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Corinne Gallet

100 IDÉES
POUR QUE TOUS LES ENFANTS
SACHENT LIRE
INTRODUCTION

I. APPORTS THÉORIQUES

1 LA LUTTE CONTRE L’ILLETTRISME COMMENCE À LA


MATERNELLE

2 QU’EST-CE QUE LIRE ?

3 APPORTS THÉORIQUES SUR LA LECTURE EXPERTE

4 POURQUOI LA MAITRISE DU DÉCODAGE EST-ELLE


IMPORTANTE ?

5 LIER ÉCRITURE/LECTURE

6 COMMENT DEVIENT-ON EXPERT EN DÉCODAGE ?

7 PRENDRE EN COMPTE LES DEUX VOIES DE LECTURE

8 L’IMPACT DU NIVEAU DE VOCABULAIRE SUR LE LEXIQUE


ORTHOGRAPHIQUE

II. QUELQUES PRINCIPES ET REMARQUES POUR LA


CLASSE
9 ÉLÈVE OU ENFANT ?

10 ENSEIGNER OU ÉVALUER (1)

11 ENSEIGNER OU ÉVALUER (2)

12 LE RENFORCEMENT POSITIF, UN LEVIER POUR DONNER


ENVIE

13 DES CONSIGNES POUR APPRENDRE OU POUR OCCUPER ?

14 UN OBJECTIF À LA FOIS

15 METTRE EN PLACE DES ACTIVITÉS RITUALISÉES

16 FAIRE DU LIEN ENTRE LES CLASSES

17 LE DROIT À LA DIFFÉRENCE

18 POUVOIR PARTICIPER

19 UTILISER LES OUTILS DE LA CLASSE, CELA S’APPREND !

20 PAS DE MEUHHH !

III. LA PREMIÈRE RENCONTRE AVEC L’ÉCRIT


21 TRIER POUR ATTIRER LE REGARD

22 QUE FONT MES YEUX POUR LIRE ?

23 LIRE N’EST PAS RACONTER

24 FAIRE VIVRE LA PERMANENCE DE L’ÉCRIT

25 LANGAGE PASSIF/LANGAGE ACTIF


26 ABORDER LE LANGAGE ORAL AVEC DES PICTOGRAMMES

27 LA DICTÉE À L’ADULTE : POUR PARLER LE LANGAGE ÉCRIT

28 SCANDER DES SYLLABES

29 ENTRAINER LES YEUX POUR LIRE

30 LIRE EN CLASSE

IV. LA CONSTRUCTION DE LA REPRÉSENTATION DU CODE


ÉCRIT

31 QUELQUES REPÈRES SUR LA PSYCHOGENÈSE DE L’ÉCRIT

32 ACTIVITÉS D’ÉCRITURE INVENTÉE

33 ACTIVITÉS D’ÉCRITURE INVENTÉE (2)

34 THÉORIE : LA CONSCIENCE PHONOLOGIQUE

35 THÉORIE : LA CONSCIENCE PHONOLOGIQUE (2)

36 FAIRE LE LIEN QUANTITÉ D’ORAL/ QUANTITÉ D’ÉCRIT AU


NIVEAU DE LA PHRASE (1)

37 FAIRE LE LIEN QUANTITÉ D’ORAL/ QUANTITÉ D’ÉCRIT AU


NIVEAU DE LA PHRASE (2)

38 TRAVAILLER AVEC DES PICTOGRAMMES POUR METTRE


IMPLICITEMENT EN PLACE LA NOTION DE MOT

39 COMBIEN DE MOTS DANS LA PHRASE…

40 FAIRE DE LA GRAMMAIRE AVEC DES PICTOGRAMMES


41 FAIRE LE LIEN QUANTITÉ D’ORAL/QUANTITÉ D’ÉCRIT AU
NIVEAU DU MOT

V. DES ACTIVITÉS POUR PARLER DU LANGAGE ÉCRIT

42 ABORDER LE VOCABULAIRE TECHNIQUE DE L’ÉCRIT :


PHRASE, MOT, LETTRE, CHIFFRE…

43 ABORDER LA NOTION DE PHRASE (1)

44 ABORDER LA NOTION DE PHRASE (2)

45 TROUVER UN MOT DANS UNE PHRASE

46 REMETTRE DES MOTS DANS L’ORDRE

47 SE SERVIR DE LA PERMANENCE DE L’ÉCRIT POUR ÉCRIRE (1)

48 SE SERVIR DE LA PERMANENCE DE L’ÉCRIT POUR ÉCRIRE (2)

49 APPRENDRE LES LETTRES DE L’ALPHABET

50 MÉMORISER LES LETTRES DE L’ALPHABET

51 LA MÉMOIRE DES SENS

52 LES DIFFÉRENTES GRAPHIES DES LETTRES (1)

53 LES DIFFÉRENTES GRAPHIES DES LETTRES(2)

54 LES ABÉCÉDAIRES

55 APPRENDRE LA DIFFÉRENCE ENTRE NOMS DES LETTRES ET


SONS DES LETTRES

VI. MANIPULER DES UNITÉS SONORES


56 LA SYLLABE, ÉLÉMENT CAPITAL (1)

57 LA SYLLABE, ÉLÉMENT CAPITAL (2)

58 LA FUSION SYLLABIQUE, POINT CENTRAL POUR LA LECTURE

59 SE SERVIR DES SYLLABES SÉMANTISÉES

60 LE SYLLABOZOO

61 TROIS DESSINS VONT ENSEMBLE (1)

62 TROIS DESSINS VONT ENSEMBLE (2)

63 UTILISER DES DESSINS POUR « ÉCRIRE » UN MOT

64 APPORTS THÉORIQUES : ÉCRITURE LOGOGRAPHIQUE,


ALPHABÉTIQUE, ORTHOGRAPHIQUE : QUELLES ATTENTES
EN MATERNELLE ?

65 CASSER LA SYLLABE EN PHONÈMES (1)

66 CASSER LA SYLLABE EN PHONÈMES (2)

67 IL N’ENTEND PAS LE « T » DANS BATEAU

VII. SYSTÉMATISER L’ENSEIGNEMENT DU CODE

68 LA LIAISON GRANDE SECTION/CP

69 CE QU’IL FAUT ÉVALUER À L’ENTRÉE DU CP

70 LA MARCHANDE DE LETTRES

71 RÉVISER LA SYLLABE

72 LA SYLLABE FINALE MUETTE


73 TROIS DESSINS VONT ENSEMBLE : LA CATÉGORISATION
PHONÉMIQUE

74 LES PLUTONIENS NOUS ONT ÉCRIT

75 POURQUOI FAIRE LIRE DES FAUX MOTS ?

76 POURQUOI DICTER DES FAUX MOTS ? (1)

77 POURQUOI DICTER DES FAUX MOTS ? (2)

78 LA DICTÉE, UN JEU D’ENFANT

79 UNE CORRECTION DE LA DICTÉE DYNAMIQUE ET


PARTICIPATIVE

80 QUAND S’INQUIÉTER AU CP ?

81 SI LA « MÉTHODE » DE LA CLASSE NE FONCTIONNE PAS…

82 QUE DOIT COMPORTER UNE SÉANCE AVEC


L’IMPRÉGNATION SYLLABIQUE ?

83 UNE PROPOSITION DE MISE EN PLACE DE « L’IMPRÉGNATION


SYLLABIQUE »

84 AMÉNAGER LES SUPPORTS DE LECTURE

85 COPIER, PAS SI IDIOT ! (1)

86 COPIER, PAS SI IDIOT ! (2)

87 ÉCRIRE, ÉCRIRE…

88 MENER DES ACTIVITÉS D’ÉCRITURE EN CP

VIII. ENRICHIR LE LEXIQUE ORTHOGRAPHIQUE


89 ÉVALUER L’AISANCE DANS LE DÉCODAGE

90 INTÉRÊTS ET LIMITES DU TEST E.L.FE

91 R.O.C. DEUX ÉLÈVES, DEUX PROJETS

92 CONTINUER L’APPRENTISSAGE DU CODE AU DELÀ DU CP

93 CONTINUER D’ENTRAINER LA CONSCIENCE


PHONOLOGIQUE

94 ENTRAINER LA FLUENCE

95 LES GRAPHIES CONTEXTUELLES

96 L’ORTHOGRAPHE EST-ELLE NÉCESSAIRE ?

97 LES PRINCIPES D’ENSEIGNEMENT DE L’ORTHOGRAPHE

98 ENRICHIR LE LEXIQUE ORTHOGRAPHIQUE

99 DÉCOMPOSER EN MORPHÈMES

100 ET S’IL (ELLE) ÉTAIT DYSLEXIQUE ?

ANNEXES

LEXIQUE

BIBLIOGRAPHIE

et chez le même éditeur…

Copyright
Il n’y a pas de plus grand échec dans l’enseignement que d’avoir

des élèves qui plus tard feront partie de la cohorte de ceux qui

éprouvent encore des difficultés en lecture au cycle 3 de l’école

élémentaire. Or différentes expériences montrent que cet échec n’est

pas inéluctable.

Cet ouvrage vise donc à faire comprendre que, dès la maternelle,

il y a des activités ludiques à mettre en place pour que la rencontre

avec l’écrit se fasse de manière efficace. Certains acquis paraissent

tellement évidents pour des lecteurs confirmés qu’on ne les enseigne

pas (comme par exemple le sens de la lecture). C’est pourtant avec de

tels « oublis » que se creusent les inégalités dans l’entrée des élèves

dans la lecture. Pour certains d’entre eux, cet apprentissage est déjà

fait à la maison, pour d’autres non. Il s’agit alors de proposer des

activités simples mais construites en vue de faire entrer tous les jeunes

enfants dans la culture de l’écrit et de leur permettre de construire des

outils intellectuels pour que leur CP soit une joie.

Parmi les compétences que l’élève doit acquérir en CP et qu’il va

devoir développer par la suite pour devenir un lecteur expert figurent

entre autres celles du décodage : le langage écrit transcrit le langage

oral, et ce code de transcription doit être automatisé pour que l’élève

puisse accéder au sens des mots, des phrases, du texte. Mais cette

entrée dans le code ne repose pas uniquement sur les compétences de

l’enseignant du CP. Très tôt, les enfants sont confrontés à l’écrit et,

par des questions, par des observations, ils se construisent une


représentation de son fonctionnement et aussi de son intérêt. Qu’en

est-il dans les familles où l’écrit n’a pas ou peu de place ?

Les enseignants savent combien il est important de lire chaque

jour des histoires aux élèves, mais l’expérience montre que cela ne

suffit pas pour que les élèves entrant au CP soient tous prêts pour

apprendre à lire.

Il ne s’agit en aucune façon de balayer toutes les autres activités

nécessaires au développement de l’enfant, et surtout pas celles qui

permettent le développement du langage oral. Le lien entre langage

oral et lecture est assez fort pour ne pas privilégier une activité au

détriment d’une autre.

Par contre, il est vrai que l’on ne pense pas ou que l’on n’ose pas

toujours expliciter concrètement le fonctionnement du code écrit. À

force d‘implicite, de vocabulaire non partagé, les aides proposées ne

fonctionnent pas. Les enseignants ne savent plus quoi proposer et

sont aussi malheureux que leurs élèves en difficulté.

Les idées développées dans cet ouvrage visent justement à faire

penser à dire et à montrer concrètement, à oser continuer

l’apprentissage de la lecture à des élèves de cycle 3, oser proposer des

gammes, etc. Avec certains élèves de cycle 3 qui sont plus lents, les

enseignants ne doivent pas renoncer à mettre en place des activités

ciblées sur des objectifs précis autour de l’apprentissage du code.

Ce livre se veut, modestement, un point d’appui pour tous ceux

qui ont la conviction que l’illettrisme n’est pas une fatalité et que

l’école peut encore jouer un rôle considérable pour promouvoir

l’égalité des chances.

N.B. Conformément aux directives publiées dans le Bulletin officiel

o
du ministère de l’Éducation nationale hors série n 3, du 19 juin 2008,

précisant que « l’orthographe révisée est la référence », l’orthographe


suivie dans cet ouvrage est conforme aux rectifications proposées dans le

rapport du Conseil supérieur de la langue française, publiées au Journal

officiel du 6 décembre 1990.


IDÉE

1
LA LUTTE CONTRE L’ILLETTRISME COMMENCE À
LA MATERNELLE

Qu’est-ce que l’illettrisme ?

L’illettrisme désigne l’état d’une personne qui a bénéficié

d’apprentissages mais qui n’a pas acquis, ou a perdu, la maîtrise de

la lecture et de l’écriture.

On estime que cela concerne 9 % de la population en France. Et,

contrairement à ce que l’on pourrait penser, 74% des personnes en

situation d’illettrisme utilisaient exclusivement le français à la


1
maison à l’âge de cinq ans .

D’autre part, les journées d’appel organisées par l’armée nous

révèlent qu’après 14 ans de scolarité, près de 22 % des jeunes ont un

déficit des processus automatisés impliqués dans l’identification des

mots : 9,8 % d’entre eux sont des « lecteurs médiocres », et 12 %

« n’ont pas la capacité de réaliser des traitements complexes (très

faible compréhension en lecture suivie, très faible capacité à

rechercher des informations). Ils sont en deçà du seuil de lecture


2
fonctionnelle. »

Les programmes de l’Éducation nationale insistent sur la nécessité

de développer le vocabulaire à l’école maternelle. Les compétences

dans le langage oral ont en effet un impact important sur l’entrée

dans la lecture. Mais cela n’est pas suffisant pour aider des élèves

dont l’écrit ne fait pas partie de l’environnement familial : ce qui

nous semble évident ne l’est nullement pour eux, et bien vite

l’incompréhension règne entre certains élèves et l’enseignant.

À la question : « Comment fait-on pour lire ? », des élèves de

CE1 répondent : « Il faut venir à l’école, il faut être sage, il faut

répéter ce qui dit la maitresse. » Face à une telle représentation de

l’apprentissage, comment s’étonner que ces élèves ne sachent pas


encore lire ? Par contre, une fois l’activité expliquée et le « comment

s’y prendre » enseigné, ces élèves vont rapidement maitriser le


3
décodage* : ils transforment les signes écrits en oral et accèdent au

sens. Ils pourront lire des mots, une phrase, un texte.

Il faut mettre très tôt des activités autour de l’écrit :

des activités pour développer le vocabulaire technique du

langage écrit : lettre (mot polysémique*), mot, phrase, …

des activités pour comprendre le fonctionnement du code : le

sens de la lecture n’est pas le même dans toutes les sociétés…

des activités pour faciliter l’entrée dans le code : notre système

est alphabétique, ce qui veut dire basé sur la conversion

graphophonémique*.

des activités pour automatiser le décodage afin d’éviter que les

jeunes sortant de 14 ans d’école finissent par l’oublier et soient

privés de lecture.

Il ne s’agit pas de faire lire à tout le monde les Mémoires d’outre-

tombe, mais de permettre au bout du compte à des adultes, quel que

soit leur milieu, de pouvoir choisir de lire ou non, de pouvoir

répondre à un document administratif, de comprendre une

convocation.

La maternelle a son rôle à jouer dans cette prévention car elle

peut proposer des activités qui vont éveiller le regard de l’enfant sur

ces écrits qui l’entourent et lui donner les clés pour décoder ces

signes pour le moins abstraits. Ces propositions d’activités n’excluent

en aucun cas toutes les activités autour du langage oral, de

l’acculturation : ce sont juste des idées pour mettre en place d’autres

entrées sur le code.

1- « Illettrisme : Des chiffres pour éclairer les décisions », Agence nationale de lutte contre l’illettrisme, 2 juin 2006.

http://www.anlci.gouv.fr/fileadmin/Medias/PDF/EDITIONS/Les_chiffres_de_l’illettrisme.pdf

2- Les évaluations en lecture dans le cadre de la journée d’appel de préparation à la défense. Année 2007 :

http://media.education.gouv.fr/file/2008/22/7/NI0836_41227.pdf

3- Les mots marqués d’un astérisque sont définis dans le glossaire en fin de volume.
IDÉE

2
QU’EST-CE QUE LIRE ?

Lire n’est pas naturel. L’écriture est une invention trop récente

pour avoir pu façonner notre cerveau. Les premières traces écrites

remontent à 6 000 ans et les premières traces d’un langage écrit,

c’est-à-dire combinant différentes unités de base (syllabes,

phonèmes, …) datent de 4 000 ans. À cela il faut ajouter que,

pendant longtemps, seule une élite avait le droit d’apprendre à lire et

e
à écrire. L’enseignement de « masse » du lire/écrire a débuté au XIX

siècle. Il s’est donc écoulé trop peu de temps pour que le cerveau

humain ait pu développer une zone spécifiquement dédiée à cet

apprentissage, comme il a pu le faire par exemple pour le traitement

du langage oral, avec l’aire de Broca et l’aire de Wernicke.


1
Stanislas Dehaene [9] formule à ce sujet la théorie d’un

« recyclage neuronal » : une zone du cerveau jusque-là spécialisée

dans la reconnaissance visuelle et servant à reconnaître les visages et

les objets a été « recyclée » pour devenir l’élément neuronal essentiel

dans l’apprentissage de la lecture.

Lire, c‘est aussi mettre en place les activités cognitives

nécessaires pour permettre la compréhension du texte lu. Pouvoir

décoder* un texte ne suffit pas pour le comprendre.

Pour Fayol et Gaonac’h [12] : « Lire nécessite la conduite

simultanée de plusieurs activités en fonction d’un objectif. Il s’agit

toujours de construire une représentation, une interprétation, qui

respecte ce que l’auteur du texte a effectivement rédigé, tout en

faisant appel aux connaissances conceptuelles et langagières du

lecteur, qui à la fois permettent et limitent son interprétation. »

On distingue deux grands objectifs de lecture :


La lecture plaisir : on choisit le thème/l’auteur, on peut sauter
des pages, revenir en arrière, on peut s’arrêter quand on le souhaite,

on peut même ne pas finir la lecture du livre, et surtout aucune

question n’est posée. L’auteur nous emmène dans son monde et on

adhère à ce voyage.

La lecture de recherche : elle répond à une question ou à des


questions posées par soi-même ou par un tiers. La question/ le

problème se pose avant d’entrer dans la lecture puisque c’est en

fonction de la question que le lecteur va choisir son mode de lecture.

Par exemple, si nous envisageons de faire de l’élevage d’escargots,

nous allons sélectionner les livres traitant des escargots et, dans le

sommaire des ces livres, nous choisirons les chapitres qui concernent

plus particulier leur vie en captivité et les conditions nécessaires à

leur reproduction.

L’élément important dans ce type de lecture est que, dans la vie

quotidienne, la question est posée avant la lecture du texte : c’est

elle qui conditionne son choix. Or, que propose l’école ? Le texte

choisi par l’enseignant ne répond pas aux questionnements des

élèves mais sert uniquement à évaluer leurs capacités de

compréhension. Le texte est imposé, les questions apparaissent après

le texte.

D’autre part, dans la définition donnée ci-dessus par Fayol et

Gaonac’h, « la conduite de plusieurs activités » est également une

notion importante. Un lecteur expert convoque de façon inconsciente

plusieurs compétences : traitement des implicites, mise en lien des

personnages bien qu’ils soient désignés différemment dans le texte (le

loup, la bête féroce, il, elle..), compréhension du vocabulaire en

faisant éventuellement appel au contexte pour cette compréhension,

mémorisation des éléments essentiels, contrôle de la compréhension

(revenir en arrière, relire une phrase, un passage), appel à sa culture

personnelle, à son imagination pour remplir les « blancs ».

Tout cela en respectant le discours de l’auteur, c’est-à-dire en

« collant » au texte mais aussi en utilisant les « blancs » pour

l’interpréter. Par exemple, à la lecture du Petit Chaperon Rouge, on

peut demander aux élèves de décrire ce personnage (bien sûr, on

aura eu soin de ne pas montrer les illustrations). Comme l’auteur ne


fait aucune description du personnage, on peut tout aussi bien

« voir » dans sa tête le Petit Chaperon rouge mince ou dodue, avec

des cheveux courts ou longs, blonds, bruns ou roux… C’est au

lecteur de mettre du sien car l’auteur le permet. Par contre, imaginer

« Boule d’Or » en brune, serait une faute d’interprétation majeure…

Ainsi, un dialogue intellectuel se met en place entre l’auteur et le

lecteur, mais grâce à notre expertise, cela se fait de façon implicite,

« naturelle ». Et c’est bien pour cela qu’enseigner toutes les

compétences en lecture est un art difficile car tout cela est

« tellement évident » que l’on ne sait pas toujours expliquer les

choses.

1- Les chiffres entre crochets renvoient à la bibliographie publiée en fin de volume.


IDÉE

3
APPORTS THÉORIQUES SUR LA LECTURE EXPERTE

Être un lecteur expert veut dire comprendre ce qui est lu, ce qui

implique :

pouvoir se faire « un film » du texte dans sa tête ;

pouvoir reformuler les idées essentielles du texte ;

expliquer les changements du personnage principal ;

mettre en évidence les relations entre les personnages et leurs

changements ;

dire les intentions du personnage principal et de l’auteur ;

donner son avis sur le texte, le mettre en résonnance avec

d’autres textes, d’autres savoirs déjà acquis ;

et, si ce n’est pas le cas parce que le texte est trop technique ou

trop éloigné de sa propre culture, savoir où chercher les outils

qui vont nous aider dans cette quête de la compréhension.

Deux grands champs de compétences doivent donc être stimulés

pour acquérir une expertise en lecture :

La capacité à décoder*, c’est-à-dire avoir automatisé le

décodage de façon suffisante pour que cette compétence de bas

niveau ne vienne pas accaparer une part importante de l’énergie

cognitive.

La capacité à comprendre un texte oralisé, c’est-à-dire connaitre

le vocabulaire, manipuler le traitement syntaxique, traiter les

inférences, avoir un champ culturel suffisant pour qu’une fois le

décodage exercé, l’image, le film commence dans sa tête.

En maternelle, les enfants, sans savoir lire, écoutent des histoires

et les comprennent : l’enseignant les accompagne pour qu’ils

développent des stratégies de compréhension. Ces activités ont non


seulement pour but de leur donner envie de lire, de leur livrer un

patrimoine culturel mais aussi d’accroitre leur vocabulaire, leur

syntaxe, de les faire rêver, de développer leur imagination. On peut

apprendre à comprendre sans savoir lire.

Le décodage est ce qui pose souvent problème aux faibles

lecteurs : ils se servent bien souvent du contexte pour deviner les

mots. Ils piochent des mots dans le texte, parfois ne lisent que le

début du mot et essaient d’en faire une histoire. Cela fonctionne un

certain temps car en CP les textes donnés à lire ont un schéma

narratif simple. Mais cette stratégie qui peut sembler efficace un

certain temps devient rapidement nocive en cycle 3, car on ne peut

deviner les mots qu’avec les mots de son propre vocabulaire. Donc,

non seulement ces élèves se retrouvent incapables de comprendre un

texte (puisqu’ils devinent les mots et ne respectent pas forcément

l’auteur) mais ils ne peuvent enrichir leur lexique par la lecture. Cela

va avoir un impact négatif important sur la suite de leur scolarité.

La capacité d’indentification des mots (le décodage*) est une

activité spécifique à la lecture. Les capacités de compréhension sont

similaires à l’oral et à l’écrit chez les bons décodeurs. Par

conséquent, un des objectifs principaux de l’apprentissage de la

lecture devrait être de permettre à l’enfant de parvenir à comprendre

ce qu’il lit de la même façon qu’il comprend ce qu’il entend. Pour

cela, il doit développer et automatiser des procédures d’identification

des mots rapides et précises.


IDÉE

4
POURQUOI LA MAITRISE DU DÉCODAGE EST-ELLE
IMPORTANTE ?

Dans les années 1970-1990, l’enseignement du décodage* a été

banni des classes. Les exercices systématiques sur le B-A-BA étaient

perçus comme un enfermement intellectuel qui interdisait le

développement de la personne, du citoyen puisque l’élève était

seulement habitué à des tâches répétitives. Les maîtres qui

enseignaient le décodage étaient considérés comme des disciples de

Pavlov.

Petit exercice :

Dites pourquoi. »
Vous avez des difficultés pour lire ce texte de niveau CM1 et pour

répondre à la question posée : votre énergie cognitive est entièrement

absorbée par le décodage car vous ne pouvez plus mettre en place

vos automatismes. Vous êtes dans la situation d’un enfant qui n’a pas

encore acquis une aisance dans le code. Vous êtes capable de tout

décoder mais tellement lentement que vous ne pouvez pas mettre en

place vos capacités de compréhension.

On a longtemps mis à l’écart les activités concernant le

décodage, car c’est effectivement une compétence de bas niveau

mais cette activité cognitive reste pourtant absolument nécessaire et

incontournable, et doit être automatisée pour permettre de libérer

l’énergie cognitive nécessaire à la compréhension.

Les activités proposées vont donc être essentiellement tournées

vers la construction et l’automatisation du décodage. On peut

commencer à attirer l’œil de l’enfant très tôt vers ce code abstrait qui

transcrit de l’oral. Cela a une incidence sur l’entrée dans la lecture

proposée. La méthode globale qui consiste à enregistrer visuellement

le mot en entier a montré ses limites. Un enfant ne peut lire que les

mots qu’il a enregistré : les mots nouveaux ne lui sont pas

accessibles. La mémoire nécessaire à cet enregistrement global des

mots est impossible à mettre en place.

Dans leur article, Sprenger-Charolles et Colé [21] nous font part


1
de de deux études françaises (Gérard et Braibant, 2004 ; Goigoux,
2
2004 ) qui ont évalué l’impact d’une méthode centrée sur le

décodage grapho-phonémique comparativement à celui d’une

méthode idéovisuelle*. Les résultats plaident nettement en faveur de

l’enseignement grapho-phonémique. Son impact est plus fort quand il

commence précocement et il est particulièrement bénéfique pour les

élèves à risque de difficulté d’apprentissage de la lecture. Et ces

auteurs concluent : « Les travaux de recherche suggèrent également

que dans un système d’écriture alphabétique la maîtrise du décodage

est le sine qua non de l’apprentissage de la lecture. Les bons

décodeurs précoces sont en effet ceux qui progressent le mieux, et le

plus vite, tant au niveau du décodage que du vocabulaire et de

l’orthographe. »
Un élève qui bataille encore avec le code n’a pas une vision

complète des mots. Il lit lettre par lettre ou syllabe après syllabe, et

la mémorisation du mot complet lui est impossible. Un élève qui

bataille avec le code n’a aucun plaisir à lire et donc il lit moins :

lisant moins, il rencontre moins de mots, et rencontrant moins de

mots il enrichit moins son vocabulaire et mémorise peu de mots.


3
C’est ce que les chercheurs appellent « l’effet Matthieu » : en lisant,

les élèves « riches » en lexique vont devenir de plus en plus

« riches » en vocabulaire et développer une bonne expertise de la

lecture, tandis que, lisant moins, les élèves « pauvres » en

vocabulaire vont devenir de plus en plus « pauvres ». Si on ne met

pas en place des actions ciblées, les élèves les plus en difficulté en

lecture vont être de plus en plus en difficulté.

Éviter cet engrenage délétère est l’objectif principal des activités

qui sont proposées dans ce livre.

1- Gérard, F.-M. et Braibant, J.-M. : « Activités de structuration et activités fonctionnelles, même combat ? Le cas de l'apprentissage de la compétence en lecture à

l'école primaire », Français 2000, n°190-191, Avril 2004, 24-38.

2- Goigoux, Roland : « Difficultés d'apprentissage, processus de secondarisation et pratiques enseignantes : une hypothèse relationnelle », avec Bautier E., Revue

française de pédagogie, n° 148, 2004, pp. 89-100.

3- « À celui qui a, il sera beaucoup donné et il vivra dans l’abondance, mais à celui qui n’a rien, il sera tout pris, même ce qu’il possédait ». (Matthieu, XXV-28-29).
IDÉE

5
LIER ÉCRITURE/LECTURE

Il fut une époque où l’on apprenait d’abord à lire, puis à écrire.

Or lire et écrire ne sont pas des compétences indépendantes car

toutes deux participent à la mémorisation des mots dans le lexique

orthographique. Lors des activités d’écriture, l’élève devient actif

puisqu’il est en situation de production. Les activités d’écriture vont

obliger les élèves à s’interroger sur le fonctionnement de l’écrit.

Très tôt, les enfants apprennent entre autre par imitation. Pour le

langage écrit, ce qui est plus facile à imiter est l’acte d’écrire. Alors

que l’action de lire ne produit guère de gestes visibles, dans l’acte

d’écrire il y a quelque chose à voir : une main qui tient un stylo, un

stylo qui se déplace sur la feuille de papier. Très tôt, les enfants

essaient d’écrire et l’enseignant doit surtout les inciter à continuer,

même si leurs productions sont loin de répondre aux normes

graphiques et orthographiques.

À l’école maternelle, le premier intérêt de ces productions pour

l’enseignant est de lui permettre d’évaluer la représentation qu’a

l’élève de l’écrit (voir l’Idée 31). Est-ce que le sens de l’écriture est

respecté ? Est-ce que lettres et chiffres sont indifféremment utilisés

conjointement ? Le second intérêt est de casser une représentation du

fonctionnement de l’écrit. Les enfants de maternelle développent

souvent, pour ne pas dire toujours, une lecture logographique*.

Passer par l’écrit va les obliger à s’attarder sur les lettres ou les

groupes de lettres.

En petit groupe, les enfants présentent leur écrit, l’enseignant

interroge sur le « comment » : « Comment as-tu fait pour écrire tel

mot ? » L’enfant va devoir se décentrer et commencer à réfléchir à

son activité. Les autres enfants écoutent. Ce dialogue sur l’écrit

permet de ne plus considérer le mot pour son sens (signifié) mais


pour son orthographe, son codage (signifiant). « J’ai mis beaucoup de

lettres car un éléphant c’est gros ». « Là, j’ai changé de crayon, parce

que le papillon est rouge. » L’enseignant doit tenir compte de ces

justifications et surtout doit proposer des écrits qui viennent

contredire ces représentations : « Regardez, Quel est le titre de cet

album ? Le Petit Chaperon rouge. A-t-on changé de couleur pour

écrire rouge ? ». Ce traitement de l’écrit par justification doit être

présent tout au long de la scolarité.

Dès la Grande section, voire avant pour certains élèves, les

activités d’écriture inventée ou d’orthographe approchée vont

permettre de faire comprendre que la relation entre l’oral et l’écrit

n’est pas arbitraire mais qu’elle répond à un code. En focalisant le

regard sur le code, les activités d’écriture permettent l’émergence

d’une orthographe implicite. Ainsi, des chercheurs ont mis en avant

ce début de construction dès la Grande section. On demande à des

élèves d’entourer un mot dans cette suite :

« qppqbm – marin – iinllm ».

En grande majorité, ils entourent « marin », alors même qu’ils ne

savent pas lire ce mot : ils ont exclu implicitement ce que l’on ne

rencontre jamais dans la lecture du français. Ils commencent à

construire une orthographe.


IDÉE

6
COMMENT DEVIENT-ON EXPERT EN DÉCODAGE ?

Un lecteur expert maîtrise et utilise deux voies de lecture :

La voie indirecte ou phonologique.

La voie directe ou d’adressage.

Le choix de la voie de lecture se fait automatiquement en

fonction de ce qu’on lit. Lorsque vous lisez un mot que vous n’avez

jamais rencontré ou un nom de famille, par exemple :

Clarinfurouille, vous utilisez la voie indirecte : vous passez par le

décodage*. Mais un décodage expert car vous savez où commence et

où finit chaque syllabe. Vous savez combien de lettres il faut

prendre : c’est ce que l’on appelle l’empan syllabique*.

Lorsque vous lisez des mots comme chocolat, voiture, ognon,

chorale, monsieur, vous utilisez la voie directe. Ce sont des mots que

vous connaissez, vous les avez rencontrés souvent et vous pouvez les

lire directement sans découpage syllabique. Cela est d’autant plus

vrai que pour chorale et monsieur, la lecture terme à terme n’est pas

fonctionnelle puisque la relation graphophonémique n’est pas

régulière. Dès que votre œil se pose sur ces mots, votre lexique

orthographique est activé ainsi que le système sémantique. Vous

décodez, oralisez et comprenez en même temps. La voie directe est

la voie la plus utilisée par les lecteurs experts car elle est la moins

couteuse en énergie. Stanislas Dehaene [8] estime que notre lexique

orthographique comprend entre 50 000 et 100 000 mots (mots, noms

propres, acronymes). Certaines études ont montré de grandes

disparités interindividuelles : entre 30 000 et 250 000 mots. Mais

cette voie directe ne peut se mettre en place que si la voie indirecte

est performante.
La voie indirecte est celle que l’on met en place en CP. Un élève

voit un mot écrit, et, après avoir fait l’analyse visuelle, il fait une

conversion grapho-phonémique, c’est-à-dire qu’il traduit les signes

graphiques (les lettres) en sons (phonèmes). C’est le fameux B-A BA.

Notre élève va donc lire « S-A-L-A-D-E », puis une fois ces sons mis

dans sa mémoire de travail, il va « marier » les sons : « S-A —> SA ;

L-A —> LA ; D-E —> DE ». Puis il continue les « mariages » : « SA-

LA —> SALA ; SALA-D —> SALADE ». Et arrive l’instant magique où

cet enfant, après bien des efforts, peut lire le mot salade, et bien

souvent, tout à sa joie, il oublie alors qu’il n’est pas seul dans la

classe et dit le mot à voix haute sans attendre d’être interrogé.

Cette voie indirecte est très couteuse en énergie (voir le texte

écrit de droite à gauche dans l’Idée 4). Mais ce travail est nécessaire

car c’est grâce à des exercices systématiques que l’automatisation

des conversions grapho-phonémiques va être entrainée. C’est cette

« caisse à outils » qui va permettre ensuite l’enrichissement du

lexique orthographique car elle permet de lire tous les mots

nouveaux (dans le sens : « des mots jamais rencontrés jusque-là sous

leur forme écrite »).


IDÉE

7
PRENDRE EN COMPTE LES DEUX VOIES DE
LECTURE

C’est à force de rencontrer des mots, à force de les décoder que

le cerveau du lecteur va enregistrer ces mots dans le lexique

orthographique de sa mémoire et permettre une lecture plus rapide.

Stanislas Dehaene [8] avance comme hypothèse un recyclage

neuronal, puisque le cerveau humain n’est pas spécifiquement

« programmé » pour apprendre à lire.

Ce mode de fonctionnement a des conséquences pédagogiques.

Apprendre à lire n’est pas naturel : cela implique des exercices

répétitifs, quotidiens, car il s’agit bien de créer des automatismes qui,

une fois mis en place, libèreront de l’énergie cognitive permettant

que le cerveau n’ait plus dès lors qu’à se consacrer à la

compréhension.

La fréquence dans l’ordre des graphèmes rencontrés est un

paramètre dont il faut tenir compte. Certains graphèmes sont simples

et réguliers (r, b, d), d’autres sont très fréquents (ou, on). Une

progression dans l’apprentissage est nécessaire et doit être pensée.

Décoder* et comprendre ne peuvent se faire en même temps car

le décodage est trop couteux en énergie. Il faut donc proposer

quotidiennement des temps sur le décodage et d’autres pour

travailler la compréhension grâce à des textes lus par l’adulte.

Demander à un élève de cycle 3 d’apprendre l’orthographe de

certains mots alors qu’il n’a pas encore une écriture phonétique peut

être considéré comme impossible, voire comme de la maltraitance.

Le lexique orthographique ne peut se mettre en place que lorsque les

conversions grapho-phonémiques* sont automatisées.

Pour que le lexique orthographique se mette en place, il faut que

les mots aient été rencontrés plusieurs fois. Le rôle de la fréquence


est primordial dans les premières mémorisations. Cela implique un

brassage permanent des mêmes mots et une introduction raisonnée

de mots nouveaux (c’est-à-dire : de mots jamais rencontrés jusque-

là).

Plus tard, on remarque que les enfants peuvent écrire certains

mots correctement alors même qu’ils ne les ont jamais rencontrés car

implicitement leur cerveau a fait des liens, a constitué un réseau de

prévalences d’écriture de sons selon leur place dans le mot. Par

exemple le « –eau » en français est majoritairement placé en fin de

mot. Si on dicte des faux-mots (logatomes) à des élèves de fin de

cycle 2 avec le son [o] en fin de faux mot, on retrouve la graphie « –

eau ». À force de voir et d’écrire des mots, des invariants, des

relations de fréquence s’ancrent dans le cerveau.

C’est grâce à ce fonctionnement cognitif que les enfants vont être

en autoapprentissage. Dès qu’ils vont avoir une aisance en lecture,

ils vont fréquenter beaucoup de mots et leur cerveau va pouvoir créer

son réseau. Mais cela à une seule condition : avoir un décodage

fluent, rapide, aisé.


IDÉE

8
L’IMPACT DU NIVEAU DE VOCABULAIRE SUR LE
LEXIQUE ORTHOGRAPHIQUE

Reprenons notre élève de l’Idée 6 en train de lire le mot

« salade ». S’il ne peut s’empêcher de dire à haute voix le mot qu’il

vient de lire, c’est qu’il accède d’un coup à la magie de la lecture. En

effet, après un âpre combat avec des signes graphiques, il découvre

que cela se termine par une image dans la tête. Il lit et cela fait des

images. Peut-être ce mot salade lui rappelle-t-il les salades qu’il a

vues dans le jardin de grand-père, ou peut-être est-ce que lors d’un

piquenique, la salade composée avait une saveur particulière. Mais

en tout cas une chose est sure, ce mot il le connait, il a un sens pour

lui.

Car pour arriver à ce résultat, à cette magie, il faut que les élèves

aient une maitrise du vocabulaire et de la syntaxe à l’oral. Si l’enfant

n’a pas entendu ce mot jusqu’à présent, il va le lire, le décoder. Bien

souvent, il va lever le doigt pour le lire mais avec le doigt tourné vers

le sol pour se faire discret. Interrogé il dit : « Je crois que c’est écrit

« salade ». Le mot n’évoquera rien, le sens même des activités de

lecture sera réduit à une activité de décodage sans aucun plaisir

puisqu’elle ne produit dans son esprit aucune image.

L’élève pour qui le mot salade évoque une image retiendra

certainement sa forme orthographique très facilement, le second

beaucoup moins, voire pas du tout. La qualité du langage oral

détermine non seulement la compréhension mais elle a aussi un

impact sur le plaisir de lire et sur le lexique orthographique. Pour

donner des chances à chaque enfant d’apprendre à lire, le travail sur

le langage oral et surtout sur le langage d’évocation est primordial.

Le langage d’évocation est le langage le plus proche du langage

écrit car c’est un langage qui tient compte de l’autre, de son absence
au moment des évènements. Souvent, les élèves en difficulté ne sont

que dans le langage de connivence. Pour le comprendre

correctement il faut avoir vécu l’évènement avec eux. Leur discours

est rempli de truc-machin-chose, les pronoms ne sont pas référés à

une personne particulière (les « il » abondent tellement que l’on ne

sait plus de qui on parle). Les connecteurs de temps, d’espace sont

totalement absents. Le vocabulaire est pauvre.

Pour ces élèves, il faut une attention particulière aux textes

proposés lors des activités de décodage. Pour qu’ils découvrent la

magie, il faut leur donner des textes prenant en compte leur niveau

de langage. Il faut leur apprendre à se faire une représentation

mentale. L’enseignant dit : « Très bien, tu as bien lu le mot voiture.

Maintenant comment tu la vois dans ta tête, quelle couleur a-telle ?

Comment sont les roues ?… » Si cet accompagnement n’est pas fait,

il y a fort à craindre que la lecture reste pour ces élèves un exercice

sans aucun sens.

Une fois le processus enclenché, le code automatisé, la lecture va

permettre l’enrichissement du vocabulaire. Vocabulaire et lecture

sont indissociables.
IDÉE

9
ÉLÈVE OU ENFANT ?

À l’école, il y a des élèves. Certains auteurs de livres de

pédagogie parlent du « métier d’élève » car aller à l’école à heure

fixe, vivre en groupe 6 heures durant, ne pas pouvoir faire ce que

l’on veut, être évalué, interrogé... ressemble bien à un travail. C’est

un drôle de travail, il n’est pas rétribué alors qu’il n’est pas choisi

librement. L’élève a des droits et des devoirs comme tout citoyen.

Apprendre à être élève, c’est apprendre à être un citoyen.

Un enfant devient élève à l’école, car il va vivre des ruptures :

avec ses parents, avec son chez soi, avec une organisation temporelle

différente de celle qu’il a vécue jusque-là. Il va devoir apprendre à

vivre avec d’autres. Il va apprendre à dire les choses : le langage de

connivence tel qu’il était pratiqué à la maison n’est plus possible. Il

va apprendre à observer, comparer, catégoriser, organiser. L’élève va

être conduit à gérer son attention, à avoir une attitude réflexive sur

ses actions.

L’enseignant doit considérer les enfants comme des élèves, c’est-

à-dire qu’il ne doit pas faire de commentaire sur la famille de

l’enfant. Cela implique un traitement égalitaire, quel que soit le

milieu socioculturel.

L’enseignant évalue l’élève et pas l’enfant, mais il n’en demeure

pas moins qu’un élève est aussi un enfant.

Un élève privé de réussite, c’est bien un enfant qui souffre de ne

pas être reconnu par son enseignant et par ses parents, et il peut subir

une pression scolaire. Quand on dit à l’élève : « C’est pourtant

facile », l’enfant pense : « Je suis anormal, je n’y arrive pas alors que

les autres ont fini. Donc, je suis bête. » ; d’autant qu’un enfant/élève

n’a pas les mêmes armes qu’un adolescent/élève pour réagir face à
certains jugements. Les mauvais résultats de l’élève finissent par

dévaloriser l’enfant.

Quand, en parlant de certains élèves, on parle de mésestime de

soi c’est bien l’individu au plus profond de lui-même qui est touché

et les conséquences ne seront pas uniquement d’ordre scolaire. Il

s’estime responsable de son échec. Il ne faut pas oublier que derrière

les élèves se cachent des enfants qui n’ont pas toujours envie de faire

ce qu’on leur demande, qui ont une sensibilité différente d’un jour à

l’autre, qui préfèreraient jouer dehors, un jour de neige. C’est pour

cela que tout au long de ce livre, les deux termes seront employés

indifféremment, même si, à l’école, ce sont les élèves qui priment...

mais des élèves avec une âme, une fragilité d’enfants.


IDÉE

10
ENSEIGNER OU ÉVALUER (1)

Évaluer fait partie de toute action d’enseignement et est

nécessaire à l’enseignant comme à l’élève.

Nécessaire pour le premier, afin de vérifier que les activités

proposées ont bien permis un apprentissage : pour l’enseignant, il

s’agit de mesurer l’efficacité de ses actions. Si la majorité des élèves

échouent à résoudre un problème c’est qu’il est peut-être trop

difficile, mal adapté. Si une majorité des élèves ne savent pas

compter jusqu’à 20 en fin de Grande section de maternelle, c’est que

le temps consacré à l’apprentissage n’a pas été suffisant ou que les

activités proposées n’avaient pas pour objectif prioritaire cet

apprentissage.

Pour les élèves, l’évaluation est aussi importante car ils ont

besoin de savoir si le travail rendu est bien fait, et s’ils progressent.

Par contre, il ne faut pas confondre l’évaluation de


l’apprentissage et l’évaluation pour l’apprentissage. En effet,

l’évaluation de l’apprentissage (évaluation sommative) met l’accent

sur le rendement et prend la forme d’une « note » (ne pas se leurrer :

un smiley vert ou rouge a bien une valeur de note, comme un

« Bien » ou un « Non ! » écrit en marge en a aussi). Ce type

d’évaluation souligne les erreurs et peut finir par amener les très

jeunes élèves à manquer de confiance en eux-mêmes, surtout quand

ces « notes » quotidiennes sont mauvaises, quand les exercices

effectués sont barrés en rouge. Imaginez un inspecteur dans votre

classe tous les jours pendant une bonne semaine et qui, à la fin de

chaque séance, vous note, donne son avis. Plus de droit à l’erreur…

Ce type d’évaluation de l’apprentissage sous-entend que tout le

monde doit comprendre/apprendre à la même vitesse. L’école ne


laisse plus le temps pour certains enfants de faire et refaire. Elle

devient donc sélective et creuse les écarts dès la maternelle.

L’autre type d’évaluation est au contraire conçu pour les

apprentissages (évaluation formative) : c’est une évaluation qui vise à

favoriser les progrès, une amélioration. Il n’y a pas de « notes ». C’est

le commentaire de l’enseignant qui prend de la valeur et non le

bonhomme vert ou rouge. Dans ce cadre, l’enfant recherche l’aide. À

nouveau, imaginez une relation de confiance avec votre conseiller

pédagogique, sans note, sans écrit de commentaires classés dans un

dossier. Il vous propose son aide pour améliorer votre pratique en

histoire par exemple. Vous écouterez ses conseils et essaierez de les

mettre en place au fur et à mesure. Et, à long terme, il restera

quelque chose de cette expérience, comme par exemple le sentiment

de s’être amélioré. Peut-être même voudrez-vous recommencez sur

un autre thème. On éprouve une vraie joie à se dépasser, à

progresser quand le climat est favorable. Si l’ambiance est délétère,

on met en place une conduite d’évitement. C’est humain. On se

protège.

L’évaluation quotidienne doit se faire dans un climat serein. On

revient sur ce qui a été compris ou non. L’enseignant voit s’il faut

proposer d’autres activités et explique aux élèves : « Demain, nous

compterons à nouveau le nombre de syllabes dans un mot, car ce

n’est pas simple. Il faut encore de l’entrainement. » ou bien : « Vous

savez tous compter le nombre de syllabes dans un mot, demain vous

ferez une fiche pour montrer ce que vous avez appris. »


IDÉE

11
ENSEIGNER OU ÉVALUER (2)

D’autres questions peuvent aussi se poser. Est-ce correct de

délivrer un « très bien » sur le cahier du jour d’un enfant qui a su lire

par exemple une phrase correctement alors que chez lui, ses parents

lui ont appris à lire depuis quelques mois. Il sait lire des petits textes,

lire une phrase, cela ne lui demande aucun effort. Est-ce correct de

délivrer un « assez bien » à cet autre enfant, qui n’a que l’école pour

lui permettre d’apprendre à lire, qui fournit un effort réel, quotidien

pour suivre le rythme. Qui a le « très bien », les parents ?

Est-ce à dire que le résultat est toujours à la hauteur de l’effort ?

« Si tu fais des efforts alors forcément, tu réussiras. Si tu fais

attention, alors tu comprendras. » Cela peut être vrai si le travail

donné est dans le domaine du possible et faux si cela est trop éloigné

des capacités de compréhension ou de savoir-faire. N’est-ce pas

rendre responsable l’élève de ses difficultés ? Pourquoi aller chez le

garagiste qui prend vraiment très cher, faites un effort… réparez

vous-même votre voiture.

Bien sûr, à un moment, il faut faire le point sur les acquis des

élèves. Mais ceci ne peut se faire qu’après un temps d’apprentissage,

et donc après un temps d’erreur. Apprendre nécessite de faire des

erreurs, de se frotter à une difficulté, mais celle-ci doit être gérable.

Demander/évaluer un enfant dans le dénombrement de 30 papillons

alors que l’on sait qu’il ne connait pas la comptine numérique au-

delà de 10, n’est pas pertinent et surtout risque d’être décourageant

pour l’enfant. Pour certains, on parle de sentiment d’impuissance

acquis. C’est un terme fort mais qui décrit très bien des attitudes,

comme par exemple des enfants qui en CP refusent d’écrire un mot

car ils le disent eux-mêmes « Je ne sais pas » : ils s’interdisent tout

essai, et au bout du compte tout apprentissage.


Écrire « vu » sur le cahier du jour (le terme « cahier

d’entrainement » serait plus judicieux) de tous les élèves signifie que

l’enseignant a bien vu le cahier et a noté pour lui-même les

difficultés encore présentes qui devront être travaillées le lendemain,

les réussites qui permettront de passer à des exercices différents mais

sur le même objectif : par exemple, trouver des erreurs dans des

opérations, trouver des erreurs dans des fiches de conscience

phonologique ou encore inventer un exercice mobilisant la

conscience phonologique. L’ambiance de classe devient beaucoup

plus sereine et conviviale pour les enfants. Le droit à l’erreur est

effectif et non un discours qui dans les faits est nié. Par contre, il est

nécessaire de prévenir les parents dès la rentrée de cette modalité

d’apprentissage.

Il faut trouver un équilibre entre les évaluations sommatives et

formatives. Le moment de l’évaluation sommative est important

puisqu’il valide des compétences. Donc on n’évalue que ce qui a été

appris, enseigné. Le contenu de l’évaluation est primordial. Pas de

piège (les consignes sont les mêmes), pas de nouveauté (on donne

des exercices faits en classe) permet aux élèves de se sentir vraiment

évalués et non piégés.


IDÉE

12
LE RENFORCEMENT POSITIF, UN LEVIER POUR
DONNER ENVIE

On n’attrape pas les mouches avec du vinaigre. Voilà une

maxime qui devrait être enseignée et discutée en formation des

enseignants.

Les Québécois parlent de rétroaction positive ou de renforcement

positif. Des études menées sur le décrochage scolaire au Québec par


1
Thérèse Bouffard montrent que des élèves surs d’eux seront plus

motivés et réussiront mieux leur scolarité. Et pour les motiver, les

enseignants doivent accompagner leurs élèves par des conseils et des

critiques positives, entre autres. Ils sont conscients que tout ne peut

être soit tout mal ou soit tout bien. On apprend de ses succès mais

aussi de ses erreurs.

Le but de la rétroaction positive est de surprendre les élèves,

surtout les plus fragiles, les moins surs d’eux, en « flagrant délit de

bien faire » et leur dire. Il faut leur dire pourquoi c’est bien fait. La

rétroaction doit porter sur les efforts que les élèves accomplissent les

élèves ou sur les stratégies utilisées. Il s’agit d’encourager à continuer

les efforts et de montrer que l’on est attentif à la difficulté que l’élève

est en train de dépasser. On ne va pas souligner le fait qu’un enfant

lève le doigt pour répondre alors qu’il fait cela depuis… toujours. Par

contre, un enfant qui jusque-là n’avait jamais pu contrôler sa parole,

et qui lève le doigt pour répondre aura doit à juste titre à une

appréciation positive. « C’est très bien Julie, tu as levé le doigt pour

répondre. Je suis très contente, il va falloir continuer, je suis fière de

toi » Dans ce cas concret, vécu en classe, devant ma joie de cette

réussite, les enfants ont applaudi Julie, enfant hyperactive qui au…

CP a pu lever le doigt pour répondre. Cet exploit a été renouvelé et

accueilli pendant quelques jours avec une rétroaction positive, puis


le défi s’est situé à un autre niveau : rester assise un quart d’heure sur

sa chaise. Ce discours vaut mieux que « Enfin Julie tu te décides à

faire comme tout le monde ! Tu vois quand tu veux, tu peux ! »,

comme si Julie avait jusque-là volontairement caché ce qu’elle

savait, juste pour embêter l’adulte !

Cette attitude positive permet également d’ouvrir l’esprit des

élèves aux conseils ou aux critiques. Cela permet d’établir un

équilibre dans la relation pédagogique, et de ne pas toujours critiquer

l’élève dans le mauvais sens du terme : « Je vois que tu t’appliques

pour découper le carré sur le trait, c’est très bien. Mais fais attention,

pour coller ce n’est pas toujours facile. Je vois que tu ne confonds

plus les lettres et les dessins, c’est très bien. Maintenant, tu vas

pouvoir commencer à apprendre le nom des lettres. »

On peut ainsi contribuer à faire disparaitre ou atténuer le

sentiment qu’ont certains enfants que l’école ne les aime pas car,

quoi qu’ils fassent, cela ne convient jamais.

Une condition importante pour que cela ait un impact sur les

élèves : il ne faut pas les féliciter à tour de bras, et surtout si cela

n’est pas justifié. Un enfant, même jeune, sait parfaitement quand les

compliments sont justifiés et réels. Complimenter quand ce n’est pas

correct, peut devenir nocif et discrédite l’enseignant.

De même, lorsqu’un élève pose une question pour demander

comment faire, il n’est pas utile de commencer la réponse par « C’est

facile... ». L’enseignant cherche ainsi à rassurer mais, en fait, ce qui

est reçu comme message par l’enfant est souvent : « Je suis bête, les

autres comprennent et pas moi. » Rien n’est facile, et poser la

question montre à quel point l’élève est soucieux de bien faire :

alors, pourquoi le rabaisser ?

1- « La motivation des élèves au primaire : un élément essentiel de la réussite scolaire ». Article en ligne à l’adresse suivante :

URLhttp://www.fqrsc.gouv.qc.ca/upload/editeur/resultats-recherche/Fiche_Bouffard.pdf
IDÉE

13
DES CONSIGNES POUR APPRENDRE OU POUR
OCCUPER ?

Les élèves n’ont pas toujours une conception claire de la tâche

qu’on leur demande d’effectuer et, surtout, du domaine dans lequel

on travaille : est-ce de l’histoire ou de la lecture, est-ce du graphisme

ou de l’écriture ? Des travaux de l’Équipe ESCOL, sous la direction

d’Élisabeth Bautier [1] interrogent certaines pratiques courantes qui

ne permettent pas aux élèves d’apprendre, surtout les « élèves à

risque » qui n’ont pas le « guide du bien apprendre » à l’école.

Ces élèves sont souvent dans le faire immédiat, faire « comme

si » : ils imitent les autres élèves mais ne comprennent pas l’objectif

des activités proposées, et surtout ne construisent aucun savoir, ni

savoir-faire.

En maternelle, le coloriage a une grande importance mais

certaines pratiques devraient nous amener à nous interroger : ne

masquent-elles pas parfois l’activité cognitive principale en exigeant

une attention excessive dans l’exécution de tâches accessoires ?

L’enfant alors, se concentre et met toute son énergie dans le

secondaire.

Par exemple : quand on demande aux enfants de découper les

images de mots et de les classer en fonction du nombre de leurs

syllabes, puis de colorier les dessins, l’enseignant considère que la

tâche principale est bien de compter les syllabes. Mais l’enfant qui a

encore du mal à découper pensera, lui, que la tâche principale est de

réussir le découpage. D’ailleurs, bien souvent, à la fin du découpage,

il regarde la feuille des autres élèves et colle les images en copiant,

puis il va chercher des crayons de couleur pour finir le travail et le

rendre « beau ». Ne pouvant surveiller chaque enfant, l’enseignant le

félicitera, croyant que la tâche principale a été réussie, et l’enfant


pensera être félicité pour son découpage et son coloriage. D’ailleurs,

interrogé sur ce qu’il a dû faire pour réussir, il dit : « J’ai découpé et

bien colorié en m’appliquant ». Rapidement, enseignant et élève ne

parlent pas le même langage.

Pour certains enfants, et même pour tous, ne serait-il pas plus

judicieux de découper les images et de donner la consigne, voire

même de montrer ce qui est attendu, afin de s’assurer que l’énergie

cognitive et le savoir en construction seront bien identifiés. Est-il

vraiment indispensable de colorier ces dessins ? Quel est le but, si ce

n’est occuper les enfants afin d’attendre que les autres aient

également fini ? Dans ce cas, pourquoi ne pas donner, soit

réellement un coloriage afin d’être au clair sur le fait que l’on

propose une activité de coloriage/découpage et les consignes sont

connues : ne pas dépasser, ou couper correctement sur le trait. On

peut aussi proposer une autre activité dans le même champ de

compétence, comme : « Ces quatre images vont ensemble ; à toi de

retrouver la règle de tri ». Et cette règle de tri sera : « Tous les mots

représentés par les dessins comportent le même nombre de

syllabes ».

On peut aussi proposer de « jouer au maitre ou à la maitresse »,

et donner un travail déjà réalisé par un élève lambda ; la consigne

sera alors de retrouver 2 ou 3 erreurs de classement commises par

cet élève, de les entourer... et bien sûr, d’être capable de dire

pourquoi ce sont des erreurs.

Pour la consigne : « Colorie si tu entends « a » », combien de fois

les enfants en difficulté en CP interrogés sur ce qu’il faut faire ou ce

qui a été fait, disent : « Il faut colorier. Tu choisis un dessin et il faut

bien colorier », mais jamais : « J’ai dit le mot dans ma tête et j’ai

trouvé un « a » et je l’ai donc colorié ». Les enseignants analysent les

erreurs en pensant que l’enfant a vraiment mis en place l’activité

cognitive principale et, en cas d’erreur, en arrivent à tort à la

conclusion que l’élève n’entend pas le « a » dans « bateau » car il

manque d’attention. Ce brouillage ne serait pas possible si on

demandait simplement d’entourer ou de surligner quand on entend

« a ». Le temps de l’activité serait certes réduit mais ce gain

permettrait une autre activité ou un retour sur l’activité effectuée :


« Nous venons d’apprendre à trier les mots en fonction du nombre de

syllabes. Pierre comment as-tu fait pour réaliser cet exercice ? Carole

comment as-tu fait ? » Ce sont les élèves qui ont peiné pour

l’exercice qui seront interrogés afin de structurer leur savoir.


IDÉE

14
UN OBJECTIF À LA FOIS

Avant de commencer toute séance d’apprentissage avec les

enfants jeunes et surtout avec ceux qui n’ont pas tout le langage de

l’école, il faut préciser l’objectif. Commencer par : « Maintenant

nous allons apprendre à... »

Cela oblige l’enseignant, lors de la préparation de l’activité, à

avoir un objectif d’apprentissage clair : pourquoi (pour quoi) je

choisis cette activité ? Et surtout, cela aidera les élèves à savoir ce sur

quoi il va falloir se focaliser. Cela permet aussi de faire comprendre

aux élèves que l’école est un lieu d’apprentissage.

Bien souvent, on pense activité sans finalement savoir ce que l’on

en attend. Et ces activités regroupent diverses compétences.

« Colorie le nombre de pommes écrit dans l’étiquette. » « Est-ce

qu’il faut que je m’applique sur le coloriage, ou est-il plus important

que je compte bien ? », telles peuvent être les questions que se

posera un enfant avant de commencer. Et que penser, une fois le

travail terminé, des critiques comme « Tu as bien compté, mais

dommage tu as mal colorié » ?

Car faut-il être content de la réussite au comptage et non satisfait

du coloriage ? Et que va penser l’enfant : « La prochaine fois, je

m’appliquerai pour le coloriage et tant pis pour le dénombrement

puisque la maitresse veut que la feuille soit jolie ».

Un objectif et un seul à la fois est ce qui permet la clarté

cognitive pour l’enfant et pour l’enseignant aussi. Trop souvent, on

essaie de convoquer plusieurs compétences en même temps. Cela ne

pose pas de souci pour certains enfants dont les parents sont présents

et ont commencé une éducation à la maison, mais pour ceux qui

n’ont pas la maitrise d’une de ces compétences pour réussir

l’exercice, le travail est voué à l’échec, ou du moins fastidieux. Et


tous les efforts fournis ne sont pas récompensés à la hauteur de

l’implication de l’enfant.

Toutes les activités proposées dans ce livre ne visent à faire

travailler qu’un objectif et un seul. L’enseignant doit être à même de

proposer des situations où l’apprentissage sera clairement défini et où

les conditions de réussite, de « faisabilité » sont réunies pour tous les

élèves afin que l’école ne creuse pas les écarts. Cela ne veut pas dire

que l’on ne va pas convoquer des savoirs déjà acquis, mais ils sont

déjà acquis … c’est-à-dire travaillés et l’élève a déjà des

automatismes ou des habitudes de travail.

On peut dire : « Maintenant, nous allons apprendre à compléter

une collection. Pour cela, votre travail va être de dessiner/ coller

autant de pommes/gommettes que ce qui est écrit dans les

étiquettes ». Ce sera « dessiner » pour les enfants les plus dégourdis,

tandis que « coller » des dessins de pommes préparés à l’avance sera

plus simple pour d’autres enfants. Dans ce cadre, l’objectif est clair

et ce qui importe est bien uniquement un objectif mathématique.

Il en est de même avec le langage oral : à force de dire que le

langage est transversal, on ne propose plus d’activités de langage

pour lui-même. On fait « langage et peinture », « langage et pâte à

modeler ». Mais quel est l’objectif syntaxique, lexical ? Un outil

comme par exemple, Apprendre la grammaire avec des jeux de

cartes [11] permet cette clarification d’objectif syntaxique.


IDÉE

15
METTRE EN PLACE DES ACTIVITÉS RITUALISÉES

L’objet de cette idée n’est pas de proposer en maternelle des

rituels comme « faire la date » ou compter les présents et les absents.

Mais la proposition est plutôt de se tourner vers des activités qui vont

être ritualisées pendant un certain temps afin de permettre aux élèves

de se mettre intellectuellement en activité. Cela veut dire que

l’objectif sera énoncé clairement et l’attendu sera connu : « À la fin,

il faut que vous sachiez toutes les lettres de l’alphabet ». Comme la

consigne ne varie pas, l’enseignant peut être sûr qu’à la troisième ou

quatrième séance, l’élève saura clairement ce qu’on attend de lui.

Rien de tel pour qu’un enfant se sente en sécurité pour prendre la

parole, pour se lancer dans l’activité quand cela aura fait plusieurs

fois qu’il l’aura vu faire.

Tout d’abord, on peut théâtraliser la mise en place de l’activité.

Par exemple, lors de l’Idée 61 on dit à chaque fois aux élèves :

« Attention, voici une nouvelle devinette, ces trois dessins vont

ensemble mais il faut travailler avec ses oreilles uniquement ». Dans

l’Idée 48, où il s’agit d’utiliser la permanence l’écrit, on dit :

« Maintenant, nous allons nous transformer en détective de l’écrit,

nous allons de voir découvrir comment s’écrit... ».

Ritualiser les activités, cela veut aussi dire que l’enseignant

veillera chaque jour à proposer aux élèves plus lents dans les

apprentissages, par exemple avec les lettres de l’alphabet, un jeu de

loto sur les lettres pendant 10 minutes afin que cette connaissance se

mette en place. Chaque jour, c’est ce qui est fait pour l’apprentissage

des nombres où les enfants comptent les absents et les présents :

pourquoi ne pas faire la même chose pour certaines connaissances

qui demandent le même type d’activité cognitive ? Ces rituels seront


proposés uniquement aux élèves qui en ont besoin. L’enseignant fera

à chaque fois un retour positif (voir l’Idée 12), « Julie tu as moins

hésité pour montrer les lettres que j’ai nommées, c’est bien tu vas

bientôt pouvoir apprendre d’autres lettres », « Charline, j’ai vu que tu

connaissais mieux tes lettres, demain tu pourras me remplacer, c’est

toi qui piocheras les lettres et les nommeras… »

De nombreuses expériences montrent qu’il vaut mieux des

séances courtes et quotidiennes que s’acharner une heure sur une

difficulté. Cela est vrai aussi bien en maternelle qu’en primaire. Par

exemple, tous les après-midi pendant que enfants rangent la classe,

Charline, Julie et Pierre sortiront le jeu de loto des lettres de

l’alphabet et joueront au début sous le contrôle de l’enseignant, puis

entre eux (avec une vigilance de l’enseignant). Ce sont ces dix

minutes qui vont faire la différence à la fin de l’année.

En CP, avant de commencer un travail sur la production d’écrit,

tous les outils à disposition seront nommés, montrés, voire même au

début expliqués. Dans leur tête, les élèves se diront : « Ah oui, c’est

le moment où il faut utiliser cette affiche, ce tableau, je me rappelle

hier nous avons fait quelque chose de semblable ». Avant de

commencer une activité sur les sciences, on dira aux enfants :

« Maintenant nous allons devenir des chercheurs : vous avez votre

blouse blanche imaginaire et nous allons continuer nos expériences

sur… ».

L’enseignant de CM1 commence à écrire au tableau le résumé de

la leçon d’histoire. Trois élèves se lèvent avec leur fiche, un crayon à

la main et s’installent à la table du fond. L’enseignant les rejoint, ils

commencent leur activité sur la fluence (voir l’Idée 94). Ce sont

ces 10 minutes quotidiennes qui vont peser et faire en sorte que ces

enfants sortiront lecteurs ou non de l’école.

Souvent, les adultes ont peur que les enfants s’ennuient lorsqu’on

leur propose les mêmes séances. Or c’est tout le contraire, à partir

du moment où ils savent que la réalisation qu’on attend d’eux leur

est accessible. Si on propose tous les jours un jeu de loto sur les

lettres de l’alphabet avec 10 lettres différentes, alors que l’enfant ne

peut en montrer que 4, cette activité ritualisée sera vite ressentie

comme ennuyeuse, ou comme une torture, car impossible à réaliser.


Mais si le jeu ne comporte que 5 lettres, alors on est dans le champ

du possible et l’enfant manifestera un réel engouement pour cette

activité.

D’autre part, en proposant chaque jour un jeu de loto mais avec

des lettres supplémentaires qui suivent les progrès, l’enfant aura

confiance dans l’enseignant, saura que ce que l’on attend de lui est

du registre du possible. Et surtout, il pourra mesurer ses progrès par

l’ajout de lettres nouvelles, et il pourra même prendre l’initiative

dans l’activité et demander spontanément des lettres

supplémentaires.

Les activités ritualisées permettent aux élèves de se lancer plus

vite et plus facilement dans le travail, de s’organiser rapidement car

les règles sont connues, des liens sont faits avec des activités déjà

connues. Elles permettent d’être autonomes car justement les

attendus sont clairs. Et dans ce type d’activité on peut faire évoluer la

complexité de la tâche (voir les Idées 61, 62 et 74).

La ritualisation crée un sentiment de sécurité, alors que la

mémorisation a peur de l’inconnu et horreur du stress.


IDÉE

16
FAIRE DU LIEN ENTRE LES CLASSES

Croire qu’on va pouvoir résoudre au cours de l’année tous les

problèmes de certains élèves n’est pas envisageable. Les difficultés

passagères inhérentes à chaque apprentissage seront bien sûr traitées

dès leur apparition et disparaitront rapidement. Mais face à certaines

difficultés, seule la cohérence de l’école dans la durée pourra

permettre à des élèves fragiles d’avoir une chance d’apprendre à lire/

écrire.

Être cohérent ne veut pas dire que le ou la collègue de travail fait

partie de notre cercle d’amis. Il s’agit seulement de créer des

conditions pour qu’à chaque passage de classe, le stress ne s’installe

pas et que les enfants fragiles retrouvent des activités à leur niveau et

des outils déjà éprouvés l’année précédente.

Petite anecdote : suite à des évaluations concernant le décodage

(voir l’Idée 89), des enseignants de CM2 ont proposé des activités

pour remédier à ces difficultés. Ils mirent en place des exercices à

partir de « l’imprégnation syllabique ». Quelques élèves avaient

e
encore des difficultés mais progressèrent bien. En 6 , ces élèves

eurent la chance de se voir proposer des temps d’activité pour

e
automatiser le code. Les professeurs de 6 commencèrent la séance

avec « l’imprégnation syllabique ». Les élèves avaient le sourire, ils

étaient rassurés et ils expliquèrent certains exercices qu’ils

pratiquaient l’année précédente.

Un second effet de cette proposition pédagogique fut que ces

mêmes élèves participèrent davantage en classe dans des matières

très différentes. Leur difficultés étaient connues, les exigences étaient

à leur niveau, le collège n’était pas le lieu de toutes les brimades. Ils
étaient rassurés et savaient que cela vaut la peine de se battre car ils

seraient épaulés dans leurs efforts.

Souvent ces passages « difficiles » : maternelle/CP et CM2/

collège sont le terrain sur lequel poussent beaucoup de fantasmes et

de peurs. « Tu verras à la grande école, tu ne pourras pas te lever

quand tu le veux. Tu verras si au collège, on te laisse du temps pour

copier. » Toutes ces remarques ne font que faire naître la peur et ne

donnent pas envie de grandir. Le changement est déjà suffisamment

stressant en lui-même : faut-il ajouter encore à cette tension, alors

que toutes les études montrent que le cerveau a besoin de calme

pour apprendre et pour mémoriser ?

Connaitre déjà les outils employés lors de certaines activités peut

permettre aux élèves de faire des liens. Pourquoi ces élèves qui au

CE2 se servaient avec pertinence de leur cahier d’orthographe, en

sont-ils privés à leur arrivée en CM1 et doivent-ils s’adapter à un

nouvel outil contenant les mêmes règles d’orthographe ? Est-ce que

les éditeurs changent l’ordre des lettres de l’alphabet selon les

années ? Par contre, quand le cahier devient inutilisable, une fois le

constat fait de son piteux état, on peut le faire reconstruire d’une

façon qui nous semble plus adaptée.

En CE1, l’analyse grammaticale explicite se met en place.

Reprendre les pictogrammes avec les couleurs en fonction de la

nature du mot peut être un point d’appui pour la mise en place de

cette compétence. Souligner de la même couleur que celle des

pictogrammes va éliminer une difficulté dans la tâche. Pourquoi

chaque année les élèves devraient-ils changer de couleur pour

souligner le verbe ?

Faire du lien, c’est aussi faire passer les affiches d’une classe à

l’autre pendant quelques semaines. Elles seront obsolètes au bout

d’un temps, elles devront être complétées, mais si ce sont des outils

utiles pourquoi ne pas donner aux élèves la possibilité de les

retrouver au tout début de l’année ? La continuité de ces éléments

serait au contraire de nature à rassurer les élèves fragiles, incertains.

Des élèves ont pris l’habitude de ritualiser certaines activités :

l’enseignant doit les réutiliser quelques temps et il pourra ainsi dès le


début de l’année proposer des activités différentes et ciblées selon les

élèves.

On peut ne pas être d’accord avec tel ou telle collègue sur

beaucoup de choses, mais on peut aussi trouver une ou deux choses

intéressantes qui permettront de rassurer les élèves dont les savoirs

sont encore précaires. Point besoin de grands projets de liaison, ces

« petites choses » suffisent à faire la différence. (Voir l’Idée 68 pour

des exemples de liaison GS/CP).


IDÉE

17
LE DROIT À LA DIFFÉRENCE

Dire que nous sommes tous différents, que les élèves n’ont pas le

même environnement éducatif est certainement enfoncer une porte

ouverte. Par contre, il serait intéressant de se demander comment

cette notion générale se concrétise dans une classe.

Par exemple, est-il raisonnable d’aborder au CP la séance

d’apprentissage de la lecture de la même façon pour tous les élèves

alors qu’hier à la rentrée le petit Fabien, après avoir dessiné un

bonhomme, a dit « Regarde, j’ai écrit papa » ?

Est-il correct de donner à tous les élèves de CE1 le même texte à

lire alors que certains ont déjà intégré tous les éléments du code et

que d’autres bataillent encore avec les trigraphes ? Est-il réellement

pensable qu’en maternelle les mêmes activités soient proposées aux

élèves au même rythme ?

Le droit à être différent devrait être inscrit dans le droit des

enfants. Certes, pour être applicable, ce droit exige beaucoup de

l’enseignant mais ce n’est qu’à cette condition que l’école peut être

un formidable outil d’égalité sociale.

Cela demande tout d’abord d’évaluer les élèves dès la rentrée. Il

ne s’agit pas ici de rendre des comptes à l’administration, ni de faire

le tri pour laisser certains sur le bord de la route, mais de pouvoir

proposer des activités adaptées dans lesquelles chaque élève pourra

trouver chaque jour sa « nourriture spirituelle ». Le petit Fabien, qui

confond écriture et dessin, doit avoir un programme à cette entrée en

CP qui lui permette de construire une connaissance du langage écrit.

Comment peut-on croire qu’il va être intéressé par l’essai de la

lecture du texte au tableau, et comment peut-on croire qu’il va

construire son statut d’élève si personne à l’école ne lui procure des

moments d’apprentissage ?
Cela demande aussi un regard bienveillant. On doit avoir le droit

à l’erreur, on a même le droit de rire de ses erreurs passées.

Comment peut-on croire que le droit à l’erreur règne dans la classe si

chaque exercice est accompagné d’une « note » (voir l’Idée 10) ?

Si les exercices sont au niveau des élèves, alors l’enseignant doit

être exigeant. Le respect de la différence ne peut pas s’accompagner

d’apitoiement. « Si je te donne cet exercice, c’est parce que je sais

que tu peux atteindre ce niveau de réflexion ». L’exigence doit

également se manifester dans la vie de la classe, « Quand je travaille

avec ce groupe d’élèves alors, vous, les autres élèves, vous devez

faire votre travail seuls ou demander des renseignements à votre

voisin ».

Il est possible d’avoir en début de rang les quatre ou cinq enfants

fragiles, et travailler avec eux une fois que les autres élèves sont

lancés sur l’activité. L’enseignant peut jeter un œil sur la classe et

rappeler certains élèves à l’ordre. Grâce aux activités ritualisées (voir

l’Idée 15), un groupe peut être en autonomie pour peu que l’activité

soit bien élaborée et clairement énoncée.

Parfois, l’enseignant a peur de « stigmatiser » en proposant des

activités différentes à certains élèves. Revenons un peu en arrière… Il

fut un temps où les enseignants se passaient les dossiers des élèves

en les classant : « correct », « agitateur », « fainéant ». À peine les

élèves avaient-ils mis le pied dans la classe supérieure qu’ils

entendaient des réflexions comme : « Thomas, je t’ai à l’œil, tu ne

vas pas faire le pitre avec moi cette année. » ; « Laura, cette année

j’espère que tu vas travailler davantage que l’année dernière. » ; et

pour peu qu’un bruit, un rire se manifestait, alors : « Thomas va au

coin… » sans même qu’on demande une explication à l’intéressé, et

surtout sans savoir si Thomas avait effectivement ri. On prenait en

compte principalement le comportement. Cela s’appelle de la

stigmatisation.

Mais dire aux élèves : « Apprendre à lire, c’est comme apprendre

à marcher. Ce n’est pas facile. On se lève, parfois on tombe, parfois

on tangue, parfois on avance, mais aucun bébé au monde ne fait la

même chose au même moment lorsqu’il apprend à marcher. Donc

dans la classe, je proposerai des exercices différents selon les élèves,


tout le monde apprendra en donnant le meilleur de lui-même. Je

serai exigeant(e) sur les efforts produits lors du travail. »

En maternelle, le travail en groupe permet de proposer plus

facilement des activités différentes selon les élèves en fonction de

leur développement : pourquoi ne pas prolonger cette façon de gérer

la classe ?
IDÉE

18
POUVOIR PARTICIPER

Des chercheurs ont montré qu’un enseignant, en classe, attend en

moyenne deux secondes la réponse à sa question. Les effets de cette

pratique souvent inconsciente est que les bons parleurs sont toujours

pris en compte et les moins bons ne sont que rarement sollicités, ce

qui se traduit par des écarts qui se creusent.

L’objectif affiché de cette pratique est de rendre les échanges

dynamiques, d’installer un rythme afin de mobiliser au mieux

l’attention de tous. Sauf que c’est le contraire qui va se produire : les

bons parleurs suivent tandis que les autres décrochent. Bentolila [2]

décrit trois groupes en classe :

les « maitres de la parole », qui conduisent la conversation ;

les « intervenants ponctuels », qui interviennent brièvement pour

renchérir ou s’opposer ;

les « silencieux », qui observent parfois mais paraissent

étrangers.

L’enseignant a trois façons de lutter contre cette pratique

inconsciente de sa part.

La première est de dire avant chaque question : « Avant de lever

le doigt, vous prenez le temps de réfléchir. Je ne veux pas de réponse

tout de suite » et attendre deux minutes afin que les élèves aient tous

le temps de réfléchir. Aucune réponse spontanée ne sera acceptée

avant cette durée de réflexion. On demandera la réponse à la

question à plusieurs élèves, et les petits parleurs pourront être

interrogés en premier : dans ce cas, l’enseignant dit le prénom des

élèves dont il attend la réponse. Les bons parleurs peuvent aussi

servir de modèle et être interrogés en premier. Mais, dans tous les

cas, les différentes réponses sont données sans que l’enseignant juge
aussitôt de leur pertinence. Il récolte les réponses et ce n’est

qu’ensuite qu’une discussion peut s’engager.

La deuxième façon de lutter contre cette « prise de pouvoir » des

maitres de la parole est de faire pour certaines activités, notamment

celles liées au langage oral, des groupes homogènes. Ainsi

l’enseignant peut avoir des objectifs en termes de syntaxe et de

lexique clairement adaptés à chaque groupe, et chaque élève

participe à une activité appropriée avec des exigences réalisables.

La dernière façon de permettre la participation des élèves fragiles

en grand groupe est de nommer l’élève interrogé avant de poser la

question. Les autres élèves doivent être au clair : c’est l’élève nommé

qui doit répondre ; le fait pour celui-ci d’être nommé avant la

question mobilise son attention. Mais l’enseignant doit être sûr que la

question posée est bien au niveau des capacités de l’élève afin de lui

permettre de prendre dignement la parole devant le groupe classe.


IDÉE

19
UTILISER LES OUTILS DE LA CLASSE, CELA
S’APPREND !

Petite expérience : vous savez faire la différence entre un billet

de 5 et un billet de 10 euros, vous les utilisez souvent. Dessinez un

des billets, la face que vous souhaitez. Il manque bien des éléments

et pourtant vous avez ces billets sous les yeux depuis des années.

Pour les affiches dans une classe, c’est la même chose. Ce n’est

pas parce que les élèves ont sous les yeux la conjugaison du verbe

être, qu’ils vont se référer à cette affiche. D’ailleurs, nombre

d’enseignants le remarquent : « Ils (les élèves) utilisent peu les

affiches. Ils n’ouvrent jamais leur cahier de grammaire pour

vérifier… »

Utiliser des outils cela s’apprend. Au début du CP, des affiches de

GS sont aux murs, des comptines sont rangées dans une boite. Un

coin d’écriture est organisé. L’enseignant présente les outils :

« L’année dernière, vous avez utilisé des outils pour écrire. Je les ai

mis dans la classe mais leur rangement est différent. Nous allons voir

ensemble où se trouvent ces outils et quand nous pourrons les

utiliser. » À chaque activité de production d’écrit, les outils seront

nommés, montrés. Lors de l’évocation des stratégies, l’élève montre

comment il utilise l’outil en question : « Où as-tu regardé pour écrire

ce mot ? Montre- nous comment tu as fait pour trouver le mot ?... »

Cette démarche doit être rappelée tout au long de l’année et chaque

année, parce que certains élèves ne savent pas encore utiliser la

permanence de l’écrit pour s’approprier cette démarche ; et ils ne le

feront que plus tard. C’est à cette condition que les élèves plus lents

dans leur développement pourront se raccrocher au groupe.

L’enseignant peut proposer des activités dans lesquelles il est

obligatoire d’utiliser les outils. Cela se fait par exemple avec le


dictionnaire : « Quel est le mot écrit avant le mot laitage ? ». On

transposera ces exercices systématiques à d’autres outils : « Je ne sais

pas si je dois mettre un « s » ou un « x » au mot caillou au pluriel.

Où puis-je regarder ? ». « J’hésite pour s’écrire le verbe manger à la

première personne du pluriel. C’est nous… »

Il faut tenir compte des possibilités de chaque élève. Demander à

un élève de cycle 3 qui n’a pas encore une écriture phonétique de

vérifier l’orthographe d’un mot dans le dictionnaire relève de la

maltraitance pédagogique.

Pour une utilisation efficace, il faut tenir compte du moment de

l’utilisation d’un outil et du nombre d’outils nécessaires. En

expression écrite, les outils concernant l’orthographe sont rappelés

lors de la relecture finale. Le premier jet est consacré à la mise en

mot, le second à la correction de la syntaxe et de l’ordre des idées

énoncées, et la troisième lecture pourra porter sur le questionnement

orthographique.
IDÉE

20
PAS DE MEUHHH !

« Regardez la dictée qu’il m’a faite », « Il me fait les exercices de

maths facilement », « Il me parle facilement en grand groupe

classe », « Il m’écrit bien sur les lignes », « Que m’as-tu écrit ? »

(l’enfant est au tableau).

Outre que la syntaxe de ces exclamations n’est pas toujours

correcte, l’enseignant n’a pas forcément le bon positionnement

professionnel. La langue évolue, mais est-il bien nécessaire d’utiliser

certaines formules qui tendent à faire croire qu’entre l’enfant et

l’enseignant c’est une question personnelle qui se joue ? L’élève qui

fait des erreurs n’en veut pas particulièrement à l’enseignant. Ce

serait trop simple si les choses se jouaient à ce niveau.

D’autre part, le fait de s’adresser en groupe à un enfant en disant

« Dis-moi... », « Répète-moi... » n’incite pas les autres élèves à

écouter l’échange puisque cela ne semble concerner que l’élève

interrogé et l’enseignant. Alors qu’un « Dis-nous... », « Raconte-

nous... » invite implicitement les autres enfants à écouter.

Et un mauvais esprit ne peut-il parfois s’amuser en entendant :

« Lis-moi la consigne » : est-ce que cela veut dire que subitement

l’enseignant ne sait pas lire ? —> « Lis la consigne à haute voix pour

que chacun sache ce qu’il faut faire ».

« Va au tableau et corrige-moi l’exercice » : l’enseignant est

perdu et aurait donné un exercice qu’il ne comprend pas ? —> « Va

au tableau pour qu’ensemble nous puissions corriger ».

« Qu’est-ce que tu me fais là ? » : juste ce que vous avez

demandé rien de plus… —> « Peux-tu rappeler la consigne ?

Comment dois-tu faire pour réussir ? ».

« Pourquoi me fais-tu cet exercice ? » : parce que vous avez

demandé de le faire. —> « Je vois que tu as commencé un exercice


mais regarde au tableau le numéro de l’exercice demandé. Quel

exercice dois-tu faire ? Est-ce celui sur lequel tu travailles ? »

« Pourquoi m’as-tu mis ton cahier sur le bureau ? » : serait-ce une

scène de ménage ?
IDÉE

21
TRIER POUR ATTIRER LE REGARD

L’objectif de cette activité est de sensibiliser les jeunes enfants à

l’écrit. Elle peut se pratiquer dès la Petite section de maternelle

mais reste possible à d’autres niveaux si les enfants ne savent pas

faire la différence entre ce qui est écrit ou non.

L’enseignant prépare des petits papiers sur lesquels il y a soit de

l’écrit soit des photos ou des dessins. L’adulte va servir de modèle et

montrer aux enfants ce qu’il va falloir faire. Cette modélisation

permet aux enfants de « voir » comment on s’organise, comment on

réfléchit, car l’adulte commente toutes ses actions. Pour les élèves en

difficulté, il est important de montrer ce que l’on attend afin qu’ils

identifient clairement la tâche et puissent si nécessaire revenir à

l’exemple en cas de doute. Pour ce type d’élèves, il est plus efficace

d’être en petit groupe, notamment dans la phase d’imitation qui peut

constituer une bonne façon de faire un moment de langage.

« Regardez les enfants : dans mon panier j’ai des petits papiers. Je

vais les trier et les coller sur deux affiches différentes. Voyons voir ce

petit papier. (On montre le papier avec une illustration). Il y a des

couleurs, des dessins, je vais le coller sur cette affiche. Je prends un

autre morceau, sur ce petit papier (on le montre), je vois des lettres,

je vais donc le coller sur cette autre affiche. Je prends un autre

papier, là je vois une photo, je vais donc la coller sur la première

affiche car ce n’est pas de l’écrit. » On peut ensuite demander à un

élève d’imiter l’adulte, puis à un autre. Puis dire : « Sur votre table,

vous avez un panier avec des petits papiers, à vous de faire comme

moi, une affiche avec de l’écrit, une affiche avec ce qui ne l’est

pas. »
Il sera intéressant de faire cette activité plusieurs fois en faisant

varier les supports de tri. Bien souvent, lors du premier tri, les enfants

regardent s’il y a des couleurs ou non : l’écrit est souvent en noir sur

fond blanc, et les illustrations sont colorées. Ce n’est pas grave si

cette procédure se met en place lors du premier tri, par contre, c’est

en faisant varier les supports de tri que l’on va obliger l’enfant à une

analyse plus fine.

On pourra ainsi proposer de trier :

des écrits en noir sur fond blanc et des illustrations en couleurs ;

des écrits en noir sur fond blanc et des illustrations en noir et

blanc ;

des écrits en couleurs et des illustrations en noir et blanc ;

des écrits en couleurs et des illustrations en couleur ;

des écrits de toutes sortes et des illustrations de toutes sortes.

La démarche reste la même : l’adulte sert de modèle, surtout pour

les élèves en difficulté, mais pour d’autres élèves ce n’est pas

nécessaire.

En Moyenne section, on peut proposer de trier selon d’autres


critères :

des lettres et des dessins plus stylisés ;

des lettres et des formes géométriques ;

des lettres et d’autres signes graphiques : idéogrammes chinois,

lettres « bizarres » comme par exemple une sorte de « E » mais

avec beaucoup de traits horizontaux ;

des lettres et des chiffres.

En Grande section, on peut proposer de trier :


les lettres majuscules et les lettres minuscules ;

les lettres majuscules et les lettres scriptes.

Il serait intéressant que ces affiches fassent partie des objets de

liaison entre chaque niveau de classe afin que les enfants se

souviennent du type d’exercice. Une fois les nouvelles affiches

constituées, on pourra montrer les progrès réalisés dans le tri et dire

que les anciennes affiches ne sont plus d’actualité au vu des progrès.

Mais pour passer d’un tri à un autre, il faut que le premier soit
vraiment efficace, sinon, il faut poursuive l’activité afin que l’enfant

se fasse une représentation correcte de l’écrit.


IDÉE

22
QUE FONT MES YEUX POUR LIRE ?

Il est facile pour un enfant jeune de faire des hypothèses sur ce

que c’est qu’écrire, c’est d’ailleurs une des activités que les enfants

imitent facilement : ils prennent un stylo et agitent leur main pour

faire « comme si ». Ils savent qu’il ne faut pas dessiner, et donc

gribouillent et disent fièrement : « Regarde j’ai écrit. ».

À l’opposé, savoir ce que fait un lecteur est impossible à

comprendre. La lecture est une activité passive. Le cerveau

fonctionne mais cela ne se voit pas. Le lecteur reçoit un message. En

Grande section voire même au CP quand on demande aux élèves

Que fait-on pour lire ? Où mes yeux se posent-ils pour lire ?, les

réponses sont loin d’être clairement énoncées, tout simplement parce

que c’est loin d’être clair pour l’enfant.

Enseigner explicitement ce que font les yeux pour lire est

rarement fait car on juge que cela est évident. Et ce qui est évident

ne s’enseigne pas. Pourtant toutes les sociétés ne partagent pas le

même sens de lecture.

Une fois que les enfants auront été sensibilisés à la différence

entre écrit et dessin (voir l’Idée 21), il faut leur enseigner ce que font

les yeux d’un lecteur. De cela découle le sens de la lecture, et aussi

des notions telles que premier, dernier, devant, derrière. Comment se

repérer dans ce que dit le maitre : « Qui peut lire le premier mot de

cette histoire ? Regardez le mot qui vient juste après ce mot, cela

vous aidera ».

Il est donc important d’enseigner cette notion dès la Moyenne

section. Cette activité peut se pratiquer en grand groupe ou en


groupe restreint au début, juste après les vacances de la Toussaint.
Une page d’album est photocopiée agrandie. L’enseignant montre

cette page et explique d’où elle vient. Il montre l’album et la page de

référence. Le questionnement va accompagner les enfants dans leur

réflexion et surtout dans leur prise de conscience de ce que c’est que

lire.

« Aujourd’hui nous allons apprendre où se posent mes yeux

quand je lis. Qui a une idée ? Viens nous montrer. Où se posent mes

yeux ? Est-ce qu’ils restent au même endroit ? Qui peut montrer le

mouvement de mes yeux avec son doigt ? » L’enseignant ne donne

pas la réponse, n’acquiesce pas, il prend note des élèves qui font la

différence entre ce qui est écrit ou dessiné, de ceux qui savent où les

yeux doivent se poser mais qui n’ont pas conscience du balayage, de

ceux encore qui savent faire le retour à la ligne et de ceux pour

lesquels tout est connu. Puis il montre ce que ses yeux font quand il

lit. Il demande aux élèves qui n’ont pas su montrer avec leur doigt où

lire, ce que font leurs yeux.

Cette activité devra être faite systématiquement plusieurs fois

pour les élèves qui n’ont pas encore intégré le sens de la lecture. Lire

dans un certain sens est un acte culturel : il doit être enseigné. Ces

élèves pourront être interrogés rapidement quand une lecture sera

faite par l’enseignant. Il s’agit d’interroger un ou deux élèves. En fin

d’année de Moyenne section, tous les élèves doivent connaitre


sans hésitation le sens de la lecture.
IDÉE

23
LIRE N’EST PAS RACONTER

En maternelle, il arrive souvent qu’un(e) élève apporte fièrement

un livre de la maison. L’enseignant ne peut pas faire l’économie de

considérer ce geste comme important, tout simplement car il l’est.

Mais… au moment de lire le livre, on s’aperçoit que le vocabulaire,

voire même l’histoire est un peu compliquée et on va donc

« liconter » (amalgame de lire/raconter). On ne veut pas décevoir

mais il faut aussi capter son jeune public car la lecture du livre doit

apporter du plaisir. Pour peu que le livre reste sur le bureau le soir,

l’élève ayant apporté le livre demandera le lendemain une nouvelle

lecture, et là… l’enseignant devra à nouveau « liconter ».

Pour les élèves fréquentant peu l’écrit, cette proposition

pédagogique peut être nocive. En effet, lire, c’est bien oraliser un

texte écrit, mais un texte écrit ne change pas de jour en jour. Il reste

le même quelle que soit la personne qui le lit et quelle que soit le

moment ou la saison. D’ailleurs les élèves à qui on lit des histoires

chaque soir ne s’y trompent pas : un de leurs grands jeux est de

verbaliser certains morceaux de phrases, ou de dire à l’avance les

répliques de certains personnages car à force de les entendre, ils les

ont intégrées. C’est grâce à ces répétitions que les enfants accroissent

leur vocabulaire et la syntaxe. À force d’entendre ces mêmes textes,

ils s’approprient les formules. Pour les élèves qui ne vivent pas de

tels moments chez eux l’enseignant doit chaque jour trouver un

temps, surtout en maternelle, pour lire et relire des histoires courtes.

Les enseignants ont tout intérêt à veiller à être à chaque fois très

explicites et à dire : Je vais lire l’histoire du « Petit chaperon rouge »,

je l’ai déjà lue et donc il y a des passages que vous allez

reconnaitre ; ou bien : Je vais raconter l’histoire de… et donc mes


yeux ne suivent pas un texte, il peut y avoir des différences avec hier

(on peut même faire un « jeu » de différences entre deux façons de

raconter la même histoire).

Pour les élèves qui ne fréquentent guère l’écrit à la maison, cette

distinction est importante pour construire leur représentation de

l’acte de lire. Certains enfants entrant au CP à qui on demande :

« Comment fait-on pour lire ? » répondent : « Il faut être sage, bien

écouter la maitresse » ou encore « ... regarder les images et dire ce

que l’on voit ». Derrière de telles réponses se cache une mauvaise

interprétation de l’acte de lire.

Pour revenir à notre situation de départ, devant le « cadeau » de

ce livre apporté de la maison, il vaut mieux dire : « Ce soir, je vais

lire ce livre qui a l’air très intéressant afin de me préparer pour

demain ». Et le lendemain on pourra dire : « Maxime nous a apporté

un livre, je vais lire l’histoire de ce livre, ou plutôt je vais vous

raconter l’histoire contenue dans ce livre car le texte est un peu

compliqué pour vous maintenant ».

Cela ne prend pas beaucoup de temps et clarifie la situation.


IDÉE

24
FAIRE VIVRE LA PERMANENCE DE L’ÉCRIT

Comme nous l’avons vu dans l’idée précédente, les enfants

doivent être au clair sur la permanence de l’écrit. Quel que soit le

lecteur, quelle que soit l’heure à laquelle on lit, la lecture d’un texte

écrit sera toujours la même. L’écrit garde en mémoire, permet de

communiquer et donc, grâce à l‘écrit, on peut partager des idées, des

histoires même si on est éloignés. Les enfants doivent faire

l’expérience de cette permanence. La première rencontre de cette

propriété se fait souvent à la maison à travers la lecture d’albums

mais elle doit se faire aussi de façon plus explicite.

Une façon simple est de demander aux parents de lire

systématiquement les mots mis dans le cahier de liaison devant leur

enfant et de demander si c’est bien ce que la maitresse a lu en classe.

Cela ne fonctionne que si l’enseignant a bien lu les mots qui ont été

collés dans le cahier de liaison et si les parents savent lire et ne

rentrent pas trop tard chez eux.

L’enseignant(e) peut aussi lire le mot collé dans le cahier de

liaison et demander à l’ATSEM de le lire à son tour à voix haute en

demandant aux enfants si, les deux fois, c’est bien la même chose

qui a été lue. À travers ce questionnement, il s’agit de faire

comprendre aux enfants pourquoi c’est bien la même chose qui a été

oralisée par deux personnes différentes.

Voici un tour de « magie » à faire aux élèves en maternelle, et qui

peut même fonctionner encore au CP, pour certains enfants.

1. Lire une histoire simple, comme Bébés chouettes (de Martin

Waddell et Patrick Benson – École des Loisirs) ou Une histoire

sombre très sombre (de Ruth Brown – Gallimard Jeunesse).

2. S’arrêter au moment le plus haletant et demander aux enfants

de faire des hypothèses sur la suite de l’histoire.


3. Écrire ces hypothèses sur une feuille avec le nom de chaque

élève.

4. Demander à un enfant d’aller chercher un adulte dans l’école,

ATSEM, directeur/directrice, ....

5. Cet adulte prend la feuille de papier et, tout en lisant, dit :

« Pierre tu penses que…, Fatima, toi, tu penses que... ».

On fera remarquer aux enfants que l’adulte n’était pas dans la

classe au moment où on a noté les différentes hypothèses sur la fin

de l’histoire, mais qu’il a su ce qui avait été dit à ce moment-là car

l’enseignant avait tout écrit : grâce à l’écrit, on peut savoir ce qui

s’était dit en classe.


IDÉE

25
LANGAGE PASSIF/LANGAGE ACTIF

Dans tout langage, on distingue deux versants : le versant

réception ou passif, et le versant expression ou actif.

Le versant réceptif est toujours plus développé que le versant

expressif. En langage oral par exemple, on assiste à une conférence,

on comprend l’intervenant mais le soir on ne saura pas redire cette

conférence. On pourra la résumer, donner les idées qui nous ont paru

essentielles mais de là à redire la même chose le lendemain, il y a un

fossé à franchir. En langage écrit, nous sommes tous capables de lire

un livre sur un sujet qui nous intéresse, mais nous ne sommes pas

tous capables d’en écrire un sur le sujet qui nous intéresse.

Dès leur premier jour, les enfants développent d’abord le langage

en réception avant de mettre en place le langage expressif. On

estime qu’en moyenne un enfant de 2 à 3 ans comprend 3 000 mots

mais n’en exprime que 300. Cette distinction persistera tout au long

de la vie.

Pour tenir compte de ce fait, il faut s’assurer que l’enfant soit

capable de montrer avant de lui demander de nommer. Avant de

demander à l’enfant de nommer un objet, dire une couleur, nommer

une lettre de l’alphabet, il faut travailler le langage réceptif. On

demandera d’abord aux élèves de montrer : « Montre la lettre « A »,

montre le premier mot de la phrase » et c’est seulement une fois ce

vocabulaire acquis sur le versant passif que l’on passera au langage

expressif : par exemple, un enfant prendra le rôle de l’enseignant lors

d’un jeu de loto, et nommera des cartes.

Le langage actif demande beaucoup plus d’efforts cognitifs que le

langage passif puisque pour s’exprimer il faut d’abord avoir une idée
à partager, puis la mettre en mots (les bons mots dans le bon ordre),

puis énoncer, ce qui veut dire prendre la parole et « subir » le regard

des autres. Et si on désire mettre cette idée par écrit, il faudra en plus

gérer la présentation sur la feuille, le graphisme, l’orthographe, se

relire pour contrôler son travail et apporter les modifications

nécessaires pour être compris. Voilà pourquoi le langage passif se

met plus facilement en place que le langage actif.

À l’oral, on ne peut dire que ce que l’on a compris. Donc, à

chaque fois que cela sera nécessaire, et surtout avec des élèves

fragiles, l’enseignant devra s’assurer par la « monstration » que les

choses sont comprises ; ensuite, il pourra demander de prendre la

parole en ayant des exigences. L’enseignant sert de modèle, puis

devient tuteur, et enfin, quand l’activité est terminée, revient sur

l’activité : il dit ce qui est bien, pourquoi, questionne pour amener à

réfléchir sur la manière de faire la prochaine fois afin d’améliorer son

travail.

En ce qui concerne le langage écrit, on ne doit pas attendre que

la lecture soit mise en place pour proposer des activités de

production d’écrit. Les activités autour de l’écrit vont permettre aux

élèves de construire une représentation de la relation oral/écrit. Il

faut donc les proposer le plus tôt possible. Lecture et écriture

s’alimentent, se nourrissent. Parce que je lis, je vois des mots que je

mémorise ; parce que j’ai besoin d’écrire un mot, je fais des

observations sur les mots, et je mémorise de façon plus profonde.


IDÉE

26
ABORDER LE LANGAGE ORAL AVEC DES
PICTOGRAMMES

Utiliser les pictogrammes permet de matérialiser la parole. Cette

matérialisation va nous être utile pour la mise en place de certaines

activités (voir l’Idée 37).

À la base, ces supports sont intéressants pour aider les enfants à

construire la syntaxe. D’autres apprentissages, implicites puis

explicites, pourront ensuite être construits avec ce même outil. L’idée

générale est : « une carte égale un mot ». Certaines cartes sont des

dessins en noir et blanc très stylisés afin d’éviter les éléments de

distraction. Les enfants se concentrent sur le mot évoqué par la carte.

D’autres cartes sont des supports écrits comme certains mots outils :

le, la les... Jusqu’au début de la Grande section de maternelle, on

utilise uniquement les cartes avec un dessin.

Pour certains enfants, un des premiers objectifs sera qu’ils

produisent une phrase comportant un sujet, un verbe. Les

pictogrammes vont les accompagner pour les aider à prendre la

parole. Avant de commencer, il faut d’abord s’assurer que les mots

évoqués par les pictogrammes soient bien partagés. Il faut être

d’accord sur le code. Le vocabulaire passif doit se mettre en place

pour être ensuite dans l’expression. Une seule solution : l’enseignant

affiche quelques images et dit : « Qui peut nous montrer le dessin

qui dit : souris ? Qui peut nous montrer le dessin qui dit : mange ? »

C’est l’enseignant qui impose le code et les mots afin :

de gagner du temps : si chacun discute pour savoir ce qu’il voit,

cela prend du temps alors qu’au bout du compte l’enseignant

finira par choisir ce qui l’arrange ;

si le choix de l’enseignant a été précédé d’une discussion,

comment justifier tel choix plutôt que tel autre ? Exemple : on


affiche le pictogramme d’une souris ; tel élève veut y voir une

souris, tel autre un rat, tel autre encore le nom d’un personnage

d’un album « Souricette ». L’enseignant choisit et les élèves dont

les propositions n’ont pas été retenues se disent : « Si on ne

choisit pas ma proposition qui est tout à fait correcte, alors c’est

que l’enseignant ne m’aime pas »…

Donc, c’est l’enseignant qui d’emblée impose les mots évoqués.

On peut proposer un jeu de loto où l’enseignant est le meneur,

puis après une phase de modélisation, ce sera un enfant qui prendra

la parole.

Puis l’enseignant demande de mettre les cartes qui disent : « la

souris mange ». Il faut veiller à ce que le sens de la lecture soit

respecté lorsque les élèves posent les cartes. Une flèche plastifiée

peut être la bienvenue afin de matérialiser le sens de lecture.

Plusieurs propositions de phrases seront faites, puis à nouveau, un

enfant prendra la parole.

Le jeu de cartes va s’enrichir, et une fois que la phrase « sujet/

verbe » sera acquise, on passera à la phrase « sujet/verbe/

déterminant/complément ».

Un enfant derrière un « paravent » prend des cartes, dit sa phrase,

et les autres élèves doivent placer les cartes ; ils peuvent demander

de répéter. Celui qui a parlé compare les résultats et gagne un point

lorsqu’un enfant a bien placé ses cartes.

On peut aussi aborder la grammaire : « le chat mange la souris »,

n’a pas la même signification que « la souris mange le chat ».

L’enseignant affiche les pictogrammes au tableau, fait « lire » la

phrase par un élève, ou par plusieurs afin de voir si tout le monde est

d’accord, et demande quels dessins correspondent à cette phrase. Un

chat qui mange la souris ou une souris qui mange un chat ? Même si

le dessin n’est pas très bon, les enfants aimeront ces surprises

linguistiques et commenceront à avoir une réflexion sur la langue :

qui fait l’action ?


IDÉE

27
LA DICTÉE À L’ADULTE : POUR PARLER LE
LANGAGE ÉCRIT

Dès la Petite section, on peut proposer aux enfants s’ils sont

volontaires « la dictée à l’adulte ». En Moyenne section, la dictée à

l’adulte doit commencer à faire partie des activités hebdomadaires

proposées à tous les élèves.

La dictée à l’adulte permet de comprendre que le langage oral et

le langage écrit ne sont pas tout à fait les mêmes. Mais ce qui se dit

peut s’écrire. Avec l’étayage de l’adulte, les élèves vont devoir

produire du langage « écrivable ». Ils vont apprendre à rédiger sans

savoir écrire (geste graphique) et sans connaitre l’orthographe. Grâce

aux commentaires de l’adulte pendant la dictée, le regard des élèves

va être attiré sur le fonctionnement de l’écrit. « Je commence à écrire

à gauche de la feuille. Je commence à écrire la phrase que tu m’as

dictée. Je vais mettre une majuscule au premier mot. J’ai fini d’écrire

la phrase et donc je mets un point. »

Il ne s’agit pas de partir obligatoirement sur un grand projet d’une

année où les enfants dictent à l’enseignant une histoire qui sera

imprimée, voire distribuée ou jouée en fin d’année. Il s’agit plutôt de

saisir des occasions où l’écrit prend un sens quotidiennement. Écrire

un mot pour avertir les parents que la classe va à la piscine,

demander d’apporter des boites, raconter une sortie, faire le résumé

d’une histoire qui a plu, écrire une comptine apprise pour la

partager.

Pour que la dictée à l’adulte soit efficace, elle doit se faire :

soit en individuel, et dans ce cas on saisira des moments de la

vie quotidienne : « Veux-tu que j’écrive sous ton dessin ce que


tu as dessiné ? Je t’écoute. Veux-tu que j’écrive dans ton cahier

de vie ce que tu as fait comme activités aujourd’hui ? »

soit en collectif, mais ce sera en petits groupes : « Nous avons

fait des crêpes ; quels sont les ingrédients dont nous avons eu

besoin ? (en Moyenne section) ou : « Nous allons écrire la

recette exacte pour la garder afin de pouvoir la refaire » (Grande

section) ; « J’ai fait des photos lors de notre sortie au marché,

nous allons écrire ce que nous avons vu. » Le plus souvent, le

groupe doit être homogène afin que les petits parleurs aient leur

place, mais on peut aussi décider d’un groupe hétérogène afin

de donner des modèles aux enfants encore discrets.

Le rôle de l’enseignant va évoluer en fonction des progrès des

élèves. En Petite section, l’enseignant écrit ce qui est dicté par les

élèves mais prend l’initiative de faire quelques corrections en disant

ce qu’il a écrit pour attirer discrètement l’attention des élèves sur ce

qui a été changé car tout ce qui se dit peut s’écrire mais tout ce qui

est énoncé ne peut pas s’écrire tel quel. En Moyenne section,

l’enseignant, après une relecture de la phrase dictée, fait prendre

conscience des changements à apporter pour le passage à l’écriture.

« Le petit lapin, i mange. I mange des carottes » doit devenir « Le

petit lapin mange des carottes ».

En Grande section, le texte dicté peut être plus long, mais surtout

l’enseignant veillera à être exigeant sur la syntaxe et sur la dictée mot

à mot. Une fois que l’activité sera bien installée après avoir été

commentée systématiquement, l’enseignant pourra aussi demander à

l’élève ce qu’il doit faire. Souvent, ce sont les élèves qui finissent par

prendre la parole pour dire : « Attention, tu dois commencer par une

majuscule, il faut un point à la fin… »

La relecture du texte est essentielle et doit servir à corriger

lorsque les idées ne sont pas exprimées clairement. Attention de ne

pas trop étayer pour que le texte soit correct dès la première

écriture : il faut qu’en Grande section et au CP les élèves découvrent,

vivent la situation de relire pour corriger, changer, rayer, ajouter.

L’habitude de la relecture permet aux élèves de se représenter le

travail d’écriture, à savoir : identifier le destinataire, exprimer


clairement son idée, puis la mettre en mots, l’écrire, la relire, se

décentrer, corriger.

L’enseignant doit en permanence aider au soutien langagier en

demandant des explications, en proposant des corrections de syntaxe

ou en refusant d’écrire lorsque l’énonciation est incorrecte. Ce sera

selon les élèves : les exigences sont à adapter en fonction des

facilités des élèves à dicter. Certains élèves risquent de dicter en

syllabes : l’enseignant devra faire revenir l’enfant à l’unité lexicale.

« Attention, tu dois dicter des mots et non des syllabes. »


IDÉE

28
SCANDER DES SYLLABES

Certaines activités autour de la syllabe peuvent être proposées

dès la Petite section maternelle. La syllabe correspond à un acte

articulatoire et les élèves peuvent donc « sentir » les syllabes. Par

contre, il ne s’agit en aucune façon de mettre déjà en place des

activités de manipulation phonologique (voir l’Idée 34). Les activités

envisageables auront pour but de sensibiliser l’enfant à la langue et à

ses constituants, en commençant à lui montrer que le langage n’est

pas que du sens mais peut aussi devenir un objet avec lequel on peut

jouer. Il s’agit d’apprendre à des élèves qui n’ont pas eu l’occasion

de le faire dans leur famille, à se distancier du sens pour observer le

langage, à le décortiquer comme le ferait un chercheur. On

commence à mettre en place le principe alphabétique et à faire

découvrir le plaisir de dire bien.

Il ne faut pas confondre scander les syllabes et compter les

syllabes. Compter demande des compétences importantes : dire le

mot en syllabes, dénombrer les syllabes ou les associer à un doigt ou

un jeton à chaque syllabe émise, puis dénombrer les doigts ou les

jetons, ce qui implique d’avoir intégré la cardinalité du nombre. Pour

une Petite section c’est un peu trop… Par contre, scander des

syllabes veut dire avoir un contact physique avec le langage.

Une comptine une fois apprise, on demandera aux enfants de

marcher au pas en scandant les syllabes. Dès que l’enfant a un

peu d’aisance avec le langage on peut lui demander de frapper

des mains en disant un mot. L’enseignant doit servir de modèle

et ne pas hésiter à faire répéter si la frappe ne correspond pas à

la syllabe. Parfois, des élèves ont des difficultés pour associer


ces deux gestes : ils frappent des mains puis disent la syllabe. Il

faut parfois attendre un peu pour que la coordination se fasse.

En petit groupe homogène, l’enseignant pourra proposer un jeu

de loto. Un premier travail de reconnaissances de mots doit être

fait. Après l’apprentissage des mots en langage passif (voir

l’Idée 25), on passe à un enfant qui mène le jeu, tout d’abord en

parlant « normalement », puis en parlant comme un robot. Les

autres enfants doivent deviner le mot.

Dès que les enfants sauront parler comme un robot, on leur

proposera d’accentuer l’intonation de la première syllabe des

mots donnés par l’enseignant. Attention : il faut des mots de

deux syllabes avec la syllabe finale pleine, c’est-à-dire sans « e »

muet : crapaud et non mouche, muguet et non rose. L’enseignant

sert à nouveau de modèle.

La syllabe finale peut aussi être accentuée dans un autre type

d’exercices, mais seulement après que l’exercice précédent aura été

bien automatisé.

Vers la fin de l’année, l’enseignant peut faire l’appel et égrenant

les prénoms comme un robot.

Il ne sert à rien de presser les élèves dans ces entrainements.

C’est une pratique régulière mais aussi ludique qui pourra permettre

aux élèves de créer une relation nouvelle au langage.


IDÉE

29
ENTRAINER LES YEUX POUR LIRE

Dire que la lecture de mots passe par les yeux n’est pas nouveau.

Par contre, les dernières recherches menées par Stanislas Dehaene et

son équipe montrent combien il est important de proposer des

activités visuelles à l’enfant. « Lire demande d’extraire des

informations visuelles de haute précision sur une ligne d’un texte »

[8, p. 33).

On peut proposer des activités de 7 erreurs à trouver dans des

dessins se ressemblant, chercher un personnage ou un objet dans un

dessin représentant une foule nombreuse.

Mais, ces activités ne doivent pas s’arrêter là. Il faut proposer des

activités sur les lettres :

entourer une lettre dans une suite (au début avec des lettres très

différentes puis de plus en plus proche visuellement ; par

exemple : trouver le « c » dans une suite comportant beaucoup

de « e », de « d » et de « o ») ;

surligner si deux suites de 4 ou 5 lettres sont identiques : hnks/

klpo, jnvd/jnvd, omdr/odrm

et surtout, il faudra attirer l’attention des enfants sur une des

difficultés visuelles de notre écriture : d/b, p/q.

Un travail d’explicitation est nécessaire car pour certains élèves

dire que « b » c’est la maman qui a un bébé dans le ventre et que

« d » c’est la maman qui a son sac dans le dos ne suffit pas. Tout

d’abord, cette histoire de maman est un moyen mnémotechnique

mais qui ne résout pas la difficulté. Bien au contraire, elle entretient

la confusion.
Lorsque l’enfant commence à s’intéresser au monde, très vite il

comprend que les choses, les objets, les animaux, conservent le

même nom quelle que soit leur position. Puis il rencontre des images

d’animaux ou d’objets et là encore, quelle que soit l’orientation de

l’image, il doit apprendre que le nom de l’animal ou de l’objet

demeure le même.

Ainsi, ces quatre images sont toutes nommées « chat » :

Et tout à coup, lorsqu’on lui présente des lettres, cette loi qui a

fonctionné depuis plusieurs années (la majorité des années vécues

jusque là) ne fonctionne plus :

Quatre images mais qu’il est interdit de nommer pareillement.

Ici, reprendre le moyen mnémotechnique cité plus haut ne

permet pas à l’enfant de comprendre le fonctionnement de l’écrit

L’enfant à qui l’on n’a pas explicité que lorsqu’il s’agit de lettres le

traitement visuel doit être différent et que le sens de chaque lettre a

une importance qui doit être prise en compte quand on lit, ne peut

mettre en place la stratégie correcte. Le dessin de la maman avec un

bébé peut à nouveau se tourner dans tous les sens et… rester une

maman avec un bébé. Présenter une image pour déjouer le

traitement d’une lettre comme une image ne peut être efficace,

d’autant que pour comprendre cette histoire de maman avec un


bébé, il faut déjà être sûr que l’enfant a bien acquis le sens de la

lecture.

Il faut donc énoncer clairement que les dessins et les lettres ne se

traitent pas de la même manière que des images. On peut montrer

des images de chat, de vache… que l’on retourne dans tous les sens

et verbaliser en disant que quelle que soit la présentation de l’image,

on la nomme toujours de la même façon. Et surtout, on insiste

ensuite sur le fait que pour les lettres les règles sont différentes et

qu’il va falloir faire bien attention. On explique cette particularité.

Cette explication permettra de donner du sens aux activités

proposées. On prépare les enfants à devenir des lecteurs experts. On

peut mettre en scène ces activités et dire : « Attention maintenant, je

vais vous donner une feuille de papier avec laquelle vous aller

devenir des observateurs experts ».

Puis on donnera des exercices sur les confusions possibles :

rechercher une lettre dans une suite de lettres proches (par exemple,

entourer les « p » dans cette suite : plqdupb). Attention : il faut que

les graphies présentées soient grandes, surtout au début.

Les enfants adorent jouer aux experts.


IDÉE

30
LIRE EN CLASSE

Certains enfants arrivant à l’école n’ont jamais vu un adulte lire.

D’autre part, on sait que l’adulte, l’enseignant doit servir de modèle

aux élèves afin de les aider à construire des attitudes attendues. Tout

cela nous amène donc à proposer aux enseignants de lire en classe.

Non pas lire une histoire à la classe, mais lire pour soi.

L’enseignant s’assoit dans la classe, ouvre son livre : roman,

documentaire, dictionnaire et le lit. Tout en lisant, il peut sourire,

rire, ouvrir de grands yeux. Très vite, les élèves l’interrogent : « Que

fais-tu ? Pourquoi est-ce que tu souris ? Qu’est-ce qu’il y a là-

dedans ? (ils montrent le livre). Peu à peu, une discussion s’installe,

les élèves demandent : « Pourquoi tu lis ça ? Tu aimes ça ? Est-ce que

tu peux tout lire ? »

Très vite, certains élèves imitent l’enseignant. Ils ont parfaitement

conscience qu’ils ne savent pas lire, d’ailleurs souvent ils choisissent

des albums déjà lus en classe. Mais ils adoptent la posture du lecteur,

ils imitent quelqu’un qui a du plaisir à lire.

L’expérience montre toutefois que le discours de l’école sur le

plaisir de lire ne suffit pas. Ce n’est pas en faisant des injonctions du

genre « Lire procure du plaisir » que l’on donne envie de lire. Dans

les emplois du temps du primaire, quel que soit le niveau, il faut

permettre aux élèves de voir et de vivre ce moment de plaisir de la

lecture. La maternelle est le lieu idéal pour commencer, notamment

pour tous les élèves qui n’ont pas connu cette expérience à la

maison.

L’enseignant lit, les élèves choisissent un livre, quel qu’il soit, et

ont un temps pour lire en classe, pour leur plaisir. Ils peuvent en

parler s’ils le souhaitent ou garder pour eux leurs émotions.

10 minutes par semaine suffiraient à changer la représentation que


certains élèves ont de l’acte de lire. N’oublions pas que dans

certaines familles, les seuls écrits qu’on a l’occasion de lire sont

synonymes de danger ou connotées négativement : c’est une facture

à payer, la réclamation du loyer, un commandement d’huissier, une

convocation au commissariat... Voir qu’il y a d’autres choses à lire

constitue une expérience à portée de l’école et qui sera pour certains

la première et la dernière porte d’accès aux savoirs.

On peut terminer ce moment par une histoire courte ou une

lecture d’un petit poème, mais cela reste facultatif.


IDÉE

31
QUELQUES REPÈRES SUR LA PSYCHOGENÈSE DE
L’ÉCRIT

Dans les années 1980, plusieurs chercheurs (E. Ferreiro, J.-M.

Besse, N. Chomsky) ont fait valoir l’idée que les « orthographes

inventées » pouvaient constituer un moyen efficace pour favoriser

l’appropriation de la langue écrite avant que ne commence

l’enseignement systématique du code au CP, tout en respectant le

rythme de développement.
1
Suite aux travaux d’Emilia Ferreiro , J.-M. Besse [3] a observé des

enfants français en situation de production d’écrit. Il a montré que le

développement de l’enfant concernant la conceptualisation de l’écrit

passe par des étapes, mais que ces étapes sont loin d’être étanches.

Elles permettent cependant à l’enseignant d’avoir une « lecture » du

niveau de représentation de l’enfant sur le fonctionnement du

langage écrit. Cette description donne aussi à l’enseignant une grille

de progression. Par son observation et son questionnement,

l’enseignant amènera l’élève à passer d’une conception à une autre.

Connaitre ses repères permet de donner des orientations

pédagogiques plus ciblées en fonction des élèves.

Besse distingue trois grandes périodes dans ce développement de

la conceptualisation de l’écrit, elles-mêmes divisées en sous parties.

1. La première période est consacrée à des préoccupations

visuographiques* : le jeune élève essaie de reproduire de l’écriture

en respectant la disposition sur une feuille, le sens de l’écriture et en

distinguant bien dessin et écrit. Il trace ce qui ressemble à de

l’écriture mais il n’y a pas d’unité de sens.

Peu à peu, l’élève essaie de lier la trace écrite avec un signifié.

C’est une grande étape car l’enfant comprend que la trace écrite
communique quelque chose au lecteur. L’écrit a un sens. Une série

graphique correspond à une unité de langage. Certains enfants

tracent un nombre de graphies en fonction de la taille de l’animal

évoqué (par exemple, « mouche » sera écrit avec de petites lettres

parce que c’est un petit animal), ou en fonction de la valeur affective

(les signes graphiques sont plus grands pour écrire le mot maman que

le mot renard). Une même série graphique ne vaut que pour un seul

mot. Il n’y a aucune relation phonographique*. À ce stade, « Petit

lapin » et « lapin » n’ont aucun trait commun dans la trace écrite. Les

élèves ont un stock de « lettres » très limité.

2. La seconde période est marquée par plusieurs stades dans


l’entrée dans le principe phonographique : la quantité d’écrit est

proportionnelle à la quantité d’oral.

Il y a un ajustement syllabique : quand l’élève lit ce qu’il a écrit,

une marque graphique correspond à une syllabe. Une nouvelle étape

est franchie : l’enfant analyse la chaine sonore. Mais le signe ne tient

pas compte de la valeur sonore du mot écrit.

L’ajustement syllabique continue de se mettre en place. L’élève

écrit une « bonne lettre » pour la syllabe initiale. Peu à peu, il

maitrise de mieux en mieux le système d’encodage et écrit une lettre

correcte pour chacune des syllabes du mot. Souvent ce sont les

voyelles qui sont écrites en premier. Par exemple le mot bibliothèque

est écrit « iite »

Cette analyse phonographique s’affine. L’enfant cherche à

identifier les phonèmes et code sur la feuille les valeurs sonores qu’il

a identifiées, celles dont il connait la graphie. Des syllabes sont

correctement codées et alternent avec les bonnes lettres d’autres

syllabes. À partir de cette étape, la systématisation des relations

phonographiques a du sens pour l’élève.

3. La troisième période marque le moment où les élèves sont


confrontés à un autre principe de l’écrit, à savoir l’orthographe.

Lors des activités d’écriture et surtout d’orthographe approchée,

le travail de l’enseignant consistera à analyser les procédures

employées, pour pouvoir ensuite proposer des activités qui feront


évoluer les élèves vers l’étape suivante. Une écriture orthographique

ne peut être attendue dès les premiers pas vers l’écrit, cependant la

vigilance est nécessaire pour anticiper de futures difficultés.

1- Emilia Ferreiro, Apprendre à lire et à écrire : genèse des systèmes de l'écriture et de la lecture chez l'enfant : étude psycho-génétique. Marseille : CRDP Aix-

Marseille, 1986. – L'écriture avant la lettre. Paris : Hachette éducation, 2000.


IDÉE

32
ACTIVITÉS D’ÉCRITURE INVENTÉE

Les activités d’« écriture inventée » sont parfois appelées aussi

d’« orthographe approchée » car il ne s’agit pas d’inventer une

nouvelle écriture, un nouveau code, mais bien de s’approcher de la

norme du codage de la langue orale. Ces activités commencent de

façon régulière en milieu de Moyenne section. L’enseignant va servir

de guide, d’aide à l’observation, à la prise de conscience et à la mise

en mots.

Ces ateliers se font en petits groupes à peu près homogènes. Les

élèves peuvent avoir des différences dans leur appropriation du

langage écrit mais il faut rester dans la zone proche du possible pour

procéder à un mixage d’enfants efficace. Si un élève fait juste la

différence entre dessin et écrit, les échanges risquent fort de ne pas le

concerner dans un groupe où les élèves ont déjà mis en place

l’analyse phonographique*. L’écart serait trop important pour que cet

élève puisse bénéficier des échanges entre pairs.

Le groupe d’élèves décide d’un mot à écrire : par exemple, on

essaie d’écrire le nom du poisson rouge qui vient d’être installé

dans la classe ; ou bien la légende d’une photo prise lors d’une

sortie. Le projet d’écriture doit être discuté par le groupe. La

verbalisation de ce qui doit être écrit permet aux élèves qui

n’ont aucune idée de la façon de procéder d’être cependant

inscrits dans le projet. On fait répéter à chaque élève ce qui doit

être écrit. L’objectif est que tous les élèves essaient d’écrire le

même mot puisque ce sera la comparaison des propositions, qui

déclenchera des prises de conscience sur les stratégies possibles.

L’enseignant laisse faire les élèves et intervient uniquement pour

relancer l’activité, rassurer, encourager et observer. Une fois les


productions finies, l’enseignant interroge les élèves sur leur

stratégie. Il met en relief ce que l’enfant a construit du système

d’écriture. Il verbalise ce qui est correct et ce que l’enfant laisse

voir de sa représentation du système alphabétique. Le

renforcement positif est un élément clé de cette démarche car il

ne faut pas que le scripteur finisse par renoncer à écrire par peur

de faire des erreurs. Les connaissances sont partagées avec toute

la classe. « Je vois que vous avez tous écrit en utilisant

uniquement des lettres. Noémie, tu as écrit dans le bon sens

cette fois, de gauche à droite (on montre le sens en même

temps), c’est très bien. Jérémy, tu nous as expliqué que tu avais

mis beaucoup de lettres car on entend beaucoup de mots, tu as

raison, nous avons vu qu’il y a un lien entre l’oral et l’écrit… »

Valoriser ne tend pas à faire croire aux élèves qu’ils savent écrire

mais à tenir compte des efforts réalisés et des savoirs en construction.

L’enseignant et les élèves savent que la bonne écriture est encore

impossible, mais on construit des certitudes sur le fonctionnement du

langage écrit en se frottant à l’acte d’écrire, de produire un écrit.

Après ce moment de structuration, l’enseignant écrit le mot ou la

phrase correctement. Les élèves commentent cet écrit puis le

copient. L’écriture correcte ne doit pas être oubliée, elle fait vraiment

partie de la démarche et doit être faite tout de suite à la fin de

l’activité, et non pas le lendemain car cela n’aurait pas de sens pour

des jeunes élèves.


IDÉE

33
ACTIVITÉS D’ÉCRITURE INVENTÉE (2)

Certains enfants sont volontaires pour se lancer spontanément

dans l’activité d’écriture. La démarche n’est donc pas tout à fait la

même, puisque l’enseignant n’a pas à rassurer les élèves. De plus, la

production d’écrit étant libre, la comparaison et la prise de parole en

groupe va être différente.

Les élèves ont un projet clairement énoncé à l’enseignant.

L’atelier est libre mais l’enseignant peut être présent pour observer

les élèves. Son rôle, dans cette démarche, sera de poser des questions

une fois l’écrit terminé : « Qu’as-tu écrit ? Comment as-tu fait ? As-tu

utilisé un support pour écrire ce mot ? » Cette approche réflexive

permet à l’enfant de comprendre petit à petit le fonctionnement du

langage écrit. Les enfants de cet atelier peuvent écouter et aussi

participer pour donner leur avis et énoncer leur stratégie : « Elodie

(elle est un plus en avance sur le code), si tu avais à écrire le mot

« tortue » comment aurais-tu fait ? »

Par exemple : un élève (Grande section) a écrit « LEPAPON »

pour « le papillon » et dans l’écrit suivant : « LEPONJ » pour « le

papillon mange ». Après que l’enfant aura exposé la façon dont il a

procédé, l’enseignant reprendra en valorisant le début de lien

phonographique* : « Tu as bien entendu certaines lettres des mots,

c’est très bien ». Le questionnement portera ensuite sur le fait qu’on

n’observe pas la permanence de l’écrit. Les mots « le » et

« papillon » se retrouvent dans les deux énoncés, il faut donc qu’on

les retrouve de façon identique dans les deux projets d’écriture. « Ici

tu as écrit « le papillon », et là « le papillon mange ». Quels sont les

mots que l’on entend à chaque fois ? Où sont-ils écrits ? ». L’élève

prend alors conscience d’une incohérence. « Bravo, tu as trouvé,

c’est très bien ! Veux-tu faire une autre proposition d’écriture ? ».


« Maintenant, je vais écrire « le papillon » et « le papillon mange ».

Que remarques-tu ? »

La mise en place d’un lieu spécifique à l’écriture avec des outils,

des supports (papier de couleur, carton, ou cahier individuel), des

modèles écrits en lettres capitales (comptines, tableaux de référence

des prénoms, jours de la semaine, étiquettes/mots sans déterminant

au-dessous d’une image…) doit se faire parallèlement. Cela permet

implicitement de favoriser ces envies d’écrire.


IDÉE

34
THÉORIE : LA CONSCIENCE PHONOLOGIQUE

Jean Ecalle et Annie Magnan [11] font la différence entre :

la discrimination phonologique (ou épiphonologique) qui est


une connaissance implicite et opérationnelle qui sert au

fonctionnement de la langue. C’est ce qui permet aux élèves de

scander les syllabes de façon « naturelle ». On parle en

s’arrêtant entre chaque syllabe et les élèves nous imitent

rapidement. C’est ce qui permet de ne pas confondre rue et grue.

C’est aussi ce qui permet de trouver des intrus ou des mots qui

riment mais par contre les enfants ne savent pas justifier leur

choix, sinon par une tautologie.

la conscience phonologique, ou métaphonologique, qui est


une connaissance explicite sur la langue. Les élèves

manipulent intentionnellement les sonorités de la langue ; c’est-

à-dire qu’ils « jonglent » avec les syllabes : inversion,

suppression, ajout d’une syllabe. C’est cette conscience

phonologique qu’il faut enseigner car elle ne se développe pas

de façon naturelle. Elle mérite d’autant plus un entrainement

qu’il y a une forte corrélation entre performance

métaphonologique et expertise en codage/décodage.

Damienne Delpech, Florence George et Évelyne Nok [10, p. 9]

définissent la conscience phonologique comme « une capacité

métalinguistique, capacité à manipuler et à réfléchir sur les unités

phonémiques de la parole. […] La conscience phonologique revêt un

aspect implicite avant de devenir explicite ».

Cet aspect intentionnel de la manipulation phonologique est

certainement le plus important car il ne s’agit plus simplement de


comparer rue et grue mais de mettre en place des savoirs et des

savoir-faire qui vont permettre à l’élève de construire, à travers

différents types d’exercices, une compétence métalinguistique

nécessaire à la maîtrise du langage écrit. Peu à peu, on amènera ainsi

les élèves à observer la langue non pour ce qu’elle dit (le sens) mais

pour sa construction (le code).

À travers des exercices quotidiens sur la conscience

phonologique, l’enfant va apprendre à observer les mots dans leur

sonorité. Lundi et mardi ont la même syllabe finale et, si on regarde

de plus près comment ils s’écrivent, on voit que la fin s’écrit aussi de

la même façon, alors même que pour cet enfant « le lundi il y a

cantine et pas le mardi ». Ce ne sont pas les mêmes jours, et pourtant

quand ils sont écrits leurs noms ont des traits communs. Cette

décentration amène l’enfant à considérer le langage de façon

abstraite. C’est le premier pas dans le code écrit.

Il y a plusieurs niveaux de conscience phonologique et donc une

progression à proposer :

La syllabe : les enfants scandent, comptent, enlèvent, fusionnent


des éléments du mot au niveau syllabique. Le mot chapeau a

deux syllabes, ouragan, trois syllabes.

L’attaque et la rime : la syllabe est cassée en deux parties. La


syllabe « tra » a « tr- » en attaque et « -a » en rime. Le mot sac a

« s- » en attaque et « -ac » en rime.

Le phonème : c’est la plus petite unité distincte et sonore d’un


mot. Les mots sac et bac se distinguent par un phonème

différent. Chaque phonème est transcrit par un graphème.

Par exemple le mot lapin est composé de :

1. cinq lettres : l-a-p-i-n

2. deux syllabes : la-pin

3. deux attaques : l- et p-, et deux rimes : -a et –in (on considère

ici les deux syllabes, mais généralement, quand on parle de rimes,

c’est uniquement la syllabe finale des mots qui est prise en compte).

4. quatre phonèmes transcrits par quatre graphèmes : « l », « a »,

« p » et « in ».
On distingue donc bien conscience syllabique et conscience

phonémique. Jean-Émile Gombert [14] et Roland Goigoux [13]

recommandent que les élèves, dès le début de Grande section de

maternelle, soient ainsi entrainés à jouer avec les syllabes des mots

(tri, comparaison, fusion, suppression).


IDÉE

35
THÉORIE : LA CONSCIENCE PHONOLOGIQUE (2)

Si tout le monde s’accorde sur le fait que les capacités

métalinguistiques ne découlent pas automatiquement de l’acquisition

du langage mais nécessitent un entrainement, il y a trois points de

vue différents à propos des rapports entre conscience phonologique

et apprentissage de la lecture. Ces points de vue ont des implications

pédagogiques importantes, notamment sur la question du « quand »

faire cet enseignement.

1. La conscience phonologique est parfois considérée comme

une conséquence, un produit de l’apprentissage de la lecture, et


donc l’entrainement à la segmentation phonémique doit se faire au

cours de l’enseignement de la lecture. Avant le CP, on ne fait pas

d’activités sur le phonème, c’est-à-dire qu’on ne demande pas aux

élèves de dire qu’on entend [P] dans le mot panda.

2. La conscience phonologique a parfois été considérée au

contraire comme un préalable à l’apprentissage de la lecture. Un

entrainement à la conscience phonémique doit donc se faire avant

l’entrée dans la lecture. Si l’élève ne sait pas s’il y a un [P] dans

panda à l’oral, alors on ne peut pas lui proposer d’entrer dans la

lecture.

3. La conscience phonologique peut être enfin considérée à la

fois comme un préalable et une conséquence de l’acquisition de


la langue écrite. Ainsi l’enfant doit développer un minimum de

conscience phonologique pour pouvoir acquérir des compétences

fondamentales en lecture, mais l’acquisition de la lecture permet en

retour de sensibiliser l’enfant au traitement du code et développe

ainsi des compétences métalinguistiques.


C’est ce troisième point de vue qui est aujourd’hui partagé par la

quasi-totalité des chercheurs français et par le ministère de

l’Éducation nationale puisque, dès la Petite section, des activités

comme l’apprentissage de comptines vont participer implicitement à

cette prise de conscience des sons de la langue pour aboutir en

Grande section à des activités de manipulation volontaire,

essentiellement sur la syllabe. L’étude des relations phonème/

graphème sera ensuite systématisée au CP, lors de l’apprentissage de

la lecture. La conscience phonologique au niveau des phonèmes

devient alors une conséquence de lecture.

Plusieurs recherches ont montré que des personnes analphabètes

peuvent manipuler les syllabes mais sont incapables de manipuler

des phonèmes. Il faut savoir lire/écrire pour parvenir à cette

compétence. Enlever le « P » du mot panda et dire ce qu’il reste

demande de pouvoir visualiser l’écriture du mot pour procéder à

cette suppression. Seul l’enseignement de la lecture va permettre de

développer la conscience métaphonologique* au niveau du

phonème.

Les programmes donnent d’ailleurs une progression dans ce

domaine. En maternelle, la syllabe est la base de toutes les activités

proposées ; au début du CP, des exercices toujours sur l’entité syllabe

peuvent encore faire l’objet d’apprentissage, et le phonème est

abordé en fin de Grande section avec notamment les phonèmes

vocaliques (voyelles).

Tous les exercices de phonologie ont pour but essentiel d’amener

les élèves à des activités métalinguistiques. Il s’agit de considérer la

chaine sonore comme une somme de syllabes puis de sons et non

comme une suite ayant un sens. Ces activités ne visent en aucun cas

l’apprentissage précoce du décodage mais mettent en place des

compétences qui vont faciliter l’apprentissage du code. Il s’agit de

faire prendre conscience aux élèves que le langage écrit transcrit le

langage oral avec un code qui n’est pas lié au sens des mots. Nous

sommes dans une écriture alphabétique et non idéographique.


La syllabe est la valeur sonore la plus facilement identifiable

puisqu’elle correspond à un acte articulatoire et les enfants ressentent

donc « physiquement » cette unité sonore. Frapper, marcher au

rythme des syllabes est une activité simple qui peut être proposée dès

la Moyenne section. Par contre, avoir à trier des mots en fonction du

nombre de leurs syllabes oblige à avoir déjà une approche abstraite

du mot et exige de savoir dénombrer. Il ne s’agit pas de trier ces mots

en fonction de leur signification mais bien de traiter uniquement leur

chaine sonore. Ce sont les exercices dans lesquels on demande aux

élèves d’entourer l’animal qui a le nom le plus long, avec pour

propositions : coccinelle et chien (voir le site Internet


1
« Banqoutils »). Les performances lors de ces exercices varient

beaucoup selon que les élèves ont bénéficié ou non d’un

entraînement phonologique en lien avec l’écrit.

1- http://www.banqoutils.education.gouv.fr/
IDÉE

36
FAIRE LE LIEN QUANTITÉ D’ORAL/ QUANTITÉ
D’ÉCRIT AU NIVEAU DE LA PHRASE (1)

L’écrit note de l’oral au moyen de signes abstraits. Le premier

principe alphabétique est : « plus le discours oral est long, plus sa

transcription écrite comporte une grande quantité de lettres ». Peu

importe si l’idée évoquée est intéressante : si elle est exprimée de

façon explicite, c’est la quantité d’oral qui détermine la quantité

d’écrit (voir évaluation sur le site Internet Banqoutils ; niveau GS/

CP ; discipline maitrise du langage ; champ ou capacité réalités

sonore de la langue ; mots clés : « Code graphique », « CP »,

« Phonologie »).

Même si les enfants savent scander les syllabes, ce n’est pas

suffisant. Ce premier principe phonologique, le lien oral/écrit, doit

être acquis de façon explicite. Cela permettra de proposer ensuite des

activités sur la notion de mot.

Ces activités autour du lien quantité d’oral/quantité d’écrit se

mettent en place en début de Grande section de maternelle. Elles

peuvent se faire en grand groupe au début puis en groupe restreint

avec les élèves qui n’ont pas encore intégré cette notion.

• L’enseignant affiche trois feuilles au tableau. Sur l’affiche n°1, il

y a un mot écrit (par exemple lapin), sur l’affiche n°2 une phrase (« le

lapin mange des carottes pour son déjeuner ») et sur l’affiche n°3, il y

a un texte (« Aujourd’hui, je suis allée en forêt. J’ai rencontré des

lapins qui jouaient à cachecache. Pour le déjeuner ils ont mangé des

carottes. ») L’enseignant ne lit pas les affiches.

« Vous savez que l’écrit sert à noter de l’oral et permet ainsi à des

personnes de garder en mémoire par exemple une idée ou une liste

de courses, et permet aussi que je vous lise une histoire » (voir


l’Idée 24). Au tableau, seules les trois affiches sont présentes. Il faut

veiller à ce que rien d’autre n’attire l’attention des enfants.

« Nous allons apprendre comment fonctionne l’écrit. Vous n’allez

pas apprendre à lire mais vous allez apprendre que plus on parle,

plus il y a d’écrit. Quand on prononce beaucoup de mots à l’oral, on

doit beaucoup écrire pour les communiquer. Sans savoir lire, vous

allez pouvoir deviner où est écrit « lapin » sur une des trois affiches ?

Qui a une réponse ? »

L’enseignant note les réponses de quelques élèves et demande de

justifier sans intervenir. Il va faire prendre conscience du lien oral/

écrit en posant des questions : « Est-ce que j’ai parlé longtemps ? »

(On peut répéter à la demande ce qui a été dit, l’idéal serait même

d’enregistrer le discours oral.) « Sur quelle affiche y a-t-il peu

d’écrit ? Je vais lire cette affiche (n°1), écoutez bien. Est-ce pareil que

ce que j’avais dit, je vous rappelle j’ai dit « lapin » ? Je vais lire les

autres affiches ? Est-ce que j’ai lu plus longtemps que pour cette

affiche n°1 ? »

On recommencera cette activité autant que nécessaire en

changeant l’énoncé oral : parfois il sera court, d’autres fois très long

ou moyennement long.

Il est intéressant de plastifier ces affiches car on pourra s’en servir

à nouveau pour l’Idée n° 39.


IDÉE

37
FAIRE LE LIEN QUANTITÉ D’ORAL/ QUANTITÉ
D’ÉCRIT AU NIVEAU DE LA PHRASE (2)

Certains enfants n’arrivent pas à considérer le langage oral

comme un support de réflexion, comme un objet manipulable. C’est-

à-dire qu’ils ne peuvent s’abstraire du sens. Cette notion essentielle

pour comprendre le lien oral/écrit, à savoir que ce n’est pas le sens

de l’oral qui détermine l’écrit, est difficile à acquérir.

Face à cette difficulté, on peut proposer de passer par des

pictogrammes qui présentent l’avantage de matérialiser la parole et

donc de la rendre concrète.

Comment réaliser les pictogrammes ? Les idéogrammes du

« Grand cerf » sont très intéressants mais on peut trouver cela aussi

gratuitement. Certains sites proposent des pictogrammes comme par


1
exemple ARASAAC . Pour ces pictogrammes, et surtout pour le public

d’enfants de Grande section de maternelle, il peut être plus adapté

de se contenter d’écrire les déterminants comme le, la, les, des…

plutôt que de sélectionner les images correspondantes. Cela aura

l’avantage de commencer à constituer un bagage de mots-outils

fréquents.

La première condition d’utilisation est qu’un mot = une carte :

cela permet implicitement d’aborder la notion de mot. Dans les

phrases que l’on va dire, il ne doit pas y avoir de négation, ni

d’apostrophe, ni de forme pronominale et, si possible, par de

préposition même si des pictogrammes existent pour ces notions car

cela risque de faire beaucoup à apprendre. Donc pas de « À

l’école », ni « l’écureuil »… Les prépositions peuvent être utilisées si

les élèves en ont l’habitude et connaissent parfaitement la

symbolisation sur les cartes. On n’ajoutera pas une autre difficulté.


Deuxième condition : veiller à ce que les mots employés ne

soient pas uniquement des mots d’une syllabe orale. Sinon les

enfants risquent de confondre mot et syllabe. Si on scande en

syllabes « La fille mange une pomme rouge », on obtient 6 syllabes

et il y a… 6 mots. Donc « la pomme » aura intérêt à devenir « une

banane », et « la fille » sera plutôt « un garçon ».

• L’enseignant dit : « Cette carte représente le mot « garçon ».

Cette carte représente le mot « manger ». On pourra faire des jeux de

loto pour apprendre ces différents mots. L’enseignant commence en

étant le meneur du jeu puis il peut donner le rôle du meneur à un

enfant (voir idée 26).

Une fois la phrase énoncée, on demande aux élèves de mettre les

cartes représentant la phrase. Attention : ces cartes devront être

posées en fonction du sens de la lecture. Une flèche indiquant ce

sens peut être posée sur la table.

Par exemple : « Le garçon mange une grosse banane. »

• Puis on énonce par exemple : « Des garçons mangent. »

Les enfants vont placer des cartes signifiant « Des garçons

mangent ». Ils voient concrètement que dans le premier énoncé il y

a 6 cartes. L’enseignant peut écrire sous la bande de pictogrammes

en commentant ce qu’il écrit. Puis, dans le second énoncé il y a trois

cartes, même si ce second énoncé concerne plusieurs garçons.

L’enseignant écrit également la phrase en commentant (voir idée 27).

Il est important de « jouer » sur le singulier/pluriel notamment avec

une phrase courte ayant un pluriel. Il s’agit de montrer que la

quantité de « garçons » (dans cet exemple) n’a pas d’importance pour

le nombre de mots. On pourrait continuer avec une autre phrase, par

exemple : « Le garçon mange des grosses bananes ». Même quantité


de cartes alors que le sens n’est pas le même concernant la quantité

de bananes.

Il n’est pas nécessaire d’utiliser les pictogrammes représentant

« des garçons » puisque le déterminant « des » est déjà présent. Donc

« garçon » et « garçons », « banane » et « bananes » seront rendus

par la même image. On s’intéresse aux signifiants et non aux

e
signifiés. Les verbes à la 3 personne du pluriel ne vont pas prendre

« -ent » sur le pictogramme.

1- Voir le site Internet http://www.catedu.es/arasaac/index.php


IDÉE

38
TRAVAILLER AVEC DES PICTOGRAMMES POUR
METTRE IMPLICITEMENT EN PLACE LA NOTION DE
MOT

La notion de mot ne peut pas être abordée de façon grammaticale

en maternelle. Par contre, apprendre cette notion de façon implicite

peut se faire sans problème.

Dans l’idée 26, l’enseignant « dicte » une phrase et les élèves

disposent les pictogrammes. Lors de la comparaison de la longueur

des énoncés, on aborde la notion de mot en fonction du nombre de

cartes. Puis le passage à l’écrit permet de mettre en place cette

notion, car il y a un blanc graphique entre chaque mot/chaque carte.

Peu à peu, l’enseignant doit employer le terme « mot » à la place

de « carte ». Pour cela il suffit que, dans son commentaire, il dise :

« Pour la première carte j’écris le mot « le », pour la seconde carte

j’écris le mot « garçon », pour la troisième carte j’écris le mot

« mange »… Très vite, les enfants prendront du plaisir à faire le

commentaire ou à dire à l’enseignant ce qu’il doit faire.

On fera remarquer qu’un mot est entouré d’un blanc graphique.

C’est grâce à cela qu’on peut compter le nombre de mots dans une

phrase écrite. Ce type d’exercice peut se faire avec des séances

courtes mais régulières jusqu’à ce que les enfants sachent compter le

nombre de mots dans une phrase. Attention ! Il ne faut pas que ces

enfants aient de soucis de dénombrement. L’enseignant écrit une

phrase au tableau et demande combien il y a de mots. On peut aussi

reprendre les affiches de l’Idée 36 et demander combien de mots sur

chaque affiche.

Afin de bien faire la différence entre le mot et son aspect

sémantique, on demande aux enfants de dire combien y-a-t-il de


mots dans : « le petit chaperon rouge ». C’est UN personnage mais il

faut TROIS mots pour le nommer. On peut continuer avec « le grand

méchant loup », « petit ours brun », « Blanche neige » pour que les

enfants ne restent pas sur l’idée que « trois mots = un personnage ».


IDÉE

39
COMBIEN DE MOTS DANS LA PHRASE…

Suite aux activités avec les pictogrammes, on peut proposer aux

enfants une activité ludique qui préparera la segmentation en mots à

l’écrit. Là encore, il ne s’agit pas d’entrer dans un apprentissage

systématique mais de faire prendre conscience implicitement aux

enfants de la notion de mot.

Après avoir travaillé avec les pictogrammes, on peut demander

aux enfants de faire des hypothèses sur le nombre de mots dans une

phrase énoncée par l’enseignant. Au début de l’activité, afin d’être

dans un exercice faisable, il faut prendre des mots que l’on aura déjà

travaillé avec les pictogrammes. Par exemple, l’enseignant va

demander : « Dans la phrase, « les garçons mangent une banane »,

combien vais-je avoir de cartes sur la table ? ». Puis on continue.

Voici un exemple d’une activité sur une séance : les pictogrammes

nécessaires sont préparés et mis à disposition pour vérifier le nombre

de cartes/mots (il s’agit de ne pas perdre du temps à faire trier les

pictogrammes nécessaires par les élèves. C’est ainsi que les enfants

perdent le cours de l’activité, car les temps morts sont trop longs).

Les garçons mangent une banane. (« les » et « une » sont des

mots écrits)

Les garçons achètent des bananes vertes.

Les garçons achètent du chocolat. (« du » est un mot écrit)

Voici un exemple de la séance suivante :

Le papillon mange la fleur.

Le petit papillon mange la grande fleur.

Le joli petit papillon vole.

À chaque fois, il y a peu de pictogrammes à préparer, les phrases

sont peu modifiées ou enrichies afin de faciliter la mémorisation. Les


mots sont répétés de phrase en phrase pour que les élèves

enregistrent que papillon est un mot. On utilisera systématiquement

des pictogrammes déjà utilisés dans les séances précédentes pour

que cet exercice se situe bien dans la zone de possibilité des enfants.

Les enfants en difficulté, en particulier, ont besoin d’être rassurés par

des répétitions, des rituels.


IDÉE

40
FAIRE DE LA GRAMMAIRE AVEC DES
PICTOGRAMMES

Il s’agit toujours ici d’être dans l’apprentissage implicite. Pour

mettre en place des notions de grammaire avec les pictogrammes,

rien de plus simple : il faut imprimer les pictogrammes sur des

feuilles de couleur. Les couleurs marquent la nature grammaticale

des mots : par exemple, les déterminants sont en bleu, les noms

communs en vert, les noms propres en violet, les verbes en rouge, les

prépositions en jaune, les adjectifs en blanc…

Quand on demande aux enfants de trier par couleur, ils vont

observer les collections et on peut leur demander quelle est la règle

de tri. On ne s’attend pas à ce qu’ils utilisent les termes

grammaticaux : déterminant, verbe, préposition, etc. Mais ils peuvent

faire remarquer que les mots en bleu (les déterminants) sont écrits

(puisqu’ils constituent la banque de mot outils) et courts , et qu’ils

sont toujours posés avant une carte verte.

Quant aux verbes, ce sont des cartes que l’on peut mimer :

« manger, voler, acheter, boire »… Les verbes « avoir » sous la forme

« a » et « être » sous la forme « est » sont écrits mais sur des feuilles

de papier rouge comme pour tous les verbes.

Ce ne sont que des prémices de réflexions grammaticales. Il s’agit

juste de commencer à habituer les enfants à regarder, observer les

mots et leurs relations.

Ces activités peuvent aussi se faire en utilisant les pictogrammes

dans des activités langagières. Notamment pour les élèves qui ont

des difficultés à prendre la parole ou ceux de langue maternelle

étrangère, le support des images permet de structurer syntaxiquement

le langage oral. La syntaxe est un élément aussi important que le


vocabulaire dans la suite de la scolarité, tant pour la compréhension

que pour l’expression, notamment lors du passage à l’écrit.

Une fois les règles de classement observées, on peut « jouer »

avec les cartes retournées. Par exemple dire : « Voici des cartes.

Certaines cartes sont à l’endroit, vous pouvez les voir, et certaines

autres sont retournées. Vous allez devoir dire (et non « deviner » car

deviner implique du hasard, alors que là il s’agit de réfléchir), quel

est ou quels sont le mot/les mots qui se cache(nt). »

Les enfants font des propositions ; à chaque fois l’enseignant met

la carte correspondant au mot proposé et on regarde si la couleur de

la carte du mot proposé est la bonne. Bien sûr, on vérifie si la phrase

est correcte car « la garçon dessine du camion » est correcte du point

de vue de la couleur des cartes mais fausse sémantiquement. Si la

carte évoquant le mot proposé n’existe pas, on peut essayer de voir à

quelle famille correspond le mot : est-ce que c’est un mot que l’on

peut mimer (la carte serait rouge), est-ce un mot qui dit comment est

le camion, le papillon… (la carte serait alors blanche, adjectif). On

peut rapidement faire un dessin sur des cartes vierges à disposition

afin d’enrichir le stock de mots.


IDÉE

41
FAIRE LE LIEN QUANTITÉ D’ORAL/QUANTITÉ
D’ÉCRIT AU NIVEAU DU MOT

Le principe de cette idée est toujours de faire comprendre le

principe alphabétique aux élèves, de les aider à mettre en place une

représentation du « comment ça marche ».

Au niveau du mot, il va être intéressant de continuer de faire

comprendre que seule la quantité sonore énoncée est importante

pour écrire un mot. Peu importe de savoir qu’un chien est plus gros

qu’un pissenlit. Le mot pissenlit a davantage de lettres car ce mot a

plus de syllabes (voir l’évaluation sur le site Internet Banqoutils ;

niveau GS/CP ; discipline maitrise du langage ; champ ou capacité

réalités sonore de la langue ; mots clés : « Code graphique », « GS »,

« Mot »)

Lors des activités proposées, il s’agit de poser des fondations sur

le fonctionnement abstrait du langage écrit, et surtout de toujours

entrainer les élèves à ne plus s’attacher au sens, à l’aspect

sémantique du mot mais à la forme à l’aspect phonologique. Nous

allons donc travailler sur le principe fondateur du langage

alphabétique, certes de façon caricaturale, car nous (nous, lecteurs

experts) savons que dans « ils prennent le train » il n’y a

que 4 syllabes et 18 lettres, alors que dans « il a un ami » il y

a 8 lettres et 5 syllabes.

Le choix des mots va être important : aucun mot avec des

syllabes contenant des « e » muets. D’autre part, il faut s’assurer que

les enfants savent compter le nombre de syllabes dans un mot. On

peut utiliser des jetons pour aider à compter.

Pour certains enfants qui ont des difficultés de mémorisation, on

a tout intérêt à se servir des pictogrammes : les enfants savent

dénommer les images et on perd donc moins de temps à nommer


puis, faire nommer les mots représentés par les images. Les

pictogrammes sont une aide mais l’enseignant essaie de présenter les

mots à comparer uniquement à l’oral. C’est un excellent exercice

pour travailler la mémoire de travail.

L’objectif est que les enfants comprennent que plus il y a de

syllabes dans un mot, plus il y a de lettres pour le transcrire. Les

mots préparés et donc choisis doivent donc répondre à cette

condition.

L’enseignant énonce clairement l’objectif de la séance : « Nous

avons appris il y a quelques temps que plus on parlait plus il y

avait d’écrit. Aujourd’hui nous allons voir que pour les mots

c’est la même chose : plus il y a de syllabes, plus il y aura de

lettres pour les écrire. Si je vous dis : chat/pissenlit (pour aider à

la mémorisation on met les images au tableau), d’après vous

quel mot aura plus de lettres si je l’écris ? »

L’enseignant note les réponses de quelques élèves et demande

de justifier sans intervenir. Il va faire prendre conscience du lien

oral/écrit en posant des questions : « Est-ce que j’ai parlé

longtemps ? Combien y-a-t-il de syllabes dans le premier mot ?

(on montre l’image et on dessine au-dessous un jeton afin de

matérialiser le nombre de syllabes). Combien y-a-t-il de syllabes

dans le second mot ? (idem : on dessine trois jetons sous le

dessin). Maintenant, je vais écrire deux mots (on ne met pas de

déterminant). Quel est le mot écrit le plus long mot ? Quel est

celui qui a le plus de syllabes ? »

On peut écrire en script (voire même en majuscules

d’imprimerie si cela facilite le travail de comptage) et compter

le nombre de lettres de chaque mot si les enfants n’ont aucun

souci dans le dénombrement.

Cette activité peut se faire rapidement, chaque jour 10 minutes. Il

ne s’agit pas de faire une séance et de croire que cela suffit pour tous

les élèves. Cette activité nécessite d’être répétée pour que certains

élèves s’approprient clairement cette représentation du lien oral/écrit.

pélican/coq souris/bol
ours/pélican clé/dauphin

rat/champignon escargot/fée

chocolat/ banc harmonica/m

panda/ordinateur ur

nid/fourmi
IDÉE

42
ABORDER LE VOCABULAIRE TECHNIQUE DE
L’ÉCRIT : PHRASE, MOT, LETTRE, CHIFFRE…

Nous sommes au tout début du CP. Bruno écoute l’enseignante :

« Au CP, nous allons apprendre à lire. J’ai écrit un petit trifra au

tableau. Il y a plein de gnifons que vous avez vus en maternelle. Qui

reconnait un gnifon ? Oui, est-ce que quelqu’un reconnait un autre

gnifon ? Tout le monde est d’accord ? Regardez bien la nouvi

chomiron ? Qui reconnait cette chomiron ? Par quelle chomiron

commence le gnifon ? Et quel est son cra ? Qui veut essayer de lire la
1
nouvi pruba ? Que nous raconte ce trifa ? »

Voilà ce qu’« entend » un enfant qui entre au CP quand il ne

connait pas le vocabulaire technique de l’écrit. On le dit inattentif,

peu participant, inintéressé par la lecture, pas élève. Et vous dans

cette situation combien de temps tiendriez-vous ?

• En Grande section de maternelle, il est nécessaire de faire un

enseignement explicite de ces termes. Des exercices concernant ces

termes devront être systématiquement proposés. « Combien y a-t-il

de mots dans cette phrase ? Montre-nous le premier mot ? Le

second ? Le dernier ? Montre-nous le mot qui a le plus de lettres ?

Combien de lettres a-t-il ? »…

Certains termes sont polysémiques et, dans la vie courante, nous

les employons sans prendre en compte cette spécificité. « Quelle est

la première lettre de ce mot ? » Dans la tête d’un jeune élève peu

habitué à ce vocabulaire technique, voilà la traduction : « Ma

maman écrit un mot à l’enseignant quand je suis malade. J’ai écrit

une lettre au père Noël. Est-ce que le Père Noël est malade ? »

Certains élèves ont besoin d’une explicitation claire de ces termes si

l’on veut qu’ils comprennent


Pour éviter ces grands moments d’incompréhension et permettre

à chaque élève d’être inclus dans les échanges de la classe, il faut

enseigner ces termes en Grande section de maternelle et veiller à ce

qu’à l’entrée en CP les élèves aient une connaissance parfaite du

vocabulaire technique de l’écrit.

• En Grande section (et aussi au début du CP), une évaluation

collective, ou semi-collective renseignera l’enseignant. Cette

évaluation est indispensable afin de repérer rapidement les élèves

pour lesquels un cours de « rattrapage » du lexique de l’écrit est

nécessaire. Ces termes ne sont pas évidents : certes les élèves les ont

entendus à l’école mais quelle représentation en ont-ils ?

André Ouzoulias a créé une évaluation sur cette problématique.


2
L’item 9 de son livre L’apprenti lecteur en difficulté est vraiment un

outil rapide et efficace pour repérer ces élèves qui n’ont pas encore

acquis le vocabulaire technique.

1- Petit lexique : trifa = texte ; gnifon = mot ; chomiron = lettre ; nouvi = première ; cra = son ; pruba = phrase.

2- André Ouzoulias (en collab. avec une équipe d’enseignants de Réseaux d’aides spécialisées) : L'apprenti lecteur en difficulté : évaluer, comprendre, aider. Retz,

1996.
IDÉE

43
ABORDER LA NOTION DE PHRASE (1)

Il est essentiel d’aborder les termes techniques du langage écrit

avant l’entrée au CP. Si les élèves ne connaissent pas ces termes à

l’entrée en CP, il est important de l’enseigner dès le début de l’année,

et de façon explicite, avant le début des leçons de lecture. Dans

l’Idée 36, le mot phrase apparaissait dans le langage de l’enseignant

de façon implicite. Désormais, il faut rendre explicite cette notion.

Au départ, il s’agit de présenter la notion de phrase de façon

simple pour que tous les élèves puissent s’en faire une première

représentation et afin d’installer des bases. « Une phrase est une suite

de mots, elle commence par une majuscule et finit par un point. »

On présente un premier texte, simple dans le fond (on ne travaille

pas la compréhension) et simple dans sa forme (pas de dialogue, pas

de nom propre au milieu de la phrase, pas de point d’exclamation...).

On peut très bien prendre un texte déjà connu.

• L’enseignant affiche le texte au tableau et dit : « Nous allons

apprendre ce que le mot phrase veut dire. C’est un mot que j’ai déjà

employé, vous allez avoir besoin de connaitre ce mot pour apprendre

à lire. Qui a une idée de ce que le mot phrase veut dire ? (cette

question permet à l’enseignant de savoir si des élèves sont déjà

conscients de cette notion, et s’il peut proposer des activités plus

élaborées pour certains élèves). Le texte au tableau sert à la

discussion, les enfants vont pouvoir montrer, si besoin. Si aucun

élève ne connait cette notion, ce n’est pas grave.

L’enseignant continue : « Une phrase commence par une

majuscule et finit par un point. Est-ce que quelqu’un sait ce qu’est

une majuscule ? » Un élève peut donner la définition et/ou montrer


sur le texte. L’enseignant entoure cette grande lettre. La chasse à la

majuscule dans le texte est ouverte… Idem pour « le point ».

« Combien y-a-t-il de phrases dans ce texte ? » L’enseignant surligne

d’une couleur différente chaque phrase en faisant remarquer où elle

commence et où elle finit. On termine par la lecture du texte,

l’enseignant lit en faisant suivre son doigt sous les mots.

•Après cette phase collective, on donne un texte (deux ou trois

phrases) à chaque élève pour assoir la notion. Certains élèves

peuvent faire seuls ; pour d’autres, l’enseignant étayera en

demandant d’entourer les majuscules, les points et finalement de

surligner d’une couleur en allant de la majuscule au point. On

termine à nouveau par la lecture du texte, et l’enseignant suit

toujours la lecture en pointant. Implicitement, des élèves

« enregistreront » la prosodie de la voix lors de la lecture.

• Les séances suivantes, on proposera le même type d’activité en

ayant toujours soin de lire en pointant mais on proposera aux élèves

de montrer la première phrase, puis la dernière (attention, il ne faut

pas que chaque phrase corresponde à une ligne)… En exercice

individuel ou semi collectif, on demandera aux élèves de surligner la

première phrase en jaune, la seconde en vert…


IDÉE

44
ABORDER LA NOTION DE PHRASE (2)

Une fois que la notion de phrase est totalement comprise, les

élèves n’ont aucune hésitation. L’enseignant attire leur attention sur

la longueur des phrases : il y a des phrases longues et des phrases

courtes dans tous les textes. Attention : il ne faut pas que chaque

phrase corresponde à une ligne. On laisse le terme « ligne » pour le

CP afin de ne pas créer de confusion, comme c’est souvent le cas.

L’enseignant présente à nouveau des phrases qui répondent aux

critères : « plus il y a de mots, plus la phrase est longue ». Le mot

anticonstitutionnellement prend beaucoup plus de place sur le papier

que le « a ».

•On procède de la même façon, pour les majuscules, les

points… Puis l’enseignant demande : « Quelle est la plus longue

phrase ? La plus courte ? » Et surtout : « Pourquoi ? » Comment

l’élève a-t-il fait pour savoir si la phrase est longue ou courte ? La

notion de « mot » va prendre toute sa valeur car on va avoir besoin

de ce terme pour justifier la longueur d’une phrase. Certains enfants

peuvent proposer de compter le nombre de lettres. L’enseignant

laisse cette stratégie se mettre en place, puis propose celle du

comptage de mots.

Aux élèves qui acquièrent plus lentement ces notions, il ne faut

pas hésiter à proposer des petits exercices systématiques.

L’enseignant prépare des petits textes et chaque jour demande à ces

élèves : « Combien de phrases ?, Combien de mots ? » Cet exercice

ne peut être proposé que si les élèves savent dénombrer.

• Au cours de l’année, on profitera de certains passages de textes

pour compter les phrases. L’enseignant fera remarquer différentes

ponctuations lors de ces rencontres « Il y a une majuscule mais juste

avant que voit-on ? ». L’enseignant explique quelques signes : point


d’interrogation, point d’exclamation. Au fur et à mesure des

rencontres, la classe construit une affiche sur les différentes

ponctuations utilisées dans des phrases-types. Les notions de virgule

et de point-virgule ne seront pas abordées en maternelle.

La notion de majuscule au milieu d’une phrase est difficile à

comprendre car elle renvoie à des éléments de grammaire : nom

propre, nom commun. C’est au CP que la fréquentation de textes

permettra d’aborder cette notion.


IDÉE

45
TROUVER UN MOT DANS UNE PHRASE

Dans l’Idée précédente, l’enseignant pointait les mots en lisant

des phrases affichées au tableau, et le comptage du nombre de mots

dans une phrase se mettait en place de façon implicite. D’autre part,

dans les Idées 38 et 39, le terme « mot » était employé par

l’enseignant.

Dans l’activité présentée ici, il s’agit maintenant d’apprendre aux

élèves à faire explicitement le lien entre l’oral et l’écrit au niveau du

mot. Tout ce qui est écrit doit être lu, et tout ce qui est lu est

forcément écrit. Il s’agit aussi de donner aux élèves l’habitude de

suivre correctement la lecture avec le doigt. Bien souvent, en CP, on

voit des élèves promener leur doigt sur la page, voire même regarder

le plafond tout en baladant leur doigt, et ce sont ces élèves que l’on

retrouve en difficulté dans l’apprentissage du code.

• L’enseignant dit : « Nous allons apprendre à faire semblant de

lire. J’ai écrit une phrase au tableau (il vaut mieux que ce soit tapé à

l’ordinateur). « Jérémy peux-tu venir nous montrer où mes yeux vont

se poser, dans quel sens ils vont se déplacer (Jérémy est en train de

consolider le sens de la lecture, et il continue donc à être interrogé

systématiquement). Est-ce que tout le monde est d’accord avec

Jérémy ? Très bien, Jérémy, merci. Peux-tu montrer la majuscule, …

le point… Je vais lire la phrase, faites bien attention à la manière

dont je lis ». L’enseignant lit. La phrase est courte, 5 mots maximum,

car les élèves vont devoir la mémoriser. « Est-ce que quelqu’un veut

m’imiter. Comment ai-je fait ? Il faut dire la phrase mais aussi pointer

les mots. Attention regardez, je recommence… Qui veut essayer ?

(un élève essaie) Est-ce que tout le monde est d’accord ? Pourquoi ?

Qui veut essayer à nouveau ? Attention je vais montrer. »


L’enseignant doit à chaque fois montrer, et c’est aux élèves de

trouver le comment faire.

Cette activité est proposée à nouveau systématiquement,

quotidiennement, afin que tous les élèves sachent pointer en récitant

la phrase.

Dans cette activité, on différencie en fonction du nombre de mots

à mémoriser, en accompagnant le pointage. L’enseignant peut pointer

et l’enfant dit uniquement la phrase mémorisée mais bien dans le

rythme du pointage. C’est à l’élève de suivre le pointage de l’adulte

et non le contraire, afin qu’on soit sûr de l’apprentissage.

L’enseignant peut aussi dire les mots pendant que l’élève pointe. Là,

de nouveau, c’est à l’élève de suivre le pointage en fonction de

l’oralisation de l’adulte. Au début, avec certains élèves, il est

préférable de prendre une phrase courte et facile à mémoriser (par

exemple : « le chat dort ») car l’objectif de cette activité est bien de

pointer les mots tout en les égrenant. On fait remarquer que :

« Quand on pointe un mot, c’est uniquement ce mot qui doit être

lu. »

• Une fois cette première activité mise en place, les élèves font

semblant de lire, puis l’enseignant demande « où est écrit le

mot…? » Par exemple « Où est écrit le mot chat, le mot dort ? »

L’enseignant interroge sur les stratégies à mettre en place :

« Comment peut-on faire pour trouver le mot chat dans la phrase ? ».

Par cet échange sur les stratégies, certains élèves « perdus » vont

pouvoir comprendre le travail cognitif à effectuer.

L’enseignant montre un mot de cette même phrase et demande

aux élèves « Quel est ce mot ? Êtes-vous d’accord ? Pourquoi ?

Comment peut-on faire pour savoir quel est le mot écrit ? »

Tout ce questionnement appelle les élèves à échanger sur leur

représentation du fonctionnement de l’écrit et permet à l’enseignant

d’évaluer les savoirs acquis, et ceux pour lesquels la construction est

encore fragile.
IDÉE

46
REMETTRE DES MOTS DANS L’ORDRE

Dans l’Idée 22, on attirait l’attention de l’enfant sur le sens de la

lecture. Dans cette activité de Grande Section ou de CP, il s’agit

maintenant d’appliquer ce sens de la lecture/écriture et de faire

prendre conscience de l’ordre des mots écrits : les mots sont écrits et

lus dans un sens, l’écrit a la même temporalité que l’oral. Le premier

mot prononcé est bien le premier mot lu/écrit.

Cette activité est une suite directe de l’Idée précédente.

• L’enseignant affiche une phrase au tableau (6 à 9 mots sans

difficulté de vocabulaire ou de syntaxe). Il lit la phrase en pointant

les mots. Il fait répéter cette phrase par plusieurs élèves. Puis il dit :

« J’ai fait des étiquettes, une étiquette par mot. Ce sont les mots de la

phrase que je viens de lire. Je vais distribuer une étiquette par enfant.

Chaque jour nous referons cette activité et donc tout le monde va

participer. Sarah montre nous ton étiquette : est-ce tu peux dire quel

est le mot écrit ? » Selon la réponse, on demandera à l’enfant

d’expliquer sa stratégie. (Sarah est interrogée car elle est en cours

d’automatisation pour trouver un mot dans une phrase). L’enseignant

reformule la stratégie : regarder l’étiquette, comparer avec les mots

de la phrase affichée au tableau, trouver l’écriture du mot, lire en

pointant, s’arrêter sur le mot demandé.

• Puis l’enseignant dit : « Ceux qui n’ont pas d’étiquette vont

avoir un rôle important. Ils vont être juges. Il faut bien faire attention.

Les élèves qui ont une étiquette, vous devez vous organiser pour

présenter aux « juges » la phrase écrite au tableau et que je viens de

lire. À vous de vous organiser. »

Les élèves se mettent en place, l’enseignant n’intervient pas. Les

juges donnent leur avis : est-ce que les mots de la phrase sont dans
l’ordre ? Pour vérifier, on doit lire la phrase, telle qu’elle est

présentée. Souvent les « élèves–juges » répètent la phrase lue par

l’enseignant sans tenir compte de la place des mots. Le travail de

l’enseignant consiste à demander aux élèves de comparer, mot par

mot, terme à terme, ce qui est écrit au tableau et les étiquettes telles

que présentées. « Es-tu sûr que le mot présenté est bien le même

premier mot de la phrase écrite ? Tu as très bien vu que ce n’est pas

le même mot, montre -nous où est écrit le mot dans la phrase au

tableau ? Comment se lit-il ? ». La phrase écrite au tableau est laissée

à disposition tout au long de l’activité.

Les élèves s’aident du modèle au tableau pour lire la phrase telle

qu’elle est présentée : l’ordre des mots doit être strictement respecté.

Lors de la lecture, ils prennent conscience que ce qui est lu n’est pas

ce qu’on attendait : la phrase ne signifie rien. Les élèves doivent

donc s’organiser pour faire une autre proposition d’ordre des mots.

Les « élèves juges » lisent cette nouvelle proposition en respectant

strictement l’ordre des mots.

Remettre des mots dans l’ordre, c’est apprendre que la lecture a

un sens et que lire ce n’est pas répéter ce qu’a dit l’enseignant.

Pour prolonger, on peut proposer une phrase au tableau, la lire, et

les élèves imitent l’enseignant. Puis, l’enseignant change la place des

mots. On attirera l’attention des enfants sur le fait que l’ordre des

mots change le sens de la phrase : le chat mange la souris/la souris

mange le chat ; le petit chat mange un oiseau/le chat mange un petit

oiseau ; Martine, Pierre et Jeanne sont partis voir Caroline/ Martine,

Caroline et Pierre sont partis voir Jeanne. « Avons-nous la même

image dans la tête quand on lit… »

Il faut que les élèves apprennent la rigueur de la grammaire.

Certains enfants ont une maitrise de la syntaxe assez pauvre à l’oral,

ce qui va entrainer des difficultés de compréhension par la suite. Le

premier objectif est d’améliorer ces compétences à l’oral, puis de

proposer des activités de réinvestissement avec le support écrit. « Ne

l’oublions pas, apprendre à lire n’est pas apprendre une langue

nouvelle : c’est apprendre à coder différemment une langue que l’on


1
connaît déjà . »
1- Alain Bentolila : Le verbe contre la barbarie - Apprendre à nos enfants à vivre ensemble. Odile Jacob, 2006, p. 94- 95.
IDÉE

47
SE SERVIR DE LA PERMANENCE DE L’ÉCRIT POUR
ÉCRIRE (1)

Les activités qui vont être décrites ici ont un double objectif.

D’une part, apprendre aux élèves à se servir de ce qui est écrit pour

écrire et, d’autre part, par le biais de l’écriture, affranchir les élèves

du logographique*. En écrivant, leur regard va être forcément aiguisé

sur la suite de lettres du mot écrit, sur certaines récurrences

phonographiques* : mar teau, bateau…

Mise en situation, voici la comptine « Une souris verte » :

Écrivez : « un escargot montre une souris » dans le langage


de cette comptine.

Sans connaitre le code de ce langage vous pouvez grâce à la

permanence de l’écrit résoudre ce problème. Pour cela il faut les

compétences suivantes :

connaitre la comptine ;

dire la comptine en pointant et n’oubliant pas de revenir à la

ligne ;
avoir le sens de la lecture ;

se rappeler de la phrase et des mots à écrire ;

s’arrêter au premier mot recherché ;

l’écrire ;

se rappeler ensuite le deuxième mot à trouver et reprendre le

processus.

Pour certaines de ces compétences, des activités ont déjà été

proposées. Il s’agit maintenant de toutes les mobiliser : d’où l’intérêt

qu’elles soient bien mise en place avant de passer à cet exercice.

Mais avant de se servir d’une comptine, voire de deux comptines,

pour écrire des phrases, l’enseignant va commencer par des activités

plus simples.

Pour faire suite à l’activité proposée dans l’Idée 46, l’enseignant

pourra demander aux élèves d’écrire un des mots de la phrase sur

une ardoise, ou un cahier prévu pour des activités d’écriture.


IDÉE

48
SE SERVIR DE LA PERMANENCE DE L’ÉCRIT POUR
ÉCRIRE (2)

Une fois acquise la stratégie de recherche de mots dans une

phrase, et le geste graphique plus assuré, les élèves peuvent

commencer à envisager d’écrire une phrase. L’enseignant doit leur

proposer une progression afin qu’ils intègrent que s’ils veulent écrire

le mot chat, que ce soit celui de la « mère Michel » ou « le chat

botté », ce mot doit s’écrire de la même façon, peu importe le sens

(la signification) de la phrase ou la couleur du chat.

• À partir d’une phrase prise dans un album, par exemple

« Juliette adore aller à la ferme », on demande aux élèves d’écrire :

« Émile adore aller à la ferme ». L’enseignant veillera à chaque fois à

ce que la stratégie mise en place soit verbalisée, que la réponse soit

juste ou non. C’est cette justification qui permettra de remédier si

nécessaire, et d’expliquer plus finement à l’élève ses mauvais choix.

Lui demander de mettre en mots peut être difficile : l’enseignant doit

accompagner cette verbalisation, en commençant à dire, en donnant

certains mots, en reformulant. Il faut interroger les erreurs et donc les

élèves.

Puis on peut passer à « Le chaperon rouge adore aller à la

ferme », puis « Juliette adore la confiture ».

Des imagiers, des affiches sont à disposition. C’est par la

répétition de la stratégie employée que les élèves vont se lancer dans

l’activité avec bonheur. C’est l’enseignant qui dicte la phrase à écrire

afin d’être sûr que les outils nécessaires sont présents. Certains élèves

demandent rapidement à écrire librement, il ne faut surtout pas les

en empêcher, et au contraire les aider dans leur recherche d’outils si

nécessaire.
De la phrase, l’enseignant passe à une comptine courte. Voici

quelques éléments de différenciation :

la longueur de la phrase dictée et de la comptine ;

le nombre de supports nécessaires ;

la proximité physique du support : pour certains élèves, avoir un

support individuel est plus facile car ils peuvent pointer avec

leur doigt et pas simplement avec les yeux ;

la graphie du support : dans cette activité, on n’attend pas une

écriture cursive et des majuscules d’imprimerie sont acceptées.

Pour différencier, l’enseignant doit tenir compte de

l’automatisation dire/pointer, de la capacité de mémoire de chaque

élève, de son appréhension face à une activité nouvelle. Il vaut

mieux faire très simple au début et compliquer une fois que les

élèves sont rassurés. Dans tous les cas, l’objectif est de faire

comprendre qu’un mot dans une phrase, quel que soit le contexte,

s’écrira de la même façon. Et donc, des outils en classe peuvent

permettre de dépasser des difficultés. Plus tard, la rencontre du

dictionnaire pour vérifier l’orthographe d’un mot finalisera ce

concept.

Une banque de comptines doit être laissée à disposition pour

permettre aux élèves de « piocher » les mots dont ils ont besoin. Ces

supports doivent tout d’abord être travaillés pour eux-mêmes.

Attention à la présentation : ces textes ne doivent pas comporter

d’indice visuel (dessin, titre de couleur) afin de travailler le repérage

visuel de l’écrit. Les retours à la ligne de la comptine suivent les

groupes de souffle.
IDÉE

49
APPRENDRE LES LETTRES DE L’ALPHABET

Les compétences prédictives d’une bonne entrée dans la lecture

sont :

une bonne conscience métaphonologique ;

la connaissance des lettres de l’alphabet ;


1
et la dénomination rapide d’image

Avant la Grande section de maternelle, cet apprentissage n’est

pas systématique, on fait ce que l’on appelle de l’imprégnation :

l’enseignant dit la première lettre d’un ou des prénoms de la classe et

les enfants doivent le reconnaitre. L’enseignant commence à lire des

abécédaires et les laisse à disposition des enfants en classe. Lors des

activités d’écriture inventée son intervention va permettre aux enfants

de prendre conscience que ces signes graphiques ont des noms.

En Grande section de maternelle, l’apprentissage des lettres de

l’alphabet doit être une activité systématique et être accompagnée

d’activités de tri ou d’autres jeux permettant de comprendre que la

même lettre peut s’écrire de différentes façons (majuscules, script,

minuscules : voir l’Idée 52).

Pour commencer cet apprentissage, il faut apprendre LA

comptine des lettres et pas une comptine comportant les lettres

de l’alphabet et du texte. Il faut que toutes les lettres se suivent,

donc pas de : « A, B, C, D, E, où sont les œufs ?… » Il en existe

sous forme de chansons que les enfants adorent. Une fois la

comptine apprise, comme pour les nombres, on demandera aux

élèves de pointer les lettres sur un support assez grand et

plastifié (au début, prévoir aussi des supports individuels en

majuscules d’imprimerie) tout en récitant la comptine.


L’enseignant montre chaque lettre, les enfants les nomment. On

veillera à ce que le nom de la lettre soit bien donné une fois le

pointage effectué. Pour assurer cette rigueur, on proposera un

pointage en faisant varier la rapidité.

L’enseignant dit : « L’alphabet est le nom que l’on donne à

l’ensemble des lettres dont nous avons besoin pour écrire. Nous

allons compter combien il y a de lettres.… Il faut 26 lettres pour

pouvoir écrire tous les mots du français et nous allons apprendre

ces 26 lettres pendant les semaines à venir. Maintenant que vous

connaissez la chanson (la comptine), nous allons la dire en

pointant chaque lettre. Je pointe les lettres et vous dites la

comptine, il faut bien suivre mon geste. Attention je

commence ».

Dire aux enfants qu’il n’y a que 26 lettres à apprendre doit être

affirmé, constaté, afin qu’ils soient rassurés : cet apprentissage

entre dans le champ du possible.

Pendant un temps, chaque jour, deux ou trois élèves passent au

tableau en reproduisant le pointage et l’énumération. Cela fera

partie d’un rituel qui peut ne concerner que les élèves interrogés

et les élèves en difficulté. L’enseignant ou un élève « fin

connaisseur, expert » est présent pour vérifier. Il faut reprendre

tout de suite en cas d’erreur. C’est la répétition qui va permettre

cet apprentissage. Une fois le travail sur l’alphabet en

majuscules complètement achevé, on ajoutera les différentes

écritures des lettres.

1- Voir l’article de Sprenger Charolles dans le n° 115 d’ANAE.


IDÉE

50
MÉMORISER LES LETTRES DE L’ALPHABET

Une fois acquise la comptine de l’alphabet et l’énumération avec

le pointage mise en place, on peut passer à des activités de

mémorisation.

Comme pour le lexique, on va d’abord travailler le langage

passif. On ne peut nommer que ce que l’on connaît, donc

enrichissons la connaissance avant de demander de nommer. Les

lettres de l’alphabet sont tout d’abord mémorisées en majuscules

d’imprimerie (écriture bâton) : ici, l’objectif n’est pas de mémoriser

les différentes graphies des lettres.

La consigne du langage passif est « Montre-nous… ». La bande

de l’alphabet est présentée horizontalement. Selon le niveau des

élèves, on peut raccourcir cette bande et l’enrichir ensuite petit

à petit.

Avec les élèves, on met en place un travail de systématisation

avec la consigne « Montre-nous le « a », Montre-nous le « f » ».

Pour certains enfants, connaitre les quatre premières lettres sera

le premier objectif. On enrichira ensuite de deux lettres en deux

lettres avec des retours constants sur les lettres déjà apprises. On

apprend les deux lettres nouvelles puis on revoit les lettres déjà

acquises et les nouvelles.

Une bande de l’alphabet est affichée au tableau mais il manque

une ou deux lettres. Les enfants doivent retrouver la lettre (les

lettres) manquante(s) parmi les lettres mobiles et la (les)

nommer. Selon le degré de difficulté recherché on peut :

laisser l’alphabet complet affiché ou enlever l’affichage ;

proposer plus ou moins de lettres mobiles ;


commencer au début ou au milieu de l’alphabet (par

exemple commencer à « h »).

Un enfant pioche une lettre dans un panier. Il doit nommer la

lettre soit de façon spontanée, soit en utilisant la correspondance

terme à terme et en égrenant la comptine de l’alphabet. On peut

commencer cette activité rituelle en grands groupes puis en

groupes homogènes afin que les élèves qui hésitent encore

puissent avoir un temps de réponse adapté. On peut confier un

groupe à un élève qui connait bien les lettres et peut ainsi

« jouer à la maitresse », après lui avoir bien expliqué son rôle :

montrer une lettre, interroger un enfant et attendre la réponse. Si

la réponse est incorrecte, corriger immédiatement. Certains

élèves ont besoin d’avoir à portée leur alphabet individuel

plastifié pour pouvoir s’y référer, c’est-à-dire pointer et

énumérer.

Une fois le « Montre-nous… » intégré, ainsi que l’utilisation de

la stratégie pour nommer, on peut passer à la dénomination. Le

jeu du loto permet à nouveau une différenciation en fonction du

nombre de lettres sur la planche ou en fonction du choix de

certaines lettres (les premières lettres de l’alphabet sont toujours

mieux reconnues). Au début, ce sera l’enseignant qui mènera le

jeu, puis très vite un enfant prendra sa place et animera le jeu.

L’élève pioche une carte, nomme la lettre puis celle qui vient

après (ou, plus difficile : celle qui vient avant).


IDÉE

51
LA MÉMOIRE DES SENS

La mémorisation passe aussi par le corps, surtout pour les jeunes

enfants. En occultant la vue, on va obliger l’enfant à construire une

image mentale. Dans le cadre de cette activité, il s’agira de

construire une image mentale des lettres de l’alphabet. Les enfants

sont de plus beaucoup plus calmes, plus concentrés quand on

sollicite d’autres sens que la vue. La perception à travers d’autres

sens va permettre à une autre mémoire de se développer. Pour

certains enfants, il est important de pouvoir proposer d’autres entrées

moins académiques.

Les élèves ont appris l’alphabet, et savent montrer une lettre à la

demande.

Les lettres de l’alphabet sont « écrites » en majuscules

d’imprimerie à l’aide de matériaux divers (papier de verre,

coton, perles, …) collés sur des cartons. Les enfants ont un

foulard sur les yeux, l’enseignant guide le toucher. L’élève doit

reconnaitre la lettre. Cette activité peut aussi se faire pour la

présentation d’une nouvelle lettre. Avant de passer par les yeux,

on demande aux enfants de toucher cette lettre, de la décrire, de

la dessiner puis on lui donne son nom. Attention : les cartes

doivent être posées correctement, dans le sens de la lecture.

Dans un sac, on met des lettres en mousse (attention aux lettres

qui peuvent être confondues comme M et W en écriture

majuscule ; on choisit la plus fréquente), et un enfant doit

deviner quelle est la lettre dans le sac. On veillera à choisir des

lettres que les élèves connaissent bien. Les lettres Y et K sont

souvent difficiles.
Un paquet de cartes est sur la table. Sur chaque carte, une lettre

est écrite, toujours en majuscules. Un élève pioche une carte et

l’écrit avec le doigt dans le dos d’un autre élève qui doit la

reconnaitre. La carte permet de contrôler.


IDÉE

52
LES DIFFÉRENTES GRAPHIES DES LETTRES (1)

Les enfants ont été sensibilisés aux différentes graphies des lettres

lors de la présentation de textes, de comptines, des affiches, grâce

aux albums de jeunesse et au feuilletage des pages. D’autre part, les

activités de tri (voir l’Idée 21) ont également participé à cet éveil, et

ont peut-être été l’occasion d’une discussion entre pairs ou entre

l’adulte et les enfants.

Répondre à la question « Pourquoi tant de sortes différentes

d’écriture ? » n’est pas simple. Les lettres scriptes sont la norme dans

l’imprimerie. Les majuscules ont leur utilité pour nous faire

comprendre que c’est un début de phrase ou un nom propre.

L’écriture cursive est plus adaptée au geste graphique et permet une

fluidité de l’écriture.

Il faut que les enfants apprennent ces différentes façons d’écrire

la même lettre. Cet apprentissage va durer au moins deux ans. En

Grande section de maternelle, on va apprendre à reconnaitre les

lettres quelle que soit leur graphie. Au CP, on apprend à lire les mots

quelle que soit leur graphie, on apprend à traduire une graphie en

une autre, par exemple en copiant un mot dans une phrase.

Les activités proposées ne concernent pas le geste graphique mais

la reconnaissance visuelle des différentes lettres, indifféremment de

leur graphie.

• Dire aux enfants : « À partir d’aujourd’hui vous allez apprendre

qu’une même lettre peut s’écrire de différentes manières. C’est

comme pour les animaux. Par exemple, le mot chien s’applique aussi

bien à ce chien (on montre une race de chien) ou à cet autre chien

(une nouvelle image). C’est comme nous aussi, il y a des enfants


dans cette classe mais ce mot ne désigne pas la même chose : Pierre

est un enfant, mais Jimmy est aussi un enfant. Nous allons passer

plusieurs semaines à apprendre à reconnaitre les différentes façons

d’écrire les lettres. »

On met au tableau un alphabet écrit en script (minuscules

d’imprimerie). « Voici une autre façon d’écrire les lettres. Qui peut

nous dire où on peut trouver ce type d’écriture ? Êtes-vous d’accord ?

(en général les enfants parlent de livres, ou parfois d’affiches). Nous

allons vérifier, regardons bien ! Est-ce que toutes les lettres sont bien

les mêmes que celles de cet alphabet (ce sera peut-être le moment

d’aborder les différents types de police avec l’ordinateur, mais sans

insister). Tout le monde connait maintenant la comptine de

l’alphabet : vous allez la réciter et je vais pointer les lettres.

Attention : suivez bien mon doigt pour bien lire les lettres écrites

autrement. »

Une fois cette reconnaissance effectuée, on peut demander aux

élèves de montrer le « b », le « m »… Pour certains élèves, cet

apprentissage peut nécessiter plusieurs séances. Puis, on demande

aux élèves de nommer les lettres présentées comme dans l’Idée 50.
IDÉE

53
LES DIFFÉRENTES GRAPHIES DES LETTRES(2)

La « traduction » des lettres n’exige pas forcément une

oralisation. Proposer des jeux d’appariement participe à cet

apprentissage.

Les élèves ont des planches avec une graphie des lettres et ils

doivent poser sur ces cases la lettre dans une autre graphie.

Loto : jeu à 3 ou 4. Un élève montre une lettre dans une


écriture, les autres enfants doivent dire si elle est sur leur

planche (dans une autre graphie) et la nommer pour pouvoir la

gagner. Celui qui a le plus de lettres à la fin a gagné. Attention :

il faut un groupe homogène pour que le défi soit possible à

relever par les élèves plus lents. Le meneur doit bien connaitre

le nom des lettres quelle que soit la graphie.

Mémory. En fonction du développement des enfants, on met


plus ou moins de lettres. Des cartes avec des lettres dans les

deux graphies, les cartes sont cachées. L’enfant retourne deux

cartes et doit dire si ces cartes vont ensemble. Si oui, il doit

nommer la lettre pour remporter les cartes.

Jeu de dominos . De chaque côté du domino une lettre dans une


graphie différente. On distribue 8 dominos (le reste est la

pioche). Le premier à se débarrasser de tous ses dominos a

gagné.

Jeu du pouilleux. Des cartes dans deux graphies différentes. En


fonction des élèves, on distribue entre 3 et 7 cartes. L’objectif est

de se débarrasser le plus rapidement de ses cartes. Soit, un élève

pioche dans la « main » de son voisin, apparie une paire et la

pose sur la table en nommant ou non la lettre (c’est au choix de

l’enseignant). Dans ce cas, toutes les cartes sont distribuées au


début du jeu. Soit l’élève demande à un autre la carte qu’il lui

faut pour faire une paire. On peut ajouter une pioche.

Tous ces jeux permettent une différenciation en fonction des

élèves, notamment sur le nombre de lettres et leur nom. Ces jeux

peuvent être proposés avec la graphie cursive. On procèdera de la

même façon. Chaque enfant a un alphabet individuel, plastifié avec

les différentes graphies. C’est un « traducteur de lettres ».


IDÉE

54
LES ABÉCÉDAIRES

La mise à disposition d’abécédaires doit se faire dès la Petite

section. Ces livres très particuliers permettent à l’enfant d’observer

les lettres, et donc d’attirer son regard sur les signes de l’écrit. C’est

un catalogue des signes de l’alphabet avec des calligraphies

différentes. L’enseignant prend soin d’en lire de temps en temps, de

proposer des interactions : « Quels dessins voyons-nous sur la page

de la lettre « D ? » Est-ce qu’on retrouve cette lettre dans un prénom

de la classe ? C’est la lettre « D ? Quelle est cette lettre ? »

• Dès la Moyenne section, on proposera aux élèves une activité

de tri entre les livres qui racontent des histoires et les abécédaires

afin qu’ils prennent conscience que les abécédaires sont des livres

qui comportent tous des images mais qui ne racontent pas des

histoires.

Des recherches récentes ont montré que de lire régulièrement et

de construire des abécédaires avait une réelle influence sur la

connaissance de lettres de l‘alphabet.

Après avoir fait fréquenter ces livres, l’enseignant proposera de

construire un abécédaire, soit collectif, soit individuel. Le sujet de

ces livres peut être varié et conduire à une classification comme

l’abécédaire des animaux, des objets de la cuisine, des personnages

d’album. On peut créer en parallèle des abécédaires à partir de petits

objets ou d’images regroupés dans des pochettes. Sur chaque

pochette, la lettre est écrite en plusieurs graphies.

• En fin de Grande section et au CP, on proposera de faire un

abécédaire des noms propres, des verbes, des adjectifs. Autant de

projets qui permettent une catégorisation grammaticale implicite et


qui prépare à la fréquentation du dictionnaire. Pour cette

classification, les pictogrammes peuvent servir de support.

Tous ces abécédaires doivent devenir des outils lors des activités

d’écriture. Ils sont fabriqués non pas pour être uniquement exposés

lors de la réunion de parents mais ils doivent avoir une utilité.


IDÉE

55
APPRENDRE LA DIFFÉRENCE ENTRE NOMS DES
LETTRES ET SONS DES LETTRES

Le cerveau humain travaille beaucoup par analogie,

catégorisation et classement. Pour que les enfants comprennent la

distinction entre le nom et le son des lettres, un parallèle avec les

animaux va être utile.

Prendre des images d’animaux de la ferme et demander aux

enfants de les nommer. Puis leur demander d’imiter le bruit de

chaque animal. Un travail systématique est proposé pour que le

vocabulaire « nom » et « son » soit acquis. L’enseignant prend

une image d’animal et demande : « Quel est son nom ? Quel est

son « son » ? ou inversement.

L’enseignant explique que les lettres fonctionnent comme les

animaux : elles ont un nom et elles ont un bruit. Par exemple,

sur cette image le nom de l’animal est « chat » et son son c’est

[miaou]. « Pour les lettres, nous avons appris leur nom et nous

allons apprendre leur son. »

Il ne s’agit pas d’apprendre tous les sons des lettres de l’alphabet,

d’autant que certaines lettres changent de son selon leur place. En fin

de Grande section, les élèves ont une dizaine de noms et de sons, ce

qui permet d’être sûr que cette notion est bien comprise. On choisit

consciencieusement les lettres : celles dont le son ne change pas en

fonction du contexte (à la différence du « s »). On prend les lettres

les plus régulières : p, d, r, b, v…

L’enseignant montrera une lettre inscrite sur une carte. « Quel est

le nom de cette lettre… Voici le son qu’elle fait… (L’enseignant

commence en donnant la réponse). Il faut que les enfants répètent le

son tout de suite après l’enseignant. Aux élèves en difficulté, on


proposera deux lettres (nom et son), puis on enrichira au fur et à

mesure que la systématisation se fera.

Rapidement, un enfant fait remarquer que certaines lettres ont le

nom et le son semblables. L’enseignant explique qu’effectivement en

français, les lettres sont parfois bizarres, certaines ont le même nom

et son. On en donne la liste : a, e, i, o, u. On dit que cette catégorie

de lettres s’appellent les voyelles sans insister pour que ce terme soit

réemployé.
IDÉE

56
LA SYLLABE, ÉLÉMENT CAPITAL (1)

La mise en place d’activités développant la conscience

phonologique n’est plus un problème en maternelle. Le choix de la

progression est un élément important. La syllabe doit être traitée

longuement avant de passer au phonème.

La syllabe correspond à un acte articulatoire, elle est moins

abstraite que le phonème. Les enfants sentent les syllabes avec leur

corps, surtout s’ils ont eu l’occasion de les scander. L’analyse montre

que « le score en manipulation de syllabes est le meilleur prédicteur


1
du niveau de lecture estimée à la fin du CP »

Si certains élèves arrivent à manipuler le phonème très tôt (en fin

de maternelle), pour d’autres, manipuler la syllabe, la triturer dans

tous les sens sera le meilleur moyen de lever des difficultés pour

l’entrée dans la lecture.

La progression proposée en conscience phonologique passe du

ressenti (par exemple, dans la chasse à l’intrus les enfants trouvent


souvent l’intrus mais ont des difficultés pour justifier), à une activité

consciente que l’on appelle métaphonologique, et dans laquelle il


s’agit de manipuler volontairement les syllabes : par exemple,

inverser les syllabes d’un mot.

Attention : l’enseignant avant chaque activité doit veiller à dire


les mots représentés par les dessins et les faire dire par les élèves afin

de s’assurer de la prononciation correcte et de la mémorisation des

mots.

Les activités vont du plus simple au plus compliqué. La syllabe

initiale est la plus facile à repérer dans les mots :


Répéter uniquement la première syllabe d’un mot.
Trouver l’intrus : donner 4 dessins et demander aux élèves de

trouver le dessin qui ne doit pas être dans la liste : « pantalon,

panda, rideau, pantoufle ». On insistera sur la justification. Au

début, cela est difficile : l’enseignant doit aider à mettre en

mots, voire même servir de modèle. Il dit les mots, puis les redit

en commentant ses observations : « Dans pantalon et panda,

j’entends la même première syllabe « pan », mais dans rideau je

n’entends pas de « pan », ma bouche ne fait pas la même chose

« ri » « pan » ; par contre, dans pantoufle je trouve encore

« pan » en le prononçant. »

Classer les mots qui ont la même syllabe initiale : donner entre

3 et 6 images. On demande de faire deux groupes en faisant

travailler les oreilles : « parapluie, papillon, panier / couteau,

couvert, coussin ». La justification a un rôle majeur.

Mêmes types d’exercices pour la syllabe finale. Attention : ces

mots ne doivent pas comporter de syllabe avec un « e » muet.

Répéter uniquement la dernière syllabe d’un mot.

Trouver l’intrus : « château, râteau, souris, bateau ».

Classer en fonction de la même syllabe finale : « poisson,

hérisson, garçon / tapis, épi, képi ».

Ces exercices ne donnent surtout pas lieu à de l’écrit. Il s’agit de

faire travailler l’écoute. Les exercices de manipulation sont très

exigeants en mémoire de travail. En fonction des élèves, l’enseignant

doit être conscient de cette difficulté qui risque d’entraver l’objectif

d’apprentissage. Des outils comme les syllabes sémantisées peuvent

permettre d’alléger la charge cognitive.

1- Voir « Le rôle de la syllabe dans l’apprentissage de la lecture »). ANAE n°107/108.


IDÉE

57
LA SYLLABE, ÉLÉMENT CAPITAL (2)

Une fois automatisées les activités de « ressenti phonologique »,

des exercices de manipulation volontaire doivent devenir quotidiens

en Grande section de maternelle. La justification a participé à la

prise de conscience des éléments sonores de la langue.

Voici quelques exercices indispensables en maternelle et au

début du CP : les élèves doivent devenir des experts de la syllabe.

Ajouter une syllabe en début de mot ou en fin de mot puis au


milieu du mot. Les mots ne doivent pas avoir plus de deux

syllabes au début des exercices et pas de « e » muet. Pour cet

exercice, on peut utiliser les syllabes sémantisées (voir l’Idée 59)

pour aider à garder la mémoire de la syllabe à ajouter.

Les mots-valises . Le jeu consiste à garder en mémoire la

dernière syllabe d’un mot et de trouver un autre mot

commençant par cette syllabe : « nénufar / pharmacie ». Pour

cet exercice, il convient de laisser des images afin d’aider les

élèves à trouver la suite. Sans cette aide, la recherche des mots

prend le dessus et l’objectif de la séance est perdu, car le niveau

de vocabulaire en rappel n’est pas forcément suffisant.

Supprimer la syllabe finale d’un mot, puis la syllabe initiale :


dans cet ordre, c’est plus facile. Les syllabes sémantisées

peuvent à nouveau être nécessaires afin de manipuler les

syllabes au sens premier et de définir visuellement ce qu’est la

première syllabe d’un mot.

Repérer une syllabe dans un mot et donner sa place : au début,


à la fin au milieu. Pour cet exercice, on peut utiliser les syllabes
sémantisées (voir l’Idée 59) pour aider à garder la mémoire de la

syllabe à trouver.

Toutes ces activités se font à l’oral avec des supports images mais

aucun écrit n’intervient. Ce sera l’objet d’une autre activité qui va

mettre en place le lien phonographique. Ici, il s’agit bien d’amener

l’enfant à se décentrer du sens et à considérer le mot comme un

objet d’étude. Ces exercices développent la mémoire de travail qui

est capitale pour la suite des apprentissages. Les déterminants ne sont

jamais prononcés pour ne pas perturber ou ajouter une difficulté lors

des exercices.

Pour certains enfants qui ont des difficultés dans ce type

d’exercices, il est intéressant de passer par des faux mots. Ce sont des

mots qui n’existent pas mais qui gardent l’orthographe/ la sonorité

des mots français. Par exemple : « furo, livapi, moichu, fritou, … ».

Passer par des faux mots permet aux élèves de se concentrer

uniquement sur la sonorité : aucune image mentale ne vient distraire

l’élève. Trouver la première syllabe de « gâteau » peut être difficile.

« Dans ma tête, je vois le gâteau, la crème au-dessus, les fruits qui

débordent. Comment enlever une syllabe ? Je ne la vois pas. »

Trouver la première syllabe de « lifin » sera plus facile, car aucune

image ne viendra encombrer le cerveau.


IDÉE

58
LA FUSION SYLLABIQUE, POINT CENTRAL POUR
LA LECTURE

Cette activité est un élément incontournable à proposer

notamment aux élèves pour lesquels les risques de difficultés

d’entrée dans le code sont sensibles.

La fusion est essentielle lors de la lecture. Les enfants font la

conversion grapho-phonémique et doivent ensuite fusionner ces

phonèmes pour en faire des syllabes qui, une fois fusionnées, font

des mots. Cela donne : m/o/t/o, puis m/o—> mo ; t/o —> to, puis

mo/to —> « moto », crie l’enfant après ce travail de décodage. Ces

lettres groupées évoquent enfin quelque chose de (re)connu.

Souvent, en CP, les enfants arrivent à lire les syllabes des mots

mais le passage au sens ne se fait pas. Non pas à cause de difficultés

au niveau du vocabulaire, mais les élèves n’arrivent pas à fusionner,

à lire rapidement ces syllabes pour en faire un mot. Ils lisent de

manière hachée, chaque mot est découpé en syllabes, et à l’écoute

on ne comprend pas facilement la phrase lue.

Cette lecture hachée est souvent corrélée à une incapacité des

élèves à fusionner des syllabes à l’oral. Un entrainement pour

résoudre cette difficulté est nécessaire.

Cette activité se fait uniquement à l’oral et concerne l’unité

syllabe. Elle intervient une fois que les activités précédemment

proposées auront été intégrées. Elle se fait en grand groupe et/ ou en

petit groupe homogène pour les élèves qui ont encore des difficultés

dans cet exercice. Il est important de reprendre cette activité autant

qu’il le faudra car la facilité de fusion au niveau des syllabes va avoir

un impact sur la fluidité de la lecture.


L’enseignant dit : « Je vais parler comme un robot en m’arrêtant

entre chaque syllabe. Vous devez deviner le mot que je prononce. »

On ne dit pas le déterminant du mot, et les mots ne comportent pas

de « e » muet. Par exemple « man — teau ».

Au début, si les enfants ont des difficultés, l’adulte peut mettre

au tableau des dessins dont les premières syllabes sont bien

distinctes, par exemple : « bateau, tortue, renard, fauteuil ».

« Attention : écoutez jusqu’au bout, vous ne donnerez la réponse

qu’une fois que le mot sera dit complètement » (on peut mettre

en place un signe pour dire quand les élèves peuvent répondre).

L’enseignant dit « ba — to ». Une fois le mot reconnu,

l’enseignant fait prononcer le mot rapidement puis lentement

aux élèves. Ils « sentent » le mot avec leur corps.

Puis, pour éviter que seule la première syllabe ne soit prise en

compte, on va afficher des mots dont la première syllabe est

identique, par exemple « bateau, ballon, balai » ; « café, cahier,

cadeau » L’enseignant prononce « ba — to, ba — lon » La

difficulté sera d’autant plus grande que le temps entre chaque

syllabe sera long. On peut finir cette activité en donnant un

jeton à chaque syllabe et en disant : « Je te donne un « ba » et

voici un « to ». Qu’est ce que je t’ai donné ? » Pour l’élève, la

difficulté de cet exercice est de garder en mémoire uniquement

les syllabes et donc de trier dans l’oral de l’adulte. Un vrai défi

pour certains !

Une fois compris l’exercice, on pourra demander à un élève de

prendre la place de l’enseignant. Il faudra prendre soin d’avoir

deux jeux d’images : un dans lequel l’élève va piocher, un autre

affiché au tableau.

La fusion syllabique sera acquise quand les enfants pourront dire

le mot prononcé de façon non hachée et non robotisée (avec deux ou

trois syllabes), sans l’aide des dessins.


IDÉE

59
SE SERVIR DES SYLLABES SÉMANTISÉES

Que sont les syllabes sémantisées ?

Ce sont des syllabes qui peuvent être représentées par un dessin.

Par exemple, la syllabe « ra » peut être représentée par le dessin d’un

« rat ».

Voici quelques idées de syllabes/dessin :

car/car ; cou/cou ; do/dos ; lè/lait ; li/lit ; four/four ; cha/chat ;

ma/mât (d’un bateau) ; mi/mie (de pain) ; pi/pie ; ri/riz ; ni/nid ; po/

pot ; si/scie ; tron/tronc ; ta/tas (de sable) ; so/seau ; pin/pain ; ton/

thon ; vo/veau ; tour/tour, ru/rue…

Attention : les dessins doivent vraiment donner une

représentation exacte de la syllabe. Ce qui veut dire que les dessins

d’une poire et de l’eau ne peuvent être envisagés dans le cadre de

cette activité pour « dire » le mot poireau. De même, on ne peut

faire le mot clown avec les images d’un clou et d’un nœud, puisque

nous disons [cloun] et non [clouneu].

Quel est l’intérêt de ces syllabes sémantisées ?

Tout comme les pictogrammes matérialisent la parole (voir l’Idée

37), les syllabes sémantisées vont matérialiser la parole au niveau de

la syllabe. Elles vont aider des enfants qui ont peu de mémoire de

travail, ou qui ne comprennent pas l’exercice de comparaison de

mots, à mieux « voir » la parole.

« Chapeau/chalet » ont la même première syllabe et, si on utilise

les dessins de syllabes, ces enfants pourront voir concrètement que

ces mots traduits avec ce nouveau code commencent bien par le

même dessin.

Attention : veiller à poser les dessins en respectant le sens de la


lecture.
Enlever la première syllabe de « chapeau ». Que reste-t-il ? Le

terme enlever prend son sens car on va effectivement enlever le

premier dessin. Les termes premier, deuxième deviennent

concrets. Dans la fusion syllabique, on donne « cha », on donne

« po » et l’enfant peut ainsi bénéficier d’une aide à la mémoire.

Avant de commencer toutes ces activités avec des dessins, il faut

partager le lexique. « Aujourd’hui, nous allons apprendre la

signification de dessins pour que nous puissions travailler avec par la

suite ».

On débute par quelques images qui sont les plus connues,

« Montre-moi le dessin qui dit : « pin », « cha », « lè », … »

Pour continuer d’enrichir le langage passif, l’enseignant anime

un jeu de loto. Il sert de modèle. Peu à peu les élèves peuvent

mener le jeu et donc s’approprier les mots en langage actif.

Puis l’enseignant explique : « Avec ces dessins, on peut créer des

mots. Par exemple, si je dis le mot chapeau, de quels dessins

vais-je avoir besoin pour évoquer ce mot ? Attention : il faut

bien poser les dessins dans le sens de la lecture. »

L’enseignant dit des mots et les enfants placent les dessins. Le

nombre de mots possibles avec ces syllabes est assez limité. Ce

n’est pas grave, car l’intérêt est de faire comprendre ce que l’on

attend dans la consigne : « Si j’enlève la première syllabe du

mot… il reste… »

On pourra demander ensuite aux enfants d’essayer de créer des

mots en les laissant manipuler librement les dessins. Voici

quelques mots possibles : balai, chalet, chapeau, carnet, citron,

marron, drapeau, souris, fourmi, palais, pinceau, pipeau, rideau,

ruban, tapis, poulet, poney, bandeau.

Ces syllabes sémantisées peuvent aussi être un appui lorsque l’on

travaille sur des faux mots (voir idée 76).


IDÉE

60
LE SYLLABOZOO

1
Cet outil , conçu par André Ouzoulias, est très intéressant pour

aider les enfants à manipuler les syllabes ; par ailleurs, il propose des

situations d’écriture et de lecture en utilisant la permanence de l’écrit

et en s’appuyant uniquement sur la syllabe.

Il propose des dessins d’animaux sans syllabe muette

(contrairement par exemple à « poule » : deux syllabes à l’écrit, une

à l’oral) : « requin », « tortue », « canard »… Ces dessins sont coupés

en deux parties représentant les deux syllabes du mot. Grâce aux

supports visuels, les élèves vont apprendre à enlever la première

syllabe, la dernière, puis dire le nom d’un animal chimérique

composé d’un devant et d’un arrière d’animal. C’est-à-dire qu’il va

falloir reconnaitre les animaux évoqués, repérer dans le nom de

l’animal s’il s’agit d’une syllabe du début ou de la fin, garder en

mémoire ces deux syllabes isolées puis fusionner ces syllabes pour

dire le nom de l’animal chimérique.

Les élèves manipulent les syllabes, et le support visuel est une

aide non négligeable et, pour un début d’activité, moins difficile à

mettre en œuvre que les syllabes sémantisées.

Le livret pédagogique donne des idées d’exploitation claires et les

élèves de Grande Section ou de CP construisent un rapport au code

écrit à travers des situations problèmes où la justification de la

démarche est aussi un moment particulier d’apprentissage.

Il permet la transition entre exercice phonologique et code écrit.

1- André Ouzoulias, Syllabozoo (GS – CP). Éditions Retz, collection « Apprendre à parler, parler pour apprendre ».
IDÉE

61
TROIS DESSINS VONT ENSEMBLE (1)

Voici une activité ritualisée pour travailler la conscience

phonologique, et qui peut évoluer de la Grande section de

maternelle au CP. Peu à peu, le passage à l’écrit va permettre de

construire une représentation du fonctionnement de l’écrit.

Trois images sont au tableau. L’enseignant nomme ces images et

explique : « Ces trois images vont ensemble. À vous de trouver

pourquoi je peux les mettre ensemble. Il faut surtout travailler avec

ses oreilles. » Par exemple : « nénufar, perroquet, pharmacie ».

Au début, les élèves inventent des histoires. « Le perroquet a

mangé un nénufar et va à la pharmacie pour se soigner ».

L’enseignant répète qu’il ne faut pas inventer une histoire mais

bien déterminer ce qui est commun, pareil pour ces trois mots.

Le choix des mots va donc être important pour discuter les

propositions. Attention ! Il ne faut pas trois mots masculins, car

les enfants peuvent argüer que pour tous ces mots on peut mettre

un « un » devant. Idem pour le féminin. Attention aussi, il ne

faut pas trois mots pouvant être catégorisés selon une

classification : « ces trois mots désignent des fleurs », « on

trouve ces trois mots dans la cuisine ». Il va s’agir à chaque fois

de vérifier la possibilité évoquée pour chaque mot.

« On peut mettre « un » devant chaque mot, très bien. Peut-on

dire « un » nénufar, « un » perroquet, « un » pharmacie ? Donc

cette proposition n’est pas correcte. Ces trois mots vont

ensemble car ils ont trois syllabes. » On compte et on

matérialise les syllabes pour chaque mot.

Cette activité évolue. On passe du nombre commun de syllabes

à la syllabe initiale identique. L’enseignant met trois images au


tableau : « passoire, patin, parapluie ». Lors de la première mise

en place de cette activité, on peut si nécessaire (après que

plusieurs propositions auront été faites) accentuer la première

syllabe. Une fois l’élément catégorisant trouvé « C’est la même

première syllabe », on pourra mettre en lumière la permanence

de l’écrit. Si ces trois mots commencent par la même syllabe,

alors, à l’écrit on doit retrouver les mêmes écritures. Les mots

vont être écrits en syllabique, c’est-à-dire une couleur par

syllabe afin que les enfants voient l’empan syllabique* (nombre

de lettres contenu dans chaque syllabe). Il n’est pas nécessaire

de mettre la même syllabe de la même couleur : cette différence

de couleur est simplement nécessaire pour que les élèves

puissent savoir aisément où commence la première syllabe et où

elle finit.

Une fois ces mots écrits, on compare. On construit ainsi

quelques fondations solides. Il ne s’agit pas de montrer tout de

suite que le français ne va pas être aussi facile que cela à

acquérir. Effectivement, certains phonèmes (sons) ont plusieurs

graphies (signes pour les écrire), mais ici, l’objectif de

l’enseignant est de montrer aux élèves que l’écrit est gouverné

par certaines règles régulières.


IDÉE

62
TROIS DESSINS VONT ENSEMBLE (2)

Une progression se met en place, l’exercice est ritualisé, la

consigne est toujours la même mais le niveau de recherche est

différent :

nombre de syllabes ;

syllabe initiale commune ;

syllabe finale commune ;

syllabe commune.

Si cet exercice est ritualisé, cela veut dire que des élèves peuvent

ensuite avoir des exercices selon leur compétence. Certains peuvent

avoir trois dessins et rechercher la syllabe commune, d’autres

continuent sur la syllabe initiale commune.

Rapidement, une habitude se met en place et permet de continuer

la construction du lien phonographique*.

• Une fois ces mots écrits en syllabique, on peut proposer

d’écrire des syllabes sur l’ardoise. Les élèves ont les images et les

mots écrits au-dessous en syllabique. L’enseignant dicte des syllabes,

par exemple avec passoire, patin et parapluie : pa, tin, ra, pluie. On

corrige tout de suite après la dictée de chaque syllabe. Cette

correction doit porter non seulement sur l’exactitude de la forme

écrite mais aussi et surtout sur la stratégie employée pour la

retrouver. C’est donc une phase d’apprentissage : l’enseignant doit

veiller à ce que chaque élève puisse construire ce lien

phonographique.

L’enseignant dicte « tin », les enfants écrivent sur l’ardoise ou le

cahier. L’enseignant écrit la réponse au tableau et demande à un


élève comment il a trouvé. « -tin est dans patin, c’est la deuxième

syllabe, j’écris « tin ».

• Une fois que cet exercice ne pose plus de problème, on peut

proposer d’écrire sur l’ardoise des mots de « martien », c’est-à-dire

des mots qui n’existent pas en français mais qui respectent la relation

phonographique.

Par exemple avec : « passoire », « patin » et « parapluie », on

peut écrire : « rapa », « tinpluie », « rapluie ». Les élèves ont les

images et les mots écrits au-dessous en syllabique. L’enseignant dicte

un faux mot. À nouveau, tout de suite après la dictée du mot en

martien, il y a une correction avec à chaque fois une mise en lumière

de la stratégie employée. En situation d’apprentissage et non de

contrôle, la correction « à chaud » permet aux élèves de s’approprier

une stratégie pour écrire le faux mot suivant.

L’enseignant dicte : « ratin ». Les élèves tentent un écrit.

L’enseignant écrit le faux mot et demande à l’élève comment il a fait.

Il l’aide à verbaliser sa stratégie. « En premier, j’ai dit le mot dans ma

tête, et j’ai dit « ra » ; « ra », on le trouve dans parapluie. Je dis :

« pa-ra-pluie », c’est la deuxième syllabe, j’écris « ra », puis je dis

« ratin » ; il reste « tin » à écrire. « tin » est dans patin : je dis « pa-

tin », c’est la deuxième syllabe, j’écris « tin ». Je relis « ratin ». »

Cet exercice est très exigeant en attention car il n’est pas aussi

simple qu’il parait. Les différentes étapes sont nécessaires avant

d’accéder à l’exercice final.


IDÉE

63
UTILISER DES DESSINS POUR « ÉCRIRE » UN MOT

Une fois que l’activité présentée ici sera ritualisée, les enfants la

traiteront souvent comme un jeu d’énigme. Elle a pour objectif

d’entrainer la manipulation phonologique de façon plus libre. Elle

peut être réalisée en grand groupe mais, pour certains enfants encore

fragiles, elle pourra se poursuivre en petits groupes de façon

quotidienne. Elle sera proposée après les vacances de Noël en

Grande Section, mais on pourra la poursuivre en CP avec des élèves

qui ne sont pas encore à l’aise avec l’unité syllabe.

• Le premier jour, l’enseignant affiche au tableau deux dessins

(davantage peut devenir compliqué pour la mémoire). « Des

habitants de la planète Vénus sont venus à l’école cette nuit et nous

ont laissé un cadeau. Mais pour avoir ce cadeau, il faut deviner ce

qu’ils ont laissé. Pour nous aider, ils ont affiché deux dessins :

« garage », « taureau » (montrer les dessins, les nommer, les faire

répéter pour s’assurer de la bonne prononciation). Qui a une idée de

ce que cela peut vouloir dire ? Attention : le travail doit se faire avec

les oreilles ! On cherche d’abord dans sa tête pendant 5 minutes,

après nous en discutons. »

On laisse les enfants réfléchir et faire des propositions oralement.

Si aucun élève n’émet la bonne hypothèse au bout de 7 minutes,

l’enseignant poursuit : « Je suis allé voir une amie qui connait bien

les Vénusiens et elle a traduit facilement. Elle m’a dit que le mot

caché pour « garage, taureau » est « gâteau ». Qui peut dire

comment a fait cette amie pour comprendre le message ? »

L’enseignant écoute les hypothèses et le groupe les analyse : possible

ou non. Si les enfants sont en difficulté pour trouver le code,

l’enseignant peut demander : « chocolat a combien de syllabes ?


Combien y-a-t-il de dessins ? Quelle est la première syllabe de

gâteau ? Peut-on trouver un dessin avec la syllabe « ga » ?… »

• Tout de suite après, afin de consolider la démarche, on propose

un autre mot « caché » avec d’autres dessins. Cela peut être un mot

de deux ou trois syllabes, il s’agit surtout de reprendre la démarche

afin que les élèves la mémorisent bien. Par exemple, on peut mettre

les dessins de : « manteau », « géant », ce qui donne « manger », et

si les gâteaux suivent après cet exercice le succès est garanti !!

• Les jours suivants, on continue ainsi l’entrainement (sans les

gâteaux). Les élèves peuvent ensuite créer des mots cachés. Des

dessins sont à leur disposition, dans le coin écriture par exemple.

Certains élèves produisent et d’autres décodent. Il est intéressant de

mettre en place une boite dans laquelle les enfants peuvent « poster »

leur production et, tous les jours, l’enseignant ou un élève pioche

une nouvelle énigme.

• Cet exercice pourra évoluer : par exemple en ne gardant que la

dernière syllabe de chaque mot ; ou, plus difficile encore, la syllabe

du milieu. Il faut que la règle d’écriture soit clairement énoncée. On

peut mettre en place un pictogramme pour que l’élève qui produit

donne la clé du décodage. Par exemple :

pour : Il faut prendre la première syllabe des mots.

pour : Il faut prendre la dernière syllabe des mots.


IDÉE

64
APPORTS THÉORIQUES : ÉCRITURE
LOGOGRAPHIQUE, ALPHABÉTIQUE,
ORTHOGRAPHIQUE : QUELLES ATTENTES EN
MATERNELLE ?

Depuis plusieurs années, des chercheurs essaient de rendre

compte des différentes étapes par lesquelles passe l’enfant dans la

reconnaissance des mots écrits. On distingue trois étapes : stade

logographique*, stade alphabétique et stade orthographique, tout en

gardant à l’esprit que ces étapes ne sont pas cloisonnées. Il existe en

effet une forte interactivité entre l’étape phonologique (l’enfant

découvre le lien phonographique*) et l’étape orthographique (l’enfant

découvre les différentes graphies des sons et l’orthographe).

Nous avons exposé dans l’Idée 7 le lien entre la voie

phonologique et la voie d’adressage. Il est important de garder à

l’esprit qu’il existe de fortes différences interindividuelles dans le

développement de ces étapes, dues notamment au niveau de

vocabulaire, à la fréquentation de l’écrit et à l’approche pédagogique

proposée.

Trois étapes conduisent à la mise en place progressive des deux

voies de lecture (voir l’Idée 7). À chacune de ces étapes, correspond

une procédure de reconnaissance des mots écrits :

la procédure logographique : c’est un traitement purement


visuel : les mots sont traités comme des images. Ils sont

reconnus à partir de leur configuration visuelle d’ensemble mais

l’enfant ignore complètement les lettres qui les composent. Cette

procédure n’est pas pertinente car elle ne permet pas de lire des

mots nouveaux, puisque l’adulte doit d’abord lire le mot pour


que l’élève enregistre son image. Elle est très couteuse en

mémoire, et ne permet pas toujours la prise en compte des

différences : par exemple, « jardin » et « gardon » peuvent être

confondus car leur silhouette se ressemble.

la procédure alphabétique : l’enfant s’appuie sur ses

connaissances du lien entre les lettres (graphèmes) et leur son

(phonèmes) pour décoder. C’est la construction de la voie

indirecte. Cette procédure permet de lire les mots réguliers ou

les pseudos-mots mais ne permet pas de lire des mots irréguliers

(« femme », « chœur ») et de traiter des homophones (« vert,

verre, vers »).

La procédure orthographique : l’enfant a construit la voie

directe et passe de moins en moins par la médiation

phonologique (le décodage lettre à lettre). Il est sensible aux

homophones et à l’orthographe grammaticale.

La nécessité de développer la procédure logographique n’est pas

démontrée par les chercheurs. Elle est pourtant largement utilisée en

maternelle. La lecture des prénoms des enfants de la classe, de

certains mots comme « galette », « Noël » ne se fait généralement

que par la procédure logographique. Les élèves prennent souvent en

compte des indices contextuels : la couleur de l’encre, une tache sur

la carte. L’écriture de ces mots est elle aussi logographique : les

élèves dessinent des suites de lettres mais sont incapables de les

nommer, de changer de graphie. L’enseignant doit donc être

extrêmement vigilant pour que les élèves en Grande section

abandonnent cette procédure simple, efficace, peu couteuse en

énergie quand le nombre de mots à retenir est restreint. Il doit tout

mettre en œuvre pour faire passer les élèves à la procédure

alphabétique.

Ce sont les activités autour de la production d’écrits qui vont

rendre possible ce changement de procédure. Grâce à l’écrit,

l’attention des élèves est attirée sur la succession des lettres et non

sur le dessin du mot. Même si ces activités sont couteuses en temps,


elles sont les plus efficaces pour mener les élèves à devenir des

lecteurs experts.

Perdre du temps pour en gagner.


IDÉE

65
CASSER LA SYLLABE EN PHONÈMES (1)

Aborder le phonème directement dans des mots peut se révéler

un exercice très compliqué pour certains enfants comme par

exemple : « Entend-on [T] » dans « pantalon » ? Quelle est sa place

dans le mot ? ». Il faut des étapes intermédiaires. En Grande Section

de maternelle, cette compétence n’est pas une priorité, et peut même

s’avérer néfaste pour certains enfants qui ont besoin de continuer la

manipulation de la syllabe.

Avant d’aborder le phonème avec les élèves, il faut être certain

que ces élèves savent « jongler » avec les syllabes avec aisance. Il

faut également que les élèves connaissent les lettres de l’alphabet,

nom et son.

Au CP, on va systématiser la relation graphème/phonème et

apprendre aux élèves à automatiser le codage/décodage. Mais il ne

faut pas aller trop vite et proposer des exercices sur la

reconnaissance d’un phonème tant que l’entité syllabe n’est pas

correctement manipulée. En Grande Section, seules quelques

activités sont possibles sur le phonème.

Le phonème est la plus petite entité sonore porteuse de sens

(loin/foin, pain/bain ont le premier phonème différent). Certains

phonèmes sont vocaliques : ce sont les voyelles [a, e, i, o, u] ou

digraphes [ou] ou voyelles nasales [on, an...]. D’autres phonèmes

sont des consonnes qui ne peuvent sonner qu’avec une voyelle,

même discrète. On dit [pœ] pour « P ».

De nombreuses recherches ont montré que la capacité à analyser

la syllabe orale en phonèmes ne peut pas découler d’une simple

écoute attentive. Les activités d’écriture vont permettre aux enfants

de faire des remarques sur les ressemblances. L’enseignant a tout


intérêt à valoriser ces remarques, à les faire partager, voire à les

provoquer pour construire la notion de phonème.

Une fois que les élèves savent ajouter, repérer, supprimer,

fusionner des syllabes, on peut commencer à leur proposer des

activités sur le phonème.

• Les activités sur le phonème vont d’abord concerner la

discrimination phonémique sur la syllabe. On va demander aux

élèves si certaines syllabes sont pareilles ou non, d’abord avec des

syllabes éloignées (ta/fi), puis proches (to/cho), et dont la confusion

est (to/do).

• On continue cette discrimination avec des jeux d’intrus portant

sur les mots représentés par des images : « Quel est l’intrus dans la

série cheval, cheminée, genou, chenille ? » Les phonèmes en début

de mot sont les plus facilement repérables. Des jeux d’intrus sur la

rime vont suivre.

Dans ces activités, l’écrit n’est pas nécessaire : on reste dans des

activités d’épiphonologie* (voir l’Idée 34). L’enseignant doit aider à

la mise en mots de la justification afin de faire prendre conscience

d’un savoir implicite.


IDÉE

66
CASSER LA SYLLABE EN PHONÈMES (2)

Toutes les activités de conscience phonémique ne donnent pas

forcément lieu à de l’écrit. Il ne s’agit pas de faire en maternelle la

maison des « f » avec toutes les graphies possible du son [f]. Les

activités de manipulation phonémiques telles que supprimer un

phonème, ajouter, inverser ne sont accessibles qu’une fois le

codage/décodage automatisés, c’est-à-dire une fois la lecture

acquise, donc en cours de CP. Par contre, il est nécessaire d’entrainer

les élèves à discriminer les phonèmes proches et à leur donner les

clés du principe alphabétique.

Les phonèmes les plus facilement identifiables sont les phonèmes

vocaliques (qui comportent un « son voyelle ») comme le [a], le [i],

mais aussi le [ou], le [on]. Pour progresser vers le phonème,

l’enseignant demandera aux élèves si on entend le son [a] dans une

syllabe : par exemple, li, la, ma, mu, ra... L’écrit va être introduit

afin de justifier les réponses. Lors de l’écrit on ne s’attarde pas sur les

sons consonantiques, même s’ils sont présentés. On explicite les

« sons voyelles » et les consonnes sont découvertes implicitement.

Dans ces activités on va proposer l’écriture la plus « simple » et

régulière de l’écriture du phonème. Pour le son [o], en maternelle,

on ne présente pas les différentes graphies du son (cela est d’autant

plus facile que l’on travaille sur les syllabes). Si des élèves

remarquent que dans loup il y a un « o » et on n’entend pas [O].

L’enseignant explique mais ne peut s’attendre à ce que la simple

explicitation conduise tous les élèves à une compréhension du code.

Et surtout, aucune exigence de systématisation ne peut être attendue

en Grande section.
Concrètement, l’enseignant dit : « Nous allons apprendre à

reconnaitre le son [a] qui s’écrit avec la lettre « A » dans des

syllabes. Attention : il faut travailler avec ses oreilles et avec sa

bouche. Je vous rappelle qu’il faut prononcer la syllabe pour

mieux répondre à la question. Je vais dire une syllabe et vous

devrez dire si oui ou non cette syllabe contient la lettre « A ».

J’écrirai au tableau la syllabe pour vérifier : « ma », je dis :

« ma ». Répétez, réfléchissez. Qui pense qu’il y a un [A] dans

« ma » ? Je vais écrire cette syllabe (l’enseignant l’écrit au

tableau). Alors, est-ce que cette syllabe comporte la lettre « A » ?

Est-ce que quelqu’un peut dire quelle est la lettre avant le

« A » ? ».

L’enseignant continue avec d’autres syllabes sur le même

modèle. Il n’est pas nécessaire de rester longtemps sur ce type

d’exercice dans une séance. Il vaut mieux faire ces activités

régulièrement, quotidiennement avec deux ou trois syllabes. On

peut aller plus loin avec certains élèves plus à l’aise en leur

demandant s’ils peuvent essayer d’écrire la syllabe sur une

ardoise, ou s’ils connaissent un mot avec la syllabe « ma ». Ou

encore demander s’il y a un mot écrit dans la classe avec la

syllabe « ma ».

Peu à peu, on va faire accéder les enfants à la compréhension du

système alphabétique. Et l’enfant va prendre conscience que si

dans « la », « ra », « ma », on entend [a], alors il doit y avoir un

« a » dans le mot. Et en alimentant cette distinction

phonémique, il va mémoriser des régularités qui vont lui

permettre d’être ensuite en autoapprentissage car son regard sur

les mots va être plus aiguisé. Apprendre à « casser » la syllabe

simple en phonèmes est la

première des activités à proposer avant une analyse complète de

mots. C’est au CP que l’on demandera combien il y a de phonèmes

dans gâteau, puis de les épeler.

Ces exercices sur la syllabe vont rendre transparent le système

alphabétique et permettre une construction solide des bases. Parce

que la progression suit les capacités des élèves, cette construction se

fait dans un climat serein.


Les phonèmes consonantiques les plus facilement identifiables

sont les « sons que l’on peut allonger » (comme le [f], le [ch], le [r]).

On fera ensuite ce type d’exercices sur quelques phonèmes

consonantiques. L’enseignant veillera à ce que les élèves « sentent »

les sons (voir l’Idée suivante).


IDÉE

67
IL N’ENTEND PAS LE « T » DANS BATEAU

En Grande Section, le fait qu’un élève « n’entende » pas un

phonème dans un mot n’est pas un pronostic d’échec à l’entrée dans

la lecture. Certains phonèmes consonantiques, comme l’occlusive [t],

ne sont pas très faciles à distinguer.

Face à ce constat, que ce soit en Grande Section ou en CP, la

première question à se poser est de savoir si cet élève « entend » le

[to] de bateau. Est-il capable d’enlever la première syllabe de

« bateau » ? C’est le fait qu’un élève ne puisse pas repérer une

syllabe dans un mot qui doit alerter l’enseignant. Ce dernier devra en

parler à l’infirmière ou au médecin scolaire afin de faire vérifier que

l’audition n’est pas affectée. Si tel n’est pas le cas, alors, il faudra

mettre en place des exercices sur la syllabe si celle-ci n’est pas

manipulée avec aisance.

La réaction courante de l’enseignant face à ce genre de problème

« Il n’entend pas… » est de répéter en accentuant la consonne

abordée, en demandant « Est-ce que tu entends [t] dans

« battttteau ? ». L’élève finit par dire qu’il entend tout ce que l’on

veut, car on lui crie un peu dans les oreilles et il comprend que pour

que cela s’arrête mieux vaut plier, et avouer entendre [t] . Mais le

lendemain, quand l’exercice est repris, le résultat est décevant.

Une autre entrée moins dure est possible en faisant prononcer le

son puis le mot par l’élève. La consonne se « sent ». Faire prononcer

le mot, demander de mettre sa main devant la bouche pour sentir le

souffle ou non.

La syllabe s’écoute mais la consonne nécessite une entrée plus

kinesthésique. Cette entrée est d’autant plus nécessaire lors des

confusions de sons [d/t], [g/q] ». On demande aux enfants de sentir

par où passe le souffle. On fait mettre la main devant la bouche pour


le son [T] puis pour le son [D]. On se regarde prononcer en

exagérant les traits. Avec un brin de patience, l’entrée par les sens est

tout à fait indiquée en cas de confusion.

Les élèves doivent apprendre à « mâcher » les mots pour pouvoir

ensuite les écrire de façon phonétique. On observe ce que fait la

bouche, on sent où se place la langue. L’enseignant répète moins et

parle moins. Les élèves réfléchissent, mémorisent.


IDÉE

68
LA LIAISON GRANDE SECTION/CP

Les élèves qui entrent au CP ont acquis en maternelle des

connaissances et des compétences, et pas seulement celles de rester

assis une journée entière à sa table ou de lever le doigt pour être

interrogé. Les enseignants de maternelle enseignent, préparent les

élèves à l’apprentissage de la lecture et pour cela ont construit des

outils, ont proposé des activités autour de la conscience

phonologique, de l’écrit, du langage, de la littérature…

Une liaison GS/CP n’a pas uniquement pour but de pointer les

élèves pour lesquels les acquis restent fragiles : une liaison doit

permettre de se mettre d’accord sur un « Que peut-on mettre en

place pour aider les élèves qui ont encore des difficultés, que peut-on

mettre en place pour rassurer ces enfants qui arrivent à la grande

école ?? ».

Il n’y a rien de plus stressant et déprimant que d’arriver dans une

classe aux murs vides. Quelques affiches qui auront servi à des

activités d’écriture en Grande section, un répertoire de mots outils,

permettront de montrer que le CP est une suite logique de la scolarité

et non pas un saut dans le grand bain sans gilet de sauvetage.

Retrouver le coin écriture avec quelques outils, voilà qui va

permettre d’être rapidement à l’aise.

Si les élèves ont utilisé des comptines pour produire de l’écrit,

ces comptines doivent les suivre. D’autres outils doivent également

passer en CP : les abécédaires, les alphabets collectifs ou individuels,

quelques albums lus et que les élèves écouteront à nouveau avec

plaisir lors d’une lecture cadeau, les pictogrammes (surtout pour la

production d’écrit), les imagiers, quelques jeux sur la reconnaissance

visuelle. En mathématiques, la même réflexion doit avoir lieu.


Ces outils ne vont pas être conservés toute l’année mais, grâce à

eux, des activités en autonomie sont rendues possibles dès le début

de l’année. Le répertoire de mots outils va s’étoffer, les abécédaires

ne vont plus être nécessaires. Mais les retrouver permettra de

marquer la continuité qui existe entre les classes.

• Une autre réflexion peut avoir lieu pour faciliter la vie des

élèves fragiles. Par exemple, choisir des images qui vont être les

mêmes de la maternelle au CP et que l’on nommera de la même

façon va permettre de perdre moins de temps dans le travail en

conscience phonologique. Combien de temps passe-t-on à nommer

les images avant chaque exercice ? L’image de l’« oiseau » en GS

devient « pigeon » au CP, celle du « paquet » ressemble à celle du

« cadeau » de l’année précédente. Les élèves à risque ont souvent des

difficultés de mémorisation, de rappel du lexique. Pourquoi perdre

autant de temps alors qu’il suffit juste de choisir un fichier commun :

les dessins doivent être très simples, en noir et blanc et nommés afin

de partager le même lexique tous les ans. Une fois ces conditions

remplies, tous les fichiers se valent. Bien sûr, le nombre d’images va

augmenter chaque année, et justement, parce que c’est le même

fichier qui évolue, les élèves vont prendre conscience de leur

progrès. Dès le début du CP, ils peuvent être autonomes pour certains

exercices. Si en plus les consignes sont les mêmes, alors l’enseignant

peut avoir du temps pour s’occuper plus particulièrement de certains

élèves.

La ritualisation d’activités peut se prolonger d’une classe à

l’autre, puis évoluer (voir les Idées 61 et 62). Les élèves qui n’ont pas

encore complètement construit des compétences en phonologie, sur

l’utilisation de la permanence de l’écrit vont avoir besoin de

retrouver les outils et les exercices pour finir cet apprentissage avant

de pouvoir se « jeter » dans le grand bain de la lecture.

Une évaluation dès les premiers jours du CP est nécessaire pour

repérer les élèves qui ont besoin de ces exercices.


IDÉE

69
CE QU’IL FAUT ÉVALUER À L’ENTRÉE DU CP

Évaluer les élèves qui arrivent au CP n’est pas ficher les élèves.

L’objectif de ces évaluations est double : connaitre les compétences

de chacun mais aussi les difficultés, afin d’y remédier rapidement et

pouvoir évaluer les progrès faits dans l’année. Ce qui est inquiétant

est la persistance des difficultés et c’est elle qui doit alerter

l’enseignant : il faut donc garder une trace des compétences en début

d’année pour pouvoir prendre la mesure des progrès (ou de leur

absence).

Cette évaluation est pratiquée par l’enseignant et les résultats ne

sont pas transmis. Ils peuvent toutefois servir de base pour échanger

avec les parents et donner quelques conseils. Cela donne des

indicateurs sur la classe, et plus particulièrement sur chaque élève.

Croire que tous les enfants arrivent au CP avec le même bagage, tous

prêts à apprendre à lire n’est pas réaliste.

• L’enseignant dit : « En maternelle, vous avez appris plein de

choses, mais je ne vous connais pas bien. J’aimerais me rendre

compte de ce que vous savez. Je vais donc vous donner des

exercices, certains vous paraitront faciles, d’autre plus compliqués.

Ne vous inquiétez pas si vous n’y arrivez pas, ce sera normal, je veux

juste savoir ce dont vous vous souvenez, pour pouvoir vous aider à

apprendre dans l’année qui vient. »

Certains items sont collectifs, d’autres individuels (d’où l’intérêt

de passer des jeux de la GS au CP ; voir l’Idée 68).

Ce qu’il faut évaluer avant de commencer toute leçon de

lecture :
la connaissance du vocabulaire technique du langage écrit (voir

l’Idée 42) ;

la connaissance des lettres de l’alphabet : elles doivent être

présentées dans le désordre, dans trois graphies différentes :

majuscules d’imprimerie, scripte et cursive. L’enseignant notera

le nombre de lettres sues et le support le mieux connu ;

les acquis en conscience phonologique : le site Internet


1
« Banqoutils » propose des évaluations très intéressantes ;

Une production d’écrit donnera à l’enseignant une idée de la

conceptualisation du langage écrit.

Ces quatre types d’évaluations sont suffisants pour mieux

connaitre ses élèves. Des expériences ont été faites. Les enseignants

ont proposé ces évaluations dès le second jour du CP. Les élèves

n’ont pas été traumatisés car la présentation des exercices a été faite

comme quelque chose de normal. Repérer rapidement les élèves qui

n’ont pas acquis certaines compétences, et mettre en place des

activités différenciées dès les 15 premiers jours a montré qu’en cours

d’année l’hétérogénéité de la classe est moins importante. Durant les

deux premières semaines, des exercices sur le langage technique, sur

l’apprentissage des lettres de l’alphabet et le lien langage

oral/langage écrit ont été proposés de façon intensive. Cela a permis

à des élèves d’avoir suffisamment de connaissances pour comprendre

les échanges de la classe lors de la découverte de la lecture, et de

mettre en place des stratégies de lecteurs.

Pour certains élèves, si cette réactualisation des connaissances ou

cet apprentissage (c’est selon) n’est pas fait dès le début de l’année,

les écarts avec les autres élèves ne pourront que se creuser car tout

simplement ils n’en sont pas là où on croit. Une remédiation tardive

sera d’autant plus difficile que les élèves auront vécu l’échec dès les

premiers jours, le retard se sera accru, le temps manquera.

Leur boite à outils doit être suffisamment équipée pour qu’ils

puissent faire leur « métier d’élève ».


1- Ministère de l’Éducation nationale. « Banque d´outils d´aide à l´évaluation diagnostique ». http://www.banqoutils.education.gouv.fr/index.php
IDÉE

70
LA MARCHANDE DE LETTRES

Cette activité est à proposer au début de CP, ou en maternelle

selon les compétences des élèves. Son objectif est d’automatiser la

reconnaissance du nom des lettres de l’alphabet.

Connaitre le nom des lettres de l’alphabet, c’est être capable de

les nommer rapidement, quel que soit l’ordre de présentation.

Égrener la comptine en pointant les lettres est un préalable à cette

activité mais ne peut être suffisant pour l’entrée au CP.

Le principe : demander les lettres nécessaires pour reconstituer

un mot écrit sur un carton.

Les élèves qui ont une connaissance des lettres de l’alphabet

sont les « marchands ». Ils ont devant eux des cartons, sur

chacun desquels est écrite une lettre de l’alphabet. Pour

l’organisation, il faut prévoir une boite par lettre. Les boites à

œufs permettent un support très correct. Les paquets de lettres

sont faciles à prendre et on peut les disposer de façon verticale

ce qui aide à la lecture rapide.

Une étiquette-mot est distribuée aux autres élèves (ceux qui ont

besoin d’un entrainement). Pour commencer, toutes les lettres

sont en majuscules d’imprimerie ; par la suite, on pourra

différencier, mais l’objectif est bien de reconnaitre rapidement le

nom des lettres en majuscules. Une fois que cette compétence

sera mise en place, on pourra donner à chaque élève un

« convertisseur de lettres » (les lettres seront présentées dans

différentes graphies). Les mots ne sont pas choisis au hasard.

Selon le niveau des élèves, l’enseignant donnera des mots longs

ou courts, contenant des lettres « faciles » (l, e, a, i, r, m..) ou

plus compliquées (h, k, z, w..). Chaque élève a la bande de


l’alphabet pour pouvoir s’y référer, si nécessaire en égrenant la

comptine tout en pointant.

L’enseignant dit : « Je vous rappelle qu’il y a 26 lettres dans

notre alphabet. Avec ces lettres ont peut écrire tous les mots qui

existent en français. Pour apprendre le nom des lettres de

l’alphabet, vous allez « jouer » aux marchands de lettres.

Certains élèves ont devant eux des lettres, ce sont les

marchands. D’autres ont un mot ce sont les acheteurs.

Attention : écoutez bien la consigne. Les acheteurs doivent aller

acheter les lettres nécessaires pour reproduire le mot sur le

modèle. Le modèle du mot reste sur la table, vous devez vous

souvenir des lettres nécessaires en allant voir le marchand. Vous

avez le droit de demander plusieurs lettres par voyage. Mais à

chaque voyage vous donnerez un jeton. L’acheteur qui aura le

plus de jetons à la fin aura gagné. Une fois que vous avez vos

lettres, vous les collez sous le mot. Si vous avez trop de lettres,

vous les collez derrière le modèle. »

Une démonstration est nécessaire pour que les élèves

comprennent ce qui est attendu, et voient le travail fini. Pendant

la démonstration, l’enseignant commente les actions. « Il/elle

regarde le mot sur l’étiquette. Il/elle se sert de la comptine pour

pouvoir nommer la lettre au marchand. Il/elle garde en mémoire

le nom des lettres nécessaires…. » L’enseignant aide à la mise

en place de l’activité. La première fois est toujours difficile mais

rapidement même les élèves en difficulté sont dans l’activité.

Chaque jour, ils demandent à refaire ce jeu et progressent

rapidement dans cette compétence. L’enseignant observe les

stratégies, note les élèves qui ne collent pas les lettres dans le

sens de la lecture mais de façon aléatoire, et dans ce cas

intervient rapidement.

Une fois les mots collés, l’enseignant affiche les productions au

tableau, demande aux élèves de comparer le mot modèle et le

mot construit. Il demande les stratégies employées par les élèves

et interroge également les marchands sur leurs difficultés :

répondre rapidement, certains oublient de donner un jeton… Le


respect des règles participe aux bonnes conditions

d’apprentissage.

Quand ce jeu aura été compris et pratiqué, l’enseignant pourra

proposer des mots avec des doubles consonnes et des mots dans

lesquels une même lettre se retrouve deux fois : gomme, pomme,

bonhommie, lecture, millepatte, poulailler. Il peut aussi limiter le

nombre de voyages afin d’obliger les élèves à mémoriser un plus

grand nombre de lettres.


IDÉE

71
RÉVISER LA SYLLABE

Au tout début du CP, il est nécessaire de proposer des exercices

autour de la syllabe, ne serait-ce que pour assurer la liaison et

permettre aux élèves de commencer l’année. Les activités énoncées

dans les idées 56 à 63 sont possibles, et, dans le cadre de la liaison

GS/CP, il est intéressant de proposer les mêmes exercices que l’année

précédente. Cela permet de faire une révision des images et du mot

associé. Mais d’autres exercices peuvent compléter ces propositions.

Pour chaque exercice, des supports visuels peuvent aider les

élèves à se repérer. Cela peut être des jetons, des rectangles de

carton. Attention à s’assurer que le sens de la lecture est bien acquis

par tous les élèves. On peut matérialiser le début de la lecture par un

jeton de couleur.

Prendre la première syllabe de chaque mot et en faire un

nouveau : chameau/ taureau —> château. On peut le faire avec

des prénoms de la classe au début. Cet exercice sollicite

beaucoup la mémoire de travail.

Jouer/fabriquer des jeux de loto. Un enfant/meneur pioche une

image et dit le mot. Les autres enfants regardent leur planche et

doivent trouver une image qui a la même première syllabe, la

même dernière syllabe ou une même syllabe peu importe sa

place. On peut montrer un jeu tout fait, les élèves jouent puis

l’enseignant propose aux élèves d’en fabriquer un sur le même

principe.

Trier des dessins en fonction de la place d’une syllabe ciblée. Par

exemple « la » : lapin, koala, lavabo, malade, salade… Au CP,

l’enseignant écrit en lettres la syllabe ciblée et un code sur les


trois colonnes indiquant la place de la syllabe : la----, ---la---, ---

--la.

Pour certains élèves, une syllabe sémantisée est un repère

nécessaire pour rappeler ce que l’on cherche. Selon les régions,

attention aux mots avec une syllabe muette : l’enseignant doit

exagérer la prononciation de la fin : [saladeu] et prononcer

correctement les mots avec des syllabes muettes au milieu :

[biberon] et non [bibron]. Seuls des lecteurs confirmés peuvent

faire la différence entre syllabe orale et syllabe écrite. Afin, de

faire percevoir que le « LA » de « salade » est bien au milieu du

mot, la prononciation de la syllabe finale est nécessaire (voir

l’Idée suivante pour ce qui est de syllabe finale muette).

Une fois la classification faite, l’enseignant demande à un

groupe d’élèves d’essayer d’écrire un mot de la première

colonne, à un autre groupe, un autre mot. C’est une situation

d’orthographe approchée rapide dans laquelle l’élève doit

prendre en compte un élément (la place de la syllabe ciblée) et

qui permet de vérifier que la syllabe ciblée est bien au début, au

milieu ou à la fin du mot.


IDÉE

72
LA SYLLABE FINALE MUETTE

Cet exercice permet d’introduire la syllabe muette. Selon les

régions, la dernière syllabe comportant un « e » n’est pas prononcée.

À l’occasion des activités d’écriture en Grande section, les élèves ont

certainement remarqué cette difficulté de la langue française. Pour

savoir si un mot se termine par une syllabe muette, il faut connaitre

l’orthographe de ces mots, il n’y a aucune règle. Il s’agit donc de

faire prendre conscience aux élèves de cette complexité pour que le

passage à l’écrit soit plus facile. En CP, les rencontres avec les

lectures vont permettre de comprendre la distinction entre nombre de

syllabes à l’oral et nombre de syllabes à l’écrit.

• L’enseignant place des images au tableau. Les mots font partie

du lexique courant. « Voici des images, nous allons compter le

nombre de syllabes de chaque mot : « bateau », l’enseignant met

deux cartons, « rouge », un carton, pélican (trois cartons), téléphone

(trois cartons). Je vais écrire les mots sous chaque image, je change

de couleur pour chaque syllabe. » L’enseignant écrit. « Combien y-a-

t-il de couleurs pour le mot bateau, combien de cartons ? ». Même

question pour les autres mots. L’enseignant fait constater la

différence puis explique.

« Vous voyez, on devrait dire « rou.jeu », l’enseignant pointe

chaque syllabe écrite en prononçant le mot. « Dans notre région, on

ne prononce pas totalement la fin des mots. On prononce deux

syllabes en même temps « rouj’ », « téléphon’ ». Mais on écrit cette

dernière syllabe. Il faudra faire attention à cela lors des dictées ou de

l’expression écrite. Pour vous aider, nous allons faire un code. Pour

vous faire comprendre que pour ce mot on prononce ensemble deux

syllabes, je vous montrerai un gros jeton rouge. On essaie. »


• L’enseignant montre des images et demande aux enfants de

prononcer le mot. Tous les mots ne contiennent pas un « e » muet.

S’il comporte une finale muette, l’enseignant montre le jeton rouge et

les élèves prononcent en accentuant la dernière syllabe : « robeu »,

« pou-leu ». On peut refaire cet exercice avec d’autres mots, ou les

mêmes mots afin de procéder à une mémorisation.

Lors des premières dictées, l’enseignant peut prononcer la syllabe

finale puis, une fois certains mots mémorisés, le recours au gros

jeton rouge prend le relai.


IDÉE

73
TROIS DESSINS VONT ENSEMBLE : LA
CATÉGORISATION PHONÉMIQUE

En CP, on peut faire évoluer les exercices des idées 61 et 62 sur la

syllabe. L’activité est quotidienne. Elle sert à présenter un nouveau

phonème et à l’entrainement sur ce phonème. La vérification par

l’écrit joue un rôle important. Lors des premières séances, le

phonème ciblé est en début de mot, mais pour les autres séances il

peut être à l’intérieur du mot. Afin que les élèves ne soient dans une

habitude où pendant quatre séances le même phonème doit être

reconnu, l’enseignant veillera à proposer des exercices concernant

des phonèmes déjà étudiés.

Trois dessins sont affichés au tableau. Les mots ne sont pas écrits.

Le phonème initial est plus facilement reconnaissable. Il est

nécessaire de faire attention au choix des mots pour que les

hypothèses émises ne concernent que le phonème ciblé. On évitera

les mots du même genre (ou l’enseignant énoncera clairement que

cela ne peut constituer un critère valable) ou pouvant appartenir à

une famille de catégorisation (par exemple, les trois mots sont des

fleurs, des animaux), et les mots n’ont pas en commun un autre

phonème ou une autre syllabe.

Par exemple : radis/rouge/rue

• Les élèves émettent des hypothèses. Toutes sont vérifiées à

l’oral. Une fois la solution envisagée, l’enseignant écrit les mots et

vérifie l’hypothèse. Par la suite, certains élèves peuvent essayer

d’écrire les mots sur leur ardoise pendant que d’autres continuent de

chercher à l’oral. Pour les élèves les plus en avance sur le lien

phonographique, la recherche orale devient inutile ; par contre,


écrire le début des mots ou les mots en entier est un exercice plus

contraignant. C’est un élément de différenciation.

Au tout début, il ne s’agit pas de montrer les différentes graphies

pour le même phonème. Cela pourra se faire quand les élèves seront

aguerris à cet exercice. Dans ce cas, l’objectif sera de faire découvrir

les différentes graphies pour le son…


IDÉE

74
LES PLUTONIENS NOUS ONT ÉCRIT

Ces activités font suite à l’Idée 63 proposée pour la Grande

section. Au CP, il sera profitable pour tous les enfants de retrouver les

mêmes consignes et les mêmes énigmes. L’enseignant de CP

commencera donc sur l’entité syllabe comme vu précédemment.

Au CP, cet exercice peut aussi être proposé avec le premier

phonème de chaque mot, une fois qu’on aura étudié l’entrée dans la

relation phonographique. Trois dessins sont au tableau et l’enseignant

explique que des habitant de Pluton, les Plutoniens cherchent à

entrer en contact avec nous. Les trois dessins sont : « abeille,

marteau, igloo ? » Le point d’interrogation permet aux élèves de faire

des hypothèses.

Quelques hypothèses sont énoncées, puis discutées 5 minutes

(au-delà, cela devient inutile et inefficace, surtout pour les

élèves encore fragiles car tout ce qu’ils entendent risque de

perturber leur compréhension de l’exercice).

L’enseignant explique : « Je suis allé voir un sage dans la forêt et

il a traduit le message. Je vous écris la traduction : « AMI ? »

Nous allons essayer de trouver comment il a fait pour traduire.

Vous réfléchissez 5 minutes puis nous en parlerons ensemble.

Attention : vous devez utilisez vos oreilles pour faire des

hypothèses. »

Pour la première présentation, il sera intéressant de donner les

dessins pour le mot « caché » ET la réponse. Il s’agit de laisser les

élèves découvrir le fonctionnement du code. Ce travail de réflexion

permet une bien meilleure compréhension de la consigne pour la

suite. Lorsque l’enseignant étaye beaucoup pour « faire trouver la


réponse », les élèves suivent les indications, essaient de deviner mais

n’ont pas le même travail de réflexion. La démarche cognitive n’est

pas la même. Les enfants sont actifs, ils proposent, on vérifie toutes

les hypothèses. Si on donne le code, les élèves n’essaient pas de

donner à tout prix une réponse en inventant n’importe quoi, ils sont

dans la position de recherche de stratégie. C’est une situation

problème.

Tout comme dans l’Idée 63, quand cette activité sera comprise,

ritualisée en situation de réception, on proposera aux élèves de

construire des mots.

• Certains élèves risquent de confondre le code phonologique et

l’écriture orthographique. Par exemple le mot loup devient en

dessins : Lavabo, Olive, Usine, Paquet. Dans ce cas, l’enseignant

félicitera pour la connaissance de l’orthographe du mot loup, mais

fait remarquer que la consigne de travailler uniquement avec les

oreilles n’est pas respectée car le « p » ne s’entend pas.


IDÉE

75
POURQUOI FAIRE LIRE DES FAUX MOTS ?

Qu’est-ce qu’un faux mot ?

Un faux mot, ou logatome, est un mot qui n’existe pas en français

mais qui respecte les sonorités et l’orthographe du français. Par

exemple « quy » ne se rencontre pas en français il est donc inutile de

faire lire aux élèves : « quyrcbu ». Par contre, voici quelques

exemples de logatomes : « mira, poutrafi, sigro, ... »

Pourquoi faire lire des faux mots ?

Toutes les études montrent que plus l’élève a des difficultés de

décodage plus il se sert du contexte pour deviner les mots d’un texte.

Il lit parfois la première syllabe puis, selon la phrase, invente la suite.

Le mot chemisier est lu « chemise », concombre est lu « combine ».

Lors de la lecture de logatomes, cette stratégie ne fonctionne plus

puisque les faux mots ne peuvent être raccrochés à aucun sens. Ce

sont des lectures faciles à inventer et à différencier. L’objectif est de

proposer un entrainement systématique et rigoureux en décodage en

s’affranchissant de toute compréhension. De façon imagée, c’est le

compétiteur, le musicien qui répète à l’infini un geste, un accord, des

arpèges afin de l’automatiser pour pouvoir se livrer ensuite à

l’interprétation.

La correction de la lecture de faux mots doit se faire à chaud,

c’est-à-dire dès qu’une erreur de lecture est faite. L’enseignant

arrête la lecture et demande à l’élève de relire ce qui a été mal

lu. Cette correction est importante afin de pas ne laisser des

confusions s’installer. Lors d’une erreur, l’enseignant peut dire :

« Je ne lis pas la même chose que toi » ou demander aux autres

élèves s’ils sont d’accord plutôt que dire « faux, NON, relis ! ».
L’enseignant doit être veiller à ce que la lecture de faux mots

soit fluide. Certains élèves lisent de façon hachée, sans fusion

des syllabes. Cette lecture doit se faire comme la lecture de mots

normaux. Les faux mots sont lus plusieurs fois, l’enseignant peut

mettre en place un chronométrage afin de donner un enjeu à la

lecture. La première lecture du groupe est chronométrée, puis la

seconde, le temps de lecture est donné et écrit, cela facilite la

comparaison. (Il ne s’agit pas d’apprendre l’heure aux enfants de

CP).

D’autre part, l’utilisation de faux mots permet de ne faire lire que

les graphies étudiées. C’est à la fois plus difficile à lire car le sens

manque, mais les élèves sont certains que l’on est dans un exercice

possible, adapté à leurs capacités car aucune graphie nouvelle ne

vient s’interposer. Pour des élèves en difficulté, c’est important de

savoir que le défi est possible.

On peut présenter les faux mots de façon différenciée :

écriture normale (Arial 14) : pourifa

écriture syllabique (Arial 14 avec alternance de syllabes en gras

au début et à la fin du mot, afin d’aider à la prise d’indice sur le

nombre de lettres par syllabe) : pouri fa

écriture syllabique (Arial 14/16) avec alternance de couleurs

rouge/bleu afin là aussi d’aider à prendre le bon empan

syllabique*.

L’enseignant jugera de la pertinence des aménagements en

fonction des compétences de ses élèves.


IDÉE

76
POURQUOI DICTER DES FAUX MOTS ? (1)

Cette fois, c’est un entrainement à l’encodage avec uniquement

les graphies étudiées comme dans l’Idée précédente. Toutes les

expériences montrent que le lien lecture/écriture est primordial pour

que l’automatisation du code se mette en place. Les activités

d’écriture sont incontournables pour la mémorisation des graphies et

de l’orthographe. Sans ces exercices d’écriture, on voit souvent à la

fin du CP des élèves qui savent lire des phrases mais ne savent pas

écrire des mots de façon phonologique. Lecture et écriture ne

peuvent être dissociées, leur enseignement doit être mené

conjointement.

Les faux mots sont faciles à créer et on peut différencier

aisément. L’objectif est de solliciter la voie phonologique, ou

indirecte, et non la voie directe. On ne travaille pas la mémorisation

des mots, mais l’automatisation j’entends/j’écris. C’est une étape

pour automatiser l’encodage, certainement pas une fin en soi.

En français, l’orthographe est complexe et peu de mots sont

réguliers et sans lettres muettes. Un élève qui débute dans le code,

écrit le mot souris, « souri », c’est un bon début. Il a beaucoup

réfléchi, s’est investi pour arriver à écrire « souri ». Mais l’enseignant

est dans l’obligation de lui dire : « C’est bien, mais ce n’est pas tout à

fait exact. » En effet, les recherches montrent qu’une exposition à des

mots mal orthographiés peut avoir des conséquences sur la

mémorisation de ces mots. Avec des faux mots, on peut avoir « tout

juste » en se concentrant sur ce qui est en cours d’acquisition. Pour

certains élèves ayant peur de l’échec, cela permet de débloquer la

situation : il n’y a pas de piège, le contrat est simple : « Tu es en

capacité d’écrire ce qui est dicté, car nous l’avons étudié ».


Pour créer ces faux mots à dicter, il faut comme précédemment

s’attacher aux régularités du français. Par exemple, le phonème

[O] en français s’écrit de trois façons : « o », « au », « eau ».

Lorsque l’on va dicter et faire lire des faux mots avec la graphie

« eau », l’enseignant doit veiller à ce que cette graphie soit bien

à la fin des faux mots. Le « eau » se trouve majoritairement à la

fin des mots sauf pour beaucoup et beauté (sans exception point
1
d’orthographe française…) .

L’enseignant dit : « Je vais vous dicter des faux mots (ou mots de

martien). Dans tous ces mots on entend le son [O]. Ce son [O]

doit être écrit « eau ». » La première fois, la graphie peut être

écrite au tableau. Les faux mots sont dictés : fateau, mirdeau,

routeau...

L’enseignant limite ainsi les possibilités d’écrire différemment ce

phonème car le but est que les élèves prennent l’habitude de

penser à cette graphie et ne restent sur l’idée que l’encodage du

phonème [O] soit simplement la graphie simple. Ce travail de

systématisation doit être fait pour chaque graphie.

Cette mémorisation de différentes graphies pour le même

phonème va avoir des conséquences sur le devenir du lecteur/

scripteur expert. Lorsque l’on va vérifier l’orthographe dans un

dictionnaire, cela veut dire que l’on a plusieurs écritures possibles en

tête. Si nous ne connaissons pas toutes les graphies possibles du

phonème [IN], comment aller chercher main dans le dictionnaire ?

Les élèves disent souvent que « ce n’est pas écrit » dans le

dictionnaire, ce qui a le don d’énerver l’enseignant qui, lui, sait que

le mot est forcément référencé. Il est écrit oui, mais comment ?

• Il faut également veiller à ce que les graphies du même

phonème ne soient pas présentées successivement. Cela permet un

temps d’appropriation complète. Une fois que la graphie sera

automatisée, on pourra proposer des vrais mots avec cette graphie.

1- Le livre L’orthographe française, de Nina Catach [5] est un bon outil pour réviser les régularités du français.
IDÉE

77
POURQUOI DICTER DES FAUX MOTS ? (2)

e
Même en CM2 ou en 6 , les élèves prennent plaisir à ces dictées

de faux mots. Ils savent que la réussite est possible et ils vont

commencer à s’amuser avec l’orthographe de ces faux mots.

Une fois qu’on aura étudié plusieurs graphies, la lecture se mettra

en place parallèlement. Ce début d’aisance avec le code permet aux

élèves d’être plus sensibles à l’orthographe (certains diraient : aux

difficultés de l’orthographe).

Au début des dictées de faux mots, les élèves font des

conversions phonographiques très simples. L’enseignant dit :

« Attention, je répète deux fois, vous écrivez « fropin »,

« fropin ». Avant d’écrire les élèves répètent le logatome afin de

le mémoriser. C’est une étape importante, car la mémorisation

d’un logatome n’est pas si simple, surtout quand le nombre de

syllabe augmente et que les syllabes se complexifient. La

mémoire de travail est directement sollicitée, et cela constitue

un second entrainement découlant de l’exercice.

Les élèves écrivent « fropin ». Puis, peu à peu, ils

s’affranchissent de la charge cognitive pour encoder et

commencent à écrire ce faux mot : « fraupin », « phroppaint »…

Les élèves commencent à jouer avec le code. Il est intéressant

que chaque élève lise ce qu’un camarade a écrit afin de prendre

conscience qu’il y a d’autres graphies possibles. Richard lit ce

que Franck a écrit. Il dit s’il est d’accord ou pas et pourquoi.

À nouveau, la correction doit se faire à chaud, comme pour la

lecture. Les élèves se souviennent du logatome dicté. Une erreur


doit permettre la mise en place d’une autre stratégie pour le faux

mot suivant qui comportera la graphie qui a causé un souci.

Dans la même dictée, l’enseignant dictera plus souvent la

graphie qui a occasionné le souci afin de commencer le travail

de mémorisation.

Pour différencier, l’enseignant peut :

– dicter des faux mots de longueurs différentes ;

– demander aux élèves de proposer une ou plusieurs graphies

différentes.

Il veillera à apporter des réponses lors d’erreur et à se référer à

l’orthographe correcte des mots. Par exemple, l’enseignant a dicté

« PRIRAN ». Les élèves ont écrit : « prirant, priren, pryrent ». Un

élève lit « pryrent », « pryre » en expliquant que « -ent » se lit « E »

en français. Cet élève commence à acquérir des notions

d’orthographe mais est en train de généraliser une fausse

information.

• L’enseignant écrit au tableau : « content, lentement », et

demande à cet élève de lire les mots. Puis il demande aux élèves

quand « -ent » se lit « E ». On trouve des exemples : « ils chantent,

les enfants courent, les souris dansent… ». L’enseignant fait

remarquer que ce « -ent » est directement lié au cas du sujet : dans

tous les exemples, il y a un pluriel avant le verbe.

• En cycle 3, lors de l’écriture d’un faux mot avec une lettre

finale muette, on demandera à l’élève s’il a un exemple de mot se

terminant comme cela. Par exemple, on écrit « drafant », et on

explique que le mot enfant se termine de la même façon.

Le lexique orthographique ne peut se mettre en place qu’une fois

que la voie phonologique est construite, une fois que les graphies

sont automatisées. Mais cela ne veut pas dire que des liens ne

peuvent pas se faire tout au long des rencontres si cela est possible.
IDÉE

78
LA DICTÉE, UN JEU D’ENFANT

Au CP, la dictée est un exercice ritualisé. Chaque jour,

l’enseignant dicte :

des syllabes, surtout au début de l’année pour mémoriser

l’acquisition des nouvelles graphies ;

des faux mots, pour compléter l’automatisation des relations

phonographiques et réviser ce qui a été appris ;

des mots, pour constituer un lexique orthographique avec des

mots fréquents ;

des phrases, pour aborder la notion de segmentation des mots.

Cet exercice peut devenir plaisant s’il ne donne pas lieu à chaque

fois à une note. « Exercice d’entrainement » veut dire apprentissage,

mise en place de stratégie, et non : évaluation. Que l’enseignant

évalue pour lui si la relation grapho-phonémique est acquise pour

tous les élèves est incontournable, mais dans ce cadre c’est

l’enseignant qui évalue sa classe, son enseignement. Doit-il

continuer sur le même phonème car il y a encore des hésitations,

peut-il passer à un autre phonème car tous les élèves sont en

réussite ?

La dictée de mots ne doit comporter que des mots déjà lus

plusieurs fois. Ils sont utilisés lors de la dictée de phrase. Mais il ne

faut pas attendre la fin du CP pour dicter des phrases. Les outils

passés lors de la liaison GS/CP vont constituer des banques de mots.

Pour les mots non répertoriés, il s’agit de développer une écriture

phonétique. Ces dictées peuvent avoir pour premier objectif la

segmentation des mots.

À l’oral, on ne s’arrête pas entre les mots, et une des difficultés

« classiques » du CP est de mettre en place les blancs graphiques


entre les mots. La notion de mot est difficile à comprendre car elle

fait directement lien avec l’écrit. Dans l’histoire de l’humanité, la

e
segmentation n’est apparue qu’au VII siècle de notre ère. Cette

segmentation n’est pas « innée », « naturelle » à l’écriture. Ce fut une

grande révolution orthographique qui permit notamment la lecture

silencieuse. Avant, tous les mots étaient attachés et souvent, une

personne lisait, les autres écoutaient ; ou bien, pour lire un texte, il

fallait que le lecteur subvocalise le texte pour le comprendre.

Au début de l’apprentissage du langage écrit, les élèves sont

souvent en surcharge cognitive. Ils doivent garder en mémoire la

phrase à écrire, chercher sur une affiche le premier mot, celui-ci une

fois trouvé, garder en mémoire sa place, copier avec les difficultés de

geste graphique, repérer dans l’affiche où le mot se trouve, une fois

copié, relire le bout écrit puis passer au second mot et continuer le

travail. Si le mot n’est pas répertorié, alors il faut qu’ils en fassent

l’analyse phonographique, se rappellent quelle lettre transcrit quel

son…. La segmentation peut ne pas être respectée.

Voici quelques exercices pour aider à la mise en place de la

segmentation.

Avant de dicter la phrase, l’enseignant annonce combien de

mots elle comporte. Il fait des traits au tableau pour aider. Les

traits peuvent être longs ou courts selon la longueur des mots.

On continue l’Idée 41. Il dit la phrase en pointant chaque trait.

Avant de passer à l’écriture de la phrase, l’enseignant demande

aux élèves de répéter la phrase et de dire combien de mots elle

comporte, en faisant des traits sur le cahier ou en alignant des

jetons.

Pour les élèves qui mémorisent difficilement, l’utilisation des

pictogrammes va être un soutien important. L’enseignant dit la

phrase, les élèves traduisent cette phrase en pictogrammes, puis

passent à l’écrit. Une carte par mot, la segmentation est toute

prête.
C’est la répétition de ces exercices et la lecture quotidienne qui

va permettre aux élèves de s’approprier la notion de mot.


IDÉE

79
UNE CORRECTION DE LA DICTÉE DYNAMIQUE ET
PARTICIPATIVE

La correction de toute dictée de syllabes, faux mots, mots doit se

faire au fur et à mesure (voir l’Idée 77), surtout s’il s’agit d’un

exercice d’entrainement. Il ne faut en aucun cas laisser un élève

s’engluer dans ses erreurs, ses confusions. Dans le cas des dictées de

phrase(s), la correction doit intervenir à la fin de l’exercice. Il faut

que les élèves soient confrontés à leurs erreurs afin de bien

mémoriser le mot correct. Aucune correction ne doit être reportée au

lendemain.

L’enseignant proposera une démarche dynamique de correction.

Première étape : l’enseignant rappelle le nombre de mots dans la

phrase (ce nombre a été donné avant la dictée ; voir l’Idée 78)

et, pour vérifier, demande aux élèves de compter le nombre de

mots écrits. Il peut s’aider des pictogrammes, s’il ne les a pas

utilisés avant.

Deuxième étape : l’enseignant demande aux élèves de souligner

au crayon les mots sur lesquels ils hésitent : installer le doute

orthographique permet de mettre en place une relecture

constructive. Il demande à un élève de dire sur quel mot il

hésite, des élèves peuvent proposer un outil s’il y en a (plus tard

ce sera le dictionnaire ou les cahiers de règles).

Troisième étape : pour chaque mot, l’enseignant écrit au tableau

toutes les propositions. Par exemple le mot souris peut être

écrit : « SOURI », « OUI », « OURI », « COURI ». Chaque

proposition est écrite, discutée. Au début, la lecture des

propositions permet de voir si cela est possible. Les écrits non

phonétiques sont éliminés (effacés).


Puis l’enseignant écrit le mot tel qu’il doit être orthographié

correctement, en donnant des explications s’il y en a. Le mot

chaud donne chaude, donc on peut penser au « d ». Pour le mot

souris, rien à dire et surtout pas : « C’était bien écrit (en

montrant « SOURI ») mais il faut ajouter une petite lettre, un

« s ». » Cette lettre n’est pas plus petite que les autres, et si elle

ne compte pas pourquoi la garder ? Ce n’est pas parce que la

lettre oubliée est petite que l’erreur est moins importante. Le

statut de l’erreur dépend uniquement du climat de la classe, de

la posture de l’enseignant et pas de la « grandeur » de la lettre.

Dernière étape : les élèves copient la correction. L’enseignant

est vigilant, regarde les élèves écrire. Il intervient tout de suite

s’il y a des erreurs au cours de la copie. Les élèves surlignent

dans la copie les mots qu’ils n’avaient pas réussi à écrire lors de

la dictée.

Cette démarche peut paraitre longue. Sa mise en place prend du

temps (au début, on peut ne donner que des mots, ou de courtes

phrases), mais parce qu’elle est ritualisée, l’enseignant va gagner du

temps, les élèves vont être plus à l’aise. La relecture est rapidement

instituée et les mots non phonétiques très rapidement écartés. Cette

démarche permet la mise en place d’un rapport constructif à

l’orthographe et une mémorisation plus efficace. On perd du temps

pour en gagner sur le long terme.


IDÉE

80
QUAND S’INQUIÉTER AU CP ?

Certains élèves n’arrivent pas à apprendre à lire comme les

autres. L’enseignant s’en inquiète à juste de titre. Le support

d’apprentissage de la lecture peut ne pas convenir à tous les élèves.

La plupart des manuels scolaires d’apprentissage de la lecture

proposent une entrée basée sur le phonème. Les élèves étudient le

lien : « J’entends un son, et il s’écrit… » ; certains manuels donnent

alors toutes les graphies possibles du ce phonème.

Cette entrée est en effet celle qui va permettre à la majorité des

élèves d’apprendre à lire. Elle est donc efficace, mais certains élèves

plus fragiles ne vont pas être à l’aise avec le phonème. Ils

comprennent comment fonctionne le système alphabétique mais,

malgré cette compréhension, ils n’arrivent pas fusionner les

phonèmes. Ils savent que « L » et « A » doivent être « mariés » mais

cela donne « LLLLLLLLLL » « AAAAAAA », « LLLLLLA ». Ils bataillent

avec les lettres mais, à la fin de la guerre, ils n’ont jamais la joie

d’avoir des images dans la tête, car les mots lus n’évoquent rien. Leur

lecture est trop hachée, le décodage prend toute la place cognitive.

Voici le travail effectué par les élèves pour lire un mot de quatre

graphèmes simples comme moto. L’élève découpe le mot en lettres

et fait « sonner » les deux premières lettres. Cela sollicite déjà sa

mémoire puisqu’il doit chercher quel est le son attribué à ces lettres.

Il mémorise ces sons puis procède à leur fusion pour obtenir une

syllabe. Il stocke cette syllabe en mémoire puis passe aux deux

lettres suivantes. À nouveau, il fait la conversion grapho-

phonémique, stocke la seconde syllabe en mémoire. Il va rechercher

dans sa mémoire la première syllabe lue, puis la seconde pour les

fusionner. Et enfin il va dire le mot.


Pour certains enfants, la mémoire de travail est trop sollicitée : ils

sont en surcharge cognitive. Ces élèves risquent d’être rapidement

dégoutés de l’envie d’apprendre à lire. Lire est un plaisir quand cela

devient facile, de même que jouer une partition de musique devient

un plaisir quand on n’a plus à répéter inlassablement des passages

compliqués, quand les doigts filent sur le clavier. C’est à cet instant

que ce sera aussi agréable à écouter…

Au plus tard vers le mois de janvier, il est nécessaire de proposer

une autre entrée dans la lecture. Un élève qui ne lit pas des syllabes

simples (ta, ron, lou, si, ma, po, fi, vu…) à cette période de l’année

ne doit pas laisser indifférent. Cela ne veut pas dire qu’un élève doit

être capable de lire un texte en janvier au CP. Mais si la lecture et

l’écriture de syllabes simples, et pour lesquelles il y a eu un

entrainement en classe, posent problème alors l’enseignant doit

mettre en place des activités différentes pour favoriser l’apprentissage

de la lecture.
IDÉE

81
SI LA « MÉTHODE » DE LA CLASSE NE
FONCTIONNE PAS…

La lecture par imprégnation syllabique, de Dominique Garnier-

Lasek, propose une méthode d’apprentissage de la lecture basée


1
uniquement sur la syllabe . Les élèves n’apprennent plus que « P » et

« A » font « PA » mais que « pa » fait « PA ». La syllabe est le pivot

central de notre langue : elle correspond à un acte articulatoire, elle

est plus facile à isoler et à fusionner. La mémoire est moins sollicitée

puisque pour lire le mot moto il n’y a plus qu’une seule fusion à

faire, ce qui permet de lire rapidement ces deux syllabes.

Ce support a trois niveaux :

Syllabes

Mots

Textes

Les syllabes sont présentées sous forme de tableaux, une

progression est déjà faite qui va du plus simple au plus compliqué :

des syllabes comportant deux lettres aux syllabes avec des graphèmes

complexes (oin, ien, euille…)

Les mots et les textes sont présentés avec un moyen de

facilitation, en marquant l’empan syllabique* par des couleurs

alternées bleu/ rouge et les lettres muettes sont grisées. Les syllabes

sont colorées et non les phonèmes comme cela est parfois proposé

dans d’autres supports d’apprentissage.

Il est conseillé d’accompagner ce travail d’exercices de

conscience phonologique sur la syllabe : isoler, comparer, supprimer

et fusionner. Il faut être cohérent. Le travail sur le phonème


n’interviendra que lorsque la lecture/écriture sera en cours

d’acquisition.

Ce support permet de réels progrès si :

Le travail est quotidien : dix à quinze minutes chaque jour sont

plus efficaces qu’une heure une fois par semaine.

Les exercices concernent à la fois la lecture ET la transcription.

Pour certains élèves, on pourra proposer les gestes Borel

Maisonny lors de confusions phonémiques : da/ta, ga/ca…

NB. Ce support d’apprentissage n’est plus édité actuellement

mais on peut le trouver sur Internet.

1- Dominique Garnier-Lasek : La lecture par imprégnation syllabique. (Brochure et CD-Rom ; PC, Windows 95). Éditions Ortho, 2002 (épuisé).
IDÉE

82
QUE DOIT COMPORTER UNE SÉANCE AVEC
L’IMPRÉGNATION SYLLABIQUE ?

Les grands principes sont :

L’enseignement doit être explicite. L’enseignant présente

clairement l’objectif de la séance : « Nous allons apprendre à

lire et écrire une planche de syllabes qui contiennent toutes un

« GN ».

À chaque séance, l’enseignant ou les élèves rappellent ce qui a

été fait précédemment.

Un cahier sert d’outil de liaison avec les parents : leur

investissement est nécessaire (10 minutes par jour si possible).

On automatise d’abord les syllabes.

Lecture et transcription sont liées.

La rétroaction corrective est immédiate et accompagnée

d’encouragements.

Tant qu’une planche n’est pas automatisée, il est inutile de

passer à la suivante. Il faut donc surveiller attentivement la

progression des élèves et procéder à des ajustements.

Les séances doivent être structurées, ritualisées et cumulatives :

elles doivent intégrer des révisions fréquentes.

Une fois la graphie automatisée, l’enseignant présente la

planche de mots en lien avec celle des syllabes étudiées.

L’enseignant change de planche en respectant le rythme

d’apprentissage des élèves. Parfois, il est plus judicieux de

diviser la planche en deux, afin de ne pas la présenter en entier.

Le rythme est différent selon que les élèves automatisent plus ou

moins rapidement les syllabes. Pour certaines planches, trois

séances suffisent ; d’autres (le « oi » et le « gn » par exemple)

peuvent demander une dizaine de séances.


IDÉE

83
UNE PROPOSITION DE MISE EN PLACE DE
« L’IMPRÉGNATION SYLLABIQUE »

Voici comment concrètement on peut mettre en place ces grands

principes. Cette proposition de séquence autour d’une planche se

déroule en 4 séances.

re
1 séance
L’enseignant présente la planche de syllabes.

Il lit chaque syllabe, les élèves répètent.

L’enseignant demande à un élève de montrer une syllabe :

« Kevin, montre-nous « ma », Êtes-vous d’accord ?, Noémie

montre-nous « mi ». Êtes-vous d’accord ? ». Ritualiser un sens

d’interrogation permet de gagner du temps. Demander si les

autres élèves sont d’accord permet de maintenir l’attention.

Un enfant montre une syllabe, un autre la lit, un troisième dit

s’il est d’accord.

L’enseignant dicte les syllabes. Les élèves ont la planche à côté,

afin de ne pas bloquer la situation de dictée. La dictée est faite

sur le tableau, l’ardoise ou le cahier. Le tableau est plus

intéressant pour que chacun puisse voir ce que l’autre a écrit, et

les élèves participent à la correction, ils peuvent comparer. À

chaque syllabe dictée, l’enseignant corrige si nécessaire.

On termine par la lecture de la planche en « chenille », c’est-à-

dire qu’un élève lit une syllabe, le suivant la seconde et ainsi de

suite. L’attention du groupe est maintenue. Si à cette étape des

difficultés apparaissent, un jeu de loto où l’enseignant est

meneur puis un élève constitue une médiation ludique.


e
2 séance
L’enseignant demande : « Qu’avons-nous fait la dernière fois ? »

Les élèves peuvent regarder le cahier pour répondre.

Lecture en « chenille » de la planche.

Dictée de syllabes, mais cette fois-ci le cahier est ouvert mais à

quelques tables du tableau. Le « voyage » oblige à une

mémorisation, et l’élève est rassuré. Il peut ne pas utiliser cette

aide.

Lecture de logatomes (voir l’Idée 75) : lecture découverte, puis

plus rapide. (On peut demander aux parents de faire lire ou

dicter ces faux mots en entrainement à la maison.)

e
3 séance
L’enseignant demande : « Qu’avons-nous fait la dernière fois ? »

Les élèves peuvent regarder le cahier pour répondre.

Lecture de la planche de syllabes. Si un élève veut la lire seul,

les autres élèves écoutent et regardent s’il y a des erreurs

Dictée de syllabes, puis de faux mots de deux syllabes.

Correction au fur et à mesure.

Lecture de logatomes de deux puis de trois syllabes. (On peut

demander aux parents de faire lire ou dicter ces faux mots en

entrainement à la maison.)

e
4 séance
L’enseignant demande : « Qu’avons-nous fait la dernière fois ? »

Les élèves peuvent regarder le cahier pour répondre.

Dictée de logatomes

Lecture de logatomes

Lecture de mots avec les syllabes étudiées. (Cette lecture est


1
reprise par les parents) .

1- Pour plus de précisions, voir le blog 100 Idées : http://www.tompousse.fr/100idees


IDÉE

84
AMÉNAGER LES SUPPORTS DE LECTURE

« L’imprégnation syllabique » propose des textes présentés en

syllabique, c’est-à-dire avec une alternance de couleurs pour

démarquer l’empan syllabique* (les lettres muettes sont grisées). La

police d’écriture est de l’Arial 16 puis 14, les interlignes sont de 2

ou 1,5 et les textes ne sont pas justifiés.

Le reproche que l’on pourrait fait aux textes proposés est leur

niveau culturel. Il est vrai que les histoires racontées sont loin

d’exercer un suspense intolérable. Mais, dans ce contexte il ne s’agit

pas de travailler la compréhension mais bien d’améliorer les

compétences de décodage. Les élèves prennent un réel plaisir à lire

sans difficulté un texte et à pouvoir le comprendre. Dans l’Idée 9, a

été évoquée la nécessité de donner des textes « simples » (en

supposant qu’on en possède une définition) afin que les élèves

puissent former des images mentales au fur et à mesure de leur

lecture. Ils vont enrichir leur lexique orthographique, ce qui facilitera

le décodage et permettra plus surement d’aborder des textes d’un

niveau plus élevé tout en restant dans le champ du possible.

L’enseignant peut également vouloir adapter d’autres textes pour

faciliter le décodage d’un problème en mathématique, aborder des

compétences de compréhension sur des textes courts. Il existe un

logiciel gratuit qui permet de « traduire » d’un simple clic tous les
1
documents en syllabique . Ce logiciel « coupe mots » permet d’autres

aménagements utiles à tout enseignant comme :

le découpage syllabique avec traitement ou non des lettres

muettes ;

insérer un séparateur de syllabes : à utiliser avec une grande

modération si on ne veut pas que les élèves aient une lecture


hachée, et qui peut nuire à la constitution du lexique

orthographique puisque le mot n’est pas présenté en entier mais

par bout.

Signaler uniquement des sons complexes : en couleur, en gras,

souligné. Lors d’une rencontre avec une graphie étudiée ou qui

pose encore souci, cela peut rappeler à l’élève d’être vigilant.

Signaler des lettres : en couleur, en gras, souligné. Lors de

confusion visuelle (d/b) l’attention de l’élève est attirée sur une

de ses difficultés.

Adaptation du format des textes : interlignes, espace entre les

mots, soulignage alterné des lignes pour les élèves qui ont des

difficultés pour le retour à la ligne. Attention de laisser un aide-

mémoire (un carton avec l’alternance des couleurs collé sur le

bureau) pour que les élèves puissent se repérer facilement.

Ce logiciel est vraiment un outil complet qui permet à

l’enseignant d’adapter le texte en fonction des difficultés.

Une progression peut être proposée dans cette présentation

syllabique : avec des couleurs, puis en noir mais en jouant pour telle

syllabe sur le gras de la police, puis le texte « normal » mais avec

encore quelques lettres muettes grisées et des mises en relief de

certaines graphies difficiles.

Ne pas oublier de retourner sur le site Internet pour voir les

fréquentes mises à jour.

1- http://stephaxad.over-blog.com/article-71442623.html
IDÉE

85
COPIER, PAS SI IDIOT ! (1)

Mis à mal, l’exercice de copie représente à lui seul le « pouvoir »

de l’enseignant sur les élèves. Ceux-ci doivent copier dans un temps

donné, sans forcément comprendre ce que le « maitre » (dans le

premier sens du terme) demande. Bien souvent, cet exercice était

suivi de l’apprentissage par cœur, comme la liste des départements.

Puis la copie a été laissée de côté, car beaucoup jugeaient qu’elle

n’avait aucun sens, d’autant que les photocopies fournissaient des

supports d’apprentissage bien plus convenables. L’exercice de copie

se réduisait à la punition.

On sait aujourd’hui que la copie va participer à la mise en

mémoire du lexique orthographique, et au stockage des mots en

mémoire. La mémoire n’est pas uniquement visuelle mais aussi

kinesthésique. Par les exercices de copie, on va créer des

automatismes de transcription. Ces automatismes sont nécessaires

pour libérer la pensée et permettre à l’élève de se concentrer sur le

sens de ce qu’il écrit. Quand un élève bataille encore en se

demandant si « l’école » est en un mot ou deux, où on coupe, s’il n’y

a pas un piège avec les « e » muet, quel est le sens de l’accent, on

peut parier aisément que l’histoire de ce qui se passe à l’école et

qu’il veut raconter par écrit, est oubliée.

Au collège, au lycée, l’automatisme de la copie va permettre la

prise de note, la rédaction d’argumentaire. L’attention est concentrée

sur le discours.

La copie est donc bénéfique, mais à certaines conditions : il faut

que l’objectif soit d’enseigner la copie sans erreurs. Il ne s’agit pas de

mettre un texte au tableau et de demander aux élèves de l’écrire pour

en recueillir les bénéfices. Voici quelques étapes à ne pas manquer :


Proposer des copies dans le champ du possible : copier des

syllabes, des mots, des phrases.

Créer une situation d’apprentissage : expliciter l’objectif, veiller

à la bonne installation des élèves (uniquement la feuille ou le

cahier et le stylo sont sur le bureau).

L’enseignant lit le texte, les mots. Il explique chaque phrase,

chaque mot est utilisé dans des phrases à l’oral. On ne peut

mémoriser un mot écrit que si l’on en connait le sens.

Le choix des mots est important : privilégier les mots les plus

fréquents, ou ceux qui seront rencontrés dans la journée en

histoire, en science. Le nombre d’exposition joue en faveur de la

mémorisation.

Faire repérer les difficultés de copie : graphèmes complexes,

majuscules, ponctuation, accords.

Aider les élèves à mettre en place des « unités de capture ».

Faire lire puis effacer la première syllabe d’un mot, puis la

seconde. Copier mot à mot, par groupe de sens, des phrases

entières.

Apprendre à se relire, à vérifier.

Faire verbaliser, expliciter les stratégies des élèves.


IDÉE

86
COPIER, PAS SI IDIOT ! (2)

Pour différencier, l’enseignant doit tenir compte des stratégies

mises en place par les élèves. Certains élèves copient lettre par lettre

et n’évoluent pas dans la stratégie. Ces élèves sont bien souvent

également en difficulté en lecture, ils ne sont pas suffisamment à

l’aise avec le code. La copie par syllabe sera alors le premier

objectif. La quantité de copie ne peut donc pas être la même pour

tous les élèves.

Les mots à copier doivent comporter essentiellement des syllabes

maitrisées, connues par ceux qui commencent à automatiser le code.

Pour certains, avoir le texte à copier à coté et en imprégnation

syllabique est nécessaire pour le passage à la syllabe.

Varier les exercices de copie permettra de renouveler

l’apprentissage. Voici différents types d’exercice ; il faut garder en

mémoire que le temps d’exposition ainsi que la distance du modèle

par rapport au cahier sont à déterminer en fonction des élèves :

Copie en dessous : le modèle à copier est au bas de la page.


On peut facilement différencier puisque chaque élève a son

propre modèle.

Copie retournée : le modèle à copier est au verso de la feuille.


Il s’agit de retourner le moins possible la feuille, tout en faisant

le moins d’erreurs. On réserve un espace pour que l’élève fasse

une croix à chaque fois qu’il a eu besoin de retourner la feuille.

À nouveau, chaque élève a ici son propre modèle

Copie flash : l’enseignant a des étiquettes avec des syllabes ou


des mots. Il montre l’étiquette puis la cache. La correction se fait

à chaque syllabe ou chaque mot, pour que les élèves puissent

juger de la pertinence de leur stratégie. Le temps d’exposition


peut varier selon la longueur du mot ou le nombre d’expositions

déjà proposées.

Copie surveillée : un élève copie le modèle, son voisin le


« surveille ». Sur un modèle, ce dernier note les endroits où le

copieur lève la tête, il fait un trait sur le texte. Il note également

quand le copieur revient sur un mot, et il fait une croix. C’est un

excellent moyen de faire prendre conscience à l’un de sa propre

stratégie et à l’autre d’une façon différente de copier.

Copie différée ou marchée : le modèle à copier est éloigné du


cahier, au fond de la classe par exemple. Les élèves n’ont droit

qu’à un certain nombre de voyages pour copier la phrase. La

longueur de la phrase est un élément de différenciation.


IDÉE

87
ÉCRIRE, ÉCRIRE…

Dès le début du CP, les activités de production d’écrit doivent

être au moins bi-hebdomadaires et ritualisées. Il vaut mieux écrire

peu mais quotidiennement. Il est exact que ces activités prennent du

temps, mais leur impact sur la lecture est énorme. Lorsqu’on apprend

à lire, on sait lire mais, quand on apprend à écrire, on sait lire ET

écrire. Lecture et écriture se font écho. Lire pour écrire, écrire pour

lire, écrire pour comprendre comment je m’y prends pour lire. La

pratique de l’écriture favorise les liens entre toutes les activités

mécaniques proposées.

Les entrées pédagogiques privilégiées au CP laissent des traces.

Ainsi dès le CE1, on voit des élèves lecteurs très corrects mais

incapables d’écrire phonétiquement. Souvent, ce sont des élèves qui

n’ont pas bénéficié d’activité d’écriture tant en dictée qu’en

expression écrite. Les écarts entre élèves selon l’environnement

scolaire sont déjà présents.

Les activités de production d’écrits sont celles qui permettent à

l’élève d’être le plus acteur dans l’apprentissage du code. Parce que

l’élève se questionne, l’enseignement est plus efficace, la motivation

plus grande. Il va découvrir des régularités qui lui permettront de

s’apercevoir qu’il ne faut pas tout réinventer à chaque fois. La joie

d’être lu est un excellent moteur pour l’apprentissage.

Pour s’exprimer par écrit, plusieurs compétences sont convoquées

avoir quelque chose à dire, à partager, planifier le travail ;

mettre ses idées en mots, préparer une formulation ;

écrire avec deux difficultés : maitriser le geste graphique et faire

le lien phonographique, tout gardant en mémoire ce que l’on

veut écrire ;

se relire pour se corriger ;


divulguer le message.

Les élèves débutant l’expression écrite au CP ne peuvent gérer

toutes ces activités en même temps. L’enseignant doit être au clair

sur l’objectif visé lors de la séance. Par exemple, si on veut informer

les parents d’un évènement, le travail portera plus particulièrement

sur la mise en mots, le choix du support de communication et donc

la dictée à l’adulte supplée à la transcription.


IDÉE

88
MENER DES ACTIVITÉS D’ÉCRITURE EN CP

Pour certains élèves, la mise en mots est difficile, soit par

manque d’idée, soit par timidité. Au début du CP, l’enseignant ne

peut attendre que les élèves mettent par écrit un long récit. Malgré

tout, il existe des activités d’expression écrite simples à mettre en

place et qui limitent le temps de mise en mots.

Par exemple :

faire des listes, écrire un mot : ce que l’on aime, ce que l’on

déteste, faire la liste du contenu du sac pour la piscine, de ce

dont on a besoin pour une sortie...

caractériser un personnage d’un album lu par l’adulte, ses

sentiments, ce qu’il inspire...

écrire à la manière de…. L’enseignant choisit un texte avec des

formules redondantes comme par exemple : « Une histoire

sombre, très sombre » (de Ruth Brown. Folio Benjamin), « Quel

radis dis-donc » (de Pauline Gay-Para et Andrée Prigent. Éditions

Didier Jeunesse), des poésies : « Le château de Tuileplate »

(Glyraine)… Les élèves doivent continuer le texte.

Utiliser les pictogrammes. Un élève fait une phrase, l’écrit, puis

il fait lire sa production à un autre élève qui doit trouver et

replacer les pictogrammes dont il est question. Les

pictogrammes ont l’avantage de garder la phrase en mémoire. Le

nombre peut être imposé par l’enseignant en fonction des

habiletés.

Reprendre des supports utilisés en maternelle en langage oral et

faire des jeux de paires (dessin, texte) pour les utiliser au

Mistigri, Mémory, dominos. Voir par exemple avec « Apprendre

la grammaire avec des jeux de cartes » (Mireille Kuhl-Aubertin.

Retz).
Photographier des moments de classe et les légender.

Raconter une expérience de science, résumer une histoire.

L’enseignant peut aussi demander à des élèves de verbaliser

leurs idées afin de les partager avec d’autres élèves qui en ont

moins.

Les outils d’aide à l’écriture doivent être montrés, nommés,

explicités avant chaque activité d’écriture. On met à jour les

procédures : « pour écrire (tel mot), il faut… », on peut regarder sur

une affiche, un livre… Pour aider les élèves, on met en évidence le

« comment s’y prendre ». Pour certains élèves, cette préparation va

durer plus longtemps que pour d’autres car il s’agit d’adapter les

attentes aux possibles de l’enfant. L’enseignant est un accompagnant.

Peu importe comment c’est écrit (écriture bâton, attachée),

l’important est que les élèves écrivent.

Une fois la tâche effectuée, l’enseignant demande aux élèves de

surligner les mots dont ils ne sont pas surs afin de commencer à

insuffler le doute orthographique : c’est parce qu’on doute que

l’on cherche dans le dictionnaire, dans un cahier de règle. En CP,

cette démarche n’est pas envisageable sauf pour certains élèves,

mais elle doit être automatisée pour plus tard. « Je doute donc je

cherche ». Instaurer cette démarche dès le départ facilitera

l’autonomie par la suite.

La correction des mots ou des phrases est faite immédiatement

après. Elle est commentée par l’enseignant qui explique, montre

l’utilisation d’outils, la démarche. Si c’est une phrase décidée

par la classe, la correction se fait en commun. On mutualise les

stratégies.

Laisser aux élèves des moments de liberté d’écrire, un coin

écriture peut provoquer des envies. Les élèves rencontrent des

graphies non encore étudiées.


IDÉE

89
ÉVALUER L’AISANCE DANS LE DÉCODAGE

Dans l’Idée 4, nous avons mesuré la difficulté à comprendre un

texte lorsque le décodage* n’est pas maitrisé. Avant de dire qu’un

élève ne comprend pas, l’enseignant doit se demander si cet élève

sait décoder* le texte, s’il a une aisance suffisante pour mettre en

place ses capacités de compréhension. Par exemple, l’enseignant

peut proposer de lire le texte et évaluer si la compréhension est

meilleure quand le texte est lu par l’adulte. Plus simplement, un test

peut permettre de repérer des retards ou difficultés dans la

compétence de décodage, mais il faut qu’il soit étalonné. On ne peut

se contenter d’une évaluation sur le ressenti lorsqu’il s’agit de la

lecture.

Lire aisément veut dire lire à une certaine vitesse, ce qui se

traduit par un nombre de mots lus correctement en une minute. Il

faut que chaque texte soit étalonné car l’évaluation se fait par la

lecture oralisée, seule façon de savoir si les mots sont lus

correctement ou non. Or la vitesse de lecture oralisée est dépendante

de la longueur des mots. Il faut un certain temps pour lire/dire

« anticonstitutionnellement » et un temps bien moindre pour lire/dire

« le ».

Lorsqu’un expert lit, la lecture silencieuse n’est pas dépendante

de la longueur des mots mais pour les élèves en cours

d’automatisation et en lecture orale, seul des supports de lecture

testés, dont les résultats ont été traités statistiquement sont valides.

Le laboratoire Cogni-Sciences propose deux tests gratuits à


1
destination des enseignants :

E.L.FE ( Évaluation de la Lecture en FluencE) : il est étalonné du


e
CE1 à la 5 et se compose de deux textes. L’enseignant fait lire
individuellement chaque élève pendant une minute. Il note le

nombre de mots lus correctement (les mots mal lus ne sont pas

pris en compte). Une fois le score déterminé, un tableau permet

de constater le niveau d’aisance dans le décodage.

ROC ( Repérage O rthographique Collectif) : il est étalonné pour


e e
les CM2, 6 , 5 . La théorie sous-tendant ce test est qu’un bon

orthographieur est rarement un mauvais lecteur. Deux items

d’orthographe sont passés collectivement. L’enseignant corrige et

seuls les élèves repérés comme ayant une orthographe peu

conforme doivent lire un texte pendant une minute. Des

tableaux recensant les résultats sont disponibles sur le site et

sont prêts à l’emploi.

Ces deux tests n’évaluent absolument pas les capacités de

compréhension, ils ne sont pas faits pour cela. D’ailleurs, avant de

faire lire le texte, on précise bien aux élèves qu’aucune question de

compréhension ne leur sera posée, mais on exige que le ton (arrêt au

point, souffle à la virgule) y soit.

La correction n’est pas donnée aux élèves et ces tests ne font

l’objet d’aucune note. Les résultats restent confidentiels : ce sont des

outils au service de l’enseignant. Il sera intéressant en fin d’année de

proposer le même test pour noter les progrès et mettre en valeur le

travail de l’élève.

1- http://www.cognisciences.com/rubrique.php3?id_rubrique=2
IDÉE

90
INTÉRÊTS ET LIMITES DU TEST E.L.FE

Le test E.L.FE permet de repérer rapidement les élèves en

difficulté en lecture dès le CE1. Il est judicieux de faire passer ce test

au mois de novembre pour ce niveau de classe. En rentrant des

vacances d’été, certains élèves ont « oublié » la lecture. Des activités

de révision sont nécessaires avant de se lancer dans des activités de

remédiation. Par contre, pour les autres niveaux de classe,

l’enseignant fait passer ce test dès septembre, ce qui lui permet

rapidement de connaitre le profil de la classe et d’aider les élèves

encore fragiles.

Si le test E.L.FE permet de repérer les élèves en difficultés de

décodage*, il ne permet pas de savoir ce que l’enseignant peut

proposer. Dans l’Idée 4 nous avons vu qu’un lecteur expert utilise

deux voies de lecture avec une grande priorité pour la voie directe.

Par le test, on repère la lenteur grâce à l’étalonnage mais on ne sait

pas quelle voie de lecture est mise en place. Est-ce que l’élève lit

lentement car le déchiffrage est difficile et il s’aide du sens, ou bien

lit-il lentement parce que c’est le lexique orthographique qui n’est

pas mis en place ?

Pour analyser plus finement les difficultés, l’enseignant peut

proposer une dictée. Elle n’est pas préparée et pas corrigée avec les

élèves car en fin d’année les élèves qui auront bénéficié d’un

accompagnement personnalisé repasseront la lecture E.L.FE et la

dictée. Ce seront d’excellents indicateurs pour savoir si ce qui est mis

en place est suffisant.

Pour avoir des exemples de dictées à proposer, voir le blog 100

Idées : http://www.tompousse.fr/100idees. Ces dictées tiennent


1
compte de l’échelle orthographique « EOLE » .

La correction de la dictée prend en compte 3 types d’erreurs :


phonétiques : « grand » pour grande, « fait lisite » pour félicite ;

orthographiques : « sélense » pour s’élance, « faure » pour forts ;

homophoniques : « s’est » pour c’est.

Cette correction s’inspire des travaux de Nina Catach sur le

système orthographique français. On ne compte qu’une erreur par

mot, la plus importante étant le mot écrit non phonétiquement.

Si l’élève a beaucoup d’erreurs phonétiques, alors il faut lui

proposer des activités autour du code comme ce qui est proposé avec

« l’imprégnation syllabique » (voir l’Idée 82). Si l’élève a plutôt des

erreurs orthographiques, alors il s’agira de lui proposer des activités

pour enrichir le lexique orthographique (voir l’Idée 92).

Les difficultés en orthographe grammaticale ne sont pas prises en

compte car elles font l’objet d’apprentissages tout au long du

primaire et aussi du secondaire.

1- Béatrice Pothier, Philippe Pothier : ÉOLE, Échelle d'acquisition en orthographe lexicale : pour l'école élémentaire, du CP au CM2. Retz, 2002 ; 2004 (avec

CDROM).
IDÉE

91
R.O.C. DEUX ÉLÈVES, DEUX PROJETS

Pour corriger le test ROC, il faut être psychorigide. Une erreur

oubliée et l’élève ne sera pas repéré. Il ne va pas lire le texte et

aucun entrainement ne sera proposé. Attention aux accents oubliés

ou écrits à la verticale, c’est le lecteur qui choisit. Attention

également aux écritures illisibles, où tout est possible. Certains

élèves développent ce genre de stratégie, sachant que l’enseignant

fatigué verra ce qu’il souhaite voir…

Prenons l’exemple de deux élèves en CM2 : le premier élève lit

correctement 68 mots à la minute, le second 74.

Je vais vous raconter litore d’un janti petit garçon qui saplèere

gos. Il abite chan son moncle un vieu meuseu qui vie dans un

boure. Cete enfant poserde une dons exardiner en éfai, gare à

c’est eoy vert, il vois bocoup pul lois et pesisément que tout le

monde ! dans ses pupieus se trouve des sgimer imtergré

incoconique et invible.

Je vais vous raconter l’histoires d’un jantis petit gaçon qui

sappele djau. Il abitte jer son noncle, un vieux meutieu qui vis

dant un bour. C’ette enfant paussette un dont extraeurdinaire en

effei, grace a ces yeu vert, il vois beaucoup plus loins et

préssisément que tout les monde ? dans ces pupilles se trouve

des jumeile intégrés microquopique et unvisible.

On ne peut pas donner à ces deux élèves les mêmes activitéspour

continuer l’apprentissage de la lecture. Il faut faire le bon constat

pour les aider aux plus près de leurs besoins.

Le travail d’analyse fine de l’enseignant est nécessaire pour

mettre en place des activités ciblées. En effet, grâce aux tableaux de


résultats, on sait rapidement qui est en difficulté et qui ne l’est pas.

Mais il reste la question de savoir que proposer. Seule une analyse de

la dictée peut permettre de répondre à cette question. L’enseignant

corrige à nouveau les dictées mais uniquement celles des élèves

signalés après la passation de la lecture.

Trois types d’erreurs sont pris en compte :

Phonétiques : « poserde » pour possède, « pésisément » pour


précisément. Les plus inquiétantes en CM2 et au collège.

Orthographiques : « meutieu » pour monsieur, « bocoup » pour


beaucoup.

Homophoniques : « c’est » pour ses, « verre » pour vert. Dans


le cas présent, ce ne sont pas les erreurs les plus inquiétantes.

Il s’agit de savoir où en est l’élève, c’est-à-dire savoir quelle voie

de lecture est mise en place :

si la voie indirecte est opérationnelle, il s’agira de proposer des

activités pour enrichir le lexique orthographique afin d’améliorer

la vitesse de lecture. Dans ce cas la dictée du ROC est

phonétiquement correcte (voir l’Idée 92).

si la voie indirecte n’est pas mise en place, l’écriture des mots

de la dictée n’est pas phonétique : il s’agira alors de proposer

des activités sur le code (voir l’Idée 82).


IDÉE

92
CONTINUER L’APPRENTISSAGE DU CODE AU
DELÀ DU CP

Certains élèves ont besoin de plus de temps pour continuer

l’apprentissage du code. Tout ne se joue pas en CP.

D’une part, certaines graphies complexes (« euil », « gn ») et les

graphies contextuelles (graphèmes dont la traduction en phonèmes

dépend de leur environnement : « g », « c ») sont loin d’être

automatisées à la fin du CP. Le premier trimestre de CE1 doit être

consacré à cet apprentissage avant d’entrer dans les règles

d’orthographe. Pour certains élèves ce seront des révisions, pour

beaucoup d’autres il s’agira d’assoir des connaissances peu utilisées

et qui ont besoin d’être réactivées après le passage des vacances.

D’autre part, des expériences menées en cycle 3 et en collège

montrent que les élèves peuvent vraiment progresser dans la maitrise

e
du code. Jusqu’en 6 , ils acceptent volontiers les exercices à partir de

« l’imprégnation syllabique » ou à partir de « fluence ». Ces

exercices les rassurent, ils savent qu’ils en ont besoin, et se retrouver

à 4 ou 5 élèves dans un groupe d’aide dédramatise la difficulté :

l’élève voit qu’il n’est pas le seul à avoir encore besoin

d’entrainement.

Pour que l’aide prenne du sens, il importe de faire un constat

avec les élèves, de dire que les exercices vont être rituels, qu’ils vont

les aider et surtout il faut qu’ils croient en leurs possibilités de

progression. Ajouter à cette « recette » un peu de cohérence : la

lecture est transversale, la difficulté est donc transversale. Il s’agira

temporairement de mettre en place des adaptations telles que l’élève,

sans avoir à lire beaucoup, puisse montrer ses capacités réelles dans

différents domaines. Par exemple, réussir un problème en maths,


quand on a des difficultés de lecture, devient vite difficile.

L’enseignant doit donc faire la part des choses et cibler son objectif.

Résoudre un problème de maths n’est pas fait pour travailler la

lecture mais bien le raisonnement, et donc lui lire l’énoncé du

problème peut permettre à cet élève de travailler vraiment la

compétence visée.
IDÉE

93
CONTINUER D’ENTRAINER LA CONSCIENCE
PHONOLOGIQUE

Lors des séances d’aide/soutien à la lecture, l’enseignant doit

continuer de faire des exercices entrainant la conscience

phonologique. En cycle 3 ou au collège, on n’ose plus proposer ces

activités de peur de « prendre les élèves pour des bébés ».

Tout dépend des activités présentées. Si l’enseignant demande

aux élèves de trier des images en fonction d’un son, le rejet de

l’activité sera effectivement total car cette activité est vraiment très

connotée « enfant ».

Mais voici d’autres activités possibles :

Trouver le nom d’un pays ou d’une ville à partir des syllabes

initiales d’une série de mots : par exemple, à partir de la série

idiot, tapis, linotte, l’élève doit trouver Italie. L’élève doit dire
aussi sur quel continent est le pays pour remporter le point. Les

élèves peuvent inventer ces « devinettes » pour des pays ou tout

autre sujet. On peut faire le même exercice avec le premier

phonème.

Jouer au baccalauréat : trouver le plus grand nombre de mots

commençant par un phonème donné, selon une catégorisation :

par exemple, noms de pays, d’animaux, de personnages

historiques commençant par « D ».

Demander aux élèves combien il y a de phonèmes [GN] dans

une phrase. Par exemple : « À la campagne, les araignées

règnent sur les champs. » « Le rossignol se réveille comme un

papillon grognon. » « La fille baigne son agneau dans la

baignoire en paille. »
Parler en verlan. Plus les mots ont de syllabes, plus la difficulté

est grande.

Apprendre des phrases de virelangues : « Les chaussettes de

l’archiduchesse… »

Écouter la lecture d’un poème, puis en dire la structure, et

justifier : tercet, quatrain, rimes couplées (AABB), croisées

(ABAB), assonance, allitération.

Cela permet :

de travailler la discrimination auditive (parfois certains sons sont

encore confondus),

d’entrainer la mémoire de travail nécessaire à toutes les activités

scolaires et de la vie courante,

d’enrichir le lexique et la culture.


IDÉE

94
ENTRAINER LA FLUENCE

Les activités améliorant la rapidité et l’aisance de lecture (la

fluence) s’adressent aux élèves qui ont une écriture phonétique (la

voie indirecte est construite) mais qui n’ont pas encore mémorisé

l’orthographe des mots (la voie directe est fragile). L’apprentissage du

lexique orthographique se fait péniblement.

Les éditions « La Cigale » proposent une démarche à partir de

fichiers « Fluence ». Ces textes ne sont pas longs : entre 50 mots pour

e
le CE1 et 240 mots pour la 6 . Ils ne présentent pas trop de difficultés

de compréhension mais, selon leur environnement socioculturel,

certains élèves peuvent être plus résistants. Selon le vocabulaire

employé et les sujets abordés, les difficultés seront plus ou moins

importantes car plus ou moins connues des élèves. En général, les

référents culturels de ces textes sont ceux de la plupart des enfants,

selon les âges.

• Avant toute lecture du texte par les élèves, il faut veiller à ce

que la compréhension du support soit parfaite car on ne peut

« enregistrer » que les mots que l’on comprend : en présence de

difficultés de compréhension, l’activité cognitive va se déplacer et

cela risque de contrarier la mémoire orthographique. L’enseignant lit

donc le texte, explique le vocabulaire pouvant présenter des

difficultés, demande aux élèves de reformuler le texte, et le relit si

nécessaire : tout problème de compréhension doit être évacué. Lors

de la séance suivante, il sera intéressant que l’enseignant lise à

nouveau le texte et demande une reformulation en insistant sur

l’emploi du vocabulaire nouveau.


• La démarche repose essentiellement sur plusieurs lectures du

même texte. Les lectures sont chronométrées, les erreurs notées afin

de mesurer à chaque lecture l’amélioration de la lecture oralisée. Il

faut rencontrer plusieurs fois un mot en lecture pour l’inscrire dans le

stock lexical. C’est pourquoi, afin d’être sûr de rencontrer plusieurs

fois les mêmes mots, on fait lire aux élèves le même texte. Voyant

leur performance augmenter, les élèves sont très motivés pour lire et

s’entrainer à la maison.

Il est intéressant de compléter cette proposition de démarche

avec de l’écrit. On sait que l’écriture participe fortement à la

mémoire orthographique. L’alternance de copies flashs et de copies

différées contenant des mots du texte ciblés pour leur fréquence


1
rendra les séances plus dynamiques .

1- Pour une proposition de démarche alternant lecture/écriture, voir le blog 100 Idées : http://www.tompousse.fr/100idees
IDÉE

95
LES GRAPHIES CONTEXTUELLES

Les graphies contextuelles sont les graphèmes qui changent de

« son » en fonction des lettres qui les entourent. En français, les

principales graphies contextuelles sont : g, c, s.

Ces graphies posent des soucis encore en fin de cycle 3. Par

exemple, les élèves lisent le mot figue comme figure ; le mot girafe

est écrit avec un « j » ; en conjugaison, nous mangeons est écrit

« nous mangons » ou « nous manjons ». Si quelques fois ces erreurs

sont dues à un manque d’attention, bien souvent une mauvaise

entrée dans l’apprentissage de ces graphies explique des difficultés

récurrentes et partagées par nombre d’élèves. Les élèves savent lire

des mots avec ces graphies car ils se servent du sens. C’est lors de la

lecture d’une liste de mots hors contexte que les difficultés

apparaissent : si les mots ne sont pas connus, alors la lecture devient

nettement laborieuse.

Ces graphies sont étudiées tard dans l’année du CP, et bien

souvent les élèves ne sont pas prêts pour aborder cet enseignement.

En CE1, ces graphies sont révisées alors qu’elles devraient faire

l’objet d’un apprentissage explicite et sur un temps assez long. Une

leçon, une semaine ne suffisent pas à comprendre et automatiser ces

complexités.

Pour les élèves en difficulté, il est nécessaire de simplifier les

règles à connaitre et la présentation de l’objet d’étude. Dans nombre

de manuels, par exemple, on aborde le son [S], par ses différentes

graphies : s, ss, c, ç, t, x. Mais rien n’est proposé uniquement sur le

fonctionnement « mécanique » du « s ». Pour aborder cette graphie,

l’enseignant doit s’assurer que les élèves connaissent les termes

« voyelle » et « consonne ». Le « s » se prononce [Z] entre deux


voyelles mais si l’élève n’est pas au clair avec ces mots comment

appliquer et retenir cette règle ?

Autre exemple pour le « g » : il suffit de savoir que lorsqu’il est

suivi des lettres e, i, y, il fait le son [J]. Dans tous les autres cas, cette

graphie sonne [G]. Il n’est pas nécessaire d’ajouter : Mais pour faire

« G » avec un « e », il faut mettre un « u »…

Des lectures et des dictées de faux-mots assurent la mise en place

de la mécanique. Avec ces graphies, les élèves se servent

particulièrement de leur connaissance lexicale, ce qui veut dire que

lorsque le mot est nouveau ils ne peuvent ni le décoder, ni le


1
comprendre, ni le mémoriser .

1- Pour avoir des propositions de séance sur ces graphies voir le blog 100 Idées : http://www.tompousse.fr/100idees
IDÉE

96
L’ORTHOGRAPHE EST-ELLE NÉCESSAIRE ?

Inventée il y a peu dans l’histoire de l’humanité, l’utilité de

l’orthographe se situe au niveau du lecteur.

La première invention orthographique a été la segmentation. Il a

e
fallu attendre le V siècle de notre ère pour que se mette en place la

lecture silencieuse.

Petite expérience n°1


« MonsieurGrandetjouissaitàSaumurdune réputationdontles

causeset leseffetsneserontpasentièrementcomprisparlespersonn

esquinontpointpeuouprouvécuenprovince. »

(extrait d’Eugénie Grandet, d’H. de Balzac)

L’orthographe est née, s’est imposée par le biais de l’imprimerie

et de la nécessité pour le lecteur de lire vite. Sans norme

orthographique, le lecteur ne peut se servir de sa voie directe : tout

devient décodage* et la lecture devient un exercice

intellectuellement très exigeant. Mettre en place la compréhension

alors que le cerveau est déjà bien pris par le décodage devient

rapidement fatigant.

Petite expérience n°2


« Grendait enquor nomet part sertène jean le pair Grandès, mé

nonbreu de c’est vyeyar diminuest sanciblemant, er tè ans 1789

meittre taunnelyer. »

(autre extrait d’Eugénie Grandet, d’H. de Balzac)

Cette lecture se fait par la voie indirecte. Lire Balzac dans ce

format est loin de constituer une lecture plaisir.


L’orthographe est également porteuse de sens : « Claude est

partie » — > Claude est donc une fille. « Sept souris traversent

l’étroit jardin » / « cette souris traverse les trois jardins » : même

prononciation mais, à cause de l’orthographe, pas la même image

mentale.

Si on analyse les SMS, même s’ils sont loin de la norme

orthographique, ils ne sont pas sans code. Les mêmes mots s’écrivent

de la même façon, afin de permettre une lecture rapide. En cela on

peut dire que l’écriture SMS est un second langage écrit.


IDÉE

97
LES PRINCIPES D’ENSEIGNEMENT DE
L’ORTHOGRAPHE

Combien d’élèves de cycle 3 écrivent « cailloux » le mot caillou

au singulier. C’est en effet essentiellement sous cette forme, cailloux,

qu’ils ont vu ce mot écrit car il fait partie des exceptions des pluriels

en « s » : en orthographe, on enseigne plus longuement les

exceptions que les régularités.

La démarche d’enseignement de l’orthographe doit être

d’enseigner les régularités bien avant les exceptions, et surtout de ne

pas présenter les exceptions juste à la fin de la leçon. Il faut attendre

que les régularités soient en cours d’automatisation pour présenter

les exceptions. Ce qui veut dire qu’il vaut mieux enseigner que les

mots prennent un « s » au pluriel, et faire des exercices

systématiques avec cet objectif : mettre au pluriel une liste de mots,

dictée avec des pluriels. Les pluriels en « x » seront présentés et

étudiés après, voire même après qu’on aura enseigné une autre

notion afin de ne pas les mettre en opposition. Puis, l’enseignant

proposera des exercices où se mêleront les différents pluriels. Trop

souvent, dans les manuels on commence par la fin.

Il ne faut pas confondre apprentissage implicite et automatisation.

Au cours de leurs lectures, les élèves, dès leur plus jeune âge,

rencontrent différents pluriels : un cheval/des chevaux. Mais cela ne

veut pas dire que l’on peut exiger le traitement du pluriel en

production d’écrit dès le CE1.

Le français est une des langues les plus difficiles à écrire. Son

enseignement prend des années. Un même fait orthographique doit

être présenté de nombreuses fois pour être automatisé, mais en

partant du plus simple au plus compliqué. Par exemple, l’accord

adjectif/nom est plus ou moins facile en fonction de la place de ces


mots dans une phrase. « Des histoires drôles » est plus facile que

« Assourdis par le bruit, les enfants sont partis… »

L’enseignant doit avoir un objectif clair au cours des activités,

notamment celles de dictée. Les travaux des Pothier [20] ont montré

que l’impact du lexique orthographique sur l’orthographe

grammaticale est important. Par exemple, l’accord en nombre de

« les histoires drôles » est réussi à 64 % en CM1, « les ordinateurs

performants » à 43 %. Le répertoire lexical sur les mots ordinateurs

et performant n’est pas performant. Il faut que les éléments lexicaux

soient dans la compétence des élèves pour mettre en place

l’orthographe grammaticale.

L’enseignement de l’orthographe doit être quotidien, rigoureux

mais aussi joyeux, ludique. On résout des problèmes, on discute, on

justifie, on argumente. La parole doit accompagner l’enseignement.

L’enseignant doit insister plus sur les succès que sur les échecs.

Ne pas tout noter, faire de l’exercice de la dictée un outil au

service de l’apprentissage et pas uniquement de l’évaluation.

Évaluer positivement : la dictée est le seul exercice où on ne

peut que perdre des points. Pourcentage de mots justes,

distinguer accord/lexique, ne prendre en compte qu’un objectif

(l’accord en genre)… autant de façons de changer l’ambiance de

l’évaluation.
IDÉE

98
ENRICHIR LE LEXIQUE ORTHOGRAPHIQUE

La mémorisation des mots dépend :

de la régularité phonographique : bucheron est plus facile que

monsieur ;

de la fréquence de la lecture : implicitement, le cerveau procède

à une organisation des mots par repérage inconscient des

régularités ;

de la compréhension de ces mots par l’élève en langage passif ;

de l’utilisation de ces mots en langage actif. Retenir le mot

néanmoins est plus compliqué que retenir le mot escroquerie

(24 % contre 62 % dans l’échelle EOLE).

Les exercices de copie participent à l’enrichissement de

l’orthographe lexicale mais ne sont pas suffisants, compte tenu de la

difficulté du français.

Les processus de mémorisation ne procèdent pas simplement

d’ajouts : la mémoire n’est pas un tiroir où tout est rangé au fur et à

mesure, dans n’importe quel ordre. L’apprentissage n’est pas linéaire.

L’élève (et l’adulte aussi) mémorise, apprend par analogie : « C’est

comme… ». Aussi, plutôt que de procéder en CE1 par une « entrée »

sur le son, l’enseignant et les élèves construisent des listes

analogiques. Savoir par exemple que le son [S] peut s’écrire : « s »,

« ss », « c », « ç », « t », « x » ne permet pas d’écrire correctement

les mots maçon ou préparation.

Une liste analogique est une liste de mots qui ont en commun un

morceau qui se prononce et s’écrit de la même façon. Autrement dit,

il est plus facile de mémoriser que garçon, maçon, glaçon,

colimaçon se terminent par « -çon », que de mémoriser poisson,

garçon, son, hérisson, leçon, ourson.


Ces listes analogiques seront construites avec les mots rencontrés

dans la journée de classe, aussi bien en français qu’en histoire ou en

science.
IDÉE

99
DÉCOMPOSER EN MORPHÈMES

Le morphème est la plus petite unité de la langue qui véhicule du

sens. On distingue les morphèmes dérivationnels (chant- chanteur) et

les morphèmes flexionnels (chanteur, chanteurs). Par exemple, le mot

chaton est composé de deux morphèmes dérivationnels : « chat » et

« -on ». Le premier est le radical, le second l’affixe.

80 % des mots de notre vocabulaire se composent de plusieurs

morphèmes. C’est donc un puissant mécanisme de création de mots

et cela peut devenir aussi un mécanisme de mémorisation lexicale.

Des expériences ont montré qu’un mot est plus facilement

identifié quand il comporte un morphème déjà présent dans le

lexique mental de l’enfant. De même, on a mis en évidence qu’une

fois la voie phonologique mise en place, automatisée, les élèves

utilisent plus volontiers les morphèmes en situation d’écriture de

mots. Le « t » de lait fait référence à laitage, le « -in » de jardin écrit

avec un « i » s’entend dans jardinier. Ainsi, les compétences

morphologiques jouent un rôle dans l’acquisition de l’orthographe.

Un enseignement explicite mené à l’oral comme à l’écrit doit

permettre aux élèves de prendre conscience de ces aspects de la

langue. Observer des familles de mots : dent, dentiste, dentier va

permettre de se rappeler du « t » à la fin du mot dent. Observer des

mots comme renardeau, éléphanteau permet de comprendre que le

« -eau » désigne « le petit de… ».

La focalisation de l’attention des élèves sur la morphologie

facilite l’acquisition de l’orthographe mais aussi du vocabulaire. Les

élèves pourront faire des hypothèses sur la signification de certains

mots possédant en commun un même morphème : crédible, risible,

audible, lisible…
Quelques activités :

Demander quel est le nom du petit du chat, de l’âne… puis

proposer des animaux chimériques et demander le nom de leur

petit.

Faire des petites histoires avec les dérivés d’un mot : « J’ai mal à

la dent ; je suis allé chez le dentiste qui avait perdu son

dentier. »

Identifier des mots de la même famille ou non : chat/chaton/

chatte mais pas château ni chatouiller ; retomber c’est tomber

une deuxième fois, refaire c’est faire une deuxième fois, mais

pas refuser.

Faire justifier les lettres muettes en dictée par des références

morphologiques.

Donner des mots à casser en morphèmes : laitier c’est « lait » et

« -ier »

Le fichier « BATIMO » d’É. Calaque et G. Martino [4] permettra

de continuer de façon ludique ces activités sur la morphologie.


IDÉE

100
ET S’IL (ELLE) ÉTAIT DYSLEXIQUE ?

La dyslexie est un trouble de l’apprentissage de la lecture : ce qui

veut dire qu’avant de penser à une dyslexie, il faut que

l’apprentissage de la lecture ait été engagé. Si certains signes comme

un déficit de la conscience phonologique, des difficultés dans

l’apprentissage des lettres de l’alphabet, des difficultés en langage

oral sont des éléments permettant de prédire des difficultés dans

l’entrée dans la lecture, cela ne veut pas dire pour autant qu’on a à

faire avec un élève dyslexique. Les éléments majeurs de diagnostic

d’une dyslexie sont la durabilité et la persistance du trouble, dès lors

qu’on aura préalablement éliminé l’hypothèse d’une déficience

intellectuelle, de pathologies médicales ou d’une scolarisation

aléatoire.

« Le trouble entendu comme expression d’une désorganisation

d’une fonction se discrimine d’une difficulté par la fréquence des

signes, leur durabilité, leur permanence et leur résistance aux


1
remédiations . »

Comme ce trouble affecte la lecture et l’orthographe, c’est à

l’école que le trouble va être révélé, mais l’enseignant n’a pas pour

mission de poser le diagnostic. Le BOEN du 7 février 2002 insiste sur

la nécessité d’un diagnostic pluridisciplinaire : « Lorsque l’ensemble

des signes d’alerte manifestés par un élève laisse à penser que les

difficultés qu’il rencontre peuvent être en rapport avec des troubles

spécifiques du langage oral ou écrit, il est indispensable de mobiliser

les compétences d’une équipe pluridisciplinaire capable

d’approfondir les examens et d’établir, dans les meilleurs délais, un

diagnostic fiable. Les enfants porteurs de tels troubles nécessitent en

effet une prise en charge précoce et durable, parfois tout au long de

leur scolarité. » Comme il faut un décalage d’au moins 18 mois entre


le repérage des difficultés d’apprentissage de la lecture et le

diagnostic, le diagnostic de dyslexie ne peut être porté avant le CE1.

Les différentes études indiquent qu’entre 5 % et 8 % de la

population serait touchée par ce trouble, présent dans tous les

milieux socioculturels. Cependant en fonction de l’environnement,

de l’efficience intellectuelle et de l’accueil dans l’école, le parcours

scolaire de l’enfant ne sera pas le même.

2
Face à la dyslexie, l’enseignant a donc deux missions :

une mission d’alerte : il doit être vigilant devant des difficultés

persistantes en lecture et l’existence d’un décalage entre des

compétences à l’oral et à l’écrit. Il ne doit pas hésiter à en parler

aux parents ainsi qu’au médecin scolaire et au psychologue

scolaire.

une fois le diagnostic posé, l’enseignant, en lien avec

l’orthophoniste et les différents partenaires, doit poursuivre

l’apprentissage de la lecture (continuer à proposer toutes les

activités autour du fonctionnement du code) et mettre en place

des aménagements : lire les consignes, les énoncés, évaluer à

l’oral, avoir des objectifs adaptés en orthographe.

Les aménagements ont notamment pour but de permettre les

apprentissages autres que ceux de la lecture et de montrer à l’élève

que dès lors qu’on l’aide à contourner ses difficultés, il est capable

de résoudre un problème de maths, de répondre à des questions

d’histoire comme les autres élèves.

La dyslexie affecte souvent l’estime de soi : on parle chez ces

élèves d’un sentiment d’impuissance acquis. L’école a donc un grand

rôle à jouer pour que ces élèves puissent montrer de quoi ils sont

capables et continuer leur combat pour apprendre à lire.

1- Rapport de Jean-Charles Ringard, A propos de l'enfant dysphasique et de l'enfant dyslexique :

http://www.education.gouv.fr/cid1944/a-propos-de-l-enfant-dysphasique-et-de-l-enfant-dyslexique.html.

2- Voir G. Reid et S. Green : 100 Idées pour venir en aide aux élèves dyslexiques. Éditions Tom Pousse, 2012.
LEXIQUE

adressage (voie d’) : procédure de lecture (dite aussi lexicale)

différente de la voie d’assemblage, ou phonologique. Au cours de la

lecture, la voie d’adressage permet dès le traitement visuel du mot

écrit d’activer immédiatement sa représentation orthographique au

sein du lexique orthographique dans la mémoire du lecteur et donne

accès à la forme sonore correspondant à ce mot et à son sens. S’il a

déjà lu et mémorisé le mot caméléon, le lecteur le retrouvera dans sa

mémoire et le lira globalement sans avoir à faire appel à l’analyse

phonologique.

décoder (dans le contexte de ce livre) : déchiffrer les mots au terme

d’une analyse séquentielle des graphèmes dont ils sont formés en

faisant correspondre un phonème à chaque graphème, puis d’une

synthèse syllabique qui permet de reconstruire un tout qui amène au

mot. À l’écrit, par la procédure inverse, la séquence auditive du mot

est segmentée en phonèmes, à chaque phonème est associé le

graphème correspondant puis une synthèse permet de générer la

séquence du mot.

digraphe/trigraphe : graphème comportant 2 lettres (ou, en, in)

ou 3 lettres (oin, eau..)

empan syllabique : nombre de lettres contenu dans une syllabe. Il

peut varier de une lettre (« a » dans animal) à plusieurs lettres

(« draient » dans ils prendraient)

épiphonologique (discrimination) : la discrimination

épiphonologique fait référence à un traitement implicite, sans

contrôle intentionnel des unités phonologiques du langage oral, par

opposition à la discrimination métaphonologique, qui se développe

grâce à l’apprentissage de la langue écrite et renvoie à une prise de


conscience et un traitement explicite des unités phonologiques

(d’après Gombert et Colé, 2000 [14]).

graphème : lettre ou groupe de lettres qui transcrivent un phonème.

Le son voyelle [o] peut se traduire en français par plusieurs graphèmes

différents : o, au, eau, ô, ot ; la lettre o, dans le mot « mot » est un

graphème ; le o dans le mot « bout » n’est pas un graphème, mais un

des éléments du graphème transcrivant le son voyelle « ou ».

graphie contextuelle : graphème dont le phonème change en

fonction des lettres environnantes comme « s », « g », « c ».

grapho-phonémique (correspondance) : se dit de l’ensemble des

relations de correspondance entre les signes graphiques de la langue

(graphèmes) et les sons de la parole (phonèmes).

idéographique (système) : système d’écriture dans lequel le mot est

représenté par un signe unique et étranger aux sons dont il se

compose. L’écriture du chinois est idéographique.

idéovisuelle (méthode), méthode d’apprentissage de la lecture, dite

aussi « méthode globale », qui vise à faire appréhender l’écrit à travers

une exploration du texte indépendante de tout décodage, pour que,

par la mémorisation d’images de mots entiers, l’enfant se constitue le

plus tôt possible « un bagage lexical ». Préconisée par certains

pédagogues dans les années 1980, cette méthode est aujourd’hui

généralement abandonnée dans l’Éducation nationale au profit de la

méthode syllabique.

logatome : mot n’existant pas dans la langue étudiée mais respectant

globalement son système grapho-phonémique Par exemple : fiteaux

est un logatome, mais fiteaus n’en est pas un. logographique : se dit

du système de notation graphique du langage. Par extension, se dit de

la manière dont l’enfant devine les mots grâce à des indices visuels

dans les signes écrits : point sur le i, jambage des lettres, ...

métaphonologique (conscience) : connaissance consciente, explicite

des unités phonologiques de la langue. Elle permet de jouer

volontairement avec les éléments sonores comme la syllabe, le


phonème : par exemple enlever la première syllabe d’un mot. Voir ci-

dessus : épiphonologique.

morphème : plus petite unité graphique qui véhicule du sens. Dans

laitier, il y a deux morphèmes : lait + -ier

phonème : plus petite unité sonore porteuse de sens. Il permet de

distinguer sol et bol. En français, il y a 36 phonèmes : 16 vocaliques,

20 consonantiques

phonologique (conscience) : connaissance consciente et explicite

que les mots du langage sont formés d’unités sonores plus petites : les

syllabes et les phonèmes. Elle se traduit par la capacité à percevoir et à

identifier les différents composants phonologiques et à les

manipuler : localiser, enlever, substituer, inverser, ajouter,

combiner… Nécessaire pour l’apprentissage des correspondances entre

unités orthographiques et phonologiques, la conscience

phonologique est essentielle à l’acquisition de la lecture et de

l’écriture.

polysémique : se dit d’un mot qui a plusieurs sens. Par exemple, hôte

se dit aussi bien pour désigner la personne qui offre l’hospitalité que

celle qui est accueillie, et apprendre signifie tantôt enseigner, tantôt

acquérir la connaissance de quelque chose.

subvocaliser : lire en prononçant mentalement les mots qu’on lit.

surcharge cognitive : la mémoire de travail étant limitée, certains

exercices demandent le traitement d’un trop grand nombre

d’informations. Il se produit alors un phénomène de surcharge : on

ne peut plus traiter aucune information.

trigraphe. Voir digraphe.

visuographique (codage) : procédure à travers laquelle l’œil perçoit

et identifie les différents éléments graphiques d’un texte.


BIBLIOGRAPHIE

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POTHIER B. et P. : Pour un apprentissage raisonné de l’orthographe syntaxique.
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apprentissage de la lecture ». Les Cahiers Pédagogiques, mars 2006.
http://www.cahiers-pedagogiques.com/Pratiques-pedagogiques-et.html

Sites Internet :

• Banqoutils : ECPABD01 ; EGSABB01 ; EGSABA01 ; ECPABA01

http://www.banqoutils.education.gouv.fr/index.php

• Pour trouver le logiciel coupe mots :

http://stephaxad.over-blog.com/article-71442623.html

• Laboratoire Cognisciences :

http://www.cognisciences.com/rubrique.php3?id_rubrique=1
et chez le même éditeur…
© Alta communication, 2012
Éditions Tom Pousse
34-38, rue Blomet
75015 Paris

EAN : 978 2 35345 086 2

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