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Le prunellier ou l’épine noire

On remarque le prunellier deux fois dans l’année : Au


début du printemps quand il brille blanc comme neige, le
buisson entièrement recouvert d’innombrables fleurs,
et à l’automne quand ses fruits bleus invitent à la
cueillette. Entre les deux, il passe presque inaperçu avec
son feuillage discret et son port “banal” de buisson caché
au milieu d’autres espèces de la haie.
Les prunelles
Je suis en admiration devant l’harmonie des couleurs
qu’offre une branche de prunellier en fruit : Le bleu
argenté des prunelles rondes et dodues sur le vert
légèrement luisant des feuilles et le marron noir des
branches…Si, pour couronner tout ça, le ciel est bleu au
dessus, c’est pour moi le tableau parfait de
l’abondance. Une abondance emplie de beauté et de
simplicité.

On ne peut qu’être tenté de goûter à ces fruits bien


remplis. Mais en général on s’arrête après avoir croqué
dans le premier, car il fait de l’effet : le palais et la langue
se contractent et souvent le visage se déforme en
grimace… La prunelle a un goût âpre, astringent et
acide même si on sent aussi une saveur sucrée. Pour
apprécier vraiment les prunelles, il faut attendre les
premières gelées. Celles-ci rendent les fruits blettes et le
goût âpre et astringent s’atténue beaucoup. On peut alors
transformer les prunelles de multiples façons dont je vous
parlerai plus loin dans l’article.

Mais revenons un instant au printemps…

Premières fleurs du printemps


Le prunellier (Prunus spinosa) est un des premiers, voire
LE premier arbrisseau qui fleurit au printemps. Dès le
mois de mars, dans les étendus en friche, les terrains
vagues et les haies, on peut observer d’innombrables
grands buissons remplis de petites fleurs blanches.
Comme pour le cerisier et l’amandier (qui font partie du
même genre “prunus”), les fleurs s’épanouissent avant
les feuilles. Le genre “Prunus” fait partie de la famille
des Rosacées. Comme pour les autres membres de cette
famille, la fleur du prunellier est composée d’un calice de
5 sépales et de 5 pétales libres (=non collées les unes
aux autres). Elle a un pistil et de nombreuses étamines.
C’est l’exemple de la fleur classique présentée en cours
d’école pour expliquer la pollinisation…

Fleur de prunellier, photo Andreas Rockstein

Quel plaisir de s’approcher d’un prunellier et de sentir le


parfum de ses fleurs ! Après un long hiver, je peux rester
des minutes entières le nez accroché aux fleurs à aspirer
la preuve du retour du printemps… Leur parfum rappelle
l’amande amère. Elles s’utilisent en infusion (voir plus
loin) et peuvent servir à la préparation de desserts.
Lors d’un repas aux plantes sauvages, dans mon
restaurant en bord de Loire, je m’en étais servie pour
préparer une crème façon crème brûlée. Pour cela
j’avais versé du lait chaud sur les fleurs, j’avais laissé
infuser pendant une heure et j’avais utilisé le lait parfumé
pour confectionner ma crème à la saveur délicate
d’amande amère.

Feuilles alternes

C’est seulement une fois que les fleurs se fanent que


les feuilles apparaissent à leur tour. Elles sont petites,
ovales, allongées et finement dentées. Jeunes, elles
sont pubescentes (couvertes d’un duvet blanc), plus
âgées elles sont glabres (sans poils). Elles sont alternes,
ce qui veut dire qu’elles “poussent isolément à des
endroits différents sur un rameau”. En simple : quand vous
regardez un rameau, vous avez une feuille à droite, un peu
plus loin une feuille à gauche, un peu plus loin une feuille à
droite et ainsi de suite.

Arbre, arbuste, arbrisseau ou buisson ?

Dans mes recherches sur le prunellier, j’ai trouvé, selon les


ouvrages, différents termes pour décrire le prunellier. Pour
les uns (*) il s’agit d’un arbuste, pour les autres (**) c’est
un arbrisseau et pour d’autres encore (***) on est devant
un un buisson ! Je me suis aperçue que j’avais une vague
idée sur leurs différences mais que je ne m’étais jamais
posée la question de leur définition précise. Allons voir de
plus près.

Déjà, quand on parle d’arbres, d’arbustes, d’arbrisseaux


ou de buissons, on parle de plantes ligneuses. C’est à
dire qu’à la différence des plantes herbacées, elles
fabriquent des lignines en grande quantité. Les lignines
sont des macromolécules qui donnent au bois sa
structure et sa rigidité. Elles sont l’essence même du
bois : sans lignines pas de bois.

Définitions
L’arbre est caractérisé par un tronc unique duquel
partent, à une certaine hauteur, des branches pour former
le houppier. Selon les définitions, on parle d’un arbre à
partir de 5, ou 6 ou 7 mètres de hauteur.

L’arbuste est bien un petit arbre. Selon les définitions que


j’ai trouvées, il s’agit d’une plante ligneuse à tronc
unique qui n’atteint pas plus de 5 (ou 6 ou 7…) mètres
de hauteur. Pour le différencier de l’arbre, il n’y a que la
hauteur.

Quand on n’a pas de tronc unique mais qu’il y a des


ramifications dès la base on parle d’un arbrisseau.
C’est un végétal ligneux à troncs multiples. Certaines
définitions donnent une hauteur maximale de 4 mètres à
un arbrisseau. Mais dans ce cas, dans quelle case mettre
ceux qui montent plus haut ? Par contre, il existe le terme
sous-arbrisseau pour les arbrisseaux qui n’atteignent
pas plus de 50 cm. C’est le cas du thym par exemple, qui
est une plante ligneuse, ramifiée dès la base, mais petite.

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Et un buisson ? Ce seraient plusieurs arbrisseaux qui


poussent ensemble qui forment un buisson. Donc un
ensemble de plusieurs individus.

Vous voyez plus clair ? Reste à répondre à la question à


quelle catégorie appartient notre prunellier. Je crois que je
vais faire un tour dehors pour me faire ma propre idée !

Alors… Les prunelliers à côté de chez moi se ramifient


bien dès la base et on ne distingue pas de tronc central.
Leur taille est de 3 à 4 mètres de hauteur. Selon les
définitions ci-dessus ce serait donc un arbrisseau. Et
comme il y en a plusieurs les uns à côté des autres, ils
forment un beau buisson ! Et bien voilà, on y arrive… !
Buisson de prunelliers, Prunus spinosa, photo onnola

Prunellier ou épine noire


Vous connaissez peut-être le prunellier sous son autre
nom “d’épine noire”. Ses rameaux sont d’un marron très
foncé, presque noir, et ils sont très épineux. Ils partent
souvent en angle droit de la branche et se terminent en
fortes épines. De par ce fait et par leur ramification dense,
les buissons de prunelliers forment des cachettes
parfaites pour les oiseaux qui aiment nicher dans leur
branches. C’est aussi pour cet aspect impénétrable que,
dans le temps, le prunellier faisait partie des haies
protectrices plantées autour des maisons et des
champs. J’en parle dans mon article sur l’aubépine qui
souvent fait partie de ces haies avec l’épine noire et
l’églantier.

Les feuilles et jeunes pousses ont, comme les fleurs, un


goût d’amande amère. C’est ce parfum là que l’on
recherche dans le vin d’épine. Pour le fabriquer on fait
macérer les jeunes feuilles et pousses dans un mélange
d’eau de vie et de vin tout en ajoutant du sucre.
Séchées, les feuilles peuvent être ajoutées au tabac.

Les prunelles, fruits du prunellier


Venons aux fruits, appelées prunelles. Ils sont ronds
comme des billes, plus petits que des cerises et de
couleur bleue, couverts d’une pellicule cireuse qui leur
donne un aspect argenté. Ils mûrissent en septembre –
octobre. Comme pour les prunes, pêches, cerises,
abricots et olives, il s’agit de drupes. C’est le nom que les
botanistes (ceux qui donnent des noms compliqués à tout
ce qui pousse…) donnent – pour être simple- à des fruits
qui sont charnus et renferment un noyau.

La chair de cette drupe (appelée épicarpe par les


botanistes) a une couleur vert-jaune et se colore en rouge
quand le fruit devient blette après les gelées.

Ce qui est pratique, c’est que les prunelles se conservent


sur l’arbre jusqu’à tard dans l’année. On peut les récolter
jusqu’au mois de décembre. Comme ça on a le temps
de tranquillement consommer nos autres fruits
d’automne. Et on peut encore se réjouir de fruits frais
après les premières gelées, quand les prunelles sont
devenues molles et plus agréables à manger. Si vous le
souhaitez, vous pouvez aussi contourner l’attente des
gelées en passant les prunelles récoltées une ou deux
nuits au congélateur…

Pour préparer une liqueur de prunelles, on écrase celles-


ci quand elles sont blettes en prenant soin de concasser
en même temps quelques noyaux. Puis on fait macérer
2 à 3 mois dans de l’eau de vie et du sucre avant de
filtrer. Pourquoi on concasse les fruits ? Pour leur goût
d’amande amère que j’ai déjà mentionné en parlant des
fleurs et des feuilles.

Des composants intéressants…


Ce qui donne ce parfum à la plante, ce sont des traces
de glycosides cyanogéniques. C’est la graine (aussi
appelée amande), qui se trouve au milieu du noyau qui en
contient le plus. Comme ces glycosides sont le
précurseur de acide cyanhydrique, substance très
toxique, ne vous amusez pas à manger des graines de
prunellier en quantité ! Mais de toute façon leur goût est
trop fort et l’effort trop important pour sortir les
minuscules amandes du petit noyau…

Par contre vous ne serez pas étonnés d’apprendre que la


chair des fruits contient de la vitamine C, des sucres,
des tannins et des anti-oxydants (antocyanes). Elles
constituent alors une bonne source d’énergie et des
substances protectrices ce qui a été apprécié par les
humains depuis longtemps. Des preuves de la
consommation de prunelles ont été trouvées qui
remontent jusqu’au néolithique !

Teinture, bois d’œuvre et porte-greffe


A une époque, l’écorce du prunellier servait pour teindre
la laine et le lin en rouge. Le bois coupé, lui aussi, est
rouge au centre. Il est très dur et servait couramment
pour fabriquer des cannes.

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Nos différentes variétés de pruniers que l’on trouve


actuellement dans nos vergers et jardins (mirabelle,
quetsche, Reine-claude) seraient issus du croisement
entre notre prunellier Prunus spinosa et le prunier-cerise
aussi appelé prunier myrobolan (Prunus cerasifera),
originaire de Perse. Les deux espèces sont encore
couramment utilisées comme porte-greffe.

Propriétés médicinales du prunellier


Les différentes parties de la plante servent aussi pour se
soigner. Les fleurs du prunellier (fraîches ou séchées) se
boivent en infusion. Elles ont un effet laxatif doux qui
peut être mis à profit pour les enfants. Elles sont en même
temps diurétiques et stimulent le métabolisme.
Les fleurs se récoltent en bouton ou tout juste
ouvertes. Autant vous dire qu’il faut s’y prendre tôt pour
ne pas rater le moment ! Parfois on est tellement surpris
par l’arrivée du printemps, qu’une fois arraché de ses
habitudes hivernales (en d’autres mots du fauteuil devant
la cheminée…) les pétales de prunellier sont déjà en train
de tomber…

Les fruits sont utilisés comme fortifiant après de longues


maladies ou des périodes de grippe (compote, sirop) et
également comme laxatif.

L’effet astringent des fruits peut être mis à profit en cas


de saignement ou inflammation des gencives : On
conseille alors de faire des gargarismes avec du jus ou de
la compote dilués.

Et en cuisine…
On a déjà abordé plusieurs utilisations culinaires. Pour
résumer : les fleurs servent pour préparer des desserts.
Les feuilles et jeunes pousses servent pour le vin
d’épine et certains s’en servent pour aromatiser des
plats. Les fruits sont utilisées en confiture, compote,
jus, sirop, liqueur…

Voici ma recette préparée avec les fruits.

Gâteau aux noix et compote de


prunellier
Ingrédients pour 6 mini-gâteaux

1 bol de prunelles blettes


50g de farine
100g de sucre complet
50g de poudre de noix (à défaut noisettes)
60g de beurre
2 blancs d’œufs
2 cuillerées à soupe de crème fraîche ou yaourt au
soja

Préparation

Faire fondre le beurre. Battre les blancs d’œufs en neige.

Mélanger la farine avec le sucre et la poudre de noix.


Verser le beurre sur le mélange farine/sucre/poudre de
noix et bien mélanger.
Incorporer le blanc en neige.

Beurrer et fariner 6 ramequins et verser la pâte.


Faire cuire au four à 180° pendant environ 15 minutes.

Préparer la compote de prunelles

Faire cuire les prunelles dans une casserole avec un verre


d’eau pendant 5 à 10 minutes. Ne pas mettre trop d’eau
afin que la compote garde une consistance épaisse par la
suite.
Passer les prunelles au moulin à légumes et ajouter 2-3
cuillerées à soupe de sucre, selon votre goût.
Démouler les gâteaux aux noix et couper à l’horizontale,
juste à l’endroit où la surface commence à bomber, afin
d’obtenir une coupe plane. Manger le chapeau

. (On en a plus besoin pour la recette.)


A l’aide d’une poche à douille, déposer de la compote sur
le gâteau en dessinant des cercles.
Déposer au centre une cuillerée à café de crème fraîche
ou de yaourt au soja et décorer avec une prunelle.
Et régalez-vous !

Je vous avoue que j’avais du mal à me limiter à un seul


gâteau…

La douceur du gâteau aux noix avec l’acidité de la


prunelle, c’est plutôt réussi !

Pour cette réalisation, je me suis servie de l’astuce du


passage au congélateur pour les prunelles. En fait, il y
avait de belles branches de prunellier qui tombaient sur le
chemin tellement elles étaient remplis de fruits. Un jour j’ai
vu qu’elles avaient été coupées par la commune et je me
suis alors empressée de récolter les fruits sur les
branches coupées avant qu’ils ne s’abîment. Et comme ils
étaient encore bien fermes et très âpres, je les ai mis au
“sport d’hiver” pour quelques jours. Et ça marche !

Lancez-vous !
Merci de m’avoir lu jusqu’ici ! J’espère que cet article vous
a donné des idées. Alors si vous avez des prunelliers
proches de chez vous (ce qui est très probable tant cet
arbrisseau est commun) allez-y, faites une petite récolte
de prunelles et préparez une petite compote pour
démarrer. Ou si vous lisez cet article au printemps
ramassez des fleurs pour réaliser un entremet. Ou plus
simple encore un lait parfumé.

Le tout c’est de se lancer ! Quand vous observez les


caractéristiques que je décris plus haut, le prunellier est
tellement facile à reconnaître que vous pouvez
difficilement vous tromper.

Mettez-moi en commentaire vos observations, vos


réalisations, vos questions. Je serai ravie de vous lire.

A la semaine prochaine pour une prochaine plante et une


prochaine recette.

(*) (Fitter/Fitter/Blamey, guide des fleurs sauvages


Delachaux et Niestlé; Gérard Ducerf, encyclopédie des
plantes bio-indicatrices, volume 1; Lalière/Anglade/Leray,
plantes comestibles)

(**) (François Couplan, Guide des plantes sauvages


comestibles et toxiques)
(***) (Fleischhauer/Guthmann/Spiegelberger, plantes
sauvages comestibles)

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