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Un projet de dramédie format 30 minutes

Une série créée par Clémence Dargent & Martin Douaire


PITCH

En 1977, un brillant scientifique français, dont la récente bévue a pulvérisé tous


les espoirs de carrière, est relégué à la tête d’un Bureau officiel chargé
d’enquêter sur les OVNI. Plus qu’un placard, un vrai cauchemar pour ce
cartésien pur et dur qui n'a dès lors qu'un objectif: prouver au monde que ce
Bureau n'a pas plus de raisons d'exister que les martiens.

2
CONCEPT

OVNI(s) est une série inspirée de faits de réels, qui se déroule au cœur du
plus insolite des services d’enquête français.
Le Groupe d’Etude des Phénomènes Aérospatiaux Non-identifié (GEPAN) était
un organisme officiel français, créé en 1977, chargé de l’étude du phénomène
OVNI sur le territoire national. L’idée était d’instaurer une structure
permanente et transparente, capable de traiter les innombrables cas
d’observations rapportés chaque année par la gendarmerie. Rattaché au Centre
National d’Etudes Spatiales (CNES) situé à Toulouse, le service comptait une
poignée d’experts de profils et d’horizons variés, regroupant ingénieurs,
physiciens, psychologues, militaires et même juges d’instruction. Ces experts,
aussi hétéroclites dans leurs compétences que dans leurs opinions vis-à-vis de
leur sujet d’étude, arpentaient les routes françaises, animés par la conscience
d’être les pionniers d’une discipline scientifique nouvelle. Tous avaient à cœur
de mettre au point une méthode d’analyse rigoureuse susceptible de donner
des réponses scientifiques aux interrogations de la population. Tous se
sentaient investis d’une mission d’ordre public : faire triompher les lumières du
progrès et de la science sur les ténèbres de la croyance et de l’irrationnel.
L’utilité de ce bureau insolite était souvent contestée, et ses résultats tout
autant décriés par les plus incrédules que par les plus fervents défenseurs de
l’hypothèse extraterrestre. Cristallisant des fantasmes au-delà même des
soucoupes volantes, le service fonctionnait malgré tout à plein régime. C’est
peut-être pour cette raison que pendant près de dix ans, les pouvoirs publics
ont pourvu ce Bureau d’enquête de moyens d’investigation étonnamment
conséquents. Peut-être parce que dans un contexte mondial encore incertain, le
contrôle des zones aériennes était un enjeu de sécurité nationale. Peut-être
aussi, tout simplement, parce que par son côté singulier et « unique au
monde », au même titre qu’un train à grande vitesse, qu’un avion de ligne
supersonique ou qu’un minitel, le GEPAN avait quelque chose d’une de ces
exceptions françaises auxquelles nous sommes mystérieusement attachés.
En tous cas, s’il y a bien quelqu’un qui ne comprend pas pourquoi le problème
OVNI français mérite toute cette attention, c’est Didier Mathure, le héros de la
série. Didier sera notre porte d’entrée dans le monde de l’ufologie des années
70, un monde qui mêle fantasmes, astronomie, paranoïa, métaphysique, guerre
froide, vieilles Citroën et lois de la gravité.
OVNI(s), c’est l’histoire d’un homme qui pense avoir trouvé sa place sur Terre
en cherchant le moyen de s’en éloigner le plus loin possible.
Tout commence par une erreur de calcul. Didier était un scientifique brillant qui
envoyait des fusées 100% françaises dans l’espace pendant les Trente
Glorieuses. Un homme à qui tout réussissait et que tout le monde croyait

3
infaillible. Mais au milieu des années 70, sa carrière explose en plein vol et il se
voit relégué à la tête de ce groupe d’étude qu’il considère comme dépourvu du
moindre intérêt, voire même dépourvu de sujet d’étude.
Une terrible désillusion, pour ne pas dire une punition, pour ce polytechnicien
davantage taillé pour côtoyer les couches les plus hautes de la stratosphère et
de la société, plutôt qu’un bureau en sous-sol et des témoins de soucoupes
volantes.
OVNI(s) n’est pas une série de science-fiction. C’est une série où la science
fait de son mieux pour dépasser la fiction.
Didier entre dans la série tout aussi ignorant que nous de la lutte acharnée que
se livrent le rationnel et l’irrationnel sur le terrain de l’ufologie. Il doit désormais
s’adonner à l’activité première d’un enquêteur du GEPAN : enquêter. C’est-à-
dire trouver la vérité ordinaire qui se cache derrière les phénomènes
extraordinaires qui lui sont présentés. Pour mener à bien cette tâche, il doit
composer avec une équipe de personnages pittoresques qu’il a du mal à
considérer comme des experts, tant ils représentent à ses yeux un ramassis de
trajectoires professionnelles ratées. Pourtant, en tant que nouveau Directeur
du groupe, Didier va devoir s’imprégner de leurs méthodes, ouvrir les yeux sur
un monde dont il n’avait pas idée, et apprendre à aborder chaque cas
d’observation, de contact rapproché ou d’enlèvement extraterrestre, avec toute
l’attention qu’il mérite. Car derrière la couche de science dure qui enrobe
chaque énigme, se cache le plus souvent un mystère tout ce qu’il y a de plus
humain.
OVNI(s) est une série où les soucoupes volantes en disent plus long sur les
énigmes de l’esprit humain que sur le mystère de nos hypothétiques
envahisseurs.
Didier va devoir surmonter un handicap de taille : il ne comprend rien aux gens.
Bien plus à l’aise avec le langage binaire de l’informatique balbutiante qu’avec
celui de ses semblables, il va pourtant devoir enfiler son trench-coat, salir ses
bottes en caoutchouc, et partir à la rencontre de ceux que l’on nomme dans le
jargon ufologique les «contactés». Si les OVNI sont des objets éminemment
imaginaires, ils vont pourtant devenir pour Didier une porte d’entrée vers un
monde et une réalité tout ce qu’il y a de plus terre à terre.
Après avoir passé sa vie « dans la lune » au sens premier du terme, sans jamais
vraiment se préoccuper du monde qui l’entourait, Didier va également devoir
faire la découverte d’un univers domestique parfaitement ignoré : sa propre
famille. Tout à son grand destin national, il a pu se contenter d’être une figure
maritale et paternelle tout aussi absente qu’inconséquente à la maison, les
priorités familiales étant tournées exclusivement vers le succès de son
programme spatial. Ses nouvelles attributions, dont il dit lui-même qu’elles sont
sans intérêt, ne lui permettront plus de se défiler devant la réalité de la vie
quotidienne.
4
Quand la série commence, tout est en vrac dans l’univers de Didier. Mais une
chose est sûre : qu’il s’agisse de ses nouveaux collègues qui ont visiblement
passé un peu trop de temps au GEPAN, des olibrius qu’il est chargé
d’interroger jour après jour, ou de sa propre famille à laquelle il ne comprend
rien, les vrais OVNI ne sont pas dans le ciel, ils sont en face de lui. Dans son
métier comme dans sa vie privée, rien de paranormal, mais rien de normal non
plus.
Mais il faut savoir une chose : même en plein chaos, Didier Mathure ne perd
rien de son implacable logique. S’il met autant d’ardeur et d’acharnement à
élucider chacun des mystères qui lui sont soumis, c’est parce qu’il pense avoir
trouvé une solution radicale pour que son cauchemar prenne fin : s’il parvient à
résoudre une à une chaque enquête et qu’il réussit ainsi à faire la
démonstration, une bonne fois pour toute, qu’il n’existe aucun phénomène
OVNI sur le territoire français, le GEPAN n’aura plus la moindre raison
d’exister…

5
SCÉNARIO DU PILOTE

« LA FRANCE A PEUR »

6
1 KOUROU. SALLE DE CONTROLE. INT JOUR
Plusieurs dizaines d’ingénieurs en ébullition s’agitent, scrutant
moniteurs et tableaux de données en tout genre, dans une salle de
contrôle à la pointe de la modernité. A quelques centaines de
mètres, face à eux, se dresse une monumentale fusée baptisée
“TOPAZE”, estampillée d’une cocarde bleu-blanc-rouge.
“Centre de lancement de Kourou. Guyanne, 1974.”
DIDIER MATHURE, un brillant ingénieur de tout juste 40 ans, entre
avec solennité et traverse les rangées d’ordinateurs sous les
regards pleins de déférence et d’admiration de ses pairs. D’un
geste humble et assuré, il met fin aux salves d’applaudissements
qui se déclenchent peu à peu sur son passage. Un adjoint de
Didier, HUBERT MARCEAUDON, la quarantaine aussi, court à sa
rencontre, un paquet de télégrammes à la main.
HUBERT
Elise est arrivée. Je l’ai installée à
l’étage...
Didier lève les yeux vers la baie vitrée derrière lui. Parmi les
spectateurs venus assister au lancement, se tient ELISE, son
épouse entourée de leurs deux enfants, DIANE, 13 ans et BASTIEN,
5 ans.
HUBERT (CONT’D)
... Pompidou te dit merci pour tout ce
que tu as déjà fait... bravo pour ce
grand jour... la France éternelle qui se
rapproche chaque fois un peu plus des
étoiles te doit tout...
DIDIER
(L’interrompant)
Qu’est-ce qu’on attend?
HUBERT
On n’attendait que toi. T’es prêt?
DIDIER
Bien sûr que je suis prêt.
Hubert lance la procédure de lancement. Les moteurs de la fusée
vrombissent.... Les hauts parleurs de la salle font résonner le
décompte “10, 9, 8, 7, 6, 5, 4…” Élise serre la main de ses
enfants dans les siennes... “3, 2, 1… 0 !” Didier presse sur le
bouton d’allumage. Rien ne se passe. Il appuie à nouveau. Rien.
Quelques regards circonspects commencent à s’échanger dans la
salle. Didier insiste nerveusement sur le bouton. Quand soudain,
dans une déflagration ahurissante, la fusée explose sur place.
Didier reste un instant figé face à la désintégration de son rêve,
avant de tourner son regard en direction de sa famille apeurée.

2 CNES. BUREAU DIDIER. INT JOUR


“3 ans plus tard. Centre National d’Etudes Spatiales. Toulouse”
Dans un minuscule bureau bordélique en sous-sol, bercé par le
ronronnement tranquille des machines, entouré de tableaux noircis
d'équations à rallonge, de plans et d’une photo de la défunte
fusée TOPAZE, on retrouve Didier Mathure.
2.

Sensiblement plus dégarni qu'il y a trois ans, il pianote


nerveusement sur le clavier d’un ordinateur à bande magnétique de
quinze mètres cubes. Une secrétaire du CNES entre timidement dans
l’étroit bureau, sans que Didier, toujours plongé dans ses
calculs, ne la remarque.
SECRÉTAIRE DU CNES
Monsieur Mathure...
DIDIER
Chuuut.
La secrétaire se tait, mais ne bouge pas de la pièce.
SECRÉTAIRE DU CNES
Je suis désolée. C’est monsieur le
Directeur. C’est urgent je crois.
DIDIER
On fait de la recherche ici, on n’éteint
pas des incendies. Qu’est ce que vous
voulez qu’il y ait d’urgent?
SECRÉTAIRE DU CNES
Je sais pas, il a juste dit “urgent”.
DIDIER
Quoi, il a employé le terme “urgent”?
SECRÉTAIRE DU CNES
Oui c’est ce que je vous dis.
Didier glisse à la va-vite quelques papiers dans un porte-
document.
DIDIER
Vous avez intérêt à pas me faire monter
pour rien.

3 CNES. BUREAU DU PRESIDENT. INT JOUR


Dans le majestueux bureau du directeur du CNES. On découvre que ce
dernier n’est autre qu’Hubert Marceaudon, qui a visiblement pris
du galon. Hubert lui présente un mini-bar copieusement fourni.
HUBERT
Tu veux quelque chose?
DIDIER
Tu m’as fait peur, j’ai cru qu’il y avait
un truc grave.
Hubert leur sert deux scotchs.
HUBERT
Tu connais le GEPAN? Le Groupe d'Étude
des Phénomènes Aérospatiaux Non-
identifiés est un département du CNES qui
s’est donné pour mission d’apporter des
réponses rationnelles aux observations
d’OVNI.
(MORE)
3.

HUBERT (CONT'D)
L’ancien directeur vient de me claquer
dans les doigts, alors maintenant dès
qu’il y a un melon géant ou une marmite
volante quelque part, c’est moi qu’on
appelle.
DIDIER
Pourquoi un melon?
HUBERT
Voilà, c’est ça qui est bien chez toi
Didier! Tu te laisses pas impressionner.
T’es un vrai scientifique. Moi si je dis
quelque chose c’est déformé, si je dis
rien on pense que je mens. Je passe pour
un con auprès du Ministre. Non s’il y a
quelqu’un qui peut ramener un peu de sang
froid dans tout ce bordel, c’est toi.
DIDIER
Quoi moi?
HUBERT
La France a peur, Didier. Le pays
traverse quelque chose, là. C’est un
service à rendre à la nation. Nous
débarrasser de nos hallucinations.
Répandre la bonne parole scientifique.
DIDIER
Je comprends pas.
HUBERT
C’est un poste de directeur. T’es pas
content?
DIDIER
Mais qu’est ce que tu racontes? J’aurai
jamais le temps.
HUBERT
Le Télex est parti ce matin.
DIDIER
Quel Télex?
HUBERT
Topaze, c’est fini.
DIDIER
...
HUBERT
On ferme le programme. Désolé. Ça
devenait trop délicat. S’obstiner trois
ans juste pour essayer de comprendre ce
qui a merdé, vis à vis du contribuable...
Didier commence à sortir ses papiers de son porte-document.
HUBERT (CONT’D)
Je sais, tu vas me dire que c’était du
givre dans les machins...
4.

DIDIER
Non justement, ce n’était pas du givre...
HUBERT
Didier, c’est fini la branlette. Le CNES
a décidé d’en finir avec ce vieux rêve
d’une fusée 100% française. Ça fait mal
je sais mais l’avenir c’est ARIANE.
Didier boit une gorgée de whisky.
HUBERT (CONT’D)
Mets toi à ma place, je savais plus quoi
faire de toi. Alors quand ce truc s’est
libéré...
DIDIER
Mais pourquoi pas ARIANE justement?
HUBERT
Je peux te parler franchement?
DIDIER
Bien sûr.
HUBERT
T’as la poisse, Didier.
Didier accuse le coup.
HUBERT (CONT’D)
Mais c’est pas moi qui le dis, c’est eux.
C’est vrai, ce qu’il s’est passé à
Kourou, c’est pas de bol. Si ça tenait
qu’à moi évidemment, t’aurais ta place.
Mais voilà, dans l’aérospatiale on a beau
être cartésiens, les gens ont vite
tendance à devenir superstitieux. Apollo
13, ça s’invente pas.
Didier se lève et commence à rassembler ses papiers.
HUBERT (CONT’D)
Ecoute je te demande pas d’y passer ta
vie, mais essaie au moins de te faire une
idée par toi même. Je te revaudrai ça.
Didier abdique dans un soupir de résignation.

4 CNES. BUREAUX GEPAN. INT JOUR


Perdu dans les couloirs, son porte-document toujours à la main,
Didier arrive au bout d’une allée déserte. Assise à un bureau
garni de plantes vertes à outrance, une sténo-dactylo d’une
trentaine d’années, VÉRA, parle d’une voix douce au téléphone.
VÉRA
Comment ça, elles laissent des grosses
traces de bave partout?
Véra remarque la présence de Didier.
5.

VÉRA (CONT’D)
(rompue à cette situation)
Si vous cherchez les ramettes de papier,
c’est trois portes plus haut.
(au téléphone)
Gilles, c’est pas parce que ce sont des
grenouilles géantes qu’il faut vous
laisser faire. Elles parlent? Et bien
apprenez leur la politesse!
Didier fixe Véra sans bouger. Véra a soudain une illumination.
VÉRA (CONT’D)
Gilles, il faut que je vous laisse!
Véra raccroche, laissant Gilles en mauvaise posture si l’on en
croit les hurlements qui s’échappent du combiné.
VÉRA (CONT’D)
C’est vous! Pardon monsieur Mathure.
Laissez moi vous débarrasser, je vais
vous présenter l’équipe!... Je suis Véra.
Véra s’empare du porte-document de Didier sans lui laisser le
temps de contester et introduit Didier dans une pièce adjacente,
totalement plongée dans l’obscurité. Une diapositive représentant
une soucoupe volante est projetée contre un tableau noir. GUSTAVE,
un jeune ingénieur, trace des pointillés autour de la diapo.
MARCEL, homme apathique approchant la soixantaine, est installé à
une machine à écrire sur laquelle il tape à deux doigts.
VÉRA (CONT’D)
M. Gustave? Désolée de vous déranger.
GUSTAVE
Mais vous ne me dérangez jamais Véra. No
problemo.
VÉRA
Il est là...
GUSTAVE
Monsieur Mathure? Gustave Doudart.
Bienvenue au GEPAN.
Marcel toise Didier en silence, derrière sa machine.
VÉRA
Monsieur Marcel, je vous ai déjà dit, si
vous avez des choses à taper, je suis là.
MARCEL
Oui mais j’aime bien.
GUSTAVE
Monsieur Mathure, vous tombez pile poil.
Vous voyez cette ombre, là. On voit bien
qu’il y a un problème par rapport à
celles des arbres. Un différentiel d’au
moins trente degré. Un canular? Possible.
Sauf si bien sûr, hypothèse: une source
lumineuse nous échappe. On reste prudent.
Alors la question: faut-il se rendre sur
place pour vérifier?
(MORE)
6.

GUSTAVE (CONT'D)
C’est difficile à croire, mais 95% des
photos qu’on reçoit n’ont rien
d’extraterrestre.
Gustave ouvre un incongru congélateur de petite taille, rempli de
glaces en tout genre.
GUSTAVE (CONT’D)
Mister Freeze? On a des esquimaux sinon.
Gustave en prend un pour lui et fait défiler des diapositives.
GUSTAVE (CONT’D)
St André D’Huiriat, dans l’Ain, l‘année
dernière. C’était juste une mouche qui
passait devant l’objectif.
(nouvelle diapo)
Noisy sur École, il y a deux mois. Alors
ça par contre, c’est impensable. Vous
voyez ce cercle lumineux? C’est le
reflet, dans la vitre, de l’ampoule au
dessus des toilettes! Là pour le coup, si
on n’était pas allés sur place on s’en
serait peut-être jamais rendu compte.
DIDIER
Je... je me suis trompé en fait. Je
cherchais juste les....
Didier s'enfuit dans le couloir, suivi comme un spécimen étrange
par les trois autres. Didier se sent obligé d'attraper une ramette
de papier au passage, avant de détaler en direction des
ascenseurs. L'équipe l’observe de loin appuyer frénétiquement sur
le bouton d'appel de l'ascenseur.
MARCEL
Alors c’est lui?
GUSTAVE
Oui, c’est Didier Mathure. Légende
vivante de l’aérospatial français.
MARCEL
Il est bizarre.
VÉRA
C’est ça aussi, la marque des grands
esprits.
Gustave fait un petit signe à Didier avant que ce dernier ne
s’engouffre à corps perdu dans l’ascenseur.

5 CNES. BUREAU DIDIER. INT JOUR


Didier revient dans son bureau, la ramette de papier sous le bras.
Il sursaute en découvrant la présence d’un haut gradé en uniforme,
tout ce qu’il y a de plus intimidant. Le GENERAL DELBROSSE est
assis dans son fauteuil à roulettes et scrute ses équations.
LE GÉNÉRAL DELBROSSE
Une vie dévouée à porter les couleurs du
drapeau toujours plus haut dans la
stratosphère, quoi de plus admirable!
7.

DIDIER
Qui vous a permis d’entrer?
LE GÉNÉRAL DELBROSSE
Général Armand Delbrosse, forces
spéciales de l’armée de l’air française.
Toutes mes félicitations pour cette
providentielle nomination.
DIDIER
Je vous demande pardon?
LE GÉNÉRAL DELBROSSE
Avoir un scientifique de votre envergure
à la tête d’un groupe d’étude aussi
sensible que le GEPAN, c’est inestimable.
DIDIER
(légèrement inquiet)
Ah oui?
LE GÉNÉRAL DELBROSSE
La France a peur, Professeur. Qui peut
prétendre, à l’heure où nous parlons,
qu’une menace venue d’ailleurs n’est pas
à craindre? Personne. Pourtant le pays
n’est absolument pas prêt. Et moi, mon
travail, c’est de faire en sorte qu’il le
soit. Prêt. À tout. Même à l’impensable.
Vous faites du bateau?
DIDIER
Pas spécialement...
LE GÉNÉRAL DELBROSSE
Vous êtes à la vigie de la France,
Professeur. Et vous, votre travail, c’est
de faire en sorte que je le sois. Prêt. À
tout. Même à l’impensable. Vous avez lu
Napoléon?
Tout en parlant le Général commence à effacer un des tableaux.
LE GÉNÉRAL DELBROSSE (CONT’D)
“Les hommes, c’est comme les chiffres.
Ils n'acquièrent de valeur que par leur
position”.
A la place des équations le Général écrit un simple chiffre “1”
sur le tableau redevenu vierge.
LE GÉNÉRAL DELBROSSE (CONT’D)
Désormais, vous êtes en première ligne.
Alors ne cherchez plus: le numéro 1,
c’est vous.
Didier fixe le tableau, complètement sonné.
LE GÉNÉRAL DELBROSSE (CONT’D)
Mais, ne vous en faites pas l’armée
française est derrière vous. Vous n’êtes
pas seul.
8.

6 MAISON DIDIER-CUISINE. INT SOIR


En arrière plan, Bastien (9 ans maintenant), est vissé devant un
épisode de Star Trek. Didier, piteusement assis à la table de la
cuisine avec un verre de whisky, regarde Elise mettre le couvert.
ÉLISE
Mais c’était pas un problème de givre, tu
m’avais dit?
DIDIER
Non, c’est ce que je te dis. Depuis le
début on ne regardait pas au bon endroit.
Diane (16 ans maintenant) passe en coup de vent dans la cuisine.
DIANE
Ciao. Je suis chez Martine.
ÉLISE
Chérie attends. Tu peux pas remettre ta
soirée pyjama à une autre fois? Ce serait
bien qu’on reste tous ensemble ce soir.
Pour Papa. Il a eu une mauvaise nouvelle
à son travail.
DIANE
Quoi? Il a encore fait péter un truc?
ELISE
Diane!
DIDIER
On peut savoir qui c’est cette Martine?
DIANE
Euh... c’est ma meilleure amie depuis le
CP, papa.
ÉLISE
Tu sais, la petite voisine d’en face.
Didier mime qu’il ne voit pas qui c’est.
DIANE
Bon. J’y vais moi.
Diane sort. Un court silence s’installe.
ÉLISE
Tu vas faire quoi maintenant du coup?
ARIANE?
DIDIER
Je sais pas, faut que j’en discute avec
Hubert, qu’on cible un projet... mais
ARIANE ouais bof... je sais pas bien si
ça va marcher leur truc... un lanceur
spatial c’est pas une auberge espagnole.
ÉLISE
(Appelant Bastien)
À table!
9.

DIDIER
Et puis bosser avec des Allemands,
franchement...
BASTIEN
Papa, est-ce qu’on pourra faire la
téléportation vers des planètes bientôt?
ÉLISE
Bastien, arrête d'embêter ton père.
DIDIER
La quoi?
BASTIEN
La téléportation. Comme dans Star Creck!
DIDIER
Houla. Pour se téléporter, déjà, il
faudrait trouver le moyen de stocker les
caractéristiques quantiques de tous les
constituants des atomes du corps humain,
soit 10 puissance 28 atomes! Rien qu’un
atome c’est 1000 mots-machines. 100
gigabits! Pour stocker ça il faut un truc
aussi gros qu’un réfrigérateur, alors je
te laisse imaginer les 10 puissance 28
réfrigérateurs. Ensuite, les atomes se
définissant, entre autres, par leur
position et leur impulsion et sachant que
les relations d'incertitudes d'Heisenberg
nous interdisent de connaître avec la
même précision les deux valeurs
simultanément…
Bastien a clairement décroché dès la deuxième phrase. Elise aussi.
DIDIER (CONT’D)
En tous cas c'est pas en regardant Star
Trek qu'on part dans l'espace, c'est en
travaillant bien à l'école.
BASTIEN
Mais papa, toi tu travaillais bien à
l’école et pourtant...
ÉLISE
(le coupant)
Bastien, arrête d'embêter ton père.

7 MAISON DIDIER- CHAMBRE A COUCHER. INT NUIT


L'horloge indique cinq heures du matin. Didier a du mal à trouver
le sommeil. Un bruit de moteur dans la rue attire son attention.
Il se lève et regarde par la fenêtre. Une Alpha Romeo rouge est
stationnée devant chez lui. À la stupéfaction de Didier, Diane
sort de la voiture et s'engouffre sous le portique. Didier se
précipite dans les escaliers et descend jusqu’au salon, à sa
rencontre.
DIDIER
Diane tu te fous de nous! Tu viens d’où?
10.

DIANE
Ben de chez Martine. J’arrivais plus trop
à dormir, tant qu’à faire je préfère
rentrer, peut-être faire un peu de sport,
commencer ma journée tôt...
DIDIER
Du sport? Tu me prends pour un demeuré?
Je viens de te voir sortir d’une voiture,
il y a deux secondes!
DIANE
Hein? Mais n’importe quoi. Je suis
rentrée à pieds.
DIDIER
Diane, je l’ai vue là, de mes propres
yeux! C’était une Alpha Romeo rouge.
DIANE
Je vois pas comment c’est possible.
J’étais à pied.
La sonnerie du téléphone retentit.
DIDIER
Tu vas pas t’en tirer comme ça.
Didier décroche.
GUSTAVE (O.S.)
Chef? C’est Gustave, on est devant chez
vous! Un homme a été enlevé. La
gendarmerie nous attend sur place!
DIDIER
Quoi? Mais de... quoi? Et comment ça,
vous êtes devant chez moi?
GUSTAVE (O.S.)
Oui, on a le téléphone dans la voiture.
Comme dans Rabbi Jacob!
Didier, abasourdi, écarte le rideau de sa fenêtre et découvre une
stupéfiante Citroën DS ambulance, coiffée d'un gyrophare bleu et
d'une immense antenne. Gustave lui fait un petit coucou de la
main.
GUSTAVE (CONT’D)
Ah, je vous vois!
DIDIER
Mais ça va pas! On va pas se mettre à se
déranger en pleine nuit! Faut pas
déconner, merde!
Didier raccroche au nez de Gustave.
BASTIEN
Y a un vaisseau spatial dans la rue!
Bastien sort de sa chambre. Il est surexcité. Elise se réveille.
11.

ELISE
Qu’est-ce qu’il se passe? Pourquoi il y a
une ambulance dehors?
Le téléphone sonne à nouveau. Didier s’empare du combiné, excédé.
DIDIER
Je vous ai dit de me foutre la paix!
GÉNÉRAL DELBROSSE (O.S.)
Je croyais avoir été clair avec vous,
Professeur Mathure.
Didier reconnaît la voix ténébreuse du Général.
DIDIER
Général?
GÉNÉRAL DELBROSSE (O.S.)
J’ai placé de grands espoirs en vous,
Professeur. J’aimerais ne pas être déçu.
Ne faites pas la même erreur que votre
prédécesseur. Ne me sous-estimez pas.
Le Général raccroche.
DIANE
C’était qui?
Diane observe son père pétrifié changer de couleur et reposer
lentement le combiné. Didier enfile un trench sur son pyjama et se
précipite dehors. Elise descend des escaliers.
DIDIER
C’est une urgence de boulot... Je
t’expliquerai...
ELISE
Quelle urgence de boulot?... T’es
chercheur!

8 DS AMBULANCE DU GEPAN. EXT NUIT


A l’arrière de la DS, Didier s’accroche à son siège. Cigarillo au
bec, Marcel conduit à tout berzingue sur une départementale
déserte.
GUSTAVE
Avant on avait une CX, mais quand j’ai
installé un moteur à dihydrogène, ça a
comme qui dirait pas marché. Mais j’ai pu
récupérer le moteur qui s’est finalement
avéré très performant en tant que congélo
de bureau, comme vous avez pu le voir...
DIDIER
Vous pouvez me dire ce qu’on fait, là?
GUSTAVE
Alors tout ce qu’on sait c’est qu’une
femme a vu un engin atterrir dans son
champ, et que son mari a disparu. C’était
il y a pas une heure. J’ai dit à la
gendarmerie de sécuriser le site.
12.

DIDIER
Sécuriser? Pourquoi? Il y a un danger?
GUSTAVE
Pleins! Scène piétinée, échantillons
contaminés, témoins manipulés.... Là, on
a du bol, les gendarmes nous ont appelés
directo.
Didier fixe la route qui défile sous ses yeux, comme en plein
cauchemar.

9 CHAMP VOISIN DE LA FERME DES ROULIERS. EXT AUBE


La DS du GEPAN se gare près d'une petite ferme, encerclée de
nombreux véhicules dont une estafette de gendarmerie. Le champ
voisin est envahi de badauds, et de quelques journalistes.
MARCEL
Et merde.
Le jeune ADJUDANT LORIGANT se précipite vers Didier, catastrophé.
ADJUDANT LORIGANT
C’est terrible! Mme Roulier, ici
présente, sortait au petit matin de son
domicile et s’est trouvée soudain nez à
nez avec je cite: un long cigare lumineux
jaune et rouge, plein de fumée autour.
Il conduit l’équipe jusqu’au “site de l’enlèvement” : une zone
protégée par des rubans et gardée par les gendarmes. Au milieu du
champ, il n’y rien hormis un fusil à deux coups abandonné.
ADJUDANT LORIGANT (CONT’D)
Prise de panique, elle est rentrée chez
elle se cacher. Son mari est sorti avec
son fusil. Ce qu’il est devenu? Point
d’interrogation on ne sait pas.
GUSTAVE
Madame Roulier a assisté à l’enlèvement?
ADJUDANT LORIGANT
Non, elle a perdu le contact visuel de
l’objet, a priori OVNI, pendant plusieurs
minutes, avant de ressortir de son
domicile pour constater la disparition de
son mari. A fortiori, enlevé. C’est
terrible.
DIDIER
Enfin mon vieux vous êtes gendarme.
Reprenez vous. Vous allez pas vous y
mettre aussi!
Gustave passe le site au compteur Geyger. Marcel s'empare du
fusil, le renifle et l'ausculte.
MARCEL
C’est bizarre, un des deux magasins est
vide. Pourtant, aucun coup n’est parti.
13.

DIDIER
Bon. On fait quoi?
Tout le monde baisse les yeux, y compris l’adjudant. Didier
constate le petit attroupement autour du champ.
ADJUDANT LORIGANT
Ça serait bien de dire quelque chose.
Avant que ça dégénère...
Tout le monde fait semblant d’être occupé à autre chose.
DIDIER
J’ai compris, j’y vais.
MARCEL
Surtout gardez la tête froide.
GUSTAVE
Et surtout dites pas des choses qui
puissent être déformées.
DIDIER
Ecoutez, merci, mais j’ai fait des
dizaines de conférences de presse, je
suis passé à la télévision avec le
Président de la République, alors c’est
pas deux scribouillards et trois
villageois qui vont m’impressionner.
Didier, s'approche de la petite meute et de Mme Roulier, pleurant
son mari disparu. Un journaliste se précipite vers Didier.
JOURNALISTE 1
Que pense le CNES de cet OVNI? Est-ce le
retour d'une nouvelle vague d'abduction
extraterrestre?
DIDIER
Déjà, Objet Volant Non Identifié, n’est-
ce pas, ça ne veut pas dire objet volant
extraterrestre...
JOURNALISTE 2
Vous confirmez donc que l’objet était
bien volant?
DIDIER
Je n’ai jamais dit qu’il volait...
MME ROULIER
Faites quelque chose! Je vous en supplie!
Faites quelque chose!
DIDIER
Madame, je comprends que vous soyez sous
le choc, mais... D’abord, qu’est-ce que
vous faisiez dehors à quatre heures et
demie du matin?
(À L’adjudant Lorigant)
On l'a fait souffler dans le ballon?
14.

MME ROULIER
Je me lève à 4 heures tous les matins
pour travailler! Et puis traitez-moi tout
de suite d’alcoolique!
Un flot cacophonique de questions s’abat alors sur Didier.
LA FOULE
Discréditer les témoins, c’est ça la
nouvelle méthode du GEPAN?/ Vous pensez
qu’ils vont revenir?/ Pour prendre nos
enfants? Nos vaches?/ Est-il vrai qu’un
chat sur trois est un extraterrestre/ Y-a-
t-il une menace pour la sécurité du pays?
A bout de nerf, Didier craque.
DIDIER
Mais j’en sais rien!
Marcel et Gustave échangent un regard inquiet.

10 MAISON DIDIER. CUISINE. INT.JOUR


Didier fait face à sa famille qui prend le petit déjeuner, et le
fixe avec des yeux ronds.
ELISE
Un OVNI?
DIDIER
Oui, j’ai été nommé... Directeur du
Groupe d’Etudes des Phénomènes
astrologiques machin.
Elise est atterrée. Diane se marre. Bastien est émerveillé.
ELISE
Mais c’est quoi ce boulot?
DIDIER
C’est rien. C’est une comédie. Et je te
rassure je vais pas y passer mes
journées, ni mes nuits, ni ma vie.
BASTIEN
T’as vu les extraterrestres?
DIDIER
Bien sûr que non, Bastien! Les gens sont
particuliers tu sais, ils voient des
soucoupes volantes partout.
DIANE
Sinon il y a ceux qui voient des voitures
qui existent pas, aussi...
DIDIER
(à Elise)
Elle t’a dit pour la voiture?
DIANE
Ça y est, il recommence.
15.

DIDIER
Arrête de me prendre pour un abruti, je
l’ai vue cette bagnole!
ELISE
Diane, ça suffit! On va être en retard.
Diane et Bastien devancent leur mère vers la sortie.
DIDIER
Tu vas pas t’en tirer comme ça!
ELISE
Didier, du calme. Repose toi. On en
reparle ce soir.

11 CNES. BUREAU DIDIER. INT JOUR


Didier ouvre la porte de son ancien bureau. La salle est
entièrement vide, à l’exception du tableau blanc sur lequel est
toujours inscrit le chiffre “1”, et de la ramette de papier posée
sur le sol.

12 CNES. BUREAU DU DIRECTEUR. INT JOUR


Didier, furieux, va pour enfoncer la porte du bureau d'Hubert,
ignorant sa secrétaire. Mais il se heurte à une porte close.
DIDIER
Il est où?
SECRÉTAIRE DU CNES
Monsieur le Directeur est en déplacement
toute la journée.
DIDIER
Il faut absolument que je lui parle.
C’est urgent.
SECRÉTAIRE DU CNES
Ah bon? Je croyais qu’il n’y avait jamais
rien d’urgent.
DIDIER
Faites pas la plus fine avec moi. Il y a
un moyen de le joindre, non?
SECRÉTAIRE DU CNES
Seulement en cas d’urgence.
DIDIER
Et bien parfait. J’ai message urgent: je
ne veux pas de son boulot débile! J’exige
qu’il me rende mon ordinateur, mon
bureau, mes recherches... Au fait vous
n’auriez pas trouvé un porte-document? Je
l’avais hier quand je suis...
Didier se souvient soudain de l’endroit où il l’a oublié et file.
16.

13 CNES. BUREAU DU GEPAN. INT JOUR


Véra, Gustave et Marcel, dissimulent mal le fait qu’ils étaient
plongés dans la lecture d’un quotidien régional. Didier passe
devant eux sans leur prêter attention.
DIDIER
Je suis juste venu récupérer mon porte-
document.
Didier remarque sa photo en couverture du journal.
DIDIER (CONT’D)
Qu’est ce c’est?
La une du journal titre "IL N'EN SAIT RIEN! LE DIRECTEUR DU GEPAN
COMPLÈTEMENT DÉPASSÉ PAR UN MYSTÉRIEUX ENLÈVEMENT OVNI". L’article
est illustré d’une photo de lui s’énervant contre les
journalistes.
DIDIER (CONT’D)
Pourquoi ils disent que j’en sais rien?
GUSTAVE
Faut pas y donner trop d’importance. On
est tous derrière vous M. le Directeur.
DIDIER
(Sidéré par le journal)
Et puis je ne suis pas du tout dépassé.
GUSTAVE
Non bien sûr, mais à votre décharge on
fait face à un mystère particulièrement
complexe.
DIDIER
Mais de quoi complexe? La disparition de
ce type, c’est l’affaire de la police
non? Et puis il y a qu’un seul témoin. On
va pas non plus se mettre à croire ces
gens sur parole. “Testis unus: testis
nullus”
Le téléphone sonne. Véra décroche.
DIDIER (CONT’D)
Un témoin: pas de témoin!
VÉRA
C’est la gendarmerie, ils ont un deuxième
témoin. Il était en solex, un peu plus
loin sur la route derrière la ferme des
Roulier. Il a vu le cigare lui aussi.
GUSTAVE
Qu’est ce que vous voulez qu’on fasse?
DIDIER
(Pris de court)
Je sais pas moi... Ce type ment, non?
MARCEL
Vous inquiétez pas je m’en charge.
17.

GUSTAVE
Alors on y va? Vous êtes prêt?
DIDIER
Euh... oui. Bien sûr, je suis prêt.
Didier les suit. Oubliant à nouveau son porte-document.

14 ANTENNE LOCALE DE LA GENDARMERIE. INT JOUR


Une salle d’interrogatoire a été mise à la disposition du GEPAN.
Didier et Gustave sont en retrait. Marcel est assis face au second
témoin, MONSIEUR DURAND, et le fixe intensément.
MONSIEUR DURAND
Je comprends pas, j’ai déjà tout dit à
l’Adjudant Lorigant. Pourquoi vous me
gardez ?
MARCEL
Les questions, c’est comme mes fesses sur
la lunette des waters, il y a que moi qui
les pose. Quand je lis ta déclaration, je
me dis qu’il y a du mou dans la corde à
noeuds: comment c’est possible qu’elle
soit parfaitement identique à celle qu’a
faite Madame Roulier? Les couleurs jaune-
rouge, le même cylindre bizarre, la fumée
autour...
MONSIEUR DURAND
Ben c’est ça que j’ai vu.
MARCEL
Tu sais à quoi à quoi ça me fait penser
ton histoire? A celle d’une bigote mal
assurée qui trouvait que son témoignage
pesait pas lourd, et qui demande à son
complice d’appeler la gendarmerie le
lendemain matin pour en remettre une
couche!
DIDIER
Bien vu, Marcel!
MARCEL
Alors c’est ça la combine? Un alibi tout
droit venu de l’espace?
MONSIEUR DURAND
Pourquoi vous dites ça?
MARCEL
T’en as fait quoi de M. Roulier?
MONSIEUR DURAND
Mais je connais pas ce M. Roulier!
MARCEL
Espèce d’enfoiré! Tu l’as tué! C’est ça?
MONSIEUR DURAND
Mais pas du tout!
18.

MARCEL
Alors qu’est ce que tu fous ici à nous
balader avec tes histoires à la con?
MONSIEUR DURAND
Mais rien, j’ai juste eu très peur de
l’OVNI! Je me suis enfui, et...
MARCEL
Sac à merde! A ta place c’est de la
guillotine que j’aurais peur!
Monsieur Durand, sous la pression, éclate en sanglots.
DIDIER
Marcel, tout de même, calmez vous...
MARCEL
Ordure! Je sais que c’est toi! Roulier?
Son cadavre? Il est où?
L’adjudant Lorigant fait irruption dans la pièce.
ADJUDANT LORIGANT
On a retrouvé M. Roulier! Les collègues
l’ont ramassé il y a quelques heures, à
25 kilomètres de chez lui au bord de la
départementale.
DIDIER
Mais... vivant?
ADJUDANT LORIGANT
Je n’ai aucun détail. Je sais seulement
qu’il a été bel et bien reconduit à son
domicile. C’est terrible.

15 DS AMBULANCE DU GEPAN - INT JOUR


Didier, Gustave et Marcel reprennent place dans la voiture.
DIDIER
Faut vraiment que vous appreniez à vous
contrôler mon vieux.
MARCEL
Mais tout est sous contrôle. Je l’ai
poussé à bout comme il faut. Maintenant
on sait qu’il ment pas.
DIDIER
Comment ça il ment pas?
MARCEL
Ben il a bien vu ce qu’il dit qu’il a vu.
DIDIER
Ça se passe toujours comme ça?
GUSTAVE
Pas toujours, des fois Marcel tape les
gens.
19.

DIDIER
Sérieusement Marcel? Non écoutez, la
prochaine fois, laissez moi gérer.
GUSTAVE
Alors on y va directo?
DIDIER
Ben oui comme ça M. Roulier nous raconte
ce qu’il s’est passé et on rentre chez
nous.
Marcel démarre.
DIDIER (CONT’D)
L’ancien Directeur, il lui est arrivé
quoi exactement? Il a démissionné?
GUSTAVE
Ah pas du tout. Il adorait son boulot!
DIDIER
Alors quoi?
GUSTAVE
Horrible. Le jour de son anniversaire de
mariage, il est parti avec sa femme faire
un tour sur son voilier. Bah, il est
jamais revenu. On l’a jamais retrouvé. Ni
lui, ni la femme, ni le bateau.
Le récit de Gustave laisse Didier songeur, voire soucieux.

16 FERME DES ROULIERS- CUISINE. INT JOUR


M et Mme Roulier, sont assis l’un à côté de l’autre, attablés dans
leur modeste cuisine. Non loin d’eux trône un stupéfiant épagneul,
moyennement bien empaillé. M. Roulier le caresse de temps en
temps. Comme son chien, il est plongé dans un angoissant mutisme.
DIDIER
Comment ça muet?
MME ROULIER
Rien, un légume blanc. Je l’ai questionné
ça, mais il veut plus causer du tout.
GUSTAVE
(consultant le rapport de
gendarmerie)
D'après les conclusions du médecin: ”il
n'y a aucune raison physiologique qui
expliquerait l’incapacité de M. Roulier à
parler. Il ne semble réagir à aucun
stimulus verbal”.
DIDIER
M. Roulier vous m’entendez?
GUSTAVE
Il ne réagit à aucun stimulus verbal.
DIDIER
Oui ça va j’ai compris.
20.

MME ROULIER
On vaut pas mieux que les bêtes dans les
mains de ces choses. C’est peut-être
pacifiquement ou bien quoi? Vous pouvez
le dire, vous?
DIDIER
Je vois pas pourquoi vous voulez que des
entités venues de l’espace s’en prennent
à votre mari madame. Ça n’a aucun sens.
MME ROULIER
On sait rien nous. L’autre jour je voyais
à la télé, le scientifique là, le docteur
Lorenz, qui volait avec les oies. Ben les
oies elle se disaient pas que c’était un
docteur, elle pensaient que c’était une
oie lui aussi. Ben c’est comme nous!
Qu’est ce qu’on sait nous de quoi qu’ils
nous veulent? On est comme les oies.
Gustave semble trouver le raisonnement plutôt pertinent.
DIDIER
Mais ce que vous avez vu, c’est
impossible vous en avez conscience?
MME ROULIER
(désignant son mari)
Et ça c’est pas impossible? Vous êtes
fiers de vous? De venir nous contempler
quand moi tout ce que je demande c’est
qu’on me le rende mon époux.
DIDIER
Madame Roulier. Et monsieur Roulier aussi
d’ailleurs. D’accord, la vie c’est pas
toujours rigolo. Alors oui, on a envie
d’améliorer ses journées, n’est-ce pas.
Mais c’est quand même pas une raison pour
s’inventer des feuilletons farfelus. Vous
savez, on peut faire des choses
formidables, dans vie réelle. Je sais
pas... se racheter un vrai chien par
exemple?
A ces mots, M. Roulier se lève et colle son poing dans la figure
de Didier, qui s'écroule par terre.

17 CHAMPS DE BETTERAVE. EXT JOUR


Didier masse sa joue tuméfiée et fume une cigarette pendant que
Gustave inspecte le champ et prélève des morceaux de terre.
GUSTAVE
Finalement, M. Roulier réagit à un
certain type de stimulus verbal.
DIDIER
Vous pouvez me dire ce qu’on fait encore
là? Vous n’espérez quand même pas trouver
une trace de vaisseau spatial?
21.

GUSTAVE
La preuve qu’il y a bien eu quelque
chose, je ne la trouve pas, c’est vrai.
Mais la preuve qu’il n’y a rien eu, je la
trouve pas non plus...
DIDIER
Ben évidemment! Qu’est-ce que vous voyez
là, à part un champ désert, un pauvre
buisson et des âmes en peine? Le sujet
est clos!
MARCEL
C’est à dire qu’on a quand même deux
témoins.
DIDIER
Vous, votre logique implacable, merci. Et
bravo d’ailleurs pour votre courage quand
je me fais passer à tabac.
MARCEL
Vous m’avez dit de vous laisser gérer,
moi je vous laisse gérer.
GUSTAVE
Et puis surtout si on n’étudie pas chaque
hypothèse, on risque de ne pas regarder
au bon endroit.
DIDIER
Vous êtes gentil mais je ne pense pas
avoir de leçons à recevoir d'un ingénieur
dont la plus grande fierté est d'avoir
fabriqué un congélateur de bureau avec
pour seul objectif de continuer à
s'alimenter comme un enfant de 12 ans.
Vous savez quoi: depuis la seconde où je
vous ai rencontrés tous les deux, je n’ai
qu’une envie c’est de foutre le camp.
Alors bonjour chez vous, moi je rentre en
train!
Marcel et Gustave observent Didier traverser le champ en
fulminant.
DIDIER (CONT’D)
Je suis chevalier de la légion d’honneur,
merde.

18 MAISON DIDIER. SALLE À MANGER. INT SOIR


C’est la fin du dîner, Didier et Diane sont seuls à table pendant
qu’Elise et Bastien débarrassent en cuisine. La télévision est
allumée et diffuse les actualités du soir. Il est question de
récession économique, de chômage qui grimpe, de pénurie de pétrole
et de plans de rigueur. Diane, qui n’a pas touché à son assiette,
a les yeux rivés sur le téléviseur.
DIDIER
Tu es contente? Tu trouves ça sympa pour
ta mère?
Diane reste sans rien dire.
22.

DIDIER (CONT’D)
C’est quoi, c’est la grève de la parole
en plus de la grève de la faim? C’est pas
comme ça que tu vas le récupérer, ton
mange-disque.
Diane lève les yeux au ciel. Bastien, accompagné de sa mère,
s’approche de Didier en tenant une petite assiette sur laquelle
est posée un sachet de thé.
ELISE
Tiens, montre à papa l’expérience qu’on
t’a montrée à l’école.
BASTIEN
Papa tu sais comment on fait transformer
un sachet de thé en fusée?
DIDIER
Non je sais pas, non.
(restant fixé sur Diane)
Tu sais quoi? Si là, maintenant, tu
admets, j’oublie tout. Et je te le rends,
ton mange-disque.
Diane ne dit toujours rien.
BASTIEN
C’est comme une fusée. Sauf qu’il faut
pas la ficelle... pas le thé à
l’intérieur...
Tout en expliquant, Bastien très appliqué, découpe un à un à
l’aide de ciseaux les élément qu’il énonce, jusqu’a ce qu’il ne
reste plus que le papier filtrant du sachet qu’il déplie en forme
de tube, et installe verticalement sur son assiette.
ELISE
(insistant pour que Didier regarde)
Didier.
DIDIER
Oui, je regarde.
(revenant sur Diane)
Je pourrais te citer la plaque
d’immatriculation tellement je l’ai bien
vue cette voiture!
DIANE
T’avais pas bu un peu trop de whisky?
DIDIER
Tu ne me parles pas sur ce ton jeune
fille. Je l’ai vue, comme je te vois, là!
Alors maintenant tu arrêtes ton cinéma,
et tu craches le morceau!
DIANE
Ce que tu peux être con!
Diane quitte la table et part s’enfermer dans sa chambre.
ELISE
Mais Didier ça va pas?
23.

BASTIEN
Allumez les réacteurs!
Bastien gratte une allumette et enflamme la partie haute du
sachet. Ce dernier se consume entièrement jusqu’à ce qu’à la toute
fin, il s’envole, comme par magie.
ELISE
(Prenant Bastien par la main)
Allez viens on va se coucher.
Didier reste seul à table et contemple le sachet de thé calciné
qui redescend doucement en flottant dans les airs.

19 MAISON DIDIER- JARDIN. EXT NUIT


Seul à sa table de jardin, sous la voûte étoilée, Didier gratte
des allumettes qui ne prennent pas. L’une d’entre elles finit par
s’allumer, mais avant qu’elle ne touche le sachet de thé posé sur
la table, ce dernier s’envole. Didier prend sur lui. Elise
s’approche.
ELISE
Elle fait vraiment des efforts en ce
moment pour son bacho. Tu devrais être
moins dur avec elle...
Didier ne répond rien. Elise s’assoit à côté de lui.
ELISE (CONT’D)
Tu sais tu peux me dire s’il se passe
quelque chose. Je peux très bien
reprendre un boulot. Ça fait un moment
que j’y réfléchis. Plus j’y pense, plus
je crois que j’ai envie de me lancer...
DIDIER
Mais non. T’en fais pas. Il peut rien
nous arriver. Je suis fonctionnaire. Au
pire ils me foutront aux archives. C’est
juste moi, il faut que je me fasse à
l’idée...
ELISE
Didier, t’es la pire tête de pioche de la
galaxie. Une idée qui vient pas de toi,
tu t’y feras jamais.
DIDIER
A un moment ça devient pas absurde de se
dire que ce qu’on a vécu de meilleur,
c’est derrière.
Elise observe son mari fixer le ciel avec résignation.
JOUR 3

20 CNES. BUREAU DIDIER. INT JOUR


Il y a toujours écrit “1” sur le tableau blanc et la ramette de
papier est toujours au sol. Alors que Didier décroche une ultime
photo de TOPAZE oubliée sur le mur, Hubert enfonce la porte du
bureau, accompagné d’un agent de sécurité.
24.

HUBERT
Insuffisance professionnelle, refus de
poste, et maintenant ça:
Il lui présente la une la Voix du Midi : "LE MYSTÈRE S'ÉPAISSIT À
GONDRECOURT. DES AGENTS DU GEPAN S'EN PRENNENT AUX INNOCENTS
TÉMOINS D'UNE APPARITION D'OVNI DANS LE BUT D'ÉTOUFFER L'AFFAIRE.
LE CNES DANS LA TOURMENTE."
HUBERT (CONT’D)
Tu peux m’expliquer? Non? Alors tu
sautes.
DIDIER
De toute manière j’avais pas besoin de
ton autorisation pour arrêter le GEPAN.
HUBERT
Je crois que t’as pas bien compris. C’est
remonté jusqu’au Ministre. Je viens de
passer les trois pires heures de ma vie
avec lui au téléphone. C’est décidé. On
veut plus de toi au CNES.
DIDIER
...
HUBERT
Si on m’avait dit que la grande sortie de
Didier Mathure ça serait de se faire
virer tenu en échec par une cigare
orange, je l’aurais pas cru.
DIDIER
Hubert tu vas quand même te laisser
impressionner par ces conneries. Tu vois
pas que ton GEPAN c’est inutile! C’est
ridicule!
HUBERT
Exactement. Ce Bureau, c’est une verrue
sur la façade du CNES! Mais quand je te
regarde là, dans ton cagibi, avec ton
algèbre renversant et ta ramette de
papier à la con, je me dis qu’il y a peut-
être plus inutile, voire même plus
ridicule.
DIDIER
Tu sais à qui tu parles? Tu crois qu’on
va te laisser me jeter comme ça?
HUBERT
Didier, le GEPAN c’était tout ce que
j’avais trouvé pour te refaire un
semblant de réputation. Il y a plus une
agence spatiale au monde qui veut de toi,
même pour réparer une machine à café.
Tout ce que tu touches, tu le fous en
l’air.
Didier s’empare de la ramette de papier et marche d’un pas résolu
vers la sortie. Mais soudain il s’arrête, et se tourne vers Hubert
qui a déjà un sourire au coin des lèvres.
25.

DIDIER
Je vais te la résoudre ton enquête.
HUBERT
Et ben voilà!
DIDIER
Donne moi une semaine.
HUBERT
T’as 24 heures.

21 CNES. BUREAUX GEPAN. INT JOUR


Gustave et Marcel sont assis à leur bureau, murés dans le silence.
DIDIER
Mais je voulais pas vraiment
démissionner! C’était juste pour vous
faire réagir.
GUSTAVE
Si vous ne respectez pas mon travail,
respectez au moins mon silence.
DIDIER
Vous êtes susceptibles franchement. Si
c’est le truc de votre vie ce Bureau,
défendez votre point de vue, mon vieux.
GUSTAVE
Je n’ai pas de leçon à recevoir d’un soi-
disant scientifique qui érige ses
préjugés en lois universelles, et dont
l’étroitesse d’esprit est inversement
proportionnelle à la taille de ses
chevilles.
MARCEL
Et contrairement à vos machines, le frigo
de Gustave n’a jamais explosé.
GUSTAVE
Merci Marcel.
DIDIER
S’il vous plait, les gars. Je sais même
pas par quoi commencer...
Didier capitule. Il scrute avec inquiétude les photos de bateaux
en pleine tempête laissées par l’ancien directeur décorant son
bureau. Véra traverse l’open-space.
VERA
Ben alors? C’est M. Roulier qui vous a
contaminés? Plus personne peut parler?
DIDIER
Plus personne veut surtout.
VÉRA
Vouloir, pouvoir. Tout ça c’est pareil,
c’est l’inconscient.
26.

Didier fixe Véra d’un air sceptique.


VERA
C’est juste des vieux souvenirs de mon
année de psycho, mais ce qui est sûr,
c’est qu’on veut toujours dire quelque
chose en parlant pas. C’est
l’inconscient. Et à mon avis pour votre
histoire la seule question qu’il faut
vous demander c’est....
Le téléphone sonne. Véra décroche.
VÉRA
GEPAN bonjour... Gilles, mais parlez-lui
à votre grenouille... je sais pas, faites
lui un bisou, elle se changera peut être
en princesse... ça sera une grosse
princesse du coup, mais ça a aussi ses
avantages...
Didier s'approche de Véra et s’empare du téléphone.
DIDIER
Merci Gilles, on vous rappellera.
Il raccroche. (Gilles hurle).
DIDIER (CONT’D)
C’est quoi?
VÉRA
Quoi?
DIDIER
La chose qu’il faut se demander!
VÉRA
Ah. Ben pourquoi il parle plus.
DIDIER
Véra, vous venez à Gondrecourt.
Les yeux de Véra pétillent. Didier quitte le bureau en trombe.
VÉRA
Ben monsieur Gustave, monsieur Marcel,
vous venez pas? Allez, arrêtez. Moi qui
me réjouis d’être sur le terrain avec
vous pour une fois!
À ces mots, Gustave et Marcel se ragaillardissent.
GUSTAVE
Dans ce cas, il faut que je vous dise
deux-trois choses. Déjà, le danger est
partout...
MARCEL
Mais je suis là, vous inquiétez pas.
27.

22 FERME DES ROULIERS- CUISINE. INT JOUR


L’équipe du GEPAN cette fois au complet se tient face à M et Mme
Roulier. Tous les volets sont fermés. On distingue, dans la
pénombre, des crucifix et des images religieuses accrochés aux
murs.
MME ROULIER
Au début: rouge, rouge, rouge, rouge.
Plein de fumée autour. Mais ça
n'éclairait pas les champs, c'était lui
personnellement qu'était… qu'était rouge,
intérieurement. Fluorescent, là vous
savez, un rouge, un rouge pénétrant vous
voyez? Et puis d'un coup, extinction
générale, et là: jaune jaune très fort,
qu’éclaire tout comme si qu'il se
réveillait.
VÉRA
Dans votre déclaration vous parliez d’un
cigare. Vous avez des souvenirs de
quelqu’un dans votre famille qui fume le
cigare? Votre mari peut être?
MME ROULIER
René, il fume pas. Mais il picole. Ça.
Surtout depuis la mort de Degaulle.
VÉRA
Charles de Gaulle?
MME ROULIER
Non, le chien. Degaulle, c’est comme ça
son nom. Il est crevé d’une balle perdue
l’an passé. Depuis ce jour René, il va
plus à la chasse. Il touche plus son
fusil.
VÉRA
Ah oui?
Monsieur Roulier fait une fugace caresse à son chien.
MME ROULIER
Y a que son bestiau qu’il touche, même
mort il continue de le caresser! C’est
pas misérable ça!
VÉRA
Mais vous l’aimiez bien vous, Degaulle?
MME ROULIER
Bof, pas trop... Il me fixait là comme
ça, sans rien dire, comme un possédé...
Comme si qu’y avait une menace derrière.
VÉRA
Vous vous sentez menacée madame Roulier?
Marcel observe le fusil posé contre la cheminé.
MME ROULIER
Vous en avez des questions, vous! Un
danger public en plein dans mon champ! À
(MORE)
28.

MME ROULIER (CONT'D)


150 m des agglomérations! Vous vous
rendez compte, vous ? C’est quoi c’est la
guerre? C’est les communistes? On sait
pas. Regardez ça: il est gros, il est
lent, il pète tout le temps, et
maintenant il parle plus.
VÉRA
Pourquoi il ne parle plus votre mari,
selon vous?
MME ROULIER
Ce que je crois? On lui a arraché son âme
pour la donner à bouffer à son clébard.
Didier observe M. Roulier qui le fixe d'un air lugubre.

23 CHAMPS DE BETTERAVE. EXT JOUR


L’équipe du GEPAN, perplexe, marche dans le champ des Roulier en
direction de la voiture.
VÉRA
Je ne sais pas vous, mais j’ai senti chez
cette dame une colère très grande envers
ce chien.
DIDIER
Ok, mais est-ce qu’on pourrait se
concentrer sur M. Roulier?
MARCEL
C’est elle qui a descendu le chien.
DIDIER
Pardon?
MARCEL
Roulier, c’est un vieux de la vielle. Un
chasseur comme on en fait plus. Un qui
garde toujours son fusil chargé. Quand il
sort dans le champ, certes il voit que
dalle. Mais ce qu’il voit par contre, en
regardant son fusil, c’est qu’un des deux
magasins est vide. Et là, paf, il se
souvient qu’il l’a pas utilisé depuis la
mort de son épagneul... Il comprend tout.
C’était pas une balle perdue. C’est sa
femme qui l’a tué.
VÉRA
Alors, sous le choc, il se met à marcher
tout droit, machinalement, sans
s'arrêter. L’émotion a été tellement
forte qu’il en a perdu la parole. C’est
tout à fait possible.
GUSTAVE
Attendez, moi j’ai toujours une question:
on a deux témoins qui s’accordent sur un
truc hyper flippant qui change de
couleur. Alors qu’est-ce qu’ils ont vu?
29.

Didier fixe un camion de loin faire marche arrière sur l'étroit


sentier de la ferme avoisinante. D’un coup, il quitte le champ en
trombe.
GUSTAVE (CONT’D)
Mais... Vous allez où?

24 CNES. BUREAUX GEPAN. INT JOUR


Didier marche d’un pas décidé vers le bureau de Gustave. Tout le
monde le suit sans comprendre.
DIDIER
On a les données météo du matin de
l’observation? La température, elle était
inférieure à zéro?
GUSTAVE
(Consultant le dossier)
Euh... oui!
DIDIER
Vous avez un de vos Mister machin dans
votre congél?
Gustave, perplexe, lui tend un Mister Freeze.
DIDIER (CONT’D)
Et allumez-moi votre truc là.
Gustave allume son projecteur de diapos.
DIDIER (CONT’D)
Vous voulez savoir ce qu’ils ont vu? Et
bien voilà ce qu’ils ont vu: du givre!
Didier place un morceau du Mister Freeze juste devant la lentille
du projecteur. Le morceau de glace illuminée reproduit exactement
l'effet de brillance et de halo scintillant décrit par les
témoins.
DIDIER (CONT’D)
C'est ça leur cigare lumineux : un
buisson! Le matin de l'observation il
était couvert de givre et enveloppé d'une
légère nappe de brume, qu’ils ont prise
pour de la fumée. Le givre sur le buisson
a alors diffracté une forte lumière, lui
donnant un relief et une brillance
spectaculaires!
GUSTAVE
Mais quelle forte lumière?
DIDIER
Les phares du camion de la ferme voisine,
qui manoeuvrait dans l'obscurité
matinale! Eclairant dans un premier temps
le buisson de ses phares arrières rouges,
puis de ses feux avant jaunes. C’est pour
ça qu’ils le voyaient changer de couleur!
30.

Pour illustrer ses propos il passe successivement une diapositive


à dominante jaune, puis rouge. L’équipe est franchement épatée.
JOUR 4

25 FERME DES ROULIERS- CUISINE. INT JOUR


L’équipe du GEPAN au complet se tient de nouveau face aux Roulier.
MME. ROULIER
Et la fumée?
DIDIER
Sans doute de la brume.
MME ROULIER
Et la lumière dans les arbres?
DIDIER
Du givre aussi, vraisemblablement.
M. ROULIER
Tu vois, t'es qu'une conne Ginette!
Devant M. Roulier sortant brutalement de sa torpeur, tout le monde
est stupéfait.
MME. ROULIER
Porc que tu es! Tu m’as fait tourner en
bourrique.
M. Roulier s’empare de son épagneul et se dirige vers sa chambre.
DIDIER
D’un autre côté vous, vous avez tué son
chien, faut pas vous étonnez qu’il ne
veuille plus vous adresser la parole...
M. ROULIER
Quoi??
M. Roulier regarde Didier, stupéfait.
M. ROULIER (CONT’D)
Elle a tué mon chien? Ginette, c’est toi
qu’a tué Degaulle?
Mme Roulier se mure dans un silence éloquent. Le GEPAN ne sait
plus où se mettre. M. Roulier avance vers sa femme d’un air
menaçant.
M. ROULIER (CONT’D)
Sale puterelle! Tu veux savoir où c’est
que j’ai disparu? Ben je vais te le dire.
Quand je t’ai vue, pour la trente
millième fois, crier comme une barjaque,
après un truc qu’existe même pas, je me
suis fait le serment de plus jamais
refoutre un pied ici. Et va savoir, j’ai
pensé à Françoise, ma cousine qu’habite
Saint-Genis. Ça fait 52 ans qu’elle me
fait des lècheries et que moi, comme un
con je pisse droit! Ben cette nuit là,
j’ai compris.
(MORE)
31.

M. ROULIER (CONT’D)
J’ai marché des kilomètres, tout droit,
dans la nuit, dans le froid, quitte à
crever, mais accomplir la seule chose
intelligente qui me reste à faire de mon
existence: sauter Françoise. Si les
gendarmes m’avaient pas arrêté, je te
jure qu’elle y passait! Et tu sais quoi:
ben j’y retourne!
M. Roulier pose son chien empaillé et s’apprête à partir. Mme
Roulier s'empare alors du fusil et menace son mari.
MME. ROULIER
Si tu bouges d'ici René, je t'explose le
paquet!
M. ROULIER
Ça fait 52 ans que tu me les brises
Ginette, tu crois que ça me fait peur?
MME ROULIER
Je te préviens, je vais tirer!
M. ROULIER
Ben moi aussi, je vais tirer.
Sur ce, M. Roulier part en claquant la porte. Didier et son équipe
se retrouvent un peu bêtes, face à Mme Roulier.
GUSTAVE
Eh bien maintenant vous savez que ce
n’était pas une menace venue de l'espace.
Vous pouvez dormir tranquille.

26 CNES. BUREAU DU DIRECTEUR. INT JOUR


Didier brandit fièrement à Hubert un exemplaire de la Voix du
Midi. Le journal titre: " LE MYSTÈRE DE GONDRECOURT BRILLAMMENT
RÉSOLU PAR DES INGÉNIEURS DU CNES: ELLE PRENAIT SON BUISSON POUR
UN VISITEUR DE L'ESPACE".
DIDIER
Tout ce que touche je le fous en l’air?
Alors dégommer des OVNI, d’accord. Mais
je vais pas me contenter de ça. Je vais
couler le GEPAN.
HUBERT
Ce Bureau c’est pire que la boite de
Pandore. On l’a ouvert, maintenant tout
le monde voit des machins partout, on
peut plus le fermer.
DIDIER
Je vais les résoudre un à un tes mystères
grotesques. Ton phénomène OVNI je vais le
renvoyer dans les limbes des
superstitions pré-moyenâgeuses. Et tu
verras que tout le monde, à commencer par
ton Ministre, sera bien obligé de se
rendre à l’évidence que ce Bureau n’a pas
plus de raisons d’exister que les
martiens!
32.

Les yeux d'Hubert se mettent à briller.


DIDIER (CONT’D)
Mais tout ça, à une condition: si je te
coule le GEPAN, tu te démerdes, tu me
remets dans la course, tu me fous sur
ARIANE.
Hubert retrouve le sourire et sert la main de Didier.
HUBERT
T’es vraiment cinglé.

27 MAISON DIDIER. SALON. INT JOUR


Didier rentre chez lui, triomphant. Élise est allongée sur le
canapé du salon et fume une cigarette.
DIDIER
Elise j’ai trouvé! C’était du givre!
ELISE
Mais tu m’avais pas dit que c’était pas
du givre, justement?
DIDIER
C’est l’enquête de Gondrecourt! Je l’ai
résolue! Élise, tiens toi bien : dans un
an, je suis sur ARIANE! Je vais faire
mon retour! Tout va redevenir comme
avant.
Elise ne réagit pas.
DIDIER (CONT’D)
Quoi? T’es pas soulagée?
ELISE
Si tu veux savoir la vérité, quand tu
m’as dit que TOPAZE c’était fini, là ce
que j’ai ressenti, c’était du
soulagement. Didier, ça fait 15 ans que
notre vie tourne autour d’un programme
spatial.
DIDIER
...
ELISE
Mon chéri, TOPAZE, ARIANE tes fusées, tes
OVNI... super. Fais tout ce que tu veux,
je te soutiendrai toujours. Par contre,
on fera pas exactement comme avant. T’es
pas le seul à vouloir faire quelque chose
de ta vie, tu sais.
DIDIER
Je comprends pas.
ELISE
J’ai juste pas envie de me dire que le
meilleur est derrière moi.
33.

Elise se lève, dépose un baiser sur le front de Didier, et écrase


sa cigarette avant de quitter la pièce.
DIDIER
Tu fumes maintenant?

28 CNES. BUREAU GEPAN. INT JOUR


Didier ouvre la porte de son bureau et tombe sur toute son équipe,
rassemblée autour d’une bouteille de champagne et de l’article de
La Voix du midi encadré. Marcel fait sauter le bouchon.
MARCEL
On attendait que vous.
GUSTAVE
À notre nouveau directeur! Bravo pour ce
grand jour! M. Mathure, je tenais à
m’excuser personnellement. C’est pour
nous une grande fierté et une chance
immense de vous avoir à la tête de notre
Bureau. Avec vous, j’ai comme le
pressentiment que le GEPAN est entre de
bonnes main et qu’il a encore de beaux
jours devant lui!
Gustave tend un verre à Didier qui reste sans voix.
GUSTAVE (CONT’D)
Au GEPAN!
Tout le monde trinque. Didier n’en mène pas large.
VÉRA
Regardez! J’ai retrouvé tous mes vieux
manuels de psycho! Ah, et on a reçu ça
pour vous.
Sur son bureau envahi de bouquins Véra prend un paquet estampillé
du logo de l’armée de l’air, qu’elle tend à Didier.
VÉRA (CONT’D)
Il y a une lettre avec, je vous la lis?
“Longue vie au GEPAN, et à son nouveau
Directeur. Signé: Général Delbrosse”.
Didier ouvre le paquet, circonspect, et en sort un étincelant
gilet de sauvetage orange.
FIN DE L’EPISODE
NOTE D’INTENTION

« Dans tout autre pays, une idée pareille était impensable. Personne n’aurait jamais
accepté. S’il y a un pays où c’était faisable, c’est bien la France».
Claude Poher, fondateur du Groupe d’Etudes, des Phénomènes Aérospatiaux Non-identifiés.

« Si les auditeurs pouvaient voir par eux même la masse de rapport arrivant de la
gendarmerie, ils verraient alors que tout cela est assez troublant. […] Pour l’instant, on
est bien forcé de reconnaitre qu’il y a quelque chose que nous ne comprenons pas. »
Robert Galley, Ministre des Armées, sur France Inter, le 21 février 1974.

À première vue, la France n’est pas une terre d’accueil naturelle pour les récits
de science-fiction. Au sein de notre culture populaire, le mythe extraterrestre
renvoie surtout à des images potaches, portées notamment par Louis de Funès
et Jacques Villeret. Pour nous, jeunes scénaristes imbibés de culture
télévisuelle des années 90, l’idée même d’une série mettant en scène un
Bureau d’investigation sur les OVNI renvoie automatiquement à une célèbre
série qui nous a transportés aux « frontières du réel » pendant notre enfance. Si
bien qu’il semble même difficile d’imaginer qu’une fiction traitant de la
présence hypothétique d’extraterrestres puisse naître hors du continent où se
sont développés les fantasmes autour de Roswell et de la Zone 51. Et pourtant,
il suffit de se plonger dans notre Histoire nationale pour découvrir que le sujet y
a pris une dimension tout à fait particulière et bien plus importante que nous
l’aurions imaginé. La France est en effet le seul pays au monde à avoir disposé,
pendant les années 70, d’un authentique Bureau officiel d’investigation sur les
OVNI: le GEPAN. Le simple fait que la question ait pu être prise à ce point au
sérieux par les pouvoirs publics, a sonné en nous comme un défi d’écriture : et
si la France était, elle aussi, un formidable décor de science-fiction ?

Nous avons eu la chance de pouvoir visiter le CNES, de rencontrer Alain


Esterle, ancien Directeur du GEPAN, d’interviewer d’anciens d'enquêteurs,
d’explorer des archives et des rapports d'enquêtes qui se sont avérés
d’extraordinaires sources d’histoires improbables (mais vraies). L’existence du
GEPAN nous a fait prendre conscience d’un véritable phénomène OVNI en
France dans les années 1970. En découvrant toute une mine de revues, de
films, de reportages et d’émissions télévisées, ainsi que des rapports
d’observations se comptant par milliers, nous avons eu l’envie d’écrire une
fiction naturaliste, ancrée dans la réalité historique et sociale de notre pays, qui
puisse également exploiter les thèmes et le folklore de la mythologie de
science-fiction et du paranormal. Une sorte de cartographie de la France dans
toute sa diversité sociale, institutionnelle, territoriale et patrimoniale, sous
l’angle de ses mythes contemporains et de ses croyances ancestrales. Le
concept même d'OVNI sert de clef d’entrée dans le conflit central de la série : la
lutte entre le rationnel et l’irrationnel en chacun de nous. Un conflit qui pose la
question des limites de la science, du pouvoir de la connaissance face aux
superstitions et à la paranoïa, du besoin de croire, de la capacité à donner des

7
réponses et à faire disparaître le mystère de nos vies. Les OVNI sont
probablement la manifestation la plus sensationnelle que quelque chose
échappe toujours à la rationalité. C’est dans cette fissure, cette brèche de
l’inexplicable, que s’aventurent à leurs risques et périls les héros d’OVNI(s). En
effet, la seule « rencontre du 3ème type » à laquelle nous assistons dans la série,
c’est celle que va faire Didier, un individu pétri de certitudes, parangon du
modernisme pompidolien, avec la France profonde de la fin des années 70 alors
traversée par des mutations fondamentales (entrée dans la modernité, dans la
collaboration européenne, dans les années de crise…). En ce sens, OVNI(s) se
veut la plus terrestre des séries sur les extraterrestres. Une série qui traverse
les frontières de l’irréel, pour nous emmener avec humour et décalage… au
beau milieu du réel.

OVNI(s) est tout d’abord une série à énigmes, reprenant à son compte certains
codes du « whodunnit ». Une série procédurale semi-feuilletonnante, où chaque
épisode fonctionne sur un mystère et un besoin de réponse. Mais si le GEPAN
finit toujours par découvrir la vérité cachée derrière l’OVNI, c’est au prix de
nombreux doutes, erreurs, maladresses et échecs cuisants. OVNI(s) est une
comédie qui exploite le ton « pittoresco-dérisoire » inhérent au fait de travailler
sérieusement sur les soucoupes volantes. Cependant, nous ne voulons pas faire
d’OVNI(s) une série parodique, qui pourrait vider le sujet de sa substance et
des enjeux qui lui sont attachés. Utiliser la science pour chercher la vérité hors
de la mythologie extraterrestre, sans pour autant se satisfaire de la thèse que
les témoins des observations d’OVNI n’ont pas toute leur raison, c’est écarter à
la fois le paranormal, X-Files, et la caricature, Scooby-Doo (sans pour autant
renier ces deux séries en tant que sources inépuisables d’inspiration). D’où
notre envie de nous inscrire dans le registre de la « dramédie ». À la manière de
séries comme Better Call Saul ou Kaboul Kitchen, nos intrigues se veulent à la
fois réalistes et surréalistes, résolument perchées sans être pour autant
loufoques. Et si les personnages sont bien des personnages de comédie, ils ne
sont pas amenés à rester figés d’épisode en épisode, mais à évoluer sur le long
terme.

Didier Mathure, personnage principal de notre série, est l’incarnation d’une


image idéale et nostalgique : celle de la France pompidolienne. Une France
indépendante sur le plan stratégique et économique. Une France qui s’impose
comme un modèle pour le reste du monde. Une France à la pointe de la science
et de la technologie, qui a toujours un coup d’avance. Bref, une France qu’on a
un peu oubliée. Didier Mathure, qui se targue d’émanciper le pays de ses
croyances et de ses superstitions, est en fait enchevêtré dans un mythe
complet. Notre héros entre dans la crise de la quarantaine en même temps que
la France entre dans la crise des « Trente piteuses ». Après un âge d’or de
croissance économique, de plein emploi et de consumérisme bienheureux, le
pays entre dans l’ère des incertitudes et des remises en question. C’est le
moment où l’inquiétude s’installe, où sectes, utopies alternatives, nouvelles
mystiques et pensées extrémistes se développent. Notre regard sur cette
8
époque résonne avec notre expérience d’enfants des années 1990, coutumiers
d’un sentiment de désenchantement et de doute au sujet de l’avenir. Ce qui
nous intéresse, c’est précisément ce moment de basculement où les choses
nous glissent entre les doigts, où l’on commence à sentir que l’on perd pied.
Mais les années 70 nous inspirent également pour ce qu’elles ont de sublime,
d’énergique et de flamboyant, autant sur un plan esthétique et visuel que sur le
plan de leurs idées, de leurs perspectives, et de leur enthousiasme. Ce contexte
historique représente pour nous l’opportunité de jouer avec la notion même de
modernité et de progrès —à la manière de Jacques Tati, au travers d’objets
emblématiques (mange-disque, four micro-ondes, répondeur, ramasse-miettes
et couteau électrique…), sensés faciliter la vie mais contribuant la plupart du
temps à l’hostilité de l’environnement—, de jouer sur les prédictions et des faits
d’actualité marquants ou encore de s’amuser à se demander si Claude François
croyait aux extraterrestres. Notre série OVNI(s) cherche à explorer le monde
des années 70 dans toute sa richesse et tous ses paradoxes. Un monde qui
résonne avec le nôtre, mais qui restera toujours pour nous un objet… pas si
facile à identifier.

9
DESCRIPTIF DES PERSONNAGES

Didier Mathure
Didier, la quarantaine depuis peu, est un brillant ingénieur en mécanique
spatiale contraint de remettre en cause les principaux fondements de son
existence. Pur esprit rationnel aux valeurs vieille-France, il a toujours cru dur
comme fer à son travail, à son pays et aux lois de la physique. Mais pour lui,
comme pour la France, les « Trente Glorieuses » sont terminées.
Polytechnicien élitiste et obsessionnel, Didier ne supporte pas d’être tenu en
échec et de ne pas être reconnu à sa juste valeur. Derrière le costume de looser
dont ses relations de travail comme sa famille l’ont affublé se cache un esprit
combatif et orgueilleux. Peut-être même un peu trop orgueilleux. Toujours
persuadé d’avoir raison (ce qui est parfois le cas tout de même), il est pétri de
certitudes et de préjugés dont il ne démord jamais. Se considérant au-dessus
de la mêlée, il voit dans les énigmes qui lui sont soumises de véritables défis
personnels. Pour prendre sa revanche et réintégrer le fleuron de l’aérospatial
mondial, Didier fait confiance à sa meilleure arme : son absence totale
d’imagination. Didier ne se fie qu’aux choses fondamentales et logiques. Il ne
croit qu’aux relations de cause à effet, qui se limitent au domaine de
l’explicable et du matériel et ne comprend pas qu’on puisse prendre la réalité
pour autre chose que ce qu’elle est. Une forme de naïveté tout à fait paradoxale
pour un homme de son niveau intellectuel. Mais c’est comme ça : les gens qui
se racontent des histoires, c’est sa hantise. Didier n’aime pas l’idée de perdre
ses repères, et encore moins celle de perdre la raison. Chasser le mystère, ça le
rassure. Mais le principal apprentissage que va faire Didier en travaillant au
GEPAN, c’est que pour percer leur étrangeté, il faut pourtant entrer de plain-
pied dans les histoires des autres. Didier ne redeviendra sans doute jamais le
grand espoir de l’astrophysique qu’il était, mais sa nomination à la tête GEPAN
aura au moins le mérite de lui permettre de sortir de son labo, de s’ouvrir à
d’autres réalités, voire de renouer avec lui-même. Car derrière ses airs austères
de scientifique avide de contrôle qui a passé sa vie à calculer des trajectoires
sur des ordinateurs géants, Didier a quelque chose d’un rêveur, bouleversé par
l’idée que certaines étoiles aient dû mourir pour que nous puissions exister, et
que l’on a un peu de notre propre mystère à débusquer au fin fond du cosmos.
Peut-être qu’en s’obstinant à faire décoller des fusées, il cherche en fait à
satisfaire un besoin tout ce qu’il y a de plus universel, d’émerveillement…

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SON ÉQUIPE

Gustave Doudart
Gustave est un ingénieur d’à peine trente ans, qui se distingue par son haut
niveau de créativité scientifique. À l’inverse de son supérieur et mentor Didier
Mathure, Gustave déborde de passion et d’imagination. As du bidouillage
expérimental qui ne résout pas les problèmes, voire les complique, il reprend
un peu trop à son compte la pensée de Léonard de Vinci selon laquelle « une
personne qui n’a jamais commis d’erreur n’a jamais tenté d’innover. »
Gustave connaît les méthodes du GEPAN sur le bout des doigts, il en a même
conçu la plupart. Il sait mettre les choses à l’épreuve de la science et faire
« parler la matière », comme il dit. Au demeurant, Gustave ferait un excellent
scientifique s’il n’avait pas la faiblesse d’être aussi passionné par son sujet. Il a
en effet la fâcheuse tendance de céder assez rapidement aux sirènes de
l’irrationnel. Biberonné aux récits de science-fiction et aux films fantastiques de
la culture pop des années 60-70, Gustave est resté cet enfant impressionnable
qui, au fond, aimerait avoir une bonne raison de croire à l’impossible. Mais
comme il aime le rappeler : en matière de science, le scepticisme est un devoir,
et il fait de son mieux pour s’y tenir. Convaincu que ce qu’ils font au GEPAN
pourra un jour ou l’autre sauver le monde (que les extraterrestres existent ou
non, du reste), Gustave est très certainement le membre de l’équipe le plus
investi de sa mission. Le GEPAN, c’est plus qu’un boulot, c’est sa vie. D’autant
plus qu’il y a Véra….
S’il est un allié essentiel pour l’aider à résoudre ses enquêtes, Gustave
deviendra néanmoins le principal obstacle pour Didier Mathure lorsqu’il percera
à jour la trahison de ce dernier visant à couler le GEPAN.

Véra Clouzot
Véra, 27 ans, secrétaire sténodactylographe et accessoirement expert
psychologue, est le petit soleil du GEPAN. Pour Véra, tout est miracle. Positive,
prévenante et généreuse, elle regarde le monde avec émerveillement, attentive
à chaque instant à la beauté des choses, des âmes, de la nature et des
inventions de son collègue Gustave. Véra, c’est un peu comme Pocahontas qui
aurait pris un job de bureau. Elle appréhende tous les gens qu’elle rencontre
comme des enfants égarés, dont elle a tendance à sur-interpréter les besoins et
les névroses (un collègue qui lui demande systématiquement de « relier » les
pages de ses dossiers souffrirait-il d’un trouble de l’attachement?). Malgré ses
diagnostics incongrus et son empathie poussée à l’extrême, Véra est beaucoup
plus lucide et perspicace qu’elle n’en a l’air. Car Véra a un don unique au sein
du GEPAN : le don de poser les bonnes questions. Sa force de persuasion
affective phénoménale permet également de débloquer un grand nombre de
situations.
Bien qu’elle n’ait jamais terminé son DEUG de psycho, Véra va prendre son rôle
de self-made-psychologue très au sérieux. Surtout maintenant que quelqu’un,
en l’occurrence Didier, lui donne enfin l’opportunité d’exprimer son vrai talent.

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Elle ne manquera pas de lui renvoyer l’ascenseur, en lui transmettant quelques
« fondamentaux » de psychologie, à utiliser au travail comme à la maison. Son
objectif, c’est que le GEPAN fonctionne en harmonie. Pour cela, elle n’hésitera
pas à multiplier les actions susceptibles de renforcer la cohésion du groupe et
de favoriser l’éveil au monde de ses collègues : câlins collectifs, cercle
d’énergie, pauses sur la route pour explorer les lieux de leur enfance… Véra est
passionnée par les histoires et les mouvements qui traversent
chaque individu. Mais tout le monde n’a pas la patience de Véra et Didier peut
très vite atteindre ses limites face à sa vision émerveillée de
la psyché humaine.

Marcel Bellaiche
Marcel est un homme d’âge mûr à qui le trench-coat donne l’air de sortir tout
droit d’un film de Jean-Pierre Melville. C’est un vieux de la vieille. À lui, on ne
la fait pas. Ancien flic radié de la police nationale pour une raison encore
mystérieuse, il a été recruté au GEPAN pour mettre au point une procédure
d’investigation des OVNI conciliant sciences exactes et enquêtes judiciaires.
Mais il se donne encore beaucoup de mal sur chaque affaire pour montrer à
tous ces laborantins comment se mène une vraie enquête. Marcel a gardé de
son expérience d’inspecteur de police le plaisir de taper à la machine à écrire à
deux doigts (parfois celui, aussi, de taper quelques témoins), mais également
un flair imparable. La force de Marcel est de ne jamais prendre le discours des
témoins pour argent comptant. D’un naturel méfiant voire paranoïaque, et
ayant acquis au travers de son métier une conception assez sombre de
l’humanité, Marcel voit des criminels partout. Dans les faits, il tient finalement
plus de la machine à baffes que du détecteur de mensonge humain qu’il
prétend être. Mais il a le mérite d’être un enquêteur tenace et téméraire, qui
n’abandonne jamais sa mission à la première difficulté. Il sait d’expérience que
lorsqu’une enquête mène à un cul de sac, c’est qu’il est temps de passer à
l’action. Si une porte est fermée, il entrera quand même par la porte. Un zèle qui
n’est pas sans cacher une certaine frustration, pour un homme dont la plus
grande satisfaction a toujours été de coffrer des malfrats, et qui se retrouve
aujourd’hui à courir après des soucoupes volantes. Brut de décoffrage et peu
diplomate, Marcel contrarie souvent les autres membres de l’équipe, qui ne
savent pas toujours s’ils doivent se réjouir de l’avoir à leurs côtés ou au
contraire s’en inquiéter. Marcel, lui, a fini par développer un certain
attachement à cet étrange Bureau et aux énergumènes qui l’occupent.

L’adjudant Lorigant
L’adjudant Lorigant n’a pas de bureau au GEPAN, mais il est une pièce
maitresse du dispositif. En tant qu’agent de liaison auprès de la Gendarmerie
Nationale, il est chargé de la bonne coopération entre le GEPAN et les forces de
police déployées sur le territoire. Son sens de l’organisation n’a d’égal que son

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sang-froid légendaire. Autant dire que les enquêteurs du GEPAN seront le plus
souvent livrés à eux même.

SA FAMILLE

Elise Mathure
Elise Mathure, 40 ans, c’est la planète mystérieuse que Didier n’aura jamais fini
d’explorer. Douce et maternelle, elle peut également se révéler revêche et
insoumise envers Didier. Autant dire imprévisible. Tout au long de leur vie
conjugale, Elise a su se montrer prévenante, compréhensive et dévouée
jusqu’au sacrifice, dans le seul but de laisser à son mari tout l’espace
nécessaire à l’accomplissement de son destin de génie de l’astrophysique. Mais
le bouleversement de la carrière de Didier va amener Elise à se poser des
questions sur son avenir, et surtout sur ce qu’elle vaut pour elle-même et par
elle-même. Sans rien renier des années qu’elle a choisi de vivre dans l’ombre
de l’homme qu’elle aime, elle prend conscience qu’elle aussi a peut-être une
carrière qui l’attend. Par manque de confiance en elle, ou tout simplement par
manque de temps et d’opportunité, elle ne l’avait jusqu’alors jamais réalisé.
Mais aujourd’hui elle ressent un besoin irrépressible de combler un vide, de
prouver de quoi elle est capable, de prendre son envol, et selon ses propres
mots « d’écrire » (cf. arches narratives). Difficile à comprendre pour Didier qui
considère qu’ « elle ne manque de rien ». Dans sa quête d’indépendance et de
réussite professionnelle, Elise va se révéler têtue, intrépide et obstinée. Didier
n’est pas au bout de ses surprises, surtout que le nouveau domaine de
compétence de sa femme pourrait venir concurrencer très directement le
sien…

Bastien Mathure
Bastien, 8 ans, est un enfant curieux. Et un curieux enfant. Comme tous les
garçons de son âge, il regarde Star Trek, lit Pif Gadget, et collectionne les cartes
Panini des joueurs de l’équipe de France. Mais Bastien se pose aussi beaucoup
de questions. Peut-être même un peu trop… C’est quoi la vie ? Est-ce que les
poissons croient en Dieu? C’est possible de ne jamais mentir ? Pourquoi papa
n’a plus de cheveux ?... Un besoin de réponse que Didier n’arrive pas toujours à
combler, et qui le plonge même parfois dans un profond désarroi. Car Bastien
est un petit garçon assez angoissé, qui cherche le merveilleux partout et qui n’y
trouve pas toujours son compte avec une figure paternelle aussi absente que
terre à terre. Mais il y a quelque chose qui brille à nouveau dans les yeux de
Bastien quand Didier lui raconte ses enquêtes et ses histoires d’OVNI…

Diane Mathure
Contrairement à son père, Diane, 16 ans, n’a pas la bosse des maths. Mais elle

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tient de lui son côté dur à cuire. Trop jeune pour avoir fait Mai 68, ça ne
l’empêche pas de reprendre à son profit l’idée selon laquelle « il est interdit
d’interdire ». Aussi rebelle sur les questions de société que sur les questions
domestiques, Diane est une contradictrice et une opposante particulièrement
tenace pour Didier et la vision post-gaullienne de la France qu’il défend. Vis-à-
vis de Didier, Diane est tout aussi imprévisible que sa mère, la bienveillance en
moins. Elle manie la mauvaise foi et le sens du scandale comme personne, ce
qui promet à Didier des cauchemars au-delà du pensable.

SES DEUX PATRONS

Hubert Marceaudon
Hubert Marceaudon, les OVNI, ça le dépasse complètement. Quand il constate
le nombre effarant de faits divers relatés par la presse concernant des
apparitions de soucoupes volantes, les bras lui en tombent. La création du
GEPAN met constamment en péril l’image publique du CNES, institution
scientifique de haut rang dont il a la charge. Il compte sur Didier pour lui éviter
ce qu’il déteste le plus au monde : le ridicule. Égocentrique et déloyal, Hubert
a la mémoire sélective et considère qu’il ne doit rien à personne — surtout pas
à Didier, grâce à qui il a pourtant gravi un à un les échelons du CNES. Hubert
se pense comme un grand homme de science, mais il a du mal à se comporter
autrement que comme un petit chef parvenu, frustré et colérique. Tyrannique
avec ceux qui sont en dessous de lui, obséquieux avec ceux qui sont au-dessus,
Hubert a un management aussi basique qu’efficace : c’est ce qu’il veut, quand
il veut, sinon c’est la porte. Pour autant, c’est un stratège tout à fait redoutable,
bien plus brillant en manipulation mentale qu’en astrophysique. Car
contrairement à Didier, Hubert comprend très bien les gens et sait parfaitement
les instrumentaliser à sa guise — d’où sa position au CNES… et celle de Didier.
Le destin maudit de ce dernier semble secrètement ravir Hubert, qui nourrit
envers Didier une jalousie endémique. Le comble, c’est qu’il en arrive même à
envier le GEPAN, dont l’aura médiatique et le budget (des fonds
mystérieusement alloués par le ministère de la Défense) augmentent de
manière exponentielle. Le GEPAN est invité à des séminaires ufologiques dans
des lieux exotiques (Rio, Dallas, Miami…), alors que les déplacements à
l’étranger d’Hubert se limitent à l’Agence Spatiale Européenne de Francfort.
Les caméras du monde entier sont braquées sur les « travaux » du GEPAN
alors que les prouesses techniques réalisées aux confins du cosmos par le
CNES sont, elles, reléguées en bas de page. Et lorsque Steven Spielberg en
personne appelle le Directeur du CNES, en vue de l’écriture d’une suite de
« Rencontre du troisième type », c’est parce qu’il cherche à entrer en contact
avec le « French Bureau of UFOs », c’est-à-dire, encore une fois, le GEPAN !
Vivement que ça cesse.
Le Général Armand Delbrosse

14
Le Général Delbrosse est commandant en chef des forces spéciales de l’armée
de l’air française, ce qui implique qu’il a tout pouvoir sur Didier, sur le GEPAN,
sur le CNES, et bien au-delà. Autant dire que cet impénétrable moustachu au
regard d’acier n’est pas un homme que l’on a envie de froisser. Le Général
Delbrosse s’est autoproclamé ange gardien du GEPAN et donc de Didier, son
interlocuteur privilégié. Comme il le rappelle régulièrement, toujours avec le
même aplomb terrassant, son travail, c’est d’envisager le pire. Obnubilé par le
principe de précaution, le Général se révèle paradoxalement très peu
précautionneux quand il s’agit d’atteindre son objectif — une vie humaine ne
pèse pas lourd lorsque l’on affronte la plus terrible des menaces. Sous couvert
de prudence et de vigilance en climat géopolitique hostile, le Général n’a en fait
qu’une idée fixe : mettre la main sur un extraterrestre et faire ainsi la preuve,
devant son État-major sceptique et insouciant, qu’une menace venue d’ailleurs
est à nos portes. Il en va de l’avenir de notre civilisation. L’étrange obsession
du Général cache en vérité un lourd secret. Il s’avère qu’Armand Delbrosse
n’est pas sorti indemne de la guerre d’Indochine : lors d’un raid, les
extraterrestres, ils les aurait vus. Ces derniers auraient même attaqué et
décimé son escadron. Didier comprend alors mieux l’origine des convictions
soucoupistes du Général, qui confinent à la folie conspirationniste. Mais à la
différence des illuminés habituels, le Général Delbrosse dispose d’un pouvoir
de vie et de mort tout ce qu’il y a de plus réel. Convaincu par les paroles de
l’Empereur Napoléon Ier, qui disait redouter « trois journaux plus que 100.000
baïonnettes », le Général s’est forgé un sens de la manipulation médiatique
tout à fait spectaculaire (cf. arches narratives).
Didier comprend très vite que le Général n’en est pas à son premier
Directeur… Il commence même à craindre pour sa famille. Pris en étau entre
ses « deux patrons » aux directives on ne peut plus contradictoire, notre héros
va devoir apprendre à jongler avec un double discours et à assouplir ses
convictions. À un point qu’il n’aurait jamais imaginé.

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ARCHES NARRATIVES DE LA SÉRIE

PROMESSE DE FIN DE SAISON 1


La rationalité est le meilleur atout de Didier. À la fin de la saison, il fera
pourtant un choix des plus irrationnels.
Didier n’a qu’une obsession : relancer sa carrière en faisant couler le GEPAN. À
la fin de la saison, tous ses espoirs de carrière seront anéantis et le GEPAN sera
plus nécessaire que jamais.
Didier ne déteste rien de plus que les gens qui racontent n’importe quoi. À la
fin de la saison, il prendra la décision de mentir devant les télévisions du
monde entier, annonçant solennellement l’arrivée prochaine des
extraterrestres.
Au cours de cette saison, Didier va tout perdre… sauf le GEPAN, auquel il sera
alors irrémédiablement enchainé. Pour le meilleur et pour le pire.

ARCHES NARRATIVES DE LA SAISON 1


Tout part d’Élise…
Chez les Mathure, depuis dix ans, tout tourne autour de TOPAZE, la fusée de
papa. La fermeture définitive TOPAZE et la nouvelle de la nomination de Didier
provoquent alors un profond désarroi et une lourde remise en question de leur
mode de vie. Comme Didier le dit lui-même, son travail au GEPAN n’est pas
très important (voire complètement idiot). Elise en déduit qu’il peut désormais,
entre deux OVNI, trouver le temps de prendre en charge sa part des affaires
familiales courantes. Car Elise a décidé de se donner la priorité à elle-même
pour réaliser son rêve de toujours : écrire un roman.
Mais Élise a beau savoir qu’elle a un talent caché, elle sent qu’elle manque de
méthode pour l’exprimer. Malgré toute sa bonne volonté, Didier est assez
déconcerté par cette nouvelle lubie et ses conseils ne sont pas très opérants.
Élise s’inscrit alors dans un groupe d’écriture aux méthodes atypiques, refuge
d’une poignée d’écrivains plus ou moins ratés. Le « gourou » du groupe est un
auteur fan de SF, qui, en apprenant qu’Elise est la femme du Directeur du
GEPAN, tient absolument à organiser une rencontre avec Didier. Pour faire
plaisir à sa femme, Didier finit par se rendre à reculons à l’une de ces séances
d’écriture. Mais sa présence n’a pas le résultat escompté. Didier ne peut
s’empêcher de dire sans ménagement ce qu’il pense, et finit par vexer tout le
monde. Élise, qui n’est désormais plus la bienvenue dans le groupe, lui en veut
beaucoup. Mais grâce à cette première expérience, elle est tout de même
parvenue à se faire remarquer par le rédacteur en chef d’une feuille de chou

16
locale qui lui propose d’écrire la rubrique des « courriers du cœur », en vérité un
faux courrier des lecteurs. Encore une fois, Didier ne partage pas
l’enthousiasme de sa femme, considérant qu’il s’agit là d’une imposture
affligeante qui n’a rien en commun avec le vrai journalisme. Mais Elise est
soudainement mutée à un niveau plus important. Elle est titularisée, en charge
de couvrir les faits divers de la région, ce qui comprend évidemment les affaires
impliquant les observations d’OVNI. Pour Elise, c’est une petite consécration.
Pour Didier, c’est l’enfer. Il n’aura de cesse de déconsidérer cette soi-disant
promotion, jusqu’à insinuer que sa mutation n’a rien à voir avec son talent,
mais tout à voir avec lui : si on l’a engagée, c’est uniquement parce qu’elle est
la femme du Directeur du GEPAN ! Élise commence à en avoir assez que Didier
ait l’impression que tout tourne au autour de lui, et ne manquera pas de lui
faire remarquer à cette occasion que personne ne s’intéressait au fait qu’elle
était mariée à Didier Mathure lorsqu’il construisait des fusées.

Les vrais problèmes commencent lorsqu’Élise, bien décidée à gravir les


échelons, demande à se rendre sur les enquêtes du GEPAN. Pire, elle vient
sans prévenir, sollicite des interviews auprès de Didier, lui demande en
présence de son équipe pourquoi il met autant d’acharnement à élucider ces
mystères… En travaillant pour une presse toujours avide de mystère, Élise
commence à devenir une antagoniste de taille pour Didier, qui lui s’est donné
pour objectif de minimiser le problème OVNI jusqu’à le faire disparaitre…

Diane corse la situation... et le Général se révèle…


Diane semble tout faire pour contrarier son père. Elle ne l’appelle plus papa
mais « Didier », prend la pillule, fait le mur… Poussé par Élise, Didier tente de
faire des efforts et aide sa fille à réviser ses maths pour le bac. Mais elle
s’engueule une énième fois avec lui, et disparaît mystérieusement la veille de
l’examen. Croyant tout d’abord à une fugue, Didier apprend avec horreur que
Diane a de mauvaise fréquentions : notamment Aldo, un activiste italien de dix
ans son aîné, et qui n’est probablement pas sans liens avec les Brigades rouges
(ni avec l’Alpha Romeo rouge d’ailleurs)… Bref, Diane s’est attiré des ennuis et
pour une fois, Didier n’est pas mécontent d’avoir dans sa manche un allié haut
placé : le Général Delbrosse.
Celui-ci, ravi de pouvoir rendre service son à « protégé », débloque la situation
avec une dextérité déconcertante. Problème : maintenant, Didier se sent
redevable envers le Général. C’est en lui demandant comment le remercier que
Didier découvre la folle obsession de ce dernier : « qu’il lui en ramène un. –Un
quoi ? – Un alien. » Un gros, un petit, un vert, un jaune, peu importe. Mais une
preuve irréfutable qu’ils sont déjà parmi nous, afin que le protocole de défense
pour lequel il milite soit enfin adopté. Didier comprend alors avec horreur ce qui
a poussé le Général à liquider de sang-froid l’ancien Directeur : ce qui avait
profondément vexé le Général était précisément son incapacité à lui en
ramener « un ».

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Le masque est tombé, Didier sait maintenant qu’il a affaire à un cinglé
particulièrement dangereux. Mais c’est trop tard, maintenant Didier est pieds
et poings liés. Il a désormais un deuxième patron.

Bastien en rajoute une couche…


Bastien, enfant perturbé, se met à avoir des phobies et des peurs absurdes (que
Superman se mette à tuer tout le monde, que des fantômes se marient avec lui,
que son zizi devienne « méchant » et le tue…). Des terreurs quotidiennes, qui
prennent de plus en plus de place. Démuni, Didier demande des conseils à
Véra. Cette dernière diagnostique chez Bastien une peur archaïque de
l’abandon. Il faut qu’il passe plus de temps avec son père. Didier se sent alors
obligé de céder à une des demandes récurrentes de Bastien depuis qu’il
travaille au GEPAN : être d’emmené sur une de ses enquêtes. En lui montrant
comment on résout un mystère, Didier espère surtout guérir son fils de ses
chimères. Bastien est on ne peut plus ravi. Il passe son temps à manger des
Mister Freeze et devient super pote avec Marcel à qui il demande
innocemment si lui aussi va partir sur Ariane, quand le bureau aura coulé.
Marcel ne comprend pas. « Mon papa il dit toujours que quand il aura coulé le
bureau il ira sur Ariane… ». Bastien a mis la puce à l’oreille de Marcel, qui fait
part de ses doutes à Gustave et Véra. En mettant Marcel en porte-à-faux en
tant que paranoïaque notoire, Didier pourra peut-être s’en tirer. Pour cette
fois…

L’ambiance au GEPAN n’arrange rien…


Tout le monde sait que Gustave est amoureux de Véra. Le problème, c’est qu’il
n’osera jamais le lui dire. Fatigué de ces atermoiements, Didier finit par lui
conseiller de lui faire sa déclaration. Quelle n’est pas la stupeur de Gustave au
moment où, sa résolution prise, il surprend Véra en train d’embrasser Didier !
Didier aura beau lui expliquer que c’est elle qui l’a approché de manière
totalement impromptue (la générosité de Véra n’a pas de limite lorsqu’il s’agit
de remédier à la détresse psychologique d’une personne qu’elle estime),
Gustave ne s’en remettra pas. Sa désillusion se double d’un sentiment de
trahison lorsque qu’il obtient la preuve que Didier a toujours eu pour dessein de
couler le GEPAN, confirmant les doutes de Marcel. Là, Gustave, qui d’ordinaire
est pourtant un gentil garçon, sort de ses gonds et se rend directement au
domicile de Didier pour régler ses comptes au corps-à-corps. Élise assiste à la
rixe et comprend que Didier l’a trompée avec Véra. Une information totalement
fausse, que Didier aura malheureusement du mal à démentir.
Bref, l’ambiance n’est plus franchement la même au GEPAN, et pour retrouver
la confiance de son équipe, Didier ne voit plus qu’une solution : leur promettre
l’impossible. Il tente d’abord sa chance auprès d’Hubert en essayant de
défendre le bon travail que font ses collègues et en lui demandant s’il ne serait
pas possible de leur laisser quand même un petit bureau d’enquête… sur les
OVNI… mais plus petit. Cette requête vaut évidement à Didier les foudres
d’Hubert, qui trouve qu’au contraire, on a déjà suffisamment traîné avec cette

18
histoire. Didier a maintenant de très bons chiffres, il est temps de sceller une
bonne fois pour toutes le sort du GEPAN. Hubert a justement rendez-vous avec
le Ministre dans une semaine. Didier pourrait en profiter pour lui donner son
opinion sur la question OVNI et sur celle du GEPAN. Didier se sent un peu mal
vis-à-vis de ses collègues qui se sont décarcassés pour lui et ont investi de
grands espoirs dans leur implication au sein de ce bureau : Véra a repris ses
études de psycho et a de grandes ambitions d’expérimentation psycho-
sociologique sur le sujet, Marcel arrive enfin à tourner la page et à se
débarrasser de ses démons d’ancien flic maudit, Gustave prend son envol en
tant qu’ingénieur et même en tant qu’homme…
Didier ne voit plus qu’une solution pour tenter de les recaser quelque part. Mais
comment joindre le Général ? C’est toujours lui qui, avec son sens de l’à-propos
et de la mise en scène caractéristique, entre en contact avec Didier… Didier
tente vainement de contacter l’armée. Il envoie plusieurs bouteilles à la mer,
cherchant à expliquer au Général que l’avenir du GEPAN au CNES est
menacé, et lui demandant si l’armée ne pourrait pas faire quelque chose pour
ses enquêteurs. Mais étrangement, le Général ne donne aucun signe de vie…

Tout concorde vers un double épisode final, qui cristallise tous les problèmes
de Didier.

Nous arrivons bientôt à la fin de la saison. Didier a déjoué tous les pièges,
résolu toutes les enquêtes. Dans quelques jours il présentera au Ministre un
rapport, compilant toutes les explications des soi-disant mystères du GEPAN, à
même de clore définitivement le débat sur les OVNI en France. Pour conforter
sa motivation, Hubert lui a fait savoir que son dossier pour prendre la tête du
projet ARIANE serait accepté très prochainement. Didier est donc à deux doigts
d’atteindre son but, quand une affaire d’une ampleur tout à fait spectaculaire
éclate à Cergy Pontoise.

Trois jeunes garçons d’à peine 20 ans ont disparu alors qu’ils chargeaient leur
camion pour aller vendre des jeans sur les marchés. Des témoins parlent de
manifestations lumineuses étranges le matin de leur prétendu enlèvement.
Mais quand les trois jeunes hommes réapparaissent après deux jours de
mystérieuse absence et soutiennent qu’ils ont été enlevés par des extra-
terrestres, le quartier populaire de la ville de Cergy-Pontoise devient le sujet
d’une spectaculaire psychose collective, montée en épingle par une presse à
sensation déchaînée. Hypnotiseurs et gourous en tout genre défilent les uns
après les autres pour se faire les porte-paroles de ces trois jeunes contactés.
Des « cercles d’accueil » animés par les Raëliens investissent le champ de
choux où les trois garçons auraient réapparu, car les OVNI s’y manifesteraient
régulièrement depuis. De multiples témoignages relatent des phénomènes
pseudo mystérieux. Tout le monde dans la cité y va de son OVNI. C’est
l’hystérie générale. Les trois copains ne reviennent pas sur leur version et
paraissent étrangement sincères. Didier est franchement dépassé et ne peut

19
plus vraiment compter sur son équipe : les méthodes d’interrogatoire et de
filatures de Marcel s’avèrent inefficaces, Véra s’est lancée dans une étude
psychosociologique de la cité dont on ne voit pas le bout, quant à Gustave, il
perd son énergie à faire semblant de séduire une raëlienne dans le seul but
d’essayer de rendre Véra jalouse. Pour la première fois, Didier se révèle
totalement impuissant face à des témoins et une presse qui semblent avoir
clairement embrassé l’hypothèse extra-terrestre. Tout le monde succombe à la
psychose. Tout le monde, sauf Elise. Et pour une fois, ce n’est pas Didier, mais
Élise qui va résoudre l’affaire…

Elle qui s’est affirmée en tant que reporter et qui écrit désormais des piges pour
la presse nationale, annonce à Didier qu’elle tient un scoop. Elle possède la
preuve irréfutable que toute cette affaire est une obscure manipulation de
l’armée, orchestrée par un certain Général Delbrosse. Didier ne peut pas le
croire. Mais après vérification, il semblerait en effet que la panique dont fait
l’objet Cergy-Pontoise soit une gigantesque manipulation mise en scène par
l’armée française et le Général (qui a donc véritablement kidnappé et drogué
ces trois jeunes qui ne demandaient rien), dans le seul but de prouver au CNES
et à la France l’absolue nécessité d’un GEPAN fort… Le Général a tout
simplement tenté de « sauver » le GEPAN conformément à ce qu’il a cru que
Didier lui demandait. Merci qui ?

Élise est déterminée à faire exploser l’affaire. C’est énorme, le Pulitzer assuré,
la chance de sa vie! Didier, qui lui, sait très bien de quoi le Général Delbrosse
est capable, tente de convaincre sa femme de ne rien dire… en vain. Après
différentes tentatives qui se heurtent à chaque fois à la détermination d’Élise,
Didier doit se rendre à l’évidence : la seule manière de sauver la vie de sa
femme et d’étouffer ce scoop, c’est de le tuer dans l’œuf en créant de toute
pièce un scoop encore plus énorme. Ce qui revient à fabriquer une fausse
preuve et à annoncer à Hubert et au Ministre exactement l'inverse de ce qu’il
avait prévu de leur dire : les extraterrestres existent, il les a vus, ils les a même
rencontrés ! Lui qui voulait débarrasser la France de ses hallucinations déclare
désormais publiquement que la menace OVNI est plus réelle et inquiétante que
jamais. Pour, la plus grande satisfaction du Général, la plus grande colère
d’Hubert et le plus grand malheur de Didier.
Didier peut dire adieu à ARIANE, ainsi qu’à Elise. En effet, cette dernière ne
pardonnera pas à Didier ce geste, qu’elle interprète comme la marque ultime du
comportement castrateur qu’il n’a eu de cesse d’avoir à son égard, dès le
moment où elle lui a annoncé son intention de reprendre une activité
professionnelle. Élise garde la vie sauve mais demande le divorce.

À la fin de la saison, Didier est au plus bas. Mais le GEPAN, lui, n’a jamais été
aussi fort.

PISTES D’ENJEUX POUR LES SAISONS ULTERIEURES

20
Comme en saison 1, Didier cherchera à tout prix à revenir en arrière et à
retrouver son âge d’or perdu. En l’occurrence Élise, la femme de sa vie. Didier
fera donc tout son possible pour reconquérir son ex-femme, qui a jeté son
dévolu sur Hubert Marceaudon.
L’ennemi n° 1 de Didier, c’est désormais Hubert, doublement décidé à le
ratatiner. Le CNES devient alors le champ de bataille d’une guerre sans merci.
Si le GEPAN est désormais pratiquement intouchable (et en plein boom),
Hubert tentera par tous les moyens de se débarrasser de son Directeur. Quitte
à instrumentaliser Gustave pour le mettre en compétition avec Didier dans une
lutte pour la direction du GEPAN.
Didier pourra toujours compter sur son allié et « ami » embarrassant : le
Général Delbrosse. N’ayant pas trouvé le courage d’avouer au Général qu’il
avait menti aux télévisions du monde entier, il s’est contenté de lui dire que la
preuve lui avait échappé. Mais le Général est bien décidé à offrir à Didier tous
les moyens en sa possession pour retrouver la trace de son extraterrestre...
La fameuse déclaration de Didier n’a pas uniquement fait de lui la risée du
monde scientifique, elle l’a aussi érigé en phénomène de pop culture, une vraie
rock star de l’Ufologie. Des réalisateurs américains s’intéressent à lui, des
sectes ufologiques lui proposent de l’argent, des groupies le poursuivent… Une
célébrité qui va peut-être devenir sa meilleure arme, non seulement pour
exaspérer Hubert, mais aussi pour affronter sa vie de jeune père divorcé. En
tous cas, Bastien est plus fier que jamais de son papa… (Certes, c’est plus
compliqué pour Diane, qui elle veut quitter la France et changer de nom de
famille).
Une chose est sûre : la vie de Didier devient indissociable de la question OVNI.
Jusqu’à ce que Didier soit lui-même le sujet d’une observation d’OVNI. Il
devra alors se mettre à enquêter sur son propre mystère…

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PITCHS D’ÉPISODES

STRUCTURE DES ÉPISODES

Chaque épisode est centré sur une nouvelle intrigue d’enquête bouclée, à
laquelle s’entremêlent deux autres intrigues feuilletonnantes : une intrigue
autour de la vie de bureau au GEPAN et/ou au CNES, et une intrigue qui touche
à la vie privée et à la famille de Didier (dont nous quitterons parfois le point de
vue).
Les pitchs ci-dessous sont des exemples d’intrigues d’enquêtes bouclées.

L’INVASION DES POISSONS ZOMBIS.

L’adjudant Lorigant informe le GEPAN d’un phénomène tout ce qu’il y a de plus


inquiétant, qui s’est produit aux abords d’un village en Rhône Alpes et a
terrorisé les environs. Il y a plusieurstémoins et 1,8 tonne de poissons morts.
L’enquête risque de prendre plusieurs jours sur place. Toute l’équipe du
GEPAN se réjouit à l’idée d’aller dormir à l’hôtel.
Sur place, l’équipe rencontre M. et Mme Armand, pisciculteurs de profession,
encore sous le choc après l’observation d’une forte lumière bleu-violette
accompagnée d’un bruit sourd, particulièrement effrayant. Mais la peur a laissé
place à un problème beaucoup plus concret. Ils se retrouvent depuis le
phénomène avec un immense tas de poissons, vraisemblablement morts sur le
coup. Ce qui représente près de la moitié de leur élevage de silures. Selon M.
Armand qui connait son métier, les poissons ne peuvent pas être morts de
maladie car « leurs yeux ne sont pas enfoncés », et une analyse vétérinaire
confirme qu’ils ne sont atteints d’aucun virus. Tant que le mystère n’aura pas
été résolu, la gendarmerie lui interdit pourtant de vendre ses poissons. Ceux
qui ont survécu à l’attaque ont, depuis les faits, un comportement étrange: ils
sont léthargiques, comme endormis, et parfois agressifs. Ils s’attaquent entre
eux comme en témoignent les traces de morsures et de blessures sur leurs
peaux. Marcel (qui voit des criminels et des escrocs en puissance partout)
soupçonne M. Armand d’avoir inventé cette histoire afin de toucher une
assurance conséquente, faisant passer ses poissons pour impropres à la
consommation afin de toucher une assurance conséquente. Le reste de l’équipe
ne croit pas à cette hypothèse machiavélique. Mais, convaincu par son intuition
(son instinct ne l’a jamais trompé), Marcel décide de pêcher un des poissons
encore vivant afin de le manger et de faire la preuve que ces derniers sont
tout-à-fait comestibles.
Gustave n’est vraiment pas rassuré : des poissons léthargiques et agressifs,
plus un poisson soi-disant mort qu’il croit avoir vu frétiller dans le tas… Il n’ose
pas trop en parler ouvertement et ne le dit à Marcel qu’à demi-mot, mais tout
fait penser à la propagation d’une sorte de peste zombie (comme dans
L’invasion des profanateurs de sépultures) et il déconseille fortement à son
coéquipier de manger ce poisson. Didier le remet à sa place un peu sèchement.

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Véra encourage Gustave à s’imposer d’avantage : « Mieux vaut affirmer ses
peurs qu’avoir peur de s’affirmer… ».
De retour à leur hôtel, Marcel demande à ce qu’on lui cuisine le silure de M.
Armand. Il trouve le poisson délicieux. Gustave revient sur l’étrangeté du
phénomène et particulièrement sur le fait que, d’après les renseignements
transmis par EDF, il n’y a pas eu de disjonction du courant électrique. Et quand
bien même, ça n’expliquerait en rien ce qui est arrivé aux poissons. Didier
argue que la mort des poissons n’a peut-être rien à voir avec leur affaire. Au
moment où le jeune ingénieur commence à se révolter contre l’autorité de son
chef, sous le regard encourageant de Véra, toutes les lumières des environs
sautent. Le restaurant est entièrement plongé dans le noir.…
Gustave partage la chambre avec Marcel. L’électricité étant coupée, il veille à la
bougie. Marcel à côté de lui a un comportement étrange : il est fiévreux,
transpire, grogne, délire légèrement… Gustave n’est pas rassuré du tout. Il
toque à la porte de Véra qui l’accueille avec bienveillance. Gustave lui annonce
qu’il a décidé de sauter le pas, et qu’il d’oser affirmer ses peurs. En
l’occurrence, l’état de Marcel le terrifie : d’après ses symptômes, tout porte à
croire qu’il est en train de se transformer en zombie à cause du poisson mutant
qu’il a mangé. Véra lui répond avec douceur que c’est très peu probable et le
raccompagne vers sa chambre. Ils découvrent à la lumière de leur bougie
Marcel à moitié nu, ventre contre terre, un peu de vomi au coin de la
moustache, en train de ramper vers eux tout en maugréant quelque chose
d’incompréhensible. Gustave et Véra paniquent et courent se claquemurer
dans la chambre de Véra tandis que Marcel erre dans les couloirs de l’auberge
en grognant.
L’adjudant Lorigant, apeuré comme d’habitude, déboule dans l’auberge pour
prévenir le GEPAN qu’une ligne électrique vient de s’écrouler. C’est pour ça
que l’électricité a sauté. Selon lui, les OVNI s’en prendraient maintenant aux
poteaux électriques et plus seulement aux poissons. Gustave lui explique la
situation de Marcel, dont les symptômes semblent empirer. Ils se montent la
tête, prennent de plus en plus peur, et en viennent à se demander s’il ne
vaudrait pas mieux tirer une balle dans la tête de Marcel avant que toute
l’auberge n’y passe…

23
L’OVNI DE CLAUDE F.

Le GEPAN est contacté anonymement par un homme qui leur fait part de sa
récente observation. En fin de journée, alors qu’il repeignait le mur d’enceinte
d’une luxueuse propriété en Ile-de-France, il a vu une sorte de masse ovoïde
apparaitre dans un halo lumineux avant de repartir à toute vitesse et de
disparaître dans le ciel. En arrivant sur place pour interroger le témoin, le
GEPAN tombe sur un responsable de la sécurité, au service du mystérieux
propriétaire des lieux. Cet employé craint notamment qu’il s’agisse d'un
appareil télécommandé par des paparazzis, et s’inquiète de savoir si la sécurité
du domaine est menacée. Il fait bien comprendre aux enquêteurs du GEPAN
que l’affaire est sensible et qu’il compte sur leur plus grande discrétion, avant
de leur révéler que ce n’est pas lui qui a vu l’objet mystérieux, mais son
employeur qui n’est autre que : Claude François. Mais il préfère rester le plus
discret possible sur le sujet.... car ce domaine n’est pas une résidence officielle
mais une villégiature secrète, où la star se rend pour faire des choses de nature
tout à fait privée. Il leur apprend que M. Claude est, depuis toujours, très
inquiété par les OVNI. Il a d’ailleurs assisté à de nombreux phénomènes
étranges. C’est une tragique obsession, que Claude parvient parfois à oublier
grâce à la musique, mais qui le plonge le plus souvent dans le désarroi et la
mélancolie. « Les lumières du phare d’Alexandrie », ça parle d’ailleurs d’une
observation d’OVNI qui l’a particulièrement marqué lors d’un voyage en Egypte
quand il était enfant.
Toute l’équipe (hormis Didier) est ragaillardie par l’idée d’un témoin aussi
prestigieux et par la perspective de délivrer Claude François de ses tourments.
L’hypothèse la plus probable pour expliquer le « halo lumineux », c’est le
vétuste réverbère situé à 200m sur la petite route longeant l’enceinte de la
propriété, dont l’étude révèle une fluctuation dans la délivrance du voltage.
Celle-ci aurait pu occasionner une lumière plus puissante que d’habitude, au
moment de l’allumage du réverbère (l’heure d’allumage des réverbères
correspond exactement à l’heure à laquelle le peintre dit avoir vu l’OVNI). C’est
là que la « méthode GEPAN » prend toute sa dimension. L’idée étant de
rapporter la preuve de cette méprise, Gustave entreprend de brancher un
puissant variateur de courant (bricolé par ses soins) sur le réverbère en
question, et de le soumettre à une légère surtension tandis que le peintre sera
en train de peindre le mur d’enceinte comme à son habitude, de façon à
observer la réaction de ce dernier. À la tombée de la nuit, l’équipe du GEPAN
se place alors en embuscade. Au moment opportun, Gustave envoie la sauce.
L’ampoule du réverbère explose, de même que toutes celles des réverbères
longeant la route. Le peintre prend peur et l’équipe du GEPAN perd sa trace,
plongée dans l’obscurité. Ils rentrent piteusement à leur hôtel, où le patron leur
apprend que toutes les ampoules du coin ont sauté.
Le lendemain, le journal régional titre sur l’incident électrique et la pénurie
d’ampoules qui sévit dans la région. L’équipe se rassure en se disant qu’elle
pourra s’appuyer sur cet incident pour prouver que la vision du peintre et de
Claude François n’étaient que les prémisses d’un incident électrique à venir.
L’équipe a rendez-vous avec Claude François le soir même et s’accorde sur la
version à communiquer à la star pour la soulager de ses angoisses.

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Mais en arrivant à la villa, l’équipe tombe sur le responsable de la sécurité en
larmes. Claude François est mort. Il s’est tragiquement électrocuté en voulant
changer l’ampoule de sa salle de bains, qui avait sauté la veille. Pour ne rien
arranger au drame, cette mort est d’autant plus problématique que Claude
François n’était pas censé être là, mais à Paris. L’agent de sécurité est
désemparé, il ne sait pas quoi faire, ni qui prévenir. Ils n’en disent évidemment
rien à l’agent de sécurité, mais les membres du GEPAN ont le cœur lourd : ont-
ils tué Cloclo ? Ils se renvoient la balle quant à la responsabilité de la mort de
cette idole française. La décision est finalement prise de prêter main forte à
l’agent de sécurité pour ramener le cadavre à Paris, en redonnant à la DS
blanche du GEPAN sa fonction première, celle d’ambulance…

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