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Chimie de l’ environnement

Université Catholique de Bukavu


G3 Envie 2018–2019

Charles Balagizi, PhD


Chargé de Recherche
Département de Géochimie et Environnement,
Observatoire Volcanologique de Goma

Département de Chimie-physique,
Institut Supérieur Pédagogique de Bukavu

Istituto Nazionale di Geofisica e Vulcanologia,


Palerme, Italie
I. 4. Substances présentes dans l’environnement

I.4.1. Notions de base

Les pollutions de l’environnement peuvent être subdivisées en :

- pollutions créées par la consommation de l’espace vital,


- pollutions physiques et
- pollutions provoquées par des substances

Cela est repris dans la Figure 5.


Figure 5. Systématique des pollutions de l’environnement.
L’importance d’une substance pour l’environnement dépend de
sa quantité et de la voie par laquelle elle parvient dans les
différents compartiments ainsi que des interactions qui ont lieu
entre elle et les êtres vivants (hommes, animaux, plantes, micro-
organismes).

Pour que des substances puissent avoir un impact, elles doivent


se partager entre les différents milieux de l’environnement: l’air,
l’eau et le sol, pour atteindre les êtres vivants.

Les composés sont transportés entre les différents


compartiments de l’environnement. Ils passent de l’un à l’autre
par des processus comme les précipitations, la dissolution, la
vaporisation, l’adsorption et la désorption (Figure 6).
Figure 12. Modèle simple concernant la répartition de substances entre les trois
compartiments de l’environnement: l’atmosphère, l’eau et le sol.
I.4.2. Transport et dispersion

Le transport des substances définit leur changement


de lieu dans l’environnement.

On parle aussi de dispersion (également appelée


souvent mobilité) et on entend par là, dans la chimie
de l’environnement, la tendance des produits
chimiques à se propager dans d’autres domaines de
l’environnement depuis l’endroit où ils ont été
appliqués ou utilisés pour la première fois.

Il s’agit donc de la capacité d’une substance de


parvenir à d’autres endroits, où elle déploiera
éventuellement ses effets ou sera transformée.
 Le transport des substances est conditionné par leur
introduction dans l’environnement.

 La plupart des composés sont introduits dans la nature et y


sont dilués, par exemple dans l’air au-dessus des cheminées
d’une unité de production ou dans le cours d’eau le plus
proche par l’intermédiaire des eaux usées.

 Les substances sont souvent introduites dans


l’environnement d’une manière diffuse: elles sont en effet
émises à partir de nombreuses sources, qui ne peuvent pas
être déterminées avec exactitude, par exemple les terpènes à
partir des arbres ou le plomb à partir des véhicules
automobiles.
La distance jusqu’à laquelle les substances sont transportées
dépend de leurs propriétés physiques (comme leur pression de
vapeur, leurs points d’ébullition et de fusion, leur solubilité dans
l’eau, leur capacité à être adsorbées, leur tension superficielle),
mais aussi de leur stabilité chimique.

Car le transport demande du temps: si les substances sont


enlevées des compartiments les plus importants, l’air et l’eau, en
des temps très courts (par exemple en quelques heures ou même
quelques minutes), donc si la durée de vie de la substance est
très courte, alors ces substances ne peuvent s’étendre que d’une
manière limitée.

Ceci signifie à contrario que les composés qui sont répandus de


manière globale doivent être suffisamment stables chimiquement.
Enfin la rapidité de transport réalisée dans un compartiment a
aussi une influence sur la distance.

Les substances sont transportées avant tout par l’atmosphère et


par le cycle de l’eau (nappe phréatique incluse); mais aussi les
organismes qui changent de lieu et les activités des êtres
humains apportent leur contribution au phénomène de transport.
(Par contre, le sol n’a pas de fonction de transport).
I.4.3. Persistance
La notion de «persistance» a été utilisée pour la première fois à
propos des pesticides; depuis lors, elle a été appliquée aussi à
d’autres substances.

La persistance est la propriété qu’ont les composés de pouvoir


rester dans l’environnement, sans être altérés par des processus
physiques, chimiques ou biologiques.

Toutes les substances inorganiques, par exemple les sels de


métaux lourds, sont en principe persistantes; elles peuvent au
plus être transformées en d’autres composés inorganiques.

Les composés se transformant en d’autres composés organiques


qui ensuite ne peuvent plus être détruits dans la nature sont
aussi considérés comme persistants.
On distingue une persistance voulue et une persistance non
désirée.

La persistance voulue est une condition importante pour qu’en


général une substance chimique puisse être utilisée: dans le cas
idéal, la persistance d’un composé est optimale lorsqu’elle dure
jusqu’à la fin de l’effet souhaité; ensuite la substance doit perdre
ses effets et pouvoir être, si possible, complètement
décomposée.

Ainsi on exige des tensioactifs qu’ils puissent rester stables


pendant leur stockage; ils ne doivent être dégradables qu’après
leur utilisation, pour qu’ils ne soient pas nocifs vis-à-vis des cours
d’eaux.

Les peintures, par ex., doivent par contre rester très longtemps
persistantes en tant que couches protectrices, afin de résister
aux intempéries et ne pas se décomposer rapidement.
La persistance des composés est en étroite relation avec leur
réactivité chimique. Par exemple:

 les composés insaturés sont moins persistants que les


saturés;

 les alcanes sont moins persistants que les aromatiques,

 la persistance des aromatiques augmente avec le nombre de


substituants

 les atomes d’halogène en tant que substituants augmentent


plus la persistance des composés que les groupements
alkyles.
I.4.4. Décomposition
Dans l’environnement, des substances peuvent être
décomposées par des voies chimiques ou biologiques,
donc être transformées en d’autres substances.

Un composé peut être considéré comme


décomposable, si, sous l’influence de
microorganismes, de lumière, d’humidité et d’autres
facteurs, il peut se transformer en espèces chimiques
plus simples existant parfois dans la nature.
Par décomposition biologique, on entend la transformation d’une
substance par l’intermédiaire d’enzymes existant dans la nature
lors du métabolisme des microorganismes, par exemple par des
bactéries dans l’épuration biologique des eaux usées ou par des
plantes.

En général de telles transformations ont lieu dans le cadre de


métabolismes qui nécessitent peu d’énergie.

Par le terme de métabolisme, on comprend toutes les


réactions chimiques ayant lieu dans l’organisme,
nécessaires au maintien des processus de la vie; ces
réactions concernent l’apport d’énergie, mais aussi
l’introduction, la transformation, la décomposition de
certains composés dans les organismes ainsi que leur
élimination et le maintien ou l’augmentation de la biomasse.
Il s’agit d’une décomposition non biologique si une substance est
décomposée sans l’influence de matière vivante.

Il y a de nombreuses voies de décomposition de ce type


envisageables et réalisables, entre autres:

- l’hydrolyse, donc la réaction avec l’eau;

- les oxydations, avec différents oxydants comme l’oxygène


moléculaire, O2; l’oxygène atomique dans son état fondamental
ou à l’état excité, respectivement O et O*; l’ozone, O3; les
radicaux OH; ou

- des réactions photochimiques.


En particulier on parle de minéralisation, quand la décomposition
d’une substance organique conduit en totalité à des composés
inorganiques de base tels que

CO2, H2O, NH4+, NO3-, H2S, PO43-.


I.4.5. Accumulation

a. Remarques préliminaires

En principe, toute substance, naturelle ou anthropogénique, peut


être absorbée par des organismes. Des substances dont un
organisme n’a pas besoin soit ne subissent pas de résorption,
soit sont désorbées de nouveau.

Si un organisme ne dispose pas de mécanismes spécifiques


soit pour empêcher sa résorption, soit pour l’éliminer une
fois qu’elle est absorbée, alors cette substance s’accumule.
Un organisme ne peut pas absorber n’importe quelle quantité
d’une substance étrangère; par contre, pour toutes les
substances, au bout d’un certain temps, il y a une limite qui est
atteinte.

On parle d’un état de saturation, lorsque l’absorption et la


désorption d’une substance se déroulent à la même vitesse («
équilibre dynamique»).

Le temps nécessaire pour atteindre cet état dépend de la


substance et de chaque genre biologique, même de l’organe
impliqué dans certains cas, et peut durer de quelques heures à
plusieurs années.
Sous le terme d’accumulation, on entend le fait que des
substances -éléments, polluants organiques, etc. -se trouvent
dans certains compartiments de l’écosystème dans des
concentrations plus élevées que dans un autre compartiment de
l’environnement ou que dans la nourriture

Lorsque, inversement, la concentration d’une substance dans un


compartiment, par exemple dans un organisme, est, à l’état
saturé, plus basse que celle qui existe dans un autre
compartiment, par exemple dans un milieu voisin ou dans la
nourriture, on parle d’appauvrissement.

Selon le compartiment dans lequel les concentrations des


composés augmentent, on distingue entre accumulation
biologique et géologique.
Tableau 1. Partage à l’équilibre de quelques substrats chimiques entre
les compartiments de l’environnement: air, eau et phase solide.
b. Accumulation biologique ou bioaccumulateurs

Lors de l’accumulation biologique (bioaccumulation), des


substances sont stockées dans les organismes parfois
seulement dans certains organes des êtres vivants c’est le cas
de quelques composés organiques étrangers accumulés dans
les organismes des espèces aquatiques ou des métaux lourds
dans le foie des mammifères.

L’accumulation des éléments ou des composés dépend de


chaque être vivant. Par exemple différentes plantes d’eau, dans
un même environnement, accumulent du potassium, du sodium,
du calcium et du silicium dans des proportions très divergentes
les unes des autres (Tableau 2).
Tableau 2. Composition de résidus d’incinération (exprimés en tant
qu’oxydes) dans différentes plantes d’eau de même environnement.

Mais aussi différents éléments, comme le sodium ou le magnésium, le phosphore ou


le fer, peuvent, au sein des mêmes organismes, être très différemment accumulés
ou soustraits (Tableau 3).
Tableau 3. Teneur en différents éléments dans l’eau de mer et dans les
copépodes (calanus finmarchicus).

aPour facteur < 1 signifie appauvrissement ;


pour Facteur > 1 signifie accumulation (confère équation de la section suivante).
La voie par laquelle la contamination parvient dans un organisme
revêt aussi une grande importance: directement à partir du milieu
environnant (eau, sol, air) ou à travers la chaîne alimentaire
(accumulation directe ou indirecte).

Par chaîne alimentaire, on entend une relation entre des êtres


vivants selon le principe « manger et être mangé»

L’enrichissement successif d’un membre de la chaîne à un autre


peut avoir pour conséquence, que, par cette voie, certains
polluants se trouvent à des concentrations particulièrement
élevées chez le dernier consommateur.

Par exemple les algues en tant que producteurs peuvent


accumuler une substance, dont la concentration peut augmenter
chaque fois à l’intérieur de consommateurs d’un ordre de plus en
plus élevé, par exemple selon la suite:
algues => daphnies => petits poissons => prédateur final
Figure 7. Chaine alimentaire dans les eaux
Pour la plupart, les êtres vivants se trouvant dans l’eau sont
victimes du processus d’accumulation, essentiellement par la
voie directe, alors que les organismes terrestres le sont à
travers la chaîne alimentaire, c’est à dire par la voie indirecte.

Il y a des systèmes biologiques qui réagissent avec une


sensibilité particulière à certains polluants (bioindicateurs) ou
qui accumulent des polluants de façon particulièrement forte
(bioaccumulateurs).

Les lichens et les mousses, qui réagissent de manière sensible


aux influences de l’environnement dans leur forme d’apparition,
appartiennent aussi à ces systèmes biologiques.

Par exemple, on peut déterminer les très faibles concentrations


en métaux lourds contenus dans les pluies grâce à la mesure de
leur teneur dans les mousses.
C’est le cas, entre autres, du Pb, Cd, Hg, Cu, Co et du nickel.
c. Facteur de bioaccumulation

Pour décrire la mesure de l’accumulation dans un système


biologique déterminé, on utilise le facteur de bioaccumulation
(FBC; appelé aussi facteur de bioconcentration ou seulement
facteur d’accumulation).

A condition que les valeurs du numérateur et du dénominateur


aient la même unité, il s’agit là d’une grandeur pour caractériser
l’accumulation d’un composé dans un organisme:
Exemple:

FBCmammifères de mer/eau de mer = 160/0,000002 = 8.107

FBCsédiments/eau de mer = 0,01/0,000002 = 5000

Les valeurs des FBC, selon le domaine de référence, peuvent


être reliées à la masse fraîche (c’est à dire sans séchage), à la
masse sèche (càd après dessiccation) ou  pour les polluants
lipophiles à la masse de la matière grasse.

Les organismes peuvent accumuler des polluants, qui ne sont


présents qu’à de très faibles concentrations dans un milieu
environnant tel que l’eau, d’une manière considérable et dans
une proportion qui devient dangereuse lorsqu’ils entrent dans
l’alimentation des êtres humains.
Les valeurs des FBC correspondantes peuvent alors devenir très
élevées.

Par exemple,

- la bioaccumulation de mercure atteint des valeurs FBC de 105.

- L’accumulation des substances solubles dans les graisses,


comme les hydrocarbures chlorés dans le tissu graisseux des
organismes, est d’une grande importance. A cause du faible
métabolisme prévalant dans ce genre de tissu, de telles
substances ne sont presque pas décomposées et sont donc
accumulées
I. 5. Protection de l’environnement
Sous le terme de protection de l’environnement, on entend toutes
les mesures qui sont prises et/ou qui doivent être prises dans le
secteur public ainsi que dans la grande et petite industrie pour
protéger l’environnement.

On y inclut aussi bien les mesures préventives qui doivent aider à


réduire la pollution, −apportée par les effluents gazeux, aqueux et
les déchets−, envers les hommes, les animaux, les plantes et les
patrimoines que les mesures permettant de réhabiliter les parties
de l’environnement endommagées.

En particulier, on prend aussi en compte les mesures qui


permettent d’économiser les ressources et de réduire la
consommation d’énergie.
Dans les procédés de production, les émissions dans l’air ou dans
l’eau restent inévitables.

Il faut par contre exiger que ces émissions soient le plus


acceptables possible par la nature: les substances qui se forment
en tant que déchets ou qui sont émises −et ceci est
particulièrement valable pour tous les produits de l’industrie
chimique− doivent le plus possible être :

- générées sous une forme n’entraînant aucun risque majeur,

- se laisser facilement et complètement séparer du produit


fabriqué et se laisser manipuler d’une façon sûre,

- être utilisées comme matières premières dans d’autres


procédés ou au moins

- pouvoir être valorisées sous forme d’énergie thermique.


I. 6. Droit de l’environnement
De nos jours, les scientifiques et les ingénieurs ont de plus en
plus besoin de connaissances de droit.

Ils peuvent être en contact permanent avec des substances et


des préparations dangereuses et ils ont de ce fait des
responsabilités particulières vis-à-vis de l’environnement et des
hommes.

Au cours de ses études, un étudiant prend connaissance des


dangers qui sont liés, entre autres, à l’environnement des
produits chimiques: mais en général, il n’est pas du tout ou
seulement insuffisamment renseigné sur les textes juridiques
qu’il doit prendre en compte dans ses activités ultérieures.
Un autre aspect important est l’assimilation des normes juridiques
par la société toute entière et non pas uniquement par les
scientifiques et les ingénieurs.

Les lois, les décrets, les arrêtés, les circulaires ainsi que sur le
plan internationales les directives et les règlements de même que
les normes et leurs effets, ont, pour les responsables de l’industrie
et des services publics, la même importance que les aspects
purement techniques et scientifiques de leur activité.
Dans beaucoup de pays la politique de l’environnement comprend
toutes les activités qui sont nécessaires pour atteindre les trois
objectifs suivants:

- assurer aux hommes un environnement propice à leur santé et


à leur existence
- protéger le sol, l’air, l’eau, la végétation et les animaux contre
les effets néfastes de l’activité humaine et,
- réparer les dommages causés par l’activité humaine.
Structure et principes du droit de l’environnement

On met largement et gratuitement à la disposition des citoyens les


biens publics de l’environnement comme l’air, l’eau ou le sol ; ces
biens sont salis et consommés, et dans la plupart des cas le
public en supporte les coûts.

L’environnement, aussi précieux soit-il, n’a pas encore de prix


équivalent: les producteurs et les consommateurs ont pu pendant
longtemps, adopter un comportement orienté vers le gain et
l’utilité, sans se soucier de la nature.

Plusieurs alternatives s’offrent à l’État pour lutter contre cela:

- Considérer la protection de l’environnement comme un devoir


de l’ Etat et financer tout ce qui s’y rapporte à partir des fonds
publics;
- prendre des mesures d’injonction, d’interdiction et d’obligation;
- fixer des coûts pour les biens de l’environnement, par exemple
sous forme de taxes,

- donner des subventions et octroyer des réductions d’impôts


dans le cas d’investissements concernant l’environnement.
En France, la loi reconnaît que l’environnement fait partie du
patrimoine commun de la Nation et que sa protection, sa mise en
valeur et sa gestion sont d’intérêt général. Il proclame ensuite
plusieurs principes:

- le principe de précaution, selon lequel l’absence de certitudes,


compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du
moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives
et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages
graves et irréversibles à l’environnement à un coût
économiquement acceptable,

- le principe d’action préventive et de correction par priorité à la


source,
- le principe de pollueur-payeur,

- le principe de participation,
- le droit de chacun à un environnement sain.

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