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To cite this article: N. Vartanian & G. Lemée (1984) La notion d'adaptation à la sécheresse,
Bulletin de la Société Botanique de France. Actualités Botaniques, 131:1, 7-15, DOI:
10.1080/01811789.1984.10826628
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Depuis les premieres définitions et terminologies établies pour qu'un langage
scientifique unifié explicite sans ambiguïté le sens des mots adaptation et résistance à
la sécheresse, une certaine confusion s'est glissée qui ne se dissipe pas avec les nou-
veaux ouvrages paraissant régulièrement sur le sujet. Des contradictions et des impréci-
sions subsistent encore au niveau des concepts, rendant souvent la comparaison difficile
8 ACTUALITf;S BOTANIQUES
entre des travaux publiés par des auteurs différents, notamment à propos des effets de
contraintes hydriques à plus ou moins long terme sur les réactions des végétaux. Les
notions d'adaptation et de résistance ne sont pas toujours claires, ces termes étant par-
fois employés de façon équivoque l'un à la place de l'autre.
L'adaptation se traduit, en réponse à la contrainte, par une succession de modifi-
cations aux niveaux cellulaire, sub-cellulaire et moléculaire qui sont dépendantes des
potentialités génétiques de 1'espèce (De marly, 1984 ). Les réorientations métaboliques
induites aboutissent à des transformations morphologiques et physiologiques détermi-
nant une résistance plus ou moins achevée et efficace de l'individu à la contrainte.
L'adaptation correspond donc à une dynamique réactionnelle dont la résultante
est la résistance.
Bien que parfois critiqué sur le plan scientifique comme philosophique (Kramer,
1980) le terme de «stratégie» paraît, dans une approche anthropomorphique, permettre
de qualifier les modalités différentes par lesquelles les végétaux réalisent et atteignent
les divers niveaux de résistance rencontrés dans la nature. Il faudra par ailleurs recher-
cher et recenser les mécanismes mis en jeu dans les processus adaptatifs qui confèrent
à 1'espèce cette résistance.
Depuis Maximov (1929), on a coutume de diviser les végétaux suivant les besoins
en eau requis pour accomplir leur cycle de développement, en Hygrophytes, Mésophy-
tes, Xérophytes, les limites entre ces différentes catégories étant floues et difficiles à
établir.
En première analyse, on peut considérer que les espèces appartenant au groupe
des Xérophytes, plantes de régions ou de stations arides, sont préadaptées à la séche-
resse, c'est-à-dire qu'elles ont acquis au cours de l'évolution et sous la pression de
sélection de l'environnement des mécanismes très divers leur permettant de résister au
manque d'eau.
A 1'opposé de ces Xérophytes, dont les caractères de résistance sont fixés et héré-
ditaires, il existe, dans le groupe des Mésophytes, des espèces dont le potentiel généti-
que autorise une adaptation progressive à une contrainte hydrique survenant de façon
imprévisible dans le milieu, en développant des mécanismes de résistance qui peuvent
être similaires à ceux rencontrés chez les Xérophytes. Ces réactions sont donc détermi-
nées génétiquement et conduisent à des modifications phénotypiques qui peuvent être
réversées par un changement du facteur inducteur. Dans cette catégorie il faudra bien
distinguer, ainsi que le font remarquer Hanson et Hitz (1981), les modifications adapta-
tives qui reflètent des remaniements métaboliques précis et ordonnés et constituent 1'a-
daptation à proprement parler, des «dérangements» ou «dérèglements» dus à l'agression
et aux lésions causées par une contrainte brutale en des points vulnérables du métabolis-
me. Ceci revient donc encore à insister sur la différence entre contrainte hydrique pro-
gressive inductive et révélatrice des potentialités morphogènes du génôme et contrainte
brutale, ou déficit à court terme (le plus souvent qualifié à tort de «stress» hydrique),
déclenché par une demande en eau qui dépasse, dans le temps et dans l'espace, les li-
mites de régulation de l'espèce. Le contexte d'adaptation sensu stricto ne prend en
considération que le premier de ces aspects.
Que l'espèce soit préadaptée ou susceptible de s'adapter, les stratégies et méca-
nismes développés en relation avec la carence hydrique ont donné lieu à de nombreux
essais de classification, dont la plus complète et perfectionnée, mais aussi la plus com-
plexe, est sans doute celle de Levitt, qui n'a cessé d'être affinée depuis son origine
(1951, 1956, 1972, 1980). Afin de dégager l'essentiel, un schéma simplifié peut résumer
N. VARTANIAN ET G. LEMEE 9
A partir d'une telle définition, Levi tt (1980) considère qu'il existe effective-
ment 2 possibilités :
- f:viter la contrai•.te (Stress avoidance) ce qui revient à réduire ses effets par la
production de ''barrières» entre l'environnement contraignant et les cellules de l'orga-
nisme vivant.
- Tolérer la contrainte (Stress tolerance) qui définit les propriétés particuliè-
res des cellules de 1'organisme exposées à la contrainte mais la supportant sans souf-
frir de déformations destructrices.
Les solutions adoptées pour éviter une contrainte spécifique peuvent être multi-
ples. Par contre, la tolérance à la contrainte consiste en deux principes essentiels, indé-
pendants de la nature de la contrainte : 1'organisme résistant pourra tolérer cette con-
trainte en réduisant au maximum les déformations induites par unité de contrainte («Stress
avoidance» à nouveau) ou supporter cette déformation, potentialité exceptionnelle vis-
à-vis d'une situation qui serait fatale à tout autre organisme moins résistant.
Levitt (1980) résume ainsi les 4 types de base de la résistance à la sécheresse
chez les végétaux :
Résister à la contrainte
Réversibilité de Réparation de
la déformation la déformation
Levitt insiste sur le fait que ces notions sont très précises et ne devraient pas
être usitées inconsidérément sans connaître avec certitude ce qu'elles recouvrent exacte-
ment. Ainsi, le terme de «Stress tolerance» est-il souvent employé sans savoir si le
«Stress» est bien réellement et effectivement toléré au niveau interne. Ceci est impor-
tant car le «Stress tolerance» implique un état d'équilibre avec l'environnement alors
que le «Stress avoidance» nécessite que la plante développe des mécanismes visant à
éviter d'atteindre cet équilibre en se maintenant dans un «état conservatif» (steady
state).
10 ACTUALITËS BOTANIQUES
PENDANT LE DESSECHEMENT
Contrainte modérée_
~ -
x ?
?_
~ ou
~---- - ---
activation des gènes répression des gènes responsables
liés à la tolérance de la croissance active
iRNA spécifiques
.• ,.
Isoprotemes sta bi es a'1 a contramte
.
Contrainte sévère
' . ~d es protemes
denaturatwn ,.
dégradation membranaire partielle
DESSICCATION EXTREME
. . t
cessation quasi tot.ue d u meta
' b o ,.Isme
PENDANT LA Rf:HYDRATATION
reprise du métabolisme rémanent
(respiration, reprise minimale de synthèse protéique)
- L
· comp,,ete d es mecarusmes
renovation - d e syn th'ese proteique
--
* acide abscissique
Fig. 1
N. VARTANIAN ET G. LEMtE 13
*Il faut signaler que certaines terminologies adoptent encore actuellement un schéma un
peu différent, pouvant prêter à confusion, à propos des notions : éviter et tolérer. Pour Levitt
(1980), le terme de «stress avoidance», ou «drought avoidance», signifie bien éviter la déshydrata-
tion en maintenant un niveau élevé de potentiel hydrique dans les tissus. D'autres auteurs, tels
Kramer (1980) et Jones et coll. (1981), considérant le terme «drought avoidance» dans son sens
littéral et estimant que la plante fixée dans son milieu ne peut en réalité éviter la sécheresse, si ce
n'est en lui échappant (drought escape), parlent plutôt de «tolérance», à un niveau de potentiel
hydrique élevé, qu'ils opposent à la «tolérance», à un niveau de potentiel hydrique bas, ( «drought
tolerance» de Levitt). Les définitions de Levitt cependant, nous paraissent traduire plus précisément
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