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Bernard GUÉRIN
SCIENCES
17, avenue du Hoggar
Parc d'Activité de Courtabœuf, BP 112
91944 Les Ulis Cedex A, France
Ouvrages Grenoble Sciences édités par EDP Sciences
Collection Grenoble Sciences
Chimie. Le minimum à savoir ( J . Le Coarer) - Electrochimie des solides
(C. Déportes et al.) - Thermodynamique chimique (M. Oturan & M. Robert) - Chimie
organométallique (D. Astruc) - De l'atome à la réaction chimique (sous la direction de
R. Barlet)
Introduction à la mécanique statistique (E. Belorizky & W. Gorecki) - Mécanique statistique. Ex
REMERCIEMENTS
Cet ouvrage n'aurait jamais vu le jour sans les nombreuses discussions que j'ai eues
avec mes collègues. Je remercie tout particulièrement Michel RIGOULET, sans
oublier Guy LAUGUIN, Stephen MANON, Jean-Pierre MAZAT et Jean VELOURS.
Martine GUÉRIN, à qui je dédie ce livre, m'a encouragé tout au long de ce travail et
a su porter un regard critique sur le fond et sur la forme du manuscrit.
Chapitre 1
1.1. INTRODUCTION
La Bioénergétique a pour objet l'étude des transductions d'énergie. Celles-ci se défi-
nissent comme des transformations d'un type d'énergie en un autre type. Nous avons
de nombreux exemples de transductions dans notre vie moderne : énergies hydrau-
lique, calorique ou nucléaire transformées en énergie électrique qui sera elle-même
génératrice de mouvement, de chaleur... Ces transductions sont indispensables pour
effectuer certains travaux car les formes primaires d'énergie trouvées dans la nature
sont parfois difficiles à utiliser. Il est plus pratique de brancher une perceuse sur du
220 V que d'imaginer un engin fonctionnant directement avec l'énergie hydraulique !
C'est depuis l'invention de la machine thermique au XIX e siècle, exemple de trans-
ducteur, que s'est développée notre société industrielle. Auparavant, les énergies
hydraulique, éolienne, animale et humaine étaient directement utilisées pour les
besoins de l'industrie, de l'agriculture ou des transports.
Si la notion d'énergie apparaît évidente dans le langage commun, elle est plus déli-
cate à manier en biologie et fait l'objet de contresens et d'interprétations erronées,
surtout celle concernant l'ATP. D'une façon générale, un système contenant de l'éner-
gie est un système hors de l'équilibre, c'est-à-dire susceptible de modifications ou
générateur de mouvement. Par exemple, une pierre portée à une certaine hauteur est
en déséquilibre (énergie potentielle) ; posée à terre, point considéré comme le plus
bas, elle est à l'équilibre avec son environnement et n'effectuera aucun mouvement
sans apport d'énergie extérieure.
Une notion intuitive et essentielle à notre propos est qu'un système hors de l'équilibre
a tendance à évoluer spontanément vers son équilibre. Ainsi une impulsion exercée
sur un pendule à l'arrêt induit un mouvement oscillatoire qui s'amortit jusqu'au retour
à sa position initiale d'équilibre. Cette loi n'est totalement vraie que dans le domaine
du proche équilibre ; elle ne l'est plus lorsqu'un système en est trop éloigné ; dans ce
cas le mouvement dû à des impulsions appliquées au système peut ne pas s'amortir
mais au contraire croître spontanément (cf. § 1.2.6). Revenons aux cas où les systèmes
ont tendance à atteindre spontanément leur état d'équilibre. Une pierre portée à une
certaine hauteur tombe ; l'énergie potentielle est transformée en énergie cinétique puis
en chaleur au point d'impact, dans la mesure où l'on néglige toute modification de
10 BIOÉNERGÉTIQUE
Nous avons rappelé les conditions dans lesquelles un ou plusieurs systèmes sont à
même de subir des transformations ou d'évoluer. Ces modifications dans le temps se
feront à une certaine vitesse et nous parlerons de flux de transformation. On a cou-
tume en bioénergétique d'utiliser ce terme pour désigner la quantité nette de substrat
transformé en produit par unité de temps. Ainsi pour une réaction chimique réver-
sible, le flux est égal à la différence entre les vitesses aller et retour ; pour une réac-
tion irréversible, flux et vitesse ont la même signification. Essayons d'entrevoir la
relation existant entre le flux et le rendement d'une machine. Chacun sait qu'une voi-
ture consomme d'autant plus d'essence que sa vitesse est grande, ce qui indique une
relation inverse entre le flux et le rendement de la transformation. Celui-ci est maxi-
mum pour un flux quasiment nul. Pour expliciter cette notion fondamentale repre-
nons l'exemple du ballon attaché à une pierre. On effectue deux essais avec la même
pierre et deux ballons différents, un petit et un gros. Le petit ballon est entraîné rapi-
dement vers le bas alors que la descente du gros est extrêmement lente. Une légère
augmentation de volume du grand ballon conduirait à inverser le sens du mouve-
ment, ce qui indique que l'on a atteint le rendement maximum du processus couplé
puisque nous utilisons le poids minimum permettant de tirer le ballon vers le bas.
Par contre en augmentant le poids de la pierre attachée au ballon on augmente la
vitesse de chute de l'ensemble tout en baissant le rendement. Rendement et flux de
réaction varient en sens inverse. Nous appliquerons ces différents principes à l'étude
de la bioénergétique.
Il est impossible d'aborder l'étude du métabolisme sans rappeler ce qu'est un état
stationnaire. Pour expliciter cette notion nous la comparerons à celle de l'équilibre.
Supposons un système thermodynamique fermé (qui n'échange pas de matière avec
le milieu extérieur) contenant une substance A se transformant en B. On observe un
flux de transformation de A en B jusqu'à ce que le système atteigne l'équilibre défini
par les valeurs particulières des concentrations en A [Aeq] et B [Beq] telles que le rap-
port [[Beq]/[Aeq]] soit constant et égal à Keq, la constante d'équilibre. A l'équilibre les
concentrations en A et B sont constantes car la vitesse de transformation de A en B
est égale à celle de B en A. L'état stationnaire par contre est une notion s'appliquant
aux systèmes ouverts, c'est-à-dire à ceux échangeant de l'énergie et de la matière avec
le milieu extérieur. D'une manière générale on le définit comme l'état pour lequel les
variables thermodynamiques ne varient pas avec le temps, mais qui reçoit de l'éner-
gie ou/et de la matière. En reprenant la réaction de transformation de A en B à l'état
stationnaire, comme à l'état d'équilibre, les concentrations en A et en B ne varient pas
au cours du temps mais la vitesse de transformation de A en B est différente de celle
de B en A de sorte que A est réellement transformé en B ; le flux n'est pas nul. Le fait
que les concentrations restent constantes dans le temps provient de ce que la vitesse
de disparition de A (ou d'apparition de B)), qui est égale à la différence entre la vitesse
de transformation de A en B et celle de B en A, est exactement compensée par la régé-
nération de A et la consommation de B par des réactions autres que la réaction reverse.
La valeur du rapport des concentrations [B]/[A] est différente de celle de la constante
d'équilibre, sauf dans les cas où le flux entrant de A et celui sortant de B sont petits
12 BIOÉNERGÉTIQUE
devant la réaction, ce qui donne des conditions très proches de l'équilibre. Prenons
comme exemple un système délimité par une membrane à l'intérieur duquel s'effec-
tue la réaction A donne B. Le système sera à l'état stationnaire si le flux passant à tra-
vers cette réaction (la vitesse aller moins la vitesse retour) est exactement compensé
par une entrée de A et une sortie de B (figure 1 .1). Dans l'état stationnaire, il y a
constance des concentrations à l'intérieur du système considéré et constance du flux
qui le traverse. Notons toutefois que la notion d'état stationnaire est dépendante de
l'échelle de temps utilisée. Une perturbation apportée à un système n'est pas immé-
diatement amortie, de la même façon qu'une impulsion donnée à un pendule met un
certain temps pour s'amortir.
A,
Avant d'aborder le sujet de la bioénergétique d'une manière plus classique il faut faire
remarquer la possibilité d'hétérogénéité des systèmes que nous étudions. Généralement
les données quantitatives auxquelles nous avons accès sont des moyennes sur un
grand nombre d'objets (suspension de mitochondries par exemple) mais certains de
ces objets peuvent se trouver dans des états s'écartant notablement de cette moyenne.
Cela est certainement une limitation à l'approche statistique utilisée en thermody-
namique et en cinétique. Mais comme pour l'instant nous ne disposons pas d'un cadre
physico-chimique simple permettant une approche quantitative exacte des phéno-
mènes que nous présentons, nous considérerons que la thermodynamique constitue
un cadre conceptuel permettant dans de nombreux cas une bonne approximation de
la réalité physico-chimique. D'une manière générale, il est préférable d'utiliser un
système de pensée même s'il n'est pas toujours adéquat que pas de système du tout.
Il est cependant nécessaire de souligner les limites de ce cadre conceptuel.
La thermodynamique décrit les relations entre les propriétés des systèmes sans faire
appel à la structure fine de la matière. Elle considère le système comme un tout, consti-
tué d'un grand nombre d'éléments. Les fonctions thermodynamiques ne s'appliquent
pas à la molécule isolée mais à un ensemble constitué d'un grand nombre de molé-
cules, ce qui peut être une limitation dans certaines situations biologiques.
1 - NOTIONS D'ÉNERGIE ET DE FLUX 13
L'état d'un système est défini à l'aide de variables d'état comme la température T, la
pression p, le volume V ou le nombre de molécules n. Ces variables sont dites extensives lorsqu'el
Un système est décrit par des fonctions d'état (F) qui relient entre elles des variables
d'état (x, y ou z). Ces fonctions ont une valeur unique pour un état donné, valeur qui
ne dépend donc pas de la manière ou de la voie par laquelle l'état a été obtenu. Cela
signifie que pour une variation infinitésimale de la fonction F(x,y,z)), dF est une dif-
férentielle totale exacte :
dF = y,z + x,z + x , y [1-1]
Par contre y,z x,z et x,y, qui représentent respectivement les
variations de F en fonction de x, y ou z (les deux autres variables restant constantes),
sont des dérivées dites partielles et leur valeur n'est pas indépendante du chemin
parcouru.
Ces fonctions sont définies à l'équilibre. Un système isolé subit des transformations
irréversibles jusqu'à ce qu'il atteigne un état d'invariance par rapport au temps, appelé
état d'équilibre. Dans le cas des systèmes échangeant entre eux de l'énergie et/ou de
la matière, on atteindra à terme un équilibre avec l'extérieur. En thermodynamique
dite «de l'équilibre» les transitions se font par passages successifs d'un état d'équilibre
à un autre, ce qui nécessite de très faibles modifications des variables. Les transitions
sont alors réversibles puisqu'après un cycle de transformations on retrouve le même
état initial. Ainsi les termes de réversibilité et d'équilibre sont-ils étroitement liés.
que lors d'une transformation la variation d'énergie interne est la somme de toutes
les énergies échangées avec le milieu extérieur. Cette variation ne dépend que de
l'état initial et l'état final et est indépendante du chemin parcouru pour obtenir le
nouvel état. Il revient au même de dire que la variation d'énergie interne d'un sys-
tème revenu à son état initial après avoir décrit un cycle de transformation est nulle.
Dans le cas des systèmes ouverts il faut évidemment prendre en compte l'énergie
liée à la matière échangée. L'énergie interne est symbolisée par U. Le premier prin-
cipe se traduit ainsi :
d U = 0o ud u = U b - U a [1-2]
Pour les systèmes fermés on aura dU = dQ + dW, pour les systèmes ouverts
dU = dQ + dW + dUmatière. Q représente la chaleur, W le travail et Umatière l'énergie
due aux échanges de matière avec l'extérieur ; ce ne sont pas des fonctions d'état, c'est
pourquoi (sauf cas particuliers) leur dérivée est partielle. Les conventions de signe
entre le système et le milieu sont les suivantes : ce que reçoit le système est positif, ce
qu'il cède à l'extérieur est négatif.
Le travail W peut être de nature variée. Ainsi le travail mécanique est égal au produit
de la force F par le déplacement dx, W = F dx ; la force exercée sur une surface A par
une pression p est égale à pA et le travail d'expansion est égal à pA dx, soit p dV, le
produit de la pression par le changement de volume ; pour un transfert de charge dq
soumis à une différence de potentiel , le travail est dq ; le travail est égal à dA
pour une variation de surface dA soumise à une tension superficielle y et ainsi de
suite pour les différentes forces mises en jeu.
Une fonction très utilisée en chimie est l'enthalpie H donnée par l'expression :
H = U + PV [1-3]
Celle-ci, somme d'une fonction d'état et d'un produit entre deux variables d'état, est
elle-même fonction d'état. On peut écrire dH == dU + P dV + V dP et, en remplaçant
dU par sa valeur, dH = dQ + dW + P dV + V dP. Pour une réaction chimique, où les
transformations sont généralement limitées au travail d'expansion (- V dP), et à pres-
sion constante (V dP = 0) on obtient :
dH = dQp [1-4]
Dans ces conditions particulières, la chaleur échangée correspond directement à la
variation d'une fonction d'état. Cette relation est à la base des techniques calorimé-
triques.
Lors d'une transformation d'un système de l'état 1 à l'état 2, la variation d'enthalpie
AH dépend uniquement des états final et initial (AH = H^ - H1), et est indépendante
du chemin parcouru. Ainsi, lors d'une transformation cyclique faisant intervenir trois
états, en admettant que le système passe de l'état 1 à l'état 3 avec une variation d'en-
thalpie AHx et de l'état 3 à l'état 2 avec une variation d'enthalpie de AHy, on peut alors
écrire AH = AHx + Hy. Lorsque AH < 0 (dégagement de chaleur) la réaction est dite
exothermique, et elle est endothermique pour AH > 0.
1 - NOTIONS D'ÉNERGIE ET DE FLUX 15
AH = Hv + Hv
Etat 3
Comme pour l'énergie interne on a accès à la valeur de la différence entre les états et
non pas à la valeur de l'état lui-même. Si la réaction se produit dans les conditions
standard (T = 298 K, p = 1 atm), la chaleur correspondante de réaction est appelée
enthalpie standard de réaction (ou chaleur standard de réaction) ; ces valeurs per-
mettent de comparer entre elles les enthalpies de réactions différentes.
On peut aussi définir l'enthalpie standard de formation d'un composé comme étant la
variation d'enthalpie accompagnant la formation d'une mole de ce composé à partir
d'éléments sous forme de corps purs, sous une atmosphère et à une température
déterminée. Elle s'exprime en joules par mole. Par définition l'enthalpie des corps
purs, sous leur forme la plus stable, est égale à 0. Les éléments et les composés sont
à l'état gazeux, liquide ou solide ; ces états sont indiqués avec en indice respec-
tivement les symboles (g), (1) ou (s). On peut par exemple mesurer l'enthalpie
standard de formation de l'eau à partir de l'hydrogène et du dioxygène gazeux
2H2(g) + 02(g)) —- H20(1)) ; on obtient H0f = - 286 kj. mole-1. Par contre, l'enthalpie
standard de formation de l'eau à l'état gazeux est de - 242 kj. mole-1. La différence
entre ces deux valeurs correspond à l'enthalpie standard molaire de vaporisation.
L'enthalpie standard de formation d'une molécule dont on connaît la structure peut
être simplement calculée à partir de celles des liaisons chimiques qui la composent.
On trouve ces valeurs dans des tables. La loi de HESS permet de mesurer les enthal-
pies standard de formation des composés à partir des enthalpies standard de forma-
tion des produits et de celles des réactifs.
AH0f = AH°f (produits) - AH°f (réactifs) [1-5]
Ainsi pour la réaction a A + b B —» c C + d D
AH0 = cH0f(C)+ dH 0 f(D) - aH 0 f(A) - b H0f ( B )
D'après cette relation on peut calculer les enthalpies standard d'oxydation complète
des combustibles cellulaires en C02 et H2O. Par exemple l'enthalpie standard de l'oxy-
dation complète du glucose C6H12O6 + 6 02 —- 6 C02 + 6 H20 Ce calcul doit cor-
respondre aux mesures directes effectuées par calorimétrie.
En biologie il est important de connaître les valeurs de combustion de certains com-
posés pour évaluer leur pouvoir énergétique et, comme nous le verrons ci-dessous,
pour établir une balance énergétique lors d'une croissance cellulaire. Le tableau
16 BIOÉNERGÉTIQUE
Dans ce tableau on remarque que la valeur énergétique des lipides est supérieure à
celle des protéines qui est elle-même supérieure à celle du glucose, ce qui découle du
degré d'oxydation de ces composés. Si maintenant on calcule l'enthalpie de la réac-
tion de combustion pour chacun de ces composés, ramenée à un litre de dioxygène
consommé, on trouve une valeur quasiment identique et égale à 20,1 kjoules, ce qui
n'est pas surprenant et permet de prendre la respiration comme une bonne mesure de
la dépense cellulaire.
Un autre exemple d'application de la notion d'enthalpie à la biologie est la mesure
des bilans énergétiques lors d'une étude de croissance cellulaire. Supposons des cel-
lules oxydant un substrat S en CO2 et H2O. On détermine pour un temps donné les
quantités de S consommé, de sous-produits SP accumulés et de biomasse formée
(BM) ; pour chacun d'eux il est possible de calculer l'enthalpie de combustion. Par
calorimétrie on mesure la quantité de chaleur Qp dégagée pendant le temps de l'ex-
périence. On compare alors le AH correspondant à la quantité de S consommé (HS ox)
à la somme des AH d'oxydation des OP. accumulés (HSP,ox) et de biomasse formée
(HBM,ox) auxquelles on ajoute la quantité de chaleur dégagée. Si toutes les réactions
ont été prises en compte on doit avoir HS, ox sensiblement égal à Hsp,ox + HBMOX + Qp-
Dans le cas contraire il est nécessaire d'approfondir l'analyse biochimique car on a
pu omettre la formation d'un sous-produit.
dernier a notamment introduit cette notion en biologie et a fait l'analogie entre entro-
pie et flèche du temps, signifiant que le monde physique dans lequel nous vivons est
essentiellement composé de réactions irréversibles. A l'origine, la formulation de l'en-
tropie découla de l'étude de la machine à vapeur, puis les chimistes eurent une approche
probabiliste qui s'imposa dans les manuels de chimie ou de biochimie. Nous rap-
pellerons tout d'abord les travaux effectués sur la machine à vapeur car certains sys-
tèmes biologiques sont plus assimilables à des machines qu'à des réactions chimiques !
En effet la machine dirige la conversion de l'énergie, la canalise pour aboutir à un tra-
vail déterminé alors qu'en chimie la réaction dépend de la probabilité de rencontre
entre molécules, ce qui est un phénomène aléatoire.
Réservoir chaud T1 Pression
Transformation isotherme
(4) h (1)
((3) (2)
1
Transformation adiabatique
Dans le travail de CARNOT il y a déjà les notions essentielles que nous avons men-
tionnées dans l'introduction :
> l'énergie est liée à l'instabilité des systèmes qui ont tendance à évoluer spontané-
ment vers un état stable (lorsque deux réservoirs à des températures différentes
sont mis en contact, la chaleur s'écoule du plus chaud vers le plus froid) ;
> un couplage peut s'effectuer entre un phénomène spontané et un autre qui ne l'est
pas (par exemple flux de chaleur et mouvement du piston) ;
> le rendement maximum d'une machine ne s'obtient qu'à vitesse quasiment nulle.
18 BIOÉNERGÉTIQUE
Revoyons rapidement ce travail et les conséquences qui en ont découlé (figure 1.3).
CARNOT pose que la puissance motrice d'une machine à vapeur est due à l'équili-
brage des températures. Il y a couplage entre la force représentée par les deux réser-
voirs à des températures différentes et le travail du piston. La partie essentielle de ce
travail, qui permettra plus tard à CLAUSIUS d'introduire la notion d'entropie, est la
définition du travail maximum. Ce maximum n'est atteint que lorsque les changements
de température ne sont dus qu'à des changements de volume, c'est-à-dire lorsqu'il
n'y a pas de pertes de chaleur d'un réservoir à l'autre (en biochimie une telle fuite de
chaleur serait analogue à un découplage ou à un couplage imparfait). Le couplage
maximum ne peut être obtenu que dans des conditions de réversibilité où pression
et température sont les mêmes en tout point du système, ce qui implique une vitesse
quasiment nulle. On voit donc que le rendement maximum est une notion idéale obte-
nue uniquement par le calcul.
Dans la réalité une partie de l'énergie est dissipée sous forme de chaleur due aux frot-
tements dans la machine ; cette quantité augmente avec la vitesse de la machine (voir
à ce propos l'expression de la production d'entropie dans les systèmes irréversibles
au § 1.2.6). CARNOT définit alors le travail maximum. Soit un système absorbant une
quantité de chaleur Q1 d'un réservoir à la température T1 (la notion de température
absolue ne fut introduite que plus tard par KELVIN) et relâchant une quantité Q2 à un
deuxième réservoir à la température T2, le rendement maximum dépendra uni-
quement des températures des deux réservoirs et non pas de la structure de la machine
(puisque les pertes d'énergie à ce niveau sont nulles). Le rendement de la machine
est donné par l'expression :
= w/Q1 = Q1 - Q2/Q1 ou = 1 - Q2/Q1.
On arrive ainsi à la relation fondamentale :
= 1 - T2/T1 [1-6]
Cette relation est tirée de l'analyse du cycle réversible de CARNOT, exploitée par
CLAPEYRON et KELVIN. Nous renvoyons le lecteur aux traités de thermodynamique
déjà cités pour la démonstration. De cette relation on peut déduire une forme du
deuxième principe de la thermodynamique : il n'est pas possible de produire du tra-
vail à partir d'une seule source de chaleur. En effet, pour T; = T1 = 0.
De ce qui précède on peut tirer, pour une machine thermique travaillant dans des
conditions réversibles et donc idéales, la relation Q1/T1 = Q2/T2. Dans des condi-
tions réelles, la perte d'énergie au niveau de la machine fait que la chaleur Q2 est
supérieure à celle correspondant au travail maximum pour un même travail fourni,
d'oùQ1/T1<Q2/T2.
La relation Q1/T1 - Q2/T2 = 0 pour un cycle de CARNOT réversible devient
Q1/T1 - Q2/T2 < 0 pour un cycle irréversible. CLAUSIUS la généralise à un cycle quel-
conque qu'il décompose en une suite de cycles de CARNOT et en tire la relation :
dQ/T=0 [[1-7]]
1 - NOTIONS D'ÉNERGIE ET DE FLUX 19
Cette relation signifie que l'intégrale de dQ/T entre un point A et un point B pour un
système réversible ne dépend que de l'état des systèmes et est indépendant du che-
min réversible par lequel la transition est effectuée. Il définit une nouvelle fonction
d'état, l'entropie S, avec les relations suivantes : dS = dQ/T pour un processus réver-
sible. Dans ces conditions la variation d'entropie lorsque le système passe d'un état A
à un état B est SB-SA =dQ/T. Pour un processus irréversible, une quantité sup-
plémentaire de chaleur due aux frottements à l'intérieur de la machine est transmise
au milieu extérieur ; il en résulte que les variations d'entropie correspondant à un chan-
gement d'état ne peuvent pas être mesurées par les seuls échanges de chaleur avec
l'extérieur car ceux-ci dépendent de la manière dont le changement a été réalisé (frot-
tement plus ou moins important à l'intérieur de la machine). Compte tenu des conven-
tions de signe, dQ/T < 0 pour ce type de système.
En résumé :
> pour une transformation cyclique réversible :
dS=dQ/T; d S = d Q / T = 0 .
> pour une transformation cyclique irréversible :
dS > dQ/T ; dS = 0 et dQ/T < 0
La formulation originale du deuxième principe de la thermodynamique par CLAUSIUS
est que l'entropie d'un système isolé augmente au cours du temps pour atteindre sa
valeur maximale correspondant à l'état d'équilibre.
Dans la formulation moderne, qui permet d'étudier les systèmes ouverts échangeant
énergie et matière, l'entropie est scindée en deux éléments d S = d e S + d , S où dgSest
la variation d'entropie due aux échanges d'énergie et de matière entre le système et
le milieu extérieur et d,S celle due aux processus irréversibles internes au système.
Pour un processus irréversible et cyclique, puisque dS = 0 et deS = dQ/T < 0,
on en déduit que d;S > 0.
On peut conclure que l'entropie S est une fonction d'état qui définit le sens d'évolu-
tion d'un système. C'est une propriété extensive du système. Le deuxième principe de
la thermodynamique postule que d;S n'est jamais négatif ; pour un processus réversible,
d,S = 0 ; pour un processus irréversible, d;S > 0.
L'irréversibilité est une notion générale qui s'applique quasiment à tous les systèmes ;
elle ne peut être dissociée du mouvement. Comme nous l'avons déjà signalé, les condi-
tions d'équilibre sont des idéalisations et décrivent les systèmes par extrapolation à
flux nul. PRIGOGINE insiste sur le fait que l'entropie rend compte de la flèche du temps
car contrairement à la notion utilisée en mécanique classique ou quantique, la ther-
modynamique des processus irréversibles est basée sur l'irréversibilité du temps. Les
processus irréversibles peuvent être considérés comme des courants appelés flux ther-
modynamiques J associés à des forces X, par exemple le flux de chaleur dû à une
20 BIOÉNERGÉTIQUE
différence de chaleur. Nous verrons des exemples lors de l'étude des oxydations phosphorylante
> GIBBS définit le potentiel chimique µ d'un élément comme la dérivée partielle de
l'énergie interne par rapport à la quantité de cet élément. Pour une substance k la
dérivée partielle s'écrit: LI^ = ((U)/(Nk)s,v,N (1e Nj en indice signifie que la com-
position du système est constante pour tout composé différent de k). La relation
suivante est restreinte aux systèmes à l'équilibre avec le milieu extérieur, condi-
tions qui permettent d'écrire dQ = T dS. On obtient alors la relation :
dU = T dS - p dV + S µ dN, [1-9]
Pour des réactions générales pouvant comporter des travaux autres que chimiques
et d'expansion on écrit la relation de GIBBS, relation fondamentale en thermody-
namique de l'équilibre :
dU = T dS - p dV + dE + a. dN, [1-10]
E représente les autres travaux reçus par le système. Une autre manière de la for-
muler est :
dU = T dS - p dV + W' [1-11]
où W', appelé aussi travail utile, représente les travaux autres que ceux dus à l'ex-
pansion du volume. Compte tenu du fait que l'on s'est placé dans les conditions
de réversibilité, cette valeur représente le travail maximum jamais atteint dans les
conditions réelles.
Dans les conditions où le flux réactionnel n'est pas nul, il y a, comme nous l'avons
vu, production d'entropie. Il est possible de relier ces deux paramètres. De même
que l'entropie est la somme de deux composantes, l'une liée aux échanges avec
l'extérieur et l'autre liée à la réaction chimique, DE DONDER propose que dN peut
1 - NOTIONS D'ÉNERGIE ET DE FLUX 21
se décomposer en deux termes : deN pour la variation de N due aux échanges entre
le système et le milieu extérieur selon un processus réversible et diN pour celle due
à la réaction chimique irréversible. Il aboutit ainsi à la relation diS = 1 /T µ dNj. s 0
dans la mesure où le flux réactionnel est déterminé uniquement par dN,. On peut
alors écrire que la production d'entropie par unité de temps est donnée par la
relation :
diS = - 1 / T Zfij diNj/dt > 0 [1-12]
II est possible de donner à cette expression une forme de produit entre un flux et
une force. Pour cela il est nécessaire d'introduire les notions d'avancement de réac-
tion et d'affinité.
> Soit la réaction suivante :
aA+bB — cC+dD,
on appelle avancement de la réaction d le rapport entre la variation du nombre
de moles du composé et son coefficient stœchiométrique d = - -dNa/a = - -dNb/b
= dNc/C = dNd/d. La dérivée par rapport au temps d/dt est la vitesse de la réac-
tion. Si la réaction se produit dans les deux sens, d/dt représente la différence
entre la vitesse aller et la vitesse retour, c'est-à-dire le flux réactionnel.
La relation diS = - 1/T 2 µ d;Nj/dt 0 devient :
d,S = 1 / T ( a µ A + b µ B - c µ c - d µ D ) d > 0.
En définissant l'affinité de la réaction par A :
A=-v,µ, [1-13]
(v représentant les coefficients stœchiométriques des réactifs et produits de la réac-
tion), on obtient la forme de l'expression reliant la production de l'entropie au pro-
duit d'un flux thermodynamique d/dt par une force thermodynamique A :
diS/dt = ((A/T)d/dt s» 0 [1-14]
Cette formulation relie le flux de la réaction à la production d'entropie. Elle exprime
l'idée fondamentale qu'il ne peut pas y avoir un flux net sans production d'entro-
pie ou, pour reprendre une formulation précédente, l'augmentation d'un flux
s'accompagne d'une diminution du rendement pour un phénomène donné. Nous
verrons les conséquences de ces conclusions dans le chapitre 8 traitant des oxy-
dations phosphorylantes.
La fonction entropie peut aussi s'exprimer en terme de probabilité. Pour illustrer cette
notion on prendra l'exemple suivant : on dispose de N éléments identiques se
distribuant dans un récipient. N1 éléments occupant une moitié du récipient et N2
éléments l'autre moitié. Le nombre de combinaisons possibles est donné par la
relation P = N!/N1 ! N2! avec la valeur la plus élevée pour N1 = N2. La probabilité
d'existence d'un système est donnée par le nombre de façons 0 de le réaliser ; plus
22 BIOÉNERGÉTIQUE
ce nombre est grand, plus l'état est probable. Le système évoluant dans le sens de
l'augmentation de l'entropie se définit alors comme suit :
S = k.In [1-15]
k étant la constante de BOLTZMANN. Comme le nombre de configurations est très
grand on utilise le logarithme de
Sous cette forme il est aisé de constater que l'entropie est une grandeur extensive car,
comme le volume ou le nombre de molécules, elle possède des propriétés d'additivité. On peut
manière que la production de travail implique, dans le cas d'une machine à vapeur,
un flux thermique du réservoir chaud vers le froid, donc une homogénéisation des
températures, les phénomènes moléculaires évoluent spontanément vers un état iden-
tique qui implique un plus grand désordre, moins de contraintes ou plus de degré
de liberté. Cette notion est à prendre avec prudence car l'entropie peut être au contraire
source de structuration. PRIGOGINE dans son livre La f i n des certitudes donne l'exemple
suivant : une enceinte close contient de l'hydrogène et de l'azote ; une partie de l'en-
ceinte est chauffée et l'autre refroidie ; il s'établit un état stationnais dans lequel la
concentration en hydrogène est plus élevée dans la partie chaude et celle en azote
plus élevée dans la partie froide. Ainsi, l'entropie produite par le flux de chaleur, qui
est un phénomène irréversible, conduit à l'hétérogénéité du mélange. Nous verrons
qu'en chimie, les doubles liaisons conjuguées, causes de délocalisation des électrons
(équivalente à un désordre), augmentent la stabilité de la molécule.
fermé évolue vers son point d'équilibre, donc vers un état d'énergie minimum
où (G/d)T,p = 0. On en arrive à la règle bien connue pour les réactions chimiques :
> pour G < 0, la réaction est spontanée ; la réaction est dite exergonique ;
> pour G = 0, la réaction est à l'équilibre ;
> pour G > 0, la réaction est impossible dans le sens considéré mais spontanée
en sens inverse ; la réaction est dite endergonique.
L'étude des systèmes hors de l'équilibre est rendue possible car, dans la plupart des
situations, on peut admettre qu'ils sont localement à l'équilibre.
Dans ces conditions :
> les variables intensives telles que T, p ou µ sont fonction de la position et du temps ;
> les variables extensives S, U ou Nk sont remplacées par des densités et sont expri-
mées par unité de volume.
On distingue deux types de domaine : le domaine près de l'équilibre ou domaine linéaire
et le domaine loin de l'équilibre. La différence fondamentale entre ces deux domaines
est qu'ils répondent différemment à des fluctuations. Pour le premier de ces domaines,
comme pour les systèmes à l'équilibre, le système revient à son état initial après une
perturbation ; c'est la loi de LE CHÂTELIER ou le retour du pendule à la position ver-
ticale. Par contre, dans le second cas, correspondant à un plus grand éloignement de
l'équilibre, une perturbation peut faire évoluer le système vers des états qui l'éloignent encore plu
28 BIOÉNERGÉTIQUE
Près de l'équilibre, les flux et les forces sont liés par des lois linéaires. En partant de
l'équation [1-8], on écrit que la production d'entropie par unité de volume est don-
née par la somme des produits des différentes forces et de leur flux conjugué (on
appelle f l u x conjugué celui directement lié à une force comme, par exemple, un flux
de chaleur entre deux réservoirs de températures différentes).
= JkXk [1-30]
A l'équilibre forces et flux s'annulent ; il est donc raisonnable d'écrire que, près de
l'équilibre, les flux seront des fonctions linéaires des forces. L'exemple le plus clas-
sique est la loi d'OHM 1 = (1/R)V, où le flux (intensité du courant) est linéairement
proportionnel à la force (la différence de potentiel électrique).
Un point fondamental traité par ce formalisme est lorsqu'une force, à l'origine d'un
flux, peut produire d'autres flux. C'est le principe du couplage, à la base de l'éner-
gétique cellulaire. Mais ces couplages sont aussi rencontrés dans le monde inanimé
(effet thermoélectrique par exemple), ce qui montre si besoin était que la biologie n'a
pas de lois physiques particulières. Supposons deux flux couplés J1 et J2 avec leurs
forces correspondantes X1 et X2 on écrit :
J1 = L1.1X1+L1.2X2 et h = L2.2X2 + L2.1X1 [1-31]
1.3. CONCLUSIONS
II est souvent difficile de se représenter la signification des différentes fonctions ther-
modynamiques et leur utilité en biochimie ; cela tient au côté aride de son forma-
lisme. Il s'agit d'une science rigoureuse et ses domaines de validité sont bien définis.
Malheureusement, les conditions biologiques ne sont pas souvent propices à une
application numérique de ces lois. D'une part, la thermodynamique appliquée à la
chimie concerne les systèmes comportant un grand nombre de molécules ; ce sont
des données statistiques. D'autre part, le plus souvent pour des questions de com-
modité, les chercheurs considèrent certains systèmes comme étant près de l'équilibre
thermodynamique sans en avoir toujours la preuve. Ces deux points limitent donc
la portée de certains calculs numériques (même ceux présentés dans ce livre !) et il
faut en avoir conscience. Nous rappelons ces difficultés à certains passages du livre,
mais c'est au lecteur d'appliquer son propre jugement.
Faut-il alors étudier la thermodynamique ? La réponse est oui, si l'on y recherche
plus des concepts que des applications numériques. Rappelons ici des points impor-
tants qui ne sont pas toujours mis en relief dans la littérature biologique.
Le deuxième principe de la thermodynamique est généralement présenté en chimie
sur des bases probabilistes et concerne les systèmes comportant un grand nombre de
molécules. Historiquement, il découle de la machine thermique décrite par CARNOT,
qui est plus proche de certains systèmes biologiques organisés que ne le sont ceux
composés de molécules en solution. Nous avons vu que le rendement maximum de
la machine s'obtient par extrapolation à vitesse nulle, c'est-à-dire dans les conditions
de l'équilibre thermodynamique.
Dans les conditions de non-équilibre il y a «dégradation» d'une partie de l'énergie
qui, dans le cas de la machine thermique, correspond à une production de chaleur
par les frottements de la machine. Ce deuxième principe complète le premier qui pos-
tule que l'énergie d'un système isolé est constante. Cette dégradation de l'énergie
conduit à la définition d'une fonction d'état essentielle, l'entropie.
La production d'entropie est liée à la vitesse de la transformation (relation [1-14]).
Cela traduit le fait que la vitesse dépense de l'énergie et que, pour une machine, cela
s'accompagne d'une perte de rendement. Ce principe est explicité dans le formalisme
de la thermodynamique linéaire, hors de l'équilibre qui relie flux et rendement de la
transformation.
Ces concepts seront utilisés, surtout au chapitre 8, mais pour présenter les bases de
la bioénergétique, et notamment les différentes formes de l'énergie dans les trois cha-
pitres suivants, la thermodynamique de l'équilibre reste un outil incontournable.
Chapitre 2
L'ÉNERGIE OSMOTIQUE
A-
C+
2 vers 1. Lorsque cette force devient égale en valeur absolue à celle contenue dans
la différence de concentration en cation de part et d'autre de la membrane, les
vitesses de diffusion en sens aller et retour sont égales et le système est à l'équi-
libre. Dans le formalisme thermodynamique on définit, à température et pression
constantes, le potentiel électrochimique de l'ion dans une phase par la relation :
µi = µi° + R Tl n [ i ]+ z F [2-3]
4
où z est le nombre de charge de l'ion (+ 1 pour C , + 2 pour C2+ , -1 pour A-...) et
F la constante de FARADAY qui est exprimée en coulomb par mole (96 500 C mole-1,
qui correspondent à la charge élémentaire de l'électron multipliée par le nombre
d'AVOGADRO). La différence de potentiel électrochimique entre les deux phases est
alors :
µi(2-i) = R TIn[i 2 / [ i 1 ]+ zF(2-1) [2-4]
A l'équilibre la différence de potentiel électrochimique est nulle, ce qui donne la
relation :
(2-1) = - R T / z F I n [ i 2 ] / [ i 1 ] [
connue sous le nom de relation de NERNST. Elle traduit le fait déjà mentionné que
l'équilibre est atteint lorsque la force électrique est égale et de signe contraire à la
force contenue dans la différence de concentration.
2 - L'ÉNERGIE OSMOTIQUE 33
> Dans la diffusion simple il n'y a pas d'interaction spécifique entre la molécule
diffusant et la membrane. Comme cette dernière constitue une barrière hydrophobe, seule
A A A
µa
OU
µb
De nombreuses protéines de transport ont été isolées et leur activité a été mesurée dans
des systèmes constitués de vésicules de phospholipides (liposomes) contenant la pro-
téine partiellement ou totalement purifiée (protéoliposomes). La reconstitution du trans-
port est désormais la méthode la plus directe pour caractériser un transporteur.
Il existe plusieurs types de transport actif que nous rencontrerons ultérieurement.
Le plus répandu est cependant le cotransport et correspond au mécanisme décrit
ci-dessus (figure 2.3). Généralement la molécule est cotransportée avec l'ion sodium
ou le proton, si bien que l'énergie impliquée dans le transport est la différence de
potentiel électrochimique en ions sodium ou en protons. Ce type de transporteur
appelé transporteur secondaire est fonctionnellement couplé à une pompe ionique appe-
lée transporteur primaire. Nous verrons dans le prochain chapitre comment une diffé-
rence de potentiel électrochimique en un ion donné peut être établie par une pompe
ionique à partir de l'ATP.
Le mécanisme de transport par les transporteurs nécessite la fixation des substrats
d'un compartiment donné sur la protéine membranaire, un changement de confor-
mation du complexe et le relargage des substrats dans un autre compartiment. L'étape
de transconformation est plus lente que celles de fixation ou de dissociation et impose
la vitesse du transport.
Il existe d'autres protéines assurant le transfert de molécules, et surtout d'ions miné-
raux, qui ne mettent pas en jeu de tels changements conformationnels protéine-sub-
strat, ce sont les canaux. La vitesse de transfert peut alors être très importante, mais
à la différence des transporteurs, les canaux ne permettent pas de couplage au niveau
de la protéine. Nous en rencontrerons plusieurs exemples.
Selon une estimation récente, au moins 271 gènes sur un total de 5600, sont suscep-
tibles de coder pour des protéines de transport chez la levure Saccharomyces cerevisiae ;
35 pourraient correspondre à des transporteurs mitochondriaux, dont une quinzaine
ont été identifiés (les transporteurs mitochondriaux seront traités en 8.3). Ci-dessous
nous donnons les caractéristiques des transporteurs du glucose chez les mammifères,
particulièrement importants pour la régula-
tion du métabolisme énergétique.
Transport du glucose. Le glucose est absorbé
chez les mammifères au niveau de l'intestin
grêle par les cellules épithéliales de la bor-
dure en brosse (figure 2.4).
Ces cellules sont polarisées dans le sens où les transporteurs ont une localisation défi-
nie dans la membrane. La bordure en brosse, dirigée vers la lumière de l'intestin, accu-
mule le glucose à l'intérieur de la cellule par l'intermédiaire d'un cotransport Na+-glucose
Le déséquilibre thermodynamique en Na+ est maintenu à partir de l'énergie fournie
par le système ATP utilisé par la Na+/K+ ATPase (cf. § 3.1.4). Le glucose intracellulaire
ainsi concentré est transporté dans le sang par un transporteur catalysant une diffu-
sion facilitée et qui est localisé sur la face opposée à celle de la bordure en brosse. En
effet, une diffusion facilitée est suffisante lorsque la concentration en glucose intra-
cellulaire est supérieure à celle du sang, ce qui est le cas au cours de la digestion.
Les transporteurs de glucose catalysant la diffusion facilitée possèdent plusieurs iso-
formes. Ils forment une famille appelée GLUT (pour glucose transporteur).
10 11 12
COOH
intérieur
2.5 - Schéma de structure bidimensionnelle d'un transporteur glucose de type GLUT
Les rectangles numérotés représentent les hélices transmembranaires ;
ils sont reliés entre eux par des boucles extramembranaires.
Les transporteurs de glucose sont constitués de protéines possédant 12 hélices trans-
membranaires reliées entre elles par des boucles extramembranaires. La boucle la
plus importante dans le cas des transporteurs GLUT est celle reliant les hélices 6 et 7
(figure 2.5). Pour des données complémentaires à la structure des membranes et des
protéines membranaires il est conseillé de se référer au livre de E. SCHECHTER cité
dans la bibliographie de cette partie.
Les isoformes de GLUT sont tissu-spécifiques et possèdent des propriétés particu-
lières.
GLUT 1 a été détecté en premier lieu dans les érythrocytes mais on le trouve aussi
dans divers tissus comme le cerveau, les reins, les tissus fœtaux...
GLUT 2 est caractérisé par un KM (supérieur à 10 mM) et un VM élevés de sorte que
la vitesse de transport est quasiment linéairement proportionnelle à la différence de
concentration transmembranaire en glucose ; ces propriétés lui confèrent un rôle par-
ticulier dans le métabolisme du foie, des reins, des cellules du pancréas et des cel-
lules épithéliales de l'intestin, comme nous le verrons dans le chapitre 9.
GLUT 3, avec un KM d'environ 1 mM, est présent dans les cellules dont la demande
en glucose est importante comme celles du cerveau.
GLUT 4, présent dans les adipocytes et les cellules musculaires, a une activité régu-
lée par l'insuline ; cet aspect du mécanisme et son rôle dans la glycémie seront déve-
loppés au chapitre 9.
38 BIOÉNERGÉTIQUE
GLUT 5 localisé dans les cellules basales de l'intestin grêle est un transporteur du
fructose.
L'eau est une molécule qui, malgré son caractère polaire, diffuse rapidement à tra-
vers les membranes biologiques. Toutefois dans certaines cellules spécialisées, comme
les cellules proximales rénales, chez lesquelles les échanges d'eau avec l'extérieur
sont importants, il existe des canaux spécifiques appelés aquaporines.
Comme pour toute autre molécule, on définit un potentiel chimique pour l'eau, ou
un solvant en général, par LIS = µs° + RT ln[s]. On sait qu'à l'état pur l'activité d'un
solvant est égal à 1 et que l'addition d'un soluté abaisse son activité. Ainsi, l'activité
de l'eau d'une solution aqueuse est plus faible que celle de l'eau pure ; elle est d'au-
tant plus faible que la solution est concentrée.
Si un récipient contenant des solutions aqueuses de concentrations différentes est
séparé en deux compartiments par une membrane semi-perméable, l'eau diffusera
du compartiment où son activité est la plus forte (la solution la moins concentrée)
vers le compartiment où son activité est la plus faible. Pour s'opposer à ce flux il faut
appliquer une certaine pression sur le compartiment où l'activité de l'eau est la plus
faible. On définit ainsi expérimentalement la pression osmotique II comme la pres-
sion qu'il faut exercer sur un compartiment contenant une solution, l'autre com-
partiment contenant le solvant pur. On exprime formellement la pression osmotique
ou la différence de pression osmotique entre deux solutés directement en fonction
des activités du solvant :
Ainsi, la pression osmotique s'exerçant entre une solution A1 et le solvant pur est :
II = - R T / V sI na 1 s
2 - L'ÉNERGIE OSMOTIQUE 39
2.4. CONCLUSIONS
Nous avons vu dans ce chapitre que l'énergie osmotique est due à une différence de
potentiel chimique d'une molécule non-chargée, ou électrochimique d'un ion, entre
deux compartiments séparés par une membrane. Pour que cette instabilité soit uti-
lisable, il est nécessaire que la membrane, sous une forme ou une autre, puisse mettre
en communication entre les deux compartiments la molécule ou l'ion considéré. Par
exemple, les membranes sont en elles mêmes imperméables à l'ion sodium, mais
elles possèdent des systèmes de cotransport couplant l'entrée de cet ion à une autre
2 - L'ÉNERGIE OSMOTIQUE 41
molécule. Ainsi le µNa+ est une énergie utilisable par la cellule. Nous verrons dans
le prochain chapitre comment le déséquilibre en ion sodium est produit par une
ATPase insérée dans les membranes. Le Aul-T joue un rôle identique pour les trans-
ports actifs dans les membranes plasmiques des plantes et des champignons ; il est
aussi le moteur pour les transports dans les systèmes membranaires intracellulaires
(mitochondries, vésicules de GOLGI, endosomes...). Nous verrons le rôle central joué
par le µH+ dans les phénomènes de transduction membranaire au niveau des oxy-
dations phosphorylantes (chapitre 8) et des photophosphorylations (chapitre 10).
Chapitre 3
L'ÉNERGIE CHIMIQUE
L'énergie chimique est certainement, de toutes les formes d'énergie, la plus connue.
Elle est due à l'instabilité relative d'une liaison entre deux groupements, qui peut être
de ce fait facilement hydrolysée. La majorité de ces liaisons contient du phosphate
ou un atome de soufre. Elles sont impliquées dans les processus vitaux les plus divers
comme les voies de biosynthèse des métabolites et des macromolécules, la formation
d'énergie osmotique ou la motilité. Dans ce chapitre, nous décrirons successivement
les molécules suivantes et leur implication dans l'énergétique cellulaire : l'ATP et les
différents nucléosides phosphate, les autres métabolites phosphorylés et les molé-
cules possédant une liaison thioester. La régénération de l'ATP à partir du phosphate
minéral sera traitée aux chapitres 6 pour la glycolyse, 8 pour les oxydations phosphorylantes et 10 po
AMP
ADP
3.1 - Structure des adényl-nucléotides ATP
44 BIOÉNERGÉTIQUE
0- 0-
Alcool Ester phosphorique
0- 0- 0- 0-
Phosphates Pyrophosphate
liaison anhydride d'acide
Nous verrons dans le prochain paragraphe pourquoi la liaison ester est considérée
comme une liaison stable et la liaison anhydride comme une liaison instable.
A pH 7, l'ADP et l'ATP sont fortement ionisées. Trois des groupes acides des phos-
phates de l'ATP ont leur pK compris entre 2 et 3 et sont complètement dissociés. Le
quatrième groupe, porté par le phosphate y, ayant un pK de 6,5, est dissocié à 76% ;
ce pourcentage est obtenu en utilisant la loi d'HENDERSON-HASSELBACH :
pH = pK + log[A-]/[AH]
ou A- et AH représentent respectivement les formes dissociée et acide. De même la
troisième fonction acide de l'ADP est dissociée à 39% à pH 7. En fait, dans la cellule,
l'ATP et l'ADP existent essentiellement sous forme de chélates avec l'ion Mg2 qui
forme un pont entre les oxygènes respectivement en position P et y et a et [3.
instabilité relative par rapport à d'autres molécules. Cela est la base de l'énergie
chimique, car les systèmes ont tendance à évoluer vers une plus grande stabilité. En
conséquence, les molécules dites énergétiques induiront des réactions dans lesquelles
l'état final sera plus stable que l'état initial. D'après ce qui a été dit précédemment,
l'ATP sera considérée comme relativement instable si, et seulement si, le rapport de
masse [ATP]/[ADP][Pi] est supérieur à la valeur de la constante d'équilibre Keq.
Effectivement, le rapport de masse dans la cellule est 103, soit un rapport
8
Kpq 10 . Dans ces conditions l'ATP a tendance à s'hydrolyser.
Le G' de la réaction de synthèse de l'ATP noté G'p est appelé potentiel phosphate.
Il est de signe contraire à celui de l'hydrolyse. En comparant les valeurs de P calcu-
lées précédemment à Keq il est clair que la réaction va spontanément dans le sens de
l'hydrolyse et non pas de la synthèse. Dans la cellule, la réaction de synthèse n'est
possible que couplée à une réaction dont le G' est suffisamment négatif.
Ce n'est pas parce qu'une molécule énergétique a tendance à évoluer vers un état
plus stable qu'elle évolue effectivement. Des enzymes sont nécessaires pour, comme
nous l'avons vu, favoriser une réaction ou coupler deux événements. On peut faire
ici l'analogie avec l'énergie osmotique ou, par exemple, une différence de potentiel
électrochimique en ion sodium n'aura de sens pour la cellule que s'il existe des pro-
téines membranaires capables de l'utiliser.
En fait, comme nous le verrons pour les réactions métaboliques, l'ATP n'est pas
hydrolysé mais transfère un phosphate, un pyrophosphate ou un AMP à une molé-
cule acceptrice en mettant en jeu l'une de ses deux liaisons anhydrides d'acide.
L'hydrolyse, qui correspond à un transfert direct d'un groupement phosphate sur
une molécule d'eau, est considérée comme une mesure de la facilité avec laquelle
l'ATP cède l'un de ses groupements, l'eau étant prise comme accepteur de phos-
phate. Cependant des enzymes sont capables de coupler l'hydrolyse de l'ATP à une
activité particulière, en général vectorielle, ce sont les ATPhydrolases ou ATPases,
mais il y a toujours une transduction de l'énergie chimique en énergie conformationnelle ou m
d'hydrolyse ne correspond pas à une réaction chimique simple car il s'agit d'une
réaction couplée.
46 BIOÉNERGÉTIQUE
> Les ions Mg2- en neutralisant les charges négatives du phosphate diminuent la com-
posante enthalpique, mais comme l'affinité du phosphate minéral pour ce cation
est plus faible que celle de l'ATP, la résonance est moins affectée et l'entropie de la
réaction d'hydrolyse augmente ; au total le G°, somme algébrique des deux com-
posantes, devient plus négatif lorsque la concentration en Mg2+ augmente.
> Les solvants organiques (ou dans la cellule le degré d'hydrophobicité du milieu)
et les quantités de molécules dissoutes déterminent la valeur de l'activité de l'eau.
En effet, dans les calculs courants on pose que cette activité est égale à 1, activité
de l'eau pure ! Plus le milieu est hydrophobe, plus cette activité est faible et moins
négatif est le G° d'hydrolyse.
On voit donc qu'il est très difficile de mesurer avec exactitude le potentiel phosphate
dans une cellule, et ce d'autant plus qu'une large partie des nucléotides est liée aux
protéines et ne doit pas être prise en compte pour son calcul. Il faut ajouter à ces dif-
ficultés que la cellule est compartimentée et que la valeur de n'est pas la même d'un
compartiment à l'autre. Ces difficultés peuvent être en partie contournées en dédui-
sant la valeur du rapport ATP/ADP d'une réaction fonctionnant près de l'équilibre.
Une réaction qui a été très utilisée est celle de la phosphorylation réversible de la créatine par l'A
en milieu acide. Pour s'en convaincre on peut effectuer l'expérience suivante : on intro-
duit une solution neutre d'ATP dans une cuve de spectrophotomètre et on mesure son
absorbance à 280 nm, son maximum d'absorption ; on acidifie la solution et on observe
une décroissance rapide de l'absorbance. Il ne s'agit pas dans ce cas d'une hydrolyse
des liaisons pyrophosphates, car l'ADP et l'AMP absorbent aussi à 280 nm, mais d'une
48 BIOÉNERGÉTIQUE
Dans la grande majorité des réactions chimiques, l'ATP intervient comme donneur
d'un groupe phosphoryl, pyrophosphoryl ou adénylate, groupes liés au reste de la
molécule par une liaison anhydride d'acide, mais il n'est pas hydrolysé.
> Le temps de mesure est long et il faut s'assurer que l'état des cellules reste inchangé pendant la durée d
3 - L'ÉNERGIE CHIMIQUE 49
0
II
CH2OH H2C—O—P—O-—0 Hexokinase — 0 + ATP Mg2+ ° + ADP + H+
Glucose Glucose-6P
L'idée fausse que l'énergie proviendrait de l'hydrolyse de l'ATP est due à une confu-
sion entre le mécanisme de la réaction chimique et le calcul thermodynamique uti-
lisé pour déterminer la valeur du G de la réaction. En effet la valeur d'une fonction
d'état ne dépend que de l'état du système et est indépendante de la voie par laquelle
celui-ci a été obtenu. Ainsi cette réaction, par un artifice de calcul, peut être décom-
posée comme suit :
ATP + H2O —— ADP + P; G0' = - 34,5 kjoules . mole-1
Glucose + Pi Glucose-6P + H2O G0' = + 13,8 kjoules . mole-1
d'où Glucose + ATP —— Glucose-6P + ADP G0' = - 20,7 kjoules . mole-1
La décomposition de la réaction en deux réactions n'a aucune réalité chimique mais
permet de calculer le G0' ou le G' de la réaction de synthèse du glucose-6P. En
comparant ces valeurs on voit que, dans les conditions standard, l'ATP est un meilleur
donneur de phosphate que le phosphate minéral puisque, dans un cas le G0' est de
- 20,7 kjoules . mole-1, et dans l'autre de + 13,8 kjoules . mole-1. Dans les conditions
de concentration cellulaires la réaction de phosphorylation du glucose par l'ATP est
encore plus favorisée que dans les conditions standard et la réaction est quasiment
irréversible.
Cet exemple de réaction montre que l'ATP agit comme un agent de synthèse. En effet,
classiquement en chimie organique, pour synthétiser un ester à partir d'un alcool on
n'utilise pas l'acide, car la réaction serait incomplète, mais l'anhydride ou le chlorure
d'acide. Il en est de même pour la synthèse du glucose-6P où l'anhydride est utilisé à
la place du phosphate.
La phosphorylation du fructose-6P en fructose-l,6biphosphate, catalysée par la phosphofructokinas
| 0- Phosphofructokinase 1 0 O-
+ ADP + H+
+ ATP ———————————-
CH2OH C H 2
0
Fructose-6phosphate Fructose-1,6biphosphate
50 BIOÉNERGÉTIQUE
ATP + AMP
-o-
O- O-
5-phosphoribose 5-phosphoribosyl pyrophosphate (PRPP)
HN Orotatephosphoribosyl HN
transférase 1
0 NH C
0 PRPP
0 ON C 1
\
II \
0- 0-
0—P—0—CH2
O
-0 /
Notons dans cet exemple et le suivant, que l'ATP transfère son énergie, c'est-à-dire
son instabilité, à une autre molécule qui jouera alors le rôle d'agent de synthèse.
0-
/
R—C + ATP
\\
0
Selon cette réaction, une liaison anhydride d'acide entre le carboxyle et le phosphate
de l'AMP (acyl-adénylate) est formée à partir de la liaison anhydride située entre les
groupements phosphoryl de l'ATP. La réaction est donc iso-énergétique et n'est
pas plus favorisée dans un sens que dans un autre. Cependant l'un des produits de
cette réaction, le pyrophosphate, peut être hydrolysé pour donner deux molécules de
phosphate selon une réaction fortement exergonique, ce qui favorise la formation de
l'acyl-adénylate par déplacement de l'équilibre. Ce dernier est une forme très réactive des carboxyl
La Na+/K4+ATPase est une enzyme ubiquitaire située dans les membranes plasmiques
des cellules animales. Elle est d'une importance majeure car elle couple la sortie de
3 Na+ à l'entrée de 2K 4 dans la cellule selon un processus électrogénique. Rappelons
que l'on apprelle processus électrogénique tout processus générant une différence de
potentiel électrique. De ce fait elle est impliquée dans de nombreux phénomènes vitaux.
> Elle joue un rôle central dans la régulation du volume cellulaire en contribuant
au maintien d'une pression osmotique compatible avec l'intégrité des structures
cellulaires.
> Elle permet la création d'un potentiel électrique transmembranaire et la séparation
du K+ et du Na+ ; elle est ainsi, comme nous l'avons vu, à l'origine des trans-
ports actifs.
> Cette enzyme joue un rôle fondamental dans l'activité des cellules excitables.
L'activité de cette ATPase peut être mise en évidence par sa sensibilité à l'ouabaïne
et au vanadate. Le calcul ci-dessous donne une illustration de son activité.
Calcul du G' de la réaction : ATP + 3 Na+i + 2 K+e ADP + Pi + 3Na+e + 2K+i pour les
conditions suivantes : Gp = 58 kJ . mole-1 [Na+]i = 0,014 M, [K+]i=0,1, [Na+]e = 0,14 M,
[K+]e = 0,005 M, i-e = - 0,06 V, t = 37 °C
On écrit G = - Gp + 3 µ Na+e - i + 2 µiK+i _ e
µ Na+e-i = 8,32 x 303 In 0,14/0,014 + 96500 x 0,06 = 11,6 kJ . mole-1
ALI K+i -e = 8,32 x 303 In 0,14/0,005 - 96500 x 0,06 = -2,6 kJ . mole-1
d'où G = - 58 + 3 x 11,6 + 2 x 2,6 = - 28,4 kJ . mole-1
3N a +2 K +
ATP Face externe
E1 2 K+ E1, 3 Na + —— E1P, 3 Na 4
Membrane
plasmique
2K+
E2, 2 K+ —— E2P, 2 Na+ —— E2P, 3 Na+
+
Pi, 2 Na Na+ Face interne
3.3 - Cycle catalytique de la Na/K+ATPase
E1 et E2 représentent les deux conformations de l'enzyme et E1P et E2P
les formes phosphorylées correspondantes.
3 - L'ÉNERGIE CHIMIQUE 53
Comme nous l'avons signalé au début de ce paragraphe, ce schéma est basé sur l'exis-
tence de deux conformations pour l'enzyme. Sur la face externe de la membrane,
3 Na+ sont échangés sur la protéine avec 2 K+ ; la phosphorylation de la protéine par
l'ATP rend l'ion sodium non-échangeable, ce qui implique qu'il soit enfoui dans la
protéine ; la protéine subit alors un changement de conformation avec perte pro-
gressive de son affinité pour l'ion sodium et perte d'un Na+ ; la déphosphorylation
induit la perte de 2 Na+ qui s'échangent avec deux K+ ; la protéine subit un change-
ment de conformation et le cycle recommence.
Phosphorylation et déphosphorylation sont à la base des changements de confor-
mation de la protéine ayant des affinités différentes pour les cations. Il s'agit donc
d'une conversion d'énergie chimique en énergie de conformation (ou énergie méca-
nique) suffisamment importante pour entraîner un transport d'ions.
Nous donnons dans le tableau ci-dessous quelques exemples d'ATPases de type P.
Chez les animaux les Ca2+ ATPases, avec les Na+/K+ATPases, sont celles qui ont été
le plus étudiées, tant sur le plan cinétique que structural. Localisées dans la mem-
brane plasmique ou dans le réticulum endoplasmique (appelé réticulum sarcoplasmique dans le mu
L'équilibre obéit à la relation G'p + n µH+ i-e = 0. Le terme G'p représente le poten-
tiel phosphate à pH 7, et n la stoechiométrie en H++ de l'ATP synthase. Lorsque cette
somme est négative le système évolue dans le sens de la synthèse avec utilisation du
potentiel électrochimique en H+ ; lorsqu'elle est positive le système couple l'utilisa-
tion de l'ATP à la formation d'un potentiel électrochimique en H+. Il s'agit d'un trans-
ducteur réversible qui peut travailler dans des conditions peu éloignées de l'équilibre.
Chez les bactéries anaérobies facultatives placées en anaérobiose, l'ATP est hydrolysée pour g
protons aux dépens de l'utilisation de l'ATP et créent ainsi un µH+ positif et acide
à l'intérieur de la vésicule. Cette force est utilisée notamment pour les transports actifs.
Contrairement aux ATP synthases elles ne fonctionnent, pour des raisons thermody-
namiques, que dans le sens de l'utilisation de l'ATP (ce qui correspond à une forte
dissipation de l'énergie au cours de la réaction). Ces ATPases de masse moléculaire
d'environ 2 - 5 x 1 O5 sont constituées d'un secteur soluble (VI) et d'un secteur membranaire (
(voir chapitre 8). Comme dans le cas des ATP synthases, le cycle catalytique ne com-
porte pas d'intermédiaire phosphorylé. Ces enzymes sont activées par certains anions
comme l'ion chlorure ; elles sont inhibées par l'ion nitrate et, comme généralement
les pompes à protons, par le DCCD (dicyclohexylcarbodiimide), un reactif des fonc-
tions carboxyliques. Par contre elles sont insensibles à l'oligomycine, inhibiteur des
ATP synthases mitochondriales, et au vanadate.
Mis à part leur rôle dans la biosynthèse des acides nucléiques, les nucléotides autres
que les nucléotides adényliques interviennent dans des réactions spécialisées du méta-
bolisme et de sa régulation.
> L'UTP (uridine triphosphate) est impliquée dans la synthèse des liaisons glycosidiques. Par exem
Uridine-diphosphoglucose (UDPG)
H3C 0 0 O
\
H3C—N+—CH2—CH2—0- P—0- P—0—CH2
0
H3C O 0
Cytidine-diphosphocholine (CDP-choline)
H3C H3C
\ Choline kinase \
H3C—N + —CH2—CH2—OH + ATP —————- H3C—N + —CH2—CH2—OP + ADP + H+
H3C H3C
Choline Phosphoryl choline
56 BIOÉNERGÉTIQUE
CDP-choline-pyrophosphorylase
phosphorylcholine + CTP CDP-choline + PPi
Phosphoryl-choline-diacylglycérol
0 H2C—O—C—R1 transférase O H2C—O—C—R1
0—P—0—Choline
Diacylglycérol Phosphatidylcholine 0
NH2
0 H2C—0—C—R1 0 H2C—0—C—RI
R2—C—0—CH 0 R2—C—0—CH 0
H2C—O H2C -0 0 0 0N
> Les guanosines di et triphosphate (GDP et GTP) tiennent une place essentielle dans
les processus de signalisation. Elles interviennent en se liant à des protéines parti-
culières, les protéines G (cf. chapitre 5).
Les nucléosides monophosphate (NMP) et diphosphate (NDP), qui désignent les
nucléotides autres que l'AMP ou l'ADP, ne sont pas régénérés respectivement en
NDP et en NTP par incorporation directe de Pi lors d'une réaction couplée. En
général ces réactions couplées concernent la régénération de l'ADP en ATP. La
phosphorylation de ces nucléotides est due à des réactions de transphosphorylation où le don
réaction catalysée par l'adénylate kinase décrite au § 3.1.3.1). Comme il n'y a pas
de changement de nature des liaisons mises en jeu lors des réactions, les constantes
d'équilibre sont voisines de 1.
NMP kinase
NMP + ATP — NDP + ADP
NDP kinase
NDP + ATP — NTP + ADP
3 - L'ÉNERGIE CHIMIQUE 57
\ NTP
W : travail produit par les nucléotides 2 —
1 : NMP kinase
2 : NDP kinase
3 : Phosphorylation nette : — ATP -
glycolyse, oxydation phosphorylante, photophosphorylation 3
3.5 - Régénération des nucléotides ADP + Pi
Cependant le GTP, dans les mitochondries de mammifères, peut être régénéré direc-
tement à partir de Pi selon une réaction couplée utilisant un thioacyl comme com-
posé à haut potentiel de transfert (cf. § 7.2.2) :
Succinyl-CoA synthétase
succinyl-CoA + Pi + GDP succinate + GTP + CoASH
3.2.2.1. Créatine-phosphate
On trouve la créatine-phosphate (ou phosphocréatine) dans les cellules des muscles
lisses ou striés, les cellules cardiaques et celles du système nerveux des vertébrés. Elle
est synthétisée par transfert réversible d'un phosphoryl de l'ATP sur un atome d'azote
du goupement guanidyl de la créatine, réaction catalysée par la créatine kinase.
créatine + ATP créatine-P + ADP
Le sens de la réaction dépend des rapports de masse :
[créatine P]/[créatine] x [ADP]/[ATP].
Pour de fortes concentrations en ATP (par exemple pour un muscle au repos), la
créatine-P est synthétisée ; par contre, dans des conditions où l'ATP est fortement
consommée (muscle en exercice) elle est régénérée à partir de la créatine-P. Cette
réaction correspond donc à un système tampon. On peut détecter par RMN la créa-
tine-P et le phosphate minéral, ce qui permet de mesurer le rapport créatine-P/Pi
et le considérer comme indice énergétique. En effet puisqu'un travail musculaire
utilise de l'ATP en donnant de l'ADP et du Pi, cet indice traduit bien l'importance
de la régénération énergétique par rapport au travail fourni. Il est ainsi possible de
détecter des myopathies.
L'instabilité de la créatine-P est due aux contraintes conformationnelles exercées sur
la créatine qui empêchent la résonance du groupe guanidyl de cette dernière.
58 BIOÉNERGÉTIQUE
H H H 0-
N—H N N- P—0-
II 1 1
HN=C —— H — N — C H N C 0-
CH—CH2—CH2—CH2—NH—C—N—H
-OOC 0 — PO
Phosphoarginine 0
La créatine-P peut être considérée comme une réserve (bien que modeste) en liaisons
anhydrides de phosphate car les cellules en contiennent 10 à 20 fois plus que d'ATP.
Pourquoi l'évolution a-t-elle retenu un tel système plutôt qu'une plus forte quantité
en ATP ? Un élément de réponse tient vraissemblablement au fait que les nucléotides
adényliques ne sont pas uniquement des intermédiaires énergétiques pour la cellule
mais sont aussi impliqués dans la régulation de nombreuses enzymes, et à cet égard
les concentrations, et non seulement la valeur du potentiel phosphate, jouent un rôle
important.
L'importance de ces réserves est cependant limitée. Un coureur à pied par exemple
dépense en moins d'une seconde une quantité d'énergie équivalente à son stock
d'ATP ; même en multipliant cette quantité par 20, c'est-à-dire en prenant en compte
la quantité maximale de créatine-P, la réserve reste faible.
En fait, après une heure d'effort, le coureur a consommé en énergie l'équivalent de
ses réserves en glycogène et commence à utiliser ses graisses pour maintenir son
potentiel phosphate. Il ressort de cette constatation que l'important est moins la taille
du stock des réserves internes (glycogène, triglycérides) ou externes (aliments) que
la vitesse à laquelle ces molécules permettent la régénération de l'ATP. C'est par cet
ajustement entre vitesse d'utilisation et vitesse de synthèse de l'ATP que le potentiel
phosphate peut être maintenu à une valeur compatible avec la vie de la cellule.
Le système créatine/créatine-P semble être aussi impliqué dans le transfert de l'éner-
gie de son lieu de synthèse (la mitochondrie) à son point d'utilisation (le système
contractile) (cf. § 9.2).
(figure 3.6). L'instabilité de ce dernier composé est due aux contraintes exercées par
le phosphate s'opposant à l'isomérisation du phosphoénol (forme très instable) en
pyruvate (forme stable).
H2C C—COO-
H 2 CC—COO- H3C—C—COO-
0P—O OH
O
phosphoénolpyruvate
mol-1
-60 -
3 1,3-biphosphoglycérate
.2 acétyl phosphate et créatine phosphate
-40
u1 ATP —» ADP + Pi
glucose-1phosphate
-20
D1
fructose-éphosphate
glucose-6phosphate
n
3.2.3. THIOESTERS
0 H7 O8
1 /
C — O R' R—C—C—S—R'
H
60 BIOÉNERGÉTIQUE
pantéthéine
0 0 H CH3 0
—CH2—CH2—NH——C—C—CH2—P—0-
NH OH CH3 0 ON
CH2 0P — 0 -
cystéamine
CH2 O-
SH
3.3. CONCLUSIONS
L'énergie chimique correspond à un ensemble de composés dont certaines liaisons
sont relativement instables. Cela signifie que les systèmes évoluent de l'état le moins
stable vers des états plus stables. Un système ne correspond pas seulement à une
molécule mais à la valeur du rapport de masse des molécules intervenant dans une
réaction comparée à cette valeur dans les conditions de l'équilibre chimique. Plus
grande sera la différence entre ces deux valeurs, plus grande sera la force agissant
sur le système. Prises dans leur ensemble, les réactions du métabolisme sont unidi-
rectionnelles, c'est-à dire irréversibles ; on ne trouvera jamais dans la cellule des
concentrations en Pi et glucose-6P suffisantes pour réverser la réaction catalysée par
l'hexokinase. De même les gradients ioniques établis par les ATPases membranaires
sont généralement insuffisants pour permettre la synthèse de l'ATP.
Cette réflexion sur le caractère unidirectionnel du métabolisme n'est générale que si
l'on considère l'ensemble des réactions. A l'intérieur du réseau il y a des réactions
physiologiquement réversibles. Ce sont en général des réactions faisant intervenir
3 - L'ÉNERGIE CHIMIQUE 61
des molécules dites énergétiques (il est plus exact de parler de systèmes instables).
Nous pouvons ainsi citer les réactions de transfert d'un résidu phosphoryl entre
nucléotides ou entre l'ATP et la créatine, ou d'une manière plus globale, la formation
d'agents de biosynthèse à partir de l'ATP.
La cellule est continuellement le siège de transformations de systèmes instables en
systèmes plus stables, mais avec cette caractéristique qu'elle maintient son niveau
d'énergie, c'est-à-dire, son niveau d'instabilité. Pour cela, elle reçoit de l'énergie de
l'extérieur et on peut ainsi dire que la cellule est traversée par un flux énergétique.
La valeur de cet état énergétique peut, par exemple, être caractérisée par le potentiel
phosphate. Il existe ainsi des états stationnaires énergétiques, mais qui peuvent être
différents selon l'état physiologique de la cellule, comme par exemple, une cellule
musculaire au repos ou travaillant. Il faut être conscient que la cellule ne possède pas
(ou très peu) de réserve en liaisons à haut potentiel de transfert. L'arrêt de l'apport
énergétique conduit à l'arrêt des réactions cellulaires, à l'image d'un moteur élec-
trique pour lequel on aurait coupé le courant. Cet apport d'énergie est constitué par
les réactions d'oxydoréduction que nous étudions dans le prochain chapitre.
Chapitre 4
OXYDORÉDUCTION
est suffisamment élevée pour que la vitesse de son oxydation soit égale à celle de sa
réduction. Comme pour tout système, deux types d'évolution sont possibles.
> Le système évolue seul ; l'équilibre thermodynamique obtenu correspond alors à
une perte totale d'énergie utilisable et la distribution des électrons entre les deux
couples représente la stabilité maximale du système.
Le système est couplé à un autre système. Un équilibre peut être atteint, corres-
pondant à un G global nul, mais dont les G de chacun des systèmes sont de
même valeur absolue et de signe opposé. Dans une telle situation, générale aux
systèmes couplés, chaque système contient un potentiel énergétique non-nul.
Ces deux cas sont discutés dans l'exemple suivant où Zn est le réducteur et Cu2+
l'oxydant.
Zn + Cu2+ —— Zn2+ + Cu
Premier cas - Une lame de Zn plonge dans un bain de sulfate de cuivre : les ions cuivriques, r
Zn2+ se dissout dans l'eau. Seule de l'énergie thermique est échangée avec l'extérieur
jusqu'à l'obtention de l'équilibre.
Deuxième cas - Le système est constitué de deux compartiments : une lame de Zn
plongeant dans une solution de sulfate de Zn2+ et une lame de Cu plongeant dans un
autre compartiment contenant du sulfate de Cu2+(figure4.1 a). Comme dans l'expé-
rience précédente Zn a tendance à s'oxyder et les ions cuivriques à se réduire en Cu.
Les compartiments sont reliés par un pont salin de KCl qui assure l'électroneutralité
de la réaction d'oxydoréduction en neutralisant le gain ou la perte d'ions. Dans ces
conditions il s'établit une polarisation des électrodes due à la réaction d'oxydoré-
duction et s'opposant au développement de la réaction chimique ; un équilibre est
obtenu lorsque le déséquilibre électrique égale le déséquilibre chimique. Par ce mon-
tage on réalise une transduction d'énergie chimique en énergie électrique caractérisée
par uneforceélectromotrice appeléef.e.m.en abrégé. On peut introduire un petit moteur
entre les deux bornes de sorte à transduire l'énergie chimique en travail mécanique.
Par contre si les lames sont reliées par un conducteur métallique, l'énergie chimique
est dissipée en chaleur. Dans ces deux cas l'énergie électrique est un intermédiaire et
sa consommation continue est la cause d'un flux chimique qui ne cessera qu'à l'équi-
libre. Cette description pourrait s'appliquer aussi bien à un système couplé cellulaire.
Le montage décrit est connu sous le nom de pile DANIELL. La réaction est réversible.
En effet, en plaçant dans le circuit, en opposition avec la pile, un générateur dont la
f.e.m. est supérieure à celle de la pile, le sens du courant et en conséquence celui de
la réaction sont inversés.
On peut constituer des piles où chaque compartiment contient en solution un couple
redox (contrairement à l'exemple précédent où les formes réduites sont les
électrodes métalliques) dans lequel plonge une électrode constituée par un métal
inerte comme le platine. Dans l'exemple montré sur la figure 4.1 b un seul électron
intervient dans la réaction. Le couple 1 est plus réducteur que le 2 d'où le sens du
courant.
4 - OXYDORÉDUCTION 65
voltmètre voltmètre
cathode anode électrode électrode
de Zn de Cu de Pt d ePt
pont de KCl
e-
Zn2+ Cl- K+
1
ZnSO4 2Cl-- 2K + CuSO4 R e d 10 x O
1 x 2R e d 2
Le titrage d'un couple redox s'effectue à l'aide d'une pile constituée d'une électrode
de référence et d'une électrode en platine plongeant dans la solution redox à titrer et
en absence d'oxygène. On ajoute progressivement un réducteur à la solution et le
potentiel d'équilibre est mesuré après chaque ajout. On trace ainsi la relation E en
fonction de la quantité de réducteur ajouté. Lorsque le couple à titrer ne diffuse pas
vers l'électrode de platine on utilise un couple médiateur qui diffuse entre l'électrode
et le couple à titrer.
Le potentiel d'oxydoréduction d'un couple peut varier en fonction d'un certain nombre
de facteurs :
> la force ionique du milieu : la valeur Em des petites molécules métallo-organiques,
dont les formes réduites et oxydées présentent une différence de charge, est modi-
fiée par la force ionique (1) du milieu. Pour le couple t e r r i/fero-cyanure,par
exemple, cette valeur passe de + 0,36 V pour 1 = 0 à + 0,45 V à haute force ionique ;
> les ligands : ce problème est discuté dans le paragraphe 4.5.2 de ce chapitre à pro-
pos des cytochromes ;
4 - OXYDORÉDUCTION 67
4.2 - Schéma d'une courbe de titrage -160 -100 -40 20 80 140 200
d'un couple oxydoréducteur Potentiel d'oxydoréduction (mV)
68 BIOÉNERGÉTIQUE
Les pyridines nucléotides sont des transporteurs d'hydrogène qui contiennent l'amide
de l'acide nicotinique comme groupement fonctionnel. Ce furent les premiers coen-
zymes caractérisés, d'où l'ancienne nomenclature de coenzyme 1 et coenzyme 2 pour
respectivement le NAD+ et le NADP+ Le coenzyme 1 fut découvert par HARDEN et
YOUNG en 1904, qui isolèrent un facteur dialysable nécessaire à la transformation du
glucose en éthanol par un extrait de levure. Plus tard, VON EULER montrait que ce
coenzyme était lié à l'acide adénylique. En 1934, WARBURG et CHRISTIAN isolèrent des
érythrocytes le coenzyme 2 comme élément indispensable à l'oxydation du glucose-6phosphate
Les coenzymes oxydés présentent une bande d'absorption à 250 nm et une bande
supplémentaire à 340 nm sous leur forme réduite. Les formes réduites excitées à
340 nm fluorescent dans le bleu. Les propriétés d'absorption et de fluorescence sont
utilisées pour le dosage de ces nucléotides.
L'acide nicotinique est une vitamine dont la carence provoque une dermatose appe-
lée pellagre (d'où le nom de vitamine PP appelée aussi niacine) et appartient au groupe
des vitamines hydrosolubles de type B. Les coenzymes sont synthétisés à partir de
cette vitamine en trois étapes :
> synthèse du mononucléotide
acide nicotinique + PRPP — acide nicotinique mononucléotide + PPi
> synthèse du dinucléotide
acide nicotinique mononucléotide + ATP — ac. nicotinique dinucléotide + PPi
> synthèse de l'amide
acide nicotinique dinucléotide + glutamine — NAD+ + glutamate
4 - OXYDORÉDUCTION 69
Les enzymes à NAD+ sont impliquées dans les types de réaction dont des exemples
sont donnés ci-après.
> Oxydation d'un alcool primaire en aldéhyde
éthanol + NAD+ éthanal + NADH +H + +
(alcool déshydrogénases)
> Oxydation d'un alcool secondaire en cétone
lactate + NAD+ — pyruvate + NADH + H+
(lactico déshydrogénases)
> Oxydation d'un aldéhyde en acide
éthanal + H2O + NAD+ — acétate + NADH + 2 H+
(aldéhyde déshydrogénases, dont certaines fonctionnent avec le NADP ; voir aussi
la 3-phospho-glyceraldéhyde déshydrogénase au chapitre 6)
> Oxydation d'une amine en cétone
glutamate + H2O + NAD+ — cétoglutarate + NADH + ammoniaque
(glutamate déshydrogénase ; certaines de ces enzymes fonctionnent avec NADP+
Les enzymes à NADP+ interviennent essentiellement dans des réactions de biosyn-
thèse, c'est-à-dire dans des réactions de réduction. L'exemple ci-dessous traite de la
première étape de la biosynthèse des lipides :
0 COO- 0
// / //
H3C— + H2C 0 —— H3C—C—CH2—C + CO2 + CoASH
S-CoA C O S-CoA
S-CoA
Acétyl-CoA Malonyl-CoA Acétoacétyl-CoA
0 0
// //
H3C—C—CH2—C + NADPH + H+ ——- H3C—C—CH2—C + NADP
II II
0 S-CoA 0 S-CoA
hydroxybutyryl-CoA
)
70 BIOÉNERGÉTIQUE
+ NADPH + H4
CH2OP
ôP-gluconate
0
CH—OH CH2OH
CH—OH CH2
CH—OH CH2
CH2OP CH2OP
Gluconate-6P Ribulose-5P
coo-
0
C—CH2—COO- + NADP 1 O C + NADH + CO2 + H+
1
HO—CH CH2
coo- CH2
COO
Isocitrate a-cetoglutarate
C'est donc l'ensemble du réseau métabolique qui impose l'état stationnaire en fixant
les concentrations en substrats réduits et oxydés. C'est un exemple typique d'état sta-
tionnaire d'un système ouvert. Dans la mesure où l'activité de la déshydrogénase est
importante devant le flux passant par la réaction d'oxydoréduction, elle pourra main-
tenir un état de proche de l'équilibre entre d'une part les substrats et les produits de
la reaction, et d'autre part les coenzymes pyrimidiques.
Cette observation peut expliquer la grande différence de potentiel d'oxydoréduction
entre le couple N A D/NADHet le couple N A D P/NADPH.En effet, dans le cyto-
plasme, elle semble être maintenue par plusieurs réactions supposées proches de leur
équilibre.
Deux types de réactions interviennent dans ce processus.
> II existe un métabolite commun entre les réactions catalysées par les déshydrogé-
nases à NAD 4 et à NADP+ C'est le cas de la lacticodéshydrogénase et de l'enzyme
malique. Cette dernière catalyse la réaction suivante :
malate + NADP+ pyruvate + NADPH + CO2 + H 4
En connaissant KL et K M les constantes d'équilibre des réactions catalysées res-
pectivement par la lacticodéshydrogénase et l'enzyme malique, on peut écrire les
relations suivantes :
[pyruvate] = K L/[H+]x [lactate][NAD+]/[NADH]
[pyruvate] = KM/[H+] x [malate] [NADP+] [NADPH] [CO2]
d'où [NAD+]/[NADH] = [NADP+] [NADPH] x KM/KL x [malate]/[lactate] [CO2]
Ainsi la différence dans les potentiels d'oxydoréduction est déterminée par le rap-
port malate/lactate.
> S'il n'y a pas de substrat commun aux deux déshydrogénases, la relation peut se
faire par l'intermédiaire d'une troisième réaction reliant un substrat ou produit
d'une reaction à un substrat ou produit de l'autre. Ainsi cétoglutarate et l'oxa-
loacétate sont les produits des réactions catalysées respectivement par l'isocitrate
déshydrogénase et de la malate déshydrogénase. Ces molécules sont reliées entre
elles par une réaction de transamination catalysée par la glutamate/oxaloacétate
transaminase (cf. chapitre 7). En connaissant les constantes d'équilibre de ces trois
réactions (Kl pour l'isocitrate déshydrogénase, KM pour la malate déshydrogénase
et KT pour la transaminase) on écrit :
[NADP+]
[NAD+][NADH]- x KT x [isocitrate] [aspartate]
[NADPH] x KTKM[glutamate] [malate][ C O 2 ]
4 - OXYDORÉDUCTION 73
marquage n'est retrouvé sur NAD 4 , on en conclut donc que l'ADH reconnaît spéci-
fiquement une position de l'hydrogène (position A).
H
O
C
0 D bH DA 0
//
X:
+ H3C- C—OH
NH2 D
0
Expérience 2 - Si le NAD 4 est réduit par le deutérium par voie chimique et soumis à
une réoxydation enzymatique on obtient un mélange de N A D ' deutéré et non-deu-
téré car la réduction chimique n'est pas stéréospécifique.
Les alcool déshydrogénases et les lactico-déshydrogénases sont des exemples d'en-
zymes de spécificité A ; la glycéraldéhyde-3P déshydrogénase et la glycérol-P déshy-
drogénase sont des enzymes de spécificité B. Il a été proposé que la Stéréospécificité
intervenait dans le couplage entre deux déshydrogénases où le coenzyme réduit par
une enzyme de spécificité B ne pourrait être réoxydé que par une enzyme de spéci-
ficité A pour des raisons stériques (cf. § 6.2.2).
4.3. FLAVINES
4.3.1. STRUCTURE ET PROPRIÉTÉS PHYSICO-CHIMIQUES
Les structures de ces composés sont données dans la figure 4.5. La riboflavine est
constituée d'un noyau isoalloxazine substitué par le ribitol (penta-alcool dérivé du
ribose).
H2C—(CHOH)3—CH2—0—P—0—P—0—CH2
1 1 0.
0- 0-
Riboflavine
FMN
FAD
La riboflavine et le FMN sous leur forme oxydée absorbent à 266, 373 et 445 nm et le
FAD à 260, 380 et 465 nm. Cependant ces maxima peuvent être déplacés vers les
grandes longueurs d'onde lorsque le coenzyme est lié à la protéine, propriété exploi-
tée pour étudier ces interactions. Lorsque la flavine est réduite, l'absorption corres-
pondant aux deux maxima dont les À sont les plus grandes est très fortement diminuée.
La conséquence en est une perte de la coloration vert-jaune. On peut donc se servir
de cette propriété pour suivre son état d'oxydoréduction.
Les flavines sont fluorescentes à l'état oxydé et émettent entre 520 et 560 nm. La
fluorescence du FAD ne représente que 10% de celle du FMN ou de la riboflavine.
Cela s'explique par les interactions entre les groupements flavinique et adénylique ;
il y a de même abaissement de la fluorescence par interaction entre les flavines et les
protéines.
La formation de lumiflavine (le radical R de la figure 4.5 est remplacé par un méthyle)
par action de la lumière en milieu alcalin est à la base d'une méthode très sensible de
dosage des flavines par fluorescence. Après photolyse la lumiflavine est extraite par
le chloroforme et dosée par fluorescence.
Les flavines interviennent dans des réactions d'oxydoréduction pouvant être très dif-
férentes les unes des autres quant à leur mécanisme. On peut les classer en trois
groupes :
> Les réactions où l'accepteur d'électrons est l'oxygène moléculaire. Les enzymes
impliquées sont appelées oxydases.
S réduit + flavine oxydée —- S oxydé + flavine réduite
flavine réduite + 02 —» flavine oxydée + H2O2
76 BIOÉNERGÉTIQUE
Les exemples d'enzymes de ce type sont les L- et D-aminoacide oxydases, les aminé
oxydase de la membrane externe des mitochondries et la xanthine oxydase qui est
souvent utilisée pour produire expérimentalement des radicaux hydroxyles in vitro
(OH'). L'eau oxygénée est décomposée en eau et oxygène sous l'action d'hy-
droxyperoxydases.
> Les oxydoréductases constituent le groupe représentant la majeure partie des fla-
voprotéines. Elles assurent le transfert des électrons du NADH ou d'un métabo-
lite à un accepteur autre que l'oxygène moléculaire. Dans ce groupe on classe : les
déshydrogénases membranaires comme les NADH-, succino- et glycérolphos-
phate déshydrogénases localisées dans la membrane interne des mitochondries
(cf. § 8.4.2 ainsi que les lactico-déshydrogénases de la levure, différentes de celles
du muscle qui fonctionnent avec le NAD+. Ces flavoprotéines peuvent transfé-
rer les électrons à des accepteurs artificiels tels que le ferricyanure, le bleu de
méthylène, la phénazineméthosulfate (PMS) ou le 2,6-dichloroindophénol (DCIP).
> Certaines flavoprotéines catalysent la déshydrogénation de substrats à bas poten-
tiel d'oxydoréduction. L'accepteur d'électrons peut être le NAD+, l'exemple en est
la lipoyldéshydrogénase (cf. § 7.2.1).
La réduction des flavines s'effectue au niveau des azotes 1 et 10 du noyau isoalloxa-
zine (figure 4.6). Le potentiel de demi-réduction à pH 7 est de - 0,2 V, mais peut être
fortement modifié lorsque le coenzyme est lié à la protéine. D'autre part les méca-
nismes des réactions d'oxydoréduction catalysées par les flavoprotéines peuvent être
différents d'une enzyme à l'autre et faire intervenir des formes radicalaires ou semi-
quinoniques et d'autres groupes réactifs tels que les thiols et les métaux.
Scmiquinone
une réaction acido-basique avec un pK de 8,4. Ces complexes peuvent être stabilisés
par interaction avec la protéine. Les formes semiquinoniques interviennent dans les
chaînes de transporteurs d'électrons au niveau de la dissociation de la paire électro-
nique, comme par exemple le transfert du NADH (hydrure) à l'ion ferrique (un seul
électron).
4.4. QUINONES
Les quinones sont des transporteurs d'électrons et de protons solubles dans les sol-
vants organiques et sont présentes en grande quantité dans les membranes trans-
ductrices d'énergie. Les ubiquinones sont des benzoquinones substituées par un
groupement poly-isoprénoyl dont le nombre de maillons isoprène varie selon les
espèces : Q6 (levure), Q8 (E. Coli), Q9 (rat), Q10 (homme, lapin, Neurospora crassa).
Les plastoquinones trouvées dans les chloroplastes et les bactéries photosynthétiques
diffèrent de Q9 par la nature des substituants en position 2 et 3 (méthyle à la place
de méthoxy) et l'absence d'un méthyle en 6. Les ménaquinones présentes dans les
membranes de bactéries sont des naphtoquinones substituées.
Comme celle des flavines, la réduction des quinones passe par la formation de formes
semiquinoniques qui, dans certaines conditions, engendrent des formes activées de
l'oxygène (figure 4.7).
CH3
H3C—0 -CH2—CH C—CH2- Isoprénoyl
H3C—O R
CH3
0
Coenzyme Q ou ubiquinone
0
H3C,
H 3 CR
0
Plastoquinone Naphtoquinone
0 0-
H3CO, . CH3 e-+ H3CO, CH33
e-+H+
4.5. CYTOCHROMES
Les cytochromes sont constitués d'un ou de plusieurs hèmes associés à une protéine,
ce sont donc, comme l'hémoglobine et la myoglobine, des hémoprotéines. Ils inter-
viennent dans le transfert des électrons par changement de valence du fer ferreux en
fer ferrique et réciproquement. Ils se différencient les uns des autres par la nature de
la (ou des) protéine(s), de l'hème, du type de liaison entre l'hème et la protéine, et par
voie de conséquence par leur potentiel de demi-réduction et leur spectre d'absorption.
Les porphyrines ont une structure cyclique constituée de quatre noyaux pyrrole (ou
noyau tétrapyrrolique) portant différents substituants qui caractérisent le type de por-
phyrine (figure 4.8). Les noyaux pyrrole sont reliés entre eux par des ponts méthène
responsables du fort degré de conjugaison de la molécule et lui conférant ainsi une
structure plane et un spectre d'absorption dans le visible. L'hème est une molécule plane
constituée par un ion ferreux ou ferrique chélaté par les quatre azotes de la porphyrine.
Les porphyrines sont synthétisées à partir d'un intermédiaire du cycle tricarboxylique,
le succinyl-CoA, qui par condensation avec la glycine donne le aminolévulinate,
reaction catalysée par la aminolévulinate synthase localisée dans la mitochondrie.
0 0
c—O C—0-
COO-
CH2
"OOC
CH2CH2
2 H2O +
2 2 -aminolévulinates H+ Porphobilinogène 1
4 - OXYDORÉDUCTION 79
A P
4 Porphobilinogènes + 3NH3
H2C
ANH CH2 NH CH2 NH
0
C H 2N H
Tetrapyrrole linéaire
M— ——M
NH HN
NH 1
H2C CH2
- -
P A P M
Uroporphyrinogène III Coproporphyrinogène I I I
M V
H2C CH2
(6)—(5))
P M P M
Protoporphyrine IX Protoporphyrinogène IX
M V
Le fer est un métal de transition de nombre atomique 26. Dans la classification pério-
dique, le gaz rare le précédant est l'argon (NA = 18) et celui le suivant le krypton
(NA = 36).
Orbitales X
3d 4s 4p
Fe
His -N.
,-S.. —Cys
Fe Fe
His—N S S—Cys
La fonction thiol de la cystéine est facilement oxydée pour donner un dimère, la cystine.
2R-SH — R-S-S-R + 2e~ + 2 H 4
Ce type de conversion est bien connu en protéonologie.
4 - OXYDORÉDUCTION 83
0 NH3+ 0 0 0
\\ 1 II II
C — C H — C H 2 — C H 2 — C — N H — HC—C—NH—CH2—C
0-
H2C—SH
Glutamyl Glycyl
Deux molécules de glutathion se lient, après oxydation, par le thiol des groupes cys-
téyl selon la réaction suivante :
2GSH G-S-S-G + 2e- + 2H +
Cette réaction met en jeu deux électrons. Son potentiel de demi-réduction à pH 7 est
égal à - 0,29 V. La forme oxydée est réduite en GSH par le NADPH, selon une réac-
tion catalysée par une flavoprotéine, la glutathion réductase. Dans la cellule, le rap-
port [Red]/[0x] est très en faveur de la forme réduite du glutathion, ce qui est prévisible
si l'on admet que le rapport N A D/NADPHest de l'ordre de 5. 103. La concentra-
tion en glutathion dans la cellule peut atteindre plusieurs mM ; il joue un rôle impor-
tant dans le maintien des fonctions thiol de certaines protéines et, comme décrit dans
le prochain paragraphe, dans la destruction des peroxydes.
Bien que n'étant pas un acide aminé, l'acide lipoïque forme une liaison peptidique
entre son groupement carboxyle et une fonction aminé de l'arginine d'une protéine
(lipoamide). Elle possède des thiols vicinaux qui permettent des réactions d'oxydo-
réduction.
S —— S SH SH
— O — 0
Lipoamide oxydée Lipoamide réduite
Dans les protéines, en plus de la cystéine, il existe des acides aminés capables de subir
des réactions d'oxydoréduction ; c'est le cas de la tyrosine et du tryptophane. Les
réactions donnent lieu à la formation de radicaux, détectables en RPE. Notamment,
le photosystème II responsable de la photolyse de l'eau, met en jeu des groupes tyro-
syl (chapitre 10). Le potentiel de demi-réduction du couple tyrosine radicalaire / tyrosine en solut
couple dioxygène/eau.
tirent leur énergie de réactions d'oxydoréduction dont l'accepteur final est le dioxy-
gène. Cette molécule a été formée sur terre il y a 2 milliards d'années comme produit
de la photosynthèse, avec formation concomitante d'ozone. L'écran aux radiations
ultraviolettes formé par ces deux molécules a contribué de manière décisive au déve-
loppement de la vie sous ses formes actuelles. Cependant l'oxygène moléculaire peut
être fortement toxique dans certaines conditions.
L'oxygène est l'atome le plus abondant sur terre, il représente 53,8% de l'ensemble des
éléments. L'oxygène moléculaire représente 21% de l'air sec (soit une pression par-
tielle 159 mm Hg pour une pression totale de 769 mm Hg). Il se trouve aussi à l'état
dissous dans l'eau (0,284 mmole. L~1 dans l'eau de mer et 0,355 mmole. L-1 dans l'eau
distillée à 10°C). Il existe un équilibre entre l'oxygène gazeux et celui à l'état dissous.
Sa solubilité diminue avec la température. Cependant sa concentration dans les milieux
aqueux des organismes est inférieure à celle mesurée dans l'eau car elle dépend des
vitesses relatives de consommation par les cellules et de diffusion. Dans le sang par
exemple, elle n'est que de 0,053 mmole . L-11. Il existe un gradient de concentration en
dioxygène entre la membrane plasmique d'une cellule à travers laquelle diffuse 02 et
la mitochondrie lieu de sa réduction. La position de la cellule dans l'organisme (proxi-
mité des artérioles) et l'ampleur de son métabolisme déterminent aussi la quantité
d'oxygène dissous ; cet aspect a été noté dans les hépatocytes (chapitre 9).
Chez les vertébrés le dioxygène est véhiculé par le sang. Pour pallier la faible solu-
bilité de ce gaz dans l'eau, deux protéines assurent son transport : l'hémoglobine et
la myoglobine. Ce sont toutes deux des hémoprotéines. Chez certaines espèces et
notamment les mollusques, le transporteur du dioxygène est l'hémocyanine, une pro-
téine à cuivre.
L'hémoglobine est constituée de quatre sous-unités, identiques deux à deux (de
type 2), chacune portant un groupement hématinique. Elle est localisée dans les
érythrocytes et joue, en plus de son activité de transport du dioxygène, un rôle impor-
tant dans le transport du CO2 et des protons. La myoglobine, localisée dans les muscles,
sert de réserve en dioxygène et facilite son transport dans ce tissu ; elle est constituée
d'une seule protéine et, par voie de conséquence, ne comporte qu'un hème par molé-
cule. Comme nous le verrons, la nature tétramérique de l'hémoglobine est à la base
d'une fine régulation. L'hémoglobine et la myoglobine se lient à l'oxygène molécu-
laire à la sixième position de coordination de l'hème, qui comme pour les cytochromes,
correspond à une des deux positions perpendiculaires au plan formé par la proto-
porphyrine IX. Le dioxygène se fixe sur la forme ferrohémoglobine (Fe+) ou sur la fer-
romyoglobine ; il ne se fixe pas sur la forme ferrique, et contrairement à ce qui se passe
au niveau de la cytochrome oxydase, il n'y a pas réduction du dioxygène par l'ion
ferreux. Il est toutefois connu qu'en solution l'hème forme des structures prenant en
sandwich l'oxygène moléculaire et dans ce cas il y a réduction de ce dernier. L'absence
de réaction d'oxydoréduction dans l'hémoglobine et dans la myoglobine est
4 - OXYDORÉDUCTION 85
expliquée par le fait que le dioxygène ne peut se fixer qu'à un seul centre réducteur,
l'ion ferreux, alors que quatre électrons sont nécessaires pour sa réduction (on verra
la complexité de sa réduction par la cytochrome oxydase au chapitre 8). Plusieurs
donneurs de doublet électronique peuvent se fixer en lieu et place de l'oxygène sur
la ferrohémoglobine ; parmi eux citons l'oxyde de carbone, le cyanure, les dérivés iso-
thiocyanates. L'oxyde de carbone est extrêmement dangereux, car il se lie à l'hème
avec une forte affinité.
Un caractère de l'hémoglobine, essentiel pour comprendre le transport du dioxygène,
est l'allostérie. Ce point est étudié chapitre 5 consacré aux régulations et contrôles
métaboliques.
II est connu que l'oxygène moléculaire est toxique même pour les organismes aéro-
bies, surtout à des pressions supérieures à la normale. Dans certains cas, cette toxi-
cité est due à une action directe de cette molécule sur une enzyme : par exemple, 02
inhibe la ribulose biphosphate carboxylase (enzyme responsable de la fixation du gaz
carbonique dans la photosynthèse) par compétition avec CO2 Mais dans la grande
majorité des cas cette toxicité est due à la formation d'espèces radicalaires.
Le dioxygène est un biradical car il contient deux électrons non-appariés et de même
spin sur les orbitales moléculaires antiliantes 2p. Cet état, appelé triplet, corres-
pond à l'état fondamental de la molécule. Pour oxyder une autre molécule selon une
réaction faisant intervenir deux électrons, ceux-ci doivent être antiparallèles par rap-
port à ceux présents sur les orbitales antiliantes. Dans la majorité des cas les électrons
du donneur ne remplissent pas cette condition car les spins sont de signe opposé, ce
qui impose une forte restriction au transfert des électrons. Cette restriction de spin
est un des facteurs qui font qu'une cellule vivante n'est pas soumise à des oxydations
incontrôlées malgré le fort pouvoir oxydant de l'oxygène moléculaire. Rappelons que
le potentiel redox du couple O2/H2Oest l'un des plus positifs de ceux rencontrés
dans le monde vivant ; à pH 7 il est de + 0,82 volts.
Des formes de O2 plus réactives, connues sous le terme d'état singulet, où les spins
des deux électrons sont antiparallèles, peuvent être obtenues par apport d'énergie.
Deux formes singulet sont décrites, gO2. et lg+02 dont l'énergie est supérieure à
l'état fondamental de respectivement 94 et 157 kJ.mole-1. Dans ces deux cas la res-
triction de spin est levée et l'activité oxydante est très largement accrue. Ces états sin-
gulets sont le plus souvent obtenus dans la nature par des réactions photochimiques
où le chromatophore captant l'énergie lumineuse est appelé photosensibilisateur. Les
détériorations oxydatives induites par ce mécanisme sont connues sous le terme
d ' e f f e t photodynamique. Un exemple classique est celui des porphyries où le métabo-
lisme des porphyrines est perturbé. Certains intermédiaires s'accumulent et jouent
le rôle de photosensibilisateur, induisant ainsi de graves lésions au niveau de la peau.
Ces effets de photosensibilisation peuvent être obtenus en absence de patholgie par-
ticulière, comme par exemple lors d'une trop longue exposition au soleil.
86 BlOÉRNERGÉTIQUE
Lorsque seulement un électron est capté par O2 sous son état fondamental, cet élec-
tron se place sur l'une des deux orbitales antiliantes . La nouvelle espèce formée
est le radical superoxyde O2, espèce beaucoup plus réactive que 02 car elle n'est plus
soumise à la restriction de spin. L'addition d'un deuxième électron sur l'orbitale anti-
liante conduit à la formation de l'ion peroxyde O2 - qui n'est pas un radical.
Puisque ces électrons captés par 02 évoluent sur des orbitales antiliantes ils dimi-
nuent d'autant la force qui relie les deux atomes d'oxygène. Sous sa forme molécu-
laire et à l'état fondamental les deux atomes de O2 sont liés par une double liaison.
On peut en déduire que ce nombre est de 1,5 et 1 pour respectivement O2 et O2
L'addition de deux électrons supplémentaires sur l'orbitale antiliante 2p conduit
logiquement à la rupture de cette liaison.
En résumé les réactions sont les suivantes :
O2 + le- — 02- ion superoxyde
O2 + 2 e- + 2 H4 — H2O2 forme protonée de O2
02 + 4 e- + 4 H4 — 2 H2O forme protonée de O-
L'anion superoxyde est un radical très réactif pouvant générer des réactions d'oxy-
dation non-spécifiques. Toutefois en milieu aqueux et protoné, la durée de vie de cet
anion est très courte car il subit une réaction de dismutation suivie d'une protona-
tion pour donner de l'hydrogène peroxyde connu sous le nom de eau oxygénée.
202- + 2H + —— H2O2 + O2
Cette réaction est catalysée par une famille d'enzymes, les superoxydes dismutases
ou SOD. L'une est localisée dans le cytoplasme (SOD à cuivre et à zinc, dénotée
CuZnSOD), l'autre dans la mitochondrie (SOD à manganèse, dénotée MnSOD).
L'eau oxygénée n'a pas de caractère radicalaire, mais après réduction par certains
métaux de transition, particulièrement Fe2-, elle se décompose en ion hydroxyle OH-
et en radical hydroxyle OH :
Fe2+ + H2O2 — Fe3+ + OH + OH-
C'est la réaction de FENTON. OH est une forme radicalaire très active, à l'origine de
détériorations diverses dans l'organisme ; elle est notamment responsable de la per-
oxydation des lipides, des fonctions thiols des protéines et des acides nucléiques.
L'ensemble des réactions conduisant à la transformation de l'ion superoxyde en radi-
cal hydroxyle est connu sous le nom de cycle d'HABER-WEiss.
Plusieurs systèmes produisent l'anion superoxyde. Parmi eux citons les macrophages,
la xanthine oxydase et, dans certaines conditions pathologiques ou lors du vieillis-
sement, les mitochondries (cf. chapitre 8) et le complexe P450.
Les neutrophiles et les macrophages ont une consommation d'02 accrue lors d'une
infection bactérienne. Ce phénomène est connu sous le terme impropre de «burst res-
piratoire» car cette augmentation n'est pas due à la respiration mitochondriale mais
à une chaîne redox particulière qui se met en place dans la membrane plasmique de
la cellule et qui catalyse la réaction suivante :
4 - OXYDORÉDUCTION 87
HO- 0- 0 O
Un aspect important de la protection des cellules contre les détériorations dues aux
radicaux produits par le dioxygène est lié au fait qu'il n'existe que de très faibles quan-
tités d'ions métalliques à l'état libre. Ils sont complexés par des protéines, comme par
exemples la ferritine ou la transducine pour les ions du fer et la céruloplasmine pour
les ions du cuivre ; comme nous l'avons vu ces métaux forment les centres d'oxydo-
réduction de nombreuses protéines transporteuses d'électrons ou de dioxygène. Il
faut être aussi conscient que la cytochrome oxydase, le système principal permettant
la réduction du dioxygène en eau, ne donne pas lieu, dans les conditions normales
de fonctionnement, à la formation d'intermédiaire d'oxydoréduction à l'état libre.
4.9. CONCLUSIONS
Les coenymes intervenant dans les réactions d'oxydoréduction peuvent être classés
en deux grands groupes : ceux qui, comme les nucléotides nicotiniques et dans une
moindre mesure les flavines, interviennent directement dans les réactions du méta-
bolisme, et ceux, comme les cytochromes ou les fer-soufre protéines, qui sont essen-
tiellement des constituants de chaînes de transporteurs d'électrons. Le couple
88 BIOÉNERGÉTIQUE
RÉGULATION ET CONTRÔLE
DU MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE
La valeur des flux métaboliques est, avec les concentrations en métabolites, l'expres-
sion d'un état stationnaire déterminé par les forces thermodynamiques s'exerçant sur
les systèmes et par les régulations enzymatiques. Les régulations à long terme por-
tent sur la quantité des enzymes mises en jeu dans une chaîne métabolique. Cet aspect
qui intéresse l'expression des gènes et les systèmes protéasiques de dégradation des
protéines ne fait pas l'objet de ce livre. Toutefois nous aurons l'occasion de mention-
ner la présence de certaines iso-enzymes qui diffèrent par leurs propriétés cinétiques
et dont l'expression est en général tissu-spécifique. Les régulations à plus court terme
portent sur l'activité des enzymes modulée par des métabolites ou des effecteurs (inhi-
biteurs ou activateurs) ou par des modifications chimiques des protéines, le plus sou-
vent des phosphorylations de l'enzyme. Ces modifications sont déclenchées par un
système hormonal, par l'influx nerveux ou simplement par un métabolite. La struc-
turation des systèmes enzymatiques dans la cellule et la compartimentation jouent
aussi un grand rôle dans l'activité des systèmes.
Nous aborderons un aspect analytique plus récent du problème du comportement
des enzymes dans leur contexte cellulaire avec l'étude du contrôle du métabolisme.
Le flux passant dans un réseau métabolique peut être contrôlé par plusieurs enzymes
constituant ce réseau. Le contrôle porté par une enzyme est la conséquence de son
activité, définie elle même par sa quantité, les concentrations en substrats et produits
et s'il y a lieu par les régulations.
Dans ce chapitre nous examinerons la structuration supramoléculaire des protéines
et la canalisation des métabolites. Il s'agit d'un domaine relativement nouveau dans
l'étude de l'enzymologie in situ, dans lequel la cellule n'est pas considérée comme un
sac à enzymes mais, au contraire, comme un système très structuré. Il paraît alors
probable que les lois cinétiques obtenues pour les enzymes isolées et en milieu dilué
ne soient pas directement applicables à la cellule.
0 100L
30 60
5.1 - Saturation en O2 de la myoglobine
Pression O2 (torr) l'hémoglobine en fonction de la p0z
types de site, le site actif et le site allostérique. Par exemple, nous verrons dans le pro-
chain chapitre que l'ATP est à la fois substrat et effecteur de la phosphofructokinase.
Les enzymes allostériques sont multimériques. La courbe sigmoïdale de la vitesse de
la réaction en fonction de la concentration en substrat indique qu'au moins deux molé-
cules de substrat réagissent avec un effet de coopérativité. On observe le plus souvent
les mêmes effets de coopérativité pour la fixation des effecteurs allostériques, ce qui
indique que l'enzyme possède plus d'un site de fixation pour ceux-ci. Ce type de com-
portement conduit à un effet de seuil, comme décrit pour l'hémoglobine. A faible
concentration en substrat par exemple, l'augmentation de celle-ci dans une certaine
gamme n'aura pratiquement aucun effet sur la vitesse de la réaction, mais à partir
d'une certaine valeur, au contraire, elle induira une très forte augmentation de la vitesse.
Cet effet de seuil correspond à une amplification de la réponse par rapport à un faible
changement de concentration. Certains activateurs allostériques ont pour effet de trans-
former la relation sigmoïdale entre vitesse et concentration en substrat en une relation
hyperbolique, ce qui correspond à une activation de l'enzyme. Nous verrons plusieurs
exemples d'allostérie au cours de cet ouvrage.
Des modèles théoriques ont été développés, dont le modèle concerté proposé par
J. MONOD et coll. et le modèle séquentiel proposé par D.E. KOSHLAND et coll. Nous
conseillons aux lecteurs intéressés de se reporter aux articles originaux mentionnés
dans la bibliographie ou à un traité d'enzymologie ou de biochimie générale.
Ce système est utilisé par un grand nombre de médiateurs, que ce soient des hor-
mones ou des neuromédiateurs. Par exemple le glucagon, hormone du pancréas sécré-
tée dans le sang par les cellules a des îlots de LANGERHANS en réponse au taux de
glucose sanguin, et l'adrénaline, hormone sécrétée par les glandes surrénales sous
92 BIOÉNERGÉTIQUE
l'action d'un stimulus nerveux, agissent sur la phosphorylation de protéines par l'in-
termédiaire d'un messager secondaire l'AMPc. Le terme de messager secondaire signi-
fie que la molécule assure la transmission du signal hormonal extracellulaire à une
cible intracellulaire. Les récepteurs membranaires sont spécifiques de l'hormone.
Dans le cas des hormones précitées, ils appartiennent à une famille de récepteurs
constitués d'une protéine traversant sept fois la membrane plasmique ; ils sont appe-
lés récepteurs adrénergiques, car ceux à l'adrénaline ont été les premiers dont les
structures ont été élucidées.
Les événements conduisant de la sécrétion d'une hormone dans le sang à la phos-
phorylation d'une protéine intracellulaire sont décrits ci-après et représentés dans la
figure 5.2. L'hormone se fixe réversiblement à son récepteur, dont le site est situé sur
la face externe de la membrane plasmique. Cette fixation induit une interaction entre
le récepteur et une protéine G située sur la face interne (figure 5.2). Les protéines G
sont constituées de trois sous unités ; l'indice s de a; indique que la phospho-
rylation de la protéine en bout de chaîne stimule une activité enzymatique ; au contraire
l'indice i signifie qu'elle l'inhibe. La sous-unité a de ce complexe est liée au GDP.
L'association récepteur-complexe diminue l'affinité de a pour le GDP et, par contre,
l'augmente pour le GTP, ce qui induit un échange GDP/GTP au niveau de cette pro-
téine. Le complexe se détache alors du récepteur, la sous-unité a est libérée dans le
cytosol et c'est sous cette forme qu'elle active l'adénylate cyclase, enzyme localisée
sur la face interne de la membrane plasmique ; celle-ci synthétise l'AMPc à partir de
l'ATP selon la réaction suivante :
NH2
ATP + PPi
0—P——0
0
AMP cyclique Pyrophosphate
L'activité de ce système est limitée dans le temps car a, possède une activité GTPasique
qui induit l'hydrolyse du GTP en GDP ; le complexe se réassocie sous sa forme tri-
mérique inactive. Il peut interagir de nouveau avec un récepteur lié à l'hormone et
recommencer le cycle. L'AMPc est hydrolysée en AMP sous l'action d'une phospho-
diestérase, ce qui est la cause de la baisse rapide de sa concentration cellulaire lorsque
l'action hormonale cesse.
L'AMPc active la protéine kinase A, qui elle-même phosphoryle des protéines cibles.
Dans certains cas, comme par exemple dans celui du métabolisme du glycogène,
(cf. § 6.1), les phosphorylations se font par une cascade d'intermédiaires, constituant
ainsi une amplification du signal.
5 - RÉGULATION ET CONTRÔLE DU MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE 93
Phosphorylation Activation de la
des protéines cibles protéine kinase A
cytoplasme. Ces canaux sont connus sous le nom de récepteurs à la ryanodine, car ils
fixent cette drogue avec une forte affinité. L'augmentation de la concentration cyto-
solique en Ca2+ provoque une contraction musculaire, une activation de la glycogé-
noiyse (chapitre 6) et de certaines déshydrogénases mitochondriales (chapitre 8). Il
existe d'autres canaux calciques dans le réticulum et l'un d'entre eux, particulière-
ment important, s'ouvre sous l'effet d'un autre messager, l'inositol triphosphate (IP3)
(voir ci-dessous).
Activation des
déshydrogénases
Plus récemment, il a été mis en évidence, dans certains tissus, un nouveau type de
canal dont l'ouverture est médiée par l'acide nicotinique dinucléotide, qui diffère en
structure du NADP + par l'absence de la fonction amide.
L'ion calcium libéré dans le cytosol se lie à des protéines spécifiques, dont la plus
connue est la calmoduline, petite protéine de 17 kDa. Le complexe calmoduline-Ca2+
intervient comme activateur d'une protéine kinase de type II, enzyme ubiquitaire inter-
venant dans la phosphorylation d'un grand nombre de protéines dont nous verrons
des exemples. De même il est activateur des protéine kinases III (voir ci-dessous).
Dans les années 1980, de nouveaux messagers secondaires ont été découverts :
l'inositol-1,4,5triphosphate (IP3) et le diacylglycérol (DAG), deux molécules prove-
nant de l'hydrolyse du phosphatidylinositol-4,5bi phosphate (PIP2). Cette réaction
est catalysée par la phospholipase C (PLC) (figure 5.4).
IP3 est impliqué dans plusieurs phénomènes, dont l'ouverture d'un canal calcique
du réticulum endoplasmique (ou sarcoplasmique dans le cas du muscle). DAG est
un activateur de la protéine kinase C (PKC). Cette enzyme existe sous deux formes,
l'une cytosolique, l'autre associée à la membrane plasmique. L'augmentation de la
5 - RÉGULATION ET CONTRÔLE DU MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE 95
H2C—CH—CH2
- 0
-0
OH
0"
0
OH \
OH HO
OH 2 ATP 2 ADP
0
Inositol triphosphate (IP3) Diacylglycérol (DAG)
Hormone
Une définition centrale est celle du coefficient de contrôle d'une enzyme sur le flux ; il
se définit comme suit :
Ei = J / J / E i / E i ou Ei = InJ/lnEi
Le coefficient de contrôle CjEi représente le changement de la valeur d'un flux méta-
bolique J pour un changement infinitésimal de la valeur de l'activité de l'enzyme E1,
dans les conditions qui sont celles de l'état stationnaire étudié. Autrement dit, la per-
turbation apportée au système doit être suffisamment faible pour ne pas modifier
l'état stationnaire. On définit un coefficient de contrôle pour chaque enzyme consti-
tuant le réseau. Ces coefficients n'ont pas de dimension, ils sont exprimés en fraction
de changement. Pour une enzyme donnée, il est compris entre 0, pour un contrôle
nul, et + 1, pour un contrôle total sur une chaîne métabolique sans bifurcation. Un
contrôle de + 1 correspond à ce que l'on appelait Vétape limitante pour une chaîne,
mais en fait l'utilisation de cette approche montre que généralement, le contrôle est
partagé entre plusieurs étapes. Lorsque un réseau métabolique comporte n étapes, la
somme des contrôles portés par chacune des enzymes est égale à 1. C'est ce que l'on
appelle le théorème de sommation. La distribution des coefficients de contrôle est fonc-
tion de l'état stationnaire considéré, ce qui signifie qu'elle sera modifiée lors d'un
changement d'état sous l'action d'un facteur externe ou interne. Le coefficient de
contrôle d'une enzyme sur le flux est une propriété du réseau considéré comme un
tout, c'est une propriété systémique.
L'étude du contrôle est souvent nécessaire pour comprendre la réponse d'un système
à l'addition d'une molécule. Nous prendrons un exemple dans l'étude de la respira-
tion mitochondriale, qui est traitée en détails au chapitre 8. Généralement, l'addition
d'ADP stimule la respiration d'une suspension de mitochondries isolées. Cet effet est
dû au couplage entre la respiration et la synthèse de l'ATP. L'absence de stimulation,
pour certains types de mitochondries a été rapidement interprétée comme une absence
de couplage ; or l'ATP était synthétisée, ce que l'on pouvait observer en la dosant
directement ! Ce paradoxe a pu être levé en appliquant l'analyse du contrôle. En effet
tout le contrôle était porté par les systèmes responsables de l'alimentation de la chaîne
respiratoire en électrons (transport des substrats et déshydrogénases), donc l'addi-
tion d'ADP ne pouvait pas stimuler la respiration. Cet exemple montre qu'en absence
de la détermination des différents coefficients de contrôle d'un réseau, on peut être
conduit à formuler de fausses interprétations sur les phénomènes étudiés.
98 BIOÉNERGÉTIQUE
Un intérêt majeur de la théorie est de pouvoir relier les coefficients de contrôle (pro-
priétés systémiques) aux caractéristiques cinétiques (propriétés locales) de chaque
enzyme constituant le réseau. Pour cela on définit les coefficients d'élasticité comme
étant l'effet d'un changement infinitésimal d'un effecteur sur le flux passant par une
enzyme donnée. L'effecteur est pris dans un sens large et peut être soit un substrat
ou produit de la réaction, soit un inhibiteur ou activateur. Comme pour les coeffi-
cients de contrôle, le coefficient d'élasticité est sans grandeur car il est exprimé sous
forme de fraction. Ainsi le coefficient d'élasticité de l'enzyme i par rapport à l'effec-
teur y est donné par la relation :
i'y = ((vi/vi)/(y/y))
De même que pour les coefficients de contrôle, la variation de l'activité d'une enzyme
est considérée dans un état stationnaire donné. Le coefficient d'élasticité n'a de sens
que si la variation appliquée au système ne concerne que l'effecteur étudié : c'est la
variation d'activité d'une enzyme par rapport à un effecteur dans un système méta-
bolique pris comme un tout. Ce coefficient peut être mesuré ou déduit des proprié-
tés cinétiques de l'enzyme si celles-ci sont connues avec suffisamment de précision.
Prenons comme exemple l'intermédiaire métabolique y entre deux réactions cataly-
sées par les enzymes E1 et E2, les coefficients d'élasticité de chacune de ces enzymes
par rapport à y sont respectivement :
E1y = ((v1/v01)/(y/y)) et E2y = ((v2/V2)/(y/y))
Le point fondamental est que les coefficients de contrôle du flux et d'élasticité sont
reliés entre eux par le théorème de connexion. Ce théorème pose que la somme des
produits d'élasticité d'enzymes à un effecteur par leur coefficient de contrôle est nulle.
Ainsi pour l'exemple précédent, si y n'agit que sur E1 et E2, on écrit :
CjE1E1y+CjE2E2y= 0
CjE1 CjE2 et CjE31 représentent les coefficients de contrôle sur le flux J respectivement
des enzymes E1, E2 et E3. L'intermédiaire métabolique Y1 est produit de la première
réaction et substrat de la seconde ; on peut donc définir un coefficient d'élasticité pour
chacune des enzymes E1 et E2 par rapport à cet intermédiaire, que l'on écrira respec-
tivement E1Y1 et E2Y1 De même, les coefficients d'élasticité des enzymes E2 et E3 par
rapport à l'intermédiaire Y2 s'écriront respectivement E2y2 et E3Y2
100 BlOÉNERGÉTIQUE
On peut alors d'une part écrire deux relations de connexion entre les coefficients de
contrôle du flux et les élasticités des enzymes par rapport aux métabolites Y1 et Y2 :
CjE1 E1Y1 + CjE1 E2y1, = 0
CjE2E2y2+ Cje3E3y2= °
D'autre part le théorème de sommation donne : CjE1 + CjE21E2 + CjE3 = 1.
Ces trois relations permettent de calculer les trois coefficients de contrôle. D'une
manière générale pour une réaction linéaire comportant «n» enzymes on peut calcu-
ler les «n» coefficients de contrôle du flux à partir du théorème de sommation et de
«n - » relations de connexion. Ces différentes équations peuvent s'écrire sous forme
d'une matrice (pour une utilisation quantitative de ces notions, voir le livre de D. FEU.
cité en bibliographie).
Une conséquence du théorème de connexion est de mettre en évidence une tendance
du coefficient de contrôle à être corrélé inversement à l'élasticité ; c'est-à-dire, qu'une
enzyme fortement régulée par un effecteur interne tend à avoir u n faible coefficient
de contrôle. Cette remarque est importante dans la mesure où elle va à l'encontre d'un
raisonnement intuitif et il en va de même pour l'ensemble de cette théorie ; c'est ce
qui en fait l'intérêt au-delà d'une quantification exacte des paramètres, souvent dif-
ficile à obtenir.
L'analyse du contrôle a été appliquée à plusieurs systèmes comme par exemple les
oxydations phosphorylantes, la glycolyse, la gluconéogenèse et la dégradation des
acides gras.
5.4.1. GÉNÉRALITÉS
Les premières études en enzymologie ont concerné l'activité des enzymes solubles
purifiées et ont été effectuées dans des conditions très éloignées des conditions phy-
siologiques, particulièrement en ce qui concerne les concentrations en enzymes et en
métabolites. I n vitro, les enzymes sont utilisées à des concentrations de l'ordre du nano-
molaire, ce qui exclut des interactions protéine-protéine ; elles sont en général faibles
devant les concentrations en substrats. Au contraire, dans la cellule, les concentrations
en enzyme peuvent être élevées et supérieures à celles des substrats dans le milieu. Il
faut aussi tenir compte de la forte affinité de certains sites enzymatiques pour leurs
ligands, ce qui abaisse d'autant la quantité du ou des métabolites libres dans le milieu.
Ces observations ont conduit à l'idée de canalisation des métabolites, consistant en
un transfert direct d'une molécule d'un centre catalytique où elle a été produite au
centre catalytique d'une autre enzyme où elle servira de substrat ; il n'y a donc pas
relargage du métabolite dans le milieu environnant.
5 - RÉGULATION ET CONTRÔLE DU MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE 101
II en résulte :
> une réduction du temps de diffusion des intermédiaires d'un site à l'autre ;
> la protection d'espèces chimiques instables dans le milieu ;
> une limitation de la compétition entre enzymes utilisant le même métabolite ;
> une activité enzymatique soutenue malgré une concentration faible en substrat. La
canalisation doit être considérée comme la conséquence de l'organisation spatiale
d'une machinerie enzymatique impliquée dans un réseau métabolique. Elle néces-
site de ce fait des interactions spécifiques entre protéines au même titre qu'une acti-
vité enzymatique implique une interaction spécifique protéine-ligand. Elle
correspond à une activité vectorielle dans la mesure où le métabolite suit un che-
min déterminé dans l'espace.
Dès 1958, Peter MITCHELL proposait que les enzymes pouvaient être considérées
comme des conducteurs de ligand, c'est-à-dire que les métabolites suivaient un che-
min particulier dans la protéine. Pour illustrer ce principe il a pris comme exemple
l'isocitrate déshydrogénase qui catalyse séquentiellement une déshydrogénation et
une décarboxylation (cf. § 4.2.2). L'oxalosuccinate, intermédiaire de la reaction, serait
maintenu dans une phase interne microscopique entre les deux centres réactionnels.
D'une manière générale il y a canalisation lorsque le transfert direct d'un métabolite
de site à site est cinétiquement privilégié par rapport au transfert du site au milieu ou
réciproquement du milieu au site. La canalisation entre enzymes fait intervenir des
interactions entre protéines dont l'importance dépend des constantes de dissociation
entre les éléments du complexe. On peut en déduire que, selon la valeur de ces
constantes, les interactions peuvent ne concerner qu'une fraction plus ou moins impor-
tante des enzymes et le degré de canalisation peut n'être que partiel.
Des effets comparables à la canalisation peuvent être dus à une microcompartimen-
tation. C'est le cas lorsque une partie des métabolites intermédiaires est localisée dans
une microsphère entourant les enzymes concernées ; ils sont alors préférentiellement
utilisés par rapport à ceux présents dans le reste de la cellule, bien qu'il n'y ait pas de
transfert direct de site à site. Leur concentration près des enzymes où ils sont formés
peut être très différente de la concentration moyenne cellulaire. Une telle situation se
produit lorsque les vitesses des réactions enzymatiques sont supérieures à celles de
la diffusion des métabolites dans le milieu ; elle est parfois désignée sous le terme de
compartimentation cinétique. Comme exemples de microdomaines enzymatiques nous
pouvons citer l'ensemble hexokinase/porine/transporteur des adénines nucléotides
du cerveau et l'ensemble créatine kinase/porine/transporteur des adénines nucléo-
tides du muscle (cf. chapitre 9).
Il apparaît évident que la canalisation est une limitation à l'application des lois ciné-
tiques qui sont basées sur des probabilités de rencontre entre molécules ; c'est aussi
une limitation à l'utilisation de la théorie du contrôle du métabolisme, tant pour la
notion de coefficient de contrôle que pour celle d'élasticité. De même elle conduit à
s'interroger sur la valeur du G d'une reaction s'il n'y a pas équilibre entre métabo-
lites libres et liés à l'enzyme.
102 BIOÉNERGÉTIQUE
Une des caractéristiques du métabolisme est l'existence de relations entre les différents
reseaux. Un intermédiaire peut être impliqué dans plusieurs chaînes ou cycles, ce qui
peut amener à s'interroger sur l'intérêt de la canalisation. Cependant ces molécules ne
sont pas nombreuses et dans une revue Paul SRERE rapporte une étude montrant que
sur 520 métabolites, 410 ne sont impliqués que dans une seule réaction, 71 dans deux,
20 dans trois, 11 dans quatre et seulement 8 dans cinq ou plus de cinq réactions. Cela
ne signifie pas toutefois qu'un métabolite impliqué dans plusieurs réactions ne puisse
pas faire partie d'une chaîne canalisée.
La construction d'enzymes bifonctionnelles a été utilisée pour soumettre à l'expé-
rience l'idée que la diffusion des métabolites dans le milieu pourrait être une étape
contrôlant une réaction enzymatique. Ces constructions ont d'ailleurs leur équiva-
lent dans la nature où une protéine peut comporter plusieurs domaines, correspon-
dant chacun à une activité enzymatique. Un exemple de ce type d'approche est la
fusion du gène de la (galactosidase et de celui de la galactokinase, enzymes cataly-
sant la séquence de réactions suivante :
L'enzyme hybride, produit de la fusion des gènes, est capable de catalyser l'ensemble
des deux réactions mais ne présente pas d'avantage cinétique par rapport au mélange
des deux enzymes libres. Par contre, lorsqu'une autre enzyme utilisant le galactose
est ajoutée dans le milieu, l'enzyme hybride a un avantage sur le mélange des formes
libres dans la mesure où l'effet de compétition est moins prononcé. Un exemple est
donné avec la galactodéshydrogénase.
NAD Galactodéshvdrogénase
Galactanolactone
> les complexes multi-enzymatiques non-membranaires, solubles mais dont les com-
posantes sont reliées entre elles par des liaisons covalentes ou non-covalentes en
nombre suffisant pour permettre leur isolement in toto ;
> les enzymes qui, soumises aux traitements classiques d'isolement des protéines,
apparaissent libres de toute interaction mais qui, dans la cellule, peuvent former
des complexes impliqués dans une voie métabolique spécifique. Ces systèmes sont
appelés métabolon. Dans cette catégorie on peut aussi trouver des interactions entre
enzymes et cytosquelette. Ces interactions peuvent être suffisamment faibles pour
que les enzymes existent à la fois sous forme associée et dissociée ou que l'asso-
ciation ne soit pas permanente selon les conditions cellulaires.
0
Acétyl-CoA 0 O
11 carboxylase 1
H 3 C — C — S — C o A + ATP + CO2 ——————— C—CH2—C—S—CoA + ADP + Pi
Biotine
Acétyl-CoA O Malonyl-CoA
Acétyl transacylase
0 (sous-unité P) 0
H 3 C — C — S — C o A + ACP-SH H 3 C — C — S — A C P + CoA-SH
Acétyl-CoA Acétyl-ACP
Malonyl transacylase
0 O (sous-unité p) O O
\\ II \\ II
C — C H 2 — C — S — C o A + ACP-SH — C — C H 2 — C — S — A C P + CoA-SH
0
Malonyl-CoA O Malonyl-ACP
Enzyme de condensation
0 O ° (sous unité a) 0 0
II \\ II II II
H 3 C — C — S — A C P + C—CH2—C— S—ACP—H3C—C—CH;—C—S—ACP + ACP
cétoacyl réductase
0 0 (sous-unité a) 0
OH
Acétoacétyl-ACP D-3-hydroxybutyryl-ACP
D-3-hydroxybutyryl-ACPdéshydratasc
0 (sous unité ) 0
II II
H3C—CH—CH2—C—S—ACP H 2 CCH—CH2—C S—ACP+ H20
OH
D-3-hydroxybutyryl-ACP Crotonyl-ACP
Crotonyl-ACP réductase
0 (sous-unité p) 0
+
H2C = CH — CH2— C —S—ACP + NADPH + H ——- H3C — CH2— CH2— C —S—ACP + NADP
Crotonyl-ACP Butyryl-ACP
Chez E. Coli les acyl-CoA sont transférés sur le groupement thiol de l'acide phos-
phopantéthéique, lui-même attaché à une sérine d'une protéine appelée ACP (pour
Acyl Carrier Protein). L'ACP est liée par covalence à la sous-unité du complexe chez
la levure ou à l'unique protéine chez les mammifères.
Chez les mammifères la synthase est composée de trois domaines protéiques dis-
tincts et reliés entre eux par un bras peptidique. Le domaine 1 porte les activités acé-
tyl transférase, malonyl transférase et enzyme de condensation. Le domaine 2 porte
les trois activités permettant la réduction de la fonction carbonyle : la cétoacyl réduc-
tase, la déshydratase et la crotonyl réductase ; il porte aussi TACP. Le domaine 3 est
5 - RÉGULATION ET CONTRÔLE DU MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE 105
Acétyl-CoA
transférase Malonyl-CoA Cétoacyl Déshydratase Crotonyl ACP
réductase réductase Thiolase
Enzyme de transférase
condensation
cys-SH
cys-SH SH
Enzyme de
Crotonyl Cétoacyl
ACP réductase Déshydratase réductase Malonyl-CoA condensation
transférase
Acétyl-CoA
transférase
La tryptophane synthétase
La tryptophane synthétase est un tétramère de type 2 2 (29 kDa pour a et 44 kDa
pour ) catalysant la réaction suivante :
indole-3-glycérol-phosphate + sérine —» tryptophane + glycérol-3-phosphate
Les sous-unités de l'enzyme peuvent être dissociées et chacune est responsable d'une
partie de l'activité globale. La sous-unité a catalyse la réaction indole-3-glycérol-phos-
phate —> indole + glycérol-3-phosphate ; la forme 2 catalyse la réaction indole + sérine
—> tryptophane (cette dernière n'a d'activité que sous sa forme dimérique).
Trois observations majeures ont conduit à l'idée d'une canalisation de l'indole du site
actif de a au site actif de dans le complexe :
> la vitesse de synthèse du tryptophane par le complexe a2 2 est 100 fois supérieure
à celle catalysée par 2 à partir de l'indole ;
> il n'y a pas de libération d'indole dans le milieu au cours de la synthèse du tryp-
tophane par le complexe 2 2 à partir de l'indole-3-glycérol-phosphate ;
2 l'établissement de la structure tridimensionnelle de l'enzyme 2 2 de Salmonella
typhimurium montre clairement une possibilité de canalisation de l'indole du site
actif de a au site actif de (3 dans le complexe qui sont distants de 25 A. C'est la
première fois que la possibilité de transfert d'un intermédiaire métabolique entre
deux sites catalytiques a pu être montré sur des images tridimensionnelles d'un
complexe enzymatique. Il est évident qu'il s'agit d'un cas particulièrement favo-
rable pour ce type d'études, mais que dans la plupart des cas cette approche n'a
pas pu être mise en œuvre. Nous décrivons ci-dessous une méthodologie plus
générale, basée sur la dilution isotopique de métabolites et appliquée au cycle
de l'urée.
Le cycle de l'urée
Chez les mammifères, le cycle de l'urée, sous sa forme complète, est localisé exclusi-
vement dans le foie. Il est constitué de cinq enzymes : deux dans la mitochondrie, la
carbamyl-phosphate synthétase (CPS1) et l'ornithine transcarbamylase, et trois dans
le cytosol, l'argino-succinate synthétase, l'argino-succinate lyase et l'arginase. Ces
deux compartiments sont fonctionnellement reliés par les transporteurs qui assurent
les transferts de l'ornithine et de la citrulline (figure 5.10).
Des expériences de dilution isotopique sur mitochondries isolées ou sur cellules per-
méabilisées suggèrent une canalisation des intermédiaires du cycle, l'ensemble des
enzymes constituant un métabolon transmembranaire. Nous décrivons ci-dessous
deux séries d'expériences correspondant à une approche méthodologique importante
pour aborder ce type de problème. La première série est effectuée sur des mitochon-
dries isolées, la seconde sur des hépatocytes perméabilisés.
Les mitochondries de foie sont chargées avec de l'ornithine non-radioactive, centri-
fugées et incubées dans un milieu contenant de la 14C-ornithine, de radioactivité
connue, exprimée en dpm. mole-1, et les substrats nécessaires à la synthèse du
5 - RÉGULATION ET CONTRÔLE DU MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE 107
O-—C—O—P O + 2ADP + Pi
+
NH4 + HCO3 + 2 ATP
Les expériences avec les cellules ont été menées comme suit. Les hépatocytes sont
perméabilisés aux molécules de faible poids moléculaire par l'a-toxine. La synthèse
de 14C-urée est réalisée par incubation en présence de NH4Cl, de 14C-HCO3-3-, d'or-
nithine et d'aspartate ; du succinate est fourni comme substrat respiratoire. Le prin-
cipe de l'expérience est d'étudier l'effet de l'addition d'un intermédiaire non-radioactif
sur la radioactivité incorporée dans l'urée. Les résultats montrent que :
> l'addition de 1 mM d'arginine n'abaisse pas la radioactivité incorporée dans l'urée
alors que celle-ci devrait l'être de 200 fois en admettant un mélange parfait entre
l'arginine ajoutée et celle synthétisée à partir du bicarbonate radioactif ;
» des résultats analogues sont obtenus en ajoutant soit de l'arginosuccinate, soit de
la citrulline non-radioactifs. L'ensemble de ces résultats montre que les intermé-
diaires métaboliques sont directement transférés d'un site enzymatique à un autre
sans relargage dans le milieu. (CHEUNG et al., 1989). Nous verrons d'autres exemples
de canalisation, particulièrement dans les cas de la glycolyse et du cycle des acides
tricarboxyliques.
5.5. CONCLUSIONS
L'enzymologie classique nous apprend comment l'activité d'une enzyme dépend de
la concentration en substrats et produits, comment elle réagit à différents effecteurs,
qu'ils soient activateur ou inhibiteur, et d'une façon générale comment elle répond
aux conditions physico-chimiques de son environnement (température, force ionique
du milieu, présence de cations...). Cette enzymologie concerne les enzymes isolées,
solubles ou solubilisées par un détergent. Un autre aspect de cette science, qui n'a
pas été évoquée dans ce livre, est l'étude des enzymes greffées sur des supports solides.
Elle permet notamment de mettre en évidence l'importance de la diffusion des méta-
bolites qui, dans une certaine mesure, contrôle la vitesse de la réaction. L'étude de
systèmes modèles a amené au concept de compartimentation cinétique, qui énonce
que, pour des problèmes de contraintes diffusionelles, les concentrations en méta-
bolites à proximité du site actif de l'enzyme peuvent être très différentes de leur valeur
moyenne dans le milieu.
L'enzymologie cellulaire nous a appris que m situ l'activité des protéines pouvait être
régulée par modification chimique ; le phénomène le plus important est la phospho-
rylation des protéines. Cette régulation permet, entre autres choses, une coordination
entre les différentes voies métaboliques et entre les différentes cellules, qui est le fait
soit des hormones soit de l'influx nerveux. Comme nous l'avons signalé dans l'in-
troduction de ce chapitre, la synthèse des enzymes impliquées dans les processus bio-
énergétiques est, comme celle des autres protéines, soumise à régulation. Ce vaste
chapitre de la biochimie concerne l'étude de l'expression des gènes. Certaines consé-
quences de la régulation de la biosynthèse des protéines sont mentionnées dans cet
ouvrage car elles concernent la spécificité tissulaire de métabolismes et l'expression
d'isoenzymes.
5 - RÉGULATION ET CONTRÔLE DU MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE 109
Une caractéristique essentielle d'une enzyme est qu'elle exerce son activité dans un
réseau métabolique et son comportement dépend de l'activité des autres enzymes.
La théorie du contrôle du métabolisme permet d'appréhender l'étude d'un réseau
métabolique dans sa globalité. La notion essentielle de ce cadre conceptuel est celle
du coefficient de contrôle du flux pour chaque enzyme qui aboutit au théorème de
sommation. La notion d'élasticité, qui traduit la réponse d'une enzyme à un effec-
teur, et le théorème de connexion permettent de calculer les coefficients de contrôle,
dont l'estimation est parfois difficile par une méthode directe. Il faut être conscient
que, même en absence de quantification précise des paramètres, cette théorie apporte
des renseignements précieux pour l'étude d'un réseau métabolique. En allant au bout
de cette remarque on pourrait dire que la recherche du contrôle est une attitude du
chercheur avant d'être une science.
Le dernier point à avoir été traité dans ce chapitre est la canalisation des métabolites,
conséquence de la structure supra-moléculaire de certains systèmes enzymatiques.
Cette notion, qui n'est pas très nouvelle, prend cependant un essor particulier dans
la mesure où l'on possède de plus en plus de données structurales sur les enzymes
et sur leurs interactions. Les conséquences analytiques sont importantes, car comme
nous l'avons signalé, cela conduit à limiter les approches thermodynamiques et ciné-
tiques traditionnelles qui sont basées sur des données statistiques. La cellule est consti-
tuée, au moins pour une part, de systèmes hautement structurés assimilables à des
machines. Il ne faudrait tout de même pas rejeter les approches traditionnelles qui
restent valables dans de nombreux cas, mais il faut toujours considérer les valeurs
numériques avec circonspection.
Dans la suite de cet ouvrage nous présentons les mécanismes de la transduction de
l'énergie, c'est-à-dire comment une énergie primaire, sous forme de molécules réduites
ou de lumière, est transformée en énergie utilisable par la cellule. Les transductions
appartiennent à trois grands types : les phosphorylations au niveau du substrat, sys-
tèmes généralement non-membranaires, dont l'exemple majeur est la glycolyse ; les
oxydations phosphorylantes et les photophosphorylations qui sont des systèmes
membranaires.
Chapitre 6
Les sucres sont avec les lipides les principales sources d'énergie pour l'organisme.
Au cours de la digestion, ils sont hydrolysés essentiellement en monosaccharides et
absorbés au niveau des cellules épithéliales de l'intestin grêle par des transporteurs
spécifiques (chapitre 2). Le glucose, le sucre le plus abondant dans l'organisme (5 mM
dans le sang) est dégradé en pyruvate dans le cytosol par une chaîne de réactions
appelée glycolyse conduisant à la synthèse de deux ATP (cf. § 6.2). Les métabolismes
d'autres sucres, comme ceux du fructose, du mannose ou du galactose se branchent
sur cette chaîne. Le pyruvate est soit réduit dans le cytoplasme, soit oxydé complè-
tement en gaz carbonique et en eau par la mitochondrie (chapitre 7 et 8). Il peut aussi
redonner du glucose, essentiellement dans le foie. Le métabolisme de cet organe, régu-
lateur du taux de glycémie dans le sang, sera étudié au chapitre 9. Il y a évidemment
des relations entre les métabolismes des sucres, des lipides et des acides aminés. Elles
seront essentiellement décrites au chapitre 9, car pour un grand nombre d'entre elles
(au moins sur le plan quantitatif), elles sont tissu-spécifiques. Le glucose peut former
des réserves intracellulaires comme le glycogène chez les animaux et les champi-
gnons, l'amidon chez les plantes et le tréhalose chez la levure. Comme mentionné ci-
dessous et au chapitre 9, l'utilisation du glycogène et la régulation de son métabolisme
présentent des différences entre le muscle et le foie. Comme nous le décrivons dans
ce chapitre, le métabolisme des sucres est fortement régulé par les hormones (insu-
line, adrénaline et glucagon) et l'influx nerveux.
Extrémité
4—O Extrémité
non réductrice O Kl A réductrice
Maltose ou 4-D-glucopyranosyl--D-glucopyranose
112 BIOÉNERGÉTIQUE
De même les chaînes linéaires sont caractérisées par leurs extrémités réductrice et
non-réductrice.
Localisé dans le cytosol sous forme de granules (que l'on peut mettre en évidence par
la coloration brune après traitement des cellules à l'iode), le glycogène est phospho-
rolysé à partir de son extrémité non-réductrice par une phosphorylase. Cette réaction
consiste en un transfert d'une unité glucose sur un phosphate minéral. L'enzyme,
découverte et purifiée par CORI et CORI, catalyse une réaction réversible in vitro car
la stabilité de la liaison phosphate avec la fonction hémiacétalique du glucose en posi-
tion 1 est du même ordre que celle de la liaison glycosidique (1 —> 4). Or, dans la
cellule, le rapport des concentrations [Pi]/(glucose-1P)) est de l'ordre de 100 et rend
la réaction irréversible dans le sens de la phosphorolyse. La coupure phosphoroly-
tique du glycogène nécessite dans son mécanisme du pyridoxal phosphate.
OH
D-Glucose-1P
musculaires ; celle des hépatocytes, qui présente certaines différences, est traitée au
chapitre 9.
La phosphorylase est un dimère qui existe sous deux formes interconvertibles : la
phosphorylase a, constituée de quatre sous-unités identiques, est la forme active de
l'enzyme. La phosphorylase b, constituée de seulement deux sous-unités, n'est active
que dans des conditions particulières. La phosphorylase b peut être active en pré-
sence d'AMP, un activateur allostérique ; par contre elle est inhibée par l'ATP et le
glucose-6P qui sont des compétiteurs pour l'AMP à ce même site. Compte tenu des
concentrations en AMP dans la cellule, la phosphorylase b est généralement inactive.
Le passage de la forme b en forme a s'effectue par phosphorylation d'une sérine de
chacune des sous-unités de l'enzyme par l'ATP, réaction catalysée par la phospho-
rylase kinase. Réciproquement, le passage de la forme a à la forme b correspond à
une hydrolyse de la liaison ester entre le phosphate et la sérine sous l'action d'une
phosphatase. L'activité de phosphorolyse dépendra donc du rapport a/bqui est
contrôlé par différentes hormones et par l'ion calcium selon les mécanismes décrits
ci-dessous.
AMPc
ATP ADP
Phosphatase
Pi H2O
ce rôle est joué par le glucagon. La phosphorylase kinase peut être activée partielle-
ment par Ca24+ par l'intermédiaire du complexe que forme ce cation avec la calmo-
duline (qui correspond en fait à la sous-unité de l'enzyme). Comme décrit au § 5.2
l'augmentation de la concentration cytosolique en Ca2+ est sous le contrôle de l'in-
flux nerveux, ce qui déclenche à la fois les processus de la contraction musculaire et
de la production d'énergie en activant l'utilisation du glycogène et en stimulant la
respiration mitochondriale (chapitre 8).
La synthèse du glycogène est également régulée par les phosphorylations AMPc
dépendantes. Ainsi la glycogène synthase existe sous deux formes : la forme a active
qui, contrairement à la phosphorylase n'est pas phosphorylée, et la forme b phos-
phorylée qui n'est active qu'en présence de fortes concentrations en glucose-6P. La
phosphorylation de la glycogène synthase est catalysée par la protéine kinase A. Ces
systèmes de régulation constitués d'une cascade d'événements membranaires et de
réactions enzymatiques permettent une amplification du signal hormonal puisqu'un
signal stimule une activité qui produit plusieurs molécules qui elles-mêmes stimu-
lent l'activité de l'étape suivante.
L'action des kinases est réversée par celle des phosphatases qui catalysent l'hydro-
lyse des liaisons phosphoester de différentes enzymes (figure 6.2). Ainsi, la phos-
phorylase phosphatase ou protéine phosphatase 1 des muscles striés catalyse le passage
de la forme a de la phosphorylase en forme b ; de même elle catalyse l'hydrolyse du
phosphoester de la phosphorylase kinase active, ce qui la rend inactive ; cette même
enzyme catalyse aussi l'hydrolyse de la fonction phosphoester de la glycogène syn-
thase, ce qui active cette dernière. La protéine phosphatase 1 a donc un effet inhibi-
teur sur la dégradation et activateur sur la biosynthèse du glycogène. Son activité est
elle même régulée. Elle existe soit sous une forme liée aux granules de glycogène, soit
sous une forme libre ; ces deux états dépendent de la phosphorylation de certaines
sous-unités. Ainsi, par phosphorylation, sous l'action de la protéine kinase A AMPc
dépendante, la protéine phosphatase 1 est libérée dans le cytosol, ce qui la rend inac-
tive. L'insuline favorise la fixation de la phosphatase sur les granules de glycogène,
ayant ainsi une action opposée à l'adrénaline.
Inhibition Stimulation
par l'adrénaline par l'insuline
Phosphorylase N\ f Pi Glycogène synthétasc
active ~~^\ 4 /''*' active
HzO -^ Protéine phosphatase 1 F- ^0
\
Phosphorylase ^^y T ^ / — ^ p, ^ Glycogène synthétase
inactive Pi /^'^\ inactive
( H2Û ^
Phosphorylase kinase Phosphorylase kinase
active inactive
II s'agit donc d'un système bien coordonné puiqu'il aboutit à des effets inverses sur
les deux voies en réponse essentiellement aux sécrétions hormonales.
Tous les sucres et dérivés, sauf indication contraire, sont de la série D, c'est pourquoi
nous ne le précisons pas, pour alléger l'écriture. Le schéma de la glycolyse et de la
fermentation lactique est présenté dans la figure 6.3.
116 BIOÉNERGÉTIQUE
Glucose
V ATP
G-6P ——
ADP
6 P
H+ ATP, Citrate + —— Glp
F-1.6P2
GA-3P
G-3P DPGA
ADP
3PG
L-lactate 2PG
NAD+
NADH
Pyruvate PEP
A T PA D P 8 1 — — —
Fructose-1,6P2
ATP
6 - MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE DES SUCRES 117
dans le cytosol. Cependant une forte proportion d'enzyme peut être liée, dans cer-
tains tissus, à la membrane externe de la mitochondrie. Cette forme liée, dont la pro-
portion peut varier selon l'état énergétique de la cellule, a une meilleure affinité pour
l'ATP et n'est pas inhibée par le glucose-6P. On rencontre ce phénomène notamment
dans le cerveau où la proportion de forme liée augmente lorsque la quantité d'oxy-
gène diminue.
Le glucose-1P, produit de la phosphorolyse du glycogène est converti en glucose-6P
par action de la phosphoglucomutase. Cette réaction, favorisée dans le sens de la for-
mation du glucose-6P (ce dernier est plus stable que le glucose-1P), fait intervenir une
phosphosérine avec formation transitoire de glucose-1,6biphosphate. Dans le muscle
le glucose-6P est dégradé par la voie glycolytique, alors que dans le foie il donne
essentiellement du glucose sous l'action de la glucose-6 phosphatase, enzyme micro-
somale impliquée dans la gluconéogenèse.
L'alimentation apporte en abondance deux diholosides, le saccharose et le lactose, qui
contiennent respectivement une unité fructose ou une unité galactose liée à un glucose.
CH2OH CH2OH CH2OH
CH2OH
Saccharose ou Lactose ou
D-glucopyranosyl-D-fructofuranoside 4-0-(3-D-galactopyranosyl-a-D-glucopyranoside
> la troisième réaction, catalysée par l'UDP-galactose-4 épimérase, est une épiméri-
sation du galactosyl en glucosyl par inversion de la configuration de l'hydroxyl en
position 4.
Galacto-kinase
Galactose + ATP ——————————— Galactose-1 + ADP + H+
Phospho-galactose
uridyl-transférase
Galactose-1 P + ADP + glucose ——————————— UDP-galactose + glucose-1 P
UDP-galactose
4-épimérase
UDP-Galactose —————————— UDP-glucose
R R
Glucose Fructose Mannose
L'isomérisation passe par la formation d'un intermédiaire ène-diol selon le mécanisme :
H OH
C
L'ène diol, très instable, donne par réaction réverse soit du glucose soit du mannose,
car la réaction chimique n'est pas stéréospécifique.
Ce mécanisme fait intervenir des échanges entre les hydrogènes substituant les car-
bones 1 (pour le cétose) ou 2 (pour les aldoses) et les protons du solvant par le fait de
la formation réversible de l'ène diol. On peut vérifier le bien fondé de ce mécanisme
en effectuant la réaction dans de l'eau marquée au tritium ou au deutérium. On
retrouve alors du marquage dans les sucres (il s'agit bien évidemment des hydro-
gènes directement liés aux carbones car ceux des fonctions alcool sont acides et s'échan-
gent avec les protons de l'eau même en absence d'épimérisation). Les esters-6phosphate
présentent le même type d'isomérisation chimique en milieu alcalin.
Les réactions enzymatiques suivent le même mécanisme faisant intervenir un ène
diol intermédiaire ; la fonction base est assurée par des acides aminés basiques de la
protéine. Contrairement à la réaction chimique, la réaction enzymatique est stéréo-
spécifique : la glucose-6P isomérase assure l'isomérisation glucose-6P/fructose-6P, et
la mannose-6P isomérase celle du couple mannose-6P/fructose-6P. Il est possible de
mettre en évidence cette stéréospécificité par des réactions d'échange isotopique.
Lorsque du glucose-6P marqué au deutérium (D) sur son premier carbone est incubé
en présence de glucose-6P isomérase, aucune dilution de ce marquage par les pro-
tons de l'eau n'est observée ; par contre, l'ajout de mannose-6P isomérase provoque
une élimination du marquage sur ce premier carbone. Cela résulte de la reconnais-
sance spécifique par les enzymes de la position des hydrogènes sur le premier car-
bone du fructose. Le passage d'un épimère de l'hexose au cétose se fait par
l'arrachement d'un hydrogène à une position déterminée sur le cétose.
H
D D H
C—0 C—OH C=0
| Glucose-6P Isomérase Mannose-6P Isomérase
H—C—OH H—C=0 HO—C—H
R R
Glucose-6P Mannose-6P
D'une manière générale une enzyme est capable de faire la différence entre les posi-
tions de deux substituants identiques d'un substrat dans la mesure où les deux autres
sont différents. L'explication est donnée par la fameuse règle des trois points énon-
cée par OGSTON en 1948 pour interpréter les expériences de marquage des métabo-
lites du cycle de KREBS. Elle s'énonce ainsi :
le substrat est attaché à l'enzyme par au moins trois points ;
> en représentant le site actif dans un plan, le substrat ne peut s'y fixer que par une
face de ce plan ;
> les sites de fixation des deux substituants sur la protéine ne sont pas équivalents
et l'activité de l'enzyme ne s'exerce que sur un seul de ces substituants. Effectivement
nous constatons sur la figure 6.4 que deux substituants identiques «b» ne peuvent
se placer que d'une certaine manière sur le plan représentant le site actif. Si l'acti-
vité enzymatique ne s'effectue qu'en un seul point (B1 ou B2), les substituants ne
sont pas équivalents.
120 BIOÉNERGÉTIQUE
CH2OP CH2OP
CH2OH 1 CH2OP
Phosphofructokinase O
\
Mg ——/
Fructose-6phosphate Fructose-1,6biphosphate
Les propriétés de PFK1 étudiées in vitro pourraient expliquer des observations faites
in vivo et connues sous le nom d'effet PASTEUR. Ce phénomène a été mis en évidence
par PASTEUR sur la levure, il s'agit de l'inhibition de la fermentation par l'oxygène
moléculaire. En effet la levure Saccharomyces cerevisiae est capable de croître en anaé-
robiose, elle tire alors son énergie de la fermentation par transformation du glucose
en éthanol, pour donner deux moles ATP par glucose consommé. En aérobiose par
contre la levure respire et forme 32 ATP par glucose oxydé en H2O et CO2 (chiffre
inférieur à celui estimé chez les mammifères). Pour former une même quantité d'ATP
elle utilise donc moins de glucose en aérobiose qu'en anaérobiose, c'est pouquoi le
passage de l'une à l'autre se traduit par une forte stimulation de la consommation en
sucre. Il a donc été proposé que la glycolyse serait régulée (tout au moins en partie)
au niveau de la PFK1 par le rapport [ATP]/[ADP], qui est effectivement plus faible
en anaérobiose qu'en aérobiose. Depuis les observations de PASTEUR, des effets ana-
logues ont été observés sur plusieurs types de cellules animales. Toutefois, le rôle pré-
éminent de PFK1 dans le contrôle de la glycolyse a été contesté par plusieurs auteurs
en invoquant essentiellement deux types de faits :
> la surexpression de cette enzyme chez la levure modifie peu, ou pas du tout, le flux
glycolytique ;
> des variations importantes de la valeur du flux, notamment dans le muscle, ne sont
pas associées à de fortes variations des concentrations en métabolites, alors que
dans le cas d'une activation essentiellement de la PFK, on devrait observer une
augmentation de la concentration en fructose-1,6biphosphate et des métabolites
suivants. Des études théoriques, menées par D. FELL, s'appuyant sur la théorie du
contrôle, montrent que l'homéostasie de concentration en métabolites ne peut s'ex-
pliquer qu'en faisant intervenir le contrôle au niveau de plusieurs sites enzyma-
tiques. Dans le muscle, par exemple, une partie importante du contrôle est portée
par les systèmes utilisateurs de l'ATP. Pour pouvoir comprendre, ou simplement
suivre ces raisonnements, il ne faut pas confondre contrôle et régulation. L'activation
d'une enzyme par un effecteur allostérique peut logiquement conduire à une dimi-
nution du contrôle de cette enzyme sur le flux. D'autre part, l'homéostasie des
concentrations dépend de la sensibilité des enzymes, suivant l'enzyme régulée, à
leurs substrats et produits (coefficients d'élasticité).
La 1,6biphosphatase 1, uniquement présente dans les tissus néoglucogéniques (foie
et rein), est inhibée par l'AMP et l'ADP, et est au contraire stimulée par l'ATP. Des
expériences désormais classiques ont permis de montrer que les sites actifs et ceux
de régulation étaient différents. La première de ces expériences consiste à effectuer
une digestion partielle de l'enzyme par la papaïne, une enzyme protéolytique ; on
peut ainsi trouver les conditions pour lesquelles l'enzyme possède toujours une acti-
vité mais est devenue insensible à l'AMP par le traitement. Dans un autre type d'ex-
périence on procède à un titrage progressif des résidus tyrosine de l'enzyme par
acétylation ; par un titrage partiel on peut obtenir une enzyme active mais insensible
à l'AMP.
122 BIOÉNERGÉTIQUE
II a été montré que, dans le foie, la glycolyse et la gluconéogenèse (cf. § 9.1) sont régu-
lées par le glucagon dont le messager secondaire est le fructose-2,6biphosphate
(F-2,6P2). Ce sucre stimule la PFK1 en s'opposant à l'inhibition par l'ATP. Par contre
il inhibe la FBP1 en synergie avec l'AMP. Il a été montré que le fonctionnement de la
glycolyse nécessitait du F-2,6P2 dans tous les cas, c'est pourquoi on en trouve dans
tous les tissus examinés (muscle, tissus nerveux, foie, rein...). Son importance a été
mise en évidence également chez les champignons et notamment chez la levure
Saccharomyces cerevisiae. Les activités de phosphorylation du fructose-6P par l'ATP
(PFK2) et l'hydrolyse du fructose-2,6biphosphate en fructose-6P chez les mammifères
sont portées par la même chaîne peptidique (il existe en fait six isoformes, tissu-spé-
cifiques, avec des propriétés cinétiques différentes). Ainsi, dans le foie, le glucagon,
par l'intermédiaire de la kinase AMPc dépendante induit la phosphorylation de cette
protéine, ce qui stimule l'activité FBP2 et inhibe la PFK2. Il s'ensuit que le glucagon
a un effet négatif sur la glycolyse et positif sur la gluconéogenèse. Cette régulation
par le glucagon est beaucoup plus efficace que ne le sont les variations de concen-
tration des nucléotides, généralement très faibles. Le site consensus de phosphory-
lation n'existe pas chez les autres isoformes, ce qui est conforme à la logique
physiologique car le foie exporte le glucose alors que les tissus périphériques l'utili-
sent ; cela implique une régulation différente pour ces enzymes bifonctionnelles.
CH2OP CH2OP
Fructose-1,6biphosphate Dihydroxyacétone D-glycéraldéhyde-phosphate 3phosphate
B: H—C— ——— BH + C—
C==0 + : C — — c C—OH
1 \ B: BH
L'aldolisation est décrite ci-dessous dans le sens de la condensation des deux trioses
en aldose. Comme la réaction est réversible, il est possible de la présenter ainsi. Le
donneur de carbanion est le dihydroxyacétone phosphate (DHAP).
6 - MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE DES SUCRES 123
H—C—OH H—C—OH
C=0 + B: BH + C=0
CH20P CH2OP
Dihydroxyacétone Base Carbanion
H—C—OH CH2OP
1 CH2OH
0
H—C—OH + C=0 BH B: +
CH2OP CH2OP
Glycéraldéhyde-3P Fructose-1,6P2
Ce mécanisme implique, comme dans le cas des reactions catalysées par les isomé-
rases, l'échange d'un proton du triose donnant le carbanion avec ceux du milieu,
échange qui s'effectue par l'intermédiaire de la protonation de la base. Ainsi en incu-
bant le DHAP avec de l'aldolase et en absence de glycéraldéhyde-3P (GA-3P), dans
un milieu contenant de l'eau tritiée, on retrouve du marquage au niveau de l'hydro-
gène substituant le premier carbone du DHAP. Par contre un tel échange n'a pas lieu
en incubant le GA-3P avec l'aldolase et en absence de DHAP.
Le G de la réaction dans le sens de la coupure de l'hexose est de + 23,8 kJ. mole-1
ce qui signifie que, dans les conditions standard, cette réaction est fortement favori-
sée dans le sens de la synthèse du fructose-1,6biphosphate. En fait le G estimé dans
une cellule où la glycolyse est active est de l'ordre de - 1 kJ.mole-11. Cette grande dif-
férence est observée dans toute réaction où le nombre de produits n'est pas égal à celui
des réactants. Prenons en exemple les deux réactions a b et a b + c.
Les rapports de masse sont respectivement [b]/[a] et [b] x [c]/[a]. Calculons ces rap-
ports pour [a] = [b] = [c] mais pour les valeurs suivantes 1 M, 10-33 M, 10-66 M. Pour la
première réaction le rapport sera toujours égal à 1 mais pour la seconde il sera res-
pectivement de 1 M, 10-33 M, 10-66 M. Cet exemple montre une raison supplémentaire
de ce méfier de la valeur du G 0 + d'une réaction pour prévoir son sens. Dans certains
manuels ou discours il est dit que pour qu'une réaction endergonique se fasse dans
le sens défavorisé il faut qu'elle soit suivie d'une reaction très exergonique. Cette
façon de s'exprimer est tellement raccourcie qu'elle en est devenue complètement
fausse. En effet, si une réaction, dont le sens choisi pour calculer le G est de la gauche
vers la droite est endergonique, elle évoluera spontanément de la droite vers la gauche
quelles que soient les propriétés des réactions suivantes. Ainsi la réaction catalysée
par l'aldolase doit avoir obligatoirement un G négatif si la cellule fait de la glyco-
lyse, par contre cette valeur s'inverse dans le cas de la gluconéogenèse. Il est bien évi-
dent que d'autres réactions peuvent changer le sens de celle examinée, mais uniquement
en changeant les concentrations des substrats et produits de sorte que le signe du G
de celle-ci soit inversé.
124 BIOÉNERGÉTIQUE
de l'eau tritiée, isolé et incubé dans un milieu sans tritium en présence de triose iso-
mérase, on n'observe aucune diminution de la radioactivité spécifique du triose.
CH2OP CH2OP
Glycéraldéhyde-3P 1,3-biphosphoglycérate
0 0 0
// II //
C—0—P—0 C—0-
\
cr
H C—OH + ADP J H—C—OH + A T P
CH2OP CH2OP
'1,3-biphosphoglycérate 3-phosphoglycérate
Du point de vue de l'énergétique, la première réaction est celle qui est importante car
l'enzyme couple l'oxydation d'un aldéhyde en acide à la formation d'un anhydride
de phosphate à partir de phosphate minéral. Cette réaction permet l'entrée du Pi dans
le pool des composés contenant des liaisons à haut potentiel de transfert. Cette enzyme
est un transducteur d'énergie permettant la transformation d'un type d'énergie en
un autre. Comme nous le verrons plus loin, le NADH est réoxydé soit par la voie fermentaire (
Comme la GPDH couple une réaction exergonique (réaction redox) à une réaction
endergonique (synthèse de la liaison anhydride), le G est faible (+ 6,3 kJ. mole-) ;
la réaction catalysée par la kinase a un G de - 18,8 kJ.mole-1, ce qui signifie que
le 1,3-biphosphoglycérate est moins stable que l'ATP. Il est généralement admis
que ces enzymes fonctionnent près de l'équilibre et que le sens du flux (glycolyse ou
6 - MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE DES SUCRES 125
intermédiaire acyle-enzyme qui a été démontré être un thioester. Pour mettre ce fait
en évidence l'enzyme est incubée avec du glycéraldéhyde-3P en absence de Pi ; on
ajoute une petite molécule portant une fonction thiol comme le thioglycérol. On obtient
dans ces conditions du thioglycérol acylé dû à une réaction de transacylation entre
l'acyl-enzyme et le thiol ajouté.
Pour comprendre le mécanisme de formation du thioester il faut se rappeler que l'oxy-
dation d'un aldéhyde se fait sur sa forme hydratée, l'acétal.
H H OH
Oxydant
R—C R—C—OH R—C
\\ \\
0 OH 0
Aldéhyde Acétal Acide
D'une manière analogue l'aldéhyde peut s'additionner sur un groupement thiol pour
donner un hémi-thioacétal dont l'oxydation donnera directement un thioester.
H H SR'
Oxydant
R—C R'SH R—C—OH R—C
\\ 1 \\
0 SR' 0
Aldéhyde Hémi-thioacétal Thioester
Malgré la forte analogie chimique de ces réactions il ne faut pas oublier que le thioes-
ter est un composé très instable et que l'oxydation de l'hémi-thioacétal constitue un
exemple typique de réaction de couplage entre une oxydation et la formation d'un
composé à haut potentiel de transfert. Si l'oxydation de l'aldéhyde en acide est très
spontanée avec un équilibre très en faveur de l'acide, l'oxydation de l'hémi-thioacé-
tal est beaucoup moins spontanée et donc plus facilement réversée. D'une façon géné-
rale la réaction de couplage limite le caractère spontané de la réaction d'oxydation.
La réaction biologique peut s'écrire comme suit :
NAD+ H NAD4+
4 R—C
\\ \
SH 0 S CH—R
OH
NAD+ NADH
/
(H + 4 H+
\
S—C—R 4 S—C-
II
OH 0
NADH NAD 4
+ 4 A + 4H+ + 4AH2
S—C— 4 SC
0 0
L'arséniate, AsO4H2- (Asi en abrégé) est un analogue du phosphate et peut s'y sub-
stituer dans certaines réactions et notamment dans cette dernière étape. Cependant
le composé arsénylé obtenu est très instable et est spontanément hydrolyse.
,0—As 0- ,0
CH2OH CH2
2-phosphoglycérate Phosphoénolpyruvate
Cette réaction peut être considérée comme une oxydoréduction interne où le deuxième
carbone est oxydé (passage d'un alcool à un équivalent cétone) et le troisième plus
réduit ; de ce fait elle est facilement réversée. Cependant le phosphoénolpyruvate est
particulièrement instable car le phosphoryl empêche la transformation de l'énolpy-
ruvate en pyruvate, forme stable. La réaction suivante catalysée par la pyruvate kinase
consiste en un transfert du groupement phosphoryl du PEP à l'ADP.
0 0- 0 0-
Comme l'ATP est plus stable que le PEP cette réaction est irréversible et ne pourra pas
être utilisée à la resynthèse du glucose (cf. § 7.2.3 et 10.1.2). Plusieurs isoenzymes de
la pyruvate kinase, qui sont différemment distribuées dans les tissus, ont été caracté-
risées chez les mammifères. Par exemple l'enzyme du foie est fortement régulée ; enzyme
allostérique, elle est stimulée par le fructose-1,6biphosphate. La vitesse initiale varie
selon une courbe sigmoïdale en fonction de la concentration en PEP ; en présence de
F1-6P2 la courbe devient hyperbolique. Cette régulation a un sens physiologique, car
elle permet à l'enzyme de réagir positivement à une augmentation de l'activité de la
PFK1. L'activité de la pyruvate kinase du foie est inhibée par l'ATP et l'alanine (acide
aminé impliqué dans la gluconéogenèse). L'enzyme est phosphorylée par une pro-
téine kinase AMPc dépendante et est déphosphorylée par u
Les concentrations en métabolites ont été mesurées dans plusieurs tissus ou cellules.
A partir de ces résultats il a été proposé que les réactions de la chaîne étaient près de
l'équilibre sauf pour les trois étapes catalysées par l'hexokinase, la phosphofructoki-
nase et la pyruvate kinase. Cela signifie que la synthèse du glucose à partir de méta-
bolites (lactate, alanine), localisée dans le foie et le rein, n'utilise pas ces trois réactions ;
trois étapes différentes sont nécessaires ; elles sont catalysées respectivement par la
glucose-6phosphatase, la fructose-1,6biphosphatase (cf. ci-dessus) et la phosphoé-
noipyruvate kinase.
0
// 0
C0 //
1 C — O Phospoénolpyruvate carboxykinase |
Pyruvate L-lactate
CH2OH CH2OH
CH2OP CH2OP
Dihydroxyacétone-phosphate Glycérol-3phosphate
(DHAP) (G-3P)
132 BIOÉNERGÉTIQUE
NH 2
—CH2—NH
H3C
—
H2C :—CH2
0-
O—PP—O—P O
O
0-
+ - 0 = C ——— R—-N
S —S 0
/
- CH3
H3C —C—C
//
ylide V")
H—0
H3C R'
H3C—C H3C—C
H O H—0
L'acétal ainsi formé est réduit en éthanol par l'alcool déshydrogénase (ADH) selon
la réaction suivante :
H
H3C- -C + NADH H4- H3C—CH2,OH + NAD
\\
0
CH—OH
+ Ylide + H 4
C==0
H3C — C — CH— CH3
CH3
H- -H
Acétoïne
L'acétaldéhyde actif ne réagit pas avec un proton comme dans le cas de la libération
d'acétaldéhyde mais avec un autre acétaldéhyde pour donner de l'acétoïne. Cette
dernière est alors réduite en 2,3-butanediol par le NADH. Comme la formation d'un
acétaldéhyde à partir du glucose nécessite la réduction d'un NAD+ la synthèse d'une
acétoïne nécessite donc la formation de deux NADH dont l'un est réoxydé par
la voie glycérol constituée de deux enzymes, la glycérol-3P déshydrogénase et la
glycérol-3P phosphatase.
Cette voie ne permet pas la synthèse d'ATP, ce qui abaisse le bilan énergétique de la
glycolyse de moitié.
134 BIOÉNERGÉTIQUE
6.3. CONCLUSIONS
Ce chapitre traite de deux aspects essentiels de la bioénergétique : les mécanismes de
réactions de couplage pour des phosphorylations au niveau du substrat et la régula-
tion de flux métaboliques.
Les réactions correspondant aux deux sites de couplage ont, en dehors de la synthèse
de l'ATP, des rôles différents dans la chaîne métabolique. En effet, les enzymes consti-
tuant le premier site maintiennent (selon la vue classique) un quasi-équilibre entre
substrats et produits ; la conséquence en est une relation d'équilibre entre le rapport
N A D +/NADHet le potentiel phosphate. Au contraire, la réaction catalysée par la
pyruvate kinase est irréversible mais son activité est modulée par des effecteurs allo-
stériques ou par phosphorylation de la protéine selon la nature de l'isoenzyme qui
est tissu-spécifique.
La cellule ne possède quasiment pas de réserve d'énergie. Elle doit de ce fait adapter
la vitesse de production d'ATP à ses besoins. Nous avons présenté dans ce chapitre
des schémas généraux de régulation du métabolisme du glycogène et du glucose mais
il existe de nombreuses variations selon le type de cellule considéré. Il existe des isoen-
zymes tissu-spécifiques qui diffèrent par leur activité ou par leur régulation, comme
par exemple les isoformes du transporteur de glucose, de l'hexokinase, de la pyru-
vate kinase ou des enzymes du métabolisme du F-1.6P2. Les récepteurs hormonaux
sont aussi tissu-spécifiques ; les tissus musculaires ne possèdent pas de récepteurs
au glucagon. Ces variations sont corrélées à la spécialisation des organes. Ces aspects
du métabolisme seront traités au chapitre 9.
Le métabolisme des sucres, qui est cytoplasmique, se prolonge dans la mitochondrie
par l'oxydation complète du pyruvate. Les équivalents réducteurs du NADH, quand
ils ne donnent pas lieu à une fermentation, sont transportés dans la mitochondrie par
des systèmes navettes. Ces aspects sont traités dans les chapitres 7 et 8.
Chapitre 7
COMPARTIMENTATION ENZYMATIQUE
MITOCHONDRIALE ET MÉTABOLISME MATRICIEL
Matrice
7.1 - Espaces mitochondriaux
- Membrane externe
Cristae
> le saccharose (ou le mannitol), qui diffuse à travers la membrane externe mais pas
à travers la membrane interne définit, l'espace externe plus l'espace intermem-
branaire (Vg) ;
> l'eau pénètre tous les espaces et mesure ainsi l'espace aqueux total (V-T). Connaissant
ces volumes on peut en déduire :
l'espace intermembranaire = Vs - Vp
l'espace matriciel = VT - Vs
La mesure de l'espace occupé par ces trois types de traceur s'effectue de la manière
suivante : les mitochondries sont incubées en présence d'un ou de plusieurs traceurs
radioactifs puis centrifugées ; la radioactivité est mesurée pour chacun des traceurs
dans le surnageant et dans le culot ; la radioactivité spécifique est calculée à partir de
celle contenue dans le surnageant et exprimée en dpm par L (cette expression de
l'activité spécifique n'est pas coutumière ; en effet on l'exprime généralement, dans
les problèmes métaboliques, en dpm. mole1); la radioactivité du culot est divisée par
l'activité spécifique correspondante donnant ainsi le volume occupé par le marqueur
considéré. Il est implicite que les marqueurs ne doivent être ni métabolisés ni inter-
férer d'une manière ou d'une autre avec le métabolisme. Un exemple numérique est
donné dans le prochain chapitre. Ces méthodes ont par la suite été adaptées à l'étude
du volume mitochondrial in situ.
Les mitochondries, en suspension dans une solution d'une substance ne diffusant
pas à travers la membrane interne, comme le saccharose, se comportent comme un
osmomètre dans une large gamme de concentrations du soluté. Cela signifie que le
volume de la matrice varie avec la concentration en osmolyte (saccharose) dans le
milieu. En milieu isoosmotique (entre 0,25 et 0,3 M pour les mitochondries de mam-
mifères), c'est-à-dire lorsque l'activité chimique de l'eau est la même dans la matrice
et à l'extérieur, le volume est maintenu constant. Il est en général inférieur à 1 µL par
mg de protéines mitochondriales. Par contre le volume matriciel diminue en milieu
hyperosmotique (contraction) et augmente en milieu hypoosmotique (gonflement).
Lorsque les changements de volume sont d'amplitude suffisante, ils peuvent être sui-
vis par turbidimétrie. En effet un gonflement rend la suspension mitochondriale moins
diffusante, ce qui dans un spectrophotomètre permet de récupérer plus d'énergie
lumineuse ; la propriété inverse est observée pour la contraction. Ces expériences sont
réalisées avec une radiation du visible (en
- Milieux :
général dans le vert) ce qui, pour la quantité y
hyperosmotique
de mitochondries utilisées, élimine la compo- ,g
———————— isoosmotique
sante absorption (figure 7.3).
\ hypoosmotique
\
a - Enzyme 2
H3C R H3C R
Acétaldéhyde Lipoamide
actif oxydée
0 H3C R
II +CoA-SH II /R
HS + H3C—C—S—CoA -————— H3C—C—S (+)/
R M,
7
HS HS
Lipoamide réduite Thioacide
b - Enzyme 3
FAD —FADH
S —S
+
c
—S —SH
-FADH —FAD
-S —S
NAD + +
—S
-SH -S
\
+ 0==As—OH As—OH + H2O
-SH -S
II est à noter que des réactions similaires sont trouvées dans le cycle de KREBS lors de
la décarboxylation oxydative de cétoglutarate (§ 7.2.2) ou de la dégradation des
chaînes carbonées des acides aminés ramifiés (§ 9.2.1).
La décarboxylation oxydative du pyruvate en acétyl-CoA est assurée par un com-
plexe multienzymatique qui permet un fonctionnement intégré des réactions. La struc-
ture du complexe a été étudiée en détail chez E. coli. Il est constitué de 60 sous-unités
pour une masse totale de 4600 kDa. Il se présente au microscope électronique comme
un polyèdre d'environ 300 A de diamètre où l'enzyme 2 forme le cœur du complexe.
La pyruvate déshydrogénase et la lipoyl déshydrogénase forment la couronne de
sorte que la réaction totale peut se dérouler sans relargage des intermédiaires dans
le milieu comme représenté sur la figure 7.5.
142 BIOÉNERGÉTIQUE
NADH + H-+
PAD
SH Enzyme 3
Acétyl-CoA
0 0 0
7.6 - Carboxylation du pyruvate
dérivé de la vitamine H, qui forme avec l'enzyme une liaison peptidique entre son
carboxyle et une fonction aminé d'une lysine de la protéine. Dans une première étape
il y a formation de carboxy-biotine intermédiaire appelé CO2 actif. La réaction néces-
site un ATP comme source d'énergie pour transformer le bicarbonate, molécule stable,
en carboxy-biotine, molécule instable et de ce fait bon donneur de CO2 Dans une
deuxième étape la carboxy-biotine cède le CO2 au pyruvate pour donner l'oxaloacé-
tate selon une réaction exergonique.
La pyruvate carboxylase est une enzyme allostérique stimulée par l'acétyl-CoA dont
l'importance physiologique sera examinée avec la régulation du cycle de KREBS.
L'oxaloacétate produit dans la mitochondrie donnera, dans le cytoplasme, du phos-phoénolpyruva
genèse essentiellement localisée dans les hépatocytes (cf. chapitre 6, figure 7.12 et
chapitre 9). Le donneur de phosphate est un GTR La réaction est catalysée par la phos-phoénolpyr
Glycolyse
NADH
vr
+ H+
Pyruvate oxydation
d e s acides gras
Phosphoénolpyruvate (2) N A D + Y
Acétyl-CoA
(11)
NADH + H+
(10) Oxaloacétate (3)
0 0- 0 0
Oxaloacétate Acctyl-CoA Citrate
0 0- 0 0- 0 0-
Citrate Cis-aconitate Isocitrate
Dans les conditions standard cette réaction est favorisée dans le sens de la forma-
tion du citrate et la composition à l'équilibre thermodynamique est 90% de citrate,
3,3% de cis-aconitate et 6,7% d'isocitrate. On verra que cette donnée est importante
pour comprendre la régulation du métabolisme.
La réaction suivante est l'oxydation de la fonction alcool secondaire de l'isocitrate
par le NAD+ suivie de la décarboxylation de l'acide cétonique (l'isocitrate déshydrogénase
7 - COMPARTIMENTATION ENZYMATIQUE MITOCHONDRIALE ET MÉTABOLISME MATRICIEL 145
O0- O 0(;0 O
// +NAD+ // +NADH
H—C—CH2—C ———— CH—CH2—C
2
————— CH2 + CO2
\ \ +H
H—C—OH ° C=0 ° CH2
C C C
0 0- 0 0- -0 0
Isocitrate Oxalosuccinate cétoglutarate
Les deux groupes — CH2COO- ne sont pas reconnus de la même façon par l'en-
zyme ; il s'agit de l'exemple, désormais classique, ayant donné lieu aux travaux de
OGSTON (cf. § 6.2.1). C'est ainsi que lorsque qu'une préparation mitochondriale est
incubée avec de l'oxaloacétate dont seul le carboxyle le plus éloigné de la fonction
carbonyle est marqué au carbone C, cétoglutarate produit au cours du cycle
n'est pas marqué. C'est donc le CO2 provenant de l'oxaloacétate qui est éliminé au
cours de la réaction de décarboxylation, et non celui provenant de l'acyl-CoA.
> Les deux réactions suivantes constituent un site de phosphorylation au niveau du
substrat. cétoglutarate subit une décarboxylation oxydative qui est la deuxième
et dernière étape de décarboxylation du cycle. Le mécanisme de la réaction est
identique à celui décrit pour la décarboxylation oxydative du pyruvate et, de ce
fait, celle-ci est couplée à la formation d'une liaison thioester pour donner, dans ce
cas, du succinyl-CoA. Il s'agit donc d'une réaction de couplage au sens énergétique
du terme. Elle fait intervenir les cinq mêmes coenzymes mentionnés pour la pyru-
vate déshydrogénase, dont seulement deux apparaissent dans le bilan de la réaction.
cétoglutarate + NAD+ + CoA-SH — succinyl-CoA + NADH + CO2 + H+
Comme la réaction de décarboxylation du pyruvate, elle est très exergonique et se
fera donc spontanément.
Le succinyl-CoA, sous l'action de la succinyl-CoA synthase, permet la synthèse d'un
GTP, en présence de GDP et de Pi. Cette réaction présente des analogies avec les réac-
tions du premier site de phosphorylation de la glycolyse dans la mesure où elle fait
intervenir :
> une fonction thioester ;
> un transfert de la partie carboxyle sur un phosphate avec formation d'une liaison
anhydride d'acide (analogue au 1,3-diphosphoglycérate);
> le transfert du groupe phosphate sur un nucléoside-diphosphate.
E + succinyl-CoA + Pi E-succinyl-P + CoA-SH
E-succinyl-P E-P + succinate
E-P + GDP — E + GTP
146 BIOÉNERGÉTIQUE
soit avec du GTP(Y-32P). La formation d'un tel intermédiaire est confirmée par l'hy-
drolyse du succinyl-CoA ou du GTP en présence d'arséniate qui, comme dans le
cas de la première réaction de couplage de la glycolyse, est supposé former un
intermédiaire arsénylé instable.
> Le succinate est ensuite déshydrogéné en fumarate par la succino déshydrogénase,
enzyme membranaire contenant un FAD. Le fumarate est l'isomère trans car les
carboxyles sont positionnés de part et d'autre du plan constitué par la double liai-
son ; on le distingue de l'isomère cis, l'acide maléique, car avec ce dernier il est pos-
sible d'obtenir chimiquement l'anhydride d'acide. La succino déshydrogénase fait
la différence entre les deux fonctions carboxyles du succinate apparemment symé-
triques, mais, comme nous l'avons constaté plusieurs fois, la stéréospécificité de
la réaction est due à une asymétrie au niveau du complexe enzyme-substrat.
0
C H
H—C—H C \
+ FAD ——— FADH2 + 11 0-
H—C—H C
-0—C H
c
II
-0 0 0
Succinate Fumarate
> La réaction catalysée par la fumarate hydratase est aussi une réaction stéréospéci-
fique car elle aboutit à la formation de l'isomère L du malate.
CH. |
C \ HO—C—H
II 0- + H2O — |
C H—C—H
0 - C H
II /c0 -0 0
Fumarate Malate
HO—C—H 0=C—H
+ NAD + — + NADH + H+
H—C—H H—C—H
1
c
-0 0 -0 0
Malate Oxaloacétate
L'équilibre de cette réaction (Keq à pH 7 est de 1,93.10-5 CT5) est en faveur du malate, ce
qui implique que pour fonctionner dans le sens de la gauche vers la droite, le NADH
7 - COMPARTIMENTATION ENZYMATIQUE MITOCHONDRIALE ET MÉTABOLISME MATRICIEL 147
Le cycle des acides tricarboxyliques joue un rôle central dans l'énergétique cellulaire
et fournit aussi des intermédiaires pour certaines biosynthèses (glucose, acides ami-
nés, porphyrines), comme indiqué sur la figure 7.8. La synthèse d'intermédiaires par
148 BlOÉRNERGÉTIQUE
des voies différentes de celles du cycle est donc nécessaire pour maintenir les concen-
trations à un niveau suffisant pour le fonctionnement de l'ensemble. C'est le rôle des
réactions anaplérotiques dont la principale, la carboxylation du pyruvate en oxaloa-
cétate, a été étudiée au § 7.2.1. D'autres réactions interviennent chez les cellules dont
la source en métabolites carbonés est en C2 (éthanol ou acétate) comme c'est le cas
pour les graines de certaines plantes ou la levure. Elles constituent ce que l'on appelle
le cycle glyoxylique, exposé au chapitre 9 lors de l'étude du métabolisme particulier
de la levure Saccharomyces cerevisiae. D'une façon plus générale, la dégradation des
acides aminés fournit des intermédiaires du cycle, comme illustré sur la figure 7.10.
Glucose
NADH, acétyl-CoA, GTP
NAD4, CoA-SH, AMP, Ca
Phosphoénolpyruvate
Acétyl-CoA
Acides aminés Oxaloacétate • oxydation
ATP
Malate Citrate
\
Fumarate Cis-aconitate
Succinate Isocitrate
ADP, AMP, NAD+, Ca24
\ cétoglutarate ATP, NADH
Porphyrines — Succinyl-CoA
Glutamate
ATP, GTP ADP, GDP
Succinyl-CoA, ATP, Ca2
7.8 - Points de régulation du cycle des acides carboxyliques — stimulation, inhibition
La régulation du cycle s'effectue essentiellement sur cinq enzymes impliquées dans
des réactions irréversibles : les trois réactions de décarboxylation, la synthèse du
citrate et la réaction anaplérotique de carboxylation du pyruvate (figure 7.6). L'activité
de la pyruvate déshydrogénase, qui catalyse la décarboxylation du pyruvate en acétyl-CoA (§ 7
ces rapports sont faibles, plus l'activité est forte ; de plus, l'activité est stimulée par
l'AMP et inhibée par le GTP, nucléoside triphosphate synthétisé dans la réaction de
conversion du succinyl-CoA en succinate. D'une façon générale, les enzymes impli-
quées dans les systèmes de production d'énergie sont logiquement sensibles au poten-
tiel d'oxydoréduction et au niveau énergétique des nucléosides phosphate. L'acétyl-CoA
stimule la réaction de carboxylation du pyruvate qui produit de l'oxaloacétate ;
la logique de cette régulation est évidente puisque l'oxaloacétate et l'acétyl-CoA se
7 - COMPARTIMENTATION ENZYMATIQUE MITOCHONDRIALE ET MÉTABOLISME MATRICIEL 149
mation du pyruvate en acétyl-CoA, il n'est donc pas étonnant que les régulations de
l'activité des enzymes impliquées présentent aussi des analogies. Effectivement, cétoglutarate dé
ne faut pas perdre de vue que les systèmes cellulaires sont intégrés et, notamment
dans le cas du cycle de KREBS, l'activité dépendra de la vitesse de réoxydation des
nucléotides par la chaîne respiratoire (la réciproque est vraie comme nous le verrons
dans le chapitre 8). De ce point de vue, notons le rôle important de Ca comme sti-
mulateur des déshydrogénases (figure 7.8).
7.2.4. CANALISATION
Des phénomènes de canalisation ont été mis en évidence pour le cycle de KREBS chez
la levure Saccharomyces cerevisiae. Cet organisme pourrait être un système modèle
pour les autres cellules. Trois approches ont été utilisées pour les étudier.
> Le maintien de l'asymétrie de marquage de certains composés a été mis en évi-
dence. Avant de donner du malate, le succinyl-CoA passe par deux intermédiaires
symétriques : le succinate et le fumarate. S'il est marqué au niveau du seul car-
bone 2 par exemple, il donnera un mélange de malate marqué en C2 ou en C3
dans le cas où il n'y a pas canalisation ; le succinate et le fumarate pouvant tour-
ner librement, il y aura perte de l'asymétrie. Dans le cas d'une canalisation, on
doit essentiellement trouver du malate sur un seul carbone car les métabolites
ne sont plus libres de rotation. Du [3-13C]-proinateest donné à des cellules de
levure et les réactions sont suivies par RMN. Le substrat est converti en propionyl-CoA puis e
H2C—0—C—R3 CH2OH 0
//
R3—C—0-
0
Triglycéride Glycérol Acides gras
Carnitine Acyl-carnitine
— ... transférase II
Acyl-carnitine 7.9 - Transport
» des acides gras à travers
la membrane interne des mitochondries
Acyl-CoA CoA-SH ou celle des peroxysomes
7 - COMPARTIMENTATION ENZYMATIQUE MITOCHONDRIALE ET MÉTABOLISME MATRICIEL 151
La fonction alcène est hydratée pour donner un hydroxyacyl-CoA selon une réac-
tion réversible catalysée par l'hydroxyl-CoA déhydratase.
H o OH H O
1 // 1 //
R—C—C—C + H2O R—C—C—C
S—CoA S—CoA
Trans-énoyI-CoA L-hydroxyacyl-CoA
La fonction alcool est alors oxydée en carbonyle par une enzyme à NAD+ la L-hydroxyacyl déshy
OH H O 0
1 // +
//
R—C—C—C + NAD ——— R—C—CH2—C + NADH + H+
\
1 s
II
H H —COA O s
—COA
L-hydroxyacyl-CoA cétoacyl-CoA
La dernière réaction catalysée par la thiolase est irréversible malgré la formation d'une
liaison thioester (Keq de l'ordre de 10-55 varie avec le pH) et permet la libération d'un
acétyl-CoA.
0
//
R—C—CH2—C + CoA—SH ————- R — C — S — C o A + H3C—C—S—CoA
0 S—CoA 0 0
cétoacyl-CoA Acyl-CoA Acétyl-CoA
152 BIOÉNERGÉTIQUE
La thiolase fait intervenir dans son site actif un groupement thiol qui est responsable
de l'attaque nucléophile du carbone portant la fonction carbonyle en position avec
libération d'acétyl-CoA et formation d'un acyl-thioester au niveau de l'enzyme. Dans
un deuxième temps un coenzyme A déplace l'acyle de l'enzyme pour donner un
acyl-CoA. L'acyl-CoA restant subit un nouveau cycle et libère de nouveau un acétyl-
CoA et ainsi de suite. Ce cycle est connu sous le nom de son découvreur, le cycle de
LYNEN. Pour les acides gras à nombre pair de carbones, les formes majoritaires, le der-
nier tour du cycle se solde par la libération de deux acétyl-CoA. Par contre pour les
acides gras à nombre impair de carbones le cycle donne en final un propionyl-CoA
et un acétyl-CoA. Chez les mammifères les acétyl-CoA entrent dans le cycle de KREBS
soit directement lorsqu'ils sont produits dans les mitochondries, soit après transport
par le système carnitine lorsqu'ils sont produits dans les peroxysomes. Chez les mam-
mifères, ils ne peuvent pas donner les intermédiaires en C4 du cycle de KREBS, comme
c'est le cas chez certains micro-organismes et certaines plantes ; ils ne sont donc pas
des intermédiaires de la gluconéogenèse. Par contre le propionyl-CoA peut donner du
succinyl-CoA selon les réactions suivantes :
0
0 C—0-
CH2
CH2
C—S—CoA
0 S—CoA
0 0
Propionyl-CoA Méthylmalonyl-CoA Succinyl-CoA
La première réaction est une carboxylation et fait intervenir une carboxylase à bio-
tine, la propionyl-CoA carboxylase, dont le mécanisme est comparable à celui de la
pyruvate carboxylase ou de l'acétyl-CoA carboxylase (première réaction de la bio-
synthèse des acides gras). La seconde réaction est un réarrangement moléculaire et
cette isomérisation catalysée par la méthylmalonyl-CoA mutase fait intervenir la vita-
mine B12 comme cofacteur.
Les acides gras insaturés sont dégradés par la même voie que celle décrite plus haut,
avec une particularité due à la présence d'une ou de plusieurs doubles liaisons. Ce
sont en général des isomères cis. Ils sont activés et pénètrent la membrane mitochondriale
l'acide linoléique (C18 cis). La réaction débute par une oxydation classique jus-
qu'à l'obtention de trois acétyl-CoA et d'un acyl-CoA à 12 atomes de carbone et pos-
sédant une double liaison en y de la liaison thioester. Sous l'effet d'une isomérase
la double liaison est déplacée en position a et passe sous la forme trans, ce qui per-
met par la suite d'obtenir la forme L du hydroxyacyl-CoA (seule forme reconnue
par la déshydrogénase). Les autre réactions sont celles du cycle classique. Les formes
ramifiées (méthylées) sont dégradées par la voie classique avec production au niveau
de la méthylation d'un propionyl-CoA à la place de l'acétyl-CoA.
7- COMPARTIMENTATION ENZYMATIQUE MITOCHONDRIALE ET MÉTABOLISME MATRICIEL 153
Les acides aminés peuvent être oxydés, comme le sont le glucose et les acides gras.
Cependant, dans des conditions physiologiques normales, cette voie ne représente
que 10 à 20% du métabolisme oxydatif cellulaire. Contrairement aux sucres et aux
lipides qui sont stockés sous forme de réserve (glycogène et triacylglycérols), les acides
aminés se trouvent dans la cellule essentiellement sous forme de protéines qui ne sont
pas des formes de réserve énergétique bien que dans certaines conditions (patholo-
giques, vieillissement) elles puissent être quantitativement dégradées. Les concen-
trations en acides aminés libres dans la cellule sont nettement supérieures à celles
mesurées dans le plasma, contrairement à la situation trouvée pour le glucose. Ces
états stationnaires sont le résultat de plusieurs phénomènes : transport (en particu-
lier les cotransports N a +-acideaminé, cf. § 2.2.2), protéolyse et biosynthèse des pro-
téines, dégradation et biosynthèse des acides aminés.
Dans ce qui suit nous donnons une description de transamination et de désamination des acides am
nous indiquons uniquement les relations entre ces métabolismes et le cycle des acides
tricarboxyliques (figure 7.10). Enfin, les métabolismes des acides aminés diffèrent
selon le tissu (par exemple foie et muscle) et ces différences intéressant l'énergétique
cellulaire sont traitées dans le chapitre 9.
Pyruvate
Asparagine, aspartate
Phénylalanine
Tyrosine
Aspartate
Glutamate
Isoleucine Glutamine
Méthionine cétoglutarate —— Histidine
Valine Proline
Arginine
La première étape du catabolisme des acides aminés est la transamination qui consiste
en un transfert de la fonction aminé d'un acide aminé sur un cétoacide pour don-
ner un nouvel acide aminé et un nouveau cétoacide. Par exemple la fonction aminé
de l'alanine peut être transférée sur l'-cétoglutar epour donner du pyruvate et du
glutamate mitochondrial.
154 BIOÉNERGÉTIQUE
COO- COO-
C==0 CH—NH2
-OOC NH2 -OOC 0
CH + CH2
CH2
coo- COO-
Alanine cétoglutarate Pyruvate Glutamate
Ces réactions sont catalysées par les transaminases, enzymes contenant du pyridoxal-
phosphate, un dérivé de la vitamine B6.
Le pyridoxal phosphate forme une base de SCHTFF avec la fonction -amine d'une
lysine de l'enzyme. La réaction est décrite dans la figure 7.11. La dernière étape du
schéma correspond à la libération d'un cétoacide et de la pyridoxamine phosphate.
Cette dernière va réagir avec un autre cétoacide et par un mécanisme réverse va
donner un acide aminé. Ce mécanisme implique que toutes ces réactions soient
réversibles.
0
OH OH
-0—P 0—CH2—
NH CH3 0- NH CH3
Pyridoxine ou vitamine B6 Pyridoxal-phosphate
COO COO
COO
RI—CH—NH2 + + H2O
H+ COO
F—R1
NH NH
1 1 1
H2N—C H HN=C C=0
1 1 + H2O
CH2 + N A D + — CH2 + NADH + H+ —— CH2 + NH4+
-0 0 -0 0 -0 0
La glutamate déshydrogénase est une enzyme allostérique, stimulée par ADP et GDP
et inhibée par GTP ; son activité dépend ainsi de l'état énergétique de la cellule. Les
ions ammonium sont éliminés ou transportés sous forme d'urée dans le foie
(cf. figure 5.10) ou de glutamine dans d'autres tissus et notamment les cellules gliales
du système nerveux (cf. chapitre 9).
7.3. CONCLUSIONS
La matrice mitochondriale est le lieu privilégié de la dégradation des métabolites,
source de coenzymes réduits. Ceux-ci seront réoxydés par la chaîne respiratoire et
permettront la synthèse de l'ATP. Le cycle des acides tricarboxyliques est alimenté
par les métabolites dérivés des trois grands groupes d'aliments, ce qui constitue une
plaque tournante pour les divers métabolismes ; c'est pourquoi on appelle ce méta-
bolisme et les réactions qui y sont directement liées, le métabolisme intermédiaire. Il ne
faut pas restreindre le cycle à des fonctions de dégradation car il joue de ce fait un
rôle fondamental dans les biosynthèses.
Deux réalités doivent être présentes à l'esprit lorsque l'on étudie le métabolisme inter-
médiaire.
> Ce métabolisme, bien qu'ayant une structure de base identique, peut présenter des
différences importantes entre les tissus. Nous en avons déjà vu des exemples et
nous développerons cet aspect au chapitre 9.
Les voies métaboliques du cytosol et des mitochondries sont reliées et interagis-
sent entre elles. Nous prenons comme exemple le métabolisme du citrate dans le
foie (figure 7.11)
156 BIOÉNERGÉTIQUE
Citrate
Cétoglutarate
Gluconéogenèse
Pyruvate
Pyruvate
H+
y
Ce schéma reprend des points qui ont été exposés dans les chapitres 6 et 7 mais deux
observations méritent d'être soulignées La première est que les métabolismes sont
liés entre eux par des transporteurs dans la membrane interne, problème étudié dans
le prochain chapitre. La seconde est le rôle du citrate dans le métabolisme cytosolique
comme effecteur enzymatique et comme source d'acétyl-CoA et d'oxaloacétate pour
les biosynthèses de, respectivement, les acides gras et le glucose. Notons que lors-
qu'il est dit que l'oxaloacétate mitochondrial est un intermédiaire de la synthèse du
glucose, la relation n'est pas directe (cf. chapitre 9).
Chapitre 8
OXYDATIONS PHOSPHORYLANTES
Les systèmes impliqués sont localisés dans la membrane interne des mitochondries
pour les eucaryotes ou dans la membrane plasmique pour les procaryotes.
Chez les eucaryotes et certains procaryotes l'accepteur final des électrons est le dioxy-
gène dont la réduction complète nécessite 4 électrons :
4e- + 02 20- et 2 0— + 4 H+ —— 2 H2O
Chez certaines bactéries l'accepteur final des électrons peut être le nitrate, le soufre
ou un composé organique comme le fumarate. Dans ce livre nous ne nous intéresse-
rons qu'aux oxydations phosphorylantes des mitochondries ; chez les procaryotes,
les principes généraux des mécanismes de transduction sont similaires mais présen-
tent une grande diversité.
fois les consommations de 02, par une méthode manométrique, et de phosphate, par
dosage colorimétrique. La méthode manométrique utilisée était celle mise au point par
0. WARBURG qui consistait à mesurer des variations de pression à volume constant (loi
de MARIOTTE : PV = n RT) correspondant à la quantité de dioxygène consommé dans
des conditions où le gaz carbonique dégagé était piégé dans une solution alcaline. Le
rapport du nombre de moles de phosphate consommé par atome d'oxygène pour un
temps donné est appelé P/0 : il est égal à environ 3 pour un substrat respiratoire
réduisant le NAD+ et environ 2 pour un substrat donnant ses électrons directement
à une flavine. Ces valeurs ne sont pas obligatoirement des nombres entiers
et il n'y a d'ailleurs pas de raison théorique pour qu'il en soit ainsi (ce problème est dis-
cuté plus en détail au § 8.5.2). Depuis ces premières mesures les techniques ont
évolué. La consommation d'oxygène est suivie en continu par une méthode polaro-
graphique : à l'aide d'une électrode spécifique à oxygène convenablement polarisée
(entre 0,6 et 0,8 V pour l'électrode de CLARK) ; le courant électrique enregistré est pro-
portionnel à la concentration en dioxygène dissous dans le milieu. L'ATP formée, instable
en milieu acide, est généralement piégée sous forme de glucose-6P en ajoutant dans le
milieu du glucose, de l'hexokinase et du Mg 2 . Après élimination des protéines en milieu
acide, centrifugation de l'échantillon et neutralisation du surnageant, le glucose-6P, en
présence de NADP4 et de glucose-6P déshydrogénase, donne du NADPH qui peut être
dosé par spectrophotométrie ou fluorimétrie. L'ATP peut aussi être dosée par lumi-
nescence en utilisant le système luciférine/luciférase du ver luisant.
une mesure de la qualité des mitochondries isolées dans les conditions où les concen-
trations en substrats respiratoires sont saturantes.
L'addition de certaines drogues peut modifier ces vitesses de respiration. Par exemple
l'ajout de 2,4-dinitrophénol (2,4-DNP), de carbonyl-cyanide-m-chloro-phényihydra-
zone (CCCP), ou de son dérivé fluoré (FCCP) stimulent la respiration et inhibent la
synthèse d'ATP (figure 8.1b). Ces drogues sont appelées des découplants car, comme
dans le débrayage d'une voiture, elles libèrent le système moteur du reste de la
machine. La réaction d'oxydation ainsi libérée, fortement exergonique, est stimulée
et fonctionne à sa vitesse maximum. Cet effet des découplants suggère qu'ils dissi-
pent un état énergétique intermédiaire entre l'énergie redox et le potentiel phosphate.
L'expérience reportée sur la figure 8.1c montre que l'oligomycine prévient la stimu-
lation de la respiration par ajout d'ADP mais est sans effet sur l'action des décou-
plants, indiquant ainsi qu'elle inhibe l'utilisation de l'énergie pour la synthèse de
l'ATP sans toutefois la dissiper. Par la suite il a été montré, à l'aide de mutants de
levure, que cet inhibiteur se fixe sur le secteur membranaire Fo de l'ATP synthase et
inhibe le canal à protons de ce complexe.
Mitochondries Mitochondries
Substrat respiratoire Substrat respiratoire
ADP Découplant
0 Temps Temps
0 Temps 0 Temps
plus qu'un intérêt historique, mais qui à l'époque ont nourri le débat scientifique. En
1961 Peter MITCHELL proposa une explication nommée théorie chimioosmotique qui
choqua par sa nouveauté car elle postulait que les membranes de mitochondries, de
thylakoïdes ou de bactéries transduisaient l'énergie chimique en énergie osmotique
et réciproquement. Nous verrons successivement les principes de la théorie, les idées
qui ont été à la base de son énoncé et les bases expérimentales qui ont permis son
acceptation par la communauté scientifique. Nous verrons aussi le contenu de débats
contradictoires et les limitations de cette théorie qui doit être considérée, comme toute
théorie, comme un cadre de réflexion et de discussion et non pas comme un dogme.
> La chaîne des transporteurs d'électrons dans la membrane transductrice est orga-
nisée de telle manière qu'elle couple les réactions d'oxydoréduction à un mouve-
ment transmembranaire des protons dans le sens inverse de leur potentiel. Ce
mouvement s'établit de l'intérieur de la mitochondrie vers l'espace intermembranaire, ou au
Les premiers concepts à la base de la théorie datent de 1958 et ont été plus récem-
ment présentés sous forme d'une revue (P. MITCHELL, 1979). Parmi ceux-ci nous en
soulignerons trois :
> l'enzyme est un conducteur de ligands ;
> la translocation de groupes permet la transduction de l'énergie chimique en éner-
gie osmotique ;
> on peut établir une analogie entre les chaînes d'oxydoréduction et la pile à com-
bustion.
Le premier point a été évoqué au § 5.4.1, il correspond à l'idée que les substrats et les
produits de la réaction ont accès au site catalytique de l'enzyme par des voies diffé-
rentes. Substrats et produits cheminent dans l'enzyme par des canaux qui leur sont
propres. Cette idée, comme nous l'avons vu, est à la base du concept de canalisation.
La deuxième question fondamentale que s'est posé P. MITCHELL est de comprendre com-
ment une réaction osmotique peut être couplée à une réaction chimique, d'où l'idée de
translocation de groupe que nous présentons ici. Considérons la réaction chimique
A-B + C — A + B-C qui correspond à un transfert du groupe B de A sur C ; la force
permettant la réaction est son affinité chimique. Si nous admettons que la réaction s'ef-
fectue en milieu anisotrope et plus particulièrement dans une membrane, on peut se
trouver dans la situation où A-B accède au site catalytique par une face de la membrane
et B-C par l'autre face. On a alors couplé une réaction chimique scalaire à une réaction
vectorielle par translocation du groupe B. Cette réaction correspond à une transduc-
tion d'une énergie chimique en énergie osmotique comme l'indique le schéma 8.3.
A-B- —— ABC—— BC
Un exemple est le mécanisme par lequel les bactéries importent des sucres tout en les
phosphorylant. On trouvera le détail de ce mécanisme catalysé par les phosphotrans-
férases dans le livre de E. SCHECHTER déjà cité. En bref, comme illustré dans la figure 8.3,
le sucre se présente par la face externe de la membrane plasmique et le donneur de
phosphate par la face interne ; au centre catalytique le sucre est phosphorylé et cana-
lisé vers l'intérieur de la bactérie. Ce qui est remarquable dans ce système est que l'on
peut reconstituer la réaction de phosphorylation du sucre avec les composantes enzy-
matiques solubilisées, donc dans un milieu homogène, et par conséquent en absence
de transport. C'est la disposition particulière et asymétrique des protéines dans la
membrane qui est à l'origine du couplage entre les réactions scalaire et vectorielle.
La troisième idée à la base de la théorie chimioosmotique est liée au fonctionnement
de la pile à combustion. Dans ce montage la réduction du dioxygène en eau est réa-
lisée en deux demi-réactions :
2 2H2 — 4 H + + 4 e - 4e + O2 202-
8 - OXYDATIONS PHOSPHORYLANTES 163
Comme indiqué sur la figure 8.4a, l'oxydation de l'hydrogène gazeux au niveau d'une
électrode métallique libère les électrons dans la phase métallique et les protons dans
la phase aqueuse ; parallèlement le dioxygène est réduit sur une autre électrode par
les électrons venant du métal pour libérer O2- Les deux demi-réactions sont favori-
sées par l'existence d'une continuité dans la phase aqueuse qui permet la consom-
mation des produits des réactions en eau. Par contre, la discontinuité entre les phases
métalliques permet l'établissement d'une différence de potentiel électrique entre les
deux électrodes. Ce système est donc une source d'électricité. Il s'agit d'un montage
dont les principes sont identiques à ceux décrits au § 4.1.
Conducteur
de protons H2 1/202
2 H + — —H2O
2 H4 01
a - Pile à combustible
ou source d'électricité
2e- 2e-
;
© ®
Électrodes métalliques
H2 1/2 O2
+
2H
2 —H2O
2H++ -
—
b - Source de proticité
2e-
;y"
2e- f
Eau Eau
2e- -
8.4 - Structures comparées d'une source d'électricité (a) et d'une source de proticité (b)
(d'après P. MITCHELL)
Dans les paragraphes ci-dessous nous présentons les expériences montrant que, d'une
part, la chaîne respiratoire et l'ATP synthase couplent les réactions chimiques à un
mouvement transmembranaire en protons, créant ainsi (ou utilisant) un µH+ et que,
d'autre part, cette force est bien impliquée dans le couplage entre oxydation et phos-
phorylation. Dans le paragraphe 8.3 nous verrons le rôle de cette force proton motrice
dans les mécanismes de transport.
Temps Temps
8.6 - Acidification du milieu extérieur après un pulse d'oxygène (a) ou d'ATP (b)
8 - OXYDATIONS PHOSPHORYLANTES 165
Comme indiqué sur la figure 8.6 cet ajout induit une rapide acidification du milieu
extérieur suivie par une phase de relaxation plus lente qui se produit lorsque tout 02
est consommé. Par extrapolation de ces courbes et connaissant la quantité d'O2 ajouté,
il est possible d'approcher la stœchiométrie H/O dans la mesure où, dans les condi-
tions initiales de l'expérience, la force protonmotrice est nulle et donc le retour des
protons par perméabilité passive est nul ; le flux net mesuré correspond dans ces
conditions initiales à la vitesse de sortie des protons. Par contre l'addition d'un décou-
plant avant l'ajout d'O2 prévient l'acidification du milieu ; effectuée pendant la phase
de relaxation elle provoque une accélération du retour au pH initial en accord avec
une augmentation de la perméabilité de la membrane aux protons par les découplants
(cf. ci-dessous). Des expériences similaires sont réalisées pour l'ATP synthase pour
lesquelles l'ajout d'une petite quantité d'ATP remplace celui d'O2. Le découplant ne
permet pas un retour total au pH initial, car une partie de l'acidification est due à la
réaction d'hydrolyse et n'est pas liée au phénomène vectoriel (cette acidification
dépend de l'ionisation de l'ion phosphate et est donc fonction du pH, cf. § 3.1.2).
Les traceurs sont toujours utilisés à faible concentration afin de ne pas modifier la com-
posante électrique ou celle de concentration du µH+ ; ils ne doivent être ni transpor-
tés activement, ni métabolisés. Dans les deux cas il est nécessaire de mesurer le volume
extra-matriciel (externe plus intermembranaire) et celui occupé par la matrice de sorte
à traduire les quantités mesurées en concentrations. Pratiquement, pour mesurer la
différence de concentration du marqueur (de pH ou de AT) entre la matrice et l'ex-
térieur, on incube les mitochondries avec ce traceur radioactif, de l'eau tritiée et du
14C-saccharose pour mesurer l'espace extramatriciel. Après centrifugation les espaces
sont mesurés comme décrit au § 7.1.3. L'activité spécifique du traceur est mesurée dans
le surnageant ainsi que son activité totale dans le culot. Connaissant le volume de sac-
charose du culot, il est possible de calculer la radioactivité du traceur dans l'espace
extra-matriciel en admettant que son activité spécifique soit la même que celle du sur-
nageant. En soustrayant cette valeur de la radioactivité totale due au traceur dans le
culot on obtient celle contenue dans la matrice et on en déduit sa concentration.
En utilisant ces méthodes les valeurs, exprimées en volt, obtenues sur des mito-
chondries isolées de foie de rat sont d'environ :
2,3RT/Fp He-i µH+/F
état 4 0,040V 0,180V 0,220V
état 3 0,030V 0,150V 0,180V
Nous donnons ci-dessous un exemple de mesure :
Une préparation mitochondriale est incubée, à raison de 20 mg de protéines, dans 1 mL
de milieu contenant 1 I0 7 dpm (désintégration par minute) de 14C-saccharose et 1.10
d'eau tritiée. La préparation est centrifugée et la radioactivité est mesurée, par double
comptage, dans le surnageant et dans le culot mitochondrial, qui a été préalablement remis
en suspension dans un volume connu de solution non-radioactive. On exprime la radio-
activité du surnageant en dpm.µL-1 (cf. § 7.1.4). Elle est de 10 000 pour le saccharose et
1 000 pour l'eau tritiée. La radioactivité du surnageant est 60 000 dpm pour le saccharose
et 700 000 dpm pour l'eau. Ces résultats donnent un espace saccharose (c'est-à-dire exté-
rieur à la membrane interne) de 600 000/10 000 soit 60 µL et un espace eau (espace total
du culot) de 70 000/1 000 soit 70 µL. L'espace matriciel est de 70 - 60 - 10 µL. soit 0,5 µL
par mg de protéines mitochondriales.
La préparation mitochondriale est incubée dans les mêmes conditions, soit avec l O µ L rubi-
dium radioactif (86Rb), soit avec 10 µL d'acétate tritiée. Après centrifugation, on mesure comme
précédemment la radioactivité spécifique du surnageant qui est de 100 dpm.µL" 1 pour le
rubidium et de 1000 dpm. µL pour l'acétate. Le nombre de dpm de 86Rb mesuré dans le
culot est 1 006 000 ; compte tenu que la radioactivité de l'espace saccharose est 100 x 60, la
radioactivité contenue dans la matrice est 1.10'1 pour 10 µL ; le rapport 86Rb matriciel/ 86Rb
externe est donc 1.103. En appliquant la relation AH - - 60 log [Cint] / [Cext.] on obtient -180 mV.
8 - OXYDATIONS PHOSPHORYLANTES 167
Dans l'expérience contenant de l'acétate, le culot contient 91600 dpm de tritium. La part
due à l'espace extramatriciel est de 1000 x 60, soit 31 600 dpm pour les 10 µL de la matrice.
L erapot[Ain.]/[Aext.]est de 3,16. En appliquant la relation pH = log [A int.]/[A ext.]
le pH est de 0,5 soit 30 mV.
Dans ces expériences il est préférable de travailler le plus possible en double marquage de
manière à vérifier la valeur de l'espace extramatriciel. Les activités spécifiques des traceurs
doivent être ajustées en fonction de résultats préliminaires.
Le tableau montre que la force protonmotrice est plus faible à l'état 3 qu'à l'état 4, ce
qui est conforme à l'hypothèse selon laquelle elle est le lien entre respiration et syn-
thèse d'ATP et de ce fait participe au contrôle de la vitesse de respiration. Quel que
soit l'état stationnaire considéré, le terme électrique est prépondérant devant le terme
de concentration. La situation est inversée dans les chloroplastes (chapitre 10).
Il existe des méthodes rapides, mais semi-quantitatives, qui permettent d'enregistrer
les variations de potentiel. Nous en citerons deux :
> Certaines substances fluorescentes répondent aux variations de potentiel. La figure 8.7
représente des enregistrements d'intensité de fluorescence de la rhodamine 123 ;
celle-ci diminue lorsque le potentiel transmembranaire augmente. Ce composé est
un cation organique s'accumulant dans la matrice sous l'effet du A1 et l'augmenta-
tion de la concentration a pour effet de diminuer l'intensité de fluorescence en pri-
vilégiant les transferts d'énergie intermoléculaires par rapport à l'émission lumineuse.
ADP
Inhibiteur de la
chaîne respiratoire Substrat resp iratoire
Mitochondries Mitochondries
ATP
respiratoire
Découplant
168 BIOÉNERGÉTIQUE
de charge (cf. chapitre 2). Cette propriété leur permet de diffuser aussi bien sous leur
forme anionique que sous leur forme non-dissociée, et donc d'augmenter la per-
méabilité de la membrane aux protons (figure 8.8). Le sens du flux net en protons est
fonction de la force qui s'exerce de part et d'autre de la membrane. Par exemple, la
forme anionique du découplant est expulsée de la mitochondrie à l'intérieur de laquelle
le potentiel est négatif ; par contre le pH est en faveur d'une entrée de la forme acide.
Ainsi les découplants catalysent une entrée nette de protons qui dissipe le µH+ ce
que l'on vérifie dans les expériences de pulses d'oxygène ou d'ATP décrites au § 8.2.2.1.
Ils sont appelés protonophores pour les distinguer
ur 11 intérieur d'autres drogues à action découplante et agissant
+ - par des mécanismes différents.
+ —
+ — H+ 8.8 - Mode d'action des découplants
+ -
<t>H, forme protonée, forme anionique
II est à noter qu'en absence d'ADP l'addition de valinomycine n'induit qu'une faible
sortie de K+ car le flux s'annule lorsque l'équilibre de NERNST pour ce cation est
obtenu ; par contre, en présence d'ADP, la consommation du par l'ATP synthase
induit une sortie de K , ce qui correspond à une transduction de p.K4' en Gp. En fait
+
les premières expériences de ce type ont été réalisées sur les chloroplastes dès 1966
par JAGGENDORF et coll. qui montrèrent que la création d'un pH artificiel permet-
tait d'induire une synthèse d'ATP (chapitre 10). De nombreuses expériences ont été
réalisées ultérieurement, soit dans le cas des oxydations phosphorylantes soit dans
celui des photophosphorylations.
> il existe des interactions moléculaires entre les unités de la chaîne respiratoire et
l'ATP synthase de sorte que l'inhibition de l'une affecte l'autre ;
> les protons empruntent un micro-circuit transmembranaire en passant directement
des complexes respiratoires à l'ATP synthase sans transiter par la phase aqueuse.
Cette dernière hypothèse implique que la mobilité des protons dans la membrane
et aux interfaces soit supérieure à leur vitesse de diffusion dans la matrice.
Malheureusement il est difficile de tester ces différentes hypothèses, contrairement
à ce que nous venons de voir pour les principes essentiels de l'explication chimioosmotique
100 200 µH +/ F[ m V I
8.10 - Exemple de relations flux-force
sont pas obligatoirement les mêmes et la réponse de celle-ci à des forces égales
peut être différente. Dans l'expression thermodynamique cela est traduit par le fait
que les flux sont liés aux forces par les coefficients phénoménologiques L qui ne
sont pas des constantes et dont la valeur peut dépendre de l'état stationnaire consi-
déré. En effet ces coefficients englobent différents paramètres du système (et évi-
demment ceux correspondant aux contraintes cinétiques) à l'exclusion de la force
à laquelle ils sont directement associés. Il a ainsi été montré, sur des mitochondries
de levure, que les relations entre le flux respiratoire et la force protonmotrice, modu-
lée soit par la vitesse de synthèse de l'ATP soit par un protonophore mais en pré-
sence d'ATP et d'oligomycine pour bloquer sa synthèse ou son utilisation par
l'ATP synthase, étaient identiques. Cette expérience montre que l'ATP, en tant
qu'effecteur et non pas substrat, module la réponse de la chaîne respiratoire à la
force protonmotrice.
A- A- A-
Valinomycine
K+ —————+—— K+
8.11 - Mécanisme de pénétration d'un sel de potassium d'acide faible (AH) en milieu
osmotique induit soit par un découplant () et la valinomycine (a), soit par la nigéricine (b)
Le gonflement est spontané en phosphate, ce qui confirme les résultats obtenus en solu-
tion isoosmotique de potassium. Cette technique de gonflement, exploitée par le groupe
de B. CHAPELL, a permis de mettre en évidence un certain nombre de transports dans
8 - OXYDATIONS PHOSPHORYLANTES 173
Selon le mécanisme mis en jeu les transporteurs mitochondriaux utilisent soit le terme
électrique de la force protonmotrice, soit celui de concentration (pH) ou encore les
deux. A titre d'exemples que nous traitons ci-dessous :
> le transporteur des nucléotides adényliques ou translocase, qui catalyse l'échange
électrogénique ADP3/ATP44-, utilise la composante électrique du potentiel élec-
trochimique ;
> le transporteur de phosphate, qui couple un transport électroneutre entre un pro-
ton et la forme monoanionique du phosphate, utilise le pH ;
> la protéine découplante, qui catalyse la réentrée des protons, utilise les deux termes
du potentiel µH+
L'étude de la distribution des anions à l'équilibre avec µH ou l'une de ses compo-
santes, lorsque les oxydations phosphorylantes sont inhibées, peut renseigner sur la
nature du transport (cf. ci-dessous pour le transport du phosphate et celui des adénines nucléotides). Pa
Comme i-e est négatif, le rapport [ATP]/[ADP]est plus fort à l'extérieur qu'à l'in-
térieur de la mitochondrie. Ainsi, en tenant compte des concentrations en phosphate
plus élevées à l'intérieur, le potentiel phosphate est plus fort dans le cytoplasme que
dans la matrice mitochondriale. En d'autres termes, la synthèse d'un ATP dans le cytosol par la
Thermogénine Thermogénine
Cl ———————— \ —————————
Valinomycine ; Valinomycine Acétate;
K ———————— K ————————
sérumalbumine, qui se combine avec les acides gras, recouple les membranes. On en
conclut que la thermogénine est une protéine découplante, permettant le retour des
protons excrétés par la chaîne respiratoire et qu'elle nécessite des acides gras libres
pour son activité ; d'autre part, son activité est inhibée par les purines nucléotides.
Elle a reçu le nom de UCP1 pour uncoupling carrier protein et on la trouve dans les tis-
sus adipeux bruns des hibernants, des nouveaux nés et des animaux adaptés au froid.
L'UCP1 a été isolée et insérée dans des liposomes où une activité de transport de pro-
tons a pu être démontrée ; l'ubiquinone semble être nécessaire à l'activité de décou-
plage. Il existe d'autres UCP (UCP2, UCP3) dans une grande variété de tissus et leur
rôle physiologique est encore l'objet de recherches.
Autres transporteurs - Plusieurs transporteurs mitochondriaux ont été caractérisés.
Outre les transporteurs des intermédiaires du cycle des acides tricarboxyliques déjà
cités, il faut mentionner les transporteurs pour le pyruvate, le glutamate, l'ornithine,
l'échangeur aspartate/glutamate... Le génome de levure possède 37 structures assi-
milables à celles des transporteurs ; cependant, il n'est pas encore établi si elles cor-
respondent toutes à des transporteurs, ou au moins à des protéines exprimées. Il faut
noter que certains d'entre eux présentent plusieurs isoformes (trois par exemple pour
la translocase).
Structure des transporteurs mitochondriaux - Les structures des trois transporteurs
mentionnés ci-dessus, celles de leurs isoformes et celles d'un certain nombre d'autres
transporteurs (dicarboxylates, tricarboxylates, -cétoglutarate, acides aminés...) ont
été établies. Ces protéines d'environ 300 acides aminés présentent toutes une struc-
ture tripartite, chaque partie étant constituée de deux hélices transmembranaires qui
sont reliées entre elles par des boucles hydrophiles.
A B C
8.15 - Structure tripartite type d'un transporteur mitochondrial
Les acides aminés sont représentés par des cercles, les hélices transmembranaires par des
rectangles. Les fonctions figurant en gras représentent les extrémités N et C terminales.
8 - OXYDATIONS PHOSPHORYLANTES 177
II existe des similitudes entre les trois domaines d'une même protéine mais aussi entre
les domaines de différents transporteurs, ce qui suggère que ces protéines dérivent
d'une protéine ancestrale commune. La figure 8.15 représente une structure en deux
dimensions. Dans l'espace les hélices hydrophobes sont proches les unes des autres
et peuvent former une structure en tonneau avec un canal central. Récemment PEBAY-
PEYROULA et al. ont obtenu des cristaux de la forme monomérique du transporteur
des nucléotides adényliques formant un complexe avec le carboxyatractylate ; ils ont
pu résoudre leur structure à 2 A par analyse des images de diffraction aux rayons X.
Les résultats corroborent ceux obtenus par d'autres méthodes : la structure de base
est constituée de six hélices transmembranaires en structure tripartite. Le mode de
repliement des chaînes peptidiques, formant chacune de ces parties, est très compa-
rable. Le transporteur présente, sur la face supposée être dirigée vers l'espace inter-
membranaire, une vaste dépression allant jusqu'au cœur de la protéine et au fond de
laquelle est situé le site de fixation du carboxyatractylate. On suppose qu'en présence
du substrat naturel, cette structure s'ouvre transitoirement en canal. Il reste encore
des points fondamentaux à déterminer sur le plan structural car le transporteur est
naturellement sous forme de dimère et la fixation d'un carboxyatractylate sur une
sous-unité empêche sa fixation sur l'autre.
Il est intéressant de souligner que les analogies de structure entre transporteurs mitochondriaux s
La force qui permet l'entrée des cations dans la matrice mitochondriale est la diffé-
rence de potentiel électrique négative à l'intérieur. Si l'on admet que le cation atteint
son équilibre thermodynamique, on obtient la relation :
- A1 = R T/n Fl o g[ C + ] 4
Pour un cation monovalent, à 25°C,prenons, pour la facilité de calcul, RT/nF = 60 mV
(le vrai chiffre est 59 mV). En admettant un potentiel de - 180 mV et en prenant les
concentrations cytosoliques de 150 mM pour K+ et de 5 mM pour Na + les concentra-
tions internes devraient être respectivement 150 M et 5 M ! Ce qui montre que le
niveau d'accumulation réel des cations reflète un état stationnaire et non pas un état
d'équilibre.
A- + H4 AH
ionophore A-23187 et d'EDTA qui permettent de piéger ce cation sous forme de chélate. En tenant
en ATP. Le canal est inhibé par des drogues comme le rouge de ruthénium, un inhi-
biteur du transport de l'ion Ca2+ et comme la glibenclamide, un inhibiteur du canal
potassique ATP-sensible de la membrane plasmique.
Un canal différent, appelé canal à K+ non-sélectif, permet le passage des cations mono-
valents ; il est sensible aux mêmes inhibiteurs que le canal précédemment décrit mais
à de plus fortes concentrations. Enfin un canal potassique inhibé par l'ATP a aussi été
détecté. Ce canal KATP est spécifique du K4, et est inhibé par ATP, ADP le palmityl- et
l'oléyl-CoA.
D'une façon générale les conditions physiologiques qui commandent l'ouverture et
la fermeture de ces canaux ne sont pas encore très claires. Cependant le cycle du K+,
constitué par un flux entrant par un canal et un flux sortant par l'antiport, peut assu-
rer l'homéostasie du volume matriciel et de sa composition ionique dans la mesure
où ces mouvements de cations sont accompagnés par ceux des anions.
alors que les valeurs estimées sont environ 1000 fois inférieures. Cela est dû aux régu-
lations multiples de ce système. Par exemple l'uniport se désactive à de faibles concen-
trations de Ca2+ externe, et en particulier son activité est faible aux concentrations
usuelles du cytosol. L'ion magnésium est un inhibiteur naturel de l'uniport, effet par-
tiellement levé par Mn2
Le transport est inhibé par le rouge de ruthénium, ce qui a permis sa caractérisation.
Il est aussi inhibé compétitivement par certains cations divalents : Sr24, Mn2, Ba2 et
lanthanides. Contrairement au Mg2+ ces métaux sont transportés par l'uniport.
L'efflux de Ca2+ est assuré par deux antiporteurs assurant respectivement un échange
Ca2+/H+et un échange Ca2+/Na+L'efflux de Ca24 peut, dans certaines conditions,
emprunter un système appelé pore de transition, étudié au paragraphe suivant.
Deux questions fondamentales se posent à propos de l'existence d'un tel pore. Quel est
son rôle ? Comment son ouverture est elle compatible avec le fonctionnement des oxy-
dations phosphorylantes ? Un des rôles proposés est l'implication de ce système dans
l'efflux de Ca24 lui même inducteur de son ouverture. Il est certain cependant que le
canal est dépourvu de spécificité vis-à-vis de telle ou telle molécule. Une spécificité
fonctionnelle peut être le résultat de deux conditions : un temps d'ouverture du canal
court et une concentration relativement élevée de la substance préférentiellement trans-
portée, ce qui semble être le cas pour C2+a , et pourrait l'être aussi pour Pi. Ce système
aurait pour fonction d'expulser de la mitochondrie certains ions qui se seraient accu-
mulés lors des transports ; ce phénomène pourrait expliquer des oscillations du contenu
en ion qui sont parfois observées. L'idée classique est que la plupart des transporteurs
fonctionnent réversiblement avec des constantes cinétiques identiques pour l'influx et
l'efflux. Cette interprétation découle d'études menées sur des mitochondries isolées ou
sur des systèmes reconstitués, mais nous n'avons que peu de données dans les condi-
tions normales de fonctionnement des mitochondries. La compatibilité d'existence d'un
tel canal avec les mécanismes décrits pour les oxydations phosphorylantes est possible
dans la mesure où la durée d'ouverture est courte et où les mitochondries ne sont pas
synchronisées dans une cellule, de manière à ne pas la priver d'énergie à un instant
donné. Ce pore semble jouer un rôle important dans les mécanismes de l'apoptose. Des
canaux non-spécifiques ont été aussi décrits chez la levure et les mitochondries de
plantes avec des caractéristiques différentes.
Complexe 1
\
Pool des
U Q — Complexes — Complexe 4
Complexe 2 |
—/ Acyl-CoA
Glycérol-3P
Succinate Fumarate
8.18 - Flux des électrons dans la chaîne respiratoire
182 BIOÉNERGÉTIQUE
Les équivalents réducteurs provenant du cytoplasme peuvent être aussi pris en charge
par la chaîne respiratoire et réduire l'oxygène moléculaire. Les systèmes permettant
leur transfert sont appelés systèmes navettes. Nous donnons ci-dessous deux exemples,
la navette du glycérol-phosphate et celle du glutamate/malate.
Le dihydroxyacétone-phosphate peut être réduit par le NADH cytosolique produit
par la glycolyse sous l'action d'une glycérol-3P déshydrogénase soluble. Le nom de
l'enzyme n'est pas très heureux car la réaction est thermodynamiquement favorisée
dans le sens de la réduction du DHAP par le NADH et non pas dans celui de la déshy-
drogénation du glycérol-3P. Ce dernier est alors oxydé en DHAP par la glycérol-3P
déshydrogénase mitochondriale qui fonctionne bien dans le sens de l'oxydation du
glycérol-3P car le coenzyme est un FAD dont le potentiel de demi-réduction est plus
positif que celui du couple N A D/NADH(figure 8.19). Moins de molécules d'ATP
sont synthétisées lors de la réoxydation de la flavine par la chaîne respiratoire que
n'en donnerait celle du NADH matriciel ; ainsi, le transfert des équivalents réduc-
teurs du NADH cytosolique à la chaîne respiratoire consomme de l'énergie, c'est le
prix à payer pour favoriser la réaction dans ce sens.
Membrane
Glycérol-3P déshydrogénase cytosolique interne
Glycérol-3P déshydrogénase mitochondriale
NADH \ —— DHAP
8.19- Navette du
glycérol-phosphate
C3 UQ liée, Cyt. b,
Cyt.C1.Fe-S
Roténone
Amytal
Cyt.c
Antimycine
Myxothiaole
G-3P DHAP
8.21 - Organisation de la chaîne respiratoire en complexes (C 1, C 2, C 3 et C 4)
et point d'action de différents inhibiteurs
184 BIOÉNERGÉTIQUE
l'appareil traite le signal donné par la différence d'énergie reçue entre les radia-
tions 1 et 2. Cette méthode permet d'éliminer les pertes d'énergie lumineuse par
diffusion avec une grande efficacité. En effet, les mesures d'absorption peuvent
parfois correspondre au millième de l'énergie lumineuse perdue par diffusion ; il
est évident qu'une légère différence de diffusion entre les deux cuves utilisées pour
la spectrophotométrie différentielle pourait être un facteur d'erreur important.
Miroir tournant Cuve de référence
—
\
Photomultiplicateur
Cuve de mesure
Monochromateur 12
Photomultiplicateur
Monochromateur 2
CHANCE a pu ainsi montrer que l'état redox d'un couple traduit les valeurs rela-
tives des vitesses de réduction et d'oxydation de celui-ci. Il a défini plusieurs états
stationnaires (dont les états 3 et 4), dépendant des conditions d'incubation des
mitochondries et caractérisés par la vitesse de respiration et le niveau de réduc-
tion des transporteurs d'électrons. D'une manière générale les transporteurs sont
plus oxydés à l'état 3 qu'à l'état 4 car les contraintes s'exerçant sur leur oxydation
sont plus faibles puisque la force protonmotrice est également plus faible. C'est
ainsi que le contrôle respiratoire, comme défini ci-dessus, est d'autant plus fort
qu'il y a plus de sites de couplage sur le trajet des électrons.
> La troisième méthode fait appel à des techniques de biochimie classique. A l'aide
de détergents, quatre complexes respiratoires ont pu être isolés de la membrane et
analysés (figure 8.21).
»Le complexe 1 catalyse le transfert des électrons du NADH matriciel à l'ubiquinone d'où son
tués par une flavine de type FMN, 4 centres [4Fe-4S] et 2 centres [2Fe-2S]. Chez
les champignons et les plantes il existe aussi une NADH déshydrogénase diri-
gée vers la face externe de la membrane interne.
»Le complexe 2 ou succinate-UQ oxydoréductase catalyse le transfert des élec-
trons du succinate à l'ubiquinone. Les centres redox sont constitués par un FAD
et un centre [Fe-S].
»Le complexe 3 ou UQH2-cytochrome c oxydoréductase catalyse le transfert
des électrons de l'ubiquinone réduite au cytochrome c. Les centres redox sont
186 BIOÉNERGÉTIQUE
Le résultat d'une respiration couplée peut être mesuré soit par la création d'un µH+,
soit par la synthèse de l'ATP. Nous utiliserons cette dernière méthode pour localiser
les sites. Le principe consiste à isoler fonctionnellement un complexe respiratoire et
à mesurer le rapport ATP/2e-, c'est-à-dire la quantité d'ATP formé lorsque le com-
plexe est traversé par deux électrons. Pour ce faire des mitochondries de mammifères
sont incubées en présence d'ADP, de phosphate et, selon le complexe étudié, de dif-
férents donneur et accepteur d'électrons. Le complexe est isolé fonctionnellement en
utilisant les inhibiteurs adéquats (cf. figure 8.21).
> Le complexe 1 est isolé de la suite de la chaîne par l'antimycine ; le donneur d'élec-
trons est le malate plus pyruvate par exemple (il est nécessaire d'ajouter le pyruvate, sourc
Si l'on admet que la synthèse d'un ATP nécessite l'entrée de 3 protons (valeur sous-
évaluée, cf. la fin de ce paragraphe) la valeur minimum du µH+ maintenue par la
chaîne doit satisfaire à la relation : 3 µH+ + Gp = 0, conditions de l'équilibre. Prenons
l'exemple numérique suivant : pour un Gp intra-mitochondrial de 51 kjoules.mole-1,
le µH+ doit être au maximum égal à -17 kjoules. mole- soit un µH+ de.- 0,176 V.
Le retour à l'état 4 des mitochondries après addition d'ADP correspond à un µH+
supérieur à - 0,2 V, valeur suffisante pour maintenir ce potentiel phosphate. Dans ces
conditions, la chute du potentiel redox permettant la synthèse d'un ATP lors du trans-
fert de 2 électrons doit être au minimum de 3 (17000)/2 F = 0,264 V pour un couplage
parfait, ce qui est possible si l'on admet, avec certains auteurs, une chute de poten-
tiel d'oxydoréduction de l'ordre de 0,3 V par site de couplage. Ce type de raisonne-
ment que nous trouvons encore dans certains manuels est actuellement dépassé car
d'une part les stœchiométries des pompes ont été réévaluées et sont différentes selon
le complexe considéré, et d'autre part les stœchiométries réelles sont variables en
fonction des états stationnaires considérés et dépendent des systèmes ou mécanismes
dissipateurs de l'énergie.
L'étude du rendement des oxydations phosphorylantes (P/2e-) et celle de la stœchiométrie des po
rimentaux et théoriques. Plusieurs motifs ont présidé à ces recherches qui sont
188 BIOÉNERGÉTIQUE
protons ou de l'action des protonophores. Le schéma cinétique d'un tel système a été
modélisé par PIETROBON et al. (figure 8.23).
En- En-
4
nH+
EH
les différentes isoformes ont la même action de découplage dans des systèmes de pro-
téoliposomes reconstitués, leurs rôles et certainement leur régulation varient selon
les tissus ; l'activité de UCP1 des adipocytes est liée au métabolisme des lipides
(voir chapitre 9), dans d'autres tissus UCP2 et UCP3 semblent impliquées dans la
régulation de production des ions superoxydes et de ce fait dans la protection contre
le vieillissement cellulaire. Effectivement, les radicaux flaviniques et quinoniques de
la chaîne respiratoire sont des générateurs potentiels d'ions superoxydes ; ils s'accu-
mulent lorsque certaines contraintes cinétiques s'exercent sur le flux des électrons.
Un découplage a pour effet d'accélérer la respiration en diminuant ces contraintes,
et de baisser les concentrations de ces radicaux.
Les plantes et certains microorganismes possèdent des chaînes respiratoires alternes
se branchant sur le pool des quinones. Comme ces chaînes ne sont pas couplées, elles
dévient une partie du flux des électrons vers un processus de déperdition de l'éner-
gie et correspondent ainsi à un autre mécanisme de découplage interne. En général
elles sont sensibles à un inhibiteur, l'acide salicylhydroxamique (SHAM) et insensible
au cyanure.
Tous ces systèmes de déperdition d'énergie ont pour conséquence de rendre les oxy-
dations moins dépendantes, et dans certains cas indépendantes, du potentiel phos-
phate. Il peut être effectivement important pour la cellule de pouvoir augmenter la
vitesse des oxydations sans augmenter la vitesse de synthèse de l'ATP.
L'état respiratoire des mitochondries dans la cellule est compris entre l'état 3 et l'état 4.
Cet ajustement est important car il régule les vitesses d'utilisation de l'ATP par les
voies métaboliques et par les pompes ioniques. Comme l'état 4 est l'état où la syn-
thèse d'ATP est nulle et où le rapport (dissipation d'énergie)/(respiration) est maxi-
mum, plus la respiration cellulaire s'approche de cet état, moins grande est l'efficacité
des oxydations phosphorylantes. Il est donc important que la vitesse de respiration
soit régulée, ce que nous verrons au paragraphe 8.8.
du NAD+ que l'on peut suivre par spectrophotométrie à 340 nm. Cette réduction est
inhibée par l'oligomycine, les découplants et la roténone. L'interprétation de ces résul-
tats est la suivante : la réduction des quinones par le succinate et l'établissement d'un
µH+ par le fonctionnement inverse de l'ATP synthase permettent le flux inverse des
électrons couplé à l'entrée des protons au niveau du complexe 1 ; c'est l'entrée des
protons par ce complexe qui est l'élément moteur à la remontée des électrons des qui-
nones au NAD. II est alors normal que ce processus soit inhibé par l'oligomycine car
l'ATP synthase, fonctionnant dans le sens de l'hydrolyse de l'ATP, crée le µH+ néces-
saire au fonctionnement inverse de la chaîne respiratoire ; il est aussi inhibé par la
roténone car le flux des électrons s'établit des quinones au NAD+ via le complexe 1.
NADH + H+
1
NAD . H+ + externe
, Antimycine H4 externe
ATP ADP + Pi
La réduction du NAD+ par le succinate peut être obtenue en utilisant le µH+ créé
par une voie différente de celle de l'ATP synthase. Comme pour l'expérience précé-
dente les subparticules sont incubées en présence de NAD d'antimycine, de succi-
nate ; on ajoute de l'oligomycine pour bloquer l'ATP synthase. La réduction du NAD4'
est induite par ajout d'ascorbate plus TMPD, substrat du complexe 4 dont le fonc-
tionnement génère un µH+ II est important de noter que dans cette expérience les
électrons ne remontent pas directement du cytochrome c au NAD+ car de l'antimy-
cine est ajoutée dans le milieu, mais du succinate au NAD en utilisant le µH créé
par l'oxydation du cytochrome c par l'oxygène moléculaire.
Les études sur le flux inverse montrent que les systèmes transducteurs peuvent être
réversés même si, dans les conditions physiologiques, l'ensemble des oxydations
phosphorylantes est unidirectionnel. Le sens du flux ne signifie pas que la vitesse
retour de certaines étapes de la chaîne, notamment celles couplées au transfert des
électrons, soit nulle. Comme nous l'avons déjà vu, la réversibilité de la chaîne cou-
plée explique en partie le degré de réduction des transporteurs d'électrons dans les
differents états stationnaires.
transducteur traversé par un flux continu d'énergie. Par contre, elle peut stocker des
combustibles comme le glycogène ou les lipides dont la vitesse d'utilisation condi-
tionne la vitesse de respiration.
Les expériences sur le contrôle respiratoire des mitochondries isolées avaient suggéré
à certains chercheurs que la respiration était contrôlée essentiellement par le poten-
tiel phosphate, dans la mesure où les transducteurs travaillaient près de l'équilibre.
Selon cette interprétation le travail fourni lors du passage de deux électrons à travers
un site de couplage, (n fois le µH+, n représentant le rapport H +/2e-)serait égal (au
signe près) à celui consommé pour la synthèse d'ATP (n' fois le potentiel phosphate,
n' étant le rapport ATP/2e- au site considéré). Les oxydations phosphorylantes seraient
cependant globalement irréversibles de par le caractère très exergonique de la réduc-
tion du dioxygène en eau. Cependant cette manière de voir est simplificatrice car elle
repose sur des expériences effectuées in vitro dans des conditions de saturation en
substrats autres que l'ADP. D'autre part elle ne prend en compte ni les systèmes de
transport des métabolites ni les éventuelles régulations cinétiques.
L'application de la théorie du contrôle du métabolisme aux mitochondries isolées a
clairement établi que plusieurs réactions interviennent dans le contrôle de la respi-
ration ou de la synthèse de l'ATP et que sa distribution entre les différentes étapes est
fonction de l'état stationnaire considéré. Dans un travail devenu classique TAGER et
son groupe ont étudié la distribution du contrôle dans des mitochondries isolées de
foie dans des états stationnaires différents correspondant à des vitesses croissantes
de synthèse d'ATP ; ils ont notamment observé une augmentation du contrôle porté
par le transporteur ATP/ADP et au contraire une diminution de celui dû à la cyto-
chrome c oxydase. Les étapes contrôlantes dépendent aussi du type de mitochon-
dries. Le transporteur de phosphate peut être fortement contrôlant dans les
mitochondries de levure alors qu'une telle situation n'a pas été constatée dans les
mitochondries de mammifères étudiées. L'analyse du contrôle permet d'éviter de
fausses interprétations. Ainsi on a trouvé dans la littérature des travaux qui concluaient
que des mitochondries n'étaient pas couplées car leur respiration n'était pas stimu-
lée par l'ADP ; en fait il n'en est rien, elles sont capables de synthétiser l'ATP mais le
contrôle porte essentiellement sur l'approvisionnement de la chaîne respiratoire en
électrons (cf. chapitre 5). En résumé, on peut conclure que l'application de la théorie
du contrôle à l'étude des mitochondries a permis de mettre en évidence une variété
de situations, soit pour un même type de mitochondries placées dans des situations
différentes, soit entre plusieurs types d'organelles. D'une façon générale plus un sys-
tème est sollicité par les conditions appliquées, ou parce que son activité est intrin-
sèquement faible, plus il est contrôlant. Cette approche a été notamment utile à l'étude
des pathologies mitochondriales.
ln situ, l'alimentation de la chaîne en électrons semble être un élément important dans
le contrôle de la respiration cellulaire et, effectivement, l'activité de certaines déshydrogénases est
D'autre part, comme nous l'avons vu, il existe plusieurs mécanismes permettant une
194 BIOÉNERGÉTIQUE
réagissant avec les quinones. Le centre Ib [2Fe-2S] semble être celui acceptant les élec-
trons de la flavine bien que le centre 3 soit porté par la sous-unité qui fixe le FMN.
Ces trois derniers centres ont le même potentiel de demi-réduction d'où la séquence
possible :
FMN —»- centre Ib —- centres 3, 4 — centre 2 — quinone liée au complexe.
Le transfert des électrons du centre 2 à la quinone est inhibé par une variété de drogues
ne présentant aucune relation structurale entre elles comme l'amytal, la roténone et
la piéricidine A. Ces inhibiteurs se fixeraient dans une poche hydrophobe située entre
les deux transporteurs d'électrons.
Le couplage entre transfert des électrons et flux de protons est encore mal compris ;
toutefois il est généralement admis que le rapport H+/e-est de 2, soit 4 protons par
NADH.
Ce complexe appelé aussi complexe b-c1 catalyse le transfert des électrons de l'ubiquinol au cyto
tains travaux suggèrent que le transfert des protons peut être inhibé en l'absence
d'inhibition du flux d'électrons, fait difficile à interpréter dans le modèle de boucle.
C'est une forme de ce modèle que nous décrivons.
196 BIOÉNERGÉTIQUE
Core 1 Core 2
8.25 - Schéma simplifié du complexe bc1 (forme dimérique) représentant les protéines
portant un centre d'oxydoréduction et les cores protéines
sont de ce fait excrétés dans le milieu extérieur. La quinone est réduite sur la face
interne, réduction suivie d'une protonation. Les deux sites quinoniques sont reliés
par le cytochrome b assurant le flux transmembranaire des électrons ; le flux trans-
membranaire en protons est assuré par les quinones réduites.
Le pool de quinones est en large excès par rapport aux autres composantes de la
chaîne respiratoire et est fortement réduit, ce qui fixe son potentiel réel d'oxydoréduction à environ 0
e- e-
U Q H 2 — — Fe-S —— Cyt.c1 ——
.UQH2 S i t eQp.)e- Myxothiazol
UQ- —— + bL
Pool des
quinones} Jt ——— UQ
e-
UQ
— UQ
Une deuxième molécule de UQH2 est oxydée au site Qp selon le même mécanisme et
un électron va réduire UQ- en UQH2 au site QN. La réaction de réduction est suivie
d'une protonation.
2îi+
e- e-
—— Fe -S —— Cyt. c1 ——
.UQH2 S i t e Qp. e-UQ—— Myxothiazol
bL
pooldes
quinones< UQ
u\ —— UQ
e-
UQ
UQ.
SiteQN—Cyt bH
UQH2 Antimycine
+
2H
8.27 - Cycle des quinones (suite) point d'action des inhibiteurs
nH4
2 0 - - + 4 H + ——> 2H2Û
Espace Membrane
inter-membranaire interne Matrice
> un hème de fort spin : le cyt a (ou cyt o chez certaines bactéries) où le fer est coor-
donné en 5e position par une histidine, laissant la 6e position libre d'accès aux
ligands de faible PM dont le ligand naturel est le dioxygène ;
> un atome de Cu appelé Cub, coordonné par trois histidines et distant du cyt a3 (ou o)
de 5,2 A seulement. Le dioxygène est supposé se positionner entre ces deux centres
redox, (cyt a3 et Cub) qui forment le centre biréactionnel.
La sous-unité 1 est constituée de 12 segments transmembranaires. La sous-unité II
contient deux hélices transmembranaires et un domaine C-terminal globulaire. Le
repliement de cette partie globulaire a une structure analogue à celle de la classe des
protéines à Cu comportant les plastocyanines et les azurines, et comme ces protéines,
elle contient deux ions cuivre formant des complexes avec des cystéines et des histi-
dines. Ce centre cuivrique est appelé CuA et est un intermédiaire entre le cytochrome
c et le centre biréactionnel pour le transfert des électrons. Ce centre semble être absent
des quinol oxydases.
se lie en lieu et place de O2. Ce complexe peut être dissocié par illumination. Le prin-
cipe de la méthode est donc de former un complexe oxydase-CO, d'ajouter les oxy-
dants et réducteurs désirés (dont 02) et, après équilibration, d'initier la réaction par
un flash lumineux. La dissociation du complexe est instantanée, ce qui permet d'étu-
dier dans le temps la formation et la consommation des intermédiaires par des mesures
spectrophotométriques ou de résonance RAMAN.
Le mécanisme de réduction de 02 conduit à la formation de plusieurs intermédiaires
pouvant être classés en deux catégories (figure 8.30) : celle correspondant à la réduc-
tion du centre binucléaire par les électrons provenant de la chaîne via le cytochrome c
et le cytochrome a, et celle correspondant à son oxydation par l'oxygène moléculaire.
0 H R
Fe-3+ Fe Cu+ Fe Cu
1
a3
1
a3
1
a3 2
2 -0 Cu+
A
1
a3 0
2 H4
I CuA I Cu 2+
2
Fe—OH Fe
1
OH a3 OH-
0
8.30 - Réduction du dioxygène au niveau du centre constitué par le cytochrome a
La localisation des sites de couplage est encore matière à débats. Des informations
importantes ont été apportées par la mesure d'un flux inverse des électrons qui ne
peut se réaliser qu'à ces sites. Bien que la génération d'O2 à partir de l'eau n'ait pas
été démontrée, une réversion partielle des réactions de réduction de l'O2 est toute-
fois possible ; elle doit concerner les étapes où s'effectue le couplage, car celui-ci rend
les réactions moins spontanées. A titre d'exemple méthodologique nous examinerons
les résultats rapportés par WIKSTRÖM et son groupe. Pour observer un flux inverse il
est nécessaire de porter les mitochondries à un état très oxydé par addition de ferricyanure qui
induit alors une grande variation du spectre du cytochrome a3. Notamment, il apparait une lar
En conclusion de ces travaux il semble exister une plus forte interaction entre le pom-
page des H+ et la réduction de l'oxygène chez la cytochrome c oxydase de P. denitri-ficans que ch
Ce schéma minimum implique une simultanéité dans le transfert des PL par le canal
transmembranaire (protons impliqués dans la réaction vectorielle) et de ceux dirigés
vers le centre binucléaire (protons neutralisant la forme réduite de l'oxygène).
Déprotoné sur la face externe, l'élément retourne en position interne et de ce fait
referme l'accès des protons au centre binucléaire. Ces hypothèses ont reçu un début
de bases expérimentales par utilisation de la mutagenèse dirigée et par l'étude de la
structure tridimensionnelle du complexe.
Les ATP synthases sont présentes dans les membranes transductrices d'énergie : mito-
chondries, chloroplastes et membranes plasmiques des procaryotes. Elles couplent
le mouvement transmembranaire des protons dans le sens de leur différence de poten-
tiel électrochimique à la réaction de synthèse de l'ATP. La réaction inverse peut avoir
lieu et est notamment importante chez les bactéries en anaérobiose qui utilisent l'ATP
glycolytique à la translocation des protons.
8.9.5.1. Composition
Les ATP synthases ont été classiquement décrites comme étant constituées de deux
parties distinctes : le facteur FI hydrosoluble portant les sites catalytiques et le fac-
teur FO membranaire formant le canal à protons. En fait il y a lieu de distinguer un
troisième élément, le pédoncule assurant l'ancrage de FI à la membrane et nous ver-
rons ci-dessous son rôle dans le mécanisme de la réaction de couplage.
Partie solubilisable
Rotor
téine est impropre dans la mesure où elle ne fixe pas l'inhibiteur mais son origine est
intéressante car elle a permis de mettre en évidence une propriété importante de l'en-
zyme. En effet la synthèse de l'ATP et la réaction inverse d'hydrolyse catalysées par
l'ATP synthase sont inhibées par l'oligomycine ; par contre le facteur FI solubilisé est
capable d'hydrolyser l'ATP selon une voie insensible à cet inhibiteur. Cela montre
que le facteur FO (au niveau duquel se fixe l'oligomycine) contrôle la réaction chi-
mique. Le terme de OSCP est la conséquence d'expériences de reconstitution entre
FI isolé et des extraits membranaires contenant FO pour restaurer la sensibilité à l'oli-
gomycine qui nécessitait l'ajout d'une protéine soluble, d'où son nom.
8.9.5.2. Mécanisme
FO-F1 ATPase, suggérant que la réaction se fait en une seule étape. Cette hypothèse
a été étayée par l'étude des configurations du phosphore (figure 8.33). En effet, il est
connu qu'une réaction de substitution sur un phosphate passe par la formation d'un
intermédiaire pentavalent bipyramidal, suivi du départ du ligand à substituer et d'un
changement de configuration du phosphore.
Après une réaction comportant une seule substitution ou un nombre impair de sub-
stitutions il y a inversion de configuration ; ce qui n'est pas le cas pour deux ou un
nombre pair de substitutions consécutives puisque la configuration est ramenée à
celle du départ. La chiralité du phosphore peut être visualisée en utilisant des élé-
ments différents pour chaque liaison avec cet atome : S, 16O, 17O et 18O comme cela
est indiqué sur la figure 8.33.
0 0 0 o
// / \\
— p - , , , , o + :Y X-,,p.,,,Y ————— O - Y
\
0 0 0
S
/
Nombre pair d'étapes 17O _ p ,,,, Ol8
S + O
18 17
ADP-------O18P + H O + Rétention de configuration
16
O S
+
Nombre impair d'étapes l8O P —0
+
Inversion de configuration
0 0 O- 0-
Or on remarque que le phosphate libéré est marqué plusieurs fois à l'18O. Cette obser-
vation ne peut s'expliquer qu'en admettant une réversibilité de la réaction d'hydro-
lyse au niveau de l'enzyme (cycles de synthèse et d'hydrolyse de la liaison
pyrophosphate avec un phosphate pouvant tourner à son site). Cet enrichissement
en isotope s'effectue en l'absence de respiration. L'absence d'inhibition par les décou-
plants de ces échanges conforte l'interprétation que cette réaction partielle ne néces-
site pas d'énergie.
208 BIOÉNERGÉTIQUE
Des expériences similaires ont été réalisées avec FI isolé mais en utilisant de l'ATP
dont les oxygènes du phosphate terminal sont marqués à 180 pour obtenir une meilleure
sensibilité. L'observation que la perte du marquage en 180 de l'ATP est plus rapide
que l'apparition de Pi dans le milieu corrobore l'interprétation précédente.
La catalyse unisite
A des concentrations en substrat très inférieures à celles des sites catalytiques impli-
qués, l'enzyme fonctionne selon un mode appelé catalyse unisite car un seul site sur
les trois est impliqué. Ces études sont rendues possible car d'une part FI a une très
forte affinité pour l'ATP et d'autre part sa vitesse d'hydrolyse à un seul site est très
lente. Elles permettent d'obtenir des informations simplifiées ne faisant pas interve-
nir les effets coopératifs entre les sites. La mesure des constantes de vitesse de cha-
cune des étapes représentées sur la figure 8.35 permet d'accéder aux valeurs des
constantes d'équilibre et des G pour chaque étape. En accord avec l'hypothèse du
couplage indirect, l'étape nécessitant un apport d'énergie dans le sens de la synthèse,
ou correspondant à une libération d'énergie dans le sens de l'hydrolyse figuré en 8.35,
est la dissociation du complexe enzyme-ATP (réaction 1). Par contre, la réaction chi-
mique au site actif (réaction 2) est très lente et fonctionne près de l'équilibre.
ATP Constante G
F1-ATP d'équilibre kJ.mole-1
1 10122 M1 -68,4
2 0,5 M +1,7
3 6.10-4 M +18,4
F1-ADP-Pi
4 3.10-7 M + 37,2
La catalyse multisite
Cette catalyse est celle mesurée à de fortes concentrations en substrats et produits.
Elle se caractérise par une double coopérativité :
> une coopérativité négative de liaison de l'ATP sur son site catalytique ;
» une coopérativité positive de l'hydrolyse de l'ATP (le facteur de multiplication de
la vitesse de réaction entre multisite et unisite est de 103 à 105).
A partir de ces observations, BOYER propose un modèle à deux sites où l'énergie est
requise pour assurer les changements de conformation. Ce mécanisme a été complété
par CROSS pour prendre en compte l'existence de trois sites et la coopérativité entre
eux (figure 8.36).
Le site L (loose) lie substrats et produits avec une faible affinité et est catalytiquement
inactif.
8 - OXYDATIONS PHOSPHORYLANTES 209
Le site T (tight) lie substrats et produits avec une forte affinité et est catalytiquement
actif.
Le site 0 (open) est le site ouvert avec une très faible affinité et il est inactif.
ADP + Pi
8.10. CONCLUSIONS
L'étude des oxydations phosphorylantes est une longue histoire dont il est difficile
de déterminer l'origine car les idées sont parfois difficiles à percevoir avec les connais-
sances que nous avons actuellement du sujet. Il est certain qu'un grand pas a été fran-
chi avec les travaux de LAVOISIER qui, seul, puis avec LAPLACE, établit une relation
entre la production de chaleur et la respiration. Mais il n'était pas physiologiste et il
proposa que la respiration correspondait à une lente combustion de l'hydrogène et
du carbone du sang, qui s'effectuait dans les poumons. Ce n'est qu'en 1875, avec les
travaux de PFLÜGER qu'il fut montré que l'activité respiratoire était un processus intra-
cellulaire. Le premier isolement d'une fraction subcellulaire comportant une activité
oxydante est dû à CLAUDE en 1940. Les travaux de HOGEBOON, GREEN, KENNEDY et
LEHNINGER en 1948 et 1949 ont permis d'identifier la mitochondrie comme le siège
des oxydations phosphorylantes.
La découverte des pigments hématiniques date de 1885 lorsque MAC MUNN met en
évidence ce qu'il a appelé l'histohèmine. Les travaux de D. KEILIN entre 1925 et 1933
permettent la mise en évidence des cytochromes a, b et c par spectroscopie. La tech-
nique consistait à placer un échantillon cellulaire (en général de la levure) entre une
source de lumière et un prisme qui la décomposait en ses différentes plages colorées.
L'observation du spectre permettait de mettre en évidence des bandes noires corres-
pondant à l'absorption des cytochromes. A la même époque 0. WARBURG montrait
que l'oxyde de carbone se fixait sur un ion fer qui était constituant de la cytochrome
oxydase appelée à l'époque Atmungsferment pour ferment respiratoire. Il montra que
le complexe entre ce ferment et CO était photosensible ; cela lui a permis de recher-
cher les différentes lumières monochromatiques capables de le dissocier, et d'établir
ainsi un spectre d'action qui devait correspondre au spectre d'absorption du pigment
(la manière d'effectuer un spectre d'action est discuté dans le chapitre 10).
Les recherches sur les oxydations phosphorylantes se sont accélérées durant la
deuxième moitié du XXe siècle et ont conduit à l'établissement de la séquence de la
chaîne respiratoire et à la mise en évidence des résultats essentiels que nous possé-
dons actuellement. Les résultats ont été dépendants de l'utilisation ou de la mise au
point de nouvelles techniques comme la spectrophotométrie à double faisceaux et
autres techniques spectroscopiques, l'oxygraphie, les techniques de détection des pro-
téines membranaires (en particulier les électrophorèses en milieu dénaturant) ou plus
récemment l'analyse des images de cristaux obtenus par diffraction des rayons X.
Plusieurs théories ont été formulées pour relier entre elles les différentes observations
faites sur les oxydations phosphorylantes et parmi celles-ci la théorie chimioosmo-
tique, développée par P. MITCHELL dès 1958, s'est avérée la plus prometteuse. Son
grand mérite est qu'elle a permis par des concepts simples, de comprendre comment
des phénomènes chimiques (scalaires) et osmotiques (vectoriels) étaient liés. Elle a
été à l'origine des travaux les plus récents sur les transports. Les débats et contro-
verses ont permis de déboucher sur de nouveaux concepts comme celui de pompe à
212 BIOÉNERGÉTIQUE
MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE
DE DIFFÉRENTS ORGANES OU CELLULES
9.1. HÉPATOCYTES
L'entrée du sang dans le foie est assurée par deux systèmes : l'artère hépatique, res-
ponsable de 20% du flux, et la veine porte qui relie l'intestin grêle, siège de la diges-
tion, au foie. Cette structure donne à l'organe un rôle particulier dans le métabolisme
car le sang venant de la veine porte est chargé des nutriments provenant de la diges-
tion. Le foie est également relié au pancréas qui secrète l'insuline et le glucagon, deux
hormones impliquées dans la régulation du métabolisme énergétique et en particu-
lier dans celui du glucose. L'irrigation sanguine de l'organe se fait par les veines hépa-
tiques qui débouchent dans la veine cave inférieure.
Le foie est constitué à 80% par les hépatocytes. Les autres types cellulaires sont les
cellules phagocytes de KUPFFER et les cellules endothéliales. Les hépatocytes sont dis-
posés en lobules (figure 9.1): il s'agit de structures hexagonales de 1 mm de section
dans lesquelles les cellules entourent une branche d'une veine hépatique située au
centre de l'hexagone. A chaque angle de cet hexagone se trouve une triade compo-
sée de fines ramifications de la veine porte, de l'artère hépatique et du conduit biliaire.
Le sang passe des triades vers la veine centrale par des voies étroites au travers des
hépatocytes, appelées sinusoïdes. Ils sont l'équivalent des capillaires trouvés dans les
autres tissus et sont tapissés de cellules endothéliales. Des canicules biliaires assurent
le lien entre les hépatocytes et le conduit biliaire de la triade.
214 BIOÉNERGÉTIQUE
Artère hépatique
Veine porte
Conduit biliaire
Hépatocytes
Cette structure est à l'origine d'un effet de zonation métabolique, c'est-à-dire que le
métabolisme des hépatocytes varie selon leur position dans le lobule. En effet, le sang
artériel chargé en dioxygène alimente les cellules situées sur le pourtour de cette struc-
ture et y favorise un métabolisme oxydatif mitochondrial. Par contre, les effets conjoints
de la relativement faible vitesse de diffusion d'O2 et de sa consommation aux bor-
dures du lobule ont pour conséquence de diminuer sa concentration au centre de
cette structure, favorisant ainsi un métabolisme fermentaire.
Il n'est pas possible d'aborder le métabolisme du foie sans rappeler ses relations avec
deux organes ayant des fonctions de glande endocrine : le pancréas et le rein. Le pan-
créas est un organe complexe car il a des fonctions exocrines et endocrines. La grande
majorité des cellules pancréatiques ont une fonction exocrine par laquelle elles four-
nissent à l'intestin un certain nombre d'enzymes fonctionnant en milieu alcalin (amy-
lase, lipase pancréatique, trypsine et chymotrypsine); dans la partie interne du
pancréas on trouve environ un million de cellules ayant des fonctions endocrines,
les îlots de LANGERHANS, mais qui ne représentent que 1 à 2% de la masse totale du
pancréas. Ces îlots contiennent trois types de cellules : les cellules a sécrétant le glu-
cagon, les cellules sécrétant l'insuline et les cellules sécrétant la somatostatine.
Seuls le glucagon et l'insuline sont directement impliqués dans le métabolisme éner-
gétique. Chaque îlot est alimenté en sang par une branche de l'artère pancréatique
et de fines veines permettent l'efflux du sang vers la veine pancréatique, qui débouche
elle-même dans la veine porte. Le foie a de ce fait une position privilégiée pour rece-
voir ces hormones.
Le foie a une position centrale dans le maintien du taux de glucose dans le sang. Selon
les besoins de l'organisme, il le stocke sous forme de glycogène ou en fournit par
dégradation du glycogène et par gluconéogenèse. L'essentiel du métabolisme de ce
sucre et de sa régulation a été étudié au chapitre 6 ; ce paragraphe réunit, en les com-
plétant, les données qui contribuent à l'homéostasie de la concentration en glucose
dans le sang (figure 9.2).
9 - MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE DE DIFFÉRENTS ORGANES OU CELLULES 215
Glucagon
cogène
stimulation
inhibition
foie ; en rendant cette enzyme beaucoup plus sensible à l'alanine, substrat majeur de
la gluconéogenèse (§ 9.1.3), elle favorise la voie de synthèse par rapport à celle de la
dégradation.
GROEN et coll. ont calculé les coefficients de contrôle des enzymes impliquées dans
la gluconéogenèse et la glycolyse à partir des élasticités, en présence ou en absence
de glucagon. Pour réaliser ce travail ils ont fait les mesures soit sur des enzymes seules,
soit sur des groupes d'enzymes pour simplifier le système. Ainsi en présence de glu-
cagon, le contrôle est porté essentiellement par la pyruvate carboxylase (C = 0,83) ;
en absence de l'hormone le contrôle est essentiellement partagé par la pyruvate car-
boxylase (C = 0,51), le groupe énolase/phosphoglycérate kinase (C = 0,29) et le groupe
triosephosphate isomérase/fructose-1,6biphosphatase (0,29). Dans ces dernières condi-
tions, la pyruvate kinase a un contrôle négatif car elle favorise la glycolyse (C = - 0,17).
Nous voyons ainsi dans les cas de la phosphofructo-1,6biphosphatase et la pyruvate
kinase que la régulation par le glucagon abaisse leur coefficient de contrôle. La régu-
lation a pour conséquence une redisdribution du contrôle.
Enfin il est important de noter que le glucose sanguin a un effet négatif sur la pro-
duction du glucagon et un effet positif sur celle de l'insuline. Le transporteur de glu-
cose est de type GLUT2 dans les cellules pancréatiques ce qui, comme dans le cas
du foie, rend la vitesse d'entrée du sucre linéairement proportionnelle à sa concen-
tration dans le sang. Le glucose, ou plus vaissemblablement un de ses métabolites,
induit alors la sécrétion d'insuline active.
En conclusion on constate que le glucose a des effets à la fois directs et indirects sur
son propre métabolisme. L'homéostasie en glucose sanguin n'est pas simplement due
à la régulation de sa production ou de sa mise en réserve par le foie mais aussi au
métabolisme des cellules cibles l'utilisant comme substrat énergétique. Ainsi les cel-
lules musculaires et les adipocytes possèdent un transporteur de glucose de type
GLUT4 dont l'insertion dans la membrane plasmique est régulée positivement par
l'insuline (cf. § 9.2 et 9.3). Enfin la balance entre glycolyse et gluconéogenèse peut être
régulée à long terme au niveau de l'expression des gènes. Notamment, les expres-
sions de la phosphofructokinase, de la glucokinase et de la pyruvate kinase sont sti-
mulées par l'insuline ou par des régimes alimentaires riches.
Le foie joue un rôle important dans le métabolisme des acides aminés car il est le seul
organe à posséder toutes les enzymes du cycle de l'urée. Ce cycle a été décrit au cha-
pitre 5 comme exemple de métabolon. C'est dans cet organe que s'effectue l'essentiel
du catabolisme des acides aminés, mis à part ceux à chaîne branchée dont la dégra-
dation est largement initiée dans le muscle (cf. § 9.2). Après collecte de la fonction
aminé des acides aminés sur l'-cétoglutar equi donne du glutamate, réactions cata-
lysées par les transaminases, celui-ci est oxydé par la glutamate déshydrogénase mito-
chondriale à NAD+ pour donner de l'-cétoglutar e,du NADH et les ions ammonium.
Cette réaction est réversible mais, dans le foie, elle est déplacée dans le sens de la
218 BIOÉNERGÉTIQUE
Le foie, comme d'autres tissus, est capable d'absorber des acides gras non-estérifiés
à partir du plasma sanguin. Ils sont essentiellement dégradés dans la matrice mito-
chondriale, bien qu'une partie de la -oxydation s'effectue dans les peroxysomes ;
cette dernière correspond à un raccourcissement des acides gras à très longue chaîne.
L'énergie produite est utilisée à la gluconéogenèse mais, comme nous l'avons vu,
l'acétyl-CoA ne peut pas être utilisé comme substrat carboné à la synthèse du glu-
cose chez les mammifères (contrairement à la levure qui possède un cycle glyoxy-
lique permettant la synthèse de C4 à partir de C2, cf. § 9.5).
La lipogenèse, qui comprend à la fois la formation de novo d'acides gras à partir de
l'acétyl-CoA et la synthèse de triglycérides, est localisée dans le cytosol du foie et des
adipocytes. La biosynthèse des acides gras s'effectue par élongation récurrente d'uni-
tés en C2, comme décrit au § 5.4.2, par un mécanisme différent de celui de la -oxydation rév
(figure 9.4). En effet, ce tricarboxylate s'accumule dans la mitochondrie, dans les condi-
tions où les concentrations en ATP et en NADH sont importantes (inhibition de l'iso-
citrate déshydrogénase, cf. chapitre 7), ce qui provoque sa sortie dans le cytoplasme.
Sous l'action de la citrate lyase, il est scindé en acétyl-CoA et en oxaloacétate ; cette
réaction nécessite du CoA-SH et de l'ATP (cf. chapitre 7).
O c
IL0-
0 C 0
// Citrate lyase | //
HO—C—CH2—C + CoA-SH — — — — - 0==C + H3C—C + H+
O O - 00 -
(cf. § 5.4.2 et figure 9.4). Le citrate a une position clé dans les réactions anaboliques
car en plus de son rôle dans la biosynthèse des acides gras il est source d'oxaloacé-
tate dans le cytosol et inhibe la phosphofructokinase 1 (cf. chapitre 6).
La -oxydation mitochondriale est régulée par le malonyl-CoA qui est un inhibiteur
de la carnitine-acyle transférase (CPT1). Ainsi ce composé en inhibant l'entrée des
acyl-CoA dans la mitochondrie joue le rôle d'inverseur entre anabolisme et catabo-
lisme des acides gras. Un autre point fondamental dans la régulation du métabolisme
des acides gras dans les hépatocytes est que l'acyl-CoA carboxylase est soumise aussi
à phosphorylation, réaction induite par le glucagon via l'AMPc ; la déphosphoryla-
tion est favorisée par l'insuline ; la forme phosphorylée est inactive. Ainsi, comme pour
le glycogène, le glucagon stimule la dégradation des acides gras et l'insuline favorise
leur synthèse.
Insuline
Citrate
0 0
// //
H3C—C—CH2—C H3C — CH— CH2 — C
0 0- OH 0-
Acétoacétate -hydroxyacétate
L'acétoacétate est obtenu par condensation de deux acétyl-CoA. Il peut être soit
décarboxylé pour donner de l'acétone, soit réduit en -hydroxybutyrate par une
220 BIOÉNERGÉTIQUE
Le foie est dépourvu de cette thiolase spécifique ce qui lui permet d'accumuler les
corps cétoniques et de les déverser dans le sang. Ce système correspond à un trans-
port d'acétyl-CoA du foie à d'autres tissus.
Acides aminés
Glucose ————> Pyru vate -cétog l u t a r a t e . , branchés CH2<—
Alannine r \
Gluta mate - -céto-acide
\
NH44 + -cétoglutarateate
Sang
—————
Ala nineGluta
Vers les Acidesdes aminés
reins bran chés
c
. . Acides aminés
Alanine . branchés
Acides aminés
provenant de la
• veine porte
Gluconéogenèse —
9.5 - Relations entre les métabolismes des acides aminés des muscles et du foie
Comme indiqué sur la figure 9.5, le catabolisme des acides aminés présente une cer-
taine spécificité tissulaire. Le foie reçoit essentiellement ces molécules de la veine
porte, donc en provenance des nutriments. La composition en acides aminés rejetés
222 BIOÉNERGÉTIQUE
par cet organe est fortement enrichie en acides aminés branchés qui sont par contre
captés et métabolisés par le muscle. Ce dernier relâche dans le sang une quantité
importante d'alanine qui est captée par le foie et est utilisée à la gluconéogenèse.
D'autre part, le muscle synthétise de la glutamine, un acide aminé qui peut être consi-
déré comme un bon transporteur d'ions ammonium ; la glutamine sera désaminée
en glutamate en partie par les reins.
Enfin il est important de noter que le muscle peut être une réserve énergétique par la
quantité globale d'acides aminés qu'il contient, mais cette reserve a cependant des
limites !
P-créatine
Créatine
Porine
Créatine-kinase Transporteur
ATP/ADP
Espace intermembranaire
Notons que la porine en elle-même est un frein pour la diffusion des nucléotides au
regard de la grande activité du transporteur de la membrane interne ; le complexe
fonctionnel lève ce contrôle puisque seules la créatine et la phosphocréatine sont
échangées entre le cytosol et la mitochondrie. Un point fondamental du système est
que le nombre de points de contact augmente avec l'activité du myocarde. D'autre
part, une forte teneur en créatine kinase et en adénylate kinase dans le cytosol consti-
tuent des relais efficaces pour le transfert des liaisons anhydride de phosphate entre
les points de production et de consommation de l'ATP (cf. chapitre 3).
La demande en énergie du cœur est quantitativement importante, ce qui a conduit
plusieurs équipes de recherches à étudier les mitochondries dans des états patholo-
giques. Notamment l'alimentation en dioxygène peut être appauvrie par un ralen-
tissement du flux sanguin au niveau des coronaires, provoquant ainsi une anoxie
partielle. Le système expérimental très étudié est celui de l'ischémie suivie d'une
reperfusion sur le cœur isolé. Plusieurs types de modifications sont observés comme
l'altération de complexes mitochondriaux ou celle des points de fusion. Dans les deux
cas cela peut se traduire par une diminution de la concentration en ATP dans le cyto-
sol. Notons que le système ischémie-perfusion a permis de mettre en évidence une
formation importante d'ions superoxydes due à des modifications au niveau de la
chaîne respiratoire. Il existe d'autres types de pathologies cardiaques, comme l'aryth-
mie ou la perte de contractilité du myocarde qui ont pour origine des désordres au
niveau du métabolisme énergétique. A titre d'exemple un excès d'acides gras inhibe
la pyruvate déshydrogénase mitochondriale, favorisant ainsi la fermentation lactique
aux dépens des oxydations phosphorylantes ; l'acidification de la cellule induit des
désordres métaboliques divers. Le but de ce livre n'étant pas de décrire ces patholo-
gies, nous renvoyons le lecteur intéressé aux publications citées dans la section biblio-
graphie qui font le point sur la littérature dans ce domaine.
224 BIOÉNERGÉTIQUE
9.3. ADIPOCYTES
On peut distinguer deux types de tissus adipeux très différents d'un point de vue
métabolique, les tissus adipeux bruns et les tissus adipeux blancs. Les premiers sont
essentiellement impliqués dans la production de chaleur, les seconds sont des réserves
d'énergie sous forme de triacylgiycérol.
La couleur brune de ces tissus est due à la richesse des adipocytes en mitochondries.
Leur métabolisme énergétique est très particulier dans la mesure où leurs mito-
chondries possèdent un transporteur qui catalyse l'influx de protons, donc dans le
sens du potentiel électrochimique (cf. § 8.3.2). Cette protéine, appelée protéine décou-
plante ou thermogénine, est inhibée par l'ATP et le GTP, et au contraire stimulée par le
GDP. L'entrée des protons a pour effet d'abaisser le µH+ et donc de découpler la syn-
thèse de l'ATP de la respiration et de stimuler cette dernière. La respiration étant sti-
mulée, le cycle de KREBS est activé et donc la synthèse du GTP à partir du succinyl-CoA
est elle même stimulée. Le flux de synthèse des liaisons anhydrides de phosphate au
niveau cellulaire reste important malgré le découplage car ces cellules, comme nous
l'avons vu, sont riches en mitochondries. Ces tissus sont quantitativement plus impor-
tants chez les hibernants que chez les non-hibernants. En effet durant l'hibernation
la température du corps chute et il a été proposé que ce système fournirait de la cha-
leur au moment du réveil de l'animal pour réaugmenter la température.
Contrairement aux cellules des tissus bruns, les adipocytes des tissus blancs sont
pauvres en mitochondries et de ce fait leur consommation en oxygène est faible.
Cependant ils ont un rôle fondamental en énergétique cellulaire car ils emmagasi-
nent et redélivrent les lipides pour l'organisme. Ce sont de véritables greniers à grain
pour le corps. Ce flux lipidique est évidemment régulé, notamment par l'insuline,
l'adrénaline et la noradrénaline. Ces tissus forment la presque totalité des tissus adi-
peux chez l'animal adulte non-hibernant. Ces cellules ont deux fonctions essentielles :
la mise en réserve des triacylglycérols, provenant soit du plasma soit de la synthèse
de novo des lipides, et la mobilisation de ces molécules pour les besoins énergétiques
des autres cellules.
Les triacylglycérols sont transportés dans le plasma par les particules lipoprotéiques
et généralement par les plus grosses d'entre elles (les VLDL pour very low density lipo-protein
tement leur chargement aux adipocytes, les triglycérides sont hydrolysés à l'extérieur
en acides gras et en glycérol par la lipoprotéine lipase produite et excrétée par ces cel-
lules. L'insuline stimule ce processus en agissant à la fois sur la synthèse et l'expor-
tation de l'enzyme. Les acides gras libres sont transportés dans l'adipocyte par transport
9 - MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE DE DIFFÉRENTS ORGANES OU CELLULES 225
Glycérol 3P Acétyl-CoA
(4)
Glycérol Lipoprotéine lipase
(2)
Glycérol
AG Glucose Lipoprotéine lipase
TAG ——— AG
9.6 - Effet de l'insuline sur le métabolisme des lipides dans les adipocytes
— effet stimulateur, effet inhibiteur,
TAG - triglycérides, MAG - monoglycérides, AG - acides gras, 1 - insuline,
(1) - lipase, (2) - GLUT4, (3) - translocation de la lipoprotéine lipase, (4) - acétyl-CoA carboxylase
Les triglycérides s'accumulent dans les adipocytes sous forme de gouttelettes. Ils peu-
vent être hydrolysés en acides gras et en glycérol en fonction des besoins énergétiques
de l'organisme. Une lipase, agissant à la surface des gouttelettes, hydrolyse les trigly-
cérides en monoacyl-glycérol. Cette enzyme est, comme la glycogène phosphorylase,
226 BIOÉNERGÉTIQUE
quantité d'ions mis en jeu est importante dans le temps en regard de la grande acti-
vité neuronale, et l'énergie utilisée par l'ATPase correspond à plus de 50% de l'éner-
gie totale produite ou utilisée par la cellule. Le cerveau en activité dépense plus
d'énergie que le muscle par gramme de tissu. Il est à noter que des systèmes autres
que le canal sodique utilisent le potentiel électrochimique en Na + (échange Ca2/Na+
transport du glutamate) mais il est cependant le plus grand utilisateur d'énergie.
Les phénomènes électriques sont très rapides et nécessitent une régénération du poten-
tiel membranaire par la Na/K ATPase à une vitesse du même ordre de grandeur. Il
est donc nécessaire que l'ATP néoformé soit dirigé rapidement vers la membrane. En
complément du système créatine/créatine-P, comme dans le cas des cellules éry-
throcytaires, il semble que les enzymes de la glycolyse soient situées à proximité des
ATPases qui tapissent la face interne de la membrane plasmique des neurones.
La transmission de l'influx entre deux neurones est assurée par l'intermédiaire de
structures appelées synapses (figure 9.7). Elles sont constituées de trois éléments :
> la région présynaptique, correspondant à un renflement d'une terminaison neu-
ronale, souvent riche en vésicules membranaires contenant un neuromédiateur ;
> la région postsynaptique d'un autre neurone dont la membrane possède sur sa face
externe des récepteurs pour le neuromédiateur ;
> un espace de quelques nanomètres appelé/ente synaptique qui sépare ces deux enti-
tés membranaires.
En fait il existe deux types de transmission synaptique : l'une par transmission directe
de l'onde de dépolarisation, ce qui suppose une très grande proximité des membranes,
l'autre par l'intermédiaire d'un neuromédiateur. Nous nous intéresserons à ce deuxième
cas à cause de ses relations particulières avec le métabolisme énergétique. Le premier
neurotransmetteur à avoir été étudié est l'acétylcholine dont on trouve des récepteurs
dans le cerveau et dans les jonctions neuromusculaires qui constituent un type par-
ticulier de synapse. Un autre neurotransmetteur particulièrement important dans le
système nerveux central est le glutamate. Cet exemple est de plus intéressant car il
constitue un modèle d'interactions métaboliques entre deux types cellulaires, les neu-
rones et les astrocytes (voir figure 9.7).
D'une manière générale les neurorécépteurs sont stockés dans des vésicules qui s'ac-
cumulent dans la région présynaptique du neurone. La dépolarisation de la mem-
brane plasmique induit l'ouverture de canaux calciques voltage-dépendant et provoque
ainsi l'entrée de Ca2 dans le cytosol. Ce cation, connu pour favoriser l'exocytose, per-
met par ce mécanisme le relargage du neurotransmetteur dans la fente synaptique.
Le récepteur postsynaptique, qui selon les cas est un canal ou un récepteur à pro-
téine G, est activé. Le neurorécepteur est ensuite éliminé de la fente synaptique. Ainsi,
le glutamate est pompé de la fente par les astrocytes. L'absorption de l'acide aminé
dépend de la différence de potentiel électrochimique en ion sodium. Trois Na4 sont
cotransportés avec le glutamate avec en plus un échange entre l'entrée d'un H+ et la
sortie d'un H4. Le transporteur membranaire assurant ce couplage (EAAT pour exitatory amino a
228 BIOÉNERGÉTIQUE
d'un ATP par entrée d'un glutamate (rappelons que l'ATPase utilise un ATP pour
l'extrusion de 3 Na. Sur le plan énergétique, les systèmes de transport, comportant
en particulier la recapture des neurotransmetteurs, sont une source de dépense impor-
tante ; l'énergie utilisée a été estimée, dans certains cas à 50% de celle nécessaire à la
transmission de l'influx nerveux. Dans les cellules gliales le glutamate est soit amidé
en glutamine par la glutamine synthétase (réaction consommant un ATP), enzyme
absente des neurones, soit intégré dans le cycle des acides tricarboxyliques après désa-
mination. La glutamine formée est transportée dans les neurones par l'intermédiaire
de transporteurs spécifiques que l'on trouve dans les membranes des cellules gliales
et neuronales. Elle est alors désamidée dans le neurone pour donner le glutamate.
Ainsi un cycle transcellulaire entre cellules gliales et neurones est réalisé (figure 9.7).
Les cellules gliales jouent un rôle important pour la réabsorption d'autres neuro-
transmetteurs, qu'ils soient excitateurs comme le glutamate ou l'aspartate, ou qu'ils
soient inhibiteurs comme la glycine ou le -hydroxybutyrate (GABA).
Vésicules
synaptiques
Presynapse
fente
synaptique
Postsynapse
Récepteurs
posrsynaptiques
9.7 - Relations métaboliques entre astrocytes et neurones
1 - glycolyse, 2 - transporteur des monocarboxylates, 3 - anhydrase carbonique, 4 - échangeur
bicarbonate/ion chlore, 5 - cotransporteur bicarbonate-ion sodium, 6 - transporteur du gluta-
mate, 7 - glutaminase, 8 - métabolisme oxydatif mitochondrial, 9 - glutaminase, Gl - glutamate,
Gln - glutamine
la pyruvate décarboxylase fonctionnant avec le ^TPP+. L'acétal est alors réduit en éthanol par le N
NAD+, Lactate
NADH 2
Glucose ———— Pyruvate ———————— Pyruvate
Ethanol
NAD + NADH NAD+
9 4
3 NADH
Ethanol ————————Acétal «—— » A cétal r
NADP+ NAD+
8 7
NADPH NADH Acétyl-CoA
Ace tate — ————— A La.
Cycle des acides
tricarboxyliques
e glyoxylique <——— Acétyll-CoA
NAD+ CIT2,
Malate Citrate
Succinate
9.9 - Cycle de l'acide glyoxylique
MDH3 - malate déshydrogénase, CIT2 - citrate synthase, AC02 - aconitase, ICL1 - isocitrate
lyase, MLS1 - malate synthase. Le numéro figurant après l'abréviation de l'enzyme indique celui
de l'isoforme.
Le cycle glyoxilique est constitué de cinq étapes :
> trois réactions conduisant du malate à l'isocitrate et qui sont similaires à celles du
cycle des acides carboxyliques, bien que catalysées par des isoenzymes différentes ;
> deux réactions spécifiques catalysées respectivement par l'isocitrate lyase et la
malate synthase.
9 - MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE DE DIFFÉRENTS ORGANES OU CELLULES 233
0
// H. ,0
— — CH2 — C
___C___CH2 ___C
CH2
H_C_OH 0- Isocitrate lyase CH2
0 0-Succinate
Isocitrate Glyoxylate
H 0 0. S—CoA
C H—C—OH
Malate synthase
CH3 CH2 + CoA-SH
C
02 0-
Glyoxylate Acétyl-CoA Malate
9.6. CONCLUSIONS
Les exemples décrits dans ce chapitre montrent la diversité des métabolismes pos-
sibles. Ils varient selon le type cellulaire et parfois selon la position de la cellule dans
l'organe ; rappelons à ce propos l'effet de zonation dans le cas des hépatocytes. Les
différences portent à la fois sur des aspects qualitatifs (présence ou non d'une chaîne
métabolique) ou quantitatifs (nombre de mitochondries par exemple) ainsi que sur
les régulations et notamment la sensibilité aux hormones. Chez les êtres pluricellu-
laires supérieurs, cette diversité correspond à la spécialisation de l'organe. Nous
aurions pu multiplier les exemples avec les tissus rénaux, les érythrocytes ou les neu-
trophiles, pour ne citer que ces cellules. Mais notre but était de montrer que l'étude
du métabolisme en général, et du métabolisme énergétique en particulier, ne peut
pas se satisfaire d'une description générale. Elle doit s'inscrire dans un cadre plus
général d'études de la biologie cellulaire et de la physiologie.
Chapitre 10
ÉNERGÉTIQUE DE LA PHOTOSYNTHÈSE
a — — b
:
:::
:::
:\
Grana
\
Stroma Thylakoïde
10.2 - Les différents espaces du chloroplaste (a) - Structure détaillée du thylakoide (b)
Les ovales représentent des empilements de grains et les sphères des ATP synthases.
La lumière est définie comme une petite partie des ondes électromagnétiques, carac-
térisées par leur fréquence v (exprimée en hertz) ou leur longueur d'onde (expri-
mée en m). Ces deux valeurs sont reliées l'une à l'autre par la relation :
v c
La lumière visible par exemple est comprise entre 400 et 700 nm. Dans le vide sa
vitesse c est égale à 3.108 m.s1. La lumière est assimilée à des quanta d'énergie (les
238 BlOÉNERGÉTIQUE
photons) associés à une onde. Contrairement aux électrons ou aux neutrons, les pho-
tons n'ont pas de masse : ce sont des particules virtuelles. Par contre, ils possèdent
une énergie définie par la relation :
E = hv = h c (h, la constante de PLANCK, est égale à 6,63.1034 joule. s)
Par exemple l'énergie d'un quantum de lumière pour une longueur d'onde de 500 nm
est de :
E = 6.63.10-34x3.108/5.107 = 3,98.10-19 joules
En prenant 1 joule = 6,242 x 1018 eV, on obtient E = 2,48 eV.
A l'état fondamental, les électrons sont dans un état minimal d'énergie. Par absorp-
tion d'énergie ils passent à un état excité. Chaque électron ne peut occuper que des
niveaux d'énergie déterminés. Comme d'autre part les quanta ne sont pas divisibles,
un atome (ou une molécule) ne pourra absorber que des radiations correspondant à
des transitions énergétiques autorisées, c'est-à-dire correspondant à la fréquence de
la radiation absorbée.
Les lois de la photochimie énoncent qu'une molécule ne peut être excitée que par un,
et seulement un quantum de lumière. Selon la quantité d'énergie absorbée, la molé-
cule effectue une transition de l'état fondamental S0 au premier état excité singulet
(S1) ou à un état supérieur (S2 S3...). On appelle état singulet un état pour lequel il n'y
a pas inversion de spin de l'électron. La molécule excitée peut revenir à son état ini-
tial (relaxation) en émettant de la lumière selon plusieurs processus (figure 10.3).
> La fluorescence est une émission qui intervient entre 10-99 et lO-66 s après l'excita-
tion ; comme l'énergie émise ne peut être supérieure à celle absorbée, cela se tra-
duit par un spectre de fluorescence déplacé vers le rouge par rapport au spectre
d'absorption de la molécule.
> La molécule peut aussi retourner à son état initial par émission de chaleur ou en
induisant une réaction chimique.
> Elle peut aussi effectuer une transition vers le premier état excité triplet (T1); cet
état implique une inversion de spin. L'excitation directe d'une molécule de son état
fondamental à l'état triplet est extrêmement rare. Sous cet état, plus stable que l'état
singulet, la molécule peut induire une réaction chimique ; elle peut aussi se stabi-
liser par émission de lumière, ce phénomène est appelé phosphorescence.
Contrairement à la fluorescence, l'échelle de temps d'émission par phosphores-
cence est la seconde et même dans certains cas la minute.
i 1
Réactions
8 chimiques Réactions
0 chimiques
So T T
10.3 - Transitions entre niveaux d'énergie d'une molécule et différents modes de transition
S - états singulets, T - états triplets
10 - ÉNERGÉTIQUE DE LA PHOTOSYNTHÈSE 239
Une molécule excitée par absorption lumineuse peut transférer son énergie à une
autre molécule étant dans son état fondamental, soit par radiation, soit par un trans-
fert d'énergie n'impliquant pas de radiation.
> Transfert d'énergie par radiation
Le transfert D* + A — D + A* se décompose ainsi :
D* D + hv et hv + A A*
Le spectre d'absorption de A doit recouvrir en partie le spectre d'émission de D. Il
est évident, pour des raisons énergétiques, que le spectre d'absorption de A est
déplacé vers le rouge par rapport à celui de D.
> Transfert d'énergie sans radiation
Ce transfert peut s'effectuer par collision des molécules. Il peut aussi s'effectuer à
distance : c'est le transfert d'énergie par résonance. La molécule excitée est consi-
dérée comme un dipôle oscillant. Au lieu d'émettre de la lumière, la molécule trans-
fère son énergie à une autre molécule voisine lorsque les fréquences sont en
résonance. Ce transfert peut être visualisé par deux pendules dont les mouvements
sont liés. La probabilité de transfert est inversement proportionnelle à la sixième
puissance de la distance entre les centres des molécules concernées.
l'autre par la substitution d'un méthyle (Chl a) ou d'un formaldehyde (Chl b) sur le
pyrrole B. Les bactéries possèdent une chlorophylle particulière, la bactériochloro-
phylle, qui diffère de la chlorophylle par la nature d'un substituant sur un pyrrole.
La forte conjugaison de ces structures est responsable des spectres d'absorption dans
le visible ; les maxima pour les pigments en solution dans le méthanol sont 430 et
663 nm pour Chl a et 453 et 652 nm pour Chl b.
R—0
R phytol
En général les plantes vertes possèdent à la fois de la Chl a et de la Chl b. In vivo, les
chlorophylles sont associées à des protéines par des liaisons non-covalentes. Les pro-
téines liant les pigments sont toujours très hydrophobes et se présentent sous forme
de complexes insérés dans les membranes. Ces associations induisent un déplace-
ment des bandes d'absorption vers le rouge avec la présence d'une large bande cen-
trée sur 675 nm. En fait, l'analyse de spectres effectués à basse température par des
méthodes mathématiques de déconvolution révèle l'existence d'environ 6 formes de
Chl a avec des maxima d'absorption compris entre 660 nm et 706 nm, formes dues
à la nature des interactions entre la chlorophylle a et les protéines ou les lipides. Ces
différentes formes constituent des puits d'énergie où les photons sont transmis de
molécule à molécule dans le sens des longueurs d'onde croissantes (ou énergie
décroissante).
Les caroténoïdes, constitués d'une chaîne isoprénoïde (tétraterpène) sont des pig-
ments complémentaires ou accessoires de couleur jaune ou orangée car ils absorbent
la lumière entre 400 et 500 nm. Il en existe deux types : les carotènes dépourvus d'oxy-
gène et les xanthophylles en contenant. Ils sont trouvés dans les systèmes photo-
synthétiques, les tissus sénescents des feuilles, les fruits, les pétales, les anthères et
10 - ÉNERGÉTIQUE DE LA PHOTOSYNTHÈSE 241
les graines. Les caroténoïdes des tissus verts sont essentiellement le -carotène, la
lutéine, la violaxanthine, la néoxanthine, l'anthéraxanthine et la zéaxanthine.
OH
HO
OH
H0
Violaxanthine
II existe chez les plantes des antennes ou LHC (Light Harvesting Complex) associées à
chaque photosystème, LHCI pour PS 1 et LHCII pour PS II, dont le rôle est de récol-
ter la lumière et de transférer l'énergie au centre photochimique. Nous verrons au § 10.6
que certaines antennes peuvent migrer d'un photosystème à l'autre sous l'effet d'un
cycle de phosphorylation et de déphosphorylation de protéines. L'ensemble des
antennes contient environ 99% des chlorophylles, ce qui signifie que les photosystèmes
proprement dit ne contiennent que 1% de ces pigments.
Le module de base de l'antenne LHC1 des plantes est constituée de quatre sous-uni-
tés différentes ayant des poids moléculaires compris entre 20 et 24 kDa. Chacune de
ces sous-unités contient en moyenne 8 Chl a, 2 Chl b et 2 molécules de carotène, et
s'assemblent en dimère. De trois à cinq dimères sont associés à PS 1 pour former un
complexe de 170 à 200 chlorophylles.
242 BIOÉNERGÉTIQUE
La présence de deux photosystèmes dans les chloroplastes a été établie par une série
d'expériences consistant à étudier l'efficacité du rayonnement égal ou supérieur à
700 nm. Par exemple, des algues sont éclairées successivement par des faisceaux dont
les longueurs d'onde sont comprises entre 400 et 680 nm. Pour chaque éclairement
on mesure le rendement quantique de la réaction, c'est-à-dire la quantité d'oxygène
dégagée par quantum absorbé ; il est constant. Au-delà de 680 nm, ce rendement dimi-
nue rapidement pour devenir quasiment nul au-dessus de 690 nm. Cependant, la
production d'O2 obtenue par une illumination non-saturante à 690 nm (la non-
saturation est fondamentale pour l'expérience) peut être augmentée par une illumi-
nation simultanée à 700 nm. L'interprétation de ces résultats est qu'il existe deux
photosystèmes. L'un a une absorption centrée à 700 nm et reçoit de l'énergie directe-
ment par illumination dans cette zone ou par transfert à partir de radiations plus
énergétiques (À 700 nm). Un second photosystème, dont le maximum d'absorption
est à 680 nm, ne peut recevoir des énergies correspondant à des À > 690 nm. Le pre-
mier système ou photosystème 1 comporte le pigment P700. Le second système ou
photosystème II comporte le pigment P680.
Le schéma des transferts d'électrons dans la photosynthèse des plantes supérieures
peut être résumé comme suit. Les photosystèmes sont organisés en série (figure 10.1 ;
voir aussi la figure 10.10). PS II est responsable de l'oxydation de l'eau (photolyse de
l'eau) où les électrons sont portés à un potentiel suffisamment négatif pour réduire
les plastoquinones en plastoquinols (PQH2).
La plastoquinol agit alors comme un réducteur vis-à-vis du complexe b6-f qui est ana-
logue au complexe b-C1 des mitochondries. Après photoénergisation de l'électron par
PS 1 (P700) l'électron sera suffisamment énergétique pour réduire la ferrédoxine (Em7
- 0, 53 V) qui sera elle-même le réducteur de NADP II faut noter que la forme exci-
tée de P700 correspond à la molécule qui est connue pour avoir le potentiel d'oxy-
doréduction le plus négatif.
10 - ÉNERGÉTIQUE DE LA PHOTOSYNTHÈSE 243
10.4.2.1. Photosystème II
Le clivage photosynthétique de l'eau est réalisé par un complexe multimérique inséré
dans les membranes de thylakoïdes.
4H +
PS II est alimenté par les électrons provenant de la décomposition de l'eau qu'il trans-
fère aux plastoquinones. La réaction globale est une eau-plastoquinone oxydoré-
duction.
4hv
2PQ + 2H2O 2PQH2 + (O2
Cette réaction nécessite l'absorption de 4 quanta lumineux et l'oxydation de deux
molécules d'eau. Elle se décompose en trois étapes (figures 10.6 et 10.7).
> La réaction débute par l'excitation du pigment P680, qui est une chlorophylle de
type a, en P680*. Sous cette forme, il cède un électron à la plastoquinone QA, plas-
toquinone fortement liée à la protéine D1, pour donner une forme cationique oxy-
dée de P680 et la forme semiquinonique de la plastoquinone. Cette réaction s'effectue
par l'intermédiaire d'une phéophytine qui est une chlorophylle ne contenant pas
de magnésium.
hv
P680, Pheo, QA P680+', Pheo, QA P680+', Pheo, QA-'
> La deuxième phase correspond à la formation de PQH2 à partir du pool libre de
plastoquinones de la phase lipidique, le donneur d'électron étant la semiquinone
liée. Comme la semiquinone met en jeu un seul électron, deux réactions succes-
sives sont nécessaires pour réduire complètement PQ en PQH2.
Les protons proviennent du stroma.
PQ + 2Q-' + 2 H + (stroma) — PQH2
> La troisième étape est la plus caractéristique des réactions de PS II puisqu'elle cor-
respond à l'oxydation de l'eau avec dégagement de dioygène.
2 H2O + 4 ® — 02 + 4H+ (lumen)
244 BIOÉNERGÉTIQUE
P680+
P680 P680+
10.7 - Transfert des électrons de l'eau à P680
10.4.2.2. Photosystème 1
Le photosystème 1 catalyse le transfert des électrons des plastocyanines, situées sur la
face luminale de la membrane, à la ferrédoxine, enzyme liée au système du côté stroma.
Le complexe inséré dans la membrane est constitué de 14 polypeptides différents chez
les plantes vertes (12 chez les cyanobactéries) désignés PS I-A, PS I-B, ... ; les plus
importants en masse sont PS I-A (83 kDa) et PS I-B (82 kDa). Contrairement aux cya-
nobactéries chez lesquelles le complexe existe sous forme de trimère, celui des euca-
ryotes apparaît comme un monomère. Le cœur du système est constitué par P700 (une
forme dimérique d'une chlorophylle a) dont le potentiel de demi-réduction à pH 7 et
à l'état fondamental est de + 0,450 V. Après photoexcitation ce dernier est porté à -1,4 V
ce qui permet de réduire le NADP+ par une cascade de réactions (figure 10.8). L'électron
est successivement transféré à Ao (chlorophylle a) puis à l'accepteur A1 (phylloqui-
none ou vitamine G1) et à Fx (un centre [4Fe-4S]). Ces molécules réactives sont portées
par PS I-A et PS I-B, ce qui permet à l'électron d'être transporté de la plastocyanine à
travers l'épaisseur de la membrane du lumen en réduisant séquentiellement les centres
fer-soufre de type [4Fe-4S], dénommés FA et Fb, situés sur la sous-unité PS I-C, pro-
téine extrinsèque localisée du côté stroma. Enfin l'électron est transféré à un trans-
porteur soluble, la ferrédoxine (Fd) qui réduit le NADP Deux événements
photochimiques sont nécessaires car le coenzyme accepte deux électrons.
a Em b Hétérodimère PS I-A/PS I-B Ferrédoxine
-1,5 - P700*
A
-1,0
Ao
• Al
-0,5 hv -FA/PB
-Fd
— NADP-+
0,0
P700
Plastocyanine
une protéine qui contient l'ion cuivre comme cofacteur, celui-ci passant de l'état cuivrique Cu
Protéine de RIESKE PC
10.9 - Schéma simplifié de la structure du complexe b6-f
Les hexagones représentent les hèmes des cytochromes.
résultat essentiel est que l'illumination des chloroplastes provoque une alcalinisation du
milieu externe. Cela est dû, comme explicité dans la figure 10.9, d'une part à une trans-
location de protons du stroma vers le lumen des thylakoïdes, et d'autre part à une
production et à une consommation de protons par respectivement la photolyse et la
formation de NADPH comme nous l'avons montré au niveau de la description des
photosystèmes. Le pH ainsi créé permet une synthèse d'ATP par retour des protons
dans le sens de leur gradient électrochimique, réaction de couplage assurée par l'ATP
synthase. On notera que l'orientation du système est inversée par rapport au système
mitochondrial, la partie FI de l'ATP synthase, dénommée CF1 est du côté stroma. Le
potentiel électrochimique en protons est tel que le pH du stroma est le plus alcalin et
la différence de potentiel électrique est négative côté stroma et positive côté lumen.
Comme discuté au § 8.2.2 il est possible de mesurer le pH, en utilisant une base faible
car elle s'accumule dans l'espace luminal, le plus acide. Le pH transmembranaire
peut être diminué ou annulé par NH4C1 ; en effet NH4+ est un découplant dans le cas
des chloroplastes car il a la propriété de diffuser à la fois sous sa forme protonée et
déprotonée, contrairement à ce qui a été observé pour les mitochondries ; il s'établit
ainsi un cycle formé par l'entrée et la sortie de protons, selon un mécanisme similaire
à celui des découplants mitochondriaux.
Le pH est, contrairement au cas des mitochondries, la composante essentielle de la
force protonmotrice ; il est de l'ordre de 3. La faiblesse du potentiel électrique est due
au fait que la membrane des thylakoïdes est fortement perméable aux cations (Mg2
Ca24^) et à certains anions (Cl-).
La figure 10.10 rassemble les connaissances actuelles sur la transduction d'énergie
chez les plantes vertes.
2H
10.10 - Schéma général du système photosynthétique linéaire dans les thylakoïdes
hv
H
Chl
a/b LHC — Kinase ——— Chl a/ bLHC -P————
hv
1
PQred
2e- 2e-
PS II PSI
PQox
•————
1
Phosphatase —————
Ce schéma est particulièrement intéressant dans le cadre des régulations entre diffé-
rents complexes car il fait intervenir des mouvements dans la membrane.
C=0 —OH 0-
HC—OH - —OH :0
La réaction passe par la formation d'un ène-diol, forme réactive qui fixe le CO2. La
scission en deux C3 nécessite la fixation d'une molécule d'eau. Par deux réactions
inverses correspondant à celles du premier site de phosphorylation de la glycolyse,
dues à une 3-phosphoglycérate kinase et à une glycéraldéhyde-3P déshydrogénase,
du glycéraldéhyde-3P est formé à partir du glycérate-SP ; ces réactions utilisent un
ATP et un NADPH. En effet, le cofacteur de la glycéraldéhyde-3P déshydrogénase
du stroma est le NADPH, alors que la glycolyse/gluconéogenèse du cytoplasme uti-
lise le couple NADVNADH. Deux trioses donnent ensuite un hexose par la voie clas-
sique de la gluconéogenèse qui est localisée dans le cytosol de la cellule. Le
glycéraldéhyde-3P pénètre dans le cytosol par le transporteur de phosphate de la
membrane interne qui catalyse l'échange Pi/GA-3P.
Le système se complique sur le plan métabolique car il est nécessaire de resynthéti-
ser du ribulose-1,5biphosphate. Cela est réalisé au cours d'un cycle localisé dans
le stroma, connu sous le nom de cycle de CALVIN. Il fait appel à deux réactions de
250 BIOÉNERGÉTIQUE
CH20H CH20H
=0 CHO =0 CH 0
Transcétolase
1HO CCH + HC OH
Un ———————— H O —CH + HC- OH
CCH20P
Fructose-6P Glycér Glycéraldéhyde-3P Xyluloose-5P Érythrose-4
—0
CH2OP HC:—OH
HO—CH HO =0 HC:—OH
Transcétolase
HC OHT + HC T1 CH + HC 1
HC: - OH CH20P
CH20P
Sédohep tulose-7P Glycer aldéhyde-3P Xylulose-5P Ri bose-5P
10 - ÉNERGÉTIQUE DE LA PHOTOSYNTHÈSE 251
Ainsi ces réactions ont permis la synthèse de trois composés en C5, d'un ribose-5P et
de deux molécules de xylulose-5P. Ils seront ensuite transformés par épimérisation
en ribulose-5P par des phosphopentose isomérases. La dernière étape est la phos-
phorylation du ribulose-5P en ribulose-1,5biphosphate, elle consomme un ATP.
Il est possible de faire maintenant le bilan énergétique pour la synthèse d'une molé-
cule d'hexose à partir de 6 CO2.
6 ribulose-l,6P2 + 6 CO2 12 glycérate-3P.
12 glycérate-3P + 12 ATP + 12 NADPH —— 12 glycéraldéhyde-3P + 12 ADP
1 glycéraldéhyde-3P — 1 dihydroxyacétone-P
1 glycéraldéhyde-3P + dihydroxyacétone-P — 1 fructose-1,6 P2
10 glycéraldéhyde-3P — 2 fructose-6P + 4 glycéraldéyde-3P + 2 dihydroxyacétone-P
2 fructose-6P + 4 glycéraldéyde-3P + 2 dihydroxyacétone-P — 6 ribulose-5P
6 ribulose-5P + 6 ATP — 6 ribulose-1,6P2 + 6ADP
Ainsi, la synthèse d'un hexose à partir de 6 CO2 nécessite 18 ATP et 12 NADPH. Il est
nécessaire que la production d'énergie par les photosystèmes soit adaptée aux besoins.
Le système de régulation est dû à une action indirecte de la lumière sur l'activité de
plusieurs enzymes intervenant dans les processus de fixation du CO2. L'action prin-
cipale porte sur la ribulose-1,5biphosphate carboxylase, qui est quasiment inactive à
l'obscurité. L'enzyme contient deux groupements thiol vicinaux pouvant être oxydés
pour former un pont disulfure. Sous cette forme la carboxylase est inactive. La réduc-
tion du pont disulfure est assurée par la ferrédoxine, enzyme terminale de la photo-
synthèse qui réduit le NADP par l'intermédiaire d'une enzyme soluble, la
thiorédoxine. Cette dernière protéine possède elle-même un pont disulfure qui est
réduit par la ferrédoxine, et ce sont ces thiols qui vont réduire les enzymes inactives,
assurant ainsi leur activation.
Ferrédoxine
Thiorédoxine oxydée — Thiorédoxine réduite
Thiorédoxine réduite + enzyme oxydée — Thiorédoxine oxydée + enzyme réduite
La sédoheptulose-7phosphate déshydrogénase, enzyme du cycle de CALVIN, la gly-
céraldéhyde-3P déshydrogénase et la fructose-1,6 biphosphatase sont aussi activées
par la lumière, par un processus mettant en jeu la réduction d'un pont disulfure,
Le rapport ATP/NADPH correspondant aux besoins énergétiques pour la synthèse
d'un hexose est de 1,5. Comme la stœchiométrie au niveau des thylakoïdes peut être
inférieure à cette valeur, le chloroplaste doit importer de l'ATP, et ce d'autant plus
que d'autres réactions nécessitent également de l'ATP. Il existe en fait une complé-
mentarité de fonction entre les différents compartiments cellulaires et en particulier
entre le chloroplaste et la mitochondrie (cf. § 10.8.2).
Avant d'aborder ces problèmes, notons qu'un transport cyclique des électrons peut
avoir lieu lorsque les thylakoïdes sont illuminés à 700 nm, ce qui implique que seul
252 BIOÉNERGÉTIQUE
H2C—OP
Glycérate-3phosphate
Comme indiqué sur la figure 10.12 le glycolate est transporté dans les peroxysomes
où il est oxydé en glyoxylate directement par une oxygénase, avec formation d'eau
oxygénée, qui sera elle-même décomposée par une peroxydase.
.0- ,0- 20 Pi c=0 O2 HO c^O
H2C—OP H2C—OH
H 0
Phosphoglycolate Glycolate Glyoxylate
10 - ÉNERGÉTIQUE DE LA PHOTOSYNTHÈSE 253
La fonction aldéhyde du glyoxylate peut alors recevoir une fonction aminé par réac-
tion de transamination pour donner de la glycine (transamination entre le gluta-
mate et le glyoxylate, dénotée par un NH^ sur la figure 10.12) une autre molécule
de glyoxylate reçoit une fonction amine de la sérine, comme décrit ci-dessous. La
glycine pénètre dans la mitochondrie où deux molécules sont oxydées pour don-
ner de la sérine avec formation de NADH, substrat des oxydations phosphorylantes,
de CO2 et de NH4 (réaction complexe faisant intervenir le tétrahydrofolate comme
coenzyme). La sérine est un donneur de groupement amine dans le peroxysome
pour donner de la glycine et de l'hydroxypyruvate selon une réaction de trans-
amination.
0
—0- C— —0-
Y Oxydation
\
A mitochondriale
\
NADPH NADPHy
ADP+Pi
pA ——————————————— —————————3 pPgA
10.9. CONCLUSIONS
L'appareil photosynthétique des plantes supérieures et des algues vertes est le sys-
tème biologique qui fournit du dioxygène à partir de l'immense réservoir d'eau et
permet ainsi la vie aérobie. Les systèmes photosynthétiques transduisent l'énergie
lumineuse en énergie d'oxydoréduction par changement d'orbitale d'un électron des
molécules constituant les centres photochimiques. Il s'agit là du processus qui diffé-
rencie fondamentalement la photosynthèse des oxydations phosphorylantes. Les
autres aspects de la transduction présentent beaucoup d'analogies avec les proces-
sus mitochondriaux. Le transfert des électrons dans le sens de leur potentiel est cou-
plé à un mouvement de protons, créant une force protonmotrice qui sera utilisée à la
synthèse de l'ATP. Notons la grande analogie de structure et la similarité des méca-
nismes entre d'une part les complexes b-c1 et b6-f, et d'autre part les ATP synthases.
Il existe d'ailleurs des microorganismes chez lesquels les chaînes respiratoire et pho-
tosynthétique sont très imbriquées. La figure 10.14 donne un exemple avec Rhodobacter
sphéroïdes qui possède de la bactériochlorophylle comme pigment. Le schéma, sim-
plifié à dessein, montre que le pool de quinone réduit par la bactériochlorophylle cède
ses électrons au cytochrome c2, par l'intermédiaire d'un complexe b-c1, qui, soit réduira
la bactériochlorophylle, soit sera réoxydé par une cytochrome oxydase. Le com-
plexe b-C1 permettra la formation d'une force protonmotrice utilisée soit à la synthèse
de l'ATP soit à la réduction du NAD par flux inverse des électrons. Cet exemple résume
les principes essentiels de la photosynthèse et des oxydations phosphorylantes !
En [volts]
NAD-+/NADH
Complexe b-C1
Cytochrome oxydase
Bchl
\
02
La lumière et les molécules réduites sont actuellement les deux sources reconnues de
l'énergie cellulaire. Cela ne nous permet pas d'affirmer qu'il n'en existe pas d'autres,
et particulièrement dans les conditions extrêmes de la vie comme dans les fonds
marins où la pression est la force essentielle, ou dans les zones volcaniques où la tem-
pérature est très élevée ; ces conditions extrêmes peuvent d'ailleurs être réunies dans
un même endroit. Ces organismes ont reçu un début d'attention et, dans certains cas,
on commence au moins à comprendre la façon dont ils se protègent d'un environne-
ment qui, pour nous, est d'une énorme agressivité et incompatible avec notre survie.
Il est possible d'imaginer (ou de rêver) que dans ces profondeurs abyssales le vivant
ait mis au point une transduction thermique de l'énergie qui serait l'ancêtre de notre
machine à vapeur !
Le mécanisme commun à la majorité des systèmes de transduction de l'énergie connus
est l'oxydoréduction ; le passage de l'électron d'un réducteur à un oxydant corres-
pond à une stabilisation donc à une augmentation de son potentiel, compte tenu des
conventions de signe. Ce passage peut être couplé soit à la formation d'une liaison
instable sur le métabolite oxydé (phosphorylation au niveau du substrat), soit à la
formation d'un potentiel électrochimique, généralement en protons, qui sera ulté-
rieurement utilisé à la synthèse de l'ATP (chimioosmose). Notons toutefois que chez
certains micro-organismes le Na + est utilisé à la place du H dans les systèmes d'oxy-
doréduction et les ATP synthases. Au niveau de la biosphère, le recyclage des élec-
trons à haut potentiel redox est assuré par la photosynthèse qui, comme nous l'avons
vu, le déstabilise par absorption d'énergie lumineuse et permet ainsi l'oxydation de
l'oxygène de l'eau et la réduction du NADP+
De même en chimie des sucres, dont nous avons restreint l'étude à celle impliquée
directement dans le domaine de l'énergétique, on ne trouve qu'un nombre limité de
types de réactions. Ce sont essentiellement des réactions d'oxydoréduction, d'énoli-
sation conduisant à l'isomérisation ou à l'aldolisation, à l'oxydation d'une fonction
alcool située en position d'un acide carboxylique ou à la décarboxylation des acides
-cétoniques nécessitant la thiamine pyrophosphate comme cofacteur. Le nombre de
ces mécanismes est faible par rapport à celui des réactions existant dans la nature.
La grande homogénéité des principes de bioénergétique, sinon des mécanismes, n'ex-
clue pas une certaine spécialisation des cellules au niveau du métabolisme, comme
nous l'avons vu au chapitre 9. Ces variations existent aussi chez les plantes, qui peu-
vent correspondre à plusieurs types de métabolismes des sucres (plantes en C3 et
plantes en C4, voir le livre sur la photosynthèse cité dans la bibliographie). Des
258 BIOÉNERGÉTIQUE
variantes existent, tant pour les systèmes respiratoires que photosynthétiques, entre
eucaryotes et procaryotes ; elles correspondent à une adaptation des systèmes à la
nature de l'environnement. Chez les procaryotes, la structure d'une chaîne de trans-
porteurs d'électrons est fonction des conditions de culture. Ainsi chez Escherichia coli
l'accepteur final des électrons peut être le dioxygène en aérobiose (quinol oxydase)
ou le fumarate en anaérobiose (fumarate réductase). Selon la composition du milieu
et en anaérobiose, cette bactérie peut réduire N03 en NO2 et NO2- en NH4. Thiobacillus
ferroxidans est capable d'oxyder l'ion ferreux en ion ferrique et de transférer ainsi les
électrons à une chaîne respiratoire. Les variantes concernant les systèmes photosyn-
thétiques sont aussi nombreuses, et nous avons décrit un de ces systèmes avec
Rhodobacter sphéroïdes.
Un point essentiel pour comprendre le métabolisme en général, et le métabolisme
énergétique en particulier, est la structure de la cellule étudiée. Celle-ci dépend évi-
demment de l'organe auquel elle appartient, mais aussi de sa localisation vis-à-vis
du système veineux (ce que nous désignons par effet de zonation) ou d'autres types
de cellules. La coordination du métabolisme entre les organes par les hormones ou
par un flux nerveux a été établie déjà depuis longtemps et nos connaissances dans ce
domaine sont dues aux travaux des physiologistes. Dans les dernières années, les
chercheurs en biochimie ont mis l'accent sur l'étude de la structuration en super-
complexes d'enzymes intervenant dans un même système global, ouvrant ainsi l'étude
du métabolisme au niveau cellulaire. Nous avons eu l'occasion de citer la présence,
dans la mitochondrie, des complexes supramoléculaires constitués par différentes
déshydrogénases, des points de contact entre membranes externe et interne des mito-
chondries et bien d'autres structurations d'enzymes différentes appartenant à une
même fonction métabolique. Il apparaît ainsi que l'existence de ces organisations
supramoléculaires ne sont pas des exceptions mais concernent au contraire un grand
nombre de systèmes. Cette constatation nous permet de compléter un concept men-
tionné en introduction du premier chapitre, où nous avons fait la distinction entre
l'enzyme catalyseur et l'enzyme machine ; la première favorise une réaction qui est
cependant possible en l'absence de catalyseur, la seconde couple deux réactions, cou-
plage impossible à réaliser en absence de la machine. On peut toutefois distinguer
deux types de machines ou réacteurs.
Nous appellerons «bioréacteur chimique» celui dans lequel les substrats et pro-
duits du milieu ont un accès libre et indépendant au site actif. Dans ce cas de figure,
les relations établies en cinétique enzymatique et en thermodynamique peuvent
être appliquées, si la quantité en métabolites est grande devant celle en enzymes.
Par contre, lorsque les métabolites migrent directement du site actif d'une enzyme
au site d'une autre enzyme, les interactions avec le milieu extérieur sont défavori-
sées. L'ensemble se comporte comme une machine, au sens physique du terme, car
les métabolites suivent un chemin privilégié à l'intérieur de l'édifice supramacro-
moléculaire. Cette réflexion correspond aux systèmes où il y a canalisation des
métabolites, mais les conséquences semblent a priori être les mêmes dans le cas des
POSTFACE 259
Cette bibliographie sommaire contient des ouvrages généraux, des revues, des
articles à caractère historique et des articles récents ou portant sur des sujets peu
traités dans les ouvrages généraux. Lorsqu'une référence citée pour un chapitre est
utile à un chapitre suivant elle ne sera pas répétée.
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TABLE DES MATIÈRES
AVANT-PROPOS .............................................................................................................. 7
Chapitre 1 -NOTIONS D'ÉNERGIE ET DE FLUX............................................................ 9
1.1. Introduction............................................................................................................ 9
1.2. Notions de thermodynamique............................................................................ 13
1.2.1. Principe de conservation de l'énergie, application à la calorimétrie.............. 13
1.2.2. Notions de rendement d'une machine et d'entropie....................................... 16
1.2.3. Irréversibilité et production d'entropie .......................................................... 19
1.2.4. Relation entre la production d'entropie, l'affinité
et le degré d'avancement d'une réaction chimique......................................... 20
1.2.5. Probabilité et entropie.................................................................................... 21
1.2.6. Variation d'enthalpie libre liée à l'évolution d'un système............................ 22
1.2.7. Potentiel chimique, loi d'action de masse
et constante d'équilibre d'une réaction......................................................... 24
1.2.7.1. Expression du potentiel chimique ...................................................... 24
1.2.7.2. Loi d'action de masse et constante d'équilibre ................................... 25
1.2.7.3. Dépendance de la constante d'équilibre par rapport à la température 26
1.2.7.4. Relation entre G et vitesse de réaction.............................................. 27
1.2.8. Thermodynamique des systèmes hors de l'équilibre....................................... 27
1.3. Conclusions............................................................................................................ 30
Chapitre 2 - L'ÉNERGIE OSMOTIQUE ........................................................................... 31
2.1. Expression thermodynamique ............................................................................ 31
2.2. Transports et transporteurs.................................................................................. 33
2.2.1. Généralités ...................................................................................................... 33
2.2.2. Exemples de transporteurs de la membrane plasmique................................. 36
2.3. Cas de l'eau et effet DONNAN .............................................................................. 38
2.3.1. Diffusion de l'eau et pression osmotique. ....................................... 38
2.3.2. Effet DONNAN......................................... ....................................... 40
2.4. Conclusions..................................................... ....................................... 40
Chapitre 3 - L'ÉNERGIE CHIMIQUE.. ............................................................................. 43
3.1. Nucléotides adényliques...................................................................................... 43
3.1.1. Structure........................................................................................................ 43
3.2.2. Instabilité de l'ATP........................................................................................ 44
3.1.3. Origine de l'instabilité des liaisons pyrophosphates
et méthodes de dosage de l'ATP ..................................................................... 46
272 BIOÉNERGÉTIQUE