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N°18 Septembre 2022 LES CARNETS DE MATHILDE COMBES

La ronce : un thé vitaminé et local


Je le fais moi-même : Interview : Dans les bois :
Suspension pour Dans la peau Le safran ou l’or
pot en macramé d’un biologiste rouge des Perses

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L’édito de Mathilde Combes
Septembre se profile et déjà, on laisse la « belle » saison derrière nous.
Avec un certain soulagement, on accueille le redoux de l’automne
après ces mois arides et étouffants. L’été 2022 aura été celui des re-
cords malheureux. Alors que Séoul était inondée, les températures
ont atteint des summums partout en Europe, avec un record de séche-
resse inégalé depuis 1959. De l’autre côté de l’Atlantique, l’Amazonie
a brûlé une fois encore et en Californie, le mercure est monté à plus
de 10°C au-dessus de la norme saisonnière !

En France, plusieurs dizaines de milliers d’hectares sont partis en


fumée, en Gironde, dans le Maine-et-Loire, dans la Drôme, dans
l’Aveyron… dépassant le triste bilan de l’année précédente. En Suisse,
bien qu’épargnés par les feux, les chênes ont sacrifié leurs feuilles un
mois plus tôt que d’ordinaire pour survivre à la chaleur.

À défaut d’eau, ce sont des annonces de catastrophes en série qui ont


inondé nos journaux et nos écrans. Aucun pays ne semble avoir été
épargné. Il y a de quoi se sentir découragé et impuissant.

À ma petite échelle, j’ai envie de faire plus, de faire mieux, pour inver-
ser la tendance et avoir un impact positif sur ce qui m’entoure. J’évite
de prendre l’avion, je privilégie une alimentation locale et de saison,
je trie mes déchets tout en essayant de les limiter et faisant autant
de choses que possibles moi-même, etc. Mais là encore, les discours
décourageants fusent : « seule, tu ne peux rien faire et tes efforts ne
servent à rien ».

Dans ces moments-là, je repense à cette drôle d’anecdote : Igor Sikorsky,


un ingénieur américain de la première moitié du XXe siècle qui conce-
vait des avions affirmait que : « le rapport mathématique entre les
ailes et le poids du bourdon nous démontre que voler lui est impos-
sible mais le bourdon l’ignore, c’est pourquoi il vole ».

J’ai toujours aimé cette citation. Aujourd’hui, on sait pourquoi le


bourdon peut voler : ses battements d’ailes sont extrêmement rapides,
jusqu’à 200 fois par seconde. C’est stupéfiant…. Igor Sikorsky l’ignorait.
Il n’avait pas d’outils assez performants pour le mesurer. Le bourdon
est ainsi capable de voler au prix de gros efforts. Peut-être aussi, parce
qu’il n’a pas conscience qu’il n’en est pas capable. Il le fait et c’est tout.

J’aime croire que c’est pareil pour nous, dans la plupart des domaines.
S’avouer vaincu sans même essayer, simplement parce que cela paraît
impossible, me semble bien pire qu’une tentative ratée. Il n’y aurait
plus aucune tortue de mer si elles se laissaient abattre par les statis-
tiques et les échecs, sachant que seul un œuf sur mille devient une
tortue adulte en moyenne.

Je refuse d’être la simple spectatrice d’une nature qui se meurt.


Je préfère agir en accord avec moi-même et ignorer sciemment que
mes minces actions « ne servent à rien ».

Ce n’est pas parce qu’une chose paraît impossible aujourd’hui qu’elle


le sera encore demain.

À très vite,

Mathilde Combes

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Sommaire
Le chemin des herbes p. 5
La ronce : un thé vitaminé et local

Je le fais moi-même p. 9
Suspension pour pot en macramé

Promenons-nous dans les bois p. 11


Le safran : l’or rouge des Perses

Vivre dans la nature p. 12


Dans la peau d’un biologiste

Petits producteurs, grands produits p. 15


Producteurs de oyas

Vos idées p. 16
Un couscous de glands

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La ronce : un thé vitaminé et local
Il est vrai qu’elle est peu attrayante avec son aspect touffu et ses centaines d’aiguillons. Pourtant, la ronce
a de nombreuses qualités, tant pour l’environnement que pour nos papilles car contre toute attente, elle
a bon goût ! De plus, elle est riche en antioxydants et en minéraux ! En phytothérapie, la ronce est tradi-
tionnellement utilisée pour « resserrer » les muqueuses et ce n’est de loin pas sa seule utilisation !

Une conquérante efficace étamines. Les fleurs de la ronce ressemblent à s’y


méprendre à celles des framboisiers, qui sont de
La plus grande force de la ronce est sa ténaci- la même famille. Elles sont comestibles, mais elles
té et les jardiniers le confirment : il est difficile de n’ont pas de goût particulier. Elles font toutefois une
s’en débarrasser. Elle est non seulement très résis- très belle décoration dans nos assiettes !
tante, mais elle se reproduit aussi de manières très
efficaces. D’une part, elle se reproduit grâce aux De délicieux fruits
graines contenues dans ses fruits. Ces derniers sont
consommés et disséminés par les oiseaux et les Une fois les fleurs fécondées, elles laissent la place
petits mammifères qui rejettent les graines plus loin à des fruits délicieux et riches en nutriments. Ils
après digestion. La ronce peut également se repro- portent le même nom que les fruits du mûrier, ce
duire par « marcottage ». C’est-à-dire que lorsqu’un sont des mûres. En botanique, une mûre est en réali-
bout de rameau touche le sol, il développe des té un ensemble de petits fruits agglomérés appelés
petites racines et devient un nouveau pied. Cette « drupes ». La mûre sauvage a une saveur douce
reproduction très efficace fait que les nombreuses et sucrée qui se cuisine de très nombreuses façons.
pousses de la ronce s’élancent en arc de cercle et Outre les fameuses confitures, liqueurs et sirops à la
colonisent l’espace, un peu comme les tentacules mûre, on peut aussi confectionner des muffins, des
d’une pieuvre. Comme les ronces sont recouvertes clafoutis ou des tartes. Et pour varier les plaisirs, il
d’aiguillons, on se retrouve rapidement avec un n’est pas rare d’en trouver dans des recettes de plats
« roncier » impénétrable. salés, tels que du lapin aux mûres, ou une sauce
pour accompagner le chevreuil. à la fois salées, su-
La protectrice des jeunes pousses crées et fruitées, ces sauces sont délicieuses !

Ces aiguillons que nous détestons tant sont très Un concentré de vitamines
utiles : ils forment une protection hors pair pour le
sol et la petite faune. Comme la ronce n’est pas La mûre ne se contente pas d’être douce pour nos
exigeante pour élire domicile, c’est une véritable papilles, elle l’est aussi pour notre santé car elle
pionnière des sols très appauvris, secs et abî- contient de nombreux nutriments ! Le fruit, lorsqu’il
més. C’est une chance, car elle protège les jeunes est frais, contient des vitamines E, K1, C, PP, B9 et A1.
pousses d’arbres des herbivores tout en leur four- Il possède également des minéraux tels que le fer,
nissant de l’ombre et de l’humus. Les ronces sont le calcium, le potassium et le cuivre. Au printemps,
également une oasis pour les petits mammifères lorsque les jeunes pousses sont encore tendres
et les oiseaux : elles offrent le gîte et le couvert ! et d’un vert très clair, les aiguillons sont mous et la
Grâce à l’abri qu’ils procurent, les tapis de ronces ronce est comestible. Vous pouvez la peler et l’ajou-
constituent de vrais îlots de biodiversité capables ter crue ou cuite à vos salades, comme une asperge.
de régénérer des zones désertes. Quant aux feuilles, elles sont délicieuses en infu-
sion après une fermentation : elles ont un goût de
De la douceur entre les épines framboise. Je vous donne ma recette pour faire fer-
menter les feuilles de ronce dans la rubrique « à
Bien qu’en général on cherche plutôt à éviter les vos fourneaux »
ronces, on y trouve de vrais petits trésors pour nos
yeux et nos papilles. Au milieu de ces rameaux Un soin pour vos muqueuses
épineux, on découvre de jolies petites fleurs. Elles
sont blanches, parfois roses, et comptent 5 pétales, Si je n’ai pas encore réussi à vous faire apprécier
ce qui est typique de la famille des Rosacées. Ces cette plante, voici de quoi vous faire changer d’avis :
pétales sont délicats et entourent de nombreuses elle prend soin de vos muqueuses abîmées. La

1. Guide nutritionnel des plantes sauvages et cultivées, Delachaux et Nieslté. En ligne: www.ciqual.anses.fr

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ronce contient beaucoup de tannins. C’est une fa-
mille de molécules qui a la capacité de resserrer
les tissus. La ronce contient des flavonoïdes, des
sels minéraux, de la vitamine C et de la provitamine
A qui lui confèrent des propriétés bactéricides et
astringentes. On utilise plutôt les feuilles de ronce
qui sont simples à récolter, même si les racines sont
plus efficaces. La meilleure façon de bénéficier de
leurs vertus et soulager vos maux de gorge est de
réaliser une décoction. Je vous explique la marche
à suivre un peu plus bas. Vous pouvez aussi utiliser
cette décoction pour faire des gargarismes et bains
1
de bouche qui soulagent les gencives inflammées2 .»

5 indices pour ne plus la rater


1. Des feuilles aux formes très variables
Les feuilles de la ronce sont composées de plusieurs
folioles, dentées et épineuses. Vous pouvez obser-
ver des feuilles qui ont entre 3 et 5 folioles et qui ne
sont pas toujours nettement découpées.
2

2. Des aiguillons acérés


Les rameaux de la ronce sont bardés d’aiguillons, tous
ceux qui se sont un jour frottés à des ronces peuvent
en témoigner ! Au tout début de leur croissance, ils
sont tendres et verts. Puis, ils deviennent durs, épais
et marrons au fur et à mesure de leur développement.

3. Des fleurs délicates


et pleines d’étamines
3
Les fleurs de la ronce contrastent avec les aiguillons,
car elles sont très délicates. Elles comptent 5 pétales,
allant du blanc-crème au rose pâle. Ils encerclent de
nombreuses étamines. Sur la photo, les pétales sont
tombés et laissent voir les étamines et les sépales
(parties vertes sous la fleur).

4. Des fruits noirs et luisants


Nous connaissons souvent le fruit de la ronce, la
mûre. Elle fait penser à une framboise noire. Il s’agit
en fait d’un ensemble qu’on appelle « drupe », qui
4
est composé de minuscules petits fruits.

5. Des stipules à la base des feuilles


Les stipules désignent des petites excroissances
de feuilles, c’est comme une petite feuille qui n’au-
rait pas poussé. Les stipules se situent au départ de
la feuille, sur la tige principale. Elles ressemblent à
deux minuscules oreilles de lapin !

2. Pour l’amour d’une ronce, Bernard Bertrand, compagnon végétal numéro 5, éditions Terran.

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Conseils de cueilleur

Munissez-vous de gants, d’un pantalon bien épais et de chaussures fermées. Les ronces poussent
souvent dans des endroits difficiles d’accès et leurs rameaux s’accrochent à nos vêtements ou à
notre peau.
Pensez à prendre un panier ou un sachet en papier qui n’abîme pas votre récolte et qui résiste aux
épines de la ronce (ou qui, au contraire, n’est pas dommage).

À vos fourneaux ! Remède maison


Un thé aux feuilles de ronce fermentées… Une décoction pour un bain de bouche
Pour une saveur de framboise dans votre astringent.
tasse !

Ingrédients : Ingrédients :

• Des feuilles de ronces • 100 grammes de feuilles fraîches


• Un linge propre • 1 litre d’eau
• Un récipient hermétique
Ce remède est connu depuis très longtemps. Les
Idéalement, essayez de récolter de jeunes feuilles. Grecs et les Romains s’en servaient déjà pour
Si ce n’est pas possible, les plus âgées fonctionnent soulager les maux de la bouche et de la gorge.
aussi.
Remplissez une casserole avec l’eau froide et
Disposez les feuilles récoltées dans un linge déposez-y les feuilles de ronce.
humide. Puis, refermez le linge et enfermez-le
dans un récipient hermétique (type tupperware ou Portez à ébullition et laissez frémir pendant environ
sachet en plastique pour congélation). 10 minutes. Puis, filtrez pour retirer les feuilles.

Laissez votre récipient fermenter au soleil ou dans Versez votre préparation dans un récipient que vous
une pièce plutôt chaude (25 degrés environ) pendant pouvez conserver environ deux jours au frais.
3 à 5 jours. Plus la température est élevée, moins les
feuilles ont besoin de temps pour fermenter. Utilisez cette préparation en bain de bouche,
entre 3 et 4 fois par jour pour soulager vos
Une fois les feuilles noircies et suintantes, étalez-les gencives abîmées.
pour les faire sécher dans un endroit sec et aéré,
à l’abri de la lumière.

Ces feuilles sèches se conservent comme vos


autres plantes sèches, dans un sachet en papier
non hermétique. De préférence, dans un endroit
frais et sec.

Vous obtenez ainsi un thé local et plein de saveurs !


La fermentation, qui se fait aussi pour le thé noir
d’ailleurs, va permettre de révéler de nouvelles
saveurs, comme celle de framboise.

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À emporter en promenade
Quand : feuilles, toute l’année sauf l’hiver, fruits,
en fin d’été et automne.

La
ro
Floraison : elle est longue et peut durer

nc e - R u
tout le printemps et l’été.
bu
Où : en plaine et en montagne, jusqu’à 1500 s f
mètres d’altitude.

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Propriétés : astringente et nutritive.

os u
s
Parties utilisées : fruits, feuilles, racines
et jeunes pousses.

Comment la reconnaître :
• Des feuilles composées aux folioles dentés
• Des aiguillons tendres et verts sur les jeunes
pousses, puis durs et acérés sur les rameaux
plus anciens
• Des fleurs à 5 pétales avec de très nombreuses
étamines au centre
• Des fruits noirs, parfois bleutés, dont la forme
rappelle celle de la framboise
• Des stipules en forme de minuscules oreilles
de lapin

Ne pas la confondre avec…


Les mûriers

Leur nom porte à confusion et leurs fruits aussi d’ail-


leurs. Ce sont des arbres de la famille des Moracées,
qui servent souvent d’arbre d’ornement, ou qui sont
cultivés pour nourrir les vers à soie. La différence
majeure est facile à repérer : le mûrier est un arbre,
contrairement à la ronce. Les feuilles du mûrier
sont entières et non composées. Celles de la ronce
comptent entre 3 et 5 folioles. Les fruits des deux
plantes sont comestibles.

Les 400 autres espèces…

Hé oui… il existe plus de 400 espèces de ronces re-


censées en Europe…
Les ronces sont tellement nombreuses et complexes
à différencier que leur identification est devenue une
discipline à part entière qui porte même un nom
spécifique ! C’est la batologie, du Grec batos, qui
signifie « ronce ». Je vous invite à laisser l’identifica-
tion exacte des ronces aux spécialistes car en ce qui
nous concerne, nous pouvons toutes les utiliser de la
même façon. Ce n’est donc pas nécessaire de savoir
les différencier.

Mathilde Simon

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Suspension pour pot en macramé
Pour faire une suspension
en macramé, vous aurez
besoin de :
• 26 mètres de fil pour macramé
• Un ciseau
• Du scotch

Étape n°1
Commencez par couper 8 cordons de 4 mètres
chacun. Puis, prenez les extrémités des cordons
dans vos mains pour déterminer le milieu et faites-y
un nœud avec un bout de cordon. Faites 8 nœuds
plats des 2 côtés. Un nœud plat est une série de
2 petits nœuds en miroir. Prenez 2 cordons sur les
bords et laissez les autres cordons au centre. Formez
une sorte de « 4 » avec le cordon de gauche. Avec
le cordon de droite, passez d’abord par-dessus le
cordon de gauche. Traversez ensuite le « tas » de
cordons par en-dessous et passez à l’intérieur de Étape n°3
la boucle du « 4 » aussi par en-dessous. Resserrez.
Puis, faites pareil en miroir : formez un « 4 » avec Séparer vos cordons en 4 groupes de 4. Dans chaque
le cordon de droite. Ces 2 opérations constituent un groupe, faites une vingtaine de ½ nœuds plats. Pour
nœud plat. Faites-en 8 au total d’un côté et de l’autre ce faire, faites toujours vos nœuds du même côté. Par
du centre. exemple, en formant le « 4 » avec le cordon de gauche
uniquement. Une spirale se dessinera naturellement.
Étape n°2

Étape n°4
Faites un nœud de rassemblement pour former Env. 5 cm en-dessous de la fin de vos spirales, faites
une boucle. Avec le bout de cordon qui marquait 2 nœuds plats. Faites attention à ce qu’ils soient tous
le centre, laissez dépasser un bout de fil, faites une à la même hauteur. Ensuite, réalisez à votre guise le
boucle et tournez autour du « tas » de cordons, nombre de spirales que vous souhaitez.
par-dessus la boucle en serrant bien vos tours. Une
fois au bout du fil, faites-le passer à l’intérieur de la Étape n°5
boucle et tirez sur le bout de fil qui dépasse en haut
pour tirer la boucle sous les tours. Pour la fin de la suspension, faites 2 nœuds plats en
utilisant les cordons de 2 groupes différents pour lier
chaque groupe à son voisin. Répétez l’opération une
seconde fois. Terminez votre macramé en faisant à
nouveau un nœud de rassemblement. Coupez les
fils restants à la longueur que vous voulez.

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Des fleurs de safran et leurs précieux stigmates rouge vif

Émondage manuel des fleurs de safran, une étape laborieuse qui nécessite beaucoup de temps.

10
Le safran : l’or rouge des Perses
Le safran, ce petit filament rouge vif et délicat est l’épice la plus chère au monde. Mais sa-
vez-vous pourquoi ? La majeure partie des épices sont issues d’une écorce, d’un rhizome, d’un
fruit ou d’une graine… mais ce n’est pas le cas du safran. Ce dernier provient d’une fleur, ce qui
rend sa récolte fastidieuse et délicate. Si certains se donnent beaucoup de mal pour le cultiver,
c’est pour profiter de son goût unique et de ses nombreuses vertus.

Une épice millénaire L’épice la plus difficile à récolter


Originaire de l’île de Crète, le safran était déjà cultivé La fleur de safran est un crocus, en latin crocus
par la civilisation minoenne il y a 4 000 ans. Il était sativus, dont les pétales sont d’un violet très doux,
déjà très prisé à cette époque, comme en témoigne proche du lilas, avec des subtiles nuances de blanc.
sa présence sur une fresque du palais du roi Minos Le safran a sans doute vu le jour à la suite d’un long
à Cnossos − là où se trouve le fameux minotaure −. processus de sélection : les cultivateurs ne gar-
La fresque représente un homme en pleine récolte daient que les fleurs dont les stigmates étaient les
de fleurs de safran. plus longs.

Cette épice a rapidement conquis tout le pourtour C’est la raison pour laquelle le safran n’existe pas
du bassin méditerranéen, transportée par les mar- à l’état sauvage. De plus, son pollen est stérile. Ce
chands. Appréciée de tous, d’autres civilisations ont qui signifie qu’il ne produit pas de graines. C’est
alors commencé à la cultiver, comme les perses no- grâce à ses bulbes qu’il est cultivé et qu’il se mul-
tamment. D’ailleurs, le safran a acquis une immense tiplie. Comme ce sont les stigmates de la fleur qui
importance dans la culture perse : ils considéraient constituent l’épice, la récolte doit se faire manuel-
qu’il était autant précieux que l’or, d’où son surnom lement, une fleur après l’autre. Sinon, les stigmates
d’or rouge. Même si l’empire Perse a disparu 300 ans sont abîmés.
avant notre ère, le safran est toujours cultivé sur son
ancien territoire qui correspond aujourd’hui à l’Iran. Après la récolte, il faut procéder à l’émondage :
cette étape consiste à séparer la fleur en deux pour
Une précieuse composition prélever délicatement les stigmates à l’aide d’une
pince à épiler. C’est un travail de précision qui de-
Les fleurs de safran sont très mystérieuses : elles mande de la dextérité et beaucoup de temps.
fleurissent aux mois de septembre et octobre et Sachant qu’il faut environ 200 fleurs pour obtenir 1
sortent pendant la nuit sans crier gare. Les Grecs gramme de safran, vous pouvez imaginer l’ampleur
étaient fascinés par cette fleur, ils lui ont même attri- de la tâche. Les difficultés liées à sa culture font du
bué une origine divine. Le goût du safran, unique et safran l’épice la plus chère du monde, avec un prix
inimitable, participe sans doute à sa grande popu- s’élevant à 35 000 euros le kg, en moyenne.
larité. Mais ce n’est pas sa seule qualité, il possède
aussi des propriétés médicinales.

En phytothérapie, il est souvent associé à la rho-


diole, une plante adaptogène. Ensemble, ces deux
plantes régulent l’humeur. Autrement dit, elles re-
donnent le moral ! Le safran contient une molécule
du nom de safranal, qu’on ne trouve nulle part ail-
leurs et qui a pour effet de recapturer la sérotonine,
une des 4 hormones du bonheur. La consommation
de safran – sous forme de complément alimentaire
− remonte notre moral et est d’une grande aide
pour les problèmes en lien avec le stress et l’anxié-
té, comme le manque de sommeil, le surmenage
ou les crises d’angoisse.

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Dans la peau d’un biologiste
Vous êtes-vous déjà demandé en quoi consistait le quotidien d’un biologiste ? Dans le cas de
Vincent, un jeune biologiste de 28 ans, ce sont des journées pleines de rebondissements, de pe-
tits échecs et de belles réussites ! Il s’est intéressé, entre autres, à la chouette effraie, au castor et
au sanglier. Il nous confie avec beaucoup d’humour certaines de ses (més-)aventures.

Dis-moi Vincent, en tant que biologiste, tu es sou- pillons, diptères, etc − sont moins actifs pendant
vent dehors ? la journée dans une zone éclairée artificiellement
pendant la nuit. Et que pour certaines espèces,
Oui, ces temps je suis tous les jours sur le terrain. il y en a à peu près 20% de moins. Et ça c’est un
Je fais des mesures pour mon doctorat en écolo- constat : ça été mesuré. Mais le pourquoi, on ne
gie. Avec mes collègues, on bosse sur l’impact de sait pas. Parce que l’abeille, elle va dormir dans sa
la pollution lumineuse sur la biodiversité. En gros, ruche, elle ne peut pas être directement impactée
on a installé des lampadaires dans différents mi- par le lampadaire.
lieux agricoles : on a éclairé artificiellement des Ce sont donc des mécanismes indirects. Alors
prairies fleuries et laissé d’autres noires. De là, on nous, dans le cadre de notre projet, on essaie de
regarde comment la biodiversité réagit. comprendre ce que c’est que ce bordel. On a mis
On se focalise surtout sur les pollinisateurs diurnes. des hypothèses en place et là on est en train de
On a observé que ces pollinisateurs − abeilles, pa- les tester.

12
S’il n’y a pas d’impact direct, pourquoi la lumière Du coup, il était très consommé pendant le ca-
fait diminuer le nombre d’insectes ? rême et les vendredis. Le castor possède aussi une
glande qui sécrète une substance, le castoréum,
On pense que la lumière attire les prédateurs des pour marquer son territoire. Et cette glande est très
pollinisateurs… Ce n’est pas vraiment que l’abeille recherchée en parfumerie et cosmétique. Y’a aussi
fuit, mais plutôt que l’araignée n’est pas bête et sait eu une grande période où c’était à la mode les to-
qu’il y a tout plein de papillons de nuit qui volent ques, alors on le chassait pour sa fourrure.
autour des lampadaires. Du coup, tu as plein de
toiles d’araignées partout, les abeilles et les papil- Comment tu t’y prends pour repérer des castors ?
lons viennent et se font bouffer. Et l’autre hypothèse
qu’on a, c’est que c’est lié à la flore qui est déran- Les castors sont actifs en soirée. Donc la journée, tu
gée par la lumière. Parce que la petite plante qui se cherches des indices de présence : ils font des bar-
prend du 400 Watts sur la tronche toute la nuit, elle rages, ils coupent des arbres, ils font des terriers...
n’aime pas trop non plus… Après, l’âge est corrélé à la taille des dents : ça veut
Par exemple, nous, on a un cycle circadien : on dort dire que si ce sont de grosses dents c’est un vieux
la nuit et on est actif le jour. En fait, toutes les fleurs castor. Si ce sont de petites dents c’est un jeune. Et
ont aussi ce genre de cycle, elles se ferment, elles comme ils font des monstres marques partout, si tu
s’ouvrent, elles émettent des odeurs pendant le veux savoir le nombre d’individus qu’il y a, tu prends
jour pour attirer des pollinisateurs, ou à l’inverse, une petite réglette et tu mesures. Si ça fait tout le
elles émettent d’autres odeurs pour répulser les temps la même taille, c’est qu’il n’y a qu’un seul in-
herbivores… elles ont tout un cycle et quand on leur dividu. Mais si tu arrives à estimer qu’il y a 4-5 tailles
plante un lampadaire sur la face elles sont com- différentes, c’est plutôt une famille.
plètement paumées. Elles sont fermées le jour et
ouvertes la nuit. Est-ce qu’on t’a proposé de nouveaux projets ces
Ça fait un moment que les biologistes étudient l’im- derniers temps ?
pact de l’éclairage nocturne sur les chauves-souris,
les papillons de nuit et les espèces actives la nuit… On nous a proposé de collaborer à un autre pro-
c’est bien. Mais on a remarqué qu’en fait, le jour aus- jet en lien avec la grippe porcine africaine. En fait,
si, il y a des répercussions, et je trouve ça intéressant. c’est une maladie qui attaque les cochons et les
sangliers mais qui ne se transmet pas à l’homme.
Tu as aussi travaillé sur d’autres projets, dont un Par contre, c’est létal à presque 100% pour les co-
sur les castors, c’est juste ? chons. Donc s’il l’attrape, il meurt et on n’a aucun
moyen de soigner ça.
Oui, on fait un recensement tous les 10 ans à En général, si dans un élevage tu commences à
l’échelle nationale. Un peu partout en Europe, il y avoir de la grippe porcine africaine, tout l’élevage
a eu des projets de réintroduction dans les années est loin… Cette maladie a été découverte en Afrique
70. On oublie souvent que le castor a été exterminé et commence gentiment à s’étendre en Asie et en
chez nous. On les a massacrés parce qu’ils faisaient Europe. Elle est déjà très présente en Allemagne et
des dégâts à l’agriculture ou aux forêts, on n’était en Belgique, mais heureusement, ce n’est pas en-
pas trop copains avec. On l’a aussi massacré parce core arrivé en Suisse et en France. Mais le jour où
que c’est bon : un castor ça se mange. Dans le ça arrive dans ces pays : c’est le bordel ! La France
temps, le vendredi on ne mangeait pas de viande, vit énormément sur la production de porc, si elle
que du poisson. Pour carême pareil. L’église a pro- ne peut plus exporter de viande de porc en raison
clamé que le castor est un poisson parce que ça vit de cette maladie, c’est un immense problème pour
dans l’eau. l’économie de ce secteur.

Comment ça se fait que tu travailles sur la


grippe porcine africaine si elle n’est pas encore
présente ici ?

On essaie d’en apprendre plus pour élaborer les


meilleures stratégies lorsqu’elle arrivera dans notre
pays. En fait, d’un élevage de porc à l’autre, on pense
que c’est le sanglier qui transmet la maladie. Tu as
ton élevage avec la souille par terre où le cochon va
se vautrer : la maladie peut survivre quelque temps
là-dedans. Le sanglier qui vient se frotter à la bar-
rière peut la chopper et après il peut se balader et
refiler cette maladie à tous ses potes sangliers qui
peuvent ensuite propager plus loin la maladie. En
gros, le projet c’est d’attraper les sangliers pour les
équiper avec des colliers GPS.

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Comme ça, on sait où ils sont et comment ils uti- C’est un super beau projet avec tout ce côté humain
lisent leur territoire. Ensuite, on va simuler des derrière. À la fin de sa conférence, je suis allé vers
dérangements. S’il y a un foyer de contamination à lui et je lui ai demandé « est-ce que je peux bos-
un endroit et que les humains continuent de s’y ba- ser pour vous ? ». Et il m’a répondu « ben oui, cet
lader, les sangliers vont partir et contaminer ailleurs. été tu viens bosser 2 semaines pour moi bénévole-
C’est pour ça qu’on veut comprendre un peu mieux ment ? », « pas de problème ! ».
comment fonctionne le sanglier et comment les ac- L’été d’après j’ai fait pareil. Et au fur et à mesure, il y a
tivités humaines impactent leurs déplacements. On eu plusieurs projets autour de cette chouette pour
va faire semblant d’aller couper un arbre, allumer les attraper et leur poser des GPS et les baguer.
une tronçonneuse, promener des chiens et les faire
aboyer, passer avec des vélos…
Et parfois, le sanglier il est là, toi tu passes avec ton
chien qui aboie tout le long et le sanglier s’en fout.
Mais par contre, bûcheronner, par exemple, c’est
beaucoup plus grave et ils vont partir. On essaie de
comprendre ce qui les impacte et d’élaborer des
stratégies pour quand ça va arriver. Avec un peu de
bol ça ne va jamais arriver chez nous, mais…

J’imagine que ce n’est pas toujours simple d’attra-


per une chouette pour lui mettre un GPS ?

Des fois ça ne marche pas et sur le moment tu te


dis « mais j’arrête ce boulot tout de suite, c’est une
horreur ! ». Comme quand, à 3 heures du matin,
t’es dans une grange, il pleut, t’es monstre fatigué,
t’es au sommet d’une échelle qui est appuyée sur
une poutre pas stable, t’ouvres un nichoir et t’as un
Comment tu t’es retrouvé dans tous ces projets ? faucon crécerelles dedans au lieu d’une chouette…
Alors il te saute à la gueule, il te tourne autour et
J’étais un encore un jeune étudiant en deuxième il t’attaque. Tu te dis « j’vais mourir, mais j’veux
année à l’université quand un grand ponte de la pas mourir ! ».
biologie est venu donner une conférence. C’est un Une fois, je vérifiais les nichoirs et je ne comprenais
peu un de mes idoles. C’est un mordu d’ornitho- pas − c’était une échelle en alu −. Je grimpais et je
logie. Un beau jour il s’est dit : « je veux sauver la me prenais des décharges ! Plus je montais et plus
chouette blanche ! », c’est l’effraie des clochers. Elle les décharges étaient fortes ! En fait, j’avais appuyé
a presque disparu de la Suisse. l’échelle contre une ligne électrique… Du coup j’ai dû
Au cours de ses études, il a réussi à obtenir des redescendre. Et une fois aussi, je me suis fait avoir
fonds et il est allé poser des centaines de nichoirs par la chouette… Avant de rentrer dans le nichoir,
sur tout le plateau Suisse pour favoriser cette es- elle a fait tout le tour de la grange et elle m’a vu !
pèce. Grâce à ça, il a fait plein de projets sur ces J’étais sous un filet de camouflage, je ne bougeais
chouettes et il a étudié tout ce qu’on peut étudier pas, je ne faisais pas de bruit, je somnolais à moitié …
dessus. Il a une grande renommée, il a même serré Et cette chouette, elle est venue se poser à 1 mètre
la main au Pape parce que l’effraie c’est un oiseau de moi.
qui promeut la paix. J’ai cru que j’allais mourir. Elle m’a poussé une hur-
Pour dire, il y a eu les conflits israélo-palestiniens et lée dans les oreilles et j’ai vraiment sursauté ! Alors
son équipe est allée poser des nichoirs à la frontière d’abord, j’ai eu hyper peur, et en plus, tu sais que ta
entre les deux pays. Il a fait bosser des Israéliens chouette elle t’a bien eu et que tu ne vas pas réussir
et des Palestiniens ensemble pour ses chouettes à la capturer cette nuit. Après, c’est quand même
et c’était très drôle parce que les chouettes israé- bien drôle et ça fait partie du jeu.
liennes allaient chasser en Palestine, etc.

Propos recueillis par Mathilde Combes

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Petits producteurs de oyas
Connaissez-vous les oyas ? Ce sont des pots en céra-
mique, destinés à être enterrés ou plantés en surface
puis remplis d’eau pour irriguer les plantes. Ils seraient
apparus dans la Chine ancienne il y a environ 2000
ans. Aujourd’hui encore, leur utilisation est répandue
en Asie et en Amérique Latine, mais ils sont encore
rares en Europe. Leur fonctionnement est simple : la
céramique est poreuse et libère progressivement l’eau
dont les plantes ont besoin. Comme il n’y a pas d’éva-
poration, il n’y a aucune perte d’eau. De cette manière,
nous pouvons sauver jusqu’à 70% d’eau par rapport à
un arrosage « standard » au jet ou avec un dispositif
d’arrosage automatique. Nous passons aussi moins de
temps à arroser nos cultures : c’est un gain de temps et
d’eau considérable ! De plus, comme l’eau est diffusée
de manière constante et sans excès, les plantes ne sont
jamais noyées et ne subissent pas non plus de stress
hydrique. Ces petits pots vieux de 2000 répondent aux
préoccupations écologiques actuelles. Parfois, la solu-
tion n’est pas dans l’innovation mais dans le retour aux
bonnes vieilles méthodes.

Oyas® environnement
Depuis mars 2014, des artisans potiers ont créé
Oyas® environnement en France. Leurs oyas
peuvent être commandés en ligne ou achetés sur
place dans un de leurs deux ateliers. Ces derniers se
situent à Saint Jean de Fos, dans l’Hérault et à Fraize,
dans les Vosges. Tous les pots sont fabriqués exclu-
sivement en France par des artisans potiers.

www.oyas.eco

174B route d’Aniane, à Saint Jean de Fos.


Tél : 04.99.65.27.90
8 rue de Faulx, à Fraize.
Tél : 03.29.55.39.88

WEPOT
Le projet de Clément et Quentin a abouti en 2019 sur
les rives du Léman, en Suisse. Tous deux très sen-
sibles à la préservation de l’environnement, ils sont
à l’origine du WEPOT, une petite production de oyas.
Leur initiative est à la fois locale et écologique : ils se
fournissent chez Bodmer Ton, le seul producteur Suisse
d’argile. Rejoint par Melissa, leur céramiste, et Pauline,
leur aventure ne fait que commencer et ils souhaitent
augmenter leur production dans les années à venir pour
répandre l’utilisation de ces oyas en Europe.

www.wepot.ch

Route de Chavalon 78c, 1844 Villeneuve, Suisse.


Tél : +41 78 260 00 77 15
Vos idées
Des oyas pour une « tour à vent » à domicile
« Bonjour Mathilde, oui en utilisant des oyas devant
mes fenêtres. L’oya est remplis d’eau elle va per-
coler puis s’évaporer en rafraichissant la terre cuite
(c’est la base des tours à vent du Maghreb), la tem-
pérature en surface de l’oya est autour de 22° alors
que celui de la pièce est plutot à 30…. Pas mal??
Après je suis d’accord avec vous le mieux c’est la
végétation !! Bien à vous. »

Fab

Des galettes et du couscous de glands


« Bonjour, j’habite dans une région (kabylie, Algé-
rie) où il y a d’immense foret de chêne, j’en mange
chaque saison, cru pour ceux qui ont un goût sucré
et cuit pour ceux qui sont amer, aussi nous prépa-
rons des galettes aux glands et même du couscous
en mélangeant avec un peu d’orge. D’ailleurs, ça se
vend même dans les supérettes. (couscous : plat
traditionnel kabyle). »

Nait alamara ouramdane

Société éditrice Éditrice


Crédits Photo @Olivier du Suau de la Croix @Mathilde Combes

Totale Santé SA, société anonyme au capital de Deborah Badoux


@ avoferten @siete_vidas @Oyas® environnement @ Albert

100.000,00 CHF, dont le siège social se situe Place


Saint-François 12 Bis, 1003 Lausanne, Suisse, inscrite Graphiste
dans le Canton de Vaud et dont l’IDE est CHE-390.144.123, Mathilde Roussillat•Sicsic
Videt @Volodymyr Nikitenko @Kazakova Maryia

représentée par M.Sébastien de Dianous, en sa qualité


de Directeur Général. Dépôt légal
À parution
Cueillir, Se nourrir & se soigner ISSN : 2673-8791 (imprimé) 2673-8805 (en ligne)
Revue mensuelle Imprimé en France par : Corlet Imprimeur
14110 Condé-en-Normandie
Directeur de la publication
Sébastien de Dianous Prix
À partir de 9 € / trimestre
Rédactrice en chef (hors frais d’impression et de port)
Mathilde Combes

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