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BIOÉNERGÉTIQUE

Bernard GUÉRIN

SCIENCES
17, avenue du Hoggar
Parc d'Activité de Courtabœuf, BP 112
91944 Les Ulis Cedex A, France
Ouvrages Grenoble Sciences édités par EDP Sciences
Collection Grenoble Sciences
Chimie. Le minimum à savoir ( J . Le Coarer) - Electrochimie des solides
(C. Déportes et al.) - Thermodynamique chimique (M. Oturan & M. Robert) - Chimie
organométallique (D. Astruc) - De l'atome à la réaction chimique (sous la direction de
R. Barlet)
Introduction à la mécanique statistique (E. Belorizky & W. Gorecki) - Mécanique statistique. Ex

Mécanismes physiques et aspects industriels (J.P. Franc et al.) - La turbulence


(M. Lesieur) - Magnétisme : 1 Fondements, II Matériaux et applications (sous la direc-
tion d'E. du Trémolet de Lacheisserie) - Du Soleil à la Terre. Aéronomie et météorologie
de l'espace (]. Lilensten & PL. Blelly) - Sous les feux du Soleil. Vers une météorologie
de l'espace ( J . Lilensten & /. Bornarel) - Mécanique. De la formulation lagrangienne
au chaos hamiltonien (C. Gignoux & B. Silvestre-Brac) - Problèmes corrigés de méca-
nique et résumés de cours. De Lagrange à Hamilton (C. Gignoux & B. Silvestre-Brac) -
La mécanique quantique. Problèmes résolus, T. 1 et 2 (V.M. Galitsky, B.M. Karnakov
& V.I. Kogan) - Analyse statistique des données expérimentales (X Protassov) -
Description de la symétrie. Des groupes de symétrie aux structures fractales
(J. Sivardière) - Symétrie et propriétés physiques. Du principe de Curie aux brisures
de symétrie ((.J. Sivardière)
Exercices corrigés d'analyse, T. 1 et 2 (D. Alibert) - Introduction aux variétés différen-
tielles (J. Lafontaine) - Analyse numérique et équations différentielles ((J.P. Demailly) -
Mathématiques pour les sciences de la vie, de la nature et de la santé (F. &
J.P. Bertrandias) - Approximation hilbertienne. Splines, ondelettes, fractales (M. Attéia
& J. Gaches) - Mathématiques pour l'étudiant scientifique, T. 1 et 2 (Ph.J. Haug)
Bactéries et environnement. Adaptations physiologiques (J. Pelmont) - Enzymes.
Catalyseurs du monde vivant (J. Pelmont) - La plongée sous-marine à l'air. L'adap-
tation de l'organisme et ses limites ((Ph. Foster) - Endocrinologie et communications
cellulaires (S. Idelman & J. Verdetti) - Eléments de biologie à l'usage d'autres disci-
plines (Ph. Tracqui & J. Demongeot) - Gestes et mouvements justes. Guide de l'ergomotricité

L'Asie, source de sciences et de techniques (M. Soutif) - La biologie, des origines à


nos jours (P. Vignais) - Naissance de la physique. De la Sicile à la Chine (M. Soutif) -
Le régime oméga 3. Le programme alimentaire pour sauver notre santé (A. Sirmopoulos, J . Ro

Listening Comprehension for Scientific English (J. Upjohn) - Speaking Skills in


Scientific English (J. Upjolhn, M. H. Fries & D. Amadis) - Minimum Competence in
Scientific English (S. Blattes, V. Jans & J. Upjohn)

Grenoble Sciences - Rencontres Scientifiques


Radiopharmaceutiques. Chimie des radiotraceurs et applications biologiques (sous
la direction de M. Comet & M. Vidal) - Turbulence et déterminisme (sous la direction de
M. Lesieur) - Méthodes et techniques de la chimie organique (sous la direction de
D. Astruc)
à Martine
AVANT-PROPOS

La bioénergétique est la partie de la biologie qui traite de la nature, de la formation


et de l'utilisation de l'énergie. Le sujet est vaste car toutes les activités cellulaires
requièrent de l'énergie. Cependant, dans son acception de base, la bioénergétique
concerne l'étude des systèmes fournissant les formes de l'énergie utilisables à la cel-
lule à partir de celles reçues du milieu extérieur. Nous avons essentiellement limité
notre présentation à l'étude des cellules eucaryotes. Les principes exposés sont tou-
tefois valables pour tout le monde vivant, mais les formes des systèmes procaryotiques sont très rich

Le premier chapitre est un rappel de notions thermodynamiques, il est loin de trai-


ter entièrement ce vaste sujet et des livres spécialisés et didactiques sont mention-
nés dans la rubrique Lectures conseillées. Nous avons essentiellement développé l'as-
pect pratique découlant du premier principe, qui est la calorimétrie, et la notion
d'entropie, dont la production est l'expression de l'irréversibilité des processus chi-
miques ou mécaniques. Nous discutons des limites des applications numériques
des concepts thermodynamiques à la biologie.
Les différentes formes de l'énergie cellulaire sont présentées dans les chapitres 2, 3
et 4. Comme pour la thermodynamique, le chapitre 5 consacré aux régulations et au
contrôle du métabolisme n'est pas un traité sur le sujet, mais présente les concepts
indispensables à la compréhension des différentes voies métaboliques. Là encore,
les notions classiques doivent être utilisées en tenant le plus grand compte des par-
ticularités des systèmes biologiques, et en particulier de leur organisation en sys-
tèmes supramoléculaires.
Les chapitres suivants concernent l'étude des systèmes conduisant à la synthèse de
l'ATP à partir du phosphate minéral et des métabolismes qui leurs sont associés.
Classiquement, il y a lieu de les classer en systèmes solubles, du cytosol et de la
matrice mitochondriale, et en systèmes membranaires de la mitochondrie et des
chloroplastes. Cependant les systèmes considérés comme solubles peuvent être for-
tement structurés en eux-mêmes, ou former des complexes avec les systèmes mem-
branaires. Enfin, l'étude des voies métaboliques en général, et de la bioénergétique
en particulier, montre des différences notables en fonction du type de cellule consi-
déré ; les caractéristiques biochimiques d'un hépatocyte ne sont pas celles d'un
neurone. Cet aspect du problème est traité au chapitre 9.
8 BIOÉNERGÉTIQUE

REMERCIEMENTS

Cet ouvrage n'aurait jamais vu le jour sans les nombreuses discussions que j'ai eues
avec mes collègues. Je remercie tout particulièrement Michel RIGOULET, sans
oublier Guy LAUGUIN, Stephen MANON, Jean-Pierre MAZAT et Jean VELOURS.
Martine GUÉRIN, à qui je dédie ce livre, m'a encouragé tout au long de ce travail et
a su porter un regard critique sur le fond et sur la forme du manuscrit.
Chapitre 1

NOTIONS D'ÉNERGIE ET DE FEUX

1.1. INTRODUCTION
La Bioénergétique a pour objet l'étude des transductions d'énergie. Celles-ci se défi-
nissent comme des transformations d'un type d'énergie en un autre type. Nous avons
de nombreux exemples de transductions dans notre vie moderne : énergies hydrau-
lique, calorique ou nucléaire transformées en énergie électrique qui sera elle-même
génératrice de mouvement, de chaleur... Ces transductions sont indispensables pour
effectuer certains travaux car les formes primaires d'énergie trouvées dans la nature
sont parfois difficiles à utiliser. Il est plus pratique de brancher une perceuse sur du
220 V que d'imaginer un engin fonctionnant directement avec l'énergie hydraulique !
C'est depuis l'invention de la machine thermique au XIX e siècle, exemple de trans-
ducteur, que s'est développée notre société industrielle. Auparavant, les énergies
hydraulique, éolienne, animale et humaine étaient directement utilisées pour les
besoins de l'industrie, de l'agriculture ou des transports.
Si la notion d'énergie apparaît évidente dans le langage commun, elle est plus déli-
cate à manier en biologie et fait l'objet de contresens et d'interprétations erronées,
surtout celle concernant l'ATP. D'une façon générale, un système contenant de l'éner-
gie est un système hors de l'équilibre, c'est-à-dire susceptible de modifications ou
générateur de mouvement. Par exemple, une pierre portée à une certaine hauteur est
en déséquilibre (énergie potentielle) ; posée à terre, point considéré comme le plus
bas, elle est à l'équilibre avec son environnement et n'effectuera aucun mouvement
sans apport d'énergie extérieure.
Une notion intuitive et essentielle à notre propos est qu'un système hors de l'équilibre
a tendance à évoluer spontanément vers son équilibre. Ainsi une impulsion exercée
sur un pendule à l'arrêt induit un mouvement oscillatoire qui s'amortit jusqu'au retour
à sa position initiale d'équilibre. Cette loi n'est totalement vraie que dans le domaine
du proche équilibre ; elle ne l'est plus lorsqu'un système en est trop éloigné ; dans ce
cas le mouvement dû à des impulsions appliquées au système peut ne pas s'amortir
mais au contraire croître spontanément (cf. § 1.2.6). Revenons aux cas où les systèmes
ont tendance à atteindre spontanément leur état d'équilibre. Une pierre portée à une
certaine hauteur tombe ; l'énergie potentielle est transformée en énergie cinétique puis
en chaleur au point d'impact, dans la mesure où l'on néglige toute modification de
10 BIOÉNERGÉTIQUE

l'objet et du sol. Prenons maintenant comme exemple un système constitué par un


cycliste ayant enfourché son vélo et placé en haut d'une côte. Il dévale la pente pour
atteindre un nouvel équilibre dans la mesure où les contraintes appliquées au système
ne sont pas trop importantes. Par contre, en bloquant les freins de son vélo, le cycliste
exerce une contrainte telle que le système n'évolue pas. Il peut aussi maîtriser la vitesse
de descente en serrant plus ou moins les freins de sa machine. Cet exemple illustre
assez bien les relations entre les forces qui, s'appliquant sur un système, tendent à le
faire évoluer dans un sens, et celles s'y opposant, contrôlant ainsi la vitesse de son évo-
lution. Ces dernières peuvent être dues en partie à des contraintes cinétiques (en bio-
logie les enzymes, par leur quantité et leur mécanisme, imposent la réponse aux forces),
en partie à des contraintes thermodynamiques (cf. couplage).
Un système évoluant vers son équilibre fournit du travail et produit de l'entropie.
Cette évolution peut être dirigée de telle sorte que le système fournisse un travail
autre que celui qu'il produirait spontanément. Nous arrivons ainsi à la notion fon-
damentale en biologie qui est celle du couplage entre deux événements. Supposons
deux systèmes, l'un étant un ballon d'enfant gonflé à l'hélium, l'autre une pierre.
Spontanément le ballon monte et la pierre tombe. Cependant il est possible de faire
évoluer le ballon vers le bas en y attachant une pierre suffisamment lourde. On réa-
lise ainsi un couplage entre deux systèmes qui se comportent alors comme un seul.
La notion de couplage n'est pas propre à la biologie comme le montre cet exemple.
Elle est à la base du fonctionnement de toute machine (thermique, électrique, ato-
mique. ..) où un flux entrant d'énergie permet de réaliser un travail particulier imposé
par la structure de la machine. Par analogie, il apparaît clairement que certaines enzymes
ne sont pas simplement des biocatalyseurs mais des biomachines. Rappelons qu'en
chimie un catalyseur est défini comme une substance qui accélère une réaction sans
en changer le sens ni la nature. En accord avec cette définition la glucokinase est un
catalyseur puisque cette enzyme accélère la réaction de phosphorylation du glucose
par l'ATP. En absence d'enzyme la probabilité pour qu'un ATP transfère un phos-
phate sur le glucose est faible mais non-nulle, ce qui se traduit par une faible vitesse
de réaction. Il apparaît par contre évident qu'une voiture sans moteur ne peut avan-
cer même si un bidon rempli d'essence est déposé sur la banquette arrière et que l'on
y mette le feu (expérience à déconseiller) ! De même un mélange d'ADP, de phos-
phate, d'oxygène et d'un substrat respiratoire ne donnera jamais d'ATP en absence
de mitochondries ; celles-ci doivent être considérées comme un ensemble de bioma-
chines. Le lecteur peut avoir le sentiment qu'il s'agit d'une discussion sémantique à
intérêt limité mais les mots expriment des concepts qui, dans le cas évoqué, corres-
pondent à des mécanismes physiques ou physico-chimiques donnés et la différence
existant entre catalyse et couplage reflète un caractère essentiel du monde vivant.
Nous utiliserons donc, selon le cas, les expressions suivantes : «l'enzyme catalyse»
ou «l'enzyme couple». La notion de machine est cohérente avec l'idée qui s'est impo-
sée aux biologistes que la cellule n'est pas un sac d'enzymes mais un ensemble struc-
ture où les protéines s'assemblent en complexes supra-moléculaires, véritables machines
biologiques.
1 - NOTIONS D'ÉNERGIE ET DE FLUX 11

Nous avons rappelé les conditions dans lesquelles un ou plusieurs systèmes sont à
même de subir des transformations ou d'évoluer. Ces modifications dans le temps se
feront à une certaine vitesse et nous parlerons de flux de transformation. On a cou-
tume en bioénergétique d'utiliser ce terme pour désigner la quantité nette de substrat
transformé en produit par unité de temps. Ainsi pour une réaction chimique réver-
sible, le flux est égal à la différence entre les vitesses aller et retour ; pour une réac-
tion irréversible, flux et vitesse ont la même signification. Essayons d'entrevoir la
relation existant entre le flux et le rendement d'une machine. Chacun sait qu'une voi-
ture consomme d'autant plus d'essence que sa vitesse est grande, ce qui indique une
relation inverse entre le flux et le rendement de la transformation. Celui-ci est maxi-
mum pour un flux quasiment nul. Pour expliciter cette notion fondamentale repre-
nons l'exemple du ballon attaché à une pierre. On effectue deux essais avec la même
pierre et deux ballons différents, un petit et un gros. Le petit ballon est entraîné rapi-
dement vers le bas alors que la descente du gros est extrêmement lente. Une légère
augmentation de volume du grand ballon conduirait à inverser le sens du mouve-
ment, ce qui indique que l'on a atteint le rendement maximum du processus couplé
puisque nous utilisons le poids minimum permettant de tirer le ballon vers le bas.
Par contre en augmentant le poids de la pierre attachée au ballon on augmente la
vitesse de chute de l'ensemble tout en baissant le rendement. Rendement et flux de
réaction varient en sens inverse. Nous appliquerons ces différents principes à l'étude
de la bioénergétique.
Il est impossible d'aborder l'étude du métabolisme sans rappeler ce qu'est un état
stationnaire. Pour expliciter cette notion nous la comparerons à celle de l'équilibre.
Supposons un système thermodynamique fermé (qui n'échange pas de matière avec
le milieu extérieur) contenant une substance A se transformant en B. On observe un
flux de transformation de A en B jusqu'à ce que le système atteigne l'équilibre défini
par les valeurs particulières des concentrations en A [Aeq] et B [Beq] telles que le rap-
port [[Beq]/[Aeq]] soit constant et égal à Keq, la constante d'équilibre. A l'équilibre les
concentrations en A et B sont constantes car la vitesse de transformation de A en B
est égale à celle de B en A. L'état stationnaire par contre est une notion s'appliquant
aux systèmes ouverts, c'est-à-dire à ceux échangeant de l'énergie et de la matière avec
le milieu extérieur. D'une manière générale on le définit comme l'état pour lequel les
variables thermodynamiques ne varient pas avec le temps, mais qui reçoit de l'éner-
gie ou/et de la matière. En reprenant la réaction de transformation de A en B à l'état
stationnaire, comme à l'état d'équilibre, les concentrations en A et en B ne varient pas
au cours du temps mais la vitesse de transformation de A en B est différente de celle
de B en A de sorte que A est réellement transformé en B ; le flux n'est pas nul. Le fait
que les concentrations restent constantes dans le temps provient de ce que la vitesse
de disparition de A (ou d'apparition de B)), qui est égale à la différence entre la vitesse
de transformation de A en B et celle de B en A, est exactement compensée par la régé-
nération de A et la consommation de B par des réactions autres que la réaction reverse.
La valeur du rapport des concentrations [B]/[A] est différente de celle de la constante
d'équilibre, sauf dans les cas où le flux entrant de A et celui sortant de B sont petits
12 BIOÉNERGÉTIQUE

devant la réaction, ce qui donne des conditions très proches de l'équilibre. Prenons
comme exemple un système délimité par une membrane à l'intérieur duquel s'effec-
tue la réaction A donne B. Le système sera à l'état stationnaire si le flux passant à tra-
vers cette réaction (la vitesse aller moins la vitesse retour) est exactement compensé
par une entrée de A et une sortie de B (figure 1 .1). Dans l'état stationnaire, il y a
constance des concentrations à l'intérieur du système considéré et constance du flux
qui le traverse. Notons toutefois que la notion d'état stationnaire est dépendante de
l'échelle de temps utilisée. Une perturbation apportée à un système n'est pas immé-
diatement amortie, de la même façon qu'une impulsion donnée à un pendule met un
certain temps pour s'amortir.

A,

Système fermé à l'équilibre Système à l'état stationnaire


[A] et [[B]] constantes [A] et [[B]] constantes
[A] = [[A]éq, [[B]] = [[B]éq mais différentes des concentrations d'équilibre

1.1 - Comparaison entre état d'équilibre et état stationnaire

Avant d'aborder le sujet de la bioénergétique d'une manière plus classique il faut faire
remarquer la possibilité d'hétérogénéité des systèmes que nous étudions. Généralement
les données quantitatives auxquelles nous avons accès sont des moyennes sur un
grand nombre d'objets (suspension de mitochondries par exemple) mais certains de
ces objets peuvent se trouver dans des états s'écartant notablement de cette moyenne.
Cela est certainement une limitation à l'approche statistique utilisée en thermody-
namique et en cinétique. Mais comme pour l'instant nous ne disposons pas d'un cadre
physico-chimique simple permettant une approche quantitative exacte des phéno-
mènes que nous présentons, nous considérerons que la thermodynamique constitue
un cadre conceptuel permettant dans de nombreux cas une bonne approximation de
la réalité physico-chimique. D'une manière générale, il est préférable d'utiliser un
système de pensée même s'il n'est pas toujours adéquat que pas de système du tout.
Il est cependant nécessaire de souligner les limites de ce cadre conceptuel.
La thermodynamique décrit les relations entre les propriétés des systèmes sans faire
appel à la structure fine de la matière. Elle considère le système comme un tout, consti-
tué d'un grand nombre d'éléments. Les fonctions thermodynamiques ne s'appliquent
pas à la molécule isolée mais à un ensemble constitué d'un grand nombre de molé-
cules, ce qui peut être une limitation dans certaines situations biologiques.
1 - NOTIONS D'ÉNERGIE ET DE FLUX 13

1.2. NOTIONS DE THERMODYNAMIQUE


Ce chapitre n'a pas pour objet de traiter le formalisme thermodynamique in extenso
mais de faire ressortir un certain nombre de points fondamentaux nécessaires à la
compréhension de la bioénergétique. C'est pourquoi nous nous limitons à présenter
les lois essentielles en précisant leur origine et leur signification et, dans certains cas,
la difficulté de leur application en biologie. Nous évitons d'insister sur les dévelop-
pements mathématiques. Pour une étude complète de cette science, le lecteur est ren-
voyé aux ouvrages spécialisés dont certains sont cités en bibliographie.
En thermodynamique on distingue trois types de système :
> le système isolé qui n'échange ni matière ni énergie avec l'extérieur ;
> le système fermé qui n'échange que de l'énergie avec le milieu extérieur ;
> le système ouvert qui échange énergie et matière.

L'état d'un système est défini à l'aide de variables d'état comme la température T, la
pression p, le volume V ou le nombre de molécules n. Ces variables sont dites extensives lorsqu'el

Un système est décrit par des fonctions d'état (F) qui relient entre elles des variables
d'état (x, y ou z). Ces fonctions ont une valeur unique pour un état donné, valeur qui
ne dépend donc pas de la manière ou de la voie par laquelle l'état a été obtenu. Cela
signifie que pour une variation infinitésimale de la fonction F(x,y,z)), dF est une dif-
férentielle totale exacte :
dF = y,z + x,z + x , y [1-1]
Par contre y,z x,z et x,y, qui représentent respectivement les
variations de F en fonction de x, y ou z (les deux autres variables restant constantes),
sont des dérivées dites partielles et leur valeur n'est pas indépendante du chemin
parcouru.
Ces fonctions sont définies à l'équilibre. Un système isolé subit des transformations
irréversibles jusqu'à ce qu'il atteigne un état d'invariance par rapport au temps, appelé
état d'équilibre. Dans le cas des systèmes échangeant entre eux de l'énergie et/ou de
la matière, on atteindra à terme un équilibre avec l'extérieur. En thermodynamique
dite «de l'équilibre» les transitions se font par passages successifs d'un état d'équilibre
à un autre, ce qui nécessite de très faibles modifications des variables. Les transitions
sont alors réversibles puisqu'après un cycle de transformations on retrouve le même
état initial. Ainsi les termes de réversibilité et d'équilibre sont-ils étroitement liés.

1.2.1. PRINCIPE DE CONSERVATION DE L'ÉNERGIE,


APPLICATION À LA CALORIMÉTRIE

Le premier principe de la thermodynamique est celui de la conservation de l'éner-


gie. Il postule que l'énergie d'un système isolé est constante ; c'est le cas de l'univers
dans sa globalité qui correspond à un système isolé. Pour les autres systèmes il énonce
14 BIOÉNERGÉTIQUE

que lors d'une transformation la variation d'énergie interne est la somme de toutes
les énergies échangées avec le milieu extérieur. Cette variation ne dépend que de
l'état initial et l'état final et est indépendante du chemin parcouru pour obtenir le
nouvel état. Il revient au même de dire que la variation d'énergie interne d'un sys-
tème revenu à son état initial après avoir décrit un cycle de transformation est nulle.
Dans le cas des systèmes ouverts il faut évidemment prendre en compte l'énergie
liée à la matière échangée. L'énergie interne est symbolisée par U. Le premier prin-
cipe se traduit ainsi :

d U = 0o ud u = U b - U a [1-2]

Pour les systèmes fermés on aura dU = dQ + dW, pour les systèmes ouverts
dU = dQ + dW + dUmatière. Q représente la chaleur, W le travail et Umatière l'énergie
due aux échanges de matière avec l'extérieur ; ce ne sont pas des fonctions d'état, c'est
pourquoi (sauf cas particuliers) leur dérivée est partielle. Les conventions de signe
entre le système et le milieu sont les suivantes : ce que reçoit le système est positif, ce
qu'il cède à l'extérieur est négatif.
Le travail W peut être de nature variée. Ainsi le travail mécanique est égal au produit
de la force F par le déplacement dx, W = F dx ; la force exercée sur une surface A par
une pression p est égale à pA et le travail d'expansion est égal à pA dx, soit p dV, le
produit de la pression par le changement de volume ; pour un transfert de charge dq
soumis à une différence de potentiel , le travail est dq ; le travail est égal à dA
pour une variation de surface dA soumise à une tension superficielle y et ainsi de
suite pour les différentes forces mises en jeu.
Une fonction très utilisée en chimie est l'enthalpie H donnée par l'expression :
H = U + PV [1-3]
Celle-ci, somme d'une fonction d'état et d'un produit entre deux variables d'état, est
elle-même fonction d'état. On peut écrire dH == dU + P dV + V dP et, en remplaçant
dU par sa valeur, dH = dQ + dW + P dV + V dP. Pour une réaction chimique, où les
transformations sont généralement limitées au travail d'expansion (- V dP), et à pres-
sion constante (V dP = 0) on obtient :
dH = dQp [1-4]
Dans ces conditions particulières, la chaleur échangée correspond directement à la
variation d'une fonction d'état. Cette relation est à la base des techniques calorimé-
triques.
Lors d'une transformation d'un système de l'état 1 à l'état 2, la variation d'enthalpie
AH dépend uniquement des états final et initial (AH = H^ - H1), et est indépendante
du chemin parcouru. Ainsi, lors d'une transformation cyclique faisant intervenir trois
états, en admettant que le système passe de l'état 1 à l'état 3 avec une variation d'en-
thalpie AHx et de l'état 3 à l'état 2 avec une variation d'enthalpie de AHy, on peut alors
écrire AH = AHx + Hy. Lorsque AH < 0 (dégagement de chaleur) la réaction est dite
exothermique, et elle est endothermique pour AH > 0.
1 - NOTIONS D'ÉNERGIE ET DE FLUX 15

AH = Hv + Hv

Etat 3

1.2 - Variation d'une fonction d'état

Comme pour l'énergie interne on a accès à la valeur de la différence entre les états et
non pas à la valeur de l'état lui-même. Si la réaction se produit dans les conditions
standard (T = 298 K, p = 1 atm), la chaleur correspondante de réaction est appelée
enthalpie standard de réaction (ou chaleur standard de réaction) ; ces valeurs per-
mettent de comparer entre elles les enthalpies de réactions différentes.
On peut aussi définir l'enthalpie standard de formation d'un composé comme étant la
variation d'enthalpie accompagnant la formation d'une mole de ce composé à partir
d'éléments sous forme de corps purs, sous une atmosphère et à une température
déterminée. Elle s'exprime en joules par mole. Par définition l'enthalpie des corps
purs, sous leur forme la plus stable, est égale à 0. Les éléments et les composés sont
à l'état gazeux, liquide ou solide ; ces états sont indiqués avec en indice respec-
tivement les symboles (g), (1) ou (s). On peut par exemple mesurer l'enthalpie
standard de formation de l'eau à partir de l'hydrogène et du dioxygène gazeux
2H2(g) + 02(g)) —- H20(1)) ; on obtient H0f = - 286 kj. mole-1. Par contre, l'enthalpie
standard de formation de l'eau à l'état gazeux est de - 242 kj. mole-1. La différence
entre ces deux valeurs correspond à l'enthalpie standard molaire de vaporisation.
L'enthalpie standard de formation d'une molécule dont on connaît la structure peut
être simplement calculée à partir de celles des liaisons chimiques qui la composent.
On trouve ces valeurs dans des tables. La loi de HESS permet de mesurer les enthal-
pies standard de formation des composés à partir des enthalpies standard de forma-
tion des produits et de celles des réactifs.
AH0f = AH°f (produits) - AH°f (réactifs) [1-5]
Ainsi pour la réaction a A + b B —» c C + d D
AH0 = cH0f(C)+ dH 0 f(D) - aH 0 f(A) - b H0f ( B )
D'après cette relation on peut calculer les enthalpies standard d'oxydation complète
des combustibles cellulaires en C02 et H2O. Par exemple l'enthalpie standard de l'oxy-
dation complète du glucose C6H12O6 + 6 02 —- 6 C02 + 6 H20 Ce calcul doit cor-
respondre aux mesures directes effectuées par calorimétrie.
En biologie il est important de connaître les valeurs de combustion de certains com-
posés pour évaluer leur pouvoir énergétique et, comme nous le verrons ci-dessous,
pour établir une balance énergétique lors d'une croissance cellulaire. Le tableau
16 BIOÉNERGÉTIQUE

ci-dessous donne quelques valeurs correspondant à l'oxydation de nutriments


importants.
Composé Masse H0 Valeur énergétique
molaire (kj oule .mole-1) (kj oule g-1)
Glucose 180 -2810 15,6
Acide lactique 90 -1 360 15
Acide palmitique 256 -9950 38,9
TriacylgIycérol(C55H106O6) 862 -44000 39,4
Protéine* - 45 400 20,1
* Pour ce calcul on prend une composition moyenne de protéine (C100 H159 N32 032 S0.7 7) et l'on
admet qu'une certaine quantité de sous-produits s'accumule (11,7 moles d'urée, 1,3 moles
d'ammoniaque, 0,43 mole de créatinine et 0,7 mole d'acide sulfurique) pour une mole de
protéine oxydée.

Dans ce tableau on remarque que la valeur énergétique des lipides est supérieure à
celle des protéines qui est elle-même supérieure à celle du glucose, ce qui découle du
degré d'oxydation de ces composés. Si maintenant on calcule l'enthalpie de la réac-
tion de combustion pour chacun de ces composés, ramenée à un litre de dioxygène
consommé, on trouve une valeur quasiment identique et égale à 20,1 kjoules, ce qui
n'est pas surprenant et permet de prendre la respiration comme une bonne mesure de
la dépense cellulaire.
Un autre exemple d'application de la notion d'enthalpie à la biologie est la mesure
des bilans énergétiques lors d'une étude de croissance cellulaire. Supposons des cel-
lules oxydant un substrat S en CO2 et H2O. On détermine pour un temps donné les
quantités de S consommé, de sous-produits SP accumulés et de biomasse formée
(BM) ; pour chacun d'eux il est possible de calculer l'enthalpie de combustion. Par
calorimétrie on mesure la quantité de chaleur Qp dégagée pendant le temps de l'ex-
périence. On compare alors le AH correspondant à la quantité de S consommé (HS ox)
à la somme des AH d'oxydation des OP. accumulés (HSP,ox) et de biomasse formée
(HBM,ox) auxquelles on ajoute la quantité de chaleur dégagée. Si toutes les réactions
ont été prises en compte on doit avoir HS, ox sensiblement égal à Hsp,ox + HBMOX + Qp-
Dans le cas contraire il est nécessaire d'approfondir l'analyse biochimique car on a
pu omettre la formation d'un sous-produit.

1.2.2. NOTIONS DE RENDEMENT D'UNE MACHINE ET D'ENTROPIE

L'histoire du deuxième principe de la thermodynamique commence avec le travail


de Sadi CARNOT publié dans son livre Réflexions sur In puissance motrice du f e u en 1824.
Ce travail a débouché sur une notion fondamentale, l'entropie, qui dépasse de beau-
coup les frontières des sciences de l'ingénieur et a envahi la chimie et la biologie.
Beaucoup de grands chercheurs ont attaché leur nom à cette histoire, des anciens et
des modernes comme KELVIN, CLAUSIUS, CLAPEYRON, DE DONDER ou PRIGOGINE. Ce
1 - NOTIONS D'ÉNERGIE ET DE FLUX 17

dernier a notamment introduit cette notion en biologie et a fait l'analogie entre entro-
pie et flèche du temps, signifiant que le monde physique dans lequel nous vivons est
essentiellement composé de réactions irréversibles. A l'origine, la formulation de l'en-
tropie découla de l'étude de la machine à vapeur, puis les chimistes eurent une approche
probabiliste qui s'imposa dans les manuels de chimie ou de biochimie. Nous rap-
pellerons tout d'abord les travaux effectués sur la machine à vapeur car certains sys-
tèmes biologiques sont plus assimilables à des machines qu'à des réactions chimiques !
En effet la machine dirige la conversion de l'énergie, la canalise pour aboutir à un tra-
vail déterminé alors qu'en chimie la réaction dépend de la probabilité de rencontre
entre molécules, ce qui est un phénomène aléatoire.
Réservoir chaud T1 Pression
Transformation isotherme

(4) h (1)

((3) (2)
1
Transformation adiabatique

Réservoir chaud T2 Volume

1.3 - Cycle de Carnot


Le mouvement d'une machine thermique, selon le cycle de Carnot, se décompose en quatre
phases réversibles, c'est-à-dire qu'il n'y a aucune perte de chaleur au niveau de la machine.
Toute la chaleur est de ce fait transformée en travail d'expansion du gaz et réciproquement.
Au cours de la première phase le gaz subit une expansion isotherme (1) ; pour cela il doit
recevoir une quantité de chaleur Q1 d'une source chaude à la température T1 pour compen-
ser la transformation de chaleur en travail mécanique. La deuxième phase d'expansion est
dite adiabatique car elle n'échange pas de chaleur ; de ce fait, la température du gaz s'abaisse
à une température T2 (2). La troisième phase est une contraction isotherme du gaz au cours
de laquelle il cède une quantité de chaleur Q2 à la source froide T2 pour maintenir la tempé-
rature constante (3). La quatrième phase est une compression adiabatique où la température
s'élève à la température T1 (4). Un autre cycle peut alors fonctionner. Dans ce schéma on
constate que la production de travail d'expansion du gaz nécessite un transfert de chaleur
d'une source chaude à une source froide.

Dans le travail de CARNOT il y a déjà les notions essentielles que nous avons men-
tionnées dans l'introduction :
> l'énergie est liée à l'instabilité des systèmes qui ont tendance à évoluer spontané-
ment vers un état stable (lorsque deux réservoirs à des températures différentes
sont mis en contact, la chaleur s'écoule du plus chaud vers le plus froid) ;
> un couplage peut s'effectuer entre un phénomène spontané et un autre qui ne l'est
pas (par exemple flux de chaleur et mouvement du piston) ;
> le rendement maximum d'une machine ne s'obtient qu'à vitesse quasiment nulle.
18 BIOÉNERGÉTIQUE

Revoyons rapidement ce travail et les conséquences qui en ont découlé (figure 1.3).
CARNOT pose que la puissance motrice d'une machine à vapeur est due à l'équili-
brage des températures. Il y a couplage entre la force représentée par les deux réser-
voirs à des températures différentes et le travail du piston. La partie essentielle de ce
travail, qui permettra plus tard à CLAUSIUS d'introduire la notion d'entropie, est la
définition du travail maximum. Ce maximum n'est atteint que lorsque les changements
de température ne sont dus qu'à des changements de volume, c'est-à-dire lorsqu'il
n'y a pas de pertes de chaleur d'un réservoir à l'autre (en biochimie une telle fuite de
chaleur serait analogue à un découplage ou à un couplage imparfait). Le couplage
maximum ne peut être obtenu que dans des conditions de réversibilité où pression
et température sont les mêmes en tout point du système, ce qui implique une vitesse
quasiment nulle. On voit donc que le rendement maximum est une notion idéale obte-
nue uniquement par le calcul.
Dans la réalité une partie de l'énergie est dissipée sous forme de chaleur due aux frot-
tements dans la machine ; cette quantité augmente avec la vitesse de la machine (voir
à ce propos l'expression de la production d'entropie dans les systèmes irréversibles
au § 1.2.6). CARNOT définit alors le travail maximum. Soit un système absorbant une
quantité de chaleur Q1 d'un réservoir à la température T1 (la notion de température
absolue ne fut introduite que plus tard par KELVIN) et relâchant une quantité Q2 à un
deuxième réservoir à la température T2, le rendement maximum dépendra uni-
quement des températures des deux réservoirs et non pas de la structure de la machine
(puisque les pertes d'énergie à ce niveau sont nulles). Le rendement de la machine
est donné par l'expression :
= w/Q1 = Q1 - Q2/Q1 ou = 1 - Q2/Q1.
On arrive ainsi à la relation fondamentale :
= 1 - T2/T1 [1-6]
Cette relation est tirée de l'analyse du cycle réversible de CARNOT, exploitée par
CLAPEYRON et KELVIN. Nous renvoyons le lecteur aux traités de thermodynamique
déjà cités pour la démonstration. De cette relation on peut déduire une forme du
deuxième principe de la thermodynamique : il n'est pas possible de produire du tra-
vail à partir d'une seule source de chaleur. En effet, pour T; = T1 = 0.
De ce qui précède on peut tirer, pour une machine thermique travaillant dans des
conditions réversibles et donc idéales, la relation Q1/T1 = Q2/T2. Dans des condi-
tions réelles, la perte d'énergie au niveau de la machine fait que la chaleur Q2 est
supérieure à celle correspondant au travail maximum pour un même travail fourni,
d'oùQ1/T1<Q2/T2.
La relation Q1/T1 - Q2/T2 = 0 pour un cycle de CARNOT réversible devient
Q1/T1 - Q2/T2 < 0 pour un cycle irréversible. CLAUSIUS la généralise à un cycle quel-
conque qu'il décompose en une suite de cycles de CARNOT et en tire la relation :
dQ/T=0 [[1-7]]
1 - NOTIONS D'ÉNERGIE ET DE FLUX 19

Cette relation signifie que l'intégrale de dQ/T entre un point A et un point B pour un
système réversible ne dépend que de l'état des systèmes et est indépendant du che-
min réversible par lequel la transition est effectuée. Il définit une nouvelle fonction
d'état, l'entropie S, avec les relations suivantes : dS = dQ/T pour un processus réver-
sible. Dans ces conditions la variation d'entropie lorsque le système passe d'un état A
à un état B est SB-SA =dQ/T. Pour un processus irréversible, une quantité sup-
plémentaire de chaleur due aux frottements à l'intérieur de la machine est transmise
au milieu extérieur ; il en résulte que les variations d'entropie correspondant à un chan-
gement d'état ne peuvent pas être mesurées par les seuls échanges de chaleur avec
l'extérieur car ceux-ci dépendent de la manière dont le changement a été réalisé (frot-
tement plus ou moins important à l'intérieur de la machine). Compte tenu des conven-
tions de signe, dQ/T < 0 pour ce type de système.
En résumé :
> pour une transformation cyclique réversible :
dS=dQ/T; d S = d Q / T = 0 .
> pour une transformation cyclique irréversible :
dS > dQ/T ; dS = 0 et dQ/T < 0
La formulation originale du deuxième principe de la thermodynamique par CLAUSIUS
est que l'entropie d'un système isolé augmente au cours du temps pour atteindre sa
valeur maximale correspondant à l'état d'équilibre.
Dans la formulation moderne, qui permet d'étudier les systèmes ouverts échangeant
énergie et matière, l'entropie est scindée en deux éléments d S = d e S + d , S où dgSest
la variation d'entropie due aux échanges d'énergie et de matière entre le système et
le milieu extérieur et d,S celle due aux processus irréversibles internes au système.
Pour un processus irréversible et cyclique, puisque dS = 0 et deS = dQ/T < 0,
on en déduit que d;S > 0.
On peut conclure que l'entropie S est une fonction d'état qui définit le sens d'évolu-
tion d'un système. C'est une propriété extensive du système. Le deuxième principe de
la thermodynamique postule que d;S n'est jamais négatif ; pour un processus réversible,
d,S = 0 ; pour un processus irréversible, d;S > 0.

1.2.3. IRRÉVERSIBILITÉ ET PRODUCTION D'ENTROPIE

L'irréversibilité est une notion générale qui s'applique quasiment à tous les systèmes ;
elle ne peut être dissociée du mouvement. Comme nous l'avons déjà signalé, les condi-
tions d'équilibre sont des idéalisations et décrivent les systèmes par extrapolation à
flux nul. PRIGOGINE insiste sur le fait que l'entropie rend compte de la flèche du temps
car contrairement à la notion utilisée en mécanique classique ou quantique, la ther-
modynamique des processus irréversibles est basée sur l'irréversibilité du temps. Les
processus irréversibles peuvent être considérés comme des courants appelés flux ther-
modynamiques J associés à des forces X, par exemple le flux de chaleur dû à une
20 BIOÉNERGÉTIQUE

différence de chaleur. Nous verrons des exemples lors de l'étude des oxydations phosphorylante

diS J dXk 0 ou diS/dt J dXk/dt [[1-8]]


k k

On peut prendre plusieurs exemples utilisant cette relation :


> le transfert de chaleur entre un réservoir chaud et un réservoir froid. On établit que
la production d'entropie est donnée par la relation d;S/dt = (1/T1 - 1/T2)) • dQ/dt.
Avec le temps les températures s'équilibrent, la force 1/T1 - 1/T2 et le flux dQ/dt
s'annulent à l'équilibre thermodynamique. La relation diS/dt > 0 indique que le
flux de chaleur ne peut aller du froid vers le chaud ;
le deuxième exemple est celui des réactions chimiques. Il nécessite l'introduction
de plusieurs notions :
le potentiel chimique,
» l'affinité,
» le degré d'avancement d'une réaction.

1.2.4. RELATION ENTRE LA PRODUCTION D'ENTROPIE, L'AFFINITÉ


ET LE DEGRÉ D'AVANCEMENT D'UNE RÉACTION CHIMIQUE

> GIBBS définit le potentiel chimique µ d'un élément comme la dérivée partielle de
l'énergie interne par rapport à la quantité de cet élément. Pour une substance k la
dérivée partielle s'écrit: LI^ = ((U)/(Nk)s,v,N (1e Nj en indice signifie que la com-
position du système est constante pour tout composé différent de k). La relation
suivante est restreinte aux systèmes à l'équilibre avec le milieu extérieur, condi-
tions qui permettent d'écrire dQ = T dS. On obtient alors la relation :
dU = T dS - p dV + S µ dN, [1-9]
Pour des réactions générales pouvant comporter des travaux autres que chimiques
et d'expansion on écrit la relation de GIBBS, relation fondamentale en thermody-
namique de l'équilibre :
dU = T dS - p dV + dE + a. dN, [1-10]
E représente les autres travaux reçus par le système. Une autre manière de la for-
muler est :
dU = T dS - p dV + W' [1-11]
où W', appelé aussi travail utile, représente les travaux autres que ceux dus à l'ex-
pansion du volume. Compte tenu du fait que l'on s'est placé dans les conditions
de réversibilité, cette valeur représente le travail maximum jamais atteint dans les
conditions réelles.
Dans les conditions où le flux réactionnel n'est pas nul, il y a, comme nous l'avons
vu, production d'entropie. Il est possible de relier ces deux paramètres. De même
que l'entropie est la somme de deux composantes, l'une liée aux échanges avec
l'extérieur et l'autre liée à la réaction chimique, DE DONDER propose que dN peut
1 - NOTIONS D'ÉNERGIE ET DE FLUX 21

se décomposer en deux termes : deN pour la variation de N due aux échanges entre
le système et le milieu extérieur selon un processus réversible et diN pour celle due
à la réaction chimique irréversible. Il aboutit ainsi à la relation diS = 1 /T µ dNj. s 0
dans la mesure où le flux réactionnel est déterminé uniquement par dN,. On peut
alors écrire que la production d'entropie par unité de temps est donnée par la
relation :
diS = - 1 / T Zfij diNj/dt > 0 [1-12]
II est possible de donner à cette expression une forme de produit entre un flux et
une force. Pour cela il est nécessaire d'introduire les notions d'avancement de réac-
tion et d'affinité.
> Soit la réaction suivante :
aA+bB — cC+dD,
on appelle avancement de la réaction d le rapport entre la variation du nombre
de moles du composé et son coefficient stœchiométrique d = - -dNa/a = - -dNb/b
= dNc/C = dNd/d. La dérivée par rapport au temps d/dt est la vitesse de la réac-
tion. Si la réaction se produit dans les deux sens, d/dt représente la différence
entre la vitesse aller et la vitesse retour, c'est-à-dire le flux réactionnel.
La relation diS = - 1/T 2 µ d;Nj/dt 0 devient :
d,S = 1 / T ( a µ A + b µ B - c µ c - d µ D ) d > 0.
En définissant l'affinité de la réaction par A :
A=-v,µ, [1-13]
(v représentant les coefficients stœchiométriques des réactifs et produits de la réac-
tion), on obtient la forme de l'expression reliant la production de l'entropie au pro-
duit d'un flux thermodynamique d/dt par une force thermodynamique A :
diS/dt = ((A/T)d/dt s» 0 [1-14]
Cette formulation relie le flux de la réaction à la production d'entropie. Elle exprime
l'idée fondamentale qu'il ne peut pas y avoir un flux net sans production d'entro-
pie ou, pour reprendre une formulation précédente, l'augmentation d'un flux
s'accompagne d'une diminution du rendement pour un phénomène donné. Nous
verrons les conséquences de ces conclusions dans le chapitre 8 traitant des oxy-
dations phosphorylantes.

1.2.5. PROBABILITÉ ET ENTROPIE

La fonction entropie peut aussi s'exprimer en terme de probabilité. Pour illustrer cette
notion on prendra l'exemple suivant : on dispose de N éléments identiques se
distribuant dans un récipient. N1 éléments occupant une moitié du récipient et N2
éléments l'autre moitié. Le nombre de combinaisons possibles est donné par la
relation P = N!/N1 ! N2! avec la valeur la plus élevée pour N1 = N2. La probabilité
d'existence d'un système est donnée par le nombre de façons 0 de le réaliser ; plus
22 BIOÉNERGÉTIQUE

ce nombre est grand, plus l'état est probable. Le système évoluant dans le sens de
l'augmentation de l'entropie se définit alors comme suit :
S = k.In [1-15]
k étant la constante de BOLTZMANN. Comme le nombre de configurations est très
grand on utilise le logarithme de
Sous cette forme il est aisé de constater que l'entropie est une grandeur extensive car,
comme le volume ou le nombre de molécules, elle possède des propriétés d'additivité. On peut

manière que la production de travail implique, dans le cas d'une machine à vapeur,
un flux thermique du réservoir chaud vers le froid, donc une homogénéisation des
températures, les phénomènes moléculaires évoluent spontanément vers un état iden-
tique qui implique un plus grand désordre, moins de contraintes ou plus de degré
de liberté. Cette notion est à prendre avec prudence car l'entropie peut être au contraire
source de structuration. PRIGOGINE dans son livre La f i n des certitudes donne l'exemple
suivant : une enceinte close contient de l'hydrogène et de l'azote ; une partie de l'en-
ceinte est chauffée et l'autre refroidie ; il s'établit un état stationnais dans lequel la
concentration en hydrogène est plus élevée dans la partie chaude et celle en azote
plus élevée dans la partie froide. Ainsi, l'entropie produite par le flux de chaleur, qui
est un phénomène irréversible, conduit à l'hétérogénéité du mélange. Nous verrons
qu'en chimie, les doubles liaisons conjuguées, causes de délocalisation des électrons
(équivalente à un désordre), augmentent la stabilité de la molécule.

2.2.6. VARIATION D'ENTHALPIE LIBRE LIÉE À L'ÉVOLUTION D'UN SYSTÈME

On définit d'autres fonctions d'état, composées de fonctions et de variables d'état


telles que :
> l'énergie libre d'HELMOTZ F=U-TS [1-16]
> l'énergie libre de GIBBS ou enthalpie libre G = H - TS [1-17]

Pour des systèmes fermés et des transformations purement thermomécaniques on


peut écrire à température constante que dF = dQ - pdV - TdeS - TdiS ; si V est main-
tenu constant, et comme pour les systèmes fermés on sait que dQ = TdeS, on obtient
la relation :
dF = -TdiS 0 [1-18]
A température et pression constantes on utilisera la fonction G et il est facile de mon-
trer que :
dG = -TdiS 0 [1-19]
Comme l'entropie interne d'un système S; tend vers un maximum, les fonctions F et
G tendent vers un minimum ; c'est pourquoi, par analogie avec l'énergie potentielle
en mécanique classique, ces fonctions ont reçu le nom de potentiel thermodynamique.
Les fonctions thermodynamiques évoluent donc soit vers un maximum (l'entropie),
soit vers un minimum (F, G), c'est ce que l'on appelle le principe d'extremum. Une des
1 - NOTIONS D'ÉNERGIE ET DE FLUX 23

conséquences de ce principe est que lorsqu'une perturbation éloigne le système


de l'équilibre, les processus irréversibles l'y ramènent. Cependant, comme mentionné
ci-dessous, ce principe ne s'applique pas toujours aux systèmes loin de l'équilibre.
Pour les réactions chimiques, qui s'effectuent généralement à température et à pres-
sion constantes, on utilise la fonction G pour prédire le sens de la réaction. L'équation
de GIBBS pour ce type de réaction s'écrit comme nous l'avons vu (équation [1-9])
dU = T dS - p dV + , µ, dNj, ; en remplaçant dU par cette expression dans la dérivée
de l'équation [1-17] on obtient :
dG = Vdp - S dT + , µ dNj
Nous pouvons écrire les dérivées partielles suivantes : (G/p)T,N = V, (G/T)p,N = - S
et (G/Nj)T,p = µj, les quantités de molécules autres que «j» restant constantes
(il existe donc autant de dérivées partielles de ce type que de molécules différentes
composant le système).
La relation devient dG = (G/p)T,N dp + (G/T)p,N dT + (G/Nk)Tp d N j
A p et T constantes on obtient donc la relation suivante :
dGp,T = Z, µ dNj, ou Gp,T=µ,Nj [1-20]
D'après la définition du degré d'avancement d'une réaction, qui relie le nombre de
molécules aux coefficients stœchiométriques de la réaction, l'expression µ dNj, peut
s'écrire sous la forme (v,µ,)d On définit ainsi le G d'une réaction comme la varia-
tion d'enthalpie libre pour une unité d'avancement de la réaction se produisant à concen-
tration constante des réactifs et produits.
Gp,T = (v, µj)d [1-21]
II ne correspond pas à une différence d'énergie entre deux états, comme pourrait le
laisser croire l'utilisation du symbole A, mais au travail maximum que peut effectuer
le système, c'est-à-dire dans les conditions d'équilibre avec le milieu extérieur. On
peut aussi le définir comme la dérivée partielle de l'enthalpie libre par rapport au
degré d'avancement de la réaction à p et T constantes, c'est-à-dire comme la pente
de la tangente à la courbe exprimant G en fonction de (figure 1.4). Cette grandeur
n'est utilisable que dans des états stationnaires de concentration (µ constant), ce qui
semble être le cas le plus fréquent dans la cellule. On constate que G = - A d et,
selon la relation entre l'affinité d'une réaction et la création interne d'entropie, on
peut écrire que G sa 0 (il est à noter que certains auteurs donnent à l'affinité une
expression différente de sorte que G = - A ; nous présentons celle décrite dans le
livre de PRIGOGINE et KONDEPUDI).
Tel que nous l'avons défini, G s'applique à des systèmes homogènes et à l'équilibre
avec le milieu extérieur, donc à des systèmes réversibles au sens thermodynamique
du terme (en chimie le terme réversible a un sens différent ; on appelle réaction réver-
sible une réaction qui n'est pas nécessairement à l'équilibre mais dont on peut chan-
ger le sens par modification des substrats et produits ; certains auteurs préfèrent
utiliser, dans ce cas, le terme de renversable). Comme déjà mentionné, tout système
24 BIOÉNERGÉTIQUE

fermé évolue vers son point d'équilibre, donc vers un état d'énergie minimum
où (G/d)T,p = 0. On en arrive à la règle bien connue pour les réactions chimiques :
> pour G < 0, la réaction est spontanée ; la réaction est dite exergonique ;
> pour G = 0, la réaction est à l'équilibre ;
> pour G > 0, la réaction est impossible dans le sens considéré mais spontanée
en sens inverse ; la réaction est dite endergonique.

G=0 1.4 - Variation de la fonction G


en fonction de l'avancement
Avancement de la réaction pour une fonction chimique

3.2.7. POTENTIEL CHIMIQUE, LOI D'ACTION DE MASSE


ET CONSTANTE D'ÉQUILIBRE D'UNE RÉACTION

1.2.7.1. Expression du potentiel chimique


Nous examinerons successivement les cas des potentiels chimiques des gaz parfaits
et des solutions. On ne fera que préciser l'origine des relations thermodynamiques
classiques sans entrer dans le détail des développements mathématiques. On préci-
sera aussi les limites de leur application en biologie.
Le potentiel d'un gaz parfait est déterminé à partir de la relation pV = nRT. En défi-
nissant la pression partielle d'un gaz «j» dans un mélange gazeux comme la pression
qu'aurait ce gaz s'il occupait à lui seul et à la même température l'ensemble du volume,
on écrit pjV = njRT. On peut alors montrer qu'à température et à nombre de moles
constants :
dG, = n j R T d p j / p j
et, par intégration entre deux valeurs de pression, on obtient :
G, = Gj0 + n j R T 1 np j / p j 0 0 .
Gj0 représente la valeur de G, pour une valeur du rapport pj/pj0 0 égale à 1.
Comme G, = µ,nj on arrive à la relation : µ = µj0 + RT In pj/pj0 avec µj0 = Gj0/nj. En
prenant comme référence pj° = 1 atmosphère, on obtient la relation finale :
µj = µj° + RT m pj [1-22]
qui correspond à l'écriture simplifiée de µ, = µj0 + RT In pj/1 où le rapport est par défi-
nition sans dimension.
Dans le cas des solutions diluées on montre que le potentiel chimique d'une sub-
stance j est donné par la relation LI, = µj° + RT In N j Nj étant la fraction molaire du
1 - NOTIONS D'ÉNERGIE ET DE FLUX 25

constituant j, Nj = nj/n. Si Nj = \, on obtient µj = µj°. Ainsi le potentiel chimique stan-


dard d'un constituant j est le potentiel chimique du constituant pur dans les condi-
tions standard (à 298 K et à une pression de 1 atmosphère). C'est pourquoi, dans une
solution diluée, on peut assimiler pour le solvant la fraction molaire à 1. Les solutions
diluées sont considérées comme des solutions idéales, c'est-à-dire des solutions où
les interactions entre molécules de soluté sont négligeables et où les interactions entre
molécules de solvant ne sont pas perturbées par le soluté. Pour des solutions non-
idéales on écrit :
µ, = µAj0 + RTIna, [1-23]
Le terme aj est l'activité, c'est-à-dire la fraction molaire multipliée par un coefficient
d'activité Y, qui rend compte de l'écart existant entre la solution réelle et celle définie
dans les conditions idéales.
a, = N j [1-24]
Dans les conditions idéales on a = 1. On peut utiliser comme unité la fraction molaire,
la molalité ou la molarité. La valeur du potentiel standard dépendra de l'unité choi-
sie ; en biologie on utilise la molarité comme unité de mesure. D'une façon générale
le potentiel standard est défini comme l'état dans lequel l'activité de la substance
considérée est égale à 1. Dans tous les cas l'activité est une grandeur sans dimension
car il s'agit d'une fraction (ou d'un multiple) de l'état standard. Cependant, il est
impératif d'utiliser les concentrations de départ en «molaire» (et non pas mM ou µ.M)
car l'état standard est exprimé en molarité ! Le potentiel chimique s'exprimera donc
en joules. mole-1.
Comme, d'une part, les milieux biologiques ne correspondent pas aux conditions
idéales et, d'autre part, on ne peut pas déterminer les coefficients d'activité, on uti-
lise la molarité pour ces relations et celles données dans le prochain paragraphe. Il
faut donc être conscient de l'approximation qui est faite. A chacun d'intégrer ces dif-
ficultés, elles ne seront pas rappelées pour chaque exemple numérique.

1.2.7.2. Loi d'action de masse et constante d'équilibre


Pour expliciter la relation entre AGp T et les concentrations en substrats et produits,
prenons la réaction générale suivante :
aA + bB — cC + dD
Compte tenu de la définition de Gp_T (équation [1-21]), on peut écrire :
GT,p = aµa + bµb - ça, - dµd et G° = aµa°0 + bµb0 - cµc° - dµd°
En remplaçant les potentiels chimiques par leur expression (équation [1-23]) et en
assimilant les concentrations aux activités, on aboutit à la relation bien connue :
GT,p = G° + R Tl n [ C ] c [ D ] t l / [ A ] a [ B ] b[1-25]
Dans la suite de ce manuel on n'indiquera plus les indices «T» et «p» mais il est
convenu que, sauf mention contraire, le G est toujours utilisé à température et à
pression constantes. On utilisera aussi les symboles G' et G0' qui signifient que les
mesures sont effectuées à pH 7.
26 BIOÉNERGÉTIQUE

Reprenons l'étude de la relation [1-25]. A l'équilibre de la réaction on peut écrire :


G = G° + R TIn[C]c[D]d/[A]aBb1'= 0
d'où : G° = - RT In [C]ceq [D]deq/ [A]aeq [B]beq
En définissant la constante d'équilibre Keq comme le rapport des concentrations à
l'équilibre on obtient :
G° = - R T I n K e q [1-26]
Une conclusion fondamentale de cette relation est que la constante d'équilibre dépend
de la température (cf. § 1.2.7.3).
En introduisant cette relation dans l'expression de G, on obtient :
GT,p = R Tln[C]c[D]d[A]aeq[B]beq/[A]a[B]bln[C]ceq[D]tieq[1-27]
Cette formulation montre clairement que le sens de la réaction est donné par l'état
du système, défini par les concentrations en substrats et produits, par rapport à celles
correspondant à l'équilibre.
Il est possible d'ailleurs d'arriver aux mêmes conclusions à partir d'observations expé-
rimentales à la base d'un principe connu sous l'appellation «loi de LE CHÂTELIER».
Cette loi énonce que toute perturbation d'un équilibre chimique induit la réaction à
évoluer dans le sens s'opposant à cette perturbation. Cet énoncé n'est que l'expres-
sion particulière appliquée à une réaction chimique du principe général postulant
que tout système évolue vers son équilibre. Il permet de prévoir le sens d'évolution
d'un système en comparant le rapport des concentrations réelles à celui des concen-
trations à l'équilibre. Appliquons cette règle empirique à la réaction :

II en ressort que, lorsque [B]/[A] < [B]eq/[A]eq, la réaction évolue de A vers B, et


lorsque [B]/[A] > [B]eq/[A]eq, la réaction évolue de B vers A.
Si on pose R = [B]/[A]/[B]eq/[A]eq, on écrit pour :
> R = 1, le système est à l'équilibre (correspondant à GT,p = 0) ;
> R < 1, le système évolue de A vers B (correspondant à GT,p < 0) ;
> R > 1, le système évolue de B vers A (correspondant à GT,p > 0).
L'analogie avec le formalisme thermodynamique paraît évidente.

1.2.7.3. Dépendance de la constante d'équilibre


par rapport à la température
De la relation [1-26], G" = - RT In Keq, on tire In Keq = G 0 /- RT,
soit :
In Keq = -(H°-TS°)/RTou I nKeq= [H0 (1/T)-S°]/R
En dérivant cette expression uniquement par rapport à la température on obtient la
relation :
dInKeq/dT = H°/RT22 [1-28]
1 - NOTIONS D'ÉNERGIE ET DE FLUX 27

Cette relation est importante car elle permet la détermination de H0 en mesurant


la constante d'équilibre à plusieurs températures. On peut alors en déduire AS0 car
AS0 = (H0 - G°)T.

1.2.7 A. Relation entre G et vitesse de réaction


Pour la clarté de ce qui suit, nous reprenons l'exemple de la réaction précédente
A B, caractérisée par sa constante d'équilibre Keq = [B]eq/[A]eq. Les constantes
cinétiques et les vitesses de la réaction dans les sens aller et retour sont dénommées res-
pectivement k1, k_1, v1 et v_1. L'équilibre chimique est défini pour v1 = v_1, c'est-à-dire :
k1 [[A]eq = k_1 [[B]eq d'où Keq = k1/k_1
La constante d'équilibre exprime donc à la fois un rapport de masses et un rapport de
constantes de vitesses. Cette évidence est à la base des relations existant entre ther-
modynamique et cinétique. On peut formaliser cela de la manière suivante :
G = - RT In Keq + RT In [B]/[A]
= RT In k_1/k1 + RT In [B]/[A]
d'où :
G = RTInv-1/V1
d'où l'expression du flux réactionne] :
v1 - v_1 = v1 [ 1 - exp(GT,p/RT)] [1-29]
Cette réaction est intéressante car elle montre, comme nous le verrons dans le para-
graphe suivant, que le flux dépend à la fois des paramètres thermodynamiques et des
paramètres cinétiques. Mais elle se limite au domaine où le système est à l'équilibre
avec le milieu extérieur et ne se substitue pas aux relations présentées ci-dessous.

1.2.8. THERMODYNAMIQUE DES SYSTÈMES HORS DE L'ÉQUILIBRE

L'étude des systèmes hors de l'équilibre est rendue possible car, dans la plupart des
situations, on peut admettre qu'ils sont localement à l'équilibre.
Dans ces conditions :
> les variables intensives telles que T, p ou µ sont fonction de la position et du temps ;
> les variables extensives S, U ou Nk sont remplacées par des densités et sont expri-
mées par unité de volume.
On distingue deux types de domaine : le domaine près de l'équilibre ou domaine linéaire
et le domaine loin de l'équilibre. La différence fondamentale entre ces deux domaines
est qu'ils répondent différemment à des fluctuations. Pour le premier de ces domaines,
comme pour les systèmes à l'équilibre, le système revient à son état initial après une
perturbation ; c'est la loi de LE CHÂTELIER ou le retour du pendule à la position ver-
ticale. Par contre, dans le second cas, correspondant à un plus grand éloignement de
l'équilibre, une perturbation peut faire évoluer le système vers des états qui l'éloignent encore plu
28 BIOÉNERGÉTIQUE

Près de l'équilibre, les flux et les forces sont liés par des lois linéaires. En partant de
l'équation [1-8], on écrit que la production d'entropie par unité de volume est don-
née par la somme des produits des différentes forces et de leur flux conjugué (on
appelle f l u x conjugué celui directement lié à une force comme, par exemple, un flux
de chaleur entre deux réservoirs de températures différentes).
= JkXk [1-30]
A l'équilibre forces et flux s'annulent ; il est donc raisonnable d'écrire que, près de
l'équilibre, les flux seront des fonctions linéaires des forces. L'exemple le plus clas-
sique est la loi d'OHM 1 = (1/R)V, où le flux (intensité du courant) est linéairement
proportionnel à la force (la différence de potentiel électrique).
Un point fondamental traité par ce formalisme est lorsqu'une force, à l'origine d'un
flux, peut produire d'autres flux. C'est le principe du couplage, à la base de l'éner-
gétique cellulaire. Mais ces couplages sont aussi rencontrés dans le monde inanimé
(effet thermoélectrique par exemple), ce qui montre si besoin était que la biologie n'a
pas de lois physiques particulières. Supposons deux flux couplés J1 et J2 avec leurs
forces correspondantes X1 et X2 on écrit :
J1 = L1.1X1+L1.2X2 et h = L2.2X2 + L2.1X1 [1-31]

1.5 - Couplage entre deux flux


dans un transducteur

Les coefficients L sont appelés coefficients phénoménologiques ; ils relient flux et


forces (figure 1.5 et équations [1-31]). Sur la figure et dans les équations on n'a repré-
senté que deux termes mais il peut en exister plusieurs. On distingue deux types de
coefficients, celui liant un flux à sa force et celui (ou ceux) associé(s) à la force (aux
forces) de l'autre (des autres) flux ; ils sont appelés coefficients de couplage. Ces rela-
tions entre flux et forces apparaissent particulièrement simples car les coefficients
regroupent tous les paramètres autres que la force, et en particulier les caractéris-
tiques cinétiques qui peuvent être complexes dans le cas de réactions enzymatiques.
Comme nous aurons l'occasion de le signaler ces coefficients peuvent varier avec
l'état stationnaire considéré, ce ne sont pas des constantes ! On peut aussi écrire, en
se servant des coefficients de résistance R, que :
X1=R1,1J1+R1.2j2 et X2 = R2.2J2 + R2.1J1 h [1-32]
Le couplage entre les deux flux peut n'être que partiel (ce qui est le cas, comme nous
le verrons, pour les oxydations phosphorylantes), d'où l'introduction du facteur de
couplage q (voir ci-dessous). Le domaine linéaire correspond à des états stationnai res
stables pour lesquels la production d'entropie est minimum. C'est dans ce domaine
1 - NOTIONS D'ÉNERGIE ET DE FLUX 29

que s'appliquent les relations de réciprocité d'ONSAGER qui permettent de simplifier


les équations en postulant l'égalité des coefficients de couplage : L1.2 2 = L2.1. A partir
des équations linéaires il apparaît que la valeur du flux 2 entraîné par la force 1 dépend
des coefficients phénoménologiques. On peut alors définir le facteur de couplage :
q2,1 = L1.2/L1.1 - V L-2,2 [1-33]
Si l'on est dans le domaine de validité des lois d'ONSAGER, on peut écrire q2.1 = q1.2 2 •
Le coefficient q est compris entre - 1 et + 1 (les signes + ou - indiquent quel flux
entraîne l'autre). Pour ces deux valeurs limites le couplage entre les deux flux est total
et les deux systèmes peuvent être décrits comme un seul système avec ses coefficients
stœchiométriques ; c'est en général le cas pour les réactions purement chimiques. En
biologie, comme nous aurons l'occasion de le voir, des réactions chimiques peuvent
être couplées à des mouvements vectoriels de molécules ou d'ions, phénomènes phy-
siques par essence ; dans ces cas le rendement peut être compris entre ces deux valeurs
limites. Pour q = 0 les flux sont découplés l'un de l'autre.
Lorsque le couplage est total, la stœchiométrie phénoménologique de la réaction est
dite stœchiométrie mécanistique et dénotée Z. D'une façon générale, la stœchiométrie
observée, produit de la stœchiométrie mécanistique par le facteur de couplage, est
égale au rapport des flux lorsque la force de retour est nulle :
qZ = (J2/J1)x2=o [1-34]
Par ailleurs, il a été montré que le coefficient de couplage peut être obtenu par la
relation :
(J1)J2=0/(J1)x2=o = 1 - q2 [1-35]
c'est-à-dire par le rapport entre le flux d'entrée pour un flux de sortie nul (dénommé
static head par les anglo-saxons) et ce même flux d'entrée pour une force de sortie
nulle (Ievelflow).Il ne faut pas confondre le coefficient de couplage avec l'efficacité
d'une transformation qui est égale au rapport du produit du flux par la force
n = -J2X2/J1Xi. Nous verrons l'utilisation qui a été faite de cette thermodynamique
et ses limitations dans le chapitre traitant des oxydations phosphorylantes.
Les lois de la thermodynamique que nous avons brièvement exposées jusqu'à pré-
sent sont régies par les principes d'extremum, exprimant le fait que les systèmes
évoluent vers l'état d'équilibre (augmentation de l'entropie, diminution des fonc-
tions F ou G). Il n'en est pas de même pour la thermodynamique non-linéaire, loin
de l'équilibre. De petites fluctuations peuvent produire des effets imprévisibles qui
éloignent encore plus le système de son équilibre. Les états stationnaires ne sont pas
stables et les fluctuations peuvent conduire à des comportements complexes comme
les oscillations ou à des états plus organisés. On ne peut donc pas assimiler la pro-
duction d'entropie à l'augmentation du désordre. Comme PRIGOGINE l'a énoncé, le
passage vers des états organisés à la suite de fluctuations peut être décrit comme un ordre
par fluctuations. Ces structures organisées sont le résultat de phénomènes dissipatifs. C'est
pourquoi il est naturel de leur donner le nom de structures dissipatives. Il est nécessaire
de connaître l'existence de cette partie de la thermodynamique, qui peut être utile à
30 BIOÉNERGÉTIQUE

la compréhension de certains phénomènes complexes, mais nous n'aurons pas


l'occasion de l'utiliser dans les limites de cet ouvrage, même si des oscillations ont
été mises en évidence dans des systèmes métaboliques comme la glycolyse.

1.3. CONCLUSIONS
II est souvent difficile de se représenter la signification des différentes fonctions ther-
modynamiques et leur utilité en biochimie ; cela tient au côté aride de son forma-
lisme. Il s'agit d'une science rigoureuse et ses domaines de validité sont bien définis.
Malheureusement, les conditions biologiques ne sont pas souvent propices à une
application numérique de ces lois. D'une part, la thermodynamique appliquée à la
chimie concerne les systèmes comportant un grand nombre de molécules ; ce sont
des données statistiques. D'autre part, le plus souvent pour des questions de com-
modité, les chercheurs considèrent certains systèmes comme étant près de l'équilibre
thermodynamique sans en avoir toujours la preuve. Ces deux points limitent donc
la portée de certains calculs numériques (même ceux présentés dans ce livre !) et il
faut en avoir conscience. Nous rappelons ces difficultés à certains passages du livre,
mais c'est au lecteur d'appliquer son propre jugement.
Faut-il alors étudier la thermodynamique ? La réponse est oui, si l'on y recherche
plus des concepts que des applications numériques. Rappelons ici des points impor-
tants qui ne sont pas toujours mis en relief dans la littérature biologique.
Le deuxième principe de la thermodynamique est généralement présenté en chimie
sur des bases probabilistes et concerne les systèmes comportant un grand nombre de
molécules. Historiquement, il découle de la machine thermique décrite par CARNOT,
qui est plus proche de certains systèmes biologiques organisés que ne le sont ceux
composés de molécules en solution. Nous avons vu que le rendement maximum de
la machine s'obtient par extrapolation à vitesse nulle, c'est-à-dire dans les conditions
de l'équilibre thermodynamique.
Dans les conditions de non-équilibre il y a «dégradation» d'une partie de l'énergie
qui, dans le cas de la machine thermique, correspond à une production de chaleur
par les frottements de la machine. Ce deuxième principe complète le premier qui pos-
tule que l'énergie d'un système isolé est constante. Cette dégradation de l'énergie
conduit à la définition d'une fonction d'état essentielle, l'entropie.
La production d'entropie est liée à la vitesse de la transformation (relation [1-14]).
Cela traduit le fait que la vitesse dépense de l'énergie et que, pour une machine, cela
s'accompagne d'une perte de rendement. Ce principe est explicité dans le formalisme
de la thermodynamique linéaire, hors de l'équilibre qui relie flux et rendement de la
transformation.
Ces concepts seront utilisés, surtout au chapitre 8, mais pour présenter les bases de
la bioénergétique, et notamment les différentes formes de l'énergie dans les trois cha-
pitres suivants, la thermodynamique de l'équilibre reste un outil incontournable.
Chapitre 2

L'ÉNERGIE OSMOTIQUE

L'énergie osmotique correspond à une différence de potentiel chimique ou électro-


chimique de part et d'autre d'une membrane. Elle représente une part importante de
l'énergie cellulaire et intervient dans des phénomènes aussi variés que les transports
actifs, la régénération de l'ATP par les mitochondries et les chloroplastes, la trans-
mission des influx nerveux, certains systèmes de motilité cellulaire, etc. Dans ce cha-
pitre nous décrivons la nature physico-chimique de cette énergie ainsi que certaines
utilisations, notamment dans le cas des transports actifs, mais il en sera question tout
au long de cet ouvrage.

2.1. EXPRESSION THERMODYNAMIQUE


Pour les substances non-chargées la situation est illustrée par l'expérience suivante.
Soit un aquarium constitué de deux compartiments séparés par une membrane per-
méable à une substance A (figure 2.1). La substance est ajoutée dans le comparti-
ment 1. Elle diffusera de 1 vers 2 jusqu'à ce que les concentrations en A s'équilibrent
de part et d'autre de la membrane. L'équilibre signifie que la vitesse de diffusion de
A de 1 vers 2 est égale à celle de 2 vers 1. Autrement dit, le flux passant dans le sys-
tème, défini comme la différence entre la vitesse aller et la vitesse retour, est nul.

(1) (2) (1) (2)

A-

C+

2.1 - Diffusion d'une substance 2.2 - Diffusion d'un ion


non-chargée A anion non-perméant, C+ cation perméant
Comme nous l'avons vu précédemment le déséquilibre d'un système est source d'éner-
gie ; une différence de concentration transmembranaire est une énergie osmotique.
Pour formaliser cette situation, on utilise le potentiel chimique [la d'une, substance A,
à température et pression constantes.
µa = µa° + R T l n ( a ) [2-1]
En fait, la grandeur intéressante est la différence de potentiel chimique pour cette
substance entre les deux phases séparées par la membrane qui s'exprime ainsi :
32 BIOÉNERGÉTIQUE

µa2 = µa2-µa1 ou µa = RT ln(a2)/(a1) [2-2]


0
(on admet que le potentiel chimique standard µa est le même de part et d'autre de
la membrane).
Cette grandeur s'exprime en joule. mole-1 et correspond au travail effectué par une
mole de A diffusant de 1 vers 2 lorsque l'activité de A est respectivement égale à (a1)
et (a2). On définit les situations suivantes :
(a1) = (az), µa = 0, le système est à l'équilibre.
(a1) > (a2), µa < 0, le système évolue de (1) vers (2).
(a1) < (a2), µa > 0, le système évolue de (2) vers (1).
Dans le cas des anions et des cations diffusibles la situation est plus complexe puis-
qu'il faut prendre en compte la charge électrique de ces substances. Reprenons l'exemple
de l'aquarium séparé en deux compartiments par une membrane. Un sel, composé
par exemple d'un anion (A-) et d'un cation (C+ monovalents, est introduit dans le
compartiment 1.
Trois cas sont successivement examinés.
> Premier cas : La membrane est seulement perméable au cation (figure 2.2). C+ dif-
fuse sous l'effet de la différence de concentration mais l'équilibre est atteint alors
que les concentrations en cation de part et d'autre de la membrane restent très dif-
férentes. Essayons d'en déterminer la raison : en diffusant le cation crée un déficit
en charges positives dans le compartiment 1 et au contraire un excès dans le com-
partiment 2, établissant ainsi une différence de potentiel électrique transmembranaire ou A1

2 vers 1. Lorsque cette force devient égale en valeur absolue à celle contenue dans
la différence de concentration en cation de part et d'autre de la membrane, les
vitesses de diffusion en sens aller et retour sont égales et le système est à l'équi-
libre. Dans le formalisme thermodynamique on définit, à température et pression
constantes, le potentiel électrochimique de l'ion dans une phase par la relation :
µi = µi° + R Tl n [ i ]+ z F [2-3]
4
où z est le nombre de charge de l'ion (+ 1 pour C , + 2 pour C2+ , -1 pour A-...) et
F la constante de FARADAY qui est exprimée en coulomb par mole (96 500 C mole-1,
qui correspondent à la charge élémentaire de l'électron multipliée par le nombre
d'AVOGADRO). La différence de potentiel électrochimique entre les deux phases est
alors :
µi(2-i) = R TIn[i 2 / [ i 1 ]+ zF(2-1) [2-4]
A l'équilibre la différence de potentiel électrochimique est nulle, ce qui donne la
relation :
(2-1) = - R T / z F I n [ i 2 ] / [ i 1 ] [
connue sous le nom de relation de NERNST. Elle traduit le fait déjà mentionné que
l'équilibre est atteint lorsque la force électrique est égale et de signe contraire à la
force contenue dans la différence de concentration.
2 - L'ÉNERGIE OSMOTIQUE 33

Elle est utilisée pour déterminer la différence de potentiel électrique de part et


d'autre d'une membrane. Nous traiterons de ce point en 8.2.2.
La différence de potentiel électrochimique transmembranaire en protons sera très
utilisée dans ce livre car elle est considérée comme l'intermédiaire énergétique
entre oxydations et phosphorylations membranaires et comme source d'énergie
pour les transports actifs dans les organelles. En prenant l'expression générale de
la différence électrochimique en ion on peut écrire :
µH+(2-1) = R TIn[H+2]/[H+1]+ F(2-1)
soit: µH(2-1) = F(2-1)) - R T p H ( 2 - 1 ) ) [2-6]
II est à remarquer que les valeurs absolues de ces deux termes s'ajoutent.
Prenons l'exemple d'un déséquilibre produit par un mouvement de protons
du compartiment 2 vers le compartiment 1 : la différence de potentiel électrique
(2-1) = 2 - 1 est négative et pH(2-1) positif, donc le signe négatif le précédant
lui donne une valeur négative ; autrement dit, les valeurs absolues des deux para-
mètres s'ajoutent. Le sens du transfert est toujours noté en indice des paramètres.
P. MITCHELL, qui a formulé la théorie chimio-osmotique des oxydations phosphorylantes (ch

p = µH+(2-1)/F = (2-1) - R T / F pH(2-1) [2-7]


> Deuxième cas : La membrane est également perméable au cation et à l'anion. Dans
ces conditions l'équilibre thermodynamique est atteint lorsque les concentrations
sont égales dans les deux compartiments, contrairement au cas décrit précédem-
ment. Cela s'explique par le fait que les charges de l'anion et du cation s'annulent
et que l'ensemble du système se comporte comme une substance non-chargée. La
diffusion est électroneutre (pour des exemples, voir § 8.3.1).
> Troisième cas : L'anion et le cation sont perméants mais avec des coefficients de
perméabilité P différents. Supposons que PA- > PC+- Au début de l'expérience
l'anion diffuse plus vite que le cation créant un potentiel transmembranaire néga-
tif en 2 ; ce potentiel stimule la diffusion du cation et au contraire ralentit celle de
l'anion. La valeur absolue du potentiel augmente avec le temps jusqu'à ce que la
vitesse de diffusion du cation devienne égale à celle de l'anion. Ce potentiel est
appelé potentiel de diffusion et se maintiendra tant que les concentrations en ions
resteront constantes de part et d'autre de la membrane (pour la commodité de l'ex-
plication on admet que les compartiments sont des réservoirs infinis et miment
ainsi un état stationnais de concentration ; dans la cellule la composition ionique
est maintenue par des pompes spécifiques, voir § 3.1.4).

2.2. TRANSPORTS ET TRANSPORTEURS


2.2.1. GÉNÉRALITÉS
II existe trois modes de passage d'une molécule à travers une membrane : la diffu-
sion simple, la diffusion facilitée et le transport actif.
34 BIOÉNERGÉTIQUE

> Dans la diffusion simple il n'y a pas d'interaction spécifique entre la molécule
diffusant et la membrane. Comme cette dernière constitue une barrière hydrophobe, seule

perméabilité. La vitesse de diffusion d'un soluté est linéairement proportionnelle


à la différence de concentration entre les deux compartiments ; le coefficient de
proportionnalité est appelé coefficient de perméabilité, désigné généralement par P.
Il a pu être montré que P est d'autant plus grand que le coefficient de partage de
la substance considérée entre une phase aqueuse et une phase lipidique (système
eau-huile d'olive) est grand ; plus la substance est soluble dans les lipides plus
grand est le coefficient P de la substance considérée.
Les acides ou les bases faibles, sous leur forme neutre, sont solubles dans les sol-
vants organiques mais ne le sont pas sous leur forme chargée ; c'est pourquoi la
forme diffusante est uniquement la forme non-chargée. Cette propriété est utilisée
pour mesurer les pH transmembranaires (cf. § 8.2.2).
La charge globale d'une molécule n'est pas suffisante pour déterminer son degré
de perméabilité ; le facteur important est la densité de charge électrique. Plus elle
est élevée, moins la molécule est perméante. Par exemple certains acides faibles
organiques ont une structure comportant un réseau de doubles liaisons conjuguées
qui permet une répartition de la charge sur une grande partie de la molécule ; ils
sont alors perméants aussi bien sous leur forme chargée (dissociée) que non-char-
gée. Un raisonnement identique peut être fait pour les bases faibles. Ces considé-
rations sont importantes pour prévoir la perméabilité d'une molécule (drogue,
médicament) et pour comprendre le mode d'action des protonophores (cf. § 8.2.2).
Cependant la plupart des ions, et particulièrement les ions minéraux (K+, Na+
CL...), ont une densité de charge élevée et leur passage à travers une membrane
biologique nécessite l'existence de structures spécifiques (transporteurs ou canaux).
> La diffusion facilitée, ou transport passif, correspond à un transport catalysé par
une protéine appelée transporteur ; la molécule est transportée dans le sens de sa
différence de potentiel chimique ou électrochimique. Le transporteur est dans ce
cas un simple catalyseur dans la mesure où l'énergie, comme dans le cas de la dif-
fusion simple, est contenue dans la différence de potentiel transmembranaire de
l'espèce transportée. Son rôle est d'abaisser l'énergie d'activation du transport et
d'en augmenter ainsi la probabilité. Cette énergie d'activation peut être assimilée
à l'énergie requise pour faire passer la molécule transportée de la phase aqueuse
à la phase hydrophobe de la membrane.
Le transport actif correspond à une accumulation de la molécule contre son poten-
tiel, ce qui nécessite un couplage au niveau du transporteur entre le processus
endergonique et un processus exergonique ; il ne s'agit donc pas d'une simple
catalyse. Supposons une substance A en solution, dont le potentiel (chimique ou
électrochimique) dans le compartiment 1 est supérieur à celui de cette même sub-
stance dans le compartiment 2, et une substance B à l'équilibre (égalité des poten-
tiels) (figure 2.3). Le système A va évoluer pour atteindre son équilibre défini par
2 - L'ÉNERGIE OSMOTIQUE 35

Alla = 0. Maintenant, faisons en sorte de coupler les mouvements de A et de B,


c'est-à-dire lorsqu'une molécule de A passe d'un compartiment à l'autre, une molé-
cule de B l'accompagne obligatoirement. La substance A va migrer dans le sens
de son potentiel et, en conséquence, forcer B à évoluer contre son potentiel. Il en
résulte qu'une partie de l'instabilité en A est transformée en instabilité en B. Le
mouvement net cesse lorsque la force motrice contenue dans le déséquilibre en A
est égale et de sens contraire à la force de rappel contenue dans le déséquilibre
en B. Dans le formalisme thermodynamique, on écrit qu'à l'équilibre la somme
des deux potentiels est égale à 0 :
µa + µb = 0 avec µa et µb # 0
alors qu'en absence de couplage nous avions à l'équilibre : µa = 0 et µb = 0.

A A A

µa
OU
µb

Etat initial Etat intermédiaire Equilibre couplé

2.3 - Transport couplé de deux molécules A et B :


variation du potentiel chimique ou électrochimique
Le couplage peut s'effectuer par transport simultané d'un métabolite et d'un cation
au niveau d'une même protéine membranaire (cf. transport actif du glucose ci-des-
sous), il s'agit alors d'un cotransport. Il peut aussi correspondre à des échanges entre
deux ions, soit des anions (cf. certains transports mitochondriaux) soit des cations ;
il s'agit alors de contretransport. Le pH cytosolique, par exemple, est régulé par
l'échangeur Na+/H+ protéine localisée dans la membrane plasmique et dans celles
des organelles. Chez les mammifères, on dénombre actuellement au moins six iso-
formes de ce transporteur. Le sens du transport est dicté par le potentiel électrochi-
mique des cations et donc, dans les conditions physiologiques, les H+ sont excrétés
du cytoplasme.
Historiquement, trois critères ont été retenus pour caractériser un transporteur :
existence d'une cinétique de saturation pour l'espèce transportée ;
> possibilité d'inhiber le transport par des réactifs des protéines ;
> existence d'inhibiteurs compétitifs pouvant être de réels inhibiteurs ou des sub-
strats alternatifs (dans ce dernier cas, la substance inhibe par compétition au niveau
du site actif du transporteur tout en étant elle même transportée).
36 BIOÉNERGÉTIQUE

De nombreuses protéines de transport ont été isolées et leur activité a été mesurée dans
des systèmes constitués de vésicules de phospholipides (liposomes) contenant la pro-
téine partiellement ou totalement purifiée (protéoliposomes). La reconstitution du trans-
port est désormais la méthode la plus directe pour caractériser un transporteur.
Il existe plusieurs types de transport actif que nous rencontrerons ultérieurement.
Le plus répandu est cependant le cotransport et correspond au mécanisme décrit
ci-dessus (figure 2.3). Généralement la molécule est cotransportée avec l'ion sodium
ou le proton, si bien que l'énergie impliquée dans le transport est la différence de
potentiel électrochimique en ions sodium ou en protons. Ce type de transporteur
appelé transporteur secondaire est fonctionnellement couplé à une pompe ionique appe-
lée transporteur primaire. Nous verrons dans le prochain chapitre comment une diffé-
rence de potentiel électrochimique en un ion donné peut être établie par une pompe
ionique à partir de l'ATP.
Le mécanisme de transport par les transporteurs nécessite la fixation des substrats
d'un compartiment donné sur la protéine membranaire, un changement de confor-
mation du complexe et le relargage des substrats dans un autre compartiment. L'étape
de transconformation est plus lente que celles de fixation ou de dissociation et impose
la vitesse du transport.
Il existe d'autres protéines assurant le transfert de molécules, et surtout d'ions miné-
raux, qui ne mettent pas en jeu de tels changements conformationnels protéine-sub-
strat, ce sont les canaux. La vitesse de transfert peut alors être très importante, mais
à la différence des transporteurs, les canaux ne permettent pas de couplage au niveau
de la protéine. Nous en rencontrerons plusieurs exemples.

2.2.2. EXEMPLES DE TRANSPORTEURS DE LA MEMBRANE PLASMIQUE

Selon une estimation récente, au moins 271 gènes sur un total de 5600, sont suscep-
tibles de coder pour des protéines de transport chez la levure Saccharomyces cerevisiae ;
35 pourraient correspondre à des transporteurs mitochondriaux, dont une quinzaine
ont été identifiés (les transporteurs mitochondriaux seront traités en 8.3). Ci-dessous
nous donnons les caractéristiques des transporteurs du glucose chez les mammifères,
particulièrement importants pour la régula-
tion du métabolisme énergétique.
Transport du glucose. Le glucose est absorbé
chez les mammifères au niveau de l'intestin
grêle par les cellules épithéliales de la bor-
dure en brosse (figure 2.4).

2.4 - Transport du glucose dans les cellules


de la bordure en brosse de l'intestin grêle
(1) transport actif par cotransport glucose-Na+ ;
(2) transport passif ; (3) Na+/K+ ATPase T
2 2+
2 - L'ÉNERGIE OSMOTIQUE 37

Ces cellules sont polarisées dans le sens où les transporteurs ont une localisation défi-
nie dans la membrane. La bordure en brosse, dirigée vers la lumière de l'intestin, accu-
mule le glucose à l'intérieur de la cellule par l'intermédiaire d'un cotransport Na+-glucose
Le déséquilibre thermodynamique en Na+ est maintenu à partir de l'énergie fournie
par le système ATP utilisé par la Na+/K+ ATPase (cf. § 3.1.4). Le glucose intracellulaire
ainsi concentré est transporté dans le sang par un transporteur catalysant une diffu-
sion facilitée et qui est localisé sur la face opposée à celle de la bordure en brosse. En
effet, une diffusion facilitée est suffisante lorsque la concentration en glucose intra-
cellulaire est supérieure à celle du sang, ce qui est le cas au cours de la digestion.
Les transporteurs de glucose catalysant la diffusion facilitée possèdent plusieurs iso-
formes. Ils forment une famille appelée GLUT (pour glucose transporteur).

10 11 12

COOH
intérieur
2.5 - Schéma de structure bidimensionnelle d'un transporteur glucose de type GLUT
Les rectangles numérotés représentent les hélices transmembranaires ;
ils sont reliés entre eux par des boucles extramembranaires.
Les transporteurs de glucose sont constitués de protéines possédant 12 hélices trans-
membranaires reliées entre elles par des boucles extramembranaires. La boucle la
plus importante dans le cas des transporteurs GLUT est celle reliant les hélices 6 et 7
(figure 2.5). Pour des données complémentaires à la structure des membranes et des
protéines membranaires il est conseillé de se référer au livre de E. SCHECHTER cité
dans la bibliographie de cette partie.
Les isoformes de GLUT sont tissu-spécifiques et possèdent des propriétés particu-
lières.
GLUT 1 a été détecté en premier lieu dans les érythrocytes mais on le trouve aussi
dans divers tissus comme le cerveau, les reins, les tissus fœtaux...
GLUT 2 est caractérisé par un KM (supérieur à 10 mM) et un VM élevés de sorte que
la vitesse de transport est quasiment linéairement proportionnelle à la différence de
concentration transmembranaire en glucose ; ces propriétés lui confèrent un rôle par-
ticulier dans le métabolisme du foie, des reins, des cellules du pancréas et des cel-
lules épithéliales de l'intestin, comme nous le verrons dans le chapitre 9.
GLUT 3, avec un KM d'environ 1 mM, est présent dans les cellules dont la demande
en glucose est importante comme celles du cerveau.
GLUT 4, présent dans les adipocytes et les cellules musculaires, a une activité régu-
lée par l'insuline ; cet aspect du mécanisme et son rôle dans la glycémie seront déve-
loppés au chapitre 9.
38 BIOÉNERGÉTIQUE

GLUT 5 localisé dans les cellules basales de l'intestin grêle est un transporteur du
fructose.

Transport des acides aminés


Après digestion des protéines, les acides aminés et les di- et tripeptides sont absor-
bés par les cellules épithéliales de l'intestin. Il s'agit de transports actifs dont le méca-
nisme est constitué par un cotransport avec le Na + comme cation moteur. Il en est de
même pour le transport dans les autres types de cellules. On reconnaît au moins trois
groupes de transporteurs :
les transporteurs spécifiques des acides aminés électriquement neutres à très forte
activité ;
> les transporteurs des acides aminés basiques (lysine, arginine et ornithine) qui trans-
portent aussi la cystine ;
> les transporteurs des acides aminés acides (acides aspartique et glutamique).

2.3. CAS DE L'EAU ET EFFET DONNAN

2.3.1. DIFFUSION DE L'EAU ET PRESSION OSMOTIQUE

L'eau est une molécule qui, malgré son caractère polaire, diffuse rapidement à tra-
vers les membranes biologiques. Toutefois dans certaines cellules spécialisées, comme
les cellules proximales rénales, chez lesquelles les échanges d'eau avec l'extérieur
sont importants, il existe des canaux spécifiques appelés aquaporines.
Comme pour toute autre molécule, on définit un potentiel chimique pour l'eau, ou
un solvant en général, par LIS = µs° + RT ln[s]. On sait qu'à l'état pur l'activité d'un
solvant est égal à 1 et que l'addition d'un soluté abaisse son activité. Ainsi, l'activité
de l'eau d'une solution aqueuse est plus faible que celle de l'eau pure ; elle est d'au-
tant plus faible que la solution est concentrée.
Si un récipient contenant des solutions aqueuses de concentrations différentes est
séparé en deux compartiments par une membrane semi-perméable, l'eau diffusera
du compartiment où son activité est la plus forte (la solution la moins concentrée)
vers le compartiment où son activité est la plus faible. Pour s'opposer à ce flux il faut
appliquer une certaine pression sur le compartiment où l'activité de l'eau est la plus
faible. On définit ainsi expérimentalement la pression osmotique II comme la pres-
sion qu'il faut exercer sur un compartiment contenant une solution, l'autre com-
partiment contenant le solvant pur. On exprime formellement la pression osmotique
ou la différence de pression osmotique entre deux solutés directement en fonction
des activités du solvant :
Ainsi, la pression osmotique s'exerçant entre une solution A1 et le solvant pur est :
II = - R T / V sI na 1 s
2 - L'ÉNERGIE OSMOTIQUE 39

La différence de pression osmotique entre deux solutions A1 et A2, s'exprime sous la


forme :
II1 - II2 = - R T/ V sIn a1s/a2 [2-8]
Dans ces relations Vs représente le volume occupé par une mole de solvant. Mais
dans la pratique on utilise une loi empirique donnant la pression osmotique en fonc-
tion de la concentration en soluté et non pas en activité du solvant ; c'est la loi de VAN'T
HOFF qui s'écrit :
II = R T ( [ A ] + [ B ] + [ C ] . . . ) [2-9]
où [A], [B], [C]... représentent les concentrations en solutés. Cette relation n'est
valable que dans les conditions idéales et est difficilement applicable en biologie.
Cependant, sans raisonner sur une valeur de la pression osmotique ayant une signi-
fication physico-chimique précise, on compare entre elles les concentrations en soluté
des différentes solutions, ce qui permet d'obtenir des valeurs suffisamment fiables
pour prédire le sens du flux de solvant. Il est à noter que parfois (surtout chez les
auteurs travaillant dans le domaine des mitochondries), le terme d'osmolarité est uti-
lisé à la place de celui de concentration pour une solution dont le rôle est d'ajuster
la pression osmotique de l'organelle (ou de la cellule) à celle du milieu (exemple
250 mosmoles pour 250 mM) ; cette appellation est pratique sur le plan physiolo-
gique, car elle permet de prendre en compte, dans une seule valeur, l'ensemble des
concentrations des solutés composant la solution, mais abusive sur celui de la phy-
sico-chimie.
La force d'origine osmotique peut être considérable : ainsi à 25°C une solution de sac-
charose 1 M donne une pression 27 fois plus grande que celle de l'atmosphère ! C'est
pourquoi une grande partie de l'énergie cellulaire est utilisée au maintien d'une pres-
sion compatible avec l'intégrité membranaire des cellules et des organelles. C'est le
rôle de certaines pompes ioniques comme la Na/K ATPase (cf. § 3.1.4).
En biologie il est utile de différencier osmoticité et tonicité. Ainsi une solution peut être,
vis-à-vis d'une cellule et d'une organelle, à la fois isoosmotique et isotonique :
> l'isoosmoticité signifie que les activités de l'eau à l'intérieur et à l'extérieur de la
cellule (ou de l'organelle) sont identiques ;
> l'isotonicité signifie et que la solution ne provoque pas de gonflement de cette cel-
lule (ou organelle).
Un exemple est donné par des érythrocytes mis en suspension dans une solution de
NaCl 0,15 M, dans laquelle les cellules ni ne gonflent ni ne se contractent ; la solution
est dite isoosmotique et isotonique. Par contre l'activité de l'eau entre intérieur et
extérieur peut être égalisée en utilisant une solution de glycérol 0,33 M, mais dans
ces conditions la cellule gonfle et se lyse. En fait le glycérol pénètre la cellule et entraîne
une entrée de l'eau. Bien que isoosmotique cette solution n'est pas isotonique. Il est
donc important de préciser les conditions d'isoosmoticité et d'isotonicité pour les cel-
lules et organelles que l'on souhaite isoler. Nous reverrons ces problèmes de gonfle-
ment essentiellement au chapitre 8.
40 BIOÉNERGÉTIQUE

2.3.2. EFFET DONNAN


L'effet DONNAN est défini comme étant la conséquence sur la pression osmotique entre
deux compartiments de la présence de macro-ions non-diffusibles dans un de ces com-
partiments. Soit une membrane séparant deux compartiments. Cette membrane est
perméable à l'eau, à Na+ et Cl-, mais imperméable aux macromolécules. Si on intro-
duit du NaCl dans un compartiment, les concentrations en sel s'équilibrent de part et
d'autre de la membrane car la diffusion est globalement électroneutre. On ajoute alors
du ribonucléate de sodium dans l'un des compartiments (compartiment 2) ; l'ion
sodium est donc plus concentré en 2 qu'en 1. Deux effets sont attendus.
> L'existence d'une pression osmotique entre les deux compartiments conduit à un
mouvement du solvant de 1 vers 2 ; on peut l'annuler en appliquant une pression
adéquate sur le compartiment 2 de sorte à éliminer le mouvement de l'eau.
> L'ion a tendance à diffuser de 2 vers 1 car le potentiel chimique de Na+ est le plus
fort en 2. Pour satisfaire au principe d'électroneutralité du transport, Cl- doit
accompagner Na+, mais l'anion migre alors contre son potentiel. Ces contraintes
amènent à un équilibre, dit de GIBBS-DONNAN, où il existe une différence de concen-
tration en Na + et CL dans chacun des compartiments et un potentiel électrique
transmembranaire, négatif dans le compartiment contenant le ribonuléate ; ce phé-
nomène est dû à ce que l'électroneutralité des flux n'a pu être respectée en raison
de l'existence dans le compartiment 2 de macro-anions non-diffusibles. L'équilibre
se caractérise par un potentiel électrique transmembranaire de valeur détermi-
née, appelé équilibre de GIBBS-DONNAN On peut montrer que les rapports
(Na+)1/(Na+)2 = (Cl-)2/(Cl-)1 sont différents de 1.
Une des conséquences de l'asymétrie de distribution des ions diffusibles est qu'à
l'équilibre, il y a toujours plus d'ions dans le compartiment contenant les ions non-
perméants. La pression osmotique en sera augmentée d'autant. Mais il faut être conscient
que, mis à part l'ion potassium, les cations les plus courants dans la cellule sont loin
de leur équilibre, ce qui implique que leur distribution entre l'intérieur et l'extérieur
de la cellule reflète l'existence de transports actifs. Une autre conséquence de l'équi-
libre de GIBBS-DONNAN, qu'il est utile de rapporter, est qu'en absence de tout apport
d'énergie à la cellule il existe un potentiel électrique transmembranaire résiduel.

2.4. CONCLUSIONS
Nous avons vu dans ce chapitre que l'énergie osmotique est due à une différence de
potentiel chimique d'une molécule non-chargée, ou électrochimique d'un ion, entre
deux compartiments séparés par une membrane. Pour que cette instabilité soit uti-
lisable, il est nécessaire que la membrane, sous une forme ou une autre, puisse mettre
en communication entre les deux compartiments la molécule ou l'ion considéré. Par
exemple, les membranes sont en elles mêmes imperméables à l'ion sodium, mais
elles possèdent des systèmes de cotransport couplant l'entrée de cet ion à une autre
2 - L'ÉNERGIE OSMOTIQUE 41

molécule. Ainsi le µNa+ est une énergie utilisable par la cellule. Nous verrons dans
le prochain chapitre comment le déséquilibre en ion sodium est produit par une
ATPase insérée dans les membranes. Le Aul-T joue un rôle identique pour les trans-
ports actifs dans les membranes plasmiques des plantes et des champignons ; il est
aussi le moteur pour les transports dans les systèmes membranaires intracellulaires
(mitochondries, vésicules de GOLGI, endosomes...). Nous verrons le rôle central joué
par le µH+ dans les phénomènes de transduction membranaire au niveau des oxy-
dations phosphorylantes (chapitre 8) et des photophosphorylations (chapitre 10).
Chapitre 3

L'ÉNERGIE CHIMIQUE

L'énergie chimique est certainement, de toutes les formes d'énergie, la plus connue.
Elle est due à l'instabilité relative d'une liaison entre deux groupements, qui peut être
de ce fait facilement hydrolysée. La majorité de ces liaisons contient du phosphate
ou un atome de soufre. Elles sont impliquées dans les processus vitaux les plus divers
comme les voies de biosynthèse des métabolites et des macromolécules, la formation
d'énergie osmotique ou la motilité. Dans ce chapitre, nous décrirons successivement
les molécules suivantes et leur implication dans l'énergétique cellulaire : l'ATP et les
différents nucléosides phosphate, les autres métabolites phosphorylés et les molé-
cules possédant une liaison thioester. La régénération de l'ATP à partir du phosphate
minéral sera traitée aux chapitres 6 pour la glycolyse, 8 pour les oxydations phosphorylantes et 10 po

3.1. NUCLÉOTIDES ADÉNYLIQUES


L'ATP est considérée à juste titre comme la molécule énergétique essentielle de la cel-
lule, mais ses propriétés et son rôle sont parfois exprimés par de tels raccourcis que
des contresens regrettables peuvent être faits par les non-initiés. Nous essaierons dans
ce chapitre d'aborder les différents aspects
NH-2
du problème.
N
N \\
3.1.1. STRUCTURE ,
La structure chimique des nucléotides o—P_0_P_0_P_O-(5)CH2
adényliques est donnée dans la figure 3.1.
0 - 0 - 0 -

AMP
ADP
3.1 - Structure des adényl-nucléotides ATP
44 BIOÉNERGÉTIQUE

L'adénosine monophosphate, ou AMP, contient une seule molécule de phosphate


(position a) qui forme une liaison ester avec la fonction alcool primaire du ribose en
position 5'.
0 0

0 — POH+H0—R —- 0—7—0—R + H2O

0- 0-
Alcool Ester phosphorique

L'adénosine diphosphate ou ADP, contient une deuxième molécule de phosphate


(position (), formant une liaison anhydride d'acide ou pyrophosphate avec le phos-
phate de l'AMP. L'adénosine triphosphate ou ATP, contient une troisième molécule
de phosphate, formant aussi une liaison anhydride d'acide avec le phosphate de
l'ADP (position ).
0 0 0 0
-0—P—OH +H0—P—0-—- -0—P—0—P—0- + H2O

0- 0- 0- 0-
Phosphates Pyrophosphate
liaison anhydride d'acide

Nous verrons dans le prochain paragraphe pourquoi la liaison ester est considérée
comme une liaison stable et la liaison anhydride comme une liaison instable.
A pH 7, l'ADP et l'ATP sont fortement ionisées. Trois des groupes acides des phos-
phates de l'ATP ont leur pK compris entre 2 et 3 et sont complètement dissociés. Le
quatrième groupe, porté par le phosphate y, ayant un pK de 6,5, est dissocié à 76% ;
ce pourcentage est obtenu en utilisant la loi d'HENDERSON-HASSELBACH :
pH = pK + log[A-]/[AH]
ou A- et AH représentent respectivement les formes dissociée et acide. De même la
troisième fonction acide de l'ADP est dissociée à 39% à pH 7. En fait, dans la cellule,
l'ATP et l'ADP existent essentiellement sous forme de chélates avec l'ion Mg2 qui
forme un pont entre les oxygènes respectivement en position P et y et a et [3.

3.1.2. INSTABILITÉ DE L'ATP


L'ATP est une molécule instable en milieu aqueux à bas pH, ce qui pose un problème
pour son dosage, comme nous le verrons dans le prochain paragraphe. A pH neutre,
ou près de la neutralité, les solutions d'ATP sont beaucoup plus stables. Cependant,
par rapport aux liaisons esters et d'autres liaisons chimiques, les liaisons anhydrides
sont relativement instables. En effet, l'hydrolyse de l'ATP en ADP et Pi conduit à un
état d'équilibre dont la constante, donnée par le rapport [ATP]eq/[ADP]eq[Pi]eq, est
selon les conditions (pH, force ionique...) de l'ordre de 10-5 M-1. Lorsque l'on parle
d'instabilité pour l'ATP ou pour d'autres molécules énergétiques, il s'agit d'une
3 - L'ÉNERGIE CHIMIQUE 45

instabilité relative par rapport à d'autres molécules. Cela est la base de l'énergie
chimique, car les systèmes ont tendance à évoluer vers une plus grande stabilité. En
conséquence, les molécules dites énergétiques induiront des réactions dans lesquelles
l'état final sera plus stable que l'état initial. D'après ce qui a été dit précédemment,
l'ATP sera considérée comme relativement instable si, et seulement si, le rapport de
masse [ATP]/[ADP][Pi] est supérieur à la valeur de la constante d'équilibre Keq.
Effectivement, le rapport de masse dans la cellule est 103, soit un rapport
8
Kpq 10 . Dans ces conditions l'ATP a tendance à s'hydrolyser.

Exemple numérique : on considère la réaction dans le sens de la synthèse de l'ATP


ADP + Pi —- ATP + H2O
Calculons le G°' sachant que Keq = 3,7 x 10-6 à pH7, 37° C, 1 (force ionique) = 0,2 et pour
une concentration en MgCl2 de 1 mM. En prenant R = 8,314 J . mole-1K-1 1
G 0 ' = - 8,314 x 310 x In 3,7 xl0- 6 = 32 200 J . mole-
A partir de cette donnée, calculons la valeur du rapport [ATP]/[ADP] [P,] pour deux valeurs
proches de la réalité cellulaire.
G' = 50 kJ . mole-1 50 000 = 32 200 + 8,314 x 310 x In d'où = 1000
G' = 60 kJ . mole-1 60 000 = 32 200 + 8,314 x 310 x In P d'où P = 22 500

Le G' de la réaction de synthèse de l'ATP noté G'p est appelé potentiel phosphate.
Il est de signe contraire à celui de l'hydrolyse. En comparant les valeurs de P calcu-
lées précédemment à Keq il est clair que la réaction va spontanément dans le sens de
l'hydrolyse et non pas de la synthèse. Dans la cellule, la réaction de synthèse n'est
possible que couplée à une réaction dont le G' est suffisamment négatif.
Ce n'est pas parce qu'une molécule énergétique a tendance à évoluer vers un état
plus stable qu'elle évolue effectivement. Des enzymes sont nécessaires pour, comme
nous l'avons vu, favoriser une réaction ou coupler deux événements. On peut faire
ici l'analogie avec l'énergie osmotique ou, par exemple, une différence de potentiel
électrochimique en ion sodium n'aura de sens pour la cellule que s'il existe des pro-
téines membranaires capables de l'utiliser.
En fait, comme nous le verrons pour les réactions métaboliques, l'ATP n'est pas
hydrolysé mais transfère un phosphate, un pyrophosphate ou un AMP à une molé-
cule acceptrice en mettant en jeu l'une de ses deux liaisons anhydrides d'acide.
L'hydrolyse, qui correspond à un transfert direct d'un groupement phosphate sur
une molécule d'eau, est considérée comme une mesure de la facilité avec laquelle
l'ATP cède l'un de ses groupements, l'eau étant prise comme accepteur de phos-
phate. Cependant des enzymes sont capables de coupler l'hydrolyse de l'ATP à une
activité particulière, en général vectorielle, ce sont les ATPhydrolases ou ATPases,
mais il y a toujours une transduction de l'énergie chimique en énergie conformationnelle ou m

d'hydrolyse ne correspond pas à une réaction chimique simple car il s'agit d'une
réaction couplée.
46 BIOÉNERGÉTIQUE

3.1.3. ORIGINE DE L'INSTABILITÉ DES LIAISONS PYROPHOSPHATES


ET MÉTHODES DE DOSAGE DE L'ATP

L'instabilité de l'ATP dépend de deux facteurs, l'enthalpie et l'entropie (rappelons


que G = H - TS). Le facteur enthalpique correspond aux répulsions électrostatiques
dues aux charges négatives portées par les atomes d'oxygène des phosphates. Le fac-
teur entropique est lié aux degrés de liberté d'une molécule ou d'un ensemble de
molécules. Ainsi la forme di-ionisée du phosphate possède trois formes limites de
résonance ou formes mésomères ; il en est de même pour les groupes phosphoryl ter-
minaux (a de l'AMP, p de l'ADP et y de l'ATP). Par contre les groupements engagés
dans deux liaisons (a de l'ADP et de l'ATP et de l'ATP) ne présentent que deux
formes mésomériques. On peut donc calculer ces formes pour les substrats et pro-
duits des réactions d'hydrolyse de l'ATP ou de l'ADP (figure 3.2)
0 0- 0-
II 1
a HO—P—o- HO—P 0 — HO—P—0-
1 II
0- 0- 0

ATP + H2O ADP + Pi


2x2x3 2x3x3
1 2 ' 1 8

ADP + H2O AMP + Pi


.2X3. 3x3
6 9

3.2 - Mésomérie du phosphate


a - Formes mésomères du phosphate di-ionique, b - Nombre de configurations possibles
pour les systèmes d'hydrolyse de l'ATP et de l'ADP sur la base d'une dissociation complète
des fonctions des groupes phosphoryles.
De ce calcul il ressort que les degrés de liberté des électrons sur les phosphates sont
plus grands pour les produits d'hydrolyse que pour les substrats, leur conférant ainsi
une plus grande stabilité par augmentation de l'entropie.
Les différences de solvatation entre substrats et produits d'une réaction peuvent aussi
être cause d'une variation d'entropie ; en effet une baisse de solvatation correspond
à une diminution de l'ordre au niveau du solvant et donc à une augmentation de l'en-
tropie. C'est le cas lors de l'hydrolyse de l'ATP ou de l'ADP.
La stabilité des nucléotides, et donc la valeur des paramètres thermodynamiques,
varient avec les conditions environnementales.
> Le pH qui détermine le degré d'ionisation des phosphates influence à la fois AH et
AS. Une augmentation du pH conduit à une augmentation des charges sur les phos-
phates de l'ATP et la composante enthalpique s'accroît ; il en est de même pour la
constante entropique car la différence entre le nombre de formes mésomères des
produits d'hydrolyse et le nombre de formes mésomères de l'ATP augmente. Le
G° de la réaction d'hydrolyse devient plus négatif.
3 - L'ÉNERGIE CHIMIQUE 47

> Les ions Mg2- en neutralisant les charges négatives du phosphate diminuent la com-
posante enthalpique, mais comme l'affinité du phosphate minéral pour ce cation
est plus faible que celle de l'ATP, la résonance est moins affectée et l'entropie de la
réaction d'hydrolyse augmente ; au total le G°, somme algébrique des deux com-
posantes, devient plus négatif lorsque la concentration en Mg2+ augmente.
> Les solvants organiques (ou dans la cellule le degré d'hydrophobicité du milieu)
et les quantités de molécules dissoutes déterminent la valeur de l'activité de l'eau.
En effet, dans les calculs courants on pose que cette activité est égale à 1, activité
de l'eau pure ! Plus le milieu est hydrophobe, plus cette activité est faible et moins
négatif est le G° d'hydrolyse.
On voit donc qu'il est très difficile de mesurer avec exactitude le potentiel phosphate
dans une cellule, et ce d'autant plus qu'une large partie des nucléotides est liée aux
protéines et ne doit pas être prise en compte pour son calcul. Il faut ajouter à ces dif-
ficultés que la cellule est compartimentée et que la valeur de n'est pas la même d'un
compartiment à l'autre. Ces difficultés peuvent être en partie contournées en dédui-
sant la valeur du rapport ATP/ADP d'une réaction fonctionnant près de l'équilibre.
Une réaction qui a été très utilisée est celle de la phosphorylation réversible de la créatine par l'A

créatine-P + ADP — créatine + ATP


avecKeq= [ATP]/[ADP] x [créatine]/[créatine-P]
On déduit le rapport [ATP]/[ADP] du rapport [créatine]/[créatine-P] mesuré et de
la valeur de la constante d'équilibre de la réaction. Pour que cette méthode soit valable
il faut :
> que l'activité de l'enzyme soit suffisante pour maintenir les concentrations en sub-
strats et produits près de l'équilibre ;
>que les substrats dosés soient entièrement libres ;
> et que l'enzyme utilisée soit localisée uniquement dans le compartiment dont on
souhaite mesurer le rapport. De plus, pour vérifier que le résultat est proche de la
réalité, il est nécessaire d'utiliser deux réactions indépendantes faisant intervenir
l'ATP, supposées travailler près de l'équilibre, et de comparer les résultats. Si ceux-
ci donnent des valeurs concordantes pour le rapport [ATP]/[ADP], on peut accor-
der foi à ces données. On traitera ultérieurement d'un problème analogue pour la
mesure du rapport [NADH]/[NAD+] (cf. § 4.2.3).
La mesure de la quantité d'ATP dans un extrait acellulaire, après déprotéinisation est
délicate car les méthodes les plus usuelles passent par un traitement à l'acide perchlorique ou à l'a

en milieu acide. Pour s'en convaincre on peut effectuer l'expérience suivante : on intro-
duit une solution neutre d'ATP dans une cuve de spectrophotomètre et on mesure son
absorbance à 280 nm, son maximum d'absorption ; on acidifie la solution et on observe
une décroissance rapide de l'absorbance. Il ne s'agit pas dans ce cas d'une hydrolyse
des liaisons pyrophosphates, car l'ADP et l'AMP absorbent aussi à 280 nm, mais d'une
48 BIOÉNERGÉTIQUE

destruction de la molécule. Cet effet diminue fortement avec la température mais ne


disparaît pas. Il faut donc éliminer rapidement les protéines par centrifugation ou
filtration à froid et neutraliser la solution. Il est préférable de substituer ce passage
acide par des cycles de congélation/décongélation de l'extrait ou en utilisant des
solvants organiques comme agent dénaturant. Lorsque cela est possible il est conseillé
de transformer l'ATP en une forme stable comme le glucose-6P (voir le paragraphe
suivant) et de doser ce dernier par une méthode enzymatique utilisant la glucose-
6P déshydrogénase et le NADP+ méthode que nous utiliserons au chapitre 8. Les
dosages proprement dit, sont variés et bien décrits dans des manuels de méthodes
biochimiques.
Une méthode pour évaluer la quantité d'ATP dans une cellule ou un organe est la
spectrométrie par résonance magnétique nucléaire (RMN) du phosphore. L'avantage
de cette méthode est qu'elle n'est pas invasive, on évite ainsi la destruction de la cel-
lule ou de l'organe. Elle utilise l'isotope naturel du phosphate le 31P, ce qui est un
énorme avantage par rapport à la RMN du carbone qui nécessite l'utilisation de molé-
cules enrichies en isotope 13C et de ce fait coûteuses. Une particularité intéressante
des spectres de résonance obtenus est leur simplicité. On distingue très clairement
des pics correspondant au phosphate minéral, à l'ATP, à l'ADP et à la créatine phos-
phate. De plus la position du pic de résonance du phosphate minéral dans le champ
magnétique est fonction du pH, ce qui permet de mesurer ce paramètre dans la cel-
lule avec précision. Mais cette méthode présente plusieurs inconvénients :
> L'appareillage est cher et nécessite un personnel qualifié. Tous les laboratoires ne
peuvent pas s'équiper, et lorsqu'il est nécessaire de faire un grand nombre de
mesures il n'est pas possible de faire appel à un service commun.
>La méthode est peu sensible et utilise une grande quantité de matériel biologique.

Cette méthode a cependant permis d'obtenir des résultats intéressants en bioénergé-


tique. A titre d'exemple, elle a permis de mesurer l'état énergétique de muscles de
patients atteints d'une myopathie. Enfin, nous donnons en bibliographie l'article
d'OGAWA et LEE qui utilise cette méthode du dosage de l'ATP.

3.1.4. RÉACTIONS DU MÉTABOLISME FAISANT INTERVENIR L'ATP

Dans la grande majorité des réactions chimiques, l'ATP intervient comme donneur
d'un groupe phosphoryl, pyrophosphoryl ou adénylate, groupes liés au reste de la
molécule par une liaison anhydride d'acide, mais il n'est pas hydrolysé.

3.1.4.1. ATP donneur de groupe phosphoryl


L'exemple le plus classique est la phosphorylation du glucose en position 6 par l'ATP
en présence de Mg2+2+ réaction catalysée par l'hexokinase. Cette réaction consiste en
un transfert direct du phosphate de l'ATP sur un groupement alcool du glucose par
substitution nucléophile.

> Le temps de mesure est long et il faut s'assurer que l'état des cellules reste inchangé pendant la durée d
3 - L'ÉNERGIE CHIMIQUE 49

0
II
CH2OH H2C—O—P—O-—0 Hexokinase — 0 + ATP Mg2+ ° + ADP + H+

Glucose Glucose-6P

L'idée fausse que l'énergie proviendrait de l'hydrolyse de l'ATP est due à une confu-
sion entre le mécanisme de la réaction chimique et le calcul thermodynamique uti-
lisé pour déterminer la valeur du G de la réaction. En effet la valeur d'une fonction
d'état ne dépend que de l'état du système et est indépendante de la voie par laquelle
celui-ci a été obtenu. Ainsi cette réaction, par un artifice de calcul, peut être décom-
posée comme suit :
ATP + H2O —— ADP + P; G0' = - 34,5 kjoules . mole-1
Glucose + Pi Glucose-6P + H2O G0' = + 13,8 kjoules . mole-1
d'où Glucose + ATP —— Glucose-6P + ADP G0' = - 20,7 kjoules . mole-1
La décomposition de la réaction en deux réactions n'a aucune réalité chimique mais
permet de calculer le G0' ou le G' de la réaction de synthèse du glucose-6P. En
comparant ces valeurs on voit que, dans les conditions standard, l'ATP est un meilleur
donneur de phosphate que le phosphate minéral puisque, dans un cas le G0' est de
- 20,7 kjoules . mole-1, et dans l'autre de + 13,8 kjoules . mole-1. Dans les conditions
de concentration cellulaires la réaction de phosphorylation du glucose par l'ATP est
encore plus favorisée que dans les conditions standard et la réaction est quasiment
irréversible.
Cet exemple de réaction montre que l'ATP agit comme un agent de synthèse. En effet,
classiquement en chimie organique, pour synthétiser un ester à partir d'un alcool on
n'utilise pas l'acide, car la réaction serait incomplète, mais l'anhydride ou le chlorure
d'acide. Il en est de même pour la synthèse du glucose-6P où l'anhydride est utilisé à
la place du phosphate.
La phosphorylation du fructose-6P en fructose-l,6biphosphate, catalysée par la phosphofructokinas

partir d'un anhydride et est quasiment irréversible dans le sens de la formation de


l'ester.
0 0
11/0- — 0 — P H2C—0—P.

| 0- Phosphofructokinase 1 0 O-
+ ADP + H+
+ ATP ———————————-
CH2OH C H 2

0
Fructose-6phosphate Fructose-1,6biphosphate
50 BIOÉNERGÉTIQUE

L'adénylate kinase (ou myokinase pour l'enzyme musculaire) catalyse le transfert


d'un groupement phosphoryl de l'ATP à l'AMP. Il s'agit d'une réaction iso-énergé-
tique dans la mesure où il n'y a pas de changement de nature de la liaison entre sub-
strat et produit (ni destruction, ni synthèse nette de liaison pyrophosphate, mais
transfert d'un nucléotide à l'autre).
Adénylate kinase
AMP ATP 2ADP
(myokinase)

3.1.4.2. ATP donneur de groupe pyrophosphoryl


L'exemple est la synthèse du 5-phosphoribosyl-pyrophosphate (5-PRPP) à partir du
5-phosphoribose. Le PRPP est un meilleur donneur de groupement phosphoribosyl
que ne l'est le 5-phosphoribose lui-même. Sa réactivité est due aux contraintes exer-
cées par le pyrophosphate sur la fonction portée par le carbone anomère du ribose
qui, sous sa forme libre, évolue entre les deux formes a et (mutarotation).

ATP + AMP
-o-

O- O-
5-phosphoribose 5-phosphoribosyl pyrophosphate (PRPP)

Cette réaction fait partie de la chaîne de biosynthèse des nucléotides pyrimidiques.


0 0

HN Orotatephosphoribosyl HN
transférase 1
0 NH C
0 PRPP
0 ON C 1
\
II \
0- 0-
0—P—0—CH2
O
-0 /

Orotate Orotidine-5posphate (OMP)

Notons dans cet exemple et le suivant, que l'ATP transfère son énergie, c'est-à-dire
son instabilité, à une autre molécule qui jouera alors le rôle d'agent de synthèse.

3.1.4.3. ATP donneur de groupe adénosyl monophosphate


Les acides carboxyliques, par l'existence de formes mésomères, sont peu réactifs. Une
voie d'activation fait intervenir l'ATP, notamment dans le cas de la synthèse des pro-
téines et de l'activation des acides gras.
3 - L'ÉNERGIE CHIMIQUE 51

0-
/
R—C + ATP
\\
0

Selon cette réaction, une liaison anhydride d'acide entre le carboxyle et le phosphate
de l'AMP (acyl-adénylate) est formée à partir de la liaison anhydride située entre les
groupements phosphoryl de l'ATP. La réaction est donc iso-énergétique et n'est
pas plus favorisée dans un sens que dans un autre. Cependant l'un des produits de
cette réaction, le pyrophosphate, peut être hydrolysé pour donner deux molécules de
phosphate selon une réaction fortement exergonique, ce qui favorise la formation de
l'acyl-adénylate par déplacement de l'équilibre. Ce dernier est une forme très réactive des carboxyl

3.2.5. ATPHYDROLASE (ATPASES) ETATPSYNTHASES

Les ATPases couplent généralement l'utilisation de l'ATP à la formation d'une diffé-


rence de potentiel électrochimique en cations. Ce sont des enzymes insérées dans les
membranes dont l'activité est vectorielle. Elles fonctionnent uniquement dans le sens
de l'utilisation de l'ATP, contairement aux ATP synthases qui peuvent travailler soit
dans le sens de la synthèse soit dans celui de l'utilisation de l'ATP ; cette différence
est due aux propriétés thermodynamiques des systèmes par rapport aux conditions
cellulaires. Le cycle catalytique comporte deux types d'événements : une conversion
de l'énergie chimique en changements conformationnels et une phase de relaxation
où l'ADP et le Pi sont relargués dans le milieu. Comme nous l'avons signalé, il ne
s'agit pas d'une simple hydrolyse au sens chimique du terme.
On distingue plusieurs types d'enzymes.

3.1.5.1. Les ATPases de type P ou E1-E2 ATPases


Elles ont été appelées par l'un ou l'autre nom car, d'une part, au cours du cycle cata-
lytique, l'ATP transfère un groupe phosphoryl sur un résidu aspartique de la pro-
téine pour former une liaison anhydride d'acide, et d'autre part, deux conformations
ont été postulées. Ces ATPases assurent la transduction d'une énergie chimique (poten-
tiel phosphate) en une énergie osmotique sous forme de différence de potentiel élec-
trochimique en un ou plusieurs cations. Une seule protéine est nécessaire à leur activité
(sous-unité a) de masse moléculaire d'environ 100 kDa ; il peut exister une sous-
unité P régulatrice. Ces ATPases sont inhibées par le vanadate. En exemple nous pren-
drons la Na + /K + ATPase.
52 BIOÉNERGÉTIQUE

La Na+/K4+ATPase est une enzyme ubiquitaire située dans les membranes plasmiques
des cellules animales. Elle est d'une importance majeure car elle couple la sortie de
3 Na+ à l'entrée de 2K 4 dans la cellule selon un processus électrogénique. Rappelons
que l'on apprelle processus électrogénique tout processus générant une différence de
potentiel électrique. De ce fait elle est impliquée dans de nombreux phénomènes vitaux.
> Elle joue un rôle central dans la régulation du volume cellulaire en contribuant
au maintien d'une pression osmotique compatible avec l'intégrité des structures
cellulaires.
> Elle permet la création d'un potentiel électrique transmembranaire et la séparation
du K+ et du Na+ ; elle est ainsi, comme nous l'avons vu, à l'origine des trans-
ports actifs.
> Cette enzyme joue un rôle fondamental dans l'activité des cellules excitables.
L'activité de cette ATPase peut être mise en évidence par sa sensibilité à l'ouabaïne
et au vanadate. Le calcul ci-dessous donne une illustration de son activité.
Calcul du G' de la réaction : ATP + 3 Na+i + 2 K+e ADP + Pi + 3Na+e + 2K+i pour les
conditions suivantes : Gp = 58 kJ . mole-1 [Na+]i = 0,014 M, [K+]i=0,1, [Na+]e = 0,14 M,
[K+]e = 0,005 M, i-e = - 0,06 V, t = 37 °C
On écrit G = - Gp + 3 µ Na+e - i + 2 µiK+i _ e
µ Na+e-i = 8,32 x 303 In 0,14/0,014 + 96500 x 0,06 = 11,6 kJ . mole-1
ALI K+i -e = 8,32 x 303 In 0,14/0,005 - 96500 x 0,06 = -2,6 kJ . mole-1
d'où G = - 58 + 3 x 11,6 + 2 x 2,6 = - 28,4 kJ . mole-1

II ressort de ce calcul que :


> la réaction globale est fortement exergonique ;
> le potentiel électrochimique de l'ion potassium est quasiment à l'équilibre ;
> L'ion sodium, éloigné de son équilibre, est dans une situation thermodynamique
très instable. Cette dernière observation est évidemment à rapprocher du fait que
ce cation est utilisé aux transports actifs secondaires.
La figure 3.3 montre que le cycle parcouru par l'enzyme peut être divisé en quatre
étapes principales représentées chacune par un côté du rectangle.

3N a +2 K +
ATP Face externe

E1 2 K+ E1, 3 Na + —— E1P, 3 Na 4
Membrane
plasmique
2K+
E2, 2 K+ —— E2P, 2 Na+ —— E2P, 3 Na+
+
Pi, 2 Na Na+ Face interne
3.3 - Cycle catalytique de la Na/K+ATPase
E1 et E2 représentent les deux conformations de l'enzyme et E1P et E2P
les formes phosphorylées correspondantes.
3 - L'ÉNERGIE CHIMIQUE 53

Comme nous l'avons signalé au début de ce paragraphe, ce schéma est basé sur l'exis-
tence de deux conformations pour l'enzyme. Sur la face externe de la membrane,
3 Na+ sont échangés sur la protéine avec 2 K+ ; la phosphorylation de la protéine par
l'ATP rend l'ion sodium non-échangeable, ce qui implique qu'il soit enfoui dans la
protéine ; la protéine subit alors un changement de conformation avec perte pro-
gressive de son affinité pour l'ion sodium et perte d'un Na+ ; la déphosphorylation
induit la perte de 2 Na+ qui s'échangent avec deux K+ ; la protéine subit un change-
ment de conformation et le cycle recommence.
Phosphorylation et déphosphorylation sont à la base des changements de confor-
mation de la protéine ayant des affinités différentes pour les cations. Il s'agit donc
d'une conversion d'énergie chimique en énergie de conformation (ou énergie méca-
nique) suffisamment importante pour entraîner un transport d'ions.
Nous donnons dans le tableau ci-dessous quelques exemples d'ATPases de type P.

ATPase source membrane

Na+/K+ animale plasmique


H+ eucaryote inférieur plasmique
plante plasmique
animale plasmique (vésicule biliaire)
H+ /K+ animale plasmique (estomac)
K+ bactéries plasmique
Ca++ animale plasmique et réticulum

Chez les animaux les Ca2+ ATPases, avec les Na+/K+ATPases, sont celles qui ont été
le plus étudiées, tant sur le plan cinétique que structural. Localisées dans la mem-
brane plasmique ou dans le réticulum endoplasmique (appelé réticulum sarcoplasmique dans le mu

en Ca2+ cellulaire (cf. chapitre 5).


Les H+ ATPases de type P des eucaryotes inférieurs et des plantes permettent la créa-
tion d'une différence de potentiel électrochimique en H+ et sont fonctionnellement
associées à des transporteurs secondaires couplant l'entrée de H+ à celle de différents
substrats ; elles sont l'équivalent des Na+/K+ ATPases des animaux. On en trouve
aussi dans les cellules de certains organes spécialisés des animaux.

3.1.5.2. Les ATPsynthase ou ATPases de type FO-F1


Les ATP synthases sont présentes dans toutes les membranes transductrices d'énergie
(mitochondries, chloroplastes et membranes bactériennes) ; elles sont étudiées en détail
au chapitre 8. Elles couplent la synthèse de l'ATP au mouvement de H+ dans le sens
de leur potentiel électrochimique. Pour les mitochondries, la réaction est la suivante :
ADP + Pi + nH+e ATP + H20 + nH+i
54 BIOÉNERGÉTIQUE

L'équilibre obéit à la relation G'p + n µH+ i-e = 0. Le terme G'p représente le poten-
tiel phosphate à pH 7, et n la stoechiométrie en H++ de l'ATP synthase. Lorsque cette
somme est négative le système évolue dans le sens de la synthèse avec utilisation du
potentiel électrochimique en H+ ; lorsqu'elle est positive le système couple l'utilisa-
tion de l'ATP à la formation d'un potentiel électrochimique en H+. Il s'agit d'un trans-
ducteur réversible qui peut travailler dans des conditions peu éloignées de l'équilibre.
Chez les bactéries anaérobies facultatives placées en anaérobiose, l'ATP est hydrolysée pour g

3.1.5.3. Les ATPases de type V


Ce sont des H+-ATPase qui ont été mises en évidence pour la première fois dans les
membranes vacuolaires (d'où leur nom, type V pour vacuolaire). Elles ont été ensuite
trouvées dans les membranes des lysosomes, du complexe golgien, des granules chromafines e

protons aux dépens de l'utilisation de l'ATP et créent ainsi un µH+ positif et acide
à l'intérieur de la vésicule. Cette force est utilisée notamment pour les transports actifs.
Contrairement aux ATP synthases elles ne fonctionnent, pour des raisons thermody-
namiques, que dans le sens de l'utilisation de l'ATP (ce qui correspond à une forte
dissipation de l'énergie au cours de la réaction). Ces ATPases de masse moléculaire
d'environ 2 - 5 x 1 O5 sont constituées d'un secteur soluble (VI) et d'un secteur membranaire (

(voir chapitre 8). Comme dans le cas des ATP synthases, le cycle catalytique ne com-
porte pas d'intermédiaire phosphorylé. Ces enzymes sont activées par certains anions
comme l'ion chlorure ; elles sont inhibées par l'ion nitrate et, comme généralement
les pompes à protons, par le DCCD (dicyclohexylcarbodiimide), un reactif des fonc-
tions carboxyliques. Par contre elles sont insensibles à l'oligomycine, inhibiteur des
ATP synthases mitochondriales, et au vanadate.

3.1.5.4. Les ABC ATPases


Elles sont appelées ainsi car elles possèdent un motif structural typique appelé ABC
impliqué dans la reconnaissance de l'ATP (ATP-Binding-Cassette). Certaines de ces
protéines sont impliquées dans des transports actifs chez les bactéries, où l'ATP est
directement utilisé sans passage par une différence de potentiel électrochimique en
un cation. Un autre type important de protéine de cette classe est le type MDR (pour
MultiDrug-Resistance); ces protéines utilisent l'ATP pour expulser certaines molé-
cules étrangères à la cellule comme les drogues et médicaments.
3 - L'ÉNERGIE CHIMIQUE 55

3.2. AUTRES COMPOSÉS COMPORTANT DES GROUPES


À HAUT POTENTIEL DE TRANSFERT
3.2.1. LES NUCLÉOTIDES

Mis à part leur rôle dans la biosynthèse des acides nucléiques, les nucléotides autres
que les nucléotides adényliques interviennent dans des réactions spécialisées du méta-
bolisme et de sa régulation.
> L'UTP (uridine triphosphate) est impliquée dans la synthèse des liaisons glycosidiques. Par exem

ner de l'uridyl-diphosphoglucose (UDPG) et du pyrophosphate, réaction catalysée


par l'UDPG transphosphorylase.
UTP + Glucose-1P — UDPG + PPi
L'uridyl-diphosphoglucose (figure 3.4), est un meilleur donneur de groupement
glycosyl que le glucose-1P à cause des contraintes de conformation exercées à la
fois sur le carbone anomère du glucose et sur les groupes phosphoryl. Son rôle
dans la biosynthèse du glycogène est donné au chapitre 6. Il existe plusieurs sortes
de nucléotides-sucres intervenant dans les biosynthèses des saccharides, comme
l'UDP-galactose, l'UDP-mannose, l'UDP-glucosamine...

Uridine-diphosphoglucose (UDPG)

H3C 0 0 O
\
H3C—N+—CH2—CH2—0- P—0- P—0—CH2
0
H3C O 0
Cytidine-diphosphocholine (CDP-choline)

3.4 - Exemples de structure de nucléotides


> Le CTP (cytosine triphosphate) intervient dans la synthèse des phospholipides en
formant des composés à haut potentiel de transfert comme la cytidine diphosphocholine (fig

H3C H3C
\ Choline kinase \
H3C—N + —CH2—CH2—OH + ATP —————- H3C—N + —CH2—CH2—OP + ADP + H+
H3C H3C
Choline Phosphoryl choline
56 BIOÉNERGÉTIQUE

CDP-choline-pyrophosphorylase
phosphorylcholine + CTP CDP-choline + PPi

La CDP-choline est ensuite transférée sur un diacylglycérol pour donner la phosphatidyl-c

Phosphoryl-choline-diacylglycérol
0 H2C—O—C—R1 transférase O H2C—O—C—R1

R2—C—0—CH 0 + CDP-choline ——- R2—C—0—CH 0 + CMP


1
H2C—OH H2C—O

0—P—0—Choline

Diacylglycérol Phosphatidylcholine 0

On peut citer comme autres intermédiaires de la synthèse des phospholipides le


CDP-éthanol-amine et le CDP-diacylgIycérol. Une autre voie de biosynthèse des
phospholipides est l'activation du phosphatidate par le CTP pour donner le CDP-acylglycéro

NH2
0 H2C—0—C—R1 0 H2C—0—C—RI

R2—C—0—CH 0 R2—C—0—CH 0

H2C—O H2C -0 0 0 0N

0—0- + CTP —— 0P—0—0—P—0P—0CH2 + PPi


I CTP-phosphatidate | 0
0 cytidyl transférase 0 0 O
Phosphatidate CDP-diacylgIycérol

> Les guanosines di et triphosphate (GDP et GTP) tiennent une place essentielle dans
les processus de signalisation. Elles interviennent en se liant à des protéines parti-
culières, les protéines G (cf. chapitre 5).
Les nucléosides monophosphate (NMP) et diphosphate (NDP), qui désignent les
nucléotides autres que l'AMP ou l'ADP, ne sont pas régénérés respectivement en
NDP et en NTP par incorporation directe de Pi lors d'une réaction couplée. En
général ces réactions couplées concernent la régénération de l'ADP en ATP. La
phosphorylation de ces nucléotides est due à des réactions de transphosphorylation où le don

réaction catalysée par l'adénylate kinase décrite au § 3.1.3.1). Comme il n'y a pas
de changement de nature des liaisons mises en jeu lors des réactions, les constantes
d'équilibre sont voisines de 1.
NMP kinase
NMP + ATP — NDP + ADP
NDP kinase
NDP + ATP — NTP + ADP
3 - L'ÉNERGIE CHIMIQUE 57

La figure 3.5 résume les voies de régénération des nucléosides phosphates.

NDP ——— NMP.


\

\ NTP
W : travail produit par les nucléotides 2 —
1 : NMP kinase
2 : NDP kinase
3 : Phosphorylation nette : — ATP -
glycolyse, oxydation phosphorylante, photophosphorylation 3
3.5 - Régénération des nucléotides ADP + Pi

Cependant le GTP, dans les mitochondries de mammifères, peut être régénéré direc-
tement à partir de Pi selon une réaction couplée utilisant un thioacyl comme com-
posé à haut potentiel de transfert (cf. § 7.2.2) :
Succinyl-CoA synthétase
succinyl-CoA + Pi + GDP succinate + GTP + CoASH

3.2.2. CRÉATINE-PHOSPHATE ET AUTRES COMPOSÉS PHOSPHORYLÉS

3.2.2.1. Créatine-phosphate
On trouve la créatine-phosphate (ou phosphocréatine) dans les cellules des muscles
lisses ou striés, les cellules cardiaques et celles du système nerveux des vertébrés. Elle
est synthétisée par transfert réversible d'un phosphoryl de l'ATP sur un atome d'azote
du goupement guanidyl de la créatine, réaction catalysée par la créatine kinase.
créatine + ATP créatine-P + ADP
Le sens de la réaction dépend des rapports de masse :
[créatine P]/[créatine] x [ADP]/[ATP].
Pour de fortes concentrations en ATP (par exemple pour un muscle au repos), la
créatine-P est synthétisée ; par contre, dans des conditions où l'ATP est fortement
consommée (muscle en exercice) elle est régénérée à partir de la créatine-P. Cette
réaction correspond donc à un système tampon. On peut détecter par RMN la créa-
tine-P et le phosphate minéral, ce qui permet de mesurer le rapport créatine-P/Pi
et le considérer comme indice énergétique. En effet puisqu'un travail musculaire
utilise de l'ATP en donnant de l'ADP et du Pi, cet indice traduit bien l'importance
de la régénération énergétique par rapport au travail fourni. Il est ainsi possible de
détecter des myopathies.
L'instabilité de la créatine-P est due aux contraintes conformationnelles exercées sur
la créatine qui empêchent la résonance du groupe guanidyl de cette dernière.
58 BIOÉNERGÉTIQUE

H H H 0-

N—H N N- P—0-
II 1 1
HN=C —— H — N — C H N C 0-

N—CH2—COO- H N—CH2—COO- N—CH2—COO-

CH3 CH3 CH3


Créatine Phosphocreatine

L'arginine-P joue un rôle similaire chez les invertébrés.


HN

CH—CH2—CH2—CH2—NH—C—N—H
-OOC 0 — PO

Phosphoarginine 0

La créatine-P peut être considérée comme une réserve (bien que modeste) en liaisons
anhydrides de phosphate car les cellules en contiennent 10 à 20 fois plus que d'ATP.
Pourquoi l'évolution a-t-elle retenu un tel système plutôt qu'une plus forte quantité
en ATP ? Un élément de réponse tient vraissemblablement au fait que les nucléotides
adényliques ne sont pas uniquement des intermédiaires énergétiques pour la cellule
mais sont aussi impliqués dans la régulation de nombreuses enzymes, et à cet égard
les concentrations, et non seulement la valeur du potentiel phosphate, jouent un rôle
important.
L'importance de ces réserves est cependant limitée. Un coureur à pied par exemple
dépense en moins d'une seconde une quantité d'énergie équivalente à son stock
d'ATP ; même en multipliant cette quantité par 20, c'est-à-dire en prenant en compte
la quantité maximale de créatine-P, la réserve reste faible.
En fait, après une heure d'effort, le coureur a consommé en énergie l'équivalent de
ses réserves en glycogène et commence à utiliser ses graisses pour maintenir son
potentiel phosphate. Il ressort de cette constatation que l'important est moins la taille
du stock des réserves internes (glycogène, triglycérides) ou externes (aliments) que
la vitesse à laquelle ces molécules permettent la régénération de l'ATP. C'est par cet
ajustement entre vitesse d'utilisation et vitesse de synthèse de l'ATP que le potentiel
phosphate peut être maintenu à une valeur compatible avec la vie de la cellule.
Le système créatine/créatine-P semble être aussi impliqué dans le transfert de l'éner-
gie de son lieu de synthèse (la mitochondrie) à son point d'utilisation (le système
contractile) (cf. § 9.2).

3.2.2.2. Autres composés phosphorylés


Les composés phosphorylés les plus stables sont les esters ; parmi les plus labiles,
on trouve les anhydrides d'acides entre un carboxyle et un phosphate comme le
1,3-biphosphoglycérate et la fonction phosphoénol du phosphoénoipyruvate
3 - L'ÉNERGIE CHIMIQUE 59

(figure 3.6). L'instabilité de ce dernier composé est due aux contraintes exercées par
le phosphate s'opposant à l'isomérisation du phosphoénol (forme très instable) en
pyruvate (forme stable).
H2C C—COO-
H 2 CC—COO- H3C—C—COO-

0P—O OH
O

Phosphoénolpyruvate Phosphoénol Pyruvate

La liaison entre le phosphate et la fonction hémiacétalique portée par le carbone ano-


mère d'un sucre n'est pas une liaison ester (exemple le glucose-1P). Elle est moins
stable que celle-ci (comparaison entre glucose-1P et glucose-6P, figure 3.6).

phosphoénolpyruvate
mol-1
-60 -
3 1,3-biphosphoglycérate
.2 acétyl phosphate et créatine phosphate
-40
u1 ATP —» ADP + Pi

glucose-1phosphate
-20

D1
fructose-éphosphate
glucose-6phosphate
n

3.6 - Comparaison des variations des enthalpies libres standard


des hydrolyses de différents composés phosphorylés

3.2.3. THIOESTERS

Les liaisons thioesters s'obtiennent chimiquement par déshydratation entre un acide


carboxylique et un thiol. Ce sont des liaisons instables, contrairement aux liaisons
esters. Cette différence est due :
> a la longueur de la liaison C-S, supérieure à celle de la liaison C-0, qui rend la liai-
son thioester plus sensible aux réactifs nucléophiles ;
> à l'absence de résonance entre C et S, contrairement à la liaison ester, qui est cause
de la polarisation du carbonyle, induisant une plus grande acidité de l'hydrogène
en position a de cette fonction.

0 H7 O8
1 /
C — O R' R—C—C—S—R'

H
60 BIOÉNERGÉTIQUE

Ces liaisons sont trouvées sous différentes formes.


> Les acyl-CoA représentent les formes activées des acides carboxyliques en formant
une liaison thioester entre le carboxyle et le groupement thiol du coenzyme A. Ce
coenzyme dérive d'une vitamine de type B, l'acide pantothénique (figure 3.7).
> les acyl-enzymes, composés possédant une liaison thioester entre le carboxyle d'un
métabolite et une fonction thiol portée par une enzyme. Ils interviennent dans les
transductions d'énergie, et nous en verrons des exemples avec la glycéraldéhyde-
3P déshydrogénase et la pyruvate déshydrogénase.
La synthèse d'une liaison thioester (liaison très instable) nécessite un apport d'éner-
gie sous forme d'ATP ou d'une réaction d'oxydoréduction. Les deux principaux
exemples que nous traiterons sont la première réaction de couplage de la glycolyse
(chapitre 6) et la décarboxylation oxydative du pyruvate (chapitre 7).

pantéthéine

alanine acide pantoïque

0 0 H CH3 0

—CH2—CH2—NH——C—C—CH2—P—0-

NH OH CH3 0 ON

CH2 0P — 0 -
cystéamine
CH2 O-

SH

3.7 - Structure du coenzyme A (CoA-SH)

3.3. CONCLUSIONS
L'énergie chimique correspond à un ensemble de composés dont certaines liaisons
sont relativement instables. Cela signifie que les systèmes évoluent de l'état le moins
stable vers des états plus stables. Un système ne correspond pas seulement à une
molécule mais à la valeur du rapport de masse des molécules intervenant dans une
réaction comparée à cette valeur dans les conditions de l'équilibre chimique. Plus
grande sera la différence entre ces deux valeurs, plus grande sera la force agissant
sur le système. Prises dans leur ensemble, les réactions du métabolisme sont unidi-
rectionnelles, c'est-à dire irréversibles ; on ne trouvera jamais dans la cellule des
concentrations en Pi et glucose-6P suffisantes pour réverser la réaction catalysée par
l'hexokinase. De même les gradients ioniques établis par les ATPases membranaires
sont généralement insuffisants pour permettre la synthèse de l'ATP.
Cette réflexion sur le caractère unidirectionnel du métabolisme n'est générale que si
l'on considère l'ensemble des réactions. A l'intérieur du réseau il y a des réactions
physiologiquement réversibles. Ce sont en général des réactions faisant intervenir
3 - L'ÉNERGIE CHIMIQUE 61

des molécules dites énergétiques (il est plus exact de parler de systèmes instables).
Nous pouvons ainsi citer les réactions de transfert d'un résidu phosphoryl entre
nucléotides ou entre l'ATP et la créatine, ou d'une manière plus globale, la formation
d'agents de biosynthèse à partir de l'ATP.
La cellule est continuellement le siège de transformations de systèmes instables en
systèmes plus stables, mais avec cette caractéristique qu'elle maintient son niveau
d'énergie, c'est-à-dire, son niveau d'instabilité. Pour cela, elle reçoit de l'énergie de
l'extérieur et on peut ainsi dire que la cellule est traversée par un flux énergétique.
La valeur de cet état énergétique peut, par exemple, être caractérisée par le potentiel
phosphate. Il existe ainsi des états stationnaires énergétiques, mais qui peuvent être
différents selon l'état physiologique de la cellule, comme par exemple, une cellule
musculaire au repos ou travaillant. Il faut être conscient que la cellule ne possède pas
(ou très peu) de réserve en liaisons à haut potentiel de transfert. L'arrêt de l'apport
énergétique conduit à l'arrêt des réactions cellulaires, à l'image d'un moteur élec-
trique pour lequel on aurait coupé le courant. Cet apport d'énergie est constitué par
les réactions d'oxydoréduction que nous étudions dans le prochain chapitre.
Chapitre 4

OXYDORÉDUCTION

4.1. THERMODYNAMIQUE DES OXYDORÉDUCTIONS


Les réactions d'oxydoréduction sont, pour les organismes non-photosynthétiques, la
source primaire d'énergie. La lumière ayant pour effet de rendre des centres photo-
chimiques plus réducteurs (chapitre 10), on peut dire que l'énergie cellulaire provient
des réactions d'oxydoréduction. Couplées à des réactions endergoniques, elles don-
nent lieu, soit à la formation de liaisons à haut potentiel de transfert, soit à de l'éner-
gie osmotique. Dans ce chapitre nous ferons des rappels sur les principales
caractéristiques de l'oxydoréduction et nous décrirons les structures et les propriétés
des principaux coenzymes impliqués dans ces réactions.

4.1.1. OXYDANTS ET RÉDUCTEURS

Par définition un réducteur est un donneur et un oxydant est un accepteur d'électrons.


Soit la réaction Ox + n e- — Red
Ox et Red forment un couple redox. Une réaction d'oxydoréduction correspond à un
transfert d'un ou de plusieurs électrons entre deux couples redox.
a Red1 — c Ox1 + n e-
b 0x2 + n e- — d Red2
a Red1 + b 0x2 — c Ox1 + d Red2
Un électron n'existe pas à l'état libre en solution. Il peut être directement transféré du
couple réducteur au couple oxydant, mais le transfert peut aussi se faire par l'inter-
médiaire d'un conducteur métallique (jonction entre deux électrodes de piles élec-
trochimiques) ou d'un réseau électronique de protéines.
Le G de la réaction ci-dessus est :
G = G + R Tln[OX1] c [Red2] d /[Ox2] b [Red1] a[4-1]
Si G < 0 la réaction évoluera spontanément de la gauche vers la droite. Cela corres-
pond au fait que le, ou les électrons, de la couche externe du donneur (le réducteur)
est, ou sont, plus stables sur l'atome (ou la molécule) de l'accepteur (oxydant). Comme
pour toute réaction, l'équilibre est atteint lorsque la concentration en accepteur réduit
64 BIOÉNERGÉTIQUE

est suffisamment élevée pour que la vitesse de son oxydation soit égale à celle de sa
réduction. Comme pour tout système, deux types d'évolution sont possibles.
> Le système évolue seul ; l'équilibre thermodynamique obtenu correspond alors à
une perte totale d'énergie utilisable et la distribution des électrons entre les deux
couples représente la stabilité maximale du système.
Le système est couplé à un autre système. Un équilibre peut être atteint, corres-
pondant à un G global nul, mais dont les G de chacun des systèmes sont de
même valeur absolue et de signe opposé. Dans une telle situation, générale aux
systèmes couplés, chaque système contient un potentiel énergétique non-nul.
Ces deux cas sont discutés dans l'exemple suivant où Zn est le réducteur et Cu2+
l'oxydant.
Zn + Cu2+ —— Zn2+ + Cu
Premier cas - Une lame de Zn plonge dans un bain de sulfate de cuivre : les ions cuivriques, r

Zn2+ se dissout dans l'eau. Seule de l'énergie thermique est échangée avec l'extérieur
jusqu'à l'obtention de l'équilibre.
Deuxième cas - Le système est constitué de deux compartiments : une lame de Zn
plongeant dans une solution de sulfate de Zn2+ et une lame de Cu plongeant dans un
autre compartiment contenant du sulfate de Cu2+(figure4.1 a). Comme dans l'expé-
rience précédente Zn a tendance à s'oxyder et les ions cuivriques à se réduire en Cu.
Les compartiments sont reliés par un pont salin de KCl qui assure l'électroneutralité
de la réaction d'oxydoréduction en neutralisant le gain ou la perte d'ions. Dans ces
conditions il s'établit une polarisation des électrodes due à la réaction d'oxydoré-
duction et s'opposant au développement de la réaction chimique ; un équilibre est
obtenu lorsque le déséquilibre électrique égale le déséquilibre chimique. Par ce mon-
tage on réalise une transduction d'énergie chimique en énergie électrique caractérisée
par uneforceélectromotrice appeléef.e.m.en abrégé. On peut introduire un petit moteur
entre les deux bornes de sorte à transduire l'énergie chimique en travail mécanique.
Par contre si les lames sont reliées par un conducteur métallique, l'énergie chimique
est dissipée en chaleur. Dans ces deux cas l'énergie électrique est un intermédiaire et
sa consommation continue est la cause d'un flux chimique qui ne cessera qu'à l'équi-
libre. Cette description pourrait s'appliquer aussi bien à un système couplé cellulaire.
Le montage décrit est connu sous le nom de pile DANIELL. La réaction est réversible.
En effet, en plaçant dans le circuit, en opposition avec la pile, un générateur dont la
f.e.m. est supérieure à celle de la pile, le sens du courant et en conséquence celui de
la réaction sont inversés.
On peut constituer des piles où chaque compartiment contient en solution un couple
redox (contrairement à l'exemple précédent où les formes réduites sont les
électrodes métalliques) dans lequel plonge une électrode constituée par un métal
inerte comme le platine. Dans l'exemple montré sur la figure 4.1 b un seul électron
intervient dans la réaction. Le couple 1 est plus réducteur que le 2 d'où le sens du
courant.
4 - OXYDORÉDUCTION 65

voltmètre voltmètre
cathode anode électrode électrode
de Zn de Cu de Pt d ePt
pont de KCl

e-

Zn2+ Cl- K+
1
ZnSO4 2Cl-- 2K + CuSO4 R e d 10 x O
1 x 2R e d 2

4.1 - Exemples de piles


a - pile DANIELL, b - pile constituée par deux couples d'oxydoréduction solubles

4.2.2. FORCE ÉLECTROMOTRICE DES PILES


ET POTENTIEL D'OXYDORÉDUCTION

L'expression du travail électrique, produit de la quantité d'électricité transportée par


la différence de potentiel électrique [W (joules) = q (coulombs). E (volts)], permet
d'écrire que le travail maximum d'une réaction chimique par unité d'avancement,
lorsque n électrons sont utilisés, est :
G = -nF E [4-2]
Le signe négatif est la conséquence de la convention attribuant un signe positif à la
f.e.m. On peut déduire la différence de potentiel d'oxydoréduction entre les deux
couples (ou f.e.m. de la pile) en combinant les équations [4-1] et [ 4-2] :
E = E O - R T / n F . l n [ O x 1 ] c[Red2] d /[Ox2] b [Red1] a[4-3]
a v e cE0=-G0/nF.

4.1.2.1. Expression du potentiel d'oxydoréduction


en absence de transfert de proton
On définit le potentiel E d'un couple comme la différence de potentiel s'établissant
entre ce couple et l'électrode à hydrogène dans les conditions standard (pH = 0, pres-
sion d'hydrogène = 1 atm) à laquelle, par définition, on attribue la valeur E = 0.
2H+ + 2e H2
Par convention on considère que la pile fonctionne dans le sens de l'oxydation de
l'hydrogène
a Ox + n e- — b Red
n/2H2 n H + + ne-
aO x+ n/2H2 b Red + n H+
d'où
G = G + R TIn[Red]b/[Ox]a1x [HT ]n/[ H 2 ] n / 2
Si l'électrode de référence est dans les conditions standard, l'expression devient :
G = G + R Tl n [ R e d ] b / [ O x ] a
66 BlOÉNERGÉTIQUE

En posant G = - n F E, on aboutit à l'expression du potentiel :


E = E° + R T / n F I n [ O x I a / [ R e d ] b [4
On constate que E est égal au potentiel standard E° lorsque les formes réduite et oxy-
dée sont égales. Contrairement à la fonction G, E n'est pas une fonction d'état. La dif-
férence de potentiel entre deux états dépend du chemin parcouru.

4.1.2.2. Transfert d'électrons lié à celui de protons en phase aqueuse


Soit la reaction générale
a Ox + m H 4 + n e- — b Red
n / 2 H 2 — n H + + ne-
aOx + mH+ + n / 2 H 2 b Red + n H+
avec G = G + RT In [Red]1 [HT]n/[Ox]a1[H2]n/272 [H+]m11.
Dans la mesure où l'électrode à hydrogène est dans les conditions standard, la varia-
tion du potentiel de l'autre électrode en fonction du pH est donnée par la relation :
E = E° - 0,059 m/n x pH + 0,059/n x log [Ox]a / [ R e d ] b [4-5]
avec 2,3 RT/F = 0,059 V à 298 K.
A pH 7 on définit le E(), appelé couramment Em pour potentiel de 1/2 réduction ; en
effet c'est la valeur du potentiel lorsque les concentrations des formes réduites et oxy-
dées sont égales.
Em = E° - 0,059 pH x m/n [4-6]
Dans ces conditions le potentiel de l'électrode à hydrogène est :
E" = 0 - 0,059 x 2/2 x 7 = -0,413V

Le titrage d'un couple redox s'effectue à l'aide d'une pile constituée d'une électrode
de référence et d'une électrode en platine plongeant dans la solution redox à titrer et
en absence d'oxygène. On ajoute progressivement un réducteur à la solution et le
potentiel d'équilibre est mesuré après chaque ajout. On trace ainsi la relation E en
fonction de la quantité de réducteur ajouté. Lorsque le couple à titrer ne diffuse pas
vers l'électrode de platine on utilise un couple médiateur qui diffuse entre l'électrode
et le couple à titrer.
Le potentiel d'oxydoréduction d'un couple peut varier en fonction d'un certain nombre
de facteurs :
> la force ionique du milieu : la valeur Em des petites molécules métallo-organiques,
dont les formes réduites et oxydées présentent une différence de charge, est modi-
fiée par la force ionique (1) du milieu. Pour le couple t e r r i/fero-cyanure,par
exemple, cette valeur passe de + 0,36 V pour 1 = 0 à + 0,45 V à haute force ionique ;
> les ligands : ce problème est discuté dans le paragraphe 4.5.2 de ce chapitre à pro-
pos des cytochromes ;
4 - OXYDORÉDUCTION 67

le potentiel transmembranaire : la variation du Em sous l'effet d'un potentiel de mem-


brane est égale et de signe contraire à ce potentiel. Ce dernier point est particuliè-
rement important dans le cas des transporteurs d'électrons membranaires insérés
dans des membranes où il existe généralement une différence de potentiel électrique.

4.1.2.3. Mesure des potentiels d'oxydoréduction


Les mesures sont basées sur des propriétés différentes des formes réduite et oxydée
d'un couple. Une grande partie des molécules biologiques ont un spectre d'absorp-
tion caractéristique d'une forme dans le visible ou le proche UV. Il en est ainsi pour
les nucléotides nicotiniques, les flavines, les quinones et les cytochromes. On construit
alors une pile avec une électrode de référence et une électrode de mesure en platine
plongeant dans la solution à titrer à l'état oxydé. On ajoute progressivement un agent
réducteur dans des conditions d'anaérobiose stricte ; le niveau de réduction du couple
et le potentiel de la pile sont mesurés pour chaque ajout. Ces mesures nécessitent un
montage spécial permettant d'avoir accès simultanément à ces deux paramètres. On
peut aussi mesurer uniquement le potentiel lorsque la solution du réducteur ajouté
est titrée avec exactitude ; ceci permet le titrage de couples n'ayant pas, par exemple,
de spectre caractéristique. Notons aussi que dans certains cas, et particulièrement
celui des protéines, le couple à doser diffuse lentement ; pour obtenir un état d'équi-
libre entre ce couple et l'électrode de platine on ajoute dans la solution (ou suspen-
sion) un couple oxydoréducteur assurant le transfert des électrons entre le platine et
le couple à titrer.
La figure 4.2 montre un exemple de courbe de titrage pour n = 1. Dans ce schéma
nous avons choisi de représenter le rapport de la forme réduite sur la somme des
formes réduite et oxydée, et non pas le rapport [Red] / [Ox], car c'est cette donnée que
l'on obtient directement de l'expérience. Les points remarquables sont les suivants :
le potentiel Em (ou Em à pH 7) est donné pour un rapport de 0,5, soit [Ox] = [Red] ;
selon l'équation [4-4] le rapport [Red]/[0x] varie d'un facteur 10 pour une variation
de 59 mV à 25 °C, pour n = 1, ce qui donne sur le graphe les valeurs de 0,99,0,91,0,09
et 0,0099 pour des valeurs de potentiel éloignées du Em respectivement de -118, - 59,
+ 59 et 118 mV. On fait le même
raisonnement pour des valeurs de n
supérieures à 1 en posant que le
rapport [Red]/[0x] varie d'un facteur
10 pour une variation de 59/n mV du
potentiel.

4.2 - Schéma d'une courbe de titrage -160 -100 -40 20 80 140 200
d'un couple oxydoréducteur Potentiel d'oxydoréduction (mV)
68 BIOÉNERGÉTIQUE

4.2. PYRIDINES NUCLÉOTIDES

4.2.1. STRUCTURE ET BIOSYNTHÈSE

Les pyridines nucléotides sont des transporteurs d'hydrogène qui contiennent l'amide
de l'acide nicotinique comme groupement fonctionnel. Ce furent les premiers coen-
zymes caractérisés, d'où l'ancienne nomenclature de coenzyme 1 et coenzyme 2 pour
respectivement le NAD+ et le NADP+ Le coenzyme 1 fut découvert par HARDEN et
YOUNG en 1904, qui isolèrent un facteur dialysable nécessaire à la transformation du
glucose en éthanol par un extrait de levure. Plus tard, VON EULER montrait que ce
coenzyme était lié à l'acide adénylique. En 1934, WARBURG et CHRISTIAN isolèrent des
érythrocytes le coenzyme 2 comme élément indispensable à l'oxydation du glucose-6phosphate

NAD+ (anciennement DPN pour diphosphopy-


ridine nucléotide) et du NADP+ (anciennement
TPN pour triphosphopyridine nucléotide) com-
portent une nicotinamide liée au ribose en 1'par
une liaison de type (3 (figure 4.3). Ce nucléoside
est lié à l'adénosine par un pont pyrophosphate
situé entre les deux fonctions alcool primaire des
sucres. Le NADP4+ dérive de cette structure par
phosphorylation de la fonction alcool en 2' du
ribose de l'adénosine.

4.3 - Structure du NAD* et du NADP+


La position de la phosphorylation du ribose
du NADP4 est indiquée dans le cercle.

Les coenzymes oxydés présentent une bande d'absorption à 250 nm et une bande
supplémentaire à 340 nm sous leur forme réduite. Les formes réduites excitées à
340 nm fluorescent dans le bleu. Les propriétés d'absorption et de fluorescence sont
utilisées pour le dosage de ces nucléotides.
L'acide nicotinique est une vitamine dont la carence provoque une dermatose appe-
lée pellagre (d'où le nom de vitamine PP appelée aussi niacine) et appartient au groupe
des vitamines hydrosolubles de type B. Les coenzymes sont synthétisés à partir de
cette vitamine en trois étapes :
> synthèse du mononucléotide
acide nicotinique + PRPP — acide nicotinique mononucléotide + PPi
> synthèse du dinucléotide
acide nicotinique mononucléotide + ATP — ac. nicotinique dinucléotide + PPi
> synthèse de l'amide
acide nicotinique dinucléotide + glutamine — NAD+ + glutamate
4 - OXYDORÉDUCTION 69

4.2.2. RÉACTIONS NÉCESSITANT UN COENZYME PYRIMIDIQUE

Les enzymes à NAD+ sont impliquées dans les types de réaction dont des exemples
sont donnés ci-après.
> Oxydation d'un alcool primaire en aldéhyde
éthanol + NAD+ éthanal + NADH +H + +
(alcool déshydrogénases)
> Oxydation d'un alcool secondaire en cétone
lactate + NAD+ — pyruvate + NADH + H+
(lactico déshydrogénases)
> Oxydation d'un aldéhyde en acide
éthanal + H2O + NAD+ — acétate + NADH + 2 H+
(aldéhyde déshydrogénases, dont certaines fonctionnent avec le NADP ; voir aussi
la 3-phospho-glyceraldéhyde déshydrogénase au chapitre 6)
> Oxydation d'une amine en cétone
glutamate + H2O + NAD+ — cétoglutarate + NADH + ammoniaque
(glutamate déshydrogénase ; certaines de ces enzymes fonctionnent avec NADP+
Les enzymes à NADP+ interviennent essentiellement dans des réactions de biosyn-
thèse, c'est-à-dire dans des réactions de réduction. L'exemple ci-dessous traite de la
première étape de la biosynthèse des lipides :

0 COO- 0
// / //
H3C— + H2C 0 —— H3C—C—CH2—C + CO2 + CoASH
S-CoA C O S-CoA
S-CoA
Acétyl-CoA Malonyl-CoA Acétoacétyl-CoA

0 0
// //
H3C—C—CH2—C + NADPH + H+ ——- H3C—C—CH2—C + NADP
II II
0 S-CoA 0 S-CoA
hydroxybutyryl-CoA

La réduction du NADP+ nécessaire aux biosynthèses se fait essentiellement par trois


réactions.
L'oxydation du glucose-6P en gluconolactone-6P, qui est ensuite hydrolysée en
gluconate-6P
Cette réaction est couramment utilisée pour des dosages enzymatiques de diffé-
rentes molécules : glucose, glucose-6P, NADP+ ou ATP (en présence de glucose et
d'hexokinase, cf. chapitre 8).

)
70 BIOÉNERGÉTIQUE

+ NADPH + H4

CH2OP
ôP-gluconate

L'oxydation du gluconate-6P en ribulose-5P


0

0
CH—OH CH2OH

HO—C NADP+ ——- O C + NADPH + CO2 + H4

CH—OH CH2

CH—OH CH2

CH2OP CH2OP
Gluconate-6P Ribulose-5P

Cette réaction est catalysée par la gluconate-6P déshydrogénase ; la déshydrogé-


nation est suivie d'une décarboxylation due à la formation transitoire d'un acide
cétonique qui est une molécule instable.
> L'oxydation de l'isocitrate par l'isocitrate déshydrogénase cytoplasmique
0

coo-
0
C—CH2—COO- + NADP 1 O C + NADH + CO2 + H+
1
HO—CH CH2

coo- CH2

COO
Isocitrate a-cetoglutarate

Le mécanisme de la réaction est analogue à celui de la réaction précédente.


4 - OXYDORÉDUCTION 71

4.2.3. POTENTIEL D'OXYDORÉDUCTION

Le potentiel de demi-réduction des coenzymes pyrimidiques à pH 7 est respective-


ment de - 0,320 et - 0,324 volts pour les couples N A D/NADHet N A D P/NADPH
Ces potentiels sont parmi les plus bas dans la cellule et généralement plus négatifs
que ceux des couples oxydés par le NAD+
Exemples :
Em
glycéraldéhyde-3P/glycérate-3P - 0,29 V
lactate/pyruvate - 0,19 V
malate/oxaloacétate -0,17V
glutamate/cétoglutarate - 0,14 V
II faut tenir compte du fait que le potentiel de demi-réduction des coenzymes pyri-
midiques varie par liaison aux protéines (de + 0,07 V environ). Mais surtout la connais-
sance des potentiels de 1/2 réduction des différents couples est insuffisante pour
donner le sens de la réaction. Il est nécessaire de connaître les rapports [Ox]/[Red]
de chacun des couples mis en jeu. Ainsi dans le cytoplasme le couple N A D/NADH
est généralement un oxydant alors que le couple N A D P/NADPHest un réducteur.
Il a été proposé que les couples N A D/NADHet N A D P/NADPHétaient proches
de l'équilibre avec les substrats et produits de certaines réactions : lactate/pyruvat
pour N A D/NADH,isocitrate/cétogluartepour N A D P/NADPH. Comme
une importante quantité de nucléotides est liée à des protéines et que les relations
thermodynamiques ne prennent en compte que les formes libres, celles-ci sont cal-
culées à partir du rapport des concentrations de ces substrats et produits et des
constantes d'équilibre correspondantes.
Par exemple le rapport N A D/NADHdans le cytoplasme des hépatocytes, de l'ordre
de 1000, est déduit de la relation d'équilibre de la réaction catalysée par la lactico-
déshydrogénase:
N A D/NADH1/Keq x [pyruvate]/[lactate]
Dans la mitochondrie ce rapport est mesuré par l'équilibre de la réaction d'oxyda-
tion du hydroxybutyrate en acétoacétate, et il est de l'ordre de 10. Ainsi le couple
N A D/NADHest beaucoup plus oxydant dans le cytoplasme que dans la mito-
chondrie. Cela a en partie pour origine un transport des équivalents réducteurs d u
cytoplasme vers la mitochondrie par des systèmes navettes. Ces systèmes sont indis-
pensables au transport car les coenzymes pyrimidiques ne diffusent pas à travers la
membrane interne des mitochondries (cf. § 8.4.1).
Dans le cytoplasme le rapport N A D P/NADPHest déterminé par l'équilibre de la
réaction catalysée par l'isocitrate déshydrogénase et est de l'ordre de 0,005, indiquant
que ce couple est très réducteur. Le pouvoir réducteur et oxydant des coenzymes
pyrimidiques est donc déterminé par les voies métaboliques et leurs régulations res-
ponsables de la formation et de l'utilisation des substrats et produits des réactions
avec lesquels ils sont à l'équilibre.
72 BIOÉNERGÉTIQUE

NAD+ + S réduit - NADH + S oxydé

Régulation des voies


-
métaboliques

C'est donc l'ensemble du réseau métabolique qui impose l'état stationnaire en fixant
les concentrations en substrats réduits et oxydés. C'est un exemple typique d'état sta-
tionnaire d'un système ouvert. Dans la mesure où l'activité de la déshydrogénase est
importante devant le flux passant par la réaction d'oxydoréduction, elle pourra main-
tenir un état de proche de l'équilibre entre d'une part les substrats et les produits de
la reaction, et d'autre part les coenzymes pyrimidiques.
Cette observation peut expliquer la grande différence de potentiel d'oxydoréduction
entre le couple N A D/NADHet le couple N A D P/NADPH.En effet, dans le cyto-
plasme, elle semble être maintenue par plusieurs réactions supposées proches de leur
équilibre.
Deux types de réactions interviennent dans ce processus.
> II existe un métabolite commun entre les réactions catalysées par les déshydrogé-
nases à NAD 4 et à NADP+ C'est le cas de la lacticodéshydrogénase et de l'enzyme
malique. Cette dernière catalyse la réaction suivante :
malate + NADP+ pyruvate + NADPH + CO2 + H 4
En connaissant KL et K M les constantes d'équilibre des réactions catalysées res-
pectivement par la lacticodéshydrogénase et l'enzyme malique, on peut écrire les
relations suivantes :
[pyruvate] = K L/[H+]x [lactate][NAD+]/[NADH]
[pyruvate] = KM/[H+] x [malate] [NADP+] [NADPH] [CO2]
d'où [NAD+]/[NADH] = [NADP+] [NADPH] x KM/KL x [malate]/[lactate] [CO2]
Ainsi la différence dans les potentiels d'oxydoréduction est déterminée par le rap-
port malate/lactate.
> S'il n'y a pas de substrat commun aux deux déshydrogénases, la relation peut se
faire par l'intermédiaire d'une troisième réaction reliant un substrat ou produit
d'une reaction à un substrat ou produit de l'autre. Ainsi cétoglutarate et l'oxa-
loacétate sont les produits des réactions catalysées respectivement par l'isocitrate
déshydrogénase et de la malate déshydrogénase. Ces molécules sont reliées entre
elles par une réaction de transamination catalysée par la glutamate/oxaloacétate
transaminase (cf. chapitre 7). En connaissant les constantes d'équilibre de ces trois
réactions (Kl pour l'isocitrate déshydrogénase, KM pour la malate déshydrogénase
et KT pour la transaminase) on écrit :
[NADP+]
[NAD+][NADH]- x KT x [isocitrate] [aspartate]
[NADPH] x KTKM[glutamate] [malate][ C O 2 ]
4 - OXYDORÉDUCTION 73

4.2.4. MÉCANISME ET STÉRÉOSPÉCIFICITÉ


DE LA RÉACTION D'OXYDORÉDUCTION

En utilisant des substrats marqués au deutérium PULLMAN et COLOWICK montrèrent


que la réduction du nicotinamide se faisait en position 4 du cycle.

NH2 Réduction NH2

Par ce type d'expériences il a été possible d'étudier le mécanisme de la réaction d'oxy-


doréduction. La réaction SH2 (substrat réduit) + NAD+ — S + NADH + H+ peut
a priori s'effectuer selon l'un des trois mécanismes suivants :
(1)NAD + + 2e- + 2H+ — NADH + H+
(2)NAD + + e-+ 'H + H+ —NADH + H+
(3) NAD + + :H- + H+ NADH + H+
VENNESLAND a tranché entre ces trois hypothèses par les expériences suivantes. Lorsque
la réaction d'oxydation de l'éthanol par l'alcool déshydrogénase :
CH3CH2OH + NAD+ — NADH + H+ + CH3CHO
est réalisée dans l'eau deutérée, aucun marquage au deutérium n'est détecté sur le
NADH, ce qui élimine la première hypothèse ; en effet, dans le cas contraire, les pro-
tons libérés lors de l'oxydation du substrat devraient être dilués par D+ provenant de
la dissociation de l'eau deutérée et par voie de conséquence, le NADH devrait être
marqué. Cette expérience montre qu'il y a transfert direct de l'hydrogène du substrat
au coenzyme. La forme transférée est l'hydrure (mécanisme 3) car le transfert d'un
atome d'hydrogène (mécanisme 2) donnerait un signal en résonance paramagnétique
électronique (RPE), méthode de détection des radicaux, ce qui n'est pas le cas.
VENNESLAND et coll. ont montré que les déshydrogénases étaient capables de distin-
guer entre les deux positions de l'hydrogène en position 4 du nicotinamide qui se
situent en cis ou en trans par rapport à la fonction amide (HA et HB).
Les déshydrogénases se classent en deux groupes, celles reconnaissant la position A
et celles reconnaissant la position B. Cette stéréospécificité a été mise en évidence par
les expériences suivantes.
Expérience 1 - Le NAD 4 est réduit par voie enzymatique par l'éthanol deutéré sur le
carbone 1 en présence d'alcool déshydrogénase (ADH); il est alors deutéré. Le NADD
(forme deutérée du NADH) est ensuite isolé et réoxydé par la même enzyme avec
l'acétaldéhyde comme substrat. Si l'enzyme ne fait pas la différence entre les deux
positions, on doit s'attendre à un mélange de NAD 4 deutéré et non-deutéré. Si, au
contraire, l'enzyme fait la différence entre les deux positions, la position impliquée
dans l'oxydation et la réduction sera la même et le NAD4 ne sera pas deutéré. Aucun
74

marquage n'est retrouvé sur NAD 4 , on en conclut donc que l'ADH reconnaît spéci-
fiquement une position de l'hydrogène (position A).
H
O
C

0 D bH DA 0
//
X:
+ H3C- C—OH
NH2 D
0

4.4 - Stéréospécificité de réduction du NAD+


Le coenzyme est réduit par de l'éthanol deutéré en présence d'alcool déshydrogénase.
La réoxydation de la forme réduite, préalablement isolée, est réalisée soit par la même enzyme
avec l'acétaldéhyde comme accepteur d'hydrogène (1), soit par la glycéraldéhyde-3P déshy-
drogénase avec le glycérealdéhyde-SP comme substrat (2).

Expérience 2 - Si le NAD 4 est réduit par le deutérium par voie chimique et soumis à
une réoxydation enzymatique on obtient un mélange de N A D ' deutéré et non-deu-
téré car la réduction chimique n'est pas stéréospécifique.
Les alcool déshydrogénases et les lactico-déshydrogénases sont des exemples d'en-
zymes de spécificité A ; la glycéraldéhyde-3P déshydrogénase et la glycérol-P déshy-
drogénase sont des enzymes de spécificité B. Il a été proposé que la Stéréospécificité
intervenait dans le couplage entre deux déshydrogénases où le coenzyme réduit par
une enzyme de spécificité B ne pourrait être réoxydé que par une enzyme de spéci-
ficité A pour des raisons stériques (cf. § 6.2.2).

4.3. FLAVINES
4.3.1. STRUCTURE ET PROPRIÉTÉS PHYSICO-CHIMIQUES

L'étude des coenzymes flaviniques dérive de celle d'une vitamine hydrosoluble, la


vitamine B2 ou riboflavine, découverte par KUHN en 1932. Si les autotrophes et cer-
tains hétérotrophes synthétisent la riboflavine, les animaux supérieurs et certaines
bactéries n'en sont pas capables mais peuvent synthétiser les coenzymes qui en déri-
vent de la manière suivante :
> synthèse de la flavine mononucléotide ou FMN, réaction catalysée par la flavo-
kinase
riboflavine + ATP FMN + ADP
> synthèse de la flavine dinucléotide, réaction catalysée par une pyrophosphorylase
FMN + ATP - FAD + PPi
4 - OXYDORÉDUCTION 75

Les structures de ces composés sont données dans la figure 4.5. La riboflavine est
constituée d'un noyau isoalloxazine substitué par le ribitol (penta-alcool dérivé du
ribose).

H2C—(CHOH)3—CH2—0—P—0—P—0—CH2
1 1 0.
0- 0-
Riboflavine

FMN

FAD

4.5 - Structure des flavines

La riboflavine et le FMN sous leur forme oxydée absorbent à 266, 373 et 445 nm et le
FAD à 260, 380 et 465 nm. Cependant ces maxima peuvent être déplacés vers les
grandes longueurs d'onde lorsque le coenzyme est lié à la protéine, propriété exploi-
tée pour étudier ces interactions. Lorsque la flavine est réduite, l'absorption corres-
pondant aux deux maxima dont les À sont les plus grandes est très fortement diminuée.
La conséquence en est une perte de la coloration vert-jaune. On peut donc se servir
de cette propriété pour suivre son état d'oxydoréduction.
Les flavines sont fluorescentes à l'état oxydé et émettent entre 520 et 560 nm. La
fluorescence du FAD ne représente que 10% de celle du FMN ou de la riboflavine.
Cela s'explique par les interactions entre les groupements flavinique et adénylique ;
il y a de même abaissement de la fluorescence par interaction entre les flavines et les
protéines.
La formation de lumiflavine (le radical R de la figure 4.5 est remplacé par un méthyle)
par action de la lumière en milieu alcalin est à la base d'une méthode très sensible de
dosage des flavines par fluorescence. Après photolyse la lumiflavine est extraite par
le chloroforme et dosée par fluorescence.

4.3.2. RÉACTIONS NÉCESSITANT UN COENZYME FLAVINIQUE, MÉCANISMES

Les flavines interviennent dans des réactions d'oxydoréduction pouvant être très dif-
férentes les unes des autres quant à leur mécanisme. On peut les classer en trois
groupes :
> Les réactions où l'accepteur d'électrons est l'oxygène moléculaire. Les enzymes
impliquées sont appelées oxydases.
S réduit + flavine oxydée —- S oxydé + flavine réduite
flavine réduite + 02 —» flavine oxydée + H2O2
76 BIOÉNERGÉTIQUE

Les exemples d'enzymes de ce type sont les L- et D-aminoacide oxydases, les aminé
oxydase de la membrane externe des mitochondries et la xanthine oxydase qui est
souvent utilisée pour produire expérimentalement des radicaux hydroxyles in vitro
(OH'). L'eau oxygénée est décomposée en eau et oxygène sous l'action d'hy-
droxyperoxydases.
> Les oxydoréductases constituent le groupe représentant la majeure partie des fla-
voprotéines. Elles assurent le transfert des électrons du NADH ou d'un métabo-
lite à un accepteur autre que l'oxygène moléculaire. Dans ce groupe on classe : les
déshydrogénases membranaires comme les NADH-, succino- et glycérolphos-
phate déshydrogénases localisées dans la membrane interne des mitochondries
(cf. § 8.4.2 ainsi que les lactico-déshydrogénases de la levure, différentes de celles
du muscle qui fonctionnent avec le NAD+. Ces flavoprotéines peuvent transfé-
rer les électrons à des accepteurs artificiels tels que le ferricyanure, le bleu de
méthylène, la phénazineméthosulfate (PMS) ou le 2,6-dichloroindophénol (DCIP).
> Certaines flavoprotéines catalysent la déshydrogénation de substrats à bas poten-
tiel d'oxydoréduction. L'accepteur d'électrons peut être le NAD+, l'exemple en est
la lipoyldéshydrogénase (cf. § 7.2.1).
La réduction des flavines s'effectue au niveau des azotes 1 et 10 du noyau isoalloxa-
zine (figure 4.6). Le potentiel de demi-réduction à pH 7 est de - 0,2 V, mais peut être
fortement modifié lorsque le coenzyme est lié à la protéine. D'autre part les méca-
nismes des réactions d'oxydoréduction catalysées par les flavoprotéines peuvent être
différents d'une enzyme à l'autre et faire intervenir des formes radicalaires ou semi-
quinoniques et d'autres groupes réactifs tels que les thiols et les métaux.

Scmiquinone

4.6 - Les différents niveaux d'oxydoréduction du noyau isoalloxazine des flavines


Les formes semiquinoniques des flavines ont pu être mises en évidence, de façon tran-
sitoire lors des réactions, par des techniques de spectrophotométrie rapide et par RPE.
Deux formes ont été mises en évidence et le passage de l'une à l'autre correspond à
4 - OXYDORÉDUCTION 77

une réaction acido-basique avec un pK de 8,4. Ces complexes peuvent être stabilisés
par interaction avec la protéine. Les formes semiquinoniques interviennent dans les
chaînes de transporteurs d'électrons au niveau de la dissociation de la paire électro-
nique, comme par exemple le transfert du NADH (hydrure) à l'ion ferrique (un seul
électron).

4.4. QUINONES
Les quinones sont des transporteurs d'électrons et de protons solubles dans les sol-
vants organiques et sont présentes en grande quantité dans les membranes trans-
ductrices d'énergie. Les ubiquinones sont des benzoquinones substituées par un
groupement poly-isoprénoyl dont le nombre de maillons isoprène varie selon les
espèces : Q6 (levure), Q8 (E. Coli), Q9 (rat), Q10 (homme, lapin, Neurospora crassa).
Les plastoquinones trouvées dans les chloroplastes et les bactéries photosynthétiques
diffèrent de Q9 par la nature des substituants en position 2 et 3 (méthyle à la place
de méthoxy) et l'absence d'un méthyle en 6. Les ménaquinones présentes dans les
membranes de bactéries sont des naphtoquinones substituées.
Comme celle des flavines, la réduction des quinones passe par la formation de formes
semiquinoniques qui, dans certaines conditions, engendrent des formes activées de
l'oxygène (figure 4.7).

CH3
H3C—0 -CH2—CH C—CH2- Isoprénoyl

H3C—O R
CH3
0
Coenzyme Q ou ubiquinone

0
H3C,

H 3 CR
0
Plastoquinone Naphtoquinone

0 0-
H3CO, . CH3 e-+ H3CO, CH33
e-+H+

4.7 - Structure et niveaux d'oxydoréduction des quinones


78 BIOÉNERGÉTIQUE

4.5. CYTOCHROMES
Les cytochromes sont constitués d'un ou de plusieurs hèmes associés à une protéine,
ce sont donc, comme l'hémoglobine et la myoglobine, des hémoprotéines. Ils inter-
viennent dans le transfert des électrons par changement de valence du fer ferreux en
fer ferrique et réciproquement. Ils se différencient les uns des autres par la nature de
la (ou des) protéine(s), de l'hème, du type de liaison entre l'hème et la protéine, et par
voie de conséquence par leur potentiel de demi-réduction et leur spectre d'absorption.

4.5.1. STRUCTURE ET BIOSYNTHÈSE DES PORPHYRINES ET DE L'HÈME

Les porphyrines ont une structure cyclique constituée de quatre noyaux pyrrole (ou
noyau tétrapyrrolique) portant différents substituants qui caractérisent le type de por-
phyrine (figure 4.8). Les noyaux pyrrole sont reliés entre eux par des ponts méthène
responsables du fort degré de conjugaison de la molécule et lui conférant ainsi une
structure plane et un spectre d'absorption dans le visible. L'hème est une molécule plane
constituée par un ion ferreux ou ferrique chélaté par les quatre azotes de la porphyrine.
Les porphyrines sont synthétisées à partir d'un intermédiaire du cycle tricarboxylique,
le succinyl-CoA, qui par condensation avec la glycine donne le aminolévulinate,
reaction catalysée par la aminolévulinate synthase localisée dans la mitochondrie.
0 0

c—O C—0-

CH2 NH3+ CH2

CH2 CH2 CH2


H+ + CO2 + CoA-SH
C S CoA
0 C—CH2—NH3+
II
0 0
0-
Succinyl-CoA GIvcine aminolévulinate

Les autres réactions amenant à la synthèse de la porphyrine sont effectuées dans le


cytoplasme. La aminolévulinate déshydratase catalyse la formation du porphobi-
linogène, hétérocycle comportant un azote ; cette même enzyme catalyse la conden-
sation de quatre de ces cycles pour donner un tétrapyrrole linéaire.

COO-

CH2
"OOC
CH2CH2
2 H2O +
2 2 -aminolévulinates H+ Porphobilinogène 1
4 - OXYDORÉDUCTION 79

A P

4 Porphobilinogènes + 3NH3
H2C
ANH CH2 NH CH2 NH
0
C H 2N H

Tetrapyrrole linéaire

Ce dernier est cyclisé pour donner un noyau tétrapyrrolique, l'uroporphyrinogène ITT.


Les étapes suivantes (figure 4.8) correspondent à des modifications des chaînes laté-
rales et à des déshydrogénations amenant à la formation de protoporphyrine IX.
L'incorporation de l'ion ferreux, dernière étape de la synthèse de l'hème, s'effectue
de nouveau dans la mitochondrie sous l'action de la ferrochélatase, enzyme de la
membrane interne.
A P M P

M— ——M
NH HN

NH 1
H2C CH2
- -
P A P M
Uroporphyrinogène III Coproporphyrinogène I I I
M V

H2C CH2
(6)—(5))
P M P M
Protoporphyrine IX Protoporphyrinogène IX
M V

4.8 - Biosynthèse de l'hème : A, acétyl ; P, propionyl ; V, vinyl ; M, méthyl


80 BIOÉNERGÉTIQUE

4.5.2. STRUCTURE ÉLECTRONIQUE DU FER ET CHÉLATION


DES IONS FERREUX ET FERRIQUES

Le fer est un métal de transition de nombre atomique 26. Dans la classification pério-
dique, le gaz rare le précédant est l'argon (NA = 18) et celui le suivant le krypton
(NA = 36).
Orbitales X
3d 4s 4p
Fe

4.9 - Orbitales du fer et liaisons de coordination dans une hémoprotéine


Les liaisons de coordination avec les pyrroles du noyau sont représentées dans le plan ;
X : 5e liaison ; Y : 6e liaison perpendiculaires au plan.
Les ions obtenus par perte de 2 (Fe ou de 3 (Fe électrons peuvent contracter 6 liai-
sons de coordination, les rapprochant ainsi d'une configuration électronique de gaz
rare. Dans un cytochrome, Fe ou Fe forment dans le plan 4 liaisons de coordina-
tion avec les doublets des quatre azotes de la porphyrine, et perpendiculairement au
plan 2 liaisons avec la protéine. Ces liaisons changent les stabilités relatives des formes
réduites et oxydées et donc la valeur du Em du cytochrome. La coordination d'un ion
métallique par la porphyrine tend à stabiliser la forme oxydée par rapport à la forme
réduite ; ceci est dû à un effet électrostatique du ligand électronégatif sur le cation.
Ainsi le Em du couple F;e3+/F;e2+ est de + 0,77 V pour la forme minérale hydratée et
de - 0,15 V pour la forme hématinique. Les substituants de la porphyrine exercent
une influence sur cet effet. Plus ils sont électro-attractifs, plus ils baissent le caractère
électronégatif (c'est-à-dire la basicité) des atomes d'azote du noyau pyrrole, et plus
l'état ferreux est stable par rapport à l'état ferrique.
Les liaisons 5 et 6 contractées avec la protéine influencent aussi le potentiel du cyto-
chrome en fonction de la basicité de l'acide aminé (par exemple, l'histidine, plus
basique que la méthionine, aura tendance à repousser les électrons des ions du fer
plus fortement que cette dernière). D'une façon générale il existe deux types de ligands.
> Les ligands à faible champ électrique n'induisent pas un appariement des électrons
de l'ion métallique. Le complexe est alors paramagnétique (le degré d'appariement
varie en fonction du ligand) ; on nommera ces composés complexes semi-ioniques ou
à fort spin. (exemple : hexafluorure de fer ferrique).
> Les ligands à fort champ électrique induisent un appariement des électrons du
cation. Le complexe appelé covalent ou à faible spin est diamagnétique. En rap-
prochant la structure électronique de l'ion ferreux de celle d'un gaz rare (krypton),
ces complexes augmentent le Em car la forme réduite est stabilisée.
Il existe ainsi plusieurs types d'interaction qui influencent la structure électronique
des ions fer et déterminent donc la valeur du Em de l'hémoprotéine.
4 - OXYDORÉDUCTION 81

4.5.3. DIFFÉRENTS TYPES DE CYTOCHROME

Nous donnons dans ce paragraphe les propriétés physicochimiques générales des


cytochromes. La chaîne respiratoire est détaillée au chapitre 8.
Les cytochromes sont caractérisés par leur Em et leur spectre d'absorption dans le
visible. Les formes réduites présentent trois bandes d'absorption (a, (3 et ), différentes
des formes oxydées. Les bandes a sont comprises entre 540 et 630 nm, les (3 entre 500
et 540 nm et les entre 400 et 450 nm. Les bandes y sont celles présentant la plus grande
absorption (le coefficient d'absorption est environ dix fois supérieur à celui des autres
bandes), mais pour distinguer les cytochromes dans une préparation biologique on
utilise généralement les bandes a.

E'm Max d'absorption a (réduit)


Cyt. b562 - 0,015 562 nm
cyt. bs6(, - 0,050 566
cyt. C1 0,215 548
cyt. c 0,25 550
cyt. a 0,21 603
cyt. a3 0,385 603

4.5.3.3. Cytochromes de type a


La cytochrome c oxydase, complexe terminal de la chaîne respiratoire catalyse la réduc-
tion du dioxygène par le cytochrome c réduit. Elle contient deux hèmes : l'hème a et
l'hème a3. Le noyau tétrapyrrolique de ces hèmes diffère de la protoporphyrine IX par
deux substituants : une longue chaîne hydrophobe en position 2 (hydroxyéthylfarné-
syle) et un formyle en position 8. Ils ne sont pas liés par covalence aux protéines.
Contrairement aux autres cytochromes, le cytochrome a3, ne possède pas de ligand
axial en position 6 (d'où un caractère fortement paramagnétique, cf. § 8.4.1), ce qui
permet la fixation de l'oxygène moléculaire. L'oxyde de carbone ou l'ion cyanure peu-
vent aussi se lier avec une très bonne affinité au même site, d'où leur grande toxicité.
Il n'est pas possible de différencier le cytochrome a du cytochrome a3 par simple mesure
de l'absorption au niveau de la bande a ; des méthodes plus sophistiquées sont utili-
sées et notamment l'oxyde de carbone permet de distinguer les bandes y du complexe.

4.5.3.2. Cytochromes de type b


Certains de ces cytochromes sont des constituants du complexe b-c1 des mitochon-
dries ou du complexe b6,-f des chloroplastes. Ce sont des protéines membranaires
fixant deux hèmes dérivés de la protoporphyrine IX (appelée aussi protohème) et
situés de part et d'autre de celles-ci. Les protohèmes sont associés à la protéine par
des liaisons non-covalentes. On trouve d'autres types de cytochrome b et notamment
le b5 impliqués dans le système de désaturation des acides gras.
4.5.3.3. Cytochromes de type c
Les cytochromes de type c possèdent un protohème lié par covalence à la protéine
(entre deux cystéines de la protéine et deux fonctions vinyle de l'hème). Le cyto-
chrome c est le seul cytochrome mitochondrial qui ne soit pas membranaire mais seu-
lement fixé à celle-ci par interactions électrostatiques sur la face externe de la membrane
interne. Le cytochrome C1 est par contre ancré dans la membrane et le centre redox
est dirigé vers l'espace intermembranaire. Les structures tridimensionnelles de cyto-
chromes c de différentes origines ont été établies, ce qui a permis la création d'un des
premiers arbres phylogéniques.

4.6. PROTÉINES FER-SOUFRE


Certains transporteurs d'électrons contiennent du fer non-hématinique. Les atomes
d'ions ferreux ou ferriques sont organisés en centres composés de 2, 3 ou 4 atomes
liés à la protéine qui contient une quantité équimoléculaire de soufre minéral labile
et de cystéine ; c'est pourquoi ces centres fer-soufre sont appelés centres [2Fe-2S],
[3Fe-3S] ou [4Fe-4S]. Les ions métalliques forment des liaisons de coordination avec
le soufre minéral et celui des cystéines.
La première molécule de ce type à avoir été purifiée est la ferrédoxine qui, chez
Clostridium, réduit les protons en hydrogène moléculaire. Il s'agit d'une molécule
soluble de 12 000 Da, contenant un centre [2Fc-2S] à très bas potentiel. Les différents
complexes de la chaîne respiratoire, à l'exception du complexe IV (cytochrome oxy-
dase), contiennent des fer-soufre protéines. Celle dont le potentiel est le plus positif
est la protéine de RIESKE appelée aussi protéine à haut potentiel (Em entre + 0,250 et
+ 0,300 V). Cette protéine de 20 000 Da contient un centre [2 Fe-2S] et seulement 2 cys-
téines impliquées dans la coordination du fer ; les deux autres ligands pourraient être
des azotes de l'histidine. D'une façon générale les potentiels d'oxydoréduction de
cette famille de protéines sont très variés.

His -N.
,-S.. —Cys
Fe Fe
His—N S S—Cys

Centre [2Fe-2S] du complexe 3 de la S — Cys


chaîne respiratoire ou protéine de RIESHE Centre [4Fe-4S]

4.10 - Exemples de structure de centres fer-soufre

4.7. LES ACIDES AMINÉS

La fonction thiol de la cystéine est facilement oxydée pour donner un dimère, la cystine.
2R-SH — R-S-S-R + 2e~ + 2 H 4
Ce type de conversion est bien connu en protéonologie.
4 - OXYDORÉDUCTION 83

Une molécule importante et abondante dans la cellule est le glutathion, tripeptide


formé de résidus aspartyl, cystéyl et glycyl.
Cystéyl

0 NH3+ 0 0 0
\\ 1 II II
C — C H — C H 2 — C H 2 — C — N H — HC—C—NH—CH2—C
0-
H2C—SH
Glutamyl Glycyl

Deux molécules de glutathion se lient, après oxydation, par le thiol des groupes cys-
téyl selon la réaction suivante :
2GSH G-S-S-G + 2e- + 2H +
Cette réaction met en jeu deux électrons. Son potentiel de demi-réduction à pH 7 est
égal à - 0,29 V. La forme oxydée est réduite en GSH par le NADPH, selon une réac-
tion catalysée par une flavoprotéine, la glutathion réductase. Dans la cellule, le rap-
port [Red]/[0x] est très en faveur de la forme réduite du glutathion, ce qui est prévisible
si l'on admet que le rapport N A D/NADPHest de l'ordre de 5. 103. La concentra-
tion en glutathion dans la cellule peut atteindre plusieurs mM ; il joue un rôle impor-
tant dans le maintien des fonctions thiol de certaines protéines et, comme décrit dans
le prochain paragraphe, dans la destruction des peroxydes.
Bien que n'étant pas un acide aminé, l'acide lipoïque forme une liaison peptidique
entre son groupement carboxyle et une fonction aminé de l'arginine d'une protéine
(lipoamide). Elle possède des thiols vicinaux qui permettent des réactions d'oxydo-
réduction.
S —— S SH SH

(CH2)4 — (CH2)4 + 2e- + 2 H +

— O — 0
Lipoamide oxydée Lipoamide réduite

Dans les protéines, en plus de la cystéine, il existe des acides aminés capables de subir
des réactions d'oxydoréduction ; c'est le cas de la tyrosine et du tryptophane. Les
réactions donnent lieu à la formation de radicaux, détectables en RPE. Notamment,
le photosystème II responsable de la photolyse de l'eau, met en jeu des groupes tyro-
syl (chapitre 10). Le potentiel de demi-réduction du couple tyrosine radicalaire / tyrosine en solut

couple dioxygène/eau.

4.8. MÉTABOLISME DU DIOXYGÈNE ET DES RADICAUX LIBRES


Mis à part les organismes spécialement adaptés à la vie anaérobie, les plantes et les
animaux supérieurs ont besoin d'oxygène moléculaire (dioxygène) pour vivre. Ils
84 BIOÉNERGÉTIQUE

tirent leur énergie de réactions d'oxydoréduction dont l'accepteur final est le dioxy-
gène. Cette molécule a été formée sur terre il y a 2 milliards d'années comme produit
de la photosynthèse, avec formation concomitante d'ozone. L'écran aux radiations
ultraviolettes formé par ces deux molécules a contribué de manière décisive au déve-
loppement de la vie sous ses formes actuelles. Cependant l'oxygène moléculaire peut
être fortement toxique dans certaines conditions.
L'oxygène est l'atome le plus abondant sur terre, il représente 53,8% de l'ensemble des
éléments. L'oxygène moléculaire représente 21% de l'air sec (soit une pression par-
tielle 159 mm Hg pour une pression totale de 769 mm Hg). Il se trouve aussi à l'état
dissous dans l'eau (0,284 mmole. L~1 dans l'eau de mer et 0,355 mmole. L-1 dans l'eau
distillée à 10°C). Il existe un équilibre entre l'oxygène gazeux et celui à l'état dissous.
Sa solubilité diminue avec la température. Cependant sa concentration dans les milieux
aqueux des organismes est inférieure à celle mesurée dans l'eau car elle dépend des
vitesses relatives de consommation par les cellules et de diffusion. Dans le sang par
exemple, elle n'est que de 0,053 mmole . L-11. Il existe un gradient de concentration en
dioxygène entre la membrane plasmique d'une cellule à travers laquelle diffuse 02 et
la mitochondrie lieu de sa réduction. La position de la cellule dans l'organisme (proxi-
mité des artérioles) et l'ampleur de son métabolisme déterminent aussi la quantité
d'oxygène dissous ; cet aspect a été noté dans les hépatocytes (chapitre 9).

4.8.1. TRANSPORTEURS DE DIOXYGÈNE

Chez les vertébrés le dioxygène est véhiculé par le sang. Pour pallier la faible solu-
bilité de ce gaz dans l'eau, deux protéines assurent son transport : l'hémoglobine et
la myoglobine. Ce sont toutes deux des hémoprotéines. Chez certaines espèces et
notamment les mollusques, le transporteur du dioxygène est l'hémocyanine, une pro-
téine à cuivre.
L'hémoglobine est constituée de quatre sous-unités, identiques deux à deux (de
type 2), chacune portant un groupement hématinique. Elle est localisée dans les
érythrocytes et joue, en plus de son activité de transport du dioxygène, un rôle impor-
tant dans le transport du CO2 et des protons. La myoglobine, localisée dans les muscles,
sert de réserve en dioxygène et facilite son transport dans ce tissu ; elle est constituée
d'une seule protéine et, par voie de conséquence, ne comporte qu'un hème par molé-
cule. Comme nous le verrons, la nature tétramérique de l'hémoglobine est à la base
d'une fine régulation. L'hémoglobine et la myoglobine se lient à l'oxygène molécu-
laire à la sixième position de coordination de l'hème, qui comme pour les cytochromes,
correspond à une des deux positions perpendiculaires au plan formé par la proto-
porphyrine IX. Le dioxygène se fixe sur la forme ferrohémoglobine (Fe+) ou sur la fer-
romyoglobine ; il ne se fixe pas sur la forme ferrique, et contrairement à ce qui se passe
au niveau de la cytochrome oxydase, il n'y a pas réduction du dioxygène par l'ion
ferreux. Il est toutefois connu qu'en solution l'hème forme des structures prenant en
sandwich l'oxygène moléculaire et dans ce cas il y a réduction de ce dernier. L'absence
de réaction d'oxydoréduction dans l'hémoglobine et dans la myoglobine est
4 - OXYDORÉDUCTION 85

expliquée par le fait que le dioxygène ne peut se fixer qu'à un seul centre réducteur,
l'ion ferreux, alors que quatre électrons sont nécessaires pour sa réduction (on verra
la complexité de sa réduction par la cytochrome oxydase au chapitre 8). Plusieurs
donneurs de doublet électronique peuvent se fixer en lieu et place de l'oxygène sur
la ferrohémoglobine ; parmi eux citons l'oxyde de carbone, le cyanure, les dérivés iso-
thiocyanates. L'oxyde de carbone est extrêmement dangereux, car il se lie à l'hème
avec une forte affinité.
Un caractère de l'hémoglobine, essentiel pour comprendre le transport du dioxygène,
est l'allostérie. Ce point est étudié chapitre 5 consacré aux régulations et contrôles
métaboliques.

4.8.2. RÉACTIVITÉ ET TOXICITÉ DU DIOXYGÈNE

II est connu que l'oxygène moléculaire est toxique même pour les organismes aéro-
bies, surtout à des pressions supérieures à la normale. Dans certains cas, cette toxi-
cité est due à une action directe de cette molécule sur une enzyme : par exemple, 02
inhibe la ribulose biphosphate carboxylase (enzyme responsable de la fixation du gaz
carbonique dans la photosynthèse) par compétition avec CO2 Mais dans la grande
majorité des cas cette toxicité est due à la formation d'espèces radicalaires.
Le dioxygène est un biradical car il contient deux électrons non-appariés et de même
spin sur les orbitales moléculaires antiliantes 2p. Cet état, appelé triplet, corres-
pond à l'état fondamental de la molécule. Pour oxyder une autre molécule selon une
réaction faisant intervenir deux électrons, ceux-ci doivent être antiparallèles par rap-
port à ceux présents sur les orbitales antiliantes. Dans la majorité des cas les électrons
du donneur ne remplissent pas cette condition car les spins sont de signe opposé, ce
qui impose une forte restriction au transfert des électrons. Cette restriction de spin
est un des facteurs qui font qu'une cellule vivante n'est pas soumise à des oxydations
incontrôlées malgré le fort pouvoir oxydant de l'oxygène moléculaire. Rappelons que
le potentiel redox du couple O2/H2Oest l'un des plus positifs de ceux rencontrés
dans le monde vivant ; à pH 7 il est de + 0,82 volts.
Des formes de O2 plus réactives, connues sous le terme d'état singulet, où les spins
des deux électrons sont antiparallèles, peuvent être obtenues par apport d'énergie.
Deux formes singulet sont décrites, gO2. et lg+02 dont l'énergie est supérieure à
l'état fondamental de respectivement 94 et 157 kJ.mole-1. Dans ces deux cas la res-
triction de spin est levée et l'activité oxydante est très largement accrue. Ces états sin-
gulets sont le plus souvent obtenus dans la nature par des réactions photochimiques
où le chromatophore captant l'énergie lumineuse est appelé photosensibilisateur. Les
détériorations oxydatives induites par ce mécanisme sont connues sous le terme
d ' e f f e t photodynamique. Un exemple classique est celui des porphyries où le métabo-
lisme des porphyrines est perturbé. Certains intermédiaires s'accumulent et jouent
le rôle de photosensibilisateur, induisant ainsi de graves lésions au niveau de la peau.
Ces effets de photosensibilisation peuvent être obtenus en absence de patholgie par-
ticulière, comme par exemple lors d'une trop longue exposition au soleil.
86 BlOÉRNERGÉTIQUE

Lorsque seulement un électron est capté par O2 sous son état fondamental, cet élec-
tron se place sur l'une des deux orbitales antiliantes . La nouvelle espèce formée
est le radical superoxyde O2, espèce beaucoup plus réactive que 02 car elle n'est plus
soumise à la restriction de spin. L'addition d'un deuxième électron sur l'orbitale anti-
liante conduit à la formation de l'ion peroxyde O2 - qui n'est pas un radical.
Puisque ces électrons captés par 02 évoluent sur des orbitales antiliantes ils dimi-
nuent d'autant la force qui relie les deux atomes d'oxygène. Sous sa forme molécu-
laire et à l'état fondamental les deux atomes de O2 sont liés par une double liaison.
On peut en déduire que ce nombre est de 1,5 et 1 pour respectivement O2 et O2
L'addition de deux électrons supplémentaires sur l'orbitale antiliante 2p conduit
logiquement à la rupture de cette liaison.
En résumé les réactions sont les suivantes :
O2 + le- — 02- ion superoxyde
O2 + 2 e- + 2 H4 — H2O2 forme protonée de O2
02 + 4 e- + 4 H4 — 2 H2O forme protonée de O-
L'anion superoxyde est un radical très réactif pouvant générer des réactions d'oxy-
dation non-spécifiques. Toutefois en milieu aqueux et protoné, la durée de vie de cet
anion est très courte car il subit une réaction de dismutation suivie d'une protona-
tion pour donner de l'hydrogène peroxyde connu sous le nom de eau oxygénée.
202- + 2H + —— H2O2 + O2
Cette réaction est catalysée par une famille d'enzymes, les superoxydes dismutases
ou SOD. L'une est localisée dans le cytoplasme (SOD à cuivre et à zinc, dénotée
CuZnSOD), l'autre dans la mitochondrie (SOD à manganèse, dénotée MnSOD).
L'eau oxygénée n'a pas de caractère radicalaire, mais après réduction par certains
métaux de transition, particulièrement Fe2-, elle se décompose en ion hydroxyle OH-
et en radical hydroxyle OH :
Fe2+ + H2O2 — Fe3+ + OH + OH-
C'est la réaction de FENTON. OH est une forme radicalaire très active, à l'origine de
détériorations diverses dans l'organisme ; elle est notamment responsable de la per-
oxydation des lipides, des fonctions thiols des protéines et des acides nucléiques.
L'ensemble des réactions conduisant à la transformation de l'ion superoxyde en radi-
cal hydroxyle est connu sous le nom de cycle d'HABER-WEiss.
Plusieurs systèmes produisent l'anion superoxyde. Parmi eux citons les macrophages,
la xanthine oxydase et, dans certaines conditions pathologiques ou lors du vieillis-
sement, les mitochondries (cf. chapitre 8) et le complexe P450.
Les neutrophiles et les macrophages ont une consommation d'02 accrue lors d'une
infection bactérienne. Ce phénomène est connu sous le terme impropre de «burst res-
piratoire» car cette augmentation n'est pas due à la respiration mitochondriale mais
à une chaîne redox particulière qui se met en place dans la membrane plasmique de
la cellule et qui catalyse la réaction suivante :
4 - OXYDORÉDUCTION 87

NADPH + 202 NADP4 + H + 2 2O2-


Le NADPH est produit par le cycle des pentoses qui est activé dans ces conditions.
Les radicaux formés par cette voie détruisent les bactéries.
En plus des superoxydes dismutases, la cellule possède, pour se protéger de ces espèces,
plusieurs moyens dont certains sont tissu-spécifiques. Les peroxysomes, organelles
contenant des oxydases flavoprotéiques génératrices d'hydrogène peroxyde, contien-
nent une hémoprotéine, la catalase qui catalyse la réaction de dismutation suivante :
2H2O2 2H2O + 02
Les peroxydases, que l'on trouve dans plusieurs compartiments cellulaires dont la
mitochondrie et le cytoplasme, sont des hémoprotéines qui catalysent les réactions
générales suivantes :
H202 + AH2 2H2O + A
Dans ce groupe l'enzyme la plus connue est la glutathion peroxydase où AH2 et A
représentent respectivement le glutathion réduit et oxydé. Ces hémoprotéines détrui-
sent aussi selon les mêmes mécanismes les peroxydes de formule générale R-O-O-H.
Enfin il faut citer des molécules protectrices situées, soit dans les membranes, comme
le tocophérol ou vitamine E, soit dans le cytoplasme, comme l'acide ascorbique, vita-
mine hydrosoluble.
OH OH
O 1 O
CH—CH2—OH —— —CH—CH2-,—OH + 2e + H +

HO- 0- 0 O

Ascorbate Acide déhvdro ascorbique

Un aspect important de la protection des cellules contre les détériorations dues aux
radicaux produits par le dioxygène est lié au fait qu'il n'existe que de très faibles quan-
tités d'ions métalliques à l'état libre. Ils sont complexés par des protéines, comme par
exemples la ferritine ou la transducine pour les ions du fer et la céruloplasmine pour
les ions du cuivre ; comme nous l'avons vu ces métaux forment les centres d'oxydo-
réduction de nombreuses protéines transporteuses d'électrons ou de dioxygène. Il
faut être aussi conscient que la cytochrome oxydase, le système principal permettant
la réduction du dioxygène en eau, ne donne pas lieu, dans les conditions normales
de fonctionnement, à la formation d'intermédiaire d'oxydoréduction à l'état libre.

4.9. CONCLUSIONS
Les coenymes intervenant dans les réactions d'oxydoréduction peuvent être classés
en deux grands groupes : ceux qui, comme les nucléotides nicotiniques et dans une
moindre mesure les flavines, interviennent directement dans les réactions du méta-
bolisme, et ceux, comme les cytochromes ou les fer-soufre protéines, qui sont essen-
tiellement des constituants de chaînes de transporteurs d'électrons. Le couple
88 BIOÉNERGÉTIQUE

N A D/NADHest situé au carrefour de nombreuses reactions du métabolisme avec


lesquelles, pour une part importante d'entre elles, il serait proche de l'équilibre. Ainsi
la valeur de ce rapport induira une réaction dans un sens ou dans un autre. L'exemple
le plus démonstratif que nous décrirons est celui de la glycolyse et de la gluconéo-
genèse. Il a aussi été proposé que, dans la glycolyse, ce rapport est en quasi-équilibre
avec le potentiel phosphate cytoplasmique. En conséquence, une modification du
pouvoir réducteur de la cellule peut modifier le potentiel phosphate et réciproque-
ment (cf. chapitre 6).
Les mécanismes des réactions d'oxydoréduction sont variés et ne forment pas, de ce
point de vue, une classe homogène. Les nucléotides nicotiniques forment une classe
à part car ils sont les seuls à accepter directement l'ion hydrure d'un intermédiaire
métabolique ; les hydrogènes en position 4 du nucléotide réduit ne sont pas acides,
il n'y a donc pas échange avec les protons du solvant. Parmi les autres types de cofac-
teurs d'oxydoréduction on peut distinguer deux grands groupes, ceux qui acceptent
les électrons et les protons et ceux qui ne transportent que les électrons. Les repré-
sentants principaux du premier groupe sont les flavines et les quinones ; ces molé-
cules transportent soit un électron (formes semiquinoniques) soit deux électrons, les
deux formes sont protonables. Leur potentiel est, en solution aqueuse, fonction du
pH. Les valeurs des potentiels de demi-réduction des couples formes oxydée/semi-
quinonique, semiquinonique/réduite ou oxydée/réduite sont différentes ; elles peu-
vent être aussi modifiées par des interactions avec d'autres centres comme les ions
métalliques ou les cystéines des protéines. Le deuxième groupe est constitué par les
ions métalliques, qui transportent un électron par changement de valence de l'ion.
Comme nous l'avons vu dans le cas des cytochromes, le potentiel des transporteurs
est fortement modulé par la structure du complexe. Ainsi ces différentes structures
et ces différents mécanismes conduisent à l'existence de couples recouvrant une grande
échelle de potentiels d'oxydoréduction et les électrons migreront des potentiels les
plus négatifs aux potentiels les plus positifs, selon le principe que le flux va dans le
sens de leur plus grande stabilité.
Chapitre 5

RÉGULATION ET CONTRÔLE
DU MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE

La valeur des flux métaboliques est, avec les concentrations en métabolites, l'expres-
sion d'un état stationnaire déterminé par les forces thermodynamiques s'exerçant sur
les systèmes et par les régulations enzymatiques. Les régulations à long terme por-
tent sur la quantité des enzymes mises en jeu dans une chaîne métabolique. Cet aspect
qui intéresse l'expression des gènes et les systèmes protéasiques de dégradation des
protéines ne fait pas l'objet de ce livre. Toutefois nous aurons l'occasion de mention-
ner la présence de certaines iso-enzymes qui diffèrent par leurs propriétés cinétiques
et dont l'expression est en général tissu-spécifique. Les régulations à plus court terme
portent sur l'activité des enzymes modulée par des métabolites ou des effecteurs (inhi-
biteurs ou activateurs) ou par des modifications chimiques des protéines, le plus sou-
vent des phosphorylations de l'enzyme. Ces modifications sont déclenchées par un
système hormonal, par l'influx nerveux ou simplement par un métabolite. La struc-
turation des systèmes enzymatiques dans la cellule et la compartimentation jouent
aussi un grand rôle dans l'activité des systèmes.
Nous aborderons un aspect analytique plus récent du problème du comportement
des enzymes dans leur contexte cellulaire avec l'étude du contrôle du métabolisme.
Le flux passant dans un réseau métabolique peut être contrôlé par plusieurs enzymes
constituant ce réseau. Le contrôle porté par une enzyme est la conséquence de son
activité, définie elle même par sa quantité, les concentrations en substrats et produits
et s'il y a lieu par les régulations.
Dans ce chapitre nous examinerons la structuration supramoléculaire des protéines
et la canalisation des métabolites. Il s'agit d'un domaine relativement nouveau dans
l'étude de l'enzymologie in situ, dans lequel la cellule n'est pas considérée comme un
sac à enzymes mais, au contraire, comme un système très structuré. Il paraît alors
probable que les lois cinétiques obtenues pour les enzymes isolées et en milieu dilué
ne soient pas directement applicables à la cellule.

5.1. RÉGULATION ALLOSTÉRIQUE


Ce mode de régulation a été proposé à l'origine pour rendre compte du comporte-
ment de l'hémoglobine dans les érythrocytes. La figure 5.1 compare les courbes de
90 BIOÉNERGÉTIQUE

saturation en dioxygène de la myoglobine (protéine monomérique) et de l'hémoglo-


bine (protéine multimérique) en fonction de la pression partielle en dioxygène. La
première est une courbe de type hyperbolique, la seconde de type sigmoïdal. Le carac-
tère sigmoïdal nécessite la fixation de 2,3-biphosphoglycérate, molécule présente à
forte concentration dans les érythrocytes. On constate que pour de faibles pressions
partielles, le taux de saturation en O2 est plus élevé pour la myoglobine que pour l'hé-
moglobine. Le point fondamental dans le cas de l'hémoglobine est que le taux d'oc-
cupation en dioxygène augmente très rapidement pour une faible variation de la
pression dans une zone définie.

0 100L

30 60
5.1 - Saturation en O2 de la myoglobine
Pression O2 (torr) l'hémoglobine en fonction de la p0z

Tout se passe comme si l'occupation de certains sites augmentait l'affinité de la pro-


téine pour les autres sites : c'est ce que l'on appelle la coopérativité. Dans ce cas il
s'agit d'une coopérativité positive, mais nous verrons des exemples de coopérativité
négative. En lisant la courbe sigmoïdale des fortes vers les faibles pressions, on peut
en tirer la conséquence physiologique que O2 est plus facilement relâché de l'hémo-
globine à faible pression qu'il ne le serait pour un comportement de type myoglo-
bine ; c'est le cas à proximité des cellules consommatrices, où sa teneur dans la lymphe
est faible. La pO2 dans les capillaires irriguant un muscle strié est d'environ 25 torrs
(1 torr = 1 mm Hg), ce qui correspond à 50% de saturation pour l'hémoglobine et
100% pour la myoglobine ; par contre dans les alvéoles des poumons elle est de
100 torrs, pression pour laquelle l'hémoglobine est totalement saturée. Cet effet est
amplifié par l'augmentation de la concentration en CO2 ou en H+ du milieu, sub-
stances qui déplacent la courbe sigmoïdale vers les fortes pressions partielles en dioxy-
gène. Ce phénomène, connu sous le terme d'effet BOHR, a pour conséquence une
meilleure dissociation du complexe hémoglobine/dioxygène à proximité des cellules
dont le métabolisme énergétique est intense.
Le comportement décrit pour l'hémoglobine est retrouvé pour un certain nombre
d'enzymes pour lesquelles une réponse sigmoïdale de la vitesse de la réaction en
fonction de la concentration en substrat est observée. Une caractéristique de ces
enzymes est leur capacité à être activées ou inhibées par un métabolite autre que leur
substrat, qui peut n'avoir aucune similitude structurale avec celui-ci. L'effecteur allos-
térique (activateur ou inhibiteur) se fixe sur l'enzyme à un site autre que le site actif
d'où le nom d'allostérie provenant du grec allos signifiant autre. Pour certaines enzymes,
le ou l'un des substrats peut aussi être effecteur allostérique, il se fixe alors sur deux
5 - RÉGULATION ET CONTRÔLE DU MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE 91

types de site, le site actif et le site allostérique. Par exemple, nous verrons dans le pro-
chain chapitre que l'ATP est à la fois substrat et effecteur de la phosphofructokinase.
Les enzymes allostériques sont multimériques. La courbe sigmoïdale de la vitesse de
la réaction en fonction de la concentration en substrat indique qu'au moins deux molé-
cules de substrat réagissent avec un effet de coopérativité. On observe le plus souvent
les mêmes effets de coopérativité pour la fixation des effecteurs allostériques, ce qui
indique que l'enzyme possède plus d'un site de fixation pour ceux-ci. Ce type de com-
portement conduit à un effet de seuil, comme décrit pour l'hémoglobine. A faible
concentration en substrat par exemple, l'augmentation de celle-ci dans une certaine
gamme n'aura pratiquement aucun effet sur la vitesse de la réaction, mais à partir
d'une certaine valeur, au contraire, elle induira une très forte augmentation de la vitesse.
Cet effet de seuil correspond à une amplification de la réponse par rapport à un faible
changement de concentration. Certains activateurs allostériques ont pour effet de trans-
former la relation sigmoïdale entre vitesse et concentration en substrat en une relation
hyperbolique, ce qui correspond à une activation de l'enzyme. Nous verrons plusieurs
exemples d'allostérie au cours de cet ouvrage.
Des modèles théoriques ont été développés, dont le modèle concerté proposé par
J. MONOD et coll. et le modèle séquentiel proposé par D.E. KOSHLAND et coll. Nous
conseillons aux lecteurs intéressés de se reporter aux articles originaux mentionnés
dans la bibliographie ou à un traité d'enzymologie ou de biochimie générale.

5.2. PHOSPHORYLATION DES PROTÉINES


La phosphorylation des protéines est un mécanisme très général de régulation cel-
lulaire. Selon les cas elle est la cause de l'activation ou, au contraire, de la désactiva-
tion des enzymes. Elle intervient dans des phénomènes aussi divers que la transcription,
le cycle cellulaire, le métabolisme, l'apoptose... Approximativement 30% des pro-
téines cellulaires sont la cible de phosphorylations. Elles sont catalysées par des
kinases, et les déphosphorylations, le processus inverse, par des phosphatases. Il
existe deux types de kinases : les sérine/thréonieet les tyrosine kinases. Le génome
humain code pour environ 1000 kinases et 500 phosphatases potentielles. Phos-
phorylations et déphosphorylations sont sous le contrôle soit d'hormones, soit de la
concentration cellulaire en Ca2+. C'est ainsi que les protéine kinases A, qui phospho-
rylent des sérines ou des thréonines, sont activées par l'AMP cyclique, ou en abrégé
AMPc ; les protéine kinases B ou de classe II sont activées par le complexe Ca2+ cal-moduline ; l

5.2.1. LE SYSTÈME ADÉNYLATE CYCLASE

Ce système est utilisé par un grand nombre de médiateurs, que ce soient des hor-
mones ou des neuromédiateurs. Par exemple le glucagon, hormone du pancréas sécré-
tée dans le sang par les cellules a des îlots de LANGERHANS en réponse au taux de
glucose sanguin, et l'adrénaline, hormone sécrétée par les glandes surrénales sous
92 BIOÉNERGÉTIQUE

l'action d'un stimulus nerveux, agissent sur la phosphorylation de protéines par l'in-
termédiaire d'un messager secondaire l'AMPc. Le terme de messager secondaire signi-
fie que la molécule assure la transmission du signal hormonal extracellulaire à une
cible intracellulaire. Les récepteurs membranaires sont spécifiques de l'hormone.
Dans le cas des hormones précitées, ils appartiennent à une famille de récepteurs
constitués d'une protéine traversant sept fois la membrane plasmique ; ils sont appe-
lés récepteurs adrénergiques, car ceux à l'adrénaline ont été les premiers dont les
structures ont été élucidées.
Les événements conduisant de la sécrétion d'une hormone dans le sang à la phos-
phorylation d'une protéine intracellulaire sont décrits ci-après et représentés dans la
figure 5.2. L'hormone se fixe réversiblement à son récepteur, dont le site est situé sur
la face externe de la membrane plasmique. Cette fixation induit une interaction entre
le récepteur et une protéine G située sur la face interne (figure 5.2). Les protéines G
sont constituées de trois sous unités ; l'indice s de a; indique que la phospho-
rylation de la protéine en bout de chaîne stimule une activité enzymatique ; au contraire
l'indice i signifie qu'elle l'inhibe. La sous-unité a de ce complexe est liée au GDP.
L'association récepteur-complexe diminue l'affinité de a pour le GDP et, par contre,
l'augmente pour le GTP, ce qui induit un échange GDP/GTP au niveau de cette pro-
téine. Le complexe se détache alors du récepteur, la sous-unité a est libérée dans le
cytosol et c'est sous cette forme qu'elle active l'adénylate cyclase, enzyme localisée
sur la face interne de la membrane plasmique ; celle-ci synthétise l'AMPc à partir de
l'ATP selon la réaction suivante :
NH2

ATP + PPi

0—P——0

0
AMP cyclique Pyrophosphate

L'activité de ce système est limitée dans le temps car a, possède une activité GTPasique
qui induit l'hydrolyse du GTP en GDP ; le complexe se réassocie sous sa forme tri-
mérique inactive. Il peut interagir de nouveau avec un récepteur lié à l'hormone et
recommencer le cycle. L'AMPc est hydrolysée en AMP sous l'action d'une phospho-
diestérase, ce qui est la cause de la baisse rapide de sa concentration cellulaire lorsque
l'action hormonale cesse.
L'AMPc active la protéine kinase A, qui elle-même phosphoryle des protéines cibles.
Dans certains cas, comme par exemple dans celui du métabolisme du glycogène,
(cf. § 6.1), les phosphorylations se font par une cascade d'intermédiaires, constituant
ainsi une amplification du signal.
5 - RÉGULATION ET CONTRÔLE DU MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE 93

La protéine kinase A, enzyme clé du système, est un tétramère inactif constitué de


deux sous-unités catalytiques et de deux sous-unités régulatrices. La fixation de
l'AMPc sur les sous-unités régulatrices provoque la dissociation du complexe et libère
l'activité enzymatique.

Phosphorylation Activation de la
des protéines cibles protéine kinase A

5.2 - Phosphorylation des protéines par le système dépendant de l'AMPc

5.2.2. L'ION CALCIUM

L'ion calcium est un messager secondaire extrêmement important dans le métabo-


lisme en général et le métabolisme énergétique en particulier. Il intervient dans des
phénomènes aussi variés que la contraction musculaire, la transmission de l'influx
nerveux ou la régulation de l'activité de nombreuses enzymes. Il est le seul messa-
ger secondaire dont on puisse dire avec certitude qu'il agit à l'intérieur de la mito-
chondrie. Sa concentration dans le cytosol, à l'état de repos, est de 0,1 à 0,2 x 1O-6 M
et peut atteindre plus d'un ordre de grandeur au-dessus de ces valeurs sous l'effet
de l'influx nerveux ou d'une action hormonale. Dans la cellule elle est maintenue à
basse concentration par les pompes plasmiques et celles du réticulum endoplasmique
(ou sarcoplasmique dans le muscle). Comme nous l'avons vu au § 3.1.4, l'extrusion
de Ca2+ du cytosol par les pompes nécessite une dépense en ATP, car elle se fait contre
son gradient électrochimique. La complexité de l'action de cet ion dans une cellule
musculaire est prise comme exemple, et représentée dans la figure 5.3. L'ATPase
sarcoplasmique représente près de 80% de la membrane qui entoure les fibres
contractiles et constitue l'élément essentiel impliqué dans la séquestration de l'ion
calcium. Des canaux voltage-dépendants, présents dans cette membrane, s'ouvrent
sous l'effet d'un signal nerveux et permettent un rapide efflux de Ca2+ . L'efflux est
rapide car il s'agit de canaux et non de transporteurs, et il existe une grande
différence de potentiel électrochimique en Ca2+ entre la vésicule sarcoplasmique et le
94 BIOÉNERGÉTIQUE

cytoplasme. Ces canaux sont connus sous le nom de récepteurs à la ryanodine, car ils
fixent cette drogue avec une forte affinité. L'augmentation de la concentration cyto-
solique en Ca2+ provoque une contraction musculaire, une activation de la glycogé-
noiyse (chapitre 6) et de certaines déshydrogénases mitochondriales (chapitre 8). Il
existe d'autres canaux calciques dans le réticulum et l'un d'entre eux, particulière-
ment important, s'ouvre sous l'effet d'un autre messager, l'inositol triphosphate (IP3)
(voir ci-dessous).

Activation des
déshydrogénases

Canal voltage-dépendant Canal sensible à IP3

5.3 - Exemple de complexité d'action de Ca2+2+ dans des cellules musculaires


(1) membrane plasmique; (2) mitochondrie ; (3) réticulum sarcoplasmique

Plus récemment, il a été mis en évidence, dans certains tissus, un nouveau type de
canal dont l'ouverture est médiée par l'acide nicotinique dinucléotide, qui diffère en
structure du NADP + par l'absence de la fonction amide.
L'ion calcium libéré dans le cytosol se lie à des protéines spécifiques, dont la plus
connue est la calmoduline, petite protéine de 17 kDa. Le complexe calmoduline-Ca2+
intervient comme activateur d'une protéine kinase de type II, enzyme ubiquitaire inter-
venant dans la phosphorylation d'un grand nombre de protéines dont nous verrons
des exemples. De même il est activateur des protéine kinases III (voir ci-dessous).

5.2.3. LE SYSTÈME INOSITOL TRIPHOSPHATE ET DIACYLGLYCÉROL

Dans les années 1980, de nouveaux messagers secondaires ont été découverts :
l'inositol-1,4,5triphosphate (IP3) et le diacylglycérol (DAG), deux molécules prove-
nant de l'hydrolyse du phosphatidylinositol-4,5bi phosphate (PIP2). Cette réaction
est catalysée par la phospholipase C (PLC) (figure 5.4).
IP3 est impliqué dans plusieurs phénomènes, dont l'ouverture d'un canal calcique
du réticulum endoplasmique (ou sarcoplasmique dans le cas du muscle). DAG est
un activateur de la protéine kinase C (PKC). Cette enzyme existe sous deux formes,
l'une cytosolique, l'autre associée à la membrane plasmique. L'augmentation de la
5 - RÉGULATION ET CONTRÔLE DU MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE 95

concentration cytosolique en Ca2+ induit un passage de la forme cytosolique à la forme


membranaire, la seule qui soit activée par le DAG. La PKC est aussi activée par la
phosphatidyl-sérine. Il existe de nombreuses formes de cette enzyme qui intervien-
nent dans plusieurs compartiments cellulaires (membrane plasmique, noyau, cytos-
quelette), c'est pourquoi les effets sont multiples et variés et difficiles à caractériser.
Deux enzymes jouent un rôle fondamental dans la transmission du signal hormonal
dont les deux produits sont des messagers : la phospholipase C qui, comme nous l'avons
vu, donne lieu à la formation de IP3 et de DAG par hydrolyse de PIP2 et la phosphati-
dylinositol-3 kinase (PI3K) qui, en phosphorylant l'inositol en position 3 (PIP3), le dévie
de la chaîne conduisant à la formation de PIP2 ; de plus, PIP3 active une protéine kinase B
qui, par phosphorylation, inhibe la glycogène synthase 3 (cf. § 6.1). Ces deux enzymes
sont sous le contrôle de facteurs de croissance et d'hormones à récepteur tyrosine kinase.
R2 R1
0=C CO
0 0

H2C—CH—CH2

- 0
-0
OH

0"
0
OH \

OH HO
OH 2 ATP 2 ADP

Phosphatidylinositol (PI) Phosphatidylinositol-4,5biphosphate(PIP2)


Phospholipase C
0
-0, R2 R1
0—P—0-
0 C C0
\ 0-
0 0
OH HO H2C—CH—CH2OH
0—P—0-

0
Inositol triphosphate (IP3) Diacylglycérol (DAG)

5.4 - Formation d'inositol triphosphate et de diacylglycérol

5.2.4. LES RÉCEPTEURS À TYROSINE KINASE

Ces récepteurs sont constitués généralement d'une seule protéine comportant un


domaine extracellulaire, un domaine transmembranaire et un domaine intracellulaire
(exemple l'EGF pour Elongation Growth Factor). La fixation de l'hormone ou du
96 BIOÉNERGÉTIQUE

facteur de croissance sur le récepteur provoque l'autophosphorylation de tyrosines sur


la partie cytosolique et permet la reconnaissance et la liaison avec d'autres protéines
possédant un domaine structural caractéristique appelé SH2 (figure 5.5).

Hormone

Tyrosines Récepteur à Membrane


phosphorylées tyrosine kinase

5.5 - Schéma simplifié de l'action de récepteurs à tyrosine kinase


dans des réactions d'intérêt pour le métabolisme énergétique

L'insuline est une hormone à tyrosine kinase particulièrement importante pour le


métabolisme énergétique. La structure de son récepteur fait cependant exception car
il est constitué de deux chaînes a et (3 reliées entre elles par des ponts disulfure. Il est
de type 0(2^2 2 Les sous-unités a sont extracellulaires et possèdent le site de fixation
de l'hormone alors que les sous-unités , transmembranaires, ont une partie émer-
geant dans le cytosol. Cette dernière porte un domaine autocatalytique à activité tyro-
sine kinase et fixe notamment IRS1 (Insulin Receptor Substrat 1), protéine qui sera
elle-même phosphorylée et pourra fixer et activer d'autres protéines comme P13K.
Les conséquences de la phosphorylation du récepteur à insuline sont multiples et
seront évoquées dans les métabolismes concernés.

5.3. THÉORIE DU CONTRÔLE DU MÉTABOLISME


Un réseau métabolique peut être soumis à l'action de
molécules externes ou internes agissant comme acti-
vateurs ou inhibiteurs. Considérons un réseau consti-
tué de trois enzymes, E1, E2 et E3, ayant respectivement
comme substrat S, X1 et X2, P étant le produit final de
Effecteur externe
la chaîne.
Pour prévoir les conséquences sur le flux métabolique (c'est-à-dire sur la transfor-
mation de S en P) d'un effecteur agissant sur la première étape, il n'est pas suffisant
d'avoir une connaissance approfondie de l'action de cet effecteur sur E1 isolée. En
effet, il est clair sur le schéma qu'une perturbation sur E1 va modifier le comporte-
ment de celle-ci, mais aussi celui des autres enzymes, par de simples effets sur les
concentrations en intermédiaires X1 et XX2 mais aussi, selon les cas, par activation ou
inhibition allostérique. Sur le schéma nous illustrons une situation complexe où X2
est un effecteur de E1 et X1 un effecteur de E3. On voit ainsi que les enzymes doivent
être étudiées dans leur contexte cellulaire, c'est-à-dire dans le réseau métabolique
auquel elles appartiennent.
5 - RÉGULATION ET CONTRÔLE DU MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE 97

KACSER et BURNS (1973) et HEINRICH et RAPOPORT (1974) proposèrent, pour aborder


ce problème, une approche connue sous le nom de théorie du contrôle. Ce terme n'est
d'ailleurs pas très heureux car il porte à confusion entre contrôle et régulation ; désor-
mais on utilisera le terme de contrôle lorsque l'analyse portera sur le réseau, en gar-
dant le terme de régulation lorsqu'elle portera sur l'enzyme prise séparément (par
exemple l'allostérie). Cette théorie décrit la sensibilité d'un système à des paramètres
donnés, alors que classiquement l'enzymologie étudie une enzyme particulière.

5.3.3. COEFFICIENT DE CONTRÔLE

Une définition centrale est celle du coefficient de contrôle d'une enzyme sur le flux ; il
se définit comme suit :
Ei = J / J / E i / E i ou Ei = InJ/lnEi
Le coefficient de contrôle CjEi représente le changement de la valeur d'un flux méta-
bolique J pour un changement infinitésimal de la valeur de l'activité de l'enzyme E1,
dans les conditions qui sont celles de l'état stationnaire étudié. Autrement dit, la per-
turbation apportée au système doit être suffisamment faible pour ne pas modifier
l'état stationnaire. On définit un coefficient de contrôle pour chaque enzyme consti-
tuant le réseau. Ces coefficients n'ont pas de dimension, ils sont exprimés en fraction
de changement. Pour une enzyme donnée, il est compris entre 0, pour un contrôle
nul, et + 1, pour un contrôle total sur une chaîne métabolique sans bifurcation. Un
contrôle de + 1 correspond à ce que l'on appelait Vétape limitante pour une chaîne,
mais en fait l'utilisation de cette approche montre que généralement, le contrôle est
partagé entre plusieurs étapes. Lorsque un réseau métabolique comporte n étapes, la
somme des contrôles portés par chacune des enzymes est égale à 1. C'est ce que l'on
appelle le théorème de sommation. La distribution des coefficients de contrôle est fonc-
tion de l'état stationnaire considéré, ce qui signifie qu'elle sera modifiée lors d'un
changement d'état sous l'action d'un facteur externe ou interne. Le coefficient de
contrôle d'une enzyme sur le flux est une propriété du réseau considéré comme un
tout, c'est une propriété systémique.
L'étude du contrôle est souvent nécessaire pour comprendre la réponse d'un système
à l'addition d'une molécule. Nous prendrons un exemple dans l'étude de la respira-
tion mitochondriale, qui est traitée en détails au chapitre 8. Généralement, l'addition
d'ADP stimule la respiration d'une suspension de mitochondries isolées. Cet effet est
dû au couplage entre la respiration et la synthèse de l'ATP. L'absence de stimulation,
pour certains types de mitochondries a été rapidement interprétée comme une absence
de couplage ; or l'ATP était synthétisée, ce que l'on pouvait observer en la dosant
directement ! Ce paradoxe a pu être levé en appliquant l'analyse du contrôle. En effet
tout le contrôle était porté par les systèmes responsables de l'alimentation de la chaîne
respiratoire en électrons (transport des substrats et déshydrogénases), donc l'addi-
tion d'ADP ne pouvait pas stimuler la respiration. Cet exemple montre qu'en absence
de la détermination des différents coefficients de contrôle d'un réseau, on peut être
conduit à formuler de fausses interprétations sur les phénomènes étudiés.
98 BIOÉNERGÉTIQUE

On peut aussi définir les coefficients de contrôle de concentrations comme la varia-


tion relative de concentration d'un intermédiaire métabolique j à une variation de
concentration d'une enzyme i :
Ei = SJ/SJ/E,/Ei

La détermination des coefficients de contrôle du flux J peut être réalisée expéri-


mentalement comme indiqué sur la figure 5.6. A l'aide d'un inhibiteur spécifique
d'une réaction impliquée dans un réseau, on effectue un titrage du flux métabo-
lique ] , du flux traversant ce réseau et de la vitesse v de cette réaction. Par exemple,
pour déterminer le coefficient de contrôle porté par la cytochrome oxydase, on fera
d'une part un titrage de la respiration par le cyanure et d'autre part le titrage de
l'activité cytochrome oxydase par ce même inhibiteur (cf. chapitre 8). A partir des
courbes obtenues, on détermine les pentes à l'origine dJ/J et dv/v et le rapport
((dJ/J)/(dv/v)) fournit le coefficient de contrôle sur le flux de la réaction considérée.
Deux exemples sont présentés sur la figure 5.6 : l'un pour lequel le coefficient est
relativement élevé (a) et l'autre au contraire très faible (b). La difficulté de l'ap-
proche réside dans le fait que les mesures concernant les réactions individuelles
doivent être effectuées dans les mêmes conditions que celles correspondant aux
mesures du flux.

Inhibiteur de la réaction k Inhibiteur de la réaction j

5.6 - Détermination expérimentale des coefficients de contrôle du flux

Lorsqu'il existe un inhibiteur non-compétitif et irréversible pour une enzyme, on peut


calculer son coefficient de contrôle en effectuant le titrage du flux par cet inhibiteur.
On détermine d'une part la valeur de la tangente à l'origine T, c'est-à-dire au point
où la concentration en inhibiteur est nulle, et d'autre part la concentration en inhibi-
teur donnant 100% d'inhibition du flux Imax (qui peut être obtenue par extrapolation
de la partie linéaire de la courbe à un flux nul). En appelant J0 le flux métabolique en
absence de l'inhibiteur, il est possible de montrer que le coefficient de contrôle de l'en-
zyme E sur le flux J est donné par la relation :
CjE = - T ( I m a x/ J o ) ) .
Même si, dans certains cas, la détermination des coefficients n'est pas complètement
exacte, la forme de la courbe donne des indications précieuses. On peut toutefois,
comme nous le verrons ci-dessous, calculer les coefficients de contrôle à partir des
coefficients d'élasticité.
5 - RÉGULATION ET CONTRÔLE DU MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE 99

5.3.2. COEFFICIENT D'ÉLASTICITÉ

Un intérêt majeur de la théorie est de pouvoir relier les coefficients de contrôle (pro-
priétés systémiques) aux caractéristiques cinétiques (propriétés locales) de chaque
enzyme constituant le réseau. Pour cela on définit les coefficients d'élasticité comme
étant l'effet d'un changement infinitésimal d'un effecteur sur le flux passant par une
enzyme donnée. L'effecteur est pris dans un sens large et peut être soit un substrat
ou produit de la réaction, soit un inhibiteur ou activateur. Comme pour les coeffi-
cients de contrôle, le coefficient d'élasticité est sans grandeur car il est exprimé sous
forme de fraction. Ainsi le coefficient d'élasticité de l'enzyme i par rapport à l'effec-
teur y est donné par la relation :
i'y = ((vi/vi)/(y/y))

De même que pour les coefficients de contrôle, la variation de l'activité d'une enzyme
est considérée dans un état stationnaire donné. Le coefficient d'élasticité n'a de sens
que si la variation appliquée au système ne concerne que l'effecteur étudié : c'est la
variation d'activité d'une enzyme par rapport à un effecteur dans un système méta-
bolique pris comme un tout. Ce coefficient peut être mesuré ou déduit des proprié-
tés cinétiques de l'enzyme si celles-ci sont connues avec suffisamment de précision.
Prenons comme exemple l'intermédiaire métabolique y entre deux réactions cataly-
sées par les enzymes E1 et E2, les coefficients d'élasticité de chacune de ces enzymes
par rapport à y sont respectivement :
E1y = ((v1/v01)/(y/y)) et E2y = ((v2/V2)/(y/y))
Le point fondamental est que les coefficients de contrôle du flux et d'élasticité sont
reliés entre eux par le théorème de connexion. Ce théorème pose que la somme des
produits d'élasticité d'enzymes à un effecteur par leur coefficient de contrôle est nulle.
Ainsi pour l'exemple précédent, si y n'agit que sur E1 et E2, on écrit :
CjE1E1y+CjE2E2y= 0

et d'une façon générale pour un réseau à k enzymes :


kCjEky = 0

Le théorème de connexion permet de calculer les coefficients de contrôle à partir des


élasticités. Prenons pour exemple la suite des trois réactions :
E1 E2 E3
S —————— Y1 —————— Y2 —————— P

CjE1 CjE2 et CjE31 représentent les coefficients de contrôle sur le flux J respectivement
des enzymes E1, E2 et E3. L'intermédiaire métabolique Y1 est produit de la première
réaction et substrat de la seconde ; on peut donc définir un coefficient d'élasticité pour
chacune des enzymes E1 et E2 par rapport à cet intermédiaire, que l'on écrira respec-
tivement E1Y1 et E2Y1 De même, les coefficients d'élasticité des enzymes E2 et E3 par
rapport à l'intermédiaire Y2 s'écriront respectivement E2y2 et E3Y2
100 BlOÉNERGÉTIQUE

On peut alors d'une part écrire deux relations de connexion entre les coefficients de
contrôle du flux et les élasticités des enzymes par rapport aux métabolites Y1 et Y2 :
CjE1 E1Y1 + CjE1 E2y1, = 0
CjE2E2y2+ Cje3E3y2= °
D'autre part le théorème de sommation donne : CjE1 + CjE21E2 + CjE3 = 1.
Ces trois relations permettent de calculer les trois coefficients de contrôle. D'une
manière générale pour une réaction linéaire comportant «n» enzymes on peut calcu-
ler les «n» coefficients de contrôle du flux à partir du théorème de sommation et de
«n - » relations de connexion. Ces différentes équations peuvent s'écrire sous forme
d'une matrice (pour une utilisation quantitative de ces notions, voir le livre de D. FEU.
cité en bibliographie).
Une conséquence du théorème de connexion est de mettre en évidence une tendance
du coefficient de contrôle à être corrélé inversement à l'élasticité ; c'est-à-dire, qu'une
enzyme fortement régulée par un effecteur interne tend à avoir u n faible coefficient
de contrôle. Cette remarque est importante dans la mesure où elle va à l'encontre d'un
raisonnement intuitif et il en va de même pour l'ensemble de cette théorie ; c'est ce
qui en fait l'intérêt au-delà d'une quantification exacte des paramètres, souvent dif-
ficile à obtenir.
L'analyse du contrôle a été appliquée à plusieurs systèmes comme par exemple les
oxydations phosphorylantes, la glycolyse, la gluconéogenèse et la dégradation des
acides gras.

5.4. ORGANISATION DES ENZYMES


ET CANALISATION DES MÉTABOLITES

5.4.1. GÉNÉRALITÉS

Les premières études en enzymologie ont concerné l'activité des enzymes solubles
purifiées et ont été effectuées dans des conditions très éloignées des conditions phy-
siologiques, particulièrement en ce qui concerne les concentrations en enzymes et en
métabolites. I n vitro, les enzymes sont utilisées à des concentrations de l'ordre du nano-
molaire, ce qui exclut des interactions protéine-protéine ; elles sont en général faibles
devant les concentrations en substrats. Au contraire, dans la cellule, les concentrations
en enzyme peuvent être élevées et supérieures à celles des substrats dans le milieu. Il
faut aussi tenir compte de la forte affinité de certains sites enzymatiques pour leurs
ligands, ce qui abaisse d'autant la quantité du ou des métabolites libres dans le milieu.
Ces observations ont conduit à l'idée de canalisation des métabolites, consistant en
un transfert direct d'une molécule d'un centre catalytique où elle a été produite au
centre catalytique d'une autre enzyme où elle servira de substrat ; il n'y a donc pas
relargage du métabolite dans le milieu environnant.
5 - RÉGULATION ET CONTRÔLE DU MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE 101

II en résulte :
> une réduction du temps de diffusion des intermédiaires d'un site à l'autre ;
> la protection d'espèces chimiques instables dans le milieu ;
> une limitation de la compétition entre enzymes utilisant le même métabolite ;
> une activité enzymatique soutenue malgré une concentration faible en substrat. La
canalisation doit être considérée comme la conséquence de l'organisation spatiale
d'une machinerie enzymatique impliquée dans un réseau métabolique. Elle néces-
site de ce fait des interactions spécifiques entre protéines au même titre qu'une acti-
vité enzymatique implique une interaction spécifique protéine-ligand. Elle
correspond à une activité vectorielle dans la mesure où le métabolite suit un che-
min déterminé dans l'espace.
Dès 1958, Peter MITCHELL proposait que les enzymes pouvaient être considérées
comme des conducteurs de ligand, c'est-à-dire que les métabolites suivaient un che-
min particulier dans la protéine. Pour illustrer ce principe il a pris comme exemple
l'isocitrate déshydrogénase qui catalyse séquentiellement une déshydrogénation et
une décarboxylation (cf. § 4.2.2). L'oxalosuccinate, intermédiaire de la reaction, serait
maintenu dans une phase interne microscopique entre les deux centres réactionnels.
D'une manière générale il y a canalisation lorsque le transfert direct d'un métabolite
de site à site est cinétiquement privilégié par rapport au transfert du site au milieu ou
réciproquement du milieu au site. La canalisation entre enzymes fait intervenir des
interactions entre protéines dont l'importance dépend des constantes de dissociation
entre les éléments du complexe. On peut en déduire que, selon la valeur de ces
constantes, les interactions peuvent ne concerner qu'une fraction plus ou moins impor-
tante des enzymes et le degré de canalisation peut n'être que partiel.
Des effets comparables à la canalisation peuvent être dus à une microcompartimen-
tation. C'est le cas lorsque une partie des métabolites intermédiaires est localisée dans
une microsphère entourant les enzymes concernées ; ils sont alors préférentiellement
utilisés par rapport à ceux présents dans le reste de la cellule, bien qu'il n'y ait pas de
transfert direct de site à site. Leur concentration près des enzymes où ils sont formés
peut être très différente de la concentration moyenne cellulaire. Une telle situation se
produit lorsque les vitesses des réactions enzymatiques sont supérieures à celles de
la diffusion des métabolites dans le milieu ; elle est parfois désignée sous le terme de
compartimentation cinétique. Comme exemples de microdomaines enzymatiques nous
pouvons citer l'ensemble hexokinase/porine/transporteur des adénines nucléotides
du cerveau et l'ensemble créatine kinase/porine/transporteur des adénines nucléo-
tides du muscle (cf. chapitre 9).
Il apparaît évident que la canalisation est une limitation à l'application des lois ciné-
tiques qui sont basées sur des probabilités de rencontre entre molécules ; c'est aussi
une limitation à l'utilisation de la théorie du contrôle du métabolisme, tant pour la
notion de coefficient de contrôle que pour celle d'élasticité. De même elle conduit à
s'interroger sur la valeur du G d'une reaction s'il n'y a pas équilibre entre métabo-
lites libres et liés à l'enzyme.
102 BIOÉNERGÉTIQUE

Une des caractéristiques du métabolisme est l'existence de relations entre les différents
reseaux. Un intermédiaire peut être impliqué dans plusieurs chaînes ou cycles, ce qui
peut amener à s'interroger sur l'intérêt de la canalisation. Cependant ces molécules ne
sont pas nombreuses et dans une revue Paul SRERE rapporte une étude montrant que
sur 520 métabolites, 410 ne sont impliqués que dans une seule réaction, 71 dans deux,
20 dans trois, 11 dans quatre et seulement 8 dans cinq ou plus de cinq réactions. Cela
ne signifie pas toutefois qu'un métabolite impliqué dans plusieurs réactions ne puisse
pas faire partie d'une chaîne canalisée.
La construction d'enzymes bifonctionnelles a été utilisée pour soumettre à l'expé-
rience l'idée que la diffusion des métabolites dans le milieu pourrait être une étape
contrôlant une réaction enzymatique. Ces constructions ont d'ailleurs leur équiva-
lent dans la nature où une protéine peut comporter plusieurs domaines, correspon-
dant chacun à une activité enzymatique. Un exemple de ce type d'approche est la
fusion du gène de la (galactosidase et de celui de la galactokinase, enzymes cataly-
sant la séquence de réactions suivante :

Glucose ATP ADP


\\
Lactose + H2O ———— Galactose — — Galactose-1P
galactosidase Galactokinase

L'enzyme hybride, produit de la fusion des gènes, est capable de catalyser l'ensemble
des deux réactions mais ne présente pas d'avantage cinétique par rapport au mélange
des deux enzymes libres. Par contre, lorsqu'une autre enzyme utilisant le galactose
est ajoutée dans le milieu, l'enzyme hybride a un avantage sur le mélange des formes
libres dans la mesure où l'effet de compétition est moins prononcé. Un exemple est
donné avec la galactodéshydrogénase.

Glucose ATP ADP

Lactose + H2O —!———— Galactose —— Galactose-1P


[galactosidase \ Galactokinase

NAD Galactodéshvdrogénase

Galactanolactone

5.7 - Compétition entre la galactokinase et la galactodéshydrogénase pour le galactose


(d'après BÛLOW et MOSBACH)

Comme nous l'avons signalé précédemment, la canalisation nécessite des interac-


tions spécifiques entre structures enzymatiques. On peut distinguer trois niveaux
d'interactions d'après l'importance des forces reliant les composantes du complexe :
les systèmes isolés dans un contexte membranaire (exemple de la chaîne respira-
toire dans la membrane interne des mitochondries traitée au chapitre 8) ;
5 - RÉGULATION ET CONTRÔLE DU MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE 103

> les complexes multi-enzymatiques non-membranaires, solubles mais dont les com-
posantes sont reliées entre elles par des liaisons covalentes ou non-covalentes en
nombre suffisant pour permettre leur isolement in toto ;
> les enzymes qui, soumises aux traitements classiques d'isolement des protéines,
apparaissent libres de toute interaction mais qui, dans la cellule, peuvent former
des complexes impliqués dans une voie métabolique spécifique. Ces systèmes sont
appelés métabolon. Dans cette catégorie on peut aussi trouver des interactions entre
enzymes et cytosquelette. Ces interactions peuvent être suffisamment faibles pour
que les enzymes existent à la fois sous forme associée et dissociée ou que l'asso-
ciation ne soit pas permanente selon les conditions cellulaires.

5.4.2. COMPLEXES MULTI-ENZYMATIQUES

II existe un certain nombre de complexes multi-enzymes pouvant être isolés de la cel-


lule en tant que tels. Nous décrivons ci-dessous le système de synthèse des acides
gras comportant l'acétyl-CoA carboxylase et l'acide gras synthase. Cette dernière
constituée de six activités enzymatiques est organisée structuralement de façon dif-
férente suivant les organismes. Ces six activités sont portées par six enzymes pou-
vant être purifiées séparément chez la bactérie Escherichia Coli ; elles sont portées par
un complexe multi-enzyme constitué de deux types de sous-unités avec la
stœchiométrie chez la levure Saccharomyces cerevisiae, et par un dimère constitué
de deux sous-unités identiques chez les mammifères. Il est évident que dans ces deux
derniers cas, chaque sous-unité comporte plusieurs domaines, chacun correspondant
à une activité enzymatique particulière.
Avant d'étudier ces organisations rappelons les différentes étapes de la biosynthèse.
Dans tous les types de cellule la biosynthèse s'effectue par élongation récurrente de
deux unités carbonées à partir d'un acétyl-CoA (le donneur étant le malonyl-CoA)
pour les chaînes à nombre pair de carbones, ou d'un propionyl-CoA pour celles à
nombre impair. La première réaction, qui consiste à former un malonyl-CoA, ne fait
pas partie du complexe. Elles est analogue à la carboxylation du pyruvate et nécessite
de l'ATP et de la biotine comme cofacteur (cf. § 7.2.1). Chez les eucaryotes, l'acétyl-
CoA carboxylase est une enzyme allostérique : elle est activée par le citrate, qui est un
produit mitochondrial générateur d'acétyl-CoA cytosolique (chapitre 7) et inhibée par
le palmityl-CoA, le produit final de la chaîne de biosynthèse catalysée par cet ensemble.

0
Acétyl-CoA 0 O
11 carboxylase 1
H 3 C — C — S — C o A + ATP + CO2 ——————— C—CH2—C—S—CoA + ADP + Pi
Biotine
Acétyl-CoA O Malonyl-CoA

Les six réactions de la synthase donnant un butiryl-CoA à partir d'un acétyl-CoA et


d'un malonyl-CoA sont représentées sur la figure 5.8.
104 BIOÉNERGÉTIQUE

Acétyl transacylase
0 (sous-unité P) 0

H 3 C — C — S — C o A + ACP-SH H 3 C — C — S — A C P + CoA-SH

Acétyl-CoA Acétyl-ACP

Malonyl transacylase
0 O (sous-unité p) O O
\\ II \\ II
C — C H 2 — C — S — C o A + ACP-SH — C — C H 2 — C — S — A C P + CoA-SH
0
Malonyl-CoA O Malonyl-ACP

Enzyme de condensation
0 O ° (sous unité a) 0 0
II \\ II II II
H 3 C — C — S — A C P + C—CH2—C— S—ACP—H3C—C—CH;—C—S—ACP + ACP

Acétyl-ACP ° Malonyl-ACP CO2 Acétoacétyl-ACP

cétoacyl réductase
0 0 (sous-unité a) 0

H3C—C—CH2—C—S—ACP + NADPH + H +H3C— CH2— SACP+ NADP

OH
Acétoacétyl-ACP D-3-hydroxybutyryl-ACP

D-3-hydroxybutyryl-ACPdéshydratasc
0 (sous unité ) 0
II II
H3C—CH—CH2—C—S—ACP H 2 CCH—CH2—C S—ACP+ H20

OH
D-3-hydroxybutyryl-ACP Crotonyl-ACP

Crotonyl-ACP réductase
0 (sous-unité p) 0
+
H2C = CH — CH2— C —S—ACP + NADPH + H ——- H3C — CH2— CH2— C —S—ACP + NADP

Crotonyl-ACP Butyryl-ACP

5.8 - Voie de biosynthèse des acides gras (modèle levure)

Chez E. Coli les acyl-CoA sont transférés sur le groupement thiol de l'acide phos-
phopantéthéique, lui-même attaché à une sérine d'une protéine appelée ACP (pour
Acyl Carrier Protein). L'ACP est liée par covalence à la sous-unité du complexe chez
la levure ou à l'unique protéine chez les mammifères.
Chez les mammifères la synthase est composée de trois domaines protéiques dis-
tincts et reliés entre eux par un bras peptidique. Le domaine 1 porte les activités acé-
tyl transférase, malonyl transférase et enzyme de condensation. Le domaine 2 porte
les trois activités permettant la réduction de la fonction carbonyle : la cétoacyl réduc-
tase, la déshydratase et la crotonyl réductase ; il porte aussi TACP. Le domaine 3 est
5 - RÉGULATION ET CONTRÔLE DU MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE 105

constitué par la thiolase, hydrolase libérant le palmitate de l'ACP. La synthase ne


fonctionne que sous forme de dimère, de telle sorte qu'il y ait une interaction fonc-
tionnelle entre l'ACP d'un monomère et les domaines correspondant à l'enzyme de
condensation, les trois enzymes de réduction et la thiolase de l'autre monomère
(figure 5.9). Ces interactions sont rendues possibles sans changement conforma-
tionnel important des protéines grâce à l'existence du bras flexible constitué par la
pan té théine.

Acétyl-CoA
transférase Malonyl-CoA Cétoacyl Déshydratase Crotonyl ACP
réductase réductase Thiolase
Enzyme de transférase
condensation
cys-SH
cys-SH SH
Enzyme de
Crotonyl Cétoacyl
ACP réductase Déshydratase réductase Malonyl-CoA condensation
transférase
Acétyl-CoA
transférase

5.9 - Organisation en domaines de l'acide gras synthase chez les mammifères

Cette organisation permet l'allongement de la chaîne carbonée directement sur l'ACP,


sans relargage des métabolites dans le milieu. Chez la levure la structure de l'acide
gras synthase est différente dans la mesure où elle est constituée de deux sous-uni-
tés différentes a et formant un complexe multi-enzyme de composition 66 et d'une
masse de 2200 kDa. La chaîne a contient l'ACP, l'enzyme de condensation et la cétoa-
cyl réductase, les autres activités étant portées par la chaîne P. D'après les données
apportées par les images de diffraction aux rayons X, le complexe serait contenu dans
le volume d'une ellipsoïde de 250 A et 210 A pour respectivement le grand et le petit
diamètre. Cette structure possède en son centre une cavité qui permettrait à l'ACP
de s'approcher des différents sites actifs. La dissociation du complexe abolit l'activité
de synthèse.
Le point commun entre ces systèmes est que le substrat est lié par covalence à une
molécule qui permet sa présentation aux différents sites enzymatiques, ce qui évite
un relargage de l'intermédiaire dans le milieu. Un autre exemple, celui de la pyru-
vate déshydrogénase est traité au § 7.2.1.

5.4.3. EXEMPLES DE CANALISATION

Dans le concept de canalisation au sens strict du terme, le métabolite transite à


l'intérieur de l'enzyme ou du complexe, sans qu'il y ait de liaison covalente entre les
protéines concernées. Nous traitons ci-dessous de deux exemples, la tryptophane syn-
thétase et le cycle de l'urée, car les approches mises en jeu pour étudier le problème
sont différentes.
106 BIOÉNERGÉTIQUE

La tryptophane synthétase
La tryptophane synthétase est un tétramère de type 2 2 (29 kDa pour a et 44 kDa
pour ) catalysant la réaction suivante :
indole-3-glycérol-phosphate + sérine —» tryptophane + glycérol-3-phosphate
Les sous-unités de l'enzyme peuvent être dissociées et chacune est responsable d'une
partie de l'activité globale. La sous-unité a catalyse la réaction indole-3-glycérol-phos-
phate —> indole + glycérol-3-phosphate ; la forme 2 catalyse la réaction indole + sérine
—> tryptophane (cette dernière n'a d'activité que sous sa forme dimérique).
Trois observations majeures ont conduit à l'idée d'une canalisation de l'indole du site
actif de a au site actif de dans le complexe :
> la vitesse de synthèse du tryptophane par le complexe a2 2 est 100 fois supérieure
à celle catalysée par 2 à partir de l'indole ;
> il n'y a pas de libération d'indole dans le milieu au cours de la synthèse du tryp-
tophane par le complexe 2 2 à partir de l'indole-3-glycérol-phosphate ;
2 l'établissement de la structure tridimensionnelle de l'enzyme 2 2 de Salmonella
typhimurium montre clairement une possibilité de canalisation de l'indole du site
actif de a au site actif de (3 dans le complexe qui sont distants de 25 A. C'est la
première fois que la possibilité de transfert d'un intermédiaire métabolique entre
deux sites catalytiques a pu être montré sur des images tridimensionnelles d'un
complexe enzymatique. Il est évident qu'il s'agit d'un cas particulièrement favo-
rable pour ce type d'études, mais que dans la plupart des cas cette approche n'a
pas pu être mise en œuvre. Nous décrivons ci-dessous une méthodologie plus
générale, basée sur la dilution isotopique de métabolites et appliquée au cycle
de l'urée.

Le cycle de l'urée
Chez les mammifères, le cycle de l'urée, sous sa forme complète, est localisé exclusi-
vement dans le foie. Il est constitué de cinq enzymes : deux dans la mitochondrie, la
carbamyl-phosphate synthétase (CPS1) et l'ornithine transcarbamylase, et trois dans
le cytosol, l'argino-succinate synthétase, l'argino-succinate lyase et l'arginase. Ces
deux compartiments sont fonctionnellement reliés par les transporteurs qui assurent
les transferts de l'ornithine et de la citrulline (figure 5.10).
Des expériences de dilution isotopique sur mitochondries isolées ou sur cellules per-
méabilisées suggèrent une canalisation des intermédiaires du cycle, l'ensemble des
enzymes constituant un métabolon transmembranaire. Nous décrivons ci-dessous
deux séries d'expériences correspondant à une approche méthodologique importante
pour aborder ce type de problème. La première série est effectuée sur des mitochon-
dries isolées, la seconde sur des hépatocytes perméabilisés.
Les mitochondries de foie sont chargées avec de l'ornithine non-radioactive, centri-
fugées et incubées dans un milieu contenant de la 14C-ornithine, de radioactivité
connue, exprimée en dpm. mole-1, et les substrats nécessaires à la synthèse du
5 - RÉGULATION ET CONTRÔLE DU MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE 107

carbamyl-phosphate. On observe que la citrulline formée dans ces conditions pos-


sède la même radioactivité spécifique que l'ornithine externe, alors que la radioacti-
vité du pool interne d'ornithine reste beaucoup plus faible. Ces expériences suggèrent
un transfert direct de l'ornithine externe au site de synthèse de la citrulline dans la
mitochondrie, sans échange avec le pool interne.

O-—C—O—P O + 2ADP + Pi
+
NH4 + HCO3 + 2 ATP

5.10 - Cycle de l'urée : 1 carbamyl-phosphate ; 2 ornithine carbamyl transférase ;


3 argino-succinate synthétase ; 4 argino-succinate lyase ; 5 arginase
108 BIOÉNERGÉTIQUE

Les expériences avec les cellules ont été menées comme suit. Les hépatocytes sont
perméabilisés aux molécules de faible poids moléculaire par l'a-toxine. La synthèse
de 14C-urée est réalisée par incubation en présence de NH4Cl, de 14C-HCO3-3-, d'or-
nithine et d'aspartate ; du succinate est fourni comme substrat respiratoire. Le prin-
cipe de l'expérience est d'étudier l'effet de l'addition d'un intermédiaire non-radioactif
sur la radioactivité incorporée dans l'urée. Les résultats montrent que :
> l'addition de 1 mM d'arginine n'abaisse pas la radioactivité incorporée dans l'urée
alors que celle-ci devrait l'être de 200 fois en admettant un mélange parfait entre
l'arginine ajoutée et celle synthétisée à partir du bicarbonate radioactif ;
» des résultats analogues sont obtenus en ajoutant soit de l'arginosuccinate, soit de
la citrulline non-radioactifs. L'ensemble de ces résultats montre que les intermé-
diaires métaboliques sont directement transférés d'un site enzymatique à un autre
sans relargage dans le milieu. (CHEUNG et al., 1989). Nous verrons d'autres exemples
de canalisation, particulièrement dans les cas de la glycolyse et du cycle des acides
tricarboxyliques.

5.5. CONCLUSIONS
L'enzymologie classique nous apprend comment l'activité d'une enzyme dépend de
la concentration en substrats et produits, comment elle réagit à différents effecteurs,
qu'ils soient activateur ou inhibiteur, et d'une façon générale comment elle répond
aux conditions physico-chimiques de son environnement (température, force ionique
du milieu, présence de cations...). Cette enzymologie concerne les enzymes isolées,
solubles ou solubilisées par un détergent. Un autre aspect de cette science, qui n'a
pas été évoquée dans ce livre, est l'étude des enzymes greffées sur des supports solides.
Elle permet notamment de mettre en évidence l'importance de la diffusion des méta-
bolites qui, dans une certaine mesure, contrôle la vitesse de la réaction. L'étude de
systèmes modèles a amené au concept de compartimentation cinétique, qui énonce
que, pour des problèmes de contraintes diffusionelles, les concentrations en méta-
bolites à proximité du site actif de l'enzyme peuvent être très différentes de leur valeur
moyenne dans le milieu.
L'enzymologie cellulaire nous a appris que m situ l'activité des protéines pouvait être
régulée par modification chimique ; le phénomène le plus important est la phospho-
rylation des protéines. Cette régulation permet, entre autres choses, une coordination
entre les différentes voies métaboliques et entre les différentes cellules, qui est le fait
soit des hormones soit de l'influx nerveux. Comme nous l'avons signalé dans l'in-
troduction de ce chapitre, la synthèse des enzymes impliquées dans les processus bio-
énergétiques est, comme celle des autres protéines, soumise à régulation. Ce vaste
chapitre de la biochimie concerne l'étude de l'expression des gènes. Certaines consé-
quences de la régulation de la biosynthèse des protéines sont mentionnées dans cet
ouvrage car elles concernent la spécificité tissulaire de métabolismes et l'expression
d'isoenzymes.
5 - RÉGULATION ET CONTRÔLE DU MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE 109

Une caractéristique essentielle d'une enzyme est qu'elle exerce son activité dans un
réseau métabolique et son comportement dépend de l'activité des autres enzymes.
La théorie du contrôle du métabolisme permet d'appréhender l'étude d'un réseau
métabolique dans sa globalité. La notion essentielle de ce cadre conceptuel est celle
du coefficient de contrôle du flux pour chaque enzyme qui aboutit au théorème de
sommation. La notion d'élasticité, qui traduit la réponse d'une enzyme à un effec-
teur, et le théorème de connexion permettent de calculer les coefficients de contrôle,
dont l'estimation est parfois difficile par une méthode directe. Il faut être conscient
que, même en absence de quantification précise des paramètres, cette théorie apporte
des renseignements précieux pour l'étude d'un réseau métabolique. En allant au bout
de cette remarque on pourrait dire que la recherche du contrôle est une attitude du
chercheur avant d'être une science.
Le dernier point à avoir été traité dans ce chapitre est la canalisation des métabolites,
conséquence de la structure supra-moléculaire de certains systèmes enzymatiques.
Cette notion, qui n'est pas très nouvelle, prend cependant un essor particulier dans
la mesure où l'on possède de plus en plus de données structurales sur les enzymes
et sur leurs interactions. Les conséquences analytiques sont importantes, car comme
nous l'avons signalé, cela conduit à limiter les approches thermodynamiques et ciné-
tiques traditionnelles qui sont basées sur des données statistiques. La cellule est consti-
tuée, au moins pour une part, de systèmes hautement structurés assimilables à des
machines. Il ne faudrait tout de même pas rejeter les approches traditionnelles qui
restent valables dans de nombreux cas, mais il faut toujours considérer les valeurs
numériques avec circonspection.
Dans la suite de cet ouvrage nous présentons les mécanismes de la transduction de
l'énergie, c'est-à-dire comment une énergie primaire, sous forme de molécules réduites
ou de lumière, est transformée en énergie utilisable par la cellule. Les transductions
appartiennent à trois grands types : les phosphorylations au niveau du substrat, sys-
tèmes généralement non-membranaires, dont l'exemple majeur est la glycolyse ; les
oxydations phosphorylantes et les photophosphorylations qui sont des systèmes
membranaires.
Chapitre 6

MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE DES SUCRES

Les sucres sont avec les lipides les principales sources d'énergie pour l'organisme.
Au cours de la digestion, ils sont hydrolysés essentiellement en monosaccharides et
absorbés au niveau des cellules épithéliales de l'intestin grêle par des transporteurs
spécifiques (chapitre 2). Le glucose, le sucre le plus abondant dans l'organisme (5 mM
dans le sang) est dégradé en pyruvate dans le cytosol par une chaîne de réactions
appelée glycolyse conduisant à la synthèse de deux ATP (cf. § 6.2). Les métabolismes
d'autres sucres, comme ceux du fructose, du mannose ou du galactose se branchent
sur cette chaîne. Le pyruvate est soit réduit dans le cytoplasme, soit oxydé complè-
tement en gaz carbonique et en eau par la mitochondrie (chapitre 7 et 8). Il peut aussi
redonner du glucose, essentiellement dans le foie. Le métabolisme de cet organe, régu-
lateur du taux de glycémie dans le sang, sera étudié au chapitre 9. Il y a évidemment
des relations entre les métabolismes des sucres, des lipides et des acides aminés. Elles
seront essentiellement décrites au chapitre 9, car pour un grand nombre d'entre elles
(au moins sur le plan quantitatif), elles sont tissu-spécifiques. Le glucose peut former
des réserves intracellulaires comme le glycogène chez les animaux et les champi-
gnons, l'amidon chez les plantes et le tréhalose chez la levure. Comme mentionné ci-
dessous et au chapitre 9, l'utilisation du glycogène et la régulation de son métabolisme
présentent des différences entre le muscle et le foie. Comme nous le décrivons dans
ce chapitre, le métabolisme des sucres est fortement régulé par les hormones (insu-
line, adrénaline et glucagon) et l'influx nerveux.

6.1. MÉTABOLISME DU GLYCOGÈNE


Le glycogène est constitué d'unités glucose essentiellement liées entre elles par des
liaisons glycosidiques de type (1 —> 4) qui forment de longues chaînes linéaires.
Ces chaînes se branchent sur d'autres chaînes de même type par des liaisons (1 —> 6),
donnant ainsi un aspect très ramifié au polysoside. L'unité récurrente, le maltose, est
constitué de deux molécules de glucose liées en (1 —> 4) possédant ainsi un
glucose dont le premier carbone (ou carbone anomère) est libre, donc réducteur.
6CH2OH CH2OH

Extrémité
4—O Extrémité
non réductrice O Kl A réductrice

Maltose ou 4-D-glucopyranosyl--D-glucopyranose
112 BIOÉNERGÉTIQUE

De même les chaînes linéaires sont caractérisées par leurs extrémités réductrice et
non-réductrice.

6.1.1. DÉGRADATION DU GLYCOGÈNE CELLULAIRE

Localisé dans le cytosol sous forme de granules (que l'on peut mettre en évidence par
la coloration brune après traitement des cellules à l'iode), le glycogène est phospho-
rolysé à partir de son extrémité non-réductrice par une phosphorylase. Cette réaction
consiste en un transfert d'une unité glucose sur un phosphate minéral. L'enzyme,
découverte et purifiée par CORI et CORI, catalyse une réaction réversible in vitro car
la stabilité de la liaison phosphate avec la fonction hémiacétalique du glucose en posi-
tion 1 est du même ordre que celle de la liaison glycosidique (1 —> 4). Or, dans la
cellule, le rapport des concentrations [Pi]/(glucose-1P)) est de l'ordre de 100 et rend
la réaction irréversible dans le sens de la phosphorolyse. La coupure phosphoroly-
tique du glycogène nécessite dans son mécanisme du pyridoxal phosphate.

CH2OH CH2OH CH2OH CH2OH


—0

-0-(Glucose) Pi——- ——O—P—O-+ O (Gluse)n

OH
D-Glucose-1P

La phosphorylase a une action récurrente à partir de l'extrémité non-réductrice jus-


qu'à la rencontre d'un point de branchement constitué par la liaison a (1 —> 6). Pour
que l'action de la phosphorylase puisse se poursuivre, cette liaison doit être hydro-
lysée, ce qui est effectué par l'enzyme débranchante. On notera la différence entre
phosphorolyse et hydrolyse : dans un cas il y a transfert sur un phosphate, dans l'autre
cas sur une molécule d'eau.

6.1.2. BIOSYNTHÈSE DU GLYCOGÈNE

La mise en réserve du glucose s'effectue par allongement de la chaîne polyosidique


par son extrémité non-réductrice avec formation d'une liaison (1 —> 4). Le don-
neur de glycosyl est l'UDP-glucose (cf. § 3.2.1) et l'enzyme est la glycogène synthase.
Les ramifications sont assurées par des réactions de transglycosylation catalysées par
les enzymes branchantes. Il s'agit du transfert d'une partie d'un polyoside sur un
autre polyoside avec changement de liaison (1 —> 4) en liaison (1 —> 6). Cette
réaction ne pose pas de problème thermodynamique dans la mesure où la liaison
(1 —> 4) est moins stable que la liaison (1 —> 6).

6.1.3. RÉGULATION DU MÉTABOLISME DU GLYCOGÈNE

La phosphorolyse et la synthèse du glycogène sont très régulées selon un schéma


décrit dans la figure 6.1. Nous prenons pour exemple la régulation dans les cellules
6 - MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE DES SUCRES 113

musculaires ; celle des hépatocytes, qui présente certaines différences, est traitée au
chapitre 9.
La phosphorylase est un dimère qui existe sous deux formes interconvertibles : la
phosphorylase a, constituée de quatre sous-unités identiques, est la forme active de
l'enzyme. La phosphorylase b, constituée de seulement deux sous-unités, n'est active
que dans des conditions particulières. La phosphorylase b peut être active en pré-
sence d'AMP, un activateur allostérique ; par contre elle est inhibée par l'ATP et le
glucose-6P qui sont des compétiteurs pour l'AMP à ce même site. Compte tenu des
concentrations en AMP dans la cellule, la phosphorylase b est généralement inactive.
Le passage de la forme b en forme a s'effectue par phosphorylation d'une sérine de
chacune des sous-unités de l'enzyme par l'ATP, réaction catalysée par la phospho-
rylase kinase. Réciproquement, le passage de la forme a à la forme b correspond à
une hydrolyse de la liaison ester entre le phosphate et la sérine sous l'action d'une
phosphatase. L'activité de phosphorolyse dépendra donc du rapport a/bqui est
contrôlé par différentes hormones et par l'ion calcium selon les mécanismes décrits
ci-dessous.

Phosphorylase kinase inactive


P1 Protéine kinase inactive
Phosphatase
H2O AMPc
» Phosphorylase kinase active
Phosphorylase b —— Phosphorylase a
Adrénaline
Influx nerveux

AMPc

Protéine kinase active <——— Protéine kinase inactive


Glycogène synthase active Glycogène synthase inactive

ATP ADP

Phosphatase
Pi H2O

6.1 - Phosphorylations des enzymes de la dégradation et de la biosynthèse du glycogène

La phosphorylase kinase, l'enzyme responsable de la phosphorylation de la phos-


phorylase est une très grosse protéine multimérique de formule (4. Elle existe
elle-même sous une forme phosphorylée active et une forme non-phosphorylée inac-
tive. La phosphorylation par l'ATP est catalysée par la protéine kinase A, enzyme acti-
vée par le système hormone-AMPc (cf. § 5.2). Dans le muscle l'adrénaline est l'hormone
majeure qui active la protéine kinase A par l'intermédiaire de l'AMPc ; dans le foie
114 BIOÉNERGÉTIQUE

ce rôle est joué par le glucagon. La phosphorylase kinase peut être activée partielle-
ment par Ca24+ par l'intermédiaire du complexe que forme ce cation avec la calmo-
duline (qui correspond en fait à la sous-unité de l'enzyme). Comme décrit au § 5.2
l'augmentation de la concentration cytosolique en Ca2+ est sous le contrôle de l'in-
flux nerveux, ce qui déclenche à la fois les processus de la contraction musculaire et
de la production d'énergie en activant l'utilisation du glycogène et en stimulant la
respiration mitochondriale (chapitre 8).
La synthèse du glycogène est également régulée par les phosphorylations AMPc
dépendantes. Ainsi la glycogène synthase existe sous deux formes : la forme a active
qui, contrairement à la phosphorylase n'est pas phosphorylée, et la forme b phos-
phorylée qui n'est active qu'en présence de fortes concentrations en glucose-6P. La
phosphorylation de la glycogène synthase est catalysée par la protéine kinase A. Ces
systèmes de régulation constitués d'une cascade d'événements membranaires et de
réactions enzymatiques permettent une amplification du signal hormonal puisqu'un
signal stimule une activité qui produit plusieurs molécules qui elles-mêmes stimu-
lent l'activité de l'étape suivante.
L'action des kinases est réversée par celle des phosphatases qui catalysent l'hydro-
lyse des liaisons phosphoester de différentes enzymes (figure 6.2). Ainsi, la phos-
phorylase phosphatase ou protéine phosphatase 1 des muscles striés catalyse le passage
de la forme a de la phosphorylase en forme b ; de même elle catalyse l'hydrolyse du
phosphoester de la phosphorylase kinase active, ce qui la rend inactive ; cette même
enzyme catalyse aussi l'hydrolyse de la fonction phosphoester de la glycogène syn-
thase, ce qui active cette dernière. La protéine phosphatase 1 a donc un effet inhibi-
teur sur la dégradation et activateur sur la biosynthèse du glycogène. Son activité est
elle même régulée. Elle existe soit sous une forme liée aux granules de glycogène, soit
sous une forme libre ; ces deux états dépendent de la phosphorylation de certaines
sous-unités. Ainsi, par phosphorylation, sous l'action de la protéine kinase A AMPc
dépendante, la protéine phosphatase 1 est libérée dans le cytosol, ce qui la rend inac-
tive. L'insuline favorise la fixation de la phosphatase sur les granules de glycogène,
ayant ainsi une action opposée à l'adrénaline.

Inhibition Stimulation
par l'adrénaline par l'insuline
Phosphorylase N\ f Pi Glycogène synthétasc
active ~~^\ 4 /''*' active
HzO -^ Protéine phosphatase 1 F- ^0
\
Phosphorylase ^^y T ^ / — ^ p, ^ Glycogène synthétase
inactive Pi /^'^\ inactive
( H2Û ^
Phosphorylase kinase Phosphorylase kinase
active inactive

6.2 - Rôle de la protéine phosphatase 1


dans la régulation du métabolisme du glycogène du muscle
6 - MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE DES SUCRES 115

II s'agit donc d'un système bien coordonné puiqu'il aboutit à des effets inverses sur
les deux voies en réponse essentiellement aux sécrétions hormonales.

6.2. GLYCOLYSE ET FERMENTATIONS


On appelle glycolyse l'ensemble des réactions impliquées dans la transformation
du glucose en pyruvate. Dans la mesure où une molécule de glucose donne deux
molécules de pyruvate, la voie conduit à la synthèse nette de deux ATP : deux ATP
sont utilisées lors de la transformation de glucose en fructose-l,6biphosphate et
quatre ATP sont synthétisées lors de la conversion de molécules de 1,3-diphos-
phoglycérate en deux molécules de pyruvate. En aérobiose cette dégradation est
suivie par une oxydation complète du pyruvate en CO2 et H2O, dont l'ensemble
donne lieu à la synthèse de 36 ATP (voir cycle de KREBS et chaîne respiratoire). En
anaérobiose, le pyruvate (ou les produits dérivés de cet acide cétonique) sert d'ac-
cepteur d'hydrogène à des réactions permettant la réoxydation du NADH : c'est la
fermentation.
En 1897, Edouard et Hans BÜCHNER mettaient en évidence la transformation du glu-
cose en éthanol par un extrait acellulaire de levure. Cette date est importante car, pour
la première fois, des transformations chimiques du vivant étaient mises en évidence
in vitro. Entre 1905 et 1911, HARDEN et YOUNG faisaient les observations suivantes sur
des extraits acellulaires de levure :
> En présence d'un excès de phosphate minéral, l'extrait était capable de consom-
mer tout le glucose ajouté.
> Par contre en phosphate limitant, la fermentation était ralentie et du fructose-
l,6biphosphate s'accumulait.
> L'addition de phosphate à l'extrait précédant stimulait la fermentation et une mole
de CO2 était dégagée par mole de phosphate ajouté.
> L'addition d'arséniate stimulait la fermentation.
L'élucidation complète de cette chaîne de réactions date de 1940 et a été le fruit des
travaux de plusieurs équipes dont les plus connues sont celles de G. EMDEN,
0. MEYERHOF, C. NEUBERG, J. PARNAS, 0. WARBURG et G. et C. CORI. La glycolyse est
connue sous l'appelation de voie de Emden-Meyerhof.

6.2.1. RÉACTIONS DE LA GLYCOLYSE

Tous les sucres et dérivés, sauf indication contraire, sont de la série D, c'est pourquoi
nous ne le précisons pas, pour alléger l'écriture. Le schéma de la glycolyse et de la
fermentation lactique est présenté dans la figure 6.3.
116 BIOÉNERGÉTIQUE

Glucose
V ATP
G-6P ——
ADP
6 P
H+ ATP, Citrate + —— Glp

ADP, AMP, Fructose-2,6P2 F 6P

F-1.6P2

GA-3P

G-3P DPGA
ADP

3PG

L-lactate 2PG
NAD+
NADH
Pyruvate PEP
A T PA D P 8 1 — — —
Fructose-1,6P2

6.3 - Schéma de la glycolyse et de ses points de régulation activation ; inhibition


G-6P, glucose-6phosphate ; F-6P, fructose-6phosphate ; F-1.GP2, fructose-1,6biphosphate
(ou 2,6 pour F-2.6P2) ; GA-3P, glycéraldéhyde-3phosphate ; DHAP, dihydroxyacétonephosphate ;
DPGA, 2,3-diphosphoglycérate ; 3PG, 3-phosphoglycérate ; 2PG, 2-phosphoglycérate ;
PEP, phosphoénolpyruvate ; G-3P, glycérol-3phosphate

6.2.1.1. Formation du glucose-6P


Le glucose-6P est formé par différentes voies. Chez les eucaryotes supérieurs, le glu-
cose est véhiculé par le sang et est transporté dans la cellule par les transporteurs de
la famille GLUT ; c'est la différence de concentration entre le glucose sanguin et le
glucose cellulaire qui permet la diffusion facilitée (cf. § 2.2.2). Dans le muscle, le glu-
cose-6P peut être aussi formé à partir du glucose-1P provenant du glycogène ; enfin
il peut provenir d'autres sucres comme le galactose ou le mannose. La réaction de
conversion du glucose en glucose-6P a été étudiée au § 3.1.3. Elle est catalysée par
une famille d'enzymes à faible spécificité, les hexokinases. L'hexokinase isolée de la
levure par exemple, phosphoryle le glucose, le fructose, le mannose et la glucosa-
mine. Par contre les glucokinases, type particulier d'hexokinase, ont une spécificité
marquée pour le glucose (voir le métabolisme du foie au chapitre 9). Les hexokinases
d'origine animale, à l'exception de la glucokinase, sont inhibées par le glucose-6P.
Comme toutes les enzymes de la chaîne métabolique, les hexokinases sont localisées

ATP
6 - MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE DES SUCRES 117

dans le cytosol. Cependant une forte proportion d'enzyme peut être liée, dans cer-
tains tissus, à la membrane externe de la mitochondrie. Cette forme liée, dont la pro-
portion peut varier selon l'état énergétique de la cellule, a une meilleure affinité pour
l'ATP et n'est pas inhibée par le glucose-6P. On rencontre ce phénomène notamment
dans le cerveau où la proportion de forme liée augmente lorsque la quantité d'oxy-
gène diminue.
Le glucose-1P, produit de la phosphorolyse du glycogène est converti en glucose-6P
par action de la phosphoglucomutase. Cette réaction, favorisée dans le sens de la for-
mation du glucose-6P (ce dernier est plus stable que le glucose-1P), fait intervenir une
phosphosérine avec formation transitoire de glucose-1,6biphosphate. Dans le muscle
le glucose-6P est dégradé par la voie glycolytique, alors que dans le foie il donne
essentiellement du glucose sous l'action de la glucose-6 phosphatase, enzyme micro-
somale impliquée dans la gluconéogenèse.
L'alimentation apporte en abondance deux diholosides, le saccharose et le lactose, qui
contiennent respectivement une unité fructose ou une unité galactose liée à un glucose.
CH2OH CH2OH CH2OH

CH2OH
Saccharose ou Lactose ou
D-glucopyranosyl-D-fructofuranoside 4-0-(3-D-galactopyranosyl-a-D-glucopyranoside

Le galactose provenant de l'hydrolyse du lactose est converti en glucose-6P par une


série de trois réactions :
> il est phosphorylé par l'ATP en galactose-1P sous l'action de la galactokinase ;
> la phosphogalactose-uridyl transférase catalyse le transfert du galactosyl du galactose-1P à l'UD

> la troisième réaction, catalysée par l'UDP-galactose-4 épimérase, est une épiméri-
sation du galactosyl en glucosyl par inversion de la configuration de l'hydroxyl en
position 4.
Galacto-kinase
Galactose + ATP ——————————— Galactose-1 + ADP + H+
Phospho-galactose
uridyl-transférase
Galactose-1 P + ADP + glucose ——————————— UDP-galactose + glucose-1 P
UDP-galactose
4-épimérase
UDP-Galactose —————————— UDP-glucose

Galactose + ATP ——————————— Glucose-1 P + ADP + H'1+


Le fructose peut être phosphorylé directement par l'ATP en fructose-6P, réaction cata-
lysée par les hexokinases, mais comme cela est décrit au chapitre 9, il peut, dans le
foie, emprunter une voie particulière connue sous le nom de voie du fructose-1P.
118 BIOÉNERGÉTIQUE

6.2.1.2. Isomérisation du glucose-6P en fructose-6P


Le mécanisme de cette réaction correspond à celui de l'isomérisation chimique des
sucres en milieu alcalin.
CH2OP
o
+
Glucose-6P Fructose-6P
En milieu alcalin dilué, les aldoses s'isomérisent pour donner leur épimère (qui se
différencie par la configuration du carbone en C2) et le cétose correspondant. Ainsi
le glucose conduit dans ces conditions à un mélange de glucose, mannose et fructose ;
dans les formules présentées sous leur forme linéaire, le radical R représente la par-
tie invariante des molécules.
CHO CH2OH CHO

H- C—OH C==0 HO- -CH

R R
Glucose Fructose Mannose
L'isomérisation passe par la formation d'un intermédiaire ène-diol selon le mécanisme :
H OH
C

OH- H- -OH -OH H—OH C—OH + OH-


1
R
Ene dio]

L'ène diol, très instable, donne par réaction réverse soit du glucose soit du mannose,
car la réaction chimique n'est pas stéréospécifique.

CH- -OH Glucose


+H+
R
C - R -OH C -OH
H ,0
R C-
Mannose
HO- CH

L'arrachement du proton de la fonction hydroxyle portée par le deuxième carbone


conduit à la formation de fructose.
OH H OH
C CH2OH
+H+
-0- CO C==0 Fructose
1
6 - MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE DES SUCRES 119

Ce mécanisme fait intervenir des échanges entre les hydrogènes substituant les car-
bones 1 (pour le cétose) ou 2 (pour les aldoses) et les protons du solvant par le fait de
la formation réversible de l'ène diol. On peut vérifier le bien fondé de ce mécanisme
en effectuant la réaction dans de l'eau marquée au tritium ou au deutérium. On
retrouve alors du marquage dans les sucres (il s'agit bien évidemment des hydro-
gènes directement liés aux carbones car ceux des fonctions alcool sont acides et s'échan-
gent avec les protons de l'eau même en absence d'épimérisation). Les esters-6phosphate
présentent le même type d'isomérisation chimique en milieu alcalin.
Les réactions enzymatiques suivent le même mécanisme faisant intervenir un ène
diol intermédiaire ; la fonction base est assurée par des acides aminés basiques de la
protéine. Contrairement à la réaction chimique, la réaction enzymatique est stéréo-
spécifique : la glucose-6P isomérase assure l'isomérisation glucose-6P/fructose-6P, et
la mannose-6P isomérase celle du couple mannose-6P/fructose-6P. Il est possible de
mettre en évidence cette stéréospécificité par des réactions d'échange isotopique.
Lorsque du glucose-6P marqué au deutérium (D) sur son premier carbone est incubé
en présence de glucose-6P isomérase, aucune dilution de ce marquage par les pro-
tons de l'eau n'est observée ; par contre, l'ajout de mannose-6P isomérase provoque
une élimination du marquage sur ce premier carbone. Cela résulte de la reconnais-
sance spécifique par les enzymes de la position des hydrogènes sur le premier car-
bone du fructose. Le passage d'un épimère de l'hexose au cétose se fait par
l'arrachement d'un hydrogène à une position déterminée sur le cétose.

H
D D H
C—0 C—OH C=0
| Glucose-6P Isomérase Mannose-6P Isomérase
H—C—OH H—C=0 HO—C—H

R R
Glucose-6P Mannose-6P

D'une manière générale une enzyme est capable de faire la différence entre les posi-
tions de deux substituants identiques d'un substrat dans la mesure où les deux autres
sont différents. L'explication est donnée par la fameuse règle des trois points énon-
cée par OGSTON en 1948 pour interpréter les expériences de marquage des métabo-
lites du cycle de KREBS. Elle s'énonce ainsi :
le substrat est attaché à l'enzyme par au moins trois points ;
> en représentant le site actif dans un plan, le substrat ne peut s'y fixer que par une
face de ce plan ;
> les sites de fixation des deux substituants sur la protéine ne sont pas équivalents
et l'activité de l'enzyme ne s'exerce que sur un seul de ces substituants. Effectivement
nous constatons sur la figure 6.4 que deux substituants identiques «b» ne peuvent
se placer que d'une certaine manière sur le plan représentant le site actif. Si l'acti-
vité enzymatique ne s'effectue qu'en un seul point (B1 ou B2), les substituants ne
sont pas équivalents.
120 BIOÉNERGÉTIQUE

6.4 - Règle des trois points


B1, B2 et C représentent les points de fixation du substrat
sur le site actif de l'enzyme figuré dans le plan.
On ne crée pas de l'asymétrie à partir d'une molécule symétrique, en accord avec le
principe de CURIE, car elle existe au niveau du complexe enzyme-substrat. Elle donne
lieu à ce que l'on appelle parfois l'isomérie de rotation.

6.2.1.3. Réactions catalysées par la phosphofructokinase


et la fructose-1,6biphosphatase
La phosphofructokinase 1 (PFK1) est l'enzyme catalysant la formation de fructose-1,6biphosph

CH2OP CH2OP
CH2OH 1 CH2OP
Phosphofructokinase O
\
Mg ——/
Fructose-6phosphate Fructose-1,6biphosphate

La phosphofructokinase 2 (PFK2) catalyse la formation du fructose-2,6biphosphate


(F-2.6P2), qui n'est pas un substrat mais un régulateur de la glycolyse et de la gluco-
néogenèse.
Les réactions catalysées par les PFK sont irréversibles et des hydrolases ou fructose-1,6biphosp

(FBPase1) ou du fructose-2,6biphosphate (FBPase2), reactions elles-mêmes irréver-


sibles.
PFK1 est une enzyme allostérique. Son activité est inhibée par de fortes concentra-
tions en ATP. La protéine possède deux types de site de fixation pour l'ATP : le site
actif qui fixe les nucléosides triphosphates comme l'ATP ou le GTP, tous deux sub-
strats de l'enzyme, et un site de régulation fixant l'ATP, qui est le site allostérique. En
utilisant le GTP comme donneur de phosphate, la relation entre la vitesse initiale et
la concentration en ce nucléotide est de type michaelien. Par contre, avec l'ATP, la
courbe passe par un maximum pour décroître aux plus fortes concentrations. Il s'agit
d'une inhibition par excès de substrat et aussi par un produit final de la réaction (ou
rétro-inhibition), car l'ATP est un produit de la glycolyse. Le citrate, intermédiaire
du cycle de KREBS, qui peut être considéré comme un indicateur de l'état énergétique
(cf. chapitre 7), inhibe également cette réaction. Par contre l'ADP et l'AMP, accepteurs
de phosphate, sont des activateurs de l'enzyme.
6 - MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE DES SUCRES 121

Les propriétés de PFK1 étudiées in vitro pourraient expliquer des observations faites
in vivo et connues sous le nom d'effet PASTEUR. Ce phénomène a été mis en évidence
par PASTEUR sur la levure, il s'agit de l'inhibition de la fermentation par l'oxygène
moléculaire. En effet la levure Saccharomyces cerevisiae est capable de croître en anaé-
robiose, elle tire alors son énergie de la fermentation par transformation du glucose
en éthanol, pour donner deux moles ATP par glucose consommé. En aérobiose par
contre la levure respire et forme 32 ATP par glucose oxydé en H2O et CO2 (chiffre
inférieur à celui estimé chez les mammifères). Pour former une même quantité d'ATP
elle utilise donc moins de glucose en aérobiose qu'en anaérobiose, c'est pouquoi le
passage de l'une à l'autre se traduit par une forte stimulation de la consommation en
sucre. Il a donc été proposé que la glycolyse serait régulée (tout au moins en partie)
au niveau de la PFK1 par le rapport [ATP]/[ADP], qui est effectivement plus faible
en anaérobiose qu'en aérobiose. Depuis les observations de PASTEUR, des effets ana-
logues ont été observés sur plusieurs types de cellules animales. Toutefois, le rôle pré-
éminent de PFK1 dans le contrôle de la glycolyse a été contesté par plusieurs auteurs
en invoquant essentiellement deux types de faits :
> la surexpression de cette enzyme chez la levure modifie peu, ou pas du tout, le flux
glycolytique ;
> des variations importantes de la valeur du flux, notamment dans le muscle, ne sont
pas associées à de fortes variations des concentrations en métabolites, alors que
dans le cas d'une activation essentiellement de la PFK, on devrait observer une
augmentation de la concentration en fructose-1,6biphosphate et des métabolites
suivants. Des études théoriques, menées par D. FELL, s'appuyant sur la théorie du
contrôle, montrent que l'homéostasie de concentration en métabolites ne peut s'ex-
pliquer qu'en faisant intervenir le contrôle au niveau de plusieurs sites enzyma-
tiques. Dans le muscle, par exemple, une partie importante du contrôle est portée
par les systèmes utilisateurs de l'ATP. Pour pouvoir comprendre, ou simplement
suivre ces raisonnements, il ne faut pas confondre contrôle et régulation. L'activation
d'une enzyme par un effecteur allostérique peut logiquement conduire à une dimi-
nution du contrôle de cette enzyme sur le flux. D'autre part, l'homéostasie des
concentrations dépend de la sensibilité des enzymes, suivant l'enzyme régulée, à
leurs substrats et produits (coefficients d'élasticité).
La 1,6biphosphatase 1, uniquement présente dans les tissus néoglucogéniques (foie
et rein), est inhibée par l'AMP et l'ADP, et est au contraire stimulée par l'ATP. Des
expériences désormais classiques ont permis de montrer que les sites actifs et ceux
de régulation étaient différents. La première de ces expériences consiste à effectuer
une digestion partielle de l'enzyme par la papaïne, une enzyme protéolytique ; on
peut ainsi trouver les conditions pour lesquelles l'enzyme possède toujours une acti-
vité mais est devenue insensible à l'AMP par le traitement. Dans un autre type d'ex-
périence on procède à un titrage progressif des résidus tyrosine de l'enzyme par
acétylation ; par un titrage partiel on peut obtenir une enzyme active mais insensible
à l'AMP.
122 BIOÉNERGÉTIQUE

II a été montré que, dans le foie, la glycolyse et la gluconéogenèse (cf. § 9.1) sont régu-
lées par le glucagon dont le messager secondaire est le fructose-2,6biphosphate
(F-2,6P2). Ce sucre stimule la PFK1 en s'opposant à l'inhibition par l'ATP. Par contre
il inhibe la FBP1 en synergie avec l'AMP. Il a été montré que le fonctionnement de la
glycolyse nécessitait du F-2,6P2 dans tous les cas, c'est pourquoi on en trouve dans
tous les tissus examinés (muscle, tissus nerveux, foie, rein...). Son importance a été
mise en évidence également chez les champignons et notamment chez la levure
Saccharomyces cerevisiae. Les activités de phosphorylation du fructose-6P par l'ATP
(PFK2) et l'hydrolyse du fructose-2,6biphosphate en fructose-6P chez les mammifères
sont portées par la même chaîne peptidique (il existe en fait six isoformes, tissu-spé-
cifiques, avec des propriétés cinétiques différentes). Ainsi, dans le foie, le glucagon,
par l'intermédiaire de la kinase AMPc dépendante induit la phosphorylation de cette
protéine, ce qui stimule l'activité FBP2 et inhibe la PFK2. Il s'ensuit que le glucagon
a un effet négatif sur la glycolyse et positif sur la gluconéogenèse. Cette régulation
par le glucagon est beaucoup plus efficace que ne le sont les variations de concen-
tration des nucléotides, généralement très faibles. Le site consensus de phosphory-
lation n'existe pas chez les autres isoformes, ce qui est conforme à la logique
physiologique car le foie exporte le glucose alors que les tissus périphériques l'utili-
sent ; cela implique une régulation différente pour ces enzymes bifonctionnelles.

6.2.1.4. Scission de l'hexose en deux trioses


L'aldolase catalyse la seule réaction de la glycolyse correspondant à une coupure car-
bone-carbone.
H
CH2OP CH2OH C-
| CH2OH Aldolase ||
— C—0 + CH—OH

CH2OP CH2OP
Fructose-1,6biphosphate Dihydroxyacétone D-glycéraldéhyde-phosphate 3phosphate

Une réaction d'aldolisation consiste à additioner un carbanion sur le carbone d'une


fonction carbonyle, ce qui se produit en milieu alcalin (la base B est accepteur de pro-
ton). Dans le sens décrit il s'agit d'un allongement de la chaîne carbonée.

B: H—C— ——— BH + C—

C==0 + : C — — c C—OH
1 \ B: BH

L'aldolisation est décrite ci-dessous dans le sens de la condensation des deux trioses
en aldose. Comme la réaction est réversible, il est possible de la présenter ainsi. Le
donneur de carbanion est le dihydroxyacétone phosphate (DHAP).
6 - MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE DES SUCRES 123

H—C—OH H—C—OH

C=0 + B: BH + C=0

CH20P CH2OP
Dihydroxyacétone Base Carbanion

H—C—OH CH2OP
1 CH2OH
0
H—C—OH + C=0 BH B: +

CH2OP CH2OP
Glycéraldéhyde-3P Fructose-1,6P2

Ce mécanisme implique, comme dans le cas des reactions catalysées par les isomé-
rases, l'échange d'un proton du triose donnant le carbanion avec ceux du milieu,
échange qui s'effectue par l'intermédiaire de la protonation de la base. Ainsi en incu-
bant le DHAP avec de l'aldolase et en absence de glycéraldéhyde-3P (GA-3P), dans
un milieu contenant de l'eau tritiée, on retrouve du marquage au niveau de l'hydro-
gène substituant le premier carbone du DHAP. Par contre un tel échange n'a pas lieu
en incubant le GA-3P avec l'aldolase et en absence de DHAP.
Le G de la réaction dans le sens de la coupure de l'hexose est de + 23,8 kJ. mole-1
ce qui signifie que, dans les conditions standard, cette réaction est fortement favori-
sée dans le sens de la synthèse du fructose-1,6biphosphate. En fait le G estimé dans
une cellule où la glycolyse est active est de l'ordre de - 1 kJ.mole-11. Cette grande dif-
férence est observée dans toute réaction où le nombre de produits n'est pas égal à celui
des réactants. Prenons en exemple les deux réactions a b et a b + c.
Les rapports de masse sont respectivement [b]/[a] et [b] x [c]/[a]. Calculons ces rap-
ports pour [a] = [b] = [c] mais pour les valeurs suivantes 1 M, 10-33 M, 10-66 M. Pour la
première réaction le rapport sera toujours égal à 1 mais pour la seconde il sera res-
pectivement de 1 M, 10-33 M, 10-66 M. Cet exemple montre une raison supplémentaire
de ce méfier de la valeur du G 0 + d'une réaction pour prévoir son sens. Dans certains
manuels ou discours il est dit que pour qu'une réaction endergonique se fasse dans
le sens défavorisé il faut qu'elle soit suivie d'une reaction très exergonique. Cette
façon de s'exprimer est tellement raccourcie qu'elle en est devenue complètement
fausse. En effet, si une réaction, dont le sens choisi pour calculer le G est de la gauche
vers la droite est endergonique, elle évoluera spontanément de la droite vers la gauche
quelles que soient les propriétés des réactions suivantes. Ainsi la réaction catalysée
par l'aldolase doit avoir obligatoirement un G négatif si la cellule fait de la glyco-
lyse, par contre cette valeur s'inverse dans le cas de la gluconéogenèse. Il est bien évi-
dent que d'autres réactions peuvent changer le sens de celle examinée, mais uniquement
en changeant les concentrations des substrats et produits de sorte que le signe du G
de celle-ci soit inversé.
124 BIOÉNERGÉTIQUE

6.2.1.5. Isomérisation du dihydroxyacétone phosphate


en glycéraldéhyde-3phosphate
Cette réaction est catalysée par une triose-phosphate isomérase et fait intervenir dans
son mécanisme un intermédiaire ène diol obtenu par l'arrachement d'un proton du
premier carbone du DHAP par un groupement basique de la protéine. Le proton arra-
ché par l'isomérase est différent de celui impliqué dans la réaction catalysée par l'aldolase. En e

de l'eau tritiée, isolé et incubé dans un milieu sans tritium en présence de triose iso-
mérase, on n'observe aucune diminution de la radioactivité spécifique du triose.

6.2.1.6. Réactions conduisant à la synthèse d'ATP


Le premier site de phosphorylation de la glycolyse est constitué par deux enzymes,
la glycéraldéhyde-3phosphate déshydrogénase (GPDH), couplant une réaction d'oxy-
dation à la synthèse d'une liaison anhydride d'acide, et la 3-phosphoglycérate kinase
catalysant le transfert du phosphate anhydre du 1,3-biphosphoglycérate à l'ADP.
0
0
H // II
c=-o C—0—P—0
H C OH 0- + NADH + h+
H2O + H — C — O H + Pi + NAD+ H — L, —— Un

CH2OP CH2OP

Glycéraldéhyde-3P 1,3-biphosphoglycérate

0 0 0
// II //
C—0—P—0 C—0-
\
cr
H C—OH + ADP J H—C—OH + A T P

CH2OP CH2OP
'1,3-biphosphoglycérate 3-phosphoglycérate

Du point de vue de l'énergétique, la première réaction est celle qui est importante car
l'enzyme couple l'oxydation d'un aldéhyde en acide à la formation d'un anhydride
de phosphate à partir de phosphate minéral. Cette réaction permet l'entrée du Pi dans
le pool des composés contenant des liaisons à haut potentiel de transfert. Cette enzyme
est un transducteur d'énergie permettant la transformation d'un type d'énergie en
un autre. Comme nous le verrons plus loin, le NADH est réoxydé soit par la voie fermentaire (

Comme la GPDH couple une réaction exergonique (réaction redox) à une réaction
endergonique (synthèse de la liaison anhydride), le G est faible (+ 6,3 kJ. mole-) ;
la réaction catalysée par la kinase a un G de - 18,8 kJ.mole-1, ce qui signifie que
le 1,3-biphosphoglycérate est moins stable que l'ATP. Il est généralement admis
que ces enzymes fonctionnent près de l'équilibre et que le sens du flux (glycolyse ou
6 - MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE DES SUCRES 125

gluconéogenèse) est inversé pour de faibles variations de la concentration en sub-


strats et produits. La relation d'équilibre peut s'écrire sous la forme suivante :
[NAD+][NADH]= 1/K x [3PG]/[GA-3P] x [ATP]/[ADP][Pi],
où K est le produit des contantes d'équilibre des deux réactions enzymatiques. Cette
équation montre la relation entre le potentiel redox et le potentiel phosphate cytoso-
liques. Il est difficile toutefois de vérifier expérimentalement cette relation car les
nucléotides adényliques et pyrimidiques sont en grande partie liés aux protéines et
le calcul thermodynamique n'a de sens qu'avec les formes libres. Pour pallier cette
difficulté KREBS et coll. ont utilisé des méthodes de mesure indirectes. Le principe en
a été développé au § 4.2.3. La valeur du rapport NAD+/NADH est déduite de celle
du rapport pyruvate/lactate en s'appuyant sur la réaction catalysée par la lactico-
déshydrogénase, supposée maintenir l'équilibre ; le rapport ATP/ADP est déduit de
l'équilibre de la réaction catalysée par la créatine kinase. Mais, comme nous l'avons
vu précédemment, il est nécessaire d'utiliser dans chaque cas une deuxième réaction
pour vérifier que les équilibres sont effectivement atteints. Les résultats sont toute-
fois en faveur du fait que la premier site de phosphorylation fonctionne près de l'équi-
libre. En conséquence la vitesse de la glycolyse est stimulée par une augmentation de
la concentration en ADP (et/ou en Pi) et au contraire diminuée voire inversée (néo-
glucogenèse) par augmentation de la concentration en ATP, et cela par simple effet
de masse. Ce type de raisonnement doit être, comme nous l'avons déjà signalé, manié
avec la plus grande prudence car il ne prend pas en compte l'hétérogénéité du milieu
cellulaire, l'organisation supramoléculaire possible des systèmes en métabolon et la
possibilité de canalisation des métabolites.
La glycéraldéhyde-3P déshydrogénase a été purifiée à partir de plusieurs tissus et
étudiée comme exemple de phosphorylation au niveau du substrat. Le problème fon-
damental en énergétique cellulaire est de comprendre comment est réalisé le
couplage entre oxydation et synthèse de molécules à haute énergie dont l'ATP est le
prototype, ou autrement dit, comment l'énergie libérée par la combustion des
aliments est récupérée sous une forme utilisable par la cellule. WARBURG en 1930
étudia ce premier site de synthèse de l'ATP de la glycolyse. Il montra tout d'abord
que cette réaction se faisait en deux étapes et que la première, catalysée par la glycé-
raldéhyde-3phosphate déhydrogénase couplait la réaction d'oxydation à la synthèse
d'un anhydride d'acide entre l'acide produit au cours de l'oxydation et le phosphate,
intermédiaire de haute énergie permettant la synthèse de l'ATP. Il proposa en 1939,
en collaboration avec CHRISTIAN, un schéma réactionnel pour rendre compte de la
réaction. Même si ce mécanisme fut complété 17 ans plus tard par un autre biochi-
miste, Ephraim RACKER, qui ajouta un thioester comme intermédiaire réactionnel,
cette hypothèse montrait pour la première fois un mécanisme possible de couplage
entre oxydation et synthèse d'ATP. Actuellement on sait que la GPDH est un tétra-
rnère possédant dans chaque sous-unité un résidu cystéine intervenant directement
dans la réaction par sa fonction thiol. Les agents alkylants des thiols, comme
l'iodoacétate, l'iodoacétamide ou le N-éthylmaléimide sont des inhibiteurs de cette
enzyme et de ce fait de la glycolyse. La réaction passe obligatoirement par un
126 BIOÉNERGÉTIQUE.

intermédiaire acyle-enzyme qui a été démontré être un thioester. Pour mettre ce fait
en évidence l'enzyme est incubée avec du glycéraldéhyde-3P en absence de Pi ; on
ajoute une petite molécule portant une fonction thiol comme le thioglycérol. On obtient
dans ces conditions du thioglycérol acylé dû à une réaction de transacylation entre
l'acyl-enzyme et le thiol ajouté.
Pour comprendre le mécanisme de formation du thioester il faut se rappeler que l'oxy-
dation d'un aldéhyde se fait sur sa forme hydratée, l'acétal.
H H OH
Oxydant
R—C R—C—OH R—C
\\ \\
0 OH 0
Aldéhyde Acétal Acide

D'une manière analogue l'aldéhyde peut s'additionner sur un groupement thiol pour
donner un hémi-thioacétal dont l'oxydation donnera directement un thioester.
H H SR'
Oxydant
R—C R'SH R—C—OH R—C
\\ 1 \\
0 SR' 0
Aldéhyde Hémi-thioacétal Thioester

Malgré la forte analogie chimique de ces réactions il ne faut pas oublier que le thioes-
ter est un composé très instable et que l'oxydation de l'hémi-thioacétal constitue un
exemple typique de réaction de couplage entre une oxydation et la formation d'un
composé à haut potentiel de transfert. Si l'oxydation de l'aldéhyde en acide est très
spontanée avec un équilibre très en faveur de l'acide, l'oxydation de l'hémi-thioacé-
tal est beaucoup moins spontanée et donc plus facilement réversée. D'une façon géné-
rale la réaction de couplage limite le caractère spontané de la réaction d'oxydation.
La réaction biologique peut s'écrire comme suit :
NAD+ H NAD4+
4 R—C
\\ \
SH 0 S CH—R

OH

NAD+ NADH
/
(H + 4 H+
\
S—C—R 4 S—C-
II
OH 0

II est possible d'obtenir le thioester à partir du 1,3-biphosphoglycérate puisque la


réaction est réversible ; cette réaction implique que le coenzyme soit sous sa forme
oxydée. Réciproquement, l'oxydation du NADH doit précéder la formation du
1,3-biphosphoglycérate à partir du thioester.
6 - MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE DES SUCRES 127

NADH NAD 4
+ 4 A + 4H+ + 4AH2

S—C— 4 SC

0 0

Dans ce schéma A représente l'accepteur d'électron, étudié au § 6.2.2. Enfin le grou-


pement acyle est transféré sur un phosphate (phosphorolyse) pour donner la liaison
anhydride d'acide mixte. Cette étape ne présente aucune difficulté sur le plan ther-
modynamique car l'anhydride d'acide obtenu est plus stable que le thioester.
0, 0—P
NAD+
+ 4 Pi + 4 CH—OH
S—C—R 4

L'arséniate, AsO4H2- (Asi en abrégé) est un analogue du phosphate et peut s'y sub-
stituer dans certaines réactions et notamment dans cette dernière étape. Cependant
le composé arsénylé obtenu est très instable et est spontanément hydrolyse.
,0—As 0- ,0

+ 4 Asi 4 CH—OH 4 CH—OH + 4 Asi


S—C—R GH2OP CH2OP
0

On obtient le 3-phosphoglycérate directement, sans conservation de l'énergie d'oxy-


doréduction sous forme d'un composé comportant une liaison à haut potentiel de
transfert. L'arséniate est un découplant pour cette réaction. Une autre caractéristique
du découplant est de débrider la réaction d'oxydoréduction et de la rendre plus spon-
tanée (plus exergonique) ; ainsi, le découplant stimule la réaction d'oxydation.
Le 3-phosphoglycérate est isomérisé en 2-phosphoglycérate (2PGA) sous l'action de
la phosphoglycéromutase.
O

E-P + H — C — O H E + H—C—OP E-P + H — C — O P


1
CH2OP CH2OP CH2OP

3-phosphoglycérate 2,3-biphosphoglycérate 2-phosphoglycérate

Le mécanisme de cette réaction est analogue à celui de l'isomérisation du glucose-6P


en glucose-1P et fait intervenir un intermédiaire biphosporylé, qui est dans ce cas le
2,3-biphosphoglycérate. Le site actif de l'enzyme possède, comme la phosphogluco-
mutase, une phosphosérine. Le 2,3-biphosphoglycérate, comme nous l'avons vu, est
128 BIOÉNERGÉTIQUE

particulièrement concentré dans les érythrocytes où il joue un rôle important dans la


régulation du transport du dioxygène par l'hémoglobine.
Le deuxième site de phosphorylation comporte deux réactions. Le 2-phosphoglycérate
est déshydraté sous l'action de l'énolase pour donner du phosphoénolpyruvate (PEP).
\0 O0
'"'C C
1 1
H—C—OP C—OP + H2O

CH2OH CH2

2-phosphoglycérate Phosphoénolpyruvate

Cette réaction peut être considérée comme une oxydoréduction interne où le deuxième
carbone est oxydé (passage d'un alcool à un équivalent cétone) et le troisième plus
réduit ; de ce fait elle est facilement réversée. Cependant le phosphoénolpyruvate est
particulièrement instable car le phosphoryl empêche la transformation de l'énolpy-
ruvate en pyruvate, forme stable. La réaction suivante catalysée par la pyruvate kinase
consiste en un transfert du groupement phosphoryl du PEP à l'ADP.
0 0- 0 0-

C=OP + ADP ————- C=0 + ATP


II II
CH2 CH3
Phosphoénolpyruvate Pyruvate

Comme l'ATP est plus stable que le PEP cette réaction est irréversible et ne pourra pas
être utilisée à la resynthèse du glucose (cf. § 7.2.3 et 10.1.2). Plusieurs isoenzymes de
la pyruvate kinase, qui sont différemment distribuées dans les tissus, ont été caracté-
risées chez les mammifères. Par exemple l'enzyme du foie est fortement régulée ; enzyme
allostérique, elle est stimulée par le fructose-1,6biphosphate. La vitesse initiale varie
selon une courbe sigmoïdale en fonction de la concentration en PEP ; en présence de
F1-6P2 la courbe devient hyperbolique. Cette régulation a un sens physiologique, car
elle permet à l'enzyme de réagir positivement à une augmentation de l'activité de la
PFK1. L'activité de la pyruvate kinase du foie est inhibée par l'ATP et l'alanine (acide
aminé impliqué dans la gluconéogenèse). L'enzyme est phosphorylée par une pro-
téine kinase AMPc dépendante et est déphosphorylée par u

S présente une sensibilité accrue à l'alanine et est


insensible au F-1/1.6P2. La phosphorylation favorise
donc la gluconéogenèse par rapport à la glycolyse ;
cette enzyme peut être aussi phosphorylée par une
F-1 6P2 kinase Ca2+/calmodulinedépendante.

—— 6.5 - Activité de la pyruvate kinase du foie


[PEP] en fonction de la concentration en PEP
6 - MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE DES SUCRES 129

6.2.2. ÉNERGÉTIQUE ET RÉVERSIBILITÉ DE LA GLYCOLYSE


CANALISATION DES MÉTABOLITES

Les concentrations en métabolites ont été mesurées dans plusieurs tissus ou cellules.
A partir de ces résultats il a été proposé que les réactions de la chaîne étaient près de
l'équilibre sauf pour les trois étapes catalysées par l'hexokinase, la phosphofructoki-
nase et la pyruvate kinase. Cela signifie que la synthèse du glucose à partir de méta-
bolites (lactate, alanine), localisée dans le foie et le rein, n'utilise pas ces trois réactions ;
trois étapes différentes sont nécessaires ; elles sont catalysées respectivement par la
glucose-6phosphatase, la fructose-1,6biphosphatase (cf. ci-dessus) et la phosphoé-
noipyruvate kinase.
0
// 0
C0 //
1 C — O Phospoénolpyruvate carboxykinase |

| GTP ————— C — 0 — P + GDP + CO2


CH2 |
1 CH2
c=o
\
0-
Oxaloacétate Phosphoénolpyruvate

Pour les autres réactions, la gluconéogenèse utilise l'activité réverse de la glycolyse,


ce qui doit correspondre à un état stationnaire de concentration en métabolites dif-
férent de celui existant au cours de la glycolyse.
Le rendement de la glycolyse calculé à partir des concentrations en glucose, L-lactate, ATP, ADP

les réserves qu'il y a lieu de faire sur ce type de calcul.

Calcul du G de la réaction : glucose 2 ADP + 2 Pi — 2 lactates + 2 ATP à pH 7 et 310 K


pour [glucose] = 5 mM, [lactate] = 3 mM, [ATP] = 2 mM, [ADP] = 0,1 mM, [Pi] 1 mM et
G= - 124 150 joules, mole-1
G = -124 150 8,14 310 In (0,003)2(0,2)/(0,51)2 2= -90,1 kjoules.mole-1.
Dans ces conditions de concentrations le potentiel phosphate est de 59 kjoules.mole-1. La
variation d'enthalpie libre de la réaction d'oxydoréduction non-couplée est donc égale à
- 90,1 - 2(59) = 208 kjoules. mole-1 et le rendement énergétique est donné par le rapport
2(59)/208, soit 0,57.

Ce calcul, même approximatif, a le mérite de montrer qu'une partie importante de


l'enthalpie libre de la réaction de dégradation du glucose en L-lactate constitue une
force suffisante pour assurer une vitesse élevée à ce processus. Les enzymes des réac-
tions supposées travailler près de l'équilibre sont en concentration importante, ce qui
est nécessaire pour maintenir un flux important de la glycolyse ; en effet, puisque le
flux est égal à la différence entre les vitesses aller et retour, une valeur élevée néces-
site de fortes vitesses. Ce raisonnement a ses limites car, dans certains cas, il a été
montré que les concentrations en enzymes étaient nettement supérieures à celles des
130 BIOÉNERGÉTIQUE

substrats et produits, abaissant d'autant les quantités en métabolites libres dans le


cytosol. Sydney BERNHARD et son équipe ont suggéré que dans ces conditions, les
interactions protéine-protéine étaient probables permettant une canalisation des sub-
strats et produits. Ils proposent une technique originale pour étudier le transfert direct
des métabolites entre enzymes solubles. Soient deux enzymes, E1 et E2, intervenant
dans deux réactions séquentielles et M le produit de E1 et le substrat de E2.
En absence de canalisation, on écrit :
S + E1 - E1S — E1 + M et M + E2 —— E2M — PE 2
S'il y a canalisation, les réactions deviennent :
S + E1 — E1S — E1M et E1M + E2 E1 + E2M E2 + P
Pour une valeur de M très inférieure au Km de l'enzyme E2 la vitesse de la réaction,
dans le premier cas, sera faible. On peut aussi obtenir cette situation en ajoutant une
forte concentration de E1 jusqu'à obtenir cette même faible concentration en M libre
à partir de toute valeur de départ en M. Cette manipulation doit faire baisser la vitesse
de la deuxième réaction s'il n'y a pas canalisation ; par contre, s'il y a canalisation elle
n'a que peu d'effet, car le substrat de E2 n'est pas M mais le complexe E1M. Cette tech-
nique a permis de mettre en évidence, in vitro, une canalisation du 1,3-biphospho-
glycérate entre la glycéraldéhyde-3P déshydrogénase et la 3P-glycérate kinase. Cette
méthode a aussi été appliquée à l'étude du transfert du NADH de la glycéraldéhyde-
3P déshydrogénase aux déshydrogénases réoxydant ce coenzyme. Comme nous
l'avons vu, les hydrogènes en position 4 du noyau nicotinamide ne sont pas équiva-
lents dans la mesure où les enzymes reconnaissent spécifiquement une position ; on
les classe ainsi en deux familles, les déshydrogénases de type A ou B. Sydney BERNHARD
et son équipe montrent que la vitesse de la réaction d'oxydoréduction est augmen-
tée par liaison de NADH à E1, ce qui est compatible avec une canalisation du coen-
zyme réduit entre les deux enzymes. Cependant cette observation n'est faite que
lorsque les deux déshydrogénases impliquées sont de stéréospécificité différente, ce
qui peut s'expliquer par un transfert direct du groupe hydrure par changement de
conformation du coenzyme. Ainsi ce transfert direct est possible entre GPDH (sté-
réospécificité B) et la L-lacticodéshydrogénase (LDH) (stéréospécificité A) mais pas
entre GPDH et la glycérol-3P déshydrogénase (stéréospécificité B). Ces travaux réa-
lisés in vitro montrent la possibilité de canalisation dans certaines conditions, mais ne
démontrent pas leur réalité in vivo. Elle doit dépendre des concentrations en méta-
bolites et en enzymes et la situation peut être différente selon le type de cellule, voire
même selon les états stationnaires pour une même cellule.

6.2.3. LES FERMENTATIONS

La glycolyse nécessite la réoxydation du NADH. Elle a lieu en anaérobiose ou en aéro-


biose. En anaérobiose les équivalents réducteurs sont transférés dans le cytosol à un
métabolite (généralement sur une fonction carbonyle qui est réduite en alcool) qui
est soit excrété dans le milieu, soit réutilisé dans l'organisme, c'est la fermentation.
6 - MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE DES SUCRES 131

En aérobiose les électrons sont transférés à la chaîne respiratoire mitochondriale


par un système navette (cf. § 8.4.1). Si, chez les animaux, la réoxydation du NADH
en anaérobiose s'effectue par réduction directe du pyruvate en L-lactate, chez les
microorganismes les fermentations sont variées et ont eu dans le passé, avant la
maîtrise de la chimie du pétrole, de nombreuses applications industrielles. Nous
en décrivons certaines pour mettre en évidence la diversité biologique dans ce
domaine.

6.2.3.1. Fermentation lactique et formation de glycérol-3P


La fermentation lactique existe chez les mammifères et certaines bactéries.
H
0 0
// //
H-sC—C—C + NADH + H — H3C—C—C + NAD +
II \ \
0 0- 0—H 0-

Pyruvate L-lactate

La L-lacticodéshydrogénase des mammifères est un tétramère constitué de deux types


de sous-unités. Lorsque l'enzyme native est soumise à une électrophorèse non-dénaturante cinq ba

sociation par un détergent on observe seulement deux bandes appelées respectivement


M et H. Les cinq isoenzymes correspondent aux structures suivantes :
H4 (LDH1) constituée de 4 sous-unités H ;
MH3 (LDH2) constituée de 1 sous-unité M et 3 sous-unités H ;
M2H2 (LDH3) constituée de 2 sous-unités M et 2 sous-unités H ;
M3H (LDH4) constituée de 3 sous-unités M et 1 sous-unité H ;
M4 (LDH5) constituée de 4 sous-unités M.
Les muscles du squelette sont riches en sous-unités M, alors que les sous-unités H
sont abondantes dans le cœur. Des observations ont conduit à penser que les isoen-
zymes avaient des fonctions différentes : celles riches en forme H seraient impliquées
dans l'oxydation du lactate par le NAD+ alors que celles riches en forme M seraient
impliquées dans la réduction du pyruvate par le NADH.
Une autre voie possible de réoxydation du NADH, directement à partir d'un inter-
médiaire de la glycolyse, est la réduction du DHAP en glycérolphospate. Cette
réaction, catalysée par la glycérolphosphate déshydrogénase cytosolique, est thermodynamique

CH2OH CH2OH

C= 0 + NADH + H+ ————— CHOH + NAD +

CH2OP CH2OP
Dihydroxyacétone-phosphate Glycérol-3phosphate
(DHAP) (G-3P)
132 BIOÉNERGÉTIQUE

6.2.3.2. Fermentation alcoolique


Cette fermentation chez la levure est utilisée depuis longtemps à la fabrication du
pain et des boissons alcoolisées. Le pyruvate est décarboxylé en acétaldéhyde puis la
fonction carbonyle de ce métabolite est réduite par le NADH. La différence avec la
fermentation lactique porte sur la nature du métabolite dont la fonction carbonyle est
réduite. Le pyruvate est décarboxylé par une enzyme, la pyruvate décarboxylase dont
le coenzyme est la thiamine pyrophosphate. Ce coenzyme impliqué dans les décar-
boxylations des acides cétoniques est formé chez l'homme à partir de la vitamine
B1 ou thiamine (figure 6.6).

NH 2

—CH2—NH
H3C

H2C :—CH2
0-

O—PP—O—P O
O
0-

6.6 - Thiamine pyrophosphate (TPP+)

La réactivité de la thiamine pyrophosphate est due à l'acidité de l'hydrogène porté


par le carbone en a de l'ammonium quaternaire ; le départ du proton conduit à la
forme ylide. Le mécanisme de la décarboxylation du pyruvate en acétal, donnant
comme intemédiaire un adduct avec le TPP+ ou «acétaldéhyde actif», est présenté sur
la figure 6.7.
H3C R'
coo-

+ - 0 = C ——— R—-N
S —S 0
/
- CH3
H3C —C—C
//
ylide V")
H—0

H3C R'

Ylide + Acétal R—N

H3C—C H3C—C

H O H—0

Forme active de l'acétaldéhyde

6.7 - Décarboxylation du pyruvate en acétal


6 - MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE DES SUCRES 133

L'acétal ainsi formé est réduit en éthanol par l'alcool déshydrogénase (ADH) selon
la réaction suivante :
H
H3C- -C + NADH H4- H3C—CH2,OH + NAD
\\
0

II existe plusieurs isoenzymes de l'alcooldéshydrogénase. La levure Saccharomyces


cerevisiae en possède trois : deux cytosoliques l'ADH1 et l'ADH2 et une mitochon-
driale, l'ADHm. L'ADH1 est constitutive et impliquée dans la voie fermentaire, l'ADH2
est impliquée dans l'oxydation de l'éthanol et sa synthèse est réprimée par le glucose
(cf. chapitre 9).

6.2.3.3. Autres fermentations


Le monde bactérien offre une grande variété de fermentations ; comme produits
finaux, outre l'acide lactique ou l'éthanol on trouve le n-butanediol, l'isopropanol, le
butanol, l'acide acétique... La caractéristique de ces différentes voies est une dévia-
tion du métabolisme au niveau de l'acétaldéhyde actif. Nous décrivons ci-dessous, à
titre d'exemple la production de butanediol trouvée chez Aerobacter aerogenis, Proteus
vulgaris ou certaines bactéries du genre Bacillus.
H3C R'
CH3

CH—OH
+ Ylide + H 4
C==0
H3C — C — CH— CH3
CH3
H- -H
Acétoïne

L'acétaldéhyde actif ne réagit pas avec un proton comme dans le cas de la libération
d'acétaldéhyde mais avec un autre acétaldéhyde pour donner de l'acétoïne. Cette
dernière est alors réduite en 2,3-butanediol par le NADH. Comme la formation d'un
acétaldéhyde à partir du glucose nécessite la réduction d'un NAD+ la synthèse d'une
acétoïne nécessite donc la formation de deux NADH dont l'un est réoxydé par
la voie glycérol constituée de deux enzymes, la glycérol-3P déshydrogénase et la
glycérol-3P phosphatase.

H+ + NADH + Dihydroxyacétone-P NAD+ + Glycérol-3P

Glycérol-3P + H2O Glycérol + Pi

Cette voie ne permet pas la synthèse d'ATP, ce qui abaisse le bilan énergétique de la
glycolyse de moitié.
134 BIOÉNERGÉTIQUE

6.3. CONCLUSIONS
Ce chapitre traite de deux aspects essentiels de la bioénergétique : les mécanismes de
réactions de couplage pour des phosphorylations au niveau du substrat et la régula-
tion de flux métaboliques.
Les réactions correspondant aux deux sites de couplage ont, en dehors de la synthèse
de l'ATP, des rôles différents dans la chaîne métabolique. En effet, les enzymes consti-
tuant le premier site maintiennent (selon la vue classique) un quasi-équilibre entre
substrats et produits ; la conséquence en est une relation d'équilibre entre le rapport
N A D +/NADHet le potentiel phosphate. Au contraire, la réaction catalysée par la
pyruvate kinase est irréversible mais son activité est modulée par des effecteurs allo-
stériques ou par phosphorylation de la protéine selon la nature de l'isoenzyme qui
est tissu-spécifique.
La cellule ne possède quasiment pas de réserve d'énergie. Elle doit de ce fait adapter
la vitesse de production d'ATP à ses besoins. Nous avons présenté dans ce chapitre
des schémas généraux de régulation du métabolisme du glycogène et du glucose mais
il existe de nombreuses variations selon le type de cellule considéré. Il existe des isoen-
zymes tissu-spécifiques qui diffèrent par leur activité ou par leur régulation, comme
par exemple les isoformes du transporteur de glucose, de l'hexokinase, de la pyru-
vate kinase ou des enzymes du métabolisme du F-1.6P2. Les récepteurs hormonaux
sont aussi tissu-spécifiques ; les tissus musculaires ne possèdent pas de récepteurs
au glucagon. Ces variations sont corrélées à la spécialisation des organes. Ces aspects
du métabolisme seront traités au chapitre 9.
Le métabolisme des sucres, qui est cytoplasmique, se prolonge dans la mitochondrie
par l'oxydation complète du pyruvate. Les équivalents réducteurs du NADH, quand
ils ne donnent pas lieu à une fermentation, sont transportés dans la mitochondrie par
des systèmes navettes. Ces aspects sont traités dans les chapitres 7 et 8.
Chapitre 7

COMPARTIMENTATION ENZYMATIQUE
MITOCHONDRIALE ET MÉTABOLISME MATRICIEL

Depuis plusieurs années, il y a un regain d'intérêt pour l'étude des mitochondries.


Ceci tient à plusieurs raisons et nous en énumérons certaines. La mitochondrie est
une organelle semi-autonome car elle possède une information génétique due à la
présence d'ADN et d'une machinerie pour la synthèse des protéines codées par cet
ADN. Les connaissances sur l'information génétique, qui chez les mammifères est
transmise uniquement par la mère, ont reçu de nombreuses applications dans le
domaine médical avec les études sur les myopathies et sur certaines dégénérescences
tissulaires ; elles ont aussi été utilisées à des recherches phylogéniques et même au
suivi des migrations de certaines espèces sur la planète. Des recherches récentes sur
la mitochondrie concernent les mécanismes du vieillissement cellulaire et ceux de la
mort programmée ou apoptose (voir articles généraux cités au début de la bibliogra-
phie concernant ce chapitre).
Dans cet ouvrage nous nous limitons au rôle premier de la mitochondrie dans l'éner-
gétique cellulaire, domaine qu'il est préférable de connaître avant l'étude des autres
fonctions de cette organelle. Dans ce chapitre nous rappellerons des éléments de struc-
ture dont la connaissance est nécessaire à l'étude du métabolisme et nous traiterons
du métabolisme en milieu dit soluble, essentiellement celui de l'espace matriciel. Les
oxydations phosphorylantes sont traitées dans le prochain chapitre.

7.1. COMPARTIMENTATION MITOCHONDRIALE

7.1.1. STRUCTURE DES MITOCHONDRIES

Les mitochondries se présentent généralement comme des cylindres de 0,5 à 1 µm de


diamètre. Sur des clichés de microscopie électronique de coupes extra-fines on observe
qu'elles sont constituées de deux membranes, les membranes externe et interne, déli-
mitant deux espaces dits solubles, l'espace intermembranaire et la matrice (ou espace
délimité par la membrane interne) (figure 7.1). Des points de contact entre les deux
membranes sont observés. La membrane interne présente de nombreux repliements
ou cristae, qui permettent d'obtenir un maximum de surface de membrane pour un
minimum de volume. La forme des mitochondries varie d'un tissu à l'autre, ainsi
que la structure et le nombre des cristae. Par exemple, les mitochondries d'un tissu
136 BIOÉNERGÉTIQUE

myocardique, où les oxydations phosphorylantes sont élevées, présentent plus de


cristae que celles d'un tissu hépatique. La position et le nombre de mitochondries sont
aussi spécifiques du tissu. Nous donnons des exemples au chapitre 9.
Points de contact

Espace Membrane interne


inter-membranaire
h—— Membrane externe

Matrice
7.1 - Espaces mitochondriaux

Un inconvénient des techniques utilisant la microscopie électronique est qu'elles ne


permettent pas une représentation en trois dimensions. Des études ont été cependant
réalisées, spécialement sur des levures, dans lesquelles un grand nombre de coupes
ultra-fines sont effectuées sur un même échantillon (coupes en série) et observées en
microscopie électronique. Les images en trois dimensions sont alors construites. Par
cette technique il a pu être montré que la majeure partie des mitochondries de levure,
en phase active de croissance cellulaire, forme une mitochondrie géante qui se mor-
celle en petites organelles en fin de croissance. Cet exemple montre que la structure
des mitochondries n'est pas figée mais, au contraire, peut varier selon l'état physio-
logique de la cellule.
Les études structurales les plus récentes font appel à une technique connue sous le
nom de tomographie électronique à haut voltage. Elle permet d'utiliser des échantillons
suffisamment épais pour qu'ils soient représentatifs de la structure de l'objet à étudier.
Un grand nombre d'images est réalisé sur le même échantillon en utilisant des angles
différents. Un schéma simplifié de ce que l'on peut observer sur une mitochondrie est
représenté sur la figure 7.2. Les cristae ne sont pas disposés régulièrement comme dans
le schéma classique mais présentent un polymorphisme important. On observe des
structures «renflées» reliées entre elles par des formations tubulaires plus ou moins
longues. Les cristae sont reliés à la membrane interne par certains tubules mais le
nombre de connexions est peu élevé. Cette structure a certainement des conséquences
fonctionnelles, en particulier pour les relations entre les cristae et l'espace inter mem-
branaire. Un autre résultat important apporté par cette technique est que le nombre
de structures tubulaires peut varier selon les conditions.

Matrice Membrane interne

- Membrane externe
Cristae

7.2 - Vue schématique de structure de mitochondrie


Tubules déterminée par tomographie électronique
7 - COMPARTIMENTATION ENZYMATIQUE MITOCHONDRIALE ET MÉTABOLISME MATRICIEL 137

7.1.2. COMPOSITION DES MEMBRANES

La membrane externe, moins riche en protéines que la membrane interne, contient,


contrairement à cette dernière, une forte quantité de cholestérol. Cette propriété a été
utilisée dans le passé pour séparer les deux membranes des mitochondries isolées
par la digitonine dans le but d'étudier la teneur en enzymes de chaque comparti-
ment ; en effet la digitonine permet de déstabiliser une membrane en s'insérant dans
celle-ci à la place du cholestérol (cette méthode est aussi utilisée pour perméabiliser
les cellules à différentes molécules par attaque de la membrane plasmique). La mem-
brane externe contient une protéine appelée soit porine, par analogie avec celle trou-
vée dans les membranes plasmiques des bactéries, soit VDAC (pour Voltage Dépendent
Anionic Channel) car elle se comporte comme un canal de très large spécificité sen-
sible à un potentiel de membrane. Il s'agit d'une protéine de 30 kDa formant des
feuillets (3, contrairement aux autres canaux ou transporteurs qui s'insèrent dans les
membranes par des hélices a. La porine rend la membrane externe perméable aux
petits ions dont la taille ne dépasse pas 5 000 Da, avec une meilleure efficacité pour
les anions que pour les cations. Le diamètre du pore est d'environ 2,5 nm et le flux
ionique capable de passer dans ce canal peut être plus de 30 fois supérieur à celui
mesuré pour le canal sodique du cerveau.
La membrane externe contient une partie de la machinerie d'import des protéines.
En effet, la majorité des protéines mitochondriales sont synthétisées dans le cyto-
plasme et adressées spécifiquement à l'un des compartiments. Ce n'est pas le propos
de ce livre de traiter de ce problème et nous renvoyons le lecteur à des revues sur ce
sujet. Disons simplement que :
ces systèmes ont été étudiés essentiellement chez la levure Saccharomyces cerevisiae
et le champignon filamenteux Neurospora crassa ;
> la majorité des protéines synthétisées dans le cytoplasme possèdent une séquence
signal comportant des acides aminés basiques ou hydroxylés en forte propor-
tion ;
> ces protéines sont guidées par des chaperonnes vers les complexes enzymatiques
assurant leur passage à travers les membranes, complexes appelés TOM pour la
membrane externe (Translocase o ftheOuter Membrane) et TIM pour la membrane
interne (Translocase of the Internal Membrane). Il y a au moins deux types de TIM
permettant d'adresser la protéine soit à la membrane interne soit à la matrice.
Comme déjà signalé, il existe des points de contact transitoires entre les membranes
externe et interne se formant dans des conditions physiologiques particulières et met-
tant en jeu, selon les cas, des protéines différentes. A titre d'exemples, les protéines
suivantes peuvent participer à ces points de contact : porine ou TOM pour la mem-
brane externe, transporteur des adénines nucléotides pour la membrane interne et
phosphocréatine kinase pour l'espace intermembranaire.
La membrane interne riche en protéines (60% de protéines contre 40% de lipides)
contient les systèmes transducteurs d'énergie, chaîne respiratoire et ATP synthase.
138 BIOÉNERGÉTIQUE

Contrairement à la membrane externe elle ne contient pas d'analogue de la porine


mais un ensemble de transporteurs spécifiques pour les métabolites et certains ions
minéraux. Cette membrane possède aussi les complexes protéiques responsables de
l'import des protéines et de leur adressage vers la matrice mitochondriale ou la mem-
brane interne.

7.1.3. LES ENZYMES DES ESPACES SOLUBLES

L'espace intermembranaire compris entre les membranes interne et externe ne pos-


sède qu'un nombre limité d'enzymes. On y trouve des transphosphorylases comme
l'adénylate kinase ou la créatine kinase ainsi que de la carnitine-CoA acyl transférase
impliquée dans le transport des acides gras.
La matrice mitochondriale est par contre très riche en enzymes qui sont impliquées
dans les réactions de dégradation des différents nutriments. Ces chaînes métaboliques
forment le métabolisme intermédiaire qui constitue un carrefour pour les différentes
voies de dégradation, conduisant à la formation de coenzymes réduits ; ces derniers
seront des donneurs d'équivalents réducteurs pour la chaîne respiratoire. Ces
systèmes, que nous étudions dans les paragraphes suivants, sont la décarboxylation
oxydative du pyruvate, le cycle des acides tricarboxyliques, la -oxydation des acides
gras et la dégradation des acides aminés. Selon le tissu, les mitochondries peuvent
comporter des métabolismes particuliers, comme par exemple des enzymes partici-
pant au cycle de l'urée dans les hépatocytes.
La matrice mitochondriale contient, en plus de ces chaînes métaboliques, l'ADN qui
code pour un nombre réduit de protéines membranaires (constituants des complexes
de transduction d'énergie) et pour les ARN de transfert mitochondriaux ; elle contient
aussi la machinerie protéique, qui est importée du cytosol, nécessaire à la duplica-
tion, la transcription, la traduction des acides nucléiques et à la dégradation des macro-
molécules.
Les enzymes de la matrice mitochondriale sont considérées comme des protéines
solubles car elles peuvent être isolées en phase aqueuse et en l'absence de détergent.
Cela ne signifie pas que certaines d'entre elles ne puissent être liées à la membrane,
constituer des complexes multi-enzymatiques et des métabolons. Nous en verrons
des exemples.

7.1.4. MESURE DES ESPACES, GONFLEMENT ET CONTRACTION


DES MITOCHONDRIES

II est possible de déterminer le volume des espaces intermembranaire et matriciel sur


des mitochondries isolées. On utilise pour cela des marqueurs de volume, en géné-
ral radioactifs :
les polydextrans ne diffusant pas à travers la membrane externe permettent de
mesurer le volume extra-mitochondrial (Vp);
7 - COMPARTIMENTATION ENZYMATIQUE MITOCHONDRIALE ET MÉTABOLISME MATRICIEL 139

> le saccharose (ou le mannitol), qui diffuse à travers la membrane externe mais pas
à travers la membrane interne définit, l'espace externe plus l'espace intermem-
branaire (Vg) ;
> l'eau pénètre tous les espaces et mesure ainsi l'espace aqueux total (V-T). Connaissant
ces volumes on peut en déduire :
l'espace intermembranaire = Vs - Vp
l'espace matriciel = VT - Vs
La mesure de l'espace occupé par ces trois types de traceur s'effectue de la manière
suivante : les mitochondries sont incubées en présence d'un ou de plusieurs traceurs
radioactifs puis centrifugées ; la radioactivité est mesurée pour chacun des traceurs
dans le surnageant et dans le culot ; la radioactivité spécifique est calculée à partir de
celle contenue dans le surnageant et exprimée en dpm par L (cette expression de
l'activité spécifique n'est pas coutumière ; en effet on l'exprime généralement, dans
les problèmes métaboliques, en dpm. mole1); la radioactivité du culot est divisée par
l'activité spécifique correspondante donnant ainsi le volume occupé par le marqueur
considéré. Il est implicite que les marqueurs ne doivent être ni métabolisés ni inter-
férer d'une manière ou d'une autre avec le métabolisme. Un exemple numérique est
donné dans le prochain chapitre. Ces méthodes ont par la suite été adaptées à l'étude
du volume mitochondrial in situ.
Les mitochondries, en suspension dans une solution d'une substance ne diffusant
pas à travers la membrane interne, comme le saccharose, se comportent comme un
osmomètre dans une large gamme de concentrations du soluté. Cela signifie que le
volume de la matrice varie avec la concentration en osmolyte (saccharose) dans le
milieu. En milieu isoosmotique (entre 0,25 et 0,3 M pour les mitochondries de mam-
mifères), c'est-à-dire lorsque l'activité chimique de l'eau est la même dans la matrice
et à l'extérieur, le volume est maintenu constant. Il est en général inférieur à 1 µL par
mg de protéines mitochondriales. Par contre le volume matriciel diminue en milieu
hyperosmotique (contraction) et augmente en milieu hypoosmotique (gonflement).
Lorsque les changements de volume sont d'amplitude suffisante, ils peuvent être sui-
vis par turbidimétrie. En effet un gonflement rend la suspension mitochondriale moins
diffusante, ce qui dans un spectrophotomètre permet de récupérer plus d'énergie
lumineuse ; la propriété inverse est observée pour la contraction. Ces expériences sont
réalisées avec une radiation du visible (en
- Milieux :
général dans le vert) ce qui, pour la quantité y
hyperosmotique
de mitochondries utilisées, élimine la compo- ,g
———————— isoosmotique
sante absorption (figure 7.3).
\ hypoosmotique
\

7.3 - Schéma de mesure du comportement —— Mitochondries


par turbidimétrie des mitochondries ———————————————
dans des milieux d'osmoticité différente Temps
140 BIOÉNERGÉTIQUE

7.2. MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE


DE LA MATRICE MITOCHONDRIALE

7.2.1. MÉTABOLISME DU PYRUVATE

Les sources essentielles du pyruvate sont le glucose, l'acide lactique ou l'alanine. Il


pénètre la matrice mitochondriale par un transporteur spécifique (§ 8.3.2) où il est
alors soumis soit à une décarboxylation oxydative pour donner de l'acétyl-CoA et du
NADH, soit à une carboxylation pour donner de l'oxaloacétate.
Le bilan de la réaction de la décarboxylation oxydative est le suivant :
pyruvate + CoASH + NAD+ —— acétyl-CoA + NADH + CO2 + H+

a - Enzyme 2

H3C R H3C R

Acétaldéhyde Lipoamide
actif oxydée

0 H3C R
II +CoA-SH II /R
HS + H3C—C—S—CoA -————— H3C—C—S (+)/
R M,
7
HS HS
Lipoamide réduite Thioacide

b - Enzyme 3

FAD —FADH

S —S
+
c
—S —SH

-FADH —FAD

-S —S
NAD + +
—S

7.4 - Oxydation de l'acétaldéhyde actif


7 - COMPARTIMENTATION ENZYMATIQUE MITOCHONDRIALE ET MÉTABOLISME MATRICIEL 141

En fait cinq coenzymes interviennent dans la réaction : la thiamine pyrophospate


(TPP+ comme coenzyme de décarboxylation, trois coenzymes d'oxydoréduction
(l'acide lipoïque, le FAD et le NAD+ et le coenzyme A. Cette réaction est assurée par
un complexe multi-enzymatique, la pyruvate déshydrogénase, constituée de trois
enzymes différentes.
> La décarboxylation de l'acide cétonique est catalysée par l'enzyme 1 du com-
plexe, ou pyruvate décarboxylase, qui fait intervenir la thiamine pyrophosphate
comme coenzyme pour donner de l'acétaldéhyde actif ; le mécanisme de cette réac-
tion est identique à celui décrit au § 6.2.3 et dans la figure 6.7 ;
> L'enzyme 2 (figure 7.4a), ou lipoyl réductase-transacétylase, couple l'oxydation
de l'acétaldéhyde actif (hydroxyéthyl -TPP) à la formation d'une liaison thioes-
ter, c'est-à-dire entre l'acyle néoformé et un thiol du lipoamide (acide lipoïque
formant une liaison amide avec une lysine de l'enzyme). Il s'agit donc bien d'une
réaction de couplage entre oxydation et synthèse d'une liaison à haut potentiel de
transfert.
Cette même enzyme catalyse le transfert du groupe acyle de l'acide lipoïque au
coenzyme A avec libération du TPP4+.
> La troisième réaction catalysée par l'enzyme 3 ou lipoyl déshydrogénase (figure 7.4b)
consiste en un transfert des équivalents réducteurs de l'acide lipoïque réduit
au NAD+ via un FAD. Il est à remarquer que le transfert des électrons se fait de la
flavine au NAD+ ce qui est rendu possible par un mécanisme particulier faisant
intervenir une forme semiquinonique du FAD et une forme radicalaire d'un thiol.
L'arsénite (à ne pas confondre avec l'arséniate, analogue du phosphate) inhibe la réac-
tion en se combinant aux thiols vicinaux selon la réaction :

-SH -S
\
+ 0==As—OH As—OH + H2O

-SH -S

II est à noter que des réactions similaires sont trouvées dans le cycle de KREBS lors de
la décarboxylation oxydative de cétoglutarate (§ 7.2.2) ou de la dégradation des
chaînes carbonées des acides aminés ramifiés (§ 9.2.1).
La décarboxylation oxydative du pyruvate en acétyl-CoA est assurée par un com-
plexe multienzymatique qui permet un fonctionnement intégré des réactions. La struc-
ture du complexe a été étudiée en détail chez E. coli. Il est constitué de 60 sous-unités
pour une masse totale de 4600 kDa. Il se présente au microscope électronique comme
un polyèdre d'environ 300 A de diamètre où l'enzyme 2 forme le cœur du complexe.
La pyruvate déshydrogénase et la lipoyl déshydrogénase forment la couronne de
sorte que la réaction totale peut se dérouler sans relargage des intermédiaires dans
le milieu comme représenté sur la figure 7.5.
142 BIOÉNERGÉTIQUE

NADH + H-+

PAD

SH Enzyme 3

Acétyl-CoA

7.5 - Complexe de la pyruvate déshydrogénase

Cette réaction est fortement exergonique, malgré la récupération d'une partie de


l'énergie sous forme d'une liaison thioester, et sera soumise à une régulation de deux
types : par les métabolites et par modification chimique. Chez les mammifères la réac-
tion est inhibée par l'acétyl-CoA et le NADH produits de la réaction, l'acétyl-CoA
inhibant la transacétylase et le NADH la dihydrolipoyl déshydrogénase. Ces inhibi-
tions sont réversées respectivement par le CoA-SH et le NAD+ de sorte que l'activité
du complexe dépendra des rapports acétyl-CoA/CoA-SH et NADH/NAD+ La pyru-
vate déshydrogénase est activée par l'AMP et inhibée par le GTP. Toutes ces régula-
tions vont dans le sens d'une inhibition de cette réaction lors d'un état stationnaire
énergétique suffisamment élevé pour la cellule.
0 0
// //
S (CH2—C S. (CH2)4—C
0—NH—enzyme NH-

HN NH + ATP + HCO3- —— O N NH + ADP + Pi + H+


II
0 0 0
Biotine Carboxybiotine
0 0
// //
.S, ,(CH2)4-C
0—NH—enzyme 0—NH—enzyme

0 N NH + Pyruvate ————— HN NH + Oxaloacétate

0 0 0
7.6 - Carboxylation du pyruvate

La réaction de carboxylation du pyruvate en oxaloacétate est une réaction anaplé-


rotique, appelée ainsi car elle permet l'approvisionnement du cycle de KREBS en
intermédiaires métaboliques (figure 7.6). Elle utilise comme cofacteur la biotine, un
7 - COMPARTIMENTATION ENZYMATIQUE MITOCHONDRIALE ET MÉTABOLISME MATRICIEL 143

dérivé de la vitamine H, qui forme avec l'enzyme une liaison peptidique entre son
carboxyle et une fonction aminé d'une lysine de la protéine. Dans une première étape
il y a formation de carboxy-biotine intermédiaire appelé CO2 actif. La réaction néces-
site un ATP comme source d'énergie pour transformer le bicarbonate, molécule stable,
en carboxy-biotine, molécule instable et de ce fait bon donneur de CO2 Dans une
deuxième étape la carboxy-biotine cède le CO2 au pyruvate pour donner l'oxaloacé-
tate selon une réaction exergonique.
La pyruvate carboxylase est une enzyme allostérique stimulée par l'acétyl-CoA dont
l'importance physiologique sera examinée avec la régulation du cycle de KREBS.
L'oxaloacétate produit dans la mitochondrie donnera, dans le cytoplasme, du phos-phoénolpyruva

genèse essentiellement localisée dans les hépatocytes (cf. chapitre 6, figure 7.12 et
chapitre 9). Le donneur de phosphate est un GTR La réaction est catalysée par la phos-phoénolpyr

7.2.2. CYCLE DES ACIDES TRICARBOXYLIQUES

Glycolyse
NADH
vr
+ H+
Pyruvate oxydation
d e s acides gras
Phosphoénolpyruvate (2) N A D + Y
Acétyl-CoA
(11)
NADH + H+
(10) Oxaloacétate (3)

Malate NAD+ Citrate


(4)
Fumarate Cis-aconitate
8
—— FAD (4)
FADH +
Succinate NAD Isocitrate
(5)
(7) GDP + Pi
GTP Succinyl-CoA cétoglutarate NADH + H+ + CO2

NADH + H+ + CO2 + CoA-SH

7.7 - Cycle des acides tricarboxyliques et réactions anaplérotiques


(1) pyruvate déshydrogénase ; (2) pyruvate carboxylase; (3) citrate synthase; (4) aconitase;
(5) isocitrate déshydrogénase ; (6)-cétoglutarate déshydrogénase ; (7) succinyl-CoA synthase ;
(8) succinodéshydrogénase; (9) fumarase ; (10) malate déshydrogénase; (11) phosphoénol
carboxykinase; (12) énolase

La formation d'acétyl-CoA par décarboxylation oxydative de l'acide pyruvique est


la première étape de l'oxydation mitochondriale des métabolites dérivant des sucres.
144 BIOÉNERGÉTIQUE

L'oxydation de l'acétyl-CoA en CO2 et H2O fait intervenir un processus cyclique décrit


pour la première fois par KREBS et JOHNSON en 1937 et connu sous les noms de
cycle des acides tricarboxyliques ou cycle de l'acide citrique ou encore plus communément
cycle de KREBS (figure 7.7). De même ce cycle permet d'expliquer la dégradation de
nombreuses molécules et est un carrefour du métabolisme intermédiaire. Bien qu'il
soit nécessaire d'étudier le cycle en lui-même, la compréhension de ce métabolisme
nécessite l'examen de ses relations avec les autres voies anaboliques ou cataboliques
ainsi que les connexions avec le métabolisme cytosolique par l'intermédiaire de trans-
porteurs transmembranaires spécifiques (§ 8.3.2). Les enzymes de ce cycle sont
«solubles», mise à part la succino-déshydrogénase qui est membranaire et qui fait
partie intégrante de la chaîne respiratoire.
> La première réaction du cycle, catalysée par la citrate synthase, est la condensation
entre l'oxaloacétate et l'acétyl-coenzymeA.
0 0-
0 - 0 HO C O
— - // \ //
0=C + H—CH2—C ——— HO—C—CH2—C + CoASH + H+
1
CH2 S—CoA CH2 0

0 0- 0 0
Oxaloacétate Acctyl-CoA Citrate

Du fait de la liaison thioester, l'hydrogène du méthyle de l'acétyl-CoA est acide et


permet l'addition de ce métabolite sur la fonction carbonyle de l'oxaloacétate
(cf. chapitre 3). L'enzyme catalyse ensuite l'hydrolyse de la liaison thioester, ce qui
a pour conséquence de favoriser la réaction dans le sens de la formation du citrate,
étant donné le caractère exergonique de celle-ci.
> La deuxième réaction, catalysée par l'aconitase, est une isomérisation du citrate en
isocitrate avec formation intermédiaire de cis-aconitate.
00- 00- CKO-
L c c
0 0 0
!
1 // -HO // +H2O //
HO—C—CH2—C ————- C- CH2—C ———— H — C — C H 2C
-
\ | \ \
CH2 O CH O H—C—OH °

0 0- 0 0- 0 0-
Citrate Cis-aconitate Isocitrate

Dans les conditions standard cette réaction est favorisée dans le sens de la forma-
tion du citrate et la composition à l'équilibre thermodynamique est 90% de citrate,
3,3% de cis-aconitate et 6,7% d'isocitrate. On verra que cette donnée est importante
pour comprendre la régulation du métabolisme.
La réaction suivante est l'oxydation de la fonction alcool secondaire de l'isocitrate
par le NAD+ suivie de la décarboxylation de l'acide cétonique (l'isocitrate déshydrogénase
7 - COMPARTIMENTATION ENZYMATIQUE MITOCHONDRIALE ET MÉTABOLISME MATRICIEL 145

La polarisation de la fonction carbonyle induit un remaniement électronique qui


conduit à l'élimination d'un CO2, comme figuré sur le schéma.

O0- O 0(;0 O

// +NAD+ // +NADH
H—C—CH2—C ———— CH—CH2—C
2
————— CH2 + CO2
\ \ +H
H—C—OH ° C=0 ° CH2

C C C
0 0- 0 0- -0 0
Isocitrate Oxalosuccinate cétoglutarate

Les deux groupes — CH2COO- ne sont pas reconnus de la même façon par l'en-
zyme ; il s'agit de l'exemple, désormais classique, ayant donné lieu aux travaux de
OGSTON (cf. § 6.2.1). C'est ainsi que lorsque qu'une préparation mitochondriale est
incubée avec de l'oxaloacétate dont seul le carboxyle le plus éloigné de la fonction
carbonyle est marqué au carbone C, cétoglutarate produit au cours du cycle
n'est pas marqué. C'est donc le CO2 provenant de l'oxaloacétate qui est éliminé au
cours de la réaction de décarboxylation, et non celui provenant de l'acyl-CoA.
> Les deux réactions suivantes constituent un site de phosphorylation au niveau du
substrat. cétoglutarate subit une décarboxylation oxydative qui est la deuxième
et dernière étape de décarboxylation du cycle. Le mécanisme de la réaction est
identique à celui décrit pour la décarboxylation oxydative du pyruvate et, de ce
fait, celle-ci est couplée à la formation d'une liaison thioester pour donner, dans ce
cas, du succinyl-CoA. Il s'agit donc d'une réaction de couplage au sens énergétique
du terme. Elle fait intervenir les cinq mêmes coenzymes mentionnés pour la pyru-
vate déshydrogénase, dont seulement deux apparaissent dans le bilan de la réaction.
cétoglutarate + NAD+ + CoA-SH — succinyl-CoA + NADH + CO2 + H+
Comme la réaction de décarboxylation du pyruvate, elle est très exergonique et se
fera donc spontanément.
Le succinyl-CoA, sous l'action de la succinyl-CoA synthase, permet la synthèse d'un
GTP, en présence de GDP et de Pi. Cette réaction présente des analogies avec les réac-
tions du premier site de phosphorylation de la glycolyse dans la mesure où elle fait
intervenir :
> une fonction thioester ;
> un transfert de la partie carboxyle sur un phosphate avec formation d'une liaison
anhydride d'acide (analogue au 1,3-diphosphoglycérate);
> le transfert du groupe phosphate sur un nucléoside-diphosphate.
E + succinyl-CoA + Pi E-succinyl-P + CoA-SH
E-succinyl-P E-P + succinate
E-P + GDP — E + GTP
146 BIOÉNERGÉTIQUE

L'intermédiaire phosphoenzyme obtenu à partir du succinyl-P consiste en une liai-


son entre un groupe histidine de l'enzyme et le phosphate. L'enzyme phosphorylée peut être

soit avec du GTP(Y-32P). La formation d'un tel intermédiaire est confirmée par l'hy-
drolyse du succinyl-CoA ou du GTP en présence d'arséniate qui, comme dans le
cas de la première réaction de couplage de la glycolyse, est supposé former un
intermédiaire arsénylé instable.
> Le succinate est ensuite déshydrogéné en fumarate par la succino déshydrogénase,
enzyme membranaire contenant un FAD. Le fumarate est l'isomère trans car les
carboxyles sont positionnés de part et d'autre du plan constitué par la double liai-
son ; on le distingue de l'isomère cis, l'acide maléique, car avec ce dernier il est pos-
sible d'obtenir chimiquement l'anhydride d'acide. La succino déshydrogénase fait
la différence entre les deux fonctions carboxyles du succinate apparemment symé-
triques, mais, comme nous l'avons constaté plusieurs fois, la stéréospécificité de
la réaction est due à une asymétrie au niveau du complexe enzyme-substrat.
0
C H
H—C—H C \
+ FAD ——— FADH2 + 11 0-
H—C—H C
-0—C H
c
II
-0 0 0
Succinate Fumarate

> La réaction catalysée par la fumarate hydratase est aussi une réaction stéréospéci-
fique car elle aboutit à la formation de l'isomère L du malate.

CH. |
C \ HO—C—H
II 0- + H2O — |
C H—C—H
0 - C H
II /c0 -0 0

Fumarate Malate

Le L-malate est oxydé en oxaloacétate par la malate déshydrogénase.


-0 0 -O /o
\ç^

HO—C—H 0=C—H
+ NAD + — + NADH + H+
H—C—H H—C—H
1
c
-0 0 -0 0
Malate Oxaloacétate

L'équilibre de cette réaction (Keq à pH 7 est de 1,93.10-5 CT5) est en faveur du malate, ce
qui implique que pour fonctionner dans le sens de la gauche vers la droite, le NADH
7 - COMPARTIMENTATION ENZYMATIQUE MITOCHONDRIALE ET MÉTABOLISME MATRICIEL 147

et/ou l'oxaloacétate ne doivent pas s'accumuler. Dans les mitochondries de foie de


rat le rapport NADH/NAD + est de 10 et la concentration en malate d'environ 10-44.
En utilisant ces données numériques on peut calculer que la concentration en oxaloacétate doit être

loacétate soit positif.


En incluant la décarboxylation du pyruvate, le bilan du cycle est le suivant :
> formation de trois molécules de CO2, dues à la décarboxylation du pyruvate, de
cétoglutarate et de l'isocitrate ;
> formation de 4 NADH et d'une flavine réduite, ce qui conduit à la synthèse d'en-
viron 14 ATP lors de la réoxydation de ces nucléotides par la chaîne respiratoire
(voir § 8.5.2 pour la discussion sur la stœchiométrie) avec production de cinq molé-
cules d'eau ;
> formation d'un GTP (équivalent à un ATP) par transformation de l'énergie conte-
nue dans la liaison thioester du succinyl-CoA.
L'ensemble de ces réactions couplées à la chaîne respiratoire, conduit à l'oxydation
complète d'un pyruvate avec production de 15 liaisons anhydride d'acide. D'autre
part nous verrons au § 8.4.1 que le NADH cytosolique peut être réoxydé par la chaîne
respiratoire, ce qui nécessite un transfert des équivalents réducteurs dans la matrice ;
dans ce cas deux ATP supplémentaires sont formés. Compte tenu des deux molécules
d'ATP formées au cours de la glycolyse, la réaction globale de l'oxydation du glucose :
C6H12O6+6O2 6CO2+6H2O
est alors couplée à la formation de 36 molécules d'ATP à partir du phosphate et de
l'ADP. 40 molécules d'eau sont produites : 36 pour la formation des liaisons anhy-
dride d'acide et 6 pour l'oxydation du glucose. L'équation du bilan final est :
C6H12O6+6O2+36Pi+36ADP 6 CO2 + 34 ATP + 42 H2O
Trois types d'expérience ont permis de montrer la nature cyclique de ces réactions :
> l'oxydation quantitative du pyruvate par un extrait cellulaire est rendue possible
en ajoutant en quantité catalytique seulement un des di- ou tricarboxylates, ce qui
implique que ces intermédiaires sont régénérés au cours d'un cycle ;
> le malonate, inhibiteur de la succino déshydrogénase, inhibe ce processus même
lorsque le fumarate, en quantité catalytique, est utilisé comme dicarboxylate ;
> il est toutefois possible d'obtenir une oxydation quantitative du pyruvate en pré-
sence de malonate en ajoutant un intermédiaire du cycle en quantité équimoléculaire. Dans ce c

7.2.3. RÉACTIONS ANAPLÉROTIQUES


ET RÉGULATION DU MÉTABOLISME INTERMÉDIAIRE

Le cycle des acides tricarboxyliques joue un rôle central dans l'énergétique cellulaire
et fournit aussi des intermédiaires pour certaines biosynthèses (glucose, acides ami-
nés, porphyrines), comme indiqué sur la figure 7.8. La synthèse d'intermédiaires par
148 BlOÉRNERGÉTIQUE

des voies différentes de celles du cycle est donc nécessaire pour maintenir les concen-
trations à un niveau suffisant pour le fonctionnement de l'ensemble. C'est le rôle des
réactions anaplérotiques dont la principale, la carboxylation du pyruvate en oxaloa-
cétate, a été étudiée au § 7.2.1. D'autres réactions interviennent chez les cellules dont
la source en métabolites carbonés est en C2 (éthanol ou acétate) comme c'est le cas
pour les graines de certaines plantes ou la levure. Elles constituent ce que l'on appelle
le cycle glyoxylique, exposé au chapitre 9 lors de l'étude du métabolisme particulier
de la levure Saccharomyces cerevisiae. D'une façon plus générale, la dégradation des
acides aminés fournit des intermédiaires du cycle, comme illustré sur la figure 7.10.

Glucose
NADH, acétyl-CoA, GTP
NAD4, CoA-SH, AMP, Ca

Phosphoénolpyruvate
Acétyl-CoA
Acides aminés Oxaloacétate • oxydation
ATP
Malate Citrate
\
Fumarate Cis-aconitate

Succinate Isocitrate
ADP, AMP, NAD+, Ca24
\ cétoglutarate ATP, NADH
Porphyrines — Succinyl-CoA

Glutamate
ATP, GTP ADP, GDP
Succinyl-CoA, ATP, Ca2
7.8 - Points de régulation du cycle des acides carboxyliques — stimulation, inhibition
La régulation du cycle s'effectue essentiellement sur cinq enzymes impliquées dans
des réactions irréversibles : les trois réactions de décarboxylation, la synthèse du
citrate et la réaction anaplérotique de carboxylation du pyruvate (figure 7.6). L'activité
de la pyruvate déshydrogénase, qui catalyse la décarboxylation du pyruvate en acétyl-CoA (§ 7

ces rapports sont faibles, plus l'activité est forte ; de plus, l'activité est stimulée par
l'AMP et inhibée par le GTP, nucléoside triphosphate synthétisé dans la réaction de
conversion du succinyl-CoA en succinate. D'une façon générale, les enzymes impli-
quées dans les systèmes de production d'énergie sont logiquement sensibles au poten-
tiel d'oxydoréduction et au niveau énergétique des nucléosides phosphate. L'acétyl-CoA
stimule la réaction de carboxylation du pyruvate qui produit de l'oxaloacétate ;
la logique de cette régulation est évidente puisque l'oxaloacétate et l'acétyl-CoA se
7 - COMPARTIMENTATION ENZYMATIQUE MITOCHONDRIALE ET MÉTABOLISME MATRICIEL 149

combinent pour donner du citrate. La citrate synthase, enzyme permettant l'entrée


des groupements acétyles dans le cycle, est inhibée par l'ATP. La réaction catalysée
par l'isocitrate déshydrogénase a un rôle clé dans la régulation du cycle car elle est
sensible aux potentiels redox et phosphate. En effet, elle est stimulée par le NAD+ et
l'ADP et inhibée par le NADH et l'ATP. La décarboxylation oxydative de l'cétoglutarate s'effec

mation du pyruvate en acétyl-CoA, il n'est donc pas étonnant que les régulations de
l'activité des enzymes impliquées présentent aussi des analogies. Effectivement, cétoglutarate dé

ne faut pas perdre de vue que les systèmes cellulaires sont intégrés et, notamment
dans le cas du cycle de KREBS, l'activité dépendra de la vitesse de réoxydation des
nucléotides par la chaîne respiratoire (la réciproque est vraie comme nous le verrons
dans le chapitre 8). De ce point de vue, notons le rôle important de Ca comme sti-
mulateur des déshydrogénases (figure 7.8).

7.2.4. CANALISATION

Des phénomènes de canalisation ont été mis en évidence pour le cycle de KREBS chez
la levure Saccharomyces cerevisiae. Cet organisme pourrait être un système modèle
pour les autres cellules. Trois approches ont été utilisées pour les étudier.
> Le maintien de l'asymétrie de marquage de certains composés a été mis en évi-
dence. Avant de donner du malate, le succinyl-CoA passe par deux intermédiaires
symétriques : le succinate et le fumarate. S'il est marqué au niveau du seul car-
bone 2 par exemple, il donnera un mélange de malate marqué en C2 ou en C3
dans le cas où il n'y a pas canalisation ; le succinate et le fumarate pouvant tour-
ner librement, il y aura perte de l'asymétrie. Dans le cas d'une canalisation, on
doit essentiellement trouver du malate sur un seul carbone car les métabolites
ne sont plus libres de rotation. Du [3-13C]-proinateest donné à des cellules de
levure et les réactions sont suivies par RMN. Le substrat est converti en propionyl-CoA puis e

(§ 7.2.5). Dans le cas d'une canalisation au niveau du cycle, la distribution du


marquage entre le C2 et le C3 du malate doit être asymétrique. Cette asymétrie
a été recherchée dans un dérivé du malate, l'alanine, obtenue après action de
l'enzyme malique et d'une transaminase. Les résultats de ces expériences vont
dans le sens d'une certaine canalisation entre la thiokinase et la succino déshy-
drogénase d'une part et la succino déshydrogénase et la fumarase d'autre part
(cf. SUMEGI et al.).
> L'existence d'un métabolon pour les enzymes du cycle a été proposée à partir des
expériences suivantes (cf. ROBINSON et SRERE). Les mitochondries sont soumises à
un traitement contrôlé aux ultrasons de sorte à exposer une fraction des enzymes
du cycle à des macromolécules ajoutées dans le milieu, mais les rendant toujours
sédimentables par centrifugation. L'accessibilité de la malate déshydrogénase
est évaluée par l'inhibition de son activité par le bleu dextran, polymère de PM
150 BIOÉNERGÉTIQUE

supérieur à celui de l'enzyme. De même l'accessibilité de la citrate synthase est


évaluée en utilisant l'effet d'un anticorps sur son activité. L'existence de ces enzymes,
connues pour être solubles, sous une forme sédimentable suggère des interactions
entre protéines et notamment avec des protéines membranaires.
> KRISPAL et al. ont mis en évidence la déstabilisation du métabolon par perte d'une
enzyme du cycle en s'appuyant sur l'existence de deux citrate synthases chez la
levure, l'une mitochondriale (CS1) et l'autre cytoplasmique (CS2). Des cellules
mutantes, dépourvues de CS1, ne poussent plus sur acétate (substrat nécessitant
un cycle des acides tricarboxyliques fonctionnel) malgré la présence de CS2. Par
contre il est possible d'introduire chez ce mutant des gènes de CS1 produisant des
enzymes inactives ; l'un d'entre eux présente de nouveau une croissance sur acé-
tate. Il a été proposé que la délétion déstabilise le métabolon et que la réintroduc-
tion d'une citrate synthase, même inactive, restaure l'activité du complexe par
restructuration en système supra-moléculaire, à l'exception de CS1 dont l'activité
est alors compensée par celle de CS2.

7.2.5. OXYDATION DES ACIDES GRAS

Les acides gras proviennent de l'hydrolyse des triglycérides, stockés essentiellement


dans les adipocytes blancs et transportés dans le sang par les lipoprotéines (cf. § 9.3).
0
0 //
R1—C—0-
0 H2C—0—C—R1 CH2OH O
II //
R2—C—0—CH + 3H2O —— HO—CH + R2—C—0- + 3 H 4

H2C—0—C—R3 CH2OH 0
//
R3—C—0-
0
Triglycéride Glycérol Acides gras

Ils sont ensuite activés en acyl-CoA, réaction faisant intervenir un acyl-adénylate


comme décrit au chapitre 3. La dégradation des acides gras s'effectue dans la matrice
mitochondriale et, pour certaines cellules, en partie dans les peroxysomes (essentiel-
lement pour les acides gras à longue chaîne). Les acyl-CoA pénètrent la membrane
interne des mitochondries ou des peroxysomes par le système carnitine (figure 7.9).
Acyl-CoA CoA-SH
— Acyl-carnitine transférase 1
Carnitine Acyl-carnitine
\
Membrane interne

Carnitine Acyl-carnitine
— ... transférase II
Acyl-carnitine 7.9 - Transport
» des acides gras à travers
la membrane interne des mitochondries
Acyl-CoA CoA-SH ou celle des peroxysomes
7 - COMPARTIMENTATION ENZYMATIQUE MITOCHONDRIALE ET MÉTABOLISME MATRICIEL 151

Sur la face externe de la membrane le groupement acyle est transféré à la carnitine


par l'acyl-carnitine transférase I. L'acyl-carnitine pénètre la matrice par échange avec
la carnitine, réaction médiée par un transporteur spécifique. Sur la face interne l'acyl-
carnitine transférase II assure la réaction inverse pour donner de l'acyl-CoA. Cette
réaction est possible car la liaison 0-acyle de l'acyl-carnitine est, comme la liaison
thioester, une liaison instable.
La première étape de la dégradation des acides gras saturés est une déshydrogéna-
tion de la chaîne alkyle en alcène, en a de la fonction thioester, par une enzyme à
FAD, l'acyl-CoA déshydrogénase. Cette réaction est réversible. On notera la diffé-
rence entre cette réaction et la déshydrogénation du succinate en fumarate qui ne
fait pas intervenir un thioester mais la forme carboxylique libre ; de plus, contraire-
ment à l'acyl-CoA déshydrogénase, la succino déshydrogénase est un complexe
membranaire.
H 0
R—CH2—CH2—C
//° + FAD R—C=C—C
//
+ FADH2
S—CoA H S—CoA
Acyl-CoA Trans-énoyI-CoA

La fonction alcène est hydratée pour donner un hydroxyacyl-CoA selon une réac-
tion réversible catalysée par l'hydroxyl-CoA déhydratase.

H o OH H O
1 // 1 //
R—C—C—C + H2O R—C—C—C
S—CoA S—CoA
Trans-énoyI-CoA L-hydroxyacyl-CoA

La fonction alcool est alors oxydée en carbonyle par une enzyme à NAD+ la L-hydroxyacyl déshy

OH H O 0
1 // +
//
R—C—C—C + NAD ——— R—C—CH2—C + NADH + H+
\
1 s
II
H H —COA O s
—COA
L-hydroxyacyl-CoA cétoacyl-CoA

La dernière réaction catalysée par la thiolase est irréversible malgré la formation d'une
liaison thioester (Keq de l'ordre de 10-55 varie avec le pH) et permet la libération d'un
acétyl-CoA.
0
//
R—C—CH2—C + CoA—SH ————- R — C — S — C o A + H3C—C—S—CoA

0 S—CoA 0 0
cétoacyl-CoA Acyl-CoA Acétyl-CoA
152 BIOÉNERGÉTIQUE

La thiolase fait intervenir dans son site actif un groupement thiol qui est responsable
de l'attaque nucléophile du carbone portant la fonction carbonyle en position avec
libération d'acétyl-CoA et formation d'un acyl-thioester au niveau de l'enzyme. Dans
un deuxième temps un coenzyme A déplace l'acyle de l'enzyme pour donner un
acyl-CoA. L'acyl-CoA restant subit un nouveau cycle et libère de nouveau un acétyl-
CoA et ainsi de suite. Ce cycle est connu sous le nom de son découvreur, le cycle de
LYNEN. Pour les acides gras à nombre pair de carbones, les formes majoritaires, le der-
nier tour du cycle se solde par la libération de deux acétyl-CoA. Par contre pour les
acides gras à nombre impair de carbones le cycle donne en final un propionyl-CoA
et un acétyl-CoA. Chez les mammifères les acétyl-CoA entrent dans le cycle de KREBS
soit directement lorsqu'ils sont produits dans les mitochondries, soit après transport
par le système carnitine lorsqu'ils sont produits dans les peroxysomes. Chez les mam-
mifères, ils ne peuvent pas donner les intermédiaires en C4 du cycle de KREBS, comme
c'est le cas chez certains micro-organismes et certaines plantes ; ils ne sont donc pas
des intermédiaires de la gluconéogenèse. Par contre le propionyl-CoA peut donner du
succinyl-CoA selon les réactions suivantes :
0

0 C—0-
CH2

CH2
C—S—CoA
0 S—CoA
0 0
Propionyl-CoA Méthylmalonyl-CoA Succinyl-CoA

La première réaction est une carboxylation et fait intervenir une carboxylase à bio-
tine, la propionyl-CoA carboxylase, dont le mécanisme est comparable à celui de la
pyruvate carboxylase ou de l'acétyl-CoA carboxylase (première réaction de la bio-
synthèse des acides gras). La seconde réaction est un réarrangement moléculaire et
cette isomérisation catalysée par la méthylmalonyl-CoA mutase fait intervenir la vita-
mine B12 comme cofacteur.
Les acides gras insaturés sont dégradés par la même voie que celle décrite plus haut,
avec une particularité due à la présence d'une ou de plusieurs doubles liaisons. Ce
sont en général des isomères cis. Ils sont activés et pénètrent la membrane mitochondriale

l'acide linoléique (C18 cis). La réaction débute par une oxydation classique jus-
qu'à l'obtention de trois acétyl-CoA et d'un acyl-CoA à 12 atomes de carbone et pos-
sédant une double liaison en y de la liaison thioester. Sous l'effet d'une isomérase
la double liaison est déplacée en position a et passe sous la forme trans, ce qui per-
met par la suite d'obtenir la forme L du hydroxyacyl-CoA (seule forme reconnue
par la déshydrogénase). Les autre réactions sont celles du cycle classique. Les formes
ramifiées (méthylées) sont dégradées par la voie classique avec production au niveau
de la méthylation d'un propionyl-CoA à la place de l'acétyl-CoA.
7- COMPARTIMENTATION ENZYMATIQUE MITOCHONDRIALE ET MÉTABOLISME MATRICIEL 153

7.2.6. CATABOLISME DES ACIDES AMINÉS

Les acides aminés peuvent être oxydés, comme le sont le glucose et les acides gras.
Cependant, dans des conditions physiologiques normales, cette voie ne représente
que 10 à 20% du métabolisme oxydatif cellulaire. Contrairement aux sucres et aux
lipides qui sont stockés sous forme de réserve (glycogène et triacylglycérols), les acides
aminés se trouvent dans la cellule essentiellement sous forme de protéines qui ne sont
pas des formes de réserve énergétique bien que dans certaines conditions (patholo-
giques, vieillissement) elles puissent être quantitativement dégradées. Les concen-
trations en acides aminés libres dans la cellule sont nettement supérieures à celles
mesurées dans le plasma, contrairement à la situation trouvée pour le glucose. Ces
états stationnaires sont le résultat de plusieurs phénomènes : transport (en particu-
lier les cotransports N a +-acideaminé, cf. § 2.2.2), protéolyse et biosynthèse des pro-
téines, dégradation et biosynthèse des acides aminés.
Dans ce qui suit nous donnons une description de transamination et de désamination des acides am

nous indiquons uniquement les relations entre ces métabolismes et le cycle des acides
tricarboxyliques (figure 7.10). Enfin, les métabolismes des acides aminés diffèrent
selon le tissu (par exemple foie et muscle) et ces différences intéressant l'énergétique
cellulaire sont traitées dans le chapitre 9.

Pyruvate

Asparagine, aspartate

Phénylalanine
Tyrosine
Aspartate
Glutamate
Isoleucine Glutamine
Méthionine cétoglutarate —— Histidine
Valine Proline
Arginine

7.10 - Branchement des voies de dégradation des acides aminés


sur le cycle des acides tricarboxyliques

La première étape du catabolisme des acides aminés est la transamination qui consiste
en un transfert de la fonction aminé d'un acide aminé sur un cétoacide pour don-
ner un nouvel acide aminé et un nouveau cétoacide. Par exemple la fonction aminé
de l'alanine peut être transférée sur l'-cétoglutar epour donner du pyruvate et du
glutamate mitochondrial.
154 BIOÉNERGÉTIQUE

COO- COO-

C==0 CH—NH2
-OOC NH2 -OOC 0
CH + CH2

CH2

coo- COO-
Alanine cétoglutarate Pyruvate Glutamate

Ces réactions sont catalysées par les transaminases, enzymes contenant du pyridoxal-
phosphate, un dérivé de la vitamine B6.
Le pyridoxal phosphate forme une base de SCHTFF avec la fonction -amine d'une
lysine de l'enzyme. La réaction est décrite dans la figure 7.11. La dernière étape du
schéma correspond à la libération d'un cétoacide et de la pyridoxamine phosphate.
Cette dernière va réagir avec un autre cétoacide et par un mécanisme réverse va
donner un acide aminé. Ce mécanisme implique que toutes ces réactions soient
réversibles.

0
OH OH
-0—P 0—CH2—

NH CH3 0- NH CH3
Pyridoxine ou vitamine B6 Pyridoxal-phosphate

COO COO

COO

RI—CH—NH2 + + H2O

H+ COO

F—R1
NH NH

7.11 - Structure et mécanisme d'action du pyridoxal phosphate

Généralement les transaminases catalysent le transfert du groupe aminé des acides


-aminés à l'-cétoglutar tepour donner du glutamate. Ce dernier est ensuite
7 - COMPARTIMENTATION ENZYMATIQUE MITOCHONDRIALE ET MÉTABOLISME MATRICIEL 155

désaminé. Les transaminases les plus répandues sont l'aspartate aminotranférase et


l'alanine aminotransférase. Elles catalysent respectivement les réactions suivantes :
aspartate + cétoglutarate — oxaloacétate + glutamate
alanine + cétoglutarate pyruvate + glutamate
Elles sont présentes dans tous les tissus, certaines dans le cytosol, d'autres dans les
mitochondries. Il en existe aussi pour les acides aminés branchés (leucine, isoleucine
et valine), spécialement dans les muscles. Le glutamate ainsi produit est désaminé
dans la mitochondrie pour donner des ions ammonium. Le transfert d'un hydrure
du glutamate au NAD+ induit la formation d'une imine intermédiaire, qui par hydro-
lyse libère l'ion ammonium.

1 1 1
H2N—C H HN=C C=0
1 1 + H2O
CH2 + N A D + — CH2 + NADH + H+ —— CH2 + NH4+

CH2 CH2 CH2

-0 0 -0 0 -0 0

La glutamate déshydrogénase est une enzyme allostérique, stimulée par ADP et GDP
et inhibée par GTP ; son activité dépend ainsi de l'état énergétique de la cellule. Les
ions ammonium sont éliminés ou transportés sous forme d'urée dans le foie
(cf. figure 5.10) ou de glutamine dans d'autres tissus et notamment les cellules gliales
du système nerveux (cf. chapitre 9).

7.3. CONCLUSIONS
La matrice mitochondriale est le lieu privilégié de la dégradation des métabolites,
source de coenzymes réduits. Ceux-ci seront réoxydés par la chaîne respiratoire et
permettront la synthèse de l'ATP. Le cycle des acides tricarboxyliques est alimenté
par les métabolites dérivés des trois grands groupes d'aliments, ce qui constitue une
plaque tournante pour les divers métabolismes ; c'est pourquoi on appelle ce méta-
bolisme et les réactions qui y sont directement liées, le métabolisme intermédiaire. Il ne
faut pas restreindre le cycle à des fonctions de dégradation car il joue de ce fait un
rôle fondamental dans les biosynthèses.
Deux réalités doivent être présentes à l'esprit lorsque l'on étudie le métabolisme inter-
médiaire.
> Ce métabolisme, bien qu'ayant une structure de base identique, peut présenter des
différences importantes entre les tissus. Nous en avons déjà vu des exemples et
nous développerons cet aspect au chapitre 9.
Les voies métaboliques du cytosol et des mitochondries sont reliées et interagis-
sent entre elles. Nous prenons comme exemple le métabolisme du citrate dans le
foie (figure 7.11)
156 BIOÉNERGÉTIQUE

Cytosol Membrane Matrice


interne mitochondriale
Cétoglutarate
ou malate

Citrate

Cétoglutarate

Gluconéogenèse

Pyruvate
Pyruvate

H+
y

7.12 - Relations entre les métabolismes mitochondrial et cytoplasmique :


transporteurs mitochondriaux ; inhibiteur enzymatique ; ® activateur enzymatique

Ce schéma reprend des points qui ont été exposés dans les chapitres 6 et 7 mais deux
observations méritent d'être soulignées La première est que les métabolismes sont
liés entre eux par des transporteurs dans la membrane interne, problème étudié dans
le prochain chapitre. La seconde est le rôle du citrate dans le métabolisme cytosolique
comme effecteur enzymatique et comme source d'acétyl-CoA et d'oxaloacétate pour
les biosynthèses de, respectivement, les acides gras et le glucose. Notons que lors-
qu'il est dit que l'oxaloacétate mitochondrial est un intermédiaire de la synthèse du
glucose, la relation n'est pas directe (cf. chapitre 9).
Chapitre 8

OXYDATIONS PHOSPHORYLANTES

On appelle oxydations phosphorylantes l'ensemble des réactions membranaires par les-


quelles l'oxydation des coenzymes et de certains métabolites est couplée à la synthèse
de l'ATP. Exemple :
NADH + H+ + 1/2 O2 + nADP + nPi — NAD+ + (n+1)H20 +nATP
Dans les conditions standard (qui ne sont pas celles de la cellule) la chute de poten-
tiel de l'électron du NADH au dioxygène est de 0,82 - (- 0,32) = 1,14 V ce qui corres-
pond pour deux électrons à un travail de - 220 kjoules, valeur à comparer à celle du
potentiel phosphate cellulaire (environ 60 kjoules. mole1).
Contrairement aux phosphorylations au niveau du substrat, les oxydations phosphorylantes sont un p

Les systèmes impliqués sont localisés dans la membrane interne des mitochondries
pour les eucaryotes ou dans la membrane plasmique pour les procaryotes.
Chez les eucaryotes et certains procaryotes l'accepteur final des électrons est le dioxy-
gène dont la réduction complète nécessite 4 électrons :
4e- + 02 20- et 2 0— + 4 H+ —— 2 H2O
Chez certaines bactéries l'accepteur final des électrons peut être le nitrate, le soufre
ou un composé organique comme le fumarate. Dans ce livre nous ne nous intéresse-
rons qu'aux oxydations phosphorylantes des mitochondries ; chez les procaryotes,
les principes généraux des mécanismes de transduction sont similaires mais présen-
tent une grande diversité.

8.1. MISE EN ÉVIDENCE D'UN COUPLAGE ENTRE RESPIRATION


ET SYNTHÈSE D'ATP

8.1.1. MESURE DU P/0


La première indication de l'existence d'un couplage entre respiration et synthèse d'ATP
provient de la quasi-constance existant entre la quantité d'ATP formée et celle de 02
consommée pour un intervalle de temps donné. Les premières méthodes consistaient
à incuber des mitochondries isolées dans une solution tampon isoosmotique en pré-
sence de phosphate minéral, d'ADP et d'un substrat respiratoire, et de mesurer à la
158 BIOÉNERGÉTIQUE

fois les consommations de 02, par une méthode manométrique, et de phosphate, par
dosage colorimétrique. La méthode manométrique utilisée était celle mise au point par
0. WARBURG qui consistait à mesurer des variations de pression à volume constant (loi
de MARIOTTE : PV = n RT) correspondant à la quantité de dioxygène consommé dans
des conditions où le gaz carbonique dégagé était piégé dans une solution alcaline. Le
rapport du nombre de moles de phosphate consommé par atome d'oxygène pour un
temps donné est appelé P/0 : il est égal à environ 3 pour un substrat respiratoire
réduisant le NAD+ et environ 2 pour un substrat donnant ses électrons directement
à une flavine. Ces valeurs ne sont pas obligatoirement des nombres entiers
et il n'y a d'ailleurs pas de raison théorique pour qu'il en soit ainsi (ce problème est dis-
cuté plus en détail au § 8.5.2). Depuis ces premières mesures les techniques ont
évolué. La consommation d'oxygène est suivie en continu par une méthode polaro-
graphique : à l'aide d'une électrode spécifique à oxygène convenablement polarisée
(entre 0,6 et 0,8 V pour l'électrode de CLARK) ; le courant électrique enregistré est pro-
portionnel à la concentration en dioxygène dissous dans le milieu. L'ATP formée, instable
en milieu acide, est généralement piégée sous forme de glucose-6P en ajoutant dans le
milieu du glucose, de l'hexokinase et du Mg 2 . Après élimination des protéines en milieu
acide, centrifugation de l'échantillon et neutralisation du surnageant, le glucose-6P, en
présence de NADP4 et de glucose-6P déshydrogénase, donne du NADPH qui peut être
dosé par spectrophotométrie ou fluorimétrie. L'ATP peut aussi être dosée par lumi-
nescence en utilisant le système luciférine/luciférase du ver luisant.

8.1.2. MESURES POLAROGRAPHIQUES ET EFFET DES INHIBITEURS

La série d'expériences décrites ci-dessous et représentées dans la figure 8.1 permet de


dessiner les grandes lignes de la structure fonctionnelle du système. Il est important de
remarquer que ces expériences sont effectuées sur des mitochondries isolées et dans
des conditions qui ne reflètent pas les conditions cellulaires. Notamment les substrats
sont ajoutés en quantité non-limitante, ce qui permet d'expliquer certains états en termes
de proche équilibre thermodynamique. Le but de ces expériences est de comprendre
les mécanismes des oxydations phosphorylantes et non pas leur régulation cellulaire.
L'addition d'un substrat respiratoire à une suspension de mitochondries dans un milieu
isoosmotique (0,25-0,3 M en saccharose) et contenant du phosphate induit une faible
respiration. Cette vitesse est fortement stimulée par addition d'ADP et, si l'ajout est
suffisamment petit, la respiration redevient faible après conversion de l'ADP en ATP.
Il est possible de stimuler de nouveau la respiration par un nouvel ajout d'ADP jus-
qu'à ce que le dioxygène dissous dans le milieu soit épuisé (figure 8.la). Cette obser-
vation suggère que respiration et synthèse d'ATP sont deux phénomènes couplés.
NADH + H- + 1/2 02 + nADP + n Pi NAD+ + (n+1)H2O+ n ATP
En absence d'ADP ajouté, la faible vitesse de respiration correspond à une perte d'éner-
gie inhérente au système dont la nature sera discutée ultérieurement. L'addition d'ADP
déplace la réaction de la gauche vers la droite jusqu'à l'obtention d'un nouvel
état stationnaire qui peut a priori être considéré comme un équilibre entre le potentiel
8 - OXYDATIONS PHOSPHORYLANTES 159

phosphate et le potentiel redox (correspondant aux parties de la chaîne impliquées


responsables de la transduction d'énergie, cf. § 8.4) bien qu'en fait la situation soit
plus complexe et fasse intervenir des régulations. La vitesse de respiration stimulée
par l'ADP est appelée respiration à l'état 3 et le retour à une respiration faible, respira-
tion à l'état 4. Ces états, définis par Britton CHANCE, correspondent à des états stationnaires. Le ra

une mesure de la qualité des mitochondries isolées dans les conditions où les concen-
trations en substrats respiratoires sont saturantes.
L'addition de certaines drogues peut modifier ces vitesses de respiration. Par exemple
l'ajout de 2,4-dinitrophénol (2,4-DNP), de carbonyl-cyanide-m-chloro-phényihydra-
zone (CCCP), ou de son dérivé fluoré (FCCP) stimulent la respiration et inhibent la
synthèse d'ATP (figure 8.1b). Ces drogues sont appelées des découplants car, comme
dans le débrayage d'une voiture, elles libèrent le système moteur du reste de la
machine. La réaction d'oxydation ainsi libérée, fortement exergonique, est stimulée
et fonctionne à sa vitesse maximum. Cet effet des découplants suggère qu'ils dissi-
pent un état énergétique intermédiaire entre l'énergie redox et le potentiel phosphate.
L'expérience reportée sur la figure 8.1c montre que l'oligomycine prévient la stimu-
lation de la respiration par ajout d'ADP mais est sans effet sur l'action des décou-
plants, indiquant ainsi qu'elle inhibe l'utilisation de l'énergie pour la synthèse de
l'ATP sans toutefois la dissiper. Par la suite il a été montré, à l'aide de mutants de
levure, que cet inhibiteur se fixe sur le secteur membranaire Fo de l'ATP synthase et
inhibe le canal à protons de ce complexe.

Mitochondries Mitochondries
Substrat respiratoire Substrat respiratoire
ADP Découplant

0 Temps Temps

[02] + Mitochondries Mitochondries


Oligomycine Substrat respiratoire
Substrat respiratoire Valinomycine
i Découplant Oligomycine
ADP

0 Temps 0 Temps

8.1 - Schémas de mesures de la respiration de mitochondries isolées par polarographie


160 BIOÉNERGÉTIQUE

La valinomycine est un dodécapeptide cyclique, soluble en milieu hydrophobe, for-


mant spécifiquement un complexe avec le K4+. Elle perméabilise ainsi les membranes
à l'ion potassium ; c'est donc un ionophore spécifique de K+. L'addition de valinomy-
cine à une préparation de mitochondries incubées dans un milieu contenant du phos-
phate de potassium et un substrat respiratoire stimule la respiration (figure 8.1d). Ce
phénomène correspond à une accumulation du sel de potassium dans la matrice contre
son gradient de concentration (cf. § 8.3.2). L'oligomycine n'inhibe ni la respiration ni
l'accumulation du sel. Le découplant par contre empêche totalement cette accumula-
tion. Ces expériences indiquent que l'état énergétique intermédiaire mentionné ci-des-
sus peut être utilisé au transport actif des ions. Des expériences analogues sont réalisées
avec Ca2+ à la place de K4+. Avec les mitochondries de cœur, l'addition d'un ionophore
n'est pas nécessaire car la membrane possède un transporteur pour Ca2
En conclusion, il apparaît que la chaîne respiratoire se comporte comme un trans-
ducteur d'énergie, convertissant l'énergie redox en une énergie pouvant donner
lieu à une synthèse d'ATP, un transport actif de cation ou être dissipée par des
découplants.

8.2. EXPLICATION CHIMIOOSMOTIQUE


La recherche de la deuxième moitié de ce siècle en bioénergétique a été dominée par
l'essai d'identification de l'énergie intermédiaire liant l'oxydation à la phosphorylation. Plusieu

plus qu'un intérêt historique, mais qui à l'époque ont nourri le débat scientifique. En
1961 Peter MITCHELL proposa une explication nommée théorie chimioosmotique qui
choqua par sa nouveauté car elle postulait que les membranes de mitochondries, de
thylakoïdes ou de bactéries transduisaient l'énergie chimique en énergie osmotique
et réciproquement. Nous verrons successivement les principes de la théorie, les idées
qui ont été à la base de son énoncé et les bases expérimentales qui ont permis son
acceptation par la communauté scientifique. Nous verrons aussi le contenu de débats
contradictoires et les limitations de cette théorie qui doit être considérée, comme toute
théorie, comme un cadre de réflexion et de discussion et non pas comme un dogme.

8.2.1. PRINCIPES ET BASES THÉORIQUES

> La chaîne des transporteurs d'électrons dans la membrane transductrice est orga-
nisée de telle manière qu'elle couple les réactions d'oxydoréduction à un mouve-
ment transmembranaire des protons dans le sens inverse de leur potentiel. Ce
mouvement s'établit de l'intérieur de la mitochondrie vers l'espace intermembranaire, ou au

différence de potentiel électrochimique transmembranaire en protons,1


le
avec :
i-e = i-e - 2,3/i-e
8 - OXYDATIONS PHOSPHORYLANTES 161

Rappelons que l'indice i - e signifie que cette relation correspond à la différence


entre les potentiels interne et externe à la membrane interne ; il est aussi à noter
que les valeurs absolues des deux termes de l'expression s'ajoutent, car le premier
est négatif et le second positif. Dans les mitochondries la contribution du pH est
faible, la situation est inverse pour les chloroplastes. µH+ s'exprime en joules par
mole. Le rapport µH+/F est appelé force protonmotrice, elle est exprimée en volts.
> L'ATP synthase est un complexe qui peut fonctionner réversiblement :
soit en synthétisant l'ATP par couplage avec la réentrée des protons dans le sens
de leur potentiel électrochimique.
soit en utilisant l'ATP et permettant ainsi le transfert des protons contre leur
potentiel.
Dans le premier cas le µH+ est l'élément moteur, dans le second cas c'est le poten-
tiel phosphate qui entraîne le mouvement des protons. Comme pour toutes les
réactions réversibles, c'est la différence entre les vitesses aller et retour qui donne
la direction du flux.
> La membrane transductrice est peu perméable aux protons (pour les autres cations
voir § 8.3.2), ce qui permet l'établissement d'un fort µH+ Cependant cette per-
méabilité n'est pas nulle et, comme nous le verrons, elle dépend des conditions
expérimentales ou physiologiques. Sous l'action de la force protonmotrice, les pro-
tons diffusent dans le sens de leur potentiel avec production de chaleur.
> La composante électrique de la force protonmotrice peut être utilisée à l'entrée
d'autres cations.
Le schéma des transductions est représenté sur la figure 8.2. Pour un état stationnaire
donné, le flux de réentrée des protons par les différents systèmes (perméabilité pas-
sive, synthèse d'ATP, transports) est égal au flux de sortie par la chaîne respiratoire,

Chaîne respiratoire ATP synthase


G oxydoréduction potentiel phosphate
,
µH+
Dissipation de l'énergie Transports ioniques
production de chaleur potentiels électrochimiques

8.2 - Schéma des transductions d'énergie dans la mitochondrie

L'élaboration de la théorie chimioosmotique par P. MITCHELL a été fondamentale pour


le développement de la bioénergétique mais également intéressante du point de vue
de la philosophie des sciences. En effet, une théorie scientifique est élaborée selon
deux processus différents : soit un système explicatif est établi à partir d'un ensemble
de faits expérimentaux, soit à partir d'un certain nombre de concepts, on imagine une
théorie qui sera dans un deuxième temps soumise à l'expérience. C'est cette seconde
attitude qui fut celle de P. MITCHELL, ce qui a permis de diriger la recherche vers un
champ entièrement nouveau. Il est évident que cette démarche n'a de sens scienti-
fique que dans la mesure où la nouvelle théorie peut se prêter à l'expérimentation.
Cela a été la grande force de la théorie chimioomotique.
162 BIOÉNERGÉTIQUE

Les premiers concepts à la base de la théorie datent de 1958 et ont été plus récem-
ment présentés sous forme d'une revue (P. MITCHELL, 1979). Parmi ceux-ci nous en
soulignerons trois :
> l'enzyme est un conducteur de ligands ;
> la translocation de groupes permet la transduction de l'énergie chimique en éner-
gie osmotique ;
> on peut établir une analogie entre les chaînes d'oxydoréduction et la pile à com-
bustion.
Le premier point a été évoqué au § 5.4.1, il correspond à l'idée que les substrats et les
produits de la réaction ont accès au site catalytique de l'enzyme par des voies diffé-
rentes. Substrats et produits cheminent dans l'enzyme par des canaux qui leur sont
propres. Cette idée, comme nous l'avons vu, est à la base du concept de canalisation.
La deuxième question fondamentale que s'est posé P. MITCHELL est de comprendre com-
ment une réaction osmotique peut être couplée à une réaction chimique, d'où l'idée de
translocation de groupe que nous présentons ici. Considérons la réaction chimique
A-B + C — A + B-C qui correspond à un transfert du groupe B de A sur C ; la force
permettant la réaction est son affinité chimique. Si nous admettons que la réaction s'ef-
fectue en milieu anisotrope et plus particulièrement dans une membrane, on peut se
trouver dans la situation où A-B accède au site catalytique par une face de la membrane
et B-C par l'autre face. On a alors couplé une réaction chimique scalaire à une réaction
vectorielle par translocation du groupe B. Cette réaction correspond à une transduc-
tion d'une énergie chimique en énergie osmotique comme l'indique le schéma 8.3.

A-B- —— ABC—— BC

8.3 - Translocation de groupe de part et d'autre d'une membrane

Un exemple est le mécanisme par lequel les bactéries importent des sucres tout en les
phosphorylant. On trouvera le détail de ce mécanisme catalysé par les phosphotrans-
férases dans le livre de E. SCHECHTER déjà cité. En bref, comme illustré dans la figure 8.3,
le sucre se présente par la face externe de la membrane plasmique et le donneur de
phosphate par la face interne ; au centre catalytique le sucre est phosphorylé et cana-
lisé vers l'intérieur de la bactérie. Ce qui est remarquable dans ce système est que l'on
peut reconstituer la réaction de phosphorylation du sucre avec les composantes enzy-
matiques solubilisées, donc dans un milieu homogène, et par conséquent en absence
de transport. C'est la disposition particulière et asymétrique des protéines dans la
membrane qui est à l'origine du couplage entre les réactions scalaire et vectorielle.
La troisième idée à la base de la théorie chimioosmotique est liée au fonctionnement
de la pile à combustion. Dans ce montage la réduction du dioxygène en eau est réa-
lisée en deux demi-réactions :
2 2H2 — 4 H + + 4 e - 4e + O2 202-
8 - OXYDATIONS PHOSPHORYLANTES 163

Comme indiqué sur la figure 8.4a, l'oxydation de l'hydrogène gazeux au niveau d'une
électrode métallique libère les électrons dans la phase métallique et les protons dans
la phase aqueuse ; parallèlement le dioxygène est réduit sur une autre électrode par
les électrons venant du métal pour libérer O2- Les deux demi-réactions sont favori-
sées par l'existence d'une continuité dans la phase aqueuse qui permet la consom-
mation des produits des réactions en eau. Par contre, la discontinuité entre les phases
métalliques permet l'établissement d'une différence de potentiel électrique entre les
deux électrodes. Ce système est donc une source d'électricité. Il s'agit d'un montage
dont les principes sont identiques à ceux décrits au § 4.1.
Conducteur
de protons H2 1/202

2 H + — —H2O
2 H4 01
a - Pile à combustible
ou source d'électricité

2e- 2e-
;
© ®
Électrodes métalliques
H2 1/2 O2
+
2H
2 —H2O
2H++ -

b - Source de proticité

2e-
;y"
2e- f
Eau Eau
2e- -

8.4 - Structures comparées d'une source d'électricité (a) et d'une source de proticité (b)
(d'après P. MITCHELL)

P. MITCHELL imagine un montage où les phases continue et discontinue sont inver-


sées. Les deux électrodes sont reliées entre elles par un conducteur métallique, for-
mant ainsi une seule phase continue, et une discontinuité est introduite dans la phase
aqueuse ne rendant plus possible le transfert des protons de leur site de production
vers leur site de consommation (figure 8.4b). Il s'en suit la formation d'une différence
de potentiel électrochimique en protons entre les deux compartiments : on obtient
ainsi une source de proticité.
Ces concepts sont à la base de la notion de boucle d'oxydoréduction (figure 8.5). Les
hydrogènes sont transférés de la face matricielle de la membrane interne des mito-
chondries vers la face intermembranaire ; seuls les électrons poursuivent un trajet les
conduisant à la face matricielle ; ils peuvent alors, selon le segment de la chaîne res-
piratoire considéré, soit réduire le dioxygène, soit réduire un transporteur capable
d'accepter des protons de la matrice. Nous voyons que cette boucle fait appel à la
164 BIOÉNERGÉTIQUE

notion de conduction de ligand, à celle de continuité dans le transport des électrons


mais de discontinuité dans celui des protons. Selon cette théorie la boucle serait réa-
lisée par une alternance de transporteurs
2H+ AH2
d'équivalents hydrogène (flavines ou
Extérieur Intérieur
quinones) et de transporteurs d'électrons
sans proton (protéines fer-soufre ou cyto-
2e- chromes).
Membrane
8.5 - Exemple de boucle d'oxydoréduction
Comme nous le discutons dans les paragraphes suivants, si la notion de force protonmotrice com

et de phosphorylation est généralement admise, par contre celle de boucle d'oxydo-


réduction ne s'applique pas, sauf pour certains sites de conservation de l'énergie. Elle
a été remplacée par la notion de pompe à protons.

8.2.2. BASES EXPÉRIMENTALES

Dans les paragraphes ci-dessous nous présentons les expériences montrant que, d'une
part, la chaîne respiratoire et l'ATP synthase couplent les réactions chimiques à un
mouvement transmembranaire en protons, créant ainsi (ou utilisant) un µH+ et que,
d'autre part, cette force est bien impliquée dans le couplage entre oxydation et phos-
phorylation. Dans le paragraphe 8.3 nous verrons le rôle de cette force proton motrice
dans les mécanismes de transport.

8.2.2.1. Mise en évidence d'un flux de protons


associé aux réactions chimiques
Le couplage entre réactions chimiques et transfert des protons peut être montré, soit
directement par l'existence d'un flux de H4 à l'état préstationnaire soit indirectement
par la mesure d'un µH+ à l'état stationnaire. A l'état préstationnaire, les mitochondries sont inc

mycine et d'un substrat respiratoire ; l'addition de KC1 et de valinomycine permet de


maintenir le potentiel transmembranaire le plus bas possible (§ 8.3.2.4). Une électrode
à pH plonge dans la suspension. Lorsque le système est stabilisé (c'est-à-dire pour
un µH4 nul) une petite quantité d'oxygène est ajoutée sous forme d'un faible volume
de milieu saturé en O2.

Temps Temps

8.6 - Acidification du milieu extérieur après un pulse d'oxygène (a) ou d'ATP (b)
8 - OXYDATIONS PHOSPHORYLANTES 165

Comme indiqué sur la figure 8.6 cet ajout induit une rapide acidification du milieu
extérieur suivie par une phase de relaxation plus lente qui se produit lorsque tout 02
est consommé. Par extrapolation de ces courbes et connaissant la quantité d'O2 ajouté,
il est possible d'approcher la stœchiométrie H/O dans la mesure où, dans les condi-
tions initiales de l'expérience, la force protonmotrice est nulle et donc le retour des
protons par perméabilité passive est nul ; le flux net mesuré correspond dans ces
conditions initiales à la vitesse de sortie des protons. Par contre l'addition d'un décou-
plant avant l'ajout d'O2 prévient l'acidification du milieu ; effectuée pendant la phase
de relaxation elle provoque une accélération du retour au pH initial en accord avec
une augmentation de la perméabilité de la membrane aux protons par les découplants
(cf. ci-dessous). Des expériences similaires sont réalisées pour l'ATP synthase pour
lesquelles l'ajout d'une petite quantité d'ATP remplace celui d'O2. Le découplant ne
permet pas un retour total au pH initial, car une partie de l'acidification est due à la
réaction d'hydrolyse et n'est pas liée au phénomène vectoriel (cette acidification
dépend de l'ionisation de l'ion phosphate et est donc fonction du pH, cf. § 3.1.2).

8.2.2.2. Mesure de la force protonmotrice


A l'état stationnaire de respiration le potentiel électrochimique en protons µH est
constant, ce qui signifie que le flux entrant de H+ est égal au flux sortant (le flux net
est nul). Par contre µH+ n'est pas nul et sa mesure traduit le fonctionnement des
pompes à H+ On mesure par la distribution à l'équilibre d'un cation radioactif
entre l'intérieur et l'extérieur d'un compartiment (matrice et espace extramatriciel)
et pH par celle d'un acide faible lorsque le compartiment interne est plus alcalin que
l'extérieur (mitochondries) ou d'une base faible losqu'il est plus acide (chloroplastes).
Pour mesurer on peut utiliser l'ion rubidium (Rb+) en présence de valinomycine
qui, comme l'ion potassium, permet l'équilibration du cation de part et d'autre de la
membrane :
i-e = - RT/F In [Rb+t./IRbe.rt.
On déduit la valeur de la différence de potentiel électrique transmembranaire de la
mesure des concentrations intra- et extra-matricielles des mitochondries (cf. chapitre 7
pour la mesure des volumes).
Pour mesurer le pH dans les vésicules dont l'intérieur est plus alcalin que l'exté-
rieur on utilise les acides faibles : en effet, la forme diffusante étant l'espèce non-dissociée (chapitr

part et d'autre de la membrane, ce qui correspond à une plus forte concentration en


forme ionisée (donc en quantité totale) dans la vésicule. Le raisonnement symétrique
s'applique pour les vésicules dans lesquelles l'intérieur est l'espace le plus acide ; on
utilise alors une base faible comme traceur. Le calcul ci-dessous correspond à la dis-
tribution d'un acide faible entre les compartiments interne i et externe e.

[AH] [A-] + [H+] avecKa=[^-][V[+]/[AH}


[AT] = [A- + [AH] soit [AT] = [AH] (1 + K a / t H + ] )
166 BIOÉNERGÉTIQUE

[AT], , [ A H ] i(1+Ka/[H-]i)à équilibre de diffusion [AH] i= [AH]e


[AT]e [ A H ] e( 1 + K a[ H + ] e )
[AT]i 1+Ka / [ H + ] i [AT], 1 1 / 1 1
d'où = - — ; en divisant par Ka - = +—— +
[AT]e 1+Ka/[H+]e [AT]e Ka [ H + ] i/K a[H+]e
[AT],
si Ka » [H+], log = pHi-e

Les traceurs sont toujours utilisés à faible concentration afin de ne pas modifier la com-
posante électrique ou celle de concentration du µH+ ; ils ne doivent être ni transpor-
tés activement, ni métabolisés. Dans les deux cas il est nécessaire de mesurer le volume
extra-matriciel (externe plus intermembranaire) et celui occupé par la matrice de sorte
à traduire les quantités mesurées en concentrations. Pratiquement, pour mesurer la
différence de concentration du marqueur (de pH ou de AT) entre la matrice et l'ex-
térieur, on incube les mitochondries avec ce traceur radioactif, de l'eau tritiée et du
14C-saccharose pour mesurer l'espace extramatriciel. Après centrifugation les espaces
sont mesurés comme décrit au § 7.1.3. L'activité spécifique du traceur est mesurée dans
le surnageant ainsi que son activité totale dans le culot. Connaissant le volume de sac-
charose du culot, il est possible de calculer la radioactivité du traceur dans l'espace
extra-matriciel en admettant que son activité spécifique soit la même que celle du sur-
nageant. En soustrayant cette valeur de la radioactivité totale due au traceur dans le
culot on obtient celle contenue dans la matrice et on en déduit sa concentration.
En utilisant ces méthodes les valeurs, exprimées en volt, obtenues sur des mito-
chondries isolées de foie de rat sont d'environ :
2,3RT/Fp He-i µH+/F
état 4 0,040V 0,180V 0,220V
état 3 0,030V 0,150V 0,180V
Nous donnons ci-dessous un exemple de mesure :
Une préparation mitochondriale est incubée, à raison de 20 mg de protéines, dans 1 mL
de milieu contenant 1 I0 7 dpm (désintégration par minute) de 14C-saccharose et 1.10
d'eau tritiée. La préparation est centrifugée et la radioactivité est mesurée, par double
comptage, dans le surnageant et dans le culot mitochondrial, qui a été préalablement remis
en suspension dans un volume connu de solution non-radioactive. On exprime la radio-
activité du surnageant en dpm.µL-1 (cf. § 7.1.4). Elle est de 10 000 pour le saccharose et
1 000 pour l'eau tritiée. La radioactivité du surnageant est 60 000 dpm pour le saccharose
et 700 000 dpm pour l'eau. Ces résultats donnent un espace saccharose (c'est-à-dire exté-
rieur à la membrane interne) de 600 000/10 000 soit 60 µL et un espace eau (espace total
du culot) de 70 000/1 000 soit 70 µL. L'espace matriciel est de 70 - 60 - 10 µL. soit 0,5 µL
par mg de protéines mitochondriales.
La préparation mitochondriale est incubée dans les mêmes conditions, soit avec l O µ L rubi-
dium radioactif (86Rb), soit avec 10 µL d'acétate tritiée. Après centrifugation, on mesure comme
précédemment la radioactivité spécifique du surnageant qui est de 100 dpm.µL" 1 pour le
rubidium et de 1000 dpm. µL pour l'acétate. Le nombre de dpm de 86Rb mesuré dans le
culot est 1 006 000 ; compte tenu que la radioactivité de l'espace saccharose est 100 x 60, la
radioactivité contenue dans la matrice est 1.10'1 pour 10 µL ; le rapport 86Rb matriciel/ 86Rb
externe est donc 1.103. En appliquant la relation AH - - 60 log [Cint] / [Cext.] on obtient -180 mV.
8 - OXYDATIONS PHOSPHORYLANTES 167

Dans l'expérience contenant de l'acétate, le culot contient 91600 dpm de tritium. La part
due à l'espace extramatriciel est de 1000 x 60, soit 31 600 dpm pour les 10 µL de la matrice.
L erapot[Ain.]/[Aext.]est de 3,16. En appliquant la relation pH = log [A int.]/[A ext.]
le pH est de 0,5 soit 30 mV.
Dans ces expériences il est préférable de travailler le plus possible en double marquage de
manière à vérifier la valeur de l'espace extramatriciel. Les activités spécifiques des traceurs
doivent être ajustées en fonction de résultats préliminaires.
Le tableau montre que la force protonmotrice est plus faible à l'état 3 qu'à l'état 4, ce
qui est conforme à l'hypothèse selon laquelle elle est le lien entre respiration et syn-
thèse d'ATP et de ce fait participe au contrôle de la vitesse de respiration. Quel que
soit l'état stationnaire considéré, le terme électrique est prépondérant devant le terme
de concentration. La situation est inversée dans les chloroplastes (chapitre 10).
Il existe des méthodes rapides, mais semi-quantitatives, qui permettent d'enregistrer
les variations de potentiel. Nous en citerons deux :
> Certaines substances fluorescentes répondent aux variations de potentiel. La figure 8.7
représente des enregistrements d'intensité de fluorescence de la rhodamine 123 ;
celle-ci diminue lorsque le potentiel transmembranaire augmente. Ce composé est
un cation organique s'accumulant dans la matrice sous l'effet du A1 et l'augmenta-
tion de la concentration a pour effet de diminuer l'intensité de fluorescence en pri-
vilégiant les transferts d'énergie intermoléculaires par rapport à l'émission lumineuse.

Substrat respiratoire Substrat


Mitochondries Mitochondries

ADP

ADP Découplant 0 igomOligomycine


Temps Temps

Inhibiteur de la
chaîne respiratoire Substrat resp iratoire
Mitochondries Mitochondries

ATP

Découplant KCl 1 + valinomycine


Temps Temps

8.7 - Schémas d'enregistrements de variations de fluorescence de la rhodamine 126


La décroissance de la fluorescence correspond à une accumulation de la rhodamine
dans la mitochondrie.
On observe, selon les conditions appliquées aux mitochondries, des variations de
la force protonmotrice que l'on peut comparer aux variations du flux respiratoire

respiratoire
Découplant
168 BIOÉNERGÉTIQUE

décrites sur la figure 8.1. L'extinction de fluorescence due aux mitochondries, en


présence d'un substrat respiratoire, est partiellement reversée par une petite quan-
tité d'ADP (a), ce qui correspond à une diminution de la force protonmotrice durant
la synthèse nette d'ATP et à une stimulation de la respiration ; cet effet est inhibé
par l'oligomycine (b). Les découplants (a, b, c), ou la valinomycine en présence de
KCl (d), stimulent la fluorescence en consommant A1 par des processus explicités
ci-dessous. Enfin on peut vérifier par cette technique qu'il est possible de générer
une force protonmotrice par addition d'ATP en l'absence de respiration.
> Les électrodes spécifiques (en général à un cation organique comme le TPP+ (tri-
phénylphosphonium), qui donnent à chaque instant la concentration dans le milieu
extérieur en cation, permettent de suivre simplement l'évolution du En effet
cette concentration varie avec l'état métabolique des mitochondries puisque le
cation s'équilibre entre l'intérieur et l'extérieur de l'organelle selon la relation de
NERNST ; on peut ainsi en déduire la quantité d'ion accumulé dans l'organelle.
Ces méthodes présentent l'avantage d'être rapides mais elles ne sont que qualitatives
tant qu'une correspondance exacte entre signal et potentiel transmembranaire n'a pas
été établi. D'autre part certaines représentations sont trompeuses pour un lecteur non-
averti lorsque l'échelle de l'amplitude du signal est logarithmique.

8.2.2.3. Découplage et protonophores


Le mode d'action des découplants a été un élément clé versé au dossier de la théorie
de MITCHELL. En effet ce sont des acides faibles mais qui, contrairement aux métabolites,

de charge (cf. chapitre 2). Cette propriété leur permet de diffuser aussi bien sous leur
forme anionique que sous leur forme non-dissociée, et donc d'augmenter la per-
méabilité de la membrane aux protons (figure 8.8). Le sens du flux net en protons est
fonction de la force qui s'exerce de part et d'autre de la membrane. Par exemple, la
forme anionique du découplant est expulsée de la mitochondrie à l'intérieur de laquelle
le potentiel est négatif ; par contre le pH est en faveur d'une entrée de la forme acide.
Ainsi les découplants catalysent une entrée nette de protons qui dissipe le µH+ ce
que l'on vérifie dans les expériences de pulses d'oxygène ou d'ATP décrites au § 8.2.2.1.
Ils sont appelés protonophores pour les distinguer
ur 11 intérieur d'autres drogues à action découplante et agissant
+ - par des mécanismes différents.
+ —
+ — H+ 8.8 - Mode d'action des découplants
+ -
<t>H, forme protonée, forme anionique

8.2.2.4. Synthèse d'ATP sous l'effet d'une force protonmotrice


créée artificiellement
La démonstration que la force reliant fonctionnellement les oxydations à la syn-
thèse de l'ATP est la force protonmotrice a été apportée par COCKRELL. Il réalisa des
8 - OXYDATIONS PHOSPHORYLANTES 169

expériences dans lesquelles la création d'un p.H4 artificiel induisait la synthèse de


l'ATP. Des mitochondries préchargées en sel de potassium sont incubées dans un
milieu dépourvu de ce sel, en présence d'ADP et de Pi et dans des conditions où la
respiration est totalement inhibée. L'addition de valinomycine induit une sortie de
K+ et une synthèse d'ATP. L'explication de cette expérience est que la sortie électro-
génique de K4' crée un reconnu par l'ATP synthase, comme indiqué dans la
figure 8.9. L'important, d'un point de vue thermodynamique, est la valeur du µH+
et non pas la nature des termes qui la composent ( ou pH). Par contre, la vitesse
de synthèse d'ATP est lente car très
fortement contrôlée par l'entrée du ATP
phosphate, elle même dépendante, Valinomycine
comme nous le verrons, du pH.

8.9 - Synthèse d'ATP induite ATP synthase/


/V ADP
par un flux sortant d'ions potassium + +\

II est à noter qu'en absence d'ADP l'addition de valinomycine n'induit qu'une faible
sortie de K+ car le flux s'annule lorsque l'équilibre de NERNST pour ce cation est
obtenu ; par contre, en présence d'ADP, la consommation du par l'ATP synthase
induit une sortie de K , ce qui correspond à une transduction de p.K4' en Gp. En fait
+

les premières expériences de ce type ont été réalisées sur les chloroplastes dès 1966
par JAGGENDORF et coll. qui montrèrent que la création d'un pH artificiel permet-
tait d'induire une synthèse d'ATP (chapitre 10). De nombreuses expériences ont été
réalisées ultérieurement, soit dans le cas des oxydations phosphorylantes soit dans
celui des photophosphorylations.

8.2.2.5. Les interactions moléculaires ne sont pas indispensables


La théorie prédit que les interactions moléculaires entre chaîne respiratoire et ATP
synthase ne sont pas nécessaires. Effectivement il est possible de reconstituer dans
des liposomes des systèmes fonctionnels en utilisant un complexe respiratoire pro-
venant d'un organisme animal et une ATP synthase d'un chloroplaste par exemple.
Il est aussi possible de réaliser une synthèse d'ATP par des liposomes contenant uni-
quement de l'ATP synthase en créant un artificiel. Toutefois l'efficacité de ces sys-
tèmes reconstitués est très nettement inférieure à celle des membranes naturelles et
les interactions physiques entre complexes mitochondriaux semblent bien exister.
Dans ce contexte il a été observé que l'ajout progressif d'un inhibiteur de la chaîne
respiratoire provoque la même inhibition de la respiration et de la synthèse d'ATP,
sans qu'il y ait une décroissance notable du µH+ dans la mesure où l'inhibition ne
dépasse pas 60%. Cette observation peut avoir plusieurs explications non-exclusives
les unes des autres :
> la synthèse de l'ATP est sensible à de très faibles variations, non-détectables, du
µH+ (il peut agir non seulement comme force mais aussi comme effecteur modu-
lant les paramètres cinétiques de l'enzyme) ;
170 BIOÉNERGÉTIQUE

> il existe des interactions moléculaires entre les unités de la chaîne respiratoire et
l'ATP synthase de sorte que l'inhibition de l'une affecte l'autre ;
> les protons empruntent un micro-circuit transmembranaire en passant directement
des complexes respiratoires à l'ATP synthase sans transiter par la phase aqueuse.
Cette dernière hypothèse implique que la mobilité des protons dans la membrane
et aux interfaces soit supérieure à leur vitesse de diffusion dans la matrice.
Malheureusement il est difficile de tester ces différentes hypothèses, contrairement
à ce que nous venons de voir pour les principes essentiels de l'explication chimioosmotique

différents complexes membranaires et entre ces complexes et les déshydrogénases.

8.2.2.6. Relations entre les flux et les forces


Un fait qui a longuement été discuté est l'absence d'une relation univoque entre la
vitesse de respiration et la valeur du µH+4. En effet, dans la mesure où µH+ était le
seul intermédiaire entre respiration et phosphorylation, certains auteurs pensaient
qu'à un µH+ donné ne pouvait correspondre qu'une seule valeur de la respiration.
La figure 8.10 montre qu'il n'en est pas ainsi. Les relations sont différentes lorsque le
µH+ est modulé soit par la concentration en découplant, soit par la concentration en
Pi (qui module elle-même la vitesse de synthèse de l'ATP). Des relations différentes
sont aussi obtenues lorsque le flux respiratoire est modulé par un flux entrant d'un
cation (obtenu par exemple en présence d'ion potassium et à différentes concentra-
tions en valinomycine, cf. § 8.3.2).
Jo

La respiration JO est modulée


par la vitesse de synthèse de l'ATP (1)
ou par la concentration en découplant (2)

100 200 µH +/ F[ m V I
8.10 - Exemple de relations flux-force

Ce résultat n'est toutefois pas surprenant pour au moins deux raisons.


> Le µH+ n'est pas la seule grandeur thermodynamique contrôlant la vitesse de
respiration ; il faut prendre aussi en compte le potentiel redox et le potentiel phos-
phate ; lorsque l'ATP synthase n'est pas inhibée le flux respiratoire s'écrit :
Jo = LooGo+LopGp+LoHµH
Jo représente le flux respiratoire et L les différents coefficients phénoménologiques
(cf. § 1.2.6) ; il est évident que l'étude des effets d'une variation de µH sur la res-
piration n'a de sens que si les autres forces restent constantes.
> Les conditions expérimentales utilisées pour moduler la respiration par un moyen
ou un autre étant différentes, les contraintes cinétiques s'exerçant sur la chaîne ne
8 - OXYDATIONS PHOSPHORYLANTES 171

sont pas obligatoirement les mêmes et la réponse de celle-ci à des forces égales
peut être différente. Dans l'expression thermodynamique cela est traduit par le fait
que les flux sont liés aux forces par les coefficients phénoménologiques L qui ne
sont pas des constantes et dont la valeur peut dépendre de l'état stationnaire consi-
déré. En effet ces coefficients englobent différents paramètres du système (et évi-
demment ceux correspondant aux contraintes cinétiques) à l'exclusion de la force
à laquelle ils sont directement associés. Il a ainsi été montré, sur des mitochondries
de levure, que les relations entre le flux respiratoire et la force protonmotrice, modu-
lée soit par la vitesse de synthèse de l'ATP soit par un protonophore mais en pré-
sence d'ATP et d'oligomycine pour bloquer sa synthèse ou son utilisation par
l'ATP synthase, étaient identiques. Cette expérience montre que l'ATP, en tant
qu'effecteur et non pas substrat, module la réponse de la chaîne respiratoire à la
force protonmotrice.

8.3. PERMÉABILITÉ DE LA MEMBRANE INTERNE


ET SYSTÈMES DE TRANSPORT

8.3.1.ETUDES PAR LES TECHNIQUES DU GONFLEMENT


DES MITOCHONDRIES

Le comportement des mitochondries en milieu isoosmotique permet d'étudier les


propriétés de perméabilité de la membrane interne. En effet, en pénétrant dans la
matrice le soluté diminue l'activité interne de l'eau et il s'en suit un gonflement de la
mitochondrie dû à cette entrée d'eau. Les expériences sont en général effectuées en
l'absence de respiration ou d'énergie provenant de l'ATP, il s'agit donc de gonflements
passifs.
Le gonflement des mitochondries dans une solution isoosmotique d'un sel nécessite
que la membrane interne soit perméable à l'anion et au cation et que l'ensemble du
mouvement de matière soit électroneutre. Lorsque des mitochondries de foie de rat
sont mises en suspension dans une solution d'un sel de potassium isoosmotique (on
ajuste la concentration en fonction de la valence du sel, elle est d'environ 0,125 M
pour KCl) contenant les inhibiteurs de la chaîne respiratoire et de l'ATP synthase, il
n'y a pas de gonflement car le sel ne pénètre pas. L'ion potassium, dans ces condi-
tions, ne diffuse pas à travers la membrane et il est nécessaire d'ajouter un ionophore,
la valinomycine, qui perméabilise la membrane à K +(l'absencede pénétration du
cation est due aux conditions particulières de ces expériences ; voir aussi § 8.3.2).
Selon la nature du sel on obtient ou non un gonflement des mitochondries. L'ion thiocyanate et l'io

induit un gonflement. Comme les concentrations en K+ interne et externe sont du


même ordre, la force permettant l'entrée du sel est le gradient anionique. Par contre
l'ion chlorure ne pénètre pas (en absence d'énergie respiratoire), suggérant que cet
anion ne diffuse pas dans ces conditions.
172 BIOÉNERGÉTIQUE

La valinomycine seule n'induit pas de gonflement dans l'acétate de potassium ; pour


l'obtenir il faut ajouter un découplant qui perméabilise la membrane aux protons
(figure 8.11). Cela indique que la forme non-dissociée (en l'occurence l'acide acétique)
est la forme perméante ; en effet, l'additon du découplant permet l'équilibre ionique
en assurant le libre passage des protons (élecroneutralité du processus). D'une façon
générale il en est de même pour tous les acides et les bases faibles. L'addition de nigéricine seu

branes biologiques, induit un gonflement des mitochondries en acétate de potassium.


Membrane interne Membrane interne
+ Nigéricine
0- —— —— —— - —— K+
Découplant
-———————-
AH AH H+ H4 A H AH H+

A- A- A-
Valinomycine
K+ —————+—— K+

8.11 - Mécanisme de pénétration d'un sel de potassium d'acide faible (AH) en milieu
osmotique induit soit par un découplant () et la valinomycine (a), soit par la nigéricine (b)

Le gonflement des mitochondries en phosphate de potassium nécessite, comme dans


le cas des acides faibles, l'addition soit de valinomycine plus un découplant, soit de
nigéricine. Ce résultat indique que la forme perméante est l'acide phosphorique.
Comme celle-ci n'existe quasiment pas aux pH physiologiques (pK1 = 2, pK2 = 6.8,
pK.3 = 12,5) un cotransport phosphate/proton par un transporteur spécifique a été
suggéré.
Les mitochondries gonflent spontanément dans une solution isoosmotique d'acétate
d'ammonium alors qu'elles ne gonflent pas dans des solutions de chlorure, de thiocyanate ou

Membrane interne quent par le fait que l'ammoniaque diffuse sous la


NH3 forme non-chargée (forme lipophile) ce qui assure
l'électroneutralité du processus en acétate mais pas
en thiocyanate ou en nitrate (figure 8.12).

8.12 - Mécanisme de pénétration,


AH -AH en milieu isoosmotique d'un sel d'ammonium
d'acide faible dans les mitochondries

Le gonflement est spontané en phosphate, ce qui confirme les résultats obtenus en solu-
tion isoosmotique de potassium. Cette technique de gonflement, exploitée par le groupe
de B. CHAPELL, a permis de mettre en évidence un certain nombre de transports dans
8 - OXYDATIONS PHOSPHORYLANTES 173

la mitochondrie et notamment pour les intermédiaires du cycle de KREBS (figure 8.13).


Les mitochondries gonflent dans des solutions isoosmotiques de malate ou de succinate d'ammon

tée, ce qui suggère un échange phosphate /malate ou phosphate/succinate. Cet échange


est inhibé par le butylmalonate mais également par les réactifs des groupements thiols
des protéines qui sont inhibiteurs du transport du phosphate. Le fumarate ne pénètre
pas dans les mitochondries de mammifères contrairement à celles de levure. De même
un échange tricarboxylate (citrate, isocitrate, cis-aconitate) contre le malate a été démon-
tré ; le gonflement nécessite l'addition de malate et de phosphate et est inhibé par les
réactifs des thiols, le butylmalonate et les inhibiteurs spécifiques de ce transport
comme le benzène 1,2,3-tricarboxylate. On a également mis en évidence un échange
-cétoglutarate/malate.

NH3 ——— —— NH3


NH4+
1 - transporteur — H+
de phosphate Pi- —— Pi- -
2 - transporteur Dicarboxylate2- —— ——
des dicarboxylates
2
—— Pi2
3 - transporteur boxylate3 + H+ ——
des tricarboxylates 3
—— Dicar e2--

8.13 - Mécanismes de transport de certains métabolites en sel d'ammonium

8.3.2. TRANSPORTEURS DE MÉTABOLITES

Selon le mécanisme mis en jeu les transporteurs mitochondriaux utilisent soit le terme
électrique de la force protonmotrice, soit celui de concentration (pH) ou encore les
deux. A titre d'exemples que nous traitons ci-dessous :
> le transporteur des nucléotides adényliques ou translocase, qui catalyse l'échange
électrogénique ADP3/ATP44-, utilise la composante électrique du potentiel élec-
trochimique ;
> le transporteur de phosphate, qui couple un transport électroneutre entre un pro-
ton et la forme monoanionique du phosphate, utilise le pH ;
> la protéine découplante, qui catalyse la réentrée des protons, utilise les deux termes
du potentiel µH+
L'étude de la distribution des anions à l'équilibre avec µH ou l'une de ses compo-
santes, lorsque les oxydations phosphorylantes sont inhibées, peut renseigner sur la
nature du transport (cf. ci-dessous pour le transport du phosphate et celui des adénines nucléotides). Pa

déduire leur concentration interne à partir de la concentration externe et de la valeur


de la force protonmotrice pour les raisons suivantes :
174 BIOÉNERGÉTIQUE

> l'état stationnaire de concentration en un métabolite est fonction de plusieurs flux


(entrée, sortie, consommation ou production interne) ;
> dans les exemples présentés (notamment pour le phosphate), le calcul est basé sur
une symétrie entre les constantes cinétiques d'entrée et de sortie du substrat trans-
porté, ce qui peut ne pas être le cas en présence d'énergie respiratoire. Une diminu-
tion de la valeur des constantes de sortie par la respiration peut donner lieu à une
sur-concentration en produit transporté (cela ne contredit pas les lois de la thermo-
dynamique dans la mesure où l'énergie nécessaire est apportée par la respiration).

Transport du phosphate - Les expériences de gonflement ont suggéré que le phos-


phate était transporté avec un proton de manière électroneutre. Des expériences effec-
tuées en l'absence d'énergie respiratoire et à différents pH externes montrent que
dans ces conditions le Pi s'équilibre avec le pH selon la réaction :
Pi-ext+ H+e x t—— Pi-int+ H+i n t
2
ou Pi -+ + 2 H+e x t— Pi'-int + 2 H+i n t
ce qui donne la relation :
log [Pi];nt/[Pi]ext = a pH + constante
où le coefficient a représente le degré de dissociation de l'anion phosphate. (PALMIERI
et al., 1970). Des expériences effectuées avec des protéoliposomes contenant le trans-
porteur de phosphate préalablement isolé aboutissent à la même conclusion. Ces
expériences démontrent l'existence d'un cotransport Pi-H mais ne préjugent pas des
concentrations en Pi lors du fonctionnement des oxydations phosphorylantes, comme
nous l'avons signalé précédemment.
Le transport du phosphate est inhibé compétitivement par l'anion arséniate et par tout
les acides faibles utilisant le pH comme l'acétate ou le propionate. Ce dernier a sou-
vent été utilisé pour moduler la valeur du pH. Le transporteur est inactivé par les
réactifs des thiols (mercuriels, maleimides...) à de relativement faibles concentrations
chez les mitochondries de mammifères, ce qui a permis l'identification de la molécule.
Transport des adénines nucléotides - La translocase est le transporteur assurant
l'échange électrogénique entre l'ATP et l'ADP de la matrice mitochondriale et du cytosol selon

ATP4- + ADP3-+ —— ATPext+ ADP3-


II a été montré sur des mitochondries isolées que le transporteur assure l'équilibre
entre les pools de nucléotides adényliques interne et externe et la différence de poten-
tiel électrique de part et d'autre de la membrane interne. Une relation simple peut
être établie en écrivant qu'à l'équilibre on obtient la relation :
+ - - =
IATPext ADP int HATP int I^ADP ext 0

en posant AT(D)P = AT(D)P + KT ln[AT(D)P] + n F


on obtient
RTln[ATP]ext/[ADP]ext x rADP]/[ATP] = i-e
8 - OXYDATIONS PHOSPHORYLANTES 175

Comme i-e est négatif, le rapport [ATP]/[ADP]est plus fort à l'extérieur qu'à l'in-
térieur de la mitochondrie. Ainsi, en tenant compte des concentrations en phosphate
plus élevées à l'intérieur, le potentiel phosphate est plus fort dans le cytoplasme que
dans la matrice mitochondriale. En d'autres termes, la synthèse d'un ATP dans le cytosol par la

Cette différence est due au fonctionnement du transporteur électrogénique et à


l'accumulation de Pi.
La translocase est le transporteur le plus abondant dans la membrane interne. Il existe
chez l'homme trois isoformes de cette protéine dont la distribution possède une cer-
taine spécificité tissulaire : ANT1, ANT2 et ANT3.
Deux types d'inhibiteurs ont été utilisés pour étudier le mécanisme du transport :
l'atractylate (ou son dérivé le carboxyatractylate) et l'acide bongkrékique. Pour résu-
mer une importante littérature sur le sujet, on considère que le transporteur existe
sous deux formes : l'une où le site de fixation des nucléotides est dirigé vers l'exté-
rieur (conformation c pour cytosol) et l'autre dirigé vers l'intérieur (conformation m
pour matrice). L'atractylate se fixe sur la forme c qu'il stabilise ; l'acide bongkrékique
se fixe sur la forme m qu'il stabilise. Le transport consiste en un changement de confor-
mation entre ces deux formes qui ne peut être induit que par les substrats. Ces résul-
tats sont le fruit de nombreuses études (équipes de KLINGENBERG à Munich et de
VIGNAIS à Grenoble) utilisant des méthodes chimiques ou physico-chimiques.
Protéine découplante - Contrairement aux mitochondries de foie, par exemple, les
mitochondries isolées de tissu adipeux brun (cf. chapitre 9) gonflent dans une solu-
tion isoosmotique de KCl après addition de valinomycine. De même un gonflement
est induit en acétate de potassium par la seule addition de cet ionophore alors que,
comme nous l'avons vu pour d'autres types de mitochondries, un découplant doit
être ajouté en plus de la valinomycine pour induire ce transport. Ces deux types de
gonflement sont inhibés par les purines di- ou triphosphate et par la sérum albumine
qui se combine avec les acides gras libres. Il a été postulé puis montré qu'une pro-
téine, la thermogénine, était capable de catalyser l'entrée de CL ou de H+ dans les
mitochondries dans le sens de leur potentiel électrochimique.
Acide acétique

Thermogénine Thermogénine
Cl ———————— \ —————————
Valinomycine ; Valinomycine Acétate;
K ———————— K ————————

Chlorure de potassium Acétate de potassium

8.14 - Rôle de la thermogénine (UCP) dans le mécanisme de gonflement


des mitochondries en chlorure et en acétate de potassium
Les mitochondries isolées de tissu adipeux brun, incubées en l'absence de nucléo-
tides, sont incapables de maintenir une force protonmotice, ce qui indique un décou-
plage par lequel l'énergie d'oxydoréduction est transformée en chaleur. Par contre la
176 BlOÉNERGÉTIQUE

sérumalbumine, qui se combine avec les acides gras, recouple les membranes. On en
conclut que la thermogénine est une protéine découplante, permettant le retour des
protons excrétés par la chaîne respiratoire et qu'elle nécessite des acides gras libres
pour son activité ; d'autre part, son activité est inhibée par les purines nucléotides.
Elle a reçu le nom de UCP1 pour uncoupling carrier protein et on la trouve dans les tis-
sus adipeux bruns des hibernants, des nouveaux nés et des animaux adaptés au froid.
L'UCP1 a été isolée et insérée dans des liposomes où une activité de transport de pro-
tons a pu être démontrée ; l'ubiquinone semble être nécessaire à l'activité de décou-
plage. Il existe d'autres UCP (UCP2, UCP3) dans une grande variété de tissus et leur
rôle physiologique est encore l'objet de recherches.
Autres transporteurs - Plusieurs transporteurs mitochondriaux ont été caractérisés.
Outre les transporteurs des intermédiaires du cycle des acides tricarboxyliques déjà
cités, il faut mentionner les transporteurs pour le pyruvate, le glutamate, l'ornithine,
l'échangeur aspartate/glutamate... Le génome de levure possède 37 structures assi-
milables à celles des transporteurs ; cependant, il n'est pas encore établi si elles cor-
respondent toutes à des transporteurs, ou au moins à des protéines exprimées. Il faut
noter que certains d'entre eux présentent plusieurs isoformes (trois par exemple pour
la translocase).
Structure des transporteurs mitochondriaux - Les structures des trois transporteurs
mentionnés ci-dessus, celles de leurs isoformes et celles d'un certain nombre d'autres
transporteurs (dicarboxylates, tricarboxylates, -cétoglutarate, acides aminés...) ont
été établies. Ces protéines d'environ 300 acides aminés présentent toutes une struc-
ture tripartite, chaque partie étant constituée de deux hélices transmembranaires qui
sont reliées entre elles par des boucles hydrophiles.

A B C
8.15 - Structure tripartite type d'un transporteur mitochondrial
Les acides aminés sont représentés par des cercles, les hélices transmembranaires par des
rectangles. Les fonctions figurant en gras représentent les extrémités N et C terminales.
8 - OXYDATIONS PHOSPHORYLANTES 177

II existe des similitudes entre les trois domaines d'une même protéine mais aussi entre
les domaines de différents transporteurs, ce qui suggère que ces protéines dérivent
d'une protéine ancestrale commune. La figure 8.15 représente une structure en deux
dimensions. Dans l'espace les hélices hydrophobes sont proches les unes des autres
et peuvent former une structure en tonneau avec un canal central. Récemment PEBAY-
PEYROULA et al. ont obtenu des cristaux de la forme monomérique du transporteur
des nucléotides adényliques formant un complexe avec le carboxyatractylate ; ils ont
pu résoudre leur structure à 2 A par analyse des images de diffraction aux rayons X.
Les résultats corroborent ceux obtenus par d'autres méthodes : la structure de base
est constituée de six hélices transmembranaires en structure tripartite. Le mode de
repliement des chaînes peptidiques, formant chacune de ces parties, est très compa-
rable. Le transporteur présente, sur la face supposée être dirigée vers l'espace inter-
membranaire, une vaste dépression allant jusqu'au cœur de la protéine et au fond de
laquelle est situé le site de fixation du carboxyatractylate. On suppose qu'en présence
du substrat naturel, cette structure s'ouvre transitoirement en canal. Il reste encore
des points fondamentaux à déterminer sur le plan structural car le transporteur est
naturellement sous forme de dimère et la fixation d'un carboxyatractylate sur une
sous-unité empêche sa fixation sur l'autre.
Il est intéressant de souligner que les analogies de structure entre transporteurs mitochondriaux s

exemple chez la levure, le transporteur de phosphate de la mitochondrie a une struc-


ture typique de transporteur mitochondrial, alors que celui de la membrane plasmique comporte

proche de celle des transporteurs de glucose de cette même membrane.

8.3.3. TRANSPORTEURS DE CATIONS

La force qui permet l'entrée des cations dans la matrice mitochondriale est la diffé-
rence de potentiel électrique négative à l'intérieur. Si l'on admet que le cation atteint
son équilibre thermodynamique, on obtient la relation :
- A1 = R T/n Fl o g[ C + ] 4
Pour un cation monovalent, à 25°C,prenons, pour la facilité de calcul, RT/nF = 60 mV
(le vrai chiffre est 59 mV). En admettant un potentiel de - 180 mV et en prenant les
concentrations cytosoliques de 150 mM pour K+ et de 5 mM pour Na + les concentra-
tions internes devraient être respectivement 150 M et 5 M ! Ce qui montre que le
niveau d'accumulation réel des cations reflète un état stationnaire et non pas un état
d'équilibre.

8.3.3.1. Transport des ions monovalents


II existe deux types de transporteurs pour les ions monovalents : les uniports qui per-
mettent l'entrée du cation dans le sens du gradient électrique et les antiports qui cata-
lysent l'échange entre le cation et un proton. Ces systèmes sont fortement régulés
178 BIOÉNERGÉTIQUE

sinon ils provoqueraient soit un gonflement, soit un découplage des mitochondries,


les deux phénomènes n'étant pas exclusifs. En effet on peut mimer l'effet conjoint de
l'activité de ces deux types de transport par l'addition de deux ionophores à des mito-
chondries respirantes, la valinomycine et la nigéricine.

8.16 - Action conjointe de la valinomycine et de la nigéricine (a) et de l'uniport et de


l'antiport (b) sur les mouvements de K chez des mitochondries respirantes
1 - chaîne respiratoire, 2 - valinomycine, 3 - nigéricine, 4 - uniport, 5 - antiport
Comme indiqué sur la figure 8.16, la valinomycine induit une entrée de K+ sous l'effet
du potentiel électrique créé par la chaîne respiratoire, et la nigéricine catalyse l'échange
électroneutre (donc insensible au potentiel électrique) entre K+ et H+ dans le sens de
leur différence de concentration transmembranaire ; le résultat est donc une entrée nette
de protons, ce qui correspond à un découplage (partie a de la figure). On constate le
même effet sous l'action conjointe de l'uniport et de l'antiport (partie b de la figure).
Le premier antiport à avoir été indiscutablement mis en évidence est l'échange N A/H+
dans les mitochondries de cœur. On observe un gonflement spontané des mitochon-
dries en acétate de sodium. Selon les mécanismes discutés au § 8.6, l'entrée du sel
qui provoque ce gonflement, ne peut s'expliquer qu'en postulant un échange Na
assurant l'électroneutralité du transport. Le fait que les mitochondries ne gonflent en
nitrate de sodium qu'après addition d'un découplant appuie cette interprétation car
il est indispensable au maintien de l'électroneutralité.

A- + H4 AH

8.17 - Mécanisme d'entrée des sels de sodium


AH - acide acétique, ® - antiport Na+/H+, ® - découplant ajouté
Cet antiport est spécifique de l'ion sodium et est inhibé par l'amiloride et ses ana-
logues. Sa fonction est vraisemblablement reliée au recyclage du Ca2+ comme nous
le verrons dans le prochain paragraphe.
Le gonflement des mitochondries en solution isoosmotique d'acétate de potassium
n'est induit qu'après ajout de valinomycine et d'un découplant (§ 8.3.1). Cependant
un gonflement peut être obtenu après déplétion du Mg4 matriciel par addition du
8 - OXYDATIONS PHOSPHORYLANTES 179

ionophore A-23187 et d'EDTA qui permettent de piéger ce cation sous forme de chélate. En tenant

un gonflement en nitrate qu'après addition d'un découplant, il est proposé qu'un


antiport K+/H+est démasqué. Cet antiport a une faible spécificité et peut transpor-
ter le Na+ le Li+ et des cations organiques. Il est inhibé par acidification de la matrice
et par l'addition d'une drogue, la quinine.
Outre ces échangeurs, la membrane mitochondriale possède des canaux spécifiques
qui ont été caractérisés en utilisant des techniques d'électrophysiologie. Les résultats
obtenus ne sont pas directement applicables aux mitochondries dans des conditions
normales de fonctionnement car ces systèmes doivent être fortement régulés. Les pro-
priétés du canal Na + ont été bien caractérisées. Le canal est ouvert uniquement pour
des valeurs du plus négatives que - 140 mV. L'entrée du cation est inhibée compétitivement par Mg

en ATP. Le canal est inhibé par des drogues comme le rouge de ruthénium, un inhi-
biteur du transport de l'ion Ca2+ et comme la glibenclamide, un inhibiteur du canal
potassique ATP-sensible de la membrane plasmique.
Un canal différent, appelé canal à K+ non-sélectif, permet le passage des cations mono-
valents ; il est sensible aux mêmes inhibiteurs que le canal précédemment décrit mais
à de plus fortes concentrations. Enfin un canal potassique inhibé par l'ATP a aussi été
détecté. Ce canal KATP est spécifique du K4, et est inhibé par ATP, ADP le palmityl- et
l'oléyl-CoA.
D'une façon générale les conditions physiologiques qui commandent l'ouverture et
la fermeture de ces canaux ne sont pas encore très claires. Cependant le cycle du K+,
constitué par un flux entrant par un canal et un flux sortant par l'antiport, peut assu-
rer l'homéostasie du volume matriciel et de sa composition ionique dans la mesure
où ces mouvements de cations sont accompagnés par ceux des anions.

8.3.3.2. Transport du C2+


Le transport de l'ion calcium a été un processus étudié depuis plusieurs décennies et
fait encore l'objet de recherches intensives. Cela est dû au rôle majeur de ce cation
comme régulateur enzymatique (stimulation de déshydrogénases matricielles, cf. § 8.8),
comme second messager dans plusieurs processus, ou comme facteur essentiel de la
contractilité et de la motilité. La mitochondrie joue un rôle majeur dans le contrôle
de la concentration de ce cation dans le cytosol.
Un canal ou uniport catalyse l'entrée du Ca2+ dans la matrice mitochondriale. Ce
transport est donc dépendant du avec une entrée de deux charges positives par
mole. Comme pour les cations monovalents, le Ca24 ne s'équilibre pas avec le poten-
tiel transmembranaire. En effet, en appliquant la relation d'équilibre, avec n = 2,
= 30 log [Ca]interrne/[Caserne]exte

la concentration intramitochondriale serait comprise entre 0,1 et 1 M pour un poten-


tiel de - 180 mV et pour une concentration cytosolique oscillant entre 0,1 et 1 µM,
180 BIOÉNERGÉTIQUE

alors que les valeurs estimées sont environ 1000 fois inférieures. Cela est dû aux régu-
lations multiples de ce système. Par exemple l'uniport se désactive à de faibles concen-
trations de Ca2+ externe, et en particulier son activité est faible aux concentrations
usuelles du cytosol. L'ion magnésium est un inhibiteur naturel de l'uniport, effet par-
tiellement levé par Mn2
Le transport est inhibé par le rouge de ruthénium, ce qui a permis sa caractérisation.
Il est aussi inhibé compétitivement par certains cations divalents : Sr24, Mn2, Ba2 et
lanthanides. Contrairement au Mg2+ ces métaux sont transportés par l'uniport.
L'efflux de Ca2+ est assuré par deux antiporteurs assurant respectivement un échange
Ca2+/H+et un échange Ca2+/Na+L'efflux de Ca24 peut, dans certaines conditions,
emprunter un système appelé pore de transition, étudié au paragraphe suivant.

8.3.4. PERMÉABILITÉS INDUITES À FAIBLE SPÉCIFICITÉ

Depuis plusieurs années, des perméabilités non-sélectives de la membrane interne


des mitochondries ont été mises en évidence. Les premiers travaux ont été effectués
par l'équipe de BRIERLEY dans les années 1970-1980. Ces travaux n'ont suscité à l'époque
qu'un intérêt limité car, comme c'est le cas trop souvent en sciences, on ne pouvait
pas relier ces données dans le cadre de pensée du moment. En effet la théorie chimio-
osmotique des oxydations phosphorylantes postule que la membrane interne des
mitochondrie est faiblement perméable aux ions et que leur passage à travers la mem-
brane s'effectue selon des mécanismes fortement contrôlés comme décrit ci-dessus.
Le problème des perméabilités non-sélectives a été repris récemment par plusieurs
groupes sur différents types de mitochondries et n'est pas a priori incompatible avec
la théorie chimioosmotique. Plusieurs canaux non-spécifiques ont été décrits dans les
mitochondries de mammifères en utilisant des méthodes variées comme le gonfle-
ment ou l'électrophysiologie. En fait il semble qu'il s'agisse d'un seul système dénommé
pore de transition (PT). La mitochondrie peut, en présence d'énergie et pour des concen-
trations internes en Ca2+ relativement élevées, présenter une perméabilité de la mem-
brane interne à des solutés dont la masse moléculaire atteint 1500 Da. Le pore de
transition est défini comme un canal voltage-dépendant à haute conductance inhibé
par la cyclosporine A, un immunosuppresseur. La fermeture et l'ouverture de ce pore
sont fortement régulées, ce qui est indispensable au fonctionnement des oxydations
phosphorylantes. L'ouverture du pore est induite par Ca2+ et au contraire inhibée
compétitivement par d'autres cations divalents comme Mg24, Sr2 ou Mn2 Certains
couples oxydoréducteurs à l'état oxydé [NAD(P)] + , pont disulfure S-S, glutathion
oxydé favorisent l'ouverture du pore alors qu'ils induisent sa fermeture à l'état réduit.
Il semble que les thiols vicinaux impliqués soient à l'équilibre avec le couple gluta-
thion oxydé/glutathion réduit. H+ d'une part et OH~ et Pi d'autre part induisent res-
pectivement la fermeture et l'ouverture du pore. Enfin, mis à part la cyclosporine déjà
citée, ce pore est soit ouvert soit fermé par les inhibiteurs de la translocase, l'atracty-
late et l'acide bongkrekique, ce qui a conduit certains chercheurs à postuler que la
translocase était un élément constitutif du pore. Ce point n'a pas été vérifié.
8 - OXYDATIONS PHOSPHORYLANTES 181

Deux questions fondamentales se posent à propos de l'existence d'un tel pore. Quel est
son rôle ? Comment son ouverture est elle compatible avec le fonctionnement des oxy-
dations phosphorylantes ? Un des rôles proposés est l'implication de ce système dans
l'efflux de Ca24 lui même inducteur de son ouverture. Il est certain cependant que le
canal est dépourvu de spécificité vis-à-vis de telle ou telle molécule. Une spécificité
fonctionnelle peut être le résultat de deux conditions : un temps d'ouverture du canal
court et une concentration relativement élevée de la substance préférentiellement trans-
portée, ce qui semble être le cas pour C2+a , et pourrait l'être aussi pour Pi. Ce système
aurait pour fonction d'expulser de la mitochondrie certains ions qui se seraient accu-
mulés lors des transports ; ce phénomène pourrait expliquer des oscillations du contenu
en ion qui sont parfois observées. L'idée classique est que la plupart des transporteurs
fonctionnent réversiblement avec des constantes cinétiques identiques pour l'influx et
l'efflux. Cette interprétation découle d'études menées sur des mitochondries isolées ou
sur des systèmes reconstitués, mais nous n'avons que peu de données dans les condi-
tions normales de fonctionnement des mitochondries. La compatibilité d'existence d'un
tel canal avec les mécanismes décrits pour les oxydations phosphorylantes est possible
dans la mesure où la durée d'ouverture est courte et où les mitochondries ne sont pas
synchronisées dans une cellule, de manière à ne pas la priver d'énergie à un instant
donné. Ce pore semble jouer un rôle important dans les mécanismes de l'apoptose. Des
canaux non-spécifiques ont été aussi décrits chez la levure et les mitochondries de
plantes avec des caractéristiques différentes.

8.4. SUBSTRATS ET STRUCTURE DE LA CHAINE RESPIRATOIRE

8.4.1. DIFFÉRENTS SUBSTRATS RESPIRATOIRES ET SYSTÈMES NAVETTES

La chaîne respiratoire des mitochondries de mammifères oxyde essentiellement les


coenzymes et substrats produits par le métabolisme mitochondrial matriciel comme
illustré dans la figure 8.18. Les déshydrogénases impliquées sont donc situées sur la
face interne de la membrane interne. Il existe toutefois une exception avec la déshy-
drogénase à flavine oxydant le glycérol-3P en dihydroxyacétone phosphate qui est
située sur la face externe de cette membrane.
Pyruvate -cétoglutarate
NAD+ + H+ NADH Isocitrate Malate
Glutamate Hydroxyacyl-CoA

Complexe 1
\
Pool des
U Q — Complexes — Complexe 4
Complexe 2 |
—/ Acyl-CoA
Glycérol-3P
Succinate Fumarate
8.18 - Flux des électrons dans la chaîne respiratoire
182 BIOÉNERGÉTIQUE

Les équivalents réducteurs provenant du cytoplasme peuvent être aussi pris en charge
par la chaîne respiratoire et réduire l'oxygène moléculaire. Les systèmes permettant
leur transfert sont appelés systèmes navettes. Nous donnons ci-dessous deux exemples,
la navette du glycérol-phosphate et celle du glutamate/malate.
Le dihydroxyacétone-phosphate peut être réduit par le NADH cytosolique produit
par la glycolyse sous l'action d'une glycérol-3P déshydrogénase soluble. Le nom de
l'enzyme n'est pas très heureux car la réaction est thermodynamiquement favorisée
dans le sens de la réduction du DHAP par le NADH et non pas dans celui de la déshy-
drogénation du glycérol-3P. Ce dernier est alors oxydé en DHAP par la glycérol-3P
déshydrogénase mitochondriale qui fonctionne bien dans le sens de l'oxydation du
glycérol-3P car le coenzyme est un FAD dont le potentiel de demi-réduction est plus
positif que celui du couple N A D/NADH(figure 8.19). Moins de molécules d'ATP
sont synthétisées lors de la réoxydation de la flavine par la chaîne respiratoire que
n'en donnerait celle du NADH matriciel ; ainsi, le transfert des équivalents réduc-
teurs du NADH cytosolique à la chaîne respiratoire consomme de l'énergie, c'est le
prix à payer pour favoriser la réaction dans ce sens.
Membrane
Glycérol-3P déshydrogénase cytosolique interne
Glycérol-3P déshydrogénase mitochondriale

NADH \ —— DHAP

NAD+ Glycérol-3P Chaîne respiratoire

8.19- Navette du
glycérol-phosphate

Le deuxième exemple traité fait appel à deux enzymes, la malate déshydrogénase et


la glutamate/oxal cétetransaminase ayant chacune deux isoformes solubles, l'une
cytoplasmique, l'autre mitochondriale (matrice). Comme indiqué sur la figure 8.20 le
NADH cytosolique est oxydé par réduction de l'oxaloacétate en malate ; celui-ci est
transporté dans la matrice où, réaction inverse à la précédente, il donne de l'oxaloa-
cétate et du NADH. L'oxaloacétate matriciel donne de l'aspartate sous l'action de la
transaminase et la réaction inverse se produit dans le cytosol. Les transferts de métabolites en

sent les échanges -cétoglutarate/malate et aspartate/glutame.Un point important


de ce système est que l'échange aspartate/glutamate est couplé à une entrée de pro-
ton, favorisant la sortie d'aspartate et de ce fait la consommation d'oxaloacétate matri-
ciel ; cela a pour effet de tirer la réaction catalysée par la malate déhydrogénase
mitochondriale dans le sens de la formation du NADH. Ce coenzyme est ensuite
réoxydé par la chaîne respiratoire. L'entrée d'un proton par le transporteur montre
que le flux d'électrons du cytosol vers la chaîne respiratoire coûte de l'énergie, dépense
indispensable pour assurer le sens du flux.
8 - OXYDATIONS PHOSPHORYLANTES 183

Cytosol Matrice mitochondriale


-cétoglutarate
Membrane interne
A
Aspartate Aspartate
H+
Glutamate Glutamate (2)
((2)
Oxaloacétate
-cétoglutarate
+ NADH,
Oxaloacétate
NAD+ (1)
NADH
(1),
NAD+
Malate -Malate
-cétoglutarate -cétoglutarate

(1) Malate déshydrogénase


(2) Glutamate-oxaloacétate transaminase
8.20 - Navette glutamate malate

8.4.2. STRUCTURE GÉNÉRALE DE LA CHAÎNE D'OXYDORÉDUCTION

La structure de la chaîne respiratoire a été déterminée essentiellement par trois


méthodes : l'utilisation des inhibiteurs, l'étude des états stationnaires et l'isolement
des différents complexes (figure 8.21).
> Les inhibiteurs de la respiration interrompent le transfert des électrons en un point
déterminé de la chaîne. Les transporteurs situés entre le donneur d'électrons et le
point d'action de l'inhibiteur seront complètement réduits puisqu'ils ne peuvent
pas être réoxydés ; pour la raison inverse, les transporteurs situés au-delà de ce
point seront oxydés. Dans la mesure où l'état redox du transporteur peut être
mesuré, sa position relative dans la chaîne sera déterminée.
Cyanure
Aoture
CO
Fumarate
NADH N A D + + H + 1 /2 02 + 2 H+
Succinate
FMN Cl Autres déshydrogénases
àF A D

C3 UQ liée, Cyt. b,
Cyt.C1.Fe-S
Roténone
Amytal
Cyt.c
Antimycine
Myxothiaole
G-3P DHAP
8.21 - Organisation de la chaîne respiratoire en complexes (C 1, C 2, C 3 et C 4)
et point d'action de différents inhibiteurs
184 BIOÉNERGÉTIQUE

L'antimycine inhibe la respiration induite par tout substrat réduisant le NAD+ et


celle induite par le succinate, le glycérol-3P ou autre déshydrogénase à FAD. On
détermine le spectre d'absorption des mitochondries réduites par un substrat en
présence d'antimycine contre le spectre oxydé, entre 500 et 630 nm, zone de lon-
gueur d'onde permettant d'observer les bandes d'absorption a des cytochromes
réduits (cf. chapitre 4) ; il ne révèle que la bande d'absorption correspondant au
cytochrome b, indiquant que ce cytochrome se situe dans la chaîne en amont du
point d'action de l'antimycine alors que les autres cytochromes se situent en aval
de ce point. Des résultats similaires sont obtenus en utilisant le myxothiazol comme
inhibiteur. Des études génétiques ont montré que ces inhibiteurs se fixent au niveau
du cytochrome b.
La roténone inhibe la respiration des substrats donnant leurs électrons au NAD 4
mais n'inhibe pas celle mesurée sur succinate ou tout autre substrat transférant ses
électrons directement à une flavine. En présence de roténone, seuls les substrats à
flavine sont capables de réduire la chaîne des cytochromes. L'amytal a des effets
comparables. Ce résultat montre la structure branchée de la chaîne en un point
situé entre le point d'action de la roténone et le cytochrome b, la roténone n'inhi-
bant que la branche conduisant les électrons du NADH aux cytochromes. En pré-
sence de cyanure, d'azoture ou d'oxyde de carbone l'ensemble de la chaîne est réduit
quel que soit le substrat utilisé. Ces substances se fixent sur la cytochrome oxydase
et plus précisément complexent le fer du cytochrome a3 en position 6 (cf. chapitre 4)
> L'étude des états stationnaires a été développée par Britton CHANCE qui mesura
le niveau de réduction des transporteurs d'électrons par spectrophotométrie. Il
observa que plus le potentiel de demi-réduction d'un transporteur était négatif
plus il était réduit, contrairement à une situation où la chaîne serait dans un état
d'équilibre thermodynamique non-couple. Il en a conclu que le système était dans
un état stationnaire où l'état redox d'un couple était fonction de sa position dans
la chaîne : plus le couple était près du donneur d'électron plus il était réduit et réci-
proquement, plus il était situé près de l'accepteur plus il était oxydé. Pour mener
cette étude il a mis au point un spectrophotomètre à double monochromateur per-
mettant de faire des mesures cinétiques sur des milieux très diffusants, comme le
sont des suspensions de mitochondries ou de cellules. La figure 8.22 compare le
principe de mesure d'un tel appareil à celui d'un spectrophotomètre différentiel.
Pour réaliser une cinétique avec le spectrophotomètre différentiel on utilise deux
cuves, l'une contenant l'échantillon où la réaction doit avoir lieu, l'autre un contrôle
dont le but est de soustraire l'absorption de base ; les cuves reçoivent alternative-
ment la lumière monochromatique choisie et la différence d'énergie de la lumière
transmise entre l'échantillon et le contrôle est mesurée et traitée par un photo-
multiplicateur. Le spectrophotomètre de CHANCE n'utilise qu'une seule cuve qui
reçoit alternativement une lumière monochromatique , correspondant au pic
d'absorption du pigment dont on suit la variation au cours du temps, et la lon-
gueur d'onde la plus proche de la première mais correspondant à une zone du
spectre dont l'absorption ne varie pas au cours de la réaction (point isobestique) ;
8 - OXYDATIONS PHOSPHORYLANTES 185

l'appareil traite le signal donné par la différence d'énergie reçue entre les radia-
tions 1 et 2. Cette méthode permet d'éliminer les pertes d'énergie lumineuse par
diffusion avec une grande efficacité. En effet, les mesures d'absorption peuvent
parfois correspondre au millième de l'énergie lumineuse perdue par diffusion ; il
est évident qu'une légère différence de diffusion entre les deux cuves utilisées pour
la spectrophotométrie différentielle pourait être un facteur d'erreur important.
Miroir tournant Cuve de référence


\
Photomultiplicateur

Cuve de mesure

Monochromateur 12
Photomultiplicateur
Monochromateur 2

8.22 - Comparaison entre un spectrophotomètre différentiel (a)


et un spectrophotomètre à deux monochromateurs (b)

CHANCE a pu ainsi montrer que l'état redox d'un couple traduit les valeurs rela-
tives des vitesses de réduction et d'oxydation de celui-ci. Il a défini plusieurs états
stationnaires (dont les états 3 et 4), dépendant des conditions d'incubation des
mitochondries et caractérisés par la vitesse de respiration et le niveau de réduc-
tion des transporteurs d'électrons. D'une manière générale les transporteurs sont
plus oxydés à l'état 3 qu'à l'état 4 car les contraintes s'exerçant sur leur oxydation
sont plus faibles puisque la force protonmotrice est également plus faible. C'est
ainsi que le contrôle respiratoire, comme défini ci-dessus, est d'autant plus fort
qu'il y a plus de sites de couplage sur le trajet des électrons.
> La troisième méthode fait appel à des techniques de biochimie classique. A l'aide
de détergents, quatre complexes respiratoires ont pu être isolés de la membrane et
analysés (figure 8.21).
»Le complexe 1 catalyse le transfert des électrons du NADH matriciel à l'ubiquinone d'où son

tués par une flavine de type FMN, 4 centres [4Fe-4S] et 2 centres [2Fe-2S]. Chez
les champignons et les plantes il existe aussi une NADH déshydrogénase diri-
gée vers la face externe de la membrane interne.
»Le complexe 2 ou succinate-UQ oxydoréductase catalyse le transfert des élec-
trons du succinate à l'ubiquinone. Les centres redox sont constitués par un FAD
et un centre [Fe-S].
»Le complexe 3 ou UQH2-cytochrome c oxydoréductase catalyse le transfert
des électrons de l'ubiquinone réduite au cytochrome c. Les centres redox sont
186 BIOÉNERGÉTIQUE

constitués par le cytochrome b, avec deux groupes prosthétique le b566 et le b562,


une [2Fe-2S] protéine (la protéine de RIESKE) et le cytochrome cl.
^Le complexe 4 ou cytochrome c oxydase catalyse le transfert des électrons du
cytochrome c à l'oxygène moléculaire. Ce complexe contient 4 centres redox :
deux ions cuivre CuA et Cub et deux hèmes a et a3.
»Le complexe 5 correspond à l'ATP synthase dont on a classiquement distingué
deux parties, l'une solubilisable ou FI et l'autre membranaire ou FO. F1 porte
trois sites catalytiques ; FO constitue le canal à protons qui, chez les eucaryotes,
est inhibé par l'oligomycine. Les travaux sur le mécanisme de la réaction (qui
ont valu le prix Nobel 1997 à l'américain BOYER et au britannique WALKER) mon-
trent que l'énergie protonique est convertie par le complexe en énergie cinétique
(rotation de certains éléments du complexe) induisant des changements confor-
mationnels (énergie de conformation) et la libération dans le milieu d'ATP (éner-
gie chimique). C'est pourquoi on distingue actuellement deux parties dans
l'ATPase, un stator et un rotor.
La structure et le mécanisme de ces différents complexes sont exposés au para-
graphe 8.9 en fin de chapitre.
D'autres enzymes, en général contenant un FAD, se branchent au niveau de l'ubiquinone, co

selon le tissu ou l'organisme. Chez la levure Sacchromyces cerevisiae, par exemple,


une lacticodéshydrogénase cède ses électrons directemernt au cytochrome c.

8.5. LOCALISATION DES SITES DE COUPLAGE ET ÉNERGÉTIQUE


Nous avons vu que la chaîne respiratoire pouvait être considérée comme une pompe
à protons, créant ainsi un µH+ servant de force à la synthèse de l'ATP. Le problème
a été de déterminer quels étaient les complexes capables de coupler les réactions redox
au mouvement des protons.

8.5.1. DÉTERMINATION EXPÉRIMENTALE DES SITES

Le résultat d'une respiration couplée peut être mesuré soit par la création d'un µH+,
soit par la synthèse de l'ATP. Nous utiliserons cette dernière méthode pour localiser
les sites. Le principe consiste à isoler fonctionnellement un complexe respiratoire et
à mesurer le rapport ATP/2e-, c'est-à-dire la quantité d'ATP formé lorsque le com-
plexe est traversé par deux électrons. Pour ce faire des mitochondries de mammifères
sont incubées en présence d'ADP, de phosphate et, selon le complexe étudié, de dif-
férents donneur et accepteur d'électrons. Le complexe est isolé fonctionnellement en
utilisant les inhibiteurs adéquats (cf. figure 8.21).
> Le complexe 1 est isolé de la suite de la chaîne par l'antimycine ; le donneur d'élec-
trons est le malate plus pyruvate par exemple (il est nécessaire d'ajouter le pyruvate, sourc

accumulation d'oxaloacétate) ; l'accepteur est une quinone sous sa forme oxydée,


8 - OXYDATIONS PHOSPHORYLANTES 187

peu hydrophobe (à courte chaîne isoprénoïde) et en quantité suffisante pour accep-


ter les électrons venant du substrat via les quinones endogènes. L'ATP/2e- mesuré
par le rapport entre la vitesse de synthèse de l'ATP et celle de réduction des qui-
nones exogènes est trouvé généralement supérieur à 1.
> L'activité du complexe 2 est mesurée en présence de roténone, d'antimycine, de
succinate et de la même quinone que celle utilisée dans l'expérience précédente.
On ne constate aucune synthèse d'ATP.
> L'activité du complexe 3 est mesurée en présence de cyanure et de roténone. Puisque
le complexe 2 n'est pas couplé, le donneur d'électrons peut être le succinate ; du
cytochrome c oxydé exogène ou du ferricyanure peuvent être utilisés comme accep-
teur d'électron. Un ATP/2e-inférieur à 1 a été déterminé.
> L'accepteur d'électrons naturel du complexe 4 est le dioxygène ; le donneur d'élec-
trons sera le cytochrome c réduit par l'ascorbate en présence de TMPD (triméthyl-
phénylènediamide), un médiateur redox artificiel. L'expérience est effectuée en
présence d'antimycine. L'ATP/0 est d'environ 1.
En conclusion trois complexes sur quatre sont couplés à la synthèse de l'ATP et peu-
vent donc être considérés comme des transducteurs d'énergie. La somme des ATP
synthétisés au niveau de chaque complexe donne un ATP/0global d'environ 3
(cf. paragraphe suivant). Il est aussi possible de tester la capacité de ces complexes à
former une différence de potentiel électrique en suivant par exemple la fluorescence
de la rhodamine.

8.5.2. ÉNERGÉTIQUE DE LA CHAÎNE ET STOECHIOMÉTRIE

Si l'on admet que la synthèse d'un ATP nécessite l'entrée de 3 protons (valeur sous-
évaluée, cf. la fin de ce paragraphe) la valeur minimum du µH+ maintenue par la
chaîne doit satisfaire à la relation : 3 µH+ + Gp = 0, conditions de l'équilibre. Prenons
l'exemple numérique suivant : pour un Gp intra-mitochondrial de 51 kjoules.mole-1,
le µH+ doit être au maximum égal à -17 kjoules. mole- soit un µH+ de.- 0,176 V.
Le retour à l'état 4 des mitochondries après addition d'ADP correspond à un µH+
supérieur à - 0,2 V, valeur suffisante pour maintenir ce potentiel phosphate. Dans ces
conditions, la chute du potentiel redox permettant la synthèse d'un ATP lors du trans-
fert de 2 électrons doit être au minimum de 3 (17000)/2 F = 0,264 V pour un couplage
parfait, ce qui est possible si l'on admet, avec certains auteurs, une chute de poten-
tiel d'oxydoréduction de l'ordre de 0,3 V par site de couplage. Ce type de raisonne-
ment que nous trouvons encore dans certains manuels est actuellement dépassé car
d'une part les stœchiométries des pompes ont été réévaluées et sont différentes selon
le complexe considéré, et d'autre part les stœchiométries réelles sont variables en
fonction des états stationnaires considérés et dépendent des systèmes ou mécanismes
dissipateurs de l'énergie.
L'étude du rendement des oxydations phosphorylantes (P/2e-) et celle de la stœchiométrie des po

rimentaux et théoriques. Plusieurs motifs ont présidé à ces recherches qui sont
188 BIOÉNERGÉTIQUE

essentiellement l'étude du mécanisme de transfert des protons et celle des systèmes


dissipateurs d'énergie.
Le modèle proposé par MITCHELL pour rendre compte du mécanisme de couplage
entre transfert d'électrons et de protons est, comme nous l'avons vu, celui de la boucle
d'oxydoréduction. Celui-ci implique une stœchiométrie fixe H+ / 2e"= 2 car l'espèce
transférée est de deux protons et deux électrons (équivalent aux deux atomes d'hy-
drogène de la figure 8.5) par la branche aller, et deux électrons par la branche retour.
Les premières expériences réalisées par MITCHELL et MOYLE donnèrent des valeurs
correspondant à ces prévisions pour chacun des trois sites de couplage de la chaîne
et pour l'ATP synthase. Cependant ces résultats ont été remis en cause et particuliè-
rement par LEHNINGER et son groupe qui trouvèrent des valeurs beaucoup plus éle-
vées : de 4 pour le premier site, de 6 pour les sites 1 + 2 et d'environ 10 pour l'ensemble
de la chaîne. Ces résultats ont été obtenus en améliorant la sensibilité de l'électrode
à oxygène utilisée dans les expériences décrites sur la figure 8.6 et en inhibant des
réactions amenant à une sous-estimation de la quantité de protons éjectés comme le
transport du phosphate. Si l'on utilise ces valeurs pour le calcul effectué au début de
ce paragraphe on remarque que l'énergie osmotique récupérée serait très nettement
supérieure à l'énergie d'oxydoréduction, ce qui est thermodynamiquement impos-
sible. Des auteurs ont mis alors en cause les mesures du µH+ , ce qui est possible. Il
faut cependant remarquer que dans les expériences réalisées pour mesurer la stœ-
chiométrie /2e, le µH++ initial est proche de 0, ce qui signifie que le travail récu-
péré (égal au produit du nombre de protons par la force) reste faible même pour des
valeurs importantes de la stœchiométrie. Cette réflexion suggère la possibilité d'une
stœchiométrie variable en fonction de la valeur du µH+.
Les mesures les plus récentes de P/0 ont donné des valeurs dans la proportion 1/0,5/1
pour respectivement les sites 1, 2 et 3 et ceci dans les conditions où le substrat respi-
ratoire, l'ADP et le Pi, étaient en quantités saturantes. Des études thermodynamiques
ont été menées en vue de déterminer, pour une pompe donnée (assimilable à l'un des
complexes), la valeur supérieure de la stœchiométrie, appelée stœchiométrie phéno-
ménologique Z, c'est-à-dire la stœchiométrie de la réaction pour un couplage parfait
(q = 1 ). Ce paramètre est donné par la relation Z = q(- G0/Gp))OUq est le degré de
couplage compris entre 0 et 1 (cf. chapitre 1), Go et Gp les affinités au signe près
des réactions d'oxydation et de phosphorylation. La valeur de q peut être mesurée
par la relation ]o1/Jo2 = 1 - q2 ( cr - chapire 1, relation 35) ou J0| représente la vitesse
de respiration pour un flux d'ATP nul (état 4 appelé en thermodynamique par les
anglo-saxons static head et Jo2 la vitesse de respiration pour une affinité de la réaction
de phosphorylation nulle (level flow qui ne peut être obtenu que par extrapolation
d'une représentation donnant la vitesse de respiration en fonction de l'affinité). Ces
études ont donné des valeurs des stœchiométries mécanistiques proches de celles
déterminées par le groupe de LEHNINGER, soit des H/2e- de 4, 2 et 4 pour les sites
1, 2 et 3 et un rapport H +/ATPde 4 (trois protons pour l'ATP synthase et un proton
correspondant à l'échange électrogénique ATP/ADP associé à l'entrée électroneutre
du phosphate).
8 - OXYDATIONS PHOSPHORYLANTES 189

Cependant ce raisonnement thermodynamique ne prend pas en compte une possible


variation des stœchiométries selon les états stationnaires considérés. Notamment il
a été montré sur des mitochondries de levure que le P/0 variait avec le flux respira-
toire. Comme ces mitochondries sont capables d'oxyder le NADH externe, il est pos-
sible de moduler le flux d'électrons passant à travers la chaîne respiratoire en utilisant
un système régénérateur de NADH constitué par du glucose-6P du NAD+ et de la
glucose-6P déshydrogénase à différentes concentrations. On obtient ainsi des états
stationnaires stables caractérisés par une concentration en NADH constante et en
conséquence une vitesse de respiration constante. On observe alors que le P/0 dimi-
nue avec la vitesse de respiration bien que se situant dans une zone où le µH4 demeure
constant.
En conclusion de ces études on retiendra que les boucles d'oxydoréduction telles que
MITCHELL les a initialement proposées ne semblent pas devoir être retenues comme
mécanisme de couplage entre respiration et flux de protons, sauf peut-être pour le
complexe 3 (le site 2 de phosphorylation) comme nous le verrons à la fin de ce cha-
pitre. C'est pourquoi on parle désormais de pompes à protons c'est-à-dire de systèmes
qui se rapprochent plus de la machine que de la réaction chimique ; elles laissent la
possibilité d'une variation de la stœchiométrie qui est l'équivalent de la variation du
rendement de la machine thermique (§ 1.1.2).

8.6. DISSIPATION DE L'ÉNERGIE


La respiration est cause d'une forte dissipation d'énergie libre (sous forme de cha-
leur et d'entropie) dont l'importance est fonction de l'état stationnaire considéré.
Comme discuté dans le premier chapitre, la dissipation de l'énergie est liée à l'irré-
versibilité globale du système ; elle est à la base de la régulation de la vitesse des trans-
formations. C'est un des progrès essentiels de la bioénergétique de ces dernières
années d'avoir éclairci ce problème complexe. Trois mécanismes sont généralement
invoqués :
> la perméabilité passive de la membrane aux protons ;
> le découplage interne des pompes ;
> le fonctionnement de protéines particulières, les protéines découplantes dont le
rôle a été mis en évidence dans le tissu adipeux brun et dont il existe des isoformes
dans plusieurs tissus.
La membrane interne possède une certaine perméabilité aux protons, dont le flux dis-
sipateur d'entrée est donné par le produit de la force par un coefficirent de perméa-
bilité P :
JH+ = P Al H
Ce flux est maximum à l'état 4, c'est-à-dire dans les conditions où µH++ est maxi-
mum. Le problème se complique du fait que P augmente aussi avec µH++ pour les
plus fortes valeurs de ce paramètre, c'est ce que l'on appelle un comportement non-
ohmique de la membrane mitochondriale.
190 BIOÉNERGÉTIQUE

La seconde voie de dissipation correspond à un couplage imparfait entre transfert


des électrons et des protons et a été appelée découplage interne des pompes (ou slip-ping par

protons ou de l'action des protonophores. Le schéma cinétique d'un tel système a été
modélisé par PIETROBON et al. (figure 8.23).

En- En-
4
nH+

EH

8.23 - Modèle de découplage interne des pompes


En- et EHn représentent respectivement les enzymes non-protonées et protonées, S et P les
substrats et produits de la réaction scalaire et EHn la forme énergisée de l'enzyme.

Dans un fonctionnement «normal» la réaction décrit le polygone figuré en trait plein.


Cependant la transition figurée en pointillé est possible et son importance est fonc-
tion des conditions (valeurs des flux et des forces notamment). On remarque alors que
si la réaction suit le schéma représenté par le triangle, la réaction chimique n'est plus
couplée au transfert des protons ; si par contre elle suit le mécanisme figuré par le
carré, le mouvement de protons n'est plus couplé à la réaction chimique et le sens de
celui-ci est évidemment inversé car la seule force pouvant permettre leur mouvement
est le µH+ existant. En accord avec ce schéma de découplage interne il a pu être mon-
tré que le pourcentage de respiration non-couplée augmente avec la valeur du µH+
et, à µH4' constant, avec le flux d'électrons ; de ce fait le système se comporte comme
une machine thermique où le rendement diminue avec la vitesse de la transformation
(cf. § 1.2.2). Cette augmentation de la vitesse est une conséquence de l'augmentation
de l'apport d'énergie en amont, dans le cas présent l'énergie d'oxydoréduction. En
utilisant le système de régénération du NADH permettant de moduler la vitesse de
respiration dans les mitochondries de levure, dans les conditions où la synthèse de
l'ATP est inhibée par l'oligomycine, on observe que 10% de la respiration maximale
à l'état 4 sont suffisants pour obtenir la valeur maximale du µH+. Cela signifie qu'en
l'absence de synthèse d'ATP, 90% de l'énergie respiratoire est dissipée et ne sert donc
pas à maintenir le µH+ ou autrement dit que la respiration n'est pas strictement
contrôlée par le mouvement des protons. La conséquence de ce dernier phénomène
est une diminution de l'ATP/0 lorsque la vitesse de respiration, à µH+ constant,
augmente comme nous l'avons vu au paragraphe précédent ; la baisse du µH+ à forte
vitesse de phosphorylation permet de diminuer l'ampleur de ce découplage.
Les protéines découplantes «perméabilisent» la membrane aux protons (§ 8.3.2) et de
ce fait stimulent la respiration et la dissipation de l'énergie sous forme de chaleur. Si
8 - OXYDATIONS PHOSPHORYLANTES 191

les différentes isoformes ont la même action de découplage dans des systèmes de pro-
téoliposomes reconstitués, leurs rôles et certainement leur régulation varient selon
les tissus ; l'activité de UCP1 des adipocytes est liée au métabolisme des lipides
(voir chapitre 9), dans d'autres tissus UCP2 et UCP3 semblent impliquées dans la
régulation de production des ions superoxydes et de ce fait dans la protection contre
le vieillissement cellulaire. Effectivement, les radicaux flaviniques et quinoniques de
la chaîne respiratoire sont des générateurs potentiels d'ions superoxydes ; ils s'accu-
mulent lorsque certaines contraintes cinétiques s'exercent sur le flux des électrons.
Un découplage a pour effet d'accélérer la respiration en diminuant ces contraintes,
et de baisser les concentrations de ces radicaux.
Les plantes et certains microorganismes possèdent des chaînes respiratoires alternes
se branchant sur le pool des quinones. Comme ces chaînes ne sont pas couplées, elles
dévient une partie du flux des électrons vers un processus de déperdition de l'éner-
gie et correspondent ainsi à un autre mécanisme de découplage interne. En général
elles sont sensibles à un inhibiteur, l'acide salicylhydroxamique (SHAM) et insensible
au cyanure.
Tous ces systèmes de déperdition d'énergie ont pour conséquence de rendre les oxy-
dations moins dépendantes, et dans certains cas indépendantes, du potentiel phos-
phate. Il peut être effectivement important pour la cellule de pouvoir augmenter la
vitesse des oxydations sans augmenter la vitesse de synthèse de l'ATP.
L'état respiratoire des mitochondries dans la cellule est compris entre l'état 3 et l'état 4.
Cet ajustement est important car il régule les vitesses d'utilisation de l'ATP par les
voies métaboliques et par les pompes ioniques. Comme l'état 4 est l'état où la syn-
thèse d'ATP est nulle et où le rapport (dissipation d'énergie)/(respiration) est maxi-
mum, plus la respiration cellulaire s'approche de cet état, moins grande est l'efficacité
des oxydations phosphorylantes. Il est donc important que la vitesse de respiration
soit régulée, ce que nous verrons au paragraphe 8.8.

8.7. RÉVERSIBILITÉ DES OXYDATIONS PHOSPHORYLANTES


La figure 8.2 représentait la mitochondrie comme un multitransducteur d'énergie. Il
est possible d'inverser les flux, et en particulier celui des électrons, en se plaçant dans
des conditions appropriées. La réduction du NAD4 par le succinate en présence d'ATP
a été réalisée sur des particules inversées de mitochondries de mammifères (subpar-
ticules) de sorte à s'affranchir des perméabilités membranaires (figure 8.24). Ces par-
ticules sont obtenues par traitement des organelles aux ultra-sons, dont la conséquence
est une fragmentation de la membrane interne qui se retourne comme un doigt de
gant, la face interne de la membrane étant alors dirigée vers l'extérieur et récipro-
quement. Il s'en suit que le flux des protons couplé aux oxydoréductions est dans le
sens intérieur vers l'extérieur de la vésicule, et celui correspondant à l'ATP est dans
l'autre sens. Cette modification ne doit pas être confondue avec l'inversion fonction-
nelle des flux que nous étudions ci-dessous. Les subparticules sont incubées en pré-
sence de NAD+ d'antimycine et de succinate. L'addition d'ATP induit la réduction
192 BIOÉNERGÉTIQUE

du NAD+ que l'on peut suivre par spectrophotométrie à 340 nm. Cette réduction est
inhibée par l'oligomycine, les découplants et la roténone. L'interprétation de ces résul-
tats est la suivante : la réduction des quinones par le succinate et l'établissement d'un
µH+ par le fonctionnement inverse de l'ATP synthase permettent le flux inverse des
électrons couplé à l'entrée des protons au niveau du complexe 1 ; c'est l'entrée des
protons par ce complexe qui est l'élément moteur à la remontée des électrons des qui-
nones au NAD. II est alors normal que ce processus soit inhibé par l'oligomycine car
l'ATP synthase, fonctionnant dans le sens de l'hydrolyse de l'ATP, crée le µH+ néces-
saire au fonctionnement inverse de la chaîne respiratoire ; il est aussi inhibé par la
roténone car le flux des électrons s'établit des quinones au NAD+ via le complexe 1.

NADH + H+
1
NAD . H+ + externe

, Antimycine H4 externe
ATP ADP + Pi

8.24 - Flux inverse des électrons sur des particules mitochondriales

La réduction du NAD+ par le succinate peut être obtenue en utilisant le µH+ créé
par une voie différente de celle de l'ATP synthase. Comme pour l'expérience précé-
dente les subparticules sont incubées en présence de NAD d'antimycine, de succi-
nate ; on ajoute de l'oligomycine pour bloquer l'ATP synthase. La réduction du NAD4'
est induite par ajout d'ascorbate plus TMPD, substrat du complexe 4 dont le fonc-
tionnement génère un µH+ II est important de noter que dans cette expérience les
électrons ne remontent pas directement du cytochrome c au NAD+ car de l'antimy-
cine est ajoutée dans le milieu, mais du succinate au NAD en utilisant le µH créé
par l'oxydation du cytochrome c par l'oxygène moléculaire.
Les études sur le flux inverse montrent que les systèmes transducteurs peuvent être
réversés même si, dans les conditions physiologiques, l'ensemble des oxydations
phosphorylantes est unidirectionnel. Le sens du flux ne signifie pas que la vitesse
retour de certaines étapes de la chaîne, notamment celles couplées au transfert des
électrons, soit nulle. Comme nous l'avons déjà vu, la réversibilité de la chaîne cou-
plée explique en partie le degré de réduction des transporteurs d'électrons dans les
differents états stationnaires.

8.8. CONTRÔLE DES OXYDATIONS PHOSPHORYLANTES


L'adaptation du flux de synthèse de l'ATP aux besoins de la cellule ou de l'organisme
est fondamentale dans la mesure où il n'y a pas ou très peu de réserve en liaisons chi-
miques à haut potentiel de transfert. La cellule n'est pas un accumulateur mais un
8 - OXYDATIONS PHOSPHORYLANTES 193

transducteur traversé par un flux continu d'énergie. Par contre, elle peut stocker des
combustibles comme le glycogène ou les lipides dont la vitesse d'utilisation condi-
tionne la vitesse de respiration.
Les expériences sur le contrôle respiratoire des mitochondries isolées avaient suggéré
à certains chercheurs que la respiration était contrôlée essentiellement par le poten-
tiel phosphate, dans la mesure où les transducteurs travaillaient près de l'équilibre.
Selon cette interprétation le travail fourni lors du passage de deux électrons à travers
un site de couplage, (n fois le µH+, n représentant le rapport H +/2e-)serait égal (au
signe près) à celui consommé pour la synthèse d'ATP (n' fois le potentiel phosphate,
n' étant le rapport ATP/2e- au site considéré). Les oxydations phosphorylantes seraient
cependant globalement irréversibles de par le caractère très exergonique de la réduc-
tion du dioxygène en eau. Cependant cette manière de voir est simplificatrice car elle
repose sur des expériences effectuées in vitro dans des conditions de saturation en
substrats autres que l'ADP. D'autre part elle ne prend en compte ni les systèmes de
transport des métabolites ni les éventuelles régulations cinétiques.
L'application de la théorie du contrôle du métabolisme aux mitochondries isolées a
clairement établi que plusieurs réactions interviennent dans le contrôle de la respi-
ration ou de la synthèse de l'ATP et que sa distribution entre les différentes étapes est
fonction de l'état stationnaire considéré. Dans un travail devenu classique TAGER et
son groupe ont étudié la distribution du contrôle dans des mitochondries isolées de
foie dans des états stationnaires différents correspondant à des vitesses croissantes
de synthèse d'ATP ; ils ont notamment observé une augmentation du contrôle porté
par le transporteur ATP/ADP et au contraire une diminution de celui dû à la cyto-
chrome c oxydase. Les étapes contrôlantes dépendent aussi du type de mitochon-
dries. Le transporteur de phosphate peut être fortement contrôlant dans les
mitochondries de levure alors qu'une telle situation n'a pas été constatée dans les
mitochondries de mammifères étudiées. L'analyse du contrôle permet d'éviter de
fausses interprétations. Ainsi on a trouvé dans la littérature des travaux qui concluaient
que des mitochondries n'étaient pas couplées car leur respiration n'était pas stimu-
lée par l'ADP ; en fait il n'en est rien, elles sont capables de synthétiser l'ATP mais le
contrôle porte essentiellement sur l'approvisionnement de la chaîne respiratoire en
électrons (cf. chapitre 5). En résumé, on peut conclure que l'application de la théorie
du contrôle à l'étude des mitochondries a permis de mettre en évidence une variété
de situations, soit pour un même type de mitochondries placées dans des situations
différentes, soit entre plusieurs types d'organelles. D'une façon générale plus un sys-
tème est sollicité par les conditions appliquées, ou parce que son activité est intrin-
sèquement faible, plus il est contrôlant. Cette approche a été notamment utile à l'étude
des pathologies mitochondriales.
ln situ, l'alimentation de la chaîne en électrons semble être un élément important dans
le contrôle de la respiration cellulaire et, effectivement, l'activité de certaines déshydrogénases est

D'autre part, comme nous l'avons vu, il existe plusieurs mécanismes permettant une
194 BIOÉNERGÉTIQUE

certaine souplesse dans le couplage entre respiration et phosphorylation grâce à des


processus de découplage interne, à des transporteurs endogènes de cations (H+ K 1 ,
Na+ Ca2+), et à la stœchiométrie variable des pompes. Enfin un dernier mécanisme
de régulation, qui mérite attention pour les recherches actuelles et futures, est l'ajus-
tement de la quantité de mitochondries aux besoins énergétiques de la cellule. En
effet, imaginons deux populations de cellules effectuant exactement le même travail
mais ayant des quantités différentes de mitochondries ; celle possédant le plus de
mitochondries aura une respiration cellulaire plus près de l'état 4 que l'autre popu-
lation, donc une dissipation d'énergie plus importante. C'est pourquoi selon la nature,
l'état ou la fonction de la cellule, la régulation de la quantité de mitochondries est un
facteur essentiel.

8.9. STRUCTURE-FONCTION DES COMPLEXES MITOCHONDRIAUX


La connaissance des mécanismes de couplage nécessite celle de la structure des trans-
ducteurs au niveau moléculaire. Ces études constituent un domaine de la recherche
très actif et des résultats importants ont déjà été obtenus. A l'étude phénoménolo-
gique de la transduction fait suite celle de la structure des transducteurs et du méca-
nisme moléculaire du couplage au sein de chaque machine. Dans ce paragraphe nous
résumerons l'état des connaissances à ce jour, mais il faut être conscient que les pro-
grès sont très rapides et que le lecteur intéressé devra compléter ses connaissances à
l'aide de publications récentes.

8.9.1. COMPLEXE 1 OU NADH-UBIQUINONE OXYDORÉDUCTASE

La NADH-ubiquinone oxydoréductase des mammifères est un complexe d'environ


700 kDa constitué de plus de 30 sous-unités différentes. Il y a plusieurs preuves expé-
rimentales que ce complexe se lie dans la membrane avec des protéines faisant vrais-
semblalement partie d'autres éléments de la chaîne et/ou du métabolisme oxydatif,
ce qui rend l'isolement du complexe sous une forme pure quasiment impossible. Il
est constitué de sous-unités codées par les génomes nucléaire et mitochondrial. Les
sept sous-unités, connues chez l'homme pour posséder des hélices hydrophobes trans-
membranaires, sont d'origine mitochondriale ; elles sont notées ND, avec un numéro.
Le FMN est la flavine de la NADH déshydrogénase ; elle est située à proximité du site
de fixation du NADH. Le complexe contient plusieurs centres fer-soufre dont quatre
sont bien caractérisés. On dénombre 16 à 18 fers par FMN. La caractérisation de ces
centres n'a pas toujours été aisée mais il existe une bonne corrélation entre les don-
nées obtenues par des méthodes physiques (résonance paramagnétique électronique,
dichroïsme magnétique circulaire) et la position des cystéines dans les sous-unités. Il
y a au moins trois centres de type [4Fe-4S], respectivement les centres 2, 3 et 4 et un
ou deux centres [2Fe-2S]. La sous-unité ND5 est la seule sous-unité mitochondriale à
posséder un centre fer-soufre bien caractérisé de type [4Fe-4S], appelé centre 2 ; il a le
potentiel de demi-réduction le plus haut (- 20 mV) et est vraisemblablement celui
8 - OXYDATIONS PHOSPHORYLANTES 195

réagissant avec les quinones. Le centre Ib [2Fe-2S] semble être celui acceptant les élec-
trons de la flavine bien que le centre 3 soit porté par la sous-unité qui fixe le FMN.
Ces trois derniers centres ont le même potentiel de demi-réduction d'où la séquence
possible :
FMN —»- centre Ib —- centres 3, 4 — centre 2 — quinone liée au complexe.
Le transfert des électrons du centre 2 à la quinone est inhibé par une variété de drogues
ne présentant aucune relation structurale entre elles comme l'amytal, la roténone et
la piéricidine A. Ces inhibiteurs se fixeraient dans une poche hydrophobe située entre
les deux transporteurs d'électrons.
Le couplage entre transfert des électrons et flux de protons est encore mal compris ;
toutefois il est généralement admis que le rapport H+/e-est de 2, soit 4 protons par
NADH.

8.9.2. COMPLEXE 2 OU SUCCINATE-UBIQUINONE OXYDORÉDUCTASE

Ce complexe est responsable de l'oxydation du succinate en fumarate ; il est localisé


du côté matriciel de la membrane. C'est la seule étape du cycle de KREBS catalysée
par un système lié à une membrane. Il contient majoritairement la succinodéshydro-
génase constituée d'une flavoprotéine de 70 kDa liée par covalence à un FAD et une
protéine fer-soufre de 27 kDa contenant trois groupes fer-soufre SI, S2 et S3. Cette
enzyme peut catalyser le transfert des électrons du succinate à des accepteurs artifi-
ciels d'électrons (phénazine méthosulfate, dichloroindophénol...). La réduction des
quinones par le succinate nécessite que l'enzyme soit ancrée à la membrane par deux
protéines de 15 et 13 kDa chez les mammifères, liées à l'hème b et à des quinones. Le
mécanisme de la réaction fait intervenir successivement la réduction du FAD par le
succinate et celui des centres SI et S3 puis des quinones selon une réaction mono-
électronique. Ce mécanisme s'appuie sur l'existence d'une forme semiquinonique du
FAD relativement stable. Le rôle de S2 n'est pas encore éclairci. Rappelons que ce
complexe ne transfert pas de proton et n'est donc pas un transducteur d'énergie.

8.9.3. COMPLEXE 3 OU UBIQUINOL-CYTOCHROME C OXYDORÉDUCTASE

Ce complexe appelé aussi complexe b-c1 catalyse le transfert des électrons de l'ubiquinol au cyto

sent dans les membranes de nombreuses espèces de bactéries et est similaire à la


plastoquinol-plastocyanine oxydoréductase ou complexe b6-f des chloroplastes et des
bactéries photosynthétiques. Il couple le transfert des électrons à celui des protons
selon un mécanisme qui pourrait correspondre au modèle des boucles d'oxydoréduction proposé

tains travaux suggèrent que le transfert des protons peut être inhibé en l'absence
d'inhibition du flux d'électrons, fait difficile à interpréter dans le modèle de boucle.
C'est une forme de ce modèle que nous décrivons.
196 BIOÉNERGÉTIQUE

8.9.3.1. Structure du complexe


Le complexe purifié à partir du cœur de bœuf est constitué de 11 sous-unités diffé-
rentes.
> Le cytochrome b, seule protéine codée par l'ADN mitochondrial, possède deux
groupements hématiniques complexés en position axiale par des histidines : du
côté cytoplasmique (côté P) l'hème b566 avec Em7 = - 100 mV et du côté matriciel
(côté N) l'hème b560 avec Em7 = + 50 mV.
Ce cytochrome est une protéine membranaire intrinsèque pour laquelle il est pos-
sible de prévoir 8 hélices transmembranaires, donc traversant la membrane huit
fois. Cela a été établi par des approches biochimiques et génétiques.
> Une fer-soufre protéine ou protéine de RIESKE de type [2Fe-2S]. Cette protéine glo-
bulaire est attachée à la membrane sur la face externe par sa partie N-terminale
hydrophobe.
> Le cytochrome cl, cytochrome globulaire, est localisé sur la face externe et ancré à
la membrane par son extrémité C-terminale hydrophobe.
Ces trois protéines forment la machinerie du complexe permettant le couplage
entre flux d'électrons et de protons et constituent la totalité du système chez cer-
taines bactéries. Chez les eucaryotes, il existe des sous-unités additionnelles et
notamment Corel et Core2 dirigées vers la matrice dont le rôle pourrait être la
maturation de protéines d'origine cytosolique par coupure des séquences d'adres-
sage. Les données structurales les plus récentes montrent que ce complexe forme
un dimère (figure 8.25).
Protéine de RIESKE
- Cytochrome c1
- Hème c1

Core 1 Core 2
8.25 - Schéma simplifié du complexe bc1 (forme dimérique) représentant les protéines
portant un centre d'oxydoréduction et les cores protéines

8.9.3.2. Mécanisme : cycle des quinones


Le mécanisme de couplage entre flux d'électrons et de protons le plus souvent admis
pour le complexe 3 est celui du cycle des quinones, qui correspond à une boucle d'oxy-
doréduction. Dans ce mécanisme les protons sont transportés par les centres redox
eux-mêmes, en l'occurence les quinones. La forme quinol est oxydée sur la face externe
par des couples redox n'acceptant pas les protons (Fe-S protéine et cytochrome) qui
8 - OXYDATIONS PHOSPHORYLANTES 197

sont de ce fait excrétés dans le milieu extérieur. La quinone est réduite sur la face
interne, réduction suivie d'une protonation. Les deux sites quinoniques sont reliés
par le cytochrome b assurant le flux transmembranaire des électrons ; le flux trans-
membranaire en protons est assuré par les quinones réduites.
Le pool de quinones est en large excès par rapport aux autres composantes de la
chaîne respiratoire et est fortement réduit, ce qui fixe son potentiel réel d'oxydoréduction à environ 0

quinones réduites (figure 8.26 et 8-27). Un électron provenant de la première molé-


cule de quinol (UQH2) est transféré à la protéine de RIESKE, entraînant un relargage
de 2 protons dans, la phase P (P comme positive qui correspond dans la mitochon-
drie à la face externe) et formation d'une semi-quinone UQ- au centre appelé Qp.
Cette étape est inhibée spécifiquement par le myxothiazol. Cette réaction est possible
dans la mesure où le rapport UQH2/UQ- est très élevé ; effectivement la réaction
d'oxydation de UQ- par le cytochrome b566 situé sur la face P est très spontanée au
regard des potentiels de demi-réduction des couples mis en jeu.
La séparation de charge s'effectue au niveau du cytochrome b. L'électron de l'hème
b566 (dénoté bL) dont Em7 = - 100 mV est transféré à l'hème b560 (ou bH) dont
Em7 = 50 mV, soit une chute de 150 mV. L'électron traverse ainsi la membrane de part
en part ; puisque le potentiel transmembranaire est de l'ordre de - 150 mV, le trans-
fert est globalement isoénergétique ; l'énergie redox sert à vaincre ce potentiel trans-
membranaire (le raisonnement est à prendre avec précaution car il est basé sur la
valeur des potentiels de demi-réduction). Dans des conditions de découplage, c'est-
à-dire lorsque le potentiel électrique transmembranaire est faible ou nul, cette étape
doit correspondre à une forte perte d'énergie.
Le cytochrome b560 réduit la quinone en semiquinol au site QN (l'indice N fait
référence à la face dont le potentiel est négatif, c'est-à-dire la face interne pour la
mitochondrie). Cette réaction apparaît a priori impossible en considérant les poten-
tiels des couples redox mis en jeu. Cependant UQ- est supposée se fixer beaucoup
plus fortement que UQ au site QN du cytochrome b, ce qui augmente considérable-
ment le Em car ceci correspond à une forte stabilisation de la forme réduite par
rapport à la forme oxydée.
2+ + + 4+ ++

e- e-
U Q H 2 — — Fe-S —— Cyt.c1 ——
.UQH2 S i t eQp.)e- Myxothiazol
UQ- —— + bL
Pool des
quinones} Jt ——— UQ
e-
UQ
— UQ

8.26 - Cycle des quinones point d'action des inhibiteurs


198 BIOÉNERGÉTIQUE

Une deuxième molécule de UQH2 est oxydée au site Qp selon le même mécanisme et
un électron va réduire UQ- en UQH2 au site QN. La réaction de réduction est suivie
d'une protonation.
2îi+

e- e-
—— Fe -S —— Cyt. c1 ——
.UQH2 S i t e Qp. e-UQ—— Myxothiazol
bL
pooldes
quinones< UQ
u\ —— UQ
e-
UQ
UQ.
SiteQN—Cyt bH
UQH2 Antimycine
+
2H
8.27 - Cycle des quinones (suite) point d'action des inhibiteurs

La base de ce shéma implique une différence fondamentale entre les centres QN et Qp


dans la mesure où seul UQ'N est fortement liée à la protéine de sorte à rendre le poten-
tiel d'oxydoréduction du couple quinone/semiquinone suffisamment positif. Cela a
été expérimentalement mesuré par RPE.
Au total, ce cycle conduit à l'oxydation d'un UQH2 en UQ, à l'excrétion de 4 protons
sur la face P et à la consommation de 2 protons sur la face N.

8.9.3.3. Bases expérimentales du modèle


Un certain nombre de données expérimentales favorisent le modèle cyclique par rap-
port à un modèle linéaire. Nous en citerons trois.
> Ce modèle est en accord avec les données thermodynamiques comprenant notam-
ment l'existence d'une semiquinone fortement liée à l'apoprotéine b sur la face N.
> En présence d'antimycine, une sur-oxydation de la préparation mitochondriale
induit une plus grande réduction du cytochome b. Ce fait ne peut pas s'expliquer
par un modèle linéaire. Par contre dans le modèle cyclique on comprend qu'en for-
çant la réduction de la protéine de RIESKE et du cytochrome c1, on stimule la réduc-
tion de la quinone au site N et de ce fait le cytochrome b.
> Le modèle cyclique rend compte de la production d'ion superoxyde en présence
d'antimycine. En effet dans ces conditions il y a accumulation de la forme semi-
quinonique au site N comme décrit ci-dessus. En accord avec cette interprétation,
ce phénomène est inhibé par le myxothiazol.

8.9.4. COMPLEXE 4 OU CYTOCHROME C OXYDASE

Les oxydases forment une famille de métalloenzymes catalysant la réduction com-


plète du dioxygène par quatre électrons pour former deux molécules d'eau. Ces enzymes
peuvent être classées en deux groupes selon la nature des donneurs d'électron, qui in
8 - OXYDATIONS PHOSPHORYLANTES 199

vivo sont soit un cytochrome (cytochrome c oxydase mitochondriale des eucaryotes)


soit un quinol (quinol oxydase de la membrane plasmique des bactéries).
Ces oxydases sont capables d'établir un µH+ de part et d'autre de la membrane de
deux manières (figure 8.28).
» En puisant 4 H+ de la matrice mitochondriale (ou de la face cytolique des procaryotes) pour

> En couplant la réaction redox à un transfert transmembranaire de protons. Cette


translocation de protons de la matrice vers l'extérieur, mise en évidence par
WIKSTRÖM, est la preuve que l'oxydase fonctionne comme une pompe à protons
et non pas comme une boucle d'oxydoréduction car le complexe ne contient pas
de centre redox protonable de type flavinique ou quinonique. La réaction globale
est la suivante :
4 cyt c24 + O2 + (4 + n) H4^ matriciels —- cyt c3 + 2 H2O + n H+ cytosoliques

nH4
2 0 - - + 4 H + ——> 2H2Û
Espace Membrane
inter-membranaire interne Matrice

8.28 - Les deux modes de consommation de H dans la matrice


par translocation et par neutralisation du dioxygène réduit

8.9.4.1. Structure de la cytochrome c oxydase


La structure de la cytochrome c oxydase de Paraccocus denetrificans a été déterminée
par l'analyse des images de diffraction aux rayons X de cristaux du complexe, à une
résolution de 2,8 À, par le groupe de HARTMUT MICHEL. Cette bactérie est particuliè-
rement intéressante car elle possède comme les eucaryotes une cytochrome c oxy-
dase, mais celle-ci ne comporte que trois sous-unités, les unités que l'on retrouve chez
les eucaryotes. La partie intégrée dans la membrane a une forme trapézoïdale. La
largeur est de 90 A du côté cytoplasmique et de 75 A sur la face périplasmique. La
hauteur de trapèze est de 55 A. Le domaine globulaire de la sous-unité II dirigé vers
le périplasme amène la hauteur de l'ensemble à 90 A. Le complexe forme 22 hélices
transmembranaires. La partie centrale est constituée par la sous-unité I.
Toutes les oxydases contiennent les éléments Fe, Cu, Zn et Mg. Seuls les ions Fe et Cu
sont impliqués dans les réactions d'oxydoréduction (figure 8.29). Bien que le nombre
de chaînes polypeptidiques soit variable d'un organisme à l'autre (de 1 à 13), l'élément
fonctionnel est constitué de trois centres redox liés à une même chaîne ou sous-unité 1 :
> un hème de faible spin : cyt a (ou cyt b pour la quinol oxydase) où le fer est coor-
donné à la protéine par 2 histidines (5e et 6e liaisons de coordination de l'ion) ;
200 BIOÉNERGÉTIQUE

> un hème de fort spin : le cyt a (ou cyt o chez certaines bactéries) où le fer est coor-
donné en 5e position par une histidine, laissant la 6e position libre d'accès aux
ligands de faible PM dont le ligand naturel est le dioxygène ;
> un atome de Cu appelé Cub, coordonné par trois histidines et distant du cyt a3 (ou o)
de 5,2 A seulement. Le dioxygène est supposé se positionner entre ces deux centres
redox, (cyt a3 et Cub) qui forment le centre biréactionnel.
La sous-unité 1 est constituée de 12 segments transmembranaires. La sous-unité II
contient deux hélices transmembranaires et un domaine C-terminal globulaire. Le
repliement de cette partie globulaire a une structure analogue à celle de la classe des
protéines à Cu comportant les plastocyanines et les azurines, et comme ces protéines,
elle contient deux ions cuivre formant des complexes avec des cystéines et des histi-
dines. Ce centre cuivrique est appelé CuA et est un intermédiaire entre le cytochrome
c et le centre biréactionnel pour le transfert des électrons. Ce centre semble être absent
des quinol oxydases.

8.29 - Schéma simplifié de la cytochrome c oxydase


représentant les sous-unités I, II et III et les centres d'oxydoréduction

8.9.4.2. Mécanisme de réduction du dioxygène


La catalyse par l'oxydase est particulièrement rapide au niveau du centre binucléaire
puisque le cycle de l'enzyme isolé, à l'état stationnaire, est supérieur à 500 e-.s-1.
L'existence du fer hématinique à haut spin du cytochrome a3, permet de pallier la
faible réactivité de l'oxygène par restriction de spin (cf. chapitre 4). La réaction est si
rapide que les espèces partiellement réduites de O2, formées au cours de la réaction,
ne sont pas relarguées dans le milieu. Le temps de la réaction, quelques millisecondes,
est comparable au temps d'homogénéisation d'une solution d'enzyme avec un inhi-
biteur ajouté, ce qui ne permet pas d'étudier les cinétiques par les méthodes clas-
siques dites de stop-flow. Pour contourner cette difficulté, une méthode d'induction
de la réaction par flash a été développée. En effet, il est connu depuis les travaux de
WARBURG que l'oxyde de carbone a une très forte affinité pour l'hème a3 sur lequel il
8 - OXYDATIONS PHOSPHORYLANTES 201

se lie en lieu et place de O2. Ce complexe peut être dissocié par illumination. Le prin-
cipe de la méthode est donc de former un complexe oxydase-CO, d'ajouter les oxy-
dants et réducteurs désirés (dont 02) et, après équilibration, d'initier la réaction par
un flash lumineux. La dissociation du complexe est instantanée, ce qui permet d'étu-
dier dans le temps la formation et la consommation des intermédiaires par des mesures
spectrophotométriques ou de résonance RAMAN.
Le mécanisme de réduction de 02 conduit à la formation de plusieurs intermédiaires
pouvant être classés en deux catégories (figure 8.30) : celle correspondant à la réduc-
tion du centre binucléaire par les électrons provenant de la chaîne via le cytochrome c
et le cytochrome a, et celle correspondant à son oxydation par l'oxygène moléculaire.
0 H R

Fe-3+ Fe Cu+ Fe Cu
1
a3
1
a3
1
a3 2
2 -0 Cu+
A
1
a3 0
2 H4

I CuA I Cu 2+
2
Fe—OH Fe
1
OH a3 OH-
0
8.30 - Réduction du dioxygène au niveau du centre constitué par le cytochrome a

Sur la figure on distingue la voie réductive constituée par les transitions 0 — H


(le Cub du centre binucléaire accepte un électron) et H — R (un deuxième électron
réduit l'hème a3) ; la transition R —> A correspond à la fixation de 02 ; la voie oxydative du cent

de O2 et à la formation de deux molécules d'eau. Les protons figurant sur le schéma


réactionnel correspondent uniquement à ceux intervenant dans la réaction chimique.
L'étude du mouvement vectoriel des protons est présentée ci-après.

8.9.4.3. Recherche des étapes impliquées dans le couplage


entre transfert des H+ et électrons
Dans les conditions optimales de fonctionnement la stœchiométrie de la pompe est
de 1H+ transporté de la matrice vers l'extérieur par e- donné au dioxygène. Toutefois
le couplage ne concerne pas chaque étape de transfert d'un e- du cytochrome c à l'oxydase mais p
202 BIOÉNERGÉTIQUE

La localisation des sites de couplage est encore matière à débats. Des informations
importantes ont été apportées par la mesure d'un flux inverse des électrons qui ne
peut se réaliser qu'à ces sites. Bien que la génération d'O2 à partir de l'eau n'ait pas
été démontrée, une réversion partielle des réactions de réduction de l'O2 est toute-
fois possible ; elle doit concerner les étapes où s'effectue le couplage, car celui-ci rend
les réactions moins spontanées. A titre d'exemple méthodologique nous examinerons
les résultats rapportés par WIKSTRÖM et son groupe. Pour observer un flux inverse il
est nécessaire de porter les mitochondries à un état très oxydé par addition de ferricyanure qui

induit alors une grande variation du spectre du cytochrome a3. Notamment, il apparait une lar

inhibé par l'oligomycine, les découplants et le cyanure, démontrant ainsi la réalité du


couplage fonctionnel entre ATP synthase et cytochrome oxydase. Le Gp, ou poten-
tiel phosphate, doit être suffisant pour permettre à un électron de passer de la forme
0 à la forme F ; par augmentation de Gp apparaît une bande d'absorption à 607 nm
qui pourrait être attribuée à l'intermédiaire A, ce qui s'explique dans la mesure où
une plus grande énergie est nécessaire pour assurer un saut supplémentaire de poten-
tiel redox. La relaxation du phénomène passe transitoirement par la formation de la
bande à 580 nm. Des expériences similaires peuvent être réalisées en utilisant comme
source d'énergie un µH+ créé artificiellement.

8.9.4.4. Cheminement des H+


et hypothèses sur le mécanisme de couplage
Nous avons vu que dans le fonctionnement de la cytochrome oxydase les H+ sont uti-
lisés à deux niveaux. D'une part le dioxygène réduit au centre binucléaire est neu-
tralisé par 4 protons provenant de la matrice (ou du cytosol de la bactérie), et d'autre
part un transfert de protons de la matrice mitochondriale (ou du cytoplasme de la
bactérie) vers l'extérieur est couplé à la réaction d'oxydoréduction ; ce dernier phé-
nomène est dû au fonctionnement de la pompe à protons.
Il a été montré, chez E. coli, qu'une mutation de la sous-unité I de la quinol oxydase,
Asp 124 —- Asn bloquait la pompe à H++ sans modifier considérablement la réduc-
tion du dioxygène en eau. Deux voies de cheminement des H+ dans le complexe ont
été alors proposées. Par analyse des images de diffraction de rayons X des cristaux,
il est possible de visualiser dans la cytochrome oxydase de Paracoccus denitrificans
deux canaux putatifs, constitués par des réseaux de ponts hydrogène entre acides
aminés de la région hydrophobe et connectés entre eux par des poches d'eau, l'en-
semble pouvant constituer des conducteurs de H+ :
> le canal K, (K pour lysine) relie l'espace interne au centre binucléaire ;
> le canal D (D pour Asp) est transmembranaire et pourrait être impliqué dans le
pompage des H+.
Des mutations ont été effectuées sur Paracoccus denitrificans et leurs effets comparés
à celles portant sur des acides aminés correspondant de la quinol oxydase de E. coll.
8 - OXYDATIONS PHOSPHORYLANTES 203

En conclusion de ces travaux il semble exister une plus forte interaction entre le pom-
page des H+ et la réduction de l'oxygène chez la cytochrome c oxydase de P. denitri-ficans que ch

ne pas toucher la réaction redox, tout en inhibant partiellement le transport associé


de protons.
Les protons peuvent diffuser à travers une membrane par un système de ponts hydro-
gène constitués d'acides aminés ayant de plus en plus d'affinité pour H+ (pKa crois-
sant), système pouvant alterner avec des poches aqueuses conductrices de H+. Pour
un système actif on peut imaginer que le canal soit constitué de deux parties, l'une
en relation avec une face de la membrane, l'autre avec la face opposée, et que le pas-
sage de l'une à l'autre se fasse selon un mécanisme couplé à la réaction d'oxydoré-
duction. Le couplage aura pour effet d'attirer les H++ de la première partie du canal
vers le centre réactionnel et de les injecter dans la seconde partie (WIKSTRÖM et coll.,
1998).
Ce modèle est représenté sur la figure 8.31.
> L'absorption des H+ par la face interne est une conséquence de l'accumulation de
charges électriques au centre binucléaire (centre biréactionnel) ; ils ne peuvent
cependant pas atteindre directement les formes oxygénées du centre réactionnel
mais se lient à un élément de la pompe.
> Cet élément peut avoir accès alternativement aux faces interne et externe de la
membrane, mais son état protoné sur la face interne (correspondant à un fort pKa)
est stabilisé par les charges négatives du site binucléaire.
> L'ouverture de l'accès des H+ au centre binucléaire, sous l'effet des charges néga-
tives, neutralise ces mêmes charges avec formation de H2O, et l'élément protoné
ainsi déstabilisé (diminution du pKa) relâche les H4+ dans la phase externe.

Centre biréactionnel N Centre biréactionnel chargé négativement


ou sw
Centre protonable ouvrable sur la matrice 0 l'extérieur/
Canal ouvert en traits pleins, fermé en pointillés
8.31 - Modèle possible d'un mécanisme de couplage entre transfert d'électrons et de protons
BIOÉNERGÉTIQUE

Ce schéma minimum implique une simultanéité dans le transfert des PL par le canal
transmembranaire (protons impliqués dans la réaction vectorielle) et de ceux dirigés
vers le centre binucléaire (protons neutralisant la forme réduite de l'oxygène).
Déprotoné sur la face externe, l'élément retourne en position interne et de ce fait
referme l'accès des protons au centre binucléaire. Ces hypothèses ont reçu un début
de bases expérimentales par utilisation de la mutagenèse dirigée et par l'étude de la
structure tridimensionnelle du complexe.

8.9.4.5. Les sous-unités surnuméraires


Le groupe de YOSHIKAWA au Japon a réalisé la cristallisation et établi la structure com-
plète du complexe entier de la cytochrome c oxydase des mitochondries de cœur de
bœuf. Celle-ci comprend 13 sous-unités dont les trois plus grosses sont codées par
l'ADN mitochondrial. La structure de base est peu différente de celle présentée ci-
dessus. Certaines unités additionnelles sont tissu-spécifiques et/ou portent des sites
de fixation pour des petites molécules, qui pour certaines, comme les adénines nucléo-
tides, ont une action régulatrice.

8.9.5. COMPLEXE 5 OU ATP SYNTHASE

Les ATP synthases sont présentes dans les membranes transductrices d'énergie : mito-
chondries, chloroplastes et membranes plasmiques des procaryotes. Elles couplent
le mouvement transmembranaire des protons dans le sens de leur différence de poten-
tiel électrochimique à la réaction de synthèse de l'ATP. La réaction inverse peut avoir
lieu et est notamment importante chez les bactéries en anaérobiose qui utilisent l'ATP
glycolytique à la translocation des protons.

8.9.5.1. Composition
Les ATP synthases ont été classiquement décrites comme étant constituées de deux
parties distinctes : le facteur FI hydrosoluble portant les sites catalytiques et le fac-
teur FO membranaire formant le canal à protons. En fait il y a lieu de distinguer un
troisième élément, le pédoncule assurant l'ancrage de FI à la membrane et nous ver-
rons ci-dessous son rôle dans le mécanisme de la réaction de couplage.

Partie solubilisable

Rotor

8.32 - Schéma simplifié montrant la


Membrane position des différentes sous-unités
de l'ATP synthase
8 - OXYDATIONS PHOSPHORYLANTES 205

Le secteur FI est constitué de 5 sous-unités différentes avec la stœchiométrie suivante


. Elles sont nommées dans l'ordre des masses moléculaires décroissantes.
Les sous-unités a et portent les six sites de fixation des nucléotides, 3 sites (3 et 3
sites a, les sites catalytiques étant portés par chacune des sous-unités . Les sous-uni-
tés a, (3 et y sont très conservées d'un organisme à l'autre. Il n'en est pas de même
pour les autres sous-unités où une certaine confusion existe encore dans la nomen-
clature entre eucaryotes et procaryotes.
Le secteur FO des procaryotes est le plus simple et est constitué de trois sous-unités
différentes avec la stœchiométrie suivante 12c10- 2Les sous-unités a et c sont très
hydrophobes et forment la base du canal à proton. Notamment le DCCD (dicyclo-
hexylcarbodiimide) inhibiteur du transport des protons se fixe sur l'acide aspartique
en position 61 de la sous-unité c (le DCCD est un réactif des carboxyles qui a été uti-
lisé en chimie pour la synthèse des liaisons peptidiques comme activateur de la fonc-
tion carboxyle ; il a un caractère hydrophobe prononcé). A cette structure de base
s'ajoutent d'autres sous-unités chez les eucaryotes, appartenant soit à FO proprement
dit, soit au pédoncule. Le canal à protons de ces organismes est aussi inhibé par le
DCCD qui se fixe sur un résidu glutamique et par l'oligomycine qui interagit avec
les sous-unités a et c. Cela a été montré chez la levure par l'isolement de mutants
résistants à l'oligomycine et par la localisation des mutations dans les gènes mito-
chondriaux des sous-unités a et c (nommées aussi respectivement les sous-unités 6
et 9 ; une troisième sous-unité appartenant aussi à FO est codée par l'ADN mito-
chondrial, la sous-unité 8).
Le pédoncule est constitué de protéines attribuées au FI comme la sous-unité y, au
FO comme la sous-unité b et à des protéines additionnelles comme l'OSCP (oligomycin sensitivity

téine est impropre dans la mesure où elle ne fixe pas l'inhibiteur mais son origine est
intéressante car elle a permis de mettre en évidence une propriété importante de l'en-
zyme. En effet la synthèse de l'ATP et la réaction inverse d'hydrolyse catalysées par
l'ATP synthase sont inhibées par l'oligomycine ; par contre le facteur FI solubilisé est
capable d'hydrolyser l'ATP selon une voie insensible à cet inhibiteur. Cela montre
que le facteur FO (au niveau duquel se fixe l'oligomycine) contrôle la réaction chi-
mique. Le terme de OSCP est la conséquence d'expériences de reconstitution entre
FI isolé et des extraits membranaires contenant FO pour restaurer la sensibilité à l'oli-
gomycine qui nécessitait l'ajout d'une protéine soluble, d'où son nom.

8.9.5.2. Mécanisme

La réaction chimique ne comporte qu'une étape


Le problème est de déterminer si la réaction d'hydrolyse s'effectue en une ou plu-
sieurs étapes. Par exemple, dans le cas des ATPases de type P (Na/KATPase...) le
phosphate terminal de l'ATP est transféré au carboxyle d'un résidu aspartique de
l'enzyme pour donner un anhydride d'acide qui est hydrolysé dans un deuxième
temps. Aucun intermédiaire phosphorylé n'a été mis en évidence dans le cas de la
206 BIOÉNERGÉTIQUE

FO-F1 ATPase, suggérant que la réaction se fait en une seule étape. Cette hypothèse
a été étayée par l'étude des configurations du phosphore (figure 8.33). En effet, il est
connu qu'une réaction de substitution sur un phosphate passe par la formation d'un
intermédiaire pentavalent bipyramidal, suivi du départ du ligand à substituer et d'un
changement de configuration du phosphore.
Après une réaction comportant une seule substitution ou un nombre impair de sub-
stitutions il y a inversion de configuration ; ce qui n'est pas le cas pour deux ou un
nombre pair de substitutions consécutives puisque la configuration est ramenée à
celle du départ. La chiralité du phosphore peut être visualisée en utilisant des élé-
ments différents pour chaque liaison avec cet atome : S, 16O, 17O et 18O comme cela
est indiqué sur la figure 8.33.

0 0 0 o
// / \\
— p - , , , , o + :Y X-,,p.,,,Y ————— O - Y
\
0 0 0

Intermédiaire pentavalent Inversion de la


bipyramidal configuration

S
/
Nombre pair d'étapes 17O _ p ,,,, Ol8

S + O
18 17
ADP-------O18P + H O + Rétention de configuration
16
O S
+
Nombre impair d'étapes l8O P —0
+
Inversion de configuration

8.33 - Chiralité du phosphate


L'expérience met en évidence un changement de configuration lors de l'hydrolyse de
l'ATP en accord avec l'existence d'un nombre impair d'étapes et vraissemblablement
une seule.
Hypothèses sur le mécanisme du couplage entre synthèse d'ATP et flux de protons
Deux grandes hypothèses ont été formulées : l'une par P. MITCHELL qui fait interve-
nir les protons directement au niveau de la formation de la liaison anhydride, l'autre
par P. BOYER et d'autres chercheurs où l'accent est mis sur des changements de confor-
mation de la protéine. Mais dans les deux cas l'intermédiaire énergétique postulé est
le µH4.
> Couplage direct - La réaction de couplage est effectuée à l'interface FO-F1 où l'ADP
et le Pi sont conduits à partir de la matrice sous un état de protonation déterminé
par le conducteur de ligand (en l'occurrence l'ATP synthase). Au centre actif,
l'addition de H+ par la face externe et d'ADP par la face interne induisent la
8 - OXYDATIONS PHOSPHORYLANTES 207

formation de l'intermédiaire pentavalent bipyramidal suivie du départ d'une molé-


cule d'eau et de l'inversion de la configuration du phosphore. Cette hypothèse a
été abandonnée et n'a plus qu'une valeur historique.
> Couplage indirect par changement de conformation de la protéine - Le schéma
représentant les variations d'énergie lors des étapes menant à la synthèse ou à l'hy-
drolyse de l'ATP dans le cas des deux hypothèses explicite la différence fonda-
mentale entre les concepts qui les sous-tendent ; la figure 8.34 illustre cette différence
en prenant l'hydrolyse comme exemple.
E + A T P E-ATP ATP

Énergie Hydrolyse Changement


de conformation

E-ADP-Pi E-ATP E-ADP-Pi

8.34 - Couplage direct (a) et indirect (b) au niveau de l'ATP synthase

Dans l'hypothèse d'un couplage direct le saut d'énergie correspond à la synthèse ou


à l'hydrolyse de la liaison pyrophosphate. Dans le cas du couplage indirect, au contraire,
cette étape est isoénergétique et le saut d'énergie correspond essentiellement à la fixa-
tion ou à la libération de l'ATP par l'enzyme. Celle-ci a une très forte affinité pour
l'ATP, ce qui implique que, dans le sens de la synthèse, la libération quantitative du
nucléotide nécessite un apport d'énergie. Le caractère isoénergétique de l'étape de
synthèse ou d'hydrolyse s'explique par une redistribution des énergies au profit de
celles correspondant à l'interaction nucléotide-enzyme et au détriment de celles cor-
respondant à la liaison anhydride entre les phosphates a et p de l'ATP. Selon cette
hypothèse la force protonmotrice serait impliquée dans le relargage de l'ATP formé
et réciproquement. Cette hypothèse a reçu plusieurs vérifications expérimentales dues
à BOYER et al. L'une d'elle consiste à montrer que la synthèse et l'hydrolyse de l'ATP
au niveau de l'enzyme ne nécessitent pas d'énergie. Pour cela des subparticules mito-
chondriales sont incubées avec de l'ATP dans un milieu contenant de l'eau marquée
à l'18O. Le marquage doit se retrouver sur le phosphate minéral après hydrolyse.
0 0 0 0

R—P—0—P—0 + H — O 1 8 — H R—P—O + HO 18 —P—0- + H+

0 0 O- 0-

Or on remarque que le phosphate libéré est marqué plusieurs fois à l'18O. Cette obser-
vation ne peut s'expliquer qu'en admettant une réversibilité de la réaction d'hydro-
lyse au niveau de l'enzyme (cycles de synthèse et d'hydrolyse de la liaison
pyrophosphate avec un phosphate pouvant tourner à son site). Cet enrichissement
en isotope s'effectue en l'absence de respiration. L'absence d'inhibition par les décou-
plants de ces échanges conforte l'interprétation que cette réaction partielle ne néces-
site pas d'énergie.
208 BIOÉNERGÉTIQUE

Des expériences similaires ont été réalisées avec FI isolé mais en utilisant de l'ATP
dont les oxygènes du phosphate terminal sont marqués à 180 pour obtenir une meilleure
sensibilité. L'observation que la perte du marquage en 180 de l'ATP est plus rapide
que l'apparition de Pi dans le milieu corrobore l'interprétation précédente.
La catalyse unisite
A des concentrations en substrat très inférieures à celles des sites catalytiques impli-
qués, l'enzyme fonctionne selon un mode appelé catalyse unisite car un seul site sur
les trois est impliqué. Ces études sont rendues possible car d'une part FI a une très
forte affinité pour l'ATP et d'autre part sa vitesse d'hydrolyse à un seul site est très
lente. Elles permettent d'obtenir des informations simplifiées ne faisant pas interve-
nir les effets coopératifs entre les sites. La mesure des constantes de vitesse de cha-
cune des étapes représentées sur la figure 8.35 permet d'accéder aux valeurs des
constantes d'équilibre et des G pour chaque étape. En accord avec l'hypothèse du
couplage indirect, l'étape nécessitant un apport d'énergie dans le sens de la synthèse,
ou correspondant à une libération d'énergie dans le sens de l'hydrolyse figuré en 8.35,
est la dissociation du complexe enzyme-ATP (réaction 1). Par contre, la réaction chi-
mique au site actif (réaction 2) est très lente et fonctionne près de l'équilibre.

ATP Constante G
F1-ATP d'équilibre kJ.mole-1
1 10122 M1 -68,4
2 0,5 M +1,7

3 6.10-4 M +18,4
F1-ADP-Pi
4 3.10-7 M + 37,2

8.35 - La catalyse unisite (d'après GRUBMEYER et a/.)


Les données chiffrées sont prises dans le sens de l'hydrolyse et à 25°C.

La catalyse multisite
Cette catalyse est celle mesurée à de fortes concentrations en substrats et produits.
Elle se caractérise par une double coopérativité :
> une coopérativité négative de liaison de l'ATP sur son site catalytique ;
» une coopérativité positive de l'hydrolyse de l'ATP (le facteur de multiplication de
la vitesse de réaction entre multisite et unisite est de 103 à 105).
A partir de ces observations, BOYER propose un modèle à deux sites où l'énergie est
requise pour assurer les changements de conformation. Ce mécanisme a été complété
par CROSS pour prendre en compte l'existence de trois sites et la coopérativité entre
eux (figure 8.36).
Le site L (loose) lie substrats et produits avec une faible affinité et est catalytiquement
inactif.
8 - OXYDATIONS PHOSPHORYLANTES 209

Le site T (tight) lie substrats et produits avec une forte affinité et est catalytiquement
actif.
Le site 0 (open) est le site ouvert avec une très faible affinité et il est inactif.

ADP + Pi

8.36 - La catalyse multisite


Ce mécanisme de synthèse de l'ATP fait intervenir trois sites dans des conformations
différentes.
Dans ce modèle l'ADP et le Pi se fixent au site L (transition 1) sur une molécule pos-
sédant de l'ATP au site T ; l'apport d'énergie transforme le site L en site T (transition 2),
ce qui induit l'ouverture du site précédant en site 0 (transition 2); l'ATP quitte l'en-
zyme et, en T, ADP + Pi — ATP, et ainsi de suite. La coopérativité tient au fait que
la conformation d'un site stabilise celle des autres sites dans des états différents. Ce
modèle a reçu une confirmation par analyse de la structure tridimensionnelle de FI.

8.9.5.3. Structure tridimensionnelle du secteur FI


L'équipe de WALKER en Angleterre a cristallisé le facteur F1 et analysé les images de
diffraction aux rayons X avec une définition de 2,8 A. Les sous-unités et sont dis-
posées par paire , de telle sorte qu'elles n'interagissent pas avec leur identique,
autour d'un axe constitué par une hélice a correspondant à la partie C-terminale de
la sous-unité y. Les structures de a et (3 sont homologues (20% d'identité) et chacune
contient un motif caractéristique d'une zone fixant les nucléotides. Les sites cataly-
tiques sont portés par mais près de l'interface ; les sites portés par a fixent très
fortement les nucléotides qui sont de ce fait non-échangeables. D'autre part, les struc-
tures tridimensionnelles des sous-unités a et (3 sont très comparables. Les données
structurales sont compatibles avec le modèle cinétique prédisant les trois conforma-
tions 0, L et T, avec respectivement sur les images le site ne contenant pas de nucléo-
tide, le site fixant l'ADP et celui liant un analogue non-hydrolysable de l'ATP.
L'asymétrie de la structure est visible au niveau des sites de fixation des nucléotides
et au niveau de la structure de la sous-unité y. Plus récemment cette même équipe a
pu cristalliser FI lié aux sous-unités c, qui au nombre de 10 forment un anneau comme
montré sur la figure 8.32.
210 BIOÉNERGÉTIQUE

8.9.5.4. Modèle rotationnel


Il a été proposé un modèle rotationnel dans lequel l'état conformationnel d'un site est
relié à sa position par rapport à l'axe de l'ATP synthase. La rotation de cet axe induit
les changements conformationnels des sites de façon alternative. Plus précisément la
structure de base de l'enzyme comporterait un rotor (sous-unités c et y) et un stator
(sous-unités a, (, a et b). La rotation serait induite par le flux de protons au niveau de
l'anneau constitué par les sous-unités c et provoquerait le changement alternatif de la
structure des sites catalytiques. Plusieurs types d'expériences ont permis de mettre en
évidence ce mouvement rotationnel. Par exemple la rotation de la sous-unité y lors de
l'hydrolyse de l'ATP a été visualisée par l'expérience suivante. La partie du complexe
d'une bactérie thermophile comprenant les sous-unités a, p et y est fixée à une plaque
de verre par l'intermédiaire des sous-unités (3 et un fluorophore est fixé sur la partie
libre de y; l'addition d'ATP induit une rotation de y que l'on peut suivre à l'aide d'un
microscope à fluorescence (pour les détails de l'expérience voir Nature 386,1997).
En conclusion l'ATP synthase semble être formée de deux parties :
le stator contenant les sous-unités a et p de FI, ancré à la membrane au niveau de
la sous-unité a ; la sous-unité b semble jouer le rôle de lien entre les composantes
de F1 et de FO ;
> un rotor où les sous-unités e t jouent un rôle essentiel ; elles assurent le couplage
entre flux de protons et rotation selon un mécanisme à définir et dans lequel la
position de y par rapport au couple impose la valeur des forces d'interaction
entre nucléotides et site catalytique.

8.9.6. NICOTINAMIDE NUCLÉOTIDE TRANSHYDROGÉNASE

Les nicotinamide nucléotide transhydrogénases des mitochondries (et des bactéries)


sont des protéines transmembranaires situées, comme les autres complexes, dans la
membrane interne ; leur centre catalytique est dirigé vers la matrice. Elles transfèrent
stéréospécifiquement l'ion hydrure de la position 4A du NAD(H) à la position 4B du
NADP(H) selon un mécanisme énergie-dépendant. En effet ce transfert est couplé à
celui d'un proton de l'extérieur vers l'intérieur avec une stœchiométrie de 1 H+ par
ion hydrure, ce qui a pour conséquence un flux de réduction du NADH vers le NADP+
NADH + NADP+ + H+e —— NAD+ + NADPH + H+,
La transhydrogénase des mitochondries de cœur, codée par le génome nucléaire, est,
sous sa forme mature, constituée de 1043 acides aminés. Elle est organisée en dimère
et chaque monomère comporte 14 segments transmembranaires. Le rôle de la trans-
hydrogénase semble être particulièrement important dans des conditions nécessitant
une forte production de NADPH, telles que le stress oxydatif dû à des agents toxiques
ou la réoxydation après anoxie. D'une manière générale cette activité est liée à la pro-
tection mitochondriale en relation avec la glutathion réductase et la glutathion
peroxydase mitochondriales (cf. § 4.8). Elle semble être aussi impliquée dans des méta-
bolismes particuliers des cellules reinales et hépatiques.
8 - OXYDATIONS PHOSPHORYLANTES 211

8.10. CONCLUSIONS
L'étude des oxydations phosphorylantes est une longue histoire dont il est difficile
de déterminer l'origine car les idées sont parfois difficiles à percevoir avec les connais-
sances que nous avons actuellement du sujet. Il est certain qu'un grand pas a été fran-
chi avec les travaux de LAVOISIER qui, seul, puis avec LAPLACE, établit une relation
entre la production de chaleur et la respiration. Mais il n'était pas physiologiste et il
proposa que la respiration correspondait à une lente combustion de l'hydrogène et
du carbone du sang, qui s'effectuait dans les poumons. Ce n'est qu'en 1875, avec les
travaux de PFLÜGER qu'il fut montré que l'activité respiratoire était un processus intra-
cellulaire. Le premier isolement d'une fraction subcellulaire comportant une activité
oxydante est dû à CLAUDE en 1940. Les travaux de HOGEBOON, GREEN, KENNEDY et
LEHNINGER en 1948 et 1949 ont permis d'identifier la mitochondrie comme le siège
des oxydations phosphorylantes.
La découverte des pigments hématiniques date de 1885 lorsque MAC MUNN met en
évidence ce qu'il a appelé l'histohèmine. Les travaux de D. KEILIN entre 1925 et 1933
permettent la mise en évidence des cytochromes a, b et c par spectroscopie. La tech-
nique consistait à placer un échantillon cellulaire (en général de la levure) entre une
source de lumière et un prisme qui la décomposait en ses différentes plages colorées.
L'observation du spectre permettait de mettre en évidence des bandes noires corres-
pondant à l'absorption des cytochromes. A la même époque 0. WARBURG montrait
que l'oxyde de carbone se fixait sur un ion fer qui était constituant de la cytochrome
oxydase appelée à l'époque Atmungsferment pour ferment respiratoire. Il montra que
le complexe entre ce ferment et CO était photosensible ; cela lui a permis de recher-
cher les différentes lumières monochromatiques capables de le dissocier, et d'établir
ainsi un spectre d'action qui devait correspondre au spectre d'absorption du pigment
(la manière d'effectuer un spectre d'action est discuté dans le chapitre 10).
Les recherches sur les oxydations phosphorylantes se sont accélérées durant la
deuxième moitié du XXe siècle et ont conduit à l'établissement de la séquence de la
chaîne respiratoire et à la mise en évidence des résultats essentiels que nous possé-
dons actuellement. Les résultats ont été dépendants de l'utilisation ou de la mise au
point de nouvelles techniques comme la spectrophotométrie à double faisceaux et
autres techniques spectroscopiques, l'oxygraphie, les techniques de détection des pro-
téines membranaires (en particulier les électrophorèses en milieu dénaturant) ou plus
récemment l'analyse des images de cristaux obtenus par diffraction des rayons X.
Plusieurs théories ont été formulées pour relier entre elles les différentes observations
faites sur les oxydations phosphorylantes et parmi celles-ci la théorie chimioosmo-
tique, développée par P. MITCHELL dès 1958, s'est avérée la plus prometteuse. Son
grand mérite est qu'elle a permis par des concepts simples, de comprendre comment
des phénomènes chimiques (scalaires) et osmotiques (vectoriels) étaient liés. Elle a
été à l'origine des travaux les plus récents sur les transports. Les débats et contro-
verses ont permis de déboucher sur de nouveaux concepts comme celui de pompe à
212 BIOÉNERGÉTIQUE

protons initié par WIKSTRÖM et de leur comportement cinétique (voir PIETROBON et


CAPLAN). Ils ont aussi permis d'étudier les oxydations phosphorylantes d'un point
de vue quantitatif.
Il ne faudrait pas cependant attribuer les progrès réalisés dans le domaine des oxy-
dations phosphorylantes à la seule théorie chimioosmotique. Les études enzymolo-
giques et structurales ont fait émerger des concepts nouveaux dont l'illustration la
plus éclatante est le mécanisme de synthèse de l'ATP par l'ATP synthase.
Chapitre 9

MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE
DE DIFFÉRENTS ORGANES OU CELLULES

Si le métabolisme énergétique cellulaire est représenté par des schémas généraux, il


existe des différences importantes selon le type de cellule, qui portent soit sur la pré-
sence ou non de certaines chaînes métaboliques ou sur leur degré d'activité, soit sur
leurs régulations. Nous avons déjà décrit des spécialisations cellulaires comme par
exemple le métabolisme du glycogène, celui de l'urée ou celui du calcium. Dans ce
chapitre nous décrivons les métabolismes énergétiques pour un certain nombre de
cellules de mammifères, ainsi que pour un microorganisme eucaryote, la levure
Saccharomyces cerevisiae, qui est une cellule très utilisée en biotechnologie.

9.1. HÉPATOCYTES

9.1.1. ANATOMIE FONCTIONNELLE DU FOIE

L'entrée du sang dans le foie est assurée par deux systèmes : l'artère hépatique, res-
ponsable de 20% du flux, et la veine porte qui relie l'intestin grêle, siège de la diges-
tion, au foie. Cette structure donne à l'organe un rôle particulier dans le métabolisme
car le sang venant de la veine porte est chargé des nutriments provenant de la diges-
tion. Le foie est également relié au pancréas qui secrète l'insuline et le glucagon, deux
hormones impliquées dans la régulation du métabolisme énergétique et en particu-
lier dans celui du glucose. L'irrigation sanguine de l'organe se fait par les veines hépa-
tiques qui débouchent dans la veine cave inférieure.
Le foie est constitué à 80% par les hépatocytes. Les autres types cellulaires sont les
cellules phagocytes de KUPFFER et les cellules endothéliales. Les hépatocytes sont dis-
posés en lobules (figure 9.1): il s'agit de structures hexagonales de 1 mm de section
dans lesquelles les cellules entourent une branche d'une veine hépatique située au
centre de l'hexagone. A chaque angle de cet hexagone se trouve une triade compo-
sée de fines ramifications de la veine porte, de l'artère hépatique et du conduit biliaire.
Le sang passe des triades vers la veine centrale par des voies étroites au travers des
hépatocytes, appelées sinusoïdes. Ils sont l'équivalent des capillaires trouvés dans les
autres tissus et sont tapissés de cellules endothéliales. Des canicules biliaires assurent
le lien entre les hépatocytes et le conduit biliaire de la triade.
214 BIOÉNERGÉTIQUE

Artère hépatique
Veine porte
Conduit biliaire

Hépatocytes

1 9.1 - Structure d'un lobule hépatique

Cette structure est à l'origine d'un effet de zonation métabolique, c'est-à-dire que le
métabolisme des hépatocytes varie selon leur position dans le lobule. En effet, le sang
artériel chargé en dioxygène alimente les cellules situées sur le pourtour de cette struc-
ture et y favorise un métabolisme oxydatif mitochondrial. Par contre, les effets conjoints
de la relativement faible vitesse de diffusion d'O2 et de sa consommation aux bor-
dures du lobule ont pour conséquence de diminuer sa concentration au centre de
cette structure, favorisant ainsi un métabolisme fermentaire.
Il n'est pas possible d'aborder le métabolisme du foie sans rappeler ses relations avec
deux organes ayant des fonctions de glande endocrine : le pancréas et le rein. Le pan-
créas est un organe complexe car il a des fonctions exocrines et endocrines. La grande
majorité des cellules pancréatiques ont une fonction exocrine par laquelle elles four-
nissent à l'intestin un certain nombre d'enzymes fonctionnant en milieu alcalin (amy-
lase, lipase pancréatique, trypsine et chymotrypsine); dans la partie interne du
pancréas on trouve environ un million de cellules ayant des fonctions endocrines,
les îlots de LANGERHANS, mais qui ne représentent que 1 à 2% de la masse totale du
pancréas. Ces îlots contiennent trois types de cellules : les cellules a sécrétant le glu-
cagon, les cellules sécrétant l'insuline et les cellules sécrétant la somatostatine.
Seuls le glucagon et l'insuline sont directement impliqués dans le métabolisme éner-
gétique. Chaque îlot est alimenté en sang par une branche de l'artère pancréatique
et de fines veines permettent l'efflux du sang vers la veine pancréatique, qui débouche
elle-même dans la veine porte. Le foie a de ce fait une position privilégiée pour rece-
voir ces hormones.

9.1.2. MÉTABOLISME DES SUCRES


ET RÉGULATION DU TAUX DE GLUCOSE DANS LE SANG

Le foie a une position centrale dans le maintien du taux de glucose dans le sang. Selon
les besoins de l'organisme, il le stocke sous forme de glycogène ou en fournit par
dégradation du glycogène et par gluconéogenèse. L'essentiel du métabolisme de ce
sucre et de sa régulation a été étudié au chapitre 6 ; ce paragraphe réunit, en les com-
plétant, les données qui contribuent à l'homéostasie de la concentration en glucose
dans le sang (figure 9.2).
9 - MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE DE DIFFÉRENTS ORGANES OU CELLULES 215

Cellules musculaires ou adipocytes

Glucagon

cogène

stimulation
inhibition

9.2 - Homéostasie du glucose sanguin

Après un repas la concentration en glucose dans le sang peut atteindre 10 mM dans


la veine porte, qui relie l'intestin au foie, alors qu'elle est normalement d'environ
5 mM dans le reste du système sanguin. L'entrée du glucose sanguin dans les hépa-
tocytes est catalysée par le transporteur GLUT2 (cf. § 2.2.2), caractérisé par un fort
KM (12 mM) et un fort VM. Il est alors phosphorylé dans le cytoplasme par la gluco-
kinase (hexokinase de type IV) qui, comme GLUT2, est caractérisée par un fort KM et
un fort VM ; une autre caractéristique essentielle de cette enzyme est qu'elle n'est pas
inhibée par excès de substrat contrairement aux hexokinases d'autres tissus (tissus
nerveux par exemple). Ainsi, la vitesse de synthèse du glucose-6P dans l'hépatocyte
est largement linéairement proportionnelle à la concentration en glucose sanguin.
D'une manière générale nous verrons ainsi que le maintien du taux de glucose san-
guin est, dans une large mesure, dû à l'action directe ou indirecte de sa propre concen-
tration dans le sang.
Le glucose-6P est alors :
soit isomérisé en glucose-1P pour la synthèse du glycogène ;
> soit hydrolyse en glucose par la glucose-6 phosphatase du réticulum endoplas-
mique hépatique ;
> soit dégradé par la voie glycolytique.
L'activité de la phosphorylase, responsable de la phosphorolyse du glycogène à par-
tir de son extrémité non-réductrice, dépend du rapport des formes a et b de cette
enzyme qui est contrôlée par différentes hormones et par le glucose (rappelons que
la forme a est la forme active). Dans le foie, essentiellement le glucagon mais aussi
216 BIOÉNERGÉTIQUE

l'adrénaline activent la protéine kinase A par l'intermédiaire de l'AMPc, permettant


ainsi de transformer b en a par phosphorylation (cf. chapitres 5 et 6). Par contre la
phosphorylase phosphatase qui permet la transition de la forme a en forme b est acti-
vée par l'insuline.
Comme dans le muscle, la glycogène synthétase existe sous deux formes : la forme a
active, non-phosphorylée et la forme b phosphorylée qui est inactive (cf. chapitre 6).
Cette enzyme est soumise à la même cascade de régulations que les phosphorylases
par l'AMPc. La phosphorylase phosphatase catalyse aussi l'hydrolyse de la phos-
phoryl-sérine de la glycogène synthétase, étape sensible à l'insuline
La phosphorylase phosphatase, qui est impliquée dans la régulation de la phospho-
rolyse et de la synthèse du glycogène, répond directement à la concentration en glucose
ce qui permet à l'organisme de s'adapter rapidement aux variations de la concentra-
tion en sucre dans la veine porte. La phosphorylase phosphatase est liée à la phos-
phorylase a mais le glucose est nécessaire pour induire une transition allostérique de
l'enzyme et la rendre active, d'où une inhibition de la glycogénolyse par hydrolyse
des liaisons ester de la phosphorylase a. La transition phosphorylase a phospho-
rylase b a pour conséquence le relargage de la phosphatase dans le milieu, ce qui per-
met à cette enzyme de catalyser la déphosphorylation de la glycogène synthétase et
donc de l'activer (figure 9.3).

9.3 - Effet direct du glucose


sur la phosphorylase phosphatase
Pa - phosphorylase a (active)
Pb - phosphorylase b (inactive)
PPi - phosphorylase phosphatase inactive
PPa - phosphorylase phosphatase active
GSi - glycogène synthase phosphorylée inactive
GSa - glycogène synthase déphosphorylée active

La glycolyse et la gluconéogenèse sont régulées dans le foie par le glucagon dont un


des messagers secondaires est le fructose-2,6biphosphate (cf. § 6.2.1). Ce sucre sti-
mule la phosphofructokinase 1 en s'opposant à l'inhibition de cette enzyme par l'ATP ;
par contre il inhibe la fructose-l,6biphosphatase 1 en synergie avec l'AMP. Rappelons
que le fructose-2,6P2 est formé par phosphorylation du fructose-6P par l'ATP, réac-
tion catalysée par la PFK2, et que son hydrolyse en fructose-6P est catalysée par la
FBP2. Ces deux activités sont portées par une même chaîne peptidique dont la phos-
phorylation est induite par le glucagon, par l'intermédiaire d'une kinase AMPc dépen-
dante. La phosphorylation active la FBP2 et inhibe la PFK2, en conséquence de quoi
le glucagon a un effet négatif sur la glycolyse et positif sur la gluconéogenèse. Comme
décrit au chapitre 6, la phosphorylation de 1a pyruvate kinase, enzyme de la glyco-
lyse, joue un rôle déterminant dans la régulation du métabolisme du glucose dans le
9 - MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE DE DIFFÉRENTS ORGANES OU CELLULES 217

foie ; en rendant cette enzyme beaucoup plus sensible à l'alanine, substrat majeur de
la gluconéogenèse (§ 9.1.3), elle favorise la voie de synthèse par rapport à celle de la
dégradation.
GROEN et coll. ont calculé les coefficients de contrôle des enzymes impliquées dans
la gluconéogenèse et la glycolyse à partir des élasticités, en présence ou en absence
de glucagon. Pour réaliser ce travail ils ont fait les mesures soit sur des enzymes seules,
soit sur des groupes d'enzymes pour simplifier le système. Ainsi en présence de glu-
cagon, le contrôle est porté essentiellement par la pyruvate carboxylase (C = 0,83) ;
en absence de l'hormone le contrôle est essentiellement partagé par la pyruvate car-
boxylase (C = 0,51), le groupe énolase/phosphoglycérate kinase (C = 0,29) et le groupe
triosephosphate isomérase/fructose-1,6biphosphatase (0,29). Dans ces dernières condi-
tions, la pyruvate kinase a un contrôle négatif car elle favorise la glycolyse (C = - 0,17).
Nous voyons ainsi dans les cas de la phosphofructo-1,6biphosphatase et la pyruvate
kinase que la régulation par le glucagon abaisse leur coefficient de contrôle. La régu-
lation a pour conséquence une redisdribution du contrôle.
Enfin il est important de noter que le glucose sanguin a un effet négatif sur la pro-
duction du glucagon et un effet positif sur celle de l'insuline. Le transporteur de glu-
cose est de type GLUT2 dans les cellules pancréatiques ce qui, comme dans le cas
du foie, rend la vitesse d'entrée du sucre linéairement proportionnelle à sa concen-
tration dans le sang. Le glucose, ou plus vaissemblablement un de ses métabolites,
induit alors la sécrétion d'insuline active.
En conclusion on constate que le glucose a des effets à la fois directs et indirects sur
son propre métabolisme. L'homéostasie en glucose sanguin n'est pas simplement due
à la régulation de sa production ou de sa mise en réserve par le foie mais aussi au
métabolisme des cellules cibles l'utilisant comme substrat énergétique. Ainsi les cel-
lules musculaires et les adipocytes possèdent un transporteur de glucose de type
GLUT4 dont l'insertion dans la membrane plasmique est régulée positivement par
l'insuline (cf. § 9.2 et 9.3). Enfin la balance entre glycolyse et gluconéogenèse peut être
régulée à long terme au niveau de l'expression des gènes. Notamment, les expres-
sions de la phosphofructokinase, de la glucokinase et de la pyruvate kinase sont sti-
mulées par l'insuline ou par des régimes alimentaires riches.

9.2.3. MÉTABOLISME DES ACIDES AMINÉS

Le foie joue un rôle important dans le métabolisme des acides aminés car il est le seul
organe à posséder toutes les enzymes du cycle de l'urée. Ce cycle a été décrit au cha-
pitre 5 comme exemple de métabolon. C'est dans cet organe que s'effectue l'essentiel
du catabolisme des acides aminés, mis à part ceux à chaîne branchée dont la dégra-
dation est largement initiée dans le muscle (cf. § 9.2). Après collecte de la fonction
aminé des acides aminés sur l'-cétoglutar equi donne du glutamate, réactions cata-
lysées par les transaminases, celui-ci est oxydé par la glutamate déshydrogénase mito-
chondriale à NAD+ pour donner de l'-cétoglutar e,du NADH et les ions ammonium.
Cette réaction est réversible mais, dans le foie, elle est déplacée dans le sens de la
218 BIOÉNERGÉTIQUE

formation de l'-cétoglutar epar élimination des ions ammonium au cours du cycle


de l'urée (cf. figure 5.10).
Deux acides aminés jouent un rôle important dans le métabolisme hépatique comme
précurseurs de la néoglucogenèse : l'alanine et le glutamate. L'alanine donne par
transamination du pyruvate qui sera carboxylé en oxaloacétate, et le glutamate donne
par désamination l'-cétoglutar e,un intermédiaire du cycle de KREBS qui sera aussi
converti en oxaloacétate. Ces acides aminés sont non seulement apportés par les ali-
ments (veine porte) mais aussi excrétés par les muscles (cf. figure 10.5).

9.1.4. MÉTABOLISME DES ACIDES GRAS

Le foie, comme d'autres tissus, est capable d'absorber des acides gras non-estérifiés
à partir du plasma sanguin. Ils sont essentiellement dégradés dans la matrice mito-
chondriale, bien qu'une partie de la -oxydation s'effectue dans les peroxysomes ;
cette dernière correspond à un raccourcissement des acides gras à très longue chaîne.
L'énergie produite est utilisée à la gluconéogenèse mais, comme nous l'avons vu,
l'acétyl-CoA ne peut pas être utilisé comme substrat carboné à la synthèse du glu-
cose chez les mammifères (contrairement à la levure qui possède un cycle glyoxy-
lique permettant la synthèse de C4 à partir de C2, cf. § 9.5).
La lipogenèse, qui comprend à la fois la formation de novo d'acides gras à partir de
l'acétyl-CoA et la synthèse de triglycérides, est localisée dans le cytosol du foie et des
adipocytes. La biosynthèse des acides gras s'effectue par élongation récurrente d'uni-
tés en C2, comme décrit au § 5.4.2, par un mécanisme différent de celui de la -oxydation rév

(figure 9.4). En effet, ce tricarboxylate s'accumule dans la mitochondrie, dans les condi-
tions où les concentrations en ATP et en NADH sont importantes (inhibition de l'iso-
citrate déshydrogénase, cf. chapitre 7), ce qui provoque sa sortie dans le cytoplasme.
Sous l'action de la citrate lyase, il est scindé en acétyl-CoA et en oxaloacétate ; cette
réaction nécessite du CoA-SH et de l'ATP (cf. chapitre 7).

O c
IL0-
0 C 0
// Citrate lyase | //
HO—C—CH2—C + CoA-SH — — — — - 0==C + H3C—C + H+

ATP AoL CH2

O O - 00 -

Citrate Oxaloacétate Acétyl-CoA

La première étape de la biosynthèse des acides gras est la formation du malonyl-CoA,


réaction catalysée par une enzyme, l'acétyl-CoA carboxylase, fonctionnant essentiel-
lement dans des conditions énergétiques favorables, comme décrit ci-dessus. Il s'agit
d'une enzyme allostérique activée par le citrate et inhibée par le palmitoyI-CoA
9 - MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE DE DIFFÉRENTS ORGANES OU CELLULES 219

(cf. § 5.4.2 et figure 9.4). Le citrate a une position clé dans les réactions anaboliques
car en plus de son rôle dans la biosynthèse des acides gras il est source d'oxaloacé-
tate dans le cytosol et inhibe la phosphofructokinase 1 (cf. chapitre 6).
La -oxydation mitochondriale est régulée par le malonyl-CoA qui est un inhibiteur
de la carnitine-acyle transférase (CPT1). Ainsi ce composé en inhibant l'entrée des
acyl-CoA dans la mitochondrie joue le rôle d'inverseur entre anabolisme et catabo-
lisme des acides gras. Un autre point fondamental dans la régulation du métabolisme
des acides gras dans les hépatocytes est que l'acyl-CoA carboxylase est soumise aussi
à phosphorylation, réaction induite par le glucagon via l'AMPc ; la déphosphoryla-
tion est favorisée par l'insuline ; la forme phosphorylée est inactive. Ainsi, comme pour
le glycogène, le glucagon stimule la dégradation des acides gras et l'insuline favorise
leur synthèse.

Insuline
Citrate

9.4 - Régulation du métabolisme des acides gras dans les hépatocytes


inhibition, — stimulation, CPT carnitine-acyle transférase

La synthèse des triglycérides s'effectue par acylation du glycérol-3phosphate par les


acyl-CoA néoformés ; ces réactions sont catalysées par le complexe triacylglycérol
synthase qui est localisé sur le réticulum endoplasmique. Ces réserves lipidiques s'ac-
cumulent en partie dans le foie et sont en partie véhiculées dans le sang par un type
de lipoprotéines circulantes, les VLDL (very low density lipoprotein).

9.1.5. LES CORPS CÉTONIQUES

Une autre fonction importante du foie est la production d'acétoacétate et de -hydroxy-butyrate.

0 0
// //
H3C—C—CH2—C H3C — CH— CH2 — C

0 0- OH 0-
Acétoacétate -hydroxyacétate

L'acétoacétate est obtenu par condensation de deux acétyl-CoA. Il peut être soit
décarboxylé pour donner de l'acétone, soit réduit en -hydroxybutyrate par une
220 BIOÉNERGÉTIQUE

déshydrogénase à NAD+ Ces substances, appelées corps cétoniques, sont véhiculées


par le sang vers d'autres tissus où elles servent de substrat énergétique essentielle-
ment pour le cœur et le cortex rénal, ou par le cerveau dans les conditions ou l'apport
en glucose est faible. L'acétoacétate est activé par un transfert de coenzyme A prove-
nant du succinyl-CoA, puis une thiolase spécifique le scinde en deux acétyl-CoA.
transport
2 Acétyl-CoA — Acétoacétate ————— Acétoacétate — 2 Acétyl-CoA
—————————————————— par le sang ——————
Foie Cellules périphériques

Le foie est dépourvu de cette thiolase spécifique ce qui lui permet d'accumuler les
corps cétoniques et de les déverser dans le sang. Ce système correspond à un trans-
port d'acétyl-CoA du foie à d'autres tissus.

9.2. CELLULES MUSCULAIRES

9.2.1. MUSCLES SQUELETTIQUES

Les muscles squelettiques ou muscles striés constituent la plus grande partie de la


masse corporelle et sont le support de la contraction musculaire volontaire, contrai-
rement aux muscles lisses qui échappent à la volonté. Ils sont constitués de deux types
de cellules appelées aussi fibres car elles sont de forme allongée et peuvent atteindre
plusieurs centimètres de long. Elles sont associées en faisceaux, reliés aux neurones
par les jonctions neuro-musculaires. Les fibres rouges doivent leur couleur à une forte
teneur en myoglobine, hémoprotéine monomérique facilitant la diffusion du dioxy-
gène dans la cellule (cf. § 5.1) ; riches en mitochondries elles ont un métabolisme essen-
tiellement oxydatif et puisent leurs substrats énergétiques dans le sang ; elles sont
fortement irriguées par les capillaires. Diffusion de 02 et de CO2 et absorption des
substrats respiratoires sont autant de facteurs contrôlant la vitesse de production de
l'énergie nécessaire à la contraction musculaire. C'est pourquoi ces cellules (de type I)
sont surtout impliquées dans des efforts de faible intensité mais pouvant être de
longue durée comme la marche. Les fibres de type II ou fibres blanches sont dépour-
vues de myoglobine et sont pauvres en mitochondries. Leur métabolisme est essen-
tiellement glycolytique et utilise les réserves endogènes de glycogène, ce qui permet
une réponse rapide à la demande d'énergie. Elles interviennent dans les efforts vio-
lents et de relative courte durée. Ainsi, comme dans le cas des cellules du système
nerveux (cf. § 9.4), le métabolisme du lactate peut s'effectuer en partie par coordina-
tion métabolique des deux types de cellules : les fibres blanches le produisant par fer-
mentation et les fibres rouges l'oxydant en CO2 et H2O. Chaque type de muscle possède
des proportions définies de fibres des deux types.
Le glucose, véhiculé par le sang, pénètre dans les cellules musculaires par une diffu-
sion facilitée catalysée par deux isoformes du transporteur, GLUT1 et GLUT4. Au
repos ou à faible teneur en insuline dans le sang, GLUT4 est localisé dans des vési-
cules endosomales. La production d'insuline provoque une fusion de ces particules
9 - MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE DE DIFFÉRENTS ORGANES OU CELLULES 221

avec la membrane plasmique, augmentant ainsi la quantité de transporteur dans celle-


ci et donc le Vm du transport. L'insuline agit par un système complexe via la phos-
phatidyl-inositol-3 kinase et la protéine kinase B (cf. § 5.2). Un système similaire existe
dans les adipocytes. Une altération de ces systèmes est à l'origine d'un diabète insu-
line-indépendant, ou diabète de type II.
Les muscles, et particulièrement les fibres rouges, utilisent de grandes quantités
d'acides gras libres véhiculés par le sang sous une forme liée à l'albumine. Il n'est pas
encore établi clairement si l'entrée des acides gras dans la cellule nécessite un trans-
porteur ou si elle s'effectue par simple diffusion. Le muscle utilise aussi les acides
gras véhiculés sous forme de triglycérides par les lipoprotéines, mais ceux-ci sont
préalablement libérés dans les capillaires par action d'une lipase. Glycogène intra-
cellulaire et glucose sanguin sont des substrats énergétiques et leur métabolisme res-
pectif ainsi que les régulations les concernant ont été décrits aux § 6.1 et 6.2. Le rôle
fondamental de l'ion calcium dans la régulation du métabolisme énergétique mus-
culaire est décrit au § 5.2 (figure 5.3).
Une des caractéristiques des muscles est leur capacité à utiliser les acides aminés à
chaîne branchée (leucine, isoleucine, valine). Après transamination, les céto-acides
sont décarboxylés par une céto-acide déshydrogénase spécifique des acides aminés
branchés, présente uniquement dans les muscles et structuralement analogue à la
pyruvate déshydrogénase (complexe multi-enzyme faisant intervenir cinq coenzymes,
cf. chapitre 7). Les produits finaux de ces catabolismes sont soit le succinyl-CoA, soit
l'acétyl-CoA.

Acides aminés
Glucose ————> Pyru vate -cétog l u t a r a t e . , branchés CH2<—

Alannine r \
Gluta mate - -céto-acide
\
NH44 + -cétoglutarateate

Muscle Gluta mine

Sang
—————
Ala nineGluta
Vers les Acidesdes aminés
reins bran chés

c
. . Acides aminés
Alanine . branchés
Acides aminés
provenant de la
• veine porte
Gluconéogenèse —

9.5 - Relations entre les métabolismes des acides aminés des muscles et du foie

Comme indiqué sur la figure 9.5, le catabolisme des acides aminés présente une cer-
taine spécificité tissulaire. Le foie reçoit essentiellement ces molécules de la veine
porte, donc en provenance des nutriments. La composition en acides aminés rejetés
222 BIOÉNERGÉTIQUE

par cet organe est fortement enrichie en acides aminés branchés qui sont par contre
captés et métabolisés par le muscle. Ce dernier relâche dans le sang une quantité
importante d'alanine qui est captée par le foie et est utilisée à la gluconéogenèse.
D'autre part, le muscle synthétise de la glutamine, un acide aminé qui peut être consi-
déré comme un bon transporteur d'ions ammonium ; la glutamine sera désaminée
en glutamate en partie par les reins.
Enfin il est important de noter que le muscle peut être une réserve énergétique par la
quantité globale d'acides aminés qu'il contient, mais cette reserve a cependant des
limites !

9.2.2. MUSCLE CARDIAQUE

La particularité du muscle cardiaque (myocarde) est qu'il ne doit jamais s'arrêter. Le


rythme des contractions est modulable avec l'effort fourni par l'organisme. Les besoins
en énergie sont de ce fait très importants. Ces cellules (cardiomyocytes) sont très riches
en mitochondries, qui représentent 30 à 40% du volume cellulaire ; à titre de compa-
raison, les mitochondries d'hépatocytes représentent 20 à 25% et celles des fibres mus-
culaires blanches 2% du volume cellulaire. C'est pourquoi les mitochondries de cœur,
et en particulier celles de cœur de bœuf, ont été largement utilisées pour établir les
concepts de la bioénergétique et étudier la structure des complexes membranaires ;
par contre, celles de cœur de rat sont souvent utilisées pour des mesures sur l'organe
entier perfusé ou sur les cellules perméabilisées ou non.
De la quantité de mitochondries découle la caractéristique énergétique du myocarde,
qui est de pouvoir répondre rapidement à une forte augmentation de la demande en
dioxygène de l'organisme. Il peut ainsi faire face à une augmentation du travail
corporel d'environ 20 fois. Cette efficacité est due à l'architecture du myocyte et aux
systèmes permettant de lui délivrer l'ATP néoformé. Dans le cœur, comme dans les
cellules de type 1 des muscles squelettiques, les mitochondries sont essentiellement
regroupées à proximité des myofibrilles et du réticulum, les deux structures cellu-
laires utilisatrices d'ATP au cours de la contraction et de la relaxation musculaire.
Cette organisation a pour conséquence une meilleure réponse de la demande à
l'utilisation de l'énergie.
L'ion calcium, comme nous l'avons vu au chapitre 5, est un élément essentiel dans
le déclenchement de la contraction musculaire. Il a été mentionné comme un régu-
lateur de la production d'énergie en stimulant des déshydrogénases de la matrice
mitochondriale. Dans le cas du myocarde ce rôle a été remis en question car la quan-
tité de mitochondries suggère que le processus des oxydations phosphorylantes
ne peut pas, en lui-même, être un facteur contrôlant. Par contre, la stabilité des con-
centrations en nucléotides adényliques dans le cytosol, pour des charges en travail
différentes, suggère une régulation au niveau du transfert des liaisons pyrophos-
phate entre ceux des mitochondries et ceux du cytosol. Les transferts s'effectuent
par les points de contact constitués par la porine de la membrane mitochondriale
externe, par la forme octamérique de la créatine kinase, enzyme soluble de l'espace
9 - MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE DE DIFFÉRENTS ORGANES OU CELLULES 223

intermembranaire et par le transporteur ATP/ADP de la membrane interne. Comme


nous l'avons déjà vu ce système permet de régénérer l'ADP du cytosol en mainte-
nant dans celui-ci le rapport ATP/ADP constant. C'est la vitesse de formation de
l'ADP dans l'espace intermembranaire, donc d'utilisation de l'ATP, qui contrôle en
grande partie la vitesse des oxydations phosphorylantes.

Membrane externe Membrane interne

P-créatine
Créatine

Porine
Créatine-kinase Transporteur
ATP/ADP
Espace intermembranaire

Notons que la porine en elle-même est un frein pour la diffusion des nucléotides au
regard de la grande activité du transporteur de la membrane interne ; le complexe
fonctionnel lève ce contrôle puisque seules la créatine et la phosphocréatine sont
échangées entre le cytosol et la mitochondrie. Un point fondamental du système est
que le nombre de points de contact augmente avec l'activité du myocarde. D'autre
part, une forte teneur en créatine kinase et en adénylate kinase dans le cytosol consti-
tuent des relais efficaces pour le transfert des liaisons anhydride de phosphate entre
les points de production et de consommation de l'ATP (cf. chapitre 3).
La demande en énergie du cœur est quantitativement importante, ce qui a conduit
plusieurs équipes de recherches à étudier les mitochondries dans des états patholo-
giques. Notamment l'alimentation en dioxygène peut être appauvrie par un ralen-
tissement du flux sanguin au niveau des coronaires, provoquant ainsi une anoxie
partielle. Le système expérimental très étudié est celui de l'ischémie suivie d'une
reperfusion sur le cœur isolé. Plusieurs types de modifications sont observés comme
l'altération de complexes mitochondriaux ou celle des points de fusion. Dans les deux
cas cela peut se traduire par une diminution de la concentration en ATP dans le cyto-
sol. Notons que le système ischémie-perfusion a permis de mettre en évidence une
formation importante d'ions superoxydes due à des modifications au niveau de la
chaîne respiratoire. Il existe d'autres types de pathologies cardiaques, comme l'aryth-
mie ou la perte de contractilité du myocarde qui ont pour origine des désordres au
niveau du métabolisme énergétique. A titre d'exemple un excès d'acides gras inhibe
la pyruvate déshydrogénase mitochondriale, favorisant ainsi la fermentation lactique
aux dépens des oxydations phosphorylantes ; l'acidification de la cellule induit des
désordres métaboliques divers. Le but de ce livre n'étant pas de décrire ces patholo-
gies, nous renvoyons le lecteur intéressé aux publications citées dans la section biblio-
graphie qui font le point sur la littérature dans ce domaine.
224 BIOÉNERGÉTIQUE

9.3. ADIPOCYTES
On peut distinguer deux types de tissus adipeux très différents d'un point de vue
métabolique, les tissus adipeux bruns et les tissus adipeux blancs. Les premiers sont
essentiellement impliqués dans la production de chaleur, les seconds sont des réserves
d'énergie sous forme de triacylgiycérol.

9.3.1. TISSUS ADIPEUX BRUNS

La couleur brune de ces tissus est due à la richesse des adipocytes en mitochondries.
Leur métabolisme énergétique est très particulier dans la mesure où leurs mito-
chondries possèdent un transporteur qui catalyse l'influx de protons, donc dans le
sens du potentiel électrochimique (cf. § 8.3.2). Cette protéine, appelée protéine décou-
plante ou thermogénine, est inhibée par l'ATP et le GTP, et au contraire stimulée par le
GDP. L'entrée des protons a pour effet d'abaisser le µH+ et donc de découpler la syn-
thèse de l'ATP de la respiration et de stimuler cette dernière. La respiration étant sti-
mulée, le cycle de KREBS est activé et donc la synthèse du GTP à partir du succinyl-CoA
est elle même stimulée. Le flux de synthèse des liaisons anhydrides de phosphate au
niveau cellulaire reste important malgré le découplage car ces cellules, comme nous
l'avons vu, sont riches en mitochondries. Ces tissus sont quantitativement plus impor-
tants chez les hibernants que chez les non-hibernants. En effet durant l'hibernation
la température du corps chute et il a été proposé que ce système fournirait de la cha-
leur au moment du réveil de l'animal pour réaugmenter la température.

9.3.2. TISSUS ADIPEUX BLANCS

Contrairement aux cellules des tissus bruns, les adipocytes des tissus blancs sont
pauvres en mitochondries et de ce fait leur consommation en oxygène est faible.
Cependant ils ont un rôle fondamental en énergétique cellulaire car ils emmagasi-
nent et redélivrent les lipides pour l'organisme. Ce sont de véritables greniers à grain
pour le corps. Ce flux lipidique est évidemment régulé, notamment par l'insuline,
l'adrénaline et la noradrénaline. Ces tissus forment la presque totalité des tissus adi-
peux chez l'animal adulte non-hibernant. Ces cellules ont deux fonctions essentielles :
la mise en réserve des triacylglycérols, provenant soit du plasma soit de la synthèse
de novo des lipides, et la mobilisation de ces molécules pour les besoins énergétiques
des autres cellules.
Les triacylglycérols sont transportés dans le plasma par les particules lipoprotéiques
et généralement par les plus grosses d'entre elles (les VLDL pour very low density lipo-protein

tement leur chargement aux adipocytes, les triglycérides sont hydrolysés à l'extérieur
en acides gras et en glycérol par la lipoprotéine lipase produite et excrétée par ces cel-
lules. L'insuline stimule ce processus en agissant à la fois sur la synthèse et l'expor-
tation de l'enzyme. Les acides gras libres sont transportés dans l'adipocyte par transport
9 - MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE DE DIFFÉRENTS ORGANES OU CELLULES 225

facilité et reforment des triglycérides dans le cytosol après activation en acyl-CoA,


forme active qui permet la formation des liaisons esters. Cette réaction consomme de
l'énergie sous forme d'ATP (cf. § 3.1.3).

H2C-OPO3 .cOS-CoA Co-ASH H2Ç-OPOs2CH2 cOS-CoA CoA-SH H2C-OPO.,2CH2


HC—OH HC—OH HC—OCOR2

H2C—OH H2C—OCOR1 H2C—OCOR1

HO H2C—OH R1COS-CoA CoA-SH H2C—OCOR2



HC—OCOR2 ————————- HC—OCOR2
Pi
H2C—OCOR1 H2C—OCOR2

Le glycérol-3P provient de la glycolyse qui est elle-même stimulée par l'insuline ; en


effet, le glucose pénètre dans la cellule par le transporteur GLUT4 dont la quantité
dans la membrane plasmique est, comme dans le cas du muscle, augmentée par action
de cette hormone. Les adipocytes sont aussi capables de synthétiser les acides gras
selon une voie stimulée par l'insuline qui active l'acétyl-CoA carboxylase, enzyme
responsable de la formation du mévalonate (cf. § 9.1 A). On remarque ainsi qu'une
augmentation de la concentration en insuline dans le sang induite par celle en glucose
favorise l'accumulation des lipides dans les adipocytes sous forme de triglycérides.
Adipocyte

Glycérol 3P Acétyl-CoA
(4)
Glycérol Lipoprotéine lipase

(2)
Glycérol
AG Glucose Lipoprotéine lipase

TAG ——— AG

9.6 - Effet de l'insuline sur le métabolisme des lipides dans les adipocytes
— effet stimulateur, effet inhibiteur,
TAG - triglycérides, MAG - monoglycérides, AG - acides gras, 1 - insuline,
(1) - lipase, (2) - GLUT4, (3) - translocation de la lipoprotéine lipase, (4) - acétyl-CoA carboxylase

Les triglycérides s'accumulent dans les adipocytes sous forme de gouttelettes. Ils peu-
vent être hydrolysés en acides gras et en glycérol en fonction des besoins énergétiques
de l'organisme. Une lipase, agissant à la surface des gouttelettes, hydrolyse les trigly-
cérides en monoacyl-glycérol. Cette enzyme est, comme la glycogène phosphorylase,
226 BIOÉNERGÉTIQUE

soumise à phosphorylation par une kinase AMPc-dépendante, et de ce fait est régu-


lée par l'adrénaline et la noradrénaline. Le glucagon n'a pas d'effet sur les adipocytes.
La forme phosphorylée de l'enzyme est la forme active. Comme dans le cas du métabo-
lisme du glycogène, l'insuline a un effet inverse en stimulant une phosphatase. Le troi-
sième acide gras est libéré sous l'action d'une autre lipase. Les acides gras libérés
diffusent dans le plasma sanguin et sont transportés vers les cellules consommatrices
sous forme de complexe avec l'albumine.

9.4. CELLULES DU SYSTÈME NERVEUX


Le système nerveux est un tissu très hétérogène. On distingue deux familles de cel-
lules, les neurones et les cellules gliales. Les premières assurent la transmission de
l'influx nerveux, les secondes sont considérées comme des cellules de soutien et ayant
une activité métabolique intense car fournissant l'énergie nécessaire aux neurones.
La glie (ensemble des cellules gliales) est elle-même hétérogène et l'on distingue plu-
sieurs types de cellules comme les astrocytes, les oligodendrocytes, la microglie du
système nerveux central ou les cellules de SCHWANN du système nerveux périphé-
rique. Une des caractéristiques essentielles des cellules nerveuses est leur structura-
tion supramoléculaire et les phénomènes de canalisation et de proximité des systèmes
enzymatiques (solubles ou membranaires) prennent alors tout leur sens. Un autre
phénomène qui a été mis en évidence dans ce tissu est la complémentarité fonction-
nelle entre neurones et cellules gliales.
La fonction essentielle du neurone est la transmission de l'information sous forme
d'un courant électrique qui se propage le long de l'axone par onde de dépolarisation.
Comme mentionné au chapitre 3, la N a/K4ATPase, en couplant la sortie de 3 Na+ a
l'entrée de 2 K+, crée une différence de concentration transmembranaire en ces ions
et une différence de potentiel électrique négatif à l'intérieur de la cellule ; le poten-
tiel de repos est égal à - 75 mV. La membrane plasmique (et en particulier la mem-
brane neuronale) est relativement perméable au K+ ce qui permet à ce cation d'être
proche de son équilibre électrochimique ; par contre, il existe un fort déséquilibre en
Na+ La membrane des neurones possède des canaux voltage-dépendant, particuliè-
rement pour le 'Na+ dont l'ouverture provoque une dépolarisation de la membrane.
Ce phénomène se propage de proche en proche constituant ainsi l'onde de dépolari-
sation. Ce qui est important d'un point de vue cellulaire, et notamment de l'énergé-
tique, est la dimension spatio-temporelle de ce phénomène. En effet la quantité de
cations mise en jeu est localisée, ce qui rend possible l'existence d'une onde de dépo-
larisation ; elle est localement faible par rapport à la teneur globale en cations des cel-
lules car elle ne concerne, à un temps donné, qu'une région déterminée à proximité
de la membrane. D'autre part l'ATP fourni par les mitochondries est rapidement trans-
porté à son point d'utilisation grâce à un réseau créatine/créatine phosphate entre la
membrane plasmique et la mitochondrie, analogue à celui décrit pour le myocarde.
La localisation des mouvements ioniques est due à ce que les phénomènes membra-
naires sont rapides devant leur vitesse de diffusion dans le cytosol. Néanmoins la
9 - MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE DE DIFFÉRENTS ORGANES OU CELLULES 227

quantité d'ions mis en jeu est importante dans le temps en regard de la grande acti-
vité neuronale, et l'énergie utilisée par l'ATPase correspond à plus de 50% de l'éner-
gie totale produite ou utilisée par la cellule. Le cerveau en activité dépense plus
d'énergie que le muscle par gramme de tissu. Il est à noter que des systèmes autres
que le canal sodique utilisent le potentiel électrochimique en Na + (échange Ca2/Na+
transport du glutamate) mais il est cependant le plus grand utilisateur d'énergie.
Les phénomènes électriques sont très rapides et nécessitent une régénération du poten-
tiel membranaire par la Na/K ATPase à une vitesse du même ordre de grandeur. Il
est donc nécessaire que l'ATP néoformé soit dirigé rapidement vers la membrane. En
complément du système créatine/créatine-P, comme dans le cas des cellules éry-
throcytaires, il semble que les enzymes de la glycolyse soient situées à proximité des
ATPases qui tapissent la face interne de la membrane plasmique des neurones.
La transmission de l'influx entre deux neurones est assurée par l'intermédiaire de
structures appelées synapses (figure 9.7). Elles sont constituées de trois éléments :
> la région présynaptique, correspondant à un renflement d'une terminaison neu-
ronale, souvent riche en vésicules membranaires contenant un neuromédiateur ;
> la région postsynaptique d'un autre neurone dont la membrane possède sur sa face
externe des récepteurs pour le neuromédiateur ;
> un espace de quelques nanomètres appelé/ente synaptique qui sépare ces deux enti-
tés membranaires.
En fait il existe deux types de transmission synaptique : l'une par transmission directe
de l'onde de dépolarisation, ce qui suppose une très grande proximité des membranes,
l'autre par l'intermédiaire d'un neuromédiateur. Nous nous intéresserons à ce deuxième
cas à cause de ses relations particulières avec le métabolisme énergétique. Le premier
neurotransmetteur à avoir été étudié est l'acétylcholine dont on trouve des récepteurs
dans le cerveau et dans les jonctions neuromusculaires qui constituent un type par-
ticulier de synapse. Un autre neurotransmetteur particulièrement important dans le
système nerveux central est le glutamate. Cet exemple est de plus intéressant car il
constitue un modèle d'interactions métaboliques entre deux types cellulaires, les neu-
rones et les astrocytes (voir figure 9.7).
D'une manière générale les neurorécépteurs sont stockés dans des vésicules qui s'ac-
cumulent dans la région présynaptique du neurone. La dépolarisation de la mem-
brane plasmique induit l'ouverture de canaux calciques voltage-dépendant et provoque
ainsi l'entrée de Ca2 dans le cytosol. Ce cation, connu pour favoriser l'exocytose, per-
met par ce mécanisme le relargage du neurotransmetteur dans la fente synaptique.
Le récepteur postsynaptique, qui selon les cas est un canal ou un récepteur à pro-
téine G, est activé. Le neurorécepteur est ensuite éliminé de la fente synaptique. Ainsi,
le glutamate est pompé de la fente par les astrocytes. L'absorption de l'acide aminé
dépend de la différence de potentiel électrochimique en ion sodium. Trois Na4 sont
cotransportés avec le glutamate avec en plus un échange entre l'entrée d'un H+ et la
sortie d'un H4. Le transporteur membranaire assurant ce couplage (EAAT pour exitatory amino a
228 BIOÉNERGÉTIQUE

d'un ATP par entrée d'un glutamate (rappelons que l'ATPase utilise un ATP pour
l'extrusion de 3 Na. Sur le plan énergétique, les systèmes de transport, comportant
en particulier la recapture des neurotransmetteurs, sont une source de dépense impor-
tante ; l'énergie utilisée a été estimée, dans certains cas à 50% de celle nécessaire à la
transmission de l'influx nerveux. Dans les cellules gliales le glutamate est soit amidé
en glutamine par la glutamine synthétase (réaction consommant un ATP), enzyme
absente des neurones, soit intégré dans le cycle des acides tricarboxyliques après désa-
mination. La glutamine formée est transportée dans les neurones par l'intermédiaire
de transporteurs spécifiques que l'on trouve dans les membranes des cellules gliales
et neuronales. Elle est alors désamidée dans le neurone pour donner le glutamate.
Ainsi un cycle transcellulaire entre cellules gliales et neurones est réalisé (figure 9.7).
Les cellules gliales jouent un rôle important pour la réabsorption d'autres neuro-
transmetteurs, qu'ils soient excitateurs comme le glutamate ou l'aspartate, ou qu'ils
soient inhibiteurs comme la glycine ou le -hydroxybutyrate (GABA).

Glucose ——— Lactate —————————

Vésicules
synaptiques

Presynapse

fente
synaptique
Postsynapse
Récepteurs
posrsynaptiques
9.7 - Relations métaboliques entre astrocytes et neurones
1 - glycolyse, 2 - transporteur des monocarboxylates, 3 - anhydrase carbonique, 4 - échangeur
bicarbonate/ion chlore, 5 - cotransporteur bicarbonate-ion sodium, 6 - transporteur du gluta-
mate, 7 - glutaminase, 8 - métabolisme oxydatif mitochondrial, 9 - glutaminase, Gl - glutamate,
Gln - glutamine

En résumé, le système nerveux est un grand consommateur d'énergie. L'ensemble de


l'activité spécifique de ce tissu, c'est-à-dire les mouvements ioniques, les transports
actifs, les systèmes de signalisation et les réactions chimiques liées au métabolisme
des neurotransmetteurs, correspond à une demande énergétique de 6 à 8 fois celle
nécessaire au métabolisme de base.
Le glucose est le métabolite énergétique essentiel du cerveau dans des conditions nor-
males. Cela est dû à ce qu'il est capable de diffuser au travers de la membrane hémato-
méningée. Dans des conditions extrêmes, les corps cétoniques, formés dans le foie,
peuvent être utilisés comme substrats énergétiques. Il a été proposé que les cellules
gliales étaient essentiellement glycolytiques et que le lactate produit était transféré
9 - MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE DE DIFFÉRENTS ORGANES OU CELLULES 229

aux neurones adjacents où il était totalement oxydé via le cycle tricarboxylique et la


chaîne respiratoire. Ce système interactif est dénommé navette astrocyte-neurone du
lactate. Cette hypothèse s'appuie sur un certain nombre de faits expérimentaux dis-
cutés ci-dessous mais il n'est pas exclu que le glucose puisse être en partie dégradé
par les neurones. Dans le cerveau le glycogène est uniquement stocké dans les cel-
lules gliales qui, contrairement aux neurones, contiennent les enzymes de la glyco-
génolyse et de la gluconéogenèse. Les cellules gliales contiennent essentiellement la
sous-unité LDH5 de la lacticodéshydrogénase, forme impliquée dans la réduction du
pyruvate en lactate alors que les neurones sont plutôt riches en LDH1, forme impli-
quée dans l'oxydation du lactate en pyruvate (cf. chapitre 6). Le glutamate stimule la
glycolyse des astrocytes en culture, ce qui est cohérent avec le rôle de cet acide aminé
dans l'activité cérébrale et son métabolisme comme décrit ci-dessus. La membrane
plasmique des cellules gliales, comme celle des neurones, contient un transporteur
couplant le symport lactate-proton selon un processus électroneutre. Ce transporteur
est spécifique des acides monocarboxyliques (lactique, pyruvique, hydroxybutyrique).
Comme pour les transporteurs de glucose il existe plusieurs isoformes différant par
la valeur de leur Km pour le lactate ; elle est élevée dans le cas de l'isoforme trouvée
dans les cellules gliales, et au contraire faible dans le cas des neurones. Cette obser-
vation est en faveur d'un mouvement du lactate de la cellule gliale vers le neurone.
L'excrétion du lactate de la cellule gliale par cotransport avec un proton crée une alca-
linisation du cytosol qui peut être corrigée par le métabolisme du dioxyde de carbone.
Il s'agit là encore d'une interdépendance métabolique entre deux types de cellules. Le
dioxyde de carbone est produit dans les mitochondries lors de l'oxydation complète
du pyruvate. Dans le cerveau il est donc produit essentiellement par les neurones. Le
dioxyde de carbone existe sous trois formes, la forme gazeuse CO2 soluble dans l'eau,
la forme hydratée ou acide carbonique H2CO3 et la forme bicarbonate HCO3.
Anhydrase carbonique
CO2 + H2O -» H2C03 » H+ + HCO3-

Ces formes sont interconvertibles, et à l'équilibre la forme dominante est le bicarbo-


nate, l'acide carbonique étant à l'état de traces. L'anhydrase carbonique catalyse l'in-
terconversion acide carbonique/bicarbonate et permet d'atteindre rapidement cet
équilibre. Elle est abondante dans les cellules gliales (comme dans les hématies où
elle joue un rôle fondamental dans le transport du CO2) mais est absente des neu-
rones. Cette localisation permet de tirer les réactions vers la formation du bicarbo-
nate et de créer ainsi un gradient en dioxyde de carbone où sa concentration est faible
dans la cellule gliale par rapport à celles du plasma et du neurone ; il s'en suit un flux
des neurones vers les cellules gliales. L'ion bicarbonate est excrété soit par échange
avec l'ion chlorure, soit par un cotransport avec l'ion sodium avec une stœchiométrie 1 HC03- pour

potentiel électrochimique en Na + et permet une économie d'énergie importante.


L'ensemble des réactions consistant à l'hydratation du dioxyde de carbone et à la sor-
tie de l'ion bicarbonate se traduit par une acidification intracellulaire qui compense
l'alcalinisation due à la sortie du lactate.
230 BIOÉNERGÉTIQUE

9.5. EXEMPLE DE MICROORGANISME EUCARYOTE :


LA LEVURE SACCHAROMYCES CEREVISIAE
Les cellules des organismes pluricellulaires, et particulièrement celles des mammi-
fères, sont spécialisées et correspondent, comme nous l'avons vu, à une activité par-
ticulière de l'organe. Elles sont situées dans un environnement défini, même si la
composition du sang peut varier dans une certaine mesure (nutriments, hormones,
dioxygène). Ces variations peuvent conduire à des modifications de la quantité ou
de la localisation d'enzymes ou de transporteurs, mais restent toutefois limitées à un
nombre réduit de protéines. Il n'en est pas de même pour certains microorganismes
eucaryotes dont le métabolisme est fortement dépendant de l'environnement. Pour
illustrer ce fait nous avons choisi de décrire succinctement le métabolisme énergé-
tique de la levure Saccharomyces cerevisiae. D'autre part la connaissance du métabo-
lisme de cet organisme est importante car :
> il est largement utilisé pour l'étude de l'expression de gènes de mammifères, dont
celle de gènes humains ;
> il est possible d'obtenir tous les mutants nucléaires, facilitant ainsi l'étude des pro-
téines et en particulier de celles intervenant dans le métabolisme énergétique.
Selon la composition du milieu la production d'énergie provient soit de la glycolyse
soit de la respiration. Cultivée dans un milieu contenant du glucose comme substrat
carboné, la levure tire son énergie de la glycolyse. Le glucose est dégradé en pyruvate dans le

la pyruvate décarboxylase fonctionnant avec le ^TPP+. L'acétal est alors réduit en éthanol par le N

de la glycolyse (rôle comparable à la réduction du pyruvate en lactate chez les mam-


mifères); cette réaction est catalysée par une isoforme de l'alcool déshydrogénase,
l'ADH1. C'est ce que l'on appelle la fermentation alcoolique (§ 6.2.3). Lorsque le glu-
cose est consommé, la croissance continue à plus faible vitesse, en utilisant l'énergie
provenant de l'oxydation complète de l'éthanol en dioxyde de carbone et en eau par
le système mitochondrial ; c'est ce que l'on appelle la diauxie. Cette possibilité de tirer
son énergie soit de la fermentation, soit de la respiration a permis des études biochi-
miques ou génétiques sur ces systèmes car on pouvait inhiber le fonctionnement d'une
voie sans que cela soit létal pour la cellule.
Le métabolisme purement respiratoire peut être directement obtenu lorsque la levure
est cultivée en absence de glucose mais avec un substrat énergétique non-fermentescible co

gluconéogénique pour des raisons explicitées plus loin. Le substrat non-fermentescible


par excellence est l'éthanol, un composé à deux atomes de carbone. La cellule doit
fournir l'énergie nécessaire et les squelettes carbonés aux biosynthèses à partir de ce
métabolite ; nous décrirons successivement ces deux aspects.
Les mitochondries de levure présentent quelques particularités par rapport à celles
des mammifères. Elles ne possèdent que deux sites de phosphorylation correspondant
9 - MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE DE DIFFÉRENTS ORGANES OU CELLULES 231

respectivement aux complexes 3 et 4. Par contre elles sont capables de réoxyder le


NADH cytosolique comme le NADH mitochondrial grâce à deux NADH déshydro-
génases situées l'une sur la face externe de la membrane interne, l'autre sur la face
interne. Ce sont des enzymes à FAD, comme toutes les déshydrogénases membra-
naires qui ne sont pas des transducteurs d'énergie et la réoxydation du NADH par
02 ne permet la formation que d'environ deux ATP. La figure 9.8 représente l'essen-
tiel des déshydrogénases non-membranaires liées à la respiration. Le NADH peut
être formé par déshydrogénation de l'éthanol en acétal, soit dans le cytosol par l'iso-
forme 2 de l'alcool déshydrogénase (ADH2), soit dans la mitochondrie par une iso-
forme particulière, l'ADHmit. L'acétal produit par oxydation de l'éthanol est oxydé
en acétate soit dans le cytosol, soit dans la mitochondrie. Dans le cytosol l'acétal déhy-
drogénase est une enzyme à NADP4 et le NADPH formé n'est pas réoxydé par la chaîne
respiratoire, mais sert à la synthèse des acides gras. Dans la mitochondrie l'enzyme
utilise le NAD+ et le NADH est réoxydé par la NADH déshydrogénase interne des
mitochondries. L'oxydation de l'acétaldéhyde en acétate est fortement exergonique et
de ce fait favorise l'oxydation de l'éthanol. L'acétate est estérifié par le CoA-SH dans
le cytosol et l'acétyl-CoA entre dans la voie de biosynthèse des acides gras. Comme
dans le cas des mammifères la levure possède deux types de glycérol-P déshydrogé-
nases, l'une cytosolique à NAD+ l'autre située sur la face externe de la membrane
interne à FAD.
Cytosol Membrane interne M
Matrice mitochondriale
des mitochondries
Glycérol ———> Glycérol-P
1
Dihydroxyacétone-P

NAD+, Lactate
NADH 2
Glucose ———— Pyruvate ———————— Pyruvate
Ethanol
NAD + NADH NAD+
9 4
3 NADH
Ethanol ————————Acétal «—— » A cétal r

NADP+ NAD+
8 7
NADPH NADH Acétyl-CoA
Ace tate — ————— A La.
Cycle des acides
tricarboxyliques
e glyoxylique <——— Acétyll-CoA

9.8 - Déshydrogénases liées à la respiration


1 - glycérol-P déshydrogénase à FAD membranaire, 2 - lacticodéshydrogénase membranaire,
3 - alcool déshydrogénase cytosolique (ADH2), 4 - alcool déshydrogénase mitochondriale,
5 - glyceraldéhyde-3P déshydrogénase (glycolyse), 6 - pyruvate déshydrogénase, 7 - acétaldé-
hyde déshydrogénase à NAD mitochondriale, 8 - acétaldéhyde déshydrogénase à NADP cyto-
solique, 9 - pyruvate décarboxylase. Pour éviter les surcharges, on ne figure pas H4 accompagnant
la formation de NAD(P)H.
232 BIOÉNERGÉTIQUE

Elles peuvent conjointement fonctionner comme système navette selon un mécanisme


déjà explicité au chapitre 8, mais l'enzyme mitochondriale permet aussi la croissance
de la levure sur glycérol, après phosphorylation par un ATP, selon la voie décrite sur
la figure 9.8. La mitochondrie de levure est capable d'oxyder le lactate en pyruvate
par l'intermédiaire d'enzymes situées sur la face externe de la membrane interne.
Elles sont ainsi différentes des enzymes de mammifères qui sont cytosoliques. D'autre
part contrairement à ces dernières elles utilisent le FAD (et le cytochrome b2 pour
l'une d'elles) à la place du NAD+ Le pyruvate peut être métabolisé directement dans
la mitochondrie par le complexe pyruvate déshydrogénase pour donner de l'acétyl-
CoA. Il peut être aussi décarboxylé dans le cytosol pour donner de l'acétal dont nous
avons décrit le devenir.
Cultivée sur substrat non-fermentescible, la levure synthétise le glucose et autres sub-
strats carbonés à partir de métabolites à deux atomes de carbone, comme l'éthanol
ou l'acétate. Le cycle permettant ces transformations est appelé cycle glyoxylique et est
localisé dans des organelles particulières, les peroxysomes (ou glyoxysomes). Comme
noté sur la figure 9.9 ce cycle conduit à la formation, à partir de deux acétyl-CoA,
d'une molécule de succinate qui pourra entrer dans le cycle tricarboxylique mito-
chondrial. Cela correspond à un système anaplérotique car, comme pour la réaction
catalysée par la pyruvate carboxylase, un composé en C4 est fourni au cycle des acides
tricarboxyliques pour compenser la consommation de certains métabolites aux dif-
férentes voies de biosynthèse, et notamment à celle du glucose. Rappelons que, chez
les mammifères, l'acétyl-CoA, métabolite en C2 provenant essentiellement de la dégra-
dation des acides gras, n'est pas un substrat pour la gluconéogenèse.

NADH - Oxaloacétate Acétyl-CoA

NAD+ CIT2,

Malate Citrate

Acétyl-CoA ———— MLS1 AC02


ICL1
Glyoxylate «————7————— Isocitrate

Succinate
9.9 - Cycle de l'acide glyoxylique
MDH3 - malate déshydrogénase, CIT2 - citrate synthase, AC02 - aconitase, ICL1 - isocitrate
lyase, MLS1 - malate synthase. Le numéro figurant après l'abréviation de l'enzyme indique celui
de l'isoforme.
Le cycle glyoxilique est constitué de cinq étapes :
> trois réactions conduisant du malate à l'isocitrate et qui sont similaires à celles du
cycle des acides carboxyliques, bien que catalysées par des isoenzymes différentes ;
> deux réactions spécifiques catalysées respectivement par l'isocitrate lyase et la
malate synthase.
9 - MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE DE DIFFÉRENTS ORGANES OU CELLULES 233

0
// H. ,0
— — CH2 — C
___C___CH2 ___C
CH2
H_C_OH 0- Isocitrate lyase CH2

0 0-Succinate
Isocitrate Glyoxylate

H 0 0. S—CoA
C H—C—OH
Malate synthase
CH3 CH2 + CoA-SH

C
02 0-
Glyoxylate Acétyl-CoA Malate

Comme signalé au début de ce paragraphe, l'originalité du métabolisme énergétique


de cette levure est de dépendre très fortement de la composition du milieu extérieur.
Ainsi sa composition en enzymes est soumise à une répression catabolique, appelée
effet glucose car c'est le sucre le plus actif dans ce phénomène. En sa présence, les
enzymes appartenant essentiellement au métabolisme mitochondrial, à la gluconéo-
genèse, au cycle glyoxylique ainsi que l'invertase, catalysant l'hydrolyse du saccha-
rose, sont réprimées à des degrés divers. Ainsi l'activité de l'invertase est diminuée
d'un facteur 800, celle de la malate synthase de 80, celle de la fructose-1,6biphos-phatase de 60 ou

Comme signalé ci-dessus, de nombreuses enzymes impliquées dans le métabolisme


énergétique existent sous plusieurs isoformes qui peuvent présenter des propriétés
enzymatiques et/ou des localisations cellulaires différentes. Elles sont de ce fait
différemment sensibles à l'effet glucose. Par exemple la synthèse de l'ADH2 est
fortement réprimée par le glucose alors que celle de l'ADH1 ne l'est pas. Ces effets
vont tous dans le même sens : ils favorisent le métabolisme fermentaire et sup-
priment la gluconéogenèse. L'absence de sucre fermentescible, au contraire, permet
le développement du système mitochondrial (quantitativement et qualitativement)
et la synthèse des enzymes impliquées dans la biosynthèse des sucres à partir de
l'éthanol. La répression glucose (ou la dérépréssion pour le phénomène inverse)
s'exerce essentiellement au niveau de la transcription des gènes selon des mécanismes
pouvant varier avec l'enzyme concernée. Cet aspect n'est pas traité dans ce livre et
nous mentionnons, pour le lecteur intéressé, des articles généraux dans la section
bibliographie.
234 BIOÉNERGÉTIQUE

9.6. CONCLUSIONS
Les exemples décrits dans ce chapitre montrent la diversité des métabolismes pos-
sibles. Ils varient selon le type cellulaire et parfois selon la position de la cellule dans
l'organe ; rappelons à ce propos l'effet de zonation dans le cas des hépatocytes. Les
différences portent à la fois sur des aspects qualitatifs (présence ou non d'une chaîne
métabolique) ou quantitatifs (nombre de mitochondries par exemple) ainsi que sur
les régulations et notamment la sensibilité aux hormones. Chez les êtres pluricellu-
laires supérieurs, cette diversité correspond à la spécialisation de l'organe. Nous
aurions pu multiplier les exemples avec les tissus rénaux, les érythrocytes ou les neu-
trophiles, pour ne citer que ces cellules. Mais notre but était de montrer que l'étude
du métabolisme en général, et du métabolisme énergétique en particulier, ne peut
pas se satisfaire d'une description générale. Elle doit s'inscrire dans un cadre plus
général d'études de la biologie cellulaire et de la physiologie.
Chapitre 10

ÉNERGÉTIQUE DE LA PHOTOSYNTHÈSE

La lumière est la principale source d'énergie de la biosphère puisqu'elle permet la


synthèse de matière organique à partir du gaz carbonique. En énergétique elle inter-
vient principalement en modifiant le potentiel redox de certains composés : c'est la
photosynthèse. Mais elle peut aussi agir en apportant l'énergie nécessaire à l'isomé-
risation d'une molécule, c'est le cas pour la bactériorhodopsine que nous n'étudie-
rons pas ici, et nous renvoyons le lecteur intéressé au livre de E. SCHECHTER déjà cité.
La lumière est aussi un effecteur enzymatique qui agit par l'intermédiaire de couples
d'oxydoréduction. Dans ce chapitre, comme son titre l'indique, nous mettrons l'ac-
cent sur l'aspect énergétique, et nous limiterons essentiellement l'étude de la photo-
synthèse à celle les plantes vertes.

10.1. PRINCIPES GÉNÉRAUX


La conversion de l'énergie solaire en biomasse par la photosynthèse est la source pri-
maire d'énergie du monde vivant. Les plantes, les algues et les cyanobactéries effec-
tuent une photosynthèse aérobie ; elles utilisent la lumière comme source d'énergie
pour réduire le gaz carbonique à partir de l'oxydation de l'eau, ce qui a pour consé-
quence le dégagement de dioxygène. Certaines bactéries sont le siège d'une photo-
synthèse anaérobie ; elles n'utilisent pas l'eau comme donneur d'électron mais d'autres
composés minéraux (H2S chez les bactéries vertes) ou organiques (succinate chez les
bactéries pourpres) et ne dégagent pas d'O2.
La synthèse du glucose est une réaction endergonique et correspond formellement,
dans le cas de la photosynthèse aérobie, à l'inverse de l'oxydation de ce sucre ; elle
nécessite donc un apport d'énergie, contrairement à l'oxydation qui, comme nous
l'avons vu, en fournit.
6CO2 + 6H2O — C6H12O6 + 6O2 G =+ 2868 kjoules. mole1
L'écriture de la réaction sous cette forme est utile pour le calcul de l'enthalpie libre
de formation du glucose mais ne correspond pas à la réalité moléculaire. Il est d'usage
de classer l'ensemble du phénomène en deux types de réactions, les réactions lumi-
neuses qui correspondent à la transduction d'énergie proprement dite et les réactions
obscures qui correspondent à la fixation et à la réduction du gaz carbonique condui-
sant à la synthèse des sucres. Cette distinction provient du fait que la photosynthèse,
mesurée globalement par l'absorption de CO2 ou le dégagement de 02, présente
une saturation en fonction de l'illumination alors qu'un phénomène purement
236 BIOÉNERGÉTIQUE

photochimique serait linéairement proportionnel à l'éclairement tant que le système


n'est pas détruit par excès d'éclairement, bien sûr. La fixation de CO2 correspondant
à la première étape des réactions obscures est la carboxylation du ribulose-1,5biphos-phate, réa

Cette réduction de CO2 nécessite un donneur d'hydrogène, en l'occurrence le NADPH,


et de l'ATP, deux formes d'énergie transduites à partir de la lumière. Dans la photo-
synthèse aérobie, par exemple, le NADP est réduit par les électrons provenant de
l'eau, ce qui pose un problème énergétique original compte tenu des potentiels de
demi-réduction des deux couples mis en jeu.
O2 + 4 e- + 4 H —— 2 H2O Em (pH7) = + 0,82 V
+
et NADP + 2 e- + 2 H—— NADPH Em (pH7) = - 0,32 V
L'énergie lumineuse est utilisée pour vaincre cette barrière énergétique. Nous avons
vu que plus l'électron d'un couple est instable (c'est-à-dire plus il est éloigné du centre
de la molécule), plus le couple est réducteur. L'absorption d'un photon par une molé-
cule peut donc déstabiliser un électron en le déplaçant sur une orbitale plus extérieure
et rendre ainsi le potentiel de demi-réduction de la molécule plus négatif (figures 10.1
et 10.3). Dans le cas de la photosynthèse aérobie, deux réactions photochimiques en
série interviennent pour réduire le NADP+ à partir de l'eau, avec respectivement les
pigments P680 et P700 des photosystèmes II et I. Les bactéries à photosynthèse anaé-
robie, ne comportent qu'un seul photosystème.

10.1 - Schéma général du transfert des électrons dans les thylakoïdes


PS 1 - photosystème I, PS II - photosystème II, P680 - pigment 680, P700 - pigment 700,
Q - quinone, PQ - plastoquinone, PC - plastocyanine, Fd - ferredoxine, Fp - flavoprotéine

En bref, un photosystème est constitué :


> d'une antenne chargée de collecter l'énergie lumineuse et de la transférer au centre
photochimique ;
10 - ÉNERGÉTIQUE DE LA PHOTOSYNTHÈSE 237

d'un centre photochimique transduisant l'énergie lumineuse en énergie d'oxydo-


réduction ;
> d'une chaîne d'oxydoréduction couplant le transfert des électrons à un transport
transmembranaire de protons, établissant ainsi un µH+.
Le fonctionnement de ces systèmes est complété par l'existence d'une ATP synthase
qui, comme dans le cas des mitochondries, couple un mouvement inverse des pro-
tons à la synthèse de l'ATP.
Chez les plantes vertes et les algues la photosynthèse est localisée dans les chloroplastes
(figure 10.2). Ces organelles sont constituées, en allant de l'extérieur vers l'intérieur,
d'une membrane externe, d'un espace intermembranaire, d'une membrane interne,
d'un espace soluble ou stroma, et d'un système membranaire complexe, les thylakoïdes.
La membrane externe, comme celle des mitochondries, n'est pas une barrière de per-
méabilité pour les métabolites. Par contre la membrane interne a une perméabilité sélec-
tive et des transporteurs spécifiques assurent les liens métaboliques entre le stroma et
le cytosol. Le stroma contient les enzymes nécessaires à la fixation et à la réduction du
C02. Les thylakoïdes, siège des réactions lumineuses et des réactions de couplage abou-
tissant à la synthèse de l'ATP, sont constitués d'un système membranaire complexe
séparant le stroma d'un espace interne appelé lumen. Ce système continu est cepen-
dant constitué de deux structures différentes, les grana ou empilements de membranes
reliés entre eux par des segments de membranes non-empilés. Dans ces deux types de
structures membranaires sont insérés les systèmes qui permettent l'absorption lumi-
neuse, les centres photochimiques, les chaînes d'oxydoréduction et l'ATP synthase. La
distribution de ces éléments dans le réseau membranaire est hétérogène et constitue
un point fondamental de la régulation de la photosynthèse discuté au § 10.6.
Membrane externe Membrane interne

a — — b
:
:::
:::
:\
Grana
\
Stroma Thylakoïde

10.2 - Les différents espaces du chloroplaste (a) - Structure détaillée du thylakoide (b)
Les ovales représentent des empilements de grains et les sphères des ATP synthases.

10.2. PRINCIPE DE LA RÉACTION PHOTOCHIMIQUE

10.2.1. RAPPEL DES LOIS DE LA PHOTOCHIMIE

La lumière est définie comme une petite partie des ondes électromagnétiques, carac-
térisées par leur fréquence v (exprimée en hertz) ou leur longueur d'onde (expri-
mée en m). Ces deux valeurs sont reliées l'une à l'autre par la relation :
v c
La lumière visible par exemple est comprise entre 400 et 700 nm. Dans le vide sa
vitesse c est égale à 3.108 m.s1. La lumière est assimilée à des quanta d'énergie (les
238 BlOÉNERGÉTIQUE

photons) associés à une onde. Contrairement aux électrons ou aux neutrons, les pho-
tons n'ont pas de masse : ce sont des particules virtuelles. Par contre, ils possèdent
une énergie définie par la relation :
E = hv = h c (h, la constante de PLANCK, est égale à 6,63.1034 joule. s)
Par exemple l'énergie d'un quantum de lumière pour une longueur d'onde de 500 nm
est de :
E = 6.63.10-34x3.108/5.107 = 3,98.10-19 joules
En prenant 1 joule = 6,242 x 1018 eV, on obtient E = 2,48 eV.
A l'état fondamental, les électrons sont dans un état minimal d'énergie. Par absorp-
tion d'énergie ils passent à un état excité. Chaque électron ne peut occuper que des
niveaux d'énergie déterminés. Comme d'autre part les quanta ne sont pas divisibles,
un atome (ou une molécule) ne pourra absorber que des radiations correspondant à
des transitions énergétiques autorisées, c'est-à-dire correspondant à la fréquence de
la radiation absorbée.
Les lois de la photochimie énoncent qu'une molécule ne peut être excitée que par un,
et seulement un quantum de lumière. Selon la quantité d'énergie absorbée, la molé-
cule effectue une transition de l'état fondamental S0 au premier état excité singulet
(S1) ou à un état supérieur (S2 S3...). On appelle état singulet un état pour lequel il n'y
a pas inversion de spin de l'électron. La molécule excitée peut revenir à son état ini-
tial (relaxation) en émettant de la lumière selon plusieurs processus (figure 10.3).
> La fluorescence est une émission qui intervient entre 10-99 et lO-66 s après l'excita-
tion ; comme l'énergie émise ne peut être supérieure à celle absorbée, cela se tra-
duit par un spectre de fluorescence déplacé vers le rouge par rapport au spectre
d'absorption de la molécule.
> La molécule peut aussi retourner à son état initial par émission de chaleur ou en
induisant une réaction chimique.
> Elle peut aussi effectuer une transition vers le premier état excité triplet (T1); cet
état implique une inversion de spin. L'excitation directe d'une molécule de son état
fondamental à l'état triplet est extrêmement rare. Sous cet état, plus stable que l'état
singulet, la molécule peut induire une réaction chimique ; elle peut aussi se stabi-
liser par émission de lumière, ce phénomène est appelé phosphorescence.
Contrairement à la fluorescence, l'échelle de temps d'émission par phosphores-
cence est la seconde et même dans certains cas la minute.

i 1
Réactions
8 chimiques Réactions
0 chimiques

So T T

10.3 - Transitions entre niveaux d'énergie d'une molécule et différents modes de transition
S - états singulets, T - états triplets
10 - ÉNERGÉTIQUE DE LA PHOTOSYNTHÈSE 239

10.2.2. TRANSFERTS D'ÉNERGIE ENTRE MOLÉCULES

Une molécule excitée par absorption lumineuse peut transférer son énergie à une
autre molécule étant dans son état fondamental, soit par radiation, soit par un trans-
fert d'énergie n'impliquant pas de radiation.
> Transfert d'énergie par radiation
Le transfert D* + A — D + A* se décompose ainsi :
D* D + hv et hv + A A*
Le spectre d'absorption de A doit recouvrir en partie le spectre d'émission de D. Il
est évident, pour des raisons énergétiques, que le spectre d'absorption de A est
déplacé vers le rouge par rapport à celui de D.
> Transfert d'énergie sans radiation
Ce transfert peut s'effectuer par collision des molécules. Il peut aussi s'effectuer à
distance : c'est le transfert d'énergie par résonance. La molécule excitée est consi-
dérée comme un dipôle oscillant. Au lieu d'émettre de la lumière, la molécule trans-
fère son énergie à une autre molécule voisine lorsque les fréquences sont en
résonance. Ce transfert peut être visualisé par deux pendules dont les mouvements
sont liés. La probabilité de transfert est inversement proportionnelle à la sixième
puissance de la distance entre les centres des molécules concernées.

10.3. LES PIGMENTS PHOTOSYNTHÉTIQUES


La méthode pour identifier les pigments responsables de l'absorption lumineuse lors
d'un processus photochimique est le spectre d'action. La préparation est éclairée
séparément dans le temps par des faisceaux lumineux, chacun d'entre eux corres-
pondant à une longueur d'onde définie, mais tous possédant un nombre identique
de quanta lumineux (éclairement isoquantique), et on mesure l'effet produit. Dans le
cas de la photosynthèse des plantes vertes on suit le dégagement de dioxygène. Ces
expériences doivent être réalisées en énergie non-saturante, c'est-à-dire dans des condi-
tions où, pour chaque lumière monochromatique testée, il y aura proportionnalité
entre éclairement et effet. Il a été ainsi montré, pour la première fois en utilisant comme
matériel biologique une algue verte unicellulaire, l'euglène, une correspondance entre
le spectre d'action et le spectre d'absorption des cellules.
Le processus photochimique primaire de la photosynthèse est assuré, chez les plantes
vertes, par des chlorophylles particulières ayant leur maximum d'absorption à 680 nm
(P 680) et à 700 nm (P 700) ; elles font partie du centre photochimique. Les chloro-
phylles et les caroténoïdes chez les plantes vertes, ou les phycobillines chez les algues
rouges et les cyanobactéries, collectent la lumière et transfèrent cette énergie aux
centres photochimiques.
Le noyau chlorophyllien est constitué d'un noyau tétrapyrrolique complexant un ion
Mg2 et d'une cyclopentanone substituée par un méthylester. Le propionate de phytyl est substituan
240 BIOÉNERGÉTIQUE

l'autre par la substitution d'un méthyle (Chl a) ou d'un formaldehyde (Chl b) sur le
pyrrole B. Les bactéries possèdent une chlorophylle particulière, la bactériochloro-
phylle, qui diffère de la chlorophylle par la nature d'un substituant sur un pyrrole.
La forte conjugaison de ces structures est responsable des spectres d'absorption dans
le visible ; les maxima pour les pigments en solution dans le méthanol sont 430 et
663 nm pour Chl a et 453 et 652 nm pour Chl b.

R—0

R phytol

R ' = —CH3 : chlorophylle a ; — : chlorophylle b


\\
0

10.4 - Structure des chlorophylles

En général les plantes vertes possèdent à la fois de la Chl a et de la Chl b. In vivo, les
chlorophylles sont associées à des protéines par des liaisons non-covalentes. Les pro-
téines liant les pigments sont toujours très hydrophobes et se présentent sous forme
de complexes insérés dans les membranes. Ces associations induisent un déplace-
ment des bandes d'absorption vers le rouge avec la présence d'une large bande cen-
trée sur 675 nm. En fait, l'analyse de spectres effectués à basse température par des
méthodes mathématiques de déconvolution révèle l'existence d'environ 6 formes de
Chl a avec des maxima d'absorption compris entre 660 nm et 706 nm, formes dues
à la nature des interactions entre la chlorophylle a et les protéines ou les lipides. Ces
différentes formes constituent des puits d'énergie où les photons sont transmis de
molécule à molécule dans le sens des longueurs d'onde croissantes (ou énergie
décroissante).
Les caroténoïdes, constitués d'une chaîne isoprénoïde (tétraterpène) sont des pig-
ments complémentaires ou accessoires de couleur jaune ou orangée car ils absorbent
la lumière entre 400 et 500 nm. Il en existe deux types : les carotènes dépourvus d'oxy-
gène et les xanthophylles en contenant. Ils sont trouvés dans les systèmes photo-
synthétiques, les tissus sénescents des feuilles, les fruits, les pétales, les anthères et
10 - ÉNERGÉTIQUE DE LA PHOTOSYNTHÈSE 241

les graines. Les caroténoïdes des tissus verts sont essentiellement le -carotène, la
lutéine, la violaxanthine, la néoxanthine, l'anthéraxanthine et la zéaxanthine.

OH

HO
OH

H0
Violaxanthine

10.5 - Exemples de structure d'un carotène et de deux xantophylles

10.4. STRUCTURE ET FONCTION DES COMPLEXES


L'irradiation de la chlorophylle en solution induit une fluorescence qui est déplacée
vers le rouge de 7 nm par rapport au spectre d'absorption. Dans les chloroplastes, le
rendement de fluorescence est très faible (environ 1%) ce qui traduit le fait que l'éner-
gie lumineuse est utilisée lors d'une réaction photochimique. La fluorescence aug-
mente lorsque la photosynthèse des chloroplastes est bloquée par des inhibiteurs tel
que le diuron, qui inhibe la chaîne des transporteurs des électrons.

10.4.1. STRUCTURE DES ANTENNES

II existe chez les plantes des antennes ou LHC (Light Harvesting Complex) associées à
chaque photosystème, LHCI pour PS 1 et LHCII pour PS II, dont le rôle est de récol-
ter la lumière et de transférer l'énergie au centre photochimique. Nous verrons au § 10.6
que certaines antennes peuvent migrer d'un photosystème à l'autre sous l'effet d'un
cycle de phosphorylation et de déphosphorylation de protéines. L'ensemble des
antennes contient environ 99% des chlorophylles, ce qui signifie que les photosystèmes
proprement dit ne contiennent que 1% de ces pigments.
Le module de base de l'antenne LHC1 des plantes est constituée de quatre sous-uni-
tés différentes ayant des poids moléculaires compris entre 20 et 24 kDa. Chacune de
ces sous-unités contient en moyenne 8 Chl a, 2 Chl b et 2 molécules de carotène, et
s'assemblent en dimère. De trois à cinq dimères sont associés à PS 1 pour former un
complexe de 170 à 200 chlorophylles.
242 BIOÉNERGÉTIQUE

La protéine principale du système LHCII a un poids moléculaire de 25 kDa et est


associée à 8 molécules de Chl a, 7 de Chl b et à des caroténoïdes. La structure montre
que trois chaînes polypeptidiques sont associées pour former un trimère. Chaque
polypeptide forme trois hélices transmembranaires. Les molécules de chlorophylles
sont liées sur l'extérieur des hélices par des liaisons non-covalentes.
Le transfert d'énergie s'effectue sans émission lumineuse. A l'intérieur des unités
monomériques, il semble pouvoir se faire par couplage délocalisé. Ce type de trans-
fert se produit lorsque les chromophores sont distants au maximum de 20 À. L'énergie
oscille entre le donneur et l'accepteur sans être localisée sur l'une ou l'autre molécule.
A des distances supérieures à 20 A, les transferts dits de FORSTER sont plus favorables.
Dans ce cas, l'énergie (ou exciton) passe d'une molécule à l'autre. Il s'agit du méca-
nisme par transfert de résonance où la molécule donneur a cédé son énergie à la molé-
cule acceptrice en revenant à l'état fondamental (cf. § 10.2.2).

10.4.2. LES PHOTOSYSTÈMES

La présence de deux photosystèmes dans les chloroplastes a été établie par une série
d'expériences consistant à étudier l'efficacité du rayonnement égal ou supérieur à
700 nm. Par exemple, des algues sont éclairées successivement par des faisceaux dont
les longueurs d'onde sont comprises entre 400 et 680 nm. Pour chaque éclairement
on mesure le rendement quantique de la réaction, c'est-à-dire la quantité d'oxygène
dégagée par quantum absorbé ; il est constant. Au-delà de 680 nm, ce rendement dimi-
nue rapidement pour devenir quasiment nul au-dessus de 690 nm. Cependant, la
production d'O2 obtenue par une illumination non-saturante à 690 nm (la non-
saturation est fondamentale pour l'expérience) peut être augmentée par une illumi-
nation simultanée à 700 nm. L'interprétation de ces résultats est qu'il existe deux
photosystèmes. L'un a une absorption centrée à 700 nm et reçoit de l'énergie directe-
ment par illumination dans cette zone ou par transfert à partir de radiations plus
énergétiques (À 700 nm). Un second photosystème, dont le maximum d'absorption
est à 680 nm, ne peut recevoir des énergies correspondant à des À > 690 nm. Le pre-
mier système ou photosystème 1 comporte le pigment P700. Le second système ou
photosystème II comporte le pigment P680.
Le schéma des transferts d'électrons dans la photosynthèse des plantes supérieures
peut être résumé comme suit. Les photosystèmes sont organisés en série (figure 10.1 ;
voir aussi la figure 10.10). PS II est responsable de l'oxydation de l'eau (photolyse de
l'eau) où les électrons sont portés à un potentiel suffisamment négatif pour réduire
les plastoquinones en plastoquinols (PQH2).
La plastoquinol agit alors comme un réducteur vis-à-vis du complexe b6-f qui est ana-
logue au complexe b-C1 des mitochondries. Après photoénergisation de l'électron par
PS 1 (P700) l'électron sera suffisamment énergétique pour réduire la ferrédoxine (Em7
- 0, 53 V) qui sera elle-même le réducteur de NADP II faut noter que la forme exci-
tée de P700 correspond à la molécule qui est connue pour avoir le potentiel d'oxy-
doréduction le plus négatif.
10 - ÉNERGÉTIQUE DE LA PHOTOSYNTHÈSE 243

10.4.2.1. Photosystème II
Le clivage photosynthétique de l'eau est réalisé par un complexe multimérique inséré
dans les membranes de thylakoïdes.
4H +

10.6 - Schéma simplifié


de la structure du PS II
Ne sont représentés que les sous-
unités D, le cyt b, la sous-unité 33K
stabilisatrice du complexe Mn, les
antennes LHSII entourant le centre
réactionnel et les groupements inter-
venant dans la réaction.

PS II est alimenté par les électrons provenant de la décomposition de l'eau qu'il trans-
fère aux plastoquinones. La réaction globale est une eau-plastoquinone oxydoré-
duction.
4hv
2PQ + 2H2O 2PQH2 + (O2
Cette réaction nécessite l'absorption de 4 quanta lumineux et l'oxydation de deux
molécules d'eau. Elle se décompose en trois étapes (figures 10.6 et 10.7).
> La réaction débute par l'excitation du pigment P680, qui est une chlorophylle de
type a, en P680*. Sous cette forme, il cède un électron à la plastoquinone QA, plas-
toquinone fortement liée à la protéine D1, pour donner une forme cationique oxy-
dée de P680 et la forme semiquinonique de la plastoquinone. Cette réaction s'effectue
par l'intermédiaire d'une phéophytine qui est une chlorophylle ne contenant pas
de magnésium.
hv
P680, Pheo, QA P680+', Pheo, QA P680+', Pheo, QA-'
> La deuxième phase correspond à la formation de PQH2 à partir du pool libre de
plastoquinones de la phase lipidique, le donneur d'électron étant la semiquinone
liée. Comme la semiquinone met en jeu un seul électron, deux réactions succes-
sives sont nécessaires pour réduire complètement PQ en PQH2.
Les protons proviennent du stroma.
PQ + 2Q-' + 2 H + (stroma) — PQH2
> La troisième étape est la plus caractéristique des réactions de PS II puisqu'elle cor-
respond à l'oxydation de l'eau avec dégagement de dioygène.
2 H2O + 4 ® — 02 + 4H+ (lumen)
244 BIOÉNERGÉTIQUE

Ce phénomène nécessite l'existence d'un couple plus électropositif que celui de


H2O/O2 et de ce fait capable de décomposer l'eau spontanément. Il est formé d'un
complexe contenant 4 atomes de manganèse. Quatre événements séquentiels inter-
viennent pour extraire 4 électrons de 2 molécules d'eau afin de donner une molécule
d'O2 et libérer 4 protons à l'intérieur des vésicules des thylakoïdes. Comme indiqué
sur la figure 10.7, le complexe peut se trouver sous cinq états d'oxydoréduction dif-
férents, So, S], S2, S3, S4. So est la forme la plus réduite et les autres états sont obtenus
par perte progressive d'un électron. Ces niveaux d'oxydoréduction correspondent à
des valences déterminées des ions manganèse. Il a été montré que quatre flashs lumi-
neux sont nécessaires pour produire de l'oxygène, observation qui a fourni la base du
cycle proposé. L'élément moteur est la photooxydation de P680 en cation radicalaire.
Cette forme radicalaire arrache un électron au complexe en faisant intervenir comme
intermédiaire une tyrosine de la sous-unité D1 appelée Yz (Y est le symbole de la tyro-
sine et Z correspond à l'ancienne dénomination lorsque cet intermédiaire n'avait pas
été encore identifié sur le plan moléculaire). Cette réaction doit donc se produire quatre
fois pour générer la forme 84 (la plus oxydée) à partir de la forme So (la plus réduite).
84 accepte alors quatre électrons de deux molécules d'eau pour donner So.
hv
P680 » P680+

P680+

P680 P680+
10.7 - Transfert des électrons de l'eau à P680

La structure tridimensionnelle du complexe PS II a été réalisée pour la première fois


par analyse des images de diffraction des rayons X du système d'une cyanobactérie.
Contrairement aux bactéries pourpres, les cyanobactéries possèdent deux photosys-
tèmes qui permettent l'oxydation de l'eau. PS II se présente sous forme d'un homo-
dimère et est composé de 17 sous-unités dont 14 sont localisées dans la membrane.
Le cœur du système est constitué par les sous-unités D1 et D2 et les sous-unités de
l'antenne (CP43 et CP47). Ces sous-unités à elles-seules représentent 22 des 36 hélices
transmembranaires du complexe. Deux pigments P680 ont été détectés, l'un situé sur
D1 l'autre sur D2 mais seul le premier semble être impliqué dans le mécanisme de
10 - ÉNERGÉTIQUE DE LA PHOTOSYNTHÈSE 245

photosynthèse à cause de sa proximité du groupe d'ions manganèse, connecté par la


tyrosine réactive. Cet ensemble est localisé près de la face luminale de la membrane.
De ce côté on trouve trois protéines extrinsèques dont la protéine 33K impliquée dans
la stabilisation des Mn (figure 10.6).

10.4.2.2. Photosystème 1
Le photosystème 1 catalyse le transfert des électrons des plastocyanines, situées sur la
face luminale de la membrane, à la ferrédoxine, enzyme liée au système du côté stroma.
Le complexe inséré dans la membrane est constitué de 14 polypeptides différents chez
les plantes vertes (12 chez les cyanobactéries) désignés PS I-A, PS I-B, ... ; les plus
importants en masse sont PS I-A (83 kDa) et PS I-B (82 kDa). Contrairement aux cya-
nobactéries chez lesquelles le complexe existe sous forme de trimère, celui des euca-
ryotes apparaît comme un monomère. Le cœur du système est constitué par P700 (une
forme dimérique d'une chlorophylle a) dont le potentiel de demi-réduction à pH 7 et
à l'état fondamental est de + 0,450 V. Après photoexcitation ce dernier est porté à -1,4 V
ce qui permet de réduire le NADP+ par une cascade de réactions (figure 10.8). L'électron
est successivement transféré à Ao (chlorophylle a) puis à l'accepteur A1 (phylloqui-
none ou vitamine G1) et à Fx (un centre [4Fe-4S]). Ces molécules réactives sont portées
par PS I-A et PS I-B, ce qui permet à l'électron d'être transporté de la plastocyanine à
travers l'épaisseur de la membrane du lumen en réduisant séquentiellement les centres
fer-soufre de type [4Fe-4S], dénommés FA et Fb, situés sur la sous-unité PS I-C, pro-
téine extrinsèque localisée du côté stroma. Enfin l'électron est transféré à un trans-
porteur soluble, la ferrédoxine (Fd) qui réduit le NADP Deux événements
photochimiques sont nécessaires car le coenzyme accepte deux électrons.
a Em b Hétérodimère PS I-A/PS I-B Ferrédoxine
-1,5 - P700*
A
-1,0
Ao
• Al

-0,5 hv -FA/PB
-Fd
— NADP-+
0,0

P700
Plastocyanine

10.8 - Schéma simplifié de PS 1


a - Energétique du transfert des électrons de P700 au NADP+
b - Topologie des centres actifs dans le complexe

10.4.3. STRUCTURE DU COMPLEXE B6-F

La structure tridimensionnelle du complexe b6-f a été déterminée récemment ; elle


présente de grandes analogies avec celle du b-C1 des mitochondries (figure 10.9).
Le complexe, existant sous forme de dimère, est constitué de plusieurs protéines
246 BIOÉNERGÉTIQUE

transmembraires dont le cytochrome b6 le cytochrome et une protéine possédant


un centre Fe-S, la protéine de RIESKE. Le cytochrome b6 porte deux hèmes situés dans
la partie membranaire de la protéine, le cytochrome bH situé du côté stroma et le cyto-
chrome bL situé du côté lumen. Un troisième hème a été détecté dans cette protéine
dont le rôle n'est pas encore connu. Bien qu'étant des protéines transmembranaires,
les centres d'oxydoréduction de la Fe-S protéine et du cytochrome f (jouant le rôle du
cytochrome C1 dans le complexe mitochondrial) sont situés dans la partie protubé-
rant dans le lumen. Le mécanisme de transfert des électrons dans ce complexe est
tout à fait identique à celui décrit dans le cas du b-C1 des mitochondries. Notons que
les analyses structurales permettent de détecter un puits dans la membrane par lequel
la plastoquinone a accès à un site quinonique situé près du cytochrome bH. Le trans-
fert des électrons dans ce complexe est insensible à l'antimycine et au myxothiazol,
mais est inhibé par le DBMIB (dibromomethylisopropyl-benzoquinone) qui aurait
une action analogue à celle du myxothiazol.
Le complexe b6-f cède ses électrons à la plastocyanine (PC) située sur la face luminale du thyla

une protéine qui contient l'ion cuivre comme cofacteur, celui-ci passant de l'état cuivrique Cu

Protéine de RIESKE PC
10.9 - Schéma simplifié de la structure du complexe b6-f
Les hexagones représentent les hèmes des cytochromes.

10.5. MÉCANISME DE LA TRANSDUCTION DE L'ÉNERGIE


DANS LES THYLAKOÏDES
Les premières expériences décisives ayant permis de considérer la théorie chimioos-
motique comme un modèle explicatif possible des transductions d'énergie membra-
naire sont, sans conteste, celles réalisées par Adolf JAGGENDORF en 1966 sur les
thylakoïdes. La préparation membranaire est incubée à pH 4 jusqu'à équilibration
du pH entre l'extérieur et l'espace luminal ; elle est ensuite transférée dans un milieu
à pH 8 contenant de l'ADP et du Pi. On observe une synthèse d'ATP dans ces condi-
tions. Ces expériences ont été complétées et étendues par d'autres groupes, et le
10 - ÉNERGÉTIQUE DE LA PHOTOSYNTHÈSE 247

résultat essentiel est que l'illumination des chloroplastes provoque une alcalinisation du
milieu externe. Cela est dû, comme explicité dans la figure 10.9, d'une part à une trans-
location de protons du stroma vers le lumen des thylakoïdes, et d'autre part à une
production et à une consommation de protons par respectivement la photolyse et la
formation de NADPH comme nous l'avons montré au niveau de la description des
photosystèmes. Le pH ainsi créé permet une synthèse d'ATP par retour des protons
dans le sens de leur gradient électrochimique, réaction de couplage assurée par l'ATP
synthase. On notera que l'orientation du système est inversée par rapport au système
mitochondrial, la partie FI de l'ATP synthase, dénommée CF1 est du côté stroma. Le
potentiel électrochimique en protons est tel que le pH du stroma est le plus alcalin et
la différence de potentiel électrique est négative côté stroma et positive côté lumen.
Comme discuté au § 8.2.2 il est possible de mesurer le pH, en utilisant une base faible
car elle s'accumule dans l'espace luminal, le plus acide. Le pH transmembranaire
peut être diminué ou annulé par NH4C1 ; en effet NH4+ est un découplant dans le cas
des chloroplastes car il a la propriété de diffuser à la fois sous sa forme protonée et
déprotonée, contrairement à ce qui a été observé pour les mitochondries ; il s'établit
ainsi un cycle formé par l'entrée et la sortie de protons, selon un mécanisme similaire
à celui des découplants mitochondriaux.
Le pH est, contrairement au cas des mitochondries, la composante essentielle de la
force protonmotrice ; il est de l'ordre de 3. La faiblesse du potentiel électrique est due
au fait que la membrane des thylakoïdes est fortement perméable aux cations (Mg2
Ca24^) et à certains anions (Cl-).
La figure 10.10 rassemble les connaissances actuelles sur la transduction d'énergie
chez les plantes vertes.

2H
10.10 - Schéma général du système photosynthétique linéaire dans les thylakoïdes

L'ATP synthase chloroplastique a une structure analogue à celle de l'ATP synthase


mitochondriale, et son mécanisme est identique ; notamment le flux de protons est
responsable des changements conformationnels des sites catalytiques, eux-mêmes
induits par la rotation des sous-unités du rotor. Par ailleurs, il est connu que le
248 BIOÉNERGÉTIQUE

potentiel électrochimique en protons est nécessaire à l'activation de cette enzyme ;


le potentiel n'est plus seulement une force mais aussi un régulateur. L'ATP synthase
est aussi régulée par le niveau d'oxydoréduction environnant dont l'agent direct
de transmission est la thiorédoxine ; nous verrons le mode d'action de cette
protéine lors de l'étude des régulations des enzymes impliquées dans la fixation
du CO2
Il est généralement admis que 4 à 6 H+ sont libérés dans le lumen pour l'oxydation
d'une molécule d'eau et que le rapport H/ATP de l'ATP synthase est de 4. Comme
deux électrons sont nécessaires pour produire un NADPH le rapport ATP/NADPH
pour le système photosynthétique linéaire est compris entre 1 et 1,5. Dans les para-
graphes suivants nous étudierons les moyens que possède la cellule pour modifier
ce rapport.

10.6. RÉGULATION DE LA PHOTOSYNTHÈSE


Nous avons vu au § 10.1 que les thylakoïdes présentaient des régions empilées ou
grana et des régions non-empilées. La formation de grana a pour conséquence d'aug-
menter la surface membranaire. Les deux régions définissent l'espace interne néces-
saire à la transduction de l'énergie, mais seules les régions non-empilées ou situées
à l'extrémité des grana sont en contact avec le stroma et possèdent l'ATP synthase.
Un ensemble d'études structurales et biochimiques a conduit à la conclusion que l'hé-
térogénéité structurale des thylakoïdes correspondait à une hétérogénéité de locali-
sation des systèmes transducteurs ; ainsi 85% de PS II et LHCII sont localisés dans
les grana et plus de 85% de PS 1 et LHCI le sont dans les membranes non-empilées.
Ces photosystèmes sont connectés au complexe b6-f par des transporteurs mobiles
qui sont respectivement les plastoquinones et les plastocyanines (figure 10.9). Le fonc-
tionnement de l'ensemble nécessite une synchronisation entre ces différents systèmes,
c'est-à-dire un ajustement des activités de PS 1 et PS II. En effet, les photosystèmes
n'absorbent pas la même quantité d'énergie selon la nature de l'éclairement, en consé-
quence de leur spectre d'absorption. Ainsi LHCI est enrichi en formes spectrales absor-
bant à de fortes longueurs d'onde (680-710 nm), alors que LHCII absorbe au maximum
à 680 nm. Les antennes fortement liées aux photosystèmes ne représentent qu'envi-
ron 50% des chlorophylles a et b. Les autres chlorophylles a et b constituent des élé-
ments mobiles dans les membranes et à l'état de repos elles sont localisées dans les
grana. Au début de l'éclairement l'essentiel de l'énergie est donc récupéré par PS II,
ce qui conduit à un déséquilibre dans le fonctionnement des photosystèmes. Pour
tourner cette difficulté les antennes mobiles sont contrôlées par un système de phos-
phorylation et de déphosphorylation des protéines. En effet, lorsque la plastoquinone
est fortement réduite, signe d'une grande activité de PS II par rapport à celle PS I,
une kinase, la LHC kinase est activée et phosphoryle les antennes mobiles. Les formes
phosphorylées migrent vers des zones riches en PS 1 et lui transfèrent de l'énergie.
Le flux inverse des LHC est induit par une phosphatase activée par une plastoqui-
none oxydée.
10 - ÉNERGÉTIQUE DE LA PHOTOSYNTHÈSE 249

hv
H
Chl
a/b LHC — Kinase ——— Chl a/ bLHC -P————
hv
1
PQred
2e- 2e-
PS II PSI
PQox

•————
1
Phosphatase —————

10.11 - Schéma d'activation et de désactivation des photosystèmes

Ce schéma est particulièrement intéressant dans le cadre des régulations entre diffé-
rents complexes car il fait intervenir des mouvements dans la membrane.

10.7. UTILISATION DE L'ÉNERGIE PRODUITE


L'énergie produite par les réactions lumineuses est utilisée à la synthèse des sucres
et à celle des acides aminés. La ribulose-l,5P2 carboxylase ou Rubisco, enzyme men-
tionnée plus haut et localisée dans le stroma, catalyse la réaction suivante :
H2C—OP H2C—OP

C=0 —OH 0-

HC—OH - —OH :0

HC—OH HC—OH HC- -OH


1
H2C—OP H2C—OP H2C—OP
Ribulose-l,5biphosphate Enediol intermédiaire 3-phosphoglycérate

La réaction passe par la formation d'un ène-diol, forme réactive qui fixe le CO2. La
scission en deux C3 nécessite la fixation d'une molécule d'eau. Par deux réactions
inverses correspondant à celles du premier site de phosphorylation de la glycolyse,
dues à une 3-phosphoglycérate kinase et à une glycéraldéhyde-3P déshydrogénase,
du glycéraldéhyde-3P est formé à partir du glycérate-SP ; ces réactions utilisent un
ATP et un NADPH. En effet, le cofacteur de la glycéraldéhyde-3P déshydrogénase
du stroma est le NADPH, alors que la glycolyse/gluconéogenèse du cytoplasme uti-
lise le couple NADVNADH. Deux trioses donnent ensuite un hexose par la voie clas-
sique de la gluconéogenèse qui est localisée dans le cytosol de la cellule. Le
glycéraldéhyde-3P pénètre dans le cytosol par le transporteur de phosphate de la
membrane interne qui catalyse l'échange Pi/GA-3P.
Le système se complique sur le plan métabolique car il est nécessaire de resynthéti-
ser du ribulose-1,5biphosphate. Cela est réalisé au cours d'un cycle localisé dans
le stroma, connu sous le nom de cycle de CALVIN. Il fait appel à deux réactions de
250 BIOÉNERGÉTIQUE

transcétolisation dont le cofacteur est le TPP+ et une réaction d'aldolisation. Le pro-


blème à résoudre par la cellule est d'obtenir un métabolite en C5, le ribulose-SP à
parir de métabolites en C3 et en C6, métabolites de la voie de synthèse des hexoses.
La première réaction catalysée par une transcétolase permet la formation d'un C5, le
xylulose-5P et d'un C4, l'érythrose-4P.

CH20H CH20H

=0 CHO =0 CH 0
Transcétolase
1HO CCH + HC OH
Un ———————— H O —CH + HC- OH

CHHOH CH20P HC:—OH HC- OH

CH—OH CH20P CH2OP

CCH20P
Fructose-6P Glycér Glycéraldéhyde-3P Xyluloose-5P Érythrose-4

La seconde reaction catalysée par une aldolase correspond à la synthèse d'un C7 à


partir d'un C4 et d'un C3
CH20P

—0

:HO CHOH H O —CH


, A l d o l a s e
HC;—OH + Mf — —

HC; OH CH2OP HC:—OH

CH2OP HC:—OH

Ery throse-4P Dihydroxyacétone-P Sédohept ulose-1,7P

La deuxième réaction de cétolisation conduit à la formation de deux C5 à partir du


C7 qui transfère un groupe C2 sur un C3. Le sédoheptulose-P2 a été préalablement
hydrolysé en sédoheptulose-7P
:H20H

:^----0 CH20H CH20H

HO—CH HO =0 HC:—OH
Transcétolase
HC OHT + HC T1 CH + HC 1

HC:—OH CH20P HC:—OH HC:—OH

HC: - OH CH20P

CH20P
Sédohep tulose-7P Glycer aldéhyde-3P Xylulose-5P Ri bose-5P
10 - ÉNERGÉTIQUE DE LA PHOTOSYNTHÈSE 251

Ainsi ces réactions ont permis la synthèse de trois composés en C5, d'un ribose-5P et
de deux molécules de xylulose-5P. Ils seront ensuite transformés par épimérisation
en ribulose-5P par des phosphopentose isomérases. La dernière étape est la phos-
phorylation du ribulose-5P en ribulose-1,5biphosphate, elle consomme un ATP.
Il est possible de faire maintenant le bilan énergétique pour la synthèse d'une molé-
cule d'hexose à partir de 6 CO2.
6 ribulose-l,6P2 + 6 CO2 12 glycérate-3P.
12 glycérate-3P + 12 ATP + 12 NADPH —— 12 glycéraldéhyde-3P + 12 ADP
1 glycéraldéhyde-3P — 1 dihydroxyacétone-P
1 glycéraldéhyde-3P + dihydroxyacétone-P — 1 fructose-1,6 P2
10 glycéraldéhyde-3P — 2 fructose-6P + 4 glycéraldéyde-3P + 2 dihydroxyacétone-P
2 fructose-6P + 4 glycéraldéyde-3P + 2 dihydroxyacétone-P — 6 ribulose-5P
6 ribulose-5P + 6 ATP — 6 ribulose-1,6P2 + 6ADP
Ainsi, la synthèse d'un hexose à partir de 6 CO2 nécessite 18 ATP et 12 NADPH. Il est
nécessaire que la production d'énergie par les photosystèmes soit adaptée aux besoins.
Le système de régulation est dû à une action indirecte de la lumière sur l'activité de
plusieurs enzymes intervenant dans les processus de fixation du CO2. L'action prin-
cipale porte sur la ribulose-1,5biphosphate carboxylase, qui est quasiment inactive à
l'obscurité. L'enzyme contient deux groupements thiol vicinaux pouvant être oxydés
pour former un pont disulfure. Sous cette forme la carboxylase est inactive. La réduc-
tion du pont disulfure est assurée par la ferrédoxine, enzyme terminale de la photo-
synthèse qui réduit le NADP par l'intermédiaire d'une enzyme soluble, la
thiorédoxine. Cette dernière protéine possède elle-même un pont disulfure qui est
réduit par la ferrédoxine, et ce sont ces thiols qui vont réduire les enzymes inactives,
assurant ainsi leur activation.
Ferrédoxine
Thiorédoxine oxydée — Thiorédoxine réduite
Thiorédoxine réduite + enzyme oxydée — Thiorédoxine oxydée + enzyme réduite
La sédoheptulose-7phosphate déshydrogénase, enzyme du cycle de CALVIN, la gly-
céraldéhyde-3P déshydrogénase et la fructose-1,6 biphosphatase sont aussi activées
par la lumière, par un processus mettant en jeu la réduction d'un pont disulfure,
Le rapport ATP/NADPH correspondant aux besoins énergétiques pour la synthèse
d'un hexose est de 1,5. Comme la stœchiométrie au niveau des thylakoïdes peut être
inférieure à cette valeur, le chloroplaste doit importer de l'ATP, et ce d'autant plus
que d'autres réactions nécessitent également de l'ATP. Il existe en fait une complé-
mentarité de fonction entre les différents compartiments cellulaires et en particulier
entre le chloroplaste et la mitochondrie (cf. § 10.8.2).
Avant d'aborder ces problèmes, notons qu'un transport cyclique des électrons peut
avoir lieu lorsque les thylakoïdes sont illuminés à 700 nm, ce qui implique que seul
252 BIOÉNERGÉTIQUE

PS 1 fonctionne (figure 10.1). Comme il n'y a ni photolyse de l'eau ni production de


NADPH, cette activité ne peut être mise en évidence que par la synthèse d'ATP. Ce
mécanisme suppose l'existence d'une ferrédoxine/PQ oxydoréductase et permet la
translocation de 2 à 4 H4 pour 2 e-. Ce système est théoriquement intéressant car il
montre comment une chaîne de transporteurs d'électrons peut être continuellement
alimentée sans l'intervention d'un apport extérieur ; le recyclage se fait par déstabi-
lisation de l'électron par le système photochimique. On peut imager ce principe avec
une pierre qui tombe d'une certaine hauteur et que l'on remonte constamment.
Cependant l'importance de ce système a été discutée et il ne semble fonctionner que
dans des conditions physiologiques particulières.

10.8. EXEMPLES DE RELATIONS FONCTIONNELLES


ENTRE LES COMPARTIMENTS CELLULAIRES

10.8.1. PHOTORESPIRATION OU CYCLE DU GLYCOLATE

Le cycle du glycolate est un bon exemple d'interactions métaboliques entre organelles


puisqu'il met en jeu trois compartiments : les chloroplastes, les mitochondries et les
peroxysomes (figure 10.12).
Dans le stroma, sous l'action de la Rubisco qui agit comme une oxydase, en plus de
son rôle classique dans la synthèse du 3-phosphogycérate, le ribulose-1,5biphosphate
sous sa forme énolique fixe O2 ce qui induit une coupure en phosphoglycolate et gly-
cérate-3P.
H2C—OP

H2C—OP H2C—OP H2C—OP


0 '0
c=0
—OH HO—C—0—OH Phosphoglycolate
II O2 1
HC—OH ——- —OH ——- C==0 + 2H 4
0
1 1 \
HC—OH HC—OH HC—OH \

H2C—OP H2C—OP H2C—OP CH—OH

H2C—OP
Glycérate-3phosphate

Comme indiqué sur la figure 10.12 le glycolate est transporté dans les peroxysomes
où il est oxydé en glyoxylate directement par une oxygénase, avec formation d'eau
oxygénée, qui sera elle-même décomposée par une peroxydase.
.0- ,0- 20 Pi c=0 O2 HO c^O

H2C—OP H2C—OH
H 0
Phosphoglycolate Glycolate Glyoxylate
10 - ÉNERGÉTIQUE DE LA PHOTOSYNTHÈSE 253

La fonction aldéhyde du glyoxylate peut alors recevoir une fonction aminé par réac-
tion de transamination pour donner de la glycine (transamination entre le gluta-
mate et le glyoxylate, dénotée par un NH^ sur la figure 10.12) une autre molécule
de glyoxylate reçoit une fonction amine de la sérine, comme décrit ci-dessous. La
glycine pénètre dans la mitochondrie où deux molécules sont oxydées pour don-
ner de la sérine avec formation de NADH, substrat des oxydations phosphorylantes,
de CO2 et de NH4 (réaction complexe faisant intervenir le tétrahydrofolate comme
coenzyme). La sérine est un donneur de groupement amine dans le peroxysome
pour donner de la glycine et de l'hydroxypyruvate selon une réaction de trans-
amination.
0
—0- C— —0-

HC—NH2 c=o c=o HC—NH2


H2C—OH H H2C—OH H
Sérine Glyoxylate P-hydroxypyruvate Glycine

Le -hydroxypyruvate est réduit en glycérate par une réductase utilisant le NADH.


Transporté dans le stroma, il entre dans le cycle de CALVIN après phosphorylation
pour donner du ribulose-5P, puis du ribulose-1,5biphosphate après utilisation d'un
autre ATP.
Les relations métaboliques entre chloroplastes, mitochondries, cytosol et peroxysomes
se font par l'intermédiaire de transporteurs spécifiques ou de systèmes navettes pour
les métabolites qui, comme les coenzymes nicotiniques, ne peuvent pas franchir les
barrières membranaires. Cet aspect du
métabolisme a été largement décrit Mitochondrie
pour les mitochondries. Oxydations phosphorylantes

Chloroplaste NAD+ NADH


ATP ADP (x 2) Glycine Sérine
\
Ru-5P Ru-1,5P2 CO2
1 \ X2
Cycle d e } Peroxysome
CALVIN Rubisco2 - (x 2) Glycine Serine
NH2 -
-3-PGA (x 2) P-glycolate x 2) Glyoxylate / \ pyruvate

ADP H2O2 NADH


Pi
ATP O2 NAD4
(x 2) Glycolate - (x 2) Glycolate
Glycérate Glycérate

10.12 - Photorespiration faisant intervenir des métabolismes


appartenant à trois compartiments cellulaires
254 BIOÉNERGÉTIQUE

On constate que la respiration mitochondriale, avec la glycine comme substrat, dépend


du fonctionnement du cycle de CALVIN donc de la photosynthèse, c'est pourquoi elle
a été dénommée photorespiration. Le rôle de ce cycle n'est pas connu ; le gain en ATP
par l'oxydation mitochondriale de la glycine n'apparaît pas évident puisque de l'ATP
et du NADH sont consommés dans les autres compartiments cellulaires.

10.8.2. TRANSFERT D'ÉNERGIE


ENTRE LES DIFFÉRENTS COMPARTIMENTS CELLULAIRES

Le chloroplaste utilise relativement plus d'ATP que ne le permet sa production, cal-


culée par le rapport ATP/NADPH, du système de phosphorylation linéaire. Deux
solutions sont alors possibles :
un flux d'ATP de la mitochondrie vers le chloroplaste, mais l'échangeur ATP/ADP
de la membrane interne du chloroplaste est peu actif ;
une consommation du NADPH du stroma par un système navette, ce qui permet
d'augmenter le flux des réactions lumineuses et donc la synthèse d'ATP (figure 10.13).
Ce système utilise le transporteur de Pi de la membrane interne des chloroplastes qui
catalyse l'échange entre le dihydroxyacétone-P (DHAP) et Pi ou entre le glycérate-3P
et Pi. Dans le cytosol, le DHAP est métabolisé selon trois voies : la gluconéogenèse
qui aboutit à la synthèse de saccharose, la glycolyse qui utilise les deux enzymes du
premier site de phosphorylation, et une voie d'oxydation utilisant une glycéraldé-
hyde déshydrogénase à NADP Cette dernière voie est prépondérante car contrai-
rement à la voie classique elle n'est pas couplée à la synthèse d'une liaison anhydride
d'acide, ce qui la rend beaucoup plus spontanée. Le NADPH est alors oxydé par la
mitochondrie, par une déshydrogénase située sur la face externe de la membrane
interne des mitochondries. Ainsi le NADPH chloroplastique peut donner de l'ATP
mitochondrial.

Stroma Cytosol Glycolyse


Gluconéogenèse
GA -3P ——- DHAP — V— DHAP ——— GA -3P
(TP)
y
— Pi ATP
NADP+ NADPr
+

Y Oxydation
\
A mitochondriale
\
NADPH NADPHy
ADP+Pi
pA ——————————————— —————————3 pPgA

10.13 - Système navette dihydroxyacétone phosphate/3-phosphoglycérate


DHAP - dihydroxyacétone-phosphate, 3-PGA - 3-phosphoglycérate,
GA-3P - glycéraldéhyde-3phosphate, TP - transporteur de phosphate
10 - ÉNERGÉTIQUE DE LA PHOTOSYNTHÈSE 255

10.9. CONCLUSIONS
L'appareil photosynthétique des plantes supérieures et des algues vertes est le sys-
tème biologique qui fournit du dioxygène à partir de l'immense réservoir d'eau et
permet ainsi la vie aérobie. Les systèmes photosynthétiques transduisent l'énergie
lumineuse en énergie d'oxydoréduction par changement d'orbitale d'un électron des
molécules constituant les centres photochimiques. Il s'agit là du processus qui diffé-
rencie fondamentalement la photosynthèse des oxydations phosphorylantes. Les
autres aspects de la transduction présentent beaucoup d'analogies avec les proces-
sus mitochondriaux. Le transfert des électrons dans le sens de leur potentiel est cou-
plé à un mouvement de protons, créant une force protonmotrice qui sera utilisée à la
synthèse de l'ATP. Notons la grande analogie de structure et la similarité des méca-
nismes entre d'une part les complexes b-c1 et b6-f, et d'autre part les ATP synthases.
Il existe d'ailleurs des microorganismes chez lesquels les chaînes respiratoire et pho-
tosynthétique sont très imbriquées. La figure 10.14 donne un exemple avec Rhodobacter
sphéroïdes qui possède de la bactériochlorophylle comme pigment. Le schéma, sim-
plifié à dessein, montre que le pool de quinone réduit par la bactériochlorophylle cède
ses électrons au cytochrome c2, par l'intermédiaire d'un complexe b-c1, qui, soit réduira
la bactériochlorophylle, soit sera réoxydé par une cytochrome oxydase. Le com-
plexe b-C1 permettra la formation d'une force protonmotrice utilisée soit à la synthèse
de l'ATP soit à la réduction du NAD par flux inverse des électrons. Cet exemple résume
les principes essentiels de la photosynthèse et des oxydations phosphorylantes !

En [volts]

NAD-+/NADH

Complexe b-C1
Cytochrome oxydase
Bchl
\
02

10.14 - Transport des électrons chez la bactérie R. sphéroïdes


Un autre aspect fondamental de l'action de la lumière est son implication dans la
régulation des processus cytoplasmiques que nous pouvons résumer en trois points.
La réduction des quinones par le photosystème 1 permet de coordonner les activi-
tés des deux photosystèmes, via un cycle de phosphorylation/déphosphorylation
des protéines.
L'ATP synthase est activée par réduction de l'enzyme par la thiorédoxime.
La synthèse des hexoses à partir du CO2 est aussi activée par la thiorédoxine réduite.
POSTFACE

La lumière et les molécules réduites sont actuellement les deux sources reconnues de
l'énergie cellulaire. Cela ne nous permet pas d'affirmer qu'il n'en existe pas d'autres,
et particulièrement dans les conditions extrêmes de la vie comme dans les fonds
marins où la pression est la force essentielle, ou dans les zones volcaniques où la tem-
pérature est très élevée ; ces conditions extrêmes peuvent d'ailleurs être réunies dans
un même endroit. Ces organismes ont reçu un début d'attention et, dans certains cas,
on commence au moins à comprendre la façon dont ils se protègent d'un environne-
ment qui, pour nous, est d'une énorme agressivité et incompatible avec notre survie.
Il est possible d'imaginer (ou de rêver) que dans ces profondeurs abyssales le vivant
ait mis au point une transduction thermique de l'énergie qui serait l'ancêtre de notre
machine à vapeur !
Le mécanisme commun à la majorité des systèmes de transduction de l'énergie connus
est l'oxydoréduction ; le passage de l'électron d'un réducteur à un oxydant corres-
pond à une stabilisation donc à une augmentation de son potentiel, compte tenu des
conventions de signe. Ce passage peut être couplé soit à la formation d'une liaison
instable sur le métabolite oxydé (phosphorylation au niveau du substrat), soit à la
formation d'un potentiel électrochimique, généralement en protons, qui sera ulté-
rieurement utilisé à la synthèse de l'ATP (chimioosmose). Notons toutefois que chez
certains micro-organismes le Na + est utilisé à la place du H dans les systèmes d'oxy-
doréduction et les ATP synthases. Au niveau de la biosphère, le recyclage des élec-
trons à haut potentiel redox est assuré par la photosynthèse qui, comme nous l'avons
vu, le déstabilise par absorption d'énergie lumineuse et permet ainsi l'oxydation de
l'oxygène de l'eau et la réduction du NADP+
De même en chimie des sucres, dont nous avons restreint l'étude à celle impliquée
directement dans le domaine de l'énergétique, on ne trouve qu'un nombre limité de
types de réactions. Ce sont essentiellement des réactions d'oxydoréduction, d'énoli-
sation conduisant à l'isomérisation ou à l'aldolisation, à l'oxydation d'une fonction
alcool située en position d'un acide carboxylique ou à la décarboxylation des acides
-cétoniques nécessitant la thiamine pyrophosphate comme cofacteur. Le nombre de
ces mécanismes est faible par rapport à celui des réactions existant dans la nature.
La grande homogénéité des principes de bioénergétique, sinon des mécanismes, n'ex-
clue pas une certaine spécialisation des cellules au niveau du métabolisme, comme
nous l'avons vu au chapitre 9. Ces variations existent aussi chez les plantes, qui peu-
vent correspondre à plusieurs types de métabolismes des sucres (plantes en C3 et
plantes en C4, voir le livre sur la photosynthèse cité dans la bibliographie). Des
258 BIOÉNERGÉTIQUE

variantes existent, tant pour les systèmes respiratoires que photosynthétiques, entre
eucaryotes et procaryotes ; elles correspondent à une adaptation des systèmes à la
nature de l'environnement. Chez les procaryotes, la structure d'une chaîne de trans-
porteurs d'électrons est fonction des conditions de culture. Ainsi chez Escherichia coli
l'accepteur final des électrons peut être le dioxygène en aérobiose (quinol oxydase)
ou le fumarate en anaérobiose (fumarate réductase). Selon la composition du milieu
et en anaérobiose, cette bactérie peut réduire N03 en NO2 et NO2- en NH4. Thiobacillus
ferroxidans est capable d'oxyder l'ion ferreux en ion ferrique et de transférer ainsi les
électrons à une chaîne respiratoire. Les variantes concernant les systèmes photosyn-
thétiques sont aussi nombreuses, et nous avons décrit un de ces systèmes avec
Rhodobacter sphéroïdes.
Un point essentiel pour comprendre le métabolisme en général, et le métabolisme
énergétique en particulier, est la structure de la cellule étudiée. Celle-ci dépend évi-
demment de l'organe auquel elle appartient, mais aussi de sa localisation vis-à-vis
du système veineux (ce que nous désignons par effet de zonation) ou d'autres types
de cellules. La coordination du métabolisme entre les organes par les hormones ou
par un flux nerveux a été établie déjà depuis longtemps et nos connaissances dans ce
domaine sont dues aux travaux des physiologistes. Dans les dernières années, les
chercheurs en biochimie ont mis l'accent sur l'étude de la structuration en super-
complexes d'enzymes intervenant dans un même système global, ouvrant ainsi l'étude
du métabolisme au niveau cellulaire. Nous avons eu l'occasion de citer la présence,
dans la mitochondrie, des complexes supramoléculaires constitués par différentes
déshydrogénases, des points de contact entre membranes externe et interne des mito-
chondries et bien d'autres structurations d'enzymes différentes appartenant à une
même fonction métabolique. Il apparaît ainsi que l'existence de ces organisations
supramoléculaires ne sont pas des exceptions mais concernent au contraire un grand
nombre de systèmes. Cette constatation nous permet de compléter un concept men-
tionné en introduction du premier chapitre, où nous avons fait la distinction entre
l'enzyme catalyseur et l'enzyme machine ; la première favorise une réaction qui est
cependant possible en l'absence de catalyseur, la seconde couple deux réactions, cou-
plage impossible à réaliser en absence de la machine. On peut toutefois distinguer
deux types de machines ou réacteurs.
Nous appellerons «bioréacteur chimique» celui dans lequel les substrats et pro-
duits du milieu ont un accès libre et indépendant au site actif. Dans ce cas de figure,
les relations établies en cinétique enzymatique et en thermodynamique peuvent
être appliquées, si la quantité en métabolites est grande devant celle en enzymes.
Par contre, lorsque les métabolites migrent directement du site actif d'une enzyme
au site d'une autre enzyme, les interactions avec le milieu extérieur sont défavori-
sées. L'ensemble se comporte comme une machine, au sens physique du terme, car
les métabolites suivent un chemin privilégié à l'intérieur de l'édifice supramacro-
moléculaire. Cette réflexion correspond aux systèmes où il y a canalisation des
métabolites, mais les conséquences semblent a priori être les mêmes dans le cas des
POSTFACE 259

microcompartimentations. Les lois de la cinétique et de la thermodynamique chi-


mique ne peuvent pas s'appliquer à l'intérieur de ces systèmes, mais il est possible
dans certains cas d'analyser ce qui entre et sort de ces systèmes ; ce sont, par exemple,
les études des relations flux-force ou flux-flux dans les mitochondries. En résumé,
pour pouvoir appliquer les lois de la cinétique et de la thermodynamique classique
il est impératif d'avoir un pool de substrats et de produits suffisamment impor-
tant, libre de toute interaction avec le milieu. Ces restrictions concernent les sys-
tèmes intégrés, qui représentent une grande partie des enzymes de la cellule. Il est
évident que la cinétique enzymatique reste toujours le moyen d'aborder le méca-
nisme d'une réaction-même si les études sont faites dans des conditions différentes
de celles trouvées dans la cellule. Ce qui est remis en cause est la relation entre la
vitesse de la réaction et les concentrations moyennes en métabolites, déduites de
leur quantité et du volume de la cellule ou de l'organelle. La même remarque peut
s'appliquer à l'analyse du contrôle du métabolisme, c'est pourquoi on l'applique
souvent en prenant comme objet d'analyse, non pas l'enzyme isolée, mais un groupe
d'enzymes.
Les systèmes biologiques peuvent présenter des analogies avec des machines ther-
miques qui, comme la machine de CARNOT, n'ont un rendement maximum que dans
les conditions de réversibilité (au sens thermodynamique) ; ce rendement diminue
alors avec la vitesse à laquelle fonctionne la machine. Il est dommage que certains
traités de thermodynamique à l'usage des biochimistes n'introduisent la notion d'en-
tropie que sur des lois statistiques et abandonnent la notion même de machine. Le
lecteur intéressé par cet aspect du problème lira avec profit le traité de PRIGOGINE et
KONDEPUDI déjà cité.
Nous terminerons cet ouvrage en insistant sur le fait que les progrès les plus récents
en bioénergétique sont dus à l'étude des relations structure-fonction des complexes
membranaires. Lorsque cela est possible, la méthode de choix pour établir la struc-
ture tridimensionnelle des complexes multi-enzymatiques est l'analyse de cristaux
par diffraction des rayons X. Depuis la cristallisation et la détermination de la struc-
ture du photosystème d'une bactérie pourpre par le groupe de H. MICHEL, plusieurs
complexes ont été étudiés par cette technique : les photosystèmes 1 et II des chloroplastes et plus r

toire, la partie FI de l'ATP synthase et l'anneau constitué par les sous-unités C ; le


premier transporteur de métabolite a aussi été cristallisé. Des études faisant appel à
d'autres techniques physiques (dichroïsme, fluorescence des protéines...), chimiques
(modification des protéines, pontages entre les fonctions libres des résidus acides ami-
nés), enzymologiques (cinétiques rapides) et génétiques sur des micro-organismes
eucaryotiques (levure pour les oxydations phosphorylantes et euglènes pour la pho-
tosynthèse), sont des compléments indispensables à l'établissement de la structure
tridimensionnelle et permettent d'apporter une base moléculaire aux mécanismes de
fonctionnement proposés pour ces protéines.
260 BIOÉNERGÉTIQUE

De nouvelles techniques d'étude doivent se mettre en place, et en particulier celles


relevant de la biologie cellulaire, comme par exemple le suivi spatio-temporel de
molécules par fluorescence in situ. Ainsi le domaine de la bioénergétique, travaillé
déjà depuis plus d'un siècle, réservera des surprises au chercheur Imaginatif.
LECTURES CONSEILLÉES

Cette bibliographie sommaire contient des ouvrages généraux, des revues, des
articles à caractère historique et des articles récents ou portant sur des sujets peu
traités dans les ouvrages généraux. Lorsqu'une référence citée pour un chapitre est
utile à un chapitre suivant elle ne sera pas répétée.

OUVRAGES A UTILISER POUR L'ENSEMBLE DES PROBLÈMES TRAITÉS


DANS LES CHAPITRES DE CE LIVRE

L. STRYER, W.H. FREEMAN & Co - Biochemistry. New York


(ce traité est reédité régulièrement).
J.H. WEIL (1997) Biochimie générale. 8e édition, Masson, Paris.
E. SCHECHTER (1997) Biochimie et Biophysique des membranes.
2e édition, Masson, Paris.
D.G. NICHOLLS & S. FERGUSON (1992) Bioenergetic 2. Académic Press, London.
W.A. CRAMER & D.B. KNAFF (1991) Energy transduction in biological membranes:
a textbook o fbioen rgetics.Springer Verlag, New York Inc.

CHAPITRE 1

J.C. CHOTTARD, J.C. DEPEZAY & J.P. LEROUX (1981) Chimie générale.
1 - Echanges d'énergie et équilibres. Collection Méthodes, Herman, Paris.
M. THELLIER & C. RIPOLL (1992) Bases thermodynamiques de la Biologie cellulaire.
Collection biologie théorique, Masson, Paris.
I. PRIGOGINE & D.KONDEPUDI (1999) Thermodynamique : des moteurs thermiques aux
structures dissipatives. Editions Odile Jacob Sciences, Paris.
I. PRIGOGINE (1996) La fin des certitudes. Editions Odile Jacob Sciences, Paris.

CHAPITRE 2

R. KRÄMER (1994) Functional principles of solute transport Systems:


concepts and perspectives. Biochimica Biophysica Acta 1185 : 1-34.
G.W. GOULD & G.D. HOLMAN (1993) The glucose transporter family: structure,
function and tissue-specific expression. Biochemal Journal 295 : 329-341.
262 BIOÉNERGÉTIQUE

H. JUNG (2002) The sodium/substrate symporter family: structural and functional


features. FEBS Letters 529 : 73-77.

CHAPITRE 3

]. ROSING & E.C. SLATER (1972) The value of G° for the hydolysis of ATP.
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R.L. VEECH, L. RAIJMAN & H.A. KREBS (1970) Equilibrium between the
cytoplasmic adenine nucleotide System and nicotinamide-adenine nucleotide
System in rat liver. Biochemal Journal 117 : 499-503.
R. Mc GILVERY & T. MURRAY (1974) Calculated equilibria of phosphocreatine
and adenosine phosphate during utilisation of high energy phosphate by
muscle. Journal ofBiol gicalChemistry 249 : 5845-5850.
S. OGAWA & T.M. LING (1984) The relation between the internal phosphorylation
potential and the protonmotive force in mitochondria during ATP synthesis
and hydrolysis. Journal ofBiol gicalChemistry 259 : 10004-10011.

CHAPITRE 4
H.A. KREBS & R.L. LEECH (1969) Pyridine nucléotide interrelation.
In S. PAPA J.M. TAGER, E. QUAGLIARELLO & E.C. SLATER eds,
Adriaca Editrice Bari : 329-382.
J.E. FALK (1964) Porphyrins and metalloporphyrins.
B.B.A. Library, vol. 2, Elsevier Publishing Company, Amsterdam.
E.C. SLATER ed (1966) Flavins and Flavoproteins.
B.B.A. Library, vol. 8, Elsevier Publishing Company, Amsterdam.
P. HEMMERICH, G. NAGELSCHNEIDER & C. VEEGER (1970) Chemistry and molecular
biology of flavins and flavoproteins. FEBS Letters 8 : 69-83.

CHAPITRE 5
Enzymologie générale
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A. CORNISH-BOWDEN (1976) Principles of Enzymes Kinetics.
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Allostérie
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D. KOSHLAND, G. NÉMETHY & D. FILMER (1966) Comparison of experimental binding
data and theoritical model in protein containing subunits. Biochemistry 5 : 365-385
LECTURES CONSEILLÉES 263

Phosphorylation des protéines


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Contrôle du métabolisme
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Canalisation des métabolites


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ornithine to matrix ornithine transcarbamylase.
Journal ofBiol gicalChemistry 262 : 203-208.
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CHAPITRE 6

R.L. VEECH, J.W.W.R. LAWSON, N.W. CORNELL & H.A. KREBS (1979) Cytosolic
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264 BIOÉNERGÉTIQUE

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Trends in Biochemical Siences 7 : 329-331.
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CHAPITRE 7
S. DESAGHER & J.C. MARTINOU (2000) Mitochondria as the central control point
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G. LENAZ, M. D'AURELIO, M. MERLO PICH, M. GENOVA, B. VENTURA, C. BOVINA,
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Life 52 : 101-112.
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LECTURES CONSEILLÉES 265

CHAPITRE 8
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266 BIOÉNERGÉTIQUE

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Relations flux-force, contrôle et régulations


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Stucture et fonction des complexes mitochondriaux


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T. TSUKIHARA, H. AOYAMA, E. YAMASHITA, T. TOMIZAKI, H. YAMAGUSHI,
K. SHINZAWA-ITOH, R. NAKASHIMA, R. YAONO & S. YOSHIKAWA (1996)
The whole structure of the 13-subunit oxidized cytochrome C oxidase
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P. BOYER (1997) The ATP synthase: a splendid molecular machine.
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H. NOJI, R. YASUDA, M. YOSHIDA & K. KINOSITA (1997)
Direct observation of the rotation of F1-ATPase. Nature 386 : 299-302.
T.M. DUNCAN, V.V. BULYGIN, Y. ZHOU, M.L. HUTCHEON & R.L. CROSS (1995)
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CHAPITRE 9
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268 BIOÉNERGÉTIQUE

R. GEBHART (1992) Metabolic zonation of the liver: regulation and implication for
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Ed. Medicine and Sport Sciences, vol. 38, Karger, Basel.
A. ZORZANO, C. FANDOS & M. PALACIN (2000) Role of plasma membrane
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V. SAKS, A. KUZNETSOV, KHUCHUA, . VASIYEVA, J. BELIKOVA, T. KESVATERA &
T. TIIVEL (1995) Control of cellular respiration in vivo by mitochondrial mem-
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«The Yeast» 2nd edition, vol. 3, Academie Press, New York : 205-259.
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LECTURES CONSEILLÉES 269

CHAPITRE 10
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Biophysica Acta, serie Bioenergetics, vol. 1507, n° 1-2, Eisevier.
J.P. HEATHCOTE ed. (2001) Type 1 photosynthetic reaction centres. Special issue from
Biochimica Biophysica Acta, serie Bioenergetics, vol 1507, n° 1-3, Elsevier.
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D. STROEBEL, Y. CHOQUET, J.L POPOT & D. PICOT (2003)
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S. KRÖMER (1995) Respiration during photosynthesis. Annual Review of Plant
Physiology and Plant Molecular Biology 46 : 45-70.
M. HOEFNAGEL, 0. ATKIN & J. WISKICH (1998) Interdependance between
chloroplasts and mitochondria in the light and the dark.
Biochimica Biophysica Acta 1366 : 235-255.
TABLE DES MATIÈRES

AVANT-PROPOS .............................................................................................................. 7
Chapitre 1 -NOTIONS D'ÉNERGIE ET DE FLUX............................................................ 9
1.1. Introduction............................................................................................................ 9
1.2. Notions de thermodynamique............................................................................ 13
1.2.1. Principe de conservation de l'énergie, application à la calorimétrie.............. 13
1.2.2. Notions de rendement d'une machine et d'entropie....................................... 16
1.2.3. Irréversibilité et production d'entropie .......................................................... 19
1.2.4. Relation entre la production d'entropie, l'affinité
et le degré d'avancement d'une réaction chimique......................................... 20
1.2.5. Probabilité et entropie.................................................................................... 21
1.2.6. Variation d'enthalpie libre liée à l'évolution d'un système............................ 22
1.2.7. Potentiel chimique, loi d'action de masse
et constante d'équilibre d'une réaction......................................................... 24
1.2.7.1. Expression du potentiel chimique ...................................................... 24
1.2.7.2. Loi d'action de masse et constante d'équilibre ................................... 25
1.2.7.3. Dépendance de la constante d'équilibre par rapport à la température 26
1.2.7.4. Relation entre G et vitesse de réaction.............................................. 27
1.2.8. Thermodynamique des systèmes hors de l'équilibre....................................... 27
1.3. Conclusions............................................................................................................ 30
Chapitre 2 - L'ÉNERGIE OSMOTIQUE ........................................................................... 31
2.1. Expression thermodynamique ............................................................................ 31
2.2. Transports et transporteurs.................................................................................. 33
2.2.1. Généralités ...................................................................................................... 33
2.2.2. Exemples de transporteurs de la membrane plasmique................................. 36
2.3. Cas de l'eau et effet DONNAN .............................................................................. 38
2.3.1. Diffusion de l'eau et pression osmotique. ....................................... 38
2.3.2. Effet DONNAN......................................... ....................................... 40
2.4. Conclusions..................................................... ....................................... 40
Chapitre 3 - L'ÉNERGIE CHIMIQUE.. ............................................................................. 43
3.1. Nucléotides adényliques...................................................................................... 43
3.1.1. Structure........................................................................................................ 43
3.2.2. Instabilité de l'ATP........................................................................................ 44
3.1.3. Origine de l'instabilité des liaisons pyrophosphates
et méthodes de dosage de l'ATP ..................................................................... 46
272 BIOÉNERGÉTIQUE

3.1.4. Réactions du métabolisme faisant intervenir l'ATP...................................... 48


3.1.4.1. ATP donneur de groupe phosphoryl.................................................. 48
3.1.4.2. ATP donneur de groupe pyrophosphoryl.......................................... 50
3.1.4.3. ATP donneur de groupe adénosyl monophosphate ........................... 50
3.2.5. ATP hydrolases (ATPases) et ATP synthases................................................ 51
3.1.5.1. Les ATPases de type P ou Ei-E:, ATPases............................................ 51
3.1.5.2. Les ATP synthases ou ATPases de type FO-F1..................................... 53
3.1.5.3. Les ATPases de type V........................................................................ 54
3.1.5.4. Les ABC ATPases................................................................................ 54
3.2. Autres composés comportant des groupes à haut potentiel de transfert..... 55
3.2.1. Les nucléotides ............................................................................................... 55
3.2.2. Créatine-phosphate et autres composés phosphorylés.................................... 57
3.2.2.1. Créatine-phosphate............................................................................ 57
3.2.2.2. Autres composés phosphorylés.......................................................... 58
3.2.3. Thioesters....................................................................................................... 59
3.3. Conclusions............................................................................................................ 60
Chapitre 4 - OXYDORÉDUCTION.................................................................................. 63
4.1. Thermodynamique des oxydoréductions.......................................................... 63
4.1.1. Oxydants et réducteurs.................................................................................. 63
4.1.2. Force électromotrice des piles et potentiel d'oxydoréduction......................... 65
4.1.2.1. Expression du potentiel d'oxydoréduction
en absence de transfert de proton....................................................... 65
4.1.2.2. Transfert d'électrons lié à celui de protons en phase aqueuse ............ 66
4.1.2.3. Mesure des potentiels d'oxydoréduction............................................ 67
4.2. Pyridines nucléotides............................................................................................ 68
4.2.1. Structure et biosyntlièse................................................................................. 68
4.2.2. Réactions nécessitant un coenzyme pyrimidique........................................... 69
4.2.3. Potentiel d'oxydoréduction............................................................................ 71
4.2.4. Mécanisme et stéréospécificité de la réaction d'oxydoréduction.................... 73
4.3. Flavines................................................................................................................... 74
4.3.1. Structure et propriétés physico-chimiques..................................................... 74
4.3.2. Réactions nécessitant un coenzymeflavinque,mécanismes......................... 75
4.4. Quinones................................................................................................................. 77
4.5. Cytochromes .......................................................................................................... 78
4.5.1. Structure et biosynthèse des porphyrines et de l'hème .................................. 78
4.5.2. Structure électronique du fer et chélation des ions ferreux et ferriques......... 80
4.5.3. Différents types de cytochrorne...................................................................... 81
4.5.3.1. Cytochromes de type a ....................................................................... 81
4.5.3.2. Cytochromes de type b....................................................................... 81
4.5.3.3. Cytochromes de type C ....................................................................... 82
4.6. Protéines fer-soufre ............................................................................................... 82
4.7. Les acides aminés.................................................................................................. 82
TABLE DES MATIÈRES 273

4.8. Métabolisme du dioxygène et des radicaux libres .......................................... 83


4.8.1. Transporteurs de dioxygène........................................................................... 84
4.8.2. Réactivité et toxicité du dioxygène ................................................................ 85
4.9. Conclusions............................................................................................................ 87
Chapitre 5 - RÉGULATION ET CONTRÔLE DU MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE............. 89
5.1. Régulation allostérique......................................................................................... 89
5.2. Phosphorylation des protéines............................................................................ 91
5.2.1. Le système adénylate cyclase.......................................................................... 91
5.2.2. L'ion calcium.................................................................................................. 93
5.2.3. Le système inositol triphosphate et diacylglycérol......................................... 94
5.2.4. Les récepteurs à tyrosine kinase..................................................................... 95
5.3. Théorie du contrôle du métabolisme.................................................................. 96
5.3.1. Coefficient de contrôle.................................................................................... 97
5.3.2. Coefficient d'élasticité .................................................................................... 99
5.4. Organisation des enzymes et canalisation des métabolites ............................ 100
5.4.1. Généralités..................................................................................................... 100
5.4.2. Complexes multi-enzymatiques..................................................................... 103
5.4.3. Exemples de canalisation ............................................................................... 105
5.5. Conclusions............................................................................................................ 108
Chapitre 6 - MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE DES SUCRES............................................. 111
6.1. Métabolisme du glycogène.................................................................................. 111
6.1.1. Dégradation du glycogène cellulaire.............................................................. 112
6,2.2. Biosynthèse du glycogène............................................................................... 112
6.1.3. Régulation du métabolisme du glycogène...................................................... 112
6.2. Glycolyse et fermentations................................................................................... 115
6.2.2. Réactions de la glycolyse................................................................................ 115
6.2.1.1. Formation du glucose-6P.................................................................... 116
6.2.1.2. Isomérisation du glucose-6P en fructose-6P ....................................... 118
6.2.1.3. Réactions catalysées par la phosphofructokinase
et la fructose-1,6biphosphatase........................................................... 120
6.2.1.4. Scission de l'hexose en deux trioses.................................................... 122
6.2.1.5. Isomérisation du dihydroxyacétone phosphate
en glycéraldéhyde-3phosphate........................................................... 124
6.2.1.6. Réactions conduisant à la synthèse d'ATP.......................................... 124
6.2.2. Energétique et réversibilité de la glycolyse - Canalisation des métabolites ... 129
6.2.3. Les fermentations........................................................................................... 130
6.2.3.1. Fermentation lactique et formation de glycérol-3P............................. 131
6.2.3.2. Fermentation alcoolique..................................................................... 132
6.2.3.3. Autres fermentations.......................................................................... 133
6.3. Conclusions............................................................................................................ 134
274 BIOÉNERGÉTIQUE

Chapitre 7 - COMPARTIMENTATION ENZYMATIQUE MITOCHONDRIALE


ET MÉTABOLISME MATRICIEL.................................................................. 135
7.1. Compartimentation mitochondriale................................................................... 135
7.1.1. Structure des mitochondries.......................................................................... 135
7.1.2. Composition des membranes.......................................................................... 137
7.2.3. Les enzymes des espaces solubles................................................................... 138
7.1.4. Mesure des espaces, gonflement et contraction des mitochondries................ 138
7.2. Métabolisme énergétique de la matrice mitochondriale ................................. 140
7.2.1. Métabolisme du pyruvate............................................................................... 140
7.2.2. Cycle des acides tricarboxyliques................................................................... 143
7.2.3. Réactions anaplérotiques et régulation du métabolisme intermédiaire.......... 147
7.2.4. Canalisation................................................................................................... 149
7.2.5. -oxydation des acides gras............................................................................ 150
7.2.6. Catabolisme des acides aminés....................................................................... 153
7.3. Conclusions............................................................................................................ 155
Chapitre 8 - OXYDATIONS PHOSPHORYLANTES .......................................................... 157
8.1. Mise en évidence d'un couplage entre respiration et synthèse d'ATP.......... 157
8.1.1. Mesure du P/0............................................................................................... 157
8.1.2. Mesures polarographiques et effet des inhibiteurs......................................... 158
8.2. Explication chimioosmotique.............................................................................. 160
8.2.1. Principes et bases théoriques.......................................................................... 160
8.2.2. Bases expérimentales...................................................................................... 164
8.2.2.1. Mise en évidence d'un flux de protons
associé aux réactions chimiques ......................................................... 164
8.2.2.2. Mesure de la force protonmotrice....................................................... 165
8.2.2.3. Découplage et protonophores............................................................. 168
8.2.2.4. Synthèse d'ATP sous l'effet d'une force protonmotrice
créée artificiellement........................................................................... 168
8.2.2.5. Les interactions moléculaires ne sont pas indispensables................... 169
8.2.2.6. Relations entre les flux et les forces .................................................... 170
8.3. Perméabilité de la membrane interne et systèmes de transport..................... 171
8.3.1. Etudes par les techniques du gonflement des mitochondries......................... 171
8.3.2. Transporteurs de métabolites ......................................................................... 173
8.3.3. Transporteurs de cations................................................................................ 177
8.3.3.1. Transport des ions monovalents......................................................... 177
8.3.3.2. Transport du Ca2 .............................................................................. 179
8.3.4. Perméabilités induites à faible spécificité....................................................... 180
8.4. Substrats et structure de la chaîne respiratoire................................................. 181
8.4.1. Différents substrats respiratoires et systèmes navettes.................................. 181
8.4.2. Structure générale de la chaîne d'oxydoréduction......................................... 183
8.5. Localisation des sites de couplage et énergétique............................................ 186
8.5.1. Détermination expérimentale des sites .......................................................... 186
8.5.2. Energétique de la chaîne et stœchiométrie ..................................................... 187
TABLE DES MATIÈRES 275

8.6. Dissipation de l'énergie........................................................................................ 189


8.7. Réversibilité des oxydations phosphorylantes ................................................. 191
8.8. Contrôle des oxydations phosphorylantes........................................................ 192
8.9. Structure-fonction des complexes mitochondriaux.......................................... 194
8.9.1. Complexe 1 ou NADH-ubiquinone oxydoréductase ..................................... 194
8.9.2. Complexe 2 ou succinate-ubiquinone oxydoréductase................................... 195
8.9.3. Complexe 3 ou ubiquinol-cytochrome C oxydoréductase ............................... 195
8.9.3.1. Structure du complexe........................................................................ 196
8.9.3.2. Mécanisme : cycle des quinones ......................................................... 196
8.9.3.3. Bases expérimentales du modèle........................................................ 198
8.9.4. Complexe 4 ou cytochrome C oxydase............................................................ 198
8.9.4.1. Structure de la cytochrome C oxydase................................................. 199
8.9.4.2. Mécanisme de réduction du dioxygène.............................................. 200
8.9.4.3. Recherche des étapes impliquées dans le couplage
entre transfert des H 4 et électrons....................................................... 201
8.9.4.4. Cheminement des H+ et hypothèses sur le mécanisme de couplage .. 202
8.9.4.5. Les sous-unités surnuméraires ........................................................... 204
8.9.5. Complexe 5 ou ATP synthase ........................................................................ 204
8.9.5.1. Composition....................................................................................... 204
8.9.5.2. Mécanisme.......................................................................................... 205
8.9.5.3. Structure tridimensionnelle du secteur FI.......................................... 209
8.9.5.4. Modèle rotationnel............................................................................. 210
8.9.6. Nicotinamide nucléotide transhydrogénase................................................... 210
8.10. Conclusions......................................................................................................... 211
Chapitre 9 - MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE DE DIFFÉRENTS ORGANES OU CELLULES 213
9.1. Hépatocytes............................................................................................................ 213
9.1.1. Anatomie fonctionnelle du foie...................................................................... 213
9.1.2. Métabolisme des sucres et régulation du taux de glucose dans le sang......... 214
9.1.3. Métabolisme des acides aminés...................................................................... 217
9.7.4. Métabolisme des acides gras........................................................................... 218
9.1.5. Les corps cétoniques....................................................................................... 219
9.2. Cellules musculaires ............................................................................................. 220
9.2.1. Muscles squelettiques .................................................................................... 220
9.2.2. Muscle cardiaque ........................................................................................... 222
9.3. Adipocytes.............................................................................................................. 224
9.3.1. Tissus adipeux bruns ..................................................................................... 224
9.3.2. Tissus adipeux blancs..................................................................................... 224
9.4. Cellules du système nerveux............................................................................... 226
9.5. Exemple de microorganisme eucaryote : la levure Saccharomyces cerevisiae. 230
9.6. Conclusions............................................................................................................ 234
276 BIOÉNERGÉTIQUE

Chapitre 10 -ÉNERGÉTIQUE DE LA PHOTOSYNTHÈSE................................................. 235


10.1. Principes généraux............................................................................................. 235
10.2. Principe de la réaction photochimique........................................................... 237
10.2.1. Rappel des lois de la photochimie............................................................... 237
10.2.2. Transferts d'énergie entre molécules.......................................................... 239
10.3. Les pigments photosynthétiques..................................................................... 239
10.4. Structure et fonction des complexes................................................................ 241
10.4.1. Structure des antennes.............................................................................. 241
10.4.2. Les photosystèmes...................................................................................... 242
10.4.2.1. Photosystème II............................................................................ 243
10.4.2.2 Photosystème 1............................................................................. 245
10.4.3. Structure du complexe b6-f........................................................................ 245
10.5. Mécanisme de la transduction de l'énergie dans les thylakoïdes............... 246
10.6. Régulation de la photosynthèse....................................................................... 248
10.7. Utilisation de l'énergie produite...................................................................... 249
10.8. Exemples de relations fonctionnelles entre les compartiments cellulaires... 252
10.8.1. Photorespiration ou cycle du glycolate...................................................... 252
10.8.2. Transfert d'énergie entre les différents compartiments cellulaires............ 254
10.9. Conclusions......................................................................................................... 255
POSTFACE ....................................................................................................................... 257
BIBLIOGRAPHIE. ............................................................................................................. 261

Dépôt légal : Juillet 2004

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