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Le calament – souvenir d’été

en automne

Nous sommes à la Toussaint. Il fait gris depuis des jours


et aujourd’hui il pleut des cordes. Je sors quand même
dehors pour chercher la plante qui sera celle dont je vous
parlerai dans mon article de cette semaine. Longeant le
canal sous mon parapluie, un peu nostalgique des beaux
jours, je suis consciente que cette pluie est une
bénédiction après des mois de sécheresse. Depuis les
semaines qu’elle est revenue, la nature s’est transformée.
L’herbe a repoussé, les bords de chemins sont verts
pétants et tant de plantes repoussent comme si le
printemps était de retour. Feuilles de pissenlit, d’alliaire, de
pulmonaire, d’ail des vignes, de primevère, des tapis de
gaillet gratteron en germination…

C’est alors qu’au bord du chemin je croise une petite


plante… en pleine fleur ! Je me penche et reconnais la
famille des lamiacées avec ses feuilles opposées entières,
la tige quadrangulaire et les fleurs à deux lèvres. Je frotte
une feuille entre mes doigts et un parfum mentholé se
dégage. Le calament !

Calament à feuilles mentholées début novembre

Cette plante-là n’est pas une repousse “nouvelle”. Elle est


à sa place et “bien à l’heure”. Le calament n’apparaît qu’au
courant de l’été et poursuit sa floraison jusqu’en octobre
– voire novembre comme c’est le cas ici ! Quel bonheur de
le voir fleurir dans cette grisaille !
Bouquet de calament devant la cheminée à la Toussaint

Description
Le calament ressemble à une menthe. Le même port, les
feuilles opposées ovales, dentées et pubescentes (on
dirait du velours), à pétiole court. La tige est couchée à la
base puis dressée. Elle a quatre angles et est couverte
de poils.

Les petites fleurs rose-violettes à deux lèvres (comme


celles du romarin, de la sauge…) se trouvent en verticilles
nombreux et rapprochés. Verticillé veux dire que les fleurs
partent du même niveau en cercle autour de la tige. Il y a
plusieurs de ces cercles les uns sur les autres. Mais
finalement, pour le cas du calament, les fleurs se
débrouillent pour toutes regarder du même côté
(comme pour dire “hé hé, moi aussi je veux être sur la
photo !”). C’est sûrement pour cela que François
COUPLAN, dans son guide des plantes sauvages
comestibles et toxiques, parle de fausses-verticilles,
parce qu’il s’agit plus précisément que d’un demi-cercle…
C’est précis, la botanique !

Calament à feuilles de menthe (Clinopodium


menthifolium)

Ce qu’il faut retenir c’est la ressemblance avec la menthe


et l’odeur mentholée mais moins franche que celle de la
menthe. Si vous goûtez à une de ces fleurs, vous allez
d’abord sentir un goût sucré, puis mentholé et alors boisé
– un petit délice pour les palais délicats !

Différentes espèces de calament


Il existe plusieurs espèces de calaments. Celui que j’ai
trouvé vers chez moi est le calament des bois ou
calament à feuilles de menthe. Il faut savoir que les noms
vernaculaires, donc les noms communs en français,
peuvent porter à confusion parce que d’une région à une
autre, leur nom change. Ce qui met d’accord les
botanistes est le nom latin. Vous parlez à un catalan, un
japonais ou un argentin, le nom latin d’une plante fait
référence.

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Il se trouve que le nom de notre petit calament vient de


changer récemment. De Calamintha menthifolia il est
passé à Clinopodium menthifolium, ou, selon certaines
flores, à Clinopodium nepeta subsp sylvaticum (donc
une sous-espèce du Clinopodium nepeta qui avant
s’appelait Calamintha nepeta). Et oui, la botanique n’est
pas une science figée… Plus on en apprend sur les
plantes mieux elle organise leur classification. Et cela
amène parfois à des changements de noms. On en
perdrait notre latin… !

Ce qui peut vous rassurer c’est que peu importe sur quel
calament vous tombez vous pourrez l’utiliser de la
même façon. Dans le Massif Central vous aurez des
chances de tomber sur le Clinopodium gradiflorum, (avant
Calamintha grandiflora) : Le thé d’Aubrac. En Corse et en
Italie, on utilise comme condiment le Clinopodium nepeta
(avant Calamintha nepeta). Dans tous les cas vous
profiterez dans vos infusions ou petits plats de son
parfum mentholé, plus ou moins fort, sa saveur se
rapprochant de celle de la sarriette ou du thym.

Clinopodium menthifolium – calament à feuilles de


menthe

Propriétés médicinales
Les propriétés médicinales citées sont les mêmes pour les
différents calaments : Stomachique (stimule la fonction
digestive de l’estomac), stimulante, tonique,
carminative (favorise l’expulsion des gaz intestinaux tout
en réduisant leur production) et antispasmodique. Dans
l’Antiquité et le Moyen Âge le clament était réputé contre
les bourdonnements d’oreille et le hoquet ! On aurait
prouvé récemment son action stimulante sur l’utérus, il
calmerait les troubles menstruels mais serait déconseillé
aux femmes enceintes.

Le calament était utilisé pour la fabrication de l’eau


d’arquebuse, une alcoolature vulnéraire qui remonte du
XVIème siècle et viendrait du monastère Saint Antoine du
Vercors. Elle était sensée soigner les blessures
d’arquebuse dont les plaies cicatrisaient difficilement.
D’après les sources les plantes utilisées étaient l’absinthe,
la sauge, le fenouil, la mélisse, la rue, le romarin, le
calament, le serpolet, la sarriette, l’angélique, l’hysope, le
basilic, le thym, l’origan, la marjolaine et la lavande puis la
menthe, le millepertuis et la camomille romaine. Un sacré
mélange qui trouve une multitude d’utilisations allant de
remède en cas de coup, de contusion, de plaie et
d’évanouissement à dentifrice et cosmétique. L’eau
d’arquebuse est commercialisée aujourd’hui sous forme
de spiritueux à déguster en digestif.

En parlant de dégustation…
Comme la grande partie des lamiacées (13 des 19
plantes citées si dessus en font partie, je les ai mis en
italique), le calament contient une huile essentielle et est
employé comme plante aromatique. On peut l’utiliser
pour aromatiser toutes sortes de plats salés et sucrés :
Salades, sauces, légumes, taboulés, poissons,
compotes, salades de fruits, pâtisseries, entremets…
Son parfum rappelle par son côté mentholé l’été tout en
nous réchauffant d’un goût plus boisé, plus automnal.

Essayez le calament en infusion ! Je le trouve son parfum


très agréable, surtout en cette saison. Vous pouvez pour
cela utiliser la plante fraîche ou séchée.

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J’ai fait plusieurs expériences avec le calament frais cette


semaine. D’abord je l’ai employé pour aromatiser une
poêlée de pâtes aux courgettes (les dernières
courgettes du jardin) et au tofu.
La valeur ajouté du calament à ce plat se rapprochait plus
du parfum de sarriette et moins du parfum de menthe
comme je l’avais prévu (j’aime bien l’association menthe et
courgette).

Pour faire ressortir l’arôme mentholé particulier du


calament j’ai alors pensé à la douceur d’un entremet.
Voici la recette :
Crème au calament
Ingrédients

250ml de lait
250ml de crème fraîche
50g de sucre complet
50g de sucre roux
3 oeufs
20 brins de calament
Préparation

Amener le lait à ébullition. Couper le feu. Plonger les


feuilles de calament et laisser infuser pendant 15 minutes.

Dans un saladier, mélanger les oeufs avec les sucres à


l’aide d’un fouet.

J’utilise le sucre complet pour sa teneur en minéraux et


vitamines (le sucre blanc et roux n’en contenant pas ou
quasiment pas) et pour son goût rappelant le caramel. Par
contre, dans cette recette, si on n’employait que du sucre
complet, il couvrirait trop le goût du calament.

Ajouter la crème fraîche, mélanger.

Verser le lait dans lequel a infusé le calament à travers un


tamis et bien presser les feuilles pour en sortir tout
l’arôme.
Bien mélanger et verser dans des ramequins.
Cuire au bain marie à 160° pendant 20 à 30 minutes selon
le four.

Laisser refroidir et placer au frais plusieurs heures pour


déguster frais.
Cette crème a un goût délicat, rafraîchissant et mentholé.

Osez innover !
Vous n’avez pas de calament sous la main ? Vous ne vous
sentez pas encore assez sûr/e pour l’identifier ? Sachez
que vous pouvez réaliser cette recette avec de
nombreuses autres plantes sauvages ou celles que
vous avez dans votre jardin ou trouvez sur le marché :
Menthe des champs, menthe aquatique, une des
nombreuses menthes qui amène chacune son parfum
particulier, serpolet, thym, lavande, basilic, romarin…

Innovez ! Et surtout, si l’utilisation des plantes sauvages


comestibles vous attire, osez utiliser les plantes que
vous connaissez avec certitude ! Sortez en balade avec
votre sac en toile et commencez votre cueillette. Osez
confectionner votre première soupe d’orties, votre salade
de pissenlit, votre fromage blanc aux herbes. Une fois que
vous aurez mis le pied à l’étrier, vous vous familiariserez
petit à petit à d’autres plantes, l’une après l’autre.

Mettez-moi en commentaire vos premières


expériences ! Je serai ravie d’en savoir plus.

Peut-être, comme moi, vous ne vous arrêterez jamais.


Depuis plus de 25 ans que je m’y intéresse, je
m’émerveille toujours autant devant la diversité, la
beauté et l’abondance des plantes qui poussent autour
de nous. Et chaque année encore, je découvre une
nouvelle plante à utiliser dans mes petits plats !

Si vous voulez en savoir plus sur mon histoire avec les


plantes, cliquez ici pour lire l’article que j’ai écrit à ce
sujet.

A la semaine prochaine pour une nouvelle découverte !

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