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La violette odorante

Délicate, discrète, le regard tourné vers le sol, la violette


supporte patiemment trombes de pluie, bourrasques et
averses de grêle du mois de mars. Quand, lors d’une
éclaircie, on ose sortir son nez et faire quelques pas
dehors, on se réjouit de l’humble beauté de ces
premières fleurs de printemps. Et si on se penche
jusqu’au sol et que l’on sent leur suave parfum, on oubli
la grisaille et le froid de l’hiver… Son parfum nous révèle
que nous sommes devant la reine des violettes, viola
odorata, celle dont les fleurs parfument sirops,
bonbons et glaces, celle dont on retrouve la fragrance
dans des savons et des parfums et que les herboristes
conseillaient jadis pour soigner la toux.
Violettes en fleur

En Europe la famille des violacées n’est représentée que


par le genre viola. Il comprend quand même 91 espèces
dont 19 en France. Il y a d’un côté les violettes et de
l’autre côté les pensées sauvages. Donc comment
reconnaître notre petite violette odorante parmi elles ?
Tout simplement par son parfum, car elle est la seule
(avec la violette étonnante, viola mirabilis, plus rare)
d’avoir cette odeur caractéristique.

La violette odorante
La violette odorante, viola odorata, est une plante
vivace de 10 à 15 cm de hauteur qui n’a pas de tige
aérienne. Les « tiges » que l’on voit sont, botaniquement
parlant, ou des pétioles, donc les « tiges » des feuilles, ou
les pédoncules, les « tiges » des fleurs. Les deux partent
directement de la base de la plante. On parle de plante
acaule (comme pour le pissenlit ou la pâquerette).

Feuilles

Les feuilles sont disposées en rosette. Quand elles se


pointent à la fin de l’hiver, elles sont d’abord enroulées sur
les bords. Déroulées, elles ont une forme de rein et sont
presque glabres (sans poils). Les feuilles d’été, elles, ont
plutôt une forme de cœur. Elles sont plus grandes et sont
velues. Toutes ont un long pétiole velu et leurs bords
sont découpés en dents arrondies : elles sont crénelées.
Si on regarde attentivement de plus près, on découvre, à
la base de chaque pétiole, une paire de stipules (des
petites feuilles) aigues bordées de poils. Mais le mieux
pour regarder ce genre de détails est de prendre une
loupe et c’est utile surtout si vous avez l’ambition de
distinguer les différentes espèces de violette.
Feuilles de violette en forme de coeur et de rein

Stolons

S’il n’y a pas de tige, il y a par contre des stolons, des


rejets rampants au sol qui s’enracinent et forment de
nouvelles plantes. Si vous avez des fraises dans votre
jardin, vous connaissez le système car les fraisiers se
multiplient de la même façon. On parle de multiplication
végétative. Chaque nouvelle plante est un clone de la
première.
Stolon de violette odorante

Fleurs

Les fleurs de la violette odorante sont violet foncé et


plus rarement blanches. Chaque fleur a 5 pétales. Les
deux supérieurs sont dressés vers le haut, les 3 autres
vers le bas. Le pétale inférieur se termine en éperon à
l’arrière de la fleur. Selon les régions, les violettes
fleurissent de fin février à début mai. A l’automne, on
peut observer la formation de boutons floraux qui ne
s’ouvrent pas mais qui s’autopollinisent et qui forment des
fruits. Ces derniers sont des capsules s’ouvrant par 3
valves, libérant des graines huileuses qui sont très prisées
par les fourmis.
Viola odorata – photo Francis Robert

Confusions possibles
Je vous disais que la violette étonnante (viola mirabilis)
sent bon la violette également. Donc deux mots pour la
distinguer de la violette odorante : elle a des fleurs violet
pâle avec l’éperon blanchâtre et elle a une rangée de
poils, et non des poils parsemés partout, sur le pétiole.

Mais, selon François Couplan (Guide des plantes


sauvages comestibles et toxiques) une confusion avec
d’autres violettes serait sans danger, car aucune n’est
toxique et la plupart comestibles. Selon d’autres auteurs,
toutes les violettes sont comestibles. Par contre
attention de ne pas cueillir des espèces rares, présentes
surtout en montagne.
Il est cependant possible de confondre les feuilles de
violette, quand il n’y a pas les fleurs pour nous aider, avec
d’autres feuilles en forme de rein ou de cœur.
Lalière/Langlade/Leray (Plantes comestibles, cueillette e&
recettes des 4 saisons) citent notamment la maïanthème
à deux feuilles dont la forme des feuilles ressemble à
celles des violettes. Attention car elle est très toxique.
Par contre la texture de ses feuilles fait penser à des
plantes en plastique, donc au toucher on est vite fixé.

Habitat de la violette
Les violettes poussent en général en petites colonies en
lisière de forêt, dans les haies, les broussailles, les
vignes et les vergers sur un sol riche et frais.

Pour la cueillette au printemps, il faut se munir de


patience. Les feuilles sont petites et les fleurs sont
tellement légères qu’il en faut un certain temps pour en
remplir un bol. Surtout qu’on ne ratiboise jamais tout ce
qui pousse mais qu’on en laisse toujours à la nature. Mais
pour celles et ceux qui aiment la cueillette au réveil de la
nature, ce n’est qu’un plaisir prolongé !

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La violette dans l’Antiquité


Il paraît que chez les grecs, la violette était connue pour
dissiper les maux de tête dus à l’ivresse. C’est pour
cela qu’ils en tressaient des couronnes pour les porter
sur le front pendant leurs orgies… A votre prochaine
cuite, pensez-y !

Je suppose que c’est pour d’autres raisons par contre que


la violette était l’emblème d’Athènes.

Dans la mythologie romaine se raconte une histoire plus


romantique. Celle de Vénus, déesse de l’amour et femme
de Vulcain, Dieu du feu et des métaux . Vénus se refusa
à Vulcain jusqu’au jour où il se présenta à elle avec une
couronne de violettes. Donc si vous vous prenez des
râteaux à répétition, essayez !

Du moyen âge à aujourd’hui


Au 12ème siècle, Sainte Hildegarde recommande la
violette contre le cancer. Mais à part un cas « miraculeux
» de guérison d’un cancer de la gorge documenté au
début du 20ème siècle, cette utilisation ne s’est pas
vérifiée récemment. Par contre, le sirop de violette était
déjà connu au 16ème siècle et servait, entre-autre, à
soigner la toux.

Au 17ème siècle, les feuilles de violette faisaient partie


des garnitures de salade et étaient cultivées comme
telles au jardin du roi à Versailles. Mais c’est surtout
dans la région de Toulouse où elle est cultivée, avec un
essor au 19ème siècle, pour fabriquer bonbons,
liqueurs, tisanes et parfums. Aujourd’hui, cette culture
se perd, malgré un intérêt croissant, ces dernières
années, pour les sirops de violette, confitures
parfumées, savons et autres produits à la violette.
Attention, regardez bien l’étiquette… Malheureusement,
une grande partie de ces produits sentent bon la violette
seulement grâce à des arômes et tirent leur couleur
violette de colorants – sans jamais avoir été en contact
avec une seule fleur de violette…

Constituants de la violette
Pourtant, elle a tout ce qu’il faut pour parfumer (du
salicylate de méthyle et une huile essentielle odorante)
et colorer (le pigment bleu cyamine) naturellement. A
côté de cela, elle contient des saponines et mucilages,
des substances amères et elle est très riche en
provitamine A et vitamine C.

Propriétés
Les feuilles et fleurs de violette sont surtout connues
pour être expectorantes et antitussives et ont été
utilisées en infusion en cas de bronchite, rhume, toux,
coqueluche et irritations des voies respiratoires. La
racine a les mêmes propriétés mais elle est en plus
vomitive, ce qui lui vaut d’être utilisée en cas
d’intoxications.

Emolliente et adoucissante grâce à ses mucilages et


saponines, la violette peut calmer les démangeaisons, les
gerçures et autres irritations de la peau par application
locale.

En décoction et compresse elle soignerait les maux de


tête (voir les grecs dont on parlait plus haut). Elle est
aussi décrite comme laxative, sudorifique et sédative.
Sentir le parfum de l’huile essentielle de la violette
calmerait le système nerveux. (En cas de stress,
allongez-vous dans un sous-bois de violettes…). Cette
même huile essentielle a aussi été vérifiée comme
antiseptique. Par contre, il existe d’autres huiles
essentielles antiseptiques plus faciles à produire et donc
moins chères et peut-être aussi plus efficaces.

La violette en cuisine
Venons à la cuisine ! Ce que j’ai personnellement le plus
utilisé, ce sont les feuilles de violette. Une fois que vous
savez les reconnaître, vous pouvez les cueillir quasiment
toute l’année. Grâce à leurs mucilages, elles donnent une
consistance onctueuse aux soupes et aux sauces
quand elles sont cuites.

Crues, elles sont très agréables en salade car elles sont


douces, sans amertume et, en tout cas au printemps,
elles ont une consistance agréable. Donc n’hésitez pas à
les mélanger à d’autres feuilles sauvages, à de la salade
verte ou de les ajouter dans des salades de crudités
voire des salades composées à base de pommes de
terre, de riz ou de pâtes. Crues, elles peuvent également
servir dans des pistous, fromages frais, des sauces
froides au yaourt etc. Cuites, elles font d’excellents
épinards bien doux et peuvent servir dans des farces,
quiches, gratins, etc…

Pour ce qui est des fleurs, elles font bien-sûr une


décoration splendide sur tous les plats salés et sucrés.
Enfermés dans des glaçons, elles feront sensation à
l’apéritif. Mieux encore, une violette cristallisée, dans
une coupe de Champagne où elle remontera à la surface
– la classe !

Capter le parfum des violettes…


Par contre, il n’est pas si facile de faire ressortir le
parfum fabuleux des violettes dans un plat… J’ai voulu
faire un essai de glace à la violette et j’ai pour cela fait
infuser 2 poignées de violettes dans 200ml de crème en
jetant les fleurs dans la crème chaude. Après plusieurs
heures d’infusion, le goût reste très subtil, en d’autres
termes, il faut vraiment mettre toute son attention dans
les papilles pour retrouver le parfum de la violette.
Pourtant, quand je mettais le nez dans mon panier de
fleurs fraîchement cueillies l’arôme était à tomber !

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confusions !
Au niveau couleur, ma crème ne sort que très faiblement
colorée. Le fait de mettre un coup de bâton mixeur et de
passer le liquide à travers un tamis en pressant bien fait
ressortir quelques pigments de plus. Mais rien à voir avec
la belle couleur violette des glaces à la violette que l’on
trouve chez certains glaciers.

… pas si facile
Il me restait quelques fleurs et j’ai alors fait un essai
d’infusion non pas dans de la crème mais simplement
dans de l’eau pour voir ce que ça donne au niveau goût
et couleur. La coloration est plus marquante, le goût
ressort un peu mieux aussi. Dès que j’ai ajouté quelques
gouttes de jus de citron, la couleur a changé pour un
violet plus rouge mais qui pâlit vite.
Infusion de fleurs de violette

Dans mes recherches sur internet je lis qu’il ne faut pas


faire bouillir les fleurs pour que leur parfum ne se
volatile trop vite (j’avais donc bon en versant simplement
l’eau chaude sur les fleurs). Par contre, François Couplan
propose une recette de gelée de fleurs de violette dans
laquelle il les fait carrément bouillir pendant 10 minutes…

D’autres recettes utilisent des quantités phénoménales de


fleurs, par exemple 150g de fleurs (ce qui correspond
quasiment à un saladier plein) pour 2 pots de confiture.
Un moment propice pour la cueillette ?
Peut-être qu’il y a aussi des moments plus propices à
une cueillette bien odorante. J’y suis allée un midi après
une matinée très pluvieuse. Ce n’était peut-être pas le
meilleur moment ? J’en conclus que je dois retourner à la
cueillette de fleurs et refaire des essais pour arriver à vous
présenter une recette potable aux fleurs de violette. Dès
que j’aurai trouvé, je vous en parlerai sur ce blog,
promis.

J’ai, par contre, bien réussi ma recette aux feuilles de


violette, la voici.

Tofu pané et sauce aux feuilles de


violettes
Ingrédients pour 4 personnes

Pour la sauce aux feuilles de violette

Un grand bol plein de feuilles de violettes


1 échalote
Huile d’olive
3 cuillerées à soupe de crème fraîche
Sel aux herbes

Pour le tofu pané

400g de tofu fumé


50g de farine
1 œuf
40g de noisettes en poudre
Huile d’olive
Sel aux herbes, poivre

Préparation de la sauce

Ciseler l’échalote et la faire revenir dans une casserole


avec de l’huile d’olive.

Hacher grossièrement les feuilles de violette (ceci sert


surtout à casser les pétioles qui, entiers, pourraient
s’enrouler autour de l’hélice du mixeur).

Ajouter les feuilles hachées aux échalotes avec un petit


verre d’eau.

Laisser cuire à couvert et à feu doux pendant 5 minutes.


Si l’eau s’est évaporée, ajouter un petit verre d’eau.
Ajouter la crème fraîche, saler et mixer.

Garder au chaud.

Préparation du tofu pané

Couper le tofu en tranches de 1cm d’épaisseur.

Préparer 3 assiettes creuses : une avec la farine, une avec


l’œuf battu et la dernière avec les noisettes salées et
poivrées.
Plonger chaque morceau de tofu d’abord dans la farine,
ensuite dans l’œuf et puis dans la poudre de noisettes.

Chauffer de l’huile dans une poêle. Une fois qu’elle est


bien chaude, poser les tranches de tofu, baisser le feu et
faire revenir environ 2 minutes de chaque côté.
Servir le tofu pané avec la sauce et décorer de feuilles et
de fleurs de violette.
Envie d’essayer ?!
Je trouve la sauce aux feuilles de violette divine ! Je
l’aurais mangée à moi toute seule… L’aspect ressemble
aux épinards mais le goût n’a rien à voir. Aucune acidité,
que de la douceur, de la rondeur, de la fraîcheur… et
un velouté ! Et ça se marie très bien avec le tofu fumé
pané. J’utilise dans cette recette du tofu fumé parce qu’il
a déjà du goût en soi. Le tofu nature étant tellement
neutre, il faut bien l’assaisonner et je voulais éviter
d’utiliser des épices ou herbes fortes comme les herbes
de Provence pour ne pas qu’ils supplantent le goût des
feuilles de violette.

Ça vous donne envie ? Foncez, c’est le moment ! Vous


avez déjà expérimenté des recettes aux fleurs de
violette ? Je suis preneuse ! Parlez-moi-en en
commentaire, j’en serai ravie. Et si vous ne voulez pas
faire de grande cueillette à votre prochaine balade,
arrêtez-vous tout juste pour cueillir une fleur et humez
son parfum. C’est un vrai cadeau de la nature et c’est bon
contre le stress. Pour ne pas gâcher, mangez la fleur, un
vrai bonbon !

A la semaine prochaine pour une nouvelle plante et


une nouvelle recette !

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