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La grande bardane –

excellent légume

Même en plein hiver on voit encore les « squelettes »


des bardanes se dresser dans le ciel. Séchés, les fruits
toujours prêts à s’accrocher à la première bête qui
passe. A ce stade, la plante est déjà morte, elle a fait son
cycle de deux ans, seuls les graines attendent d’être
portées là où elles pourront germer au printemps. Mais ce
qui nous intéresse à cette époque hivernale, ce sont les
plantes qui ont un an seulement. Leurs racines bien
charnues sont prêtes à donner leur essence aux fleurs à
venir de l’été prochain. Celui ou celle qui aura le courage
d’en déterrer quelques-unes aura la chance de se régaler
d’un bon plat d’hiver. Au Japon, la bardane est même
cultivée pour ces racines.

Fruits de grande bardane en hiver – photo Andreas Rockstein

Une astéracée bisannuelle


La grande bardane (arctium lappa) est une plante de la
famille des astéracées (composées) qui comprend les
plantes à fleurs regroupées en capitules comme le
pissenlit, la pâquerette, les chardons etc. C’est une
bisannuelle, c’est-à-dire qu’elle démarre son cycle en
année 1 où elle va juste faire des feuilles. Elle passe l’hiver
dans la terre en tant que racine et va développer, en
année 2, des feuilles puis une tige qui portera des feuilles
ainsi que les fleurs. Quand ces dernières seront
transformées en fruits et que les graines seront mûres, la
plante aura fini son cycle et mourra.

Des feuilles oreilles d’éléphant ou


parapluie
Observons alors en premier lieu les feuilles : Elles
apparaissent en touffe dès la première année. Elles ont
un long pétiole et atteignent jusqu’à 50 cm de diamètre.
On peut penser à des oreilles d’éléphant quand on les
voit. Elles sont duveteuses, d’un vert clair un peu
bleuté et blanches en-dessous. Ce qui est
caractéristique aussi c’est que sur le dessous de feuilles,
on voit très distinctement les nervures ressortir. Les
feuilles sont entières et démarrent à la base en forme de
cœur. Les feuilles basales sont tellement grandes que l’on
peut s’improviser un parapluie quand on se fait
surprendre par une averse.
Forte racine de bardane
La racine est pivotante, c’est-à-dire qu’elle s’enfonce
droit et profondément dans le sol. Elle est charnue un peu
comme une carotte. Mais sa couleur est noire à
l’extérieur et blanche à l’intérieur. Je vous ai dit que la
bardane se multipliait par ses graines mais pas que… les
racines sont très puissantes et j’en ai fait l’expérience
dans mon jardin.

J’ai créé, l’automne dernier, une nouvelle planche de


culture pour mon jardin potager. J’ai appliqué la méthode
en « lasagne » qui consiste à faire des couches
successives de matières organiques sèches (feuilles
mortes, paille…) et fraîches (herbe fraîchement coupée…).
Le tout est recouvert d’une couche de terre. Pour cette
dernière, j’ai utilisé de la terre d’une partie de terrain non
cultivée, sur laquelle s’étaient implantées des bardanes. Il
y a alors quelques bouts de racine qui se sont retrouvés
sur ma planche de culture en lasagne. Et voilà qu’après
quelques semaines je me suis retrouvée avec des
dizaines de petits plants de bardane qui se sont mis à
pousser entre les choux que j’avais planté entretemps… !
J’ai décidé d’en laisser pousser quelques-uns parce
qu’après tout, ça me fera un bon légume…

Reprenons notre observation de la plante. Nous sommes


au début de l’année 2. Au printemps, nous avons d’abord
les feuilles qui poussent en touffe puis une tige qui
commence à s’élever. Chaque plante n’a qu’une seule
tige anguleuse et velue, souvent rougeâtre, qui se
ramifie plusieurs fois. Elle peut atteindre une hauteur de
2 mètres.
Grande bardane – Photo Maya Dumat

Des fleurs composées


Au bout des rameaux, on trouve les fleurs, toutes
tubuleuses, groupées en capitules globuleux portés par
de longs pédoncules. Ils sont entourés d’un involucre de
bractées terminés en pointes crochues. – Mais ça veut
dire quoi en français ??!!! Je vais expliquer pour celles et
ceux pour qui c’est du charabia tout ça…

Ce que l’on peut prendre pour une fleur c’est en réalité un


ensemble de plein de fleurs, comme je l’expliquais pour le
pissenlit. On appelle capitule le regroupement des
petites fleurs qui sont serrées les unes contre les autres
sur un réceptacle commun. Ceci est caractéristique des
fleurs de la famille des astéracées qui s’appelait avant la
famille des composées. Ce sont des inflorescences
composées d’un nombre important de fleurs. Pour le cas
du pissenlit j’ai expliqué que sa fleur est composée
uniquement de fleurs ligulées, donc avec une languette.
La bardane n’a au contraire que des fleurs tubulées, en
forme de tube. Tandis que dans une marguerite, une
pâquerette ou dans un tournesol, vous avez au centre les
fleurs tubulées et sur le pourtour des fleurs ligulées.

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on mangeait du lamier...

Dans le cas de la bardane, les capitules sont globuleux.


Ceci ne veut pas dire qu’ils vous regardent avec des yeux
de grenouilles mais que leur forme ressemble à un
globe. Dis plus simplement, ils sont ronds… Et ils sont
portés par de long pédoncules : le pédoncule est la pièce
florale en forme de tige qui porte la ou les fleurs (et plus
tard les fruits). Pour être simple, le pédoncule est la tige
de la fleur comme le pétiole est la tige de la feuille.

… et des fleurs attachantes


Donc, on a compris que les petites fleurs tubuleuses (en
tube) de la bardane sont regroupées en capitule
(réceptacle commun), qui lui est porté par un long
pédoncule (tige). Les capitules sont entourés par une
collerette de petites feuilles faisant partie de la fleur. On
appelle cela l’involucre de bractées. Chaque petite
bractée qui entoure la fleur se termine en pointe
crochue. C’est cela qui fait que les inflorescences de
bardane s’accrochent à tout ce qui passe, même aux
mains !

J’en ai fait l’expérience, un automne, en ramassant des


noix entre les bardanes. En me baissant, plusieurs de ces
boules se sont accrochées dans mes cheveux. Je vous
assure, avant de m’en débarrasser, je me suis arrachée
des touffes entières de cheveux… ! Aie… !

L’ingénieur suisse George de Mestral s’est inspiré du


capitule de bardane pour inventer le velcro (velours-
crochet). Cette inspiration lui est venu après avoir passé
des heures à débarrasser le pelage de son chien des
boules de bardane que ce dernier avait ramené à la
maison. Encore un exemple que tout problème peut se
transformer en opportunité…

Mais de quelle couleur sont donc les petites fleurs, toutes


discrètes au milieu du grand involucre de bractées ? Elles
sont d’un joli mauve-violet qui forme une belle harmonie
avec le vert bleuté des feuilles. On les aperçoit de juillet à
septembre.
Inflorescence de grande bardane – Photo Andreas Rockstein

Les bardanes aux propriétés similaires


Il existe d’autres espèces de bardane comme la petite
bardane (arctium minor) et la bardane tomenteuse
(artium tomentosum) qui ont les mêmes propriétés
que la grande bardane et qui se consomment de la même
façon.

Les bardanes indiquent un sol riche en bases, avec un


pH souvent au-dessus de 7,5. On les trouve en lisière de
forêt, dans les forêts alluviales proches des rivières,
en bord de chemin, dans les terrains vagues et proche
des fermes. Le sol où elles s’implantent est souvent
riche en bois en décomposition.
Connue depuis l’antiquité
Les bienfaits de la bardane sont connus depuis
l’antiquité. Elle est une très bonne plante nettoyante de
l’organisme. Je cite Gérard Ducerf (Encyclopédie des
plantes bioindicatrices) : L’usage de la bardane est le
meilleur moyen de libérer l’organisme de tous les
déchets, toxines, substances indésirables accumulées…
Indiquée contre l’acné, toutes les maladies de la peau, les
ulcères, les furoncles, les calculs biliaires et rénaux et
tous les engorgements en général.

Nettoyer l’organisme
Selon Susanne Fischer-Rizzi, elle stimule l’ensemble des
organes à fonction nettoyante du corps. Ces organes
que l’on appelle émonctoires (le foie, la bile/les intestins,
les reins/la vessie, la peau) envoient continuellement
des déchets vers l’extérieur de l’organisme. Quand un de
ces émonctoires est surchargé ou bloqué, le corps doit
éliminer les déchets par un autre émonctoires et peut
parfois trop le solliciter. Par exemple, quand le foie est
engorgé, les toxines doivent sortir de façon plus massive
par la peau et peuvent créent de ce fait des affections de
la peau. Dans ce cas, il est utile de stimuler en même
temps les fonctions du foie (et des autres émonctoires)
par des tisanes de racine de bardane pris en interne, et
de traiter également la peau en externe par des feuilles
broyées ou du jus frais de racine de bardane.
Propriétés multiples de la bardane
La racine de bardane est riche en inuline, un sucre
assimilable par les diabétiques. Elle est de ce fait utilisée
dans le traitement du diabète. Elle renferme aussi des
substances antibiotiques et bactéricides.

L’huile de racine est également connue pour lutter contre


la chute de cheveux. L’huile contenue dans les graines
de bardane a le même effet.

La bardane aurait permis à Henri III d’être guéri d’une


maladie importante. Certains auteurs parlent d’une
grave maladie de peau, d’autres de la syphilis… Mystère…

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Si vous vous faites piquer par une guêpe ou même une


vipère, la bardane peut constituer un remède de premier
secours par son action antivenimeuse. Faire un broyat
de tiges et de feuilles et l’appliquer sur la piqûre.

Récolter la racine de bardane


Pour déterrer la racine de bardane, mieux vaut se munir
d’une bonne bêche. La racine peut s’enfoncer jusqu’à 1
mètre dans le sol. Le meilleur moment pour récolter les
racines est l’hiver après la première année de la plante,
quand elle concentre son énergie dans la terre. Pour
utiliser la racine en infusion par la suite, on peut alors bien
la laver, la couper en rondelles et la faire sécher. Par
contre, le séchage réduit son efficacité, donc si on le peut,
il vaut mieux l’employer fraîche.

La racine en légume
Mais on peut aussi s’en préparer des bons petits plats
comme celui que je vous propose en fin d’article.
Attention, l’inuline contenue dans les racines dont je
parlais par rapport au traitement contre le diabète, n’est
pas un sucre facile à digérer… Pour les intestins fragiles, il
peut y avoir des effets ballonnants… Ce qui est d’ailleurs
dommage car le goût de la racine de bardane est très
sympathique : légèrement sucré, il se rapproche de celui
des salsifis.
Sur cette photo on voit bien la couleur noire de l’extérieur
de la racine. Celles-ci ne sont pas très profondes. En fait
pour faire la photo, j’ai pris celles de mon jardin potager…
Il s’agit d’une racine qui s’est trouvée coupée, expatriée
dans mon jardin avec la terre que j’avait amenée et qui
s’est mise à refaire des racines plus fines en dessous du
bout large et ancien.

Tiges et pétioles de la bardane en


légume
Mais il n’y a pas que les racines que l’on mange dans la
bardane. On peut également préparer les pétioles et les
tiges. Il faut les récolter assez jeunes, la tige avant la
floraison, afin d’éviter qu’elle ne devienne trop ligneuse.
J’épluche pétioles et tiges comme la rhubarbe et je les
fais cuire à la vapeur douce. Le goût rappelle celui de
l’artichaut. On peut alors les servir en accompagnement
d’un plat de viande ou d’une composition végétarienne
comme sur cette photo :
Pétiole de bardane, riz noir, pistou de plantain lancéolé, lentilles corail et chou blanc

Vous trouvez la recette des tiges de bardane à la sauce


pimprenelle ici.

Un de mes livres propose de tremper les feuilles dans la


pâte à crêpe pour les faire revenir des deux côtés à la
poêle. Mais d’autres auteurs disent que les feuilles sont
trop amères pour être mangées. J’ai fait l’essai de mettre
des jeunes feuilles de bardane dans une farce… Ce n’a
pas vraiment été à mon goût, trop amer, trop fort en
goût… Si vous avez testé, dites-moi quel a été votre
verdict !

Voici alors ma recette de la semaine :

Poêlée de racines de bardane


Ingrédients

Racines de bardane
Echalotes
Huile d’olive
Sel aux herbes

Préparation

Débarrasser les racines des radicelles et bien les brosser


à la brosse à légumes.
Couper les racines en rondelles.
Faire revenir les rondelles avec de l’huile d’olive dans une
poêle. Après quelques minutes, ajouter les échalotes
ciselées. Continuer à faire rissoler en remuant
régulièrement avec une spatule.
Saler et servir en accompagnement du plat de votre choix.
Ici, j’ai servi ma poêlée avec du riz thaï mi-complet
parfumé au tamari (sauce soja pure) et de l’huile d’olive.
Le plus long dans cette recette est de récolter les
racines et de les nettoyer. Mais ça vaut la peine, les
racines de bardane sont délicieuses.

Préserver les plantes cueillies


Bien-sûr, ne déterrez pas la seule bardane que vous
trouvez à la ronde. Le principe de la cueillette consiste
toujours à laisser la station d’un plante en capacité à se
renouveler facilement. Ce que vous pouvez faire lors de
la récolte de la bardane, c’est de laisser un bout de racine
en terre qui va recréer une plante. Souvent même ça va se
faire tout seul car il n’est pas évident de déterrer une
racine en entier, tellement elles sont bien enfoncées en
terre.

J’espère que cet article vous aura fait envie de profiter


des trésors cachés dans la terre en hiver. Merci de
m’avoir lu. N’hésitez pas à me partager en commentaire
ce que vous trouvez comme plantes comestibles chez
vous à cette époque.

A la semaine prochaine pour découvrir une nouvelle


plante !

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