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Le gaillet gratteron – ou

comment manger du velcro

Sans forcément connaître son nom, je suis certaine que


vous connaissez le gaillet gratteron. Vous avez sûrement
déjà fait l’expérience de rentrer chez vous après une
promenade dans la nature et de découvrir, accrochées
aux lacets de vos chaussures, aux chaussettes et au
pantalon, plein de petites boules brunes… Un quart
d’heure de dépiautage pour retirer tout ce bazar ! Il y a
des chances que vous venez de faire une récolte de fruits
de gaillet gratteron…

Vous voyez, cette plante qui, quand vous la jetez dans le


dos de quelqu’un, reste accrochée à ses vêtements.
Votre ami peut faire des kilomètres sans s’apercevoir qu’il
se balade avec de la salade dans le dos

. De la salade ?! Bah oui, il s’agit encore d’une de ces


plantes que l’on connaît et dont on ne se doutait pas
qu’elle se mangeait ! Jeune en tout cas. Et les graines que
vous avez récoltées sur vos chaussettes, vous pouvez les
garder pour en faire du café !

Mais doucement… Tout ce qui est “boire et manger”, j’y


reviens plus tard. Soyons déjà sûrs de quelle plante on
parle.

Jeunes pousses de gaillet gratteron


Un gaillet très commun
Le gaillet gratteron (Galium aparine) est une plante
très commune. Dans mon département, le Loiret, elle fait
partie des trois plantes les plus communes. La plante
est annuelle, ce qui veut dire qu’elle accomplit son cycle
de végétation (germination, croissance, floraison,
fructification) dans la même année et meurt à la fin de
cette même année.

La racine est très courte mais les tiges carrées à 4


angles peuvent atteindre 1,50 mètres de haut. Pour
cela elles s’appuient sur la végétation autour. Les tiges
sont molles (on peut facilement les manipuler) mais rudes
au toucher car sur les angles elles sont recouvertes de
petits aiguillons recourbés. Ce sont ces aiguillons qui
permettent au gaillet gratteron de s’accrocher aux
vêtements et aux poils des animaux et faisant “velcro”.

Les feuilles aussi sont bordées de ces aiguillons. Elles


ont une forme ovale – lancéolée et sont pourvues, à leur
extrémité, d’une petite pointe appelée mucron. On
parle alors de feuilles mucronées. Les feuilles sont
verticillées par 6 à 9, autrement dit, elles sont réunies
par 6 à 9 en cercle autour de la tige.

Je suis étonnée à quelle vitesse cette petite plante peut


créer de la biomasse. Au printemps on peut quasiment
l’observer pousser ! Vous voyez le gratteron sortir de
terre et quand vous revenez quelques jours plus tard il a
déjà formé comme une haie gracile, en s’appuyant sur la
végétation alentour.

Les fleurs, que l’on peut observer entre mai et septembre,


sont très petites. Elles ont 4 pétales blancs pointus qui
sont soudés à la base. Partant de l’aisselle des feuilles,
les fleurs sont réunies en toutes petites grappes.

Galium aparine, feuilles, fleur, fruit – photo Magnus


Hagdorn

Pour voir ma petite vidéo sur le gaillet gratteron, c’est par


ici.

Le “velcro” – stratégie de
dissémination du gaillet gratteron
Un peu plus tard se forment les fruits. Ils sont constitués
de deux parties globuleuses collées ensemble (on dirait
deux boules siamoises), couvertes de poils crochus. Les
deux sphères sont vertes et les poils rougeâtres. Les
botanistes appellent ces fruits des doubles akènes. Un
akène étant un fruit sec qui a la particularité de ne pas
s’ouvrir à maturité et qui ne referme qu’une seule graine,
celle ci n’étant pas adhérente à son enveloppe. Mais vous
pouvez juste retenir les boules siamoises si vous
préférez… !

D’être recouvert de poils crochus fait partie d’une


stratégie qui a pour but de se faire “emmener en voyage”
par tout promeneur ou bestiole qui passe. De cette
manière, la plante (qui, comme on le disait, est annuelle et
ne compte pas sur ses très courtes et fines racines pour
se reproduire) est disséminée dans toutes les
directions. Bien sûr, il y a aussi des fruits qui tombent et
qui germeront au printemps suivant (voire des années
plus tard) pour accomplir un nouveau cycle.

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Une plante produirait jusqu’à 200 double akènes. Donc


pas étonnant que ce soit une plante commune !

Cousin du café
Le gaillet gratteron fait partie de la famille des Rubiacées
qui est une très grande famille botanique qui comporte
énormément de plantes tropicales. Sous nos contrées on
compte parmi elle le genre Galium – avec le gaillet
blanc, le gaillet jaune, le gaillet croisette et l’aspérule
odorante – ainsi que la garance voyageuse (Rubia
peregrina). La rubiacée la plus connue est… le café !

Le nom d’espèce “aparine”, viendrait du grec aparinê qui


signifie “agripper”. Plusieurs noms vernaculaires
reflètent aussi le caractère accrocheur de la plante :
gaillet accrochant, prend-main, gratte langue, herbe
collante, traînasse… Chaque région donne son petit nom
à cette plante attachante.

Gaillet gratteron, amoureux des


nitrates
Le gratteron pousse dans des sols riches en nitrates,
dans les lisières forestières, les friches, les haies, les
jardins et les cultures. D’après Ph. Jauzien (Flore des
champs cultivés), il serait la mauvaise herbe à fleurs la
plus nuisible aux cultures de céréales. Sa présence
pourrait réduire la récolte de 30 à 60 pourcent. Pas
étonnant qu’il aime les cultures quand on sait que le gaillet
gratteron est une plante indicatrice d’excès d’azote
d’origine minérale… (Gérard Ducerf, Encyclopédie des
plantes bio-indicatrices, volume 1)

Mais, comme je vous le disais dans mon article sur le


pissenlit, la plante est symptôme et remède à la fois : le
gaillet gratteron indique la présence d’azote et élimine
l’azote dans le sol.

Bienfaits pour l’humain


Et – chose étonnante – il fait la même chose dans le corps
humain ! Il aide à éliminer l’urée dans les reins. Le gaillet
gratteron est également connu pour ses propriétés
diurétiques (= entraîne une augmentation de la sécrétion
urinaire). Il est utilisé en cas de calculs rénaux et
maladies des reins.

On utilise aussi le gaillet gratteron pour soulager les


ulcères, comme sudorifique, dépuratif et pour stimuler
la circulation lymphatique.

Un cataplasme de feuilles fraîches pilées posé sur une


blessure pourrait arrêter l’hémorragie.

Utilisation millénaire
Ce qui est clair c’est que le gaillet gratteron est connu
depuis longtemps. Diocoride, médecin, pharmacologue
et botaniste grec qui a vécu tout au début du 1er
millénaire (il serait mort vers 90 ap J C) parle déjà de lui
dans ses textes. Il y explique comment les bergers se
servent des tiges du gaillet gratteron pour filtrer le lait.
Ils lient les tiges en faisceau et versent le lait à travers.

Comment manger le gaillet gratteron ?


Les jeunes feuilles et pousses peuvent s’employer crus
en salade. Plus elles sont “vieilles”, plus les petits poils
crochus sont raides et grattent la langue. Donc plus les
feuilles sont jeunes mieux c’est. Sinon on peut y
remédier en préparant une sauce épaisse. Mais on peut
également extraire le jus ou préparer des smoothies
verts en mixant les pousses. Dans ce cas, pas de
problème avec les poils crochus et une bonne dose de
vitamines assurée ! Le goût neutre de la plante se prête
à un mélange avec de nombreux légumes ou fruits.

Cuits, les feuilles et pointes peuvent entrer dans la


composition de nombreux plats : on peut les manger
telles quelles avec une sauce ou un filet d’huile, en
farce, gratin, omelette, soupe, quiche…

Les fleurs se mangent également. Difficiles à cueillir


seules car très petites, vous pouvez cueillir un brin fleuri
et l’utiliser pour décorer vos plats.

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Succédané de café
En septembre-octobre, quand les fruits sont encore
verts mais commencent à brunir c’est le moment de
récolter les petites “boules siamoises”. C’est assez
laborieux parce qu’elles sont petites mais il paraît que ça
vaut le coût de s’en préparer un succédané de café.
Comme pour son cousin le café, on fait rôtir les
“graines” (oui, je sais que vous savez que ce sont des
doubles akènes…) à la poêle ou au four, on les écrase et
on verse de l’eau bouillante. Je n’ai pas encore
expérimenté cette boisson car cette année j’ai raté le bon
moment de récolte. Mais, promis, je vous en parlerai
quand ça sera fait !

Présent toute l’année


Je peux vous parler, par contre, de ma recette inventée
exprès pour vous ! J’ai utilisé pour cela les jeunes
pousses de décembre. C’est en octobre que j’avais vu
sortir de terre des tapis entiers de gaillet gratteron en
germination. Les tiges ont maintenant 40 à 50cm de
longueur et je cueille juste les pointes, environ 5 cm à
l’extrémité de la tige. Même après une nuit de gèle, les
gaillets restent vaillants. Le matin ils sont entièrement
givrés, durs et cassants. Mais une fois la température
remontée au dessus de zéro ils sont repartis comme si de
rien était. Sacrée nature…!

Gaillet gratteron givré en décembre

Voici donc mon inspiration de la semaine.

Tagliatelles de carottes et persil racine


au gaillet gratteron
Ingrédients pour 2 personnes
1 bol de jeunes pointes de gaillet gratteron
2 carottes
2 petites racines de persil (aussi appelé persil
tubéreux)
1 petit oignon rouge
1 cuillerée à soupe de vinaigre balsamique
1 cuillerée à soupe d’huile de colza
1 cuillerée à soupe d’huile d’olive
sel aux herbes

Préparation
Eplucher les légumes. A l’aide d’un économe, couper des
lamelles de carotte et de persil racine en faisant le même
geste que pour l’épluchage.
Placer les lamelles dans le panier du cuit vapeur et faire
cuire 2 minutes. (L’avantage de ce genre de cuit-vapeur
c’est qu’il préserve les vitamines, d’autant plus que la
cuisson est courte.) Retirer le panier d’au dessus de l’eau
chaude pour stopper la cuisson.

Préparer la sauce en mélangeant le vinaigre et les huiles


avec le sel et une bonne cuillerée à soupe d’oignon rouge
haché.
Laver et essorer le gaillet gratteron et le hacher
grossièrement. (Garder deux pointes entières pour la
décoration.)
Mélanger les “tagliatelles” de carotte et de persil racine
avec le gaillet gratteron. Placer les légumes au centre de
deux belles assiettes. Verser la sauce. Décorer avec des
rondelles d’oignon rouge et les pointes de gaillet.
C’est une entrée à goût frais et revigorant. Mon mari a
fait “hmmm !” quand il a pris la première bouchée. C’est
bon signe car il ne se gêne pas de faire la grimace quand
un plat ne lui plaît pas…

Pour trouver le persil racine, il faut chercher sur les


marchés de producteurs ou dans les magasins bio.
Cette variété est remise au goût du jour et cultivée de plus
en plus par des maraîchers qui aiment la diversité. Son
goût est entre la carotte et le céleri, sa douceur et sa
texture le rapprochent du panais, auquel la racine
ressemble énormément.

J’espère que cet article vous aura donné envie de


cuisiner le gaillet gratteron que l’on croise bien
couramment lors des promenades en nature. Attention à
ne pas vous gratter la langue ou la gorge, ramassez bien
des pousses jeunes ou alors hachez-les ou cuisez-les. Et
si vous avez déjà préparé un “café” de gaillet
gratteron, faites-moi part de votre expérience en
commentaire !

A la semaine prochaine pour une nouvelle découverte !

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