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Bulletin de la Société Botanique de France.

Actualités
Botaniques

ISSN: 0181-1789 (Print) (Online) Journal homepage: https://www.tandfonline.com/loi/tabg18

La notion d'adaptation à la sécheresse

N. Vartanian & G. Lemée

To cite this article: N. Vartanian & G. Lemée (1984) La notion d'adaptation à la sécheresse,
Bulletin de la Société Botanique de France. Actualités Botaniques, 131:1, 7-15, DOI:
10.1080/01811789.1984.10826628

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Bull. Soc. bot. Fr., 131, Actual. bot., 1984 (1), 7-15

La notion d'adaptation à la sécheresse.

par N. VARTANIAN et G. LEMEE

Laboratoire du Phytotron, C.N.R.S, Gif-sur- Yvette, France


Laboratoire d'Ecologie végétale, Université de Parix Xl, 91405 Orsay, France

Résumé.- La notion d'adaptation à la sécheresse est explicitée en termes de dynamique


réactionnelle à la contrainte hydrique. Les modalités très diverses par lesquelles elle s'exprime
constituent autant de stratégies de résistance au facteur contraignant. Deux types majeurs d'adapta-
tion, résultant de la spécificité de la réponse au concept physique de contrainte, peuvent être distin-
gués : éviter la déshydratation et maintenir l'organisme dans un état conservatif, à un niveau de po-
tentiel hydrique élevé, ou tolérer la déshydratation et l'abaissement du potentiel hydrique dans
les tissus, ce qui implique la mise en équilibre avec l'environnement. De même que la résistance
globale des végétaux qui en découle diffère considérablement dans son résultat essentiel, les méca-
nismes mis en jeu dans ces deux types de régulation apparaissent, dans l'état actuel des connaissan-
ces, fondamentalement différents : tolérer la déshydratation est un caractère primitif, lié aux pro-
priétés intrinsèques du protoplasme, éviter la déshydratation résulte d'une évolution continue, qui
se perfectionne, dans la conquête du milieu terrestre.
Le dilemne de base : survie ou production, est lié à l'équilibre entre ces modalités adapta-
tives.

Summary.- The concept of drought adaptation is discussed in terms of dynamic reaction,


or strain, as a response to an environmental water stress. As a result of structural and functional
modifications induced, different strategies may contribute to drought resistance. However, two
major types of drought adaptation may be found : drought avoidance, which supposes that the
plant is able to erect barriers between its living matter and the environment, enabling the mainte-
nance of a steady state water potential (homoiohydry) and drought tolerance (poikilohydry) which
implies to withstand the equilibrium of water potential with the environment.
Avoidance of the dehydration strain, a characteristic of higher plants, is attained through
numerous ways, largely morphological and anatomical in nature, while dehydration tolerance, a
more primitive adaptation, typical of lower terrestrial organisms, depends on specifie, intrinsic
properties of the protoplasm. Wh ether total drought resistance results mostly in survival or produc-
tivity will depend on the equilibrium between the different adaptive stategies.

*
**
Depuis les premieres définitions et terminologies établies pour qu'un langage
scientifique unifié explicite sans ambiguïté le sens des mots adaptation et résistance à
la sécheresse, une certaine confusion s'est glissée qui ne se dissipe pas avec les nou-
veaux ouvrages paraissant régulièrement sur le sujet. Des contradictions et des impréci-
sions subsistent encore au niveau des concepts, rendant souvent la comparaison difficile
8 ACTUALITf;S BOTANIQUES

entre des travaux publiés par des auteurs différents, notamment à propos des effets de
contraintes hydriques à plus ou moins long terme sur les réactions des végétaux. Les
notions d'adaptation et de résistance ne sont pas toujours claires, ces termes étant par-
fois employés de façon équivoque l'un à la place de l'autre.
L'adaptation se traduit, en réponse à la contrainte, par une succession de modifi-
cations aux niveaux cellulaire, sub-cellulaire et moléculaire qui sont dépendantes des
potentialités génétiques de 1'espèce (De marly, 1984 ). Les réorientations métaboliques
induites aboutissent à des transformations morphologiques et physiologiques détermi-
nant une résistance plus ou moins achevée et efficace de l'individu à la contrainte.
L'adaptation correspond donc à une dynamique réactionnelle dont la résultante
est la résistance.
Bien que parfois critiqué sur le plan scientifique comme philosophique (Kramer,
1980) le terme de «stratégie» paraît, dans une approche anthropomorphique, permettre
de qualifier les modalités différentes par lesquelles les végétaux réalisent et atteignent
les divers niveaux de résistance rencontrés dans la nature. Il faudra par ailleurs recher-
cher et recenser les mécanismes mis en jeu dans les processus adaptatifs qui confèrent
à 1'espèce cette résistance.
Depuis Maximov (1929), on a coutume de diviser les végétaux suivant les besoins
en eau requis pour accomplir leur cycle de développement, en Hygrophytes, Mésophy-
tes, Xérophytes, les limites entre ces différentes catégories étant floues et difficiles à
établir.
En première analyse, on peut considérer que les espèces appartenant au groupe
des Xérophytes, plantes de régions ou de stations arides, sont préadaptées à la séche-
resse, c'est-à-dire qu'elles ont acquis au cours de l'évolution et sous la pression de
sélection de l'environnement des mécanismes très divers leur permettant de résister au
manque d'eau.
A 1'opposé de ces Xérophytes, dont les caractères de résistance sont fixés et héré-
ditaires, il existe, dans le groupe des Mésophytes, des espèces dont le potentiel généti-
que autorise une adaptation progressive à une contrainte hydrique survenant de façon
imprévisible dans le milieu, en développant des mécanismes de résistance qui peuvent
être similaires à ceux rencontrés chez les Xérophytes. Ces réactions sont donc détermi-
nées génétiquement et conduisent à des modifications phénotypiques qui peuvent être
réversées par un changement du facteur inducteur. Dans cette catégorie il faudra bien
distinguer, ainsi que le font remarquer Hanson et Hitz (1981), les modifications adapta-
tives qui reflètent des remaniements métaboliques précis et ordonnés et constituent 1'a-
daptation à proprement parler, des «dérangements» ou «dérèglements» dus à l'agression
et aux lésions causées par une contrainte brutale en des points vulnérables du métabolis-
me. Ceci revient donc encore à insister sur la différence entre contrainte hydrique pro-
gressive inductive et révélatrice des potentialités morphogènes du génôme et contrainte
brutale, ou déficit à court terme (le plus souvent qualifié à tort de «stress» hydrique),
déclenché par une demande en eau qui dépasse, dans le temps et dans l'espace, les li-
mites de régulation de l'espèce. Le contexte d'adaptation sensu stricto ne prend en
considération que le premier de ces aspects.
Que l'espèce soit préadaptée ou susceptible de s'adapter, les stratégies et méca-
nismes développés en relation avec la carence hydrique ont donné lieu à de nombreux
essais de classification, dont la plus complète et perfectionnée, mais aussi la plus com-
plexe, est sans doute celle de Levitt, qui n'a cessé d'être affinée depuis son origine
(1951, 1956, 1972, 1980). Afin de dégager l'essentiel, un schéma simplifié peut résumer
N. VARTANIAN ET G. LEMEE 9

ces modalités à 2 types fondamentaux qui résultent de la spécificité de la réponse au


concept physique de contrainte (stress) :
Stress (Foree)
M (Module d'élasticité)=
Strain (Déformation)
Par analogie, dans un système biologique :
Stress (Contrainte)
R (Résistance à la contrainte)=
Strain (Réaction)
Stress= tout facteur externe agissant sur un organisme vivant
Strain = toute modification physique ou chimique produite par le stress.

A partir d'une telle définition, Levi tt (1980) considère qu'il existe effective-
ment 2 possibilités :
- f:viter la contrai•.te (Stress avoidance) ce qui revient à réduire ses effets par la
production de ''barrières» entre l'environnement contraignant et les cellules de l'orga-
nisme vivant.
- Tolérer la contrainte (Stress tolerance) qui définit les propriétés particuliè-
res des cellules de 1'organisme exposées à la contrainte mais la supportant sans souf-
frir de déformations destructrices.

Les solutions adoptées pour éviter une contrainte spécifique peuvent être multi-
ples. Par contre, la tolérance à la contrainte consiste en deux principes essentiels, indé-
pendants de la nature de la contrainte : 1'organisme résistant pourra tolérer cette con-
trainte en réduisant au maximum les déformations induites par unité de contrainte («Stress
avoidance» à nouveau) ou supporter cette déformation, potentialité exceptionnelle vis-
à-vis d'une situation qui serait fatale à tout autre organisme moins résistant.
Levitt (1980) résume ainsi les 4 types de base de la résistance à la sécheresse
chez les végétaux :
Résister à la contrainte

f:viter la contrainte Tolérer la contrainte

f:viter la déformation Tolérer la déformation

Réversibilité de Réparation de
la déformation la déformation

Levitt insiste sur le fait que ces notions sont très précises et ne devraient pas
être usitées inconsidérément sans connaître avec certitude ce qu'elles recouvrent exacte-
ment. Ainsi, le terme de «Stress tolerance» est-il souvent employé sans savoir si le
«Stress» est bien réellement et effectivement toléré au niveau interne. Ceci est impor-
tant car le «Stress tolerance» implique un état d'équilibre avec l'environnement alors
que le «Stress avoidance» nécessite que la plante développe des mécanismes visant à
éviter d'atteindre cet équilibre en se maintenant dans un «état conservatif» (steady
state).
10 ACTUALITËS BOTANIQUES

La tolérance à la contrainte paraît être la forme la plus primitive de l'adapta-


tion. Les végétaux inférieurs possèdent exclusivement cette modalité de résistance,
alors que les végétaux supérieurs résistent essentiellement en évitant la déshydrata-
tion. En fait, entre ces deux catégories, une notion de durée des réactions adaptati-
ves doit intervenir. Les végétaux inférieurs soumis à des fluctuations rapides de l'en-
vironnement n'ont pas le temps de mettre en jeu des mécanismes à long terme. Au
contraire les végétaux supérieurs, déjà adaptés au milieu terrestre, peuvent compléter
et perfectionner, par des réajustements métaboliques internes, les mécanismes de capta-
tion et de conservation de l'eau déjà existants. Ëviter la déshydratation représenterait
en outre un ensemble de processus adaptatifs plus efficaces, permettant aux plantes,
non seulement de survivre à la contrainte, mais aussi d'achever leur cycle de dévelop-
pement. La tolérance n'autorise que la survie, donc l'attente de conditions favorables
pour reprendre la croissance, le métabolisme et le développement interrompus. Par
analogie avec l'évolution de la thermorégulation chez les animaux, il semblerait que
l'évolution, dans l'adaptation à la sécheresse des végétaux, se soit produite dans le
sens de la tolérance (poikilohydrie) vers la capacité à éviter les pertes (homéohydrie).
Les plantes évitent la sécheresse, soit en lui échappant (drought escape) grâce à
des particularités de leur cycle de développement, soit par des modifications qui peu-
vent, en première approximation se ranger dans 2 types :éviter les pertes en eau (water
savers, selon la définition de Maximov, 1929) ou augmenter l'absorption (water spen-
ders de Maximov).
Echapper à la sécheresse est une potentialité spécifique d'annuelles désertiques,
les Thérophytes Ephémérophytes et de Géophytes (bulbeuses ou rhizomateuses) qui
effectuent leur cycle de développement pendant les courtes périodes de moindre déficit
hydrique et sont donc conditionnés aux pluies irrégulières. Leur adaptation essentielle
réside dans la vitesse et la précocité de germination, de croissance, de floraison et de
fructification : l'important pour la survie de l'espèce étant de parvenir à la production
de graines avant le retour de 1'extrême sécheresse. La possession de dormances adap-
tatives est une autre particularité de ces espèces (E:venari et coll., 1975, Lemée, 1978).
De nombreuses plantes cultivées sont susceptibles de présenter naturellement ce type
d'adaptation. Ainsi, les progrès les plus importants réalisés dans la sélection pour 1'amé-
lioration des rendements des espèces cultivées en région aride ont consisté à réduire la
durée du cycle de développement. En France, même dans les régions tempérées et
méditerranéennes, la précocité est un objectif majeur de sélection pour de nombreuses
espèces cultivées. Cependant la sélection sur ce critère peut impliquer des rendements
plus faibles au cours d'années suffisamment pluvieuses.
Eviter les pertes d'eau, fonction essentiellement due aux organes aériens, peut
comporter une seule ou combiner les 2 modalités principales : réduction des pertes et
stockage.
La réduction des pertes est effectuée par 1'acquisition de dispositifs morpholo-
giques et par des modifications métaboliques et physiologiques visant à limiter la
transpiration hien avant que ne s'installe un déficit hydrique sensible. Le principe de
hase du «Stress avoidance» étant de maintenir un potentiel hydrique élevé dans les
tissus pendant la contrainte.
Les principales modalités de réduction des pertes d'eau, très souvent décrites
(Killian et Lemée, 1956 ;Oppenheimer, 1961 ;E:venari et coll., 1975), sont les suivantes:
- diminution des surfaces évaporantes, transformations des feuilles en épines,
écailles (sclérophytes)
N. VARTANIAN ET G. LEMeE ll

sénescence et abscission précoce des feuilles, parfois de rameaux, assurant la


survie par mort partielle
- protection des stomates et des cuticules
- régulation stomatique
- métabolisme CAM, ou changement de type métabolique photosynthétique
passage du type C3 au CAM (plantes succulentes)
- augmentation de la résistance racinaire (subérisation, réduction des surfaces,
diminution de la perméabilité).
Tous les phénomènes de régulation stomatique impliquent la réalisation d'un
compromis entre la réduction des pertes transpiratoires et l'absorption du C0 2 • Dans
l'ensemble, ces modifications tendent plus à maintenir la survie de l'espèce que sa pro-
duction. Les plantes CAM notamment ont une croissance très lente et une faible pro-
ductivité (Kluge et Ting, 1978).
Le stockage de l'eau est réalisé dans des organes hypertrophiés (racines, tiges ou
feuilles) dont les parenchymes sont spécialisés dans la rétention d'eau (parenchymes
aquifères) (Killian et Lemée, 1956).
Augmenter l'absorption d'eau est une fonction dévolue exclusivement au sys-
tème racinaire, quoique l'absorption d'eau par les feuilles mérite d'être signalée, vu son
importance (Slatyer, 1967) non seulement dans les zones à brouillards de certains dé-
serts côtiers d'Afrique ou d'Amérique du Sud mais même en région tempérée, lors des
condensations de rosées nocturnes et matinales.
La morphologie, la croissance, la physiologie du système racinaire, orientées
vers une absorption d'eau maximale, confèrent à certaines espèces une particularité
adaptative à la sécheresse paradoxale : s'offrir une «consommation de luxe», aussi
importante que celle de plantes de régions humides, tout en maintenant leur turges-
cence et un potentiel hydrique élevé dans des conditions arides. Les principales modifi-
cations portent sur :
-l'extension de l'absorption en profondeur (plantes à pivot accédant aux réser-
ves profondes) et en surface (racines superficielles et extensives)
- la vitesse de croissance et de ramification des racines
-la diminution de la résistance racinaire
-l'augmentation des tissus conducteurs et l'amélioration de la conduction
hydraulique dans la plante entière
- la diminution du rapport des organes aériens aux organes souterrains.
Cette catégorie de stratégies (water spenders), en raison de ses possibilités
d'absorption aecrue, serait mieux adaptée encore que la précédente (water savers).
En outre, lorsque la contrainte devient très sévère, ces végétaux peuvent tendre aussi
vers l'économie d'eau.

La tolérance à la déshydratation fait intervenir des modalités tout à fait diffé-


rentes, dont le principe de base est la préservation de l'intégrité structurale et fonction-
nelle des tissus lorsque le potentiel hydrique s'abaisse.
La notion de tolérance est fondamentalement une propriété intrinsèque du pro-
toplasme et des organites cellulaires à supporter sans dommages une dessiccation plus
ou moins complète. C'est l'adaptation la plus primitive, déjà présente chez certaines
Cyanophycées susceptibles d'anhydrobiose et de reviviscence. La tolérance existe dans
tous les groupes de Thallophytes et se rencontre encore chez les Bryophytes (Bewley,
12 ACTUALITf:S BOTANIQUES

1979) et les Ptéridophytes (Oppenheimer, 1961). En l'absence de xylème, les cellules


des végétaux non vasculaires n'avaient aucune capacité à capter 1'eau n'étant pas directe-
ment en contact avec leurs tissus. Les espèces terrestres des végétaux non vasculaires ont
donc inévitablement été soumises à une pression de sélection intense vers la réalisation
d'une tolérance protoplasmique à la déshydratation. Confrontées à des alternances
humidité-dessèchement souvent très rapides, ces espèces n'avaient pas le temps de
mettre en jeu les processus subtils de mécanismes à long terme. Il faut donc concevoir la
tolérance comme une propriété du protoplasme existant en dehors de la contrainte,
c'est-à-dire que les composantes protoplasmiques seraient en permanence stabilisées
jusqu 'à un certain point contre les agressions physico-chimiques éventuelles liées à la
déshydratation. La préservation des polysomes pendant la dessiccation (Bewley, 1981 ),
les capacités de reprise quasi-immédiate, dans les minutes suivant la réhydratation, de la
synthèse protéique chez certaines mousses (Bewley, 1981 ; Mansour et coll., 1984)
témoignent de telles propriétés fondamentales. Ces aptitudes se rencontrent encore chez
certaines Angiospermes dites «plantes de la résurrection» (Tymms et coll., 1982), dont
une centaine d'espèces est connue actuellement, indiquant que la tolérance protoplas-
mique à la déshydratation, considérée comme exclusive des végétaux inférieurs, corres-
pond en fait à une information génétique présente également chez les végétaux supé-
rieurs (Gaff, 1980).
Un schéma hypothétique des mécanismes de tolérance à la dessiccation chez une
Angiosperme de la «résurrection» est représenté sur la figure 1 (d'après Gaff, 1980).

PENDANT LE DESSECHEMENT
Contrainte modérée_
~ -
x ?
?_
~ ou
~---- - ---
activation des gènes répression des gènes responsables
liés à la tolérance de la croissance active
iRNA spécifiques
.• ,.
Isoprotemes sta bi es a'1 a contramte
.

Contrainte sévère
' . ~d es protemes
denaturatwn ,.
dégradation membranaire partielle
DESSICCATION EXTREME
. . t
cessation quasi tot.ue d u meta
' b o ,.Isme

PENDANT LA Rf:HYDRATATION
reprise du métabolisme rémanent
(respiration, reprise minimale de synthèse protéique)
- L
· comp,,ete d es mecarusmes
renovation - d e syn th'ese proteique
--

reprise de l'ensemble du système métabolique


' . ~ genetique
reparation ' '"

* acide abscissique
Fig. 1
N. VARTANIAN ET G. LEMtE 13

Par ailleurs, hormis ces cas extrêmes, de nombreuses espèces d'Angiospermes


présentent, à des degrés divers, des capacités plus ou moins fortes à supporter des
niveaux de déshydratation relativement élevés. Les bases physiologiques des diffé-
rences de tolérance entre ces espèces doivent être recherchées au niveau moléculaire,
dans les propriétés membranaires et les activités enzymatiques.
En dehors de la tolérance protoplasmique sensu stricto, les plantes peuvent
aussi supporter la déshydratation en limitant au maximum la «déformation» (Levitt,
1980) c'est-à-dire 1'effet de la contrainte : ainsi le maintien du potentiel de turges-
cence, malgré 1'abaissement du potentiel hydrique cellulaire, est une adaptation fine
et complexe permettant de retarder l'arrêt de croissance, conséquence immédiate
d'une diminution du potentiel membranaire (Hsiao, 1973 ; Fereres, 1984). Les mé-
canismes impliqués dans le maintien du potentiel de turgescence pourraient être
liés à l'ajustement osmotique, abaissement du potentiel osmotique dû à l'accumula-
tion de solutés (Jones et Turner, 1979 ; Borowitzka, 1981 ; Jones et coll., 1981),
et aux propriétés physiques des parois cellulaires. Selon Borowitzka (1981 ), le type
de soluté accumulé pou~rait être- corrélé avec le degré de tolérance de l'organisme
considéré.
Les capacités de tolérance rencontrées dans de nombreuses espèces révèlent
des particularités correspondant à des mécanismes de régulation physiologiques tendant
également à maintenir :
- le potentiel photosynthétique, par une dissociation des réponses photosyn-
thétique et transpiratoire à la contrainte, permettant d'augmenter l'efficience de 1'eau.
C'est ainsi que les plantes à métabolisme photosynthétique en C4 se trouvent avanta-
gées par rapport aux plantes en C3 (Osmond et coll., 1980).
- le taux de synthèses protéiques pendant la contrainte, ou à supporter la
perte des protéines grâce à la mise en place de processus de réparation rapide lors de
la réhydratation (Levitt, 1980; Bewley, 1981).

En dépit de la nécessité de posséder à la fois les 2 catégories d'adaptation, tolé-


rer et éviter*, la plupart des végétaux supérieurs tendent à développer essentiellement
1'une ou 1'autre de ces formes de résistance, dont le principe se conçoit aisément : si une
espèce réussit à éviter la diminution du potentiel hydrique, la capacité protoplasmique à
tolérer la déshydratation perdra sa valeur sélective. De même si la tolérance est liée à un
endurcissement, dû à une diminution de teneur en eau sublétale, la plante qui évite la
perte d'eau ne parviendra jamais à s'endurcir. Cependant les diverses catégories d'a-
daptation décrites ne sont pas exclusives et peuvent se rencontrer dans une espèce à des
niveaux différents : organes, fonctions ou stades phénologiques. Kramer (1980), cite
1'exemple de variétés de Sorgho qui présentent une précocité de floraison ( drought

*Il faut signaler que certaines terminologies adoptent encore actuellement un schéma un
peu différent, pouvant prêter à confusion, à propos des notions : éviter et tolérer. Pour Levitt
(1980), le terme de «stress avoidance», ou «drought avoidance», signifie bien éviter la déshydrata-
tion en maintenant un niveau élevé de potentiel hydrique dans les tissus. D'autres auteurs, tels
Kramer (1980) et Jones et coll. (1981), considérant le terme «drought avoidance» dans son sens
littéral et estimant que la plante fixée dans son milieu ne peut en réalité éviter la sécheresse, si ce
n'est en lui échappant (drought escape), parlent plutôt de «tolérance», à un niveau de potentiel
hydrique élevé, qu'ils opposent à la «tolérance», à un niveau de potentiel hydrique bas, ( «drought
tolerance» de Levitt). Les définitions de Levitt cependant, nous paraissent traduire plus précisément
et rigoureusement les modalités réactionnelles et les mécanismes impliqués.
14 ACTUALITtS BOTANIQUES

escape), des systèmes racinaires extensifs ( drought avoidance) et un certain degré de


tolérance protoplasmique à la déshydratation (drought tolérance). Vieira Da Silva
(1970, 1984) a mis en évidence dans le genre Gossypium les 2 types de résistance à la
sécheresse dont 1'importance relative est variable selon 1'espèce ou la variété et déter-
mine la capacité d'adaptation à un climat donné.
Un problème important en effet, sur le plan appliqué notamment, reste la re-
cherche du ou des types d'adaptation les plus adéquats à un habitat déterminé et la
référence à l'objectif majeur : survie ou production ? La survie semble en première ap-
proximation plus fondamentale pour la végétation spontanée que pour les espèces cul-
tivées, car, soumises à une contrainte hydrique sévère, ces dernières, en région tempérée
du moins, perdent tout intérêt économique. Cependant la tolérance à la déshydratation
peut être beaucoup plus importante qu'on ne le suppose en général : non seulement
certaines espèces, telles des graminées prairiales (Ludlow, 1980) sont susceptibles de
tolérer des déficits hydriques extrêmes mais encore la reprise, après la sécheresse, peut
être améliorée par l'acquisition, pendant la contrainte, de caractéristiques morpho-
logiques et physiologiques, qui constituerait ainsi une «stratégie prévisionnelle». La
rhizogenèse de sécheresse (Vartanian, 1984) peut fournir une illustration de ce type
d'adaptation.
Dans l'optique d'amélioration et de sélection des espèces cultivées, Gaff (1980),
signale qu'il serait peut-être plus réaliste d'augmenter la productivité d'espèces possé-
dant une forte tolérance à la dessiccation plutôt que de chercher à introduire des carac-
tères permettant d'éviter la déshydratation dans des plantes productives en conditions
humides.
Ainsi que dans 1'évolution de toute discipline, au cours des quinze dernières
années, la notion d'adaptation est passée de la période descriptive et systématique à
une phase explicative, tendant hors des hypothèses spéculatives, à appréhender les méca-
nismes (Bradford et Hsiao, 1982).
Dans le cas des espèces préadaptées, deux domaines paraissent avoir été privilé-
giés dans cette voie : celui des végétaux inférieurs et des Angiospermes de la «résurrec-
tion», tolérant la déshydratation, où les connaissances commencent à devenir très pré-
cises au niveau de la régulation de la synthèse protéique et des ARN (Bewley, 1982 ;
Tymm et coll., 1982) et celui des Xérophytes à métabolisme crassulacéen, évitant la
déshydratation, où les progrès liés aux découvertes de régulation enzymatique (Kluge
et Ting, 1978 ; Queiroz, 1979) permettent d'envisager l'avenir en termes de Biologie
moléculaire.
Les problèmes les plus délicats restent sans doute ceux posés par les Mésophy-
tes susceptibles de s'adapter, pour lesquelles la question fondamentale soulevée par
Hsiao et coll. (1976) et plus récemment par Hanson et Hitz (1981) : comment laper-
ception dü signal de contrainte est-elle traduite (transduced) en termes de métabolis-
me, conserve, pour quelque temps encore, son interrogation.
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