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Le lierre terrestre – lutin

protecteur et aromate
Ce soir je me suis installée auprès du feu de cheminée
pour vous raconter l’histoire du lierre terrestre et de
ses secrets qui remontent à il y a trèèèès longtemps.
Dehors il fait froid mais les feuilles de notre petit lutin
protecteur poussent toujours. Elles m’ont permises de
préparer une infusion qui, j’espère, m’aidera à chasser la
toux que je sens arriver… Demain j’attends des invités et
j’ai mis de côté quelques feuilles de lierre terrestre pour
confectionner des bouchées apéritives. Je vous en
parlerai plus loin dans l’article.
Glechoma hederacea, tige florifère – photo Jac. Janssen

Description du lierre terrestre


Avant de vous raconter l’histoire je vais vous décrire la
plante pour que vous sachiez de “qui” on parle. Le lierre
terrestre (Glechoma hederacea) est une plante dont les
tiges carrées sont couchées au sol. Elles forment des
radicelles aux intersections des feuilles dès qu’elles
touchent la terre et hop… s’enracinent pour s’étaler en
tapis. C’est cela qui lui a donné le nom de lierre terrestre
car il court au sol comme le lierre grimpe aux arbres.
Donc surtout ne le confondez pas avec lierre grimpant
(Hedera helix) qui appartient à une toute autre famille
botanique (les araliacées) et qui est toxique.

Au printemps, notre lierre terrestre développe, en partant


des tiges couchées au sol, des tiges florifères qui se
dressent jusqu’à 20 – 30 cm de hauteur sans se ramifier.
Elles sont légèrement velues. Les feuilles sont opposées,
réniformes ou cordiformes, crénelées et souvent
luisantes. Les feuilles basales (celles que l’on voit toute
l’année) sont plus rondes que celles qui poussent sur les
tiges florales. La couleur des feuilles varie en fonction de
l’endroit et, d’après mes observations, l’ensoleillement.
Dans les endroits les plus ensoleillés, on voit souvent des
feuilles tirant vers le violet, surtout au sommet de la tige.
Les feuilles basales qui sont présentes toute l’année sont
souvent d’un vert foncé, tirant vers le bleu (on parle de
feuilles “glauques”).

Les fleurs se développent, groupées par 2 ou 3, à


l’aisselle des feuilles et “regardent” toutes du même
côté. Elles sont de couleur mauve à violet, tachetées de
pourpre. Ce sont des fleurs à deux lèvres qui
ressemblent à celles du romarin ou de la sauge. Elles font
partie de la même famille botanique des lamiacées.
Quand vous regardez les fleurs de près, vous pouvez
aisément imaginer une poupée avec sa tête (la lèvre
supérieure), ses deux bras et son manteau (la lèvre
inférieure).

Fleur de lierre terrestre – photo Tico

Un parfum dont on se souvient


Mais surtout, quand vous tombez sur le lierre terrestre,
vous allez découvrir (et par la suite reconnaître) son
parfum caractéristique. Il est très aromatique, un peu
mentholé voire citronné tout en étant âpre et boisé. La
fleur a ce même goût mais en beaucoup plus délicat et
avec une note sucrée. Ce n’est pas évident de décrire les
parfums, mais celui-ci, une fois que vous avez celui-là
dans le nez, vous ne l’oubliez pas. Il m’arrive de me
promener et de sentir la présence du lierre terrestre
même avant de le voir, tellement il dégage de parfum dès
que l’on marche dessus. Comme pour beaucoup de
plantes de cette famille ce sont les huiles essentielles
qui font du lierre terrestre une plante aromatique et en
même temps thérapeutique. Et cela lui a valu d’être
connu et aimé depuis très longtemps et d’entrer dans la
composition de nombreux plats et remèdes .

Faisons un petit voyage dans le


temps…
A l’époque pré-chrétienne, au temps des germains, nos
lointains ancêtres se retrouvaient, un jour bien précis de
printemps, pour célébrer un culte sacré. Ils se
retrouvaient dans la nature, récoltaient des herbes
sauvages – dont le lierre terrestre – et se rassemblaient
pour préparer la “soupe aux neuf herbes”. Ils célébraient
les forces vitales et vivifiantes de la nature et tentaient
d’entrer en harmonie avec les dieux.

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Ce culte s’est prolongé jusqu’à notre ère, à travers la


coutume, présente en Alsace, en Allemagne et dans les
pays de l’Est de l’Europe, de manger des épinards ou
d’autres légumes verts le jeudi saint (“jeudi vert”). Les
chrétiens célèbrent ce jour là le dernier souper avec le
Christ. (Ce n’est d’ailleurs pas le seul jour de fête païen
que les chrétiens ont repris pour le transformer en fête
chrétienne).
Lierre terrestre – plante protectrice
Le lierre terrestre poussait à proximité des habitations
comme il le fait souvent aujourd’hui. On le trouve en lisière
des forêts, dans les clairières, au bord des chemins, sur
des terrains vagues, dans les cultures et au fond du jardin,
là où il trouve de la fraîcheur et une demi-ombre. De par
sa proximité, nos ancêtres le considéraient comme
gardien des maisons, bon esprit de la ferme et lutin
protecteur qui venait en aide en cas de besoin. Il était
utilisé pour conjurer des mauvais sorts à l’aide
d’incantations lors desquelles on le manipulait. Avec un
bouquet de lierre terrestre on bénissait des personnes,
des lieux et on éloignait les maladies. Par exemple, pour
protéger les vaches et s’assurer une lactation abondante,
on versait le lait à travers une couronne de lierre terrestre.

J’ai fait le tour de mon terrain à la recherche des petits


lutins et je les ai trouvés “en poste” dans deux zones : sur
le talus côté nord et dans un endroit semi-ombragé
proche du canal. Je peux dormir tranquille, ma maison
est bien protégée…
Feuilles (basales) de lierre terrestre en automne

Jours de fête et de cueillette


Les anciens avaient observé, que certains jours de
l’année, les plantes avaient un lien particulier avec les
forces cosmiques. C’était le cas du jeudi saint (le jeudi
avant Pâques), du solstice d’été (fêtes de la saint Jean),
de l’Assomption le 15 août et de la Nativité de Marie le
8 septembre. Lors de ces journées-là, les pouvoirs de
guérison des plantes étaient estimés comme
particulièrement forts. Le lierre terrestre, fraîchement
cueilli, ne devait alors manquer dans aucune « soupe aux
neuf herbes » du jeudi saint.

En humant le parfum d’une feuille, j’aime imaginer les


habitants de l’époque : ils sont réunis autour de la
marmite où cuit la soupe faite des plantes les plus
puissantes du printemps. Je les vois fêter le renouveau
(neuf = nouveau) après l’hiver, danser toute la nuit et
porter des couronnes de lierre terrestre – pour symboliser
le lien avec les dieux et les forces de la nature

Quels étaient les autres plantes utilisées dans la


soupe aux neuf herbes ? Les détails ne nous sont pas
transmis. Mais comme pour de nombreuses recettes, je
suppose que chaque région avait la sienne selon les
plantes trouvées sur place. L’ortie, le plantain et le
pissenlit devaient bien en faire partie…

Lierre terrestre – plante médicinale


Avez-vous déjà entendu parler du lierre terrestre comme
plante médicinale ? De nos jours, son utilisation est
presque tombée dans l’oubli. Pourtant, il a de
nombreuses vertus qui valent la peine d’être connus.
J’en ai trouvé tellement dans les différents livres que j’ai
dû en faire la liste sur une page blanche pour m’y
retrouver… Ce que j’en retiens après avoir fait le tri à ma
façon c’est :

en application externe (sur la peau) un emploi en tant


que vulnéraire (ce qui veut dire qu’il soigne les plaies
et les blessures) sous forme de jus frais, alcoolature
(macération de la plante dans de l’alcool) et huile
(macération de la plante dans de l’huile).

En interne il y a surtout :

l’emploi en cas d’affections de la sphère ORL


(angine, rhume, bronchite…) pour ses vertus
expectorantes
l’emploi en cas d’affections urinaires (cystite,
calculs rénaux…)

Il aiderait particulièrement dans le cas de

maladies chroniques et répétitives et


toutes les maladies qui entraînent des glaires et
du pus.

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Et ce n’est pas fini… ! J’ai aussi trouvé qu’il aurait une


action :
ré-équilibrante sur le métabolisme,
stomachique (favorise le fonctionnement de
l’estomac),
tonique,
antibiotique,
anti-inflammatoire,
anti-douleur,
astringent,
utile dans les intoxications aux métaux (aluminium,
zinc, cuivre, plomb).

Si on n’est pas bien servi avec tout ça !! Du coup, je me


suis préparée une deuxième tisane et j’ai aromatisé ma
soupe au lierre terrestre ce soir…

Bon, on est bien d’accord c’est valable pour nos petits ou


grands bobos d’humains. Par contre, pour les chevaux
notre plante magique n’est pas indiquée du tout (sauf en
usage externe pour soigner des plaies). Elle a des effets
toxiques sur ces nobles bêtes qui risqueraient de se
retrouver à quatre pattes…

Alors comment utilise-t-on le lierre


terrestre en cuisine ?
Il faut le considérer comme une plante aromatique plutôt
que comme un légume. En effet son arôme devient trop
fort quand on l’emploie en trop grande quantité. On
l’utilise avec modération dans des sauces, des pistous,
du fromage blanc, du beurre aux herbes, des
vinaigrettes, pour aromatiser des viandes, des
poissons, des salades, des céréales et bien-sûr des
soupes.

Mon pistou au lierre terrestre, avec des noisettes, de


l’huile d’olive et de l’ail a toujours eu beaucoup de
succès. Au printemps, dans mon premier restaurant en
Sologne, je décorais souvent mes assiettes avec un
brin de lierre terrestre. Pour cela je faisais ma cueillette
le matin, je lavais mes brins fleuris et je les réservais au
frais dans une boite fermée. Comme ça j’avais ma
décoration de prête pour plusieurs jours.

D’après Gérard Ducerf, auteur de l’encyclopédie des


plantes bio-indicatrices, les crèmes dessert vanille-
lierre terrestre sont sublimes ! Je veux bien le croire ! On
peut aussi en faire des sorbets ou des glaces… Pour ces
dernières on fait infuser la plante dans du lait. Au moyen
âge, le lierre terrestre a servi à aromatiser la bière tout
en l’aidant à mieux se conserver. On s’en sert aussi pour
aromatiser les vins doux, l’eau de vie et les liqueurs.

Pour l’apéritif avec mes invités, j’ai préparé cette recette


simple qui va faire son petit effet visuel, et gustatif !

Boules de chèvre au lierre terrestre


Ingrédients

35 à 40 feuilles de lierre terrestre


1 fromage de chèvre frais
2 cuillerées à soupe d’huile d’olive
poivre
3 cuillerées à soupe de sésame
quelques fleurs séchées de mauve (ou de soucis, de
bleuet…)

Préparation

Laver et hacher le lierre terrestre.

Dans un bol, mélanger le fromage frais, l’huile d’olive, le


lierre terrestre haché et une pincée de poivre.
Former des boules en roulant une cuillerée du mélange
entre les paumes de la main.
Verser le sésame au fond d’une assiette. Détacher les
fleurs de mauve de leur calice vert et casser les pétales.
Parsemer au fond d’une assiette.

Rouler la moitié des boules de fromage dans le sésame et


la moitié dans les fleurs de mauve.
Servir en apéritif.
Faites vos expériences
Je préfère, encore une fois, vous donner une recette
simple qui vous permettra plus facilement de mettre en
pratique chez vous au lieu de vous assommer avec
quelque chose de trop élaboré. Mon conseil : dès que
vous avez identifié une plante comestible avec
certitude (par exemple après une balade commentée sur
le terrain), démarrez vos expériences culinaires. Cela
vous familiarisera encore plus avec la plante, son aspect,
sa texture, son parfum. N’attendez pas “une autre fois”.
Vous ne serez peut-être plus sûr-e de vous à ce moment-
là.

Cet article vous a plu ? Mettrez-moi votre avis en


commentaire !

Pour ma part, je vais remettre une bûche sur le feu,


remercier mes petits lutins d’être là et aller me coucher.

A la semaine prochaine pour une nouvelle découverte


d’une petite merveille de la nature !

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