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LECTURE LINÉAIRE 15

ALBERT CAMUS (1913-1960), Noces, 1938.


Noces à Tipasa

Introduction:

Albert Camus, né en 1913 et décédé en 1960, est un écrivain, philosophe et


journaliste français qui a reçu le prix Nobel de la littérature. En 1938, peu avant de
quitter l’Algérie, il publie Noces: un recueil de récits autobiographiques dans lequel il
exprime son amour pour son pays natal.
Nous étudions un extrait du premier récit de ce recueil intitulé “Noces à
Tipasa”. Albert Camus nous raconte les balades qu’il faisait à Tipasa, une petite ville
située au nord de l’Algérie, sur la côte méditerranéenne. Il nous partage avec passion
ses magnifiques paysages, ses ruines romaines, et surtout le bonheur que lui procure
cet endroit.

Problématique:

En quoi le paysage de Tipasa est-il une thérapie pour Albert Camus?

Mouvements:

I- Le mal-être de l’écrivain
début → “retrouver sa mesure profonde.”

II-L’apaisement que lui procure le paysage de Tipasa


“Mais à regarder l’échine solide du Chenoua” → fin

I- Le mal-être de l’écrivain

→ Le passage s’ouvre sur une phrase exclamative introduite par l'adverbe


exclamatif “que”. Cette phrase au registre lyrique traduit l'enthousiasme d’Albert
Camus à parler de sa terre natale. Il fait une énumération scandée par l’anaphore de
la préposition “à” de ses occupations préférées à Tipasa. “à écraser les absinthes, à
caresser les ruines, à tenter d'accorder ma respiration aux soupirs tumultueux du
monde”

→ Le verbe “caresser” qui renvoie à la douceur montre l’affection de l’auteur pour


ces ruines.
→ L’écrivain emploie une synesthésie: le participe passé “enfoncé” qui évoque le
sens du toucher introduit une sensation olfactive “les odeurs sauvages”. Le sens de
l'odorat est également suggéré par les absinthes qui dégagent une forte odeur.

→ Le terme “enfoncé” introduit également une sensation auditive “les concerts


d’insectes”. La mélodie de Tipasa est mise en valeur par une allitération en “s”
“odeurs sauvages et les concerts d'insectes somnolents” qui restitue le chant des
insectes. L'évocation de ces différents sens prouve que Tipasa offre un spectacle
sensoriel complet.

→ On retrouve une hyperbole qui témoigne de la forte chaleur de ce village Algérien.


“la grandeur insoutenable de ce ciel gorgé de chaleur”. Albert Camus semble même
souffrir comme le laisse entendre l’adjectif “insoutenable” qui signifie
“insupportable”.

→ “Ce n'est pas si facile de devenir ce qu'on est, de retrouver sa mesure profonde.”
Cette phrase négative nous apprend que l’écrivain a du mal à bien se connaître et
qu’il recherche l’authenticité. Il emploie le présent de vérité générale pour donner
une portée universelle au texte.

Transition: Dans ce premier mouvement, Albert Camus nous partage son mal-être.
Toutefois, le paysage de Tipasa semble l’apaiser comme nous allons le voir dans ce
deuxième mouvement.

II-L’apaisement que lui procure le paysage de Tipasa

→ Il y a une rupture dans le texte avec la conjonction de coordination d'opposition


“mais”.

→ Albert Camus personnifie la montagne en lui attribuant une colonne vertébrale


“l'échine solide du Chenoua” C’est cette montagne qui l’apaise comme l’illustre
l’expression “mon cœur se calmait d'une étrange certitude”. Il est enfin sur de lui. Ce
sentiment est rare comme le laisse entendre l'adjectif “étrange”, c’est-à-dire
“inhabituel”.

→ L’écrivain emploie une énumération au rythme ternaire scandée par l’anaphore


du pronom personnel “je”. “J'apprenais à respirer, je m'intégrais et je
m'accomplissais”. Il apprend la base de la vie: la respiration. Il s’intègre, il se fond
dans la nature. Et il se réalise pleinement. Celà témoigne de son ouverture au monde.
→ Le verbe d’action “gravissais” laisse entendre la détermination de l’auteur. Cette
volonté est mise en valeur par l’expression “l’un après l’autre” qui implique qu’il
surmonte plusieurs collines pour obtenir sa “récompense”. De plus, l’imparfait à
valeur d’habitude montre qu’Albert Camus faisait souvent ces randonnées à Tipasa.

→ Les récompenses sont en fait des monuments comme l’indique le champ lexical de
l’architecture composé de “temple”, “colonnes”, “murs”, “vérandas”, “basilique”

→ La récompense est également la vue spectaculaire que lui offre cet endroit. Il peut
voir “le village entier”. Le sens visuel de l’auteur est charmé par ces magnifiques
décors comme l’illustre le champ lexical des couleurs composé des adjectifs
“blancs”, “roses” et “vertes”. Albert Camus nous livre une véritable description
pittoresque de ce village Algérien.

→ Albert Camus fait une personnification des colonnes du temple qui “mesurent la
course du soleil”. Il fait peut-être allusion aux ombres des colonnes qui changent en
fonction de la position du Soleil à différents moments de la journée. L’écrivain semble
ainsi passer beaucoup de temps dans ce temple.

→ Il fait ensuite une personnification de la basilique “elle a gardé ses murs”. Ce


procédé met en valeur la résistance du monument qui a fait face à de nombreuses
guerres depuis sa construction au 4ème siècle. Et l’expression “pour la plupart à peine
issus de la terre dont ils participent encore.” laisse entendre que les cadavres ne sont
même pas ceux d’hommes Algériens.

→ L’alternance entre le passé composé “Ils ont contenu des morts” et le présent de
description “il y pousse des sauges et des ravenelles” oppose la condition éphémère
de l’homme à la renaissance éternelle de la nature.

→ Albert Camus emploie une nouvelle synesthésie. Le verbe “regarder” qui évoque
la vue introduit une sensation auditive: celle de la “mélodie du monde”.

→ Les “coteaux plantés de pins et de cyprès” nous rappelle que ce magnifique village
se trouve en Algérie qui a un climat chaud et sec. On retrouve d’ailleurs une
allitération en “p” qui semble restituer la mélodie du monde qu’évoque Camus.

→ On retrouve une personnification de la mer “la mer qui roule ses chiens blancs” et
une métaphore qui assimile les vagues écumeuses à des chiens blancs. Les
nombreuses personnifications de ce texte insiste sur le caractère familier de ce
paysage méditernannéen: on comprend qu’Albert Camus s’y sent chez lui.
→ On retrouve une riche allitération en “s” qui restitue le souffle du vent. “La
colline qui supporte Sainte-Salsa est plate à son sommet et le vent souffle plus
largement à travers les portiques. Sous le soleil du matin, un grand bonheur se balance
dans l'espace…”

→ Ce passage s’achève sur une personnification du bonheur “un grand bonheur se


balance dans l'espace”. Cette balade matinale à Tipasa, a procuré un immense bonheur
à Albert Camus, mais également un sentiment de liberté comme le laisse entendre le
mot “espace”.

Conclusion:

Il y a une évolution au fil du texte: au début, l’auteur semble souffrir, puis il s’apaise
en admirant le magnifique paysage de Tipasa, et une fois au sommet de la colline de la
Sainte-Salsa, l’auteur admet qu’il est heureux. On comprend qu’il s’agit d’une routine,
une thérapie pour Albert Camus qui souffre de tuberculose depuis ses 17 ans.

Ouverture:

Ce texte peut nous faire penser au récit autobiographique Printemps de la Riviera issu
des Vrilles de la Vignes, dans lequel Colette partage également son amour pour sa terre
natale: la Bourgogne.

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