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N° 17
R e v u e e u r o p é e n n e mai – août 1999/II
ISSN 0378-5092
PROFESSIONNELLE Formation
et organisation
du travail
page 3/15
Formation et culture
page 27
Systèmes
page 40/48
De nouveaux besoins
de compétences -
la théorie et la pratique
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Recherche européenne
en formation
professionnelle
page 74
FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
CEDEFOP
Rédacteur en chef: Steve Bainbridge
Centre européen
pour le développement
de la formation profes-
sionnelle Comité de rédaction:
Europe 123
Président:
GR-57001 THESSALONIKI
Jean-François Germe Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM),
(Pylea)
France
Adresse postale:
Matéo Alaluf Université Libre de Bruxelles (ULB), Belgique
PO Box 22427
Tina Bertzeletou CEDEFOP
GR-55102 THESSALONIKI
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Tel.: (30-31) 490 111
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(LEST-CNRS), France
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Reinhard Zedler Institut der deutschen Wirtschaft Köln, Deutschland
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www.trainingvillage.gr
Manfred Tessaring CEDEFOP
Sergio Bruno Università di Roma, Italia
Le Conseil d’administration du
CEDEFOP a approuvé une série de
priorités à moyen terme pour la Les opinions des auteurs ne reflètent pas obligatoirement la position du
période 1997-2000. Elles esquis- CEDEFOP. Les auteurs expriment dans la Revue Européenne “Formation
sent trois thèmes qui constituent Professionnelle” leur analyse et leur point de vue individuels qui peuvent être
le point central des activités du
CEDEFOP: partiellement contradictoires. La revue contribue ainsi à élargir au niveau
européen, une discussion fructueuse pour l’avenir de la formation
❏ promotion des compétences et professionnelle.
de l’éducation et la formation tout
au long de la vie;
❏ suivi des développements en
matière de formation et d’ensei-
gnement professionnels dans les
Etats membres, et
❏ au service de la mobilité et des
échanges européens.
Si vous souhaitez contribuer par un article, cf. page 96
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FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
Sommaire
Formation et organisation du travail
Formation et culture
Systèmes
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FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
À lire
CEDEFOP
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Introduction grands, mais tout dépend du degré de Quels que soient les fac-
mécanisation, d’automatisation et d’infor- teurs à la base de l’introduc-
Les réflexions suivantes s’inscrivent dans matisation impliqué par cette dimension tion des nouvelles formes
le prolongement d’un ensemble de rap- accrue de l’échelle de production. d’organisation du travail et
ports portant sur 47 entreprises européen- des entreprises, ces formes
nes et dont l’objectif était de repérer les Dans une seconde catégorie se classent ont inévitablement des im-
processus de genèse et de développement les entreprises, établissements ou ateliers plications sur les transac-
de la qualification en entreprise (Delcourt dans lesquels on passe de la production tions entre les opérateurs,
et Méhaut, 1993). Elle a porté sur des uni- de grandes séries et de la recherche d’éco- comme entre eux et les ca-
tés ou des entreprises dans lesquelles l’or- nomies d’échelle à une production spé- dres de l’organisation, ainsi
ganisation du travail (O.T.) avait été pro- cialisée, différenciée, réalisée en fonction que sur les compétences
fondément modifiée au cours des derniè- des spécifications des clients ou comman- r equises des uns et des
res années. ditaires et sur base d’une orientation autres, sur les processus de
clientéliste des organisations. À ce niveau, genèse et d’acquisition de
La recherche visait avant tout à reconnaî- l’attention se porte davantage sur les “éco- nouvelles compétences, sur
tre les nouvelles compétences utilisées nomies de gamme” que sur les “écono- les contenus et processus de
suite à l’introduction de la nouvelle orga- mies d’échelle”. Dans cette ligne, les en- formation, de même que
nisation du travail, qu’elle ait été induite treprises cherchent à améliorer la qualité sur les enjeux et les modè-
ou non par des évolutions technologiques. des produits, à élargir la gamme des biens les de la négociation indivi-
L’objectif était, en outre, de repérer les et services offerts, à développer et à in- duelle ou collective.
séquences de formation explicites ou dis- troduire des technologies flexibles et, en
crètes soutenant l’introduction de ces nou- conséquence, à transformer leurs systè-
velles formes d’organisation et, enfin, mes de production et d’organisation,
d’analyser les conséquences possibles des comme encore leurs systèmes internes et
nouvelles méthodes productives sur la for- externes d’information et de communica-
mation. tion indispensables au fonctionnement
coordonné et intégré de réseaux comple-
Essai de définition et de classification xes de relations. On parle alors du déve-
des nouvelles formes d’organisation loppement d’entreprises réticulaires.
du travail
De nos jours, nombreuses sont les entre-
La notion de “nouvelles formes d’organi- prises amenées à produire ou à travailler
sation du travail” peut être regroupée en sur mesure, à fabriquer des produits se-
deux catégories. lon une gamme d’options ou pour satis-
faire les demandes et les préférences di-
Dans la première sont reprises les formes verses des multiples catégories de clients
d’organisation accompagnant le passage ou de commanditaires.
d’une production limitée vers une pro-
duction de moyennes ou grandes séries. D’où la nécessité pour l’entreprise mo-
Dans de tels cas, les risques de dépro- derne de s’engager dans des productions
fessionnalisation du travailleur artisanal personnalisées, spécialisées, flexibles et
et d’une déqualification du travail sont changeantes.
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“Les effets de la concur- Les explications de l’émer- vices de commercialisation et tous les ser-
rence sur les produits et vices en relation directe avec les clien-
sur les processus signifient
gence d’entreprises quali- tèles. Grâce au développement des sys-
que l’entreprise doit faire fiantes: le point de vue tèmes intégrés de communication, l’en-
face à la fois aux contrain- managérialiste treprise se présente de plus en plus sous
tes du marché et à l’évolu- la forme d’un réseau, d’une chaîne dans
tion des technologies dans laquelle les travailleurs sont, à la fois,
Le jeu de la concurrence dans l’intro-
les activités marchandes et clients et fournisseurs d’autres tra-
duction de formes qualifiantes d’orga-
industrielles. Dans ces con- vailleurs de l’entreprise. Cela conduit à
nisation du travail et des entreprises
ditions, elle se doit d’inté- une tendance à la solidarisation de l’or-
grer de plus en plus fine- Quels que soient les changements repé- ganisation et au développement du tra-
ment, d’une part, la logique rés dans les organisations, ils découlent vail coopératif (Zarifian, 1993). Ce tra-
industrielle qui définit les de l’aiguisement de la concurrence. vail coopératif est d’ailleurs renforcé par
procès de production et, des techniques qui, tels les cercles de
d’autre part, la logique Les entreprises des pays les plus avancés qualité, visent à une activation et à une
marchande orientée vers le doivent s’orienter vers des productions et socialisation des savoirs et au dévelop-
marché.” des produits plus élaborés. La concur- pement d’implication des travailleurs par
rence les conduit de manière permanente la mise en évidence d’une image de mar-
à diversifier et à renouveler la gamme des que ou par la mise en jeu d’une nou-
produits, à développer la qualité et la velle culture d’entreprise.
fiabilité des produits, à raccourcir les dé-
lais de production et de fourniture et à Mais si l’horizontalité des relations en-
développer les services à la clientèle. traîne des formes horizontales de contrôle,
elle n’exclut pas que les nouveaux systè-
La concurrence influe également sur les mes de gestion donnent un essor à un
procès de production, dans la mesure où service de planification et d’ordonnance-
les entreprises recherchent une “fiabili- ment d’une fonction de rationalisation et
sation” et une flexibilité accrues de pro- d’objectivation et à une organisation à
cessus technologiques complexes et une nouveau confisquée par une logique
intégration entre les fonctions d’approvi- hiérarchico-fonctionnelle (Zarifian, 1993,
sionnement, de production, de commer- op. cit.). Dans la réalité, l’évolution n’est
cialisation, de conception, de recherche jamais unilinéaire.
et de développement, comme aussi de
formation des ressources humaines. Le second décloisonnement se découvre
dans les relations extérieures de l’entre-
Les effets de la concurrence sur les pro- prise. Il s’opère entre les diverses parties
duits et sur les processus signifient que de l’entreprise et ses fournisseurs et dis-
l’entreprise doit faire face à la fois aux tributeurs. Les nouvelles formes d’orga-
contraintes du marché et à l’évolution des nisation se caractérisent également par
technologies dans les activités marchan- l’ouverture toujours plus large de l’éven-
des et industrielles. Dans ces conditions, tail des relations externes. Soucieuses de
elle se doit d’intégrer de plus en plus s’intégrer dans leur environnement, les en-
finement, d’une part, la logique indus- treprises se redéveloppent en centres de
trielle qui définit les procès de produc- profits ou sous forme d’unités de PME et
tion et, d’autre part, la logique marchande recourent de plus en plus à la sous-
orientée vers le marché. traitance. Désireuses de produire juste à
temps, les entreprises se constituent en
Le jeu de ces deux logiques induit un réseaux, se liant par des contrats de sous-
décloisonnement: d’abord à l’intérieur de traitance. Cette coordination des opéra-
l’entreprise et ensuite dans ses relations tions internes et externes est facilitée par
extérieures. tous les systèmes d’information et de com-
munication intégrant les différents ré-
À l’intérieur, on s’attelle au développe- seaux.
ment de la collaboration entre les unités
de production et les bureaux de recher- Mais les accords de coopération entre en-
che, d’études et de conception, de même treprises ne se limitent pas aux problè-
qu’avec les services d’achat en amont et mes de production, ils peuvent aussi con-
d’approvisionnement en aval. La colla- cerner des opérations complexes visant à
boration se développe aussi avec des ser- la création de produits ou à la mise en
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œuvre de procédés nouveaux et au dé- Elle doit offrir aux opérateurs une chance “La concurrence ne multi-
veloppement de recherches en commun. de contribuer de manière permanente au plie (…) pas seulement des
changement et au développement de l’en- défis à rencontrer dans la
L’impact de la concurrence sur les treprise. Elle ne peut correspondre aux diffusion de savoirs, mais
fonctions d’innovation et de qualifi- impératifs d’innovation, de qualification, aussi dans la production de
cation qu’à travers des séquences récurrentes et nouveaux savoirs. Ce qui
alternantes d’apprentissage et de forma- ne va pas sans établir de
De nos jours, dans les économies avan- tion (Villeval, 1994). nouveaux rapports entre
cées, la concurrence joue le plus souvent travail et organisation, en-
dans le sens de la qualité, de la fiabilité La diffusion d’un esprit entrepreneurial tre innovation, formation et
et de la variété des produits; la recherche dans l’organisation implique que l’entre- compétences.”
de l’adaptabilité et de la flexibilité des prise concède du temps aux personnes
travailleurs; la “reprogrammabilité” des et aux groupes et qu’elle leur reconnaisse
appareils et la poursuite de combinaisons un droit à l’erreur. Elle requiert, en outre,
toujours plus fines entre les logiques in- le développement des compétences
dustrielle et marchande à travers une gestionnaires et transactionnelles des opé-
intégration organisationnelle favorisée par rateurs, et donc la transmission des bases
les réseaux informatiques. leur permettant de correspondre au nou-
vel impératif communicationnel (Villeval,
Mais l’effet de la concurrence se pour- op. cit.).
suit. La concurrence joue sur la longueur
des temps d’innovation et de mise au La concurrence ne multiplie donc pas seu-
point des produits, des modèles et des lement des défis à rencontrer dans la dif-
processus de production. Elle enclenche fusion de savoirs, mais aussi dans la pro-
des processus visant de manière perma- duction de nouveaux savoirs. Ce qui ne
nente à l’innovation et au jumelage des va pas sans établir de nouveaux rapports
innovations marchandes et technologi- entre travail et organisation, entre inno-
ques. Ce qui, à son tour, implique le vation, for mation et compétences.
décloisonnement des barrières tradition- Incontestablement, les formes nouvelles
nelles entre les fonctions de développe- d’organisation du travail et des entrepri-
ment des produits, des procédés et des ses qui découlent du jumelage entre les “Le ‘juste-à-temps’ ne s’im-
ressources humaines. processus de production et d’innovation pose pas seulement au ni-
requièrent des formes nouvelles de pro- veau de la production et de
Partant de là, les experts se sont d’ailleurs duction et de diffusion des connaissan- l’innovation, mais aussi au
mis à parler d’entreprises qualifiantes: une ces et des compétences. Le “juste-à-temps” niveau de la qualification et
notion qu’ils relient spontanément à celle ne s’impose pas seulement au niveau de donc de la formation et de
d’entreprise innovante. la production et de l’innovation, mais l’apprentissage. Dans l’en-
aussi au niveau de la qualification et donc treprise innovante, les fonc-
Une entreprise qualifiante peut être ca- de la formation et de l’apprentissage. Dans tions de production de sa-
ractérisée par les éléments suivants: l’entreprise innovante, les fonctions de voir et les capacités de
production de savoir et les capacités de faire-savoir deviennent
❏ La polyvalence requise des opérateurs; faire-savoir deviennent stratégiques. stratégiques.”
❏ L’importance accrue des relations ho-
Par-delà la qualité totale: la recherche
rizontales versus les relations hiérarchi-
d’une stratégie d’innovation totale
ques:
❏ Le travail en réseau et le décloisonne- Pour rester qualifiante, l’entreprise doit
ment des ateliers ou bureaux; devenir innovante de manière perma-
nente. Mais qu’entend-on exactement par
❏ Le développement de la participation
innovation? Pour répondre à cette ques-
et des responsabilités liées à une exécu-
tion, la distinction entre petite et grande
tion stricte des fonctions;
innovation (Zarifian, op. cit.) paraît op-
❏ La recherche de l’innovation versus la portune.
répétition à l’identique.
La petite innovation, ou innovation
Une entreprise n’est et ne reste qualifiante d’amélioration, apparaît dans le fonction-
que si elle est innovante de manière per- nement courant de l’organisation et vise
manente et parvient à instiller une capa- à l’amélioration de ce qui existe sur place.
cité de changement parmi ses travailleurs. La grande innovation est radicale et re-
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sociale et
mant de l’innovation totale (cf. tableau
tion de ve
d’organisation
1) (Giget, 1988). L’innovation se déve-
son dans
au
s
eau
nt
Production
de production, de marketing, de gestion
financière et, bien sûr, de développement
des ressources humaines. C’est sur ces
innovations innovations axes de liaison et ces connexions entre
de procès de distribution les multiples fonctions qu’apparaissent les
types d’innovation dont l’entreprise doit
assurer le développement et la combinai-
son (Larue de Tournemine, 1991).
Recherche et Marketing Tableau 1:
développement vente Les nouvelles compétences individuel-
Innovations de produits
les et collectives requises par les nou-
velles formes d’organisation du travail
Innovations de financement de la production
Les nouvelles formes d’organisation du
travail et des entreprises introduites en
réponse aux impératifs nouveaux de pro-
duction et d’innovation ne nécessitent
Ressources pas seulement l’affinement des compé-
financières tences individuelles, elles induisent aussi
Source: Giget 1988 le développement de compétences col-
lectives.
que plusieurs personnes (Koenig, 1993). pensent les adeptes des théories de la “La ‘nouvelle productivité’
L’intelligence collective se manifeste réel- déqualification, les sociétés les plus avan- se fonde alors sur les hom-
lement dans la capacité d’un groupe à cées s’orientent, sans toujours s’en aper- mes et sur les relations
définir et à résoudre des problèmes en cevoir, vers des économies de hautes interhumaines, ainsi que
commun. Elle n’exclut évidemment pas qualifications. Insensiblement, on passe sur les rapports des hom-
des capacités individuelles de formalisa- de productions et d’économies axées sur mes à l’organisation.”
tion et de systématisation des savoirs et de basses qualifications à des productions
savoir-faire. Mais ces capacités intellec- sophistiquées, à la fabrication de produits
tuelles collectives se développent par de complexité accrue, à des productions
interfaçage des connaissances, ainsi que basées sur des technologies pointues, y
par de nouveaux contacts. L’organisation compris sur le plan de l’information et de
qualifiante et innovante est donc aussi la communication et à travers des réseaux
celle qui est capable d’engendrer les rè- d’entreprises toujours plus denses.
gles du développement de l’intelligence
collective (Villeval, op. cit.). Ce passage d’une économie de basses à
une économie de hautes qualifications s’ex-
Cette intelligence des collectifs de travail plique par la complexification scientifique
est peut-être fort difficile à définir et à et technique interne des processus de pro-
cerner. Il n’empêche que, de nos jours, duction de biens et de services, mais aussi
l’activité productive exige d’organiser la par la complexification externe résultant
compatibilité des actions d’une chaîne de l’accélération des innovations, de
toujours plus étendue de personnes et l’internationalisation et de la fragmentation
d’unités en relation directe ou à distance. des marchés, de la prolifération des nor-
Cette coordination toujours plus fine en mes nationales et du cadre réglementaire
correspondance avec les impératifs du communautaire, de la segmentation des
“juste-à-temps” suppose que les membres clientèles (Gadrey, 1992). D’où l’impor-
disposent d’une représentation commune tance des savoirs plus abstraits.
de la situation, d’une représentation par-
tagée par tous ceux qui ont à participer à Le tableau 2 détaille les conséquences du
la réalisation d’un objectif ou à la résolu- redéploiement et de la restructuration des
tion d’un problème (Zarifian, op. cit.). entreprises sur l’organisation du travail et
les qualifications ou compétences requi-
Dans ces nouvelles conditions de produc- ses des travailleurs.
tion, l’accroissement de la productivité et Grafik
de la rentabilité des entreprises ne se La réduction du nombre de travailleurs
trouve plus seulement dans l’ajustement de basses qualifications suite aux chan-
fin de l’homme à la machine, mais bien gements qui se produisent dans l’organi-
dans un ajustement meilleur entre les hom- sation du travail au niveau des ateliers
mes, les groupes de travail, les ateliers et ou des bureaux ne s’explique pas sim-
les services ou fonctions de support, de plement par la transformation du marché
même qu’entre les fonctions de concep- des produits, ou par l’évolution des tech-
tion et de réalisation. La “nouvelle produc- nologies et des réseaux d’entreprises.
tivité” se fonde alors sur les hommes et
sur les relations interhumaines, ainsi que Une autre explication, insuffisamment
sur les rapports des hommes à l’organisa- mise en évidence, se trouve dans les ni-
tion. Dans de nombreuses entreprises, on veaux plus élevés de scolarité et de com-
passe d’ailleurs d’une coordination verti- pétence des nouvelles générations entrant
cale et d’un contrôle à caractère hiérarchi- au travail, même si un niveau supérieur
que à des formes de coordination horizon- d’éducation ne signifie pas que les per-
tale et à des contrôles de nature inter- sonnes soient adéquatement formées.
personnelle, mais peut-être aussi de na- Mais plus instruites, les personnes sont
ture plus idéologique (Delcourt, 1994). généralement plus exigeantes quant au
contenu de leur travail et plus motivées
Synthèse des conséquences des nou- par la recherche d’un travail à caractère
velles formes d’organisation du travail formateur en correspondance avec leurs
sur les qualifications des travailleurs niveaux de connaissance et d’information,
leurs capacités accrues de réflexion, d’in-
De fil en aiguille, sous les contraintes du novation et d’apprentissage. Mieux for-
marché et de la concurrence, et quoi qu’en més, les travailleurs sont désireux d’un
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FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
Tableau 2:
Les conséquences des nouvelles formes d’organisation du travail
sur les qualifications des travailleurs
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emploi qui leur assure des possibilités on pourra s’y retrouver violemment con-
d’accumulation de nouvelles compéten- fronté.
ces à travers leur vie de travail et leur
carrière. L’instillation d’une vision clientéliste
dans la réorganisation des entreprises
La formation scolaire n’est pas seule à dé- en fonction des forces de concurrence
velopper les aspirations des travailleurs à
de meilleures conditions de travail et à Au cours des profondes restructurations
un contenu de travail plus qualifiant. Il y au sein des organisations, les impératifs
a aussi les capacités et les compétences du marché semblent prendre le pas sur
qu’ils acquièrent à travers les activités les régulations organisationnelles et bu-
diverses qu’ils déploient hors travail, par reaucratiques. D’une production conçue
les informations et les apprentissages et commandée avant tout par le sommet
qu’ils accumulent dans le cadre de cette et poussée en partant des services de re-
vie hors travail, par le biais de leurs acti- cherche-développement, de planning et
vités de loisir, de leurs hobbies, de leurs d’organisation, on glisse vers un système
voyages ou par le canal des biens et ser- de production tiré par le marché. Soumi-
vices qu’ils utilisent. ses à la concurrence et aux forces du
marché, les entreprises centrent de plus
en plus leur attention sur la qualité et la
L’incidence des nouvelles fiabilité des produits, sur la diversification
et l’innovation en matière de produits, sur
organisations sur le respect des délais, la satisfaction des
les formes de contrainte, clients ou des utilisateurs et sur le service
de consensus et de conflit après vente; à cet effet, elles développent
les interfaces nécessaires à la résolution
des problèmes avec les commanditaires
Incontestablement, les nouvelles formes ou clients. Le nombre de personnes atta-
d’organisation du travail et des entrepri- chées à la vente, au service après vente
ses ont de multiples conséquences sur la et à la recherche d’une appropriation plus
qualification et la formation des tra- fine entre offre et demande est en crois-
vailleurs, sur la nature et la forme de leur sance. Convaincues de l’importance de
implication, sur les modalités de stimula- cette optique clientéliste, les entreprises
tion, de contrainte et de contrôle intro- cherchent à concerner tous les opérateurs
duites par les entreprises et, par là, sur par rapport au service du client, du don-
les rapports sociaux de production et sur neur d’ordre ou du commanditaire. Nom-
la nature des conflits sociaux. bre d’entreprises organisent d’ailleurs des
analyses de marché, pour vérifier la qua-
On peut montrer, par exemple, comment lité du service rendu. Du point de vue du
l’organisation du travail va, malgré son travailleur, le contrôle interne se double
caractère flexible et les degrés d’autono- alors d’un contrôle par le client, le com-
mie et de responsabilité octroyés aux tra- manditaire ou l’usager.
vailleurs, développer de nouveaux mo-
des de contrôle; ou encore, comment les Travaillées par cette optique clientéliste,
efforts de formation continue qui, au dé- les entreprises se restructurent autour de
part, apparaissent comme des opportuni- lignes de produits et sont en permanence
tés, deviennent à terme une contrainte à la recherche de meilleures relations avec
incontournable pour les travailleurs, leurs catégories de clients qu’elles cher-
d’autant mieux que ceux-ci souhaiteraient chent à traiter séparément les unes des
parfois apprendre autre chose que ce qui autres en fonction de leurs besoins diver-
leur est imposé, ou d’une autre façon que sifiés. Belgacom, l’entreprise belge des
le conçoit l’entreprise. Enfin, les nouvel- télécommunications, par exemple, s’est
les formes d’organisation et de qualifica- récemment restructurée en distinguant
tion par apprentissage ou par formation mieux ses diverses clientèles que sont,
ne sont pas nécessairement neutres sur d’une part, les personnes, d’autre part, les
un plan idéologique. Durant un temps, PME ou encore les GE.
elles peuvent éclipser ou occulter les rap-
ports de force et de pouvoir dans l’entre- Dans ces nouvelles formes d’organisation,
prise et le système économique. À terme, les contrôles sur le travail, sur la qualité
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“Dans ces nouvelles organi- du travail et du travailleur sont sans doute vailleurs, la direction et les apporteurs de
sations, une part impor- moins physiques et hiérarchiques que par capitaux.
tante de la formation de le passé, mais peut-être plus subtils. Plu-
l’entreprise se développe tôt que d’imposer des règles, on cultive Un nouvel impératif de formation: la
d’ailleurs en rapport avec la capacité du travailleur à l’autodiscipline prolifération des normes et des con-
les impératifs de la fonction et à l’auto-contrôle. Imbibées de cette trôles
commerciale. Les entrepri- responsabilité par rapport aux marchés et
ses font émerger chez les aux clientèles, les entreprises modernes Les possibilités complémentaires de for-
travailleurs une éthique du instillent une mentalité clientéliste à leurs mation et de participation offertes aux
marché, une éthique con- opérateurs et les responsabilisent vis-à- travailleurs par les entreprises favorisent
sumériste. La ‘culture d’en- vis de la qualité totale. Par exemple, chez l’émergence d’un consensus, mais forma-
treprise’ se redéfinit alors Samsonite, les travailleurs sont conviés à tion et participation ne sont pas simple-
au service du client ou du inscrire leur nom et donc leur fierté et ment des récompenses fournies aux tra-
commanditaire.” leur compétence, dans le bagage de leur vailleurs qui s’inscrivent dans cette nou-
fabrication. velle optique consensuelle. Elles peuvent
aussi être contraintes. Deux lectures dif-
Dans ces nouvelles organisations, une part férentes peuvent être faites des efforts
importante de la formation de l’entreprise consentis par les entreprises en vue de
se développe d’ailleurs en rapport avec stimuler la formation, la qualification ou
les impératifs de la fonction commerciale. la participation des travailleurs: l’une en
Les entreprises font émerger chez les tra- termes de droit à la formation, l’autre en
vailleurs une éthique du marché, une éthi- termes de contrainte et d’obligation.
que consumériste. La “culture d’entre-
prise” se redéfinit alors au service du La vision d’une entreprise à base de
client ou du commanditaire. Rendus at- consensus plutôt que de contrainte pa-
tentifs à cette logique de marché et à cet raît naïve à ceux qui analysent les con-
impératif commercial, les travailleurs se traintes toujours plus nombreuses aux-
sentent moins dominés par le pouvoir du quelles les entreprises et les travailleurs
capital que par la volonté “souveraine” font face suite à la multiplication des spé-
du consommateur. C’est à partir de la con- cifications quant à la qualité des produits,
frontation au marché et au consommateur quant à l’innocuité des emballages, suite
que se définit, au sein de l’entreprise, la à la prolifération des injonctions en ma-
“sainte alliance” nécessaire entre l’em- tière de sécurité et d’hygiène dans la pro-
ployeur et ses travailleurs. duction et le transport.
Cette vision clientéliste ne se limite pas À ceux qui se tiennent à distance par rap-
aux relations externes. Les relations in- port à cette idéologie consensuelle, les
ternes sont façonnées de manière à res- efforts des entreprises en vue de former
sembler au marché. De plus en plus sou- les travailleurs et de devenir qualifiantes
vent, dans l’entreprise s’instaurent des découlent avant tout des normes ISO, mais
relations de type “client-fournisseur” et aussi de toutes les autres qui s’imposent
donc des “quasi-marchés”. Elles permet- à elles en nombre croissant. Ces normes
tent de réduire les contrôles hiérarchiques concernent toute la gamme des secteurs
qu’exercent les contremaîtres. Elles intro- industriels et serviciels, mais plus parti-
duisent un système de contrôle récipro- culièrement encore des secteurs comme
que des travailleurs qui vont eux-mêmes la chimie, la production pharmaceutique,
se reprocher les retards d’approvisionne- les équipements de l’automobile ou en-
ment ou les défauts de qualité dans la core l’aéronautique.
production des travailleurs situés en
amont. Ces normes ne découlent pas seulement
d’arrêtés, de lois ou de règlements éma-
D’un point de vue syndical, l’intériori- nant des pays ou des instances européen-
sation d’une éthique de marché et de nes. Une série de normes de qualité et de
l’idée d’une organisation tout au service production sont également imposées par
du client ou du commanditaire, contribue les donneurs d’ordre, qui n’hésitent pas à
à développer une forme de consensus au soumettre les entreprises qu’ils comman-
sein de l’entreprise, la mentalité “au ser- ditent à des tests, des inspections et des
vice du client” gomme les divergences et audits qui, par-delà la qualité des produits,
oppositions d’intérêts entre les tra- peuvent concerner les matériaux de base
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utilisés, l’hygiène et la sécurité dans le maîtresses requises des travailleurs qui “Ces normes ne découlent
procès de production, la fiabilité et la doivent accepter de se former. pas seulement (…) de lois
qualité, le respect de l’environnement, (…) Une série de normes de
etc.. Volens nolens, les flux tendus introdui- qualité et de production
sent une forme de contrôle moral entre sont également imposées
Dans certains cas, le contrôle va même les travailleurs, qui finissent par organi- par les donneurs d’ordre
porter sur les compétences et la fiabilité ser eux-mêmes la recherche des défauts (…) Les accords contrac-
des opérateurs chargés de vérifier la qua- et des problèmes dont il faut identifier tuels iront même parfois
lité des composants qu’ils utilisent, pro- les auteurs. Les cercles de qualité sont jusqu’à examiner les moda-
duisent ou livrent. Les accords contrac- d’ailleurs l’occasion d’en débattre et de lités de formation et de
tuels iront même parfois jusqu’à exami- mettre les choses au point. certification des travail-
ner les modalités de formation et de leurs, voire des formateurs
certification des travailleurs, voire des Produire à flux tendus et dans des délais (…)”
formateurs, comme chez Mölnlycke, une raccourcis une variété accrue de produits
entreprise suédoise installée en Belgique implique une adaptation rapide des outils
et connue pour ses produits de grande et des appareils aux fluctuations de la de-
consommation dans le domaine de l’hy- mande. Les efforts des opérateurs portent
giène, ainsi que pour ses produits à usage sur les temps de reprogrammation des
médical. D’autres vont jusqu’à fournir des circuits de production, sur les capacités
programmes à leurs prestataires, et par- d’innovation, et donc aussi sur les temps
fois même des formations. Certains vont et coûts de conception et de mise en
même jusqu’à assurer la certification des œuvre de produits, de recombinaison des
compétences. Derrière ces divers apports processus de production et le dévelop-
et contrôles extérieurs, le pouvoir hiérar- pement de moyens de commercialisation
chique de l’entreprise prestataire paraît nouveaux. Dans ces conditions, une or-
s’estomper. C’est le donneur d’ordre qui, ganisation ne peut être évolutive et
de l’extérieur, paraît prendre le pouvoir innovatrice que si elle développe simul-
sur l’entreprise et qui transmet ses exi- tanément les compétences individuelles
gences de qualité et de qualification aux et collectives. Dans ce cadre, la forma-
fournisseurs ou sous-traitants. tion n’apparaît plus nécessairement
comme une préférence ou un choix de la
Dans ces conditions, on comprend qu’une part du travailleur, mais comme une con-
part de la formation formelle et discrète trainte.
en entreprise soit consacrée à l’adoption
des normes émanant des instances offi- Les exigences accrues de polyvalence
cielles et des entreprises servies. et de fiabilité
“Paradoxalement et en ap- l’encodage des informations requises par À l’école, l’éducation se réalise dans des
parence tout au moins, de la direction: ce qui est une manière groupes de pairs coupés de la “praxis”.
nouvelles formes d’organi- d’éponger les temps libérés par des ma- Les activités s’y développent sans confron-
sation entraînent le retour chines performantes. tation à la réalité économique et sans uti-
vers des formes d’appren- lité sociale apparente. Le droit à l’erreur
tissage ‘in vivo’ même si, Outre la polyvalence des opérateurs dé- y est facilement reconnu, parce que sans
dans le même temps, elles coulant de la recomposition des tâches réels dangers ou conséquences pour les
requièrent des formations au niveau des groupes de travail, les en- personnes.
de base ou des formations treprises passent du cloisonnement des
théoriques plus poussées.” services par fonction et de la segmentation Mais la cause principale des écarts se
des ateliers à des filières de production trouve dans le changement drastique au
reprofilées par produits ou en fonction niveau des entreprises et particulièrement
de clientèles. Ces systèmes de production dans la diversité, la complexité des acti-
intégrés dans le cadre d’unités regroupent vités tant industrielles que servicielles, de
le potentiel des compétences requises plus en plus souvent intégrées sous forme
dans l’approvisionnement, la production, de systèmes. De ce point de vue, les in-
la commercialisation, voire dans les as- dustries de procès, comme la chimie, le
pects financiers et l’innovation. Les équi- secteur pharmaceutique ou la papeterie,
pes ou “business units” sont alors com- par ex., et toutes les activités de pointe
posées de manière à ce qu’elles soient basées sur la science et la haute techno-
multifonctionnelles, multicompétentes, logie, constituent des illustrations perti-
pluriprofessionnelles et interdisciplinaires nentes de cette solidarisation des fonc-
“Les écarts grandissants et chacun est chargé de s’y reprofiler en tions. Cette intégration fonctionnelle et
entre formation et emploi fonction des savoirs et compétences des systémique qui caractérise les organisa-
s’expliquent par le fait que autres membres de l’unité. tions modernes est fort malaisée à repro-
les aptitudes certifiées par duire ou à simuler dans un cadre scolaire.
diplôme ne suffisent pas à Le retour aux formes d’apprentissage
développer les compétences sur le tas Ainsi donc, la polyvalence des compéten-
au travail, en raison notam- ces attendues dans le travail et l’entre-
ment des différences pro- Paradoxalement et en apparence tout au prise fragilise les formes de transmission
fondes entre les conditions moins, de nouvelles formes d’organisa- et d’assimilation des savoirs et savoir-faire
de socialisation à l’école et tion entraînent le retour vers des formes séparées des connexions entre les appa-
en entreprise.” d’apprentissage “in vivo” même si, dans reillages ou encore séparément des
le même temps, elles requièrent des for- interdépendances entre les ensembles
mations de base ou des formations théo- coordonnés de tâches ou de fonctions.
riques plus poussées. Dans ces conditions, les plus hauts ni-
veaux de professionnalité et l’interopéra-
Avec la crise économique et le chômage tionalité des opérateurs ne peuvent s’ac-
en Europe, on s’est mis à dénoncer les quérir vraiment qu’au sein des entrepri-
écarts entre les formations scolaires et les ses et unités de production. De nos jours,
exigences à l’embauche, très certainement les processus et conditions de constitu-
parce que les systèmes scolaires de for- tion et de transmission des savoirs sont
mation professionnelle se sont insularisés de moins en moins séparables des pro-
par rapport aux développements écono- cessus et conditions de production.
miques, technologiques et organisation-
“De nos jours, les proces- nels les plus récents, à l’exception peut- Vers une flexibilisation de la forma-
sus et conditions de consti- être de pays comme l’Allemagne et le tion continue des opérateurs
tution et de transmission Royaume-Uni, où la formation technique
des savoirs sont de moins et professionnelle continue, pour une En vue de développer la polyvalence et
en moins séparables des large part, à se faire au sein des entrepri- les compétences des opérateurs, les nou-
processus et conditions de ses. velles organisations conçoivent des
production.” enchaînements divers entre les temps de
Les écarts grandissants entre formation et formation dans ou hors du travail et de
emploi s’expliquent par le fait que les l’entreprise. Toutes sortes de combinai-
aptitudes certifiées par diplôme ne suffi- sons et d’intégration sont d’ailleurs pos-
sent pas à développer les compétences sibles entre les temps de formation ins-
au travail, en raison notamment des dif- crits dans le travail ou séparés de lui. À
férences profondes entre les conditions tel point que le travailleur a parfois peine
de socialisation à l’école et en entreprise. à dire s’il a acquis telle compétence par
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FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
le travail et l’apprentissage ou à travers formation théorique et d’apprentissage par “De nos jours, la formation
une formation formelle. le faire ou l’usage (“learning by doing or ‘sur mesure’ et à géométrie
by using”); d’où également, la proliféra- variable jouxte des pro-
S’il faut, en fin d’analyse, chercher à ré- tion des techniques d’évaluation des ses- grammes routiniers et vise
sumer en quoi le présent contraste avec sions de formation et de leurs animateurs/ à mieux tenir compte des
le passé sur le plan de la formation con- for mateurs (Caspar et Millet, 1993; besoins et aspirations des
tinue, il importe sans doute d’insister sur Fragnière, 1991). personnes, de la polyva-
l’assouplissement et la flexibilisation des lence recherchée et des pro-
systèmes de qualification et de formation. Ces évolutions dans le sens de la blèmes à résoudre ‘in vivo’.”
flexibilité, de l’adaptabilité et de la
Traditionnellement, l’offre de formation, synchronisation des efforts de formation
que ce soit dans ou hors des entreprises, et d’apprentissage en fonction et à l’ins-
s’est fournie sous forme de programmes, tar des transformations dans la produc-
de catalogues de matières ou de cours tion et les produits expliquent en partie
pensés en fonction d’objectifs définis de les difficultés rencontrées dans la distinc-
connaissance, le plus souvent de nature tion entre formation formelle et infor-
disciplinaire (du moins dans les instan- melle. À travers la flexibilisation des or-
ces traditionnelles d’éducation et de for- ganisations, formations formelles et
mation) et dispensés selon des méthodes informelles apparaissent toujours mieux
et des séquences d’exercices préconçues. intégrées, voire indissociables comme pile
Très souvent, l’offre de formation se pré- et face d’une même pièce. De plus, les
sente sous forme de programmes d’une deux mouvements de formalisation de
durée déterminée, destinés à des publics l’informel et d’informalisation du formel
de nature plutôt homogène, se déroulant que l’on constate sur le terrain des entre- “Ces évolutions dans le sens
suivant un certain rythme à travers des prises, rendent cette distinction fort peu de la flexibilité, de l’adapta-
séquences standardisées. Sans nier le suc- opérationnelle. bilité et de la synchroni-
cès continu de tels programmes souvent sation des efforts de forma-
bien rodés, des transformations apparais- Ainsi donc, de nos jours, des ajustements tion et d’apprentissage (…)
sent qui vont dans le sens de la flexibi- fins entre formation et travail, ainsi qu’en- expliquent en partie les dif-
lisation de la formation afin de refléter ce tre production et innovation s’imposent. ficultés rencontrées dans la
qui se passe dans les nouvelles formes Mais ces ajustements et synchronisations distinction entre formation
d’organisation. supposent que les lieux de travail et les formelle et informelle.”
entreprises soient ouverts à ceux qui veu-
De nos jours, la formation “sur mesure” lent ou doivent se former: d’où la néces-
et à géométrie variable jouxte des pro- sité de prévoir les modalités de finance-
grammes routiniers et vise à mieux tenir ment, voire de cofinancement.
compte des besoins et aspirations des
personnes, de la polyvalence recherchée Enfin, la flexibilisation des formations
et des problèmes à résoudre “in vivo”. Ces n’est pas sans incidence sur la certifica-
programmes flexibles se centrent davan- tion, qui ne saurait plus être simplement
tage sur le client, qu’il s’agisse d’un ser- du ressort des autorités officielles, dont
vice, d’une entreprise, d’un secteur d’ac- les politiques de formation et de certifi-
tivité, d’une unité de production, de grou- cation se développent séparément, sans
pes de professionnels et d’hommes de grand souci ou effort de coordination. De
métier, voire de groupes transsectoriels. nos jours, de nombreux savoirs et savoir-
D’où le développement de séquences faire sont acquis en dehors des instances
d’analyse des acquis et des besoins en régulières de transmission et de certifi- “(…) la flexibilisation des
organisation, la mise au point de techni- cation, dans des situations de travail, sou- formations n’est pas sans
ques d’évaluation des acquis, l’établisse- vent de manière non coordonnée, voire incidence sur la certifica-
ment de bilans de compétences et la re- anarchique par comparaison aux démar- tion, qui ne saurait plus
connaissance de la capacité des indivi- ches formelles de formation. D’où l’ur- être simplement du ressort
dus à se former, ou à se former indépen- gence (du moins, du point de vue des des autorités officielles,
damment de la présence ou de la dispo- travailleurs) de passer de la délivrance de dont les politiques de for-
nibilité d’un formateur, dans le cadre d’es- diplômes et de certificats à l’établissement mation et de certification se
paces et de lieux destinés à l’autofor- par des “Académies de la compétence” développent séparément,
mation; d’où aussi, l’introduction de pro- (Greffe, 1992) de passeports profession- sans grand souci ou effort
grammes modulaires de formation et de nels confirmant les cheminements de for- de coordination.”
systèmes d’unités capitalisables; de sys- mation et les compétences accumulées par
tèmes d’alternance entre des temps de les personnes.
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FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
Bibliographie
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Gadrey J. (1992): L’économie des services, la Dé- Lumière, Lyon 2, 23 p.
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Giget M. (1988): La conduite de la réflexion et de pour l’industrie européenne? - L’émergence de la
l’action stratégique dans l’entreprise, Euroconsult. firme coopératrice, éditions l’Harmattan, Paris, 288 p.
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FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
“(…) l’apprentissage inté- l’apprentissage ou à l’acquisition de qua- pensent que c’est le cas) - il s’agit
gré au travail peut contri- lifications. Ce qui est caractéristique de essentiellement d’un outil d’acquisition de
buer, par exemple, à l’amé- ces actions, c’est qu’elles ne servent pas certains comportements (69 %) et du dé-
lioration permanente de la seulement le développement des qualifi- veloppement de l’organisation (67 %).
production, à la participa- cations et des compétences, mais qu’el- Globalement, il persiste encore une
tion des salariés, au déve- les sont aussi des instruments faisant par- grande incertitude sur la fonction de la
loppement de l’organisa- tie intégrante du développement du per- formation continue pour le développe-
tion, à l’orientation sur le sonnel et de l’organisation; elles consti- ment des compétences, de l’organisation
client, mais aussi à l’infor- tuent des éléments essentiels de la cul- et de l’entreprise, d’autant plus qu’on ne
mation et au contrôle par ture d’entreprise. sait pas comment déterminer avec préci-
les supérieurs ou à la dé- sion la contribution de la formation con-
termination des besoins in- C’est avant tout ce profil multidimen- tinue au développement de l’entreprise
dividuels et collectifs de sionnel qui distingue les formes que prend (Staudt et Meier, 1996).
for mation continue. Ces l’apprentissage intégré au travail de la
fonctions ne sont pas secon- formation professionnelle classique, c’est- Un faible degré de formalisation
daires par rapport à la à-dire des cours et des stages. En fonc-
fonction d’acquisition de tion de la philosophie de l’entreprise et Le caractère multidimensionnel des for-
qualifications, elles consti- de la stratégie de management, l’appren- mes de l’apprentissage intégré au travail
tuent au contraire le noyau tissage intégré au travail peut contribuer, fait également apparaître ce qui les dis-
même de l’apprentissage in- par exemple, à l’amélioration permanente tingue des caractéristiques des formes
tégré au travail.” de la production, à la participation des conventionnelles de la formation conti-
salariés, au développement de l’organi- nue. Les responsables de la formation
sation, à l’orientation sur le client, mais continue sur le terrain font valoir avant
aussi à l’information et au contrôle par tout que l’apprentissage intégré au travail
les supérieurs ou à la détermination des sert à développer les connaissances et les
besoins individuels et collectifs de forma- compétences et qu’il exige la fixation
tion continue. Ces fonctions ne sont pas d’objectifs d’apprentissage, le recours à
secondaires par rapport à la fonction d’ac- divers supports et l’intervention de supé-
quisition de qualifications, elles consti- rieurs en tant que formateurs. Peu nom-
tuent au contraire le noyau même de l’ap- breux sont ceux qui pensent que ces for-
prentissage intégré au travail. mes d’apprentissage imposent de recen-
ser de manière systématique les besoins
Des profils et fonctions différenciés de qualification, de soumettre des plans
écrits de formation et de faire intervenir
Chacune des différentes formes de l’ap- des formateurs spécialement formés.
prentissage intégré au travail a son pro- Beaucoup de praticiens estiment que tous
pre profil par rapport aux fonctions que les éléments qui déboucheraient sur une
nous venons d’évoquer. Ce point a été plus grande formalisation de l’apprentis-
confirmé par une enquête allemande ve- sage en tant que forme indépendante d’ac-
nant compléter l’enquête FORCE euro- quisition de compétences seraient contrai-
péenne sur 500 entreprises (Grünewald et res à la nature même de l’apprentissage
Moraal, 1996). intégré au travail (Grünewald, 1997). Cela
vaut également pour la mise en place d’un
“Le caractère multidimen- L’exemple des “cercles de qualité” mon- système de certification de cet apprentis-
sionnel des formes de l’ap- tre que cette forme d’apprentissage ser- sage (BIBB/IES/IW, 1997).
prentissage intégré au tra- vait au départ l’objectif de l’amélioration
vail fait également apparaî- de la qualité des produits et services et Travailler et apprendre
tre ce qui les distingue des qu’elle a été utilisée avant tout dans les
caractéristiques des for- entreprises allemandes pour promouvoir L’éventail des formes que prend l’appren-
mes conventionnelles de la la coopération et renforcer la motivation tissage intégré au travail se situe entre les
formation continue.” des salariés. Les personnes interrogées deux pôles “travailler” et “apprendre”. Il
dans les entreprises estiment que les cer- est frappant de constater que d’après les
cles de qualité constituent aujourd’hui un praticiens, il existe une grande latitude
instrument pour améliorer les résultats de pour considérer les diverses activités
l’entreprise (97 % sont de cet avis) et une comme relevant soit de l’apprentissage,
forme de participation des travailleurs soit du travail. Alors que la formation
(83 %). Quant à la rotation des postes, autogérée est considérée généralement
les sondés estiment que - outre l’améliora- comme relevant de l’apprentissage et la
tion des résultats de l’entreprise (83 % rotation des postes généralement comme
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FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
relevant du travail, les praticiens sont suffit parfois d’élever le niveau des exi- “Les modalités d’apprentis-
moins unanimes en ce qui concerne les gences sur un poste de travail - même en sage intégré au travail qui,
cercles de qualité: une bonne moitié con- l’absence de la nécessité de formation - comme la rotation des pos-
sidère que c’est l’aspect de l’apprentissage pour susciter davantage d’intérêt, de mo- tes, relèvent davantage de
qui domine, l’autre moitié estime que c’est tivation et d’engagement et - si les exi- l’aspect ‘travail’, recourent
l’aspect du travail (Grünewald et Moraal, gences ne sont pas excessives - produire au changement de poste de
1996). Un facteur déterminant pour une précisément la compétence correspondant travail et d’environnement
telle classification pourrait être la philo- à cette augmentation des exigences. Les pour encourager l’appren-
sophie de l’entreprise: si les cercles de structures tayloristes du travail ont bien tissage, notamment sur le
qualité sont considérés davantage comme montré que la parcellisation des tâches plan des comportements.
une formation en entreprise dans les pro- combinée avec les faibles possibilités d’in- L’intervention pédagogique
cessus de travail qu’il s’agit d’organiser, fluence et de contrôle sur les conditions consiste principalement
on soulignera davantage l’aspect “appren- de travail sont un facteur de démotivation dans l’alternance ciblée des
tissage” de cet instrument; si l’on estime et empêchent presque totalement le dé- contenus, processus et con-
en revanche que les cercles de qualité veloppement des compétences. Sur la ditions de travail.”
constituent plutôt une mesure portant sur base de constats de ce genre, la psycho-
l’organisation du travail, qui peut égale- logie du travail a analysé les postes de
ment entre autres favoriser l’apprentis- travail quant à leur potentiel formateur,
sage, on donnera davantage la priorité à mais également émis des lignes d’orien-
l’aspect “travail”. tation pour une organisation des postes
de travail permettant d’éviter les effets
négatifs et de favoriser une évolution
Apprentissage par le faire positive (Münch, 1997).
(apprentissage informel La description ou l’organisation de struc-
sur le poste de travail) tures favorables à l’apprentissage exigent
cependant de distinguer entre une pers-
L’apprentissage intentionnel et fonc- pective macroscopique et une perspec-
tionnel tive microscopique: alors que la première
concerne les conditions cadres, telles que
Les modalités d’apprentissage intégré au les structures d’organisation, la culture
travail qui, comme la rotation des postes, d’entreprise, le maillage et la coopération
relèvent davantage de l’aspect “travail”, entre les unités d’organisation, la seconde,
recourent au changement de poste de tra- la perspective microscopique, concerne
vail et d’environnement pour encourager le potentiel de formation des tâches qui
l’apprentissage, notamment sur le plan des s’exercent sur un poste de travail donné
comportements. L’intervention pédagogi- (Bergmann, 1996). Les conditions favora-
que consiste principalement dans l’alter- bles ou défavorables à l’apprentissage sur
nance ciblée des contenus, processus et le poste de travail peuvent ainsi être
conditions de travail. Outre l’apprentis- systématiquement décrites et représentées
sage planifié, organisé et soutenu dans le (voir, par exemple, le modèle idéal pour
processus de travail, cette intervention le domaine de la formation de Franke,
vise une autre approche, celle de l’ap- 1982).
prentissage par le faire; contrairement à
l’apprentissage intentionnel, il s’agit de Le travail en groupe
l’apprentissage fonctionnel, qui s’effectue
individuellement dans la confrontation Le travail en groupe sous ses multiples
avec les tâches et les conditions de tra- formes constitue un exemple d’interface
vail. entre l’apprentissage par le travail et l’ap-
prentissage intégré au travail en tant que
Structures de travail encourageant ou type de formation. De nouvelles études
décourageant l’apprentissage de cas sur les différentes formes que
prend l’apprentissage en entreprise ont
La recherche sur la psychologie du tra- montré que, pour les représentants des
vail a souvent montré que la nature des entreprises, le travail en groupe relève
contenus et des structures du travail ainsi incontestablement de l’activité de travail
que l’environnement de travail exercent et ne constitue pas une forme d’appren-
une grande influence sur les contenus de tissage intégré au travail. Il est apparu en
l’apprentissage sur un poste de travail. Il même temps que des dispositifs comple-
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FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
“L’apprentissage intégré au xes sont nécessaires pour mettre en place tent limitées à un groupe relativement
travail est à peu près le travail en groupe, notamment l’auto- faible de grandes entreprises. Le carac-
unanimement considéré apprentissage, l’initiation, la rotation des tère expérimental de ces formes d’appren-
comme souhaitable sur le tâches et la formation donnée par des col- tissage n’est souvent pas encore dépassé,
plan pédagogique. Mais, lègues et des experts; sont mentionnées et rien ne semble définitivement acquis.
dans de nombreuses entre- également des formes plus formalisées de
prises, les conditions préa- formation continue, comme les séminai- L’externalisation des tâches et la for-
lables à sa mise en œuvre res d’introduction (BIBB/IES/IW, 1997). La mation continue
manquent: les structures de mise en œuvre des principes d’organisa-
travail restent de type tay- tion du travail en groupe (délégation de Là où les tendances décrites plus haut de
loriste, le travail et l’ap- responsabilités à la base, intégration des l’évolution de l’organisation du travail post-
prentissage sont largement tâches, autocoordination et coopération) tayloriste avec leurs conséquences pour les
séparés.” entraînera probablement la nécessité de besoins de formation se sont imposées, il
développer l’apprentissage intégré au tra- faut se demander dans quelle mesure les
vail pour assurer la continuité de cette formes d’organisation resserrées, tout en
pratique; en effet, les besoins de forma- fournissant des chances d’apprentissage,
tion plus élevés ne peuvent être satisfaits ne compromettent pas en même temps ces
qu’avec davantage de temps de formation chances. L’intensification du travail et ses
et d’aide pédagogique. conséquences sur le temps d’apprentis-
sage, ou l’externalisation du travail, qui
entraîne une réduction des contenus de la
Risques et chances formation et rend plus difficile la coopé-
ration, représentent des risques réels pou-
Les nombreux avantages de l’apprentis- vant compromettre les options positives de
sage intégré au travail et de l’apprentis- l’apprentissage intégré au travail. D’autres
sage par le faire ne doivent pas faire risques apparaissent lorsque, dans le ca-
oublier que cet apprentissage ne se fait dre de l’externalisation, ce ne sont pas
pas sans le respect d’un certain nombre seulement certaines tâches qui sont trans-
de conditions préalables. férées à l’extérieur, mais aussi des activi-
tés de formation continue en entreprise,
Les structures de travail tayloristes / qui doivent être alors achetées selon les
les blocages besoins. Le danger existe d’un renonce-
ment trop rapide aux activités de soutien
”Là où les tendances décri- L’apprentissage intégré au travail est à peu pédagogique nécessaires pour mobiliser
tes plus haut de l’évolution près unanimement considéré comme sou- l’apprentissage sur le poste de travail.
de l’organisation du travail haitable sur le plan pédagogique. Mais, Même un système de groupe de travail mis
post-tayloriste avec leurs dans de nombreuses entreprises, les con- en place au prix d’un grand effort peut,
conséquences pour les be- ditions préalables à sa mise en œuvre dans ces circonstances assez fréquentes,
soins de formation se sont manquent: les structures de travail restent dégénérer et se transformer en un
imposées, il faut se deman- de type tayloriste, le travail et l’appren- “taylorisme démocratique” (Severing,
der dans quelle mesure les tissage sont largement séparés. On ne 1997). En même temps, cet apprentissage
formes d’organisation res- constate ni une structure holistique des par le faire peut être réduit à la seule qua-
serrées, tout en fournissant tâches, ni le développement - souhaita- lification requise dans l’immédiat. Dans ce
des chances d’apprentis- ble - autogéré et coopératif des savoirs et cas, la production “maigre” (lean produc-
sage, ne compromettent pas des compétences qui inclurait l’ensemble tion) implique la formation “maigre” (lean
en même temps ces chan- des effectifs de l’entreprise. Les résultats learning). C’est particulièrement le cas, par
ces.” empiriques de l’étude FORCE montrent exemple, lorsque la combinaison du tra-
que près de deux cinquièmes des entre- vail et de l’apprentissage, qui est l’objectif
prises de plus de dix salariés proposent du travail de groupe, est rendue plus diffi-
des formes de formation continue à proxi- cile, voire impossible, parce que le temps
mité du poste de travail, mais il s’agit pour nécessaire à la communication interne au
l’essentiel des approches assez tradition- groupe est réduit pour des raisons de coût
nelles de l’instruction et de l’initiation, qui (Frieling, 1993 et Markert, 1997).
ont souvent un caractère contraignant et
se limitent à l’apprentissage de séquen- Accès réduit pour les moins qualifiés
ces de travail répétitives. Les formes plus et les chômeurs
ambitieuses d’apprentissage, comme la ro-
tation des postes, les programmes Sur cette toile de fond, il n’existe plus
d’échange et les cercles de qualité, res- que de petites chances pour les groupes
CEDEFOP
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FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
faiblement qualifiés ou de faible statut tissage se situant en dehors du poste de “Cela pourrait globalement
professionnel, déjà peu présents dans le travail. La formation continue recourt elle confirmer l’hypothèse selon
perfectionnement professionnel, d’être aussi à la pluralité des lieux d’apprentis- laquelle le développement
pris en compte dans l’apprentissage inté- sage. Celle-ci pourrait être nécessaire, par des qualifications et des
gré au travail. Les différences spécifiques exemple, pour acquérir des diplômes dans compétences par l’appren-
entre les groupes participant à la forma- le cadre d’une formation visant la pro- tissage sur le poste de tra-
tion continue se répètent - selon les ré- motion professionnelle. L’apprentissage vail n’est pour l’heure
sultats de l’enquête de BSW - dans les intégré au travail pourra apporter une qu’une vision revendiquée
formes que prend l’apprentissage intégré contribution à la réalisation de cet objec- par la théorie, mais non
au travail. Cela pourrait globalement con- tif, en particulier si l’expérience profes- encore réalisée dans la pra-
firmer l’hypothèse selon laquelle le dé- sionnelle acquise sur le poste de travail tique”
veloppement des qualifications et des est certifiée; il faut cependant pour cela
compétences par l’apprentissage sur le une combinaison et une coopération de
poste de travail n’est pour l’heure qu’une différents lieux d’apprentissage, afin de
vision revendiquée par la théorie, mais compenser les déséquilibres d’une quali-
non encore réalisée dans la pratique fication acquise uniquement sur le poste
(Staudt et Meier,1996). de travail.
“La relation entre l’appren- dement”; la confrontation active et auto- tinue, montre que l’apprentissage intégré
tissage intégré au travail et nome avec les contenus du travail est in- au travail ne peut pas se substituer à
d’autres formes d’appren- suffisante. Quant aux formes qui recou- d’autres lieux et formes d’apprentissage,
tissage ouvre des perspec- rent plutôt à l’apprentissage en groupe, mais qu’il doit les compléter. Au-delà de
tives nouvelles à la politi- comme les cercles de qualité, c’est la combinaison des formes d’apprentis-
que d’éducation et de for- essentiellement leur contribution au dé- sage que sont le poste de travail et les
mation. L’intérêt manifesté veloppement de l’organisation et de l’en- stages de formation, il s’agit de réaliser
pour les structures duales treprise qui passe à l’avant-plan, alors que un maillage de l’apprentissage, intégrant
à tous les niveaux de qua- leur contribution au développement des le travail, les loisirs et les médias; ses dis-
lification, de la formation qualifications et compétences individuel- positifs peuvent recourir aussi bien à l’ap-
initiale à l’enseignement les reste dans une large mesure insaisis- prentissage formalisé dans des centres de
supérieur en passant par la sable. D’où la difficulté de mettre en place formation continue qu’à l’apprentissage
formation continue, montre des mesures concrètes pour développer intégré au travail, l’apprentissage “en pas-
que l’apprentissage intégré des qualifications basées sur l’expérience sant” par le travail et l’autoformation pen-
au travail ne peut pas se du travail. Il faut viser davantage de trans- dant le temps libre (Sauter, 1997). Un tel
substituer à d’autres lieux parence sur les liens entre les formes d’ap- réseau permettrait d’apporter de nouvel-
et formes d’apprentissage, prentissage et les objectifs d’apprentis- les chances à ceux qui souhaitent partici-
mais qu’il doit les complé- sage, les qualifications et les compéten- per à la formation continue, d’organiser
ter.” ces qu’ils permettent le mieux d’attein- eux-mêmes “leur” formation continue,
dre. mais poserait, par ailleurs, de nouveaux
problèmes de coordination, s’il n’existe
Il importe de décrire également pour l’ap- pas de liens entre les lieux d’apprentis-
prentissage fonctionnel par le travail le sage. Il se pose par exemple la question
lien entre les conditions dans lesquelles de la transparence des offres (modula-
s’effectue le travail (structures d’organi- risées), du conseil et de l’assurance qua-
sation, philosophie de l’entreprise, etc.) lité.
et les tâches concrètes d’une part, et les
résultats de l’apprentissage sous forme de L’un des points centraux concerne la pos-
qualifications ou de compétences d’autre sibilité de combiner l’apprentissage for-
part. L’objectif est de rendre plus trans- mel et informel pour l’obtention d’une
parentes les structures qui favorisent ou qualification formelle au niveau du per-
entravent l’apprentissage, et éventuelle- fectionnement professionnel ou de l’en-
“L’un des points centraux ment d’esquisser une typologie des struc- seignement universitaire. Ce problème
concerne la possibilité de tures de travail et des tâches et leurs im- transparaît actuellement dans toutes les
combiner l’apprentissage plications pour les qualifications et le dé- idées et tous les projets visant à réformer
formel et informel pour veloppement de l’entreprise. Globale- la formation continue et l’apprentissage
l’obtention d’une qualifica- ment, il s’agit de clarifier la contribution tout au long de la vie. Il concerne par
tion formelle au niveau du de l’apprentissage intégré au travail et de exemple les qualifications complémentai-
perfectionnement profes- l’apprentissage par le faire pour le déve- res, qui doivent permettre de gérer en
sionnel ou de l’enseigne- loppement de l’entreprise. Cela peut se souplesse la transition entre la formation
ment universitaire. Ce pro- réaliser, par exemple, à l’aide d’indica- initiale et le perfectionnement profession-
blème transparaît actuelle- teurs se rapportant notamment à l’absen- nel. Leur acquisition pendant la forma-
ment dans toutes les idées téisme, à la fréquence des réclamations, tion de base et immédiatement après peut
et tous les projets visant à aux modèles mis en place pour examiner se faire de diverses façons; les entrepri-
réformer la formation con- les propositions avancées, à l’assurance ses, écoles professionnelles, établisse-
tinue et l’apprentissage qualité et aux objectifs d’apprentissage (de ments de formation et administrations
tout au long de la vie.” la maîtrise des gestes à la créativité). doivent certifier ces qualifications com-
plémentaires et les rendre ainsi transpa-
Le maillage du système de l’apprentis- rentes et utilisables sur le marché du tra-
sage vail. L’accès à l’enseignement supérieur
et à l’avancement professionnel suppose
La relation entre l’apprentissage intégré également un lien entre les qualifications
au travail et d’autres formes d’apprentis- acquises de manière formelle et infor-
sage ouvre des perspectives nouvelles à melle. Le projet de réforme de la forma-
la politique d’éducation et de formation. tion professionnelle (BMBF, 1997) prévoit
L’intérêt manifesté pour les structures qu’à l’avenir les qualifications complé-
duales à tous les niveaux de qualification, mentaires, les modules individuels de
de la formation initiale à l’enseignement perfectionnement professionnel et les
supérieur en passant par la formation con- compétences acquises dans le travail se-
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FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
condition préalable n’est (encore) que ra- pectives suivantes se présentent pour le
rement présente. Même là où des formes développement ultérieur de l’apprentis-
resserrées d’organisation offrant davan- sage intégré au travail: pour ce dernier
tage de possibilités d’apprentissage se comme pour l’apprentissage fonctionnel
sont imposées, il faut noter les conséquen- par le travail, il faut créer davantage de
ces ambivalentes pour l’apprentissage. clarté sur le rapport existant entre les for-
mes d’apprentissage et les qualifications
L’intensité accrue du travail réduit les et compétences d’une part, et leurs con-
temps disponibles pour l’apprentissage, tributions au développement de l’entre-
l’externalisation des tâches (y compris le prise d’autre part (par exemple, grâce à
télétravail) rend plus difficiles l’informa- l’utilisation des statistiques).
tion et la coopération, la concentration
sur le personnel central rend plus diffi- Dans la perspective de la politique de la
cile l’accès du personnel périphérique à formation, il s’agit avant tout de dévelop-
la formation et exclut les chômeurs. Dans per des modèles combinant l’apprentis-
ces conditions, il n’est pas possible d’at- sage informel et l’apprentissage formel
teindre les objectifs ambitieux de l’appren- grâce à un maillage des formes d’appren-
tissage intégré au travail, on risque au con- tissage. Il importe également de réorga-
traire d’aboutir à la formation “maigre” niser les itinéraires de vie, d’apprentis-
(lean learning). sage et de carrière, ainsi que le travail et
les loisirs, dans la perspective de l’édu-
Sur le plan méthodologique et sur celui cation et de la formation tout au long de
de la politique de la formation, les pers- la vie.
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“La représentation de la que par son rôle proprement économi- Dans une deuxième partie, nous exami-
formation en termes d’ac- que. Cela reste vrai dans une époque où nerons les rapports entre les acteurs im-
croissement du capital hu- les discours relatifs à l’appareil éducatif pliqués dans les processus éducatifs, et
main suppose que l’in- mettent l’accent sur l’adéquation de la for- nous regarderons ce qu’il en résulte quant
fluence de la formation sur mation aux besoins de l’économie. aux processus d’ajustement entre les be-
le statut social passe exclu- soins des entreprises et les productions
sivement par les revenus ti- Si la manière classique dont le système de l’appareil éducatif.
rés du travail, ceux-ci cons- éducatif est décrit conduit à privilégier la
tituant eux-mêmes une distinction entre plusieurs “filières”, c’est Dans une troisième partie, nous analyse-
bonne mesure de la contri- que ces filières ne diffèrent pas seulement rons enfin les effets négatifs de ces pro-
bution productive de cha- en fournissant un volume plus ou moins cessus d’ajustement sur la manière dont
cun. (…) C’est loin d’être le large de “capital humain” susceptible le système éducatif approvisionne les
cas en France.” d’être utilisé en tout point de l’appareil entreprises, les réformes actuellement en-
productif, en fonction de strictes questions treprises pour améliorer la situation et les
de compétences techniques et de rende- difficultés que rencontrent ces réformes.
ments économiques comparés. Elles don-
nent accès, de par leurs propriétés sym-
boliques, et conformément à des règles Le système éducatif
qui relèvent moins de la concurrence et dans la société
du marché que de la coutume, à des po-
sitions sociales diversifiées. Par ailleurs, L’attachement français au “noble”
si l’enseignement proprement dit, assuré
par “l’appareil éducatif”, et la “formation La représentation de la formation en ter-
professionnelle” donnée au sein des en- mes d’accroissement du capital humain
treprises sont sans doute en partie substi- suppose que l’influence de la formation
tuables en termes de formation de capi- sur le statut social passe exclusivement
tal humain, ils ne le sont nullement en par les revenus tirés du travail, ceux-ci
termes d’acquisition d’une position so- constituant eux-mêmes une bonne mesure
ciale. Dans une perspective française, ils de la contribution productive de chacun.
relèvent de modes de fonctionnement Pareille hypothèse, tout en n’étant sans
extrêmement différents. doute strictement conforme à la réalité
dans aucune société, représente peut-être
Les difficultés à réformer l’appareil fran- dans certaines une première approxima-
çais de formation et en particulier à met- tion acceptable. C’est loin d’être le cas en
tre en œuvre des réformes qui, d’un strict France. De plus cette forme de représen-
point de vue d’efficacité productive, pa- tation ne permet pas de prendre en
raissent évidemment désirables, ne peu- compte les questions, pourtant essentiel-
vent se comprendre en faisant abstraction les dans le cas français, de correspon-
de cet aspect des choses. Celui-ci paraît dance légitime entre types de formations
décisif, en particulier, dans le fait que et types de postes. On ne peut compren-
certains exemples étrangers, tel l’appren- dre les rapports entre appareil éducatif et
tissage à l’allemande, hautement admirés appareil productif en France en négligeant
dès lors que l’on s’en tient à une stricte l’aspect symbolique de l’éducation. Cela
perspective d’efficacité productive, n’ins- suppose au premier chef d’appréhender
pirent guère, en fait, de transformations le rôle de l’opposition entre ce qui est
réelles des pratiques. plus ou moins “noble”.
Notre texte comprend trois parties. Dans La France républicaine a répudié la rela-
une première partie nous préciserons ce tion faite par l’Ancien Régime entre la no-
qu’a de spécifique la place du système blesse et la qualité du “sang”. Mais elle n’a
éducatif dans la société française, compte pas répudié pour autant la notion de no-
tenu de la force qu’y possède la référence blesse. Le Tiers-État “doit redevenir noble”,
à la noblesse scolaire par contraste avec affirmait Sieyès dans son célèbre pamphlet
d’autres sociétés, telle la société alle- qui a marqué 1789. Dès l’Ancien Régime,
mande. Nous examinerons les grands con- la conception traditionnelle de la noblesse
flits qui opposent au premier chef ceux avait été contestée au nom d’autres réfé-
qui défendent une conception “démocra- rences, qui célébraient la “noblesse du
tique” de la société et ceux qui restent coeur” (Duby, 1978). Par ailleurs, il exis-
attachés à une vision “hiérarchique”. tait des métiers plus ou moins estimés, par
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référence à une opposition fondamentale des créations de l’esprit, le sont plus que “Dans la vision française
entre les créations de l’esprit, jugées no- les activités d’“exécution”, plus proches de la société, il doit exister
bles, et la peine du corps, jugée vile. Ainsi, de la peine du corps (dans l’industrie une correspondance entre
l’Encyclopédie opposait, suivant pareil cri- automobile, les “études” chargées de con- la noblesse de la position
tère, l’“artiste” à l’“artisan” 2. cevoir les nouveaux modèles, et les “mé- que quelqu’un occupe et la
thodes”, chargées de concevoir l’appareil noblesse de sa personne.
La France post-révolutionnaire a plutôt de production, sont plus nobles que la (…) La question, fort trai-
cherché à faire triompher une vision mo- “fabrication”, qui fait tourner les usines). tée dans les travaux fran-
dernisée de la noblesse, largement liée à De même, les activités intellectuelles (et çais portant sur les rap-
la raison, aux “capacités”, aux “talents” et donc le travail des employés) le parais- ports entre la formation et
à la “vertu”, qu’à remettre en cause la sent plus que les manuelles (et donc le l’emploi, de l’adéquation en-
pertinence de pareille notion3. Cette as- travail des ouvriers) 5. Enfin, il est peu tre ‘niveau’ de formation et
sociation entre une hiérarchie des “talents” noble d’être “au service” d’autrui, au point ‘niveau’ d’emploi, s’inscrit
et une hiérarchie des savoirs apparaît de que certaines activités, que l’on rencon- entièrement dans cette pro-
façon cruciale au moment où les héritiers tre dans d’autres pays industriels, ont dis- blématique.”
révolutionnaires des encyclopédistes paru en France (cirer les souliers).
construisent les nouveaux talents de la Ré-
publique à travers la conception des “éco- Dans la vision française de la société, il
les” qui vont servir de base à l’entrée de doit exister une correspondance entre la
la France dans le “première révolution noblesse de la position que quelqu’un
industrielle”. [Ainsi au cours de la période occupe et la noblesse de sa personne.
1800-1803, dans la lignée de Monge, de Celui qui occupe une position dont la no-
Carnot et de l’abbé Grégoire, Chaptal va blesse est inférieure à celle de sa personne
concevoir les écoles des “Arts et Métiers”, est “déclassé”, “déchu”. Et celui qui oc-
qu’il identifie à la conception républicaine cupe une position dont la noblesse est
qui a permis la victoire de Valmy.] “La supérieure à celle de sa personne est vu
relation étroite qu’entretient l’éducation comme “parvenu”. Or, dans la société
de chaque technicien de l’industrie avec française contemporaine, c’est pour l’es-
la science du plus haut niveau permet en sentiel la “noblesse scolaire” d’une per- 2) “Artiste: nom que l’on donne aux
ouvriers qui excellent dans ceux d’en-
effet de gagner la bataille de la produc- sonne, déterminée par son parcours dans tre les arts mécaniques qui supposent
tion. Tous les éléments essentiels de l’édu- l’appareil scolaire, lors de sa formation de l’intelligence. Artisan: nom par le-
cation technique moderne, qui ont été initiale, la qualité de la filière qu’il a sui- quel on désigne les ouvriers qui pro-
fessent ceux des arts mécaniques qui
conçus et appliqués en France au cours vie, le niveau qu’il a atteint dans cette supposent le moins d’intelligence. On
des quatre cents années entre 1450 et filière, qui va déterminer, et ce pour le dira d’un bon cordonnier que c’est un
1850, depuis le règne de Louis XI jusqu’à reste de ses jours, son niveau de noblesse bon artisan, et d’un habile horloger
que c’est un grand artiste”. Cité dans
la révolution de Polytechnique et des Arts personnelle. La question, fort traitée dans William H. Sewell, Gens de métier et
et Métiers, obéissent à cette conception” les travaux français portant sur les rap- révolutions; le langage du travail de
(Cheminade, 1998, Hillau, 1998). ports entre la formation et l’emploi, de l’Ancien Régime à 1848, Aubier, 1980,
p. 45.
l’adéquation entre “niveau” de formation
Dans la France moderne, la référence à et “niveau” d’emploi, s’inscrit entièrement 3) Selon la Déclaration des droits de
la plus ou moins grande “noblesse” d’une dans cette problématique. l’Homme et du Citoyen (art VI), “Tous
les citoyens étant égaux à ses yeux
activité pourra concerner aussi bien l’élec- (NB: de la loi), sont également ad-
tricien, professant que son métier est plus Pareille façon de voir est commune à ceux missibles à toutes les dignités, places
noble que celui du mécanicien, que le qui ont une vision très élitiste de l’ensei- et emplois publics (NB: auxquelles les
nobles avaient jusqu’alors un accès
président de la République affirmant gnement et ceux qui en ont une vision privilégié), selon leur capacité et sans
(comme le président socialiste François démocratique. Ces deux visions peuvent autres distinction que celle de leurs
Mitterand) que son mandat est une “no- de fait coexister au sein d’un même indi- vertus et de leurs talents”; la ques-
tion de l’accès aux “dignités”, etc.,
blesse”4. Et si les références explicites à vidu, et être défendues au nom d’argu- symbole de noblesse, reste centrale.
cette notion restent en fait limitées, elle ments apparemment “techniques”, même
est constamment en filigrane dès lors si des enjeux politiques sont largement 4) Conférence de presse du 12 avril
1992. Sur le rôle de la référence à la
qu’interviennent les questions de “rang”, en cause. noblesse du métier dans la France
dont on sait la place qu’elles tiennent dans d’aujourd’hui, par exemple Philippe
la société française. De multiples consi- Pour les premiers, il doit exister des filiè- d’Iribarne, La logique de l’honneur,
Paris, Seuil, 1989; édition de poche,
dérations entrent en jeu pour faire esti- res très différenciées; une forte sépara- Point-Seuil, 1993.
mer, avec du reste certaines variations tion entre l’école de l’élite et l’école du
suivant les époques, que telle ou telle peuple. Certains doivent recevoir un en- 5) Alain d’Iribarne “Enjeux sociaux
autour de l’accès aux professions” In
activité est plus ou moins noble. Ainsi, seignement abstrait au sein des filières Cultures techniques entreprises et so-
on jugera de manière générale que les nobles, vouées au savoir théorique et ciété, Revue Pour, n° 122/123, juillet-
activités de “conception”, plus proches désintéressé (autrefois les humanités, septembre 1989, p. 23-33.
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FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
“(…) le caractère structu- maintenant les mathématiques les plus d’autres formes de distinctions. Cela n’est
rant de l’opposition entre le “pures”), pendant que d’autres doivent pas sans conséquences sur les différen-
‘noble’ et le ‘commun’ dans recevoir un enseignement avant tout “pra- ces de système éducatif.
la société française ne se tique”, au sein de filières sans noblesse,
retrouve pas dans la so- ou se former “sur le tas”. Norbert Elias, analysant les différences
ciété allemande ou dans la entre la société française et la société al-
société américaine, qui pri- Pour les seconds, qui ont largement triom- lemande, note qu’elles sont structurées
vilégient au contraire phé dans le discours légitime mais non selon des principes très différents (Elias,
d’autres formes de distinc- dans les réalités, tous doivent avoir accès 1939). Déjà, au XVIIIe siècle, on voyait
tions. Cela n’est pas sans à la noblesse. La plupart d’entre eux esti- coexister plusieurs communautés (société
conséquences sur les diffé- ment que, pour cela, tous doivent avoir de cour, bourgeoisie intellectuelle, bour-
rences de système éduca- accès à des filières nobles, marquées par geoisie marchande), dont chacune culti-
tif.” la place qu’y tiennent les enseignements vait sa spécificité et tenait fermement à
théoriques. Il faut donc un enseignement ses propres références. Cette situation
unique, symbole de l’égalité de noblesse contrastait avec ce que l’on trouvait en
de tous les citoyens. Il faut à cet effet sup- France, où chaque groupe social avait
primer les filières, ou tout au moins les pour ambition de s’assimiler aux groupes
différencier le moins possible et multiplier de rang supérieur, en adoptant leurs va-
les passerelles entre elles, de manière à leurs et leurs moeurs, et non de cultiver
permettre à chacun d’au moins garder ses différences en étant fidèle à ses pro-
espoir d’accéder peut-être aux filières les pres valeurs. Cette opposition entre mo-
plus relevées. Certains affirment au con- des de structuration de la société n’a pas
traire qu’il faut créer une égalité de no- été sans influence sur leur histoire ulté-
blesse entre filières”6. rieure. Dans la société allemande, les va-
leurs aristocratiques, après être restées la
Lorsqu’il va s’agir de prendre quelque marque distinctives de cours largement
décision que ce soit en matière d’ensei- francophones, ont été rejetées par la bour-
gnement, et en particulier de rapports geoisie et ont disparu avec les couches
entre l’enseignement et les entreprises, ces qui les portaient. Au contraire, dans la
visions politiques vont s’affronter, même société française, elles se sont largement
lorsque, en apparence, on se situe sur le répandues dans la bourgeoisie, puis dans
strict terrain de l’économique. l’ensemble de la société. On trouve tou-
jours, dans l’Allemagne contemporaine,
Autres sociétés, une société formée de grands groupes à
autres systèmes éducatifs forte identité, qui se définissent positive-
ment à partir de leurs propres références
6) Ainsi, pour Claude Allègre, minis- Des analyses analogues à celle que l’on et paraissent peu impressionnés par les
tre de l’éducation nationale, “L’éga- vient d’esquisser à propos de la société références de groupes qui, dans une op-
lité ce n’est pas (...) l’accès pour le
plus grand nombre à une filière no- française pourraient être faites pour n’im- tique française, sont perçus comme
ble, unique, définie par un parcours porte quelle autre société. En effet, si les nettement supérieurs. Par rapport au
tout tracé. (...) L’égalité c’est recon- systèmes éducatifs diffèrent autant d’un modèle français, ces groupes sont plus à
naître que la réussite en dessin est
tout aussi valorisante qu’en mathéma- pays à l’autre, c’est que chaque société, y côté les uns des autres et relativement
tiques, que l’esprit d’observation est compris celles qui sont réputées les plus autonomes que placés les uns en dessous
aussi noble que le goût des relations modernes, reste largement marquée par des autres sur une échelle que chacun
abstraites.. (...). Quant aux sciences,
dont l’apprentissage est à repenser en- une manière qui lui est propre de conce- essaye de gravir.
tièrement, il faudra les libérer de la voir l’insertion de chacun de ses membre
tutelle exclusive des mathématiques, dans la société. Les manières de structu- Cette forme de structuration de la société
redonner toute sa noblesse à l’obser-
vation...” Claude Allègre, “Ce que je rer la société, d’y distinguer des places marque à la fois l’univers professionnel et
veux”, Le Monde, 6 février 1998. plus ou moins valorisées, diffèrent. Dif- l’appareil éducatif allemands. Cela apparaît
fèrent, de même, les manières d’attribuer bien, par exemple, dans l’étude classique
7) Voir bibliographie: Marc Maurice,
François Sellier, Jean-Jacques Sil- une place à chacun en fonction de telle que leur ont consacrée Marc Maurice,
vestre, Politique d’éducation et orga- ou telle de ses caractéristiques, et notam- François Sellier et Jean-Jacques Silvestre7.
nisation industrielle en France et en ment du type de parcours qu’il a accom- “Une identité professionnelle et sociale
Allemagne. On trouve une interpré-
tation des observations contenues pli dans l’appareil éducatif. Ainsi le ca- particulièrement accusée va de pair avec
dans cette ouvrage, en fonction des ractère structurant de l’opposition entre une relative fermeture du groupe sur lui
différences entre les cultures politi- le “noble” et le “commun” dans la société même”, notent les auteurs à propos des
ques française et allemande dans:
Philippe d’Iribarne, “Culture et ‘effet française ne se retrouve pas dans la so- ouvriers allemands. Et ils évoquent “la ca-
sociétal’”, Revue française de sociolo- ciété allemande ou dans la société améri- pacité qu’a la formation professionnelle à
gie, octobre-décembre 1991. caine, qui privilégient au contraire supporter à la fois la façon dont chaque
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FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
groupe - ouvrier ou non ouvrier - se dis- conduit à bien dessiner la frontière entre
tingue de l’autre et les principes de recon- ceux qui sont, ou non, membres du
naissance professionnelle et sociale sur groupe. C’est “sur des bases permanentes”
lesquels chaque groupe fonde son homo- qu’il y a “séparation entre deux popula-
généité et son identité”8. tions clairement désignées par le fait qu’el-
les ont reçu ou qu’elles n’ont pas reçu une
Le rapport entre l’enseignement profes- formation professionnelle sanctionnée par
sionnel (allant jusqu’à la formation un diplôme”. L’âge et l’ancienneté ne suf-
d’“ingénieurs gradués”) et l’enseignement fisent pas pour permettre de passer d’une
général (partant du Gymnasium et qui population à l’autre. Et il est aussi peu fré-
fournit des “ingénieurs diplômés” formés quent de passer d’un groupe à l’autre en
dans les universités) est particulièrement montant qu’en descendant. Le fait que les
significatif. Pendant que l’un “valorise la écarts de salaires entre ouvriers qualifiés
technique”, l’autre “valorise les humani- et non qualifiés soient relativement faibles
tés”. Les deux filières sont “totalement sé- par rapport à la France laisse penser qu’on
parées”. Contrairement à ce que l’on pour- est à nouveau dans une logique de grou-
rait penser avec un regard français, ces pes plus juxtaposés et moins hiérarchisés
deux enseignements sont plus juxtaposés qu’en France.
que vraiment hiérarchisés. Les diplômes
de l’enseignement général relèvent d’une À la forte légitimité de l’enseignement pro-
“autre hiérarchie”. “Les diplômés de l’en- fessionnel s’attachent de multiples proprié-
seignement supérieur sont - nettement tés mises en évidence par les auteurs, as-
plus que ce n’est le cas en France - con- sociées à la place que les produits de cet
centrés dans les hauts niveaux de la fonc- enseignement tiennent dans l’organisation
tion publique et du tertiaire privé.” des entreprises. Il se forme un “espace
intégré” constitué par “les ouvriers quali-
Dans ces conditions il ne paraît pas cho- fiés, les Meister et les ingénieurs gradués”,
quant que la filière d’enseignement gé- et cet espace paraît bien se situer dans la
néral soit “de fait pratiquement fermée aux continuité de la bourgeoisie allemande
enfants dont les parents exercent un mé- autre qu’intellectuelle. À l’intérieur de cet
tier manuel”. Une “forte structure de for- espace on a plus “solidarité ouvrière” que
mations professionnelles intermédiaires “coupure hiérarchique” entre ouvrier et
offre des possibilités réelles de mobilité contremaître, tandis que le rôle du contre-
éducative et professionnelle ascendante maître allemand est très différent de celui
à partir de l’apprentissage ouvrier” et cela de son homologue français. Le rôle de l’an-
ne peut “être dissocié du rôle joué par cienneté et de l’âge n’est pas du tout le
l’apprentissage dans une stabilisation au même que dans la gestion de “maison” à
sein de la classe ouvrière de la grande la française. Au sein de ce grand groupe
majorité des travailleurs d’origine ouvrière “bourgeois” intégrant les ouvriers qualifiés,
et paysanne et donc dans l’acceptation des on voit s’opérer des subdivisions obéis-
fortes ruptures, sociales et professionnel- sant au même principe. Un sous-groupe
les, qui séparent les ouvriers et les non- constitué par ceux qui ont une formation
ouvriers”. de base ouvrière se distingue d’un sous-
groupe constitué de ceux qui ont une for-
On retrouve la coupure notée par Elias mation de base d’employé, avec relative-
entre une vaste bourgeoisie, peu attachée ment peu de passages d’un sous-groupe à
aux valeurs intellectuelles véhiculées par l’autre et une forte continuité entre niveaux
l’enseignement général, et une couche de au sein de chaque sous-groupe.
professeurs et de “hauts-fonctionnaires”
attachés à ces valeurs et dont les enfants Pendant que les identités des communau- 8) Depuis cet ouvrage de référence,
de nombreux autres travaux de re-
sont les seuls à être sur-représentés dans tés ainsi formées sont très fortes, on ne cherche comparatifs entre la France
l’enseignement général. retrouve pas en leur sein les questions et l’Allemagne ont été réalisés en
de rang qui règnent en France. Cela se France. On peut citer: J.-P. Gehin et
Ph. Mehaut: “Apprentissage ou forma-
Par ailleurs, la forte coupure que l’on ob- traduit de multiples façons. On observe tion continue? Stratégies éducatives en
serve entre ouvriers qualifiés et ouvriers une conception très différente de la Allemagne et en France”, L’Harmattan,
non qualifiés peut sans doute s’interpréter “polyvalence”, du passage d’un poste à Paris 1993, M. Möbus et E. Verdier
(dir): “Les diplômes professionnels en
par le fait que les premiers et non les se- un autre, du caractère substituable des Allemagne et en France. Conception
conds ont accédé à un statut bourgeois et membres d’une équipe. L’appréciation de et enjeux d’acteurs”, L’Harmattan,
que la logique communautaire allemande la professionnalité de chacun n’a pas le Paris, 1997.
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En Allemagne “(…) l’appré- même caractère dramatique qu’en France, parfaite du “consommateur”, sur la qua-
ciation de la profession- ce qui permet de la confier plus facile- lité du “produit” (situation que l’on ren-
nalité de chacun n’a pas le ment au contremaître (Meister). Les “rap- contre dans les “professions”) et de veiller
même caractère dramati- ports sociaux de travail” sont “plus orien- à ce que, dans les processus de recrute-
que qu’en France, ce qui tés vers la coopération (entre types de ment, tant des enseignants que des élè-
permet de la confier plus tâches, de fonctions et de services) que ves, règne une égalité de traitement (la
facilement au contremaître vers la subordination hiérarchique”. manière de concevoir celle-ci pouvant
(Meister). Les ‘rapports so- fortement varier selon les époques, mais
ciaux de travail’ sont ‘plus De même, on pourrait mettre en relation le principe demeurant).
orientés vers la coopéra- les spécificités de l’appareil éducatif amé-
tion (entre types de tâches, ricain avec la structuration de la société Les rapports entre les acteurs concer-
de fonctions et de services) américaine. nés par la conception et le fonction-
que vers la subordination nement du système éducatif
hiérarchique’.” La société américaine se conçoit comme
une société d’égaux unis par des relations Pour comprendre les rapports qui se
contractuelles, réglées par le droit, con- nouent entre les acteurs concernés par la
çues sur le modèle des rapports entre un conception et le fonctionnement du sys-
client et son fournisseur, dont chacun dé- tème éducatif français, et en particulier la
cide librement de s’engager dans une tran- manière dont sont coordonnées la de-
saction en fonction de l’intérêt qu’il y mande des entreprises et l’offre d’éduca-
trouve. Cette référence joue en particu- tion, il faut distinguer plusieurs éléments
lier un rôle décisif dans le fonctionnement de ce système éducatif. Ces divers élé-
interne des entreprises 9. Le rôle de la ments ont des rôles différents non seule-
Dans “la société américaine puissance publique est d’assurer la fair- ment dans la production de compéten-
(…) l’éducation joue effec- ness de ces transactions, et au premier ces, mais aussi dans celle de hiérarchie
tivement le rôle que lui ac- chef d’empêcher les forts d’abuser de leur sociale. Ils sont l’objet de stratégies diffé-
cordent les théories du ca- position (par exemple la législation amé- renciées de la part des acteurs, qui con-
pital humain. Elle permet ricaine de la concurrence, celle des opé- duisent à des affrontements et à des com-
d’améliorer la position que rations de bourse ou celle du travail). Elle promis loin d’être uniformes. En particu-
l’on occupe comme offreur est également capable, bien sûr, de four- lier les rapports entre l’État (qui est en
sur un marché. (…) Con- nir un cadre qui permet au marché de France un acteur particulièrement privi-
trairement à la vision fran- fonctionner (contrôle des instruments de légié dans le domaine de l’éducation, à
çaise, elle ne définit pas mesure, plus généralement lutte contre la la fois par sa place dans le financement
pour la vie ce que l’on ‘est’, fraude lorsque l’acheteur est susceptible de celle-ci et par son rôle dans la légiti-
c’est à dire quel est le ‘rang’ d’être trompé par les apparences sur la mation des formations) et les entreprises,
que l’on mérite. Et, con- nature du produit qu’il achète). sont extrêmement contrastés suivant la
trairement à la vision alle- partie de l’appareil éducatif en cause.
mande, elle n’insère pas Dans une telle conception, l’éducation
dans une communauté de joue effectivement le rôle que lui accor- Pour dessiner un tableau très précis de la
métier, sauf dans le cas dent les théories du capital humain10. Elle situation, un grand nombre de distinctions
particulier où elle fait ac- permet d’améliorer la position que l’on seraient nécessaires, d’autant plus que, au
céder à une ‘profession’ occupe comme offreur sur un marché. Elle cours des dernières décennies, des for-
(…)” vaut la peine d’être entreprise à partir du mules hybrides se sont développées. Mais
moment où elle est rentable. Contraire- distinguer quelques grandes logiques per-
ment à la vision française, elle ne définit met déjà une première clarification. Il faut
pas pour la vie ce que l’on “est”, c’est à distinguer, au premier chef, d’une part la
dire quel est le “rang” que l’on mérite. Et, formation des “élites” de celle des mas-
contrairement à la vision allemande, elle ses et d’autre part la formation initiale de
9) Philippe d’Iribarne, La logique de n’insère pas dans une communauté de la formation reçue en cours de carrière.
l’honneur, op cit. métier, sauf dans le cas particulier où elle
10) Cette relation entre le “modèle” fait accéder à une “profession”, au sens La formation des “élites”
américain et la théorie du capital hu- très spécifique qu’a ce terme dans une
main transparaît clairement à travers vision anglo-saxonne. Vue comme un in- Si l’on considère tout d’abord la forma-
des analyses comme celles de Ch. F.
Buechtemann: “L’enseignement pro- vestissement économique, il n’est nulle- tion des “élites”, on voit coexister
fessionnel et la formation technique ment choquant qu’elle soit payante, du traditionnellement (faisant suite à l’ensei-
en tant qu’investissement et mobili- moment que la qualité du service fourni gnement primaire et à un enseignement
sation des ressources humaines et fi-
nancières”, in Revue Formation Em- justifie le prix demandé. Le rôle des pou- “secondaire”, correspondant pratique-
ploi, n° 64, octobre-décembre 1998, voirs publics est de veiller, quand cela ment, en ce qui concerne les dites élites,
p. 59-76. est nécessaire du fait de l’information im- à des filières sans finalités immédiatement
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“Ces divers éléments du sys- même si le système des grandes écoles prises est condamnable, par tout ce qu’il
tème d’enseignement sont, est périodiquement l’objet d’attaques re- hérite d’une vision domestique de l’entre-
pour l’essentiel, financés et lativement rituelles, dont tout le monde prise, où des travailleurs, “taillables et cor-
organisés par l’État et gra- sait qu’elles seront sans grandes consé- véables à merci”, étaient livrés à l’arbitraire
tuits ou quasi-gratuits quences pratiques. Il n’en est pas de d’un patron de droit divin (le terme de “for-
pour les enseignés. Cette si- même à propos de la formation des mas- mation maison” renvoyant à pareille image
tuation, surprenante dans ses, qui est l’enjeu d’un conflit extrême- domestique). C’est la qualité de l’enseigne-
une perspective économi- ment vif, de nature politique. ment professionnel dont les enseignants,
que d’investissement en ca- animés par leur conscience profession-
pital humain, se comprend La formation des masses nelle, sont le garant, qui fournira à l’éco-
bien au contraire dans la nomie des travailleurs à la fois compétents
perspective qui vient d’être Dans une vision que l’on pourrait appe- et autonomes14.
esquissée. Elle constitue un ler “de droite”, le destin des masses (c’est
point de rencontre entre à dire de ceux qui n’ont pas fait preuve Dans la pratique, l’organisation du sys-
ceux qui mettent l’accent de capacités supérieures dans les premiers tème de formation professionnelle initiale
sur l’aspect élitiste de l’en- stades de la sélection scolaire, laquelle représente un compromis, évolutif dans
seignement et ceux qui pri- se concrétise au début de l’enseignement le temps, entre ces deux visions. Ce sys-
vilégient son aspect démo- primaire) est d’être vouées à la faible tème a longtemps été séparé de manière
cratique.” noblesse des exécutants. Elles ont besoin très radicale de l’enseignement général
de recevoir une formation adaptée à leur (même les administrations de l’“Éducation
état, formation essentiellement pratique nationale” et de la “Formation profession-
(technique) à orientation directement pro- nelle” étaient séparées, les écoles d’en-
fessionnelle. Leur donner une formation treprise jouaient un rôle non négligeable).
trop théorique dans des filières dites “gé- La montée des valeurs démocratiques a
nérales”, filières considérées comme no- conduit à un rapprochement de façade,
bles, risquerait de conduire à former des mais dont la portée réelle paraît douteuse,
aigris13. À une formation scolaire courte, entre les deux systèmes.
destinée à fournir la maîtrise de savoirs
élémentaires (lecture, écriture, calcul) en- Le rôle hégémonique de l’État dans la
seignés dans une perspective pratique, formation initiale et la coordination
doit succéder rapidement une formation formation-emploi
professionnelle largement contrôlée par
les entreprises, qu’elle soit assurée en leur Ces divers éléments du système d’ensei-
sein (apprentissage, centres de formations gnement sont, pour l’essentiel, financés et
internes) ou dans un appareil spécialisé organisés par l’État et gratuits ou quasi-
(enseignement technique). gratuits pour les enseignés. Cette situation,
surprenante dans une perspective écono-
Dans une vision que l’on pourrait appeler mique d’investissement en capital humain,
13) Cette manière de voir, qui tend à
ne s’exprimer actuellement que de “de gauche”, le destin des masses est se comprend bien au contraire dans la
manière voilée, l’a été longtemps d’échapper à la tutelle des nouveaux maî- perspective qui vient d’être esquissée15. Elle
beaucoup plus crûment; Pierre tres que représentent les entreprises et en constitue un point de rencontre entre ceux
Rosanvallon, Le sacre du citoyen; his-
toire du suffrage universel en France, particulier leurs dirigeants, pour accéder qui mettent l’accent sur l’aspect élitiste de
Gallimard, 1992. pleinement à la dignité des citoyens. L’en- l’enseignement et ceux qui privilégient son
seignement qui leur est donné doit avoir aspect démocratique.
14) Par exemple des déclarations de
Jean Auroux, ancien professeur de la même noblesse que l’enseignement des
lycée technique et ancien ministre élites, ce qui implique soit de “donner des Puisqu’il s’agit, à travers l’enseignement,
socialiste du travail: “Pour ma part je lettres de noblesse” à la pratique, soit d’en de sélectionner une élite des talents, par
pense que le rôle des entreprises est
de produire, mais aussi que plus une développer le côté théorique et abstrait. Il une action éminemment politique assu-
formation générale est longue, mieux importe en tout cas que cet enseignement rée par la puissance publique, et plus lar-
elle permet de s’adapter à un système soit assuré par un “Service Public” de l’édu- gement de déterminer le rang qui revient
qui évolue vite. (..). Il faudrait inven-
ter (..) un nouveau concept de for- cation, mis à l’abri de la pression des en- légitimement à chacun à travers sa no-
mation, mettant en valeur non pas la treprises, pression incompatible avec le blesse scolaire, toute introduction d’une
demande de l’entreprise mais l’offre rôle d’affranchissement dévolu à l’appa- sélection par l’argent est illégitime. On ne
de travail des jeunes”, entretien dans
La Vie, 2 septembre 1993. reil de formation. Les enseignants, dont la peut légitimement acheter un titre de no-
vocation est de travailler à pareil affran- blesse. Par ailleurs, l’État est garant de la
15) On sait en effet que pour les éco- chissement, doivent être mis à l’abri de la validité des épreuves qui vont situer cha-
nomistes, l’intervention publique est
justifiée quand il existe un écart en- pression des “patrons”. Il faut refuser cun dans la hiérarchie scolaire, de la va-
tre des “rendements économiques” et d’asservir l’école au monde de la produc- leur qui s’attache à chaque formation
des “rendements sociaux”. tion. Et l’apprentissage au sein des entre- (comme il est gardien de la valeur de la
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monnaie). Cela permet de comprendre le tion. Et, à de multiples niveaux, allant des “Si les membres de l’appa-
rôle de l’État dans la définition des pro- responsables des administrations chargées reil éducatif public sont ex-
grammes et le contrôle des diplômes, la des questions d’éducation au niveau na- trêmement attachés à dé-
place tenue par les diplômes nationaux16. tional (avec des découpages qui varient fendre l’indépendance de
De plus, c’est à lui de réaliser des arbitra- dans le temps) aux enseignants de tel ly- celui-ci par rapport à toute
ges politiques entre une logique hiérar- cée d’enseignement professionnel au ni- ‘ingérence’ extérieure, ils
chique et une logique démocratique, dans veau local, ils s’informent des attentes des ne sont pas indifférents
le dessin des diverses filières et de leurs entreprises. Cette information peut se faire pour autant à l’avenir, y
rapports17. dans des instances officielles de concerta- compris professionnel, de
tion, liées en particulier à la “planification ceux qu’ils forment.”
Par ailleurs, dans la mesure où l’ensei- indicative” à la française, comme à travers
gnement a pour fin de former des ci- des contacts noués de manière informelle
toyens, fondamentalement égaux, il ne en fonction d’initiatives personnelles en-
peut être ouvert de manière privilégiée à tre tel enseignant et telle entreprise. Son
ceux qui ont de l’argent. Il revient à l’État efficacité peut être de fait fort variable. Au
d’assurer sa gratuité. niveau des instances centrales de concerta-
tion, l’accent est mis sur l’aspect économi-
L’articulation entre la référence hiérarchi- que de la formation, en accord avec le fait
que et la référence égalitaire tend à se que l’appareil administratif français, et au
faire, de plus en plus semble-t-il, en com- premier chef l’appareil de planification, se
binant des égalités formelles (entre les veulent des instruments de “modernisation”
divers lycées, les diplômes des diverses de la société. Les questions de rapports
universités) et des inégalités réelles, avec entre formation et rang, de noblesse sco-
des hiérarchies officieuses parfaitement laire, etc. tendent à être laissées de côté,
claires et des formes de sélection plus ou car considérées comme “archaïques”, obs-
moins occultes pour accéder aux meilleurs tacles destinés à disparaître au dévelop- 16) Voir par exemple Myriam
Campinos-Dubernet et Jean Marc
établissements. On a une sorte de mar- pement d’une économie et d’une société Grando, Formation professionnelle
ché avec une concurrence officieuse en- modernes. Et beaucoup de perspectives ouvrière: trois modèles européens, in
tre établissements pour avoir les meilleurs sont tracées, qui ignorent ces questions. Entreprise, État et formation en Eu-
rope, Numéro spécial: Allemagne,
élèves et entre élèves pour accéder aux Mais celles-ci ne manquent pas de repa- France, Grande-Bretagne, Italie, Re-
meilleurs établissements, mais sans que raître, explicitement ou implicitement, au vue Formation Emploi, n° 22, avril-
ces derniers fassent payer la qualité du moment où il s’agit de passer du discours juin 1988, p. 5-29.
produit qu’ils fournissent. à l’acte. Cela est bien apparu, au cours des 17) Cette conception “sociétale” des
dernières décennies, dans un certain nom- modalités institutionnelles de régula-
Il existe par ailleurs des établissement bre de difficultés, sur lesquelles nous re- tion des systèmes éducatifs et de leurs
relation avec les appareils productifs
privés fortement payants, tout spéciale- viendrons, à réformer le système français est absolument indispensable pour
ment dans le domaine de la “préparation d’enseignement. pouvoir comprendre aussi bien leurs
aux affaires”. Mais ces établissements, s’ils architectures et leurs modalités de
fonctionnement que leurs modalités
permettent à ceux qui y sont passés La formation permanente de transformation. Cela est particuliè-
d’améliorer leurs revenus, n’augmentent rement vrai, par exemple, lorsque l’on
guère leur noblesse scolaire et concernent Si on laisse de coté les activités de for- veut comprendre les différences qui
peuvent être observées dans les mo-
un domaine que la société française tend mation continue liées à la lutte contre le dalités retenues en France et en Alle-
à considérer comme peu noble. On les chômage, dont la finalité est directement magne pour réformer et innover en
accuse couramment de relever d’une ac- professionnelle - en particulier à destina- matière de “certification” de la forma-
tion professionnelle.
tivité de “marchands de soupe”. Ils peu- tion des jeunes chômeurs dans le cadre Voir M. Möbus, E. Verdier: La cons-
vent également servir à préparer un des “mesures jeunes”-, la formation per- truction des diplomes professionnels
recyclage dans des filières plus légitimes, manente relève en principe de deux logi- en Allemagne et en France: des dis-
positifs institutionnels de coordina-
à travers un mode d’acquisition du savoir ques complémentaires: une perspective tion, in Les diplômes professionnels en
que la société française qualifie péjora- culturelle de “formation tout au long de Allemagne et en France, op cité. E.
tivement de “bachotage”. la vie” à l’initiative des individus, une Verdier et Ch. F. Buechteman utilisent
également la notion de “régimes
perspective professionnelle de production d’éducation et de formation profes-
Si les membres de l’appareil éducatif pu- de “compétences” à l’initiative des entre- sionnelle” pour rendre compte des
blic sont extrêmement attachés à défen- prises. Dans ce dernier cas la logique est spécificités institutionnelles nationa-
les en la matière et analyser leurs
dre l’indépendance de celui-ci par rapport inverse de celle de la formation initiale. performances relatives au regard du
à toute “ingérence” extérieure, ils ne sont Elle n’a pas pour objet de régler le rang fonctionnement du marché du travail.
pas indifférents pour autant à l’avenir, y des personnes mais s’inscrit dans une E. Verdier et Ch. F. Buechteman: “Edu-
cation and training regimes Macro-
compris professionnel, de ceux qu’ils for- perspective clairement économique. Les Institutional Evidence” in Revue d’éco-
ment. Ils sont disposés à en tenir compte entreprises, qui la financent pour l’essen- nomie politique, n° 108 (3), mai-juin
quand ils bâtissent des cursus de forma- tiel, en ont largement la maîtrise. Elles 1998, p. 292-320.
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vent être compris sans prendre en compte ver un emploi “normal” sur le marché du
l’ensemble des considérations précéden- travail25. Mais ces mesures sont discutées 22) Commission européenne: “Enseigner
et apprendre. Vers la société cognitive”,
tes, en particulier les différences “socié- dans la mesure où elles sont accusées de CEE, Livre Blanc, 1995. M. de Virville,
tales” de gestion des compétences et la fournir aux entreprises une main-d’œuvre “Donner un nouvel élan à la formation
place centrale du diplôme dans les prati- “au rabais”. professionnelle”. Rapport au ministre du
travail et des affaires sociales, La docu-
ques de gestion des entreprises, en dépit mentation française, Paris 1996.
de leur discours sur le caractère premier Pour ceux qui réussissent dans un ensei-
de la “compétence”23. gnement professionnel de niveau infra- 23) Sur les différences de modalité de
gestion des compétences dans divers
universitaire (niveaux V et IV), les diffi- pays voir: D. Colardyn, “La gestion des
Des difficultés qui concernent les bas cultés sont d’un autre ordre. Le souci de compétences”, PUF, Paris 1996. Sur le
niveaux de qualification. relever la noblesse scolaire attachée à cet statut infériorisé en France des certifi-
cations de “deuxième chance” y com-
enseignement et de bien maintenir son pris les diplômes, voir J.-F. Germe et F.
Ces difficultés ne font que croître dans le indépendance par rapport aux entrepri- Poitier, “La formation continue à l’ini-
temps. La proportion de ceux qui sortent ses conduit à valoriser les aspects théori- tiative des individus en France: déclin
ou renouveau?” in Revue européenne
du système éducatif aux niveaux les plus ques et à dédaigner quelque peu ce qui “Formation professionnelle”, n° 8/9, mai-
faibles (VI et V bis, dans le jargon des relève des “tours de main” pratiques, ap- décembre 1996/II/III, p. 54-61.
études sur l’enseignement en France), et pris “sur le tas”. Dans la pratique, c’est ce Plus généralement ce n’est pas le ha-
sard si cette question de déplacement
sans formation professionnelle, résiste choix qui est régulièrement fait pour tou- des “systèmes de certification” à partir
remarquablement à l’élévation du niveau tes les filières de formation profession- des diplômes est l’objet de tant de
moyen de formation. On a là, de plus en nelle: leur statut tend à être régulièrement questionnements diversifiés. Voir “Que
savons nous? Mesurer les connaissances,
plus, des sortes de “déchets” du système “revalorisé” par une réduction des ensei- les qualifications et les compétences sur
scolaire, qui en sortent (à 16 ans, en fin gnements “pratiques transmettant des sa- le marché de l’emploi”, Revue euro-
de scolarité obligatoire) en ayant peu pro- voirs d’expérience” et un renforcement péenne “Formation professionnelle”
n° 12, septembre-décembre 1997/III, qui
fité des années qui y ont été passées, une des enseignements théoriques privilégiant est entièrement consacré à ce sujet
partie importante d’entre eux (même si les “savoirs généraux”, au grand dam des
les chiffres sont discutés) n’ayant même PME qui voient “l’employabilité” immé- 24) M. Fournier et V. Bedin, “L’ingénierie
de formation entre traditionalisme et
pas acquis une maîtrise convenable des diate des jeunes se réduire d’autant modernisme” in Revue Formation Em-
enseignements de base, lecture, écriture, (Campinos-Dubernet, 1998). ploi, n° 63, juillet-septembre 1998, p. 43-
calcul. D’un strict point de vue des com- 59.
pétences acquises, on pourrait imaginer On a pu imaginer, un certain temps, que 25) Ce problème est bien connu de ceux
chercher une solution à ce problème en la modernisation de l’appareil de produc- qui gèrent les dispositifs jeunes, en par-
concevant un enseignement approprié, tion, le développement de l’automatisa- ticulier les “Missions Locales” et les “Per-
manences d’Accueil, d’Information et
plus concret, pour ceux qui profitent mal tion, conduiraient à faire disparaître l’im- d’Orientation” (PAIO) créées en 1982 à
d’un cursus “normal”. Mais cela serait re- portance de ces savoir-faire et qu’il n’y l’initiative du gouvernement Mauroy pour
mettre gravement en cause le rôle de avait que des avantages à remplacer des aider, dans leur insertion professionnelle,
les 16-25 ans plus démunis. Les missions
l’école comme garant de l’égalité symbo- ouvriers formés pour l’essentiel sur le tas locales se trouvent mise en porte à faux
lique des citoyens, affirmer dès le départ par des ouvriers à formation beaucoup par le transfert aux régions en 1993, dans
que certains sont moins citoyens que plus théorique. Mais il apparaît mainte- le cadre de la Loi Quinquennale sur l’em-
ploi, des formations correspondantes, ce
d’autres, ce qui paraît impensable. nant qu’on a besoin en fait d’une combi- qui rend difficile leur participation à des
naison intime de savoir pratique et de programmes tels que “TRACE” (Trajet
Des solutions de compromis se cherchent, savoir théorique. Or, ni l’école ni l’entre- d’Accès à l’Emploi), qui prévoit d’appor-
ter chaque année à quelque soixante
visant à tenir compte à la fois des impé- prise ne paraissent bien armées pour of- mille jeunes en difficulté des aides per-
ratifs pratiques et symboliques, mais el- frir cette combinaison et, compte tenu de sonnalisés d’une durée maximale de dix-
les sont manifestement difficiles à trou- ce que nous avons vu, il ne leur est pas huit mois.
ver. Des progrès ont été faits en ce qui facile de coopérer dans une perspective 26) Cette question du passage des “ex-
concerne la mise au point de pédagogies institutionnelle généralisée, au delà des périences locales” à des “déplacements
adaptées dans l’enseignement des adul- nombreuses coopérations qui peuvent se de normes collectives” constitue à nos
yeux une question essentielle en France,
tes en difficulté scolaire et en formation nouer çà et là sur le terrain, suivant des tant elle est récurente. Ces difficultés de
professionnelle continue24. Mais on est là initiatives locales 26. passage qui traduisent une “société blo-
dans une situation plus facile, car la di- quée” ne sont que les reflets de ces com-
promis qui s’établissent entre des règles
mension symbolique n’est plus la même, Par ailleurs, le développement de ces for- et des pratiques et qui ne peuvent fonc-
s’agissant d’un enseignement qui s’adresse mations se fait plus dans des filières ter- tionner que dès lors qu’ils sont tacitement
clairement aux producteurs et non aux tiaires que cela ne serait souhaitable par reconnus comme inexistants, ou presque.
C’est le cas par exemple des “numerus
citoyens. Un type d’enseignement analo- rapport aux besoins de l’appareil produc- clausus” dans les filières universitaires,
gue se développe à destination des jeu- tif, ce qui se traduit par une dégradation qui sont largement répandus, mais qui
nes, dans le cadre des “mesures jeunes”, des conditions d’insertion professionnelle, ne peuvent être acceptés que dans la me-
sure où il est claironné haut et fort par
qui concernent les 16-25 ans, avec une les rémunérations des CAP-BEP tertiaires ailleurs que la sélection à l’entrée n’est
recherche de formation en alternance, tendant par exemple à être équivalentes pas tolérable dans ‘l’Université de la Ré-
destinées à ceux qui n’arrivent pas à trou- à celles des jeunes sortis sans diplômes publique”.
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du système scolaire27. Cette situation vient d’en faire un maillon de la chaîne de com-
renforcer l’ambition de ceux qui y ren- mandement ont été largement déçus. Dans
trent à poursuivre des études vers l’en- ces conditions, alors qu’il était prévu au
seignement supérieur. départ que ceux qui emprunteraient ces
filières n’iraient pas plus loin, un nombre
Des difficultés qui se présentent éga- toujours croissant d’entre eux poursuit ses
lement à la frontière entre l’enseigne- études de manière à acquérir un vrai ni-
ment des masses et l’enseignement veau universitaire, et donc une place
des élites. claire dans la société29.
Cette frontière a été longtemps vide, en Le taux d’échec de ceux qui rentrent dans
ce sens qu’il n’existait pratiquement rien les universités est élevé; beaucoup n’y
entre des enseignements supérieurs longs, obtiennent aucun diplôme, ou un diplôme
universitaires ou de grandes écoles, clai- de peu de valeur sur le marché du tra-
rement destinés à former des élites, et des vail. Or la conviction républicaine suivant
enseignements de niveaux beaucoup plus laquelle chacun doit pouvoir avoir accès
modestes, et où de plus il n’existait pas à un niveau élevé de noblesse scolaire,
de passerelles entre les diverses filières. rend extrêmement difficile de mettre en
Mais elle s’est maintenant largement rem- place, de façon officielle et générale, une
27) Voir les résultats de l’enquête du plie, avec le développement des forma- sélection à l’entrée des facultés (mis à part
CEREQ sur la situation en 1997-1998
de jeunes sortis du système éducatif tions dites “bac+2”, BTS, (Brevets de Tech- les facultés de médecine plus marquées
en 1992. Les écarts de situations niciens supérieurs, délivrés par les lycées par une logique professionnelle). Une
“d’insertion” en fonction des niveaux d’enseignement technique), puis DUT solution à l’allemande ou à la suédoise,
de diplôme atteint et suivant qu’à un
niveau donné, le diplôme ait été ob- (Diplômes universitaires de Technologie, régulant largement les places dans l’en-
tenu ou non, confirme, si cela été délivrés par les Universités dans des Ins- seignement supérieur en fonction des
nécessaire, que le diplôme reste en tituts universitaires de Technologie). Les débouchés professionnels, est difficile-
France, le critère majeur de gestion
des accès aux emplois par les em- diplômes en question correspondent lar- ment pensable dans le contexte français,
ployeurs. gement à une attente du marché du tra- dès que l’on sort de filières à finalité clai-
vail en raison des contenus des forma- rement professionnelle. Le développe-
28) Ces difficultés se cristallisent
autour de l’ensemble des formations tions dispensées, qui font une large place ment de filières universitaires “courtes” et
“technologiques supérieures” qui n’ar- aux connaissances technologiques. Leurs des filières professionnalisées a été une
rivent pas à se constituer en des filiè- titulaires ont été largement recrutés, trou- solution à ce problème, avec les limites
res cohérentes de BAC+2 à BAC+5.
Les hésitations qui apparaissent en vant de bonnes conditions d’insertion, que l’on a vues.
accompagnement de l’annonce par surtout dans les filières industrielles. Mais
Claude Allègre d’un “recalage” des fi- leur identité sociale fait question. La tendance que l’on pourrait qualifier de
lières françaises sur un modèle dit
européen 3,5,8 (années après le BAC), naturelle du système correspond à une
en est une illustration supplémentaire: La base des savoirs dispensés n’est pas sorte de fuite en avant dans l’accroisse-
“Tandis que ministres et experts s’ar- de nature à les faire accéder à l’élite, ce ment des niveaux de formation, fuite en
rachent les cheveux depuis une bonne
dizaine d’années pour mettre en place qui se concrétise, au sein des entrepri- avant marquée en particulier par le fa-
une “filière technologique” aussi va- ses, par le fait qu’ils ont difficilement ac- meux slogan “80 % de bacheliers” (au sein
lorisée que le traditionnel enseigne- cès à la catégorie des “cadres” (catégorie d’une classe d’âge). Ce slogan a trouvé
ment général, tout se passe comme si
le marché du travail avait déjà consti- spécifiquement française, sans autre jus- une justification dans une mise en rela-
tué […] une nouvelle élite technique”, tification que de statut). Elle est cepen- tion des succès économiques du Japon
Supplément au journal Le Monde, dant suffisante pour les faire échapper au avec le niveau de formation de ses
“Choisir ses études, DUT et BTS, jeudi
18 février 1999, p. 11. “commun” auquel appartiennent ceux qui ouvriers. Il a rencontré d’autant plus de
n’ont pas de connaissances technologi- succès du côté des “forces de progrès”
29) Ainsi pour les titulaires de DUT, ques et pour leur permettre d’accéder di- qu’il a satisfait le désir de démocratisation
la part de ceux qui poursuivent leurs
études à temps plein dans l’année qui rectement aux “professions intermédiai- de la société par un accès de plus en plus
suit l’obtention de leur diplôme est res”. Ces connaissances ont en effet elles- large à des formations fournissant un ni-
passée de 33 % en 1984 à 45 % en mêmes un statut intermédiaire entre les veau élevé de noblesse scolaire. Mais ses
1988; Cereq bref, décembre 1992.
Depuis, cette part a continué à aug- connaissances théoriques et les connais- effets en matière d’adéquation entre for-
menter pour passer à 63 % en 1992. sances pratiques, ce qui explique qu’el- mation et emploi sont fort discutables.
Elle risque même de devenir géné- les constituent une position charnière
rale avec l’actuel projet de réforme
dit “des 3,5,8” qui ajouterait une an- autour de laquelle tournent des volontés Quand l’explosion scolaire a commencé
née d’étude après les Bac+2. de réforme qui ne parviennent pas à dé- en France, après la deuxième guerre mon-
boucher28. Leur position dans l’entreprise diale, une grande partie de ceux qui oc-
30) C Cohen-Tannoudji et S Haroche:
“L’ENS doit s’ouvrir sur l’Europe” in est dès lors malaisée, s’ils quittent des cupaient des postes dits qualifiés avaient
Journal Le Monde, 11 mars 1999, p. fonctions techniques où la frontière des un niveau de formation qui, dans les re-
15. rangs est relativement floue. Les espoirs présentations coutumières, était inférieur
CEDEFOP
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FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
au niveau de la fonction qu’ils remplis- sociales qui doivent quelque chose à la “(…) l’apprentissage, en
saient. Ainsi, tirée par la croissance, la culture germanique, voit l’apprentissage forte régression au cours
catégorie des cadres ne pouvait être tota- avec beaucoup plus de faveur que le reste des dernières décennies, est
lement pourvue à partir de formations de du pays. Cependant, depuis 1987, la loi sur le papier l’objet d’un
grande école ou d’université; la plupart permet aux universités et aux écoles de regain de faveur, celle-ci
de ceux qui occupaient un poste d’ouvrier proposer à leurs étudiants le statut d’ap- s’appuyant sur la célébra-
qualifié n’avaient pas de “vraie” forma- prenti pour enrichir leur formation pro- tion de l’exemple allemand.
tion professionnelle, etc. Dans un premier fessionnelle, par une expérience en en- On en attend qu’il permette
temps, l’élévation des niveaux de forma- treprise, l’objectif étant de donner “aussi une meilleure insertion pro-
tion a permis de rattraper l’insuffisance à l’apprentissage ses lettres de noblesse” fessionnelle des jeunes peu
des diplômes et de se rapprocher d’une (Faujas, 1999). Après un démarrage diffi- qualifiés (…). Dans la pra-
correspondance “normale” entre niveaux cile, le nombre d’apprentis dans des for- tique l’image sociale de
de formation et niveaux d’emploi (c’est- mations post-baccalauréat a plus que dou- l’apprentissage, peu pro-
à-dire, de fait, entre la noblesse des em- blé entre 1994-1995 et 1997-1998 pour ductif en ter mes de no-
plois et celle des personnes qui les occu- atteindre 31 000, soit 10 % des effectifs blesse scolaire, s’oppose à
pent). Mais progressivement, avec l’aug- d’apprentis. Ils sont cependant plutôt con- son développement.”
mentation des diplômés et le ralen- centrés dans les “petites” écoles privées,
tissement de la croissance, de plus en plus tournées vers le commerce, permettant à
ont dû, pour trouver un emploi, accepter des jeunes “moins favorisés” d’accéder à
des postes “déqualifiés”, où ils sont ame- des études coûteuses.
nés à déchoir. Pareil phénomène, qui per-
turbe le fonctionnement du marché du De même, il est prévu de développer une
travail, paraît contribuer au niveau élevé filière d’ingénieurs formés par un retour
du chômage français (d’Iribarne P., 1990). dans un système d’enseignement, après Bibliography
On voit nombre de jeunes s’engouffrer plusieurs années d’expérience profession-
dans des formations “cul-de-sac” qui sont nelle (filière dite filière Decomps, du nom Campinos-Dubernet M. (1998):
“Standardisation des diplômes et di-
socialement valorisées (notamment dans de son inspirateur). Mais la mise en place versité des conventions de productivité
l’enseignement secondaire général), pen- de pareille filière se heurte à des difficul- des entreprises”, GIP Mutation Indus-
dant que d’autres formations, plus sus- tés. Ceux qui sont ainsi formés vont-ils trielle, Multigraphié, Paris, 27 p.
ceptibles de déboucher sur un emploi, être de “vrais” ingénieurs, ou des ingé- Cheminade J. (mai-juin 1998): Le
sont négligées. nieurs “au rabais”? Vont-ils avoir le titre mouvement des Arts et Métiers:
“d’ingénieurs” tout court, ou “d’ingénieurs “Hausser l’ordre du monde”, in FU-
SION, n° 71, p. 27-37.
Par ailleurs, cette élévation du niveau de des techniques”, marquant ainsi qu’ils for-
formation théorique ne facilite pas forcé- ment, au sein de la catégorie supérieure d’Iribarne A. (1989): La compétitivité,
ment le développement de la bonne arti- des cadres, une sous-catégorie relative- défi social, enjeu éducatif, Paris, pres-
ses du CNRS.
culation entre savoirs théoriques et savoir- ment inférieure. En principe leur forma-
faire empiriques dont les entreprises ont tion, peu noble, devrait bien correspon- d’Iribarne P. (1990): Le chômage pa-
largement besoin. C’est pourquoi au- dre aux fonctions de fabrication, peu no- radoxal, Paris, Puf.
jourd’hui la recherche d’une meilleure bles elles aussi, auxquelles ils sont desti- Duby G. (1978): Les trois ordres ou
adéquation entre les formations et les nés. Mais, dans une époque où on reven- l’imaginaire du féodalisme, Paris,
besoins des entreprises conduit à propo- dique une démocratisation de l’enseigne- Gallimard.
ser un ensemble de réformes du système ment et de la société, est-il acceptable Elias N. (1939): La civilisation des
éducatif, réformes dont la mise en œuvre d’agir ainsi? moeurs, Calmann-Lévy, 1973.
effective est rendue difficile par l’aspect
Faujas A. (janvier 1999): “La dérive
symbolique de la formation. Au total, et en se plaçant dans une pers- élitiste de l’apprentissage” in Journal
pective européenne, bien des efforts res- Le Monde, supplément “Initiative”, 19.
Ainsi, l’apprentissage, en forte régression tent nécessaires pour adapter, à tous les
Gehin J.-P., Méhaut P.: Apprentissage
au cours des dernières décennies, est sur niveaux, le système français de formation ou formation continue? stratégies
le papier l’objet d’un regain de faveur, aux besoins actuels de la société, tout en éducatives des entreprises en Allema-
celle-ci s’appuyant sur la célébration de tenant compte des spécificités de la so- gne et en France, Paris, l’Harmattan,
p. 73.
l’exemple allemand. On en attend qu’il ciété française. Cela est vrai pour les “for-
permette une meilleure insertion profes- mations de masse”. Cela est vrai pour la Maurice M., Sellier F., Silvestre J.-J.
sionnelle des jeunes peu qualifiés, dont formation des élites, comme l’atteste la (1982): Politique d’éducation et orga-
nisation industrielle en France et en
actuellement le taux de chômage est con- violence des critiques encourues par la Allemagne, Paris, PUF, 1982.
sidérable. Dans la pratique l’image sociale direction de l’École Normale Supérieure
de l’apprentissage, peu productif en ter- qui a décidé d’inaugurer cette année un Hillau B. (octobre-décembre 1998):
“Progrès technique et acteurs du chan-
mes de noblesse scolaire, s’oppose à son concours aux étudiants européens, con- gement dans la soierie lyonnaise au
développement. A contrario, on observe cours en anglais n’impliquant pas un pas- XVIII e siècle”, in Revue Formation
que l’Alsace, marquée par des conceptions sage par “une classe préparatoire”30. Emploi, n° 64, p. 5-24.
CEDEFOP
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FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
Folkmar Kath
Directeur de la divi-
sion “Fondements so-
Objectifs et modalités
ciaux et économi-
ques de la formation
professionnelle” au
du financement de la
BIBB (Institut fédéral
de la formation pro-
fessionnelle), Bonn
formation profession-
nelle - Une comparai-
son internationale
La formation profession- Dimension politique sont déterminées sur la base de mécanis-
nelle ouvre aux jeunes de mes d’organisation et de types d’instru-
bonnes perspectives de car- ment. L’ensemble des dépenses de ces
rière et éloigne ainsi la me- La formation professionnelle initiale et instances constitue une structure globale
nace du chômage. L’exis- continue suscite depuis quelques années de financement qui entraîne, lorsque l’en-
tence d’un réservoir de tra- un intérêt croissant parmi les décideurs vironnement extérieur se modifie (par
vailleurs qualifiés permet politiques. C’est une constatation que l’on exemple, du fait de la mondialisation, des
aux entreprises d’améliorer peut faire dans de nombreux pays d’Eu- bouleversements technologiques ou de
leur compétitivité. Il existe rope. L’importance de la formation pro- l’internationalisation du marché du tra-
un vaste éventail de mesu- fessionnelle augmente en conséquence, vail), une insuffisance quantitative et
res de financement des dif- les hommes politiques étant convaincus qualitative de l’offre de formation profes-
férents processus d’acquisi- qu’elle ouvre ou assure aux jeunes de sionnelle aux individus et aux entrepri-
tion de qualifications pro- bonnes perspectives de carrière et per- ses. De telles situations exigent le chan-
fessionnelles, qui visent met d’éloigner la menace du chômage. gement d’orientation, la concentration ou
souvent en même temps à En même temps se manifeste la convic- le renforcement de flux financiers au bé-
combiner les objectifs de tion que le recours à une main-d’œuvre néfice de certains groupes cibles, de cer-
politique de l’éducation et qualifiée permet aux entreprises d’amé- taines régions ou de certains secteurs. La
la résolution de problèmes liorer leur compétitivité. Ce jugement sur réaction politique par rapport à ces me-
économiques, sociaux et les effets positifs de la formation profes- sures est diverse. Les critiques considè-
d’emploi. sionnelle s’est traduit progressivement par rent que si les choses évoluent mal, c’est
des décisions politiques visant à lui don- essentiellement en raison d’un manque de
ner une place de choix dans le cadre flexibilité du système de financement ac-
d’une stratégie globale. Dans ce contexte, tuel, et ils demandent par conséquent que
les actions concrètes se concentrent celui-ci soit fortement modifié, voire rem-
principalement sur les objectifs, les con- placé. Les pragmatiques misent davantage
tenus et la qualité, ainsi que le finance- sur des programmes complémentaires de
ment de la formation professionnelle ini- financement public qui ne touchent pas
tiale et continue. au système de financement actuel. Un
vaste éventail de mesures de financement
En général, le financement de la forma- des processus de qualification profession-
tion professionnelle s’inscrit dans un sys- nelle des jeunes ou de création, adapta-
tème national de réglementation reposant tion, amélioration ou perfectionnement
sur un consensus social, qui répartit les des qualifications professionnelles des
responsabilités et la contribution de l’État, personnes en activité ou des chômeurs,
des entreprises et des individus aux coûts reposant parfois sur des accords entre
directs et indirects de la formation, indé- employeurs et syndicats, visent à combi-
pendamment de son bénéfice réel ou es- ner les objectifs de politique de l’éduca-
péré. Dans les systèmes de financement tion et la résolution de problèmes écono-
de la formation professionnelle initiale et miques, sociaux ou d’emploi.
continue, la genèse, la répartition et l’af-
fectation des flux financiers aux deman- Dans le débat très animé mené actuelle-
deurs et aux fournisseurs de formation ment en Allemagne sur la contribution
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FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
possible des dispositifs financiers appli- entreprises qui ne dispensent pas de for- “l’État apparaît comme fi-
cables à la formation professionnelle pour mation. Seule une interprétation extensive nancier principalement
la résolution de ce genre de problèmes, permettrait de considérer qu’en Allema- pour la formation initiale
on fait souvent référence aux modèles gne les cotisations versées à l’assurance et continue dispensée à
pratiqués dans les pays voisins. Pour cette chômage par les employeurs et les sala- plein temps en établisse-
raison, une analyse comparative des dis- riés, qui servent à financer la formation ment scolaire. Sa participa-
positifs et instruments de financement en dehors de l’entreprise de jeunes défa- tion est différente dans les
dans quatre pays européens (Danemark, vorisés et la formation des chômeurs, quatre pays, conformément
France, Grande-Bretagne et Allemagne) constituent une participation indirecte au aux différents systèmes
semble judicieuse et utile. coût de la formation. institutionnels.”
“Dans le domaine de la for- nancent notamment une multitude de pro- trepartie à une amélioration de leur si-
mation continue de haut grammes visant certains groupes cibles et/ tuation matérielle.
niveau notamment, l’envi- ou situations d’urgence. Les actions de
ronnement politique géné- financement permanentes de l’État se con- En France, une partie des sommes collec-
ral exerce une forte in- centrent sur la participation aux frais d’in- tées au titre de la taxe obligatoire de for-
fluence sur le montant du vestissement et aux coûts d’exploitation mation, qui représente 2,5 % de la masse
financement individuel.” des centres interentreprises de formation, salariale brute, est gérée dans le cadre de
dans lesquels les apprentis des PME no- fonds régionaux ou sectoriels établis sur
tamment complètent la formation reçue la base de conventions collectives et ver-
en entreprise. sée sous la forme de subventions aux en-
treprises formatrices ou aux centres de
Enfin, l’État allemand verse des aides aux formation. En Grande-Bretagne, où, à l’ins-
participants à des actions de formation tar de l’Allemagne, la formation profession-
continue sous la forme de subventions au nelle est pour l’essentiel financée et mise
perfectionnement en vue d’une promo- en œuvre par les entreprises individuelles
tion (primes octroyées à des candidats - mais en dehors de systèmes de forma-
particulièrement brillants lors des exa- tion réglementés -, l’influence des syndi-
mens de formation), qui peuvent éven- cats, fortement réduite par la politique
tuellement s’accompagner de prêts à taux menée au cours des années 80, est
bonifié. aujourd’hui quasi inexistante.
ploi, l’État intervient aujourd’hui comme contre 2,5 % au Danemark). L’effet stimu- “Le succès de l’application
caution pour le financement de la forma- lant d’un financement collectif interentre- de mécanismes de finance-
tion continue dans le cadre des actions prise peut être considéré comme positif, ment d’autres pays dépend
de promotion de l’emploi. en dépit de l’absence de preuves empiri- en première ligne de l’éva-
ques, lorsque l’effort des entreprises est luation de la place de la for-
À notre connaissance, c’est seulement en faible. En Allemagne, on peut douter que mation professionnelle par
Grande-Bretagne et en Allemagne que les cet effet serait positif. Ici, l’ensemble du les différents bénéficiai-
participants à des actions de qualification système de formation pénètre tous les res.”
qui ne sont pas financées - ou partielle- secteurs d’emploi. La très grande majo-
ment seulement - par les pouvoirs publics rité des places de formation est mise en
peuvent récupérer une partie de leurs frais place par les entreprises sans aucune
sous la forme d’allégements fiscaux. Ces incitation financière, à la fois parce qu’il
pays cofinancent donc les frais individuels s’agit d’une attitude traditionnelle des en-
de formation non seulement de manière treprises et parce qu’elles attendent un
directe, mais aussi indirecte. bénéfice de leur effort de formation. On
peut donc penser qu’en Allemagne il
n’existe que de faibles marges de mobili-
Financement interentre- sation.
prise ou financement par Cependant, les employeurs allemands ne
l’entreprise individuelle? considèrent pas comme hérétique un sys-
tème de cotisation variable qui permettrait
Du fait de la pénurie croissante de places de répartir de façon plus équitable les coûts
de formation en entreprise résultant d’une entre les entreprises qui forment et celles
conjoncture en phase de récession, qui ne forment pas. C’est ce que montrent
parallèlement à une demande croissante diverses conventions collectives, ainsi que
de places liée à la démographie, les syn- les dispositions adoptées par les chambres
dicats et les employeurs allemands débat- consulaires pour financer les phases de la
tent à nouveau depuis quelque temps de formation qui ne concernent pas directe-
la réforme controversée depuis le début ment un poste de travail donné, afin de
des années 70 du financement de la for- garantir la qualité de la formation, notam-
mation. Les syndicats estiment que le ment dans le secteur de l’artisanat.
financement par les entreprises individuel-
les devrait céder la place à un financement
interentreprise, auquel devraient partici- Incitations fiscales
per, comme au Danemark et en France,
les entreprises qui forment peu et celles
qui ne forment pas. Les employeurs refu- L’analyse des modalités de financement
sent catégoriquement une telle ingérence montre qu’aucun des quatre pays, à l’ex-
de l’État. ception de la France, n’a recours à des
incitations fiscales pour améliorer, garan-
Dans l’hypothèse d’un transfert en Alle- tir et rehausser le niveau de qualité et le
magne de certains éléments des modèles volume de la formation professionnelle.
français et danois, il ne faut pas oublier
que l’offre de postes de formation au La Commission de l’Union européenne
Danemark est, certaines années, inférieure estime cependant qu’il est possible d’agir
de 15 % à la demande et que la participa- sur ce terrain. Dans son livre blanc pu-
tion des entreprises à l’ensemble de la blié en 1995, Enseigner et apprendre - Vers
formation y est beaucoup plus faible qu’en la société cognitive, elle propose au titre
Allemagne. Le succès de l’application de de son cinquième objectif des actions dans
mécanismes de financement d’autres pays ce domaine, sa devise étant: “traiter sur
dépend en première ligne de l’évaluation un plan égal l’investissement physique et
de la place de la formation profession- l’investissement en formation”. Il s’agit de
nelle par les différents bénéficiaires. Au prendre en compte le fait que les dépen-
Danemark, et plus encore en France, le ses des entreprises pour la formation
taux de formation professionnelle en en- constituent un investissement dans le ca-
treprise (nombre de formés par rapport pital humain, qui doit être traité sur le
au nombre des salariés) est relativement plan fiscal de la même manière qu’un in-
faible par rapport à l’Allemagne (6 %, vestissement en biens corporels.
CEDEFOP
43
FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
“La demande de formation Parmi toutes les options fiscales, les Alle- accords sur la procédure à suivre passés
peut être stimulée par des mands estiment que la plus efficace, la entre le gouvernement et les instances qui
chèques-formation mis à la plus juste et en même temps la plus trans- délivrent ces chèques n’auront pas été
disposition des jeunes et parente est celle de l’avoir fiscal accordé révisés et que la capacité des organismes
des adultes sous la forme en France aux entreprises qui consentent de formation n’aura pas été augmentée.
d’une garantie de prise en un effort particulièrement important pour L’utilisation des chèques-formation pour-
charge des coûts qu’ils en- la formation initiale et continue. La même rait être en revanche beaucoup plus po-
gagent par des organismes incitation financière pourrait être accor- sitive dans le domaine de la formation
publics ou privés.” dée selon une autre modalité - différente continue, à la fois pour les demandeurs
sous le seul angle de la “technique fis- potentiels et pour les instances de forma-
cale”: la déduction d’un montant fixe de tion.
l’impôt dû (par exemple, pour des postes
de formation supplémentaires) en faveur
des entreprises formatrices. Essais d’évaluation
teurs et régions sont abolies ou au con- anticonstitutionnelle pour des raisons de “Compte tenu de l’impor-
traire “exacerbées”. procédure. Aucune étude scientifique n’a tance politique accordée
été entreprise en Allemagne pour tenter partout au financement de
Ce catalogue de conditions n’est satisfait d’établir un lien de cause à effet entre la la formation profession-
ni globalement ni sur ses différents points, menace d’imposer ce financement par nelle, il faut se demander si
dans aucun pays de l’UE. Compte tenu contribution variable et l’augmentation du cette situation est due prin-
de l’importance politique accordée par- nombre des places de formation propo- cipalement à l’utilisation
tout au financement de la formation pro- sées par les entreprises. Le gouvernement d’instruments de finance-
fessionnelle, il faut se demander si cette de l’époque et les partis qui le soutenaient ment inadéquats ou si elle
situation est due principalement à l’utili- ne cessaient cependant de brandir ce dis- ne résulte pas davantage,
sation d’instruments de financement positif comme une épée de Damoclès. comme on l’affirme sou-
inadéquats ou si elle ne résulte pas da- vent, d’une faiblesse con-
vantage, comme on l’affirme souvent, Depuis le milieu des années 70, le sec- ceptuelle ou organisation-
d’une faiblesse conceptuelle ou organisa- teur du bâtiment applique ce dispositif nelle du système de forma-
tionnelle du système de formation pro- de financement sur la base d’une conven- tion professionnelle.”
fessionnelle. On peut répondre clairement tion collective. En période de grande de-
par la négative à cette dernière question, mande de places de formation, ce sys-
qui traduit une vision trop étroite et tème permet d’accueillir un nombre im-
instrumentalise indûment la politique de portant d’apprentis, mais lorsque, vers le
formation professionnelle et ses différents milieu des années 80, le secteur a enre-
dispositifs de financement en tant gistré une baisse de la demande, le nom-
qu’outils décisifs pour la résolution des bre des places de formation a diminué
problèmes. En réalité, la formation ne de quelque 40 %. Cependant, jamais de-
peut aider à surmonter les déséquilibres puis 1974 le nombre des contrats de for-
que si elle s’inscrit dans une politique plus mation signés dans le secteur du bâtiment
vaste du marché de l’emploi. n’est retombé au niveau qui avait obligé
les partenaires sociaux à agir en adop-
tant ce dispositif.
Allemagne
Les tentatives d’évaluation du rapport
entre le coût et la qualité de la formation
Une évaluation purement quantitative de professionnelle sont infiniment plus com-
l’effet des différents procédés de finance- pliquées. En 1974, la commission d’ex-
ment consisterait à vérifier dans quelle perts “Coûts et financement” (commission
mesure les volumes de financement per- Edding) a élaboré une méthode pour
mettent de satisfaire la demande. Deux mesurer à l’aide d’indices la qualité des
exemples allemands montreront combien moyens mis en œuvre (input) et des ré-
il est difficile de se prononcer avec certi- sultats (output) du système allemand de
tude sur le degré d’efficacité d’un formation. Parmi les facteurs de qualité
financement. des moyens mis en œuvre, elle définis-
sait l’organisation, la technique, l’inten-
Entre 1976 et 1980, ce pays avait mis en sité, le personnel et les méthodes de la
place un financement basé sur des con- formation. La qualification à l’issue de la
tributions légales variables imposées aux formation a été évaluée sur la base de
entreprises, qui devait permettre aux pou- quatre critères d’aptitude sanctionnés par
voirs publics, dans le cas d’une pénurie le diplôme final: l’aptitude formelle, l’ap-
de places de formation, de taxer les en- titude professionnelle, l’aptitude au
treprises, l’objectif étant de financer à monde du travail et l’aptitude sociale. Une
partir de ces recettes un plus grand nom- évaluation des mécanismes de finance-
bre de places de formation en entreprise. ment sur la base de cette grille n’a jamais
Bien que toutes les conditions aient été été faite, en raison des investissements
réunies, ce dispositif n’a jamais été appli- nécessaires.
qué. Certes, pendant la durée de validité
de cette loi, le nombre des places de for-
mation offertes par les entreprises n’a Grande-Bretagne
cessé d’augmenter, sans pour autant par-
venir à satisfaire l’ensemble de la de-
mande. Cette augmentation a cependant En Grande-Bretagne, la gestion du
cessé lorsque la loi a été déclarée financement a fait l’objet d’une analyse
CEDEFOP
45
FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
“Les systèmes de formation critique. L’allocation de fonds publics aux évaluation comparée des différents sys-
professionnelle ont des ra- instances chargées de les répartir repose tèmes nationaux de financement. Les sys-
cines profondes dans l’his- sur un système de points établi en fonc- tèmes de formation professionnelle ont
toire de chaque pays. Les tion de divers critères, notamment des racines profondes dans l’histoire de
structures institutionnelles chaque pays. Les structures institu-
et organisationnelles qui ❏ les coûts des différentes actions de for- tionnelles et organisationnelles qui les ca-
les caractérisent sont con- mation; ractérisent sont conditionnées par un en-
ditionnées par un environ- ❏ le nombre de diplômes obtenus pour vironnement socio-économique spécifi-
nement socio-économique cent participants; que et une vision philosophique et cultu-
spécifique et une vision ❏ le nombre des demandeurs de forma- relle propres, qui rendent très compli-
philosophique et culturelle tion ayant dû attendre plus de huit se- quée, sinon impossible, toute comparai-
propres, qui rendent très maines avant d’être admis; son. Les problèmes de méthode sont con-
compliquée, sinon impossi- ❏ le nombre des passages réussis vers sidérables, car l’absence de connaissan-
ble, toute comparaison.” l’emploi ou vers des actions de formation ces approfondies sur la diversité des élé-
complémentaire à plein temps pour cent ments constitutifs de ces systèmes empê-
participants. che dans une large mesure de dévelop-
per la compréhension nécessaire pour
L’étude évoquée ci-dessus (Felstead, 1994) adopter une vision juste et poser les ques-
conclut que ce système d’évaluation en tions pertinentes. Pour toutes ces raisons,
particulier empêche d’adopter des l’OCDE a interrompu au cours des an-
incitations financières pour soutenir les nées 80 sa tentative de comparer les sys-
actions de formation les plus coûteuses tèmes de financement de la formation
et les plus exigeantes sur le plan qualitatif professionnelle.
en favorisant au contraire les formations
les moins chères, les plus faciles et les S’il n’est pas possible de trouver à court
plus courtes. De cette manière, le gou- terme une solution globale aux problè-
vernement, qui voulait améliorer et ren- mes existants, nous pouvons cependant
dre plus efficaces les actions de forma- à moyen terme perfectionner nos connais-
tion en soumettant leur financement à un sances grâce à des activités concrètes dont
certain nombre de conditions, obtient en l’initiative a été prise par l’Union euro-
fait le contraire de ce qu’il souhaitait. péenne. Les monographies du CEDEFOP
sur les systèmes de financement des di-
vers pays membres rendent plus visibles
France les modalités de la contribution des dif-
férents acteurs et les flux de financement
Une enquête de l’Institut national des sta- qu’ils génèrent, tout en apportant des in-
tistiques (INSEE) (Goux, 1997) a montré dications importantes pour le traitement
que, entre 1989 et 1993, 25 % des tra- comptable du capital humain mentionné
vailleurs interrogés avaient suivi des ac- par la Commission de l’UE dans son livre
tions de formation continue, alors que blanc de 1995.
cette proportion n’était que de 11 % en-
tre 1973 et 1977, peu de temps après l’in- Dans le même temps, il n’est pas possi-
troduction de l’obligation légale pour les ble de proposer des recettes toutes faites
entreprises de contribuer au financement pour un système de financement qui as-
de la formation continue. La même en- surerait la plus grande efficacité possible
quête montre également que les tra- sur les plans de la formation, de l’emploi,
vailleurs ayant suivi une formation obtien- de l’économie et de la politique sociale.
nent par la suite un revenu plus élevé de Pour apporter une contribution optimale,
2,5 % en moyenne. les dispositifs de financement s’inscrivant
dans le contexte et l’organisation des sys-
tèmes de formation professionnelle doi-
Comparaison vent faire l’objet d’un vaste consensus
internationale social. Il faut pour cela des décisions po-
litiques, qui recueillent l’adhésion au ni-
Il est totalement impossible, et sans doute veau national de tous les groupes con-
aussi superflu, de vouloir procéder à une cernés par la formation professionnelle.
CEDEFOP
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FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
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CEDEFOP
47
FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
Philipp Gonon
Professeur invité
Formation continue
Les efforts actuels
professionnelle / en
entreprise, Université
de Trèves.
de réforme de l’ensei-
gnement professionnel
en Suisse
Très peu nombreux sont les Quelques caractéristiques latives à la formation professionnelle sont
pays où le “système dual” de réglées au niveau central, afin, pour pren-
formation professionnelle
des structures de la forma- dre un exemple, de garantir que les me-
jouit d’une aussi grande po- tion et de l’enseignement nuisiers auront la “même” formation, qu’ils
pularité qu’en Suisse. Au- professionnels en Suisse viennent du Lac de Constance ou de la
jourd’hui encore, près des région de Genève. Pour que cela soit pos-
tr ois quarts des jeunes sible, les connaissances et compétences à
d’une classe d’âge s’orien- En Suisse, la formation professionnelle est acquérir ainsi que les procédures d’exa-
tent vers une formation l’un des rares secteurs du système éduca- men sont définies dans des règlements de
professionnelle combinant tif à faire l’objet d’une réglementation formation et les programmes et l’organisa-
des cours à l’école et un ap- nationale. Alors que l’enseignement pri- tion des cours professionnels sont codi-
prentissage dans une entre- maire, le lycée, les écoles d’ingénieurs et, fiés. Bien qu’elles dépendent des cantons
prise. Cet article retrace d’une manière générale, les écoles tech- ou des communes, les écoles profession-
l’historique du système niques supérieures, ainsi que la plupart nelles doivent elles aussi se conformer dans
suisse de formation profes- des universités relèvent de la responsabi- leurs programmes aux règlements de la
sionnelle, qui est assez peu lité des 26 cantons, la formation profes- Confédération (Wettstein, 1994). À la dif-
connu à l’étranger, et pré- sionnelle initiale et continue est du res- férence du système dual allemand, en
sente quelques projets de sort de la Confédération. Les contenus et Suisse, la formation générale et les disci-
réforme récents. Il souli- les modalités des formations par appren- plines générales enseignées à l’école pro-
gnera tout particulièrement tissage définis dans la loi fédérale de 1978 fessionnelle sont des disciplines à coeffi-
la création de filières de sur la formation professionnelle (BBG) cient et figurent au programme de l’exa-
double qualification, appe- sont négociés entre les fédérations pro- men de fin d’apprentissage.
lées “maturité profession- fessionnelles (patronales et syndicales) et
nelle”. Tous les efforts de une administration publique, l’Office fé- Le rôle important des autorités fédérales
réforme, qui doivent abou- déral de la formation et de la technolo- et des partenaires sociaux, en particulier
tir à une nouvelle loi sur la gie. des organisations proches du patronat,
formation professionnelle, dans la gestion et la réglementation de la
ont comme but commun de La législation fédérale est rendue exécu- formation professionnelle est l’expression
faire en sorte que l’appren- toire dans les cantons par des lois d’intro- d’un “compromis historique” entre la pe-
tissage reste “attractif”. duction spécifiques et appliquée aux for- tite industrie et l’artisanat, l’industrie non
mations industrielles et commerciales en exportatrice, les mouvements associatifs,
fonction des conditions locales et de la puis, plus tard, les organisations patrona-
situation des entreprises. Une loi analo- les et syndicales et les autorités fédéra-
gue porte plus spécifiquement sur la for- les. Beaucoup de questions relatives à la
mation professionnelle agricole. Quant aux formation professionnelle sont examinées
formations aux professions de la santé, par les acteurs de la formation réunis en
elles sont organisées pour les cantons par une “table ronde” pour un échange de
la Croix-Rouge suisse. Le caractère vues et sont réglées, si besoin est, par
fédéraliste marqué du système éducatif des ordonnances ou des conventions
suisse fait que les tâches de coordination ayant valeur contraignante. À la différence
dans tous les autres secteurs de l’éduca- de l’Allemagne, la recherche ne joue en-
tion sont assumées en concertation par les core quasiment aucun rôle dans l’élabo-
cantons eux-mêmes. La concertation est ration des nouveaux règlements de for-
volontaire. En revanche, les questions re- mation.
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FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
Historique de la formation chaft), qui furent développées par la suite “Alors qu’au début de ce
entre autres par Heinrich Bendel et Gustav siècle, l’apprentissage était
professionnelle en Suisse Frauenfelder, la langue maternelle et le considéré uniquement
calcul technique devaient figurer au pro- comme l’une des principa-
L’instauration de la liberté du commerce gramme de ces cours, auxquels vinrent les mesures destinées à as-
et de l’industrie fut une source de pro- s’ajouter par la suite avant tout des cours surer la survie de l’artisa-
blèmes pour l’artisanat et les activités tra- de dessin, d’administration des affaires et nat et des petits métiers, le
ditionnelles. L’industrialisation, qui eut d’instruction civique. système dual de formation
lieu plus tôt que dans d’autres pays d’Eu- professionnelle fut peu à
rope continentale, poussa un grand nom- L’instauration de l’obligation de suivre des peu généralisé et couvre
bre de jeunes à préférer un emploi sala- cours techniques et généraux dans une aujourd’hui presque tous
rié dans l’industrie à un apprentissage école professionnelle en complément de les domaines d’activité à un
chez un artisan, appâtés par un salaire et la formation pratique dans l’entreprise niveau de qualification in-
des conditions de travail à première vue sanctionne le modèle de l’apprentissage termédiaire.”
intéressants. L’abolition des corporations professionnel qui est encore en vigueur
dès le début du 19ème siècle, l’avance tech- aujourd’hui. Les lois de 1964 et de 1978
nologique de la jeune industrie textile et ne firent qu’en modifier les bases.
de la construction mécanique et leur
orientation vers l’exportation, ainsi que
la concurrence croissante des produits La prédominance de la fi-
étrangers suscitèrent une atmosphère de
crise dans l’artisanat et les petits métiers.
lière professionnelle dans
L’instauration de droits de protection pour le 2nd cycle du secondaire
les produits fabriqués en Suisse n’étant
pas réalisable, la nouvelle organisation
suisse de l’artisanat comprit en 1879 que Historiquement, cette prédominance pro-
des actions de formation pourraient con- cède du souci d’assurer la relève dans l’ar-
tribuer à le tirer de ce mauvais pas. Pour tisanat et la petite industrie, d’uniformi-
commencer, les examens de fin d’appren- ser les niveaux de formation et de créer
tissage et de maîtrise furent réorganisés ou restructurer des écoles pour complé-
au niveau des associations professionnel- ter la formation dispensée dans les entre-
les. Dans les années 1880, l’artisanat et prises. La législation des années 30 crée
les petits métiers demandèrent à l’État toutefois aussi les conditions requises
d’intervenir pour préserver leur compé- pour étendre à l’industrie de production
titivité (!). Le système d’apprentissage fut ce mode de formation limité jusqu’alors
réorganisé. En même temps, on demanda à l’artisanat. Alors qu’au début de ce siè-
aux autorités fédérales de subventionner cle, l’apprentissage était considéré unique-
les écoles d’enseignement complémen- ment comme l’une des principales mesu-
taire à composante professionnelle, les res destinées à assurer la survie de l’arti-
écoles techniques et les ateliers d’appren- sanat et des petits métiers, le système dual
tissage publics. Accédant à cette requête, de formation professionnelle fut peu à peu
la Confédération décida en 1884 de sub- généralisé et couvre aujourd’hui presque
ventionner les établissements d’enseigne- tous les domaines d’activité à un niveau
ment professionnel. Au début du 20ème de qualification intermédiaire.
siècle, pour différentes raisons, comme
la protection des apprentis, la préservation Le programme des écoles professionnel-
et le développement des qualifications et les changea donc lui aussi. Si, au début,
l’éducation civique, les organisations de l’enseignement dans les écoles d’ensei-
travailleurs et les industriels commencè- gnement professionnel complémentaire et
rent à s’intéresser à la formation profes- les écoles techniques ou professionnel-
sionnelle, et une loi fédérale sur la for- les (de commerce) créées plus tard était
mation professionnelle fut élaborée. Elle peu systématisé, avait lieu pendant les
ne fut toutefois adoptée qu’en 1930. L’ap- temps libres et n’était pour ainsi dire pas
prentissage en entreprise fut “complété” structuré par niveau - il arrivait souvent
par l’obligation pour tous les apprentis que des jeunes et des travailleurs semi-
de suivre aussi des cours à l’école (Tabin, qualifiés se retrouvent dans une même
1989). Conformément aux conceptions de classe -, les cours dans la journée, dans
la Société suisse d’utilité publique des classes de même niveau, suivant des
(Schweizerische Gemeinnützige Gesells- directives claires quant aux contenus, avec
CEDEFOP
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FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
“Ce modèle de formation des moyens didactiques appropriés, sont Ce modèle de formation professionnelle,
professionnelle, connu in- aujourd’hui bien établis. Le poids des dif- connu internationalement sous la déno-
ternationalement sous la férentes disciplines a lui aussi changé. La mination d’“apprenticeship-system”, doit
dénomination d’‘appren- révision de ce qui a été appris à l’école une grande partie de son succès à son
ticeship-system’, doit une primaire, le dessin et les cours d’admi- caractère fortement inclusif, mais pas uni-
grande partie de son succès nistration des affaires orientés vers l’arti- quement à celui-ci. Dans la comparaison
à son caractère fortement sanat et la petite industrie ne prédomi- internationale, il apparaît en outre que le
inclusif, mais pas unique- nent plus, et une importance croissante chômage des jeunes est beaucoup moins
ment à celui-ci.” est attachée aux disciplines professionnel- élevé que dans d’autres pays ayant un
les et à l’élargissement des connaissan- système économique comparable, et que
ces générales appliquées à la technique les chances d’insertion professionnelle des
et aux professions. jeunes, y compris du point de vue de leurs
qualifications, sont aussi nettement
Cette forme d’apprentissage, avec en rè- meilleures (Bierhoff et Prais, 1997). À l’in-
gle générale une journée à une journée térieur de la Suisse aussi, où le système
et demie d’école par semaine, qui s’est dual est plus ou moins répandu selon les
développée surtout dans les secteurs in- régions, on peut constater que l’insertion
dustriel et commercial, mais a eu un re- professionnelle réussit mieux dans les
tentissement aussi sur d’autres modes de cantons ayant un dispositif de formation
formation dans l’agriculture, le secteur so- professionnelle bien développé.
cial et les professions de la santé, a connu
un grand essor, en particulier après la Le “système dual” - en Suisse, on l’ap-
seconde guerre mondiale. Elle a connu pelle “tri-système”, car il fait intervenir
jusqu’au milieu des années 80 une expan- trois lieux de formation, l’école profes-
sion presque ininterrompue, qui a fait sionnelle, l’entreprise et le centre de for-
d’elle la filière habituelle empruntée par mation interentreprise (cf. Wettstein et al.,
les jeunes de 16 à 19 ans qui ne souhai- 1985) - reste donc très couru des jeunes
tent pas poursuivre leurs études au lycée et a très bonne presse dans l’opinion pu-
(Gymnasium) à la fin de la scolarité obli- blique.
gatoire. L’apprentissage, qui était à l’ori-
gine la filière de formation des travailleurs
d’élite, est devenu dans le courant des Les réformes des années
années 50, 60 et 70 la voie “normale”
après la scolarité obligatoire. Étant donné
70: accent sur la pédagogie
que la filière professionnelle accueille une et différenciation
grande partie des jeunes, le pourcentage
de ceux qui suivent une formation dans Dans les années 70, les traits négatifs du
le 2nd cycle de l’enseignement secondaire “système dual” se dessinèrent aussi plus
après la scolarité obligatoire est très élevé nettement. Dans la foulée de l’expansion
comparativement aux autres pays, puis- de l’instruction depuis les années 60, qui
qu’il est de largement 90 %. À son tour, se traduisit avant tout par l’essor des ly-
le pourcentage toujours élevé de jeunes cées, l’enseignement professionnel fut
d’une classe d’âge qui s’orientent vers un acculé à justifier sa raison d’être. Sa dé-
apprentissage est frappant. En 1995, pendance marquée par rapport à la con-
12 900 diplômes de “maturité” (correspon- joncture, qui restreignait fortement le
dant au baccalauréat) et 3100 diplômes choix des places d’apprentissage suivant
d’enseignants ont été délivrés, pour la profession, le prestige et la région, fut
46 000 diplômes professionnels dans les considérée comme un point faible. En
métiers de l’industrie et du commerce et outre, on reprocha à l’apprentissage de
4000 diplômes dans les professions de la profiter plus aux entreprises âpres au gain
santé (cf. Borkowksy et Gonon, 1996). La qu’aux jeunes, souvent formés dans des
proportion des jeunes qui s’orientent vers métiers ouvrant peu de perspectives. Les
le lycée (ou une autre filière de forma- capacités pédagogiques des formateurs
tion générale) dans le 2nd cycle du secon- dans les entreprises (qui n’avaient effec-
daire est donc dans l’ensemble de la Con- tivement pour ainsi dire aucune forma-
fédération helvétique toujours de moins tion pédagogique) furent fortement mi-
d’un cinquième, alors que plus des deux ses en doute. Pour remédier à ces faibles-
tiers des jeunes continuent à opter pour ses, on préconisa entre autres la création
l’apprentissage. d’ateliers d’apprentissage publics, qui sont
CEDEFOP
50
FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
des écoles professionnelles à temps plein de formation. Dans ce contexte, des ré- “Ce déclin de l’importance
enseignant la théorie comme la pratique. formes de la politique de formation pro- de l’apprentissage ne s’ex-
fessionnelle plus consistantes sont indi- plique pas seulement par
L’“agitation” des jeunes dans les années quées, afin de conserver à la formation les changements dans les
60 donna lieu, après une première révi- professionnelle son attrait, voire de le re- préférences des jeunes qui,
sion de la législation en 1963, à une hausser. Diverses mesures ont été prises en raison des incertitudes
grande réforme, avec la loi fédérale de depuis le début de cette décennie. Des de l’économie à long terme,
1978 sur la formation professionnelle expériences assorties d’un suivi scientifi- considèrent les filières sco-
(BBG). Deux éléments caractérisent cette que conduites dans les écoles ont débou- laires générales comme
loi promulguée en 1980 après un réfé- ché sur un remaniement de l’enseigne- plus ‘lucratives’ et, surtout,
rendum au niveau des syndicats et qui ment général. Le programme fixe d’en- comme offrant davantage
est toujours en vigueur. D’une part, elle seignement commercial, de la langue ma- d’options, mais aussi par
vise à améliorer encore la qualité péda- ternelle et d’instruction civique a été rem- les actions induites par les
gogique du système dual, notamment en placé par un programme plus ouvert pré- nouvelles technologies qui
clarifiant ou en redéfinissant les modali- voyant explicitement la possibilité d’un sont proposées par les fa-
tés de la formation des formateurs dans enseignement par projets. En outre, beau- bricants.”
les entreprises et les écoles. D’autre part, coup de règlements de formation ont été
elle prévoit aussi une différenciation de révisés et actualisés en peu de temps. Ac-
l’apprentissage, en instaurant des cours tuellement, on se bat entre autres pour
spéciaux exigeant des capacités manuel- mettre en place une nouvelle formation
les et intellectuelles moins élevées, ap- commerciale modulaire. Le Rapport du
pelés Anlehre, pour les jeunes de niveau Conseil fédéral sur la formation profes-
plus faible, et en offrant aux jeunes ayant sionnelle de 1996, qui devait servir de
davantage de capacités la possibilité de base à une révision complète de la légis-
suivre un programme comportant un plus lation, propose une longue liste de me-
grand nombre de matières générales dans sures à prendre: améliorer les possibili-
les écoles professionnelles supérieures, tés de passer d’une filière professionnelle
les Berufsmittelschulen. La réforme de la à une filière générale et vice versa, pro-
“maturité professionnelle” qui sera pré- mouvoir la coopération avec les structu-
sentée plus bas prend appui sur cette res d’éducation des adultes, expérimen-
différenciation de l’apprentissage. ter des modules de formation continue,
simplifier les examens de fin d’apprentis-
sage, rechercher de nouvelles formes de
Les réformes nécessaires coopération entre l’entreprise et l’école
permettant aussi une organisation plus
actuellement flexible de la formation à l’école et dans
l’entreprise sans réduire les cours à l’école.
Si jusqu’au milieu des années 80, les ré- Ces nombreuses innovations doivent être
formes mises en œuvre ont semblé por- encouragées par une nouvelle loi sur la
ter leurs fruits, ce qui s’est traduit entre formation professionnelle en projet (1998/
autres par un accroissement du nombres 1999). Cette nouvelle loi doit s’appliquer
d’apprentis, on peut observer depuis 1985 aussi aux professions de la santé, de telle
une baisse continue de la demande de sorte que l’on aura une réglementation
places d’apprentissage. Ce déclin de l’im- en grande partie uniforme pour la forma-
portance de l’apprentissage ne s’explique tion professionnelle du 2nd cycle du se-
pas seulement par les changements dans condaire et la formation professionnelle
les préférences des jeunes qui, en raison continue.
des incertitudes de l’économie à long
terme, considèrent les filières scolaires gé-
nérales comme plus “lucratives” et, sur- Création de la maturité
tout, comme offrant davantage d’options, professionnelle et des
mais aussi par les actions induites par les hautes écoles spécialisées
nouvelles technologies qui sont propo-
sées par les fabricants. En raison du dé- (Fachhochschulen)
veloppement technologique, la formation
en entreprise devient plus difficile et plus L’innovation sans doute la plus importante
complexe. Pour des raisons financières de ces dernières années est la création
également, les entreprises sont de plus d’une filière conduisant à une double qua-
en plus réticentes à proposer des places lification, appelée “maturité profession-
CEDEFOP
51
FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
“Il faudrait viser à attein- nelle”. Comme son nom le laisse enten- cer leur position dans le tissu éducatif en
dre le niveau européen par dre, ce diplôme est à la fois un certificat Suisse et à l’échelon international ont été
la promotion des écoles su- d’aptitude à l’exercice d’un métier et un un catalyseur important de la création de
périeures techniques au certificat d’entrée dans l’enseignement la maturité professionnelle. Se référant à
rang de hautes écoles spé- supérieur (hautes écoles spécialisées ou la situation dans d’autres pays, ces éco-
cialisées, laquelle ne doit autre). La maturité professionnelle a été les se sont battues pour obtenir le statut
pas se manifester seule- mise en place en 1993 à la faveur de la de hautes écoles, en utilisant des argu-
ment par un nouveau titre, réforme de l’ordonnance sur les écoles ments d’ordre économique. Les ingénieurs
mais également par une professionnelles supérieures. Elle peut suisses sont désavantagés par comparai-
réévaluation claire des con- être acquise actuellement dans quatre do- son à ceux des autres pays, et ce non seu-
tenus, ainsi que par des maines - technique, commercial, artisa- lement sur le plan de la rémunération,
exigences formelles(...)” nal et artistique - et pourra l’être aussi mais aussi dans l’attribution de marchés
prochainement dans le secteur social et qui, conformément aux critères de qua-
les professions de la santé. lité européens, exigent une formation de
niveau supérieur. Les écoles d’ingénieurs
La maturité professionnelle est donc un considéraient en outre que les connais-
certificat attestant non seulement les com- sances acquises dans le cadre de l’appren-
pétences professionnelles, mais aussi la tissage n’étaient pas suffisantes pour per-
capacité à poursuivre des études. Des mettre de poursuivre des études dans une
cours complémentaires - les jeunes sui- école supérieure technique. Ce n’est pas
vant un apprentissage technique de qua- le “principe” de l’apprentissage en soi qui
tre ans doivent assister à 1440 heures de était mis en cause, mais “un déficit consi-
cours supplémentaires un deuxième jour dérable de connaissances générales et
de chaque semaine - sont dispensés, à théoriques”. Il fallait relever le niveau de
raison d’un tiers pour les langues, un tiers l’enseignement professionnel, pour que
pour les mathématiques et les sciences l’apprentissage constitue la “voie d’accès
naturelles, et un tiers dans les disciplines naturelle” aux hautes écoles spécialisées
professionnelles à option. Le programme qui devaient être créées. Cette argumen-
de maturité professionnelle est suivi en tation a convaincu les politiques, entre
règle générale pendant l’apprentissage. autres dans la perspective de l’évolution
On peut aussi préparer ce diplôme à la des exigences du marché du travail, et
fin de l’apprentissage, tout en travaillant, une loi sur les hautes écoles spécialisées
ou dans des cours d’un an à plein temps. a été élaborée et est entrée en vigueur en
1996. La maturité professionnelle a donc
Cette innovation procède avant tout du vu le jour à l’ombre de la discussion sur
souci de réglementer à l’échelon national les hautes écoles spécialisées. Il faudrait
l’accès des apprentis à l’enseignement su- viser à atteindre le niveau européen par
périeur en leur proposant un enseigne- la promotion des écoles supérieures tech-
ment complémentaire. D’autre part, il niques au rang de hautes écoles spéciali-
importait aussi que la filière profession- sées, laquelle ne doit pas se manifester
nelle reste attractive pour les jeunes doués seulement par un nouveau titre, mais éga-
ayant de grandes ambitions en matière de lement par une réévaluation claire des
formation. Initialement, les responsables contenus, ainsi que par des exigences
de la politique de l’éducation pensaient formelles (Kiener et Gonon, 1998).
que ce type de formation pouvait con-
cerner 15 % d’une classe d’âge. Il est ap-
paru que ce chiffre était trop optimiste Les motifs de la réforme
pour le moment; néanmoins, le nombre
des jeunes obtenant la maturité profes-
sionnelle augmente d’année en année. Rétrospectivement, on peut dire que le
paysage éducatif des années 90 a été
L’instauration de la maturité profession- marqué par l’esprit d’innovation et une
nelle a pu profiter de la promotion des activité intense en matière de réformes.
écoles supérieures techniques et commer- Un point de départ important a été la mise
ciales au grade de hautes écoles spéciali- en question générale, à l’intérieur comme
sées. à l’extérieur, du rôle international de la
Suisse. La discussion sur l’Europe susci-
Les efforts déployés depuis des années tée par la question de l’adhésion à l’Es-
par les écoles d’ingénieurs pour renfor- pace économique européen (EEE) au dé-
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FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
but des années 90 en particulier, a pro- cité une réforme. Vue de l’extérieur et en “Du point de vue des ac-
voqué dans les secteurs les plus divers, dehors du contexte national, la formation teurs de la formation pro-
et pas seulement dans celui de l’éduca- professionnelle présente plus de déficits fessionnelle, la création de
tion, un mouvement de réforme succé- qu’on ne le pensait jusqu’ici. Les problè- la maturité professionnelle,
dant à une longue stagnation. On peut mes de la reconnaissance des diplômes avec le développement et le
supposer que ce mouvement résulte de des écoles d’ingénieurs et d’autres écoles remaniement de l’enseigne-
la conjugaison d’un besoin “interne” de techniques suisses a donné une impul- ment professionnel à
réforme du système éducatif et de circons- sion à l’ouverture internationale. Les res- l’école, doit permettre de
tances extérieures. Comme cela est géné- ponsables de la politique de l’éducation renforcer notablement la
ralement le cas dans les réformes du sys- ont pris de plus en plus conscience que position de la formation
tème éducatif, plusieurs intérêts, défen- le développement souhaité de la mobi- professionnelle comme voie
dus par des acteurs différents, entrent en lité internationale de la main-d’œuvre et d’accès importante à l’en-
jeu. Dans le mouvement de réforme des des citoyens présupposait un dispositif seignement supérieur, afin
années 90, les arguments économiques ou éducatif ouvert à tous les niveaux. de rendre aussi d’une ma-
touchant à la politique du marché de l’em- nière générale la formation
ploi ont une importance moindre. Ce ne La concurrence avec l’enseignement professionnelle plus attrac-
sont pas les impératifs de l’adaptation aux général et un désintérêt croissant tive pour les jeunes ayant
nouvelles technologies ou de l’insertion pour les formations en entreprise des facilités à l’école.”
des jeunes sur le marché du travail qui
occupent le premier plan, mais avant tout À cette vision du système éducatif sous
les efforts de diversification du système une perspective extérieure s’ajoute le pro-
d’éducation. Et, ceci n’est guère surpre- blème à long terme de la légitimité du
nant, ce ne sont pas les partenaires so- système dual. Comme en Allemagne, la
ciaux qui étaient les principaux acteurs, formation en alternance est encore très
mais les écoles d’ingénieurs, les écoles estimée du public. Pourtant, à long terme,
professionnelles et les représentants des l’importance du modèle de formation
services de l’éducation. duale ira en diminuant. Le lycée attire de
plus en plus les jeunes. En dépit de tous
Deux aspects seront mis en relief pour les éloges, la formation professionnelle
terminer: alternant entre l’école et l’entreprise perd
de son poids. Les filières générales du 2nd
La réforme de la formation profes- cycle de l’enseignement secondaire con-
sionnelle sous une perspective inter- duisant à l’université sont considérées par
nationale les individus comme offrant davantage de
possibilités de choix.
Une mentalité “il n’y a point comme nous”
a longtemps prédominé dans le système Non seulement le choix des jeunes et de
éducatif suisse. Nous avions l’habitude de leurs parents joue ici un grand rôle, mais
prendre acte de la formation profession- encore la disposition des entreprises à ac-
nelle à un échelon international tout au cueillir des apprentis. Les entreprises no-
plus dans le contexte de l’aide au déve- vatrices précisément, ainsi que les bran-
loppement ou comme un modèle défici- ches à ouverture internationale se distin-
taire contrastant avec notre système na- guent par une baisse constante de l’offre
tional. La spécificité de la Suisse interdi- de places de formation. De préférence à
sait pratiquement automatiquement les des apprentis, qu’elles formeront comme
comparaisons internationales. Cet état travailleurs qualifiés, elles recrutent des
d’esprit traditionnel a changé assez brus- jeunes venant du lycée ou titulaires d’un
quement depuis le début de cette décen- diplôme de formation générale intermé-
nie, à l’occasion du débat sur l’Europe. diaire.
La question de l’“eurocompatibilité” lais-
sait une plus grande latitude aux argu- Du point de vue des acteurs de la forma-
ments internationaux, y compris dans la tion professionnelle, la création de la
politique de l’éducation (Gonon, 1998). maturité professionnelle, avec le dévelop-
Cet effet a été amplifié par la publication pement et le remaniement de l’enseigne-
d’une première étude de l’OCDE sur le ment professionnel à l’école, doit permet-
système éducatif de la Suisse (EDK, 1990; tre de renforcer notablement la position
OCDE, 1991). Même si elle n’est pas en- de la formation professionnelle comme
tièrement convaincante, cette étude a eu voie d’accès importante à l’enseignement
un effet positif, en ce sens qu’elle a sus- supérieur, afin de rendre aussi d’une ma-
CEDEFOP
53
FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
“Dans les années à venir, la nière générale la formation profession- nelle. À la différence de beaucoup
tâche de la politique de nelle plus attractive pour les jeunes ayant d’autres pays d’Europe, la formation gé-
l’éducation consistera à des facilités à l’école. Celui qui opte pour nérale et la formation professionnelle ne
convaincre les jeunes, mais l’enseignement professionnel devrait sont pas intégrées dans un système uni-
aussi, et surtout, les entre- néanmoins avoir la possibilité de pour- que, et l’on mise au contraire sur une
prises, que ce complément suivre des études techniques après son démarcation claire entre deux types d’en-
de formation dispensé à apprentissage. On espère ainsi, à juste ti- seignement au niveau du 2nd cycle du se-
l’école ne profite pas seule- tre, encourager les jeunes qui hésitent condaire, avec des possibilités de passage
ment aux établissements entre l’apprentissage et le lycée à choisir dans l’enseignement supérieur.
d’enseignement concernés, la filière professionnelle. Les acteurs éco-
mais aussi qu’il ‘est payant’ nomiques eux aussi sont nettement mieux La différenciation de l’apprentissage con-
pour tous à long terme.” disposés que par le passé envers ces pers- fère un poids supplémentaire au volet
pectives. scolaire de la formation. Dans les années
à venir, la tâche de la politique de l’édu-
cation consistera à convaincre les jeunes,
Conclusions mais aussi, et surtout, les entreprises, que
et perspectives ce complément de formation dispensé à
l’école ne profite pas seulement aux éta-
La maturité professionnelle et les autres blissements d’enseignement concernés,
réformes de la formation professionnelle mais aussi qu’il “est payant” pour tous à
ont pour but de préserver l’importance long terme. En même temps, il devient
du système dual à l’avenir également. nécessaire de réformer aussi le reste du
L’instauration de la maturité profession- secteur de l’éducation pour ne pas le dé-
nelle ne change cependant pas grand- valoriser. Qui met en œuvre une réforme
chose à la subdivision claire du 2nd cycle s’expose - pour faire face aux problèmes
de l’enseignement secondaire en une fi- qui en découleront - à être sollicité pour
lière générale et une filière profession- réformer aussi d’autres domaines.
Bibliographie:
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CEDEFOP
54
FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
“Pour être compétitives et d) l’apprentissage affectif-éthique se rap- restructuration ne sont de ce fait pas uni-
performantes, les sociétés porte à soi-même. Les objectifs sont la quement axées sur les paramètres con-
devront adopter une cul- connaissance de soi, la responsabilité de ventionnels de la gestion d’entreprise, tels
ture d’apprentissage et ses actes (sociaux et politiques), la cons- que la capacité d’autofinancement ou la
d’entreprise qui induise truction de domaines d’intérêt et d’objec- valeur des actions, mais au contraire,
l’auto-organisation et tifs personnels - il vise l’obtention d’une grâce à une vision de la création de va-
l’autoqualification du per- COMPÉTENCE INDIVIDUELLE. leurs réellement liée au processus (cf.
sonnel (…); cela signifie Kühnle, 1997, p. 19), elles visent:
‘qu’on veut intérieurement Le tableau 1 reprend les objectifs et con-
participer au travail, s’y tenus les plus importants de l’apprentis- ❏ un processus permanent de réussite,
intégrer en tant que per- sage global (Ott, 1997, p. 14). ❏ de nouvelles formes de collaboration,
sonne et ainsi obtenir une ❏ le développement des compétences,
confirmation de ses pro- ❏ la résolution des problèmes au sein de
pres compétences’ (...).” Catégories d’objectifs l’équipe.
d’une formation profes- Ces nouveaux programmes de réorgani-
sionnelle globale sation impliquent également de nouvel-
les aptitudes (à la direction) que Salovey
La base et condition préalable de toute (1990, p. 185 et suiv.) a désignées par l’ex-
conception d’une formation globale pression “intelligence émotionnelle” (cf.
prospective est une nouvelle culture d’ap- Goleman, 1996, p. 65 et suiv.). Cela si-
prentissage et d’entreprise. Ce qu’un con- gnifie non seulement la (re-)connaissance
cept de formation moderne doit induire et la compréhension des émotions, mais,
en matière de pédagogie de la profession au-delà, une expérience de la nature hu-
et de l’entreprise est - stricto sensu - le maine, afin de savoir ce que les autres
lien entre la théorie et la pratique, ou en- ressentent (empathie).
tre l’apprentissage et le travail, et - lato
sensu - l’interconnexion du monde du tra- La pédagogie d’entreprise semble avoir
vail et de la vie personnelle. déjà bien intégré cette vision globale, car
la “formation professionnelle dans l’en-
En bref: cela va du paradigme tradition- treprise apprenante” (Meyer/Dohm/
nel (axé sur le rendement) au paradigme Schneider, 1991) suit l’idée directrice
constructiviste (axé sur le sujet)! Dans le d’une “autoqualification des salariés”.
paradigme traditionnel existait une orga- Cette évolution vise la mise en réseau de
nisation hiérarchisée de l’entreprise, avec l’apprentissage et se caractérise par trois
une structure fixe, ce qui conditionnait évolutions types (cf. Weissker, 1992, p.
un apprentissage structuré et articulé de 29 et suiv.):
manière très rigide. Le paradigme
constructiviste s’oriente en revanche sur a) Modèle d’apprentissage: apprendre
des formes d’organisation simples, sou- à apprendre grâce à l’apprentissage
ples (fractales), avec une gestion du sa- par l’expérience et par le travail
voir autoréférentielle au sein de “l’entre-
prise apprenante” (cf. Schneider, 1991, p. Le travail est global; il requiert et encou-
45 et suiv.). rage l’apprentissage, ce qui signifie que
l’apprentissage expérientiel dans le pro-
Nouvelle culture d’apprentissage et cessus de travail prend de l’importance.
d’entreprise Dans la “finalité de l’apprentissage par le
travail” se retrouvent:
Pour être compétitives et performantes,
les sociétés devront adopter une culture ❏ des qualifications techniques dans le
d’apprentissage et d’entreprise induisant domaine du “savoir” et du “pouvoir” spé-
l’auto-organisation et l’autoqualification cifiques à la profession (compétence tech-
du personnel, orientée sur la “subjectivi- nique), ainsi que dans le domaine de la
sation normative du travail”; cela signifie compétence méthodologique spécifique
“qu’on veut intérieurement participer au à la technologie (y compris au-delà de la
travail, s’y intégrer en tant que personne, profession),
et ainsi obtenir une confirmation de ses
propres compétences” (Baethge, 1991, p. ❏ des qualifications interdisciplinaires et
7 et suiv.). Les nouvelles approches de interprofessionnelles classées comme suit:
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FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
❏ techniques d’auto-apprentissage,
Tableau 4: Techniques de créativité ❏ techniques de communication et de
Méthodes de créativité Méthodes de créativité Méthodes de créativité coopération,
orientées sur l’organi- orientées sur la com- orientées sur la résolu- ❏ techniques de créativité.
sation munication tion de problèmes
Techniques d’auto-apprentissage (techni-
Travail sur des photos Voyage imaginaire Méthode Delphi ques d’apprentissage et de travail): elles
et des images Méditation métaphorique Analyse fonctionnelle se réfèrent à la collecte autonome d’in-
Collages, peinture Suggestopédie Méthode 635 formations, au traitement productif de ces
créative Morphologie informations et à leur transmission ciblée.
Pantomime
Écriture créative Techniques de communication et de coo-
pération: elles visent une “cohabitation”
constructive. Elles vont des techniques
élémentaires d’entretien aux techniques
Dans le cas d’exigences techniques cons- centrales de coopération.
tamment élevées, voire croissantes, la
dextérité manuelle et l’activité concrète Techniques de créativité: d’une part el-
(artisanale) perdent de plus en plus de les ciblent un travail basé sur l’organisa-
signification. En contrepartie, ce sont les tion et la communication, d’autre part el-
fonctions de planification, de contrôle et les constituent une aide déterminante
CEDEFOP
60
FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
pour analyser les problèmes et les struc- Définition du problème “(…) ce sont pour une
tures, élaborer et optimiser les solutions. grande part les modifica-
Pour répondre à ce vaste objectif, on L’enseignement / la formation orienté(e) tions des exigences de qua-
dispose d’un grand choix de méthodes sur les problèmes ou sur l’action commen- lifications qui induisent
de créativité axées sur l’organisation, la cent, suivant la “portée didactique”, par une nouvelle culture d’ap-
communication et la résolution de pro- la résolution d’un problème ou par une prentissage en matière de
blèmes. mission d’organisation qui tient compte formation professionnelle.
également de l’aspect “processus” de l’ap- C’est pourquoi les modèles
Nouvelles méthodes d’enseignement prentissage. La définition de l’objectif n’est de pensée et les approches
et de formation réellement bénéfique en tant que moyen d’organisation modernes
didactique que si les conditions et exi- partent d’un champ d’ac-
Les nouveaux développements de com- gences inhérentes au système à organiser tion professionnel en muta-
pétences et exigences de qualifications (“cahier des charges”) sont transparentes tion constante et visent un
induisent de nouvelles méthodes d’ensei- pour les élèves. C’est la raison pour la- ‘apprentissage actif-pro-
gnement et de formation orientées sur les quelle il est indispensable de structurer ductif’ comme élément cen-
problèmes et l’action, axées sur: le problème de manière précise. tral d’une formation pro-
fessionnelle (continue).”
❏ une définition des tâches globale et Structuration du problème
multidimensionnelle, ainsi que sur les réa-
lités du monde du travail, L’objectif de la phase de structuration du
problème est la définition, si possible sous
❏ des systématiques d’action liées au pro- la seule responsabilité de l’élève, de la
blème, avec plus de liberté pour l’appre- structure fonctionnelle, du principe d’ac-
nant, tion et de l’objectif de travail.
❏ des formes d’apprentissage coopérati- Au cours de ce processus de structuration, “L’action est toujours vou-
ves, actives, faisant appel à l’expérience, il s’agit de transférer la structure des réa- lue et axée sur un but pré-
et des environnements d’apprentissage lités techniques dans la structure cognitive cis; elle est constituée par
ouverts. existante de l’élève, de telle sorte qu’il les étapes de la définition
soit en mesure d’appliquer à nouveau de l’objectif, de la planifica-
Les méthodes d’enseignement et de for- judicieusement ce nouveau savoir et ces tion, de l’exécution, du con-
mation orientées sur les problèmes et sur nouvelles compétences à un domaine in- trôle et de l’évaluation, qui
l’action sont conçues de manière globale connu. L’élève acquiert un savoir systé- sont réalisées en un cycle
d’un triple point de vue: dans un premier mique, lorsque les différentes connaissan- (éventuellement reproduit).
temps, les objectifs d’organisation sont ces sont reliées à travers un réseau de Parallèlement, les méthodes
définis sous l’aspect technique, ensuite corrélations et de propriétés. Une com- d’enseignement et de forma-
c’est le processus d’organisation qui fait posante de ce savoir systémique est cons- tion orientées sur les pro-
l’objet d’une réflexion sur les méthodes tituée par les connaissances générales blèmes et sur l’action s’ar-
et l’interaction, et enfin c’est le contexte acquises sur les corrélations et les struc- ticulent aussi en quatre
d’organisation, l’aspect sociotechnique du tures d’un système, et par les connaissan- phases(...):
système, qui est discuté. ces spécifiques sur les corrélations “cause-
effet” à prendre en compte, qui indiquent ❏ la définition du problème
L’action est toujours voulue et axée sur la position et l’importance des corréla- ❏ la structuration du pro-
un but précis; elle est constituée par les tions. Au cours d’un processus d’appren- blème
étapes de la définition de l’objectif, de la tissage orienté sur les problèmes et sur ❏ la résolution du problème
planification, de l’exécution, du contrôle l’action, il y a donc remplacement d’une ❏ la mise en œuvre de la so-
et de l’évaluation, qui sont réalisées en pensée linéaire (sectorielle) par une pen- lution du problème.”
un cycle (éventuellement reproduit). sée interconnectée et une résolution glo-
Parallèlement, les méthodes d’enseigne- bale des problèmes.
ment et de formation orientées sur les pro-
blèmes et sur l’action s’articulent aussi en Résolution du problème
quatre phases (cf. Nashan/Ott, 1995, p.
62 et suiv.): Les résolutions de problèmes viennent de
la réflexion et de l’action sous toutes leurs
❏ la définition du problème formes, grâce à des opérations concrètes
❏ la structuration du problème et formelles faisant appel à l’intuition et
❏ la résolution du problème à l’imagination, à la combinaison et à l’al-
❏ la mise en œuvre de la solution du pro- ternance d’expériences, à des connaissan-
blème. ces déjà intégrées, ainsi qu’à l’exploita-
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61
FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
fessionnelle répondant aux exigences des nationales) spécialisées (par exemple, les “L’analyse des situations de
mutations sociales “résident dans le fait technologies de l’information et de la travail industrielles moder-
que: communication assistées par ordinateur) nes montre des exigences
du point de vue du développement des de qualifications très éten-
❏ on est ici en présence d’une tâche à qualifications et des compétences néces- dues pour le personnel,
structure complexe, impliquant de multi- saire à l’avenir, ainsi que de leur transfor- ainsi qu’une tendance à une
ples attributions et des intérêts en partie mation et de leur aménagement orientés production de savoir et à
opposés; sur l’objectif de l’apprentissage, dans des une activité d’organisation
❏ le problème ‘théorie-pratique’ s’affirme “programmes d’enseignement ouverts et croissantes, pour un profil
ici plus fortement que dans l’enseigne- autonomes”, sous la forme de lignes di- (global) de compétences
ment général; rectrices didactiques; sensiblement élargi.”
❏ le sentiment d’insécurité est plus fort,
du fait des discussions sur les objectifs et aspect psychosociologique: étude des
les contenus, que dans l’enseignement changements dans les conditions d’ap-
général; prentissage des élèves et des stagiaires,
❏ la formation professionnelle est tout même dans le cas de groupes hétérogènes
particulièrement liée aux structures et aux (problématiques de la différenciation in-
processus du monde du travail” terne et externe), et définition de nou-
(Lipsmeier, 1980, p. 49). velles exigences de qualifications pour les
enseignants et les formateurs (de forma-
De ce fait, la didactique professionnelle tion initiale et continue);
spécialisée était quasiment marquée “de
naissance” des stigmates de l’orientation aspect “pratique de l’enseignement et de
exclusive sur la transmission d’un savoir. la formation”: intégration de la formation
Étant donné l’évolution de la technologie professionnelle et générale dans l’ensei-
et des structures d’apprentissage, un chan- gnement global. Développement de ma-
gement de paradigme à ce sujet semble tériel d’(auto-)apprentissage spécifique au
toutefois constitutif (cf. Lipsmeier, 1991, domaine; expérimentation de modèles
p. 103 et suiv.). Les divers domaines d’en- d’enseignement et de formation orientés
seignement et de recherche d’une didac- sur l’action du point de vue d’un appren-
tique professionnelle spécialisée globale tissage autodirigé, basé sur la méthode-
se présentent sous des aspects très larges action, ainsi que d’un contrôle global de
(ouverts au niveau des programmes) (cf. l’apprentissage.
Ott, 1998, p. 22 et suiv.):
Conclusion: l’analyse des situations de tra-
aspect interdisciplinaire: désignation de vail industrielles modernes montre des
principes théoriques normatifs, tels que exigences de qualifications très étendues
par exemple “formation professionnelle pour le personnel, ainsi qu’une tendance
globale” (cf. Ott, 1997a, p. 30 et suiv.) et à une production de savoir et à une acti-
interprétation de leur signification dans vité d’organisation croissantes, pour un
le contexte des courants de l’histoire des profil (global) de compétences sensible-
idées et des cultures (par exemple, l’apti- ment élargi (cf. Ott, 1995, p. 55 et suiv.):
tude à la communication et à la respon-
sabilité). La théorie scientifique, la philo- ❏ sous l’aspect “objet”, il est nécessaire
sophie sociale, la sociologie industrielle, d’avoir des connaissances et des compé-
l’histoire spécialisée, etc., fournissent des tences complexes en rapport avec la di-
bases de réflexion; mension du contenu du travail (compé-
tence technique);
aspect sociopolitique: analyse de la so-
ciété et de la culture industrielles mar- ❏ sous l’aspect “méthodes”, il importe de
quant l’activité professionnelle, détermi- maîtriser des méthodes, des processus et
nation des effets écologiques et sociaux des procédés spécifiques, afin de trouver
du travail, de la technique, de l’éduca- des solutions opérantes et de prendre des
tion, de l’économie et de la société, rap- décisions de façon autonome (compétence
portés par exemple à une nouvelle cul- méthodologique);
ture d’apprentissage et d’entreprise;
❏ sous l’aspect “comportement”, on ci-
aspect du programme technique: exploi- tera les capacités personnelles (de travail
tation des nouvelles connaissances (inter- en équipe) qui intègrent d’une manière
CEDEFOP
63
FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
particulière les processus sociaux d’inter- s’appuient sur quatre objectifs auxquels
action lors de l’assignation d’une tâche une fonction directrice est attribuée (cf.
(compétence sociale); Dehnbostel et Walter-Lezius, 1992, p. 175
et suiv.):
❏ sous l’aspect sociohumain, il convient
de saisir et d’évaluer le sens des actions ❏ la référence au travail,
et des processus de nature professionnelle ❏ l’orientation sur l’organisation,
dans le contexte de conditions sociales ❏ l’orientation sur l’action,
et anthropologiques (compétence indivi- ❏ l’acquisition de qualifications-clés.
duelle).
Pour la mise en œuvre de ces “objectifs
Une formation professionnelle globale ins- directeurs”, deux approches de l’acquisi-
pirée de ces lignes directrices n’est donc tion de qualifications en matière de for-
pas conçue uniquement en vue de l’ac- mation professionnelle sont essentielles:
quisition de compétences techniques; elle d’une part la stimulation de la pensée
vise explicitement la participation à l’or- systémique et la compréhension des cor-
ganisation du monde du travail. Pour cela, rélations, d’autre part “l’autoqualification
il est nécessaire d’une part que les et l’auto-organisation continues et coopé-
“apprenants tout au long de la vie” re- ratives” (cf. Schneider et Sabel, 1996). De
connaissent des corrélations systémiques nombreux arguments plaident en faveur
spécialisées et qu’ils pensent et agissent des conceptions globales d’apprentissage
de manière constructive-analytique. et de formation orientées sur les proces-
D’autre part, la stimulation du comporte- sus, reposant sur un travail de groupe qua-
ment social, le développement de la lifié, en tant qu’option de développement
créativité et la mise à profit de la liberté viable et ligne directrice de formation pro-
de participation sont des composantes in- fessionnelle. En conséquence, une forma-
tégrales de “l’apprentissage et l’enseigne- tion professionnelle prospective devrait
ment professionnels globaux” (cf. Ott, être orientée sur les problèmes et sur l’ac-
1997). tion, afin que les compétences techniques,
méthodologiques, sociales et individuel-
Les nouvelles orientations de didactique les puissent être acquises globalement et
spécialisée en pédagogie professionnelle orientées sur l’expérience.
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CEDEFOP
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FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
CEDEFOP
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FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
Angelika
Lippe- Quelles qualifications
Heinrich
Chargée de cours à
l’Université libre de
dispenser à l’avenir?
Berlin.
Chercheuse indépen-
dante spécialisée dans la re-
Le rôle de l’Internet et
cherche sociale empirique, la
gestion de la qualité et la for-
mation professionnelle.
des systèmes en ligne.
Hypothèses et acquis
Cet article repose sur le tra- Introduction: base empiri- possédaient les travailleurs à former, il
vail pratique et une évalua- s’agissait essentiellement de travailleurs
tion partielle de la réalisa-
que et pertinence des ac- bien qualifiés diplômés d’un établissement
tion de deux projets pilotes quis supérieur d’enseignement technique ou
de formation profession- d’une université. Parmi les participants à
nelle continue. Sa base em- Cet article repose sur le travail pratique la phase initiale du cours qui l’ont accom-
pirique est constituée par et une évaluation partielle de la réalisa- pli avec succès, la moitié environ étaient
les expériences et les ré- tion de deux projets pilotes de formation des femmes; ce taux n’était plus que d’un
flexions issues de deux pro- professionnelle continue. Sa base empi- tiers pour la phase d’approfondissement.
jets pilotes du Land de Ber- rique est constituée par les expériences Sur l’ensemble de la durée du projet, la
lin réalisés dans le cadre de et les réflexions issues de deux projets formation à l’Internet a fait l’objet d’un
l’initiative communautaire pilotes du Land de Berlin réalisés dans le programme de 240 heures de formation à
ADAPT. cadre de l’initiative communautaire raison de six modules de 40 unités d’en-
ADAPT pendant une durée de 24 mois seignement chacun. La brièveté de la pé-
chacun (1996-1998). Il s’agit des projets riode disponible n’a permis de procéder
pilotes suivants: à un examen empirique suffisant que sur
deux unités centrales de formation. L’ana-
❏ Projet pilote “Des faits pour l’Europe”: lyse empirique de l’action de formation
une action de formation, menée parallèle- et toutes les questions et réflexions qu’elle
ment à l’activité professionnelle, d’un suscite sont d’une importance capitale
public restreint de travailleurs et d’entre- pour la réalisation d’études plus appro-
prises de pré-presse, Land de Berlin, ré- fondies et la mise en place d’actions ré-
gion de l’objectif 4. gulières de formation complémentaire aux
technologies de l’information.
❏ Projet pilote “ASTRANET”: une action
de formation à l’Internet, menée paral- Cet article ne constitue pas l’aboutissement
lèlement à l’activité professionnelle, pour d’un projet de recherche, pas plus qu’il ne
salariés de petites et moyennes entrepri- prétend revêtir le caractère d’une étude à
ses de la partie est de la ville de Berlin. proprement parler. Il s’efforce plutôt de
217 petites et moyennes entreprises em- formuler les acquis de la recherche active
ployant au total 378 personnes dans les d’accompagnement, c’est-à-dire de l’éva-
branches les plus diverses ont participé à luation permanente du travail pratique sous
ce projet. Les entreprises participantes la forme d’hypothèses, et d’en tirer des ré-
étaient dans leur majorité des entreprises flexions, afin de poser les jalons d’un exa-
de services au sens le plus large du terme. men scientifique plus poussé du problème.
En ce qui concerne les qualifications que Responsable du projet Internet, l’auteur a
CEDEFOP
66
FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
pu, au contact des entreprises et des indi- discussion qu’il importera, dans une pers- “Parmi les principales hy-
vidus qui ont participé au projet, observer pective sociologique et de pédagogie pro- pothèses:
dans le détail les intérêts et les motiva- fessionnelle, de mener dans toute l’Eu-
tions des demandeurs de formation. Ces rope sur les questions du télétravail, du - l’Internet, c’est davantage
observations sont souvent propres à sus- recours à l’Internet et des réseaux d’en- un véhicule qu’une destina-
citer bien des inquiétudes, car même chez treprises. tion: le nouvel outil de tra-
les travailleurs ayant de bonnes ou très vail qu’est l’Internet a en
bonnes qualifications et titulaires de diplô- Les hypothèses qui suivent ont pour dépit de son caractère par-
mes supérieurs et/ou universitaires, il est finalité de montrer que le progrès tech- fois spectaculaire une fonc-
fréquent que la connaissance élémentaire nologique se traduit parfois par des dé- tion de simple soutien (…)
de l’application des outils informatiques veloppements paradoxaux, dont il con-
fasse entièrement défaut. vient de bien peser l’importance et les - Paradoxe de l’autonomie:
conséquences futures, particulièrement alors que nous sommes de
Les expériences recueillies dans le travail pour le domaine de la formation profes- plus en plus soumis aux
pratique ont été complétées par un inter- sionnelle et de la politique de la forma- décisions d’autrui, nous
rogatoire écrit à l’issue du cours, des ob- tion professionnelle, et qu’il faudra donc devons être nous-mêmes en
servations actives et des entretiens avec à l’avenir observer de près, notamment mesure de générer nos pro-
les participants au cours, des représen- eu égard à l’élaboration de nouveaux pro- pres contenus (...)
tants des PME concernées et le nouveau fils professionnels et à la définition de
groupe des spécialistes de l’Internet aux- nouvelles normes à intégrer dans tous les - Paradoxe de l’emploi:
quels il a été recouru pour assurer les profils professionnels. Parmi les princi- alors que la productivité du
cours. L’auteur ne comptant ni parmi les pales hypothèses: travail augmente à l’aide de
apologistes béats des innovations techno- l’Internet et du travail en li-
logiques ni parmi leurs adversaires réso- l’Internet, c’est davantage un véhicule gne, il n’a guère été créé jus-
lus, mais se considérant elle-même qu’une destination: le nouvel outil de tra- qu’à présent d’emplois sup-
comme une utilisatrice intéressée en vail qu’est l’Internet a en dépit de son plémentaires (…)
tangence avec les sciences sociales tout caractère parfois spectaculaire une fonc-
comme avec la politique de la formation tion de simple soutien; il autorise notam- - Paradoxe du marché du
professionnelle, cet article vise à placer ment de nouvelles formes de travail; un travail: les technologies de
le nouvel outil qu’est l’Internet dans le point important: il peut conférer des struc- l’information font naître de
contexte d’une future politique de forma- tures, mais pas des contenus, même s’il nouveaux emplois (…)
tion professionnelle à rechercher sur la arrive qu’on en fasse toute une philoso-
toile de fond des différents systèmes de phie! - Paradoxe des compéten-
formation professionnelle des États mem- ces: les technologies de l’in-
bres de l’UE. Paradoxe de l’autonomie: alors que nous formation permettent l’ac-
sommes de plus en plus soumis aux dé- cès à des informations et à
L’intérêt que revêt dans toute l’Europe l’in- cisions d’autrui, nous devons être nous- des savoirs de plus en plus
troduction de l’Internet et du travail en mêmes en mesure de générer nos pro- nombreux (…)
ligne pour l’amélioration de la compétiti- pres contenus, y compris sur la Toile. Ce
vité des sites économiques menacés cons- qui est décisif, c’est leur professionnalisme - Paradoxe de la polari-
tituait une bonne raison de vouloir pu- en vertu de critères de fond et de con- sation: grâce aux technolo-
blier cet article dans le cadre du tenu, et non pas seulement l’effet publi- gies de l’information, l’ac-
CEDEFOP. En effet, il importera à l’ave- citaire de l’emballage. cès aux informations est
nir, dans le contexte des efforts de ouvert à plus d’individus
modularisation à venir dans le domaine Paradoxe de l’emploi: alors que la pro- que jamais, mais en même
de la formation professionnelle (initiale ductivité du travail augmente à l’aide de temps les différences entre
et continue), de repérer mieux et plus vite l’Internet et du travail en ligne, il n’a guère utilisateurs et non-utilisa-
que jusqu’ici l’évolution et les tendances été créé jusqu’à présent d’emplois sup- teurs s’accroissent.”
susceptibles d’intervenir à l’échelon euro- plémentaires. Il importe d’y remédier en
péen dans le domaine des qualifications mettant à profit les chances du travail en
requises. Un objectif pourrait être, tout ligne pour créer de nouveaux produits et
en respectant le principe de subsidiarité, de nouveaux services.
d’engager de manière plus rapide et plus
ciblée que jusqu’à présent les modifica- Paradoxe du marché du travail: les tech-
tions et les orientations à apporter au nologies de l’information font naître de
développement des systèmes de forma- nouveaux emplois; le danger existe qu’en
tion professionnelle initiale et continue même temps, des emplois existants soient
dans les différents États membres de anéantis en grand nombre. La prudence
l’Union. Cet article vise à contribuer à la s’impose!
CEDEFOP
67
FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
“Recommandations issues et se trouve de ce fait à la pointe de l’évo- être “adaptées” pour répondre aux nou-
de la pratique lution. Les changements accomplis per- velles exigences, dont certaines revêtent
mettent ainsi aux entreprises du nouveau un caractère intersectoriel et correspon-
a) Une formation axée sur secteur des multimédias - y compris la dent à de nouvelles qualifications trans-
les processus implique de “gestion médiatique” - qui ont réussi leur versales.
renoncer aux démarches adaptation de se trouver en tête du déve-
purement sectorielles de loppement économique. Indépendamment des connaissances sup-
formation (…) plémentaires purement informatiques, il
Le commerce électronique des biens et convient de transmettre en fonction des
b) La publication électroni- des services est en train de s’établir en groupes cibles concernés des solutions
que n’est plus une caracté- Europe. Aux États-Unis et au Canada, il entrepreneuriales globales. En outre, les
ristique exclusive des en- réalise depuis longtemps un important différences des acquis antérieurs et les
treprises d’impression et chiffre d’affaires. différences des niveaux prévus d’utilisa-
d’édition (…) tion des outils de travail relevant des tech-
Aujourd’hui déjà, les lignes traditionnel- nologies de l’information et de la com-
c) L’aptitude à la gestion les de démarcation entre les branches munication ont des conséquences impor-
stratégique de la communi- deviennent de plus en plus floues, et il tantes sur la conception méthodologique
cation et de l’information est probable que l’on assistera dans l’éco- et didactique des diverses mesures, alors
exige l’acquisition d’une nomie à de nouveaux processus de con- même que les contenus et les objectifs
nouvelle qualification centration aboutissant à une intégration de la formation sont pratiquement identi-
transversale (…) des services des secteurs des médias, de ques.
l’électronique, de l’informatique et des
d) La gestion stratégique en finances. Ces nouveaux “producteurs et La publication électronique n’est plus une
ligne implique la nécessité prestataires de services interdisciplinaires caractéristique exclusive des entreprises
d’une ample réorganisation et intersectoriels” sont plus enclins à dé- d’impression et d’édition.
des sites économiques et velopper de nouveaux services assistés
des processus internes (…) par ordinateur que par exemple les peti- La publication électronique devient de
tes et moyennes entreprises qui conti- plus en plus un élément des processus
e) Il nous paraît également nuent largement à opérer sur le mode tra- quotidiens de communication et d’inter-
indiqué de former les chô- ditionnel, notamment dans l’artisanat al- action dans les petites et moyennes en-
meurs titulaires d’une for- lemand. treprises. Elle a perdu son caractère de
mation initiale (…) pour service tout exclusif, chaque utilisateur
leur faire acquérir des d’un ordinateur branché sur la Toile mon-
compétences informatiques Recommandations issues diale publiant virtuellement et contribuant
transversales de traitement ainsi à la démultiplication électronique
en ligne de dossiers com-
de la pratique des informations.
merciaux.”
Une formation axée sur les processus L’aptitude à la gestion stratégique de la
implique de renoncer aux démarches communication et de l’information exige
purement sectorielles de formation à l’uti- l’acquisition d’une nouvelle qualification
lisation des nouvelles technologies. Elle transversale que l’on peut désigner du
apprend à répondre aux impératifs de tra- terme de “compétence d’utilisation de l’in-
vail en ligne qui résultent des nouvelles formatique en ligne”.
conceptions opérationnelles adoptées par
les entreprises dans le contexte de la Outre la classification en professions in-
globalisation de l’économie. Les formu- trinsèques et professions marginales de
les intégrées de ce type comportent, outre l’informatique telle que l’opère Dostal, on
la formation purement informatique, des peut parler d’une “compétence d’utilisa-
éléments supplémentaires tels que la tion de l’informatique en ligne” consti-
transmission de connaissances de gestion tuant une qualification transversale pour
ou la transmission de méthodes de suivi les secteurs opérationnels de l’entreprise
de projet permettant d’intervenir pour ré- que sont les achats et les approvisionne-
pondre aux objectifs de l’entreprise. Le ments, de même que la commercialisation
point de départ doit être constitué par les et la vente. Il s’agit de domaines stratégi-
acquis antérieurs de compétence profes- ques essentiels de l’activité de toute PME.
sionnelle et d’expérience professionnelle
globale des travailleurs à former. Les nou- Cette nouvelle qualification transversale
velles qualifications doivent élargir les qu’est la compétence de traitement en li-
connaissances existantes. Elles doivent gne de dossiers doit venir s’adjoindre au
CEDEFOP
70
FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
bagage de qualifications spécifiques à la comme le montre le projet, des formes “Les innovations au niveau
profession considérée et implique non d’accès et de recours aux possibilités de des processus, des pro-
seulement des compétences informatiques travail en réseau qui diffèrent tant selon duits et des services peu-
d’utilisation de systèmes en réseau, mais les personnes que selon les entreprises vent apporter grâce à des
encore toute une série d’autres compé- et les pays. aides ciblées une contribu-
tences additionnelles: esprit entrepre- tion à la création de nou-
neurial, autonomie d’action, compétences Il nous paraît également indiqué de for- veaux emplois. Elles peu-
virtuelles et compétences transculturelles. mer les chômeurs titulaires d’une forma- vent constituer un élément
tion initiale, notamment lorsqu’il s’agit stratégique d’une politique
La notion de compétence en médias (Gut, d’une formation technique apparentée, au de réorganisation systéma-
P./Walch, P.: Thèse sur le télétravail) doit maniement des systèmes en réseau, pour tique des sites économiques
dans son sens le plus large être conçue leur faire acquérir des compétences in- par le renforcement des
comme la condition future de la réalisa- formatiques transversales de traitement en ressources humaines des
tion de l’égalité des chances, et est donc ligne de dossiers commerciaux. PME.”
bien plus ample que l’aptitude unique-
ment fonctionnelle à manier matériels et Dans la formation continue aux techno-
logiciels. logies de l’information, il convient de
veiller à ce que les entreprises disposées
Le traitement en ligne de dossiers exige à coopérer puissent participer le plus tôt
de pouvoir manier l’Internet comme un possible (une fois la mesure agréée) à la
outil avec ses instruments et ses applica- réalisation de l’action de formation et que
tions dans un nouveau contexte stratégi- les intéressés accèdent dès la fin de la
que global de prestation de services et formation, par exemple à l’aide de pri-
de fabrication de produits. En effet, la sim- mes salariales ou d’autres mesures
ple compétence d’utilisation ne saurait d’insertion, à une activité professionnelle
être assimilée à une compétence profes- leur permettant de mettre en pratique les
sionnelle intégrée, cette dernière adjoi- connaissances acquises.
gnant les outils fournis par les innova-
tions des technologies de l’information et Récapitulons:
de la communication à des connaissan-
ces professionnelles déjà existantes pour Les innovations au niveau des processus,
constituer une synthèse. On peut donc des produits et des services peuvent ap- “La gestion en ligne et les
conclure à la nécessité générale d’offres porter grâce à des aides ciblées une con- applications de l’Internet
intégrées de formation transmettant dans tribution à la création de nouveaux em- seront sans le moindre
un même temps des compétences tant plois. Elles peuvent constituer un élément doute appelées à jouer
professionnelles que méthodologiques et stratégique d’une politique de réorgani- dans les années à venir un
de travail en ligne sous une forme sation systématique des sites économiques rôle essentiel dans ces pro-
modulaire, compacte et axée sur la prati- par le renforcement des ressources hu- cessus. La création de nou-
que. maines des PME. veaux emplois par l’exploi-
tation de nouveaux mar-
La gestion stratégique en ligne implique La gestion en ligne et les applications de chés, et le développement
la nécessité d’une ample réorganisation l’Internet seront sans le moindre doute de nouveaux produits et de
des sites économiques et des processus appelées à jouer dans les années à venir nouveaux services consti-
internes, qui interviendra tant au niveau un rôle essentiel dans ces processus. La tue un impératif primordial
de la région et de l’entreprise qu’au ni- création de nouveaux emplois par l’ex- des mutations globales,
veau interentreprise et interrégional. ploitation de nouveaux marchés et le dé- mais ne se fera pas spon-
veloppement de nouveaux produits et de tanément.”
L’innovation révolutionnaire que consti- nouveaux services constitue un impératif
tue l’Internet accélère ces processus, fai- primordial des mutations globales, mais
sant émerger des communautés en ligne ne se fera pas spontanément.
aux niveaux régional, européen et inter-
national. La nouvelle division du travail La nécessité d’interventions et de subven-
porte ainsi sur le processus de produc- tions des pouvoirs publics dans le do-
tion numérique de masse, c’est-à-dire sur maine de la formation continue, mais le
le processus même du traitement mon- cas échéant aussi de la promotion éco-
dial de l’information. nomique, est manifeste. Il y a ici un be-
soin urgent de projets de formation ini-
Dans le cadre de cette nouvelle division tiale et continue soutenus par les pou-
du travail s’esquissent d’ores et déjà, voirs publics, notamment à l’échelon in-
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FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
“La nécessité d’interven- ternational; il s’agit là d’un aspect capital la meilleure formation possible également
tions et de subventions des pour la maîtrise future des mutations aux jeunes qui ne sont pas parvenus à
pouvoirs publics dans le structurelles en Europe. obtenir une place de formation ou à me-
domaine de la formation ner cette formation à son terme. Il con-
continue, mais le cas Il faut donc des mesures soutenues par viendrait de mettre en place pour eux des
échéant aussi de la promo- les pouvoirs publics pour permettre aux filières de formation de rattrapage qui, au
tion économique, est mani- entreprises de mettre judicieusement en moyen par exemple d’appuis pédagogi-
feste. Il y a ici un besoin œuvre les nouveaux outils et donner en ques spécifiques et de modules complé-
urgent de projets de forma- même temps aux travailleurs sans emploi mentaires, leur permettent d’apprendre et
tion initiale et continue sou- la possibilité d’opérer leur réinsertion leur donnent la possibilité d’acquérir un
tenus par les pouvoirs pu- dans le processus social de travail en fai- certificat initial reconnu et du meilleur ni-
blics, notamment à l’échelon sant l’acquisition de connaissances sup- veau possible, qui ne soit pas inférieur
international; il s’agit là plémentaires. En fin de compte, cela si- au niveau normal que l’on acquiert dans
d’un aspect capital pour la gnifie pour les entreprises et les tra- le cadre du système dual.
maîtrise future des muta- vailleurs, y compris les groupes cibles du
tions structurelles de l’Eu- marché du travail (notamment chômeurs Quant à la formation continue, cela signi-
rope.” et chômeurs de longue durée), la créa- fie qu’il est nécessaire d’y instaurer, pour
tion délibérée d’offres de formation ini- la transmission de compétences d’utilisa-
tiale et continue visant à une maîtrise ac- tion des technologies de l’information, des
tive du futur et dispensant un complé- normes qui ne soient pas définies et éla-
ment de qualification interprofessionnelle borées uniquement par le concepteur de
intégrée dans une formule globale de logiciels qui domine le marché. De telles
transmission de compétences informati- normes pourraient être intégrées dans les
“Un futur nouveau système ques en matière de travail en ligne. filières normales de formation profession-
pluraliste de for mation nelle initiale et continue, apportant ainsi
professionnelle européenne Un futur nouveau système pluraliste de une contribution à l’égalité des chances et
devrait se doter de normes formation professionnelle européenne à l’acquisition d’une compétence en médias
prenant pour modèles les devrait se doter de normes prenant pour qui soit une aptitude universellement ac-
meilleures pratiques et les modèles les meilleures pratiques et les cessible du citoyen.
solutions les mieux éprou- solutions les mieux éprouvées que l’on
vées que l’on puisse trouver puisse trouver dans les systèmes existants Mais à qui revient-il d’ouvrir la voie, d’as-
dans les systèmes existants de formation professionnelle initiale et surer un financement et d’octroyer des
de formation profession- continue des pays d’Europe. fonds à de tels projets pilotes visant dans
nelle initiale et continue des le domaine de la formation profession-
pays d’Europe.” L’image d’une Europe d’inégale réparti- nelle (initiale et continue) à mettre en
tion des chances et des possibilités se place des normes européennes en matière
trouvera consolidée si l’on admet que de technologie de l’information et de la
certaines dispositions existant dans communication?
d’autres pays puissent servir d’alibi pour
donner droit de cité à une “modernité” Les mentalités figées tout comme les for-
constituant un pas en arrière (dans le cas mules désuètes de gestion, l’absence de
“Liberté, égalité, fraternité: de l’Allemagne, si le système dual venait compétences informatiques et le défaut
s’agit-il là d’idéaux promet- à être supprimé), notamment dans l’opti- de marge de manœuvre financière cons-
teurs pour les formateurs que d’un idéal fondamental de la vérita- tituent autant d’entraves au changement
opérant dans le contexte ble modernité: l’égalité des chances. nécessaire, inéluctable et mal-aimé. Mal-
européen, ou bien de reli- aimé, parce que le nombre des emplois
quats poussiéreux d’une Liberté, égalité, fraternité: s’agit-il là supprimés du fait des gains de producti-
tradition surannée? Cette d’idéaux prometteurs pour les formateurs vité est jusqu’à présent plus important que
question décidera notam- opérant dans le contexte européen, ou celui des emplois créés.
ment de la disponibilité et bien de reliquats poussiéreux d’une tra-
des aptitudes à la maîtrise dition surannée? Cette question décidera Cette évolution place devant de nouveaux
des nouveaux médias, de notamment de la disponibilité et des ap- défis les institutions, les entreprises et
l’aptitude à la compétence titudes à la maîtrise des nouveaux médias, aussi les travailleurs, y compris les chô-
en médias! Ce dont nous de l’aptitude à la compétence en médias! meurs et assistés sociaux qui se trouvent
avons ici besoin, c’est d’une Ce dont nous avons ici besoin, c’est d’une évincés en marge de la société. La forma-
offensive pour maîtriser offensive pour maîtriser l’avenir! tion initiale et continue se trouvera de ce
l’avenir!” fait confrontée à l’avenir à des missions
En ce qui concerne la formation profes- capitales qu’il importera de résoudre sans
sionnelle, cela signifie qu’il faut donner retard.
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FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
CEDEFOP
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FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
Burkart Sellin
CEDEFOP L’état de la recherche
européenne en forma-
Phillip
tion professionnelle,
Grollmann
Institut für Technik
und Bildung,
ses fonctions et
Université de Brême
ses problèmes1
critères scientifiques et des méthodes adé- port existant avec son évolution histori- “La recherche sur la forma-
quates, des conditions personnelles et so- que. La formation technico-scientifique tion professionnelle dési-
ciales, des processus de transmission et dispensée au sein des instituts supérieurs gne l’étude, menée suivant
d’acquisition des connaissances et des d’enseignement technique (Technische des critères scientifiques et
savoir-faire et des résultats qui y sont ob- Hochschulen) est issue, à la fin du XIXe des méthodes adéquates,
tenus, ainsi que des points de vue et des siècle en Allemagne, des écoles industriel- des conditions personnelles
comportements revêtant une importance les. Les écoles d’économie ou de com- et sociales, des processus
particulière pour le rôle actuellement joué merce sont venues s’ajouter ultérieure- de transmission et d’acqui-
ou à jouer dans le processus de la divi- ment. Cette division en deux “pédagogies sition des connaissances et
sion économique et sociale du travail. partielles” (Keiner et Schriewer 1990) cor- des savoir-faire et des ré-
respond donc au processus historique de sultats qui y sont obtenus,
La recherche européenne en formation différenciation de deux systèmes institu- ainsi que des points de vue
professionnelle désigne ici les recherches tionnels: d’une part les écoles supérieu- et des comportements revê-
dont l’attribution, la réalisation et la res de commerce, destinées à former les tant une importance parti-
budgétisation sont (co)décidées par les professeurs des écoles de commerce, culière pour le rôle actuel-
institutions de l’Union européenne. Il d’autre part les écoles normales industriel- lement joué ou à jouer dans
existe bien entendu aussi une activité non les, destinées à former les enseignants le processus de la division
négligeable de recherche menée à une dans le domaine des techniques indus- économique et sociale du
échelle nationale et internationale sur trielles. Dans ces instituts, qui ne fonc- travail.”
cette thématique, mais elle dépasse cette tionnaient tout d’abord que comme lieux
définition. de formation des enseignants, quelques-
uns des membres du personnel enseignant
développèrent peu à peu un intérêt scien-
Objet et discipline, métho- tifique pour chaque type de formation: la
formation aux techniques industrielles
des et choix des champs d’une part, la formation au commerce
de connaissance d’autre part 3. C’est ainsi que l’objet de
cette direction de recherche est étroite-
Les processus historiques de la constitu- ment lié à l’évolution historique de la for-
tion de cette discipline, ainsi que les dé- mation professionnelle; en outre, l’établis-
cisions fixant l’objet de la recherche et sement de cette pédagogie en tant que
les méthodes (Kämäräinen 1998) à appli- discipline scientifique a également été lié
quer ne sont aucunement uniformes, mais à des intérêts corporatistes.
dépendent fortement des caractéristiques
régionales, sectorielles et nationales res- Le rôle important que continuent de jouer
pectives. aujourd’hui en Allemagne les chambres
de métier, les corporations et les cham-
Voici quelques exemples pour illustrer bres de commerce et d’industrie dans la
notre propos: formation professionnelle est également
un signe révélateur de l’importance ma-
l’émergence de la formation profession- jeure que revêt la politique corporatiste
nelle en tant que discipline scientifique dans le système de formation profession-
dans le monde ger manophone est nelle allemand.
étroitement liée à la formation des pro-
fesseurs d’écoles professionnelles dispen- Dans d’autres États, où la formation pro-
sée dans l’enseignement supérieur depuis fessionnelle a traditionnellement plutôt
les années 60. Ce concept est à la fois un tendance à jouer un rôle de bouche-trou
concept général et un “concept spécifi- à côté de la formation générale et de la
que”, qui est surtout appliqué à la forma- formation scientifique et technique, la
tion professionnelle technico-industrielle recherche sur la formation professionnelle
destinée à l’industrie de production et à a en soi beaucoup de mal à affirmer sa
l’artisanat. propre légitimité et souffre de la fragilité
de son infrastructure (Patiniotis 1998).
La division traditionnelle en pédagogie
professionnelle, dont l’objet est la forma- Le système allemand de formation pro-
tion aux techniques industrielles, et en fessionnelle et économique s’inscrit dans
pédagogie des sciences économiques, la longue tradition de la réflexion me- 3) Cf. Deutsche Forschungsgemein-
dont l’objet est la formation au commerce, née dans le domaine de la philosophie schaft, 1990; Lauterbach et Mitter,
constitue un excellent exemple du rap- de l’éducation, de la pédagogie, ainsi 1998; Georg, 1998.
CEDEFOP
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FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
que, plus récemment, de la recherche pé- à étudier que depuis peu, ont déjà fait
dagogique. Il s’est également toujours depuis un certain temps, dans d’autres
préoccupé des questions fondamentales pays, l’objet d’une recherche en matière
qui se posaient en matière de pédagogie de formation professionnelle. C’est par
générale, et s’est attaché à étudier son exemple le cas de la relation existant en-
rapport à cette même discipline tre “formation professionnelle et dévelop-
(Stratmann, 1993). L’élément fondamen- pement organisationnel” (Dybowski, Pütz
tal est que - au-delà des différences - ce et Rauner, 1995). Dans certains pays où
qui constitue la référence ontologique, la structure organisationnelle d’entreprise
c’est l’individu et les conditions de réus- est très marquée par les différentes pro-
site de sa “genèse personnelle”4, de quel- fessions en tant qu’instrument d’un “dé-
que nature qu’elle soit. Depuis les an- veloppement organisationnel implicite”
nées 70, les travaux réalisés dans le do- (Drexel, 1995), de telles questions se po-
maine des sciences économiques et so- sent, alors qu’ailleurs elles font l’objet de
ciales ont revêtu une importance gran- la théorie et de la recherche sur le déve-
dissante pour la recherche en formation loppement du personnel et de l’organisa-
professionnelle. On peut en particulier tion, les “sciences professionnelles” ou
citer la recherche sur le marché du tra- “pédagogies professionnelles” correspon-
vail et les professions, la recherche dantes.
sociologique (industrielle) sur les quali-
fications, ainsi que la recherche en ma- Dans le monde anglo-saxon, la recherche
tière de biographie professionnelle et de sur le passage de l’école au monde du
(socio)psychologie (DFG, 1990). travail a certainement une tout autre im-
portance que dans un pays comme l’Alle-
En simplifiant, on peut considérer que la magne, où le “système dual” en particu-
recherche française sur la formation pro- lier assure une transition relativement
fessionnelle, bien plus que la pédagogie “douce” entre l’école et le monde du tra-
professionnelle de tradition allemande, vail (Rauner, 1998, Finch, Mulder, Attwell,
trouve son origine dans le développement Rauner, Streumer, 1997). Il convient de
des sciences positives et expérimentales. mettre en rapport le degré d’avancement
Le débat mené dans la tradition scientifi- et le volume important de ces recherches
que allemande sur les questions de phi- en Grande-Bretagne (ainsi qu’au Canada
losophie de l’éducation ne trouve pas et aux États-Unis) avec la façon particu-
d’équivalent en France, du moins pas en lière de définir les problèmes au niveau
tant que sous-catégorie d’une discipline de la société, qui est étroitement liée aux
plus générale (Schriewer, 1983, p. 361). modes de fonctionnement respectifs du
Plus qu’en Allemagne, le concept de “re- système de production et du système de
cherche en formation professionnelle” formation et à leur interaction.
semble se définir en France par l’objet
commun aux diverses approches. C’est
pour cette raison que la valeur et l’im- La recherche européenne
portance de la “recherche socio-écono-
mique” - par rapport à la “pédagogie pro-
en matière de formation
fessionnelle et économique” - pour la re- professionnelle
cherche en formation professionnelle, qui
couvre ces deux disciplines, ne soulèvent La multiplicité des approches et des ob-
ici pratiquement aucun débat. En France, jets de la recherche évoquée, seulement
la recherche sur la formation profession- à titre d’exemple, de même que les di-
4) Cf. pour la critique de ce point de nelle a plutôt tendance à être absorbée vers degrés de développement de la re-
vue par ex. Klaassen, Kraayvanger et par la recherche socio-économique cherche sur la formation professionnelle
Onna, 1992.
(Keiner et Schriewer, 1991). Les sciences dans les États membres, permettent de
5) La question du statut n’est certes de l’enseignement et de l’éducation éclip- comprendre les problèmes auxquels la
pas un problème spécifiquement fran- sent dans une large mesure la recherche recherche européenne en formation pro-
çais, cette tendance à la marginali-
sation de la recherche sur la forma- sur la formation professionnelle, à cause fessionnelle est quotidiennement confron-
tion professionnelle et de la pédago- de son statut comparativement moins tée. Les processus de recherche à un ni-
gie professionnelle par rapport aux élevé5. veau européen se caractérisent par des
sciences de l’éducation se retrouvant
également au Royaume-Uni et en Al- difficultés particulières, qui vont du pro-
lemagne, même si elle y est moins Certaines relations, que la tradition alle- blème tout à fait pratique du choix du
marquée. mande, à titre d’exemple, ne commence “bon” partenaire pour un projet de recher-
CEDEFOP
76
FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
che à la rédaction des résultats de la re- Ces motivations diverses sous-tendent “Dans l’ensemble, on peut
cherche, en passant par la définition con- - chaque fois avec un poids différent - les affirmer que, bien plus en-
jointe du sujet à traiter. projets de recherche menés dans le cadre core au niveau européen
de la recherche européenne en matière qu’au niveau des États
Dans l’ensemble, on peut affirmer que, de formation professionnelle. membres, les recherches
bien plus encore au niveau européen menées sur la formation
qu’au niveau des États membres, les re- Ainsi, par exemple, le projet EUROPROF6 professionnelle se définis-
cherches menées sur la formation profes- définit-il ses objectifs de la manière sui- sent par leur objet commun,
sionnelle se définissent par leur objet vante: et non par leur apparte-
commun, et non par leur appartenance à nance à une discipline
“Le but à long terme de ce projet est de
une discipline scientifique particulière. scientifique particulière.”
développer une ‘communauté’ de cher-
cheurs et de praticiens de la FEP, ainsi que
Les centres d’intérêt qui sont à la base de
la ‘professionnalisation’ de la FEP [mise
la recherche européenne sur la formation
en exergue par les auteurs], en d’autres
professionnelle sont en règle générale très
termes, de s’assurer la reconnaissance de
étroitement liés au processus politique de
la FEP en tant que discipline et profes-
l’unification européenne. Le rapport à ce
sion à part entière. Dans l’immédiat, le
processus et l’éventuelle contribution à
projet vise à mettre sur pied un réseau
la résolution des problèmes qui y sont
international de chercheurs en formation
liés constituent généralement un critère
et enseignement professionnels et à créer
nécessaire pour l’obtention d’une aide.
de nouvelles qualifications pour les pro-
fessionnels, les planificateurs, les ensei-
Non seulement l’existence d’un lien étroit
gnants et les formateurs de la FEP par le
avec les questions politiques et les solu-
biais d’une formation nommée European
tions éventuelles n’est pas rare, mais elle
Masters (MA) pouvant être dispensée dans
constitue depuis toujours un facteur dé-
les universités des différents pays euro-
terminant pour les recherches internatio-
péens.” 7
nales/transnationales. En simplifiant un
peu, on peut opposer à ces intérêts con-
Dans le même temps, Hannan fixe l’ob-
crets d’une recherche sociale internatio-
jectif suivant:
nale l’intérêt éventuel pour la vérifica-
tion empirique ou la validation de théo- “Analyser en détail l’impact des différen-
ries. ces institutionnelles nationales dans les
dispositifs d’enseignement et de formation
Dans le contexte de la recherche euro- [mise en exergue par les auteurs] et dans
péenne en formation professionnelle, on les liens existant entre l’enseignement et
se trouve souvent confronté (en partie la formation d’une part et le marché du
implicitement, en partie explicitement) à travail d’autre part, sur la nature et la réus-
la question de savoir si, avec l’adoption site des transitions: étudier des questions
de l’idée directrice d’une intégration euro- telles que l’exclusion, le degré d’adé-
péenne croissante, on ne devrait pas rem- quation du niveau et du contenu entre
placer la recherche sur la formation (pro- les formations et les emplois, l’‘inflation
fessionnelle) traditionnellement compara- des qualifications’, la surqualification, etc.
tive par d’autres approches de recherche. L’hypothèse principale est que d’impor-
À notre avis, ce débat rappelle, par sa lo- tantes interactions se produisent entre ces
gique, le débat mené dans la Pédagogie dispositifs institutionnels nationaux d’une
comparative ou internationale sur le rap- part et, d’autre part, la relation existant
port existant justement entre ces deux entre l’origine sociale et les résultats ob-
disciplines (Epstein, 1994; Mitter, 1993; tenus dans l’enseignement ou la forma-
Schriewer, 1992). Alors que la recherche tion, ainsi que la relation existant entre
comparative se définit plutôt par un inté- ces résultats et les processus et résultats
rêt analytique envers la “mise en relation de la transition entre l’école et le monde
de relations” (Schriewer, 1987) dans di- du travail.” (Hannan, 1999)
6) Europrof: New Forms of Education
vers environnements-systèmes, la recher- of Professionals in VET.
che international(ist)e vise à l’obtention Dans les deux cas, il s’agit d’intérêts légi-
d’un savoir rationnellement fondé permet- times dans toute recherche transnationale. 7) http://www.itb.uni-bremen.de/
Projekte/europrof/Default.htm; l’ac-
tant d’aboutir à une compréhension mu- Ils se présupposent mutuellement et se tualité des informations sur les sour-
tuelle et à un accord entre des personnes trouvent de ce fait en relation d’inter- ces dans le Web a fait l’objet d’une
d’origine culturelle différente. action. vérification avant impression.
CEDEFOP
77
FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
Intérêt pratique
certainement, tout au moins de manière
idiographique mélioriste
implicite, à la base de nombreux projets
nomothétique évolutionniste pilotes Leonardo da Vinci.
professionnelle continue en Europe” (Van n’est toutefois attesté actuellement de “Il reste souhaitable de pro-
Wieringen, 1998; CEDEFOP, 1999) peu- manière étendue et dans une optique céder, au niveau des États
vent se classer dans cette catégorie. comparative qu’à un niveau rudimentaire. membres, à une analyse
Ce déficit ne favorise pas le développe- plus précise des activités
Afin de ne pas se contenter de décliner ment de structures - telles celles d’une de recherche en formation
au long des différents projets cette grille véritable discipline - au sein de la recher- professionnelle en liaison
de classement brièvement présentée, mais che européenne en formation profession- avec le processus de l’uni-
de montrer également sa valeur analyti- nelle, étant donné que les connaissances fication européenne, tout
que, on peut maintenant étudier lesquel- déjà acquises ne sont pas tenues à la dis- en tenant compte de leurs
les des fonctions citées sont en jeu dans position d’un assez large public, et doi- dominantes respectives.
la recherche européenne menée jusqu’à vent ainsi être sans cesse reconstituées. Faire apparaître claire-
présent en matière de formation profes- Les nouveaux travaux menés dans cette ment ces activités revêt une
sionnelle. Il est frappant de constater que direction ne devraient pas seulement por- importance capitale pour
ce sont en particulier les deux fonctions ter sur un recensement des connaissan- l’instauration de la trans-
“idiographique” et “expérimentale”, c’est- ces existantes, mais ils devraient égale- parence, dans la perspec-
à-dire les deux types d’intérêt relevant de ment les expliquer en se référant à leur tive d’une poursuite du dé-
la dimension théorique, qui sont les moins création et à leur relation - ou fonction - veloppement de la ‘recher-
représentées10. par rapport à d’autres domaines partiels. che européenne en forma-
tion professionnelle’.”
Cela signifie que la recherche européenne De même, il faudrait réfléchir à l’oppor-
en matière de formation (professionnelle) tunité d’imbriquer plus étroitement les
- telle que nous l’avons définie au départ - activités de recherche nationales et la re-
se déploie pour l’essentiel sur le côté droit cherche européenne en formation profes-
de la matrice (fig.1). sionnelle, de manière à éviter que cha-
Insérer ici le graphique cune ne s’isole de l’autre, comme si elle
Les domaines de fonctions situés sur le formait un domaine distinct. Les instan-
côté gauche de la matrice constituent tou- ces de la recherche en formation profes-
tefois une base importante pour une in- sionnelle au niveau des États membres
terprétation correcte des résultats de re- pourraient par exemple tirer profit des
cherche de projets transnationaux, et donc grands avantages offerts par le recours à
pour une adaptation rationnelle de ces des experts extérieurs (dans le cas pré-
résultats dans la pratique politique. sent, à des experts issus d’autres tradi-
tions nationales de recherche) (Klaasen,
Kraayvanger et Onna, 1992).
Perspective
Il faut rechercher un accord sur les critè-
res de qualité, les méthodes et les finalités
Il reste souhaitable de procéder, au ni- d’une recherche à l’échelle européenne.
veau des États membres, à une analyse Les premiers travaux à ce sujet sont dis-
plus précise des activités de recherche en ponibles ou vont paraître très prochaine-
formation professionnelle en liaison avec ment (Dietzen, Kuhn, 1998, CEDEFOP
le processus de l’unification européenne, (Tessaring), 1998, Lauterbach et Sellin,
tout en tenant compte de leurs dominan- 1999). Ce domaine attribué traditionnelle-
tes respectives. Faire apparaître clairement ment à la “recherche fondamentale” pour-
ces activités revêt une importance capi- rait également servir la “recherche appli-
tale pour l’instauration de la transparence, quée”. Il est actuellement à peine pris en
dans la perspective d’une poursuite du considération dans la politique d’aide de
développement de la “recherche euro- l’UE, qui n’a pas eu d’effet sur les dispa-
péenne en formation professionnelle”. rités existant dans l’évolution de la disci-
pline au niveau des États membres. En
À l’heure actuelle, la “recherche euro- outre, un lien trop étroit avec les intérêts
péenne en formation professionnelle” n’a (éventuellement à court terme) définis
pas eu pour moindre résultat de créer un antérieurement peut faire obstacle à la
volume de savoir considérable, tant ex- fonction de la recherche, qui est d’appor-
plicite qu’implicite, sur la recherche ter un “correctif à l’échelle de la société”. 10) Cf. également l’importance pro-
transnationale et la coopération à la re- portionnelle des postes budgétaires
consacrés à des projets pilotes, des
cherche (incluons ici le savoir sur le pro- Ce débat doit donc être mené non seule- études et des analyses dans le cadre
cessus de coopération, au même titre que ment à l’intérieur de la discipline (à un du programme Leonardo da Vinci,
sur les divers objets d’étude). Ce savoir niveau théorique), mais aussi sur le plan (COM(97)399).
CEDEFOP
79
FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
Bibliographie
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CEDEFOP
80
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Europa, Ansätze, Politikbezüge, Innovations- Syndrom? Universitäre Erziehungswissenschaft im
transfer, parution en 1999. deutsch-französischen Vergleich”, in Zeitschrift für
Pädagogik, 29 ème année (1983), cahier 3, p. 359-
Hörner W. (1997): “‘Europa’ als Herausforderung 388.
für die Vergleichende Erziehungswissenschaft -
Reflexionen über die politische Funktion einer Schriewer J. (1987): “Funktionssymbiosen von
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Botho von Kopp, Uwe Lauterbach, Ulrich Schäfer Konstrukte in vergleichender Erziehungsforschung”,
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Mitter pour son 70 ème anniversaire, Cologne
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forschung an den Hochschulen der Bundesrepu- forschung - Probleme und Perspektiven”, en:
blik Deutschland’”, in Zeitschrift für Berufs- und Kodron C., von Kopp B., Lauterbach U., Schäfer
Wirtschaftspädagogik, 88ème année (1992), cahier 3, U., Schmidt G. (dir.), Vergleichende Erziehungs-
p. 245-251. wissenschaft. Herausforderungen - Vermittlung -
Praxis, mélanges en l’honneur de Wolfgang Mitter
Lauterbach U., Mitter W. (1998): “Theory and pour son 70ème anniversaire, Cologne (Böhlau), 1997,
Methodology of international comparisons”, ex p. 161-172.
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tion et enseignement professionnels en Europe, for the vocational training and adult education
Luxembourg, 1998, p. 235-272. sector, Amsterdam, 1998.
CEDEFOP
81
ÀFORMATIONlire O
PROFESSIONNELLE N 17 REVUE EUROPÉENNE
Choix de lectures
Rubrique réalisée par
Anne Waniart,
Europe International
responsable du service do-
cumentation du CEDEFOP,
avec l’appui des membres Informations, Disponible dans les bureaux de vente de
l’UE - http://eur-op.eu.int/en/general/s-
du réseau documentaire études comparatives ad.htm.
EN DA
Les transformations des compétences
du personnel technico-commercial Le rapport sur l’évaluation de l’apprentis-
dans une société basée sur les connais- sage antérieur et informel en France pré-
La rubrique “Choix de lectu- sances: études de cas en France, au sente les contributions d’experts sur les
res” propose un repérage des Portugal et en Écosse. questions suivantes: dans quelle mesure
publications les plus significa- PAUL J-J et al. (dir.) les méthodologies d’évaluation de l’ap-
tives et récentes relatives à Institut de recherche sur l’économie de prentissage non formel peuvent-elles être
l’évolution de la formation et l’éducation, IREDU; Dinâmia - Centro de considérées comme étant valables et
des qualifications aux niveaux Estudos sobre a Mudança Socioeconó- fiables? Dans quelle mesure ces évalua-
européen et international. Pri- mica; Scottish Qualifications Authority, tions sont-elles acceptées par les indivi-
vilégiant les ouvrages compa- SQA; Centre européen pour le dévelop- dus et le marché du travail?
ratifs, elle signale également pement de la formation professionnelle,
des études nationales réalisées CEDEFOP
dans le cadre de programmes Luxembourg: EUR-OP, 1998,VII, 120 p. Das Berufsbildungssystem
européens et internationaux, (Panorama, 77) in Österreich.
des analyses sur l’impact de ISBN 92-828-3761-0, en PISKATY G et al.
l’action communautaire dans Cat. n°: HX-14-98-825-FR-C Centre européen pour le développement
les États membres, ainsi que Disponible dans les bureaux de vente de de la formation professionnelle, CEDEFOP
des études sur un pays vu d’un l’UE - http://eur-op.eu.int/en/general/s- Luxembourg: EUR-OP, 1998, 125 p.
regard extérieur. La section ad.htm. ISBN 92-828-3551-0, de
“Du côté des États membres” FR Cat. n°: HX-07-97-684-DE-C
rassemble une sélection de pu- Disponible dans les bureaux de vente de
blications nationales significa- L’étude identifie les compétences requises l’UE - http://eur-op.eu.int/en/general/s-
tives. pour le personnel technico-commercial ad.htm.
(niveau européen 3-4) travaillant dans deux DE
secteurs où l’impact des mutations tech-
nologiques est très fort: le secteur de l’élec- Après une introduction consacrée à la
tronique et celui des télécommunications. présentation du contexte démographique
Ces deux secteurs évoluent en fonction de et économique, ce document donne une
la R&D (recherche et développement) et description complète du système autri-
de l’accroissement de la concurrence dû à chien de formation professionnelle. Il
la déréglementation des marchés des télé- présente les caractéristiques de la forma-
communications. L’étude vise à repérer la tion professionnelle initiale et continue,
place des techniciens du niveau 3-4 dans le cadre réglementaire et financier, les
les activités technico-commerciales, à en questions de qualité et enfin, les tendan-
tracer l’évolution et à mettre en évidence ces et les perspectives du système.
l’impact de l’innovation dans la structure
de leurs profils professionnels.
Development of standards
in vocational education and training:
Identification, validation et accrédi- volume 1.
tation de l’apprentissage antérieur et KUNZMANN M; LAUR-ERNST U;
informel: France. HOENE B
FEUTRIE M Fondation européenne pour la formation,
Centre européen pour le développement ETF
de la formation professionnelle, CEDEFOP Bundesinstitut für Berufsbildung, BIBB
Thessalonique: CEDEFOP, 1998, V,79 p. Luxembourg: EUR-OP, 1998, 47 p.
(Panorama, 71) (Manuel)
ISBN 92-828-2551-5, en ISBN 92-828-4427-7
Cat. n°: HX-11-97-423-FR-C Cat. n°: AF-07-98-001-EN-C
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dans cette brochure. Ces articles ont pour Dublin: Stationery Office, 1999, 53 p.
thèmes la pédagogie universitaire de l’en- Government Publications,
seignement commercial dans l’entreprise Postal Trade Section,
et à l’école professionnelle. Ils examinent 4-5 Harcourt Road,
de nouvelles structures et conditions de IRL-Dublin 2.
travail dans ce secteur. Ils présentent leurs EN
premiers résultats concernant l’acquisition
de savoir à l’aide de méthodes ciblées, La loi qui fait l’objet de cette publication
l’acquisition de la compétence à agir, le présente les caractéristiques suivantes:
rapport dialectique entre l’intérêt pour une création d’une administration nationale de
profession et les compétences, la motiva- la formation (National Qualifications
tion à apprendre et les qualités morales. Authority) chargée de promouvoir la qua-
lité de la formation et de l’enseignement
complémentaires et supérieurs et l’accès à
Erfolgsfaktor Qualifikation: unterneh- l’enseignement et à la formation, la pro-
merische Aus- und Weiterbildung in gression et le passage de l’un à l’autre;
Deutschland. institution du Further Education and
Résumé: étude diligentée par le ministère Training Awards Council, une instance de
fédéral de l’Économie. délivrance des titres et des diplômes d’en-
Institut für Mittelstandsforschung, Bonn; seignement et de formation post-scolaires,
Institut für Mittelstandsökonomie, Trèves; qui reprendra les fonctions de certification
Bundesministerium für Wirtschaft, BMWi assumées actuellement par la FAS, l’agence
Bonn: BMWi, 1998, II, 44 p. pour la formation et l’emploi, et d’autres
(Studienreihe / BMWi, 98) organismes de certification; création du
ISSN 0344-5445 Higher Education and Training Awards
DE Council, une instance de délivrance des
titres et diplômes d’enseignement supé-
Des personnes travaillant à leur compte rieur, qui reprendra les fonctions de
ont été interrogées pour cette expertise, certification de la formation et de l’ensei-
afin de déterminer le rapport entre les gnement supérieurs du National Council
besoins de formation professionnelle con- for Educational Awards et d’autres orga-
tinue de ce groupe et l’offre. Tous les ty- nismes de certification; des dispositions
pes de formation ont été pris en considé- nouvelles prévoyant de déléguer à un
ration, de l’enseignement général à l’uni- Institute of Technology le pouvoir de déli-
versité. Leur utilité pratique pour les créa- vrer des diplômes. N.B.: Le texte de la loi
teurs d’entreprise a été analysée. Des re- est accompagné d’un supplément explica-
commandations destinées à accroître la tif, avec une note sur le financement.
propension des créateurs d’entreprise a
investir davantage dans leur propre qua-
lification ont été formulées. Il ressort de
cette étude que l’offre de formation ini-
tiale et continue peut répondre à la de-
NL WEBnet
Demonstratie CD.
Vereniging Landelijke Organen Beroeps-
mande, et ce du point de vue des conte- onderwijs, COLO
nus comme du point de vue du temps et Zoetermeer: COLO, 1999
des coûts. Mais il apparaît également 1 CD Rom
qu’une très grande partie des jeunes chefs COLO,
d’entreprise échoue dans les cinq premiè- Postbus 7259,
res années parce qu’ils ne sont pas suffi- 2701 AG, Zoetermeer,
samment qualifiés. Une cause importante 079-3523000
des insolvabilités est à chercher dans ces NL
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FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
WEBnet (WEB = Adult and Vocational des indicateurs approximatifs des coûts
Education Act) est un projet lancé par les effectifs. D’autres objectifs possibles sont
organismes nationaux de formation pro- ajoutés dans certains cas pour obtenir un
fessionnelle. Il a pour but d’améliorer la scénario donnant une idée des coûts à
communication entre les établissements envisager pour atteindre différents objec-
d’enseignement et les instances nationa- tifs. Il convient toutefois de tenir compte
les pour le développement de la pratique du fait que ces objectifs sont encore quel-
professionnelle, en facilitant l’échange de que peu arbitraires.
données à l’aide des technologies de l’in-
formation et de la communication (TIC).
Les instances nationales et tous les éta-
blissements d’enseignement peuvent pro-
poser et échanger des informations et les
P A edificação da escola de
amanhã e as mudanças
necessárias na administração pública.
combiner efficacement. Ensemble, ils peu- [La construction de l’école de demain
vent contribuer à aider les organismes et les changements nécessaires dans
(pertinents) de formation en milieu pro- l’administration publique].
fessionnel à proposer des parcours de BENAVENTE A
formation optimaux dans un environne- Instituto Nacional de Administraçäo, INA
ment de travail concret. Le CD de démons- Lisbonne: INA, 1998, p. 341-348
tration donne un aperçu des applications Instituto Nacional de Administraçäo,
suivantes de WEBnet: un répertoire cen- Palácio do Marquês de Pombal,
tral des organismes de formation en mi- P-2780 Oeiras
lieu professionnel, une bourse des pla- PT
ces de formation, le module des organis-
mes nationaux de formation profession- Cette communication présente les aspects
nelle [LOB] (avec des détails sur les orga- stratégiques du système éducatif portu-
nismes de formation en milieu profession- gais, en insistant sur l’évaluation comme
nel, les formateurs et les participants) et facteur important d’un nouveau modèle
le module des centres de formation ré- d’organisation des établissements scolai-
gionaux [ROC] (répertoire d’adresses). res et elle propose de donner aux écoles
une plus grande autonomie et davantage
de responsabilités, et de les intégrer da-
Monitoring and financing lifelong vantage dans les communautés locales.
learning: country report the Nether- L’auteur s’interroge entre autres sur l’effi-
lands. cacité du système éducatif actuel, centra-
BAAIJENS C et al. lisé et bureaucratique. Un nouveau mo-
Max Goote Kenniscentrum beroeps- dèle de gestion, visant à faciliter la parti-
onderwijs volwasseneneducatie, MGK cipation de la collectivité, est justifié.
Amsterdam: MGK, 1998, 213 p. L’évaluation est présentée comme un fac-
Max Goote Kenniscentrum, teur d’importance, comme un instrument
Wibautstraat 4, permettant de mesurer l’efficacité du sys-
1091 GM, Amsterdam, tème éducatif.
020-5251245
EN
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Der niers N° 14/98 Peut-on mesurer les bénéfices de l’investissement dans les ressour-
numér os ces humaines?
en français Retour sur investissement: qui paie? Qui en profite?
• Écoute la réponse dans le vent. Les investissements dans la formation dans la perspec-
tive de la comptabilité des ressources humaines (Ulf Johanson)
• Traiter sur un plan égal l’investissement physique et l’investissement en formation
(Isabelle Guerrero)
• La formation continue interne dans les entreprises d’Europe: tendances (Thomas Stahl)
• L’autoévaluation, voie royale de l’assurance qualité dans la formation continue?
(Thomas Stahl)
Études de cas
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FORMATION PROFESSIONNELLE NO 17 REVUE EUROPÉENNE
N° 16/99
• Quelques règles pour la définition des besoins en qualifications des entreprises (Karin
Büchter)
• La création d’organisations apprenantes. De la théorie à la pratique - l’enseignement des
entreprises européennes (Barry Nyhan)
• Ramener à l’école et dans le monde du travail les personnes en situation d’abandon sco-
laire - l’Université populaire nordique (Staffan Laestadius, Ingrid Hallman)
Suréducation et sous-éducation
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Revue européenne
“Formation professionnelle”
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chercheurs ou des spécialistes de la formation professionnelle et de l’emploi. Nous
sommes en quête de contributions permettant à un vaste public de décideurs politi-
ques, de chercheurs et de praticiens à l’échelle internationale d’être informés des
résultats des recherches de haute qualité qui sont menées, notamment de la recher-
che comparative transnationale.
La Revue européenne est une publication indépendante, dont les articles sont soumis
à une critique exigeante. Elle paraît trois fois par an en anglais, français, allemand et
espagnol et jouit d’une large diffusion à travers l’Europe, à la fois dans les États
membres de l’Union européenne et au-delà de ses frontières.
Dans la Revue seront publiés des articles qui présentent des idées nouvelles, rendent
compte des résultats de la recherche ou exposent les expériences et pratiques natio-
nales et européennes. Elle comprendra également des prises de position et des réac-
tions à propos des questions liées à la formation et à l’enseignement professionnels.
Les articles proposés à la publication doivent être précis, tout en étant accessibles à un
public large et varié. Ils doivent être suffisamment clairs pour être compris par des
lecteurs d’origines et de cultures différentes, qui ne sont pas nécessairement familiari-
sés avec les systèmes de formation et d’enseignement professionnels d’autres pays. En
d’autres termes, le lecteur devrait être en mesure de comprendre clairement le contexte
et l’argumentation présentés, à la lumière de ses propres traditions et expériences.
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représentants d’une organisation. La longueur des articles devrait être de 2500 à 3000
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