIATIER (André). — Statistique et méthodes d'observation éco-
nomique (sous presse)
REUTER (Paul). — Droit international public NF. 18 »
TOUCHARD (Jean), BODIN (Louis), JEANNTN (Pierre), LAVAU
(Georges) et SIRINELLI (Jean). — Histoire des idées politiques.
Tome 1 : Des origines au XVI JIe siècle . . . . . . . . . . . . . . — 12 *
Tome I I : Du X V Ille siècle à nos jours - 16 *
V r r u (André). — Procédure pénale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . : . - 14 .
( S u i t e en p a g e 3 de c o u v e r t u r e . )

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1960 - Mo, l'IEssEs \JNVRSITAJm OCFUNCE . VMOME t-MNCa
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