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Comment reconnaître la

tanaisie ?
Nathalie Deshayes 18 septembre 2021

La tanaisie commune (Tanacetum vulgare) est une vivace


de la famille des astéracées dont les feuilles apparaissent en
touffes à partir du mois d’avril. Leur forme rappelle au premier
coup d’œil celle des fougères. Les feuilles sont largement
découpées et les folioles le sont à leur tour. Ces dernières
sont dentées et terminent en pointe. Les feuilles caulinaires
(ce sont celles qui poussent sur la tige, on les distingue de
celles qui partent directement de la racine) embrassent la
tige par deux petits lobes foliaires. Feuilles et tiges sont
glabres (sans poils). Elles dégagent une odeur camphrée
rappelant un peu le romarin mais en plus fort et, pour
certaines personnes, en moins agréable.
Feuilles de tanaisie commune

Les tiges se dressent droit vers le ciel à partir du mois de


mai/juin. Elles sont assez rigides, anguleuses, se ramifient
vers le haut et atteignent jusqu’à 1 mètre, voire 1,50 m de
hauteur. Elles portent des inflorescences couleur jaune or :
des capitules de la largeur d’un pois, aplatis comme des
pastilles. Chaque petite pastille est entourée, à la base, d’une
collerette de bractées vertes. On appelle cela l’involucre.

Inflorescence composée
Vous rappelez-vous de ce que l’on avait dit au sujet des fleurs
de la famille des astéracées dans l’article sur le pissenlit ? … Il
s’agit d’inflorescences composées de très nombreuses
petites fleurs qui sont ou tubulées ou ligulées. La tanaisie n’a
que des fleurs tubulées (alors que la marguerite a des fleurs
tubulées au centre et des fleurs ligulées sur le pourtour, et que
le pissenlit n’a que des fleurs ligulées).

Fleurs de tanaisie – photo Andreas Rockstein

Les fleurs sont réunies en corymbes. On parle de corymbe


quand l’ensemble des fleurs d’une inflorescence se trouve
dans le même plan, un peu comme dans une ombelle. Par
contre, pour être une ombelle, tous les pédoncules partent
d’un même endroit ce qui n’est pas le cas d’un corymbe : ici
les pédoncules sont insérés sur la tige de façon étagée. Plus
les capitules floraux sont périphériques, plus les pédoncules
dont longs.

Corymbe et ombelle

Les fruits de la tanaisie sont des petits akènes (fruits secs)


sans aigrette. La plante se reproduit par ses graines et par ses
tiges souterraines qui propagent la plante, connue pour être
robuste.

Répartition et culture
On trouve la tanaisie aux bords des chemins, des routes et
des voies ferrées, dans des décombres, des terrains vagues,
les anciennes carrières… En Val de Loire elle suit le cours de
la Loire où elle est très présente sur les digues. Originaire de
l’Europe de l’Est elle aurait été introduite par les invasions
des barbares.

Elle a été cultivée comme plante médicinale et elle est


toujours appréciée comme plante ornementale.
Certainement grâce à sa floraison qui dure tout l’été, grâce à
son joli feuillage et sa rusticité.

Mais qu’en est-il donc de son utilisation ou de sa toxicité ?

La tanaisie est-elle toxique ?


Ce qui pose problème dans la tanaisie c’est qu’elle contient
une huile essentielle en grande partie composée de
thuyone. La thuyone est une molécule qui provoque des
convulsions, des sensations de désinhibition et même, à
fortes doses, des hallucinations. Vous avez entendu parler de
cette molécule si vous connaissez l’absinthe qui en contient,
elle aussi. Regardons un peu ce qui est intéressant à savoir au
sujet de l’absinthe…

L’histoire de l’absinthe, cousine de la


tanaisie
L’absinthe (Artemisia absinthium), qui fait également partie
des astéracées comme la tanaisie, a été l’ingrédient de base
d’une boisson très populaire au XIXème siècle. La
consommation d’absinthe est énorme en fin du 19ème et
début du 20ème siècle. En 1870 c’est l’apéritif le plus
consommé en France. Il représente 90% des apéritifs
consommés ! La production passe de 700 000 litres en 1874 à
36 000 000 litres en 1910. Accusée de rendre “fou” (et aussi
pour endiguer l’alcoolisme…), cette boisson est interdite au
début du 20ème siècle.

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mange pas que les noisettes dans le noisetier

A mon avis, il y avait surtout un problème d’abus… Il devait, à


l’époque, y avoir pas mal d’individus qui consommaient
plusieurs verres par jour et ce tous les jours. Pas étonnant qu’à
ces doses-là la thuyone fasse de l’effet. Mais l’effet “folie”
n’aurait-il pas pu être évité par une simple consommation
avec modération… ?

Un siècle plus tard, l’absinthe est de nouveau autorisée


dans certains pays (2001 en France et 2005 en Suisse), à
condition que son taux de thuyone soit limité.

Revenons donc à la tanaisie. Faut-il s’abstenir entièrement


de la consommation de tanaisie ou suffit-il de l’utiliser à bon
escient ? Il y a, d’abord, de nombreuses utilisations
possibles comme insectifuge et insecticide qui ne poseront
aucun problème.

Insectifuge efficace
Gérard Ducerf décrit, dans son encyclopédie des plantes bio-
indicatrices, un mélange de trois plantes pour lutter contre
les puces : la tanaisie (dont on utilise les parties aériennes
fleuries), l’absinthe (la voilà encore) et la fougère aigle. Pour
cela on utilise les trois plantes sèches à part égales en
poudrage dans les appartements ou la literie des animaux.
Ce même mélange est aussi utilisé comme vermifuge en
usage vétérinaire.

Pour prévenir l’installation des puces, posez tout simplement


quelques feuilles au fond du panier du chien.

Contre les mites, vous pouvez suspendre un bouquet de


tanaisie dans votre armoire ou fabriquer des petits sachets en
toile comme on le fait avec les fleurs de lavande. De la même
façon, les bouquets frais et secs suspendus dans la maison
chassent les mouches et les moustiques.

L’infusion de tanaisie peut être utilisée en pulvérisation au


jardin pour chasser certains ravageurs comme le criocère du
lis. Elle est aussi utilisée pour éloigner des parasites des
ruches.

Pour vous protéger des piqûres de tiques, frottez-vous les


bras et les jambes avec des feuilles de tanaisie.

Avant l’invention des réfrigérateurs, on enveloppait la viande


et le poisson dans des feuilles de tanaisie afin d’éloigner les
insectes et les rongeurs.

Séchage de la tanaisie
Pour toutes ces utilisations, on peut employer la plante
entière fleurie fraîche ou séchée. Quand on fait sécher la
tanaisie correctement, le jaune des fleurs reste éclatant
pendant longtemps, ce qui a valu à cette plante le nom
d’immortelle. Les bouquets sont très jolis. Afin d’y arriver, il
faut procéder à un séchage doux, à l’abri du soleil dans un
endroit sec et aéré.
Pour cela je fais des bouquets que je suspends à l’envers à
l’ombre ou alors j’utilise des paniers ou des cagettes en bois.
Je met un torchon au fond de la cagette et j’étale une fine
couche de plantes. Posées les unes sur les autres, les
cagettes font passer l’air. Il suffit de les mettre bien à l’ombre
et quelques jours plus tard les plantes seront sèches. Je les
range alors dans des bocaux que je réserve dans un
placard, à l’abri de la lumière.

Usages médicinaux
En tant que plante médicinale, la tanaisie a été employée
surtout comme vermifuge, mais aussi comme fébrifuge,
tonique, digestive et emménagogue (= stimule le flux
sanguin dans la région pelvienne et de l’utérus et régule de ce
fait le flux menstruel). A fortes doses, elle est abortive et elle
a été utilisée à cet effet, non sans risques. Donc pour les
femmes enceintes, il faut strictement éviter la
consommation de la tanaisie !

Par contre, en attendant de se rendre chez le dentiste, les


gargarismes d’infusion de tanaisie calmeraient une rage de
dents. Et elle faciliterait la digestion.

Peut-on manger la tanaisie ?


Dès que vous aurez goûté à un petit morceau de feuille, vous
saurez que vous n’en ferez jamais une salade et que vous ne
l’utiliserez jamais comme épinard. La tanaisie est beaucoup
trop amère et forte en goût pour cela.

Par le passé, son utilisation s’est limitée à celle d’un


aromate. On en parfumait une omelette. On l’ajoutait à la
cuisson d’une viande pour l’aromatiser et faciliter sa
digestion. Comme les épices étaient rares et chers, on
remplaçait cannelle et noix de muscade par la tanaisie dans
les pâtisseries et les desserts. Elle entrait dans la
composition de boissons et liqueurs.

La Chartreuse, liqueur à la tanaisie ?


La tanaisie serait une des plantes principales de la
Chartreuse, liqueur préparée par les Pères Chartreux dans les
Alpes. Mais ces derniers gardent leur recette secrète depuis
des siècles ! Attention à l’abus… Il serait trop dommage de
se voir interdire cette excellente liqueur comme cela est
arrivée à la liqueur d’absinthe. J’en connais des amateurs-
collectionneurs qui en seraient tristes à mourir.

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Cuisiner la tanaisie : une astuce


Pour ce qui est de la cuisine d’aujourd’hui, l’emploi en tant
qu’épice de la tanaisie peut être intéressante. Mais si vous
aimez son arôme son amertume va vite calmer vos ardeurs si
vous vous risquez de la hacher afin de l’incorporer à une
sauce par exemple.

A force de faire des expériences, j’ai constaté que lorsque l’on


fait infuser la plante (feuilles et/ou fleurs) cela dégage l’arôme
dans le liquide mais limite considérablement l’amertume.
L’infusion peut se faire dans du lait, de la crème, de l’eau, de
l’alcool ou même du beurre ou de l’huile.

Ce que je vous recommande, c’est de faire un essais en


dessert au chocolat. Faire infuser deux brins de tanaisie dans
du lait ou de la crème et utiliser le lait/la crème pour faire une
crème au chocolat par exemple.

Par ici vous trouvez la recette de la crème dessert à la


tanaisie (sans chocolat).

Comme c’est la période des pâtisseries de Noël, je vous ai


préparé une recette de petits gâteaux. A cette période, les
dernières fleurs retardataires qui peuvent fleurir parfois
jusqu’en novembre sont fanées et noires. Mais vous pouvez
encore trouver des feuilles fraîches qui ont repoussé depuis la
base à l’automne.

(Allez en dessous de la recette pour la conclusion de cet


article.)

Sablés à la tanaisie
Rectification de cette recette : Comme vous voyez ci-dessou,
j’ai utilisé les feuilles de tanaisie en épice en les hachant et en
les incorporant à la pâte de sablé. Ceci apporte le goût épicé
de la tanaisie aux biscuits mais aussi de l’amertume. J’ai fait
un nouvel essai pour éviter l’amertume. Je fais fondre le
beurre et je fais infuser les feuilles de tanaisie hachées 15
minutes dans le beurre fondu. Je filtre pour retirer les feuilles.
Le beurre a pris le parfum de la tanaisie dans l’amertume.
J’incorpore alors le beurre parfumé à ma recette de sablés.

Ingrédients
250 g de farine bise T 80
1 cuillerée à café rase de poudre à lever (ou une pincée de
bicarbonate de soude)
125 g de beurre
100 g de sucre, moitié sucre roux, moitié sucre complet
2 jaunes d’œuf
1 pincée de sel
1 cuillerée à café de tanaisie séchée ou 3-4 feuilles de
tanaisie fraîche

Hacher les feuilles séchées à l’aide d’un petit robot type


moulin à épices. Si vous utilisez des feuilles fraîches, hachez
celles-ci à l’aide d’un couteau.
Mélanger le beurre, le sucre et les œufs.

Ajouter la farine, la poudre à lever, le sel et la cuillerée de


tanaisie.
Pétrir rapidement à la main afin d’obtenir une pâte lisse.
Former un boudin de pâte d’environ 4cm de diamètre.

Placer ce boudin au réfrigérateur pendant au moins 2 heures


pour qu’il durcisse.
Couper des tranches d’un demi centimètre de largeur.

Beurrer et fariner un plaque allant au four ou utiliser un


support anti-adhésif. Placer les rondelles sur la plaque de
manière à ce que chaque petit gâteau ait la place pour gonfler
légèrement.
Cuire une douzaine de minutes à 180°.

Déguster !
Conclusion
On a évoqué les effets toxiques que la thuyone contenue
dans la tanaisie peut provoquer quand on la consomme à
haute dose. Par conséquent, je recommande de limiter
l’usage la tanaisie à une utilisation occasionnelle à toutes
petites doses sous forme d’aromate ou d’épice.

Personnellement, vu les nombreuses possibilités en tant


qu’insectifuge, je vais étendre l’utilisation de la tanaisie dans
la maison pour chasser les insectes. Pas de raison de se
faire embêter par les mouches et les moustiques si on a de la
tanaisie sous la main !

Comme je vous disais, j’aime le goût de l’infusion de tanaisie.


Il y a l’amertume, comme pour le thé, mais mêlé à des arômes
balsamiques avec une note de fraîcheur. Personnellement,
je continuerais à me préparer de temps en temps cette
infusion, mais je me limiterai à une dégustation
occasionnelle. En plus, elle est tellement belle, l’infusion…

Et vous ? Qu’est ce que la tanaisie vous inspire ? Allez-vous


la cueillir pour chasser les puces de votre chien ? Allez-vous
oser en mettre quelques feuilles dans un dessert chocolaté ou
expérimenter ma recette de sablés ? Ou une possible toxicité
vous fait-elle trop peur ? Je serais ravis de lire votre position
en commentaire !

A la semaine prochaine pour une nouvelle plante et de


nouvelles découvertes !

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