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Chapitre 57 de Gargantua :

Introduction :

Ce texte est le chapitre 57 de l’œuvre de Rabelais, Gargantua. François Rabelais est connu pour être
l’un des grands humanistes du XVIe siècle, à un moment où les intellectuels retrouvent la foi en
l’homme et un appétit de savoir. Gargantua, qu’il publie en 1534, deux ans après Pantagruel, est
considéré comme une œuvre majeure de la Renaissance, car elle regroupe nombre des thèmes qui
caractérisent cette période, comme l’idée que l’homme est fondamentalement bon car Rabelais fait
partie du mouvement littéraire de l’humanisme. Cet extrait sur « l‘Abbaye de Thélème » est situé à la
toute fin du roman (au chapitre 57), après la victoire de Gargantua sur Pichrocole. En guise de
remerciement, Gargantua autorise Frère Jean à fonder une abbaye, décrite ici par Alcofribas. François
Rabelais, qui a été moine franciscain puis bénédictin, en profite pour proposer son abbaye idéale.

Lecture de l’extrait.

Problématique : Pourquoi peut-on dire que l’abbaye de Thélème est une utopie ? Et en quoi ce
passage est-il représentatif de l’idéal humaniste de Rabelais ?

1. Une description idyllique

La principale caractéristique de la vie des Thélémites semble être leur totale liberté, comme le
montre leur maxime, « Fais ce que voudras » qui est ici une devise du monastère très libertine.La
liberté et le choix sont des thèmes majeurs du passage : « selon leur volonté et leur libre arbitre »
(première phrase), « quand bon leur semblait », « quand le désir leur en venait », « les gens libres »,
« cette liberté même » (début du deuxième paragraphe) : la vie des Thélémites est dictée par leurs
simples désirs, cela évoque leur liberté et leur libre-arbitre.La répétition du mot « nul » montre qu’ils
ne sont soumis à aucun joug ni tutelle et sont libres de leurs mouvements.

Selon Rabelais je cite : « Les gens libres […] éloigne du vice ».-> C’est de l’absence totale de
contraintes que naît « la vertu », selon Rabelais, car l’homme libre a « par nature » une inclination à
la vertu, c’est-à-dire que si on lui donne le choix, il optera forcément pour le bien.- Ce passage est
marqué par le registre épidictique, c’est-à-dire le genre dublâme ou de l’éloge. Ici, il s’agit clairement
d’un éloge, comme le montre les nombreux adjectifs et termes mélioratifs : « bien nés », « bien
éduqués», « bonne société », « vivant en bonne société ». -> Cette énumération des qualités des
Thélémites semble faire d’eux une élite à part entière.Cependant, il convient de remarquer que tous
les Thélémites sont des gens « bien nés », c’est-à-dire venant de familles aristocratiques, pour
lesquels « l’honneur » est une vertu fondamentale (c’est elle qui « les éloigne du vice »). L’abbaye
semble ainsi être réservée aux nobles (tout comme les moines de l’époque étaient issus de
l’aristocratie), et ne concerne donc qu’une élite.- Les Thélémites ne sont pas individuels : « Grâce à
cette liberté, ils rivalisèrent d’efforts […] ». -> Cette structure illustre bien le « vivre ensemble » : pas
de domination entre les résidents. Champs lexical mélioratifs : la parfaite symbiose entre les
Thélémites permet une édification à grande échelle. Ici le travail de groupe est valorisé pour montrer
au lecteur que l’individualité renferme les âmes alors qu’une collectivité où le partage du savoir est la
meilleure solution.Il est important de noter que dans l’abbaye de Thélème, personne ne respecte les
trois vœux traditionnels : pauvreté, chasteté et obéissance. Rabelais semble bien faire ici la parodie
d’une abbaye traditionnelle. Les hommes et femmes semblent richement vêtus (« belles haquenées
») : il n’y a donc pas d’habit imposé et le vœu de pauvreté n’est pas respecté. Par ailleurs, ils ne se
privent de rien : ils ont à boire et à manger à foison : ils « boivent » et « chassent »
L’importance de l’éducation est renforcée par l’adverbe « si » : « si bien éduqués » (début troisième
paragraphe).Les Thélémites jouissent d’une éducation complète et variée, avec de nombreuses
activités d’ordre intellectuel, qui rappellent l’éducation humaniste que Gargantua a reçue de
Ponocrates : lecture (« lire »), pratique d’un instrument (« jouer d’instruments de musique »),
connaissance des langues étrangères (« parler 5 ou 6 langues ») et composition (« pour composer en
vers aussi bien qu’en prose »). -> La gradation : « lire, écrire […] qu’en prose » valorise les Thélémites :
chaque savoir-faire semble plus impressionnant encore que le précédent.L’anaphore « jamais on ne
vit » (répété deux fois dans le troisième paragraphe) démontre que les Thélémites sont des hommes
et femmes d’exception, mais ces hyperboles nous indiquent aussi que cette description est
idéaliste.Cette éducation intellectuelle est complétée par une éducation du corps avec champs lexical
des activités : sorties de chasse, entraînement au combat pour les garçons (« maniant si bien les
armes »), activités manuelles (couture : « habiles de leurs doigts à tirer l’aiguille ») pour les filles.
Toutes ces activités se déroulent en groupe, et personne n’est laissé de côté : les femmes participent
elles aussi. Il est à noter que c’est la volonté de « faire plaisir » qui motive toutes leursactions, et non
la compétition : Rabelais dépeint ainsi un idéal de vie en communauté fondé sur la collaboration et
sur la croyance que la liberté conduit forcément l’homme vers le bien.Le dernier paragraphe
commence par ls mots suivants : « Pour ces raison … ». Cela nous explique que les Thélémites se
marient ensemble parce qu’il est difficile de trouver meilleur conjoint ailleurs.-> Rappelle que
l’abbaye est un lieu à part, hors norme.

Conclusion : On peut conclure en expliquant tout d’abord que dans l’abbaye de Thélème, personne ne
respecte les trois vœux traditionnels : pauvreté, chasteté et obéissance. Rabelais semble bien faire ici
la parodie d’une abbaye traditionnelle. Les hommes et femmes semblent richement vêtus (« belles
haquenées ») : il n’y a donc pas d’habit imposé et le vœu de pauvreté n’est pas respecté. Par ailleurs,
ils ne se privent de rien : ils ont à boire et à manger à foison, des chevaux, des chiens et des oiseaux
pour les courses, des instruments de musique…Il ne semble pas y avoir de hiérarchie, puisque tous
sont libres et égaux, et n’obéissent qu’à leurs désirs : c’est la liberté qui dicte la vie en communauté,
et non un abbé tout-puissant.La mixité est autorisée, contrairement aux abbayes, uniquement
masculines (les femmes vont dans les couvents). À aucun moment, il n’est question de prières, de
messes ou d’études bibliques – ce que faisaient lesmoines dans les abbayes. D’ailleurs, les Thélémites
ont la possibilité de quitter l’abbaye de Thélème, ce qui n’est pas le cas des moines qui ont prononcé
leurs vœux.Texte intéressant très représentatif de l’état d’esprit de la Renaissance qui cherche à
innover dans tous les domaines [rapports hommes/femmes, Hommes/Dieu] en intégrant toutes les
données du passé [Antiquité + Christianisme + Moyen Age].La place de cet extrait, en toute fin du
roman, en fait un passage clé dans l’œuvre. Il ne s’agit pas seulement de conclure Gargantua, mais
d’exposer à travers cette utopie les défaillances du système monacal et de proposer un idéal de la vie
en communauté, qui, loin de se confiner aux abbayes, peut être étendu à l’ensemble de la
société.Rabelais nous montre son attachement aux valeurs humanistes de confiance en l’homme,
naturellement bon, et l’importance de l’éducation, bien qu’il semble limiter son utopie à la noblesse

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